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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 295

Le lundi 3 juin 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le lundi 3 juin 2019

La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, ce matin, des femmes, autochtones et non autochtones, ainsi que plusieurs autres Canadiens se sont rassemblés au Musée de l’histoire pour assister à la présentation du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, intitulé Réclamer notre pouvoir et notre place.

Le rapport révèle que la cause profonde des taux renversants de violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQQIA autochtones, ce sont les violations persistantes et délibérées des droits de la personne et des droits des Autochtones qu’elles ont subies par le passé et qu’elles continuent de subir encore aujourd’hui.

Pourquoi est-ce important? Je pense que c’est une question pertinente. Tout d’abord, la GRC estime qu’environ 1 200 femmes autochtones ont été assassinées ou portées disparues. Toutefois, selon le rapport de l’enquête nationale, il pourrait facilement y en avoir plusieurs milliers d’autres.

Il est évident que, au Canada, le nombre de femmes autochtones qui ont été portées disparues ou assassinées au fil des ans est bien supérieur à celui des femmes non autochtones qui ont connu le même sort.

Autrefois, quelle était la situation des femmes autochtones au Canada? Le rapport traite notamment du rôle que jouaient les femmes autochtones. Dans les sociétés autochtones, les femmes étaient généralement traitées sur un pied d’égalité avec les hommes et elles avaient un rôle important à jouer dans les gouvernements autochtones.

Pourquoi cela a-t-il changé? Comment cela a-t-il changé? Ces questions méritent qu’on s’y arrête. Essentiellement, les choses ont changé parce que, depuis la Confédération, les gouvernements canadiens manquent de respect envers les Autochtones. On a adopté des lois dépouillant les femmes autochtones de leur place au sein des gouvernements, et des termes dégradants à leur égard.

Par conséquent, il faut amorcer des discussions sur les questions liées aux femmes autochtones dans des termes respectueux à leur endroit. Le langage de l’assimilation employé au Canada est un langage violent. Des expressions comme « tuer l’Indien et sauver l’homme; tuer l’Indien dans l’enfant; il n’y a qu’un bon Indien, l’Indien qui est mort » sont des expressions courantes que nous avons tous entendues au cours de notre vie.

Un mot autrefois utilisé avec fierté, le mot « esqua », qui veut dire « femme » en langues autochtones, a fini par être utilisé autrement et on entend souvent maintenant « sale squaw » dans bien des communautés.

La violence fait partie de notre relation depuis des générations — la violence verbale, émotionnelle, psychologique et physique. Notre société doit mettre un terme à cette violence.

Gardez cela à l’esprit, chers collègues, quand nous commencerons à discuter ici et là de la signification de ce rapport et quand nous nous rassemblerons et passerons du temps ensemble dans cette enceinte. Nous nous devons de reconnaître qu’en tant que leaders, nous avons la responsabilité de changer le langage employé — de changer la façon dont nous nous parlons et dont les membres de la société canadienne se parlent. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jade Fletcher et de Jacob Dupuis-Latour. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Boyer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Peter Hynes

Félicitations pour sa performance aux Jeux olympiques spéciaux

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je vous présente aujourd’hui le chapitre 60 de « Notre histoire ».

Chers collègues, j’ai l’honneur de vous parler cet après-midi d’un autre jeune formidable de Terre-Neuve-et-Labrador. Peter Hynes est l’un des 109 membres de l’équipe canadienne qui a fièrement participé aux Jeux olympiques spéciaux mondiaux de 2019, tenus du 14 au 21 mars à Abou Dabi.

Peter n’a que 15 ans. Il vient de Jerseyside dans la ville de Placentia. L’équipe des Jeux olympiques spéciaux Placentia Lions a été formée il y a quelques années, en 2015. Peter en fait partie depuis trois ans. Il a participé pour la première fois aux Jeux provinciaux en 2017 et a remporté depuis plusieurs médailles aux niveaux provincial et national. Peter pratique l’athlétisme, le soccer, le basketball, le boccia et la natation. Il affirme que les Jeux olympiques spéciaux l’ont aidé à courir plus vite, à sauter plus haut et à lancer plus loin.

Ce jeune homme a obtenu une place dans l’équipe d’athlétisme du Canada à la suite de sa performance aux Jeux olympiques spéciaux d’été tenus en août dernier à Antigonish, en Nouvelle-Écosse. Peter est le seul athlète à avoir représenté Terre-Neuve-et-Labrador aux Jeux mondiaux de cette année.

Trish Williams, qui est la directrice générale de la section de Terre-Neuve-et-Labrador des Jeux olympiques spéciaux, a affirmé que l’organisme était très fier et très heureux que Peter puisse participer aux Jeux mondiaux. Mme Williams a ajouté ce qui suit : « Les Jeux mondiaux sont importants, car ils attirent l’attention sur les talents et les capacités des personnes ayant une déficience intellectuelle, ce qui contribue à changer les attitudes et à supprimer les barrières qui les empêchent parfois d’être des membres à part entière de la collectivité. »

Le 16 mars dernier, Peter a compétitionné à l’épreuve du mini-javelot, dans la catégorie M01, et a remporté la médaille de bronze pour Équipe Canada. Il s’est ensuite classé cinquième à la course de 100 mètres. Plus tard, Peter a dit : « Je me suis senti extrêmement bien. Je suis fier de moi. » Il a bien raison de l’être. Les parents de Peter, Rod et Jane Hynes, sont extrêmement fiers de l’extraordinaire réussite de leur fils. Ils méritent des félicitations pour leur appui indéfectible envers Peter et le programme des Jeux olympiques spéciaux. Rod, qui est l’un des entraîneurs de l’équipe dont fait partie Peter à Placentia, a affirmé que la participation aux Jeux mondiaux s’est révélée une expérience très enrichissante pour Peter et sa famille.

Après un mois mouvementé à Abou Dhabi et à Dubaï, Peter a pu rentrer chez lui la tête haute avec une médaille olympique de bronze. À son retour à Terre-Neuve-et-Labrador, sa ville, Placentia, l’a accueilli en héros. Une escorte motorisée l’a accompagné jusqu’à l’hôtel de ville, où une réception a été organisée en son honneur. Le jeune garçon de Placentia s’est démarqué sur la scène internationale et a fait la fierté de sa ville, de sa province et du pays tout entier. C’était l’occasion de célébrer ses efforts exceptionnels et son dévouement, mais surtout, de célébrer l’inclusion.

Peter a montré à tout le monde qu’on peut tout faire si on s’y consacre corps et âme et si on croit en soi. Je tiens à féliciter les parents de Peter, ses entraîneurs ainsi que tous ceux qui ont contribué à cette réussite des plus inspirantes. Je salue plus particulièrement les efforts exceptionnels que le comité des Jeux olympiques spéciaux de Terre-Neuve-et-Labrador a déployés afin d’aider Peter et bien d’autres personnes.

À son retour à l’école, Peter a dit qu’il compte poursuivre son entraînement et rester en santé. Je crois que nous n’avons pas fini d’entendre parler de ce Ténelien champion des Jeux olympiques spéciaux. Je félicite Peter Hynes de son excellent travail. Merci.

Des voix : Bravo!

(1810)

Le massacre de la place Tiananmen

Le trentième anniversaire

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, aujourd’hui et demain ne doivent jamais être oubliés. Je suis à ce jour toujours hanté par les événements survenus à Pékin, en Chine, il y a 30 ans.

Comme j’arrivais sur les lieux du massacre qui se déroulait sur la place Tiananmen, sur l’avenue Chang’an, à Pékin, quelqu’un dans l’ombre m’a demandé : « Racontez au monde entier ce qui se passe ici. »

Je n’ai jamais revu cette personne, mais, lorsqu’on a été témoin de l’histoire et qu’on a vu avec horreur des jeunes mourir, il est important de continuer à raconter au monde entier ce qu’un gouvernement a fait subir à son peuple.

J’étais correspondant à Pékin pour CTV News. L’année 1989 restera gravée à jamais dans ma mémoire. Rien n’effacera ce que d’autres journalistes et moi avons vu les 3 et 4 juin.

Le 3 juin, tous les espoirs n’étaient pas encore perdus lorsque les troupes sont arrivées dans les rues de Pékin. Les habitants de la ville avaient même donné de la nourriture à certains soldats. Une rumeur courait quant à la dissidence au sein de l’armée — tous les militaires n’appuyaient pas une répression brutale.

Pendant le printemps de Pékin, des millions de gens étaient venus soutenir les étudiants et le mouvement prodémocratie. Quelques jours avant le massacre, j’avais vu une marée humaine s’étendant à perte de vue formée de gens de tous les milieux venus marcher vers la place Tiananmen. Un vent de liberté soufflait sur la ville.

Or, dans le palais de l’Assemblée du peuple, les modérés du Parti communiste perdaient la bataille contre les tenants de la ligne dure. L’armée a reçu ses ordres.

Vous ne pouvez pas imaginer, honorables sénateurs, à quel point c’est difficile de voir les gens autour de soi mourir — certains renversés par les chars d’assaut, d’autres abattus par balle pendant qu’ils essayaient de se mettre en sûreté. Vous ne pouvez pas imaginer le chaos qui régnait dans cet hôpital de Pékin où les médecins voyaient aux blessés pendant qu’on entassait les corps dans une pièce. Des centaines de personnes sont mortes cette nuit-là.

Aujourd’hui, en Chine, plus rien ne subsiste de ce triste épisode. Le régime totalitaire du Parti communiste a effacé ce massacre de l’histoire nationale. C’est ce même régime qui opprime des milliers d’Ouïghours, qui muselle les Tibétains et qui envoie croupir en prison quiconque ose contester son autorité.

À Hong Kong, tout le monde est aux aguets et regarde le Big Brother pékinois étouffer la démocratie à petit feu.

Honorables sénateurs, je vous rappelle que c’est aussi le Parti communiste de Chine qui détient illégalement deux Canadiens. Les choses auraient été tellement différentes si les modérés avaient eu le dessus il y a 30 ans, mais l’histoire en a voulu autrement.

La Chine est devenue une force économique dominante dans le monde, mais à quel prix? Celui des droits, des droits de la personne.

Écoutons les mots de Wang Dan, un des leaders étudiants qui vit désormais aux États-Unis. Voici ce qu’il a écrit dans le New York Times :

[...] je l’ai payé très cher. En plus d’avoir passé la majeure partie de ma jeunesse en prison, je ne peux plus retourner dans mon pays d’origine, où vivent encore mes parents. Pourtant, aussi difficile que soit la situation, je ne regrette aucun de mes choix.

Honorables sénateurs, nous vivons dans une société où nous pouvons faire entendre notre voix. Prenez un instant pour honorer la mémoire de ceux dont la voix a été étouffée par une fatidique nuit de juin à Pékin.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’Eid ul-Fitr

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, l’Eid ul-Fitr, aussi appelé le festival de la fin du jeûne, commencera demain.

C’est une importante fête religieuse qui est célébrée par les musulmans au Canada et partout dans le monde. Elle marque la fin du ramadan, le saint mois du jeûne chez les musulmans.

Au cours du dernier mois, les familles et les amis musulmans ont jeûné pendant le jour et mangé en soirée. Les pratiquants ont mangé le suhoor, qui est le repas précédant l’aube, et l’iftar, qui est le repas servi après le coucher du soleil. En général, les deux repas incluent des fruits frais, des légumes, de la viande halal, du pain, du fromage et des aliments sucrés.

Le jeûne pendant le ramadan est l’un des cinq piliers de l’islam. Ces piliers, ou ces devoirs, définissent la pratique de la religion musulmane.

Chers collègues, le ramadan est un temps de prière, d’introspection spirituelle, de resserrement des liens avec ses proches et d’actes pour redonner à sa communauté.

Le ramadan est aussi une occasion de célébrer les communautés musulmanes et les apports importants qu’elles ont faits et continuent de faire, au Canada et à l’étranger.

Dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, la communauté musulmane locale a récemment organisé un iftar invitant des membres éminents de la société à participer aux célébrations du mois saint.

Les politiciens, les agents de la paix, les journalistes, les membres de la communauté autochtone et d’autres invités ont pu visiter la mosquée locale et en apprendre davantage sur les principes du ramadan et sa signification pour la communauté musulmane.

Honorables sénateurs, ce n’est là qu’un seul exemple de la façon dont la communauté tend la main à ses concitoyens pour mettre en valeur une confession qui adhère aux idéaux de la paix, de la bienveillance et de la générosité d’esprit.

Dans un monde perturbé et de plus en plus divisé, les extrémistes se servent de la religion pour justifier leurs actes de terrorisme et leurs crimes haineux. Le musulman pacifique moyen condamne ces horreurs et ces comportements pervers.

Les musulmans de ma province font partie d’une vaste coalition interconfessionnelle qui fait valoir les efforts pancommunautaires en vue d’aider les personnes dans le besoin. La collaboration et l’éducation aident à éradiquer les malentendus qui se produisent et favorisent l’unité et la force.

J’espère que tous ceux qui ont observé ce mois sacré ont connu un heureux et paisible ramadan. Au nom de mes collègues musulmanes, les sénatrices Ataullahjan et Jaffer, ainsi qu’au nom de tous les sénateurs, je souhaite Aïd Moubarak à tous ceux qui ont célébré le ramadan.

Merci, meegwetch.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique

Dépôt du rapport annuel de 2018-2019

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique sur l’exécution de ses responsabilités et fonctions en vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts en rapport avec les titulaires de charge publique, pour l’exercice terminé le 31 mars 2019, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985,ch. P-1, al. 90(1)b).

L’ombudsman des victimes d’actes criminels

Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2016-2017 du Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels

[Traduction]

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Présentation du dix-septième rapport du Comité des transports et des communications

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui porte sur le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

(Le texte du rapport figure à l’annexe des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4911-4922.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Sénat

La Loi sur l’abrogation des lois—Préavis de motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :

1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33 (2e suppl.) :

-Parties II et III;

2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants dans l’annexe : articles 1, 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9 à 12, 14 et 16) et 85;

3.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

4.Loi sur le précontrôle, L.C. 1999, ch. 20 :

-article 37;

5.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;

6.Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

7.Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 :

-article 45;

8.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;

9.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;

10.Loi sur la procréation assistée, L.C. 2004, ch. 2 :

-articles 12 et 45 à 58;

11.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :

-partie 18 à l’exception de l’article 125;

12.Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005, ch. 54 :

-paragraphe 27(2), article 102, paragraphes 166(2), 239(2), 322(2) et 392(2);

13.Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives, L.C. 2007, ch. 6 :

-article 28, paragraphes 30(1) et (3), 88(1) et (3) et164(1) et (3)et article 362;

14.Loi d’exécution du budget de 2008, L.C. 2008, ch. 28 :

-articles 150 et 162;

15.Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2 :

-articles 394, 399, et 401 à 404;

16.Loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, L.C. 2009, ch. 7 :

-articles 1 à 3;

17.Loi modifiant la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses, L.C. 2009, ch. 9 :

-article 5.

(1820)

[Traduction]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 5 juin 2019, à 14 h 30, aux fins de son étude du projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le patrimoine canadien

Le groupe d’experts chargé des médias

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur la présence du groupe Unifor au sein du groupe d’experts qui contribuera à déterminer quels organes d’information recevront une partie du fonds de renflouement des médias d’un demi-milliard de dollars d’argent public.

Depuis que le gouvernement a désigné Unifor comme membre du groupe, son parti-pris anti-conservateur ne cesse de croître ouvertement. Par exemple, dans un interview accordé la semaine dernière, on demandait à Jerry Dias, le président d’Unifor, s’il allait adoucir sa campagne contre les conservateurs et Andrew Scheer. Voici quelle a été sa réponse :

Je vais probablement la durcir. Il m’a vraiment irrité ces derniers jours.

Sénateur Harder, Unifor ne devrait pas faire partie d’un groupe que le gouvernement prétend juste et indépendant. Le gouvernement va-t-il envisager le retrait d’Unifor du groupe?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. C’est d’ailleurs la même qu’il a posée jeudi dernier. Je lui ferai donc la même réponse. Le gouvernement estime évidemment que les mesures que comporte le projet de loi d’exécution du budget — deux sont des mesures fiscales et l’une d’elles concerne le statut d’organisme de bienfaisance — sont importantes pour appuyer les journalistes et les médias du pays.

Étant donné qu’on a débattu et mis aux voix ces mesures, les honorables sénateurs savent qu’elles visent à atténuer les pressions que subit ce secteur. Le gouvernement a pris l’engagement d’avoir un groupe indépendant qui examinera le soutien accordé à un particulier ou à une organisation. Ce groupe est en train d’être mis sur pied en ce moment même.

Quant à la réponse à la question que vous avez posée, c’est non.

Le sénateur Smith : Honorables sénateurs, il lui a fallu du temps pour le dire. C’est le plus long « non » que j’ai jamais reçu. J’ai mis mon veston dans le but de vous encourager.

Au cours d’une entrevue qu’il a donnée la semaine dernière, Jerry Dias d’Unifor a aussi dit ceci :

Notre organisation affichera ouvertement et avec transparence son mépris pour Andrew Scheer.

Sénateur Harder, en tant que représentant du gouvernement au Sénat, reconnaissez-vous qu’il s’agit d’une déclaration partiale? Comment votre gouvernement peut-il continuer à justifier la participation d’une organisation ouvertement partisane à un groupe d’experts soi-disant juste et impartial?

Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, comme je l’ai déjà dit, selon le gouvernement, il est important que ces décisions soient prises par un groupe indépendant du gouvernement. C’est l’objectif qui est mis en œuvre.

Je ne suis pas surpris que le sénateur s’oppose à la représentation syndicale parce que c’est dans les habitudes du parti qu’il représente. Ce n’est pas l’opinion du gouvernement.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, selon moi, ce qui importe, c’est la transparence et l’équité.

Honorables sénateurs, ma question porte sur le groupe d’aide aux médias. L’Association canadienne des journalistes, qui a été choisie par le gouvernement au nombre des membres du groupe, a soulevé un certain nombre de préoccupations au sujet de la transparence fondamentale du processus. Par exemple, l’association a indiqué que la majeure partie du processus s’est déroulé à huis clos. Elle a demandé à ce que le mandat, les procès-verbaux et l’ordre du jour du comité soient rendus publics. L’association a aussi demandé à ce que l’on publie en ligne la liste complète des organismes qui présentent une demande de financement, soulignant que, sans une telle liste, il serait impossible de savoir qui s’est vu refuser du financement par le comité.

Sénateur, la semaine dernière, vous nous avez dit que ce processus serait transparent. Les points soulevés par l’Association canadienne des journalistes montrent que ce n’est pas le cas. Pourquoi les Canadiens devraient-ils appuyer un processus partial et secret comme celui-là?

(1830)

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je le répète, le gouvernement est d’avis qu’un processus indépendant constitue un prérequis. C’est l’objectif. Je vais m’assurer que les préoccupations soulevées par l’honorable sénatrice sont portées à l’attention du ministre responsable.

La sénatrice Martin : La semaine dernière, l’Association canadienne des journalistes a également déclaré qu’on lui avait dit qu’on demanderait aux journalistes du groupe de signer une entente de confidentialité. Monsieur le sénateur, pourquoi le gouvernement demanderait-il aux journalistes de signer une entente de confidentialité? N’est-ce pas totalement contraire à ce qu’il dit, c’est-à-dire que le processus est transparent?

Le sénateur Harder : Je ne peux pas expliquer une décision prise par un groupe indépendant. Toutefois, je peux dire que ces exigences existent pour de bonnes raisons, des questions de nature délicate pouvant être en cause sur les plans professionnel et commercial.

[Français]

La justice

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le leader, le général Roméo Dallaire a condamné l’emploi du mot « génocide » dans le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Personne ne va contester son expertise à ce sujet. L’ancien ministre des Affaires autochtones Bernard Valcourt a qualifié la situation de « fourberie ». Plusieurs commentateurs au pays estiment que le mot « génocide » est inapproprié, y compris Yves Boisvert, de La Presse, à Montréal, qui a qualifié l’emploi de ce terme de « [...] tordage de mots militant [...] » qui nuit à la crédibilité de l’enquête.

Le premier ministre a évité le mot « génocide » dans ses propos lors du dépôt du rapport de l’enquête, auquel il a assisté. Monsieur le leader, à quel moment pouvons-nous nous attendre à ce que le premier ministre nous dise s’il accepte ou condamne l’usage du mot « génocide », qui est utilisé plus de 200 fois dans le rapport?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme il le sait, le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, qu’il a certainement lu, parle de génocide culturel pour décrire le traitement réservé aux peuples autochtones.

Je pense qu’il est important de lire le rapport présenté aujourd’hui avant de tirer des conclusions ou de se prononcer au sujet de la terminologie employée.

En ce qui concerne l’ancien ministre Valcourt — dont j’ai été le sous-ministre il y a 29 ans, et qui était, à mon avis, un excellent ministre —, il aurait probablement apprécié d’avoir les conseils d’un sous-ministre hier.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes—Motion tendant à renvoyer la motion et le message des Communes à un comité—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Seidman, appuyée par l’honorable sénateur Boisvenu :

Que le Sénat agrée aux amendements de la Chambre des communes au projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction de faire de la publicité d’aliments et de boissons s’adressant aux enfants);

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey :

Que la motion ainsi que le message de la Chambre des communes en date du 19 septembre 2018 et portant sur le même sujet soient renvoyés au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts à des fins d’examen et de rapport.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Smith, appuyée par l’honorable sénatrice Martin :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par adjonction, immédiatement après le mot « rapport » de ce qui suit :

« , et que le comité tienne au moins cinq réunions ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie retentira pendant 15 minutes pour le vote reporté sur l’amendement de l’honorable sénateur Smith à la motion de l’honorable sénatrice Wallin concernant le projet de loi S-228.

Le vote aura lieu à 18 h 48.

Convoquez les sénateurs.

(1840)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Smith propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par adjonction, immédiatement après le mot « rapport » de ce qui suit...

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Smith, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Mockler
Andreychuk Neufeld
Batters Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Duffy Richards
Griffin Smith
Housakos Stewart Olsen
MacDonald Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Verner
Martin Wallin
McInnis Wells—30

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Greene
Black (Alberta) Harder
Boniface Joyal
Bovey Klyne
Boyer Kutcher
Busson LaBoucane-Benson
Campbell Lankin
Christmas Massicotte
Cordy McCallum
Cormier Mégie
Coyle Mitchell
Day Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Dean Moodie
Duncan Omidvar
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Forest Pratte
Forest-Niesing Ravalia
Francis Ringuette
Gagné Saint-Germain
Galvez Simons
Gold Sinclair—46

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Dalphond Munson
Downe Wetston—4

(1850)

Projet de loi sur l’évaluation d’impact
Projet de loi sur la Régie canadienne de l’énergie
La Loi sur la protection de la navigation

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’honorable Grant Mitchell propose que le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-69, tel que modifié par le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nos délibérations, et les consultations que nous avons menées, se sont parfois avérées intenses, bruyantes, chargées d’émotions et source de discorde, mais il n’y a là rien de bien surprenant. Les enjeux sont de taille.

Ma province, l’Alberta, est au cœur de ces enjeux. Pour les Albertains, l’industrie énergétique revêt une importance viscérale et émotionnelle. Cette industrie nous permet de nourrir nos enfants, de payer nos hypothèques, de nous définir, d’imaginer notre futur et de calculer notre immense contribution à la prospérité et à la force de ce pays extraordinaire. Un grand nombre d’Albertains sont inquiets au sujet de leur avenir. Nous constatons que cette industrie est menacée. Un cadre supérieur du secteur de l’énergie m'a raconté qu’après avoir consacré de nombreuses années de sa vie à créer des emplois, à bâtir des projets et à contribuer à l’économie, il en est venu à sentir qu’il a fait quelque chose de mal.

Par ailleurs, la plupart des Canadiens, et de nombreux Albertains, affichent un malaise croissant par rapport aux changements climatiques et aux autres défis environnementaux. Il va sans dire que ce malaise a joué un rôle prépondérant dans le débat provoqué par le projet de loi C-69. On a appris récemment que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. Les Canadiens en sont conscients; d’ailleurs, bon nombre d’entre eux subissent déjà les effets des changements climatiques dans leur propre vie. Nous ne devons pas minimiser les préoccupations environnementales de nos citoyens lorsque vient le temps d’élaborer des politiques publiques liées à l’exploitation des ressources.

Les peuples autochtones ont leurs propres aspirations, inquiétudes et griefs légitimes. Ils se préoccupent plus particulièrement des femmes autochtones, ce qui intensifie le débat et les enjeux. Ils méritent notre respect et notre attention.

C’est ce mélange d’intérêts contradictoires, d’interventions fortes, de griefs de longue date, d’émotions et d’enjeux économiques et environnementaux élevés qui a défini le débat sur le projet de loi C-69. Ce débat a ouvert la porte à un débat sur une question plus vaste et plus profonde que les Canadiens ne peuvent éviter et doivent affronter.

Nous sommes à un tournant crucial de notre histoire. Les Canadiens, et surtout les Albertains peut-être, sont soumis à des pressions environnementales, sociales et commerciales incessantes. Nous devons réfléchir à la façon de créer une économie de l’avenir capable d’assurer notre prospérité tout en étant de plus en plus confrontés à l’angoisse et à la peur que suscitent les questions environnementales.

Tous ces facteurs expliquent pourquoi le débat sur le projet de loi C-69 a été si difficile, mais les bons Parlements affrontent ce genre de débats parce qu’ils portent sur des questions auxquelles il faut s’attaquer. Les bons Parlements tracent la voie à suivre en périodes difficiles et complexes. C’est ce sur quoi porte ce débat. Non, il n’a pas été facile. En pareils moments, les débats ne le sont jamais, mais il ne fait aucun doute qu’il est nécessaire et je suis fier de cette assemblée.

Bien sûr, vous vous demandez peut-être pourquoi il est nécessaire d’ouvrir la boîte de Pandore que le projet de loi C-69 semble être devenu. La réponse évidente est que notre processus actuel d’examen des projets, comme il est défini dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, n’a tout simplement pas fonctionné. Le régime de cette loi n'a pas permis la construction d’un pipeline se rendant à la côte. Il constitue toujours un fardeau pour l’industrie minière avec ses processus d’examen qui font double emploi. Il n’a pas réussi à gagner la confiance de la population canadienne, ce qui est essentiel si l’on veut que l’examen d’un projet soit fructueux, et il s’est embourbé dans des litiges constants qui ont déstabilisé les investisseurs.

Le principal objectif d’intérêt public du projet de loi C-69 est de corriger la loi de 2012 et, pour ce faire — j’emprunte ce concept au sénateur Wetston —, nous devons harmoniser les intérêts divergents qui entourent la mise en valeur des ressources. Nous devons nous assurer de créer un processus d’examen qui fonctionne efficacement et qui est digne de confiance pour les promoteurs. En même temps, nous devons renforcer la confiance du public dans nos processus d’évaluation d’impact. Pour ce faire, il faut apaiser les préoccupations environnementales, celles des peuples autochtones et celles qui sont d’intérêt public en général. Nous vivons dans une démocratie. La confiance du public est donc importante; elle définit ce qu’il nous est possible ou interdit de faire.

(1900)

Alors, quel est le processus qui a permis de jeter essentiellement les bases de ce projet de loi? Premièrement, le gouvernement fédéral a entrepris une vaste consultation sur la modernisation des évaluations d’impact. Dans le cadre de cette consultation, qui s’est étendue sur plus de deux ans, le gouvernement a visité bon nombre de localités, a commandé des études à deux groupes d’experts et à deux comités de la Chambre des communes, a reçu de nombreux mémoires et a obtenu beaucoup de réponses du public à plusieurs documents de travail.

Cette consultation a reposé sur la mobilisation continue de l’industrie, d’organisations autochtones, de groupes environnementaux, d’organismes de réglementation du cycle de vie, des provinces et des territoires par l’intermédiaire du Comité consultatif multilatéral. Par ailleurs, une multitude de Canadiens y ont participé.

C’est de ce processus que découle la structure de base du projet de loi C-69. On a pu renforcer cette structure lors de l’étape de l’étude en comité à la Chambre des communes et au Sénat, grâce à des audiences exhaustives et à des amendements utiles. Premièrement, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes a tenu 14 réunions, fait comparaître 87 témoins et reçu 150 mémoires. Le comité a approuvé 135 amendements afin de répondre aux préoccupations des intervenants.

Quant à lui, le Sénat a, comme nous le savons tous, examiné attentivement le projet de loi C-69 au cours de la dernière année. En plus de la multitude — et il y en avait vraiment une multitude — de courriels, d’appels et de lettres que je sais que vous avez tous reçus et de réunions auxquelles vous avez participé, le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a entendu 275 témoins pendant 108 heures d’audiences dans 10 villes canadiennes et il a reçu 121 mémoires.

Nous avons entendu des Canadiens des quatre coins du pays et je suis persuadé que la version finale de ce projet de loi aura été grandement améliorée grâce au travail du Sénat.

Pour remédier aux points faibles du système actuel, le projet de loi C-69 vise à gagner la confiance de la population; à faire preuve de respect envers les droits, la participation et les préoccupations des Autochtones; à offrir une plus grande certitude et une efficacité accrue pour les entreprises — des éléments essentiels à la confiance des investisseurs comme, on le sait —; et à créer une étape préparatoire améliorée appuyant, entre autres, chacun de ces trois éléments. Je vais parler un peu plus en détail de chacun de ces points.

D’abord, pour gagner la confiance de la population, entre autres choses, le projet de loi élargit l’éventail de facteurs devant être pris en compte dans les évaluations d’impact, ajoutant des éléments liés aux changements climatiques et à l’analyse comparative entre les sexes. De nos jours, on peut difficilement penser qu’une évaluation qui ne tient pas compte des changements climatiques d’une façon ou d’une autre puisse être crédible aux yeux de la population.

Nous avons entendu des témoignages convaincants sur les effets financiers particulièrement difficiles que peuvent avoir les grands projets sur les femmes, y compris les femmes autochtones, qui peuvent avoir de la difficulté à nourrir et à loger leurs enfants lorsque les prix des aliments et du logement augmentent dans les villes champignons. Ce sont des répercussions qui doivent être atténuées.

De plus, l’évaluation de chacun de ces facteurs n’est pas facultative. Chacun doit être examiné soit par l’agence, soit par le promoteur si l’agence le lui demande.

Aux termes de ce projet de loi, la participation du public sera amorcée plus rapidement. Il y aura une mobilisation précoce pendant la nouvelle étape préparatoire.

Le projet de loi vise à moderniser la structure de ce qui était autrefois l’Office national de l’énergie en séparant les deux fonctions suivantes : l’examen et les processus subséquents de réglementation du cycle de vie. Ces fonctions figureront dans le rôle et le mandat de la nouvelle entité qui remplacera l’Office national de l’énergie, soit la Régie canadienne de l’énergie.

Le projet de loi ajoute l’intérêt public à la liste des critères de décision et définit clairement les critères en question. Il rendra le processus plus transparent.

Deuxièmement, en ce qui concerne les droits, la participation et les préoccupations des Autochtones, le projet de loi C-69 renvoie explicitement à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et il précise qu’il faut évaluer les répercussions sur les droits des Autochtones.

Le projet de loi C-69 précise que les répercussions sur les communautés autochtones doivent être évaluées et que les connaissances traditionnelles des Autochtones doivent être prises en compte dans tous les rapports d’évaluation.

Certains comités d’examen et comités consultatifs devront compter des représentants des communautés autochtones, inuites et métisses.

Le projet de loi prévoit des fonds pour assurer la participation des Autochtones aux évaluations d’impact et le renforcement de leurs capacités.

Les instances autochtones se verront accorder un statut comparable à celui des gouvernements provinciaux et territoriaux aux termes de nouvelles dispositions relatives à la substitution et à la délégation des évaluations d’impact du gouvernement fédéral.

Troisièmement, le projet de loi C-69 répond à la nécessité d’accroître la certitude et l’efficacité, ce qui est essentiel pour rassurer les promoteurs et les investisseurs. Par exemple, il raccourcit tous les délais existants aux termes de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Dans la plupart des projets, la durée de l’étape de l’évaluation passera de 720 à 300 jours. L’examen de la plupart des projets de pipeline passera de 450 à 300 jours.

Les motifs pour suspendre les délais seront ramenés à trois et précisés. Ils sont tous trois sous le contrôle du promoteur. À l’heure actuelle, il n’y a aucune précision quant aux motifs de suspension possibles.

La consultation publique, qui est souvent considérée comme un motif pour justifier un retard, devra être effectuée dans un délai précis.

Le projet de loi exige que les raisons des retards et des évaluations ainsi que les décisions finales concernant les projets soient expliquées publiquement.

Dans le cadre de la transformation de l’Office national de l’énergie en un nouvel organisme modernisé, la Régie canadienne de de l’énergie, le projet de loi prévoit le transfert de personnel d’un organisme à l’autre et, avec lui, l’expertise acquise.

Il y a 171 mentions d’avantages économiques dans le projet de loi.

Les nouveaux processus d’évaluation régionale et stratégique éclaireront et simplifieront l’examen des projets.

Grâce à de nouvelles dispositions prévoyant une étape préparatoire et la possibilité de substitution, le projet de loi réduira le chevauchement des tâches entre les compétences, les ministères et les organismes.

Le renforcement de la confiance du public augmente grandement la certitude et l’efficacité. Il permet, entre autres, de réduire le risque de litige, qui est si contrariant pour les promoteurs et les investisseurs.

Je veux insister sur l’étape préparatoire prévue dans le projet de loi, qui n’est peut-être pas bien comprise, mais qui est très importante, voire essentielle, pour le bon fonctionnement de cette mesure législative et des avantages qu’elle offre. Son importance et ses avantages ont été très bien saisis dans le témoignage de Pierre Gratton, président et chef de la direction de l’Association minière du Canada. Je vous renvoie à son témoignage.

Certains considèrent que l’étape préparatoire ajoute 180 jours à l’évaluation d’impact. Cependant, les promoteurs de projet, bien sûr, effectuent déjà une planification rigoureuse, et cette dernière n’est pas incluse dans le calcul de l’échéancier comparé. Contrairement aux efforts actuels de planification, l’étape préparatoire prévue dans le projet de loi C-69 obligera officiellement les ministères et les organismes fédéraux à prendre certains engagements et responsabilités essentiels.

Par exemple, toutes les entités et tous les organismes fédéraux pertinents devront cibler les problèmes éventuels et les besoins en matière d’information en se fondant sur les consultations menées préalablement auprès des collectivités et des Autochtones qui pourraient être touchés par le projet. De plus, au début de cette étape préparatoire, qui est cruciale pour clarifier ce qui est attendu du promoteur, l’agence d’évaluation d’impact sera tenue de fournir cinq extrants structurés.

Primo, le document sur les lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact environnemental définira expressément comment les facteurs à examiner s’appliqueront à un projet donné et il déterminera ceux qui relèveront du promoteur et ceux qui relèveront de l’agent. Par exemple, ces lignes directrices permettront de clarifier les exigences relatives à l’examen du projet pour tous les facteurs qu’il faut déterminer et dont il faut tenir compte, comme les facteurs économiques, sanitaires et sociaux ainsi que, oui, l’analyse comparative entre les sexes et les changements climatiques.

Secundo, on préparera un plan de mobilisation et de participation des Autochtones en se fondant sur les consultations que l’on a menées auprès d’eux. Il s’agit d’une réponse directe, du moins en partie, aux préoccupations de l’industrie, qui n’est pas sûre de savoir quelles communautés elle doit consulter.

Tertio, dans le cadre de l’étape préparatoire, on présentera un plan de participation du public qui décrit les paramètres des consultations publiques.

Quarto, à la suite de l’étape préparatoire, on préparera un plan de collaboration qui décrit la façon dont les organismes et les instances éviteront le chevauchement.

Finalement, on élaborera un plan pour simplifier le processus d’autorisation.

Ces exemples de dispositions qui se trouvent déjà dans le projet de loi permettent de constater combien de faiblesses de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 ont été corrigées par le projet de loi C-69. Toutefois — et c’est très important —, les commentaires que nous avons reçus au cours de la dernière année, aussi détaillés et approfondis soient-ils, montrent clairement qu’on peut faire davantage pour améliorer la mesure législative.

Le rapport du comité comprend un large éventail d’amendements visant à atteindre cet objectif. Par exemple, dans de nombreux cas, des fonctionnaires peuvent avoir des pouvoirs ministériels, ce qui réduit le pouvoir politique discrétionnaire qui existe dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012.

Certains amendements préciseront la portée des éléments en ce qui concerne les détails de chaque projet afin que le promoteur assume ses responsabilités pour les éléments le concernant, mais pas nécessairement pour tous les éléments.

(1910)

D’autres amendements visent à réduire le risque de litige. Ils contribuent à donner l’assurance que la compétitivité économique sera davantage reconnue dans ce projet de loi. D’autres références aux droits des Autochtones sont incluses, et les répercussions de l’élaboration de projets sur les femmes autochtones sont davantage reconnues dans les amendements proposés par la sénatrice McCallum.

Honorables sénateurs, nous avons tous travaillé extrêmement fort pour comprendre ces questions, pour écouter les intervenants et pour transformer ce que nous avons entendu en amendements. Nous avons contribué à ce qui a été, à mon avis, un processus de politique publique remarquable, caractérisé par de vastes consultations publiques et un examen approfondi par le Sénat.

Une fois de plus, je vous remercie tous, ainsi que votre personnel et le personnel administratif du Sénat, pour votre travail exceptionnel sur une question de politique très difficile.

Maintenant, je suggère simplement — je demande — le renvoi de ce projet de loi, avec ses amendements, à la Chambre des communes dans les plus brefs délais afin que le gouvernement et la Chambre puissent les examiner sérieusement et proposer une réponse.

Des voix : Bravo!

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, notre pays, le Canada, est une terre d’abondance et il y a pourtant des inégalités et des iniquités dans le partage des ressources. Un grand nombre de ses citoyens ne mangent pas à leur faim, n’ont pas de toit et sont vulnérables. Pire encore, certains doivent lutter pour faire respecter leur dignité et leurs droits fondamentaux. Comment notre pays, respecté sur la scène internationale, a-t-il pu en arriver là?

Chers collègues, la semaine dernière, vous avez entendu plusieurs points de vue sur le discours entourant le projet de loi C-69. Aujourd’hui, je veux partager avec vous mon point de vue comme femme autochtone et sénatrice. Comme membre du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, on m’a chargée d’étudier ce projet de loi avec les autres membres. Je me sens obligée de vous faire part de ma déception quant à la façon dont les opinions des Autochtones ont souvent été mises de côté tandis que celles de l’industrie étaient privilégiées.

On peut le voir d’après l’itinéraire des déplacements du comité. Lorsque le sujet des déplacements a été discuté, j’ai demandé si le comité pouvait aller à Fort Chip, en Alberta, ou à Fox Lake, au Manitoba, deux endroits fortement touchés par les activités d’extraction. Le comité a plutôt choisi de se rendre dans des centres urbains qui, à mon avis, privilégient les sièges sociaux et profitent d’une grande capacité de mobilisation, par rapport à la difficulté de se déplacer pour de nombreuses communautés autochtones très éloignées.

Honorables sénateurs, la plupart d’entre vous savent sans doute qu’un groupe de travail a été créé afin d’étudier plus de 200 amendements proposés par tous les sénateurs au projet de loi C-69. Ce groupe, dont je n’ai pas fait partie, devait rationaliser les amendements pour améliorer l’efficacité de l’étude article par article.

On ne vous a pas dit toutefois que les amendements portant sur les questions autochtones — c’est-à-dire mes amendements — n’ont pas été inclus dans cet exercice. Par contre, tous les amendements soumis par le Groupe des sénateurs indépendants et par les conservateurs ont été pris en compte. Le jeudi 16 mai, le groupe a procédé à l’adoption, avec dissidence, de tous les amendements sur lesquels on s’était entendu.

J’encourage fortement chaque sénateur ici présent à lire la transcription des délibérations de cette réunion. Vous constaterez que des groupes de 10, 12 ou même 16 amendements ont été adoptés sans même avoir été débattus. Le processus a seulement été interrompu lorsqu’il fut question de mes amendements — ceux que l’on n’a pas jugé bon d’inclure dans l’entente préalable. Contrairement à la majorité, j’ai dû me battre pour présenter des amendements en comité au nom des groupes autochtones de partout au Canada.

Aujourd’hui, je vais présenter un seul amendement qui en englobe trois de ceux-là, qui portaient tous sur le même sujet : la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Chers collègues, certains sénateurs aimeraient voir une solution adaptée au Canada, et je suis tout à fait d’accord, comme bien d’autres personnes. Dans la préface du deuxième rapport spécial du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, intitulé UNDRIP Implementation: More Reflections on the Braiding of International, Domestic and Indigenous Laws, Oonagh Fitzgerald et Larry Chartrand affirment ceci :

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été élaborée conjointement par des dirigeants autochtones du monde entier en vue de freiner les effets destructeurs et déshabilitants du colonialisme et de créer des conditions permettant aux peuples autochtones de regagner leur autonomie sur les plans social, culturel, linguistique, spirituel, politique, économique, environnemental et juridique.

Toutefois, selon nombre de ces documents, on craint que :

[...] la vision du Canada concernant les compétences des Autochtones à l’égard des terres et des ressources soit très étroite et qu’il ne s’agisse guère que d’une version révisée du statu quo.

Le rapport ajoute ceci :

Dans un discours engagé, prononcé devant l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2017, à l’occasion du 150e anniversaire du Canada, Justin Trudeau a dit reconnaître que [...] le Canada doit être vu comme un « projet en constante évolution ». Il a fait allusion au passé colonialiste du Canada, aux promesses brisées et aux torts que les politiques racistes ont infligés aux Inuits, aux Métis et aux Premières Nations. Il a renouvelé son engagement à faire en sorte que le Canada emploie la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones comme « modèle à suivre » afin de réparer les torts du passé, de faciliter les relations de nation à nation, les relations de gouvernement à gouvernement et les relations entre les Inuits et la Couronne, et de promouvoir la réconciliation.

Honorables sénateurs, en l’absence de soutien du Canada à l’égard de cet effort, les Premières Nations du Canada ont aidé les Nations Unies à rédiger la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le chef Wilton Littlechild, de l’Alberta, a collaboré avec l’ONU pendant 40 ans pour l’aider à rédiger les normes minimales qui protégeraient les peuples autochtones. En dépit du temps qu’il aura fallu pour que ces démarches portent fruit, la déclaration des Nations Unies est une solution fièrement représentative de la rétroaction des peuples autochtones du Canada. En ce sens, c’est, à bien des égards, une solution adaptée au Canada.

Le chef Littlechild lui-même le décrit probablement le mieux. Dans son allocution à l’intention du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a déclaré :

Il y a 60 ans, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le plus important document au monde en matière de droits de la personne, une loi internationale visant à reconnaître les droits inhérents à tous les peuples. En cri, nous disons « Kikpaktinkosowin » et « Oyotamsowin » : les droits qui nous sont conférés par le Grand Esprit, notre Créateur, et nos droits innés en tant que membres de la famille humaine. Le droit inhérent à l’autodétermination. Le droit inhérent de nous gouverner nous-mêmes et de gouverner nos territoires et nos ressources conformément à nos propres lois et coutumes. Des droits qui ont été reconnus pour tous les peuples comme étant le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Cependant, en 1948, les peuples autochtones n’ont pas été inclus dans la Déclaration universelle [des droits de l’homme]. On considérait que nous n’avions pas les mêmes droits que les autres. D’ailleurs, nous n’étions pas considérés comme des êtres humains ni des personnes. Par conséquent, il y a eu des violations, parfois flagrantes, de nos droits de la personne. Les peuples autochtones n’ont simplement pas pu jouir des droits et des libertés garantis par la Déclaration universelle.

[...] Dans ma communauté, les dirigeants et les aînés se sont réunis dans les années 1970, parce que cette situation les inquiétait [...] Après de longues discussions et de nombreuses cérémonies spirituelles, ils ont décidé de chercher à être reconnus de la communauté internationale et d’obtenir justice auprès d’elle. Nous étions ici en 1977, lorsque nous n’avions pas obtenu l’accès, afin d’informer la famille des nations de l’ONU de nos problèmes et de nos inquiétudes. Des délégations de Cris Maskwacis viennent ici chaque année depuis. Oui, nous avons attiré l’attention sur les violations des traités et des droits issus des traités, mais nous avons aussi recommandé des solutions pour améliorer la situation et favoriser la reconnaissance et l’inclusion.

Le chef Littlechild a terminé en disant :

Il reste de nombreux défis. Comment se fait-il que les statistiques soient toujours pires lorsqu’il est question des bandes, des peuples et des nations autochtones? Comment se fait-il que nos familles, et particulièrement les enfants, soient encore touchées par la pauvreté abjecte? Comment se fait-il qu’il y ait une crise au pays concernant l’éducation des jeunes Autochtones? Comment se fait-il que nous continuions d’être exclus de la vie économique [...]? Comment se fait-il que nos traités continuent d’être violés? [...] Pourquoi [les États] souhaitent-ils choisir les droits qu’ils sont prêts à respecter, contrairement à la déclaration faite aujourd’hui par le secrétaire général? [...]

Je ne rendrais pas justice aux personnes que je représente si je ne demandais pas aux autres :

d’accepter un nouveau cadre de partenariat;

de se conformer aux traités et aux accords, dans un esprit de respect les uns envers les autres;

d’accepter que nous soyons totalement inclus et que nous continuions de contribuer à l’humanité [...]

(1920)

Honorables sénateurs, comme il s’agissait d’un engagement pris par le gouvernement canadien, et non par l’industrie ou le promoteur d’un projet, cet amendement fera en sorte que la responsabilité incombe uniquement au gouvernement. Pour ce faire, les dispositions amendées renverront à la déclaration au titre de l’article 65 du projet de loi. Ainsi, tout renvoi à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sera lié à l’action du gouvernement, plutôt qu’à celle de particuliers ou d’entreprises.

En terminant, je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de parler de cet élément crucial du projet de loi qui porte sur les droits de la personne. Parfois, on accorde surtout la parole à l’industrie; il était donc important que je tente d’atteindre un certain équilibre en présentant le point de vue des Autochtones.

Sénateurs, la Constitution canadienne a été adoptée pour protéger les personnes plutôt que l’industrie. Je vous demande respectueusement de vous joindre à moi pour appuyer cet amendement.

Motion d’amendement

L’honorable Mary Jane McCallum : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-69, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 1:

a)à la page 16, par adjonction, après la ligne 15, de ce qui suit :

« c.1) la mesure dans laquelle la remise d’une déclaration au titre de l’article 65 permettant au promoteur du projet désigné de réaliser celui-ci serait compatible avec l’engagement du gouvernement du Canada de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; »;

b)à la page 20, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« c.1) la mesure dans laquelle la remise d’une déclaration au titre de l’article 65 permettant au promoteur du projet désigné de réaliser celui-ci serait compatible avec l’engagement du gouvernement du Canada de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; »;

c)à la page 42, par adjonction, après la ligne 22, de ce qui suit :

« c.1) la mesure dans laquelle la remise d’une déclaration au titre de l’article 65 permettant au promoteur du projet désigné de réaliser celui-ci serait compatible avec l’engagement du gouvernement du Canada de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; ».

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice McCallum, avec l’appui de l’honorable sénatrice Boyer, propose en amendement que le projet de loi C-69 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu’il soit modifié à l’article 1... puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Est-ce que quelqu’un souhaite prendre la parole?

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

La Loi sur la défense nationale

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Marc Gold propose que le projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai le plaisir aujourd’hui de prendre part au débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Je vous présente mes excuses d’emblée. La semaine dernière, mon intervention sur le projet de loi C-59 était un modèle de concision — je pense même ne pas avoir dépassé cinq minutes. L’intervention d’aujourd’hui ne sera pas aussi brève, mais la qualité sera au rendez-vous, alors je vous demande d’être patients.

Commençons par nous remémorer les objectifs poursuivis par cette mesure législative.

Le projet de loi C-77 comblera le fossé entre le système de justice militaire et le système de justice civile en accordant aux victimes qui font affaire avec le premier les mêmes droits que celles qui font affaire avec le second. Il corrigera en outre une injustice, puisque les personnes accusées d’une infraction d’ordre militaire pouvaient être privées des droits procéduraux généralement accordés aux personnes qui subissent un procès criminel dans le système civil, comme le droit à un avocat ou celui d’interjeter appel. Il intégrera en outre au système de justice militaire les mêmes dispositions que dans le système civil concernant la détermination de la peine lorsque l’inculpé est d’origine autochtone ou est reconnu coupable d’infractions motivées par les préjugés ou la haine.

Ce projet de loi revêt une très grande importance pour tous les membres des Forces armées canadiennes. Il s’agit d’une mesure importante pour garantir que toutes les personnes ayant affaire au système de justice militaire soient traitées avec confiance, dignité et respect et bénéficient des mêmes droits que celles ayant affaire au système de justice civile.

Le projet de loi est-il parfait? Bien sûr que non. Cela n’existe pas. Cependant, c’est un bon projet de loi qui mérite d’être adopté.

C’est particulièrement vrai et important parce que les tentatives de réforme législative de notre système de justice militaire ne sont pas fréquentes. De plus, ces tentatives ne sont pas toujours fructueuses puisque, par le passé, les mesures législatives visant à réformer le système de justice militaire sont, trop souvent, mortes au Feuilleton.

Les dispositions de la Loi sur la défense nationale ont été revues en profondeur en 1998 au moyen du projet de loi qui a entraîné la mise en place de l’actuel système de justice militaire. De 2003 à 2011, trois projets de loi visant à mettre en œuvre des réformes supplémentaires sont morts au Feuilleton sous des gouvernements successifs. Aucun d’entre eux n’a été adopté par la Chambre des communes. Le Parlement a seulement été en mesure d’adopter de petits projets de loi visant à corriger des lacunes constitutionnelles de dispositions ayant été invalidées par la Cour d’appel de la cour martiale. Finalement, en 2013, le Parlement a adopté le premier projet de loi complet sur le système de justice militaire en 15 ans.

Toutefois, ces réformes n’avaient rien prévu pour les droits des victimes. En fait, le système de justice militaire était explicitement exclu de la Charte canadienne des droits des victimes qui avait été présentée par le précédent gouvernement en 2014 et adoptée par le Parlement en avril 2015. Le parrain du projet de loi et principal défenseur était le sénateur Boisvenu, qui est aujourd’hui le porte-parole de l’opposition pour le projet de loi dont nous sommes saisis. Toutefois, les droits des victimes n’avaient pas été mis en oubli. Le gouvernement d’alors avait en outre présenté le projet de loi C-71, qui aurait intégré une déclaration des droits des victimes dans le système de justice militaire. Cependant, la première lecture du projet de loi avait eu lieu le 15 juin 2015, seulement quatre jours avant l’ajournement du Parlement en prévision des élections fédérales. Inutile de vous dire que le projet de loi C-71 n’a pas dépassé l’étape de la première lecture.

Ce qui m’amène au dernier point de mon introduction. Au comité, de nombreux témoins, notamment ceux qui ont parlé des dispositions sur les droits des victimes, ont recommandé des amendements pour améliorer le projet de loi et plusieurs de ces amendements ont été proposés lors de l’étude article par article. À mon avis, nombre de ces amendements, voire la plupart, étaient très pertinents et auraient renforcé le projet de loi, et ils étaient appuyés par les membres de l’opposition au comité.

Je me suis opposé à chacun de ces amendements, qui ont tous été défaits par les votes des sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants et des sénateurs indépendants libéraux du comité. Si vous prenez connaissance de la transcription des travaux du comité, vous verrez qu’on nous a accusés de bien des choses. On nous a accusés de ne pas nous soucier des victimes, de n’être au Sénat que pour défendre le gouvernement et de rendre le Sénat inutile en refusant d’amender le projet de loi. Je suis certain que vous allez en entendre parler abondamment par les autres sénateurs qui vont participer au débat.

Honorables sénateurs, si je me suis opposé aux amendements, ce n’est pas parce qu’ils n’étaient pas valables. Au contraire, si la situation avait été différente, j’aurais été heureux de les appuyer, et tous les autres membres du comité aussi je pense. Je m’y suis opposé parce qu’il est fort probable que, si le projet de loi C-77 était amendé au Sénat, il mourrait au Feuilleton. Tous les sénateurs le savent. Il ne reste tout simplement pas assez de jours de séance à l’autre endroit pour traiter tous les projets de loi que le Sénat a déjà modifiés ou, comme avec le projet de loi C-69, que le Sénat renverra probablement avec des amendements avant la fin de cette législature.

Le projet de loi C-77 est important, mais il ne sera pas traité en priorité avant tous les autres projets de loi qui sont déjà à l’autre endroit ou qui devraient être reçus dans les prochains jours. Donc, si nous proposons des amendements au projet de loi C-77, celui-ci ne sera pas adopté. Le ministre a même évoqué la possibilité qu’il meure au Feuilleton lorsque la sénatrice McPhedran l’a interrogé à ce sujet au comité. Voilà pourquoi je me suis opposé aux amendements, même s’ils découlaient de recommandations faites par des témoins crédibles et même s’ils auraient amélioré le projet de loi. Honorables sénateurs, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

(1930)

Même si les amendements l’auraient amélioré, on ne peut pas dire que le projet de loi C-77 est mauvais dans sa forme actuelle. Au contraire, c’est un bon projet de loi. Je vais essayer d’expliquer pourquoi dans le temps qu’il me reste.

[Français]

Permettez-moi de commencer par les changements apportés au processus de procès sommaire proposés dans le projet de loi C-77.

Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai souligné le caractère unique de notre système de justice militaire, en vertu duquel le personnel militaire peut être jugé pour des infractions au Code criminel et à d’autres lois fédérales, en plus des infractions spécifiques à l’armée. J’ai également mentionné que les accusations peuvent être traitées soit par la chaîne de commandement dans des procès par voie sommaire, soit par un tribunal officiel composé de juges militaires indépendants lors d’un procès devant une cour martiale.

La plupart des infractions d’ordre militaire donnent le choix à l’accusé d’être jugé par une cour martiale, mais, pour un nombre distinct d’infractions mineures, telles que l’absence sans permission ou l’ivresse, celles-ci sont automatiquement traitées par un processus de procès sommaire. Il est important de mentionner que les cours martiales et les procès sommaires sont des procédures pénales dans lesquelles un accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie hors de tout doute raisonnable. C’est là que s’arrête la similitude.

Un procès sommaire, bien que de nature pénale, ne confère pas aux accusés les mêmes droits qu’ils auraient obtenus s’ils étaient jugés par une cour martiale ou même par un tribunal civil. Les contrevenants n’ont pas le droit de consulter un avocat. Les règles de preuve ordinaires, y compris la règle du ouï-dire, sont assouplies. Il n’y a pas de transcription officielle des procédures et il n’y a pas de droit d’appel.

De plus, les procès sommaires ne font pas exception à la norme d’un procès en bonne et due forme devant une cour martiale. Au contraire, les procès sommaires écrasent la méthode de choix, même si la chaîne de commandement est de moins en moins satisfaite. Selon les rapports annuels du juge-avocat général, les procès sommaires représentent environ 90 p. 100 du total des procès militaires, et les cours martiales en représentent seulement 10 p. 100.

Le projet de loi C-77 propose d’éliminer complètement les procès sommaires. Toutes les infractions d’ordre militaire seraient désormais traitées uniquement par des cours martiales. Par conséquent, le projet de loi C-77 propose un nouveau système d’audiences sommaires pour traiter les affaires disciplinaires mineures définies comme des manquements d’ordre militaire. Les audiences sommaires seront de nature administrative et sont conçues pour permettre à la chaîne de commandement de régler rapidement et efficacement les problèmes de discipline et de moral.

Résultant des consultations menées par le Cabinet du juge-avocat général auprès de la chaîne de commandement, ce changement répond également à la question des retards dans le système de justice militaire en général et dans le processus des procès sommaires en particulier, une question qui a été soulevée dans le rapport du vérificateur général du Canada le printemps dernier.

Au comité, nous avons entendu de nombreux témoins à ce sujet, qui étaient tous dotés d’une expérience considérable à la fois au sein du système de justice militaire et auprès de celui-ci, et ils n’étaient pas d’accord avec cette modification.

[Traduction]

Surprise, surprise.

[Français]

Loin de là.

Certains témoins ont fait valoir avec force que cette partie du projet de loi C-77 ne devrait pas être mise en œuvre, car, selon eux, le débat public sur le sujet a été insuffisant. D’autres ont fait valoir que le nouveau processus d’audiences sommaires conservait toujours les caractéristiques qui en faisaient des audiences de nature pénale.

On a fait valoir que le projet de loi portait atteinte aux droits du personnel en service en retirant le droit d’une personne de choisir de subir un procès devant une cour martiale au lieu d’un procès sommaire et en changeant la norme de la preuve à l’audience pour passer d’une norme de preuve pénale à une norme de preuve civile. C’étaient de sérieuses critiques de la part de personnes sérieuses, y compris des représentants du Barreau du Québec et de l’Association du Barreau canadien.

À titre d’ancien membre de ces deux organisations, vous pouvez supposer que j’ai pris leurs témoignages très au sérieux. J’ai soulevé certaines de ces préoccupations lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, et nous pourrions entendre plusieurs de ces témoins au cours des jours à venir, mais d’autres témoins, tout aussi expérimentés et qualifiés, étaient tout à fait en désaccord avec cette modification.

[Traduction]

Michel Drapeau, un colonel à la retraite qui est désormais avocat dans un cabinet privé, a appuyé sans réserve le projet de loi C-77 et il a fermement condamné le système actuel de procès sommaires, comme il l’a déclaré dans son témoignage :

Le système actuel de procès sommaires est injuste, car un membre peut être accusé même s’il n’y a pas de règles à l’égard des preuves, les ouï-dire sont acceptés, il n’a pas droit à un avocat, il peut être jeté en prison pour une période prolongée et il peut se retrouver avec un casier judiciaire. C’est exactement le système qui est en place à l’heure actuelle [...] J’appuie sans la moindre réserve l’abolition du système de procès sommaires prévue dans le projet de loi C-77 [...] J’espère sincèrement qu’il recevra la sanction royale avant la dissolution du Parlement.

Dans la même veine, son collègue, Me Joshua Juneau, a déclaré ceci lors de son témoignage :

Comme il porte sur les audiences sommaires, le projet de loi C-77 devrait non seulement être adopté et entrer en vigueur le plus tôt possible, mais il devrait aussi être applaudi.

Qui plus est, selon eux, le système d’audiences sommaires proposé n’est manifestement pas de nature pénale. Le ministre et les fonctionnaires ont confirmé que l’objectif est de créer un processus administratif non criminel et non pénal pour s’occuper des manquements à la discipline relativement mineurs. Ils ont rappelé au comité que, au titre du système d’audiences sommaires proposé, il n’y a pas d’accusation criminelle, pas d’accusé, pas de sanction pénale et pas de casier judiciaire.

À titre de professeur de droit — j’ai enseigné à plein temps le droit constitutionnel et le droit de la preuve pendant de nombreuses années — je suis persuadé qu’ils ont raison sur ce plan. Cependant, ce n’est pas parce qu’un processus n’est pas criminel qu’il est juste.

Certains membres du comité, dont moi-même, étaient préoccupés notamment par le fait qu’un bon nombre des détails du processus d’audiences sommaires proposé, y compris la définition de ce qui serait considéré comme un manquement d’ordre militaire, devaient figurer dans des règlements qui n’avaient pas encore été rédigés. J’ai soulevé la question dans le discours que j’ai prononcé à l’étape de la deuxième lecture, et au comité. En fin de compte, j’ai toutefois été satisfait de ce que j’ai entendu au comité.

Je suis convaincu que les avocats des Forces armées canadiennes et du ministère de la Justice qui participeront au processus de réglementation tiendront compte de toutes les considérations constitutionnelles et juridiques pertinentes lorsqu’ils définiront les infractions, les sanctions et les procédures qui formeront le nouveau processus d’audiences sommaires prévu dans le projet de loi.

À cet égard, j’ai été très encouragé par les engagements pris par le ministre, tant dans son témoignage que dans une lettre qu’il a envoyée au comité après sa comparution. Dans cette lettre, le ministre a parlé d’un engagement — c’est le mot qu’il a utilisé — de la part de la Défense nationale, qui :

Veillera à ce que les règlements relatifs au processus d’audience sommaire soient rédigés à la lumière des principes fondamentaux de la création d’un système disciplinaire non criminel et non pénal.

Honorables sénateurs, après avoir pris connaissance de l’ensemble des témoignages, je suis convaincu que cette partie du projet de loi constitue un pas dans la bonne direction et mérite d’être appuyée.

Passons maintenant au deuxième changement d’importance que propose le projet de loi C-77, c’est-à-dire l’intégration d’une déclaration des droits des victimes au code de discipline militaire figurant dans la Loi sur la défense nationale.

Il s’agit de la disposition qui a le plus retenu l’attention au comité, et tous les amendements qui ont été proposés pendant l’étude article par article portaient sur elle. J’imagine qu’elle sera aussi au cœur des interventions qui suivront la mienne, en tout cas de celle du porte-parole de l’opposition. Voilà pourquoi je tâcherai — c’est ce qui explique la durée de mon intervention, et je m’en excuse encore une fois — de vous exposer de manière aussi juste que possible la gamme complète des opinions exprimées au comité ainsi que les conclusions que j’en ai tirées.

Commençons par un fait indiscutable. Vous me permettrez sans doute de citer les paroles d’un des nombreux témoins entendus par le comité, le colonel Stephen Strickey, qui est aussi juge avocat général adjoint :

La déclaration des droits de la victime reflète aussi fidèlement que possible la Charte canadienne des droits des victimes.

C’est exact. À vrai dire, il s’agit d’une copie quasi conforme de la Charte canadienne des droits des victimes, qui a été parrainée, défendue et, comme il l’a rappelé au comité, rédigée par le sénateur Boisvenu.

L’un après l’autre, les témoins ont convenu que les deux textes sont à peu près identiques. Certains peuvent ne pas appuyer la déclaration des droits des victimes qui est proposée dans le projet de loi C-77. C’est leur droit. Certains peuvent changer d’idée, mais tous doivent convenir qu’elle reprend presque mot pour mot non seulement la déclaration canadienne des droits, mais aussi, j’ajouterais, la Déclaration des droits des victimes présentée par le précédent gouvernement vers la fin de la dernière législature.

(1940)

Là où les membres de l’opposition et moi sommes assurément en désaccord, c’est sur le poids que nous donnons aux témoignages souvent divergents que nous avons entendus au comité. Cependant, nous sommes carrément en désaccord — quoique, je l’admets, cela me déconcerte encore — quant au risque que nous sommes prêts à prendre, considérant que le projet de loi, et la déclaration des droits des victimes qu’il contient, risque de mourir au Feuilleton si le projet de loi est amendé ici au Sénat. Je ne comprends simplement pas en quoi prendre le risque que le projet de loi meure au Feuilleton améliore les droits des victimes; mais je digresse.

Au comité, nous avons entendu de nombreux témoins. Certains étaient fortement en faveur de la mesure législative. D’autres avaient des réserves, mais pensaient quand même qu’il était mieux que la loi actuelle. Certains préféreraient qu’il meure au Feuilleton plutôt que d’être adopté dans sa forme actuelle. Parmi les témoins, il y avait beaucoup d’experts du domaine des droits des victimes et d’autres étaient eux-mêmes des victimes qui s’en étaient sorties.

On pourrait dire que, même si la majorité des témoins appuyaient l’intention et les objectifs du projet de loi, tous estimaient que la mesure législative pouvait être améliorée. Beaucoup ont recommandé des amendements précis. Parmi eux, il y avait Mme Heidi Illingworth, ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels, Mme Denise Preston, directrice exécutive du tout nouveau Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle — une organisation indépendante —, et le major Lindsay Rodman, ex‑juge-avocat du United States Marine Corps et spécialiste des systèmes de justice militaire américain et canadien. Néanmoins, en dépit des critiques émises, elles ont toutes convenu qu’il s’agissait d’un grand pas en avant et que le projet de loi devrait être adopté.

D’autres témoins se sont montrés plus critiques à l’égard de la mesure législative et ils ont hésité à l’appuyer sans que d’autres amendements soient apportés. Cet avis a été exprimé de manière très convaincante par des victimes d’actes d’inconduite sexuelle alors qu’elles étaient en service. Par exemple, une témoin qui a été agressée sexuellement par son commandant a déclaré que le projet de loi ne pouvait pas du tout être sauvé. J’ai été profondément ému par le témoignage de ces personnes, comme l’ont été tous les membres du comité. Ces témoins ont fait preuve de beaucoup de courage pour nous faire part de leur expérience.

Je veux vous donner une idée complète et juste des témoignages que nous avons entendus. Un certain nombre des principaux enjeux soulevés par les témoins ont donné lieu à la proposition des amendements qui ont été rejetés au comité. Vous entendrez parler de ces amendements, et peut-être d’autres, dans les interventions qui suivront. Je souhaite me prononcer à leur sujet parce que j’ai l’occasion de le faire.

La critique la plus générale et importante que les témoins ont formulée envers le projet de loi est tout simplement qu’il ne protège pas adéquatement les droits des victimes, et ce, à plusieurs égards.

Des témoins ont soutenu que le projet de loi devrait être amendé pour que les victimes se voient garantir leurs droits sans avoir à le demander, comme le prévoit en fait le projet de loi C-77. Des témoins et des membres du comité ont affirmé que, surtout dans une culture hiérarchique comme l’armée, il faut garantir aux victimes que leurs droits, y compris les droits à l’information et à l’aide, leur sont accordés de façon proactive, et pas seulement « sur demande ».

En réponse à cela, le commodore Geneviève Bernatchez, juge-avocat général, a dit ceci :

L’une des choses qui sont importantes à se rappeler [...] est que la déclaration des droits des victimes vise à s’harmoniser parfaitement avec ce qui existe déjà dans la [...] Charte canadienne des droits des victimes. Il y a des dispositions similaires qui rendent certains droits conditionnels à la volonté de la victime de s’en prévaloir.

[...] l’approche qui est adoptée ici est surtout centrée sur la victime, dans le but de prendre en compte et de respecter ses désirs. Ce n’est pas toutes les victimes qui veulent que les autorités communiquent de façon proactive avec elles [...]

Chose certaine, d’un point de vue juridique, le fait d’enchâsser cette déclaration dans la mesure législative crée une obligation explicite pour l’institution de respecter ces droits des victimes. De plus, il rend l’institution et ses intervenants responsables de respecter ces droits au moment où les victimes le demandent.

Mme Preston a ajouté ce qui suit :

Nous voulons éviter le plus possible aux victimes le fardeau d’avoir à prendre les devants et à demander cette information, mais nous souhaitons également respecter leur choix et leur donner le pouvoir de fournir seulement l’information qu’elles consentent à communiquer.

Mme Preston a aussi précisé ceci :

Nous devons aussi concilier vie privée et confidentialité […] Les données dont nous disposons montrent qu’environ 45 p. 100 des rapports sont faits par des tiers. Le vérificateur général précise clairement dans son rapport que beaucoup de victimes n’aiment pas que des tiers se manifestent en leur nom parce qu’elles ne sont pas prêtes à le faire elles-mêmes et ne veulent pas entamer un processus officiel. Ce qui est inquiétant, c’est que si des tiers se manifestent et font un rapport dans 45 p. 100 des cas — par exemple, si le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle ou des agents de liaison prennent contact avec la victime en leur disant : « J’ai entendu dire que vous avez été victime, puis-je vous fournir de l’information? » — cela pourrait irriter celle-ci davantage ou violer sont droit à la vie privée.

C’est un vrai dilemme, honorables sénateurs, mais qui n’est pas insoluble. Les témoignages font ressortir plusieurs moyens que peuvent prendre les victimes pour obtenir l’information et l’appui nécessaires pour protéger et faire valoir leurs droits. Par exemple, Mme Preston affirme que le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle :

[…] propose un service amélioré que les gestionnaires de cas et les coordonnateurs de l’intervention et du soutien offriront à toutes les victimes — sous réserve de leur consentement, évidemment — depuis le moment où elles se sont manifestées pour la première fois jusqu’au moment où elles n’ont plus besoin d’appui.

Il y a toutefois un facteur encore plus important. Dans la lettre du ministre à laquelle j’ai fait allusion, celui-ci :

Veillera à ce que le CIIS, la police militaire et le Service des poursuites militaires informent de manière proactive les victimes de leurs droits en vertu de cette loi, y compris le droit de demander des renseignements et de demander à tout commandant divisionnaire un ALV de leur choix.

De plus, il :

Permettra aux ALV de travailler de concert avec les coordonnateurs de l’intervention et du soutien du CIIS dans les cas d’inconduite sexuelle pour s’assurer que les victimes connaissent les ressources dont elles disposent et leurs droits en vertu de la Déclaration des droits des victimes.

[Français]

Une attention considérable a également été portée au rôle de l’agent de liaison de la victime dans le projet de loi. Des témoins ont dit craindre que leur commandant ne leur impose un agent, ou que l’agent provienne de la même unité que celle au sein de laquelle l’auteur présumé de l’infraction aurait purgé sa peine. Les agents de liaison seront-ils correctement formés? Devraient-ils être des avocats? Voici ce que nous avons appris au comité.

Les responsables ont établi sans équivoque que tous les agents de liaison recevraient la formation appropriée pour être en mesure de jouer leur rôle au sein du système de justice militaire, ce que confirme la lettre du ministre au comité. Le ministre a également confirmé que la victime pourrait choisir son agent de liaison. De plus, si l’agent n’avait pas encore reçu la formation appropriée, le ministre a confirmé dans son témoignage que l’on remédierait rapidement à la situation.

En ce qui concerne la relation des agents de liaison avec la chaîne de commandement, des témoins ont fait remarquer qu’il est trompeur, voire faux, de supposer qu’il existe une relation contradictoire entre la chaîne de commandement et les individus soumis à son autorité. Lors de sa comparution à titre de témoin, le lieutenant-général Charles Lamarre s’est exprimé avec une vive passion quand il a déclaré que le rôle principal de la chaîne de commandement est de prendre soin de tous ses membres.

Plus important encore, le texte du projet de loi C-77 indique clairement que la nomination de l’agent de liaison n’est pas la prérogative du commandant de la victime ou de l’accusé. Comme l’a expliqué la commodore Bernatchez :

Le projet de loi dit clairement que c’est un commandant. Ce n’est ni le commandant de l’accusé ni le commandant de la victime. Cela donne la possibilité à un commandant de nommer un agent de liaison de la victime. De cette façon, on prend véritablement en considération l’autorité d’un commandant sur le membre qui est nommé. Le commandant doit s’assurer que le membre rende des comptes, qu’il peut accomplir sa fonction sans contrainte et qu’il est formé adéquatement pour cela. Il n’est pas prévu que l’agent de liaison de la victime doit appartenir à l’unité de la victime, à celle du contrevenant ou de l’accusé. Il est écrit « un commandant ».

En ce qui concerne la question des agents de liaison et leur statut d’avocat, les témoins ont souligné l’importance de bénéficier d’un soutien pour eux-mêmes et leur famille qui irait bien au-delà de la prestation de conseils juridiques. Néanmoins, les conseils juridiques sont très importants lorsqu’on navigue dans tout système juridique, militaire ou civil. À cet égard, la Dre Preston a évoqué un projet pilote en cours, qui vise à fournir des conseils juridiques gratuits et indépendants aux victimes dans le système de justice militaire, conseils qui représentent un complément au soutien qu’un agent de liaison pourrait également fournir.

(1950)

Certains témoins ont également reproché au projet de loi de ne pas donner aux victimes le droit de s’adresser aux tribunaux pour demander réparation si elles estiment que leurs droits ont été violés. Toutefois, des dispositions identiques qui écartent un tel recours figurent également dans la Charte canadienne des droits des victimes. En outre, le projet de loi C-77 prévoit que les victimes pourront avoir recours à une procédure de plainte interne si elles estiment que leurs droits n’ont pas été respectés.

Vous entendrez dire également que les victimes n’ont pas été consultées lors de la rédaction du projet de loi — ce qui est vrai; les fonctionnaires qui ont témoigné devant le comité l’ont reconnu. Ils ont toutefois insisté sur le fait que le projet de loi avait pour objectif d’incorporer les dispositions de la Charte canadienne des droits des victimes de 2015 et que des consultations approfondies avaient eu lieu auprès des victimes avant que ce projet de loi ne soit présenté au Parlement. Néanmoins, il est clair que la situation des victimes impliquées dans le système de justice militaire diffère de celle des victimes qui doivent traiter avec le système de justice civile et que les victimes doivent faire partie du processus d’élaboration de la réglementation. Sur ce point, les témoignages étaient clairs et tout cela a été confirmé par le ministre, qui s’est engagé à veiller « à ce que l’analyse des politiques nécessaires à la rédaction des règlements comprenne des consultations avec les victimes et les principaux intervenants, comme le CIIS (Centre d’intervention en cas d’inconduite sexuelle), afin de s’assurer que tous les points de vue sont correctement pris en compte. »

Honorables sénateurs, plusieurs autres questions ont été soulevées au comité et vous en entendrez peut-être davantage au cours du débat, mais mon temps de parole tire bientôt à sa fin. Il suffit de dire que, compte tenu des témoignages que nous avons entendus et des engagements qui ont été pris par le ministre, je suis convaincu que le projet de loi C-77 est un bon projet de loi qui mérite notre soutien. Toutefois, il me reste une dernière question à soulever, car elle touche au cœur de nos responsabilités en tant que sénateurs et au choix difficile auquel nous sommes confrontés à cette étape de la vie de ce Parlement.

Vous entendrez dire que le Sénat ne remplit pas ses fonctions s’il refuse de modifier le projet de loi C-77. Le porte-parole de l’opposition a très bien expliqué cela au moment de l’étude article par article, lorsqu’il m’a reproché de ne pas avoir appuyé un amendement au projet de loi. Il a dit ce qui suit :

Si votre position est de dire qu’au départ, cela ne sert à rien de modifier ce projet de loi, que faites-vous à titre de sénateurs? Notre travail est d’améliorer un projet de loi pour qu’il corresponde aux besoins des gens les plus vulnérables de notre société, à savoir les victimes d’actes criminels. Si on décide de ne pas améliorer ce projet de loi, qu’est-ce qu’on fait ici?

[Traduction]

La question n’est pas insignifiante. Au contraire, elle traite directement du rôle du Sénat dans notre système de démocratie parlementaire. Je me permets donc de donner la réponse suivante à la question.

Honorables sénateurs, amender un projet de loi n’est pas la seule manière dont le Sénat remplit son rôle en tant qu’organe législatif complémentaire au Parlement du Canada. En fait, amender n’est pas toujours de mise. Comme on l’a souvent affirmé dans cette enceinte, les sénateurs disposent de nombreux outils, dont nos processus et notre position en tant que sénateurs, pour attirer l’attention du public sur certaines questions.

Par ailleurs, nous pouvons annexer des recommandations et des observations à nos rapports de comité, et nous le faisons souvent, notamment dans le cas du projet de loi C-77. En outre, nous pourrions — et nous devrions — faire un bien meilleur usage de nos comités pour faire le suivi des recommandations et surveiller la mise en œuvre des lois après leur adoption.

Dans le cas du projet de loi dont nous sommes saisis, le Sénat a déjà grandement contribué au processus législatif, et ce, au profit de tous les acteurs du système de justice militaire. Premièrement, nous avons reçu des engagements clairs de la part du ministre sur plusieurs questions clés qui préoccupaient grandement tous les membres du comité. Ces engagements ont apporté des précisions sur le déroulement des prochaines étapes du processus de réforme du système de justice militaire.

En deuxième lieu, le comité a approuvé à l’unanimité une série d’observations et de recommandations qu’il a annexées à son rapport. Elles visent à orienter le processus de réglementation aux fins d’application de la loi, à indiquer clairement la voie à suivre aux autorités militaires chargées de mettre en œuvre la réforme et à établir les principes à respecter lorsqu’il s’agit de demander des comptes au gouvernement et aux militaires sur l’application de la loi. Ce sont là des réalisations concrètes dont notre comité devrait être fier.

Que dire des amendements? Un amendement a-t-il plus de poids qu’une observation ou même un engagement par écrit de la part d’un ministre? Bien sûr que oui. Cependant, honorables sénateurs, il faut être réaliste, comme diraient mes enfants.

La réalité incontournable, c’est que nous en sommes à la première semaine de juin et qu’il reste seulement quelques semaines de séance avant l’ajournement du Parlement et quelques mois avant les élections fédérales. Nous devrons donc prendre une décision difficile, mais inévitable. Devrions-nous adopter le projet de loi tel quel? Devrions-nous proposer des amendements en sachant que cela risque fort bien de condamner le projet de loi à mourir au Feuilleton? Nous pouvons regretter de devoir prendre cette décision; c’est certainement mon cas. Nous pouvons faire des reproches au gouvernement, et je sais que certains le feront. Cependant, même si nous aimerions qu’il en soit autrement, nous ne pouvons pas éviter de prendre cette décision.

Qu’avaient à dire à ce sujet les témoins que nous avons reçus? Ils ont fait part de critiques et de réserves concernant ce projet de loi. La plupart ont suggéré des amendements pour corriger les lacunes perçues dans le projet de loi. Je vais citer quelques-uns de ces témoins.

Voici ce qu’avait à dire Mme Heidi Illingworth, ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels :

J’aimerais profiter de l’occasion pour vous encourager à adopter cette mesure législative. Il est clair qu’elle est vraiment importante. Il est crucial que nous rehaussions les droits dans le système de justice militaire au même niveau que ceux qui sont accordés dans le système civil de justice.

Ex-juge-avocat du Corps des Marines, Lindsay Rodman a dit ceci au sujet du projet de loi :

[...] c’est un pas dans la bonne direction [...]

[...] je ne voudrais pas sacrifier une avancée à court terme, ne serait-ce que dans l’espoir qu’elle amène des avancées encore plus importantes dans l’avenir [...]

Le major Carly Arkell est venue témoigner à titre personnel, mais aussi en tant que survivante, et, pour elle, ce fut un choix extrêmement difficile. Elle a affirmé ceci :

Je suis déchirée par rapport à cela.

Comme l’a dit le major Rodman, si c’est un point de départ, si ce n’est que le début — car nous devons faire plus dans la façon dont nous rédigeons les politiques et les règlements pour incorporer le projet de loi, mais il y a aussi d’autres aspects et ce n’est là qu’une partie de la solution — alors oui.

Toutefois, je donne au projet de loi une très faible note. Il est à peine acceptable. Je ne suis pas même certaine qu’il satisfasse vraiment la norme, pour employer une expression militaire, mais il représente un progrès considérable. C’est mieux que rien. Toutefois, nous ne pouvons nous reposer sur nos lauriers. Nous ne pouvons nous arrêter là.

Enfin, la Dre Denise Preston a dit :

Je crois qu’il s’agit d’un projet de loi important, car il place le système de justice militaire sur un pied d’égalité avec le système de justice pénale du Canada. Ainsi, il éliminerait la perception qu’il existe un système à deux vitesses et que le système de justice militaire accorde moins d’importance ou de droits aux victimes. Je crois que c’est là une importante égalisation pour les victimes.

Évidemment, l’autre chose que j’estime importante, c’est l’inscription de ces droits dans la loi. Les inscrire dans les politiques ou les respecter en pratique, c’est une chose, mais les inscrire dans la loi élève cela à un tout autre niveau.

Honorables sénateurs, en qualité de sénateurs, nous n’avons pas à choisir entre un bon projet de loi imparfait et un meilleur projet de loi. Nous devons choisir entre ce projet de loi et aucun projet de loi. Choisir ce projet de loi, c’est faire avancer la cause de la réforme de la justice militaire et appuyer les efforts pour aider davantage les victimes dans l’armée. Choisir qu’il n’y ait aucun projet de loi, c’est maintenir le statu quo, selon lequel, dans le système de justice militaire, les victimes n’ont pas les mêmes droits que les autres dans notre système de justice. Ce n’est pas notre rôle comme membres non élus du Sénat du Canada.

(2000)

Je vais conclure ainsi : durant les audiences du comité, nous avons entendu de nombreux membres des Forces armées canadiennes qui ont aussi assisté à l’étude article par article. Ils ont offert des explications d’ordre technique et des précisions sur les points soulevés. Conformément à leur rôle de représentants du ministère, ils n’ont pas présenté leur opinion sur les choix stratégiques du projet de loi ou sur la pertinence d’un amendement. Comme on pouvait s’y attendre, ils n’ont pas outrepassé leur mandat.

Par contre, au terme de l’étude article par article, après que le projet de loi ait été adopté sans amendement, l’un des représentants, une femme avec une longue et brillante carrière militaire, m’a interpellé tandis que je sortais de la salle du comité. Voici ce qu’elle m’a dit. J’avoue que je la cite de mémoire : « Merci, vous ignorez à quel point ce projet de loi est important pour nous. »

À ce moment-là, elle ne me parlait pas en tant que représentante du ministère, mais en tant que femme membre des Forces armées canadiennes.

Je dois admettre qu’à ce moment, je n’avais jamais été aussi fier d’être sénateur et d’avoir contribué à faire avancer un projet de loi au stade de l’étude en comité et — j’espère sincèrement — en voie de devenir loi.

Lors de cette étude, le Sénat n’a fait aucun compromis par rapport à ses principes et n’a pas renoncé à ses obligations. Au contraire, il a rempli son obligation constitutionnelle de veiller à ce que le Parlement adopte un projet de loi qui respecte les droits de tous les intervenants pris en charge par le système de justice militaire canadien.

Honorables sénateurs, en adoptant le projet de loi C-77, nous allons remédier aux injustices du procès sommaire, y compris le fait qu’une personne peut être accusée d’une infraction criminelle sans pouvoir faire appel à un avocat, appeler d’une décision ou même consulter la transcription des délibérations. En adoptant ce projet de loi, nous allons fournir aux militaires les outils dont ils ont besoin pour régler rapidement et efficacement les questions disciplinaires et pour maintenir le moral et la discipline au sein des forces armées.

L’adoption du projet de loi C-77 mettra surtout un terme à la situation inacceptable qui permet d’appliquer deux poids, deux mesures, puisque les victimes prises en charge par le système de justice militaire n’ont pas les mêmes droits que celles qui sont prises en charge par le système de justice civile. Agir autrement et risquer ainsi de laisser le projet de loi C-77 mourir au Feuilleton serait une trahison envers tous les militaires qui nous servent avec honneur au sein des Forces armées canadiennes. Ce n’est pas pour cela que nous avons été appelés au Sénat. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett : J’ai une question pour le sénateur Gold, s’il accepte d’y répondre.

Le sénateur Gold : Oui.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, je souscris à la plupart de vos remarques sur ce que fait ou ne fait pas le projet de loi C-77. Toutefois, j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi vous tenez des propos alarmistes en soutenant que si le projet de loi est amendé, il mourra au Feuilleton.

Après tout, le projet de loi C-69 a fait l’objet de 187 amendements, et un autre a été proposé ce soir. Le projet de loi C-68, qui vise à modifier la Loi sur les pêches, comporte lui aussi un certain nombre d’amendements — vous siégez pourtant au Comité des pêches —, et il sera renvoyé à l’autre endroit sous sa forme amendée. Nous attendons aussi que la Chambre nous renvoie un autre projet de loi, le C-59, qui lui a été soumis avec des amendements.

Alors, pourquoi le projet de loi C-77 est-il si spécial que le gouvernement n’envisagerait même pas d’examiner des amendements viables et appropriés? Le gouvernement vous a-t-il dit qu’il n’envisagera pas d’amendements et que le projet de loi mourra au Feuilleton s’il est amendé?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Il reste une vingtaine de jours de séance à l’autre endroit. Pour chaque projet de loi que nous y renvoyons avec des amendements, le Cabinet doit décider de la réponse du gouvernement, puis la Chambre doit en débattre et l’adopter. Même avec l’attribution de temps ou la clôture — quelle que soit l’expression exacte —, cela peut prendre deux jours de séance.

La Chambre des communes est déjà saisie d’un certain nombre de projets de loi amendés et d’autres sont à venir. Le ministre m’a avisé — et, comme vous le savez pertinemment, j’ai communiqué cette information à de nombreux membres du comité et à d’autres sénateurs — que le temps manquera tout simplement pour traiter de tous les projets de loi dont la Chambre est saisie, de tous ceux qu’elle s’attend à recevoir et des autres qui lui seront renvoyés.

On m’a également avisé — et je crois sincèrement que c’est la vérité — que, aussi important que soit ce projet de loi, son rang ne changera pas dans l’ordre de priorité. Sénateur Plett, vous avez mentionné le projet de loi C-69. Nous pourrions probablement en énumérer quelques-uns. Je pense notamment au projet de loi C-59. Il y en a d’autres.

J’ai pesé mes mots. Clairement, j’ai donné l’impression de vouloir instiller la peur, même si je ne croyais pas que c’était le cas. Je répétais ce que nous savons tous. Il existe un risque réel que le ministre a confirmé dans son témoignage et que d’autres m’ont confirmé lors de différentes discussions. J’ai communiqué les détails de ce risque aux membres de l’opposition, ainsi qu’à mes collègues et aux sénateurs non affiliés. Je ne veux pas qu’on coure ce risque.

Je crois qu’il s’agit d’un bon projet de loi qui permet de faire grandement avancer les droits des victimes au sein des forces armées et qui corrige les injustices et les problèmes de longue date du processus de procès sommaire. Comme je l’ai dit dans mon discours, même si ce n’était pas la formule la plus élégante, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

Je n’ai pas l’habitude de parier, sénateur Plett. Les droits des victimes et de tous ceux qui sont impliqués dans le système de justice militaire seraient gravement menacés — je ne veux absolument pas présumer des intentions de personne — et, même s’ils viennent de bonnes intentions, ces amendements mettraient en péril le projet de loi. C’est ce que je pense. C’est ce que d’autres m’ont expliqué. Honnêtement, je pense que nous en sommes tous conscients.

C’est ce qui a motivé ma décision, qui n’a pas été facile. Elle ne l’a pas été non plus pour les autres membres du comité qui en sont arrivés à la même conclusion que moi, à savoir que ce projet de loi est trop important et trop bien pensé au départ pour être mis en péril.

Le sénateur Plett : Encore une fois, je ne dis pas que le projet de loi n’est pas valable. Par contre, quand nous trouvons des façons d’améliorer quelque chose, vous nous dites que le gouvernement Trudeau dit, « non, nous ne sommes pas intéressés à entendre parler d’améliorations possibles ». Est-ce là que le gouvernement Trudeau vous a dit à vous et au sénateur Pratte à propos du projet de loi C-71, veillez à ce que le projet de loi C-71 revienne sans amendements? Il ne dit pas cela pour toutes les mesures législatives. Peut-être que quelqu’un, vous, le sénateur Harder ou quelqu’un d’autre, pourrait nous dire quels sont les projets de loi que nous avons le droit d’amender. Sénateur Gold, je pense qu’il nous incombe d’examiner cette mesure législative avec attention compte tenu du fait que vous nous dites de ne pas oser y toucher.

Nous ferions mieux de découvrir pour quelle raison nous ne devrions pas l’amender et nous devrions peut-être l’examiner d’un peu plus près que ce que j’avais prévu au départ aujourd’hui.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénateur Plett. Je pense que vous avez mal compris ce que j’ai dit. Soyons clairs : le gouvernement Trudeau ne m’a rien dit. Je n’ai pas ce genre de relation avec le premier ministre ou le gouvernement. Je me ferai un plaisir de m’expliquer, si c’est important. J’ai communiqué avec le ministre au début de la semaine — je suppose que j’ai commis un péché dont je n’étais pas au courant.

En tant que parrain du projet de loi, j’ai communiqué avec le ministre parce que je voulais mieux comprendre sa réceptivité aux amendements. J’ai pris cet engagement auprès des membres du comité qui m’ont indiqué qu’ils allaient présenter...

Son Honneur le Président : Je m’excuse, sénateur Gold, mais votre temps de parole est écoulé. Je sais qu’il y a au moins un autre sénateur qui souhaite vous poser une question.

Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Gold : Je demande cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Gold : Je me suis engagé auprès du porte-parole de l’opposition et d’un de mes collègues, qui était préoccupé par des aspects du projet de loi, de déterminer la réceptivité du gouvernement aux amendements.

(2010)

J’ai pensé qu’il était approprié que je le fasse en tant que parrain du projet de loi, étant donné que nous disposions de relativement peu de temps.

J’ai finalement pu parler au ministre, qui était de retour d’un voyage à l’étranger. Il a confirmé ce qu’il avait déjà dit au comité : compte tenu du peu de jours de séance restant, il y a un risque réel que le projet de loi, s’il devait être amendé, meure au Feuilleton. L’autre endroit n’aurait tout simplement pas le temps de s’y rendre après l’étude de tous les autres projets de loi qui le précèdent.

J’ai transmis cette information à tous les sénateurs intéressés du comité et à d’autres collègues au cours de la fin de semaine. Je ne mène pas ici une campagne de peur. Je ne siège au Sénat que depuis deux ans et demi. Un grand nombre d’entre vous sont ici depuis beaucoup plus longtemps. Vous savez très bien comment les choses se passent dans les derniers jours d’une législature. Le gouvernement précédent en était bien conscient lorsqu’il a présenté une déclaration identique des droits des victimes — le même titre, le même libellé, la même demande de droits, la même absence de recours — à quatre jours de l’ajournement. Personne ne s’imaginait que le projet de loi pourrait être adopté à toute vapeur.

Dans ce cas particulier, nous devons composer avec les contraintes, les impératifs et les défis du calendrier. Je ne m’excuserai pas de penser que c’est la chose responsable pour nous, sénateurs, peu importe notre caucus, notre groupe parlementaire ou notre idéologie, que d’avoir un regard clair et honnête sur le fait que, dans ce cas particulier, malheureusement, nous pourrions être confrontés à un choix difficile.

Prétendre le contraire, c’est faire passer la rhétorique avant la rationalité. C’est sacrifier non seulement les principes, mais aussi les intérêts réels des êtres humains qui servent notre pays avec honneur sur l’autel d’un pari. C’est un pari que je ne suis pas prêt à accepter.

L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Je remercie l’honorable sénateur de ses observations. Je partage les questions de mon collègue quant aux motifs que vous avez invoqués pour dire qu’il est préférable de ne pas amender le projet de loi. Nous pourrions nous retrouver dans une situation très difficile si le projet de loi s’avère mauvais parce que le Sénat ne l’a pas examiné convenablement. C’est ce que je pense. Toutefois, ma question est la suivante : Comment le comité s’y est-il pris pour comparer ce projet de loi à ce qui se fait dans d’autres pays? Le système de justice militaire est toujours considéré comme étant sacro-saint et distinct du système de justice ordinaire un peu partout dans le monde.

Je ne suis jamais rassurée de voir le gouvernement libéral s’ingérer dans nos forces armées, et c’est ce qu’il est en train de faire. J’aimerais vraiment connaître les résultats de la comparaison entre les pays. Avez-vous examiné la situation? Notre système est-il meilleur ou pire que celui d’autres pays?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Certains témoins ont comparé ce qui se fait ici et ailleurs, mais ce n’est pas suffisant pour tracer un portrait global des pratiques de par le monde.

Le major et juge-avocat Lindsay Rodman, dont j’ai parlé plus tôt et qui a passé du temps au Canada à titre de chercheuse invitée dans une université, a établi certaines distinctions avec le système américain. Elle nous a aussi expliqué comment ce système et le nôtre ont évolué en parallèle.

L’une des choses qui est ressorti de l’étude du comité, du moins en ce qui concerne la déclaration des droits des victimes... il s’agit d’un projet de loi compliqué qui comporte beaucoup d’éléments disparates. À propos des droits des victimes, on a constaté que l’on tentait de littéralement réintroduire — j’allais dire « au mot près », mais je ne voudrais pas qu’on m’en tienne ensuite rigueur — la section de la déclaration des droits des victimes qui est morte au Feuilleton en 2015. Ce document reprenait à peu près mot pour mot la déclaration civile des droits des victimes qui a été présentée à la dernière législature.

Que cette section fasse l’objet d’autant d’attention a pris par surprise de nombreux témoins et fonctionnaires — et moi aussi, je dois l’avouer. Le texte d’origine n’était pas parfait, celui-là ne l’est pas non plus, mais il s’agit malgré tout d’un grand pas en avant.

Vous vous rappellerez que la Charte canadienne des droits des victimes exclut expressément les militaires. C’est écrit noir sur blanc. Voilà pourquoi, je suppose, le gouvernement précédent a présenté un projet de loi pour les forces armées, mais, comme je l’ai dit, il l’a littéralement présenté quatre jours avant la fin de la législature.

On n’a pas beaucoup comparé la Charte des droits des victimes avec celle d’autres pays. On a jugé que ce n’était pas nécessaire. On a simplement tenté de corriger une erreur ou de combler une lacune qui avait été laissée dans la loi lors de la législature précédente.

En ce qui a trait au système des procès et des audiences sommaires, c’est vraiment le fruit de quelques années de consultations auprès de la chaîne de commandement, qui ont été entamées par le Cabinet du juge-avocat général. Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Gold, votre temps de parole est de nouveau écoulé. Vous ne demandez pas plus de temps, n’est-ce pas?

Le sénateur Gold : Non, je ne crois pas.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Trente-cinquième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du trente-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (Projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 30 mai 2019.

L’honorable Chantal Petitclerc propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole pour vous recommander l’adoption du trente-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Ce rapport porte sur le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

[Traduction]

Le projet de loi C-83 vise à réformer le système correctionnel fédéral de diverses façons. L’un des objectifs du projet de loi est de réagir à certaines décisions récentes rendues par des tribunaux concernant l’isolement préventif : la décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario rendue en 2017 dans l’affaire Corporation of the Canadian Civil Liberties Association c. Her Majesty the Queen et la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique rendue en 2018 dans l’affaire British Columbia Civil Liberties Association c. Canada (Attorney General).

Selon ces deux décisions, certaines pratiques liées à l’isolement préventif des détenus sous responsabilité fédérale violent des articles de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le comité s’est efforcé d’examiner le projet de loi C-83 du mieux qu’il le pouvait, en travaillant avec diligence et dans des délais serrés.

[Français]

Au cours des réunions qu’il a tenues, le comité a entendu 17 témoins, soit à titre individuel ou à titre de représentants de 8 organisations. Nous avons également reçu plus d’une douzaine de lettres et de mémoires d’experts et d’organisations.

Au nom du comité, je remercie toutes les personnes et toutes les organisations qui nous ont fourni leur expertise.

[Traduction]

À la lumière des témoignages que nous avons entendus, le comité a apporté plusieurs amendements au projet de loi C-83 dans le but de l’améliorer.

Une définition d’« évaluation de la santé mentale » est ajoutée au début du projet de loi, à l’article 1. Le comité veut préciser que les personnes incarcérées ont le droit de pouvoir consulter des professionnels de la santé qualifiés qui ont les compétences nécessaires pour fournir des soins appropriés et efficaces.

Une déclaration est ajoutée à l’article 2 du projet de loi pour affirmer que le Service correctionnel du Canada « privilégie des mesures de rechange à l’isolement carcéral », principalement en faisant une interprétation large des articles 29, 81 et 84, qui prévoient des transfèrements dans les établissements de santé ou dans la communauté pour les délinquants admissibles. Le but de cet amendement est d’amener le Service correctionnel du Canada à recourir à des formes moins restrictives d’incarcération et d’encourager le recours à des approches de l’incarcération dans la collectivité, dans la mesure du possible.

[Français]

L’article 2 est modifié pour indiquer que le Service correctionnel du Canada doit assurer la prestation efficace de programmes de réadaptation des personnes incarcérées, notamment des programmes d’éducation, de formation professionnelle et de bénévolat. Le Service correctionnel doit également considérer et privilégier des mesures de rechange à l’isolement carcéral. Le comité souhaite, par le biais de cet amendement, réaffirmer l’importance cruciale, pour les personnes incarcérées, de participer à des programmes de réadaptation et de réinsertion sociale.

Le projet de loi est également modifié à l’article 3 pour stipuler que les délinquants devraient subir une évaluation de leur santé mentale dès que possible dans les trente jours suivant l’arrivée du délinquant au pénitencier.

(2020)

Des témoins ont mentionné au comité qu’une grande majorité des délinquants souffrent d’une maladie mentale diagnostiquée et qu’une évaluation opportune de leur santé mentale est essentielle. Un réaménagement des dispositions de l’article 7 a été effectué dans le but de souligner l’importance de transférer un délinquant dans un hôpital ou un établissement de santé mentale lorsque cela est possible.

[Traduction]

On a dit au comité que les pénitenciers fédéraux ne convenaient guère pour traiter les gens atteints de maladies mentales. Cet amendement vise à garantir que les délinquants souffrant de maladie mentale reçoivent les soins et le traitement dont ils ont besoin dans un hôpital ou un établissement psychiatrique.

Le projet de loi est modifié à l’article 7 pour indiquer qu’un détenu transféré dans une unité d’intervention structurée doit faire l’objet d’une évaluation de la santé mentale dans les 24 heures suivant le transfèrement. De plus, toute personne souffrant d’un « trouble incapacitant de la santé mentale » doit être transférée dans un hôpital psychiatrique conformément à l’article 29.

L’objet de cet amendement est de réduire les préjudices que peuvent subir les délinquants atteints de maladie mentale qui sont placés dans des situations semblables à l’isolement dans une unité d’intervention structurée.

L’article 10 du projet de loi est amendé pour préciser que l’incarcération dans une unité d’intervention structurée prend fin « le plus tôt possible » et ne peut durer plus de « 48 heures sans autorisation de la cour supérieure ».

Les membres du comité croient fermement que la surveillance judiciaire du recours aux unités d’intervention structurée est nécessaire pour protéger les droits des délinquants.

L’article 14 du projet de loi est modifié de façon à obliger les agents du service correctionnel à présenter des « motifs raisonnables précis » de procéder à la fouille à nu d’une personne incarcérée.

Les témoins ont signalé l’effet négatif des fouilles à nu sur le bien-être mental des délinquants, particulièrement celui des femmes qui ont été victimes d’abus sexuels.

L’objectif est de faire en sorte que les fouilles à nu ne soient pas une procédure de routine, mais qu’elles soient fondées sur des soupçons précis à l’égard du délinquant en question.

L’amendement est conforme à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus — les Règles Nelson Mandela — qui précisent que les fouilles à nu ne doivent être effectuées « que si elles sont absolument nécessaires » et qu’elles ne doivent pas être utilisées de manière systématique.

[Français]

Le projet de loi est modifié à l’article 23 pour indiquer que le personnel du Service correctionnel du Canada doit également tenir compte du passé familial et de l’historique d’adoption lorsqu’il prend des décisions, en vertu de la loi, qui touchent un délinquant autochtone. Le but de cet amendement est de faire en sorte que, lorsqu’il prend des décisions qui touchent un délinquant autochtone, le personnel du Service correctionnel du Canada tienne compte de tous les facteurs sociohistoriques uniques qui affectent les peuples autochtones, y compris les traumatismes intergénérationnels causés par le système des pensionnats.

[Traduction]

Les articles 24 et 25 du projet de loi sont modifiés afin d’affirmer que le Service correctionnel du Canada peut conclure un accord prévoyant la prestation de services correctionnels avec un organisme autochtone, un corps dirigeant autochtone ou un groupe communautaire axé sur les besoins d’un groupe défavorisé ou minoritaire.

En outre, si un délinquant demande le soutien, à sa libération, de l’une des entités mentionnées, le Service correctionnel du Canada offre à l’entité l’occasion de proposer un plan pour la libération du délinquant et son intégration au sein d’une collectivité.

L’objectif du comité consiste à encourager le Service correctionnel du Canada à travailler avec des communautés autochtones, ainsi qu’avec des groupes représentant d’autres populations défavorisées ou en situation minoritaire, de même qu’à promouvoir des solutions de rechange communautaires à l’incarcération de ces populations.

[Français]

Un nouvel article 35.1 est ajouté au projet de loi pour permettre à une personne incarcérée de demander au tribunal qui a imposé la peine qui est purgée une ordonnance de réduction de la période d’incarcération ou de la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle si, de l’avis du tribunal, il y a eu injustice dans l’administration de la peine. « Injustice dans l’administration de la peine » s’entend des décisions, recommandations, actes ou omissions par le Service correctionnel du Canada qui ont eu une incidence sur la personne incarcérée et qui sont, selon le cas, contraires à la loi ou à une ligne de conduite établie, déraisonnables, injustes, oppressants ou abusivement discriminatoires, fondés en tout ou en partie sur une erreur de droit ou de fait, ou représentent une utilisation abusive d’un pouvoir discrétionnaire.

Le but de cet amendement est de fournir aux délinquants des voies de recours pour contrer de possibles abus de pouvoir de la part du Service correctionnel du Canada, comme le recours injuste à l’isolement pendant une période prolongée.

[Traduction]

Enfin, l’article 40 est amendé pour prévoir que, à la deuxième et cinquième années suivant la date d’entrée en vigueur de la loi, un examen approfondi des dispositions édictées par la loi doit être fait par un comité du Sénat et un comité de la Chambre des communes.

Le but de cet amendement est d’assurer une reddition de comptes en garantissant que les changements mis en œuvre par la loi font l’objet d’un suivi par le Sénat et la Chambre des communes.

[Français]

Voilà ce qu’il en est des 16 amendements adoptés par notre comité. Durant son étude, le comité a tenu compte des préoccupations d’ordre constitutionnel qui ont été soulevées dans cette Chambre à l’étape de la deuxième lecture. Certains de nos amendements sont présentés dans le but de répondre à ces préoccupations.

Dans une de ses trois observations, le comité demande à son tour à cette assemblée d’examiner ces questions plus en détail au cours du débat à l’étape de la troisième lecture. Les deux autres observations concernent l’évaluation psychiatrique des personnes incarcérées. Le comité s’inquiète du fait que le projet de loi C-83 n’impose pas au personnel du Service correctionnel du Canada d’être formé ou d’avoir des compétences en matière de santé mentale pour mieux dépister et soutenir les personnes incarcérées souffrant d’une maladie mentale.

Le comité s’inquiète également du fait que le projet de loi ne donne pas de détails sur la nature des programmes de thérapie et de réadaptation offerts aux personnes incarcérées dans une unité d’intervention structurée, ni sur les critères de sélection des participants ou sur l’évaluation des programmes. Nous avons jugé que cet élément était réellement important, afin de mieux comprendre et d’améliorer la santé mentale des personnes incarcérées dans une unité d’intervention structurée.

Sur ce, je vous recommande d’adopter ce rapport de manière à poursuivre dans cette Chambre l’étude du projet de loi C-83 à l’étape de la troisième lecture. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Budget des dépenses de 2019-2020

Le crédit 1 du Budget principal des dépenses—Troisième rapport du Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du troisième rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, intitulé Budget principal des dépenses 2019-2020 : crédit 1 sous la rubrique Bibliothèque du Parlement, déposé au Sénat le 30 mai 2019.

L’honorable Lucie Moncion propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, avant d’aborder le sujet du Budget principal des dépenses de la Bibliothèque du Parlement, j’aimerais vous faire part du travail qui a été réalisé au cours de la dernière année. Nous recevons très peu d’information sur les défis de fonctionnement de la Bibliothèque du Parlement, donc j’aimerais vous faire une petite mise à jour, ce qui vous permettra de mieux comprendre les opérations de cette institution si importante pour le fonctionnement du Parlement.

(2030)

Au cours de la dernière année, la Bibliothèque du Parlement a dû quitter l’édifice du Centre et relocaliser ses opérations à plusieurs endroits différents, c’est-à-dire dans la succursale rénovée du 125, rue Sparks; dans l’édifice de la Confédération; ici même, dans l’édifice du Sénat du Canada, au deuxième étage de la section adjacente à la salle à manger; et, enfin, dans l’édifice de l’Ouest. Avec la succursale située au 180, rue Wellington, ce sont cinq endroits qui sont à notre service dans la Cité parlementaire. L’édifice situé au 45, rue Sacré-Cœur, à Gatineau, a été mis à niveau et entrepose maintenant la collection de livres rares. Elle est dotée d’une plus grande capacité d’entreposage et fournit des espaces de travail améliorés.

Avec la fermeture de l’édifice du Centre, la Bibliothèque du Parlement a dû ajuster ses opérations en matière de service à la clientèle aux parlementaires, ainsi qu’en ce qui a trait aux visites guidées dans l’édifice de l’Ouest et dans l’édifice du Sénat. On se rappellera que la boutique du Parlement a également été déplacée et est maintenant située dans le nouveau centre d’accueil des visiteurs. Je vous invite à passer y faire un tour. Vous pourrez voir les nouveaux locaux et vous aurez un aperçu de nos installations futures, puisque l’aménagement de ces espaces sera reproduit dans l’édifice du Centre.

En collaboration avec l’Office national du film, la Bibliothèque du Parlement travaille sur un projet qui consiste à donner un accès virtuel à l’édifice du Centre pendant les années où il sera rénové. Le développement technique de l’environnement de réalité virtuelle est terminé. La réalité virtuelle (RV) immersive, les expériences 2D en ligne et le programme national de salles de classe itinérantes seront lancés cet automne.

La Bibliothèque du Parlement travaille à peaufiner ses priorités pour l’exercice 2019-2020 et a établi un plan de travail avec le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement. Entre autres travaux, la bibliothèque offre les services de recherche personnalisée, de formation pour le personnel, de l’information pour le public et un accès aux collections et à tous les services offerts en succursale.

Pour réaliser ses activités et ses priorités pour 2019-2020, la Bibliothèque du Parlement demande un financement de 49 952 016 $ par l’entremise du Budget principal des dépenses. Environ 34 millions de dollars seront consacrés aux salaires, 5 millions de dollars au régime d’avantages sociaux des employés et 10 millions de dollars aux biens et services.

La Bibliothèque du Parlement peut compter sur les services de plus de 630 employés qui sont affectés aux travaux des comités du Parlement, à la recherche, au service à la clientèle, aux activités liées aux visites guidées et touristiques et au programme d’ambassadeur. Sous la direction de Mme Heather Lank— que nous connaissons tous très bien —, et appuyée d’une excellente équipe de collaborateurs, la Bibliothèque du Parlement offre une panoplie de services à son personnel, qui nous appuie dans tous nos travaux. Nous sommes fort bien servis et nous ne pouvons que les remercier très sincèrement.

Sur ce, monsieur le Président, honorables collègues, je propose l’adoption de ce rapport et du Budget principal des dépenses de la Bibliothèque du Parlement pour l’exercice financier de 2019-2020.

Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 20 h 34, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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