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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 300

Le mardi 11 juin 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 11 juin 2019

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Hommages aux pages à l’occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, cette semaine, nous allons rendre hommage aux pages du Sénat qui vont nous quitter cet été. Nous commençons aujourd’hui par deux d’entre eux.

Emmett Bisbee, qui a grandi à Innisfil, représente fièrement le centre de l’Ontario au sein de l’équipe des pages. Il vient de terminer un baccalauréat en administration et politiques publiques à l’Université Carleton. Cet automne, il commencera son droit à l’Université McGill de Montréal. Il vise une carrière au service de la population. Il tient à remercier tout le monde au Sénat pour avoir fait de ces deux dernières années une expérience très agréable et mémorable.

Bonne chance, Emmett.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Joely Bragg est fière de représenter St. Albert, en Alberta. Elle amorcera à l’automne la quatrième année de son baccalauréat spécialisé bidisciplinaire en histoire et science politique à l’Université d’Ottawa. Joely aimerait remercier tous les honorables sénateurs et l’Administration du Sénat de cette expérience enrichissante et intéressante et elle offre ses meilleurs vœux à tous.

Bonne chance, Joely.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L’honorable Richard Neufeld

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en vertu de l’article 4-3(1) du Règlement, le leader de l’opposition a demandé que la période consacrée aux déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin que nous puissions rendre hommage à l’honorable Richard Neufeld, qui prendra sa retraite le 6 novembre 2019.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, leur intervention ne peut dépasser trois minutes, à l’exception de celle du sénateur Neufeld, et qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois.

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, notre honorable collègue et ami Richard Neufeld prendra sa retraite du Sénat le 6 novembre, date à laquelle nous ne siégerons vraisemblablement pas. Je me réjouis que nous ayons aujourd’hui l’occasion de le remercier pour son dévouement au service des Canadiens au cours de la dernière décennie et, bien sûr, pendant près de quatre décennies, notamment lorsqu’il évoluait sur la scène politique municipale puis provinciale, en Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Neufeld a défendu passionnément sa province au Sénat du Canada, et son départ y laissera un grand vide.

[Traduction]

Notre collègue nous a déjà raconté l’histoire de sa famille. Alors qu’il était bébé, il a été adopté à l’orphelinat par Peter et Jessie, qui sont devenus ses parents. C’est sa sœur aînée qui l’a choisi, simplement parce qu’il souriait. À cet humble début se sont ajoutés de longs états de service à la population, d’abord au niveau municipal dans la localité de Fort Nelson, dont il est plus tard devenu maire. Il a ensuite été élu à maintes reprises à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, à titre de représentant de Peace River North.

Dès le début de sa carrière politique, Richard Neufeld a été animé d’une sincère préoccupation pour les Canadiens moyens, comme Jacques et Marie. Les intérêts et les besoins de ces gens ont toujours été sa principale motivation.

Après sa nomination au Sénat du Canada en janvier 2009, sur recommandation du très honorable Stephen Harper, le sénateur Neufeld a grandement contribué aux travaux de la Chambre haute, tant sur le parquet même du Sénat qu’aux comités. Au cours des derniers mois, il a participé aux débats et à l’étude du projet de loi C-48, au sujet duquel il a exprimé des réserves à cause de la nature clivante de cette mesure et de l’incidence négative qu’elle aurait, selon lui, sur la région qu’il considère comme la sienne.

Notre collègue a été un membre estimé de plusieurs comités du Sénat au cours des 10 dernières années, mais j’aimerais souligner tout particulièrement le travail qu’il a réalisé comme président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. La longue expérience que le sénateur Neufeld a acquise en tant que ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de la Colombie-Britannique l’a beaucoup aidé à guider le comité dans ses travaux. Sous sa présidence, le comité a examiné soigneusement de nombreux projets de loi et a étudié des questions comme les infrastructures souterraines et la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

En novembre 2009, lors de son premier discours au Sénat, le sénateur Neufeld a parlé de conseils que, selon lui, sa mère lui aurait prodigués pour l’aider à assumer ses nouvelles fonctions : « Mon fils, le Canada est un grand et merveilleux pays. Sois bon, compréhensif, sincère et, surtout, fais les bons choix et profite des bonnes occasions qui se présentent. »

Honorables sénateurs, à mon avis, nous pouvons tous convenir que, pendant son séjour au Sénat, le sénateur Neufeld s’est montré plus qu’à la hauteur de ces sages paroles. Lorsqu’il quittera ses fonctions de sénateur plus tard cette année, le caucus conservateur du Sénat regrettera ses sages conseils. Je pense qu’il en sera de même pour tous les autres sénateurs. Nous espérons que le sénateur Neufeld et son épouse Montana profiteront d’une très heureuse retraite, entourés des gens qu’ils aiment, et qu’ils pourront s’adonner à leurs activités préférées. Je suis persuadé que le sénateur Neufeld se consacrera à la passion qui l’anime depuis longtemps, soit collectionner et réparer des voitures et des motocyclettes anciennes.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je tiens à offrir mes meilleurs vœux au sénateur Neufeld.

Des voix : Bravo!

L’honorable Terry M. Mercer (leader suppléant des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’aimerais moi aussi, au nom des libéraux indépendants du Sénat, rendre hommage à notre collègue le sénateur Richard Neufeld, qui prendra sa retraite plus tard cette année.

Le sénateur Neufeld est un politicien aguerri qui a consacré sa vie à servir les Britanno-Colombiens dans un ordre de gouvernement ou un autre. Il sert la cause publique avec dévouement depuis près de 40 ans. Il a d’abord été conseiller municipal à Fort Nelson, en Colombie-Britannique, puis maire de la même localité. Il a ensuite passé près de 20 ans à l’assemblée législative de sa province, les électeurs lui faisant l’honneur de le réélire scrutin après scrutin.

Toujours en Colombie-Britannique, il a été porte-parole de l’opposition et, quand le vent a fini par tourner — ce qu’il finit toujours par faire —, il a été nommé ministre.

(1410)

Maintenant, écoutez-moi ça et dites-moi si vous avez déjà vu une carrière politique aussi intéressante : élu à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique en 1991 sous la bannière du Crédit social, il est passé au Parti réformiste en mars 1994, puis au Parti libéral en octobre 1997, qu’il finira par quitter en 2009. On peut dire que vous avez fait le tour, Richard.

Il a alors été nommé au Sénat, où il a pu poursuivre son excellent travail au nom des Britanno-Colombiens. Depuis 10 ans, il fait valoir les enjeux qui comptent le plus aux yeux de ses concitoyens. Je suis convaincu que mon collègue et ami le sénateur Day m’en voudrait de ne pas parler du fait que le sénateur Neufeld a longtemps fait partie du Comité des finances nationales. Ils en ont même occupé la présidence et la vice-présidence en même temps. C’est entre autres à eux qu’on doit la disparition de notre humble sou noir. Nous sommes d’ailleurs plus légers depuis ce jour.

Au fil des ans, le sénateur Neufeld a décortiqué les budgets, les projets de loi et les budgets des dépenses avec le même souci du détail que celui avec lequel il répare ses voitures d’époque, car il tenait à bien comprendre les problèmes que les Canadiens doivent surmonter.

Sénateur Neufeld, merci d’avoir aussi bien servi les Britanno-Colombiens et les Canadiens. Vous n’avez pas ménagé vos efforts et vous aviez toujours une main tendue pour vos collègues. Vous allez nous manquer.

Au nom des sénateurs du caucus libéral, je vous souhaite, à vous et à votre merveilleuse femme Montana — que j’ai eu le plaisir de rencontrer à l’occasion d’un voyage que nous avons fait ensemble en Nouvelle-Zélande, il y a de cela de nombreuses années —, une excellente retraite, la santé et le bonheur, toujours.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables collègues, je suis heureux d’offrir mes remerciements et mes félicitations au sénateur Neufeld au nom du Groupe des sénateurs indépendants.

Le sénateur Neufeld a voué sa vie au Canada et à la Colombie-Britannique. Sa carrière politique a commencé en 1978 au conseil municipal de Fort Nelson et a duré quatre décennies. Lorsque je m’entretiens avec des gens du Nord de la Colombie-Britannique, je constate que tous connaissent le sénateur Neufeld et en parlent avec beaucoup de respect et d’admiration.

Il a toujours représenté et appuyé les Britanno-Colombiens, en tenant compte de leurs préoccupations et de leurs besoins, notamment sur le plan des ressources naturelles. Comme on l’a mentionné, il a servi à titre de ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique, à une époque où l’industrie des ressources naturelles de la province connaissait une croissance très rapide.

Le sénateur Neufeld a apporté au Sénat un dynamisme particulier et une expertise dans le domaine de l’énergie, des ressources naturelles et de l’environnement. Il a d’ailleurs présidé ce comité pendant des années. J’ai eu l’honneur de travailler avec lui au cours des dernières années sur le rapport sur la décarbonisation de l’économie canadienne et, plus récemment, sur le projet de loi C-69.

J’ai aussi eu la chance de voyager de temps en temps avec lui de Vancouver à Ottawa, occupant parfois le siège voisin du sien à bord de l’avion. Chaque fois, j’ai eu l’occasion d’observer à quel point il travaille avec diligence et étudie ses notes pour ce qu’il doit faire une fois à Ottawa. Pour ma part, j’en profite généralement pour piquer une sieste.

À sa première intervention au Sénat, le 12 février 2009, le sénateur Neufeld a déclaré :

Je suis fier d’être Canadien, je vous le dis. J’ai des convictions politiques, mais je suis aussi capable de travailler avec les gens afin d’essayer d’améliorer la vie des Canadiens, et c’est ce que nous devrions faire au Sénat.

Sénateur Neufeld, c’est ce que vous avez fait dans cette enceinte et nous vous en remercions.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à un parlementaire distingué, un collègue et ami qui vient comme moi de la Colombie-Britannique, l’honorable Richard Neufeld.

Le sénateur Neufeld prendra officiellement sa retraite du Sénat du Canada le 6 novembre 2019.

Il a consacré quatre décennies de sa vie au service de la population. Il a été conseiller municipal et maire de Fort Nelson. Pendant ses 18 ans à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, il a été député de Peace River North, whip de l’opposition et ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières, en plus de gérer divers portefeuilles et des comités du Cabinet provincial.

Voici une citation du sénateur Neufeld qui nous aide à comprendre comment il a su servir les bonnes gens qu’il représentait avec intégrité et avec un engagement inébranlable :

En tant que législateur, je crois fermement aux réalisations nécessaires plutôt que populaires. Je n’ai pas fait le saut en politique pour me faire aimer. Je me suis plutôt toujours efforcé d’offrir le meilleur leadership possible et de défendre les intérêts et les droits de Jacques et Marie, qui reflètent la majorité des Canadiens.

Richard et moi avons commencé au Sénat le 26 janvier 2009, à titre de sénateurs représentant la Colombie-Britannique. Nous sommes devenus voisins de banquette peu après. Je savais déjà, à l’époque, que Richard avait été un politicien et un ministre très respecté, mais je ne pouvais pas imaginer les expériences que nous allions vivre ensemble en tant que sénateurs et les liens d’amitié que nous allions tisser, au Sénat comme à l’extérieur.

Comme j’ai été voisine de pupitre et membre du même caucus que le sénateur Neufeld pendant plus d’une décennie, j’ai pu découvrir ce à quoi il attache le plus d’importance. Richard Neufeld est avant tout un mari, un père, un grand-père et un arrière-grand-père dévoué. Aujourd’hui est une journée d’autant plus mémorable que votre épouse et meilleure amie, Montana Currie, qui est à vos côtés depuis tant d’années, est présente parmi nous. Je profite également de l’occasion pour exprimer notre gratitude à vos formidables enfants Chantel, Nathan, Ryan et Kathryn, et à vos petits-enfants et arrière-petits-enfants Faye, Bryson, Rylan, Jessy, Javion, Connor, Tristan, Grady et Darby. Chaque fois que vous parlez de votre famille, particulièrement de votre petite-fille de trois ans, vous débordez de fierté et d’amour. Je remercie tous les membres de votre famille de vous avoir permis de servir la population pendant des décennies.

Cher collègue, je vous remercie de votre sagesse, de votre leadership et, surtout, de votre amitié. Je me réjouis à la perspective de commencer de nouvelles aventures à moto avec vous et Montana sur votre toute nouvelle Indian, alors que je serai derrière mon époux, Doug, sur notre Harley. Vous nous manquerez beaucoup et nous vous considérerons toujours comme un membre respecté et apprécié de la famille conservatrice et de la communauté du Sénat.

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à mon ami et collègue Richard Neufeld. Vous savez qu’il est sénateur, mais il œuvre en politique canadienne depuis 40 ans, et il a de quoi en être fier. Le Sénat aura grandement profité de cette longue expérience de la politique et de l’arène législative pendant son séjour parmi nous.

Il a été élu pour la première fois en tant que député provincial de Peace River North en 1991. Il a été réélu trois fois et, pendant 10 ans, de 1991 à 2001, il a été whip de l’opposition et porte-parole pour plusieurs portefeuilles : transports, agriculture, affaires autochtones, énergies, mines et environnement, terres et parcs.

Lorsqu’il siégeait au sein du gouvernement, de 2001 à 2009, il a été ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières. Au cours de son mandat de ministre, il a été responsable de la mise en œuvre de deux plans énergétiques pour la Colombie-Britannique, en 2002 et en 2006. Ces plans étaient novateurs et progressistes et ils mettaient de l’avant la conservation et l’efficacité énergétiques.

Dans le cadre des discussions que nous avons aujourd’hui, il convient de rappeler un communiqué de septembre 2007 de la conférence des ministres de l’Énergie tenue à Whistler, en Colombie-Britannique, que Richard coprésidait avec Gary Lunn, ministre fédéral de l’Énergie de l’époque. J’avais été frappé par l’esprit de collaboration entre le ministre fédéral et le ministre provincial quant à la place à accorder à l’environnement.

Dans ce communiqué, Richard affirmait :

Le gouvernement fédéral comme les gouvernements provinciaux prennent très au sérieux les enjeux énergétiques. Ce n’est qu’à l’occasion de rencontres de collaboration comme celle-ci que nous pouvons mettre en commun nos pratiques exemplaires et travailler conjointement à trouver des solutions.

Il a continué à faire preuve de sagesse lorsqu’il a été nommé au Sénat en janvier 2009. À titre de président du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, il a supervisé plusieurs études extrêmement importantes. Je pense notamment au rapport Énergiser les territoires du Canada, qui portait sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables ainsi que sur les technologies émergentes dans les trois territoires du Nord du Canada.

Sur une note personnelle, il a fallu beaucoup de temps avant qu’un lien d’amitié se forme entre Richard et moi. Nous nous croisions et discutions de temps à autre, sans plus. Puis, la vie, comme à son habitude, a pris des tournures étranges. Pour moi, ce fut un cancer; pour lui, c’était son cœur. Devant ces difficultés, nous nous sommes consolés mutuellement et nous avons appris à beaucoup mieux nous connaître. Nous avons lutté tous les deux contre certains problèmes dans notre passé et nous sommes parvenus à les surmonter.

J’aime Richard Neufeld. C’est mon ami. Je m’ennuierai de tous ces bons repas en sa compagnie, mais je suis heureux que Montana puisse passer plus de temps avec lui. Vous savez quoi? Je quitterai mes fonctions au même moment. Nous allons nous ennuyer l’un de l’autre, mais ce ne sera pas en cette enceinte.

Peu importe, Richard, je vous souhaite la meilleure des chances.

Vous savez, il fait partie de l’histoire du Canada. Depuis ses humbles débuts, il s’est taillé une place dans l’histoire. Il est devenu un député, choisi par ses pairs dans sa ville, par sa province. Il a ensuite été nommé sénateur ici, à Ottawa.

Merci beaucoup, Richard, des services que vous avez rendus à la population du Canada.

Des voix : Bravo!

(1420)

L’honorable Donald Neil Plett : Je tiens d’abord à remercier mon collègue d’en face, le sénateur Gold, de m’avoir cédé son temps de parole pour que je puisse rendre hommage à notre ami.

Comme on l’a déjà dit, Richard a été nommé au Sénat en janvier 2009. J’ai été nommé six mois plus tard. Nous sommes donc arrivés pendant la même période, et il est devenu pour moi non seulement un ami, mais un mentor.

Je dois lui présenter publiquement des excuses. Je l’ai fait en privé à maintes reprises, mais il ne veut pas me pardonner, alors je vais le faire publiquement. Le sénateur Woo et la sénatrice Martin ont parlé de leurs voyages avec Richard. Je n’ai pas beaucoup voyagé avec lui, car je viens de Winnipeg, et lui, de Vancouver. Cependant, un jour, nous avons pris le même avion. Richard devait passer par Winnipeg. Naturellement, comme cela arrive très souvent, l’avion d’Air Canada a atterri à Winnipeg avec quelques heures de retard, aux alentours de minuit. Richard a évidemment manqué son vol pour Vancouver. Je n’ai pas été aussi accueillant que j’aurais pu l’être à Winnipeg. Je savais que mon collègue allait devoir passer la nuit à Winnipeg, mais je lui ai simplement souhaité un bon week-end, puis je suis parti avec ma valise.

Richard n’a jamais cessé de me le rappeler. Je tiens à lui présenter publiquement mes excuses pour ne pas avoir fait preuve d’une plus grande hospitalité. Lors d’un prochain voyage, Richard, j’espère que vous passerez par Winnipeg et que je pourrai me racheter.

Le sénateur Tkachuk a mentionné rapidement les problèmes de santé de Richard. Il faut toutefois dire que, malgré ces problèmes, il s’est employé avec ardeur à être aussi assidu que possible, parfois même au péril de sa santé. Montana et Richard, je vous remercie. À titre de whip, je l’ai énormément apprécié.

Je vous offre mes meilleurs vœux, Richard. Je vous souhaite, à votre âge, la sécurité pendant vos déplacements en motocyclette. Il faut dire que la vôtre a le grand avantage d’avoir trois roues plutôt que deux. Nous espérons que vous serez en sécurité pendant vos déplacements, car nous souhaitons vous côtoyer encore longtemps.

Je vous remercie de votre amitié et de l’aide que vous m’avez apportée. Merci aussi de ce que vous avez fait pour la cause conservatrice. Que Dieu vous bénisse, et meilleurs vœux à vous et à votre famille.

Des voix : Bravo!

L’honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, le sénateur Neufeld possède de nombreuses qualités qui rachètent ses défauts. Nous en avons entendu plusieurs cet après-midi. La plupart d’entre nous ne connaissent peut-être pas la plus importante de ces qualités : c’est le fait que, même s’il défend souvent et ardemment tout ce qui touche la Colombie-Britannique, il est originaire de l’Alberta, ayant grandi dans une ferme située dans le sud de cette province. Évidemment, cela témoigne de son humilité et de son discernement, sauf qu’il a bel et bien quitté l’Alberta.

Tout au long de sa vie en Colombie-Britannique, le sénateur Neufeld s’est consacré au service public. Il a été élu maire de Fort Nelson en 1981, poste qu’il a occupé pendant cinq ans. Il a siégé à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique pendant 18 ans, dont les huit derniers en tant que ministre de l’Énergie. Le fait d’avoir passé huit ans dans un poste aussi exigeant et stressant et d’être parti selon ses propres conditions témoigne clairement de sa détermination, de son dévouement et, surtout, peut-être, de sa compétence.

En 2009, il a été nommé au Sénat, faisant ainsi passer la durée de sa carrière au service du public à un total de 33 ans.

Le fait que le sénateur Neufeld ait pu poursuivre une carrière politique pendant aussi longtemps en dit long aussi sur le soutien que lui a prodigué son épouse Montana. Il parle souvent avec affection et fierté de Montana, ce qui montre à quel point il l’aime et apprécie la place qu’elle occupe dans sa vie et sa carrière. Je tiens à remercier Montana d’avoir soutenu le sénateur Neufeld, afin qu’il puisse faire tout ce qu’il fait pour la Colombie-Britannique et le Canada pendant si longtemps.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : C’est peut-être dans son rôle de président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, alors que j’étais moi-même vice-président de ce comité, que le sénateur Neufeld m’a laissé la plus forte impression. Cette époque a été une des meilleures de mon expérience au Sénat. Il savait faire preuve de l’objectivité qui caractérise un excellent président. Il était toujours juste. Il a toujours veillé à ce que la liste des témoins soit équilibrée, peu importe le sujet étudié ou son opinion personnelle sur la question.

Il remettait rarement en question les témoins que je recommandais. Lorsqu’il le faisait, c’était avec bonne foi et discernement. Il n’avait pas peur de l’autre côté de la question et il ne m’en voulait jamais d’être presque toujours de ce côté-là. Il respectait grandement le comité directeur. Il a été un leader et un collègue exceptionnel.

Le sénateur Neufeld a également toujours fait preuve d’un grand respect envers le personnel du Sénat qui appuyait le comité, que ce soit les greffiers, les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement, les adjoints ou tous les autres membres du personnel de soutien.

De temps à autre au Sénat, nous sommes témoins de moments exceptionnels et souvent inoubliables. Il y a quelques mois, nous avons vécu l’un de ces moments lorsque le sénateur Neufeld a pris la parole à propos du fait qu’il avait été adopté. De façon très émouvante, il a parlé de la grande chance qu’il avait eue et il a remercié ses parents de lui avoir offert cette vie. Il a aussi exprimé son amour profond pour eux. Si nous avions eu la chance de les connaître, je ne doute pas qu’ils se seraient empressés d’exprimer leur reconnaissance pour ce qu’il a apporté à leur vie et tout leur amour pour lui. Je sais qu’ils étaient très fiers de son parcours de vie et des contributions qu’il a faites.

Je suis triste de le voir partir. Je m’ennuierai de son amitié, de ses conseils et des rires que nous partagions souvent. Je lui suis très reconnaissant, comme le sont tous les sénateurs et les Canadiens, des contributions qu’il a apportées à sa province, à sa communauté et au pays. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que recrue du Sénat, mais aussi en tant que voisine du sénateur Neufeld. Si vous regardez sur Wikipedia ou sur Google Maps, vous constaterez que Fort St. John n’est qu’à 16 heures de route de Whitehorse. Les habitants du Nord et le sénateur Neufeld vous diront que tout dépend du type de véhicule que vous conduisez. Nous ne conduisons pas le même type de véhicule, sénateur Neufeld, mais j’ai hâte de vous voir parcourir le Yukon sur votre nouvelle motocyclette.

Nous avons par contre la même volonté de servir notre région respective, notre gouvernement provincial ou territorial, ainsi que le Sénat.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Neufeld des services qu’il a rendus aux Britanno-Colombiens et à l’ensemble des Canadiens. Je veux aussi le remercier du chaleureux accueil qu’il m’a réservé et de son esprit de collégialité. L’amour de la famille que le sénateur Neufeld et moi partageons eu égard aux sacrifices consentis par nos proches pour notre carrière politique a été démontré lorsqu’il a eu la générosité, fidèle à l’hospitalité et à l’attitude déterminée des gens du Nord, d’aller porter un petit présent à ma fille, à Fort St. John. Cette gentillesse, ce désir de bon voisinage et cet amour du Nord ne sont que quelques-unes des qualités que j’ai appris à admirer chez vous, sénateur Neufeld, malgré le peu de temps que nous avons passé à travailler ensemble. Je m’ennuierai vraiment de notre perception commune de la réalité dans le Nord-Ouest du Canada.

Je vous remercie et je remercie votre famille des services que vous avez rendus à l’ensemble du Canada.

[Français]

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, il n’est jamais facile de dire au revoir à l’un des nôtres.

[Traduction]

En près de 35 ans de service à la population, j’ai appris que les gens ne se soucient pas de savoir qui nous sommes tant qu’ils ne savent pas ce qui nous tient à cœur. Richard Neufeld, les gens savent ce que vous avez à cœur. Humbles débuts.

Parler de Richard Neufeld en trois minutes seulement, ce n’est pas une mince tâche, mais je vais faire de mon mieux avec mes 180 secondes.

Qui est le sénateur Richard Neufeld? D’abord, Richard, j’aimerais vous dire que vos parents adoptifs, Peter et Jessie Neufeld, ont choisi un bébé remarquable en 1944. Qui aurait bien pu penser que vous deviendriez un parlementaire réputé et envié qui, en 2019, termine une carrière politique extraordinaire au Sénat du Canada?

Les Britanno-Colombiens et les Canadiens de tous les horizons vous respectent parce qu’ils vous font confiance. Ils admirent votre sens poussé de la justice, de la transparence et de la responsabilisation. On dit que vous étiez la personne à qui on s’adresse en Colombie-Britannique.

(1430)

Richard, lorsque vous conduisiez un camion sur la route de l’Alaska pour faire des livraisons dans le Nord canadien, je suis absolument convaincu que personne ne se doutait que vous alliez devenir le parlementaire que vous êtes aujourd’hui au Sénat du Canada.

De 1991 à 2008, Richard a été député à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique. De 2001 à 2009, il a été ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières. Par ailleurs, de 1978 à 1986, il a fait partie du conseil municipal de Fort Nelson et a été maire de la ville pendant cinq ans. Richard, vos réalisations sont remarquables.

Le grand Wayne Gretzky a dit : « Je vais où la rondelle se trouvera, non où elle se trouvait. » Eh bien, Richard Neufeld, personne ne pourra nier que vous êtes toujours allé là où les Jacques et les Marie cherchaient de l’aide et des conseils. Vous étiez la personne-ressource tout indiquée.

Sénateur Neufeld, Winston Churchill a dit ceci :

[...] il est préférable d’avoir raison tout en étant conséquent, mais, s’il faut choisir entre les deux, mieux vaut avoir raison.

À mon avis, vous avez choisi d’avoir raison.

Honorables sénateurs, un grand parlementaire a dit ceci :

En tant que législateur, je crois fermement aux réalisations nécessaires plutôt que populaires. Je n’ai pas fait le saut en politique pour me faire aimer. Je me suis plutôt toujours efforcé d’offrir le meilleur leadership possible et de défendre les intérêts et les droits de Jacques et Marie, qui reflètent la majorité des Canadiens.

Honorables sénateurs, c’est le sénateur Richard Neufeld qui a fait l’excellente déclaration que je viens de citer. Richard, comme dirait la chanson de Johnny Cash, vous êtes allé partout, mon ami.

Que Dieu vous bénisse, ainsi que votre famille, pendant de nombreuses années.

Des voix : Bravo!

Remerciements

L’honorable Richard Neufeld : Merci beaucoup, chers collègues. Je crois que mes notes ont circulé un peu, puisque j’ai reconnu dans vos propos des traces de mon discours. Je vous demanderais toutefois d’être indulgents et de me laisser prononcer tout mon discours, car je le fais pour les membres de ma famille. Ils voudront peut-être, un jour, voir ce que faisait ce vieil illuminé et lire ses propos.

Je m’y prends à l’avance pour faire mes adieux. Nous savons tous qu’il y aura une élection générale en octobre. J’aurai 75 ans le 6 novembre, et il serait étonnant que la nouvelle législature commence avant cette date. J’ai donc décidé de faire mes adieux pendant les dernières semaines de la session parlementaire.

Avant de parler de mon parcours de vie et de mon expérience en politique, il m’apparaît important de commencer par des remerciements. Tout d’abord, merci aux leaders et aux autres sénateurs pour leurs bonnes paroles. Vos propos et vos compliments si généreux m’ont beaucoup touché. Sachez que j’ai grandement apprécié mes années au Sénat et les nombreux amis que je me suis faits au fil des ans. Je chérirai ces amitiés et ces souvenirs jusqu’à la fin de mes jours.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui contribuent à faire fonctionner le Sénat comme une machine bien huilée. Vous savez tous à quel point j’aime une machine bien huilée. Je remercie tous les employés de l’administration, des agents de sécurité aux sténographes, en passant par les interprètes, les pages, les greffiers des comités et les greffiers au Bureau et tous les autres. Je remercie notamment Lynn Gordon, Maxime Fortin, Sam Banks, Marc LeBlanc et Jesse Good de leur engagement et de leur soutien du temps où j’étais président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Bien entendu, je remercie aussi les gens de la Colombie-Britannique, en particulier les habitants du nord-est de la province que j’ai eu l’honneur de représenter dans trois ordres de gouvernement pendant presque 40 ans.

Je veux aussi remercier personnellement les personnes qui ont travaillé à mon bureau d’Ottawa, c’est-à-dire Patty Tancorre, qui a été à mes côtés dès le premier jour, donc depuis 10 ans; Nicole Power, qui a été ma conseillère politique de 2013 à 2015 et qui vit maintenant à Fort McMurray; et Éric Gagnon, qui travaille avec moi depuis 2015. Je vous remercie du fond du cœur pour tout ce que vous faites. J’ajoute que ces personnes devraient être prises en considération par quiconque cherche des gens d’exception.

Au cours des 10 dernières années, j’ai souvent pensé à la façon de gérer la fin inévitable de ma carrière politique au Sénat. Parfois, j’envisageais de quitter mes fonctions discrètement. D’autres fois, j’avais envie de faire quelques remarques. J’ai finalement décidé d’opter pour le deuxième choix. Je suis désolé d’interrompre les importants travaux du Sénat.

Comment puis-je résumer ma vie en quelques minutes seulement? Après réflexion, j’ai décidé de prendre le temps nécessaire tout en tenant compte de la valeur de votre temps. Je suis bien conscient que certains aspects de mon discours pourraient avoir peu d’importance pour vous et je sollicite votre indulgence.

En fait, je tiens à remercier tout spécialement mes enfants, mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants. La politique n’est pas un domaine toujours facile, et vivre avec un politicien présente des défis.

Mes enfants, j’espère que vous savez que chaque fois que j’ai pris une décision, que j’ai étudié une politique ou une proposition et que j’ai pris part à un vote, j’ai pensé à vous. Je suis entré en politique parce que j’espérais que mon humble contribution puisse faire de notre province et de notre pays un endroit meilleur pour vous et pour les générations à venir.

Si vous me le permettez, j’aimerais saluer mes enfants, mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants : Chantel et Elly Chavez, leur fille Faye Horth et ses fils, Bryson et Rylan West; leur fils Jessy Ferguson et son fils Javion; Nathan et Kendra Neufeld; Ryan et Jolene Currie et leurs fils Connor et Tristan; Kathryn Hill, son fils Grady, qui est ici aujourd’hui, et sa fille Darby.

Je tiens tout particulièrement à ce qu’ils comprennent — et tous les Canadiens aussi, quand on y pense — à quel point le Sénat du Canada est important pour l’ensemble de la société et à quel point nous devrions lui être reconnaissants. À mes yeux, le Sénat est l’une des pierres angulaires de notre régime parlementaire et un élément important de la démocratie.

La démocratie canadienne est un exemple pour tous, cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Les Canadiens se sont battus et se battent encore pour vivre dans un pays démocratique comme le nôtre, c’est-à-dire un pays qui protège, défend et chérit les droits et les libertés.

Cette tâche peut parfois être un peu exigeante, mais je crois sincèrement que nous vivons dans le plus formidable pays du monde. De nombreux pays ne peuvent que rêver de tout ce que nous avons au Canada.

Mes parents et mes grands-parents, qui ont immigré ici en 1926, n’ont certainement pas connu en Russie la démocratie telle que nous la connaissons au Canada. Ils me rappelaient constamment que nous étions extrêmement chanceux de vivre au Canada et d’avoir toutes les possibilités que nous offrait notre nouveau pays.

Pendant les 15 premières années de ma vie, notre famille, qui comprenait aussi ma sœur aînée, Marilyn, et ma sœur cadette, Connie, a vécu dans une toute petite localité du Sud de l’Alberta qui comptait environ 200 habitants. Mes parents étaient agriculteurs et ils avaient un petit garage en ville. Mon père, en digne agriculteur et mécanicien, m’a fait travailler, dès un très jeune âge, dans les champs et au garage, les mains dans le cambouis. En toute honnêteté, je suis vraiment impatient de passer autant de temps que je le souhaite dans mon atelier pour travailler sur mes tracteurs, voitures et motocyclettes d’époque.

Ma mère, que Dieu ait son âme, était la « voix de la raison » à la maison. C’est elle qui nous a appris à être humbles, bons et attentionnés, et à nous occuper des autres. Elle était la pierre angulaire de la famille.

À bien des égards, mes parents étaient des Canadiens ordinaires, comme Jacques et Marie. Ils travaillaient dur et ils ont vécu modestement, mais ils ont toujours accordé la priorité aux autres. Ils étaient représentatifs des Canadiens moyens.

J’espère que, dans l’exercice de leurs fonctions, notamment pour s’employer à ce que le Canada demeure un grand pays, mes honorables collègues garderont toujours à l’esprit les Canadiens ordinaires comme Jacques et Marie.

(1440)

En 1959, mes parents ont décidé d’aller s’installer à Fort St. John, dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique. J’avais 15 ans. Ils estimaient que là-bas, il y aurait plus de possibilités pour notre famille.

Ce déménagement n’a pas été facile pour moi. Ma sœur aînée avait déjà fini ses études et elle s’était mariée. Par ailleurs, j’étais habitué à une petite école où les élèves de 9e, 10e, 11e et 12e année partageaient la même salle de classe et le même enseignant. Fort St. John était une ville beaucoup plus grande, à l’image de ses écoles. En outre, je commençais ma scolarité dans un autre environnement sans ami. Même dans les meilleurs moments, cela s’avérait difficile.

Comme beaucoup d’adolescents, je croyais tout savoir. J’avais 15 ans, allant sur mes 20 ans, et, bien sûr, je me croyais bien plus malin que mes parents. J’avais 16 ans quand mon père m’a dit que si j’avais tout compris de la vie, peut-être que je devrais aller la vivre. C’est donc ainsi que j’ai commencé ma vie loin du foyer familial, ayant à peine terminé ma 10e année. Je n’ai jamais regardé en arrière.

Ce fut beaucoup plus difficile que je l’avais imaginé, même si j’ai vécu de bonnes expériences formatrices. Comme premier emploi, j’ai trait des vaches à la main dans une petite ferme laitière en échange du gîte et du couvert et de 5 $ par jour. J’ai aussi travaillé dans un ranch à garder du bétail pour à peu près le même salaire, plus le tabac que je consommais.

Toutefois, au plus profond de moi — et cela semblera sans doute incroyable à certains d’entre vous —, mon rêve était de conduire un camion. De plus en plus de débouchés se créaient dans la région en raison de l’essor de l’industrie pétrolière et gazière. Des pipelines, des usines de transformation et des raffineries voyaient le jour à un rythme sans précédent afin d’acheminer le produit vers le Sud de la Colombie-Britannique pour utilisation au pays et pour exportation vers les États-Unis.

Il ne m’a pas fallu bien du temps pour obtenir un emploi saisonnier auprès d’une grande société de transport lourd et de construction dans le domaine pétrolier et gazier, à Fort St. John. La société transportait des appareils de forage partout dans le Nord de la Colombie-Britannique et de l’Alberta ainsi que dans les territoires. C’était un emploi saisonnier assorti de longues heures de travail et de longues périodes d’absence de la maison. Lorsque je ne travaillais pas dans les champs pétrolifères, je trouvais d’autres emplois pour subvenir à mes besoins. Cela s’est poursuivi ainsi pendant quelques années, jusqu’à ce que je trouve un emploi permanent à longueur d’année auprès de la même société de construction.

En 1968, j’ai fait l’acquisition de mon premier camion, un semi-remorque équipé pour transporter de la machinerie lourde et des appareils de forage. J’avais 24 ans. J’étais fou de joie. Cela ne veut probablement pas dire grand-chose pour bon nombre d’entre vous, mais, ensemble, mon camion et moi gagnions 16,50 $ l’heure, une rémunération qui, essentiellement, tenait compte du coût réel de l’utilisation du véhicule, de la valeur de mon travail et de mon salaire.

En 1972, alors que j’avais 28 ans, l’entreprise m’a demandé si je pouvais déménager à Fort Nelson, une ville d’environ 4 000 habitants située plus au nord, et assumer le rôle de gestionnaire de district de ses installations, dont un relais routier ouvert 24 heures sur 24, une installation de réparation de camions et un restaurant ouvert 24 heures sur 24. Ma conjointe et moi avons accepté de déménager. Nous avons donc parcouru près de 400 kilomètres sur la route de l’Alaska avec un enfant d’un an pour nous rendre à Fort Nelson. L’affectation était censée durer cinq ans.

J’étais parfois responsable d’environ 40 machines lourdes et d’une centaine de camions transportant des plates-formes de forage et de l’équipement. J’étais très occupé et j’avais beaucoup de responsabilités, y compris l’obtention d’ordres de travail, l’établissement des budgets, la facturation, la gestion du personnel et plus encore. J’exerçais toutes ces fonctions dans une région nordique et éloignée sur un terrain plutôt difficile et dans des conditions météorologiques imprévisibles. Cinq années ont fini par se transformer en 19 années mémorables et passionnantes. Comme il s’agissait d’une petite collectivité éloignée qui se trouvait à côté d’une réserve des Premières Nations, tout le monde travaillait ensemble et dépendait les uns des autres.

J’ai fini par laisser mon emploi à l’entreprise de construction, puis, en 1978, à l’âge de 34 ans, j’ai lancé ma propre entreprise. C’est aussi à cette époque-là que j’ai eu mon premier contact avec la politique. De 1978 à 1986, j’ai siégé au conseil municipal de Fort Nelson, d’abord en tant que conseiller, puis en tant que maire. Cinq ans plus tard, soit en 1991, quelques habitants de la région m’ont suggéré de tenter d’obtenir l’investiture du Parti Crédit Social de la Colombie-Britannique, qui, à l’époque, avait gouverné la province pendant quelques décennies. Bien sûr, cette décision signifiait que je devais retourner à Fort St. John, ce que je fis.

En octobre 1991, j’ai été élu député de Peace River North à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique. J’ai conservé cette circonscription jusqu’à ma nomination au Sénat en janvier 2009. Étant donné que le NPD était au pouvoir, j’ai passé les 10 premières années dans l’opposition.

Au cours de cette période, j’ai aussi fait défection pour me joindre au Parti réformiste de la Colombie-Britannique, puis au Parti libéral de la Colombie-Britannique. Pour les sénateurs qui ne connaissent pas la politique de la Colombie-Britannique — à l’instar de nombreuses personnes —, les libéraux sont essentiellement une coalition de députés de centre-gauche et de centre-droit. Ne croyez pas un instant que je suis un libéral fédéral. Toutefois, je vous apprécie beaucoup.

En 2001, je me suis présenté aux élections provinciales en Colombie-Britannique sous la bannière libérale et, grâce au leadership exceptionnel du premier ministre Gordon Campbell, nous avons formé le gouvernement après un règne de 10 longues années sombres du NPD. J’ai eu l’honneur d’être ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de 2001 à 2008 et je suis celui qui a occupé ce poste le plus longtemps dans l’histoire de la Colombie-Britannique. J’ai énormément aimé gérer ce portefeuille, car c’était celui de l’industrie dans laquelle j’avais travaillé pendant la plus grande partie de ma vie. C’était un poste à la fois stimulant et enrichissant.

Le ministère a accompli beaucoup de choses alors que j’en étais le ministre, surtout si l’on tient compte du fait que le secteur de l’énergie évoluait à un rythme rapide. J’ai présenté deux plans énergétiques, un en 2002 et une version mise à jour en 2006. Il s’agissait des tout premiers plans énergétiques de la province. C’était des plans ambitieux visant à revigorer le secteur provincial de l’énergie. À ma connaissance, ces deux plans énergétiques sont toujours en place et ils n’ont pas été modifiés. Je crois fermement que, sous la direction du premier ministre Campbell, beaucoup de choses ont été accomplies en Colombie-Britannique, et nous nous en portons mieux.

Honorables sénateurs, je pense sincèrement que tous les politiciens ont une date de péremption. Donc, après 18 ans comme député provincial de Peace River North, j’ai pensé qu’il était temps que je passe à autre chose et que je fasse de la place à du sang neuf pour représenter ma région. Lorsque j’ai pris ma décision, je ne savais pas ce qui m’attendait, mais je savais que j’avais besoin de changer d’air et de rythme. En septembre 2008, j’ai dit au premier ministre de ma province que je ne me présenterais pas aux élections d’avril 2009. Le premier ministre Campbell s’est montré compréhensif, mais m’a demandé de demeurer à mon poste de ministre jusqu’aux élections. J’ai accepté.

Comme nombre d’entre vous le savent, lorsqu’un ministre informe le chef de son intention de ne pas se présenter à des élections, il est habituellement remplacé par un député qui va se présenter de nouveau pour qu’il puisse se faire davantage connaître avant les élections. J’ai été surpris et, honnêtement, flatté lorsque le premier ministre Campbell m’a demandé de rester.

Puis, à ma grande surprise, en décembre 2008, j’ai reçu un appel du premier ministre Harper, qui m’a demandé de siéger au Sénat en tant que sénateur de la Colombie-Britannique. Beaucoup ne le croiront peut-être pas, mais c’était la première fois que je parlais à M. Harper. Ce fut un honneur pour moi d’accepter son offre. Je suis reconnaissant envers le premier ministre de la confiance qu’il m’a accordée. Je tiens d’ailleurs à le remercier de cette confiance. J’étais loin de me douter que le travail d’un sénateur était aussi exigeant, surtout les allers-retours constants à Ottawa et les trois heures de décalage horaire.

En fait, j’ai signé ma lettre de démission à titre de ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières et de député provincial de Peace River North le jour même où j’ai signé mon serment d’allégeance en tant que sénateur. À ma connaissance, c’était la première fois dans l’histoire qu’un sénateur de la Colombie-Britannique venait d’un autre endroit que la vallée du bas Fraser ou le sud de la Colombie-Britannique. Je viens du nord de la Colombie-Britannique, et cette réalité a toujours influencé mon travail, tant comme député provincial que comme sénateur.

Chers collègues, comme vous pouvez le constater, le parcours qui m’a amené au Sénat est assez inhabituel. Lorsque je me rappelle l’adolescent de 16 ans que j’étais et qui s’imaginait avoir tout compris de la vie, je ne peux m’empêcher de penser à mes parents, qui, je l’espère, me regardent là-haut avec fierté. Cinquante-huit ans plus tard, je peux vous dire que je n’avais pas tout compris de la vie, et que ce n’est toujours pas le cas. Mais j’ai fait de mon mieux pour respecter les principes que mes parents m’ont inculqués, et qui m’ont guidé tout au long de ma vie personnelle et professionnelle.

J’estime que la morale de mon histoire est la suivante : avec assez de détermination, on peut réaliser de grandes choses. J’aimerais que mes enfants, mes petits-enfants et mes arrières-petits-enfants se souviennent toujours de cela. Il faut travailler fort dans la vie, car rien ne vous sera jamais servi sur un plateau d’argent.

Au moment de prendre ma retraite, j’aurai servi dans cette Chambre pendant 10 ans. Je laisse derrière moi 37 années de vie publique, ayant servi — honorablement, je l’espère — auprès de tous les ordres de gouvernement. J’ai peine à croire qu’il y a près de 40 ans, mon nom figurait pour la première fois sur un bulletin de vote. J’ai l’impression d’avoir commencé pas plus tard qu’hier à traire des vaches et à m’occuper du bétail.

Ce fut vraiment un privilège de servir les Britanno-Colombiens à la Chambre haute du Canada. Le Sénat est sans contredit un endroit extraordinaire. Je sais que servir le Sénat nous remplit de fierté et de sens des responsabilités.

(1450)

En tant que législateur, j’ai toujours voulu faire ce qui est juste et non pas ce qui est populaire. Je ne suis pas entré en politique pour gagner un concours de popularité. J’ai toujours cherché à faire preuve du meilleur leadership possible et à défendre les intérêts et les droits des Jacques et Marie de ce pays.

Je suis plein de gratitude en pensant à ma carrière, qui m’a permis de me rendre dans toutes les provinces et tous les territoires. J’ai eu la chance de rencontrer de nombreux Canadiens extraordinaires dans ce magnifique pays qui est le nôtre.

À tous les Jacques et à toutes les Marie, et surtout à Peter et Jessie Neufeld, je dis merci. Vous m’avez poussé à montrer le meilleur de moi-même et à faire mieux pour le Canada.

J’ai énormément aimé mon travail. J’ai beaucoup appris et apprécié totalement l’honneur qui m’a été accordé de servir en tant que sénateur, et pas une seule fois je n’ai tenu mon rôle pour acquis.

Mes collègues de tous les partis me manqueront, d’autant plus que beaucoup d’entre vous sont devenus des amis très chers. Comprenez-moi bien, toutefois, j’ai très hâte de revenir dans la belle région du nord-est de la Colombie-Britannique et de passer du bon temps en compagnie de ma femme, Montana, de nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, ainsi que de tous nos amis.

Je tiens finalement à remercier Montana, la prunelle de mes yeux, qui est à la tribune aujourd’hui, de m’avoir supporté dans mon voyage en politique, qui m’amenait loin de la maison presque continuellement. Elle restait avec toutes les responsabilités. J’ai hâte de passer du bon temps ininterrompu avec elle, de faire du camping avec nos enfants ou des balades en moto dans ce magnifique pays qui est le nôtre.

Merci beaucoup à vous tous. Cela a été pour moi un honneur de me mettre au service de la population.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’ombudsman des contribuables

Dépôt du rapport annuel de 2018-2019

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2018-2019 de l’ombudsman des contribuables, intitulé Éliminer les obstacles au service.

Les affaires autochtones et du Nord

L’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador—Dépôt du rapport annuel de 2015-2016

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2015-2016 de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador.

[Traduction]

L’Accord définitif sur l’autonomie gouvernementale Déline—Dépôt du rapport annuel de 2016-2017 du Comité de mise en œuvre

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel du Comité de mise en œuvre sur l’Entente sur la revendication territoriale globale Déline pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017.

L’Accord définitif sur l’autonomie gouvernementale Déline—Dépôt du rapport annuel de 2017-2018 du Comité de mise en œuvre

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel du Comité de mise en œuvre sur l’Accord définitif sur l’autonomie gouvernementale Déline pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018.

Le Comité de mise en œuvre de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu—Dépôt du rapport annuel de 2017-2018

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel du Comité de mise en œuvre de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018.

Arctique

Dépôt du quatrième rapport du comité spécial

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité spécial sur l’Arctique intitulé Le Grand Nord : Un appel à l’action pour l’avenir du Canada. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.

(Sur la motion du sénateur Patterson, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

L’étude sur l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines

Dépôt du vingt-sixième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 26 octobre 2017, le 28 mai 2019 et le 6 juin 2019, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a déposé auprès du greffier du Sénat, le 11 juin 2019, son vingt-sixième rapport intitulé La diplomatie culturelle à l’avant-scène de la politique étrangère du Canada. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Présentation du vingtième rapport du Comité des peuples autochtones

L’honorable Lillian Eva Dyck, présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le mardi 11 juin 2019

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l’honneur de présenter son

VINGTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a, conformément à l’ordre de renvoi du 16 mai 2019, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,

LILLIAN EVA DYCK

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Murray Sinclair : Je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 15 h 57.

Convoquez les sénateurs.

(1550)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Hartling
Bellemare Joyal
Black (Ontario) Klyne
Boehm Kutcher
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Busson Marwah
Christmas McCallum
Cormier McPhedran
Coyle Mégie
Dalphond Mercer
Dasko Mitchell
Dawson Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Deacon (Ontario) Omidvar
Dean Pate
Duncan Petitclerc
Dupuis Pratte
Dyck Ravalia
Forest Ringuette
Francis Simons
Gagné Sinclair
Gold Wetston—49
Harder

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk Mockler
Ataullahjan Neufeld
Batters Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Eaton Poirier
Griffin Richards
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Manning Stewart Olsen
Marshall Tannas
Martin Tkachuk
McInnis Wells—29
McIntyre

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bernard Verner
Greene Wallin
Saint-Germain Woo—6

(1600)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-6(2) du Règlement, lorsqu’une question de procédure est mise aux voix au cours des affaires courantes, le temps consacré au vote est exclu de la période des affaires courantes. Nous revenons donc aux affaires courantes.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 12 juin 2019, à 16 h 15, aux fins de son étude du projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires intergouvernementales

Les inquiétudes des provinces et des territoires concernant des projets de loi du gouvernement

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne une lettre ouverte adressée au premier ministre par ses homologues du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest au sujet des projets de loi C-48 et C-69. On peut y lire ce qui suit :

Nos gouvernements sont très inquiets du mépris dont fait preuve jusqu’à maintenant le gouvernement fédéral à l’égard des préoccupations que ces projets de loi suscitent dans les provinces [et les territoires]. Pour l’instant, le gouvernement fédéral semble indifférent aux difficultés économiques auxquelles sont confrontées les provinces [et les territoires]. Des mesures immédiates s’imposent pour peaufiner ou éliminer ces projets de loi afin de ne pas aliéner davantage les provinces [et les territoires] et leurs populations, et de s’employer à unir le pays pour appuyer sa prospérité économique.

Sénateur Harder, quelle est la réponse du gouvernement du Canada à la lettre des premiers ministres? Le gouvernement comprend-il que l’approche suivie à l’égard de ces projets de loi nuit à l’économie et à l’unité nationale?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur pour sa question. Il remarquera, comme tous les sénateurs d’ailleurs, j’en suis sûr, que les premiers ministres sont les tenants de certaines croyances politiques et que leur position ne nous est pas inconnue.

Le Parlement est saisi des deux projets de loi dont ils font la description. À divers moments, certains des premiers ministres, sinon tous, ont indiqué que les projets de loi devaient être soit rejetés soit, dans certains cas, modifiés ou appuyés. Cela fait partie du processus en vigueur au Sénat et à l’autre endroit.

Le gouvernement du Canada accueille toujours les points de vue exprimés par les premiers ministres, mais sa première obligation est d’agir dans l’intérêt de la nation.

Le sénateur Smith : À mon avis, cela représente aussi les Canadiens, peu importe leur allégeance politique.

Le programme électoral fédéral de 2015 du Parti libéral contenait maintes mentions de la collaboration avec les provinces et les territoires. Il parlait de respecter les compétences provinciales, d’établir des partenariats avec les provinces et les territoires et de les consulter. Au lieu de cela, le gouvernement a adopté une approche descendante du style « Ottawa a toujours raison » dans un certain nombre de dossiers.

En ce qui concerne le projet de loi C-69, au cours des derniers jours, nous avons vu des représentants du gouvernement prétendre que les amendements du Sénat au projet de loi ont uniquement été apportés au nom du secteur pétrolier et gazier, alors qu’il est clair que neuf des dix provinces ont demandé au Sénat des amendements importants.

Sénateur Harder, ces provinces attendent de votre gouvernement qu’il les traite avec un véritable respect. Pourquoi votre gouvernement continue-t-il d’écarter leurs préoccupations du revers de la main? Où sont la relation ouverte et l’esprit de collaboration avec les provinces qui ont été promis lors des dernières élections?

Le sénateur Harder : Je remercie une fois de plus l’honorable sénateur de sa question. Le sénateur sait que, fidèles aux pratiques en place depuis maintenant presque quatre ans, le premier ministre et le gouvernement ont tenté de collaborer avec les provinces dans un certain nombre de dossiers sensibles et importants. Que ce soit les changements climatiques, la conclusion d’un accord-cadre, les changements apportés au Code criminel ou une vaste de gamme de programmes d’infrastructure, il incombe au gouvernement du Canada de souder la fédération et jouer un rôle de mobilisation.

Bien sûr, il est arrivé récemment, tout comme par le passé, que le premier ministre et le gouvernement du Canada décident d’aller de l’avant sans l’appui unanime des premiers ministres provinciaux, mais ils le font dans l’intérêt national.

Je soupçonne qu’un certain nombre de premiers ministres provinciaux voudront faire campagne cet automne, étant donné que c’est ce qu’ils ont dit qu’ils feraient.

Le revenu national

La taxe sur le carbone

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’espère que, comme le leader du gouvernement au Sénat le prétend, le gouvernement écoutera très attentivement les provinces, qui ont des préoccupations légitimes — qui ont été soulevées par leur premier ministre — au sujet des projets de loi C-48 et C-69 ainsi que de l’imposition de la taxe sur le carbone du premier ministre.

Les provinces ne sont pas les seules à exprimer leurs inquiétudes au sujet de la taxe sur le carbone. Cette taxe alourdit le fardeau financier des petites entreprises au Canada, alors que certains grands pollueurs industriels ont obtenu d’importantes exemptions. Récemment, la ministre McKenna a annoncé les détails de l’un des programmes de remboursement pour les petites entreprises. Voici ce qu’ont déclaré des représentants de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante :

(1610)

Juste pour être admissibles au programme de financement de projets, les petites entreprises doivent faire un investissement d’au moins 80 000 $, parler à une série de fonctionnaires et remplir une tonne de paperasses supplémentaires.

Monsieur le sénateur, pourquoi la taxe sur le carbone du gouvernement impose-t-elle une fois de plus un fardeau disproportionné aux petites entreprises?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. Toutefois, le gouvernement n’est pas de cet avis. En effet, selon lui, il est important d’aider tous les secteurs, y compris les petites et moyennes entreprises, à faire la transition vers une économie moins énergivore en carbone. Voilà le processus qui est en cours. Nous pouvons certainement nous mettre tous d’accord. Pour sa part, le Parlement a adopté les mesures législatives nécessaires pour aider les Canadiens à faire la transition vers une économie moins énergivore en carbone.

La sénatrice Martin : Je pense avoir déjà abordé cet enjeu ici et vous avoir posé des questions au sujet du fardeau pour les petites entreprises.

Un autre programme de remise de la taxe sur le carbone que le gouvernement a promis pour les petites entreprises concerne l’achat d’appareils éconergiques. La ministre n’a pas donné de précisions sur ce programme, disant qu’il serait offert en juin. Or, la taxe sur le carbone a été imposée aux entreprises locales le 1er avril.

Sénateur Harder, les remises aux particuliers sont d’environ un tiers inférieures à ce qui a été annoncé par votre gouvernement. Il est facile de voir pourquoi les petites entreprises ont hâte de connaître les détails de ce programme qui aura une incidence sur elles.

Quand au juste le gouvernement fournira-t-il cette information aux petites entreprises?

Le sénateur Harder : La ministre responsable en fera l’annonce en temps opportun.

Les ressources naturelles

L’industrie pétrolière et gazière

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur la crise qui se perpétue dans le secteur canadien de l’énergie.

L’Impériale a retardé le projet relatif aux sables bitumineux d’Aspen, en Alberta, invoquant le climat d’incertitude qui règne dans le milieu des affaires à l’heure actuelle. Plus tôt cette année, elle a également diminué la quantité de pétrole brut qu’elle achemine par voie ferroviaire.

Devon Energy, dont le siège social est situé en Oklahoma, a annoncé qu’elle mettait fin à ses activités au Canada et qu’elle vendait tous ses actifs canadiens. Au cours des cinq prochaines années, Husky Energy diminuera ses dépenses en capital pour des projets dans l’Ouest canadien. Le remplacement de la canalisation 3 d’Enbridge a été retardé.

Toutes ces annonces ont été faites depuis le début de l’année 2019. Monsieur le sénateur Harder, que faudra-t-il de plus pour que le gouvernement prenne la crise dans le secteur canadien de l’énergie au sérieux?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je ne voudrais pas le féliciter d’avoir posé ce qui, je l’espère, sera sa dernière question, à moins qu’il ne soit enthousiaste à la perspective des séances à venir. Je le remercie de ses questions. Elles mettent toujours l’accent sur ce secteur qu’il connaît très bien.

Je tiens à lui rappeler que le gouvernement du Canada met en place une mesure législative qui vise à établir un processus d’évaluation environnementale plus prévisible et plus efficace afin que le secteur privé puisse affirmer avec plus d’assurance non seulement que le processus d’évaluation environnementale sera achevé plus rapidement, mais aussi que les projets se concrétiseront réellement. C’est exactement ce que fait le projet de loi C-69 dont nous sommes saisis.

Le sénateur Neufeld : Sénateur Harder, combien de temps les libéraux resteront-ils aveugles et sourds aux problèmes de l’industrie pétrolière et gazière dans l’Ouest canadien? Vous prenez la parole et vous dites que le gouvernement va présenter les projets de loi C-69 et C-48, qui sont, selon vous, destinés à améliorer les choses pour l’industrie pétrolière et gazière.

N’avez-vous pas entendu la voix des gens de l’Ouest canadien? N’avez-vous pas entendu les gens, tous ces chômeurs? Plus de 100 000 personnes ont perdu leur emploi. C’est donc facile pour vous de jeter un coup d’œil dans leur direction et de vous dire que c’est juste 100 000 emplois? Quand allez-vous enfin écouter les Albertains et les habitants de la Saskatchewan lorsqu’ils parlent des problèmes qu’ils doivent surmonter? Des gens perdent leur maison. Un jeune homme au bord des larmes a témoigné au sujet du projet de loi C-48. Il a dû licencier tous ceux qui travaillaient pour lui. Plus de travail. Il était en train de perdre sa maison et probablement que, bientôt, ce sera sa famille qu’il perdra. Vous dites maintenant que vous prenez des mesures pour améliorer la situation, tout en restant sourd et aveugle aux gens de l’Ouest canadien. Quand allez-vous enfin réaliser qu’il y a un problème dans le secteur de l’énergie?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question. Rien dans le projet de loi C-48 n’aura pour effet de faire progresser un projet ou de le mener à bon terme dans l’Ouest canadien. Le projet de loi C-48 est une mesure législative que le Sénat étudie relativement à l’imposition d’un moratoire dans le Nord-Ouest. Il s’agit d’une stratégie complémentaire du gouvernement en matière d’environnement, d’économie et de droits autochtones. Il fait partie du programme qui vise à la fois à miser sur nos ressources énergétiques et à les exploiter de manière responsable et dans le respect de nos obligations à l’égard des Premières Nations, en tenant compte des exigences que suppose l’environnement moderne et en nous adaptant à l’économie faible en émissions de carbone de demain.

[Français]

L’infrastructure et les collectivités

La Banque de l’infrastructure

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, il y a deux ans, le Sénat a adopté le projet de loi d’exécution du budget de 2017, qui proposait la mise en œuvre de la Banque de l’infrastructure du Canada. Je vous rappelle, chers collègues, que le gouvernement nous avait alors expliqué à quel point il était urgent de créer cette banque et que les investisseurs privés n’attendaient que cela pour investir massivement dans les infrastructures au Canada.

Or, j’ai regardé avec intérêt le rapport financier de la banque en date du 31 décembre 2018. En fait, c’est le dernier rapport qui est affiché. On y apprend que la banque n’a aucun autre projet que le prêt accordé au Réseau express métropolitain de Montréal, mais qu’elle a dépensé en neuf mois près de 6 millions de dollars en salaires et honoraires professionnels, un chiffre astronomique pour l’administration d’un seul prêt.

Sénateur Harder, pourquoi nous avez-vous dit qu’il y avait urgence de mettre sur pied la Banque de l’infrastructure il y a deux ans, alors que la seule transaction réalisée est un prêt que le gouvernement aurait très bien pu garantir d’une autre façon?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme il est attentif, il saura que le sénateur Black a posé la même question il y a plusieurs mois. Ma réponse est la même : comme le sait le sénateur, puisqu’il a lu la loi, la banque mène ses activités indépendamment du gouvernement. De même, elle exécute son travail conformément aux définitions et aux restrictions prévues par la loi et adoptées par le Sénat.

La banque est un complément important du programme du gouvernement du Canada en matière d’infrastructures, et le gouvernement du Canada en est fier.

[Français]

Le sénateur Carignan : En 2016, les ministres Sohi et Morneau nous ont dit avoir rencontré plusieurs investisseurs institutionnels canadiens et étrangers pour discuter de leur participation à des projets d’infrastructure au Canada. La création de la Banque de l’infrastructure devait permettre de canaliser ces investissements.

Deux ans après avoir vu le jour, la banque n’a développé aucun de ces partenariats. Monsieur le leader, où sont passés ces investisseurs privés? Est-ce votre gouvernement qui les a fait fuir ou n’existaient-ils tout simplement pas?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question. Je la prends en note. Comme je l’ai dit, la banque mène ses activités en toute indépendance. Cela dit, je vais porter la question à l’attention du ministre approprié.

Les transports

La conférence de l’Organisation de l’aviation civile internationale—Taïwan

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, la 40e assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale aura lieu à son quartier général, à Montréal, du 24 septembre au 4 octobre 2019. Comme vous le savez, l’assemblée triennale est l’occasion pour les délégations de partout sur la planète d’approuver le budget, d’améliorer les normes du secteur de l’aviation et de discuter de nouvelles procédures de sécurité importantes.

Les membres de cette organisation, des représentants de dizaines d’organismes des Nations Unies, d’organisations non gouvernementales et d’institutions internationales ainsi que des observateurs et experts sont invités. Cependant, lors de la dernière assemblée, en 2016, un membre important de la communauté internationale n’avait pas été invité, soit Taïwan. Pouvez-vous nous dire si le Canada appuiera la participation directe de Taïwan à la 40e assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale et s’il présentera une demande officielle au président et à la secrétaire générale de l’organisation pour demander la participation de ce partenaire indispensable de la communauté internationale de l’aviation?

(1620)

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il sait que le gouvernement du Canada appuie la participation de Taïwan au sein de différents organismes internationaux. Cependant, le gouvernement du Canada n’appuie pas la participation de ce pays à tous les organismes.

Je vais demander des précisions et me faire confirmer quelle est la position au sujet des réunions à venir de l’Organisation de l’aviation civile internationale.

Le sénateur Ngo : Merci, sénateur Harder. Je crois que le Canada doit faire tout en son pouvoir pour appuyer la participation de Taïwan puisque la sécurité aérienne transcende les frontières internationales.

Durant la dernière assemblée en 2016, le Canada n’a pas respecté sa propre politique d’appuyer l’inclusion de Taïwan quand la participation de cette dernière est indispensable. À l’époque, le Canada n’a rien fait quand on a empêché des journalistes taiwanais, ainsi qu’une correspondante canadienne, de couvrir les délibérations de l’assemblée.

Le gouvernement canadien entreprendra-t-il des démarches pour soulever cette question auprès du président et de la secrétaire générale de l’Organisation de l’aviation civile internationale et insistera-t-il sur le fait qu’on ne tolérera pas que la liberté d’expression soit menacée ou que des journalistes soient exclus en sol canadien?

Le sénateur Harder : J’ajouterai cela à ma demande de renseignements.

La sécurité publique et la protection civile

Les médias sociaux

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Harder, hier, je vous ai posé une question au sujet de la déclaration du gouvernement concernant l’éventuelle mise hors service de la plateforme de médias sociaux Twitter avant les prochaines élections fédérales. Vous avez refusé de répondre à la question et avez simplement dit qu’elle était absurde. Je remarque que vous n’avez pas qualifié d’absurde cette menace de la part du gouvernement, mais avez qualifié ma question d’absurde, comme si elle était non fondée.

Je m’essaie de nouveau. La semaine dernière, dans un point de presse, on a demandé à la ministre des Institutions démocratiques, Karina Gould, ce qu’elle ferait si Twitter n’enregistrait pas les auteurs de publicités électorales en ligne. Un journaliste a demandé ce qu’elle pouvait faire, si elle pouvait interrompre le signal. La ministre a répondu que cela restait à voir.

Sénateur Harder, c’est plutôt clair. Le gouvernement envisagerait d’emboîter le pas à des pays tels que la Chine, l’Iran et la Corée du Nord et de mettre Twitter hors service. Le gouvernement prétend que la diversité est notre force, mais ne peut même pas tolérer une opinion autre que la sienne.

Ma question est simple : plutôt que de vous offusquer de la question que je pose, pourquoi ne pas vous offusquer davantage de la portée des mesures que le gouvernement est prêt à prendre pour faire taire la dissidence au pays? Jusqu’où ira le gouvernement pour faire taire la dissidence?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. De toute évidence, la question posée à la ministre Gould portait sur l’application des lois électorales en vigueur. La ministre a répondu, comme il se doit, que le gouvernement du Canada prendrait des mesures pour s’assurer que toutes les plateformes respectent intégralement la Loi électorale.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, Élections Canada est un organisme indépendant qui a l’obligation de faire respecter la loi. Le gouvernement n’a pas d’affaire à s’ingérer dans les dossiers qui ne le regardent pas. Que l’on permette au ministre de la Justice et à Élections Canada de faire leur travail, et que l’on demande au gouvernement de se concentrer sur son propre travail.

L’environnement et le changement climatique

Les plastiques à usage unique

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, hier, le gouvernement a annoncé qu’il imposera une interdiction visant les plastiques à usage unique. Ou peut-être visait-elle les bouteilles d’eau et les contenants de la sorte? Les députés de ce côté-ci se le demandent toujours. Dans ce cas, pourquoi, il y a à peine quelques mois, le gouvernement a-t-il donné 35 millions de dollars de l’argent des contribuables à une entreprise de produits chimiques qui fabrique des résines plastiques et ce, la veille d’un rassemblement au Forum économique mondial de Davos où le Canada a annoncé qu’il se servirait de sa présidence au sommet du G7 pour inciter d’autres pays à s’engager à réduire ou à éliminer progressivement les plastiques à usage unique? Quelle hypocrisie!

Des voix : C’est pratique.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je la prendrai, bien sûr, en délibéré afin de me renseigner sur les événements dont il parle.

Permettez-moi de dire que l’annonce du gouvernement du Canada sur les plastiques devrait bénéficier de l’appui de tous les Canadiens. Elle est conforme à l’orientation adoptée par les démocraties libérales et nos partenaires du G7, ainsi qu’aux engagements pris au Sommet du G7 au Canada, l’année dernière. Cette initiative sera réalisée de concert avec d’autres pays qui l’appuient.

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, nous allons poursuivre sur le même sujet, soit celui du plastique.

Comme le disait mon collègue, le sénateur Housakos, le premier ministre a annoncé hier qu’il a l’intention de légiférer afin d’interdire les plastiques à usage unique, alors même que l’on vient de remplacer les ustensiles lavables dans les cafétérias du Parlement par des ustensiles en plastique. Cela sent l’électoralisme à plein nez.

Pire, il faudra deux ans pour identifier ces plastiques, alors qu’un simple appel téléphonique suffirait pour obtenir une liste de ces derniers et pour agir immédiatement, plutôt que de promettre de le faire en 2021.

Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, pouvez-vous nous dire si le premier ministre nous dira, avant les élections, combien cet engagement coûtera aux Canadiens et aux entreprises canadiennes? Sinon, va-t-il simplement tenter de « surfer » sur cette annonce irresponsable pour se faire réélire?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je suis tenté de dire que cette politique ne sera pas qu’un feu de paille, mais ce serait trop facile.

Entre-temps, je peux dire que le gouvernement s’est engagé à assurer la transition progressivement, sur un certain nombre d’années, en menant les consultations appropriées.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat et a trait au même sujet, soit le plastique. On a appris par les médias sociaux — et je voudrais m’assurer que ce n’est pas une fausse nouvelle — que le premier ministre dépensait 300 $ par mois à sa résidence pour de l’eau embouteillée.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous confirmer qu’il s’agit bien de cette somme d’argent?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je vais en prendre note.

Question de privilège

Report de l’examen de la question

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui soulever une question de privilège concernant les événements qui ont eu lieu aujourd’hui au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je dois vous dire, honorables collègues, que je ne prends aucun plaisir à faire cela; je prends la parole aujourd’hui avec le cœur lourd pour exprimer ma profonde indignation et pour demander réparation au sujet des mesures prises ce matin lors de la réunion du comité, qui, à mon avis, ont clairement porté atteinte à mes privilèges parlementaires.

Je dis que j’ai le cœur lourd, parce que, comme je l’ai dit à mes collègues du comité ce matin, je pense qu’au cours des 10 dernières années que j’ai passées au sein de ce comité — et j’ai eu le privilège de le présider pendant un certain temps et d’agir à titre de vice-président, aux côtés de la sénatrice Dyck —, nous avons su collaborer et faire du bon travail dans des dossiers très difficiles, et nous avions, jusqu’à présent, réussi à le faire avec respect.

L’honorable Murray Sinclair : J’invoque le Règlement.

Le sénateur Tkachuk : Assoyez-vous!

Le sénateur Sinclair : J’invoque le Règlement. Nous n’avons pas été avisés qu’une question de privilège serait soulevée aujourd’hui. Les incidents dont le sénateur Patterson va parler se sont produits il y a moins de trois heures. Il a eu amplement le temps de rédiger une plainte au sujet de la question de privilège, de la déposer auprès du greffier et de la faire distribuer pour que nous puissions réfléchir à ce qu’il allait dire et préparer une réponse. Il s’est passé bien des choses à la réunion de ce matin et je pense que nous avons le droit de pouvoir examiner la situation avant de répondre.

J’aimerais dire qu’il est irrecevable qu’il soulève une question de privilège sans nous donner de préavis. Il peut soulever sa question de privilège demain, quand il aura eu le temps de préparer son document.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs ont appris d’un cas précédent que, conformément à l’article 13-4 du Règlement, si la question de privilège est soulevée entre le moment de l’événement et l’ouverture de la séance du jour, le Règlement laisse une certaine liberté pour l’audition de la question de privilège, surtout si elle n’est pas présentée avec l’avis prescrit d’au moins trois heures.

(1630)

Nous entendrons donc ce que le sénateur Patterson a à dire.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie, Votre Honneur. Je suis heureux d’avoir l’occasion d’expliquer pourquoi je n’ai pas pu donné un préavis écrit, et c’est ce que j’ai l’intention de faire dans le cadre de mon intervention. Merci, honorables collègues.

Je commencerai par dire que depuis le peu de temps que je siège au Sénat — 10 ans —, je n’avais jamais vu ce que j’ai vu aujourd’hui, surtout pas au sein de ce comité. À sept reprises aujourd’hui, au comité, j’ai été interrompu de manière arbitraire par la présidente et la majorité des membres du comité, alors que je tentais de parler des amendements que je proposais au projet de loi d’initiative parlementaire C-262.

Dans le cadre d’une motion proposée par le sénateur Sinclair, la toute première fois que j’ai parlé du projet de loi C-262 lors de l’étude article par article, j’ai proposé un amendement à l’article 2 — je crois que c’était un amendement important —, et le comité m’a interrompu en plein milieu de mes remarques et est passé directement au vote.

Par l’entremise d’une autre motion du comité, tous les amendements que j’ai proposés — il y en avait sept en tout, et quelqu’un d’autre au comité en a également proposé — ne pouvaient pas être débattus pendant plus de cinq minutes. Ces cinq minutes incluaient le temps dont je disposais pour présenter l’amendement et en parler, ainsi que le temps de parole de tous les autres sénateurs.

Ce qui est vraiment bizarre, c’est que le sénateur Sinclair était sur la liste des intervenants pour parler d’un autre amendement que j’avais proposé. Néanmoins, en plein milieu de mes observations, il m’a interrompu et il a demandé le vote. J’aurais voulu entendre ce qu’il avait à dire et j’aurais aimé que son point de vue soit consigné au compte rendu, aussi différent soit-il du mien. Je pense vraiment que le sénateur Sinclair, que je respecte beaucoup, croyait que nous n’allions pas terminer le débat sur le projet de loi C-262, et voilà pourquoi il a décidé d’appliquer strictement une limite de cinq minutes.

À ce sujet, voici ce que dit le Règlement du Sénat, plus précisément l’article 20(4) du Règlement :

Un comité du Sénat ne peut suivre aucune procédure incompatible avec les dispositions du Règlement ou les pratiques du Sénat.

Votre Honneur, je soumets respectueusement que le comité a contrevenu à cet article du Règlement en votant et en adoptant de façon incorrecte une motion pour limiter à cinq minutes le débat sur chaque amendement présenté relativement au projet de loi d’initiative parlementaire C-262. D’après moi, cela est de toute évidence contraire au Règlement du Sénat. À mon avis, il s’agit, de facto, d’une fixation de délai.

La fixation d’un délai pour une procédure en comité est autorisée au Sénat — elle est prévue à l’article 7 du Règlement du Sénat —, mais je pense que ce doit être une décision prise par le Sénat et non par le comité. À mon avis, cela signifie que le comité n’a en aucun cas le pouvoir d’imposer de facto un délai aux débats.

J’ai fait en ce sens un rappel au Règlement, que la présidente a écarté, à plus d’une reprise si je me rappelle bien.

À mon avis, le comité n’a en aucun cas le pouvoir d’imposer de facto un délai aux débats. Chose certaine, il ne devrait pas le faire en plein milieu des observations d’un sénateur. C’est exactement ce qu’a fait le comité. Il m’a interrompu pendant que je parlais des amendements et a demandé la mise aux voix avant que j’aie fini de présenter la brève explication et justification des amendements que j’avais préparée.

Je pense que cette mesure de la part du comité constitue une atteinte à mon privilège de sénateur — du privilège de tous les sénateurs membres du comité d’ailleurs. Je n’ai jamais eu l’occasion de terminer mes observations au comité ce matin afin d’expliquer les amendements que je proposais, dont certains étaient complexes.

Une deuxième question de privilège porte sur ma capacité de participer au débat. J’ai été privé à maintes reprises de mon droit de m’exprimer pendant le débat en comité. À mon avis, le fait de limiter illégalement le débat sur les amendements proposés en comité à tout au plus cinq minutes par amendement m’a laissé très peu de temps pour parler du projet de loi ou de n’importe quel amendement. Il s’agit des amendements que j’ai proposés, ainsi que des amendements présentés par un autre sénateur.

En limitant de manière inappropriée la durée du débat à cinq minutes, chacun des sénateurs membres du comité — et ce comité compte 15 membres — qui souhaitaient intervenir disposait en théorie d’environ 20 secondes — 20 secondes — pour s’exprimer sur chacun des amendements. En pratique, compte tenu du temps nécessaire pour proposer et expliquer convenablement chacun des amendements, je n’ai presque pas eu le temps de parler des amendements.

Soyons clairs, Votre Honneur. La transcription des délibérations montrera clairement que je me suis exprimé au sujet des amendements que j’ai proposés. Il ne s’agissait pas d’amendements futiles. Ils tenaient compte des observations de nombreux témoins au sujet de lacunes et d’ambiguïtés constatées dans le projet de loi, ainsi que de son caractère flou. Certains témoins ont même remis en question la constitutionnalité du projet de loi.

Je souhaitais prononcer un discours respectueux afin d’examiner des façons de corriger les lacunes du projet de loi alors que le comité étudiait le projet de loi C-91. Toutefois, on ne m’a pas donné la chance d’intervenir.

Votre Honneur, je vous demande respectueusement de conclure que le projet de loi doit être renvoyé au comité afin qu’il soit examiné comme il se doit et que tous les sénateurs aient le temps de prendre la parole à son sujet. C’est la seule solution qui s’offre à nous. Compte tenu des circonstances extraordinaires qui sont en cause, je crois que nous n’avons d’autre choix que de renvoyer le projet de loi au comité pour que nous puissions accomplir notre travail consciencieusement.

Chers collègues, je crois qu’il s’agit d’une grave et sérieuse entorse aux règles et aux pratiques du Sénat. Tous les sénateurs doivent comprendre que si cette violation est tolérée, elle risque d’être répétée par d’autres comités. Je suis également porte-parole pour deux projets de loi d’initiative ministérielle très importants dont le Comité des peuples autochtones est encore saisi, à savoir le projet de loi C-91, sur les langues autochtones, et le projet de loi C-92, sur le bien-être des enfants autochtones. J’ai des amendements à proposer. Ces procédures draconiennes me seront-elles aussi imposées lorsque je proposerai d’autres amendements et que j’essaierai de les expliquer au comité et aux personnes à l’écoute qui s’intéressent vivement aux projets de loi C-262, C-91 et C-92?

Je demande aux sénateurs de reconnaître que la violation du privilège d’un sénateur peut finir par devenir la violation du privilège de tous les sénateurs. Ce manquement m’a empêché de m’acquitter de mes fonctions au comité et surtout de mes fonctions de porte-parole désigné de l’opposition officielle en ce qui concerne le projet de loi C-262.

J’estime qu’il s’agit d’une situation extrêmement grave, qui va à l’encontre du Règlement du Sénat, et j’aimerais expliquer brièvement pourquoi, Votre Honneur.

Quatre conditions doivent être réunies pour qu’il y ait atteinte aux privilèges. Premièrement, la question de privilège doit être soulevée à la première occasion.

Le Comité des peuples autochtones s’est réuni ce matin, et la séance s’est prolongée au-delà du temps alloué. L’attribution de temps a été imposée de facto au comité, de façon irrégulière. C’est la première fois que j’ai l’occasion d’expliquer ce qui s’est passé pendant la réunion du comité, qui s’est terminée après 11 heures.

Deuxièmement, la question doit se rapporter directement aux privilèges d’un sénateur. En l’occurrence, on m’a entièrement et tout à fait indûment privé de mon droit de débattre avec les membres du comité. J’ose croire que le droit d’aborder un sujet inscrit officiellement à l’ordre du jour d’un comité constitue un privilège parlementaire fondamental.

Troisièmement, la question doit chercher à obtenir une réparation. De surcroît, il doit s’agir d’une réparation que le Sénat est habilité à accorder.

(1640)

Comme je viens de le dire, je recommande en tout respect que le projet de loi C-262 soit renvoyé au comité afin que nous puissions étudier attentivement le texte lui-même et les amendements qui y sont proposés. Si je ne m’abuse, il y en avait seulement neuf au total — nous avons d’ailleurs tenté de les présenter ce matin, Votre Honneur, afin que vous ayez une idée de la portée du travail à accomplir. Les agissements du comité et de sa présidente nous en ont toutefois empêchés.

Pour terminer, j’estime que ma question de privilège vise à corriger une atteinte grave et sérieuse. En étant empêché de prendre part au débat au comité, je n’ai pas pu m’acquitter de mon devoir, alors il s’agit bel et bien d’une atteinte grave et sérieuse. J’ose croire que le Sénat du Canada refuse qu’un seul point de vue soit entendu quand un de ses comités — ou lui-même — se penche sur une question donnée.

Je sais qu’on doit normalement donner un préavis écrit pour soulever une question de privilège comme celle-ci, mais, comme je viens de l’expliquer, la réunion du comité s’est poursuivie après 11 heures, il y a eu un certain nombre de votes, et je n’ai pas pu m’absenter. Je ne voulais pas m’absenter. C’était impossible.

Pour conclure, permettez-moi d’exprimer quelques dernières préoccupations au sujet de cette question. Bien sûr, il s’agit d’un projet de loi que de nombreuses personnes ont à cœur. Lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai dit espérer que l’étude du projet de loi nous permettrait d’entendre tous les points de vue de façon équilibrée et, bien sûr, d’écouter les témoins qui défendent avec ardeur le projet de loi, mais également ceux qui sont critiques à son égard ou qui ont des questions sérieuses à son sujet. De toute évidence, personne ne devrait dire que seuls les témoins qui appuient un projet de loi et les sénateurs qui présentent des amendements constructifs devraient avoir le droit de prendre la parole.

Votre Honneur, selon moi, ce projet de loi n’est pas parfait. À mon avis, le fait que le porte-parole de l’opposition officielle pour le projet de loi soit muselé et traité avec mépris, comme c’est arrivé ce matin, ne donne pas du tout une bonne image du Sénat et nuit à sa réputation pour ce qui est d’étudier en profondeur tous les angles d’un projet de loi en tant que Chambre de second examen objectif.

Sur une note plus légère, Votre Honneur, certains de nos nouveaux collègues au Sénat ne connaissent peut-être pas notre ancien et très cher collègue le sénateur George Baker. Le sénateur Baker ne manquait pas de nous rappeler que nos débats sont très importants et que les juges les citent souvent dans les décisions où ils tentent de cerner les intentions du Parlement et les raisons qui justifient le fait d’apporter ou non des amendements.

Il s’agit d’une question urgente, Votre Honneur. Je sais que nous en sommes aux dernières semaines de la session. Je vous demande respectueusement de rendre une décision dès que possible sur cette question. Merci.

Son Honneur le Président : Le sénateur Sinclair a la parole.

Le sénateur Sinclair : Je ne sais pas si la présidente du comité ou tout autre membre du comité souhaite réagir. Je vais donc réagir brièvement.

L’un des principes régissant les travaux des comités dont j’ai toujours eu connaissance, c’est que les comités sont maîtres de leurs délibérations. Le sénateur Runciman, lorsqu’il était ici, dirigeait le Comité des affaires juridiques avec fermeté lorsqu’il s’agissait d’attribuer du temps aux sénateurs pour poser des questions et faire des observations, ce que j’ai toujours respecté. J’ai toujours pensé que c’était une façon importante pour nous de nous acquitter de la lourde charge de travail qui nous incombait durant les délibérations.

Pour commencer, j’aimerais répéter que nous n’avons eu aucun préavis. Cette réaction est donc basée sur ce que je m’attendais que le sénateur Patterson soulève et je vais mentionner quelques points en réponse à ce qu’il a dit.

Premièrement, il a dit qu’il n’avait pas eu l’occasion de réagir ou de faire des observations au sujet des amendements qu’il proposait. Il a eu cinq minutes. Il a disposé du temps qui lui a été attribué pour parler de ses amendements. Manifestement, il voulait plus de temps. Si on lui avait donné plus de temps, je pense que nous serions encore là-bas en train de parler de son amendement no 2, car, ce n’est qu’après qu’il a parlé pendant 20 minutes de son premier amendement que la présidente est intervenue pour le prévenir qu’il prenait trop de temps.

Je tiens à signaler, aux fins du compte rendu, que le comité avait décidé, en raison des directives du comité directeur, que quatre jours seraient consacrés à l’examen du projet de loi C-262, et que le quatrième jour, nous procéderions à l’étude article par article. De plus, nous n’avions eu aucun avis concernant le fait que les conservateurs envisageaient de proposer des amendements dans le cadre du débat. Aujourd’hui, c’était le quatrième jour prévu pour l’étude du projet de loi par le comité.

Évidemment, le temps dont nous disposions aujourd’hui était limité, car, malgré les efforts de la présidente pour obtenir la permission de siéger pendant la séance du Sénat et pour trouver un autre moment où le comité pourrait siéger, les sénateurs d’en face ont refusé leur consentement. Nous avons également souligné que cela limitait le temps dont nous disposions pour étudier non seulement ce projet de loi, mais aussi les projets de loi C-91 et C-92, que nous devons également examiner.

Lorsque le sénateur Patterson a mis 20 minutes à se rendre à mi-chemin dans la présentation de son premier amendement — et je reconnais qu’il n’a pas pu la finir —, c’est à ce moment-là que la présidente lui a dit qu’il devait conclure.

C’est à la suite de cela qu’une motion — qui a fait l’objet d’un vote — a été présentée au comité par le sénateur Christmas, indiquant qu’à partir de ce moment-là, les sénateurs disposeraient de cinq minutes au plus pour présenter tout amendement et en débattre. La présidente a ensuite alloué cinq minutes à la personne présentant l’amendement, et c’est ainsi que nous avons procédé.

Il me semble que n’importe lequel des amendements qui ont été présentés aurait facilement pu être expliqué dans les délais impartis, parce qu’ils n’étaient pas si compliqués, malgré ce que le sénateur Patterson affirme.

Le sénateur Patterson, le sénateur Tkachuk et d’autres se sont demandé s’il y avait matière à question de privilège.

Son Honneur le Président : Sénateur Sinclair, une sénatrice invoque le Règlement.

L’honorable Nicole Eaton : Sénateur Sinclair, c’était très clair ce matin. L’un d’entre nous a posé une question sur les cinq minutes et on nous a expliqué que les cinq minutes devaient inclure...

Son Honneur le Président : Je regrette, mais il s’agit d’un recours au Règlement si votre intervention concerne les propos du sénateur Sinclair. Ce n’est pas le cas si vous parlez de ce qui s’est produit en comité.

La sénatrice Eaton : Selon moi, ses propos sont trompeurs. C’est pourquoi j’invoque le Règlement.

Son Honneur le Président : Je vous recommande donc, sénatrice Eaton, de participer au débat après l’intervention du sénateur Sinclair.

Le sénateur Sinclair : J’ai bel et bien dit que la présidente a décidé de nous allouer cinq minutes pour la présentation de chaque amendement.

La présidente a aussi été appelée à trancher sur de nombreux rappels au Règlement, et des questions de privilège ont été soulevées et invoquées durant le débat. Je souligne que des rappels au Règlement concernant l’attribution de temps, entre autres, ont été soulevés. La présidente a présenté ses décisions, que le sénateur Tkachuk a contestées. Les décisions ont été maintenues par le comité. Le comité a donc eu l’occasion d’étudier tous les rappels au Règlement soulevés par les conservateurs, ainsi que la question de privilège dont il a été question durant le débat. Nous avons amplement l’occasion d’étudier la question adéquatement.

Votre Honneur, pour ce qui est de savoir si vous avez le pouvoir de renvoyer le projet de loi à un comité pour une étude approfondie, comme le souhaite le sénateur Patterson, je vais vous laisser en délibérer. Je ne connais aucun précédent qui l’autorise, mais, lorsqu’on soulève la question de privilège, je crois, Votre Honneur, que votre rôle est de déterminer si la question de privilège paraît fondée à première vue, puis de laisser le Sénat trouver une solution. Je suppose, Votre Honneur, que, lorsque vous prendrez votre décision, vous déterminerez si vous jugez raisonnable ou non la solution qui a été demandée. Ce sera alors au Sénat et aux sénateurs de se prononcer sur la question.

J’aimerais cependant souligner que cette question de privilège aurait pu être soulevée plus tôt. Je crois que la question a été réglée adéquatement. Puisque le comité avait un temps limité pour étudier le projet de loi C-262, puisque le sénateur Patterson et les autres sénateurs qui ont présenté des amendements ont manifestement tenté d’épuiser le temps dont le comité disposait en débattant de leurs amendements, afin d’empêcher le comité de poursuivre ses délibérations, et puisque nous n’avions que deux heures pour terminer notre étude du projet de loi C-262, j’estime que la décision de ce matin sur notre emploi du temps était tout à fait raisonnable. Merci.

(1650)

La sénatrice Eaton : Votre Honneur, j’aimerais apporter une précision. Quand on a demandé au sénateur Sinclair si la limite de cinq minutes s’appliquerait à chaque personne, il a répondu par la négative. C’est le sénateur Christmas qui a présenté la motion initiale tendant à limiter le débat sur chaque amendement à cinq minutes. On nous a dit très clairement que tout le monde qui désirait parler d’un amendement devait le faire durant ces cinq minutes.

Si vous lisez les amendements du sénateur Patterson, vous constaterez qu’il s’est donné beaucoup de mal pour exposer le contexte et faire des recherches. Il cite des témoins. Or, il a été interrompu en pleine présentation.

On nous a également dit que nous ne pouvions pas prolonger la limite de cinq minutes. Plusieurs personnes ont demandé, y compris le sénateur Tkachuk, si nous pouvions demander des explications aux fonctionnaires — il y en avait trois sur les lieux — sur la constitutionnalité de certains des amendements proposés à des articles. C’est une autre chose qu’on nous a interdite.

Je souhaite préciser très clairement que les six d’entre nous disposions uniquement de cinq minutes pour poser des questions sur un amendement ou en parler. Merci.

L’honorable Scott Tannas : Je vous remercie, honorables sénateurs. Je prends la parole pour appuyer la question de privilège du sénateur Patterson.

Je suis vice-président du Comité des peuples autochtones et j’assistais à la réunion de ce matin. J’ai pu y voir la présidente du comité et d’autres sénateurs porter atteinte au privilège du sénateur Patterson et des autres sénateurs conservateurs.

Comme le sénateur Patterson l’a souligné, l’article 12-20(4) du Règlement du Sénat se lit comme suit :

Un comité du Sénat ne peut suivre aucune procédure incompatible avec les dispositions du Règlement ou les pratiques du Sénat.

Ce matin, le comité a toutefois adopté une motion visant à limiter le débat à cinq minutes par amendement. Il s’agissait donc d’une motion d’attribution de temps pour les débats du comité.

L’attribution de temps pour les travaux d’un comité est traitée au chapitre sept du Règlement du Sénat.

La décision de fixer un délai doit toujours être prise par le Sénat et non par le comité lui-même. Autrement dit, le comité n’a pas le pouvoir d’imposer une limite aux débats en l’absence d’une décision du Sénat.

À titre de porte-parole chargé du projet de loi à l’étude, le sénateur Patterson a le droit d’exprimer des préoccupations, de présenter des amendements et de les défendre. Il a tout a fait le droit de le faire. La présidente lui a toutefois coupé la parole en raison du délai qui avait été fixé.

Le fait que le comité a continué de siéger après 11 heures pour étudier un projet de loi d’initiative parlementaire a soulevé une deuxième question de privilège ce matin. Or, le premier point qui a été discuté ce matin consistait à réorganiser l’ordre du jour auparavant publié. Nous devions ainsi étudier un projet de loi d’initiative parlementaire avant de passer à un projet de loi d’initiative ministérielle. Dans ce cas-ci, nous avions déjà commencé l’étude article par article du projet de loi C-91 la semaine dernière, mais elle n’était pas terminée. En d’autres mots, nous avons interrompu l’étude d’un projet de loi d’initiative ministérielle pour parler d’un projet de loi d’initiative parlementaire. En plus du projet de loi C-91, un autre projet de loi d’initiative ministérielle, le projet de loi C-92, a été renvoyé au comité hier soir.

Voici ce qu’on peut lire à l’article 4-13(1) du Règlement du Sénat :

Sauf disposition contraire, les affaires du gouvernement ont priorité sur toute autre affaire dont le Sénat est saisi.

Votre Honneur, les règles sont claires. Les affaires du gouvernement ont priorité au Sénat. Pourtant, ce matin, le Comité des peuples autochtones a décidé de faire passer un projet de loi d’initiative parlementaire avant deux projets de loi d’initiative ministérielle.

Votre Honneur, pour que cette décision constitue une atteinte au privilège, quatre conditions de base doivent être respectées. À mon avis, les travaux du comité ce matin respectent toutes ces conditions, et je vais vous expliquer pourquoi.

D’abord, la question de privilège doit être soulevée à la première occasion. Comme l’a dit le sénateur Patterson, le Comité des peuples autochtones a tenu une réunion ce matin et a continué de siéger après 11 heures.

C’est maintenant la première occasion de soulever la question de privilège, ce qui explique aussi pourquoi nous n’avons pas pu fournir un préavis écrit.

Deuxièmement, la question concerne directement le privilège d’un sénateur. Au Comité des peuples autochtones ce matin, d’autres sénateurs et moi avons été privés de la capacité de poser des questions aux témoins. À répétition, la présidente du comité a mis fin au débat sur les amendements, ce qui, selon mon expérience, est sans précédent. On a limité la période dont disposaient collectivement les sénateurs conservateurs pour discuter de chacun des amendements à un total de cinq minutes seulement. Dans tous les cas, sauf un, la restriction de temps mise aux voix et imposée a empêché tout sénateur autre que celui qui proposait l’amendement de prendre la parole. Comme l’a dit le sénateur Patterson, à sept de ces occasions, il n’a pas pu terminer sa présentation de l’amendement.

Troisièmement, la question est soulevée dans le but d’obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder.

Je suis disposé à proposer une motion portant que le projet de loi C-262 soit renvoyé de nouveau au comité pour permettre à d’autres sénateurs et à moi de débattre pleinement du projet de loi et de recevoir, à l’égard de mes questions et de celles d’autres sénateurs, des réponses de la part des fonctionnaires du ministère de la Justice, qui, soit dit en passant, ont assisté à la réunion entière sans pouvoir répondre à la moindre question parce qu’on ne nous a pas permis de leur en poser.

Quatrièmement, la question vise « à corriger une atteinte grave et sérieuse ». En nous empêchant de débattre, atteinte a été portée à la capacité de tous les sénateurs de s’acquitter de leur devoir au comité.

En tant que sénateurs, nous avons le devoir de débattre des projets de loi, de poser des questions, de réfléchir aux incidences et de prendre des décisions en fonction de ce qu’on nous a dit. La possibilité pour moi et pour l’ensemble des sénateurs de nous acquitter de ce devoir ce matin nous a été dérobée. Le déni de cette règle fondamentale est une violation des plus graves.

Le sénateur Sinclair a mentionné que tout ce programme a dû être conçu pour pallier le manque de temps causé par le refus des conservateurs d’accepter la tenue de réunions supplémentaires ou de réunions plus longues et par les nombreux amendements agaçants qu’ils ont présentés au comité.

Tout a été fait selon le Règlement. Votre Honneur, selon le point de vue qu’on adopte, il semble que la justification pour enfreindre le Règlement repose sur le fait que certains n’aiment pas le Règlement et ceux qui l’ont respecté. C’est une pente dangereuse. Certains ici sont assez jeunes pour être encore là lorsque la majorité aura changé de camp. Certains n’auront pas oublié ce qui s’est passé aujourd’hui. Pendant un instant, j’ai cru que je siégeais au Kremlin.

Des voix : Oh, oh.

Le sénateur Tannas : Je vais m’arrêter là, Votre Honneur. Merci.

L’honorable Dan Christmas : Votre Honneur, c’est effectivement moi qui ai proposé la motion visant à limiter le débat à cinq minutes par amendement. J’aimerais vous fournir les raisons pour lesquelles la motion a été proposée et adoptée par le comité.

Comme vous le savez peut-être, cela fait déjà un moment que le Sénat est saisi du projet de loi C-262. À au moins trois occasions, en février et en mars, nous avons essayé de renvoyer le projet de loi au comité pour étude. En raison de différents retards et tactiques utilisées, ce n’est qu’à la fin mai que le comité a été saisi du projet de loi.

Nous avons donc fait un plan de travail en décidant de quatre séances. Le porte-parole pour le projet de loi en demandait quatre à six. Nous avons convenu de quatre. Comme on l’a mentionné, la quatrième séance se déroulait aujourd’hui.

Nous avons commencé réaliser qu’il serait très peu probable que le Sénat consente à dégager du temps supplémentaire pour traiter des projets de loi C-262, C-91 et C-92. En arrivant au comité ce matin, il y avait deux points à l’ordre du jour : l’étude article par article du projet de loi C-91 et l’étude article par article du projet de loi C-262. Nous avons donc proposé une motion et demandé de refaire l’ordre du jour pour pouvoir traiter le projet de loi C-262.

Nous avons donc commencé l’étude article par article du projet de loi C-262. Les conservateurs ont proposé au moins sept amendements et l’examen du premier a pris plus de 20 minutes. Nous avons donc réalisé qu’à ce rythme, nous ne terminerions jamais l’examen du projet de loi C-262. Nous étions convaincus que si nous n’arrivions pas à en terminer l’examen dans un délai de deux heures, il n’y aurait pas d’autre occasion de le faire. C’est à ce moment, Votre Honneur, que j’ai présenté une motion visant à limiter le débat à cinq minutes par amendement. La motion a été adoptée en bonne et due forme par le comité, et nous avons procédé ainsi.

(1700)

Je ne suis pas maître des règles, mais d’après les conseils que nous avons reçus, je croyais que nous respections les règles régissant le comité.

J’estime donc, Votre Honneur, que nous nous sommes conformés aux règles et que le contexte dans lequel nous devions travailler a rendu cette motion nécessaire et nous a permis de terminer l’étude article par article du projet de loi C-262 dans les délais prévus.

L’honorable Thomas J. McInnis : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour appuyer la question de privilège du sénateur Patterson. J’estime que les délibérations tenues ce matin au Comité des peuples autochtones ont constitué une atteinte à ses privilèges, de même qu’aux privilèges de tous les autres sénateurs conservateurs membres du comité.

Comme on l’a déjà dit, l’article 12-20(4) du Règlement du Sénat stipule ce qui suit :

Un comité du Sénat ne peut suivre aucune procédure incompatible avec les dispositions du Règlement ou les pratiques du Sénat.

Or, ce matin, le comité a mis aux voix et adopté une motion pour limiter le débat à cinq minutes par amendement. Outre le fait que cinq minutes sont une période de temps bien trop courte pour examiner des questions aussi vastes que celles que contient le projet de loi C-262, l’idée même de limiter le débat de la sorte va à l’encontre du Règlement du Sénat. Comme on l’a dit, c’est de fait une attribution du temps de débat en comité.

La procédure d’attribution de temps d’un comité est énoncée au chapitre sept du Règlement du Sénat. L’attribution de temps est une décision qui relève toujours du Sénat et non du comité. En conséquence, le comité n’a pas le pouvoir d’imposer des délais aux débats sans une décision du Sénat.

Comme vous le savez, Votre Honneur, quatre conditions doivent être réunies pour que l’on puisse considérer qu’il y a atteinte aux privilèges. Je crois que les délibérations tenues ce matin au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones satisfont à chacune de ces conditions, et je vais expliquer pourquoi.

Premièrement, il faut que l’affaire soit soulevée à la première occasion. Le Comité des peuples autochtones s’est réuni ce matin et il a siégé jusqu’après 11 heures. La première occasion, c’est maintenant, et c’est d’ailleurs ce qui explique que je n’ai pu présenter par écrit de préavis concernant cette atteinte aux privilèges.

Deuxièmement, l’affaire doit concerner directement le privilège d’un sénateur. Ce matin, au Comité des peuples autochtones, ma capacité de débattre des amendements et de poser des questions aux témoins m’a été retirée. La présidente du comité a coupé court aux débats sur les amendements à plusieurs reprises, ce qui est du jamais vu selon mon expérience, et elle a limité à cinq minutes le temps accordé aux sénateurs conservateurs pour débattre des amendements.

L’honorable Lucie Moncion : J’invoque le Règlement. Le sénateur ne fait que répéter ce que le sénateur Tannas vient de dire.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs savent que l’article 2-5(1) du Règlement permet au Président de prendre autant de temps qu’il le juge nécessaire pour entendre un recours au Règlement ou une question de privilège. Lorsque les arguments commencent à se répéter, j’ai l’habitude de dire « je crois que j’en ai entendu assez », mais, pour l’instant, je crois que nous pouvons continuer.

Le sénateur McInnis : Je vous remercie, Votre Honneur. Ces questions sont très graves, et il faut les expliquer en détail, de manière respectueuse.

Pour ma part, j’éprouvais des inquiétudes importantes et légitimes quant aux répercussions constitutionnelles qu’aurait le fait d’adopter ce projet de loi sans avoir consulté les provinces et les territoires. Le comité a invité des fonctionnaires du ministère de la Justice pour qu’ils répondent à des questions techniques des sénateurs. J’ai demandé à la présidente du comité de m’autoriser à poser des questions aux témoins, qui prenaient place tout au bout de la table. Chaque fois que j’ai souhaité interroger les témoins, elle a déterminé que mes questions étaient irrecevables. Imaginez que nous souhaitions demander l’avis des provinces et des territoires sur des enjeux qui pourraient avoir un effet sur l’article 35 de la Constitution. Imaginez cela. Pourquoi donc avons-nous invité les témoins?

Je pense que, quand on empêche des sénateurs de poser des questions à des fonctionnaires pour obtenir des précisions sur des points techniques et qu’on leur dit plutôt de voter sur-le-champ, il s’agit clairement d’une atteinte à leur privilège en tant que sénateurs.

Troisièmement, je soulève cette question afin que le Sénat puisse trouver une solution qui relève de ses pouvoirs. Comme le sénateur Tannas, je suis prêt à proposer une motion pour que le projet de loi C-262 soit renvoyé au comité afin que je puisse étudier celui-ci en profondeur et recevoir des réponses à mes questions de la part de fonctionnaires du ministère de la Justice.

Quatrièmement, la question doit viser à corriger une atteinte grave et sérieuse. Le refus de me laisser poursuivre le débat constitue un empêchement à m’acquitter de mes obligations au sein du comité. Une des principales obligations des sénateurs est de débattre les projets de loi, de poser des questions, de soupeser les répercussions et de prendre des décisions fondées sur ce qu’on nous dit. On nous a empêchés, moi et les autres membres du comité, de nous acquitter de ce rôle fondamental ce matin, ce qui représente sans conteste une atteinte grave et sérieuse.

Je vous remercie, Votre Honneur, de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole sur cette importante question. J’espère que vous l’examinerez et que vous rendrez votre décision dans les plus brefs délais.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs savent bien que lorsque le Président se lève, ils doivent s’asseoir.

Nous allons poursuivre le débat. Je demanderais toutefois aux honorables sénateurs de limiter leurs observations à la question de privilège soulevée par le sénateur Patterson. Le sénateur McInnis en était presque arrivé à soulever lui-même une question de privilège, ce qu’on peut comprendre. Cependant, si vous avez des commentaires qui se rapportent à vous et que vous jugez pertinents pour la question de privilège soulevée par le sénateur Patterson, n’hésitez pas à les mentionner, mais tenez-vous-en à ce contexte en évitant de soulever une question de privilège distincte.

L’honorable Pamela Wallin : J’ai serai brève, Votre Honneur. Je souhaite seulement faire quelques commentaires généraux.

Je crois que le sénateur Downe a choisi d’aborder ce sujet au moyen d’une interpellation, mais à voir les autres points à l’ordre du jour, on peut penser qu’à peu près personne ne pourra en parler. Pour ceux qui sont ici depuis déjà un certain temps, j’ai l’impression qu’on nous presse de plus en plus, que ce soit ici ou dans les comités, d’étudier rapidement des mesures législatives extrêmement complexes et parfois d’une grande portée qui risquent d’avoir un effet durable sur les lois canadiennes. Les mesures comme celles-là nécessitent tout le temps et l’attention que nous pouvons leur consacrer.

La même chose s’est d’ailleurs produite dans d’autres comités. Quand une mesure législative comme le projet de loi C-69 compte plus de 200 amendements, il faut du temps. Il me semble que ce genre de situation se produit de plus en plus souvent depuis que je suis ici. Il y a de plus en plus de projets de loi, ils sont de plus en plus compliqués et on nous les envoie de plus en plus tard. Nous sommes en juin, et le Sénat comme les comités sont encore saisis de projets de loi qu’ils n’ont jamais vus. Dans le cas qui nous occupe, nous devons sérieusement évaluer les conséquences constitutionnelles qu’il pourrait y avoir à intégrer une déclaration des Nations Unies au droit canadien. À mon sens, il s’agit d’une question d’une importance cruciale.

Nous ne devrions donc en aucun cas nous mettre dans ce genre de situation difficile au Sénat et en comité et nuire à notre propre raison d’être. Si j’ai bien compris ce qui a été dit tout à l’heure, il a été convenu d’examiner le projet de loi pendant quatre jours et de procéder à l’étude article par article le quatrième jour. Est-ce bien cela? Je ne sais pas si je me suis trompée dans l’échéancier. Il s’agit de très peu de temps pour effectuer une étude.

Nous ne sommes pas liés par les échéances électorales ou les échéances de qui que ce soit, ni par le fait qu’un sénateur prend sa retraite ou quitte le Sénat et qu’il veut qu’on traite un projet de loi. Ce n’est pas notre travail. Notre travail consiste à soumettre tout projet de loi dont nous sommes saisis à un examen minutieux. Nous ne pouvons pas nous laisser influencer par des délais qui n’ont rien à voir avec nous et notre responsabilité pour ce qui est d’étudier les projets de loi.

(1710)

Je veux me faire l’écho des propos du sénateur Tannas : nous devons faire très attention au Sénat aux précédents que nous créons avec notre comportement et les décisions que nous prenons dans les comités. Certains d’entre nous ont déjà vécu l’expérience d’appartenir à des minorités, à de petites minorités, puis à des majorités. Cela change la perspective. Si vous n’avez pas vécu une telle expérience, il est très difficile de comprendre l’incidence sur vos droits et vos privilèges en tant que sénateur. Certains d’entre nous ont siégé à des comités où nos droits étaient remis en question quotidiennement par les actions d’autres membres.

Je vous exhorte tous, ainsi que vous, Votre Honneur, à tenir compte des problèmes que nous nous causons en acceptant de traiter des mesures législatives importantes dans des délais qui sont parfois irréalistes.

Merci.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme je l’ai dit, conformément à l’article 2-5(1) du Règlement, le Président peut ouvrir un débat sur une question de privilège ou un rappel au Règlement pour aussi longtemps qu’il le juge nécessaire.

Par ailleurs, selon l’article 13-5(2) et une décision qui a été prise par un ancien Président, en 2012, et dont il est question, si je ne m’abuse, à la page 243 de La procédure du Sénat en pratique, le Président peut également ordonner que l’on continue d’examiner la question de privilège ou le rappel au Règlement plus tard, dès que l’ordre du jour est épuisé ou au plus tard à 20 heures, selon la première éventualité.

Je vais donc remettre l’étude de la question à tard, soit lorsque l’ordre du jour sera épuisé ou à 20 heures. Je pourrai ainsi entendre les nombreux sénateurs qui souhaitent intervenir. J’espère que cela vous donnera le temps d’examiner ce qui a déjà été dit afin que vous puissiez éviter des répétitions inutiles et être aussi concis que possible dans vos interventions.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude du trente-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, avec des amendements et des observations), suivie de l’étude du trente-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, avec des amendements et des observations), suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-93, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-48, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Le Code criminel
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Projet de loi modificatif—Adoption du trente-deuxième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

Le Sénat passe à l’étude du trente-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (Projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 4 juin 2019.

L’honorable Serge Joyal propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j’ai écouté le débat qui a eu lieu avant que je prenne la parole pour présenter le 32e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je réfléchissais à la complexité du projet de loi C-75. Je l’ai en main actuellement. Honorables sénateurs, il contient 406 articles. Je regarde le sénateur Patterson. Il s’agit de plus de la moitié des dispositions du Code criminel. Il est question du Code criminel, honorables sénateurs, la loi canadienne la plus complexe qui existe, et ce projet de loi le modifie avec 406 articles.

Vous pouvez imaginer que, en tant que président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a été chargé d’étudier ce projet de loi, je ne peux pas faire autrement que de remercier les vice-présidents du comité, soit la sénatrice Dupuis et le sénateur Boisvenu, et tous les sénateurs qui y siègent. À titre de président du comité, j’ai l’impression d’être l’animateur d’un séminaire de nature juridique organisé par la faculté de droit d’une université canadienne parce que, bien sûr, aucune loi canadienne n’est plus complexe et qu’il est presque impossible d’en saisir toute la portée, étant donné que chaque article se rapporte à un certain nombre d’autres articles qui sont tous étroitement liés.

Lorsqu’un projet de loi modifie le sous-alinéa i)(e) du sous-alinéa (e) du paragraphe 406(17), vous comprendrez qu’il peut être très difficile de simplement trouver où cela se trouve dans le Code criminel, et que comprendre le contexte dans lequel tout cela s’inscrit est un exercice fort complexe.

Le comité a été chargé d’examiner le projet de loi au début d’avril de cette année, ce printemps. Je suis très fier de vous faire un compte rendu et de vous donner, en termes simples, la teneur du projet de loi, car ce n’est pas tout le monde qui lira ce genre de mesure législative avec plaisir.

Néanmoins, vous êtes des parlementaires et vous êtes des législateurs et vous serez appelés à vous prononcer à ce sujet, ce qui vous donne le droit de savoir ce que contient le projet de loi.

Le premier objectif du projet de loi C-75 est essentiellement de moderniser le Code criminel et d’appliquer deux décisions de la Cour suprême dans les affaires Jordan et Cody. Vous vous souviendrez de ces décisions rendues par la Cour suprême il y a trois ans, qui exigeaient que tout procès ou audience concernant le Code criminel ait lieu dans un délai fixé à 18 mois ou plus, selon la gravité de l’infraction.

Ces décisions ont vraiment bouleversé le système. Le Code criminel doit être modifié pour faire entrer en vigueur les limites que le système pénal devra respecter à l’avenir.

L’objectif du projet de loi consiste à régler le problème des retards qui affligeaient le système de justice pénale avant l’arrêt Jordan. Je rappelle que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, sous la présidence de l’ancien sénateur Runciman et du sénateur Baker, qui était vice-président a l’époque, a publié un rapport d’étude intitulé Justice différée, justice refusée.

Collectivement, en tant qu’institution, nous étions aussi d’avis que le système de justice pénale comportait des faiblesses qui engendraient des retards excessifs qu’il fallait régler, car, comme je viens de le mentionner, justice différée est justice refusée. En effet, si notre cause ne peut être entendue par un tribunal dans un délai raisonnable, nous sommes privés de nos droits, car les frais s’accumulent, la frustration monte et la mémoire des témoins s’estompe. Il y a toutes sortes d’éléments accessoires qui font en sorte qu’au bout du compte, nous ne recevons pas de la part du système judiciaire le traitement auquel sous sommes en droit de nous attendre.

Le rapport du comité contenait 50 recommandations. Bon nombre d’entre elles sont incluses dans le projet de loi C-75, en plus, bien entendu, des propositions qui proviennent des conférences des ministres de la Justice des provinces, des territoires et du fédéral, qui soumettent régulièrement des recommandations et des observations dans le but d’améliorer le fonctionnement du système de justice pénale.

Quatorze amendements au projet de loi C-75 et sept observations sont issus des travaux du comité; j’y reviendrai un peu plus tard dans ma présentation.

Tout d’abord, je veux faire un très bref survol de huit éléments essentiels du projet de loi C-75. Je ne ferai pas un exposé juridique, car je ne veux pas abuser de votre patience. Je vais tenter de m’exprimer dans des termes aussi simples que possible parce que, comme le dit mon frère, lorsque des avocats plongent dans des raisonnements trop complexes en employant un jargon juridique hermétique, ils perdent l’attention des gens qu’ils essaient d’éclairer. Je vais donc expliquer les huit éléments essentiels du projet de loi C-75 en m’efforçant de ne pas vous perdre.

(1720)

Le premier élément, honorables sénateurs, consiste à reclasser les infractions qui faisaient l’objet d’une mise en accusation, qui sont souvent les pires dans le Code criminel et sont habituellement assorties d’une peine de 10 ans ou moins, et les infractions faisant l’objet d’une procédure sommaire — des infractions moins graves avec des peines moins sévères — pour permettre à un procureur de la Couronne de décider si l’accusé fera l’objet d’une mise en accusation ou d’une procédure sommaire.

En d’autres termes, le système permettrait une certaine flexibilité qui permettrait de tenir compte de la gravité de l’infraction, de tous les faits l’entourant et de la nécessité d’une peine de 10 ans ou moins ou de 2 ans ou moins.

En d’autres termes, le Code criminel laisserait plus de marge de manœuvre. C’est, bien entendu, très important parce que, si l’on emprunte la voie de la mise en accusation, elle comporte toutes sortes de possibilités de retard du fait que les parties peuvent présenter toutes sortes de motions. Il y a toutes sortes de requêtes pour demander des éléments de preuve supplémentaires et ainsi de suite. Si le procureur de la Couronne peut opter pour la procédure sommaire, je dirais que c’est la voie rapide pour traiter une infraction criminelle.

C’était le premier élément. En d’autres termes, il porte sur la souplesse conférée par la possibilité d’opter ou non pour une mise en accusation plutôt que pour une procédure sommaire, avec rajustement de la peine maximale en conséquence. Selon le Code criminel, la plupart des infractions punissables par procédure sommaire sont maintenant passibles d’une peine maximale de deux ans. Si cette option est choisie, cela signifie que, pour beaucoup de ces infractions, la peine a été augmentée pour que l’accusé assume une responsabilité plus lourde parce qu’il n’a pas fait l’objet d’une décision d’engager des procédures de mise en accusation. C’est le premier élément fondamental du code.

Le deuxième élément, comme vous le comprendrez, est également très important. À l’origine, le projet de loi abolissait les enquêtes préliminaires. Ceux d’entre vous qui ont regardé des émissions de télévision ou des films savent que la première chose à faire est de considérer les éléments de preuve et de déterminer s’il y a suffisamment de facteurs de fait et de preuves pour la tenue d’un procès. C’est aussi une première étape. C’est une étape préliminaire au procès. Il ne fait aucun doute qu’il existe de nombreux documents à ce sujet. C’est un élément de la procédure qui est habituellement utilisé pour retarder tout le processus.

Après que les provinces et les personnes cherchant à moderniser le système de justice eurent dûment pris en considération la question, la décision fut prise de limiter la tenue d’enquêtes préliminaires aux adultes passibles de l’emprisonnement à perpétuité. Autrement dit, la tenue d’une enquête préliminaire serait seulement obligatoire dans ces cas parce qu’elle permettrait de déterminer si une personne devrait être condamnée à l’emprisonnement à perpétuité.

Plus tard, j’expliquerai pourquoi le comité a décidé d’amender cette proposition prévue dans la version initiale du projet de loi C-75.

Le troisième élément du projet de loi C-75 vise à protéger les victimes de violence de la part d’un partenaire intime. Certaines personnes demanderont ce qu’est un partenaire intime. Je ne veux pas faire une mauvaise plaisanterie, mais je répliquerai ceci à ces personnes: « Quelles sont vos parties intimes? » Lorsque je parle de « partenaires intimes », les gens savent ce que cela signifie. C’est une personne avec laquelle ils ont des relations intimes, pour ainsi dire. Le projet de loi a introduit, pour la première fois, ce concept dans le Code criminel.

C’est un point essentiel. Nous savons en effet que, pour régler la question de la violence dans le contexte contemporain, il faut trouver des façons beaucoup plus efficaces de traiter la violence faite par un partenaire intime. Dans cette optique, le projet de loi prévoit qu’en cas de récidive de violence contre un partenaire intime, la sanction sera plus lourde. Le juge devra aussi tenir compte de cette récidive pour évaluer la possibilité d’une libération sous caution.

Il s’agit là du troisième changement fondamental au Code criminel. Le quatrième concerne la modernisation des pratiques de libération sous caution, particulièrement pour les Autochtones. Comme nous le savons, les personnes les plus vulnérables de la société sont moins aptes à se défendre pendant les audiences sur la libération sous caution. Résultat : leur demande de libération sous caution est refusée et elles se retrouvent en détention. Le projet de loi s’attaque à ce problème et améliore les pratiques entourant les audiences sur la libération sous caution de manière à tenir compte des besoins des populations vulnérables, particulièrement des Autochtones.

Le cinquième élément vise à élargir le pouvoir discrétionnaire des policiers et des juges en ce qui concerne les infractions contre l’administration de la justice. En d’autres mots, de telles infractions sont surtout d’ordre administratif. On peut parler de manquement administratif. Elles ne menacent pas, en tant que telles, la vie ou l’intégrité d’autrui. À moins que cette question n’entre en ligne de compte, les infractions contre l’administration de la justice devraient être gérées d’une façon plus souple et plus adaptée aux circonstances particulières de chacun des cas.

Le sixième élément porte sur le renforcement du pouvoir des juges en matière de gestion des instances. Le juge est le maître de son tribunal. C’est lui qui préside le déroulement des procédures. Nous avons d’anciens juges ici : la sénatrice Andreychuk, le sénateur Sinclair, le sénateur Dalphond et le sénateur Wetston. Ils vous diront que, dans leur tribunal, ils étaient le capitaine du navire. Il est important que les juges puissent décider d’aller de l’avant lorsqu’ils constatent que l’une des parties ne collabore pas dans les plus brefs délais. Ils doivent pouvoir ordonner une date de comparution.

Honorables sénateurs, dans le cadre de l’étude précédant notre rapport intitulé Justice différée, justice refusée, nous avons entendu, à huis clos, les juges en chef adjoints de nombreuses régions du Canada. Dans toutes les conversations que nous avons eues avec eux, ils ont demandé ce pouvoir accru. Selon eux, pour vraiment faire avancer les choses, il faut avoir la capacité de prendre une décision. C’est l’un des principaux aspects...

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé, sénateur Joyal. Est-ce que les honorables sénateurs accordent cinq minutes de plus?

Des voix : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, je serai bref. Évidemment, l’autre réforme particulièrement importante concerne la sélection des jurés. Je pense à la sénatrice Batters, qui a beaucoup participé aux délibérations du comité. Dans le processus de sélection des jurés, il y a ce qu’on appelle la récusation péremptoire. Vous avez sûrement vu cela dans les films. Les avocats peuvent dire qu’ils refusent telle ou telle personne. Ils n’ont pas à fournir de raison. Nous avons décidé d’éliminer cela du Code criminel. S’il y a une raison de refuser un candidat dans un jury, c’est le juge qui décidera s’il accepte ou non le candidat.

Honorables sénateurs, vous comprendrez que ces changements sont très importants. Le comité a pris soin de s’assurer que ces changements s’accordent avec les autres dispositions du Code criminel. Par exemple, au moment de nous pencher sur la reclassification des infractions, nous avons constaté qu’il n’y avait pas de mesures de protection à l’égard de la preuve d’ADN ou de la prise des empreintes digitales. Nous allions perdre notre capacité de conserver de l’ADN, des empreintes digitales en banque. Le comité a modifié le code pour veiller à ce que la reclassification des infractions cadre avec la protection de l’ADN et des empreintes digitales.

(1730)

Le comité a également amendé le projet de loi pour permettre le refus de l’enquête préliminaire — l’objectif du code. Si les deux parties, le procureur de la Couronne et l’avocat de la défense, s’entendent pour demander une enquête préliminaire, elles peuvent faire autoriser une telle enquête par un juge; l’une ou l’autre des parties, ou les deux, peuvent également obtenir une telle autorisation. Plutôt que de l’éliminer complètement, on offre une plus grande souplesse. Je pense que le comité a pris une sage décision en ajoutant cette disposition au projet de loi afin d’accélérer le déroulement du procès.

En ce qui concerne les autres éléments du projet de loi — et je dis cela tout en regardant mes collègues qui ont proposé ces points —, deux autres principes liés à la détermination de la sentence ont été ajoutés à l’article 718.2 de la loi. Je ne vais pas vous réciter tous les alinéas.

Honorables sénateurs, je ne peux résister à la tentation de mentionner que, lorsque j’ai fait mon droit, nous devions apprendre cela par cœur. À l’examen du barreau, on pouvait nous poser une question commençant par : selon l’alinéa 718.2e).

Vous deviez donc connaître le code. Vous ne pouviez pas utiliser votre ordinateur ni rien d’autre; vous deviez connaître le code presque par cœur. De toute évidence, les choses sont différentes aujourd’hui, mais je voulais juste vous le rappeler.

Dans le contexte des nouveaux principes de détermination de la peine, on a proposé de tenir compte des victimes de violence de la part d’un partenaire intime dans le processus de détermination de la peine, qu’il s’agisse de femmes autochtones ou d’autres groupes de femmes vulnérables. Il s’agit d’un élément important. Si vous lisez le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, vous verrez que c’est l’une des recommandations formulées par la commission la semaine dernière.

Honorables sénateurs, je veux aussi attirer votre attention sur la suramende compensatoire. L’an dernier, dans l’arrêt Boudreault, la Cour suprême a déclaré la suramende inconstitutionnelle, car elle violait l’article 12 de la Charte. Le sénateur Sinclair a proposé des amendements pour accorder une certaine souplesse à l’imposition de la suramende afin de ne pas causer de préjudice injustifié au débiteur et de tenir compte de la gravité de l’infraction, ce qui ajoute du bon sens à l’imposition de la suramende.

Honorables sénateurs, pour ce qui est de l’observation, je tiens à souligner... Je suis désolé. Je vais conclure mon discours là-dessus, honorables sénateurs. Je sais que mon collègue le sénateur Boisvenu pourra compléter les remarques. Je vous remercie, honorables sénateurs, de l’attention que vous portez à cette mesure législative complexe.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Comment livrer une critique après une performance aussi théâtrale que celle de mon président de comité, le sénateur Joyal? Merci beaucoup, sénateur Joyal. Il m’est toujours agréable de vous écouter parler avec autant d’entrain et d’enthousiasme.

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui dans le débat à l’étape du rapport du projet de loi C-75. À titre de critique de ce projet de loi, je vais surtout porter mon attention sur les éléments qui touchent les victimes d’actes criminels.

Il s’agit d’un projet de loi omnibus. Comme le disait le sénateur Joyal, 407 articles du Code criminel seraient modifiés. C’était un travail colossal que nous devions livrer en très peu de temps. J’y reviendrai à la fin de mon allocution.

Plusieurs témoins, plus particulièrement quelques victimes qui sont malheureusement préoccupées par leur sort, ont exprimé des préoccupations relativement à ce projet de loi. Je vais vous souligner leurs inquiétudes sur la reclassification des infractions criminelles, que l’on appelle « hybridation des infractions criminelles », qui deviendront des infractions mixtes, ainsi que sur le renversement du fardeau de la preuve dans les cas de violence conjugale. Ce sont les deux éléments sur lesquels je vais me concentrer dans ma présentation.

L’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels est préoccupée par la reclassification de plusieurs infractions, qui deviendront mixtes, ce qui donne la possibilité à la Couronne de choisir d’entamer une poursuite par procédure sommaire plutôt que d’opter pour une mise en accusation criminelle.

Le projet de loi propose de combiner ou de reclassifier plus de 116 infractions au Code criminel, y compris des actes aussi graves que le mariage forcé ou la traite de personnes. L’ombudsman s’est dite très inquiète de la reclassification d’infractions comme l’enlèvement d’enfants âgés de moins de 14 ans et la traite de personnes. La traite de personnes est le crime qui a le plus augmenté au Canada, du moins au Québec et en Ontario.

L’ombudsman a déclaré ce qui suit :

Lorsque l’on procède par déclaration de culpabilité par procédure sommaire plutôt que par mise en accusation, on envoie le message que ces crimes sont potentiellement moins graves. Nous estimons que ces crimes contre les femmes et les enfants sont très graves.

À propos des crimes liés à la traite de personnes, Arnold Viersen, député et coprésident du Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes, qui réunit des gens de tous les partis de la Chambre des communes et auquel je siège également, a parlé des articles que le projet de loi C-75 va ériger en infractions mixtes, plus spécifiquement les articles portant sur les avantages matériels dans les cas de traite de personnes, les avantages matériels provenant de la prestation de services sexuels et la rétention ou la distribution de documents liés à la traite de personnes. À l’heure actuelle, ce sont des infractions punissables par voie de mise en accusation criminelle.

Ces infractions sont au cœur du marché malheureusement fort lucratif de la traite de personnes, dont les victimes sont souvent des mineurs. Selon M. Viersen :

Si les modifications visant à ériger en infractions mixtes ces trois infractions dans le projet de loi C-75 sont adoptées, un trafiquant reconnu coupable de ces infractions serait passible d’une amende de 5 000 $ et pourrait éviter toute peine d’emprisonnement.

Il ajoute ceci :

La dissuasion apportée par une amende de 5 000 $ est minimale si on la compare aux 300 000 $ qu’un trafiquant est susceptible d’amasser annuellement en exploitant une seule personne.

Il souligne ce qui suit :

Si l’on considère l’extrême violence, la dégradation et la torture auxquelles les victimes de la traite de personnes sont assujetties, les sanctions proposées pour ces infractions ne sont évidemment pas en ligne avec la nature du crime. Bref, le fait de transformer en infractions hybrides les crimes qui dégradent la condition humaine constitue un recul pour les droits de la personne et les droits des victimes.

En ce qui concerne la traite de personnes, je tiens à souligner que, selon le dernier rapport de Statistique Canada, 95 p. 100 des victimes de ce crime sont des femmes, 72 p. 100 ont moins de 25 ans et une victime sur quatre est âgée de moins de 18 ans. Ce sont des victimes qui sont souvent isolées, sans voix, abandonnées à elles-mêmes. Elles subiront les conséquences de cette reclassification.

Je cite la décision Dudley de 2009:

Lorsqu’il crée des infractions mixtes, le législateur fédéral reconnaît que certains crimes peuvent être plus ou moins graves selon les circonstances. Il accorde donc au ministère public la faculté de choisir la procédure la plus appropriée, ainsi qu’une gamme de peines possibles.

La seule bonne nouvelle, c’est que la sentence maximale pour toute infraction sommaire passera à deux ans moins un jour. Les opposants aux peines minimales obligatoires disent qu’elles accroissent le pouvoir discrétionnaire dont bénéficie le procureur de la Couronne en exerçant le choix de la Couronne. C’est exactement ce que feront les nouvelles infractions mixtes : la Couronne n’aura plus de pouvoir discrétionnaire.

Cependant, confrontés aux délais dans le système de justice dont parlait le sénateur Joyal, les procureurs seront davantage tentés d’opter pour une poursuite par voie sommaire, car les procédures sont moins lourdes et plus courtes. Il n’y a pas non plus de jury. Il est également possible que les gouvernements provinciaux rédigent des directives pour renvoyer davantage de causes vers les procès par voie sommaire, ce qui mènera à imposer des peines de moins de deux ans.

Il faut se poser la question suivante : quel sera l’impact de ces décisions sur les prisons provinciales, dont plusieurs sont déjà surpeuplées?

(1740)

À Montréal, dans le cas de causes liées à la traite de personnes, si la Couronne choisit la procédure sommaire, le procès se tiendra devant une cour provinciale, plus précisément devant une cour municipale. Les cours municipales auront davantage à traiter de ce genre de causes. Le projet de loi C-75 transférera alors, par ricochet, davantage de causes vers les cours provinciales et municipales.

Étant donné que Statistique Canada ne compile pas de données sur les causes entendues devant les cours municipales à Montréal ou ailleurs au Québec qui traitent des causes criminelles, je crois que nous aurons dorénavant un portrait statistique moins représentatif de la criminalité à travers le pays.

Pour avoir traité régulièrement avec des victimes dont l’agresseur a été déclaré délinquant à contrôler — ce qui est un autre problème en ce qui a trait à l’hybridation —, je considère qu’il est irresponsable de reclassifier cette infraction pour en faire une infraction mixte. Nous parlons ici de délinquants à contrôler. Rappelons, à ce chapitre, que la désignation de « délinquant à contrôler » a été créée en 1997 et qu’elle vise principalement les délinquants sexuels.

Cette désignation a été élaborée pour répondre aux préoccupations à l’effet que de nombreux délinquants sexuels et violents doivent recevoir une attention particulière.

La désignation de « délinquant à contrôler » vise les individus reconnus coupables de sévices graves sur d’autres personnes. Le projet de loi C-75 en fera une infraction mixte, avec une peine potentielle maximale de moins de deux ans d’emprisonnement ou simplement une amende, si la Couronne décide d’opter pour la procédure sommaire. Je vous rappelle qu’on parle de criminels difficiles à réhabiliter.

Cela m’amène à souligner le manque de données, de statistiques et d’études qui auraient dû accompagner le dépôt de ce projet de loi omnibus.

Combien y aura-t-il de causes supplémentaires devant les cours provinciales ou municipales? Quels seront les impacts pour les prisons provinciales? Nous n’en savons rien, et nous n’avons rien su à ce sujet lors des audiences du comité. De plus, nous ne savons pas quels groupes de victimes ont été consultés.

En notre qualité de législateurs, si le gouvernement nous avait présenté, pour chacune des infractions, une description détaillée des conséquences de l’hybridation des infractions sur le système correctionnel des provinces, les demandes de pardon et le nombre potentiel de causes susceptibles de se retrouver devant des cours de juridiction provinciale ou municipale, nous aurions eu devant nous un projet de loi bien articulé, doté d’une vision pour le système de justice.

Au lieu de cela, on se trouve devant l’inconnu.

Si les membres du Comité permanent de la justice de la Chambre des communes en sont venus à modifier le projet de loi C-75 pour assurer que l’encouragement au génocide ne soit plus une infraction mixte, pourquoi ne pas avoir fait la même chose au Sénat pour les crimes liés à la traite des personnes?

Si les députés libéraux ont retiré du projet de loi le crime d’encouragement au génocide, c’est parce que, justement, cela aurait marginalisé ce type de comportement criminel.

J’ai été fort surpris d’entendre les propos du ministre de la Justice, qui est venu nous dire ce qui suit pour justifier la reclassification des infractions, et je cite :

Cependant, les faits font en sorte que, parfois, certains cas devraient être traités d’une façon différente. Notre but est de rendre le système plus juste, plus transparent et plus efficace, pour donner une discrétion au service de poursuite afin qu’il prenne les mesures qui s’imposent.

Je répondrai ce qui suit à l’affirmation du ministre. Il existe des crimes qui doivent rester graves, et ce, peu importe les circonstances. Des crimes aussi crapuleux que la traite des personnes ou le mariage forcé ne devraient jamais être traités d’une manière différente, peu importe les circonstances.

L’esclavage sexuel des femmes et des mineurs ne méritera jamais d’écoper d’une peine moins sévère ou d’obtenir un pardon plus rapide.

En ce qui concerne le renversement de la preuve dans les cas de violence conjugale, la représentante de la Manitoba Organization for Victim Assistance (MOVA), qui travaille auprès de victimes d’actes criminels, a dit ce qui suit, et je cite :

[...] je suis préoccupée par la question des récidivistes. À l’heure actuelle, les actes de violence entre les partenaires intimes et de violence domestique sont le plus souvent passés sous silence, et ne sont donc pas sanctionnés comme ils devraient l’être.

Elle a aussi ajouté ce qui suit, et je cite :

Cette modification n’apporte aucun soutien aux victimes. Si une personne est victime de violence domestique, les risques de récidive sont extrêmement élevés.

J’ajouterais, de mon côté, que les risques d’être assassiné sont aussi très élevés.

Je ne vous cacherai pas ma déception quant au fait que les sénateurs indépendants ont rejeté mon amendement sur le renversement du fardeau de la preuve. Mon amendement reconnaissait le principe selon lequel un homme est violent et dangereux pour la victime dès la première agression, et non uniquement dans le cas d’une récidive, comme ce projet de loi le reconnaît.

Au fond, mon amendement faisait en sorte que, pour obtenir sa libération, l’homme violent qui agressait sa conjointe ou son ex-conjointe devait faire la preuve qu’il n’était pas violent non pas à la deuxième agression, mais dès la première agression.,

Aujourd’hui, ce sont sans doute des milliers de Canadiennes qui sont déçues de ce qu’elles voient comme un manque de compassion à leur égard, quand elles voient que l’on refuse de modifier ce projet de loi pour mieux les protéger.

Je tiens à souligner qu’il est très préoccupant que le ministère de la Justice ait déposé le projet de loi C-75 sans anticiper les conséquences potentielles sur la Banque nationale de données génétiques. Sans l’adoption de l’amendement déposé par le sénateur McIntyre, le projet de loi reçu de la Chambre des communes aurait eu des effets catastrophiques sur l’administration de la justice au Canada et sur la sécurité des femmes, des enfants et des groupes vulnérables partout au pays.

Sans l’amendement du sénateur McIntyre, chaque fois qu’un procureur de la Couronne aurait décidé de procéder par voie sommaire avec les nouvelles infractions mixtes, il aurait perdu la possibilité de demander une ordonnance de prélèvement génétique. Cela prouve le manque de diligence du ministère de la Justice dans l’élaboration de ces nouvelles infractions mixtes. Je tiens donc à souligner le travail de mon collègue, le sénateur McIntyre, qui a déposé cet amendement. Je souligne également l’excellent travail du sénateur Dalphond, qui a appuyé cet amendement et qui y a travaillé avec le sénateur McIntyre.

Selon l’ombudsman fédéral pour les victimes d’actes criminels, et je cite :

À l’heure actuelle, il n’existe aucune obligation légale d’informer les victimes lorsqu’un délinquant est libéré sous caution. Ainsi, une victime qui serait très inquiète pour sa sécurité pourrait ne pas être informée si un accusé est libéré et si des conditions sont appliquées.

Cela veut dire que, dorénavant, le projet de loi C-75 élimine l’obligation, dans le cas où un criminel a été remis en liberté par voie sommaire, de transmettre cette information à la victime. Imaginez-vous que vous êtes une victime, que l’individu est remis en liberté et que vous vous retrouvez face à lui, durant un week-end, dans un centre commercial; c’est un manque total de respect envers les victimes.

Je terminerai en soulignant une remarque importante que William Trudell, président du Conseil canadien des avocats de la défense, a faite sur le peu de temps accordé pour étudier un projet de loi de cette ampleur. Selon Me Trudell, le comité aurait dû consacrer davantage de temps à cette étude, car il a de grandes implications. Il a déclaré ce qui suit, et je cite :

Nous vous considérons comme étant les gardiens essentiels qui ne sont pas concernés par les initiatives politiques et qui peuvent réellement se pencher sur les détails du projet de loi qui leur est présenté.

Il a également ajouté ce qui suit, et je cite :

Les modifications que vous allez apporter à ce projet de loi sont historiques et fondamentales, et vous devez prendre votre temps pour le faire.

Malheureusement, nous devons constater le peu d’ouverture dont a fait preuve le gouvernement en vue d’améliorer le projet de loi afin de mieux aider les victimes.

Le comité de l’autre endroit a entendu 107 témoins. Notre comité a entendu à peine 55 p. 100 de ce nombre de témoins. Pire encore, le Comité permanent de la justice de l’autre Chambre a investi 291 heures dans l’étude de ce projet de loi, alors que le comité sénatorial n’en a investi que 20; c’est 15 fois moins.

En conclusion, en cette fin de session précipitée, où le gouvernement nous dicte sa volonté afin que nous étudiions ses projets de loi aveuglément, sans profondeur ni ouverture, je pense qu’il envoie un message très clair, et c’est que les victimes d’actes criminels ne sont pas une priorité.

Son Honneur le Président : Sénateur Boisvenu, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Boisvenu : Une minute, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Boisvenu : Merci.

En adoptant ce projet de loi, tout comme d’autres projets de loi, l’intention du gouvernement est de prendre soin des criminels et de ne pas tenir compte de la sécurité des femmes et des enfants de ce pays. De notre côté, nous espérons seulement que, dans quelques mois, les Canadiens pourront compter sur un gouvernement qui fera des victimes d’actes criminels une priorité.

Merci.

(1750)

L’honorable Renée Dupuis : Je tiens simplement à remercier le sénateur Joyal du travail qu’il a accompli à titre de président du comité dans le cadre de notre étude du projet de loi C-75, ainsi que le sénateur Boisvenu, pour sa collaboration.

Je voudrais insister sur un élément qui a été passé sous silence jusqu’ici, soit le fait que le Parlement a aussi comme principe le devoir de protéger les femmes. Notre comité a entendu des propos à cet égard et s’est beaucoup intéressé au fait que plusieurs types de témoins, y compris des groupes de femmes, des groupes d’intervenants et des policiers, nous aient dit que le système de justice pénale manque à ses obligations envers toutes les femmes, ce qui entraîne des conséquences différentes selon qu’elles soient membres de minorités visibles, de nouvelles arrivantes ou des femmes autochtones.

Notre comité a conclu qu’il était nécessaire d’en faire une observation dans le cadre de l’analyse de ce projet de loi. Nous sommes donc préoccupés par le fait que l’utilisation d’un langage juridique neutre ait pour effet d’occulter complètement la discrimination systémique à l’endroit des femmes au sein du système de justice pénale.

On ne dit pas clairement que ce sont les femmes qui sont, en grande majorité, victimes d’agressions criminelles, qu’elles soient d’ordre sexuel ou non. Elles ne reçoivent pas non plus les services nécessaires pour leur permettre de dénoncer leurs agresseurs. Dans le cas des femmes autochtones, elles sont touchées de façon disproportionnée. Elles sont laissées à elles-mêmes pendant tout le processus, qu’il s’agisse de la dénonciation à la police, de la tenue de l’enquête, de la préparation du procès ou de la décision de poursuivre ou non les procédures. Dans la plupart des cas, la poursuite prend la décision de ne pas poursuivre. À la suite de cette décision, elles sont laissées à elles-mêmes pendant le procès, avec le jugement qui sera rendu et, de manière générale, pour la suite de leur vie à titre de victimes d’une agression criminelle une fois les procédures terminées.

On a invité le ministère de la Justice à entreprendre de vastes réformes systémiques susceptibles d’améliorer l’administration de la justice envers les femmes, mais aussi à tenir compte de ce qu’on appelle la discrimination intersectionnelle, c’est-à-dire la discrimination qui entraîne des conséquences différentes selon le statut d’une femme, qu’elle soit autochtone ou immigrante au Canada.

On a aussi demandé au ministère de la Justice d’étudier attentivement le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui vient d’être rendu public, et d’apporter des modifications au Code criminel pour y intégrer les conclusions de l’analyse comparative entre les sexes plus qui a été faite à l’égard du projet de loi C-75.

Je veux insister sur ce dernier point. Nous avons demandé qu’une analyse comparative entre les sexes plus soit menée pour chaque projet de loi, et que cette analyse fasse partie de l’étude d’un projet de loi. Or, on nous a répondu qu’il s’agissait d’un document confidentiel, parce qu’il s’adressait au Cabinet. Par contre, on a observé que le ministre de la Justice accepte dans certains cas de rendre publics des renseignements qui ont servi à l’analyse.

Je crois donc que cette observation est extrêmement importante. Dans le cas de certains projets de loi, j’invite les comités en général et les sénateurs à saisir sans hésitation cette occasion d’inclure ces éléments dans le débat public et de pousser plus loin la réflexion d’un ministère en annexant des observations au rapport du comité.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je tiens aussi à parler des observations. La plus grande partie de mon intervention porte sur les observations que la sénatrice Dupuis vient tout juste de souligner, alors, pour gagner du temps, je ne vais pas les répéter. Honorables sénateurs, je souligne que les observations 1, 3, 4 et 6 portent toutes sur les recommandations formulées dans le rapport du Sénat publié en 2017 et intitulé Justice différée, justice refusée : L’urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada.

Je n’entrerai pas trop dans les détails, sauf pour dire qu’il s’agit d’un rapport très exhaustif. Il a eu une incidence sur le projet de loi dont nous sommes saisis, mais il reste encore beaucoup à faire — beaucoup à faire pour trouver une façon de former un organe indépendant ayant pour mandat de procéder à un examen approfondi du Code criminel en vue de sa modernisation; beaucoup à faire en ce qui concerne les observations du rapport du comité sur les peines minimales obligatoires; beaucoup à faire pour comprendre que, à lui seul, ce projet de loi pourrait contribuer à réduire les délais, mais qu’il ne suffit pas et qu’il est nécessaire d’accorder aux procureurs fédéraux des ressources adéquates.

L’observation 7 porte sur la suramende compensatoire, dont le sénateur Joyal a parlé dans son discours. Je n’en reparlerai pas.

Je crois qu’il reste donc l’observation 5, qui porte sur le risque non voulu d’expulsion de non-citoyens. Nous avons constaté que la reclassification de certaines infractions et les changements apportés à la détermination de la peine pourraient avoir un effet sur la peine maximale possible dans le cas d’un certain nombre d’infractions punissables par procédure sommaire. Il est de plus en plus probable que ces peines durent plus de six mois, ce qui a une incidence sur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Il pourrait y avoir ce que nous croyons être une conséquence non voulue. Le gouvernement et le ministre ont été très clairs : ils n’ont pas l’intention de voir des gens être indûment punis. Toutefois, aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, toute personne qui demande la citoyenneté et qui se voit imposer une peine pour grande criminalité de plus de six mois pourrait être expulsée. Dans les cas où les peines imposées pour des infractions punissables par procédure sommaire qui sont actuellement inférieures à six mois et qui pourraient dorénavant dépasser six mois, la conséquence non voulue pourrait être la suivante : des gens pourraient être expulsés et, ainsi, être doublement punis.

Nous notons que le gouvernement a dit que ce n’était pas voulu. Nous croyons qu’il faut se pencher sur cette question. Dans notre observation, nous suggérons également que le mandat de l’organe indépendant d’experts auquel j’ai fait allusion plus tôt et dont la création a été recommandée dans l’étude précédente du Sénat à ce sujet, devrait inclure un examen de l’impact de l’augmentation des peines prévues au Code criminel pour les infractions punissables par procédure sommaire sur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Je termine mes observations là-dessus.

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Joyal, avec l’appui de l’honorable sénateur Mercer, propose que le rapport soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Sinclair, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1), à moins que nous nous entendions pour ne pas tenir compte de l’heure, la séance du Sénat sera suspendue jusqu’à 20 heures.

Êtes-vous d’accord pour faire abstraction de l’heure?

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : J’entends un non. La séance est donc suspendue jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Question de privilège

Report de la décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous reprenons l’étude de la question de privilège. Le sénateur Ngo a la parole.

L’honorable Thanh Hai Ngo : Merci, Votre Honneur. J’aimerais aujourd’hui donner mon appui à la question de privilège du sénateur Patterson.

Je fais moi-même partie du Comité des peuples autochtones et j’estime que la réunion de ce matin a porté sérieusement atteinte aux privilèges du sénateur et à ceux des membres conservateurs du comité.

Comme l’a signalé le sénateur Patterson, l’article 12-20(4) du Règlement du Sénat dit ceci :

Un comité du Sénat ne peut suivre aucune procédure incompatible avec les dispositions du Règlement ou les pratiques du Sénat.

En limitant de manière aussi arbitraire les interventions de chacun à cinq minutes par amendement, le comité a directement contrevenu au Règlement du Sénat et aux pratiques exemplaires de la Chambre haute.

L’article 7 du Règlement encadre la fixation de délai pour les travaux des comités et il dit clairement que cette décision revient au Sénat, et non au comité concerné.

Votre Honneur, j’ai eu le malheur de voir de mes yeux la présidente du comité et divers autres sénateurs invoquer la fixation de délai pour interrompre le sénateur Patterson et l’empêcher de participer de manière constructive, comme il en avait le droit, à l’étude du projet de loi d’initiative parlementaire dont il était alors question. Ce n’est pas arrivé seulement une fois, Votre Honneur, mais plusieurs, comme l’a expliqué le sénateur. Les gens l’ont interrompu plusieurs fois — portant du coup atteinte à ses privilèges — pendant qu’il essayait de faire valoir son point.

Les sénateurs doivent comprendre que si nous acceptons cette atteinte aux privilèges, il est possible que cela se reproduise au sein d’autres comités. L’atteinte aux privilèges d’un sénateur peut rapidement devenir l’atteinte aux privilèges d’autres sénateurs si rien n’est fait.

Votre Honneur, comme vous le savez, pour que ce qui s’est produit soit considéré une atteinte aux privilèges, l’incident doit satisfaire à quatre conditions de base. Je crois que les travaux qui se sont déroulés au Comité des peuples autochtones ce matin satisfont à chacune de ces conditions.

Premièrement, comme le sénateur Tannas l’a expliqué, la question de privilège doit être soulevée à la première occasion. Il s’agit de la première occasion. Par ailleurs, plus tôt aujourd’hui, on nous a expliqué pourquoi il était difficile de fournir un préavis écrit concernant cette atteinte aux privilèges.

Deuxièmement, il faut que la question se rapporte directement aux privilèges d’un sénateur. Ce matin, au comité, on a refusé au sénateur Patterson le droit de parler d’amendements, de poser des questions aux témoins et de demander des précisions. La présidente du comité a interrompu à plusieurs reprises le débat sur les amendements. Depuis que je suis au Sénat, c’est du jamais vu. Par ailleurs, on n’a malheureusement accordé que cinq minutes à tous les sénateurs conservateurs pour parler des amendements, contrairement à ce que le sénateur Sinclair a dit.

Troisièmement, la question doit être soulevée dans le but d’obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder. Je suis prêt à appuyer la motion du sénateur Tannas tendant à renvoyer le projet de loi C-262 au comité pour que le sénateur Patterson et le reste du comité puissent débattre du projet de loi et recevoir des réponses des représentants du ministère de la Justice.

Enfin, la question doit viser à corriger une atteinte grave et sérieuse. Le refus de donner au sénateur Patterson la possibilité de débattre est une obstruction flagrante de sa capacité de s’acquitter de son devoir de parlementaire comme membre d’un comité sénatorial. En qualité de sénateurs, l’une de nos principales fonctions est de débattre des mesures législatives et non de nous faire taire les uns les autres.

Votre Honneur, je suis peut-être naïf, mais je ne crois pas qu’il y ait déjà eu une telle atteinte au privilège au Canada, du moins depuis que je siège au Sénat du Canada.

Les comités sénatoriaux sont censés être la marque distinctive de notre travail au Parlement précisément parce que chaque membre a la possibilité de se pencher sur des mesures législatives et des questions complexes d’importance nationale sans limitation ou crainte d’être muselé. C’est pour cette raison que nous appelons le Sénat la Chambre de second examen objectif.

J’ai toujours pensé qu’un tel contrôle arbitraire et une telle intimidation à l’endroit d’un membre d’un comité dans le but de réprimer sa liberté d’expression ne pouvaient se voir que dans des dictatures communistes.

Quel genre de message envoyons-nous si nous ne dénonçons pas le musellement manifeste d’un parlementaire et n’y remédions pas de manière appropriée?

Votre Honneur, j’estime que la question de privilège mérite de faire l’objet d’une décision de votre part et j’espère, respectueusement, que vous rendrez votre décision dans les plus brefs délais. Merci.

L’honorable Pierrette Ringuette : Je ne suis pas membre du comité, mais je sens que j’ai le devoir d’intervenir quand j’entends des mots tels que « Kremlin » ou « censure communiste », car c’est tout à fait inapproprié dans le contexte du processus parlementaire au Canada.

J’aimerais parler des éléments des privilèges auxquels atteinte aurait été portée ce matin. De nombreux sénateurs ont indiqué avoir été soumis à une attribution de temps, limitant le débat au Sénat. Le Règlement du Sénat prévoit pour chacun de nous un temps de parole précis, que ce soit au sujet d’un projet de loi, d’une motion ou d’une interpellation. Ainsi, à mon sens, il est tout à fait recevable, pour faire le travail que nous faisons, que la majorité des membres d’un comité décide, pour faire progresser l’étude d’un projet de loi, qu’une certaine période est allouée par amendement, sans égard au nombre d’amendements présentés.

Votre Honneur, si l’on se reporte au Règlement du Sénat, je crois que vous êtes le seul à imposer des limites de temps lorsque nous débattons, notamment à l’égard d’une question de privilège ou d’un recours au Règlement. C’est votre prérogative.

(2010)

Je n’ai rien entendu qui m’incite à penser que l’attribution de temps a été imposée au comité. On a suivi la procédure régulière et décidé d’allouer cinq minutes au débat sur chaque amendement. C’est probablement convenable.

Pour ce qui est de la question de privilège à titre de sénateur, nous avons le privilège de débattre. Nous avons aussi des restrictions de temps lorsque la situation le justifie.

J’ai également entendu deux sénateurs, le sénateur Patterson et le sénateur Tannas, dire qu’ils avaient tous deux une motion pour régler le problème. En ce qui me concerne, seul le sénateur Patterson, qui a soulevé la question de privilège, devrait pouvoir dire qu’il a une certaine motion.

S’agissant de la motion que le sénateur Patterson veut présenter pour obtenir réparation à une atteinte aux privilèges, je précise que le projet de loi a été renvoyé au Sénat et subira une troisième lecture. Chaque sénateur a la possibilité de proposer des amendements, des sous-amendements, et cetera, selon le temps imparti et les règles du débat prévues dans notre Règlement. À mon avis, il n’y a pas de réparation à accorder, puisque nous aurons une autre occasion de débattre du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, étape au cours de laquelle tout sénateur pourra proposer un amendement.

Pour ce qui est des questions de privilège, je constate que ce qui est signalé comme une atteinte aux privilèges n’a, en fait, aucun fondement. Quant à la réparation, elle aura lieu — espérons-le — dans les prochains jours, en ce sens que chaque sénateur sera en mesure de proposer des amendements et des sous-amendements dans le cadre du débat.

J’espère, Votre Honneur, que vous ne jugerez pas recevable la question de privilège invoquée par le sénateur.

L’honorable David Tkachuk : Je serai bref, Votre Honneur.

J’appuie la question de privilège soulevée par le sénateur Patterson au sujet des événements qui ont eu lieu aujourd’hui. Je dois vous dire, Votre Honneur, que bien que je siège depuis des années au Sénat, je n’ai jamais été témoin d’un acte qui compromette autant les privilèges de tous les sénateurs. Même si ce qui s’est passé aujourd’hui visait le sénateur Patterson, la même chose pourrait arriver à n’importe qui d’entre nous.

Votre Honneur, des règles ont été établies par notre institution pour protéger la minorité. C’est pourquoi nous les avons : parce que l’autre partie a la majorité et que, par conséquent, elle peut abuser de cette majorité, ce qui mène à la tyrannie. C’est pourquoi nous avons des règles. C’est pourquoi nous avons la capacité de prolonger et d’approfondir le débat. Nous croyons que nous avons le droit de participer au processus. Il ne s’agit pas d’un droit exclusif de la majorité.

La fixation d’un délai dans le cas d’une procédure de comité est traitée au chapitre 7 du Règlement. Je ne vais pas passer en revue l’article 12-20(4), dont vous avez déjà beaucoup entendu parler, mais l’attribution du temps est toujours une décision du Sénat et non du comité lui-même. Par conséquent, le comité n’a en aucun cas le pouvoir de fixer de délais pour limiter le débat et encore moins d’interrompre les observations d’un sénateur.

J’aimerais expliquer un peu le contexte, Votre Honneur, car c’est important. Le sénateur Patterson a proposé un amendement et il a parlé de ce qu’il proposait. Des sénateurs de l’autre côté trouvaient qu’il s’éternisait et ils l’ont interrompu. C’est ce qui s’est passé.

Dans ce cas-ci, il n’y avait aucune motion de fixation de délai. Tout cela faisait partie de la procédure. Un sénateur de l’autre côté — le sénateur Sinclair, je crois — a demandé la mise aux voix, et le vote a eu lieu. Aucun autre sénateur de notre côté n’a eu le droit d’intervenir. Aucun. Cela n’avait rien à voir avec la fixation de délais. C’est plutôt que la présidente a coupé court au débat. Il y a eu la fixation de délais, la demande de mise aux voix, puis le vote, et aucun autre sénateur n’a été autorisé à prendre la parole. Je n’ai pas pu prendre la parole.

En fait, Votre Honneur, j’ai dû interrompre les travaux du comité de façon plutôt abrupte. Je l’ai fait à contrecœur parce qu’on ne m’avait pas donné la chance de participer au débat. Je voulais simplement lire une lettre que le premier ministre de l’Alberta avait écrite au premier ministre du Canada à propos du projet de loi. On m’a refusé le droit de le faire. On m’a refusé le droit d’intervenir.

En fait, un sénateur a dit que je devrais quitter la pièce. « Le Sénat n’appartient pas à une seule personne. Il appartient à tous les Canadiens. » C’est ce que j’ai dit à la réunion. Je pense que c’était une grave erreur.

La motion qui a été adoptée à la majorité visait à limiter le débat à cinq minutes au total, ce qui représentait 20 secondes par personne. Aucun membre du comité n’a pu prendre la parole pour discuter d’amendements sérieux pendant plus de 20 secondes. La présidente a fait entrer les fonctionnaires sans nous permettre de leur poser des questions. Pas un seul membre du comité n’a pu prendre la parole au sujet d’un article ou d’un amendement. La présidente a d’abord affirmé que les fonctionnaires étaient là pour répondre aux questions, mais elle n’a permis à personne de leur en poser. C’est une atteinte grave et sérieuse aux règles et aux usages du Sénat.

Une telle atteinte entrave ma capacité de remplir mes fonctions, mais elle touche aussi la capacité de tous les sénateurs. En effet, un jour, vous vous retrouverez dans une situation semblable et vous vous souviendrez de cette réunion. Si nous ne protégeons pas cette capacité dès maintenant, une majorité pourrait en profiter pour museler chacun d’entre vous, et vous le savez. Vous l’avez appris durant toutes les années que vous avez passées dans la vie publique. Vous savez qu’il suffit de fermer les yeux une ou deux fois pour que la pratique s’implante pour de bon. Nous le regretterions amèrement.

S’il y a bien une chose que nous devons protéger, c’est notre droit à tous de nous exprimer. Si cela dérange la majorité, tant pis. C’est là le but. Nous sommes censés déranger la majorité. Vous n’êtes pas censés nous écraser. Vous n’avez pas le droit d’agir ainsi, du moins pas au Canada et pas au Sénat.

Je souhaite appuyer la motion du sénateur Patterson. Votre Honneur, j’espère que vous protégerez notre droit de participation parce que je crois que c’est ce que vous dicte l’honneur. Je suis d’avis que la motion du sénateur Patterson sur la question de privilège doit être maintenue.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il y a encore quelques sénateurs qui désirent se prononcer sur cette question, mais je demande aux sénateurs d’éviter de répéter des points qui ont déjà été soulevés et de parler le plus brièvement possible.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Tout comme le sénateur Christmas, j’aimerais expliquer pourquoi des limites ont été imposées pour chaque amendement étudié au comité aujourd’hui. Un visionnement de la vidéo montre que le climat est rapidement devenu acrimonieux, principalement en raison du manque de respect manifesté à l’endroit de la présidente, notre okimaw esquao, la sénatrice Dyck. En particulier, on voit un membre du comité tenter d’interrompre constamment, d’intervenir sans lever la main, de verser de nouveaux témoignages au compte-rendu durant l’étude article par article, et ce, sans avoir la parole et tout en parlant en même temps que la présidente, qui fait son travail. Le comportement du sénateur tient parfois de l’intimidation. Il élève la voix, crie après la présidente et la harcèle, tandis qu’elle s’efforce de maintenir l’ordre.

À un moment donné, le sénateur accuse les sénateurs autochtones en disant : « Ce sont là des considérations d’intérêt personnel. Cela n’a rien à voir. » Il voulait dire que lui et ses collègues veillent aux intérêts des Canadiens, mais que les sénateurs autochtones ne travaillent que pour faire avancer leurs propres intérêts.

Je comprends qu’il s’agit d’un recours au Règlement. J’aurais dû en parler en comité, mais j’ai manqué de temps. J’aurais demandé au sénateur de présenter des excuses et de retirer ce qu’il avait dit.

(2020)

En somme, Votre Honneur, nous n’aurions probablement pas eu à recourir à l’attribution de temps pour le débat si tous les membres du comité s’étaient montrés respectueux de la présidente, qui a le devoir d’assurer le bon déroulement de la réunion.

De plus, il y a eu un vote par appel nominal pour chaque article, pour chaque amendement et pour plus d’une motion d’ajournement; chaque fois, cela a pris beaucoup de temps. Nous avons donc dû limiter le débat. Si nous nous étions concentrés uniquement sur les amendements et non sur toutes les interruptions, le temps de parole n’aurait peut-être pas été limité à cinq minutes par amendement. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett : Je n’avais pas l’intention de prendre la parole sur cette question et, si je le fais, ce n’est absolument pas parce que j’aurais été offensé par ce que quelqu’un d’autre a dit, comme c’était le cas de la sénatrice qui a parlé avant moi. Si je l’avais été, cela aurait été en raison de commentaires du genre : « De toute évidence, les sénateurs conservateurs travaillent ensemble pour permettre un génocide et il faudra en parler aux prochaines élections. » C’est un commentaire qui a été relancé sur Twitter par un des sénateurs dénoncés il y a quelques jours.

Étonnement, personne n’a été offensé par ce message sur Twitter concernant la promotion et l’habilitation d’un génocide. C’est correct. Que quelqu’un emploie le mot « Kremlin » et nous voilà offensés outre mesure au point qu’il faille prendre la parole à ce sujet.

Votre Honneur, je voudrais simplement refaire la chronologie des événements. J’espère que personne ne se lèvera pour invoquer le Règlement pour dire que je ne le fais pas correctement. J’espère pouvoir me rendre jusqu’à la fin de mon intervention.

Le sénateur Christmas a expliqué la raison pour laquelle il fallait imposer l’attribution de temps. C’est pourtant contraire au Règlement du Sénat, sauf quand certains comités ou certains sénateurs veulent le faire, j’imagine, parce que, dans ces cas-là, il existe des raisons pour imposer l’attribution de temps. La raison pour laquelle il est possible d’imposer l’attribution de temps est que les conservateurs tentent d’empêcher la progression d’un projet de loi.

Votre Honneur, je lis l’avis de convocation. L’avis de convocation de la réunion de ce matin est très clair. Il a été envoyé le mardi 11 juin, à 9 heures.

Ordre du jour

1. Projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones

Étude article par article

2. Projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Étude article par article

Le sénateur Sinclair a dit que nous aurions dû être prêts; nos amendements auraient dû être prêts. Nous nous sommes rendus à une réunion sans savoir que nous allions faire l’étude article par article du projet de loi C-262. Pourquoi aurions-nous eu un seul amendement de prêt pour ce projet de loi? Nous ne savions pas qu’il allait en être question. Nous étions là pour faire ce qui était prévu dans l’avis de convocation.

Puis, brusquement — on vient de nous dire comment les choses ont été faites de façon désordonnée, Votre Honneur —, il y a eu un vote pour modifier l’ordre du jour et traiter un projet de loi d’initiative parlementaire alors que nous avions l’obligation de nous pencher sur le projet de loi C-91.

Quelques détails sur la chronologie du cheminement de ce projet de loi, le projet de loi C-262, Votre Honneur : première lecture à la Chambre des communes le 21 avril 2016; début des discours à l’étape de la deuxième lecture le 5 décembre 2017; renvoi à un comité le 7 février 2018; présentation du rapport du comité à la Chambre le 9 mai 2018, après 91 jours; troisième lecture le 31 mai 2018.

Ce projet de loi a poireauté 769 jours à la Chambre des communes, mais maintenant qu’il est ici, voilà que le temps presse et que les ministres se mettent à nous écrire pour nous demander de hâter le pas.

Le projet de loi C-262 est ici depuis 371 jours. La première lecture a eu lieu le 31 mai 2018. Le 23 octobre, le sénateur Sinclair a ajourné le débat. Je répète, honorables sénateurs : le 23 octobre 2018, le sénateur Sinclair a ajourné le débat. Il a attendu jusqu’au 29 novembre avant de prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture. C’est 37 jours que nous aurions pu consacrer à étudier un projet de loi qu’il nous demande maintenant d’adopter à tout prix. C’est bien ce que j’ai dit : 37 jours, le 29 novembre.

Je ne crois pas avoir besoin de vous rappeler, chers collègues, qu’ensuite la session s’est interrompue le 15 décembre pour reprendre seulement à la mi-février. Après nous être assis dans le coin, là-bas, le sénateur Sinclair et moi avons convenu sur l’honneur de renvoyer le projet de loi au comité le 16 mai. Nous avions scellé notre entente d’une poignée de main. Devant les ministres, le sénateur a nié l’existence de cette entente, mais à moi, il a dit : « C’est vrai, c’était une condition pour que vous fassiez progresser le projet de loi. » Je lui ai rappelé qu’il avait approuvé mes conditions d’une poignée de main. C’est ce que j’appelle sceller une entente, moi.

Nous avions une entente. Nous attendons toujours la comparution des ministres, mais en ce qui nous concerne, nous avons respecté notre partie de l’entente et nous étions présents aux trois dernières réunions.

Aujourd’hui, nous avons participé à une réunion portant sur un projet de loi différent, et voilà ce qui est arrivé. On dit que cinq minutes sont suffisantes. Or, chers collègues, tous les sénateurs qui ont pris la parole ici sur cette question ont disposé de plus de cinq minutes. Tout à coup, cinq minutes, c’est bien suffisant pour que le sénateur Patterson puisse soulever des préoccupations au sujet des peuples autochtones de sa région? Il n’est pas le seul à avoir été limité à cinq minutes; tous les autres membres du comité ont eu droit à cinq minutes. Ils n’ont pas pu poser de questions. Ils n’ont pas pu dire qu’ils allaient appuyer le projet de loi. Ils n’ont pas pu dire qu’ils allaient s’opposer au projet de loi. Ils n’ont pas eu le temps de le faire parce que le sénateur Patterson a abusé de son temps de parole et qu’il a parlé pendant cinq minutes d’une question qui est très importante pour lui.

Puis, on nous dit que nous retardons les choses. Le sénateur Sinclair aurait très bien pu prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi le 24 octobre. Il a attendu jusqu’au 29 novembre pour le faire. Ce n’était pas si important.

Votre Honneur, je ne sais pas si cela aura une incidence sur votre décision, mais nous n’étions pas là pour faire de l’obstruction aujourd’hui. Nous étions là pour étudier des mesures législatives du gouvernement, comme nous avons le devoir de le faire. Tous les sénateurs étaient là pour étudier ces mesures. Le fait est qu’on nous a alors dit de nous occuper d’une question que nous ne devions pas aborder, parce que nous n’étions pas seulement saisis d’un seul projet de loi du gouvernement, mais bien de deux. Cependant, la présidente du comité, le parrain du projet de loi et sept autres sénateurs ont fait fi de chacun des points que nous avons soulevés.

Oui, il s’agissait de votes inscrits, parce que nos collègues demandaient continuellement de procéder de la sorte.

Votre Honneur, je suis désolé d’avoir pris plus que les deux minutes qui m’étaient allouées, mais j’aimerais que vous preniez ces observations en considération.

Des voix : Bravo!

L’honorable Mary Jane McCallum : Dans mon discours du 19 février 2019, je parlais du harcèlement permanent qui sévit au Sénat et en comité. Je disais notamment ceci :

Je suis inquiète, chers collègues, parce que, même si je siège au Sénat depuis peu de temps par rapport à la plupart des sénateurs, j’ai été témoin à quelques reprises de situations que je qualifierais de harcèlement personnel dans cette enceinte. Le harcèlement dont je parle est l’intimidation dans sa forme la plus élémentaire. Certaines personnes estiment peut-être que cette infraction n’est pas si grave, mais elle cause néanmoins des torts personnels à la victime. Il faut rapidement régler les problèmes qui surviennent, et ce, à la source. Il n’est pas nécessaire que les comportements soient illégaux pour que nous soyons encouragés à promouvoir activement le changement et le perfectionnement.

(2030)

Depuis ce discours, j’ai constaté les effets cumulatifs de l’intimidation. J’ai vu des sénateurs, y compris un président, auxquels on a coupé la parole et qu’on a ridiculisés à maintes reprises devant des témoins et du personnel. À une autre occasion, j’ai présenté mes excuses à des témoins, deux chefs et une dirigeante autochtones, que l’on a fait attendre pendant 15 minutes alors qu’un sénateur nous entretenait d’un sujet qui aurait pu attendre. Quelquefois, en tant qu’Autochtone, je pense que ce comportement frise le racisme et la discrimination.

Les peuples autochtones au Canada ont attendu des vies entières pour ravoir des droits fondamentaux qu’on leur avait retirés. Le problème est essentiellement lié aux terres et à l’extraction des ressources. En tant que peuples autochtones, nous devons protéger notre santé, notre terre, notre corps et notre droit à l’autodétermination, et c’est pour cette raison que ce projet de loi est si important pour nous.

Un sénateur a déclaré : « J’avais l’impression d’être au Kremlin ». Eh bien, sénateurs, j’y ai vécu, au Kremlin…

Son Honneur le Président : Pardon, sénatrice McCallum. Les questions que vous soulevez sont extrêmement importantes. Si vous le désirez, vous êtes tout à fait libre de faire un rappel au Règlement ou de soulever la question de privilège à ce sujet.

Cependant, le débat actuel porte sur la question de privilège soulevée par le sénateur Patterson. Si vous avez n’importe quelle observation à faire là-dessus, nous sommes tout à fait disposés à vous entendre. Si votre intervention ne porte pas sur la question de privilège, je sais qu’il y aura bientôt un rappel au Règlement.

La sénatrice McCallum : Comment voudriez-vous que nous réagissions aux effets cumulatifs de ces gestes? Je ne peux pas garder le silence et me laisser harceler. Nous voulons que les droits et la dignité de la personne soient respectés dans notre pays.

J’ai appuyé le sénateur Sinclair et la sénatrice Dyck, car je croyais que je n’aurais pas d’autre occasion de porter cette question à l’attention du Sénat et des Canadiens. Merci.

L’honorable Sandra M. Lovelace Nicholas : Je crois que vous n’étiez pas dans la salle lorsque des gens qui avaient manqué une réunion se sont acharnés contre la sénatrice. Ensuite, on l’a interrompue, on lui a lancé des insultes et on lui a manqué de respect. Elle a été victime d’intimidation; je le dis en tant qu’Autochtone. Quel genre de message envoie-t-on aux Autochtones? On leur donne une mauvaise impression. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de traiter avec respect les lois qui concernent les Autochtones?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’aimerais prendre un instant pour remercier tous les sénateurs d’avoir fait part de leurs impressions sur cette question très importante. Je vais prendre la question en délibéré.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je crois que la sénatrice McPhedran souhaite prendre la parole.

Question de privilège

Report de la décision de la présidence

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour soulever une question de privilège différente. Je prends la parole ce soir après notre pause de deux heures, que nous avons prise parce qu’il était 18 heures.

Conformément à l’article 13-4 du Règlement, j’estime que j’ai le droit, en tant que sénatrice, de soulever cette question de privilège, étant donné que j’ai pris connaissance d’une affaire au cours de la séance du Sénat et que, par conséquent, je n’ai pas à fournir d’avis écrit.

Votre Honneur, je commencerai en indiquant clairement que je soulève cette question parce que, selon ce que je comprends, lorsqu’un sénateur embauche un employé, ce dernier représente ensuite ce sénateur, et les deux représentent l’institution du Sénat. Selon ce que je comprends du droit et de mon examen du code d’éthique des employés, de celui des sénateurs ainsi que de nos règles, la liberté d’expression pour les sénateurs et leurs employés n’est pas un droit absolu et les commentaires faits dans le cadre de ce rôle doivent respecter les normes d’équité, d’exactitude et de pertinence prévues dans nos règles et nos codes.

Ma question de privilège porte sur l’utilisation ou l’utilisation abusive — ce sera à vous de décider — des plateformes de médias sociaux, particulièrement Twitter, par certains de nos collègues du Sénat, notamment, dans certains cas, par leurs représentants, soit leurs employés, qui font des publications qui sont ensuite retransmises par le sénateur qui les emploie.

La question de privilège que je soulève ce soir est en gestation depuis un certain temps. Ce n’est pas la première fois qu’une telle chose m’arrive ou arrive à d’autres sénateurs mais, aujourd’hui à 16 h 59, heure de l’Est, la directrice des affaires parlementaires du sénateur Leo Housakos a publié un autre gazouillis méchant et inexact. Puis, le sénateur l’a partagé, ce qui démontre les liens entre un employeur et ses employés, liens dont le sénateur, à titre d’employeur, est responsable. Les sénateurs ont aussi la responsabilité de se demander s’ils se servent des médias sociaux pour encourager le harcèlement et l’intimidation.

Pour vous aider à vous prononcer sur cette question de privilège, Votre Honneur, je décrirai comment les quatre critères énoncés à l’article 13-2(1) du Règlement du Sénat du Canada ont été respectés.

Premièrement, la question est soulevée à la première occasion. Comme je l’ai dit, la plus récente attaque sur Twitter a été commise aujourd’hui, à 16 h 59, en réponse à un gazouillis publié par J.P. Tasker de la CBC. Les gazouillis de ce dernier étaient des mises à jour concernant ce qui s’est passé lors de l’étude article par article du projet de loi C-262 ayant eu lieu ce matin au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. L’employée du sénateur Housakos a répondu à l’un de ces gazouillis en disant ceci :

Imaginez un peu. Une sénatrice qui demande qu’un sénateur soit expulsé d’un comité parce qu’elle n’approuve pas son point de vue. Pensez-y un peu. Elle veut qu’il soit exclu d’un comité sénatorial parce qu’il a une opinion différente de la sienne. La diversité fait notre force?

C’est inexact. Ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai demandé au sénateur Tkachuk de quitter la salle. Je le lui ai demandé parce que, comme l’ont décrit avec exactitude d’autres sénateurs, notamment la sénatrice Lovelace Nicholas, il y a eu de l’intimidation, de constantes interruptions et de l’obstruction à un point tel que je dois maintenant dire que, dans bien des situations, lorsque je regarde mes collègues d’en face, je ne vois pas l’opposition officielle; je vois l’obstruction officielle.

En plus du gazouillis publié par l’employée du sénateur Housakos...

L’honorable Donald Neil Plett : J’invoque le Règlement.

La sénatrice McPhedran : ... en réponse à un article du Globe and Mail...

Son Honneur le Président : Sénatrice McPhedran, un sénateur invoque le Règlement.

(2040)

Le sénateur Plett : Il y a quelques semaines, en prononçant un discours, j’ai employé le mot « duplicité ». Une collègue d’en face m’a rappelé à l’ordre, et vous, Votre Honneur, m’avez prévenu quant à l’utilisation de ce mot. Je ne l’ai pas utilisé depuis, autrement que dans la présente situation.

J’estime que les accusations d’obstructionnistes officiels de la part de la sénatrice d’en face sont tout aussi à la limite de ce qui est acceptable, voire la dépassent. Si la sénatrice veut soulever une question de privilège, je lui suggère d’expliquer cette question de privilège comme il se doit, et la question est mieux de porter sur un sénateur, et non sur un ou une membre du personnel, car il n’y a personne ici pour se défendre.

La sénatrice McPhedran : Vous m’empêchez de...

Le sénateur Plett : Vous aurez de nouveau l’occasion de prendre la parole, sénatrice McPhedran. Je ne vous ai pas interrompue. J’ai invoqué le Règlement.

Par conséquent, Votre Honneur, je vous demande d’essayer de modérer un peu nos discussions. J’essaierai de le faire maintenant et à l’avenir. Cependant, j’estime que les sénateurs qui nous traitent d’« obstructionnistes officiels » dépassent les bornes, Votre Honneur, et je vous demande de vous prononcer à ce sujet.

Son Honneur le Président : Je remercie le sénateur Plett d’avoir soulevé la question. De toute évidence, il n’y a pas très longtemps, j’ai dit à tous les sénateurs que les mots sont très importants. Lorsqu’un sénateur soulève la question de privilège ou invoque le Règlement, il est important qu’il n’utilise pas des propos incendiaires. Cela ne contribue aucunement au rappel au Règlement ou à la question de privilège. Je recommande encore une fois aux sénateurs de s’abstenir d’utiliser des termes inutiles et incendiaires.

Pour ce qui est de savoir s’il y a ou non une question concernant une employée d’un sénateur, cela sera évidemment pris en considération dans la question de privilège.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup, Votre Honneur.

Les gazouillis que j’ai mentionnés donnent une idée fausse de ce qui s’est passé lors des délibérations de ce matin, lorsque j’ai réagi aux tactiques et aux tentatives de perturbation du sénateur Tkachuk, qui contestait ou ne respectait pas les décisions de la présidente du comité. À plusieurs reprises durant la réunion de ce matin, des sénateurs criaient plus fort que la sénatrice Dyck alors qu’elle présidait la réunion conformément au Règlement, ayant consulté maintes fois les experts qui étaient disponibles et qui ont donné des conseils sur ce qu’il convenait de faire.

Il ne s’agissait pas d’une divergence d’opinions, comme l’a laissé entendre le sénateur Housakos et son employée. Il s’agissait d’un manque de respect et d’une conduite non parlementaire pendant une réunion de comité, ce matin.

Deuxièmement, selon l’article 13-2(1)b), la question doit se rapporter directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur. Dans le cas présent, c’est une question de privilège personnelle en raison de la nature des attaques personnelles répétées contre moi et, incidemment, d’autres sénatrices.

Le 2 mai 2019, sur Twitter, j’ai communiqué avec l’employée du sénateur Housakos, après avoir publié un gazouillis sur la motion concernant le génocide des Rohingyas. Pourrait-il y avoir quelque chose de moins partisan que la question des Rohingyas? Elle devait faire l’objet d’un vote ce soir-là; du moins, c’est ce que j’avais compris. J’ai publié le gazouillis pour informer les nombreux intéressés au sein de la population qui étaient inquiets et qui attendaient les résultats qu’il était déjà 21 h 30 et que, en raison de retards, le vote n’allait probablement pas avoir lieu ce soir-là. Peu après, l’employée du sénateur Housakos m’a envoyé ce gazouillis :

Vous voulez dire que vous avez pris de l’avance en envoyant ce gazouillis et communiqué de presse, et que maintenant la procédure appropriée s’est revirée contre vous. Oups.

Ce sont là ses paroles.

Son Honneur le Président : Je m’excuse de vous interrompre, sénatrice McPhedran, mais, comme vous l’avez souligné à juste titre dans vos observations préliminaires, pour soulever une question de privilège sans préavis approprié, il faut respecter l’une de deux conditions. Vous avez nommé à juste titre la situation pour laquelle vous avez pris la parole, soit une question qui a été soulevée au cours de la séance, de sorte que vos remarques pour votre question de privilège devraient se rapporter à une question qui a été soulevée au cours de la séance.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie, Votre Honneur. Je vous inviterais néanmoins à considérer que ce geste s’inscrit dans une tendance, d’où sa pertinence.

Je trouve franchement sidérant que l’employée d’un sénateur prenne l’initiative de se moquer d’une sénatrice et, pire encore, qu’elle le fasse sur une tribune publique. Cet incident me touche directement, puisqu’il donne l’impression que je suis incapable de comprendre la procédure du Sénat et de m’y conformer. De telles affirmations donnent à la population l’impression que je ne suis pas apte à exercer mes fonctions parlementaires et elles tournent tout cela en dérision.

De tels incidents devraient aussi préoccuper l’ensemble du Sénat, Votre Honneur. Ils touchent le privilège du Sénat et ils ternissent l’image de cette institution.

Les employés du Sénat représentent le sénateur à qui ils sont rattachés et l’institution même du Sénat. Nous tous, sénateurs et employés, avons la responsabilité d’agir avec courtoisie les uns envers les autres.

La semaine dernière, le sénateur Housakos a dit au Sénat : « [...] je suis désolé de vous l’apprendre, mais les abonnements aux comptes Twitter relèvent du domaine public. »

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice McPhedran, mais j’aperçois encore une fois des sénateurs qui se lèvent probablement pour invoquer le Règlement parce que, comme je l’ai dit plus tôt et comme vous l’avez souligné à juste titre lorsque vous avez pris la parole sur cette question de privilège, une question de privilège doit porter sur un événement survenu sans préavis, dans ce cas-ci, pendant la séance. Je vous demande donc de limiter vos observations à la question de privilège survenue pendant la séance.

La sénatrice McPhedran : Je crois, Votre Honneur, que je peux faire référence à des sources d’information pour appuyer mon plaidoyer, et c’est pour cette raison que j’ai repris la citation du sénateur Housakos, qui affirmait que les gazouillis relèvent du domaine public.

Donnez-moi un moment parce que je ne sais plus où j’étais rendue.

Votre Honneur, le 16 mai 2019, vous avez dit :

Je rappelle...

Le sénateur Plett : Votre Honneur, le 16 mai...

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Plett. Écoutons...

La sénatrice McPhedran : Le Président a dit...

Son Honneur le Président : Sénatrice McPhedran, je vous en prie.

La sénatrice McPhedran : Merci, Votre Honneur. Vous avez déclaré ceci :

[...] je rappelle aux honorables sénateurs que, dans une décision précédente, j’ai mentionné l’utilisation des médias sociaux. Lorsque vous souhaitez écrire des gazouillis, veuillez bien les relire avant de les publier. Si vous pensez que le message peut être offensant ou si vous n’êtes pas certains de la nature appropriée du message, ne le publiez pas. En effet, ce genre de messages peut entacher tant la réputation de l’auteur du message que celle du Sénat.

L’image du Sénat en tant qu’institution est ternie par les attaques en ligne de ce genre. Comment un sénateur peut-il laisser son personnel prendre l’habitude d’attaquer d’autres sénateurs sur un réseau social public? Comment peut-il approuver ou encourager une telle pratique? Où sont passés l’esprit de collégialité et le respect dont nous devons faire preuve au Sénat? Le décorum et le respect mutuel doivent s’étendre aux médias sociaux, comme vous l’avez indiqué dans votre décision, Votre Honneur.

Quatrièmement, selon l’article 13-2(1)d) du Règlement, la question doit être soulevée afin de chercher à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire. En conséquence, je demande, Votre Honneur, en tout respect, que le sénateur Housakos présente ses excuses au nom de son employée, sa directrice des affaires parlementaires, dont il retransmet les gazouillis, que les sénateurs ne permettent plus aux membres de leur personnel d’utiliser Twitter ou des plateformes en ligne et que les sénateurs eux-mêmes n’utilisent pas les médias sociaux pour dénigrer d’autres sénateurs et pour propager des faussetés au sujet d’autres membres de cette institution.

Merci, meegwetch.

(2050)

L’honorable Leo Housakos : Merci, Votre Honneur. Je serai très bref. En ce qui a trait à l’intervention de la sénatrice McPhedran, qui prétend qu’il s’agit d’une question de privilège, je soutiens que c’est loin d’en être une. Les médias sociaux et leur place dans le discours public font l’objet d’un débat incessant dans cette enceinte. Je crois qu’à un moment donné, il nous faudra reconnaître que le Sénat est une institution publique. Ce que nous faisons dans cette enceinte est public, de même que ce que nous faisons et disons en comité, et nous devons faire face aux conséquences.

Je n’ai aucun problème à défendre le gazouillis qu’a envoyé mon employée ce soir. J’ai partagé ce message et je l’ai fait avec prudence. Il est factuel et il dépeint fidèlement les événements révoltants qui ont eu lieu à une réunion d’un comité sénatorial ce matin, où l’un de nos collègues s’est levé — je ne connais pas le contexte. Je n’étais pas là, mais je me fie aux propos d’un journaliste et d’une source crédible — la CBC — qui a diffusé la nouvelle suivante :

Un comité sénatorial adopte le projet de loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les conservateurs craignent que les Autochtones aient droit de veto.

L’article raconte une longue histoire pour décrire l’essentiel de ce qui s’est passé. Le journaliste — pas moi — a diffusé le gazouillis suivant :

Au milieu de la pagaille qui a eu lieu ce matin au comité, la sénatrice Marilou McPhedran a proposé que le sénateur conservateur David Tkachuk, qui est résolument contre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, soit exclu des délibérations du comité.

C’est ce qu’a publié la CBC, votre média d’information préféré. Mon employée a seulement partagé le gazouillis en ajoutant ceci :

Imaginez un peu. Une sénatrice qui demande qu’un sénateur soit expulsé d’un comité parce qu’elle n’approuve pas son point de vue. Pensez-y un peu. Elle veut qu’il soit exclu d’un comité sénatorial parce qu’il a une opinion différente de la sienne. La diversité fait notre force?

C’est ce que disait son gazouillis, en anglais. Je l’ai partagé et je ne le regrette pas.

Chers collègues, si vous voulez éviter pareille humiliation publique, réfléchissez bien au comportement que vous adoptez pendant les réunions publiques des comités. L’atteinte la plus grave au privilège d’un sénateur, c’est de demander qu’il soit expulsé d’un comité, pour quelque raison que ce soit. Ce matin, l’atteinte la plus grave au privilège s’est produite quand une sénatrice a demandé que le doyen du Sénat, qui compte 25 ans d’expérience comme sénateur et préside des comités avec succès depuis plus de deux décennies, soit expulsé du comité. Expulsé par qui? Par une autre collègue? Par la présidente? On n’a jamais vu une chose pareille au Sénat.

Chers collègues, je pense qu’au final, la leçon que nous devons tirer est que, si l’on ne peut supporter la pression dans les médias sociaux et la sphère publique, mieux vaut se tenir à l’écart. J’ai dressé une liste de gazouillis absurdes du Groupe des sénateurs indépendants — non pas de sénateurs, mais d’employés — et j’ai un dossier. Je l’apporterais volontiers au comité si jamais nous faisions une étude à ce sujet pour voir quels gazouillis sont plus absurdes ou plus offensants. Inutile de dire que, du côté des conservateurs, nous trouverons vos gazouillis très absurdes. Manifestement, du haut de votre perchoir, vous direz : « Oh, les méchants conservateurs nous offensent quotidiennement. »

Je pense que ce à quoi nous devons faire le plus attention, c’est de nous bien nous conduire comme sénateurs dans cette institution, cette Chambre, et dans les comités, et de faire notre travail de manière diligente, prudente et digne. Merci, chers collègues.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je sais que d’autres sénateurs veulent participer au débat sur cette question, mais j’ai entendu les deux points de vue qui s’opposent et je vais prendre l’affaire en délibéré. Merci.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Adoption du trente-cinquième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Petitclerc, appuyée par l’honorable sénateur Dean, tendant à l’adoption du trente-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (Projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 30 mai 2019.

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du trente-cinquième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui porte sur le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

Ce qui m’inquiète dans le rapport est un peu la même chose que ce qui m’inquiète dans le projet de loi en général, dont la trame tend à minimiser les risques pour la sécurité et les dangers qui existent souvent dans les établissements correctionnels du Canada. Ces dangers menacent à la fois le personnel correctionnel et les détenus.

Permettez-moi de citer quelques statistiques. Selon le Bureau de l’enquêteur correctionnel, 80 p. 100 des délinquants de sexe masculin ont des problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie, et les deux tiers étaient intoxiqués au moment de commettre leur infraction désignée. La gestion de ces délinquants dans les établissements est par conséquent difficile.

Parmi la population totale des délinquants, y compris ceux qui sont incarcérés et ceux qui purgent leur peine hors du milieu carcéral, environ 10 p. 100 sont affiliés à un gang. Dans certaines régions du pays, ce pourcentage est encore plus élevé, ce qui augmente considérablement le risque pour la sécurité dans les établissements, autant pour la sécurité du personnel que celle des détenus.

Évidemment, dans mon intervention, je peux seulement donner un aperçu des risques pour la sécurité. Il n’en demeure pas moins que les établissements fédéraux sont des endroits dangereux où on trouve toutes sortes de personnes qui, dans bien des cas, ont commis d’horribles crimes. Je le dis avec le cœur lourd, surtout que, cette semaine, nous allons nous pencher sur les cas de bestialité, au Comité des affaires sociales. Je crains que le projet de loi ne soit une réponse à des pressions du système judiciaire. Je doute fort qu’il puisse rendre nos établissements plus sécuritaires.

Lorsque Jason Godin, représentant du Syndicat des agents correctionnels du Canada, a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, il y a quelques mois, il a dit ceci :

[...] le projet de loi C-83 vise aussi à modifier la manière dont est géré le segment le plus difficile de la population carcérale. Les détenus vivant dans les unités d’intervention structurée auront l’occasion d’interagir avec les autres détenus pendant au moins deux heures, ainsi que le droit de passer quatre heures à l’extérieur de leur cellule. Malgré les bonnes intentions qui inspirent ces changements, ces derniers ne sont pas réalisables avec le nombre actuel d’employés et les infrastructures existantes.

M. Godin représente les employés de ces établissements. Ces gens ont des connaissances et une expérience de première main. Ce sont eux qui devront composer avec les mesures qui seront mises en place par le projet de loi C-83. Je précise que le rapport du comité sur le projet de loi aborde à peine les questions soulevées par M. Godin.

Le plus surprenant, c’est que M. Godin a affirmé devant le comité que l’application de politiques d’isolement plus libérales en 2017 avait déjà provoqué la mort de détenus. Plus précisément, voici ce qu’il a dit :

Bon nombre des détenus actuellement placés en isolement le sont pour leur propre protection puisqu’ils sont extrêmement vulnérables. Si on veut leur assurer le degré d’interaction exigé dans le projet de loi, il faudra qu’un nombre déjà limité d’agents correctionnels exercent sur ces détenus une surveillance directe et constante. Inversement, l’incapacité de gérer des détenus incompatibles mènera à des tragédies comme celles vécues dans l’établissement Archambault et l’établissement de Millhaven, où des détenus ont été assassinés lors d’événements distincts survenus au début de 2018.

Je sais que la sénatrice Poirier a posé une question sur le sujet au ministre Goodale, mais je ne crois pas qu’elle a reçu une réponse satisfaisante. Cet enjeu est-il soulevé dans le rapport du comité? Non, il ne l’est pas. Honorables collègues, je dois dire que je suis troublé par le projet de loi et le rapport du comité.

(2100)

À mon avis, le projet de loi et le rapport sont fondés sur des illusions. Malheureusement, ce sont les membres du personnel correctionnel et, de façon plus tragique, les délinquants qui risquent de souffrir des répercussions de la mesure législative et de ses dispositions. Le gouvernement ne s’engage pas fermement à défendre d’abord la sécurité des établissements canadiens. De notre point de vue, ce devrait être la grande priorité du pays. Pour cette raison, je dois m’opposer au rapport et au projet de loi.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole encore une fois aujourd’hui à l’étape du rapport du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

Ce projet de loi est porteur de conséquences graves et toujours incalculables en ce qui concerne non seulement la sécurité des employés du Service correctionnel du Canada, mais aussi celle du public canadien et, bien entendu, celle des victimes.

Je tiens à souligner tout d’abord qu’il est inacceptable qu’un comité étudie un projet de loi aussi important sans inviter aucune victime; en effet, même l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels du Canada n’a pas été invitée à comparaître devant le comité.

Les Canadiens ne s’attendent qu’à une chose relativement à leur sécurité, soit un service correctionnel qui les protège et qui réhabilite ceux et celles qui veulent vraiment être réhabilités. Pensez-y un instant; ce projet de loi aura un impact sur la libération des détenus fédéraux incarcérés pour des peines de plus de deux ans. On parle donc de contrevenants qui ont commis des crimes graves, dont les sentences sont purgées dans une prison autre qu’une prison provinciale. Je le répète, aucune victime n’a été invitée à donner son point de vue. Cependant, un témoignage important a été retenu, soit celui de M. Jason Godin, président national sortant du Syndicat des agents correctionnels du Canada. Il représente 7 300 travailleurs qui œuvrent tous les jours, au risque de leur santé, au sein du système carcéral canadien. Les agents correctionnels qu’il représente font un travail difficile, mais combien essentiel pour vous, pour moi et pour tout le pays. Il côtoie chaque jour des délinquants reconnus coupables de crimes graves. M. Godin a parlé au nom de ceux qui travaillent pour assurer notre sécurité, et ce, 24 heures sur 24, 365 jours par année. L’adoption de la mesure la « moins restrictive » représente un retour en arrière.

Selon le président du Syndicat des agents correctionnels du Canada, avec le dépôt du projet de loi C-83, et je cite :

[...] le SCC aura encore plus de difficulté à réaliser son mandat, soit exercer une surveillance sécuritaire et humaine sur les populations carcérales.

M. Godin a employé le mot « humaine », car il s’est dit préoccupé par la modification substantielle apportée à ce projet de loi, y compris l’adoption de la mesure la « moins restrictive » possible, qui semble limiter la possibilité de recourir à l’isolement temporaire pour assurer la sécurité d’un détenu ou celle du personnel.

La sécurité du personnel et celle des détenus ne sont-elles pas essentielles si nous voulons protéger le public et réhabiliter les personnes qui veulent vraiment obtenir une deuxième chance? Le président du Syndicat des agents correctionnels souligne avoir été témoin de l’impact inattendu des changements de la politique correctionnelle, notamment la directive correctionnelle DC709 ayant trait à l’isolement préventif. Cette politique, soulignons-le, fait en sorte que l’isolement préventif d’un détenu doit se produire uniquement lorsque ce placement satisfait à des exigences juridiques précises et lorsqu’il constitue la mesure la moins restrictive possible pour atteindre les objectifs de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Ces mesures, et je cite encore une fois M. Godin :

[...] ont considérablement réduit la possibilité du SCC de gérer ses établissements à l’aide de l’isolement.

M. Godin a ajouté ce qui suit :

Quoique inspirés par de bonnes intentions, ces changements ont mené à une hausse de la violence dans les milieux carcéraux fédéraux. [...] Si on élimine l’isolement préventif et disciplinaire, la capacité de garder le contrôle des diverses populations sera substantiellement touchée.

Il ajoute qu’il faut un équilibre, et j’utilise ses mots :

Nous comprenons que le recours trop fréquent à l’isolement comme mesure disciplinaire peut avoir un résultat négatif.

Tout le monde souscrit à cette prémisse.

Il y a néanmoins des situations où une réponse immédiate à un comportement dangereux est nécessaire.

Il nous dit clairement qu’il faut trouver un équilibre entre la sécurité du public et les droits des détenus. J’aimerais souligner un passage important du témoignage de M. Godin qui traite de l’isolement, qui peut parfois être un outil visant à protéger les détenus contre eux-mêmes, et je le cite de nouveau :

Plusieurs des détenus actuellement placés en isolement le sont pour leur propre protection puisqu’ils sont extrêmement vulnérables.

Pensons par exemple aux personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. Il y a quelques semaines, j’ai discuté à plusieurs reprises des problèmes de santé mentale dans les pénitenciers fédéraux avec la sénatrice Pate. Dans certaines situations, l’isolement peut servir à protéger les détenus d’individus violents ou encore les protéger contre eux-mêmes, comme le font nos institutions psychiatriques. Je le répète, on ne peut pas analyser ce projet de loi sans prendre en considération la portion élevée de détenus qui souffrent de problèmes de santé mentale dans les pénitenciers.

Dans nos pénitenciers fédéraux, en ce qui a trait aux derniers chiffres à jour, on parle de 40 p. 100 des femmes qui souffrent de troubles mentaux et de 30 p. 100 des hommes. On ne doit pas et on ne peut pas les ignorer. On ne peut pas voir l’isolement comme une mesure disciplinaire permanente. Je pense au pénitencier Archambault, que j’ai visité à deux reprises et qui a une aile de traitement pour les personnes qui souffrent de troubles mentaux. Près de 100 patients y sont traités en continu, et ils sont isolés pour les protéger et protéger le personnel. Dire aux psychiatres que, demain matin, nous interdirons l’isolement pour ces patients, c’est mettre en péril la santé de ces professionnels.

Dans certaines circonstances, les mesures d’isolement facilitent la protection des personnes souffrant de troubles mentaux contre elles-mêmes et contre la violence d’autres détenus. Souvent, ce sont ces détenus qui sont les plus exploités dans les pénitenciers.

En éliminant cet outil qu’est l’isolement, les professionnels auront plus de difficulté à stabiliser leur environnement. Un environnement instable où règnent le désordre et la violence n’est pas propice à la réhabilitation. Cette situation aggrave les problèmes de santé mentale plutôt que de chercher à les réduire. Ce projet de loi va satisfaire les défenseurs des droits des criminels, mais il va mettre en péril la sécurité de nos professionnels.

J’ajouterais que cette loi ne propose pas d’alternatives pratiques pour protéger les détenus souffrant de troubles mentaux. C’est la grande faille de ce projet de loi; il n’offre aucune alternative. C’est la faiblesse la plus irresponsable que nous allons empirer si nous adoptons le projet de loi C-83. Ce projet de loi est, à mon avis, irresponsable; il est détaché de la réalité carcérale et il est dangereux.

La directive correctionnelle DC580 sur les Mesures disciplinaires prévues à l’endroit des détenus est pourtant claire. Elle favorise le bon ordre dans les pénitenciers, au moyen d’un processus disciplinaire qui contribue à la réhabilitation des détenus et à la réussite de leur réinsertion dans la collectivité.

Selon le président du syndicat, afin de respecter les dispositions du projet de loi, les détenus auront besoin d’une surveillance directe et constante de la part d’un nombre limité d’agents correctionnels et de travailleurs de la santé.

En ce qui concerne les unités d’intervention, le comité a aussi parlé de mettre en place des unités d’intervention dites structurées. Le syndicat est préoccupé par la capacité des installations existantes de respecter les critères établis dans le projet de loi C-83. Les critères demeurent flous, comme le disait M. Godin.

Il a déclaré au comité, et je cite :

Si ces changements sont adoptés, l’implantation de changements structurels significatifs sera nécessaire pour continuer à se conformer aux priorités stratégiques cruciales [à l’échelon de l’établissement].

(2110)

En bref, les établissements ne sont pas actuellement en mesure de faire ces changements. Malgré toutes ces préoccupations, les législateurs se retrouvent avec un grand vide en ce qui a trait à l’information, de même qu’avec un manque de données et une absence d’études. Jason Godin recommande d’effectuer une révision du système disciplinaire avant d’éliminer l’isolement disciplinaire, afin de répondre efficacement aux besoins des détenus au comportement difficile. Il recommande également que l’on s’engage à rendre disponibles 24 heures par jour les soins de santé dispensés par des professionnels de la santé, et ce, dans tous les établissements du Service correctionnel du Canada. Il recommande de bonifier la formation existante et de mettre en place de nouvelles formations pour mieux outiller les agents correctionnels. Tout cela pourrait être fait avant d’adopter ce projet de loi. Nous mettons vraiment la charrue devant les bœufs si nous allons de l’avant avec ce projet de loi.

Honorables sénateurs, avant d’adopter ce projet de loi, j’ose espérer que vous prendrez en considération le fait que des vies humaines sont en jeu. Les victimes ne veulent pas revivre des drames en raison de crimes commis par des délinquants récidivistes. Par conséquent, joignez-vous à moi pour rejeter ce projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Boisvenu, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Boisvenu : Bien sûr.

[Traduction]

L’honorable Pamela Wallin : Si je vous ai bien compris, en cas de crise, les employés des services correctionnels seraient incapables d’intervenir. Est-ce bien ce que vous avez dit?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Exactement. Il y a deux problèmes actuellement. Les infrastructures des pénitenciers ne sont pas adaptées à la mise en œuvre des nouvelles directives relativement à la surveillance immédiate et constante des criminels.

L’autre problème est que l’isolement, qui sera rendu le moins contraignant possible, fera en sorte que les gens souffrant de problèmes de santé mentale auront droit à quatre heures de sortie par jour dans la cour ou à des sorties de deux heures. Cela fera en sorte qu’ils seront exposés à d’autres criminels tout aussi dangereux. On va mettre en danger ces personnes qui souffrent de maladie mentale, ainsi que la vie des professionnels qui les soignent et celle des gardiens. Si notre système carcéral était dans des conditions idéales pour accueillir ce projet de loi, je dirais que ce dernier est bel et bien l’outil qu’il nous faut. Toutefois, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale sont trop nombreuses. On parle de 40 p. 100 chez les femmes et de 30 p. 100 chez les hommes. Or, voilà que l’on met en place ces mesures comme si aucune personne incarcérée ne souffrait de problèmes de santé mentale.

[Traduction]

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

[Français]

Pour commencer, j’aimerais féliciter les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour la force, la vigueur et le courage avec lesquels ils ont défendu les amendements essentiels qu’il faut apporter à ce projet de loi bien intentionné, mais incomplet.

Ce soir, je tiens à exprimer mon appui à ces amendements, et surtout mon soutien à ceux qui exigent une évaluation de la santé mentale des détenus placés en isolement et la révision judiciaire des cas d’isolement de longue durée. Je veux aussi rappeler que, derrière l’incapacité du système correctionnel à gérer l’isolement de façon humaine, il y a des gens qui souffrent.

J’aimerais vous raconter l’histoire d’Eddie Snowshoe.

[Traduction]

À l’époque où j’étais chroniqueuse, j’ai couvert l’affaire Eddie Snowshoe pour l’Edmonton Journal. J’ai écrit sur toutes sortes d’événements terribles au cours de ma carrière de journaliste, mais peu me hantent comme celui-là.

Eddie était membre de la nation Tetlit Gwich’in de Fort McPherson, près de la rivière Peel, dans les Territoires du Nord-Ouest. On peut dire qu’il était perturbé, mais ce n’était pas un criminel endurci.

Le 1er mars 2007, il a cambriolé et blessé un jeune chauffeur de taxi d’Inuvik avec une carabine de calibre .22. Il lui a dérobé 45 $. À peine 15 minutes plus tard, il s’est rendu à la police et il a tout avoué.

« C’était ça ou je m’enlevais la vie », a-t-il dit aux policiers qui l’ont arrêté. « Je voulais me faire prendre. Ma vie n’allait nulle part. »

Eddie Snowshoe a été condamné à près de cinq ans et demi de prison à purger dans un pénitencier. Or, comme il n’y avait pas de ce type d’établissement à Fort McPherson ni à Inuvik, il a été envoyé dans un établissement à sécurité moyenne de Winnipeg, Stony Mountain, à 4 000 kilomètres de là. C’était la première fois qu’il quittait l’Extrême-Arctique.

Loin, très loin de chez lui, culturellement isolé, sans contact avec ses proches et ses amis, il a fait trois tentatives de suicide : en 2007, peu de temps après avoir été incarcéré, en 2008 et encore en 2009. Au début de 2010, après un grave épisode de dépression, Eddie Snowshoe s’est gravement mutilé. Il a été mis sous surveillance préventive.

Quelques semaines plus tard, il s’est fabriqué une sorte de couteau de fortune avec l’intérieur d’une boîte de jus. Il n’a fait de mal à personne et n’a même menacé personne avec le couteau. Il s’est contenté de le brandir, ce qui a été par la suite qualifié « d’incident » dans un rapport et ce qui lui a valu d’être placé pendant 134 jours en isolement préventif, c’est-à-dire en isolement cellulaire pour employer le terme familier. On a infligé 134 jours consécutifs d’isolement à un jeune homme qui souffrait d’une maladie mentale et dont le dossier faisait clairement état d’automutilation et d’idées suicidaires.

Une enquête publique médico-légale a révélé plus tard que le maintien en isolement préventif d’Eddie Snowshoe n’a jamais fait l’objet des réexamens obligatoires prescrits par la loi. On l’a tout simplement enfermé indéfiniment.

J’ose croire qu’aux yeux de la plupart d’entre nous, Eddie Snowshoe avait plutôt besoin d’un traitement médical et de soins psychiatriques. Il avait besoin de contacts humains, et non d’un isolement équivalant à un supplice. Pourtant, Eddie est parvenu à survivre les 134 premiers jours.

Vous voulez connaître la suite? Eh bien, honorables sénateurs, le 15 juillet 2010, Eddie Snowshoe a été transféré dans la prison à sécurité maximale d’Edmonton.

Dès le lendemain, le 16 juillet, Eddie a demandé par écrit à retourner dans la population générale. Le jeune homme à l’esprit perturbé a fait de son mieux pour défendre sa cause. Mais sa demande visant à mettre fin à son isolement a été égarée. Le document n’a été retrouvé que plusieurs mois après la mort du jeune homme.

Même si une infirmière a examiné M. Snowshoe à son arrivée à Edmonton et qu’elle a constaté son historique de tentatives de suicide, il n’y a eu aucun suivi psychologique ou médical, aucune évaluation psychiatrique. D’ailleurs, lors de leur témoignage au cours de l’enquête publique médico-légale menée plus tard, les agents correctionnels ont indiqué qu’ils n’avaient jamais été informés des nombreuses tentatives de suicide d’Eddie.

Son isolement à l’établissement à sécurité maximale d’Edmonton a été approuvé par une directrice adjointe à la veille d’un congé d’un an, ce qui fait qu’elle n’était plus là pour faire le suivi. En outre, Eddie devait avoir un agent correctionnel attitré, mais ce dernier était parti pour les vacances d’été et n’avait donc jamais rencontré Eddie pour qu’il lui raconte son histoire.

Quel a été le résultat? Absolument personne à l’établissement à sécurité maximale d’Edmonton n’a réalisé depuis combien de temps le nouveau détenu était en isolement.

Dans son rapport d’enquête publique médico-légale, le juge de la Cour provinciale de l’Alberta James Wheatley a résumé la situation ainsi :

Edward Christopher Snowshoe est passé à travers les mailles du système, et personne ne savait depuis combien de temps il était en isolement, malgré le fait que cette information était facile à trouver.

En tant que détenu suicidaire atteint d’une maladie mentale, Eddie aurait dû être placé dans une cellule d’observation spéciale, ce qui aurait permis aux gardiens de suivre l’évolution de son état. D’ailleurs, il y avait une telle cellule de libre à l’établissement à sécurité maximale d’Edmonton. Eddie a plutôt été placé dans une cellule où les gardiens ne pouvaient l’apercevoir qu’à travers une fente.

Eddie Snowshoe a passé en tout 162 jours en isolement, dont les 28 derniers à Edmonton. Ensuite, seulement quatre mois avant sa libération d’office, Eddie Snowshoe s’est pendu. Il avait 24 ans.

Les journalistes et les politiciens abusent un peu trop souvent du qualificatif « kafkaïen », mais, en l’occurrence, je ne vois pas de meilleur mot pour décrire un tel fiasco bureaucratique, une telle négligence aux conséquences fatales : un jeune homme souffrant de maladie mentale dont le crime avait consisté — ne l’oublions pas — à voler 45 $ a été laissé indéfiniment en isolement, non pas parce que c’était un criminel dangereux, mais simplement et littéralement parce que personne n’avait pensé à le faire sortir. Il est mort non pas de cruauté ou de malveillance intentionnelles, mais en raison de l’inertie et de l’incompétence du système correctionnel.

Un grand nombre d’études montrent que l’isolement à long terme peut entraîner la dépression et la psychose chez les personnes les plus saines et les plus stables. Edward Snowshoe était déjà suicidaire et dépressif, coupé de sa famille, de sa communauté et de sa culture autochtone. Il y a sans doute de quoi se stupéfier qu’il ait survécu 162 jours.

Le juge Wheatley a conclu par la suite que les antécédents de maladie mentale et de tentatives de suicide de M. Snowshoe avaient été traités « sans le moindre soin ni la moindre attention ». Comme euphémisme, on ne peut pas faire mieux.

Eddie Snowshoe n’est pas mort dans un asile de pauvres victorien à la Charles Dickens. Il n’est pas mort dans un goulag soviétique. Il n’est pas mort dans un camp de prisonniers nord-coréen. Loin de sa communauté, coupé de sa famille et de sa culture, privé de soins médicaux essentiels, ce jeune qui avait volé 45 $ et qui s’était rendu à la police 15 minutes après est mort parce qu’on l’a enfermé tout seul dans une toute petite cellule et qu’on a simplement oublié qu’il était là.

Ne l’oublions pas aujourd’hui.

(2120)

[Français]

N’oublions pas ce qu’il a vécu. Assurons-nous, grâce au projet de loi que nous adopterons ce mois-ci, que personne d’autre ne subira le même sort. Assurons-nous que les mécanismes de contrôle et de surveillance nécessaires sont en place pour renforcer notre système correctionnel.

L’histoire d’Eddie Snowshoe illustre parfaitement pourquoi le projet de loi doit être modifié. Il faut s’assurer que les détenus qui ont des problèmes psychiatriques sont examinés et soignés plutôt que punis et placés en isolement. Cette histoire est aussi un exemple de ce qui arrive quand il n’y a pas de révision judiciaire de ces cas d’isolement de longue durée, quand aucun mécanisme ne peut empêcher que quelqu’un croupisse dans une cellule d’isolement pour la seule raison que son dossier a été égaré.

Je sais bien que la fin du mois arrive à grands pas, et que la pression est très forte pour que nous adoptions les projets de loi le plus efficacement et rapidement possible. Toutefois, cela ne devrait pas nous faire oublier Edward Christopher Snowshoe. Prenons le temps d’adopter un bon projet de loi.

Merci. Hiy hiy.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénatrice Simons?

La sénatrice Simons : Avec plaisir.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci, sénatrice, pour l’exemple que vous avez évoqué concernant M. Snowshoe. Je pense que tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a eu des exagérations en matière d’isolement. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut adopter une politique, mais qu’il ne faut pas, comme on le dit chez nous, jeter le bébé avec l’eau du bain.

Ce n’est pas l’isolement qui est problématique dans nos pénitenciers, et vous venez d’en faire la démonstration. C’est l’inadéquation entre les services psychiatriques, qui relèvent des provinces, et la charge de travail que les pénitenciers doivent maintenant assumer, soit celle de s’occuper de gens qui souffrent de maladie mentale et qui n’ont pas leur place dans les pénitenciers. De plus, les erreurs qui se produisent dans le système carcéral s’y produisent parce qu’on a laissé ces établissements devenir des substituts d’établissements psychiatriques.

Voici ma question : est-ce que le projet de loi traite la cause du problème, ou est-ce qu’il traite seulement l’effet du problème?

[Traduction]

La sénatrice Simons : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je suis bien d’accord. Nous avons transformé un trop grand nombre des établissements correctionnels du pays, provinciaux et fédéraux, en hôpitaux psychiatriques de facto. Le soutien communautaire fourni aux personnes qui ont besoin de soins psychiatriques suivis n’est pas suffisant. Les détenus, que ce soit dans un établissement provincial ou fédéral, ne reçoivent absolument pas les soins médicaux dont ils ont besoin. Le sénateur a tout à fait raison : cela crée une situation qui présente un risque réel pour les agents correctionnels, les autres détenus et les personnes malades elles-mêmes.

Je pense que c’est une tragédie nationale. Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Boisvenu : on a créé une situation dangereuse et injuste pour toutes les personnes en cause. Il faut absolument fournir un meilleur traitement psychiatrique et psychologique, surtout dans le cas des personnes qui ont commis un crime à cause de leur maladie.

C’est très important et c’est pourquoi je suis contente des amendements apportés à ce projet de loi pour exiger, après 30 jours, un examen obligatoire de l’état de santé et de l’état psychiatrique d’un détenu et une révision judiciaire afin de veiller à ce que les gens ne soient pas gardés en isolement simplement parce qu’on a oublié qu’ils étaient là, comme dans le cas de M. Snowshoe.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Kutcher, vous avez une question?

L’honorable Stan Kutcher : Sénatrice Simons, dans votre travail de journaliste, vous avez probablement constaté que les soins psychiatriques modernes n’incluent pas le placement en isolement.

Pensez-vous qu’une personne atteinte de maladie mentale qui est incarcérée dans un établissement fédéral devrait recevoir des soins de qualité égale à ceux qui sont prodigués à une personne qui n’est pas incarcérée? Comme on n’emprisonne plus les personnes atteintes de maladie mentale, ne devrait-on pas offrir les mêmes soins, que la personne soit incarcérée ou non?

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, sénateur. Je peux certainement imaginer que, dans certains cas graves de placement en isolement pendant 48 heures, les gens ont parfois vraiment besoin d’être gardés dans un endroit très sûr et sécurisé. Grâce à mon travail de journaliste et, franchement, grâce aux expériences que j’ai vécues avec des amis et des membres de ma famille, je sais que lorsqu’une personne se trouve dans un établissement psychiatrique, elle est gardée seule, mais elle est surveillée.

Ce qui est très tragique dans le cas d’Eddie Snowshoe, c’est que les autorités l’ont littéralement placé dans une pièce sans fenêtre. Il n’était même pas surveillé. Je suis tout à fait d’accord avec vous.

L’un des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés dans ce pays, c’est que des peines minimales obligatoires sont prévues pour un très grand nombre d’infractions et que, pour rendre un verdict de « non-responsabilité criminelle », les critères sont incroyablement sévères. Il faut être complètement inconscient de la nature et des conséquences de ses gestes. Une personne peut être déclarée non criminellement responsable si elle est manifestement psychotique et aux prises avec des délires. Toutefois, si une personne est atteinte de maladie mentale au point où ses facultés sont gravement affaiblies, mais qu’elle n’est pas délirante, il n’existe aucun facteur atténuant au moment de déterminer sa peine. Une personne ne peut pas se présenter devant un juge, dire qu’elle souffrait d’une maladie mentale et voir sa peine minimale obligatoire être réduite en conséquence.

C’est absolument tragique. Les personnes qui sont emprisonnées parce qu’elles sont malades ont besoin d’être soignées. Lorsqu’on traite en criminels des gens qui ont besoin de soins médicaux parce qu’ils sont malades, le moins qu’on puisse faire, c’est de les soigner.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Petitclerc, avec l’appui de l’honorable sénateur Dean, propose que le rapport soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Klyne, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dean, appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis.

L’honorable Colin Deacon : Merci, sénatrice Simons, de l’histoire que vous venez de raconter au sujet d’Eddie Snowshoe. Elle était très touchante.

Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, mon premier vote au Sénat, que j’ai exprimé il y a 51 semaines, portait sur le message de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-45. Je suis ravi de me joindre au débat d’aujourd’hui, qui porte sur une mesure législative qui y est liée.

Dans son Enquête canadienne sur le cannabis de 2018, Statistique Canada a conclu que les Canadiens considèrent le cannabis comme moins dangereux que la cigarette ou l’alcool. Pourtant, la possession simple de cannabis pour usage personnel continue d’empêcher ceux qui se sont fait arrêter, accuser et condamner de passer à autre chose.

Une condamnation pour possession de cannabis stigmatise les personnes qui ont un casier judiciaire, ce qui, à son tour, peut les empêcher de trouver un logement, un emploi, voire un poste de bénévole. Les effets cumulatifs de ces obstacles peuvent créer un cycle qui devient presque impossible à briser.

Selon les recherches, la consommation de cannabis est relativement semblable entre les groupes raciaux. Statistique Canada ne fait pas rapport sur la consommation de drogues selon le statut racial, mais de nombreuses études, y compris une étude menée récemment auprès de jeunes de l’Ontario, ont révélé que la consommation de cannabis ne varie pas de façon marquée selon la race.

(2130)

Il existe toutefois une différence très frappante lorsqu’on examine les arrestations pour possession de cannabis. En 2017, le Toronto Star a examiné 11 000 arrestations effectuées sur une période de 10 ans où la personne n’était pas en liberté conditionnelle ou en probation, mais où elle a été accusée de possession de jusqu’à 30 grammes de cannabis et où la police a pris note de la couleur de sa peau. Bien que les Noirs ne représentaient que 8,4 p. 100 de la population de Toronto à l’époque, 25 p. 100 des personnes arrêtées ont été identifiées comme étant noires. Le Toronto Star a noté que, comparativement aux Blancs ayant des antécédents semblables, les Noirs qui n’avaient jamais été condamnés au criminel étaient trois fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de cannabis.

Est-ce que c’est cela, la justice? Il est clair que ce n’en est pas.

Les différences ne s’arrêtent pas là. Parmi les personnes accusées de possession de cannabis, les Noirs représentaient le groupe racial le plus souvent détenu en attente d’une enquête sur le cautionnement. Plus précisément, les jeunes Noirs étaient quatre fois et demie plus susceptibles d’être détenus en attente d’une enquête sur le cautionnement que les jeunes Blancs. Est-ce que c’est cela, la justice qu’un Noir qui n’a pas de condamnations antérieures au criminel, qui a des antécédents similaires et qui a un taux de consommation similaire soit trois fois plus susceptible d’être accusé et quatre fois et demie plus susceptible d’être détenu en attente d’une enquête sur le cautionnement? Ce n’est pas ce que j’appelle de la justice.

Un examen des statistiques recueillies en 2018 au moyen de demandes d’accès à l’information a révélé des iniquités raciales semblables dans l’ensemble du pays. Comment pouvons-nous nous contenter d’un système de justice qui défavorise autant ceux qui sont déjà marginalisés?

Dans ma ville, Halifax, les données montrent que les Néo-Écossais d’origine africaine sont cinq fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de cannabis que les hommes de race blanche. Je ne peux m’empêcher de comparer cette disparité à celle énoncée dans le rapport de 2019 intitulé Street Checks Report, qui porte sur les pratiques policières à Halifax. L’auteur, Scot Wortley, de l’Université de Toronto, a découvert qu’à Halifax, les hommes néo-écossais d’origine africaine sont arrêtés par la police à un taux six fois plus élevé que les hommes de race blanche. Ce même rapport révèle que 30 p. 100 de la population masculine noire d’Halifax a été accusée d’un crime, alors que c’est le cas pour seulement 6,8 p. 100 de la population masculine de race blanche pendant la même période. Voici ce que nous pouvons lire dans le rapport :

Le fait que les hommes noirs soient si nettement surreprésentés dans les statistiques concernant les accusations à Halifax est tout à fait conforme aux allégations de la collectivité selon lesquelles les pratiques policières — y compris les contrôles de routine — ciblent les hommes noirs et contribuent à les transformer en criminels.

Dans le rapport, on prend l’exemple des arrestations pour possession de cannabis pour souligner encore plus les conséquences des préjugés raciaux dans les activités policières. Nous avons déjà établi que la consommation de cannabis est à peu près la même dans tous les groupes raciaux, mais le rapport tire la conclusion suivante :

[...] les Noirs à Halifax étaient 4,5 fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de marijuana que ce que leur présence dans la population générale amènerait à prédire.

Est-ce cela, la justice — des taux de consommation semblables, mais quatre fois et demi plus de risques d’être accusé?

Cet important rapport présente un autre point crucial :

Les accusations criminelles peuvent gravement limiter les possibilités sociales et les possibilités d’éducation et d’emploi et pourraient accentuer les inégalités raciales, tellement présentes dans l’histoire de la Nouvelle-Écosse.

Cette citation souligne la nécessité du projet de loi C-93.

Quand on est d’humeur cynique, on dit que la loi et la justice ne sont que des cousins éloignés. Je ne crois pas que qui que ce soit ici est content lorsque cette allégation est corroborée par des preuves incontestables, mais les données que je viens de citer laissent penser que c’est une juste évaluation des iniquités raciales associées à la possession de cannabis à des fins de consommation personnelle.

Il incombe à cette assemblée de veiller sur ceux qui ne sont pas traités équitablement en vertu de la loi et de toujours s’efforcer de rendre nos lois plus justes. Nous savons qu’un grand nombre de Canadiens vivent une vie où tout joue contre eux dès le début. Certains de nos collègues ici ont une compréhension très personnelle de cette réalité. D’autres parmi nous, dont moi-même, ont eu la chance de voyager sur une route plus clémente.

Chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis représente un petit pas en avant pour nous aider à corriger certaines de ces erreurs.

J’ai beaucoup de respect pour la sénatrice Pate. Elle travaille sans relâche depuis des années sur des questions liées à la justice et aux systèmes correctionnels. Il y a trois mois, elle a présenté son propre projet de loi pour combler certaines des lacunes de notre système de casiers judiciaires, soit le projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire. Lors de la présentation de la sénatrice Pate et grâce à mes nombreuses autres interactions avec elle, y compris des discussions tenues à l’intérieur de prisons, il est devenu très évident pour moi qu’une peine ne prend pas fin une fois qu’elle a été purgée.

Je me suis demandé si, en tant que Canadiens, nous voulons vraiment un système correctionnel ou si nous préférons un système de punition qui s’accroche à l’individu, s’infiltre dans tous les aspects de sa vie et ne lâche jamais prise. J’aimerais beaucoup que nous ayons un système correctionnel qui permette aux délinquants de payer leur dette et de reconstruire leur vie pour devenir des citoyens respectueux des lois. Au lieu de cela, dans le contexte du projet de loi C-93, nous avons un système où une infraction unique et non violente devient un poids qui doit être traîné chaque minute de chaque jour pour le reste de votre vie.

Je crois à l’intention d’un système correctionnel, en particulier pour les criminels non violents. Voulons-nous que les gens puissent corriger le tir, qu’ils aient la possibilité de rebâtir leur vie et, au bout du compte, de mériter le droit de passer à autre chose après avoir commis une erreur? C’est ce que je veux, assurément. Est-ce un objectif difficile à atteindre? Absolument, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas tenter de progresser en prenant des mesures prudentes et délibérées.

La plupart d’entre nous ont grandi dans les années 1960 et 1970. Je suis prêt à parier que plus d’un d’entre nous s’est conduit d’une manière moins que parfaite au cours de cette période pour le moins intéressante. Repensez à votre propre existence ou à celle d’un être cher lorsque vous êtes tentés de juger trop sévèrement une autre personne pour une seule erreur commise.

La question dont nous sommes saisis aujourd’hui consiste à déterminer si nous sommes prêts à étudier un projet de loi qui vise à suspendre le casier judiciaire de personnes qui ont fait une chose que la moitié des Canadiens ont faite, une chose qui n’est plus illégale et qui les empêche de faire du bénévolat à l’école de leurs enfants ou d’obtenir un emploi qui les rendrait plus productifs. Cela relève du simple bon sens.

Il s’agit d’un très petit pas en avant, qui comporte peu de risque. Si la personne est déclarée coupable d’un autre crime, la suspension est révoquée et le casier est descellé, comme l’a mentionné le sénateur Dean.

Je regrette qu’il n’y ait pas de façon plus simple d’aider les personnes qui ont un casier judiciaire pour simple possession de cannabis. Pendant les travaux du comité de l’autre endroit, quelqu’un a dit qu’on devrait pouvoir simplement « appuyer sur un bouton » pour effacer ces casiers. San Francisco a adopté une méthode semblable, puisqu’on on y a utilisé un algorithme pour effacer ces condamnations. Le sénateur Dean nous a toutefois expliqué pourquoi le gouvernement libéral a décidé d’utiliser un système plus lourd, fondé sur la présentation de demandes.

Ma première année au Sénat m’a rappelé un truisme, encore et encore : la perfection est l’ennemi du progrès. Si j’accorde à ce projet de loi un appui sans réserves, ce n’est donc pas parce qu’il est parfait, mais parce qu’il nous permet de commencer à corriger une injustice et nous offre une voie à suivre pour continuer d’explorer des façons d’accorder plus de place à une utilisation réfléchie des pardons et des suppressions de casier judiciaire.

Quand cette mesure sera mise en œuvre, les gens concernés recueilleront sûrement des données cruciales qui nous aideront à mieux comprendre les limites du système actuel et à explorer différentes façons de gérer les suspensions et les suppressions de casier. J’espère que nous pourrons mettre ces nouveaux renseignements à profit pendant la prochaine législature, quand nous examinerons les mesures que propose la sénatrice Pate dans le projet de loi S-258.

Je crois que le projet de loi S-258 contient des mesures prometteuses pour nous aider à bâtir un système judiciaire et correctionnel conçu de manière à ce qu’on donne aux délinquants tous les moyens et les outils nécessaires pour les aider à refaire leur vie en tant que citoyens respectueux des lois. C’est d’ailleurs la mission des services correctionnels pour femmes du Service correctionnel du Canada : aider les délinquantes à refaire leur vie en tant que citoyennes respectueuses des lois. Cependant, ce n’est pas ce qui se passe actuellement.

Quoi qu’il en soit, nous sommes saisis d’un autre projet de loi, qui propose des mesures beaucoup plus modestes, mais c’est manifestement un pas en avant. J’encourage tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi C-93 à l’étape de la deuxième lecture pour qu’il soit renvoyé à un comité.

Comme le sénateur Dean l’a souligné, nous avons déjà observé une différence flagrante en ce qui concerne les préjugés associés au cannabis. Essayons de venir en aide aux personnes qui ont été accusées pour possession simple de cannabis, plus particulièrement les membres de minorités raciales injustement ciblées, pour que ces gens puissent refaire leur vie. Merci.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, il y a un peu plus d’un an, le Sénat a adopté la Loi sur le cannabis à l’étape de la troisième lecture. Comme vous vous en souviendrez sûrement, je n’ai pas appuyé la légalisation de la marijuana, et ce, pour une multitude de raisons. Il est intéressant de noter que, dimanche dernier, justement, Bloomberg News rapportait que le Canada a raté son coup avec la légalisation du cannabis et perd rapidement du terrain au profit des États-Unis.

(2140)

L’article en question rapportait en effet que, selon le fondateur de l’une des premières banques d’investissement dans l’industrie du cannabis, l’absence de politiques novatrices, un fouillis de réglementations provinciales et la restriction sévère de la commercialisation et de la marque ont laissé les compagnies de cannabis canadiennes dans le sillage des Américains. Selon Neil Selfe, fondateur et directeur général d’Infor Financial Group, c’est un gâchis.

Ce n’est pas dans ma nature de dire : « Je vous l’avais dit. » Cependant, cet article m’a rappelé les préoccupations que plusieurs d’entre nous avaient soulevées dans le cadre de l’étude du projet de loi C-45 en comité.

J’ai toujours cru que la possession simple de cannabis devait être décriminalisée. C’était d’ailleurs ma position lors du débat sur la légalisation du cannabis. Maintenant que la marijuana est légale au Canada, je crois toujours qu’il est logique que les Canadiennes et les Canadiens ne soient pas injustement accablés par le fait d’avoir un casier judiciaire pour une infraction mineure de possession simple de cannabis qui, aujourd’hui, n’en est plus une.

[Traduction]

Le projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis, permettra aux Canadiens qui ont été condamnés pour possession simple de marijuana pour consommation personnelle de présenter une demande de pardon en ayant recours à un processus accéléré.

Dans le cadre de ce processus, les frais de demande, qui sont actuellement de 631 $, sont abolis; la période d’attente, qui est de cinq ans pour les infractions punissables par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire et de dix ans pour les infractions punissables par mise en accusation, est abolie; certains critères subjectifs sont éliminés; et les personnes visées peuvent présenter une demande même si elles ont des amendes impayées.

Il y a fort à parier que nous connaissons tous quelqu’un qui a un dossier criminel pour possession de marijuana. Dans bien des cas, cela peut empêcher ces gens de trouver un emploi, de faire du bénévolat à l’école de leurs enfants, de trouver un logement abordable ou d’entrer aux États-Unis.

Les comités sénatoriaux qui ont étudié le projet de loi C-45 ont entendu les témoignages de Canadiens à qui on a refusé l’entrée aux États-Unis parce qu’ils avaient reconnu qu’ils avaient déjà consommé de la marijuana. Bon nombre d’entre nous, notamment les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, se souviennent du cas très médiatisé de Ross Rebagliati.

[Français]

M. Rebagliati a remporté l’or en planche à neige aux Jeux olympiques d’hiver de Nagano, au Japon. Depuis qu’il a admis, à l’émission animée par Jay Leno, avoir consommé de la marijuana, M. Rebagliati doit demander une dispense pour entrer aux États-Unis.

Après avoir avoué avoir consommé de la marijuana, la plupart des Canadiennes et des Canadiens obtiennent une dispense valide pour un an, puis pour deux ans, peut-être trois, et, enfin, une dispense valide pour cinq ans.

Pour sa part, M. Rebagliati s’est vu octroyer une dispense de cinq ans parce que son admission datait de 20 ans. Ross Rebagliati a besoin d’une dispense qui, depuis 20 ans, lui coûte, chaque fois, 585 dollars américains.

Certains d’entre vous se souviendront que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense avait recommandé, dans son rapport sur le projet de loi C-45, la Loi sur le cannabis, que le gouvernement présente au Parlement un plan visant à protéger les voyageurs canadiens à la frontière.

Ce plan aurait dû inclure les mesures que le gouvernement envisageait de prendre afin de minimiser l’impact du projet de loi C-45 sur la circulation des voyageurs et des marchandises à la frontière canado-américaine.

Par ailleurs, ce plan aurait expliqué l’approche que le gouvernement envisageait de prendre dans ses négociations avec les États-Unis pour faire en sorte que les voyageurs canadiens ne soient pas refusés d’entrée aux États-Unis pour avoir consommé du cannabis ou s’être livrés à toute activité qui serait devenue légale après l’entrée en vigueur du projet de loi C-45.

Or, aucun plan n’a été mis en œuvre après la légalisation de la marijuana, et, jour après jour, nous constatons les répercussions de cette omission.

Par exemple, nous avons entendu parler d’un investisseur canadien qui, après avoir voyagé à Las Vegas, au Nevada, en novembre 2018, pour assister à une conférence annuelle sur le cannabis et visiter des installations de cannabis, s’est vu infliger une interdiction d’entrée à vie aux États-Unis. Les Canadiens risquent de continuer d’éprouver des problèmes à la frontière avec les États-Unis et de faire face à une interdiction de séjour à vie parce qu’ils ont fumé de la marijuana. Cela reste une préoccupation qu’il est important de régler, à mon avis.

En ce qui a trait au projet de loi C-93, je crois que nous devons supprimer les casiers judiciaires des Canadiennes et des Canadiens qui ont été reconnus coupables de possession simple de marijuana. La suppression de ces casiers judiciaires permettrait d’éliminer des obstacles à l’emploi et au logement. C’est très important, en particulier pour les groupes marginalisés qui ont difficilement accès aux nécessités de base.

Bien que j’appuie ce projet de loi, je crains qu’il n’ait pas fait l’objet d’une réflexion suffisante. D’abord, je crois qu’il crée un processus trop bureaucratique, du fait que les demandeurs devront présenter de la documentation à la Commission canadienne des libérations conditionnelles pour obtenir la suspension de leur casier judiciaire et prouver leur admissibilité à la procédure accélérée. De plus, ils devront fournir leurs empreintes digitales afin de confirmer leur identité et pourraient se trouver dans l’obligation d’obtenir, moyennant des frais, des documents auprès de tribunaux locaux ou de services policiers.

Même si le projet de loi prévoit explicitement que la demande de suspension n’est pas assortie de frais, contrairement aux frais ordinaires de suspension de casiers judiciaires, il semble que les Canadiens seront tout de même obligés de payer des sommes d’argent à d’autres organismes.

En fait, je me préoccupe du coût du projet de loi C-93 pour les contribuables. Le ministre de la Sécurité frontalière a souligné qu’il pourrait y avoir jusqu’à 400 000 personnes qui ont un casier judiciaire pour possession simple. Par ailleurs, le gouvernement s’attend à ce que seulement 70 000 à 80 000 d’entre elles soient admissibles au programme.

Par exemple, une personne qui a un casier judiciaire pour possession simple, mais également pour un autre type d’infraction, ne serait pas admissible à ce programme, car le projet de loi C-93 vise uniquement les personnes qui ont été accusées de possession simple. Pour sa part, le ministre de la Sécurité publique a indiqué qu’il en coûterait environ 2,5 millions de dollars pour quelque 10 000 demandeurs. À mon avis, les contribuables ne devraient pas avoir à payer ces frais.

[Traduction]

Je regarde ce que d’autres États ont mis en place. Par exemple, le programme Clear My Record, par l’entremise de Code for America, de l’État de la Californie, semble beaucoup plus novateur que ce qui est proposé dans le projet de loi C-93. Il s’agit d’un programme informatisé qui permet de supprimer rapidement des casiers judiciaires pour des infractions mineures, comme la possession simple de marijuana. C’est un outil en ligne gratuit qui aide les Californiens à s’y retrouver dans le processus compliqué en vue de faire supprimer leur casier judiciaire. Les gens peuvent remplir une brève demande en ligne, et, habituellement, en l’espace de 10 minutes, ils sont en communication avec une autorité juridique. Ce genre d’approche novatrice est un net contraste par rapport à ce qui est proposé dans le projet de loi C-93.

J’ai été déçu que le gouvernement rejette un amendement présenté par mes collègues de l’autre endroit qui aurait permis à la Commission des libérations conditionnelles du Canada de traiter électroniquement les demandes au moyen d’un système modernisé. Au lieu de cela, cette mesure forme maintenant une recommandation dans le rapport :

a. Que la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui a pour mandat de fournir des services rapides, efficaces et efficients, utilise la technologie afin de pouvoir mieux servir les Canadiens;

(2150)

À l’ère des données électroniques, il me semble que la Commission des libérations conditionnelles du Canada devrait être en mesure de repérer les casiers qui comportent des condamnations au criminel pour possession simple de cannabis afin de faire le nécessaire. De plus, depuis que le gouvernement a présenté le projet de loi C-93, beaucoup de gens ont critiqué la mesure législative parce qu’elle ne va pas jusqu’à supprimer les casiers judiciaires. Une suspension du casier « suspend » littéralement le casier judiciaire et le conserve séparément des autres. Il ne s’agit pas de détruire pas le casier.

[Français]

Le ministre conserve le pouvoir d’approuver la communication d’un casier judiciaire s’il est « convaincu que la communication sert l’administration de la justice ou est souhaitable pour la sûreté ou sécurité du Canada ou d’un État allié ou associé au Canada. »

Lors des audiences du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, un avocat criminaliste a déclaré que le projet de loi C-93 « comporte de graves lacunes ». Il a affirmé ceci, et je cite :

Je devrais d’abord dire que le projet de loi C-93 est mieux que rien. Cependant, « mieux que rien », c’est demander très peu au Parlement. Vous pouvez, et devez, faire mieux. Je vous recommande donc vivement d’adopter un modèle de radiation similaire à celui que prévoit la Loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques.

Selon le sénateur Dean, la radiation pourrait s’avérer problématique pour ceux qui doivent fournir une copie de leur casier judiciaire. Par exemple, un Canadien qui a un casier judiciaire pour possession de marijuana, qui se voit refuser l’entrée aux États-Unis et qui n’a pas de copie de son casier judiciaire ni les moyens de s’en procurer une parce que le casier a été radié risque d’avoir de la difficulté à demander une dispense.

Cependant, je crois qu’il faut examiner cet aspect de plus près, et je ne suis pas convaincu que le gouvernement y a accordé toute l’attention qu’il mérite.

Pour conclure, maintenant que la marijuana est légalisée, je crois que nous pouvons tous convenir qu’il est important de donner l’occasion aux gens de tourner la page sur leur ancien casier judiciaire. J’invite donc le comité qui sera chargé de faire l’étude du projet de loi C-93 à être attentif à ses failles et à y remédier dans l’intérêt fondamental des Canadiens.

Merci.

[Traduction]

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Dean, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t‑il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Une heure.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 22 h 53.

Convoquez les sénateurs.

(2250)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Joyal
Bellemare Klyne
Bernard Kutcher
Black (Ontario) LaBoucane-Benson
Boehm Lankin
Boniface Lovelace Nicholas
Bovey Marwah
Busson McCallum
Cormier McPhedran
Coyle Mégie
Dalphond Mercer
Dawson Mitchell
Deacon (Nouvelle-Écosse) Miville-Dechêne
Deacon (Ontario) Moncion
Dean Omidvar
Duncan Petitclerc
Dupuis Pratte
Dyck Ravalia
Forest Richards
Francis Ringuette
Gagné Saint-Germain
Gold Simons
Griffin Sinclair
Harder Woo—49
Hartling

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Batters Mockler
Boisvenu Neufeld
Carignan Ngo
Dagenais Oh
Doyle Patterson
Eaton Plett
Housakos Poirier
MacDonald Seidman
Manning Smith
Marshall Tannas
Martin Tkachuk
McInnis Wells—26

ABSTENTION
L’honorable sénatrice

Stewart Olsen—1

(2300)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Dean, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

Projet de loi de 2017 sur la sécurité nationale

Message des Communes—Adoption de certains amendements du Sénat et rejet de certains amendements du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le mardi 11 juin 2019

Il est ordonné,—Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, la Chambre :

accepte les amendements 3 et 4 apportés par le Sénat;

rejette respectueusement l’amendement 1 apporté par le Sénat puisque l’objet de la loi est de garantir la responsabilité ministérielle et la reddition de comptes et que la loi oblige le commissaire au renseignement à examiner si oui ou non les conclusions du ministre de la Défense nationale concernant la délivrance d’une autorisation de renseignement étranger sont raisonnables; en outre, le paragraphe 20(1) exige déjà du commissaire qu’il présente au ministre ses raisons d’autoriser ou de rejeter une demande d’autorisation de renseignement étranger;

rejette respectueusement l’amendement 2 apporté par le Sénat puisqu’il limiterait la portée du paragraphe 83.221(1) et créerait des incohérences avec les dispositions générales sur le conseil énoncées à l’article 22 et aux alinéas 464a) et b) du Code criminel.

ATTESTÉ

Le Greffier de la Chambre des communes

Charles Robert

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Gold, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, dans le roman L’Arbre d’or, qui lui a valu un prix du Gouverneur général, John Vaillant décrit ainsi la forêt pluviale tempérée qui règne sur la partie nord de la côte Pacifique du Canada :

Le temps doux et humide dans le long corridor qui s’étend de la côte du Pacifique à la mer a fini par créer en quelque sorte un vaste terrarium. Il s’agit du milieu idéal pour abriter les plus grandes formes de vie de la planète [...] au poids, les forêts du Nord-Ouest abritent plus de tissus vivants que n’importe quel autre écosystème, y compris la jungle équatoriale.

Comme pour la plupart des formes de vie sauvages, la forêt pluviale tempérée de la côte a perdu énormément de terrain en relativement peu de temps. Jusqu’à il y a environ 1 000 ans, on trouvait des forêts pluviales tempérées sur tous les continents, sauf en Afrique et en Antarctique. À une certaine époque, les luxuriantes forêts côtières du Japon et les nôtres se faisaient pendants d’un côté du Pacifique à l’autre [...]

Les Highlands d’Écosse, qui semblent depuis toujours associées aux marécages et aux vastes terres où rien ne pousse sauf la bruyère, ont déjà eu leur propre forêt pluviale tempérée, tout comme l’Irlande, l’Islande et la rive est de la mer Noire. Même si on trouve encore quelques vestiges de la forêt pluviale qui occupait jadis la côte norvégienne de la mer du Nord, il n’y a qu’au Chili, en Tasmanie et sur l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande qu’on trouve des forêts dont la flore, l’atmosphère et les caractéristiques ressemblent un tant soit peu à celles du Nord-Ouest de l’Amérique du Nord, où se trouve désormais la plus vaste forêt pluviale de la planète.

[...] des ours nourris par les océans — certains d’entre eux aussi immaculés que la tête d’un pygargue à tête blanche — nagent d’une île à l’autre, chevauchant les grandes marées, leurs empreintes se superposant à celles du cerf, de la loutre, de la martre et du loup.

Ici, le spectateur patient constatera que les arbres sont nourris par le saumon, que les aigles peuvent nager et que les épaulards se hissent sur les bas-fonds en gravier pour le regarder droit dans les yeux.

Les peuples autochtones de la côte nord-ouest passent la majeure partie de leur vie à une centaine de mètres de cette frontière achalandée entre deux mondes. Comme ils vivent dans un milieu à ce point liminal, il n’est pas surprenant que leurs œuvres d’art, leurs danses et leurs récits soient très axés sur la convergence et la transformation. Aucune région côtière ne représente plus majestueusement l’interdépendance entre la forêt, la mer et les milieux de vie partagés que les îles de la Reine-Charlotte.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi d’initiative ministérielle C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers ou Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Comme vous le savez, cette mesure législative officialiserait le moratoire relatif aux pétroliers qui s’applique depuis longtemps le long de la côte nord du Pacifique, au Canada.

La principale politique environnementale mise en œuvre par le gouvernement actuel correspond à un engagement pris pendant la campagne électorale qui a l’appui au fédéral de quatre partis, du gouvernement de la Colombie-Britannique et des gouvernements régionaux de la Ville de Prince Rupert, du Village de Queen Charlotte, du district de Kitimat, de la Ville de Terrace et de la Ville de Smithers ainsi que du district régional de Skeena-Queen Charlotte.

Qui plus est, le projet de loi C-48 a l’appui de la majorité des peuples des Premières Nations qui détiennent un titre protégé par l’article 35 de la Constitution sur les territoires côtiers du nord et du centre qui pourraient être dévastés advenant un déversement, ainsi que les droits constitutionnels aux pêches dans la région.

J’aimerais d’abord remercier la sénatrice Mobina Jaffer de son excellent travail et de son dévouement en tant que marraine de ce projet de loi.

Quand les dirigeants des Premières Nations côtières sont venus au Sénat, en décembre, pour demander le soutien des sénateurs, plusieurs d’entre eux ont mené une prière de guérison pour la sénatrice Jaffer. Nous répétons cette prière dans nos cœurs ce soir.

Compte tenu du cheminement législatif du projet de loi C-48 jusqu’ici, à cette étape de la troisième lecture, j’aimerais décrire en détail le processus démocratique qui a mené à ce projet de loi d’initiative ministérielle, ainsi que la justification stratégique qui le sous-tend.

Contrairement à ce que disait le sénateur Baker, je le regrette vivement, mais je ne serai pas bref, pas plus qu’il ne l’a été.

Plus précisément, j’aimerais entretenir les sénateurs et les Canadiens de divers sujets, notamment le mandat démocratique qu’a le gouvernement du Canada pour le projet de loi C-48, l’historique de la zone d’exclusion volontaire pour tous les pétroliers, le pouvoir constitutionnel fédéral sur les ports maritimes, les facteurs de risque pour la côte nord du Pacifique liés à la circulation maritime et à d’éventuels déversements, l’écologie des milieux maritimes et terrestres imbriqués les uns dans les autres, y compris la forêt pluviale de Great Bear, les économies régionales durables du centre et du nord de la Colombie-Britannique et en particulier les pêches et le tourisme, et l’appui majoritaire dont jouit le projet de loi C-48 auprès des Premières Nations qui vivent sur cette côte, la nature de leurs droits constitutionnels aux territoires et aux pêches, les effets environnementaux et économiques que pourrait avoir un déversement de pétrole lourd et, plus globalement, le plan du gouvernement du Canada en matière d’énergie et d’environnement.

Globalement, le gouvernement a un plan équilibré et complet en matière d’énergie et d’environnement, conçu pour montrer les économies régionales et nationales du Canada, y compris les nombreux nouveaux pipelines de pétrole et de gaz. Toutefois, alors que ces combustibles fossiles plus propres sont acheminés vers les marchés et remplacent le charbon en Asie, le gouvernement investit beaucoup dans les énergies renouvelables afin d’appuyer la transition mondiale vers laquelle nous nous dirigeons pour atténuer les effets des changements climatiques.

Pour répondre à cette menace catastrophique pour l’environnement et l’humanité, le gouvernement met un prix sur le carbone afin de modifier les comportements en les rendant moins dommageables pour le monde naturel. C’est urgent.

Dans un contexte plus large, le projet de loi C-48 représente un important compromis au sein de la Confédération, à l’heure où s’amorce un tournant difficile pour l’énergie et l’environnement au Canada et dans le monde.

Pendant notre examen du projet de loi C-48, nous devrions tenir compte de l’histoire démocratique de la politique qui consiste à interdire la circulation de pétroliers transportant du pétrole lourd sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Avant et pendant la campagne électorale de 2015, le premier ministre Trudeau, alors simple chef de parti, s’est engagé auprès des Canadiens et surtout des habitants de la Colombie-Britannique à donner force de loi au moratoire sur la circulation des pétroliers si le Parti libéral était élu.

Le 29 juin 2015, M. Trudeau a présenté la plateforme environnementale des libéraux pendant une conférence de presse tenue à Vancouver. Il a promis publiquement aux Canadiens qu’un gouvernement libéral participerait à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Paris avec les premiers ministres, qu’il instaurerait une tarification du carbone, qu’il augmenterait la superficie des zones de protection marine, qu’il trouverait un juste équilibre pour les processus d’évaluation environnementale des nouveaux projets d’exploitation des ressources, et qu’il officialiserait le moratoire sur la circulation des pétroliers de brut sur la côte nord de la Colombie-Britannique.

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Ces annonces ont été publiées dans les médias nationaux et elles ont suscité un débat public au moment où les Canadiens, y compris les Britanno-Colombiens, choisissaient pour qui ils allaient voter quelques semaines plus tard.

Le 20 septembre 2015, à Vancouver, au milieu de la campagne électorale, M. Trudeau s’est une fois de plus engagé, comme l’a annoncé par écrit le Parti libéral du Canada, à :

[O]fficialise[r] le moratoire sur la circulation des transporteurs de pétrole brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, y compris dans l’entrée Dixon, dans le détroit d’Hecate et dans le bassin de la Reine-Charlotte, pour prémunir les zones écosensibles et les économies locales des effets possiblement dévastateurs d’un déversement de pétrole.

De plus, l’annonce de M. Trudeau comprenait le Plan de protection des océans du gouvernement, y compris les politiques prévues dans le projet de loi C-55, qui visent à atteindre les cibles internationales en matière de protection marine, et dans le projet de loi C-68, qui concernent le rétablissement de la protection des stocks de poisson et de l’habitat du poisson.

Comme les sénateurs le savent, l’un de ces projets de loi est désormais une loi. L’autre a été adopté au Sénat avec des amendements la semaine dernière.

En ce qui concerne le projet de loi C-48, lorsque le Parti libéral du Canada a remporté les élections fédérales et a formé le gouvernement, la lettre de mandat destinée à l’honorable Marc Garneau, le ministre des Transports, reflétait l’engagement du premier ministre à officialiser le moratoire du Pacifique-Nord.

En novembre 2016, le premier ministre Trudeau a annoncé aux Canadiens qu’on allait présenter prochainement une mesure législative pour officialiser le moratoire, et, en mai 2017, le ministre Garneau a présenté le projet de loi C-48 à la Chambre des communes.

Le projet de loi C-48 a par la suite été adopté à la Chambre des communes en mai de l’année dernière, par un vote de 204 voix contre 85. Le caucus libéral, le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert et le Groupe parlementaire québécois ont appuyé le projet de loi à l’autre endroit. Ces votes provenaient des députés élus de formations représentant 67,4 p. 100 du vote populaire lors des dernières élections fédérales.

Autre élément qui renforce le caractère démocratique du projet de loi C-48 : en 2015, le NPD et le Parti vert ont promis d’officialiser l’interdiction des pétroliers, ce qui signifie que 62,7 p. 100 des Canadiens ont voté pour un parti qui a promis d’appliquer la politique contenue dans le projet de loi qui nous occupe.

À Prince Rupert, en Colombie-Britannique, le 21 juin dernier, alors que le Sénat amorçait le débat sur le projet de loi C-48, le premier ministre Trudeau a réitéré son engagement envers les Premières Nations des côtes centrale et nord de la Colombie-Britannique. Le premier ministre a dit aux dirigeants et aux collectivités que, pour respecter sa promesse électorale, le gouvernement allait protéger la côte nord du Pacifique, notamment en faisant adopter la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.

À l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones, le premier ministre a également annoncé conjointement avec des dirigeants des Premières Nations qu’un accord historique pour protéger les océans avait été conclu avec 14 Premières Nations des côtes centrale et nord du Pacifique.

Le premier ministre ne prend rien de plus au sérieux que la réconciliation et il a promis de protéger la forêt pluviale de Great Bear pour les futures générations. Comme le ministre Garneau l’a indiqué plusieurs fois, et je le répète aujourd’hui, le gouvernement prendra en considération et acceptera peut-être les amendements du Sénat au projet de loi C-48 qui sont conformes aux principes du projet de loi. Toutefois, le gouvernement doit aux Canadiens de réaliser le mandat qui lui a été confié démocratiquement, dont fait partie ce projet de loi.

En examinant la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, il est important de rappeler que le projet de loi C-48 officialise et complète une politique canadienne de longue date visant à protéger la partie nord de la côte du Pacifique des principaux risques de déversement de pétrole. Il est utile de revoir l’historique de cette politique.

Comme Gavin Smith, avocat pour la West Coast Environmental Law, l’a expliqué au comité, le débat entourant le transport de pétrole lourd le long de la partie nord de la côte du Pacifique a commencé à la fin des années 1960 avec l’avancement du réseau pipelinier Trans-Alaska. Les trajets potentiels des pétroliers sont devenus un enjeu d’intérêt provincial et national majeur.

En 1970, un comité spécial de la Chambre des communes s’est penché sur la question. En 1971, le comité a recommandé que le Canada s’oppose au transport de pétrole brut dans la région en raison des risques pour l’environnement. De plus, en 1971, l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique a adopté à l’unanimité une motion contre le transport de pétrole brut le long de la partie nord de la côte.

En 1972, après la construction de l’oléoduc Trans-Alaska, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité une motion disant que la circulation des pétroliers transportant du pétrole brut le long de la côte allait à l’encontre des intérêts du Canada. La Chambre des communes a exhorté le gouvernement à soulever la question auprès des États-Unis. Le Canada voulait faire en sorte que les pétroliers circulent à une distance suffisante de la côte Ouest, afin de prévenir un déversement d’hydrocarbures majeur si un navire devait partir à la dérive, même si un tel trajet devait prendre plus de temps et de carburant.

En 1977, des pétroliers ont commencé à circuler au large de la côte Ouest, de Valdez, en Alaska, jusqu’aux raffineries de l’État de Washington. Comme des fonctionnaires fédéraux l’ont souligné, selon le parcours établi à l’époque, au terme de pourparlers entre les États-Unis et le Canada, les pétroliers devaient circuler à plus de 150 kilomètres à l’ouest des îles Haida Gwaii.

À la fin des années 1970, un projet de port pétrolier national à Kitimat a poussé le gouvernement fédéral à lancer une commission d’enquête sur la présence de pétroliers au large de la côte nord-ouest. Le rapport de 1978 dit ceci :

Si un port pétrolier est établi à Kitimat, il y aura inévitablement des déversements de pétrole sur la côte adjacente de la Colombie-Britannique.

Le commissaire a ajouté ceci :

Malgré le fait que je connaisse bien cet historique d’opposition résolue au trafic des pétroliers, j’ai été surpris de la trouver si universelle.

À la suite de ce rapport, le gouvernement fédéral a rejeté la proposition de Kitimat, soulignant le caractère inadéquat de l’endroit. Du côté américain, les trajets plus longs entre l’Alaska et l’État de Washington pour les pétroliers ne plaisaient pas aux expéditeurs américains en raison des coûts supplémentaires et ils ont été abandonnés par la Garde côtière américaine en 1982.

Cependant, afin d’assurer la sécurité des côtes du pays, le Canada, par l’entremise de la Garde côtière canadienne, a entrepris des négociations avec le gouvernement des États-Unis. En 1985, sous le règne du premier ministre Brian Mulroney, les pourparlers ont mené à la création de la zone d’exclusion volontaire des pétroliers.

En 1988, la Garde côtière canadienne et celle des États-Unis ont ensuite officialisé l’entente lorsque le président Ronald Reagan était en poste. En 1989, le déversement causé par l’Exxon Valdez en Alaska est venu mettre en relief l’importance du moratoire, et ce désastre pétrolier touchant 2 100 kilomètres de littoral et 28 000 kilomètres carrés de l’océan a rappelé au monde que des accidents peuvent toujours survenir.

Pendant 34 ans, la zone d’exclusion volontaire s’est étendue à environ 100 kilomètres à l’ouest des îles Haida Gwaii, de l’Alaska à la côte sud-ouest de l’île de Vancouver. L’étendue de la zone d’exclusion a été déterminée en fonction de l’étude canadienne concernant le pire scénario possible impliquant un pétrolier à la dérive comparativement au temps qu’il faudrait pour que des remorqueurs assez puissants se rendent lui porter secours pour éviter un déversement sur la côte.

L’effet durable de la zone d’exclusion est que les pétroliers qui desservent le pipeline Trans-Alaska et font la navette entre Valdez, en Alaska, et Puget Sound, dans l’État de Washington, passent à l’ouest de la zone d’exclusion.

Les sénateurs trouveront peut-être intéressante la description de cette politique et de cette tranche de l’histoire publiée dans le Globe and Mail et rédigée par l’ancien député libéral et ministre des Transports, puis ministre des Pêches et des Océans et enfin, ministre de l’Environnement, l’honorable David Anderson. M. Anderson a participé à l’élaboration de cette politique dans les années 1970 et à l’application de cette zone d’exclusion dans les années 1990. Décrivant les conditions à l’époque de l’imposition du moratoire, M. Anderson dit :

Ces années-là, on avait l’impression que la succession d’échouements, de collisions et d’explosions de pétroliers dans le monde ne s’arrêterait jamais. L’objectif du gouvernement canadien était de maintenir les pétroliers transportant le pétrole brut de l’Alaska plus loin au large, ce qui nous donnerait plus de temps pour intervenir en cas d’accident et réduirait les répercussions sur la côte Ouest et sur les pêches en cas de déversement. Le Canada aurait eu peu de crédibilité en formulant une telle demande aux Américains si nos propres politiques n’avaient pas suivi les mêmes exigences d’itinéraire.

Chers sénateurs, ce dernier point est très important. Si les Canadiens ne respectent pas la zone d’exclusion volontaire, il est peu probable que les Américains la respectent. Si l’on aménageait un pipeline tel que le défunt projet Northern Gateway jusqu’à la côte nord, cela créerait un nouveau trajet emprunté par les pétroliers avec les risques que cela comporte, mais surtout, les pétroliers américains qui circulent déjà risqueraient de ne plus maintenir une distance sécuritaire de la côte afin, bien sûr, de gagner du temps et de réaliser des économies.

Au Comité des transports, M. Garneau a dit :

Si nous devions commencer à transporter du pétrole à partir de la côte, cela pourrait avoir pour effet d’encourager le non-respect de la zone d’exclusion. Après tout, si nous empruntons ces mêmes voies maritimes pour transporter du pétrole malgré les risques, pourquoi d’autres pays ne pourraient-ils pas en faire de même? En conséquence, le projet de loi C-48 devrait être vu comme une mesure importante qui contribuera à la protection du Canada en faisant complément à la zone d’exclusion des pétroliers.

Ce point est extrêmement important en raison des débats que nous avons eus au Sénat à l’étape de la deuxième lecture. Vous vous souviendrez que le 28 novembre dernier, le sénateur Wells a dit au Sénat, au nom de son parti, qu’il appuyait la mise à terme du moratoire Reagan-Mulroney. À mon avis, comme les conservateurs préconisent maintenant l’élimination de la zone d’exclusion, c’est une raison de plus pour que le pays aille de l’avant avec le projet de loi C-48.

Comme l’a indiqué le ministre Garneau, le projet de loi C-48 complémente la zone d’exclusion pour interdire et arrêter formellement le chargement et le déchargement de pétrole brut ou des hydrocarbures persistants des pétroliers de la pointe nord de l’île de Vancouver jusqu’à l’Alaska.

Le projet de loi prévoit, pour le réapprovisionnement, une exception pour les pétroliers transportant moins de 12 500 tonnes métriques de pétrole lourd. Pour donner un ordre de grandeur, les plus gros pétroliers qui viennent dans les ports canadiens peuvent transporter 20 fois cette quantité.

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À titre de comparaison encore une fois, l’ Exxon Valdez avait déversé environ 37 000 tonnes métriques de pétrole dans l’océan, soit sept fois moins que la quantité que peuvent transporter les superpétroliers d’aujourd’hui.

Le projet de loi C-48 renforce ce moratoire au moyen d’amendes pouvant aller jusqu’à 5 millions de dollars.

Le gouvernement aimerait souligner la contribution à ce dossier du député de Skeena-Bulkley Valley, Nathan Cullen, qui part à la retraite. En 2016, M. Cullen a présenté le projet de loi C-328, Loi sur la protection de la côte Nord de la Colombie-Britannique. Cette mesure législative renfermait des innovations en matière de politique qui ont contribué au projet de loi C-48. Au nom du gouvernement, je félicite M. Cullen de son témoignage au Sénat à Prince Rupert à l’appui de ce projet de loi et de son travail ici, à Ottawa.

Le projet de loi C-48 fera en sorte que la loi permettra de garder les pétroliers à distance de la côte nord-ouest en éliminant les raisons économiques de se rapprocher du rivage. Il officialise ainsi la zone d’exclusion des pétroliers dans la loi canadienne et la complète. C’est ce que le gouvernement avait promis aux Canadiens et c’est l’objet du projet de loi C-48.

Cette politique relève clairement de la compétence fédérale. Conformément au droit international, le Canada a le pouvoir, en tant que nation souveraine, d’adopter des lois sur l’accès à ses ports. Cette conclusion est appuyée par le témoignage de Ted McDorman, un professeur de droit de la faculté de droit de l’Université de Victoria qui a comparu devant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités en mai 2018 et qui a dit : « Du point de vue du droit international, cela relève entièrement de la compétence du Canada, sans que d’autres pays puissent déposer une plainte. »

Vanessa Rochester, l’avocate-conseil du cabinet d’avocats Norton Rose Fulbright, a ajouté ceci :

Le projet de loi C-48 interdit aux pétroliers transportant un certain volume de cargaison de charger ou de décharger cette cargaison ou de mouiller dans les ports et les installations maritimes dans les zones définies. On parle ici des eaux intérieures du Canada, ce qui est différent de la zone couverte par la [zone d’exclusion volontaire des pétroliers].

De plus, contrairement aux affirmations faites par certains sénateurs à l’étape de la deuxième lecture, l’officialisation du moratoire de 1985 ne créera pas l’unique interdiction ou moratoire sur les pétroliers dans le monde. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le Canada interdit la circulation de pétroliers. En 1982, le gouvernement fédéral a adopté un règlement interdisant la circulation de pétroliers chargés dans le passage de Head Harbour, au Nouveau-Brunswick, en réponse à un projet de construction d’une raffinerie de pétrole du côté américain.

Aux États-Unis, la loi interdit depuis 1990 les pétroliers dans une région qui couvre plus de 5 000 kilomètres carrés dans l’archipel des Keys, en Floride. Depuis 1977, la loi américaine limite la circulation des pétroliers de brut dans la région de Puget Sound, dans l’État de Washington.

En Australie, le Parlement du Queensland a récemment adopté une loi visant à interdire la circulation des navires transportant du charbon sur une grande partie de la Grande barrière de corail.

Le Canada n’est pas le seul pays à s’efforcer de protéger les écosystèmes marins fragiles contre les déversements majeurs, mais le projet de loi C-48 renforcera la position du Canada en tant que chef de file mondial en la matière.

Honorables sénateurs, je vais maintenant parler des risques pour la sécurité maritime que provoquerait le transport de pétrole lourd au large de la côte nord.

Outre ces dangers pour la navigation, le risque de catastrophe est exacerbé par des facteurs géographiques qui rendraient la prévention des déversements et l’intervention beaucoup plus difficiles que dans les eaux de l’Atlantique ou plus au sud en Colombie-Britannique, où le projet TMX fera augmenter la circulation de pétroliers.

Le plan d’eau situé entre la côte nord et la côte centrale de Haida Gwaii s’appelle le détroit d’Hecate. Ce plan d’eau se confond avec l’entrée Dixon, au nord, en direction de l’océan Pacifique. Environnement Canada classe ce détroit au quatrième rang des plans d’eau les plus dangereux au monde pour la navigation. Il en est ainsi surtout à cause de la vitesse à laquelle le vent et la mer peuvent se déchaîner.

Comme le comité l’a entendu, dans le détroit d’Hécate et l’entrée Dixon, il n’est pas rare qu’il y ait des vents soutenus de 100 kilomètres à l’heure avec des vagues de 8 à 10 mètres de hauteur. Étant donné que le détroit est peu profond, sa topographie produit de hautes vagues qui frappent à un intervalle rapproché d’une grande puissance. Les violentes conditions météorologiques qui prévalent dans ces eaux peuvent mettre à rude épreuve et endommager les grands navires, particulièrement les pétroliers, même avec la technologie de la double coque.

Comme le comité l’a entendu, l’intégrité des pétroliers à double coque dépend de milliers de joints soudés. Ces soudures sont mises à rude épreuve à cause de la force des hautes vagues à court intervalle qui caractérisent le détroit d’Hécate et qui constituent un risque élevé de causer un accident dans ces eaux.

De plus, les accidents survenus dans le monde confirment que les pétroliers à double coque présentent encore des risques de causer des déversements majeurs de pétrole. En 2010, le pétrolier à double coque Bunga Kelana 3 a déversé 2,9 millions de litres de pétrole brut dans les eaux au large de Singapour à la suite d’une collision.

La même année, le pétrolier à double coque Eagle Otome a déversé 1,7 million de litres de pétrole brut à Port Arthur, au Texas. En 1992, le pétrolier à double coque Aegean Sea s’est échoué et a déversé 76 millions de litres de pétrole brut au large des côtes de l’Espagne septentrionale.

Le Comité des transports a entendu le témoignage de M. Stanley Rice, biologiste à la retraite qui travaillait pour la National Oceanography and Atmospheric Administration des États-Unis. M. Rice a donné des renseignements sur le désastre de l’Exxon Valdez dans le golfe du Prince William et le déversement de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique et il a conseillé le gouvernement.

M. Rice a témoigné en tant que scientifique et n’a pas pris position au sujet du projet de loi C-48.

Au sujet de l’Exxon Valdez, M. Rice a confirmé qu’une double coque n’aurait pas permis d’éviter le déversement. Il a également souligné qu’il est possible d’atténuer les risques de déversement, mais que, lorsqu’il s’agit de pétrole, il subsiste toujours un risque.

Comme il l’a dit, « [i]l y a certainement des risques, et je fais toujours la comparaison avec la loterie. Les chances qu’une personne gagne à la loterie sont minimes; et pourtant quelqu’un gagne à la loterie chaque mois, ou chaque année [...] »

Honorables sénateurs, lorsqu’il est question de pétrole, on ne peut jamais écarter le risque d’erreurs humaines ou d’erreurs mécaniques. Toutefois, en établissant des limites pour le réapprovisionnement, le projet de loi C-48 réduit au minimum le risque d’un déversement catastrophique le long de la côte nord en réduisant au minimum la quantité de pétrole lourd transportée en mer.

Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, le risque et la probabilité sont deux concepts distincts. Le risque est la probabilité multipliée par la conséquence. Dans le cas d’un important déversement de pétrole, les conséquences seraient graves, durables et pourraient nuire de façon permanente aux économies écologiques et durables uniques des cultures des Premières Nations.

Comme de nombreux témoins de la côte nord l’ont dit au Comité des transports, même si le risque qu’un accident se produise est faible, le risque est tout simplement trop grand.

Fait intéressant, le comité a appris qu’on a tenté de calculer la probabilité d’un déversement dans la région. Lors d’une audience du comité à Terrace, David Shannon, un ingénieur à la retraite de l’organisme Douglas Channel Watch, a parlé de la méthode d’Enbridge pour calculer le risque de déversement de pétrole.

Ce calcul est fondé sur la circulation de pétrolier qu’aurait généré le projet Northern Gateway. D’après M. Shannon, le calcul montre que la probabilité d’un déversement de 5 millions de litres au cours des 40 premières années est de 11 p. 100.

Pour les habitants de la région, une probabilité de 11 p. 100 est trop élevée lorsqu’il s’agit d’un événement dont les conséquences sur le plan existentiel, écologique, économique et culturel détruiraient essentiellement la région pour un avenir prévisible.

Autre facteur que les sénateurs pourraient considérer : la région côtière dont il est question est vaste, éloignée et peu peuplée. Ces conditions rendent encore plus difficiles la prévention d’un déversement, ainsi que l’intervention et le nettoyage en cas de déversement, comparativement aux zones côtières industrialisées de l’Atlantique et à la côte sud de la Colombie-Britannique, en particulier parce que celle-ci est située près de l’État de Washington.

Dans la circonscription de Skeena-Bulkley Valley, la plupart des régions touchées par le projet de loi C-48 affichent une densité de population de 0,3 personne au mile carré, comparativement à 9,5 personnes au mile carré sur l’île de Vancouver ou à 354 personnes au mile carré dans la ville de Vancouver.

Comme il n’existe pas d’infrastructure d’intervention dans cette zone sauvage, un déversement aurait des conséquences environnementales beaucoup plus graves que s’il se produisait dans un autre cours d’eau canadien.

Par ailleurs, le comité a appris que la technologie la plus efficace pour le nettoyage des déversements de pétrole permet actuellement de récupérer seulement de 10 à 15 p. 100 du pétrole déversé dans un milieu marin. Signalons aussi que le nettoyage est surtout efficace en eau calme et qu’il est inefficace dans les eaux houleuses.

Certes, un déversement de pétrole est une catastrophe environnementale où qu’il se produise, et toutes les côtes du Canada abritent des espèces et des écosystèmes importants, y compris les côtes arctique et atlantique. D’un point de vue scientifique, la partie nord de la côte Pacifique constitue toutefois un écosystème exceptionnel, qui revêt une importance particulière pour la biosphère mondiale.

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Les mers du nord du Pacifique sont les plus productives de la planète sur le plan biologique. Le plateau continental en haute mer et les tempêtes violentes soulèvent les nutriments des profondeurs, où les jours d’été plus longs produisent des forêts de laminaires géantes de 50 mètres de haut, une manne annuelle de vie marine pour nourrir les espèces migratrices.

Comme il a été indiqué à l’étape de la deuxième lecture, il s’agit ici de faits scientifiques, et non pas de simples opinions. La région côtière de la Colombie-Britannique renferme la biodiversité la plus riche au Canada et la plus unique en Amérique du Nord. Environ 44 des 62 sous-espèces de vertébrés de la région côtière de la Colombie-Britannique et d’importantes populations d’espèces endémiques à cette région peuplent les îles côtières. Les deux tiers des espèces et sous-espèces de mammifères de la Colombie-Britannique vivent uniquement près des côtes. Toutes les sous-espèces d’oiseaux qui ne se reproduisent qu’en Colombie-Britannique le font exclusivement sur la côte. De plus, ces habitats abritent plus de 200 espèces d’oiseaux côtiers, et plus de 5 millions d’oiseaux de mer se reproduisent sur la côte de la province, dont 1,5 million sur le seul archipel Haida Gwaii. La côte nord du Pacifique abrite d’ailleurs 95 p. 100 de la population reproductrice totale d’oiseaux de mer de la Colombie-Britannique.

Plus de 400 espèces de poissons de mer et 5 espèces de tortues de mer vivent dans les eaux côtières. La région abrite trois des cinq grandes populations de harengs de la province, 88 p. 100 des rivières où fraye l’eulakane dans la province, et 58 p. 100 des habitats où fraye le saumon de la côte Ouest au pays.

La côte du Pacifique fournit un habitat capital à une faune très rare et vulnérable, puisqu’elle abrite 39 espèces considérées comme menacées, en voie de disparition ou préoccupantes par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Plus de 25 espèces de mammifères marins vivent au large de la côte, dont des cétacés, des loutres de mer, des phoques et des lions de mer. Sur les 22 populations de baleines, de dauphins et de marsouins que l’on trouve dans la région, trois figurent dans la liste des espèces en voie de disparition, quatre, dans la liste des espèces menacées et trois, dans la liste des espèces préoccupantes de la Loi sur les espèces en péril.

Au cours des dernières années, les Canadiens se sont dits gravement préoccupés par le sort de la baleine noire de l’Atlantique Nord. Cette espèce compte maintenant 417 individus et risque l’extinction dans un proche avenir. Toutefois, les sénateurs seront peut-être surpris d’apprendre que cette espèce est florissante par comparaison à la baleine noire du Pacifique Nord, dont la population dépassait probablement 20 000 avant la pêche commerciale, mais qui ne compte plus que quelques centaines d’individus. La population qui vit à l’est, au large de l’Alaska et de la Colombie-Britannique, compterait moins de 40 animaux. Selon l’aquarium de Vancouver, seulement deux baleines noires du Pacifique Nord ont été aperçues dans les eaux canadiennes au cours des 60 dernières années.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, mes observations sont longues, alors je vais vous épargner les faits concernant les systèmes aquatiques terrestres de la côte nord. Toutefois, je mentionne brièvement que la région côtière du Nord de la Colombie-Britannique comprend la forêt pluviale de Great Bear, communément appelée l’Amazonie du Canada. Les énormes cèdres rouges, les sapins de Douglas et les épinettes de Sitka dépendent des rivières à saumons pour que les ours, les aigles et les autres prédateurs dispersent des nutriments dans la forêt. À son tour, le saumon dépend de la pureté des eaux marines ainsi que des rivières d’eau douce et des ruisseaux pour frayer.

La forêt pluviale de Great Bear est l’une des plus importantes forêts pluviales côtières tempérées au monde qui soient encore intactes. Elle représente le quart de la superficie toujours existante de cet habitat dans le monde, réparti en seulement 11 régions sur la planète.

Pour conclure mes observations en matière d’écologie, je dirai simplement que le Canada est l’intendant de l’un des derniers grands écosystèmes naturels du monde. Comme tous les écosystèmes, la forêt pluviale tempérée est mise à rude épreuve en raison de l’activité humaine, en particulier des changements climatiques. Le projet de loi C-48 procurera à l’un des derniers bastions écologiques du monde une meilleure chance de résister et de survivre à la catastrophe qui, nous le savons, s’en vient et que nous causons collectivement.

Nous devons également voir un environnement sain comme un atout économique. Dans notre examen des intérêts économiques nationaux et régionaux, nous devons davantage tenir compte du fait que les économies viables du Nord de la Colombie-Britannique dépendent d’écosystèmes vierges et florissants et qu’elles seraient détruites pendant longtemps, voire de manière permanente, advenant un déversement de pétrole.

D’abord et avant tout, il y a les pêches commerciales et autochtones. L’industrie de la pêche sur la côte nord a une valeur annuelle de 400 millions de dollars. Les pêcheurs, les collectivités et les usines de transformation des poissons y ont investi 2 milliards de dollars. Il s’agit d’une industrie canadienne importante et coûteuse qui aurait beaucoup à perdre en cas de déversement de pétrole.

À Prince Rupert, le comité a entendu le témoignage de Joy Thorkelson, présidente du Syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés. Comme Mme Thorkelson l’a dit au comité, un déversement de pétrole aurait des effets dévastateurs sur les populations de poissons, comme la catastrophe de l’Exxon Valdez en a eus sur le cisco arctique. En outre, Mme Thorkelson a expliqué qu’un seul déversement majeur nuirait à toute l’industrie de la pêche sur la côte nord.

Le comité a appris que presque toutes les aires marines sur la côte ont des habitats précieux qui assurent la viabilité des pêches. Mme Thorkelson a communiqué un message de la part des membres de la section atlantique du syndicat, qui disent craindre un déversement sur la côte Est; elle a aussi signalé que l’action des vagues sur la côte du Pacifique pose un plus grand risque pour les rives et les rivières que celle sur la côte atlantique.

En plus d’endommager l’industrie de la pêche et de l’aquaculture, un déversement de pétrole causerait d’énormes dommages au secteur touristique de la Colombie-Britannique. À Terrace, le comité a entendu le témoignage de Kevin Smith, qui est propriétaire de Maple Leaf Adventures, président de la Wilderness Tourism Association of British Columbia et vice-président de la Commercial Bear Viewing Association. M. Smith a indiqué que le tourisme est une industrie de 18 milliards de dollars en Colombie-Britannique qui a connu une croissance plus importante que celle de l’économie en général au cours des dernières années. Le secteur du tourisme en milieu sauvage a augmenté de 8 p. 100 au cours de la dernière décennie. M. Smith a dit ceci :

Selon les projections que vous utilisez, le tourisme en milieu sauvage en Colombie-Britannique rapportera entre 600 milliards et 5,6 billions de dollars au cours des 50 prochaines années, dont la moitié sur la côte.

De plus, M. Smith a informé le comité que, à la suite du déversement de la plateforme Deepwater Horizon en 2010, le chiffre d’affaires de l’industrie de l’affrètement de navires dans le sud du Mississippi a chuté en moyenne de 70 p. 100. Nous sommes avertis.

Comme je l’ai dit dans cette enceinte à l’étape de la deuxième lecture, en présence de dirigeants élus et héréditaires des Premières Nations côtières, la vaste majorité des Premières Nations de la côte nord-ouest du Pacifique appuient fermement le projet de loi C-48. Les dirigeants de ces nations sont, bien sûr, les mieux placés pour défendre leurs intérêts. Ici à Ottawa, le comité a entendu le témoignage de la chef Marilyn Slett, présidente de neuf Premières Nations côtières alliées. La chef Slett a parlé au comité des effets dévastateurs que le déversement de diesel de 2016 a eus sur les Heiltsuks de Bella Bella. Or, les effets de ce déversement sont mineurs par rapport à ceux qu’aurait l’échouage d’un superpétrolier. Comme l’a dit la chef Slett :

Les Heiltsuk ont personnellement vécu les conséquences traumatiques d’un déversement d’hydrocarbures en mer. En octobre 2016, le Nathan E. Stewart et sa barge se sont échoués et ont coulé dans le territoire des Heiltsuk. Plus de 110 000 litres de polluants ont été déversés dans l’océan. […] Parmi les conséquences dévastatrices de ce déversement, il y a eu des effets sur l’exploitation traditionnelle des ressources, l’exploitation commerciale des coquillages des Heiltsuk et la culture des Heiltsuk, sans oublier les effets des mesures d’intervention et la communauté qui a été mise à rude épreuve.

Le Comité des transports a aussi entendu le témoignage de Jason Alsop, président du Conseil de la nation haïda. Tandis que nous examinons le projet de loi C-48 dans le contexte de l’histoire canadienne, les sénateurs pourraient vouloir tenir compte des paroles suivantes de M. Alsop :

Je suppose que pour comprendre notre point de vue, il faut comprendre la signification de ce génocide culturel, alors qu’une population [qui dépassait 100 000 habitants] a été d’abord décimée par l’introduction de maladies comme la variole, jusqu’à ce qu’elle soit réduite à quelques centaines de personnes. C’est un triomphe pour nos nations et notre peuple d’avoir réussi à rebâtir, à maintenir leur culture et à persévérer, malgré les politiques fédérales [...]

Je ne sais pas si vous pouvez apprécier ce que cela signiferait pour nous si la menace immédiate d’un nouveau trafic était éliminée afin que nous puissions continuer à construire des économies durables sur la côte [...]

À Prince Rupert, le chef haida, Guujaaw, a évoqué ainsi les décennies de lutte qui ont mené au projet de loi C-48 :

Nous avons commencé à nous battre, essentiellement à une époque où aucun d’entre nous, il y a à peine une génération, n’avait d’influence sur ce qui se passait. Tout s’effondrait, nous en étions tous témoins.

Nous avons réussi à nous défendre et, au fil des ans, à protéger beaucoup de terres. Nous avons protégé une grande partie de l’océan, nous avons mis fin à beaucoup de surexploitation, au prix d’un grand sacrifice pour nous. Au fil du temps, nous avons établi dans le droit canadien que le titre ancestral existe toujours.

Sénateurs, je pourrais encore citer d’autres témoignages. Celui de Matthew Hill me vient à l’esprit. Je me contenterai plutôt de dire que, bien qu’une grande majorité des gens de la région appuient le projet de loi C-48, la communauté de Lax Kw’alaams est divisée : les dirigeants héréditaires l’appuient, mais le maire s’y oppose.

Le maire John Helin et son frère Calvin sont respectivement vice-président et président d’un nouveau projet de pipeline appelé Eagle Spirit, pour lequel ils proposent d’installer des terminaux à Grassy Point, au nord de Prince Rupert. La communauté de Lax Kw’alaams tiendra des élections cet automne. Je peux déjà vous dire que le projet de loi C-48 fait l’objet de débats vigoureux et que les gens en tiendront sûrement compte quand ils voteront.

(2340)

Je souligne que si le projet de loi C-48 est adopté, le projet Eagle Spirit n’ira pas de l’avant, ce qui est conforme à l’opinion de la majorité des Premières Nations côtières.

Honorables sénateurs, en distinguant les intérêts de l’île et les droits de l’entreprise privée par rapport à la pêche côtière et aux droits constitutionnels, le gouvernement ne privilégie pas un groupe plus qu’un autre. Le gouvernement ou le tribunal, quel qu’il soit, examine les droits constitutionnels en jeu aussi objectivement que possible, puis prend une décision conformément à la loi. Dans ce cas-ci, la décision est favorable au projet de loi C-48.

Chers sénateurs, j’aimerais parler un peu de la politique énergétique et environnementale du gouvernement. Comme je l’ai mentionné en début d’intervention, le gouvernement a un ensemble équilibré et complet de politiques énergétiques et environnementales pour faire croître les économies régionales et nationale du Canada, y compris plusieurs nouveaux pipelines pour le pétrole et le gaz. Plus précisément, le gouvernement a appuyé trois projets de pipelines en Alberta et en Saskatchewan qui achemineront les ressources pétrolières du Canada vers les marchés étrangers. Le monde aura besoin encore longtemps de pétrole, y compris en Asie, où le pétrole peut faciliter le remplacement du charbon. Il est sensé de transporter le pétrole canadien par pipeline si cela est plus sécuritaire et efficace que le transport ferroviaire. C’est pourquoi le gouvernement a appuyé le remplacement de la canalisation 3, le pipeline Keystone XL vers les États-Unis et l’expansion du pipeline Trans Mountain vers Burnaby. Comme les sénateurs le savent, le gouvernement ne ménage aucun effort pour que reprennent les travaux dans le projet Trans Mountain. Fait remarquable, le gouvernement a même fait l’acquisition de l’infrastructure au nom des Canadiens pour 4,5 milliards de dollars, afin de bâtir un oléoduc double de plus grande capacité et d’assurer l’achèvement des travaux, ce qui profitera à notre économie, et en particulier celles de l’Alberta et de la Saskatchewan.

Au moment où je vous parle, le gouvernement s’efforce de satisfaire aux conditions énoncées par la Cour d’appel fédérale, afin que reprennent les travaux de construction du pipeline Trans Mountain. Comme les sénateurs le savent, le gouvernement a l’intention de faire une annonce d’ici le 18 juin.

Nos réflexions sur les événements qui nous ont menés où nous en sommes aujourd’hui me font penser à ce qu’on peut voir de l’autre côté de la rivière. Au Musée canadien de l’histoire, on peut voir des totems érigés près d’un canot de cèdre aussi long que la salle et des éléments d’architecture traditionnels des Autochtones du Nord-Ouest. Fait intéressant, dans un des bâtiments, il y a une plaque sur laquelle on peut lire le mot « aventure » ainsi que le texte suivant :

Les peuples de la côte nord-ouest racontent des histoires d’aventure. Leurs récits, riches en actes de bravoure et en péripéties à couper le souffle, ont presque toujours un dénouement heureux et une morale.

Honorables sénateurs, plus tard, j’espère que les gens de la côte raconteront comment leurs grands-parents sont venus à Ottawa pour faire adopter le projet de loi C-48. J’espère que les Canadiens raconteront comment les gens de leur pays ont uni leurs efforts pour sauver l’environnement en cette période difficile. Dans les deux cas, j’espère de tout cœur que nous connaîtrons un dénouement heureux. Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Oui, mais je demanderais qu’elle soit brève, car nous avons d’autres affaires à traiter avant que sonnent les 12 coups de minuit.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Vous devriez prononcer votre discours demain.

[Français]

Dans votre déclaration, sénateur, vous dites que la construction du pipeline Trans Mountain sera bénéfique pour l’économie canadienne. Comment pouvez-vous affirmer cela, alors que le pétrole sera vendu strictement au marché américain, à 40 p. 100 de moins que le prix courant mondial?

[Traduction]

Le sénateur Harder : C’est très simple, sénateur. L’objectif de l’entreprise canadienne et des gouvernements qui se sont succédé consiste à acheminer le pétrole vers la côte afin d’atteindre de nouveaux marchés. C’est là tout l’objectif du pipeline vers la côte.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Tous les experts qui sont venus témoigner au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a étudié le projet de loi C-48, ont unanimement affirmé que le pipeline Trans Mountain servira à vendre le pétrole sur le marché de Seattle, donc à 40 p. 100 plus bas que le prix courant mondial. Ce pétrole ne sera pas livré en Asie, où il pourrait être vendu plus cher. J’essaie de comprendre votre argument, quand vous dites que la construction de ce pipeline aidera l’économie canadienne alors que, à l’heure actuelle, tout notre pétrole est vendu sur le marché américain à 40 p. 100 en deçà du prix mondial. Pouvez-vous expliquer votre logique?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Le marché du pétrole est un marché mondial, et l’objectif du Canada dans le contexte de la transition vers un secteur énergétique mondial qui émet moins de carbone consiste à remplacer le charbon d’Asie, qui pollue davantage. Pour cela, il faut écouler plus de pétrole sur le marché afin de profiter de la transition.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, compte tenu de l’heure, je demande le consentement du Sénat pour que nous passions au Feuilleton des préavis.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Langues officielles

Autorisation au comité de déposer son rapport sur la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable René Cormier, conformément au préavis donné le 29 mai 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 21 juin 2019, un rapport final portant sur son étude de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Secteur de la bienfaisance

Autorisation au comité spécial de déposer son rapport auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Terry M. Mercer (leader suppléant des libéraux au Sénat), conformément au préavis donné le 30 mai 2019, propose :

Que le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 28 juin 2019, un rapport final portant sur son étude sur l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et l’impact du secteur volontaire au Canada, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Chantal Petitclerc, conformément au préavis donné le 6 juin 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à se réunir le mercredi 12 juin 2019, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de déposer son rapport sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Diane F. Griffin, conformément au préavis donné le 10 juin 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 26 juillet 2019, un rapport final portant sur son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Lillian Eva Dyck, conformément au préavis donné le 10 juin 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à se réunir le mercredi 12 juin 2019, aux fins de son étude sur le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 23 h 49, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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