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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 307

Le jeudi 20 juin 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 20 juin 2019

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le décès de l’honorable Mark Warawa, député

Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous sommes extrêmement attristés d’apprendre le décès de M. Mark Warawa, député de Langley—Aldergrove.

Au nom de tous les honorables sénateurs, j’offre mes plus sincères condoléances à son épouse, Diane, et à leurs enfants et petits-enfants.

Par respect pour notre défunt collègue, je vous demanderais de bien vouloir vous lever et vous joindre à moi pour observer une minute de silence.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l’honorable Mark Warawa, député

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j’ai pris la parole dans de telles circonstances trop souvent au cours des dernières années. Ce matin, nous avons tous appris avec tristesse que notre bon ami et collègue Mark Warawa était décédé tôt ce matin après un bref, mais courageux combat contre le cancer.

Mark a entrepris sa carrière dans le service public en tant que conseiller municipal d’Abbotsford, poste qu’il a occupé pendant 14 ans. Il a ensuite fait son entrée sur la scène politique fédérale, étant élu député en 2004 dans la circonscription de Langley.

Après avoir été réélu cinq fois en tant que député fédéral, Mark a annoncé en janvier dernier qu’il prenait sa retraite et qu’il avait bien hâte de passer plus de temps avec sa famille.

Nous avons tous été bouleversés lorsque, le 14 avril dernier, Mark a annoncé qu’il se trouvait à l’hôpital, où les médecins pensaient qu’il souffrait peut-être d’un cancer du pancréas.

Devant cette terrible nouvelle, il a fait preuve d’un grand courage. Voici ce qu’il écrit :

Nous faisons entièrement confiance à Dieu. Beaucoup de larmes ont été versées, mais le Dieu qui nous a créés m’a déjà guéri et sauvé la vie. Chose plus importante encore, je sais que Dieu m’aime et qu’il souhaite que je lui fasse confiance. C’est le cas!

Moins d’une semaine plus tard, une lueur d’espoir est apparue. Mark a fait le point sur sa situation :

Mes chers amis, je me préparais à devoir choisir entre une intervention chirurgicale risquée ou les soins palliatifs, mais je viens d’apprendre une nouvelle miraculeuse que nous espérions tous et pour laquelle nous avions prié. Merci, Seigneur Jésus.

Les médecins venaient de l’informer que son cancer du côlon était traitable et que la tumeur au pancréas était bénigne. Selon le nouveau pronostic, il avait encore de nombreuses années à vivre.

Il en a été autrement. Seulement quelques jours après, Mark a appris que le cancer s’était répandu dans ses poumons et dans ses ganglions lymphatiques. Des tests supplémentaires ont révélé que son état était chronique. Le nouveau pronostic des médecins était maintenant de deux ans maximum.

Le 7 mai, Mark a eu assez de force pour venir prononcer à Ottawa son discours d’adieu à la Chambre des communes. À ses collègues qui lui offraient une ovation debout, il a dit :

Peut-être que je serai là longtemps et peut-être pas. Nul ne le sait.

Tout au long de cette épreuve, sa foi en Dieu est demeurée inébranlable. Le passage favori de Mark dans les saintes Écritures était le verset 16 du chapitre 3 de l’Évangile selon saint Jean, qui se trouve à être aussi le verset que je préfère. Le voici :

Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

Il y a quelques semaines seulement, Mark a écrit :

Je sais que Dieu peut me guérir immédiatement, me guérir progressivement ou me ramener chez moi, au ciel.

Comme vous le savez, chers collègues, ce matin, Mark a été ramené chez lui.

Comme sa famille a déclaré plus tôt aujourd’hui :

Mark a une nouvelle adresse au ciel, où il espère vous voir un jour.

Au nom de tous les sénateurs, j’offre mes plus sincères condoléances à Diane, l’épouse de Mark depuis 46 ans, à leurs cinq enfants, Jonathan, Ryan, Nathan, Eric et Kristin, ainsi qu’à leurs dix petits-enfants. Aujourd’hui, vous êtes dans nos cœurs et dans nos prières, et nous espérons que vous reposerez en paix dans l’amour divin. Merci.

(1340)

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je ne pense pas pouvoir rendre à Mark un hommage aussi éloquent que celui du sénateur Plett. Ce ne serait d’ailleurs pas approprié de ma part car je ne le connaissais pas autant que Don et bien d’autres personnes. Par respect, je n’ajouterai rien.

La Journée mondiale des réfugiés

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, c’est en effet un triste jour.

J’interviens pour souligner la Journée mondiale des réfugiés. Je pourrais commencer en présentant des chiffres, qui sont les plus élevés jamais enregistrés, mais je crains qu’avec le temps nous ne devenions insensibles aux statistiques. Je me permets de présenter la réalité des réfugiés sous un autre angle.

Si on mettait côte à côte les personnes déplacées du monde entier et qu’elles se touchaient du bout des doigts, elles formeraient un cercle qui couvrirait la circonférence du globe, pas une seule fois, mais bien deux fois.

Il n’est jamais facile de décider de quitter son foyer, sa famille et son pays. Aujourd’hui, les réfugiés sont confrontés à un avenir incertain mais également extrêmement dangereux. Plus de la moitié des réfugiés sont des femmes et des enfants, ce qui en fait des proies faciles pour la traite des personnes et l’esclavage sexuel. Nous devons à la fois faire preuve de compassion et de lucidité ainsi que d’ambition et de sens pratique.

Le Conseil mondial pour les réfugiés, dont je fais partie, a émis des recommandations susceptibles d’avoir un effet transformateur sur la crise des réfugiés et du déplacement forcé.

Premièrement, il réclame la mise sur pied d’un réseau mondial d’action pour les personnes déplacées de force. Cette déferlante de misère humaine nous touche tous, et si elle ne nous touche pas aujourd’hui, elle le fera demain, alors ce regroupement de champions comptera dans ses rangs les pays qui accueillent des réfugiés, les pays contributeurs et les organismes de la société civile, bien entendu, mais aussi des représentants du secteur privé et plusieurs organismes multilatéraux comme le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce. Même si on associe rarement ces derniers à ce genre d’initiative, on espère en les invitant trouver des solutions novatrices et inventives allant au-delà de ce qu’accomplissent généralement les organismes caritatifs de ce monde, aussi bien intentionnés soient-ils.

Deuxièmement, il faut penser aux oubliés, c’est-à-dire ceux qui ont fui leur domicile, mais à qui le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le mouvement mondial d’intervention pour les réfugiés ne peuvent venir en aide parce qu’ils n’ont pas quitté leur pays d’origine. Le Conseil mondial des réfugiés demande donc au secrétaire général des Nations Unies de nommer un représentant spécial pour les personnes déplacées internes afin qu’il puisse coordonner les initiatives internationales contre un problème de plus en plus pressant.

Troisièmement, il faut obliger les responsables de ces vagues de déplacements et d’oppression à répondre de leurs actes. Nous devons saisir l’argent qu’ils ont caché au Canada après l’avoir acquis de manière aussi malhonnête et nous en servir pour aider les personnes à qui ils ont causé du tort, et plus particulièrement aux personnes déplacées de force.

En terminant, j’aimerais dire au mot au sujet des élections prochaines. J’implore tous les partis politiques de ne pas utiliser la cause des réfugiés et des demandeurs d’asile pour marquer des points, car ils ne réussiront qu’à semer la peur et la division.

Le Canada devance tous les autres pays pour la réinstallation de réfugiés, et nous devons en être fiers au lieu de nous en inquiéter. Le Canada a toujours misé sur la compassion et ce n’est pas le temps de changer, vu l’ampleur que semble prendre la crise actuelle. Je vous remercie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Peter et de Gail Christmas, enfants de l’honorable sénateur Christmas.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du grand chef Arlen Dumas et de Cora Morgan. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McCallum.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le Traité de Versailles

Le centième anniversaire

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, le 28 juin prochain nous soulignerons le centenaire de la signature du Traité de Versailles par 33 pays, y compris le Canada, pour la première fois. Rappelons que ce traité a mis fin à la Première Guerre mondiale.

Je tiens à rappeler à votre mémoire cet événement historique puisqu’il s’agit du premier geste de portée internationale qu’a posé le Canada en tant que pays pleinement souverain en matière de politique étrangère.

[Traduction]

Le centième anniversaire de la signature du Traité de Versailles la semaine prochaine nous offre une occasion de nous attarder aux débuts du Canada en tant que pays pleinement souverain. Ayant participé à la guerre, le Canada ne voulait plus être traité comme une colonie britannique. Il estimait s’être montré digne qu’on lui reconnaisse la souveraineté internationale, et nous savons ce que signifie la « souveraineté internationale ». Elle confère essentiellement à un pays le pouvoir de déclarer la guerre et de signer la paix.

Le Canada n’a pas déclaré la guerre en 1914. C’est la Grande-Bretagne qui l’a fait pour lui. Or, compte tenu de l’ampleur de son effort pendant la guerre, le Canada estimait mériter de signer le traité de paix de façon indépendante. On a résisté à sa demande dans certains cercles britanniques et, aussi, américains, où l’on soutenait que la Grande-Bretagne devrait signer pour tous les dominions. Le premier ministre Robert Borden a toutefois fini par avoir gain de cause. Le dominion du Canada a ainsi été clairement identifié sur le document et deux ministres canadiens ont signé en son nom.

La signature distincte du Canada en 1919 revêtait une importance primordiale. Le Traité de Versailles a créé la Société des Nations, un nouvel organisme international mis sur pied pour empêcher les conflits mondiaux. Le Canada est donc devenu un membre fondateur à part entière de la Société des Nations.

En 1925, un sénateur du Canada, le sénateur Raoul Dandurand, a accédé à la présidence de l’Assemblée de la Société des Nations. En 1927, le Canada a obtenu un siège au conseil exécutif de l’assemblée. Ce siège a également été confié au sénateur Dandurand, qui est demeuré très engagé dans les affaires internationales du pays pendant les deux années suivantes.

Nous devrions remercier le gouvernement de sir Robert Borden d’avoir fait campagne pour que le Canada soit un signataire à part entière du Traité de Versailles, en juin 1919, et nous pouvons naturellement remercier le sénateur Dandurand, qui, jusqu’à sa mort, en 1942, est demeuré l’une des voix les plus fortes du Canada sur la scène internationale.

Honorables sénateurs, le buste du sénateur Raoul Dandurand, qui était exposé dans une salle de réunion du Sénat, dans l’édifice du Centre, n’a pas été déménagé ici. Il faudrait l’apporter dans cet édifice et l’exposer comme il se doit près de l’enceinte du Sénat.

Soyons fiers de notre remarquable prédécesseur, qui a contribué à bâtir la réputation du Canada en tant que pays qui prône la paix mondiale et le respect des droits de la personne.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Armando Perla. Il est l’invité de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Coût des mesures proposées en campagne électorale : prévision de référence—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Coût des mesures proposées en campagne électorale : prévision de référence, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Traduction]

Dépôt du compte rendu des activités de 2018-2019

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le compte rendu des activités du Bureau du directeur parlementaire du budget pour 2018-2019, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, art. 79.22.

[Français]

Le Président du Sénat

La visite de la délégation parlementaire en République de Corée, du 11 au 14 novembre 2018—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je demande le consentement de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire du Sénat, dirigée par le Président du Sénat, concernant sa visite en République de Corée, du 11 au 14 novembre 2018.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

La visite de la délégation parlementaire en République arabe d’Égypte et en République de Turquie, du 19 au 24 mai 2019—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je demande le consentement de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire du Sénat, dirigée par le Président du Sénat, concernant sa visite en République arabe d’Égypte et en République de Turquie, du 19 au 24 mai 2019.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

L’étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

Dix-septième rapport du Comité des droits de la personne—Dépôt de la réponse du gouvernement

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Un océan de misère : la crise des réfugiés Rohingyas.

(1350)

[Traduction]

La Loi sur le cannabis

Onzième rapport du Comité des peuples autochtones—Dépôt du rapport d’étape sur les priorités

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport d’étape sur les priorités identifiées dans le onzième rapport du Comité sénatorial des peuples autochtones, intitulé La teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.

[Français]

Exportation et développement Canada

Le Compte du Canada—Dépôt du rapport annuel de 2017-2018

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel sur le Compte du Canada pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2018, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, par. 150(1).

L’étude sur les processus et les aspects financiers du système d’approvisionnement en matière de défense du gouvernement

Dépôt du quarante-troisième rapport du Comité des finances nationales

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quarante-troisième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales intitulé Premier rapport provisoire sur l’approvisionnement en matière de défense - Résumé des témoignages. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

Honorables sénateurs, premièrement, je tiens à remercier les deux vice-présidents, le sénateur Pratte et le sénateur Day, pour leur soutien.

[Traduction]

Votre Honneur, je remercie les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, car ils ont accompli un travail fantastique qui a permis au comité de bien s’acquitter de son mandat au bénéfice de tous les Canadiens.

(Sur la motion du sénateur Mockler, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Agriculture et forêts

Budget—L’étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux—Présentation du dix-huitième rapport du comité

L’honorable Diane F. Griffin, présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le jeudi 20 juin 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a l’honneur de présenter son

DIX-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 15 février 2018 à étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2020.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

DIANE F. GRIFFIN

(Le texte du budget figure à l’annexe des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 5135-5142.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

La sénatrice Griffin : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Griffin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Pate, propose que le rapport soit adopté. Nous reprenons le débat. La sénatrice Griffin a la parole.

La sénatrice Griffin : Honorables sénateurs, nous faisons cette demande parce que le rapport sera publié en juillet et, normalement, les sénateurs devraient venir à Ottawa pour la conférence de presse. Le comité et la Direction des communications étaient d’avis que ce serait une bonne occasion de communiquer directement nos conclusions aux intervenants que d’aller le faire ailleurs, surtout que cela n’impliquera pas de dépenses importantes. En outre, cela donnera l’occasion au comité de mettre en évidence l’importance des biens à valeur ajoutée pour l’économie locale.

Il faut du temps pour concevoir un budget et l’adopter. Je veux remercier le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration des services inestimables qu’il a rendus en s’occupant ce matin même de ce budget.

C’est la première occasion que j’ai de vous présenter ce budget. Notre comité souhaite que vous fassiez preuve de compréhension et que vous nous souteniez et nous espérons que vous appuierez l’adoption du rapport.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Dépôt du onzième rapport du comité

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le onzième rapport (intérimaire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement intitulé Privilège parlementaire : d’hier à aujourd’hui. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Housakos, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Secteur de la bienfaisance

Dépôt du premier rapport du comité spécial auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 30 janvier 2018 et le 11 juin 2019, le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance a déposé auprès du greffier du Sénat, le 20 juin 2019, son premier rapport intitulé Catalyseur du changement: une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus robuste. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Mercer, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

L’étude sur des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général

Dépôt du vingt-septième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingt-septième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé La sûreté et la sécurité des employés d’Affaires mondiales Canada et des Canadiens à l’étranger. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
La Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-98, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Le Tarif des douanes
La Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-101, Loi modifiant le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

[Traduction]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La réunion d’hiver de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue les 21 et 22 février 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP OSCE) concernant sa participation à la 18e réunion d’hiver de l’AP OSCE, tenue à Vienne, en Autriche, les 21 et 22 février 2019.

(1400)

La mission d’observation des élections présidentielles de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le 31 mars 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP OSCE) concernant sa participation à la Mission d’observation des élections présidentielles de l’AP OSCE, tenue à Kiev, en Ukraine, le 31 mars 2019.

La mission d’observation des élections présidentielles de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le 21 avril 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP OSCE) concernant sa participation à la Mission d’observation du deuxième tour des élections présidentielles de l’AP OSCE, tenue à Kiev, en Ukraine, le 21 avril 2019.

L’Association parlementaire du Commonwealth

La réunion du Groupe de travail sur les programmes, tenue les 24 et 25 janvier 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la réunion du Groupe de travail sur les programmes (EXCO), tenue à Londres, au Royaume-Uni, les 24 et 25 janvier 2019.

[Français]

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie

La réunion du Bureau et la session ordinaire, tenues du 5 au 10 juillet 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion du Bureau et à la 44e session ordinaire de l’APF, tenues à la ville de Québec, au Québec, du 5 au 10 juillet 2018.

[Traduction]

ParlAmericas

La visite bilatérale au Brésil, du 23 au 26 avril 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de la Section canadienne de ParlAmericas concernant sa visite bilatérale au Brésil, à Brasilia et à São Paulo, au Brésil, du 23 au 26 avril 2019.

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux

L’honorable Diane F. GriffinHonorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 29 novembre 2018, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts concernant son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux soit reportée du 28 juin 2019 au 31 juillet 2019.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, avant que je donne ma permission, j’aimerais que l’on m’explique pourquoi cela se reproduit. On demande constamment le consentement du Sénat pour pouvoir proposer une motion, alors qu’il suffirait de présenter un préavis de motion et de faire les choses comme il se doit.

Votre Honneur, je ne sais pas si c’est approprié, mais j’aimerais que la sénatrice nous explique pourquoi elle demande le consentement du Sénat. Si je ne m’abuse, elle l’a demandé hier ou avant-hier, et voilà qu’elle le refait aujourd’hui.

La sénatrice Griffin : Merci, sénateur Plett, vous avez tout à fait raison et je dois faire mon mea culpa. Nous avions d’abord cru avoir beaucoup de temps devant nous, avant la fin juin. Le Sénat allait s’ajourner. Le rapport aurait été terminé et publié. Tout d’un coup, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait désormais publier un rapport beaucoup plus complet, de bien meilleure qualité et beaucoup plus utile pour l’industrie agricole. Le seul moyen d’y arriver était de retenir la date du mois de juillet. J’en suis vraiment désolée et je ne voulais pas causer d’inconvénients au Sénat. Je vous demande donc pardon, mais je demande aussi votre approbation. Merci.

Le sénateur Plett : Je ne sais pas s’il y a lieu de parler d’« inconvénients ». Nous avons des règles et des procédures à suivre. Je tiens au moins à dire que lorsque nous n’accordons pas le consentement, ce n’est pas nécessairement parce nous sommes contre certaines choses. Je tiens à dire cependant que je suis très réticent. C’est avec beaucoup de réticence que je ne voterai pas contre et que j’accorderai mon consentement.

Son Honneur le Président : Je le répète, le consentement est-il accordé? Sénateur Day?

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Récemment, l’honorable sénatrice a demandé qu’on autorise un financement afin de publier un rapport. S’agit-il du même rapport pour lequel vous avez déjà obtenu du financement?

La sénatrice Griffin : Oui, je dois admettre qu’il s’agit du même rapport. Ça ne vous a pas échappé, il s’agit vraiment du même rapport. Encore une fois, je présente mes excuses pour les inconvénients que cela cause au Sénat, mais j’apprécie vraiment votre appui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : En conséquence, l’honorable sénatrice Griffin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Pate, propose que, nonobstant l’ordre du Sénat... Puis-je me dispenser de lire la suite?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour que la motion no 520 inscrite au Feuilleton des préavis soit présentée maintenant. Si le consentement est accordé, je propose la motion tendant à autoriser le comité à se réunir pendant l’été, et à déposer les trois rapports suivants auprès du greffier du Sénat : le dernier rapport sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral; le rapport intérimaire sur la stérilisation forcée de personnes au Canada; et le rapport intérimaire sur le Programme de protection des passagers.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, le consentement n’est pas accordé, sénatrice Bernard.

La sénatrice Bernard : Puis-je expliquer pourquoi je demande cette permission?

Son Honneur le Président : Si vous le souhaitez, sénatrice Bernard. J’ai entendu plusieurs « non », mais si vous voulez fournir une explication rapide, je vous en prie.

La sénatrice Bernard : Honorables sénateurs, le rapport final sur les prisonniers dans le système correctionnel fédéral compte plus de 200 pages, car il porte sur les témoignages et les renseignements recueillis au cours d’une période de plus de deux ans. Le comité a entendu 155 témoins, il a organisé 30 réunions publiques d’un bout à l’autre du Canada, et il a effectué 30 visites dans des établissements fédéraux, des pavillons de ressourcement, des établissements communautaires et deux établissements provinciaux de santé mentale.

Des membres de tous les partis étaient présents lors des visites de pénitenciers et des témoignages, et ils ont contribué à ce rapport substantiel. Le comité a examiné le rapport provisoire et il a besoin de plus de temps pour achever cette importante entreprise, notamment pour rédiger un rapport avec images et tableaux présentant une stratégie de communication.

La brève étude sur la stérilisation forcée de personnes au Canada se voulait une étude sur la portée du problème afin de l’examiner comme l’une des violations des droits de la personne auxquelles sont actuellement confrontées les femmes autochtones. L’étude a été menée en vue de recommander la réalisation d’une étude plus approfondie. Le comité a tenu trois audiences et a entendu 14 témoins, et a examiné le rapport provisoire.

Enfin, honorables sénateurs, le rapport provisoire sur le Programme de protection des passagers doit être étudié par le comité. Ce dernier a mené une étude à court terme sur l’incidence des dispositions du Programme de protection des passagers et les solutions possibles pour réduire au minimum le nombre de faux positifs. Le comité a tenu deux réunions au cours desquelles 11 témoins ont comparu.

Son Honneur le Président : Merci de vos observations, madame la sénatrice Bernard.

Je vais reposer la question. Je suis désolé, monsieur le sénateur Plett, mais il n’y a pas lieu de tenir un débat. Je fais déjà preuve de beaucoup de souplesse en permettant à la sénatrice Bernard de fournir des explications.

Le sénateur Plett : Je voulais l’aider.

Son Honneur le Président : Je vais poser la question de nouveau. Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénatrice Bernard, mais le consentement n’est pas accordé.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Les travaux du comité

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question s’adresse à la sénatrice Andreychuk, qui est la présidente du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Premièrement, en tant que nouvelle sénatrice, j’aimerais vous exprimer ma plus sincère reconnaissance pour le leadership dont vous faites preuve depuis plus de 20 ans, à titre de doyenne du Sénat.

Des voix : Bravo!

La sénatrice McPhedran : Ma question porte sur la façon dont nous pourrions rendre le travail du conseiller sénatorial en éthique et de son personnel plus compréhensible et transparent.

Le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs conserve ses compétences après l’ajournement.

(1410)

Si le Sénat en décide ainsi, le comité pourrait utiliser la pause de l’été pour prendre connaissance des études approfondies et des travaux effectués par la Bibliothèque du Parlement et le Bureau du directeur parlementaire du budget, entre autres. Le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs envisagerait-il de créer un rapport sur la possibilité d’émettre plus de lignes directrices, puisque les renseignements à inclure dans les exigences relatives au rapport annuel du conseiller sénatorial en éthique relèvent entièrement de sa compétence?

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Je vous remercie de votre vote de confiance à l’égard du travail que je fais au Sénat.

En ce qui a trait au rapport, vous savez que le code prévoit un examen après cinq ans et que le comité a entrepris d’examiner le code ainsi que les codes d’autres assemblées législatives et d’autres pays qui pourraient être pertinents en matière d’éthique. Nous nous réunissons pour étudier ces questions depuis un certain temps déjà.

Pour une multitude de raisons que je n’énumérerai pas, ce travail nous a pris plus de temps que prévu. Cela dit, nous déposerons sous peu un rapport provisoire qui porte sur bon nombre de questions avec lesquelles les sénateurs seront ou sont déjà aux prises.

Je félicite les membres du comité de s’être attelés à la tâche avec sérieux. Nous avons concocté un rapport provisoire plutôt long. Malheureusement, pour bien des raisons, nous devons le faire approuver par les services juridiques. Vous savez que les légistes ont dû traiter un volume inhabituel d’amendements, alors nous avons dû reporter nos travaux.

Nous déposerons un rapport provisoire majeur qui portera sur les procédures et d’autres questions, telles que l’éducation du public et notre propre éducation.

Je crois que ce point sera abordé dans notre rapport. Le conseiller sénatorial en éthique s’efforce déjà de sensibiliser le public, et nous étudions aussi la formation qui pourrait être utile, y compris avant que nous devenions sénateurs, pour nous permettre de mieux comprendre nos obligations. Tout cela est abordé. Votre suggestion d’également inclure cela dans un rapport annuel est maintenant consignée au compte rendu et nous en discuterons au comité.

Le rapport sera déposé au Sénat avant la fin de notre mandat. Le comité peut déposer des rapports au Sénat pendant la pause, et ce, jusqu’à la prorogation ou au déclenchement des élections.

Les sénateurs peuvent s’attendre à un rapport provisoire très long et à un rapport final encore plus long, et j’espère que ces rapports seront instructifs et couvriront le point que vous avez soulevé. Nous avons l’intention de nous réunir pendant la pause.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 20 mars 2019 par l’honorable sénatrice Seidman, concernant la publicité des produits de vapotage.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 20 mars 2019 par l’honorable sénatrice Stewart Olsen, concernant le Nouveau-Brunswick et les projets d’infrastructure.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 21 mars 2019 par l’honorable sénatrice Bovey, concernant la politique en matière de droit d’auteur.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 4 avril 2019 par l’honorable sénateur Smith, concernant le processus de nomination des juges.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 9 avril 2019 par l’honorable sénateur McIntyre, concernant l’utilisation de drones dans la livraison aux prisons de drogues illicites ou de produits de contrebande (Service correctionnel du Canada).

Réponse à la question orale posée au Sénat le 9 avril 2019 par l’honorable sénateur McIntyre, concernant l’utilisation de drones dans la livraison aux prisons de drogues illicites ou de produits de contrebande (Transports Canada).

Réponse à la question orale posée au Sénat le 11 avril 2019 par l’honorable sénatrice Poirier, concernant le programme de langues officielles en enseignement.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 1er mai 2019 par l’honorable sénateur Carignan C.P., concernant l’aide accordée aux victimes d’inondations.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 2 mai 2019 par l’honorable sénateur Mockler, concernant le soutien apporté aux journaux régionaux.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 8 mai 2019 par l’honorable sénatrice Poirier, concernant la Gendarmerie royale du Canada et les cadets francophones.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 mai 2019 par l’honorable sénatrice Deacon (Ontario), concernant les fiducies au profit d’athlètes amateurs.

L’infrastructure et les collectivités

Le Nouveau-Brunswick—Les projets d’infrastructure

(Réponse à la question posée le 20 mars 2019 par l’honorable Carolyn Stewart Olsen)

En vertu du programme d’infrastructure Investir dans le Canada, le financement approuvé pour les projets demeure engagé en vertu de notre programmation jusqu’à la fermeture du programme. Si la province décide de ne pas aller de l’avant avec un projet, les fonds peuvent être réaffectés à d’autres projets au cours de la durée de vie de l’accord bilatéral signé entre la province et le gouvernement fédéral.

Dans le cas du financement pour les projets dont le financement fédéral a été fourni en vertu du Nouveau Fonds Chantiers Canada, tout montant des fonds non affectés sera versé directement aux municipalités par l’entremise du Fonds de la taxe sur l’essence, dans le cas où la province décide de ne pas aller de l’avant avec un projet déjà approuvé.

Dans le cas d’un projet annulé qui a déjà commencé et a reçu des fonds fédéraux, la province peut être tenue de rembourser le gouvernement fédéral pour sa part du projet annulé. Une contribution fédérale peut aussi être réduite en conséquence si la province décide de réduire un projet, mais de ne pas l’annuler complètement.

Nous travaillons étroitement avec nos partenaires provinciaux et territoriaux afin de veiller au respect de leurs priorités en infrastructure. Nous continuerons de collaborer avec la province du Nouveau-Brunswick afin de déterminer la voie à suivre pour mener à bien les projets auxquels Infrastructure Canada contribue.

La santé

La publicité des produits de vapotage

(Réponse à la question posée le 20 mars 2019 par l’honorable Judith G. Seidman)

Santé Canada

Santé Canada a mis en œuvre une série d’activités visant à faire respecter les dispositions de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage (LPTV), y compris la publicité de style de vie et la publicité attrayante pour les jeunes. Elle vérifiera la conformité lors des grands festivals et des événements sportifs et culturels, en mettant l’accent sur l’interdiction de la promotion de commandite. Récemment, Santé Canada a également annoncé une augmentation immédiate de la portée de ses activités de conformité et d’application de la loi et s’est engagé à inspecter, d’ici la fin décembre 2019, tous les établissements de spécialités de vape au Canada (environ 1 000) et 2 000 dépanneurs.

De plus, Santé Canada a publié un avis d’intention le 5 février 2019 dans lequel étaient décrits les projets de règles de publicité supplémentaires pour les produits de vapotage. Les règles proposées limiteraient le lieu d’affichage des annonces publicitaires afin de limiter leur visibilité auprès des jeunes. Ils limiteraient également le contenu des publicités, imposeraient des mises en garde sur les publicités autorisées et restreindraient la présentation des produits de vapotage dans les points de vente.

Santé Canada a également lancé une consultation publique le 11 avril 2019 sur d’autres mesures potentielles, y compris des réglementations limitant la nicotine, s’attaquant aux attributs des produits susceptibles d’attirer les jeunes, tels que les saveurs et les caractéristiques de conception, et imposer des restrictions supplémentaires aux ventes en ligne.

Le patrimoine canadien

La politique en matière de droits d’auteur

(Réponse à la question posée le 21 mars 2019 par l’honorable Patricia Bovey)

En vertu de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, le gouvernement du Canada a mis en place un éventail de mesures pour aider à assurer la préservation des objets les plus importants de notre patrimoine.

En 2017, le gouvernement a mené des consultations sur des propositions qui moderniseraient la législation, notamment en ce qui concerne le processus de l’exportation. L’exportation subséquente par le Musée des beaux-arts du Canada d’un tableau de Marc Chagall a soulevé de nouvelles questions qui pourraient être traitées dans le cadre de la modernisation de la loi à venir. Les modifications relatives à l’impôt qui ont été annoncées dans le budget de 2019 et qui seront adoptées par la Loi d’exécution du budget permettront aux institutions culturelles du Canada de continuer à acquérir des objets importants.

En mars 2018, le Parlement a lancé l’examen prévu par la loi de la Loi sur le droit d’auteur. Le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie et le Comité permanent du patrimoine canadien, qui ont terminé et déposé leurs rapports respectifs sur l’examen de la Loi sur le droit d’auteur et des modèles de rémunération des artistes et des industries créatives, ont dirigé cet examen.

Des groupes d’artistes en arts visuels ont indiqué aux comités qu’un droit de suite aurait une incidence positive sur leur moyen de subsistance. Le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie a recommandé que le gouvernement du Canada consulte les gouvernements provinciaux et territoriaux, les groupes autochtones et d’autres intervenants afin d’étudier les coûts et les avantages de la mise en œuvre d’un droit de suite d’un artiste national. Les recommandations des comités éclaireront les réflexions futures sur les possibles solutions législatives à diverses questions liées au droit d’auteur, comme le droit de suite.

La justice

Le processus de nomination des juges

(Réponse à la question posée le 4 avril 2019 par l’honorable Larry W. Smith)

Ministère de la Justice

Le ministre de la Justice et procureur général est convaincu que la fuite ne vient pas de son bureau et le premier ministre a déclaré que la fuite ne vient pas de son bureau. La publication de données personnelles issues du processus de nomination le plus récent des juges de la Cour suprême du Canada est très préoccupante. Les Canadiens devraient avoir pleinement confiance dans l’administration de la justice. Le processus de nomination à la Cour suprême est fondé sur le mérite et tient compte des meilleurs juristes du Canada pour la liste restreinte de candidats. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a confirmé qu’il enquêtait dans ce dossier.

La sécurité publique

L’utilisation de drones dans la livraison aux prisons de drogues illicites ou de produits de contrebande

(Réponse à la question posée le 9 avril 2019 par l’honorable Paul E. McIntyre)

Service correctionnel du Canada (SCC)

Le SCC s’emploie à veiller à ce que les établissements correctionnels fédéraux fournissent un environnement sûr et sécuritaire, qui favorise la réadaptation des détenus et assure la sécurité du personnel et la protection du public.

Prévenir l’introduction d’objets interdits et réduire la consommation de substances illicites par les délinquants dans les établissements correctionnels constituent l’une des priorités du SCC. Le SCC compte sur le professionnalisme et l’attention de son personnel de même que sur de l’équipement de détection, les pratiques de fouille et une variété de techniques approuvées pour prévenir l’introduction de drogues et d’objets interdits. Le SCC travaille également en collaboration étroite avec les services de police locaux et les collectivités pour empêcher l’introduction d’objets non autorisés dans les établissements.

Le SCC poursuit ses recherches et continue de mettre en place de nouvelles technologies dès qu’elles sont disponibles pour faciliter la détection des objets interdits, y compris les drones. Bien que le nombre de drones aperçus dans l’espace aérien situé au-dessus des établissements du Service correctionnel du Canada ait augmenté au cours des dernières années, rien à présent ne porte à croire que l’observation de drones ait une incidence perceptible sur la présence de drogues dans les établissements correctionnels.

Le SCC n’est pas en mesure de fournir de données particulières sur les drones puisqu’il n’y a aucune catégorie spécifique dans le système du SCC pour le suivi des livraisons par drone.

La sécurité publique

L’utilisation de drones dans la livraison aux prisons de drogues illicites ou de produits de contrebande

(Réponse à la question posée le 9 avril 2019 par l’honorable Paul E. McIntyre)

Transports Canada

Transports Canada (TC) est déterminé à mettre en œuvre le nouveau règlement sur les drones visant à améliorer la sécurité de l’aviation, à encourager les utilisateurs à être responsables et à réduire l’usage non sécuritaire et non conforme des systèmes d’aéronefs télépilotés. Selon les nouvelles règles, les pilotes devront exploiter leur drone de façon sécuritaire et passer des examens, immatriculer leur drone et obtenir des certificats de pilote. Tous les utilisateurs de drone ont la responsabilité de se conformer aux lois fédérales, provinciales et municipales, y compris au Code criminel. TC travaille également avec ses partenaires chargés de l’application de la loi pour s’assurer que les Canadiens respectent les exigences de la loi. Les nouvelles règles entreront en vigueur le 1er juin 2019.

Le ministère appuie également la recherche et le développement de ses partenaires du fédéral, notamment le Conseil national de recherches et de Recherche et développement pour la défense Canada, sur les essais et évaluations d’une variété de technologies de drone contre-mesures pour s’assurer qu’elles ne posent pas de risques à la sécurité de l’aviation et au public.

Les langues officielles

L’enseignement postsecondaire

(Réponse à la question posée le 11 avril 2019 par l’honorable Rose-May Poirier)

Le gouvernement du Canada poursuit activement son travail avec le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) afin de conclure un Protocole en éducation. De nombreuses rencontres ont eu lieu au cours de la dernière année et les discussions progressent.

Toutefois, en réponse à des demandes de nombreux intervenants, afin d’éviter toute incertitude et d’assurer une stabilité et une prévisibilité financières, nous avons prolongé le Protocole et les ententes existantes pour l’exercice de 2018-2019 et avons offert de prolonger également les ententes pour 2019-2020 avec la même contribution financière du gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada a donc renouvelé sa contribution financière de 235,5 millions de dollars par année aux provinces et territoires jusqu’en mars 2020.

De plus, dans le budget de 2019, le gouvernement a réservé des fonds supplémentaires pour accroître son appui en faveur de l’éducation dans la langue de la minorité. Ce financement est conditionnel à la conclusion d’un nouveau protocole et/ou de nouveaux accords bilatéraux qui incluraient des engagements des gouvernements provinciaux et territoriaux concernant les consultations avec leurs intervenants lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de leur plan d’action, et une meilleure reddition de comptes des investissements fédéraux.

La sécurité publique et la protection civile

L’aide accordée aux victimes d’inondations

(Réponse à la question posée le 1er mai 2019 par l’honorable Claude Carignan)

Sécurité publique Canada (SP)

Le gouvernement du Canada a pour priorité de veiller à ce que les Canadiennes et les Canadiens soient en sécurité et bénéficient d’un soutien en cas de catastrophe, comme les inondations. Pour y arriver, il travaille en étroite collaboration avec tous les ordres de gouvernement afin de coordonner les efforts d’intervention et de s’assurer que les collectivités disposent des ressources dont elles ont besoin.

En plus d’avoir déployé les Forces armées canadiennes pour prêter main-forte aux collectivités touchées par les inondations, le gouvernement fédéral s’est engagé à fournir rapidement une aide financière aux provinces touchées dans le cadre des Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC), si une telle aide s’avère nécessaire. Les provinces sont invitées à profiter des dispositions novatrices en matière de rétablissement des AAFCC pour financer la réinstallation dans des zones moins exposées aux catastrophes.

En outre, le 3 mai 2019, le gouvernement du Canada a annoncé une subvention de 2,5 millions de dollars à la Croix-Rouge canadienne à l’appui des efforts de rétablissement dans les collectivités touchées par les inondations. Cette somme s’ajoute aux engagements déjà pris dans le budget de 2019 de travailler avec tous les ordres de gouvernement et les partenaires de la sécurité civile, dont les municipalités ainsi que les leaders et les collectivités autochtones, pour faire en sorte que le Canada soit plus viable et plus résilient et qu’il soit mieux outillé pour se préparer aux catastrophes, y réagir et se rétablir.

Les langues officielles

Le soutien apporté aux journaux régionaux

(Réponse à la question posée le 2 mai 2019 par l’honorable Percy Mockler)

Pour qu’une démocratie fonctionne bien, il est essentiel d’avoir des médias d’information solides et indépendants.

Le gouvernement du Canada reconnaît le rôle crucial que le journalisme local joue dans des communautés d’un océan à l’autre, y compris dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. C’est pourquoi il réalise des investissements clés pour garantir que les Canadiens qui habitent dans des communautés mal desservies continuent d’avoir accès à une couverture médiatique informée et fiable.

Afin de s’assurer que les Canadiens continuent d’avoir accès à un journalisme informé et fiable, le gouvernement a annoncé dans le budget de 2019 les détails de trois nouvelles initiatives à l’appui du journalisme canadien, dont deux crédits d’impôt et une mesure fiscale pour encourager les dons de bienfaisance aux organismes journalistiques admissibles.

Pour préserver l’indépendance de la presse, un groupe indépendant sera mis en place afin de recommander les critères d’admissibilité à ces mesures. Le 22 mai 2019, le gouvernement a invité huit associations du secteur canadien du journalisme à soumettre le nom d’une personne pour participer aux travaux du groupe. L’une d’entre elles est l’Association de la presse francophone, qui représente la presse écrite et électronique francophone au Canada.

Ces mesures incluent également un montant de 50 millions de dollars sur cinq ans pour le journalisme local annoncé lors du budget de 2018.

Il est prévu que ces mesures profiteront aux médias de communautés de langue officielle en milieu minoritaire.

La sécurité publique

La Gendarmerie royale du Canada—Les cadets francophones

(Réponse à la question posée le 8 mai 2019 par l’honorable Rose-May Poirier)

Gendarmerie royale du Canada (GRC)

Le bilinguisme est un aspect fondamental de notre identité canadienne et notre gouvernement reconnaît ses responsabilités en ce qui concerne le respect des deux langues officielles du Canada.

La GRC ne compte actuellement aucun poste français essentiel pour ses membres réguliers. La GRC établit les exigences linguistiques des postes conformément à la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes du SCT. Malgré ce fait et afin d’optimiser les possibilités d’emploi des candidats francophones sans compromettre la sécurité du public, la GRC avait lancé en 2012 son programme de formation accélérée en anglais langue seconde (PFALS) post-Dépôt. Ce programme avait été élaboré pour répondre aux besoins spécifiques des nouveaux membres francophones afin de leur permettre d’acquérir les compétences linguistiques nécessaires pour travailler en toute sécurité dans leur seconde langue officielle.

À la suite d’une évaluation approfondie du PFALS où des lacunes importantes avaient été identifiées, la GRC a proposé de mettre à l’essai pour une période de deux ans une nouvelle approche consistant à offrir une formation en anglais aux cadets francophones avant le programme de formation des cadets (PFC), suivie d’un modèle de prestation amélioré des troupes francophones qui comprend des classes en français et en anglais.

La GRC n’élimine pas les troupes francophones, bien au contraire. Ce modèle de prestation amélioré formera chaque année trois troupes de cadets francophones, alors qu’auparavant, elle ne formait qu’une seule troupe francophone.

Le revenu national

Les fiducies au profit d’athlètes amateurs

(Réponse à la question posée le 28 mai 2019 par l’honorable Marty Deacon)

Le gouvernement, comme tous les Canadiens, reconnaît les efforts et les sacrifices que font les athlètes amateurs pour exceller dans leur sport. Le dévouement et la persévérance dont ils font preuve dans leurs efforts sont un exemple pour les autres, et leur succès, que ce soit sur la scène nationale ou internationale, nous rend tous fiers.

Le gouvernement du Canada est le plus important investisseur dans le système de sport amateur du Canada, fournissant plus de 200 millions de dollars par année pour appuyer le développement du sport, l’excellence sportive et l’accueil des Jeux du Canada et d’événements sportifs internationaux.

Le régime actuel des fiducies au profit d’un athlète amateur offre aux athlètes amateurs la souplesse nécessaire pour épargner leurs gains liés au sport en bénéficiant d’une aide fiscale et pour liquider leur fiducie au profit d’un athlète amateur après la fin de leur carrière sportive.

Le gouvernement examine continuellement le régime fiscal pour s’assurer qu’il est équitable et efficace et il examinera attentivement la suggestion de l’honorable sénateur dans ce contexte.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de certains amendements du Sénat, rejet d’un amendement du Sénat et amendements

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le mercredi 19 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat afin d’informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, la Chambre :

accepte les amendements 1, 2, 5, 7, 8, 9, 11, 12b), 13 et 14 apportés par le Sénat;

propose que l’amendement 3 soit remplacé par ce qui suit :

« 3. Article 239, pages 90 et 91 :

a)à la page 90, remplacer les lignes 2 et 3 par ce qui suit :

« d’un acte criminel passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus autre qu’une infraction mentionnée à l’article 469, le »;

b)à la page 90, remplacer les lignes 19 à 21 par ce qui suit :

« d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, qu’une infraction mentionnée à l’article 469 non passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus ou qu’une infraction à l’égard de la- »;

c)à la page 90, remplacer le passage commençant à la ligne 47, page 90, et se terminant à la ligne 1, page 91, par ce qui suit :

« tionnée à l’article 469 passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge de paix tient, sous réserve de l’article »;

d)à la page 91, remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge de paix inscrit »; »;

propose que l’amendement 4 soit remplacé par ce qui suit :

« 4.Article 240, pages 92 et 93 :

a)à la page 92, remplacer les lignes 10 et 11 par ce qui suit :

« juge de paix d’un acte criminel passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, autre qu’une infraction mentionnée à »;

b)à la page 92, remplacer les lignes 26 à 28 par ce qui suit :

« nel passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, qu’une infraction mentionnée à l’article 469 non passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus ou qu’une infraction men- »;

c)à la page 92, remplacer les lignes 43 et 44 par ce qui suit :

« tionnée à l’article 469 passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge ou le juge de paix tient, sous réserve de »;

d)à la page 93, remplacer la ligne 21 par ce qui suit :

« 469 passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge de »; »;

propose, par suite des amendements 3 et 4 du Sénat, l’ajout de l’amendement suivant :

« 1.Article 238, page 89 : remplacer la ligne 34 par ce qui suit :

« sible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus est devant un »; »;

propose que l’amendement 6 soit remplacé par ce qui suit :

« 6.Nouvel article 292.1, page 123 : ajouter, après la ligne 4, ce qui suit :

« 292.1 La même loi est modifiée, par adjonction, après l’article 718.03, de ce qui suit :

718.04 Le tribunal qui impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne vulnérable en raison de sa situation personnelle, notamment en raison du fait qu’elle est une personne autochtone de sexe féminin, accorde une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion de l’agissement à l’origine de l’infraction. »; »;

rejette respectueusement l’amendement 10 fait par le Sénat parce que le projet de loi fournit déjà de la flexibilité aux provinces et territoires en ce qui a trait aux représentants tout en reconnaissant la diversité régionale dans la façon dont la représentation légale est réglementée au Canada, et parce qu’ajouter l’amendement 10 pourrait avoir des conséquences négatives inattendues pour les provinces et territoires; le gouvernement continue de travailler avec les provinces et les territoires afin de soutenir une mise en œuvre efficace de ces réformes;

propose que la version anglaise de l’amendement 12a) soit modifiée en remplaçant les mots « apply in Bill C-45 » avec les mots « apply if Bill C-45 ».

ATTESTÉ

Le Greffier de la Chambre des communes

Charles Robert

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

[Traduction]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de certains amendements du Sénat, rejet de certains amendements du Sénat et amendements

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le jeudi 20 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, la Chambre :

accepte les amendements 1, 4a) et 5b) apportés par le Sénat;

propose que l’amendement 2 soit modifié en remplaçant le texte par ce qui suit :

« c.1) il envisage des solutions de rechange à la mise sous garde dans un pénitencier, notamment celles prévues aux articles 29 et 81;

c.2) il assure la prestation efficace des programmes offerts aux délinquants, notamment les programmes correctionnels et les programmes d’éducation, de formation professionnelle et de bénévolat, en vue d’améliorer l’accès aux solutions de rechange à la mise sous garde dans un pénitencier et de promouvoir la réadaptation; »;

propose que l’amendement 3 soit modifié en remplaçant le texte par ce qui suit :

« (2.01) Afin que le plan puisse être élaboré d’une manière qui tient compte des besoins, le cas échéant, d’un délinquant en matière de santé mentale, le directeur du pénitencier renvoie le dossier du délinquant, dès que possible après la date à laquelle celui-ci est admis au pénitencier et au plus tard le trentième jour après cette date, au secteur du Service chargé de la gestion des soins de santé pour que soit effectuée une évaluation de la santé mentale du délinquant. »;

propose que l’amendement 4b)(i) soit remplacé par l’amendement suivant :

« 1. Article 10, page 7 : remplacer les lignes 25 à 28 par ce qui suit :

« (2) À cet égard, le Service veille notamment :

a) à ce que le dossier du détenu soit renvoyé, dans les vingt-quatre heures de son transfèrement dans une unité d’intervention structurée, au secteur du Service chargé de la gestion des soins de santé pour que soit effectuée une évaluation de la santé mentale du détenu;

b) à ce que le détenu reçoive au moins une fois par jour la visite d’un professionnel de la santé agréé employé par le Service ou dont les services ont été retenus par celui-ci. »; »;

rejette respectueusement l’amendement 4b)(ii) parce qu’il pourrait ne pas soutenir l’autonomie professionnelle des professionnels de la santé agréés et leur indépendance clinique et ne tient pas compte de la volonté du détenu d’être transféré à un hôpital ou de la capacité de l’hôpital de soigner le détenu;

rejette respectueusement l’amendement 5a) parce qu’il entraînerait un alourdissement considérable de la charge de travail des cours supérieures provinciales, et parce que des évaluations supplémentaires et des consultations avec les provinces seraient nécessaires afin de déterminer les conséquences probables aux niveaux fédéral et provincial, sur le plan législatif, opérationnel et financier, y compris des amendements à la Loi sur les juges et à des lois provinciales et la nomination de juges supplémentaires;

propose que l’amendement 6 soit remplacé par ce qui suit :

« 6. Article 14, page 16 :

a)remplacer la ligne 7 par ce qui suit :

« 48 (1) Sous réserve du paragraphe (2), l’agent peut, sans soupçon précis, procéder à la »;

b)ajouter, après la ligne 13, ce qui suit :

« (2) Il est procédé à une fouille par balayage corporel du détenu plutôt qu’à une fouille à nu si la fouille par balayage corporel est autorisée en application de l’article 48.1 et qu’un détecteur à balayage corporel réglementaire fonctionnant correctement est situé dans le secteur du pénitencier où la fouille à nu devrait être faite. »; »;

propose que l’amendement 7a) soit modifié en remplaçant le texte de la version française par ce qui suit :

« c) l’identité et la culture autochtones du délinquant, notamment son passé familial et son historique d’adoption. »;

propose que l’amendement 7b) soit remplacé par ce qui suit :

« b) remplacer les lignes 31 et 32 par ce qui suit :

« l’évaluation du risque que représente un délinquant autochtone, sauf dans les cas où ces éléments pourraient abaisser le niveau de risque. »; »;

rejette respectueusement l’amendement 8 parce que l’extension du concept des pavillons de ressourcement conçus expressément pour les services correctionnels destinés aux autochtones à d’autres groupes non précisés est un changement de politique majeur qui ne devrait être envisagé qu’après des études et des consultations considérables, et parce qu’il entraverait la participation du Service correctionnel du Canada, qui est responsable de la prise en charge et de la garde des détenus en vertu de l’article 5 de la loi, à la décision de transférer un détenu à un pavillon de ressourcement;

rejette respectueusement l’amendement 9 parce que l’extension du concept de la mise en liberté dans une collectivité conçu expressément pour les services correctionnels destinés aux autochtones à d’autres groupes non précisés est un changement de politique majeur qui ne devrait être envisagé qu’après des études et des consultations considérables;

rejette respectueusement l’amendement 10 parce que le fait de permettre le raccourcissement de la peine d’un détenu en raison de la conduite du personnel correctionnel, notamment en vue d’autres remèdes existants, est un changement de politique majeur qui ne devrait être envisagé qu’après des études et des consultations considérables, y compris avec des partenaires provinciaux, des représentants de victimes, des groupes d’intervenants et d’autres participants au système de justice pénale;

rejette respectueusement l’amendement 11 parce que cinq ans est une période appropriée pour permettre une évaluation robuste et significative des nouvelles dispositions suite à la mise en œuvre complète de celles-ci.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

[Français]

Projet de loi sur les langues autochtones

Message des Communes—Adoption de certains amendements du Sénat, rejet de certains amendements du Sénat et amendement

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le mercredi 19 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, la Chambre :

accepte les amendements 4a), 7a), 9, 11a), 12, 13 et 14 apportés par le Sénat;

rejette respectueusement l’amendement 1, car le projet de loi C-91 prévoit des règlements et des accords qui tiennent compte de situations et de besoins particuliers;

rejette respectueusement l’amendement 2, car le projet de loi C-91 s’applique déjà à des organismes tels que des centres d’amitié et d’autres organismes communautaires; en outre, le fait de mettre en évidence des types d’organismes en particulier peut prêter à confusion et indiquer que ces types d’organismes seraient favorisés par rapport à d’autres, ce qui n’est pas l’intention du terme défini;

rejette respectueusement l’amendement 3, car le Bureau et le commissaire aux langues autochtones ne sont ni des mandataires de l’État ni des institutions fédérales et ne devraient donc pas être assujettis aux engagements du gouvernement du Canada;

rejette respectueusement les amendements 4b)(i) et 6, car ils sont incompatibles avec les principes constitutionnels qui régissent l’affectation des fonds publics;

rejette respectueusement l’amendement 5, car cet amendement va à l’encontre de ce que le gouvernement a entendu lors de sa mobilisation auprès des praticiens et des experts en langues autochtones, et des universitaires, des aînés, des jeunes et des membres des communautés qui ont été très réticents à définir des droits de manière précise, ce qui pourrait être perçu comme limitant leur portée;

rejette respectueusement les amendements 4b)(ii), 7b) et 8, car ces amendements sont contraires à l’objectif du projet de loi C-91 à cet égard, qui vise à faciliter la coopération avec les gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones, les organismes autochtones et les gouvernements provinciaux et territoriaux, tout en respectant les compétences et les pouvoirs des partenaires en vue d’atteindre les objectifs de la loi proposée;

rejette respectueusement l’amendement 10, car l’amendement 9 traite déjà de ce sujet;

propose que l’amendement 11b) soit modifié, dans la version française, par remplacement des mots « l’exercice de son mandat » par les mots « l’accomplissement de sa mission »;

rejette respectueusement l’amendement 15, car la loi proposée prévoit déjà des mécanismes visant un examen des dispositions et de l’application de la loi, ce qui comprend toute mesure faisant état, de manière égale, de toutes les langues autochtones.

ATTESTÉ

Le Greffier de la Chambre des communes

Charles Robert

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

Projet de loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis

Message des Communes—Adoption de certains amendements du Sénat, rejet de certains amendements du Sénat et amendement

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le mercredi 19 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, la Chambre :

accepte les amendements 1a), 4 et 5 apportés par le Sénat;

propose que l’amendement 6 soit remplacé par ce qui suit :

« 6.Nouvel article 15.1, page 9 : Ajouter, après la ligne 16, ce qui suit :

« 15.1 Dans le cadre de la fourniture de services à l’enfance et à la famille à l’égard d’un enfant autochtone, sauf si sa prise en charge immédiate est compatible avec son intérêt, avant que l’enfant qui réside avec un parent — mère ou père — ou avec un autre membre de sa famille qui est un adulte ne puisse être pris en charge, le responsable de la fourniture des services est tenu de démontrer que des efforts raisonnables ont été faits pour que l’enfant continue de résider avec celui-ci. »; »;

rejette respectueusement les amendements 1b), 2, 3, 7, 8, 9 et 10, car ils sont en contradiction avec les principaux objectifs du projet de loi, qui sont d’affirmer les droits et la compétence des peuples autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille et d’énoncer des principes applicables, à l’échelle nationale, à la fourniture de tels services à l’égard des enfants autochtones.

ATTESTÉ

Le Greffier de la Chambre des communes

Charles Robert

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

(1420)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-102, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-101, suivie de l’étude des messages de la Chambre des communes sur les projets de loi C-91, C-92, C-75, C-48, C-83 et C-69, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-97, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Français]

Projet de loi de crédits no 2 pour 2019-2020

Troisième lecture

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-102, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2020, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai oublié de mentionner une chose très importante lors de mon discours hier. Ce ne sont pas tous les comités qui ont un comité de direction composé de deux vice-présidents, mais c’est le cas du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Hier, j’ai oublié de remercier le sénateur Pratte, vice-président du comité, pour le travail qu’il a accompli pendant la 42e législature.

[Traduction]

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je n’ai pas grand-chose à ajouter. Je remercie la sénatrice Bellemare de ses commentaires. Je ne voudrais pas laisser passer cette occasion de dire quelques mots. Comme nous avons quelques nouveaux sénateurs, j’ai pensé expliquer brièvement le lien entre le projet de loi de crédits et le budget des dépenses.

Honorables sénateurs — ceci s’adresse aux nouveaux sénateurs et je vois le sénateur Day là-bas qui sourit — nous faisons référence à...

Le sénateur Plett : Il n’est pas très nouveau.

La sénatrice Marshall : Je vous ai remplacé, sénateur Day.

Honorables sénateurs, nous appelons le projet de loi C-102 le projet de loi de crédits, car il accorde au gouvernement les crédits requis pour qu’il puisse fonctionner. Il s’agit du deuxième projet de loi de crédits pour l’exercice financier en cours.

Le premier projet de loi de crédits a été adopté par le Sénat le 22 mars. Il a fourni les fonds nécessaires pour les trois premiers mois de l’exercice financier. Je l’appelle toujours le projet de loi des crédits provisoires. Le 30 juin, dans quelques jours seulement, le premier projet de loi de crédits expirera, et de nombreux programmes ne disposeront plus des fonds qui leur sont nécessaires pour fonctionner. Ce projet de loi de crédits, le projet de loi C-102, doit recevoir la sanction royale d’ici le 30 juin, sinon, le gouvernement ne pourra pas fonctionner.

Pour compliquer les choses, des sommes ont déjà été fournies par d’autres lois. En effet, des 302 milliards de dollars dont le gouvernement a besoin pour fonctionner cette année, 176 milliards de dollars ont déjà été approuvés par d’autres lois, mais les 126 milliards de dollars qui restent doivent être approuvés par les deux Chambres et recevoir la sanction royale avant la fin du mois.

L’Allocation canadienne pour enfants, par exemple, n’est pas comprise dans ce projet de loi parce que les paiements ont déjà été approuvés par l’intermédiaire de la Loi de l’impôt sur le revenu. Nous les qualifions donc de paiements législatifs. Pensons également aux prestations de la Sécurité de la vieillesse, qui sont versées aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Il semble qu’on accorde beaucoup d’attention au budget des dépenses, mais il y a un lien entre le budget des dépenses et le projet de loi de crédits parce que le projet de loi de crédits repose sur le budget des dépenses. On peut en effet, à partir du document budgétaire, suivre les montants en dollars jusqu’au projet de loi de crédits. C’est ce que nous faisons au Comité des finances.

Au Comité des finances, nous étudions les prévisions budgétaires dans le détail, puis nous faisons le rapprochement entre les montants en dollars figurant dans les prévisions budgétaires et dans le projet de loi de crédits. Nous avons eu cinq réunions avec 17 organismes fédéraux à propos du budget des dépenses pour ce projet de loi de crédits.

Il est très important de rapprocher les chiffres figurant dans le budget des dépenses et dans le projet de loi de crédits — je me tourne vers le sénateur Day — parce qu’une année, le sénateur Day, qui est l’ancien président du Comité des finances, a découvert un problème dans le projet de loi de crédits. Nous lui en savons gré.

Ce projet de loi doit être adopté avant l’ajournement. Il retient très peu l’attention, mais il est extrêmement important. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Le Tarif des douanes
La Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Frances Lankin propose que le projet de loi C-101, Loi modifiant le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour vous faire part de mon point de vue en tant que marraine du projet de loi C-101 au Sénat. Bien qu’elle soit courte, cette mesure a d’importantes répercussions sur la sécurité d’emploi des travailleurs, les intérêts commerciaux du Canada et l’ordre commercial international fondé sur des règles. Face aux enjeux qui se présentent dans le contexte international actuel, il faut évaluer les risques et établir un certain équilibre.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous demander si le projet de loi C-101 établit cet équilibre. Personnellement, j’estime que oui. Le projet de loi C-101 propose simplement un changement mineur et temporaire aux règles concernant l’utilisation de mesures de sauvegarde mondiales. S’il est établi qu’une augmentation des importations cause ou risque de causer un préjudice sérieux aux producteurs nationaux, un train de mesures commerciales, autorisées aux termes des règles de l’Organisation mondiale du commerce et de la loi canadienne, pourra être mis en place; c’est ce que l’on appelle des mesures de sauvegarde.

Autrement dit, il s’agit d’un système fondé sur des règles qui encadre l’imposition de droits de douane ou de quotas pour gérer une situation d’extrême volatilité.

Aux termes de la loi canadienne, ces mesures peuvent être appliquées par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre des Finances, à la suite d’une enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur ou, dans des circonstances critiques, en fonction d’un rapport du ministre des Finances immédiatement renvoyé à ce tribunal à des fins d’enquête. Ce processus est défini dans un document appelé le Tarif des douanes. Le projet de loi C-101 modifie un seul élément des dispositions en la matière.

Pour l’heure, le paragraphe 55(5) du Tarif des douanes interdit le rétablissement de mesures de sauvegarde sur les projets qui ont déjà été visés par de telles mesures au cours des deux années précédentes, mais le projet de loi C-101 le fait disparaître. Autrement dit, le projet de loi permettra au gouvernement d’assujettir de nouveau certains produits à des mesures de sauvegarde avant la fin de la période de deux ans qui s’applique actuellement.

Le projet de loi comporte aussi une disposition de caducité. Deux ans après l’entrée en vigueur du projet de loi, le Tarif des douanes reprendra sa forme actuelle.

Depuis 10 ans, honorables sénateurs, nous assistons à une résurgence des mouvements populistes et du protectionnisme. L’année 2016 et l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis ont d’ailleurs marqué un tournant. Le Canada a par exemple été obligé de renégocier l’ALENA en 2017. Peu de temps après, les États-Unis ont imposé des droits de douane sur l’acier et l’aluminium en déclarant en mai 2018 que, pour des raisons de « sécurité nationale », toutes les importations américaines tombaient sous le coup de l’article 232 de la Trade Expansion Act of 1962.

Le Canada a répliqué. Le gouvernement a en effet imposé des surtaxes sur une longue liste de produits américains, dont l’acier et l’aluminium. Il a également instauré un certain nombre de mesures de sauvegarde provisoires afin d’éviter que l’acier américain, ne trouvant plus preneur sur le marché américain, n’envahisse soudainement le marché canadien.

Le 30 septembre 2018, nous avons conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. Le 17 mai 2019, nous nous sommes entendus avec les États-Unis pour lever nos droits de douane respectifs.

Cela signifie-t-il que la crise a été évitée? Ne sautons pas trop vite aux conclusions. Que nous ayons évité une crise avec nos voisins du Sud ne change rien au fait que les États-Unis continuent d’imposer des barrières à presque tous les grands pays producteurs d’acier. Où ira cet acier? Étant donné la suppression d’un certain nombre de nos mesures de sauvegarde, comment allons-nous nous protéger contre les afflux d’acier étranger au Canada? Pouvons-nous nous permettre d’attendre deux ans pour rétablir les sauvegardes abolies? Les aciéries qui exercent leurs activités au Canada craignent que, sans mesure de sauvegarde provisoire, les producteurs étrangers tentent encore plus de leur voler des clients.

(1430)

Bref, il est absolument essentiel d’agir pour protéger l’industrie de l’acier d’une augmentation soudaine des importations d’acier étranger. Voilà pourquoi le projet de loi C-101 est nécessaire. Le gouvernement veut avoir la possibilité, au besoin, en période d’instabilité comme celle que nous vivons, d’imposer de nouveau des droits de douane sur ces importations supplémentaires subites afin de protéger les emplois au Canada et de conserver de bonnes relations avec les États-Unis.

Je souligne qu’une des conditions de l’entente qui a été conclue avec les États-Unis pour lever les droits de douane est que le Canada veille à ce qu’il n’y ait pas de transbordements d’acier vers le marché américain. En gros, le Canada doit éviter que d’autres pays puissent se servir de lui pour exporter aux États-Unis en évitant les droits de douane et les surtaxes imposés par le gouvernement américain.

Les ministres du Commerce international du G20 se sont réunis les 8 et 9 juin dans le cadre du Forum mondial du G20 sur la capacité excédentaire de production de l’acier. Un sommet des dirigeants du G20 aura lieu un peu plus tard ce mois-ci, et la question y sera de nouveau abordée. Le Comité de l’acier de l’OCDE tiendra une réunion en septembre et le Comité des sauvegardes de l’OMC en tiendra une en novembre. Le Canada a eu ou aura l’occasion à chacune de ces réunions de faire connaître ses intentions, de dissiper les inquiétudes et de confirmer son engagement à revenir à des relations plus stables. D’une manière ou d’une autre, il reste encore beaucoup de risques que l’on agisse ou non.

Plus près de chez nous, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique n’a pas encore été adopté dans les assemblées législatives de nos voisins. En termes techniques, l’imposition de droits de douane aux termes de l’article 232 n’est pas officiellement considérée comme une mesure de protection. Cet article permet donc aux États-Unis d’imposer de nouveau des droits de douane s’ils ne sont pas satisfaits de nos efforts en ce qui concerne le transbordement d’acier.

Il faut aussi tenir compte des tensions à l’échelle du pays. Les emplois dans l’industrie sidérurgique sont concentrés en Ontario, au Québec, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Par ailleurs, la Colombie-Britannique a plutôt l’habitude d’importer de l’acier. Les entreprises des secteurs de la construction et de l’énergie, ainsi que les autres utilisateurs en aval ont besoin d’acier moins coûteux, qu’ils peuvent se procurer auprès d’exportateurs asiatiques, par exemple.

Nous le savons déjà. Toute mesure protectionniste crée des gagnants et des perdants. Dans le cadre de l’étude du projet de loi C-101, en tant que sénateurs, nous devons maintenant tenir compte du fait que le système de commerce international est actuellement désordonné et déséquilibré et qu’il baigne dans la confusion.

Chers collègues, c’est évidemment une situation malheureuse. Toutefois, nous nous trouvons déjà dans cette situation malheureuse, que nous le voulions ou non.

Le Canada appuie ardemment l’ordre international fondé sur des règles. L’adoption de telles mesures n’est pas dans nos habitudes et elle s’inscrit dans le mouvement actuel voulant que la communauté internationale s’éloigne collectivement du régime commercial tranquille et bien réglementé du passé. Toutefois, quels sont nos choix à l’heure actuelle?

Je crois que les intérêts, l’industrie et les travailleurs canadiens doivent être protégés et que le gouvernement doit disposer de tous les outils dont il a besoin, un point, c’est tout.

Comme la sénatrice Eaton l’a indiqué au comité, ce projet de loi est une mesure de précaution et de prévention et un outil nécessaire pour donner au gouvernement la souplesse d’agir si l’industrie sidérurgique lui démontre qu’une intervention est nécessaire.

Il ne fait aucun doute que les temps changent. Et pour pouvoir affronter les changements, on a déjà établi des plans à long terme auxquels d’autres plans viendront s’ajouter. Ces plans dépassent la portée du projet de loi.

Honorables sénateurs, je demeure optimiste. Nous devons garder espoir, et c’est pourquoi la disposition de caducité prévue dans le projet de loi C-101 est fondamentale. Elle est importante dans le cadre de cette mesure législative et elle l’est aussi pour préserver l’approche canadienne mesurée. Elle reflète le caractère exceptionnel de la situation. Elle témoigne du désir sincère — de l’engagement en fait et en droit — de revenir à une période de stabilité dans un avenir proche.

Chers sénateurs, on nous demande d’examiner des questions complexes, et ce, j’en conviens, en bien peu de temps. Il y a des risques d’une manière ou d’une autre. Je crois que, quels que soient l’orientation et les risques que prendra le pays, il serait raisonnable qu’il se dote des outils dont il a besoin pour donner aux Canadiens les meilleures chances possible.

J’ai été relativement brève aujourd’hui. Si vous souhaitez en savoir davantage, je vous recommande de prendre connaissance de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, qui est plus détaillé et que j’ai envoyé à tout le monde ce matin. C’est un discours que je conserve dans mes dossiers et que je considère comme le meilleur que j’ai eu l’occasion de prononcer.

J’aimerais offrir mes remerciements à nos collègues du Comité des finances, à son président, le sénateur Percy Mockler, de même qu’à la greffière, aux analystes et aux fonctionnaires du ministère des Finances et d’Affaires mondiales Canada.

Je vous remercie de votre temps, honorables sénateurs.

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour répondre à la sénatrice Lankin.

La présentation, le 5 juin dernier, dans l’autre endroit, du projet de loi C-101, dans l’espoir que les deux Chambres l’étudient en deux semaines est une autre preuve que le gouvernement navigue à vue quand il s’agit du commerce international et des affaires internationales en général. Le projet de loi C-101 est certes bref, mais son sujet est complexe et sa portée, importante. Or, le Comité des finances nationales n’a eu qu’une heure à consacrer à l’étude préalable avec comme seuls témoins des fonctionnaires qui n’ont pas pu — ou qui n’ont pas voulu — répondre à nombre de nos questions.

Je tiens à remercier la sénatrice Lankin pour le leadership dont elle a fait preuve dans ce dossier. Ses explications étaient quelquefois meilleures que celles des témoins. Elle a su parfaitement bien expliquer le projet de loi et les difficultés qui découlent de la capacité excédentaire de production dans le monde, pour l’industrie canadienne de l’acier.

Le projet de loi C-101 permet au Canada de réimposer des mesures de sauvegarde, sous forme de quotas d’importation et de surtaxes, si les importations d’acier étranger causent de graves préjudices aux producteurs canadiens.

Aux termes du droit canadien et des règles de l’Organisation mondiale du commerce, ces mesures de sauvegarde expirent 200 jours après leur entrée en vigueur et ne peuvent être réappliquées avant deux ans. Le projet de loi permet au Canada de se soustraire à cette période d’attente de deux ans.

Cette façon de procéder n’est pas une mesure antidumping. Les mesures de sauvegarde autorisées en vertu de ce projet de loi s’appliqueraient aux produits vendus à juste prix, en cas de hausse soudaine des importations.

L’automne dernier, le gouvernement canadien a appliqué des mesures de sauvegarde qui visent les importations de sept catégories de produits d’acier. Le Tribunal canadien du commerce extérieur a jugé que, pour cinq catégories sur sept, les mesures n’étaient pas justifiées, donc elles ont donc été levées en avril.

Si le projet de loi C-101 est adopté et qu’il reçoit la sanction royale, le gouvernement peut, en vertu de la loi canadienne, rétablir immédiatement les mesures de sauvegarde s’il le souhaite. Les fonctionnaires qui ont comparu devant le comité ont fait valoir que le projet de loi C-101 est totalement conforme à nos obligations envers l’Organisation mondiale du commerce.

En principe, cette réponse est correcte, mais elle est très trompeuse. Voici ce que John Layton, d’Affaires mondiales Canada, a répondu concernant l’éventualité que le gouvernement ait recours à la loi et qu’il rétablisse les mesures de sauvegarde d’ici deux ans :

[L]’Organisation mondiale du commerce chercherait à savoir si la mesure canadienne nous permet de respecter nos obligations.

En d’autres termes, la loi ne pose aucun problème à l’Organisation mondiale du commerce pourvu que nous ne l’appliquions pas.

Dans un article publié sur son site Web, le cabinet d’avocats Borden Ladner Gervais décrit la situation ainsi :

Malgré son engagement déclaré à l’égard d’un système commercial fondé sur des règles qu’appuie l’Organisation mondiale du commerce, le gouvernement a implicitement reconnu que les modifications visent à lui permettre d’enfreindre ces règles.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation? La réponse facile : c’est à cause du président Trump et de ses droits de douane sur l’acier et l’aluminium. Ces droits de douane ont été levés pour le Canada et le Mexique, mais ils demeurent en place pour le reste du monde. On craint que l’acier bon marché en provenance de l’Asie et de l’Europe de l’Est n’inonde le marché canadien.

Cependant, depuis l’époque de l’administration Obama, les États-Unis craignent que de l’acier chinois entre dans leur pays après avoir transité par le Canada. Le Canada n’a pas pris ces craintes au sérieux dans le passé et les enjeux sont devenus beaucoup plus importants depuis que l’administration Trump a imposé des droits de douane sur l’acier et l’aluminium canadiens.

Le gouvernement nie explicitement l’existence d’un lien quelconque entre le projet de loi C-101 et l’accord conclu entre le Canada et les États-Unis le mois dernier qui a mené à la levée des droits de douane américains. Je trouve difficile de prendre cela au sérieux.

On lit ceci dans la déclaration conjointe du Canada et des États-Unis sur la levée des droits de douane :

Les États-Unis et le Canada mettront en œuvre des mesures efficaces pour: [...]

b. Prévenir le transbordement d’aluminium et [d’acier fabriqués] ailleurs qu’au Canada ou aux États-Unis vers l’autre pays. Le Canada et les États-Unis se consulteront au sujet de ces mesures.

Le gouvernement veut la souplesse que le projet de loi lui fournira pour traiter les importations en provenance de l’Asie dans le but précis d’éviter une hausse marquée des exportations d’acier bon marché du Canada aux États-Unis, ce qui entraînerait une nouvelle série de droits de douane.

Soit dit en passant, l’accord permet aux États-Unis de réimposer des droits de douane au Canada s’il y a une recrudescence marquée des importations, mais limite les représailles que le Canada peut exercer. Il n’est pas difficile de voir qui est sorti vainqueur des négociations.

L’industrie sidérurgique appuie avec enthousiasme le projet de loi C-101 parce que les mesures de sauvegarde pour l’acier étranger améliorent sa propre position concurrentielle. Il ne faut toutefois pas oublier que certaines régions du pays dépendent de l’importation de certains types d’acier. Par exemple, en Colombie-Britannique, 40 p. 100 des barres d’armature utilisées dans la construction de bâtiments proviennent de l’étranger.

(1440)

On craint une augmentation des coûts liés aux projets dans le secteur de l’énergie, à Terre-Neuve comme en Alberta, si de nouvelles mesures de sauvegarde sont imposées.

Toutefois, les fonctionnaires ne nous ont fourni aucune garantie que le gouvernement allait réfléchir aux répercussions régionales dans le cas où de nouvelles mesures de sauvegarde seraient imposées.

J’ai posé la question, mais les fonctionnaires n’étaient pas en mesure de nous préciser la proportion des importations d’acier au Canada. Je suis convaincue que nous avons le droit d’obtenir la réponse à des questions aussi fondamentales.

Honorables sénateurs, je sais que la majorité d’entre nous va voter en faveur de ce projet de loi, et qu’il sera adopté. Néanmoins, personne ne devrait se réjouir, car nous avons été traités comme des personnes sans importance durant ce processus législatif. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose que le projet de loi C-101, Loi modifiant le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi sur les langues autochtones

Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption de l’amendement des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones :

Le mercredi 19 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, la Chambre :

accepte les amendements 4a), 7a), 9, 11a), 12, 13 et 14 apportés par le Sénat;

rejette respectueusement l’amendement 1, car le projet de loi C-91 prévoit des règlements et des accords qui tiennent compte de situations et de besoins particuliers;

rejette respectueusement l’amendement 2, car le projet de loi C-91 s’applique déjà à des organismes tels que des centres d’amitié et d’autres organismes communautaires; en outre, le fait de mettre en évidence des types d’organismes en particulier peut prêter à confusion et indiquer que ces types d’organismes seraient favorisés par rapport à d’autres, ce qui n’est pas l’intention du terme défini;

rejette respectueusement l’amendement 3, car le Bureau et le commissaire aux langues autochtones ne sont ni des mandataires de l’État ni des institutions fédérales et ne devraient donc pas être assujettis aux engagements du gouvernement du Canada;

rejette respectueusement les amendements 4b)(i) et 6, car ils sont incompatibles avec les principes constitutionnels qui régissent l’affectation des fonds publics;

rejette respectueusement l’amendement 5, car cet amendement va à l’encontre de ce que le gouvernement a entendu lors de sa mobilisation auprès des praticiens et des experts en langues autochtones, et des universitaires, des aînés, des jeunes et des membres des communautés qui ont été très réticents à définir des droits de manière précise, ce qui pourrait être perçu comme limitant leur portée;

rejette respectueusement les amendements 4b)(ii), 7b) et 8, car ces amendements sont contraires à l’objectif du projet de loi C-91 à cet égard, qui vise à faciliter la coopération avec les gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones, les organismes autochtones et les gouvernements provinciaux et territoriaux, tout en respectant les compétences et les pouvoirs des partenaires en vue d’atteindre les objectifs de la loi proposée;

rejette respectueusement l’amendement 10, car l’amendement 9 traite déjà de ce sujet;

propose que l’amendement 11b) soit modifié, dans la version française, par remplacement des mots « l’exercice de son mandat » par les mots « l’accomplissement de sa mission »;

rejette respectueusement l’amendement 15, car la loi proposée prévoit déjà des mécanismes visant un examen des dispositions et de l’application de la loi, ce qui comprend toute mesure faisant état, de manière égale, de toutes les langues autochtones.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que, relativement au projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, le Sénat :

a)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 11b);

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message de l’autre endroit sur le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones.

Au nom du gouvernement, je veux remercier le sénateur Sinclair d’avoir parrainé le projet de loi. Merci également aux autres membres du Comité sénatorial des peuples autochtones de leur travail sur cet important projet de loi.

Grâce au projet de loi C-91, les communautés et les groupes jouiront d’une certaine souplesse qui leur permettra d’utiliser le financement versé selon leurs propres priorités linguistiques. En fait, le préambule du projet de loi C-91 montre que le Canada reconnaît :

qu’une approche flexible permettant de reconnaître la situation et les besoins propres aux groupes, collectivités et peuples autochtones est essentielle pour tenir compte de la mosaïque des identités et cultures autochtones et de l’histoire de chaque peuple autochtone;

En ce qui concerne le message de l’autre endroit, je signale que le gouvernement a accepté cinq amendements proposés par le Sénat, en a rejeté respectueusement onze et en a modifié un en français.

Il convient de souligner qu’un amendement proposé par le sénateur Patterson a pour effet que la loi permettrait la conclusion d’accords avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones pour la prestation, dans une langue autochtone, de programmes et de services liés à « l’éducation, la santé et l’administration de la justice ».

Le gouvernement est d’accord avec cet amendement et est ouvert à négocier avec des partenaires intéressés des ententes de collaboration visant à appuyer l’utilisation de langues autochtones dans des domaines relevant des compétences provinciales ou territoriales.

J’aimerais attirer l’attention sur un amendement proposé par le sénateur Sinclair que le gouvernement a accepté. Cet amendement donnerait accès aux services fédéraux en langues autochtones là où il y a les ressources nécessaires et une demande suffisante.

Le gouvernement croit que c’est une transition importante dans la façon dont le gouvernement pourrait dispenser les programmes et services, et il envisage d’élaborer conjointement des règlements et des accords définissant, entre autres, d’importantes notions, dont la capacité et la demande.

En gros, le gouvernement a choisi de refuser respectueusement les amendements du Sénat qui renforceraient les engagements financiers dans le cadre législatif. Bien qu’il respecte entièrement l’esprit des amendements, le gouvernement croit, après avoir consulté plusieurs gouvernements autochtones, que le libellé précédent du projet de loi C-91 oblige le gouvernement à fournir du financement sans empiéter sur les pouvoirs du Parlement.

Le gouvernement a aussi respectueusement rejeté les amendements du Sénat visant à supprimer la mention « provinces et territoires » dans certaines dispositions du projet de loi. Le point de vue du gouvernement est que ce n’est pas le but de la mesure législative, et que le cadre constitutionnel garantit la protection des droits et des champs de compétence des gouvernements autochtones et aussi la division des pouvoirs entre les provinces et les territoires.

En outre, selon le gouvernement, la mesure législative devrait encourager un dialogue coopératif sur les langues autochtones dans le respect de toutes les administrations touchées.

Le gouvernement a également choisi de rejeter respectueusement les amendements du Sénat qui visaient à modifier la section des définitions du projet de loi. Le gouvernement estime que, sous leur forme actuelle, les dispositions sont suffisamment larges pour englober les organismes appropriés et que le fait d’indiquer des types d’organismes en particulier peut créer une certaine confusion quant à savoir si la définition doit s’appliquer à d’autres types d’organismes.

Le gouvernement a l’intention de travailler avec les peuples autochtones et de collaborer avec tous les organismes qui s’intéressent à cette question.

Le projet de loi C-91 est important. Il recèle le potentiel immense d’inverser la perte tragique des langues autochtones qui a eu lieu au cours des décennies précédentes. Il réaffirme l’engagement du gouvernement envers la réconciliation tout en veillant à ce que les langues autochtones soient renforcées et appréciées. Toutes les langues autochtones du Canada pourront bénéficier de cette loi une fois qu’elle sera adoptée. Je remercie tous les sénateurs de leur travail dans ce dossier, notamment notre collègue, le sénateur Joyal, qui a défendu ce dossier en présentant des projets de loi d’intérêt public du Sénat pendant de nombreuses années. Voilà un exemple du travail tenace et discret d’un sénateur qui a contribué à monter le dossier, à susciter le débat et, en fin de compte, à préparer le terrain pour un changement de politique majeur dans la société canadienne.

Sur ce, j’aimerais conclure en citant brièvement les observations que le sénateur Sinclair a faites plus tôt dans la législature, au sujet du projet de loi S-212, parrainé par le sénateur Joyal. Ces observations soulignent l’importance philosophique de la langue en tant que reflet d’une culture, d’une identité et d’une façon de voir le monde. Il faudrait en tenir compte dans le cadre du projet de loi C-91 et de nos réflexions sur les langues officielles du Canada. Il est important de célébrer et de préserver les langues maternelles de nombreux groupes de notre société diversifiée et inclusive.

Le sénateur Sinclair a dit ceci :

« Qui êtes-vous? » Je ne demande pas cela pour la forme. Je vous invite à réfléchir à la question fondamentale de votre identité et de votre caractère. Pour pouvoir répondre à cette question, vous devez savoir d’où vos ancêtres et vous venez. Vous devez aussi connaître vos valeurs, votre histoire personnelle et collective, vos influences, vos ambitions et votre but dans la vie [...]

La langue et la culture sont des éléments clés de l’identité personnelle. L’identité personnelle est essentielle à la confiance en soi, tandis que le bien-être spirituel et mental dépend de l’estime de soi d’une personne.

Honorables sénateurs, à ceux qui tiennent pour acquis que leur langue maternelle, quelle qu’elle soit, sera préservée et continuera d’exister, je dirai que nous devrions nous mettre à la place de nos concitoyens qui n’ont pas cette assurance. Nous devrions tenter de comprendre l’angoisse profonde que des gens peuvent ressentir lorsque leur vision conceptuelle et ancestrale du monde risque de s’éteindre avec la disparition de leur langue.

Par conséquent, honorables sénateurs, l’adoption du projet de loi C-91 est une étape cruciale pour nous aider à corriger une injustice historique et à promouvoir la réconciliation. Je vous exhorte à appuyer cette motion.

L’honorable Murray Sinclair : On dirait bien que le sénateur Harder a déjà prononcé mon discours. Merci beaucoup, mais je n’ai rien à ajouter.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Chose certaine, le sénateur Harder n’a pas prononcé mon discours.

Je suis heureux d’intervenir aujourd’hui, à titre de porte-parole, pour parler du message que nous avons reçu sur le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones.

À l’étape de la troisième lecture de ce projet de loi, j’ai remercié les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones d’avoir travaillé dans un esprit de collégialité pour adopter à l’unanimité les amendements qui amélioraient grandement le projet de loi, en plus de prouver aux intervenants qui avaient témoigné ou soumis des mémoires que le Sénat les avait écoutés.

(1450)

Nos amendements portaient sur de grandes préoccupations qui avaient été soulevées au comité. À la conclusion de l’étude préalable, notre rapport sur le projet de loi C-91 a informé le Sénat et l’autre endroit de ces préoccupations. Voici ce qu’on peut lire dans l’introduction du rapport :

La vitalité des langues autochtones varie d’une région à l’autre du pays, mais aucune n’est hors de danger. Le comité reconnaît que, étant donné la situation critique dans laquelle se trouvent les langues autochtones, il faut d’urgence les revitaliser, les protéger et les promouvoir pour que les jeunes Autochtones des générations futures puissent apprendre leur propre(s) langue(s) autochtone(s). En outre, l’Aînée algonquine Claudette Commanda, directrice exécutive de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières Nations, a dit que le fait de revitaliser les langues autochtones pouvait avoir des retombées positives sur la santé des communautés des Premières Nations et sur l’estime de soi des jeunes des Premières Nations.

Je suis convaincu que l’ensemble des membres du comité étaient conscients de toute l’importance de leur travail sur ce projet de loi historique.

Le rapport indique ensuite les principaux aspects du projet de loi que nous pourrions améliorer. Le financement est l’un d’entre eux. Voici ce que dit le rapport :

En l’absence de clarté quant au financement, les témoins ont énuméré les conditions qui, selon eux, doivent être réunies pour que l’argent versé contribue réellement à la revitalisation des langues. Il faut que le financement soit permanent et versé à long terme, et qu’il reflète la diversité des peuples et des langues autochtones, et notamment la réalité des Autochtones vivant hors des réserves ou dans les centres urbains. Comme l’a fait observer l’Association des femmes autochtones du Canada, le « financement doit être conforme au principe de Jordan afin d’assurer qu’il n’y a pas de conflits de compétence. Comme le principe de Jordan garantit que les enfants autochtones reçoivent les services publics essentiels, peu importe où ils vivent, les langues autochtones doivent être considérées comme un service essentiel ». Selon des témoins, l’argent doit de plus être donné non pas aux organisations politiques nationales, mais aux peuples autochtones qui travaillent à la revitalisation de leurs langues.

Étant donné le flou qui persiste autour du « financement adéquat et stable » mentionné dans le projet de loi, le comité a décidé à l’unanimité — il m’apparaît essentiel de rappeler constamment cette unanimité — d’adopter des lignes directrices afin que la distribution du financement soit équitable et conforme à l’objectif du projet de loi. Selon ces lignes directrices, « le financement adéquat et stable est établi en fonction de la conciliation des facteurs que sont le nombre de locuteurs d’une langue autochtone dans une région, la spécificité de ce groupe linguistique et l’objectif de réappropriation, de revitalisation, de maintien ou de renforcement, de façon équitable, de toutes les langues autochtones du Canada ».

Honorables sénateurs, nous avons élaboré cet amendement après mûre réflexion et avec beaucoup de soin. Il est regrettable que le gouvernement n’ait pas été d’accord avec l’objectif du Sénat de préciser davantage cette importante question. Il est tout aussi regrettable — surtout pour moi, en tant que sénateur du Nunavut — que le gouvernement ait choisi de ne pas prêter foi aux préoccupations légitimes des Inuits.

Le rapport du comité démontre clairement que :

Malgré qu’ils aient participé à l’élaboration conjointe du texte, les Inuits, en particulier, ont reproché au projet de loi de ne pas être fondé sur des distinctions, de ne pas refléter les priorités des Inuits et de ne pas tenir compte de la réalité particulière de l’inuktut en tant que langue parlée par un grand nombre d’Inuits sur leurs territoires.

Les dirigeants inuits ont présenté une annexe au comité qui était appuyée par des témoins comme le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed; la présidente de la Nunavut Tunngavik Incorporated, Aluki Kotierk; et le ministre de l’Éducation, le ministre de la Culture et du Patrimoine, le ministre responsable de l’Arctic College et le ministre des Langues du Nunavut, l’honorable David Joanasie.

Cette annexe proposait des moyens réfléchis de répondre aux préoccupations légitimes des Inuits concernant la préservation, la protection et la promotion de l’inuktut. J’ai eu le plaisir et le grand honneur de présenter des amendements qui répondaient aux préoccupations concernant la prestation de services dans une langue autochtone, aux côtés de la sénatrice McPhedran, qui a présenté un amendement visant à reconnaître le statut unique de l’inuktut dans l’Inuit Nunangat dans le préambule.

Je vous en remercie, sénatrice McPhedran.

De plus, la sénatrice Coyle a demandé un examen de la prestation des services au Nunavut à la suite du témoignage d’Helen Klengenberg, commissaire des langues officielles du Nunavut, lors duquel cette dernière a affirmé :

[Le gouvernement du Canada] doit se conformer à la Loi sur la protection de la langue inuite [...]

Elle a également souligné que, au moment de la création du Nunavut, le gouvernement du Canada avait signé une déclaration qui promettait aux Inuits qu’ils pourraient mener leurs affaires gouvernementales en inuktitut.

Même si tous ces amendements ont été adoptés par l’ensemble du comité, seul mon amendement concernant la possibilité pour le ministre de collaborer avec les provinces et territoires « aux fins notamment de la fourniture, dans une langue autochtone, de programmes et de services en ce qui a trait [et j’ajouterais « sans s’y limiter »] à l’éducation, la santé et l’administration de la justice » a été accepté.

Il est particulièrement décourageant d’apprendre que le gouvernement a rejeté ces amendements, malgré le fait que notre rapport indiquait clairement ceci :

Le comité est d’avis que le projet de loi C-91 doit mieux répondre aux besoins et aux priorités des Inuits. Autrement, le titre du projet de loi est trompeur et devrait être modifié.

Chers collègues, le projet de loi C-91 fait partie d’une série de mesures législatives clés qui mériteraient d’être étudiées plus en détail et d’être améliorées. Or, leur présentation en fin de législature nous a menés où nous en sommes aujourd’hui; nous avons un projet de loi qui ne répond pas adéquatement aux préoccupations concernant une des langues les plus parlées au Canada. Ce projet de loi ne rassure pas les leaders inuits quant à la possibilité qu’il soutienne et consolide l’utilisation de l’inuktitut.

À titre de sénateur représentant le Nunavut, je désire insister sur ces amendements. J’estime qu’il est de notre devoir, en tant que parlementaires nommés au Sénat pour représenter les régions, d’insister sur ces amendements.

Toutefois, je sais qu’il y a peu d’appétit pour un tel combat à quelques heures de l’ajournement de l’autre endroit, et je sais qu’insister maintenant compromettrait l’adoption du projet de loi. Je suis conscient de l’énorme pas en avant que représente ce projet de loi pour la protection de certaines langues autochtones au Canada. Comme ils le disent clairement depuis le début, les Inuits ne souhaitent pas nuire aux Premières Nations et aux Métis.

Par conséquent, avec grande réticence et en étant pleinement conscient de la déception que les dirigeants inuits ressentiront certainement, eux qui me pressent de défendre leur cause jusqu’au bout, je ne proposerai pas que le Sénat insiste sur ses amendements.

Honorables collègues, je dirais que ce fut un parcours intense et tortueux. Toutefois, je souligne, en terminant, que j’ai bon espoir que le Comité des peuples autochtones — et je regarde sa respectée présidente, la sénatrice Dyck — honorera la promesse suivante, qu’il a faite à la fin de son rapport concernant ce projet de loi :

[...] si le projet de loi est adopté par les deux Chambres du Parlement et reçoit la sanction royale, le comité en suivra la mise en œuvre et surveillera les progrès accomplis pour ce qui est de répondre aux inquiétudes soulevées par les témoins.

En dernier lieu, je félicite mon estimé collègue de longue date sur la scène publique, le sénateur Joyal, qui a réalisé de grandes choses lorsqu’il était secrétaire d’État. Le projet de loi qu’il a présenté dans cette enceinte a incité le gouvernement à aller de l’avant dans ce dossier, même si nous savions qu’il n’aurait pas autant de poids qu’une mesure financière émanant de l’autre endroit.

(1500)

Honorables sénateurs, je vous remercie. Qujannamiik. Koana. Taima.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Patterson, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Oui.

L’honorable David Richards : Je vous remercie, sénateur. Je souscris sans réserve à ce projet de loi qui vise à aider les Premières Nations à apprendre, à étudier, à écrire et à créer dans leurs propres langues. J’ai toujours été en faveur d’une telle mesure. Cependant, la tâche est colossale, et je m’interroge sur sa faisabilité. Où va-t-on trouver les enseignants et les gens qui peuvent s’atteler à cette tâche? Je me pose cette question chaque fois que je pense à ce projet.

La semaine dernière, j’ai reçu la visite d’un jeune ami mi’kmaq. Il est venu au Sénat. Il travaille pour le magazine The Walrus . J’ai été son mentor lorsqu’il était étudiant à St. Thomas. Aujourd’hui, il travaille pour les meilleurs magazines du pays. Malheureusement, il ne parle pas la langue de ses ancêtres. Il a 28 ans et il dit que sa mère connaissait un peu le mi’kmaq, mais qu’elle ne le parlait pas couramment.

J’aimerais qu’un membre du Comité des peuples autochtones réponde à cette question. La tâche semble vraiment colossale. Comment va-t-on s’y prendre?

Le sénateur Patterson : Je suis content que cette question soit posée, et par un des plus grands écrivains du Canada par-dessus le marché.

Les membres du comité étaient déchirés, pour tout vous dire. De nombreuses voix nous disaient qu’il faut commencer quelque part et que le Canada ne peut pas se permettre de ne pas faire ce premier pas, mais de nombreuses autres considéraient aussi ce premier pas comme beaucoup trop timide.

Si je ne m’abuse, le dernier budget allouait environ 337 millions de dollars au commissaire aux langues autochtones pour l’année en cours et 115 millions pour les années suivantes. Ce sera loin d’être suffisant pour s’acquitter de sa tâche.

La question était donc de savoir si nous devions refuser de faire ce premier pas ou chercher à en modifier la portée. Nous avons choisi la deuxième option. Nous avons donc essayé de resserrer le projet de loi. Nous avons essayé d’en améliorer les principes de financement afin que celui-ci corresponde à l’ampleur de la tâche, que vous venez vous-même de souligner, sénateur Richards. Le compromis auquel nous sommes arrivés était toutefois décevant, car si nous avions convenu de faire malgré tout ce premier pas, nos amendements seront quelque peu dilués une fois que nous aurons adopté le message à l’étude. C’est la triste réalité : nos amendements perdront de leur force. Cela dit, j’estime que l’attention que nous avons accordée à ce projet de loi et à tout ce dossier devrait nous rappeler que nous devrons être plus vigilants à l’avenir quant au sort qui est réservé à nos travaux.

L’avantage du Sénat, c’est que, si Dieu le veut, il demeurera le même après les élections. Nous pourrons donc suivre l’affaire de près et continuer à presser le Canada de respecter le plus important de tous les droits fondamentaux des peuples autochtones, celui de parler leur langue. C’est le seul des points positifs que j’ai fait valoir jusqu’ici, car on reconnaît expressément que les droits des Autochtones...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé, honorable sénateur.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots. J’ai été inspirée par la question qu’a posée le sénateur Richards. Comme le sénateur Patterson l’a dit à titre de porte-parole pour le projet de loi, le comité a mené la plupart de ses études de manière très collégiale et respectueuse. C’est certes ce qu’il a fait dans ce cas-ci.

L’un des sujets abordés au comité, qui est soulevé dans le rapport, est précisément l’objet de la question du sénateur, à savoir qui va enseigner ces langues?

Comme nous le savons, c’est souvent des enseignants certifiés qui s’acquittent de cette tâche. Nous avons exhorté le gouvernement à accepter que des personnes parlant couramment ces langues puissent aussi l’enseigner. Certaines de ces personnes sont en mesure de transmettre ces langues, mais elles ne détiennent pas nécessairement un diplôme ou un baccalauréat en éducation.

Les locuteurs et les aînés sont ceux qui transmettront ces langues. À Saskatoon, par exemple, le centre culturel autochtone de la Saskatchewan possède des enregistrements d’aînés parlant dans leur langue. Des ressources sont offertes dans ces organismes communautaires.

On a beaucoup dit au comité qu’il était nécessaire de faire appel aux aînés, d’utiliser les ressources disponibles dans les communautés, et de ne pas compter seulement sur les universités et les enseignants qui s’appuient sur leur savoir théorique.

Je suis heureuse que le gouvernement ait accepté un certain nombre de nos amendements. Puisque je n’en ai pas la liste complète devant moi, je ne peux pas faire une analyse détaillée. Nous avons un bon projet de loi à mon avis. D’après ce que nous avons entendu, les gens étaient très contents d’avoir ce projet de loi, même sans les amendements, parce que, comme l’a dit le sénateur Patterson, on reconnaît le droit d’apprendre dans sa propre langue, ce qui représente un grand pas en avant.

C’est un petit pas dans la bonne direction, mais il compte beaucoup. Je ne dirais pas que les amendements ont été dilués. Je dirais que c’est un bon projet de loi. C’est un bon point de départ. Je conclurai en disant que notre comité a toujours été efficace en matière de suivi. Nous avons fait un suivi en ce qui concerne le projet de loi S-3. Nous en avons également fait un du projet de loi C-45. C’est un exercice que nous devons continuer de faire. Je suis persuadée que les membres de ce comité vont suivre les progrès de ce projet de loi sur les langues autochtones.

Je sais que des membres de la communauté vont continuer de nous écrire pour nous demander ce qui se passe et nous demander d’intervenir et de continuer de réclamer que ce projet de loi soit amélioré et d’engager le prochain gouvernement à prendre d’autres mesures.

Des voix : Bravo!

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, c’est un jour important. J’irais même jusqu’à dire que c’est un jour historique.

Quand j’étais enfant, ma mère chantait sans cesse alors qu’elle était enceinte de mon petit frère. Un jour, je lui ai demandé : « Pourquoi chantes-tu tout le temps? » Elle m’a répondu : « Je parle à ton futur frère. »

J’ai gardé à l’esprit le fait que la première langue qu’on entend détermine notre vie. J’ai pensé que c’était important lorsque je me suis aperçu que, dans ma rue, les enfants ne parlaient qu’anglais. Je voulais jouer avec eux puisque j’étais le seul enfant canadien-français dans le voisinage.

Je pensais que, en apprenant leur langue, je pourrais tisser des liens avec les autres et sortir de mon isolement en tant qu’enfant. Je suis allé à l’école en pensant que, lorsqu’on a la possibilité d’apprendre d’autres langues, on découvre un autre monde. Je vais vous parler en anglais, car je souhaite vous montrer que, lorsqu’on apprend une autre langue, on s’ouvre aux autres.

(1510)

L’histoire des Canadiens français nous apprend qu’à son arrivée au Canada, Champlain a été accueilli par les Algonquins et les Hurons. Il a appris leur langue parce qu’il voulait nouer des liens avec eux. Il a voulu s’installer, construire une maison et rester dans le pays. Et c’est ce qu’il a fait. Il est mort à Québec 30 ans plus tard. Il a pris racine dans le pays. Pourquoi? Parce qu’il a pu nouer des liens avec les peuples autochtones. Voilà ce que j’ai appris lorsque j’étais enfant.

J’ai aussi appris que, au fil des ans, les nouveaux colons n’avaient plus besoin de l’appui des peuples autochtones avec lesquels ils s’étaient battus pour repousser l’ennemi en 1775 et, de nouveau, en 1812, pour repousser les Américains. Lorsqu’ils sont devenus une grande société dynamique et qu’ils ont dépassé en nombre les peuples autochtones, ils ont pu leur imposer leur langue, les obligeant à renoncer à la leur, à oublier leur passé, leurs racines et les berceuses que leur chantait leur mère.

Je luttais comme un Indien. En fouillant dans mes papiers, j’ai retrouvé des photos de moi habillé en Indien, à l’âge de six ou sept ans. À l’époque, j’aimais Rintintin, le Lone Ranger, Zorro et Roy Rogers. Parmi les enfants, il fallait décider qui d’entre nous serait l’Indien et qui serait le cow-boy. Je voulais toujours être l’Indien parce que j’aimais être nu…

Le sénateur Mercer : C’est trop d’information.

Le sénateur Joyal : ... me maquiller et ainsi de suite. Bref, je voulais m’habiller comme l’autre et devenir l’autre. Toutefois, je ne pouvais pas devenir l’autre parce que je regardais la télévision pour tenter d’apprendre quelques mots, pour ressembler au Dernier des Mohicans — pour parler comme lui. Je tentais de l’imiter.

Bien sûr, cette histoire semble un peu ridicule quand je vous la raconte. Cependant, je me suis rendu compte que ce serait la bonne chose à faire si, un jour, j’avais l’occasion de faire quelque chose de concret pour que ces personnes puissent se réapproprier leur identité au lieu que ce soit moi qui essaie de me l’approprier.

Quand j’ai eu le privilège de présider le rapatriement de la Constitution, avec l’aide du sénateur Patterson et d’autres Inuits, nous avons eu l’occasion d’y inclure une disposition pour reconnaître cette nécessité. Toutefois, vous comprendrez que, il y a 40 ans, c’était comme parler dans le vide. Personne n’envisageait ou ne comprenait ce que nous comptions faire un jour.

Nous avons inscrit l’article 22 dans la Charte des droits et libertés, qui indique ceci :

Les articles 16 à 20 n’ont pas pour effet de porter atteinte aux droits et privilèges, antérieurs ou postérieurs à l’entrée en vigueur de la présente charte et découlant de la loi ou de la coutume, des langues autres que le français ou l’anglais.

Honorables sénateurs, je vous le dis, quand nous avons inscrit cette disposition dans la Charte, je pensais aux langues autochtones.

Lorsque je suis devenu secrétaire d’État des années plus tard, j’ai rencontré le sénateur Patterson. Je leur ai offert, à lui et à Clément Chartier, chef du peuple métis, de nous asseoir ensemble et de faire quelque chose pour soutenir les peuples autochtones et les aider à se définir eux-mêmes, même si, comme le sénateur Richards l’a dit, il y avait beaucoup de chemin à faire.

Nous sommes sur la voie de la réconciliation et essayons de reconstruire la relation après 150 ans d’assimilation, directement ou indirectement. Cela n’allait pas se faire du jour au lendemain. Nous ne pouvons pas le faire aussi rapidement. C’est impossible. Il suffit de penser au temps qu’il faut à une personne pour modifier ses habitudes. Lorsque, comme pays, nous essayons de renverser le cours de l’assimilation, cela ne peut se faire du jour au lendemain.

Nous nous efforcerons tous individuellement de faire quelque chose, mais nous nous sommes assis ensemble et nous avons trouvé un moyen de le faire.

Je suis heureux de voir que des sénateurs ont présenté un amendement qui permettait au gouvernement de signer des accords avec différentes nations et avec le gouvernement du Nunavut, de dire oui à l’aspiration du peuple inuit, qui veut recommencer à parler fièrement sa langue.

C’est pour cette raison, honorables sénateurs, qu’en 2006, les sénateurs Charlie Watt et Willie Adams et moi-même avons lancé l’idée de laisser les Inuits parler leur langue dans cette enceinte. Même si nous n’allions le faire que quelques fois, c’était par principe. Oui, c’est faisable quand on le veut. Vous connaissez la politique : vouloir, c’est pouvoir.

Honorable sénateur, cette journée passera à l’histoire.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Joyal : Je souhaite remercier le sénateur Harder, le sénateur Sinclair et la sénatrice Dyck, car le travail que nous effectuons aujourd’hui aura à jamais une incidence sur l’avenir du Canada. Notre pays écrit un nouveau chapitre de son histoire, honorables sénateurs.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

La sénatrice Dupuis a la parole.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : J’aimerais profiter de cette occasion pour rappeler qu’il y a des Premières Nations, un peu partout au Canada, mais plus particulièrement au Québec, dont le français est la langue seconde. Je rappelle également que l’anglais est la langue de l’administration du gouvernement fédéral et que, pendant des années, on a refusé à ces mêmes Premières Nations d’instruire leurs enfants dans leur langue maternelle, que ce soit l’attikamek, l’innu ou une autre langue. Pourtant, malgré l’adversité qu’elles ont dû affronter pendant des décennies, ces Premières Nations ont persisté à parler leur langue, ont continué de tenter d’imposer que l’instruction de leurs enfants se fasse dans leur langue et ont réussi, malgré l’absence de moyens, malgré l’absence de reconnaissance, à bâtir des programmes d’études qui font que, même si ces langues demeurent très menacées, elles sont malgré tout vivantes dans leurs communautés.

Je voudrais terminer en citant les propos d’une Autochtone de l’Amazonie péruvienne, une des très rares personnes à parler encore le chamicuro et qui, au tournant de l’an 2000, avait été interviewée parce que le chamicuro est une langue autochtone en péril et qu’il n’est plus utilisé que par les Anciens. Elle avait dit quelque chose qui m’avait frappée. Comme la langue maternelle de ces Autochtones était le chamicuro et leur langue seconde était l’espagnol, elle disait, et je la cite : « Il y a des choses qu’on ne peut pas exprimer en espagnol. » Je pense que ces propos sont très instructifs.

Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Harder propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, que, relativement au projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, le Sénat...

Des voix : Suffit!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1520)

[Traduction]

Projet de loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis

Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption de l’amendement des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis :

Le mercredi 19 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, la Chambre :

accepte les amendements 1a), 4 et 5 apportés par le Sénat;

propose que l’amendement 6 soit remplacé par ce qui suit :

« 6.Nouvel article 15.1, page 9 : Ajouter, après la ligne 16, ce qui suit :

« 15.1 Dans le cadre de la fourniture de services à l’enfance et à la famille à l’égard d’un enfant autochtone, sauf si sa prise en charge immédiate est compatible avec son intérêt, avant que l’enfant qui réside avec un parent — mère ou père — ou avec un autre membre de sa famille qui est un adulte ne puisse être pris en charge, le responsable de la fourniture des services est tenu de démontrer que des efforts raisonnables ont été faits pour que l’enfant continue de résider avec celui-ci. »; »;

rejette respectueusement les amendements 1b), 2, 3, 7, 8, 9 et 10, car ils sont en contradiction avec les principaux objectifs du projet de loi, qui sont d’affirmer les droits et la compétence des peuples autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille et d’énoncer des principes applicables, à l’échelle nationale, à la fourniture de tels services à l’égard des enfants autochtones.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que, relativement au projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, le Sénat :

a)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 6;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Au nom du gouvernement, je voudrais tout d’abord remercier la sénatrice LaBoucane-Benson pour son excellent travail et son enthousiasme à titre de marraine du projet de loi.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Harder : Je remercie le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones du travail qu’il a accompli au cours des derniers mois pour examiner et améliorer cette mesure législative.

Au moyen du projet de loi C-92, le gouvernement cherche à apporter des améliorations essentielles aux systèmes de services à l’enfance et à la famille qui touchent les enfants et les jeunes autochtones tout en réaffirmant et en respectant les droits et la compétence des Autochtones.

En ce qui concerne le message reçu de l’autre endroit, le gouvernement a accepté quatre amendements. Il en a accepté deux sans y apporter aucun changement, il a apporté une modification à un amendement et il en a accepté un en partie.

Premièrement, le gouvernement a accepté un amendement du Sénat qui renforce le principe du projet de loi énoncé dans le préambule en répétant le libellé ailleurs dans le projet de loi. Plus précisément, cet amendement confirme le fait que le droit des nations autochtones à l’autonomie gouvernementale n’est pas conféré par la loi, mais qu’il est inhérent en fonction des droits fondamentaux des peuples autochtones. Cette compétence inhérente comprend la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille.

Deuxièmement, le gouvernement a accepté un amendement du Sénat qui change « favorisent souvent le bien-être de l’enfant » par « favorisent souvent l’intérêt de l’enfant ». Il s’agit d’un terme utilisé de façon plus uniforme dans l’ensemble de la mesure législative et qui reflète le mieux le principe selon lequel l’intérêt de l’enfant doit primer.

Troisièmement, le gouvernement a modifié un amendement du Sénat concernant la prestation de soins préventifs pour soutenir la famille d’un enfant avant que celui-ci ne puisse être retiré de sa famille. Le gouvernement a proposé un libellé qui respecte le principe de l’amendement du Sénat, mais qui est moins prescriptif, puisqu’il exige de démontrer que des efforts raisonnables ont été faits pour que l’enfant continue de résider avec sa famille.

Quatrièmement, le gouvernement a accepté une partie d’un amendement du Sénat au préambule. L’amendement avait été proposé parce que les parents n’étaient pas mentionnés dans le préambule, même s’ils l’étaient dans le reste du projet de loi. Il visait donc à remédier à cet oubli tout en maintenant la cohérence du cadre législatif global proposé dans le projet de loi C-92.

Le gouvernement a décidé de respectueusement refuser certains des amendements du Sénat.

Par exemple, le gouvernement a respectueusement refusé un amendement qui aurait accordé la préséance aux lois du Nunavut en cas de divergence ou d’incompatibilité entre les dispositions de la nouvelle loi et celles de toute loi du Nunavut relative aux services à l’enfance et à la famille, car l’amendement proposé aurait pu créer un conflit entre les lois autochtones et les lois territoriales.

Le gouvernement a respectueusement rejeté l’amendement du Sénat qui proposait de constituer un comité consultatif. À l’entrée en vigueur de la loi, on discutera avec les partenaires autochtones, les provinces et les territoires pour déterminer si un tel comité consultatif est nécessaire et, le cas échéant, quel rôle il devrait jouer. Ces discussions auront lieu après la création de structures de gouvernance provisoires fondées sur les particularités des peuples autochtones, qui pourront faire des recommandations sur la mise en œuvre du projet de loi.

Le gouvernement a aussi respectueusement rejeté un amendement du Sénat qui portait sur l’examen du financement. Encore une fois, le gouvernement est d’avis qu’il faut consulter davantage les groupes autochtones, les provinces et les territoires afin d’évaluer les besoins financiers des communautés et de déterminer les méthodes de financement appropriées. Les exigences varieront d’une communauté à l’autre en fonction du modèle de services à l’enfance et à la famille qu’elles choisiront, sans oublier les besoins et les priorités qui leur sont propres.

De plus, les exigences en matière de rapports de ce genre peuvent être ajoutées par l’entremise des structures de gouvernance provisoires ou des ententes de coordination. Il sera également possible d’examiner le financement au moyen des rapports prévus dans le projet de loi.

Honorables sénateurs, en conclusion, le projet de loi C-92 est une étape cruciale dans la réforme du régime des services à l’enfance et à la famille afin que les Premières Nations, les Inuits et les Métis puissent décider eux-mêmes de la meilleure voie à suivre pour leurs enfants et leurs familles. Le projet de loi C-92 soutient le principe de l’intérêt de l’enfant tout en affirmant la compétence autochtone.

Je remercie encore une fois les honorables sénateurs de leur examen minutieux du projet de loi. Je propose que nous approuvions le message de l’autre endroit pour appliquer ce changement législatif important et attendu depuis longtemps.

Des voix : Bravo!

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’interviens moi aussi au sujet du message que nous avons reçu à propos du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. À titre de porte-parole pour ce projet de loi, il est de mon devoir d’exprimer mes préoccupations.

Je suis découragé de devoir, une fois de plus, prendre la parole au Sénat pour dire combien je suis déçu que le gouvernement ait rejeté des amendements réfléchis qui avaient, encore une fois, été adoptés à l’unanimité par le comité et par le Sénat.

Nous pourrions, grâce à ce projet de loi, réduire le nombre d’enfants et de jeunes Autochtones pris en charge par les services sociaux, un enjeu très important. Nous avons aussi l’occasion de donner aux organismes de gouvernance autochtones le pouvoir de décider eux-mêmes comment aborder les enjeux liés aux services à l’enfance et à la famille. Ce projet de loi pourrait non seulement permettre de réduire le nombre d’enfants pris en charge, mais aussi faire en sorte que moins d’enfants soient retirés de leur famille et qu’on ne place plus d’enfants autochtones dans des familles non autochtones, puisqu’ils perdent alors les liens qui les unissent à leur famille, à leur culture et à leur communauté. Nous pourrions affecter des fonds à la prévention et aux services d’aide communautaires.

Je crains fortement, toutefois, que nous rations ces occasions une fois de plus, puisque le gouvernement a refusé des amendements réfléchis qui auraient amélioré considérablement le projet de loi. Ces amendements auraient apporté clarté, certitude, réconfort, transparence et reddition de comptes, comme nous le savons après avoir :

[...] entendu plus de 30 témoins et reçu de nombreux mémoires détaillés sur le projet de loi C-92 [...]

Ce témoignage est tiré du rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

J’estime qu’il est important de noter qu’à la fin de l’étude préliminaire du comité, les auteurs du rapport ont fait le constat suivant :

De nombreux témoins ont signalé que, même s’ils appuient fermement l’idée d’un projet de loi qui reconnaît et affirme les droits inhérents des peuples autochtones et leur compétence en matière de services à l’enfance et à la famille, le projet de loi C-92 comporte d’importantes lacunes, dont l’absence d’un renvoi à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ailleurs que dans le préambule et l’absence de principes de financement, entre autres problèmes présentés ci-dessous. Votre comité prend acte des préoccupations soulevées par les témoins. Il tient également compte du témoignage des organisations et des particuliers autochtones qui s’opposent au projet de loi qui, selon eux, compromet les ententes et les processus qui sont déjà en place ou en voie de l’être, car le projet de loi, dans sa forme actuelle, limite leur capacité à exercer pleinement leur compétence.

Chers collègues, ce ne sont pas là de petits problèmes.

Après un examen très attentif, les amendements qui ont été proposés et acceptés répondaient à bon nombre de ces préoccupations.

(1530)

Je tiens aussi à signaler que bon nombre des amendements que j’ai choisi de présenter avaient été initialement présentés à la Chambre des communes par l’ancienne ministre des Services aux Autochtones, l’honorable Jane Philpott. Comme je l’ai dit dans cette enceinte lors de l’étape de la troisième lecture, il y a un an j’ai eu l’expérience unique de me joindre à une téléconférence avec tous les membres du comité et la Dre Philpott, qui nous a parlé de sa volonté de présenter et d’adopter cette mesure législative durant la présente session parlementaire. Elle nous a dit à quel point il est important d’écouter les gens de la base et de nous assurer que le gouvernement fait bien les choses. Ayant participé aux séances de consultation qui ont mené à la rédaction du projet de loi et ayant participé à l’élaboration de sa version originale, je pense qu’elle était particulièrement bien placée pour donner des conseils sur la résolution des lacunes de cette mesure législative; du moins, c’est ce que je croyais.

Cependant, après avoir vu le gouvernement rejeter la majeure partie des amendements du Sénat, il me paraît évident que la Chambre des communes ne partage pas cet avis. Le comité sénatorial est parvenu à cette conclusion :

Pratiquement tous les témoins ont dit au comité que le projet de loi doit comprendre un engagement de financement, au-delà de la mention à cet égard dans le préambule et la mention des arrangements fiscaux qui pourraient s’inscrire dans un accord de coordination. Certains témoins ont suggéré d’inclure une disposition relative au financement dans la partie du projet de loi qui porte sur les principes, certains ont proposé d’autres solutions. Nous avons appris qu’en l’absence de financement, les collectivités autochtones n’arriveront pas à exercer pleinement leur compétence et que, par conséquent, rien ne changera pour les enfants et les familles autochtones. Le financement doit être à long terme, prévisible, stable, durable, fondé sur les besoins et conforme au principe de l’égalité réelle.

Toutefois, le gouvernement a jugé bon de rejeter les amendements qui proposaient de faire rapport sur la suffisance des mesures de financement. Sans l’inclusion d’une recommandation royale, seule une somme limitée peut être puisée de fonds existants pour répondre aux enjeux visés par le projet de loi. Cependant, le comité espérait que l’inclusion de cet amendement contribuerait à ce que les niveaux de financement soient ajustés pour répondre aux besoins qui seraient établis en fonction de l’information fournie directement par les peuples autochtones. C’est pour cette raison que l’amendement propose l’établissement d’un organisme consultatif, créé en consultation avec les corps dirigeants autochtones, afin qu’il collabore avec le ministre pour « examin[er] en particulier le caractère adéquat du financement ainsi que les méthodes de financement et vérifi[er] si le financement a été suffisant pour aider à répondre aux besoins des enfants autochtones et de leur famille ».

D’autres amendements, qui ont été rejetés, auraient contribué à ajouter des renvois particuliers à la loi en matière de services de protection de l’enfance, d’adoption, de réunification et de transition après la majorité. Cela aurait élargi et rendu plus inclusif le concept de services à l’enfance et à la famille, assurant ainsi une continuité des soins pour les enfants, les jeunes et les jeunes adultes. Il s’est dit maintes et maintes fois au comité qu’il était important que cette définition soit aussi inclusive que possible.

Je souligne que le sénateur Harder a parlé d’un amendement qui permettait effectivement de régler un problème soulevé par des représentants du Nunavut. Cependant, je me dois aussi de faire remarquer que le gouvernement a rejeté un amendement qui aurait répondu à d’autres préoccupations soulevées par mon territoire d’origine. Cet amendement aurait garanti que :

Les dispositions relatives aux services à l’enfance et à la famille de toute loi du Nunavut qui procurent un niveau de services équivalent ou supérieur à celui que procurent les dispositions de la présente loi l’emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi.

Cet amendement a aussi été rejeté, en dépit de l’observation formulée par votre comité, à savoir que :

Il est entendu que la présente loi ne porte atteinte à l’application des dispositions d’aucune loi provinciale — ni d’aucun règlement pris en vertu d’une telle loi — dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la présente loi.

Selon le comité, cette disposition pourrait imposer une limite aux provinces ou aux territoires dont les lois prévoient des services de niveau supérieur à ce que prévoit le projet de loi. Le comité s’est particulièrement inquiété du cas du Nunavut. Les responsables du Ministère ont précisé que, si l’on juge que les lois provinciales ou territoriales sur les services à l’enfance et à la famille prévoient un niveau de services supérieur aux normes du projet de loi C-92, ces lois ne seraient pas considérées comme incompatibles avec le projet de loi. Le comité est d’avis que la disposition devrait être modifiée pour préciser cette question.

De plus, certaines communautés autochtones ont dit craindre que, aux termes de l’article 4, les lois provinciales et territoriales l’emportent en matière de services à l’enfance et à la famille. Bien que les responsables du Ministère aient précisé que l’article 4 ne s’applique que si une communauté autochtone n’a pas exercé sa compétence en matière de services à l’enfance et à la famille, le comité est d’avis que la disposition devrait être modifiée pour préciser cette question.

Honorables sénateurs, je dois encore une fois exprimer ma déception devant le refus du gouvernement d’accepter des amendements réfléchis, importants et recommandés à l’unanimité à la fois par le comité et, plus tard, par le Sénat. J’espère seulement que le projet de loi constitue un premier effort pour donner suite aux préoccupations soulevées par les nombreux témoins qui ont comparu. J’offre mes excuses aux témoins que ce résultat décourage. Je veux qu’ils sachent que le Sénat les a entendus et a tenu compte de leur point de vue. Il est dommage que le gouvernement n’en fasse pas autant. Merci.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Je voudrais tout d’abord exprimer la consternation qui m’a envahie, lorsque j’ai appris — seulement ce matin — que le débat commencerait et se terminerait aujourd’hui sur ce message important. Ce processus est si rapide que la mesure sera vraisemblablement adoptée sans avoir été inscrite au Feuilleton. Ce projet de loi m’a causé beaucoup d’angoisse, et il a aussi créé des divisions parmi les peuples autochtones.

Chers collègues, je ne saurais trop insister sur l’importance de ce projet de loi et sur l’impact qu’il aura sur la vie d’innombrables enfants autochtones et leurs familles. J’aimerais préciser que cet impact ne sera pas nécessairement aussi constructif, utile et positif que certains voudraient vous le faire croire. Comme je ne qualifierais pas nécessairement de complet le débat qui a eu lieu sur ce projet de loi essentiel, j’estime qu’il est important de réitérer les préoccupations que j’ai exprimées à l’étape de la troisième lecture.

En tant que mère et sénatrice autochtone du Manitoba, je désire vivement que les choses soient faites comme il faut. Comme nombre d’entre vous le savent, le Manitoba est un cas particulier en ce qui a trait à la portée et à la profondeur des répercussions de la prise en charge des enfants sur les Premières Nations. Dans ma première intervention, j’ai dit que le Manitoba a le taux le plus élevé d’enfants pris en charge de toutes les provinces canadiennes. Presque 90 p. 100 des enfants pris en charge sont autochtones. Pourtant, seulement 17 p. 100 de la population manitobaine est autochtone. Les statistiques révèlent que 60 p. 100 des enfants pris en charge sont des pupilles permanentes de l’État, ce qui me fait craindre pour l’avenir.

Depuis 10 à 15 ans, le Manitoba procède au transfert de responsabilités aux Premières Nations. Ce transfert s’accomplit conformément aux lois et aux politiques provinciales, mais le taux de prise en charge a tout de même augmenté.

Honorables sénateurs, vous ne serez pas étonnés d’apprendre que les enfants qui grandissent dans des familles d’accueil ont des chances bien moindres de réussir dans la vie à l’âge adulte. Ils doivent composer avec des taux de chômage élevés, des démêlés avec la justice et l’itinérance. Il convient de noter que les mères des enfants subissent elles aussi des répercussions négatives. Il a été démontré que ces femmes voient une détérioration importante de leur état de santé et de leur situation sociale après la prise en charge de leurs enfants. On constate notamment chez elles des taux accrus de dépression, d’anxiété et de toxicomanie.

(1540)

Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, au Manitoba, on a publié un communiqué de presse concernant la violence faite aux enfants pris en charge dans une réserve du Nord de la province. Ces services de garde d’enfants relevaient de la compétence, des politiques et des instruments provinciaux. Il ne s’agissait pas de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. L’Assemblée des chefs du Manitoba a investi beaucoup de temps et de ressources dans les responsabilités et les lois relatives aux services à l’enfance et à la famille. Elle est largement reconnue comme étant la plus avancée en matière de préparation et de progrès dans ce dossier. On craint que le travail accompli directement grâce au protocole d’entente avec le Canada ne serve à rien.

Je crois qu’il est prudent d’informer les honorables sénateurs que, ce matin, la sénatrice McPhedran, le grand chef Dumas, le ministre O’Regan, le secrétaire parlementaire Dan Vandal, un certain nombre de membres du personnel et moi-même avons tenu une rencontre. Cette rencontre visait uniquement à discuter du projet de loi C-92, de ses répercussions sur le Manitoba et l’Assemblée des chefs du Manitoba et de la voie à suivre.

Au début de la rencontre, le ministre a dit que le protocole d’entente conclu entre le Canada et l’Assemblée des chefs du Manitoba ne serait pas reconnu au titre de l’article 3 de ce projet de loi. Je précise que l’article 3 parle de respecter les accords existants. On avait dit dans cette Chambre que les dispositions du protocole d’entente seraient maintenues et protégées par cet article du projet de loi. Or, le ministre a lui-même confirmé que ce n’est pas le cas, puisque ce protocole d’entente n’a pas « force de loi ». C’est un concept qui s’applique aussi à d’autres accords, comme les accords sur l’autonomie gouvernementale.

C’était une nouvelle très troublante, car on dirait maintenant que l’Assemblée des chefs du Manitoba pourrait avoir accompli son excellent travail en vain dans ce dossier.

Chers collègues, l’ennui, c’est que plusieurs provinces n’ont démontré aucune volonté de travailler avec les communautés des Premières Nations en vue de transférer ce pouvoir. J’y ai fait allusion pendant mon discours à l’étape de la troisième lecture, lorsque j’ai décrit le programme comme une vache à lait, étant donné que les provinces reçoivent de l’argent lorsqu’ils prennent des enfants en charge.

J’ai parlé à la ministre provinciale, mardi dernier, et je peux confirmer que le gouvernement fédéral n’a jamais proposé au gouvernement du Manitoba de conclure un accord de coordination. La ministre m’a aussi avisée qu’elle n’est au fait d’aucun plan de transfert du programme.

Lors de notre rencontre avec le ministre O’Regan aujourd’hui, on nous a dit que l’Assemblée des chefs du Manitoba ne devait pas s’inquiéter. Après 12 mois, sa loi aura préséance sur toutes les autres. Cependant, le ministre et son personnel n’ont pas pu répondre au problème le plus important : qu’arrivera-t-il si la province n’accepte pas de faciliter le transfert des pouvoirs?

Honorables sénateurs, c’est une vérité absolue que ce projet de loi ne pourra être mis en œuvre si la province refuse de communiquer aux communautés autochtones les données qu’elle a en main concernant le nombre d’enfants pris en charge et l’identité de leur famille. Ces données devront être communiquées au moyen des processus de communication des renseignements qui relèvent des lois et des règlements provinciaux. Même si les articles 28 et 30 traitent des accords-cadres et de la communication des renseignements, ce sont les provinces qui décideront si elles veulent coopérer ou non.

Ce matin, le ministre a confirmé que le projet de loi ne pourrait forcer la communication de ces renseignements. En raison des limites de compétence, le projet de loi C-92 ne peut s’ingérer sans la sphère de compétence des provinces pour les contraindre à collaborer. Sans un mécanisme facilitant la communication de ces renseignements, les provinces qui ne veulent pas de ce transfert de pouvoirs disposeront essentiellement d’un atout. Ce matin, on nous a dit que l’Ontario, la Saskatchewan et le Manitoba étaient les provinces qui risquaient d’être récalcitrantes.

Sans ces données, l’idée de ramener les enfants à la maison, « bringing our children home », comme l’assemblée a si justement nommé sa loi, ne pourra être concrétisée.

Chers collègues, il a également été dit, à tort, que les Premières Nations du Manitoba sont divisées à l’égard du projet de loi. Cela est en grande partie attribuable au fait que la Southern Chiefs’ Organization du Manitoba a adopté une résolution interprétée à tort comme appuyant le projet de loi C-92. En réalité, cette résolution déclare simplement que la Southern Chiefs’ Organization du Manitoba collaborerait avec toute Première Nation du Sud du Manitoba qui choisit de faire des démarches en vue d’obtenir un accord en vertu de ce projet de loi. Il ne faut certainement pas confondre cela avec un appui à l’égard du projet de loi en soi.

L’Association des chefs du Manitoba est le porte-parole faisant autorité en ce qui a trait aux Premières Nations du Manitoba, puisqu’elle est le corps politique qui parle au nom des chefs des Premières Nations du Manitoba. Pour leur part, la Southern Chiefs’ Organization et la Manitoba Keewatinowi Okimakanak constituent des corps administratifs créés par l’Association des chefs du Manitoba pour exister dans la sphère politique. Il est important de comprendre la structure et la dynamique.

Chers collègues, à notre réunion d’aujourd’hui, le ministre O’Regan a souligné les six mesures que le gouvernement s’est engagé à prendre dans ce dossier. Parmi ces mesures, le gouvernement s’est donné pour objectif :

[...] [d’]aider les collectivités à acquérir des pouvoirs et [d’]explorer la possibilité d’élaborer conjointement une législation fédérale sur la protection de l’enfance [...].

Honorables sénateurs, pour reprendre les mots du ministre : la meilleure façon de régler un problème local est de trouver une solution locale.

Or, il ne peut y avoir de solution plus locale que la Bringing Our Children Home Act, un projet de loi élaboré par l’Assemblée des chefs du Manitoba pour les Premières Nations de la province. Pourtant, je crois que les lacunes du projet de loi à l’étude empêcheront les Premières Nations du Manitoba de réduire les attributions dans le domaine des services aux enfants et aux familles tant que la province ne sera pas prête à coopérer avec elles.

En terminant, je veux dire que bon nombre de mes questions sont demeurées sans réponse lors de la rencontre de ce matin. J’ai demandé au ministre comment une telle chose avait pu se produire et pourquoi il n’y avait pas eu davantage de discussions sur ce que nous pourrions faire pour trouver une solution viable.

En tant que sénateurs, je crois que nous devons faire en sorte que, à l’avenir, les projets de loi concernant les Premières Nations, les Inuits et les Métis soient plus longuement débattus et étudiés. Nous méritons mieux. Merci.

Une voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénatrice Dyck, propose que, relativement au projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Le Code criminel
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation à l’amendement du Sénat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois :

Le mercredi 19 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat afin d’informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, la Chambre :

accepte les amendements 1, 2, 5, 7, 8, 9, 11, 12b), 13 et 14 apportés par le Sénat;

propose que l’amendement 3 soit remplacé par ce qui suit :

« 3. Article 239, pages 90 et 91 :

a)à la page 90, remplacer les lignes 2 et 3 par ce qui suit :

« d’un acte criminel passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus autre qu’une infraction mentionnée à l’article 469, le »;

b)à la page 90, remplacer les lignes 19 à 21 par ce qui suit :

« d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, qu’une infraction mentionnée à l’article 469 non passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus ou qu’une infraction à l’égard de la- »;

c)à la page 90, remplacer le passage commençant à la ligne 47, page 90, et se terminant à la ligne 1, page 91, par ce qui suit :

« tionnée à l’article 469 passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge de paix tient, sous réserve de l’article »;

d)à la page 91, remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge de paix inscrit »; »;

propose que l’amendement 4 soit remplacé par ce qui suit :

« 4.Article 240, pages 92 et 93 :

a)à la page 92, remplacer les lignes 10 et 11 par ce qui suit :

« juge de paix d’un acte criminel passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, autre qu’une infraction mentionnée à »;

b)à la page 92, remplacer les lignes 26 à 28 par ce qui suit :

« nel passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, qu’une infraction mentionnée à l’article 469 non passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus ou qu’une infraction men- »;

c)à la page 92, remplacer les lignes 43 et 44 par ce qui suit :

« tionnée à l’article 469 passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge ou le juge de paix tient, sous réserve de »;

d)à la page 93, remplacer la ligne 21 par ce qui suit :

« 469 passible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus, le juge de »; »;

propose, par suite des amendements 3 et 4 du Sénat, l’ajout de l’amendement suivant :

« 1.Article 238, page 89 : remplacer la ligne 34 par ce qui suit :

« sible d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus est devant un »; »;

propose que l’amendement 6 soit remplacé par ce qui suit :

« 6.Nouvel article 292.1, page 123 : ajouter, après la ligne 4, ce qui suit :

« 292.1 La même loi est modifiée, par adjonction, après l’article 718.03, de ce qui suit :

718.04 Le tribunal qui impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne vulnérable en raison de sa situation personnelle, notamment en raison du fait qu’elle est une personne autochtone de sexe féminin, accorde une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion de l’agissement à l’origine de l’infraction. »; »;

rejette respectueusement l’amendement 10 fait par le Sénat parce que le projet de loi fournit déjà de la flexibilité aux provinces et territoires en ce qui a trait aux représentants tout en reconnaissant la diversité régionale dans la façon dont la représentation légale est réglementée au Canada, et parce qu’ajouter l’amendement 10 pourrait avoir des conséquences négatives inattendues pour les provinces et territoires; le gouvernement continue de travailler avec les provinces et les territoires afin de soutenir une mise en œuvre efficace de ces réformes;

propose que la version anglaise de l’amendement 12a) soit modifiée en remplaçant les mots « apply in Bill C-45 » avec les mots « apply if Bill C-45 ».

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que, relativement au projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à la suite des amendements 3 et 4 du Sénat;

c)n’insiste pas sur son amendement 10 auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message de l’autre endroit sur le projet de loi C-75, un projet de loi important qui vise à modifier le Code criminel et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents afin de s’attaquer au problème urgent des délais dans le système de justice pénale.

Permettez-moi de remercier le sénateur Sinclair d’avoir parrainé ce projet de loi et de l’avoir piloté au Sénat. Je tiens également à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de leur étude approfondie du projet de loi.

Le projet de loi C-75 a fait l’objet d’un examen et de débats exhaustifs dans cette enceinte. Le Sénat a proposé 14 amendements à l’autre endroit, dont 10 ont été acceptés.

(1550)

Voici quelques-uns des amendements de fond du Sénat que l’autre endroit a acceptés. Premièrement, l’amendement no 1 permettrait au tribunal de continuer à rendre des ordonnances de prélèvement à des fins d’analyse génétique pour les actes criminels passibles de cinq ans et de dix ans d’emprisonnement que le projet de loi C-75 propose d’ériger en infractions mixtes.

Deuxièmement, l’amendement no 2 propose un changement mineur pour faire suite à l’arrêt R. c. Myers rendu le 28 mars 2019 par la Cour suprême du Canada.

Troisièmement, les amendements nos 5, 8, 9 et 12b établissent un nouveau système de suramende compensatoire qui donnerait un plus grand pouvoir discrétionnaire aux juges pour qu’ils puissent s’abstenir d’imposer une suramende compensatoire dans certains cas.

Quatrièmement, l’amendement no 7 élargirait les circonstances aggravantes prévues dans le projet de loi C-75 pour inclure la violence contre un partenaire intime qui est membre de la famille du contrevenant ou de la victime, et établirait un nouveau principe de détermination de la peine qui exigerait des tribunaux qui imposent une peine pour violence commise à l’égard d’un partenaire intime qu’ils prennent en compte la vulnérabilité accrue des victimes de sexe féminin et qu’ils portent une attention spéciale aux circonstances des victimes autochtones de sexe féminin.

Cinquièmement, les amendements nos 11, 13 et 14 modifient la Loi sur l’identification des criminels pour préciser qu’il peut y avoir une prise d’empreintes digitales d’un prévenu qui est accusé d’une infraction mixte, même si le procureur procède par voie de procédure sommaire.

À la lumière des mêmes préoccupations qui sous-tendent notre approche, l’autre endroit a proposé deux amendements aux amendements nos 3 et 4 que le Sénat avait proposés concernant les enquêtes préliminaires. L’autre endroit a également proposé un amendement corrélatif.

Les honorables sénateurs se souviendront peut-être que la version initiale du projet de loi C-75 proposait de restreindre les enquêtes préliminaires aux actes criminels passibles d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. Il y en a 70 dans le Code criminel. Le Sénat a proposé un amendement visant à étendre, à titre discrétionnaire, la possibilité d’une enquête préliminaire à toutes les autres infractions punissables par mise en accusation, soit 393 infractions de plus, et ce, dans deux situations. La première situation survient lorsque les deux parties le demandent et que le juge estime que des mesures appropriées sont prises afin d’atténuer l’impact sur tout témoin susceptible de fournir des renseignements à la commission d’enquête, y compris la victime; la deuxième, lorsque seulement l’une des parties demande une enquête préliminaire et que le juge estime que les critères ont été respectés, à savoir que des mesures appropriées ont été prises afin d’atténuer l’impact sur les témoins et qu’il est dans l’intérêt de la justice qu’une enquête préliminaire ait lieu.

L’autre endroit n’a pas appuyé cet amendement, mais il a accepté le principe sous-jacent — à savoir la tenue d’enquêtes préliminaires pour les infractions passibles de peines les plus sévères —, et a plutôt choisi d’élargir la portée initiale du projet de loi C-75 pour permettre le recours aux enquêtes préliminaires non seulement pour les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, mais aussi pour celles passibles de 14 ans d’emprisonnement, soit 86 infractions supplémentaires. Cette proposition serait conforme au consensus des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice en 2017 de limiter les enquêtes préliminaires aux « infractions graves », et répondrait aux préoccupations des intervenants afin que le recours aux enquêtes préliminaires soit possible pour d’autres infractions.

L’amendement proposé par le Sénat aurait généré de l’incertitude quant à la tenue d’une enquête préliminaire dans le cas des 393 infractions, aurait probablement donné lieu à de grandes discussions sur la portée des critères et aurait ajouté une étape au processus judiciaire afin de déterminer si une enquête préliminaire devrait avoir lieu. Cela aurait probablement entraîné de nouveaux retards plutôt que l’inverse. Étant donné les préoccupations de l’autre endroit au sujet de cet amendement du Sénat et les raisons sous-jacentes ayant motivé son approche, je suis satisfait de la manière dont il a répondu à ces préoccupations des intervenants.

Les honorables sénateurs se rappellent peut-être que le projet de loi C-75 moderniserait et simplifierait la procédure pénale relativement à la classification des infractions dans le Code criminel en transformant en infractions mixtes les infractions criminelles passibles d’une peine d’emprisonnement de 10 ans ou moins et en uniformisant les peines pour toutes les infractions punissables par procédure sommaire en les fixant à deux ans moins un jour et en faisant passer la période limite de 6 à 12 mois pour toutes les infractions punissables par procédure sommaire de culpabilité. Ces amendements constituent un élément clé des réformes législatives voulues par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice pour réduire les retards dans le système de justice pénale.

Un amendement apporté par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne aux dispositions touchant la reclassification est inclus dans la version du projet de loi C-75 adoptée par l’autre endroit. Cet amendement porte sur l’article 802(1) du Code criminel concernant la représentation par un mandataire. Il facilitera la représentation en donnant aux provinces et aux territoires davantage de souplesse pour établir des critères de représentation pour les infractions punissables par voie de déclaration sommaire assorties d’une peine d’emprisonnement maximale de plus de six mois. Cela s’ajoute à la capacité d’établir un programme et permet aux mandataires de comparaître lors d’une procédure sommaire pour demander l’ajournement.

Ces amendements maintiennent la souplesse des administrations dans cet aspect des procédures criminelles tout en reconnaissant la diversité régionale dans la façon dont la représentation juridique est réglementée dans l’ensemble du Canada.

L’amendement no 10 du Sénat proposait de modifier de nouveau le paragraphe 802(1) pour permettre qu’un représentant soit aussi « autorisé en vertu d’une loi provinciale ». Comme les honorables sénateurs le savent, le projet de loi C-75 est le fruit de vastes consultations qui ont été menées auprès des provinces et des territoires. L’autre endroit n’accepte pas cet amendement parce qu’il ne reste pas assez de temps pour analyser et évaluer les effets qu’il aurait dans le cadre des lois provinciales et territoriales en vigueur. On craint aussi que l’amendement du Sénat ait des conséquences inattendues. Par exemple, les réformes en matière de reclassification entreraient en vigueur 90 jours après la sanction royale, ce qui ne permettrait pas aux provinces et aux territoires d’apporter des changements à leurs lois respectives, si nécessaire. Qui plus est, les provinces et les territoires disposent déjà de la souplesse nécessaire pour réagir rapidement aux conséquences du régime de reclassification sur les représentants grâce aux amendements apportés au projet de loi par l’autre endroit en décembre dernier. Il serait plus rapide d’utiliser ce nouveau pouvoir proposé pour faire cela au moyen de critères ou d’un programme établis par le lieutenant gouverneur en conseil que de procéder à une réforme législative.

Honorables sénateurs, grâce à ses amendements réfléchis, le Sénat a amélioré considérablement le projet de loi. Je demande maintenant aux honorables sénateurs d’accepter le message de l’autre endroit. Le projet de loi prévoit des réformes importantes sur les plans du droit pénal et de la procédure, dont bon nombre sont attendues depuis longtemps. Si le Sénat accepte ce message, le Parlement aura adopté un projet de loi qui contribuera à la modernisation du système de justice pénale, à la réduction des retards et à la protection des Canadiens. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, avant de prononcer mon discours, j’aimerais faire quelques commentaires.

J’aimerais remercier et féliciter le sénateur Joyal pour le travail exceptionnel qu’il a accompli à titre de président du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. De plus, comme il quittera bientôt ses fonctions, je le remercie également pour les 10 dernières années au cours desquelles j’ai travaillé avec lui.

Je voudrais dire à cette Chambre à quel point le sénateur Joyal a été, pour tous les membres du comité, une personnalité neutre, inspirante et très au fait du domaine judiciaire. Je tenais à lui faire part de toute ma reconnaissance pour le travail qu’il a fait au cours des derniers mois, et plus particulièrement dans le cadre du projet de loi C-75, qui était assez monumental.

Ce projet de loi aurait pu être une amorce positive relativement à la réforme du Code criminel. Tout le monde est d’accord avec moi, et tous les juristes le sont aussi, pour dire qu’une réforme du Code criminel s’impose. À certains égards, il s’agit maintenant d’un fouillis, et nous avons beaucoup de difficulté à nous y retrouver. Ce qui aurait donc pu être un premier exercice en vue d’amorcer une réflexion s’est davantage révélé, selon moi, un exercice improvisé sur le plan politique.

La preuve en est que 118 infractions qui étaient auparavant de nature criminelle deviennent des infractions mixtes, et menant même possiblement à des accusations par procédure sommaire qui pourraient réduire les peines de façon substantielle. Nous avons d’ailleurs trouvé dans le projet de loi plusieurs mesures qui faisaient en sorte que les gens accusés par procédure sommaire ne pouvaient plus notamment être identifiés dans le Registre national des délinquants sexuels.

C’est l’amendement de mon collègue, le sénateur McIntyre, qui a permis de réveiller le ministère de la Justice en ce qui a trait à une énorme lacune dans le projet de loi. Cela montre à quel point ce projet de loi a été improvisé et pourquoi il n’a pas pu atteindre ses objectifs.

L’article 339 du projet de loi, qui est, au fond, le jumeau d’un article du projet de loi C-452 portant sur l’exploitation sexuelle et la traite des personnes, fait en sorte que, pour le projet de loi C-75, la prérogative du ministre de la Justice d’adopter un décret pour mettre en place l’article 389 a été maintenue.

Je vous le rappelle, cet article traite surtout de l’exploitation sexuelle, le crime qui connaît la plus forte augmentation au Canada., Le gouvernement aurait pu, au cours des quatre dernières années, adopter le projet de loi C-452. Pourtant, il ne l’a pas fait. Ce sont des dizaines et des dizaines de jeunes filles et de mineurs qui, chaque semaine, sont pris dans le commerce de l’exploitation sexuelle. Je vous rappelle que, juste à Montréal, depuis 2012, 600 proxénètes ont été arrêtés et accusés. Ce n’est que la pointe de l’iceberg. On peut parler de 2 000 à 3 000 proxénètes qui exploitent des mineurs et qui font d’énormes ravages. Ce projet de loi aurait dû faire en sorte que, dès son adoption, l’article 389, qui prévoit l’élimination des peines consécutives pour ceux qui participent à la traite de personnes, soit en vigueur. On a refusé d’acquiescer à cette demande, qui a été formulée par plusieurs victimes.

(1600)

On aurait dû également revoir tout ce qui entoure la violence conjugale. Je l’ai dit et je le répète : chaque année, 60 à 70 femmes et jeunes filles sont assassinées au Canada par leur conjoint ou leur ex-conjoint. Dans bien des cas, ces meurtres auraient pu être évités si la justice était moins clémente envers ces hommes. On a décidé que ce ne sera pas lors du premier épisode de violence conjugale, mais plutôt lors du deuxième épisode qu’on sera plus sévère. C’est tout à fait inacceptable. Lorsqu’on a parlé de cette proposition d’amendement dans cette assemblée, la majorité des sénateurs indépendants ont voté contre, y compris un grand nombre de femmes. Cela me dépasse.

Enfin, je suis persuadé que ce projet de loi aurait pu être vraiment très utile. Cependant, c’est un travail qui devra être repris en partie, et je pense que ce devra être fait plus tôt que plus tard. Merci.

Une voix : La question!

[Traduction]

L’honorable Murray Sinclair : J’ai peut-être mal entendu le sénateur Boisvenu. Je pensais qu’il présentait une motion. Non? Je me suis trompé. Il se peut que je vous aie mal entendu.

Je n’ai que quelques brefs commentaires à faire, honorables sénateurs. Je tiens à souligner que le message qui nous a été transmis par la Chambre entraîne deux différences importantes par rapport à ce qui a été approuvé par le Sénat. L’un d’eux touche l’amendement portant sur les représentants. Il empêche une accessibilité accrue des représentants pour les personnes accusées d’infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité, sans toutefois l’éliminer complètement.

Bien que je craigne que cela puisse entraîner des retards et d’autres problèmes au sein du système de justice pénale, je suis prêt à accepter la décision du gouvernement en ce qui concerne cet amendement.

La décision d’élargir la place des enquêtes préliminaires qui nous a été transmise dans le message provenant de la Chambre est un autre point qui me préoccupe, plus particulièrement parce que j’ai déjà énoncé ma position, de façon générale, en ce qui concerne l’utilité des enquêtes préliminaires.

J’ai aussi rappelé que le rapport du Sénat sur la durée des procédures judiciaires insistait sur le fait que les enquêtes préliminaires rallongent souvent les procédures et que nous devons en tenir davantage compte. C’est particulièrement vrai quand on sait que les délais pour les procès criminels sont désormais limités à 30 mois et que de nombreux inculpés pourraient obtenir l’abandon des accusations qui pèsent contre eux si leur enquête préliminaire retarde indûment la tenue de leur procès.

Je suis d’accord avec ceux qui proposaient qu’on doive s’adresser à un juge pour que, dans certains cas bien précis, la tenue d’une enquête préliminaire soit autorisée, car là aussi, cette procédure pourrait rallonger la durée des procédures. Dans ce cas bien précis, je crois que le Sénat devrait garder l’œil ouvert afin de voir si les changements apportés par le gouvernement aux amendements du Sénat permettront bel et bien de réduire la durée des procédures.

Dans l’ensemble, même si j’appuyais les amendements tels qu’ils ont été renvoyés à l’autre endroit et si j’ai encore des réserves à propos des deux amendements dont je viens de parler, je suis disposé à appuyer la motion portant qu’un message soit envoyé à la Chambre des communes lui indiquant que nous acceptons ses modifications. Néanmoins, ce message doit préciser que les sénateurs garderont l’œil ouvert et s’assureront que les modifications apportées au projet de loi contribuent bel et bien à réduire la durée des procédures judiciaires. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Je prendrai la parole quelques minutes pour dire que la réponse qu’a envoyée le gouvernement relativement au projet de loi C-75 m’apparaît tout à fait acceptable et que nous devrions l’accepter. Le projet de loi fait l’hybridation de nombreuses infractions qui, pour l’instant, ne font pas suffisamment l’objet de poursuites. Il permettra d’élargir le réseau de contrevenants qui pourront être condamnés à l’avenir. On a parlé du fait qu’on a refusé de mettre en vigueur une autre loi prévoyant des peines cumulatives et consécutives en plus des peines minimales, étant donné que, de l’avis du ministère de la Justice, de tels amendements seraient inconstitutionnels.

Oui, le comité a refusé de faire cela, car oui, le comité croit à la Charte des droits et libertés. Oui, le comité a refusé de mettre en vigueur une mesure inconstitutionnelle.

On a parlé de violence familiale. Oui, le comité a refusé qu’une personne accusée de violence une première fois ait le fardeau de prouver qu’elle devrait être mise en liberté plutôt que d’être sujette aux règles habituelles, où c’est la Couronne qui doit le prouver. Oui, nous avons accepté cela, parce que faire autrement aurait été inconstitutionnel. Les témoins l’ont dit. Il est faux de dire aujourd’hui que le comité n’a pas fait son travail. Le comité a fait son travail et a refusé d’apporter un amendement qui aurait rendu la loi inconstitutionnelle.

On a parlé d’exploitation sexuelle. Nous avons entendu des policiers qui nous ont expliqué que les dispositions de la loi actuelle étaient rédigées de telle façon qu’il y avait très peu de poursuites. Le projet de loi crée une présomption relative à l’exploitation d’une personne par une autre, allégeant ainsi le fardeau de la preuve de la Couronne. Tous les policiers qui ont témoigné nous ont dit que cette modification représentait une amélioration.

Je voulais nuancer les propos de mon collègue, le sénateur Boisvenu. Je n’ai aucune hésitation à appuyer la réponse du gouvernement, même si elle exclut un de mes amendements, qui porte sur l’enquête préliminaire, alors qu’elle a accepté tous les autres. J’étais d’avis que la mesure de restriction proposée par le gouvernement était trop draconienne.

Je me réjouis de voir que le gouvernement a compris le message de l’Association du Barreau canadien et de nombreux avocats de la défense de l’Ontario et d’ailleurs qui ont témoigné devant notre comité. On a ajouté à la liste des infractions qui peuvent désormais faire l’objet d’une enquête préliminaire. Dans l’ensemble, je trouve que le gouvernement a fait un excellent choix et j’appuie sa réponse. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Bien sûr.

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Dalphond, vous permettrez de ne pas partager votre point de vue jovialiste. Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé de retirer du projet de loi C-75 le décret qui mettra en vigueur le projet de loi C-452, qui a été adopté en 2015? Depuis son adoption, il a fait des centaines et des centaines de victimes d’exploitation sexuelle chez les mineurs. Pourquoi n’a-t-on pas mis en vigueur immédiatement cet article, pour empêcher que d’autres victimes d’âge mineur soient exploitées sexuellement?

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie de cette intéressante question. La réponse nous a été donnée au comité. La mise en vigueur de cette loi aurait créé une situation d’inconstitutionnalité. Une loi qui est déclarée inconstitutionnelle, par l’effet cumulatif de peines minimales et de peines cumulatives, est contraire à la Charte. Le gouvernement a dit avoir besoin de temps pour réviser l’ensemble de ces dispositions qui prévoient à la fois des peines minimales et des peines cumulatives. Cet exercice n’est pas terminé. Le comité a fait preuve de sagesse en décidant de ne pas suivre la suggestion de mon collègue.

Le sénateur Boisvenu : Sénateur, le gouvernement a eu quatre ans pour savoir si le projet de loi C-452 était constitutionnel ou non. Quatre ans! Et vous me dites qu’il a encore besoin de temps? Combien de temps?

(1610)

Le sénateur Dalphond : Évidemment, je ne suis pas le représentant du gouvernement au Sénat, et mon rôle se borne à entendre des témoignages en comité. Par contre, je suis assez satisfait du fait que, au cours de cette période de quatre ans, les lettres de mandat ont été mises en œuvre. Ce délai peut sembler long, je vous l’accorde, mais souvenez-vous que cette Chambre a mis deux ans pour, au bout du compte, s’opposer au projet de loi C-337 qui n’était, somme toute, pas bien compliqué à adopter. Le gouvernement serait-il plus rapide que notre Chambre?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Traduction]

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare,

Que, relativement au projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, le Sénat :

a)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 2;

b)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à la suite de l’amendement 1 du Sénat;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Elaine McCoy : Je vous remercie, chers collègues. Comme vous le savez, je n’ai pas pu être des vôtres pendant quelques jours, et je n’ai donc pas encore eu la chance de m’exprimer à propos de ce projet de loi. Je tâcherai d’être brève.

Je tiens d’abord à dire que je me souviens du début de la présente session, en 2015. J’avais alors répété à tant de gens à quel point j’étais optimiste quant à l’avenir du Canada et de nos institutions fédérales. Je prends la parole aujourd’hui, sans doute pour la toute dernière fois durant cette session, et je vous avoue que je n’ai jamais été aussi déçue. Toutes les promesses qu’on nous a faites sont restées lettre morte.

Ma voix risque de s’enrayer une ou deux fois durant mon intervention, mais il ne s’agit pas d’une réaction émotive, ne vous inquiétez pas. C’est plutôt dû à certains problèmes physiologiques qui m’ont empêché de venir siéger au Sénat au cours des derniers jours.

Ensuite, je tiens à remercier le sénateur Downe pour le discours qu’il a prononcé hier au sujet de ce projet de loi...

Des voix : Bravo!

La sénatrice McCoy : Il nous a donné une perspective historique. Je lui en suis vraiment reconnaissante.

Je répète sa citation de John A. Macdonald.

Où serait l’utilité de la chambre haute, si elle ne devait pas exercer, en temps opportun, son droit d’amender ou modifier la législation de la chambre d’assemblée? Il ne faut pas que ce soit un simple bureau d’enregistrement des décrets de la chambre basse [...]

En ce qui concerne le projet de loi C-48 en particulier, je crains que nous manquions à notre devoir en ne nous prévalant pas de notre pouvoir d’amender ou modifier la législation.

Ce qui est triste au sujet de nos délibérations sur le projet de loi C-48, c’est que nous ne nous sommes jamais penchés sur les véritables problèmes qui touchent la côte nord de la Colombie-Britannique.

Cela arrive avec certains projets de loi, surtout ceux dont le titre prête à confusion quant à l’objet du projet de loi. Il faut du temps avant de comprendre à quel point c’est trompeur.

Il faut parfois écouter un bon nombre de témoignages et faire ses propres recherches avant de pouvoir commencer à découvrir qu’il s’agit, mon Dieu, d’un tour de magie. On vous dit : « Regardez ici, il y a un lapin, mais quelque chose de vraiment important se passe là-bas. »

Comme quelqu’un me l’a dit lorsque je parlais du sujet avec des sénateurs, le projet de loi C-48 s’attaque aux mauvaises cibles. C’est aussi simple que cela.

Nous avons fini par discuter et débattre de questions hypothétiques alimentées en partie par la dynamique du comité — nous en convenons tous —, mais il reste que nous avons débattu et discuté du fond de questions qui demeurent hypothétiques.

Le vrai problème, ce sont les déversements de pétrole qui se produisent actuellement.

Je me rappelle que, au comité, j’ai posé une question à la chef Slett, de la nation heiltsuk. Il s’agit de l’une des Premières Nations côtières. La chef comparaissait en leur nom. Je lui ai demandé ce que le Sénat pouvait faire pour l’aider à atteindre ses objectifs. Je vais citer un extrait du compte rendu des délibérations du comité, où elle a déclaré ceci :

Nous avons préparé une proposition, un cadre conceptuel pour un centre d’intervention maritime autochtone.

Quand on parle d’un centre d’intervention, il faut savoir ce qui se passerait en cas de déversement. Que fait-on en pareil cas? A-t-on la capacité nécessaire? A-t-on les connaissances nécessaires? A-t-on les outils nécessaires pour intervenir, assurer un suivi, tirer des leçons de l’expérience et ajuster ses politiques et ses pratiques afin de mettre quelque chose en place si, Dieu nous en préserve, un autre déversement se produisait. Voilà le vrai problème.

À la page 1 du témoignage écrit de la nation heiltsuk, on peut lire ceci : « Le régime actuellement applicable en cas de déversements d’hydrocarbures en milieu marin est inadéquat pour préserver les eaux des Heiltsuks et régler toute la gamme des effets de ces déversements. » C’est ce qu’ils cherchaient : toute la gamme des effets, et non seulement ceux des superpétroliers. Il n’y a eu aucun superpétrolier dans cette région, mais il y a eu des déversements de pétrole. Lors de l’un d’entre eux, deux personnes sont mortes. L’autre a fait du tort à la pêche à la palourde et entraîné la fermeture de la conserverie, sans parler des autres répercussions que l’on n’a pas encore évaluées précisément.

Donc, elle a dit que le Régime de préparation et d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures en milieu marin au Canada était inadéquat pour protéger les Premières Nations contre les répercussions des déversements de pétrole. C’est le problème qu’elle a soulevé.

Pourquoi sommes-nous incapables d’écouter? Je suis plutôt de l’avis du sénateur Patterson, qui se demandait tout à l’heure pourquoi nous n’écoutions pas les peuples autochtones. J’ai pu le constater aujourd’hui, par exemple, lorsque nous avons discuté des projets de loi C-91 et C-92. Pourquoi n’écoutons-nous pas les peuples autochtones? Ils nous disent ce qui ne va pas. Ils nous communiquent leurs besoins. Nous leur faisons tout simplement la sourde oreille. Quelles sont les chances de réconciliation si nous réagissons de cette manière, en particulier nous qui sommes des sénateurs?

Voici un autre exemple concernant le projet de loi C-48. Il s’agit de la Première Nation de Metlakatla, qui est dans la même région, mais plus au nord. Lorsque le ministre a comparu devant notre comité, il a affirmé que cette nation était favorable au projet de loi. Alors, celle-ci nous a écrit une lettre pour nous dire que ce n’était pas le cas et qu’elle était très inquiète de voir qu’à défaut d’apporter les correctifs nécessaires, on allait rater une bonne occasion d’assurer la protection des milieux marins.

Pour protéger les milieux marins, il faut tâcher de prévenir les déversements et il faut pouvoir intervenir lorsqu’ils se produisent. C’est ce dont il devait être question, et non de l’évaluation des impacts hypothétiques d’une activité qui n’existe pas. La protection doit concerner les activités réelles.

(1620)

Les Metlakatlas voulaient un examen des risques posés par le transport maritime. On ne parle pas d’une chose qui n’existe pas, qui est hypothétique, comme les gros pétroliers qui sont visés par le projet de loi C-48. Les Metlakatlas souhaitaient qu’on procède à une analyse pour déterminer la capacité nécessaire de prévention et d’intervention maritime, qu’on protège les zones traditionnelles et sensibles et qu’on cerne les risques.

Pourquoi n’avons-nous pas voulu les écouter? C’est la question qu’ils posent dans leur lettre du 13 mai.

Ils ont écrit une autre lettre le 5 juin :

Nous vous écrivons une troisième fois pour exprimer nos préoccupations au sujet des moyens de prévention et d’intervention concernant le transport maritime actuel.

Pourquoi n’en avons-nous pas entendu parler?

En raison de mon discours à l’étape de la deuxième lecture et de mes publications, vous savez que je m’oppose à ce projet de loi depuis le début. Je suis contre en partie parce qu’il n’y a pas de pétrolier dans cette zone. Il n’y en aura pas tant qu’on n’aura pas construit des installations de manutention d’hydrocarbures dans cette zone, ce qui ne pourra avoir lieu tant que l’autorisation nécessaire n’aura pas été accordée. Les déversements causés par des pétroliers ne sont qu’hypothétiques, mais il y a bel et bien des déversements d’hydrocarbures là-bas.

Si vous ne faites pas confiance aux représentants élus ou nommés pour empêcher les pétroliers de circuler dans cette zone, rappelez-vous que les très gros superpétroliers transportent jusqu’à deux millions de barils de brut. Comme le prix du baril est actuellement d’environ 55 $, cela signifie que chaque cargaison a une valeur de 110 millions de dollars.

Croyez-moi, les intérêts commerciaux veilleront à ce qu’aucun de ces navires ne perde son temps là où il n’y a pas d’installations pour le chargement ou déchargement. Les intérêts commerciaux les tiendront à l’écart. Nous n’avons pas besoin de ce projet de loi.

Je crois vraiment que nous aurons manqué à notre devoir si nous laissons le projet de loi C-48 être adopté. Il ne fait aucun doute que nous aurons failli à notre devoir envers les régions. J’en ai parlé plus longuement et d’autres l’ont également fait, alors je ne vais pas me répéter. Cependant, je pense que nous avons également manqué à notre devoir envers les minorités, notamment les petites provinces. Ce qui est encore plus important de nos jours, c’est notre responsabilité envers la minorité qui, dans notre société, est imposée aux peuples autochtones.

Nous sommes si fiers de s’être empressés à dire : « Non, non, nous voulons être sur un pied d’égalité. Que dites-vous? Je n’ai pas entendu. Oh, oui, mais nous voulons être sur un pied d’égalité avec vous. ». Nous sommes hypocrites.

Honorables sénateurs, je veux que vous réfléchissiez à notre attitude et que, possiblement, vous ralentissiez un peu. Nous ne sommes pas obligés de faire cela. Sénateur Dalphond, j’ai vu certaines de vos réponses par courriel. Vous dites que les élections en ont décidé ainsi. Très bien. Nous n’avons pas besoin du projet de loi parce qu’il n’y aura pas de pétroliers, parce que les intérêts commerciaux les tiennent à l’écart. Rien ne va changer. Reparlons-en plus tard.

Nous sommes maintenant coincés parce que les amendements que nous avons proposés étaient irrecevables et dépassaient la portée du projet de loi. Si nous rejetons le message, le projet de loi sera bloqué, puisque la Chambre des communes a ajourné pour l’été. Il serait donc reporté à une date ultérieure, en quelque sorte. Cela dit, si quelqu’un présentait une motion proposant d’envoyer ce message à un comité, je l’appuierais très volontiers. Un comité sénatorial, peu importe lequel, pourrait alors se pencher sur le véritable enjeu. Je ne pense pas que nous ayons obtenu toutes les données nécessaires ni que nous ayons réfléchi aux vrais enjeux qu’il faut régler.

Par ailleurs, si une motion proposait d’ajourner ce débat aujourd’hui, je l’appuierais aussi puisque, dans ce cas-ci, le report du dossier ne porterait préjudice à personne. Cela ne changerait rien : aucun pétrolier ne circulera dans cette région dans un proche avenir.

Nous pourrions ainsi gagner du temps et peut-être — je dis bien peut-être — retrouver une partie de la position de force associée à notre rôle de Chambre de second examen objectif.

Il y a une option que je ne pourrais pas accepter en toute bonne conscience, et ce serait de voter pour ce message. Je ne le ferai pas. Il n’est pas question que l’opinion publique décide du travail que j’ai à faire. J’ai pour devoir d’être une femme d’État chevronnée, à l’abri de l’opinion publique. Ce serait manquer à mon devoir que de me cacher derrière la réputation du Sénat ou d’un groupe particulier de sénateurs.

Je pense que nous devons laisser ce dossier en suspens parce que nous sommes nommés. Oui, nous faisons preuve de déférence, mais, dans le cas présent, lorsque nous sentons que nous nous dirigeons dans la mauvaise direction parce que nous avons été distraits par des tours de passe-passe, nous devrions simplement attendre un peu. Prenons l’été pour réfléchir. Prenons tous une pause puis revenons réévaluer la question qui doit vraiment être évaluée pour répondre aux besoins de ce que j’ai qualifié de « côte oubliée » : la côte Nord et centrale de la Colombie-Britannique.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice McCoy, mais votre temps de parole est expiré.

Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice McCoy : Seulement si quelqu’un aimerait poser une question. Sinon, je vous remercie tous de m’avoir écoutée. J’espère que vous ferez appel à ce qu’il y a de meilleur en vous lorsque vous voterez cet après-midi.

Des voix : Bravo!

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message reçu concernant le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

J’aimerais faire miens les propos de la sénatrice McCoy. La sénatrice McCoy jouit d’une réputation de longue date en tant qu’avocate spécialisée dans le secteur de l’énergie. Nous devrions tenir compte de ses paroles.

Je crois comme elle que le projet de loi est essentiellement une dérobade. On a beaucoup vanté les mérites du Plan de protection des océans du Canada de 1,5 milliard de dollars, bien qu’il néglige et continuera de négliger la côte nord-ouest. Le projet de loi est une concession offerte à ceux qui se soucient de protéger ce milieu.

Il est clair que la voie à suivre consiste à développer la capacité d’intervention en cas de déversement, comme on l’a fait sur la côte sud-ouest et dans l’Atlantique, avec le financement de l’industrie ou sous la direction de groupes autochtones disposés. C’est ce qu’on a fait dans diverses régions de ce magnifique pays.

Mon intervention portera principalement sur les observations du sénateur Pratte au sujet du projet de loi à l’étude. Elles m’ont frappé. Il a dit à la Chambre :

Il n’a pas été question de l’interdiction des pétroliers dans la plateforme nationale des libéraux. Il s’agit d’un engagement pris par la Colombie-Britannique dont il a rarement été fait mention ailleurs au Canada. Par conséquent, on ne peut pas dire que l’ensemble des Canadiens ont voté en faveur d’interdire la circulation des pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Cette promesse électorale ne se compare ni à la légalisation du cannabis ni aux dépenses en infrastructure. Le mandat du gouvernement à cet égard est imprécis.

(1630)

Je trouve aberrant que nous soyons sur le point d’adopter un projet de loi qui, comme le sénateur Pratte l’a dit, « est devenu une question d’unité nationale ».

Selon l’Encyclopédie canadienne :

Les sénateurs examinent et révisent les projets de loi, ils ont aussi une fonction d’enquêteurs et se penchent sur des questions d’intérêt national, et surtout, en vertu de la Constitution, ils accordent à toutes les régions du Canada une voix égale au Parlement.

Ce rôle est confirmé dans la description fournie sur le site web du Sénat :

Le Sénat sert de contrepoids à la Chambre des communes, où la représentation est démographiquement proportionnelle à la population. Son rôle a évolué au fil du temps : après avoir surtout défendu les intérêts des régions, il fait maintenant entendre au Parlement le point de vue de groupes sous-représentés, comme les peuples autochtones, les minorités visibles et les femmes.

Les deux sources insistent fortement sur le rôle de représentation et de défense des intérêts régionaux. Le projet de loi C-48 est malheureusement une mesure qui dresse les groupes autochtones les uns contre les autres et qui oppose les différents intérêts régionaux.

D’ailleurs, j’ai posé une question au sénateur Woo à propos des organisations autochtones hier. Je lui ai demandé s’il était au courant d’une lettre que la présidente Clayton, de la nation nisga’a, avait envoyée au sénateur Sinclair le 13 juin dernier. Elle y rejette l’amendement du sénateur Sinclair en disant qu’il n’aborde aucun des enjeux cruciaux que la nation nisga’a a soulevés à maintes reprises.

Je crois qu’il est important de lire ses mots au Sénat aujourd’hui. Voici ce qu’elle dit au sénateur Sinclair :

Malheureusement, l’amendement ne résout pas les principaux problèmes soulevés par la nation nisga’a lors des audiences du comité, comme on peut le lire dans ma lettre du 10 juin à l’intention des sénateurs, qui est jointe aux présentes.

Non seulement l’amendement ne règle aucun des problèmes fondamentaux que la nation nisga’a a continué de soulever, mais le libellé des articles 3.1 et 3.2 pose aussi un problème important.

La nation nisga’a s’oppose depuis longtemps à l’inclusion de ce genre de disposition de non-dérogation dans les lois fédérales, car cela n’a vraiment aucun effet. Aucune loi ne peut porter atteinte à une protection constitutionnelle. Même si ce genre de disposition n’a aucun effet sur le plan juridique, il donne la fausse impression qu’on fait quelque chose pour les peuples autochtones. Déjà en 2007, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s’est penché sur ce genre de disposition. Dans son rapport, intitulé « Prendre au sérieux les droits confirmés à l’article 35 : Dispositions de non-dérogation visant les droits ancestraux et issus de traités », le comité a recommandé une forme plus appropriée de disposition de non-dérogation à l’égard des droits ancestraux et issus de traités.

N’oublions pas que c’était une initiative de l’ancien sénateur Watt.

D’ailleurs, pendant cette session, le gouvernement du Canada a déjà inclus dans des projets de loi la forme de disposition de non-dérogation que le comité sénatorial, la nation nisga’a et d’autres signataires d’un traité moderne ont appuyée, plus précisément dans les projets de loi C-91 (article 3) et C-92 (article 2).

Par conséquent, nous vous demandons de remplacer l’article 3.1 de votre amendement par la disposition de non-dérogation incluse dans ces projets de loi, de la façon suivante :

Droits des peuples autochtones

3.1 La présente loi maintient les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; elle n’y porte pas atteinte.

Nous vous demandons également, en tout respect, de retirer entièrement l’article 3.2 que vous avez proposé. Nous ne doutons nullement que celui-ci part d’une bonne intention — nous savons qu’il a été copié du projet de loi C-68 —, mais à notre avis, cette disposition n’est pas conforme à la jurisprudence et, dans le pire scénario, elle pourrait accorder un pouvoir permettant d’empiéter de manière inconstitutionnelle sur les droits des Autochtones. Conformément à l’arrêt Sparrow, tout empiétement sur les droits visés à l’article 35 doit être justifié et non pas seulement pris en considération par le ministre. Concrètement, l’article 3.2 constitue, même si ce n’est pas l’intention, une disposition de dérogation.

Nous sommes d’avis que l’ajout du libellé adéquat à l’article 3.1 et le rejet de l’article 3.2 ne vont aucunement à l’encontre de l’intention qui sous-tend vos amendements et nous espérons que vous étudierez la possibilité d’apporter ces importants changements.

Honorables collègues, en terminant, je veux également féliciter le sénateur Downe de nous avoir incités à avoir le courage de faire ce qui est juste et d’exercer l’indépendance que nous devrions tous chérir.

Il est évident que nous n’avons pas réussi à régler les problèmes liés à l’unité nationale soulevés par le sénateur Pratte et par d’autres sénateurs. En tant que porte-parole du projet de loi, je vous implore de voter contre l’acceptation du message. J’espère que l’attention que le Sénat a générée sur cette question aidera les électeurs à faire leur choix en octobre. Merci.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de parler à ce sujet aujourd’hui, mais je n’ai jamais eu la chance de terminer mon intervention de la semaine dernière. Je pense donc que je le ferai aujourd’hui.

Puisque je dispose de quelques minutes de plus, j’ai ajouté quelques pages à mon intervention initiale.

Comme je le disais la semaine dernière, on ne cesse de nous donner l’exemple du Nathan E. Stewart pour illustrer ce qui peut arriver sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Le Nathan E. Stewart est un remorqueur-chaland articulé américain qui s’est échoué en 2016, a perdu une grande quantité de carburant et a causé bien des dégâts environnementaux. Dans le discours que le sénateur Woo a prononcé en son nom, la sénatrice Jaffer a utilisé les longs délais d’intervention comme motif pour ne pas autoriser l’exportation de pétrole depuis le Nord de la Colombie-Britannique. Il s’agit là d’un raisonnement erroné.

Premièrement, rien dans cette interdiction des pétroliers n’aurait empêché un accident comme celui-là, impliquant un navire à coque simple, de se produire. Deuxièmement, et c’est plus important, si le Nord de la Colombie-Britannique avait déjà exporté du pétrole lourd à l’époque, il y aurait nécessairement eu un centre d’intervention en cas de déversement dans la région, tout comme il en existe dans la vallée du bas Fraser, le détroit de Canso, la baie de Fundy ou le fleuve Saint-Laurent. L’absence actuelle de tout centre d’intervention en cas de déversement dans le Nord de la Colombie-Britannique est une omission à laquelle il faut remédier, car rien n’empêche le même genre de retard d’intervention en cas d’échouement de tout autre navire à coque simple qui navigue le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

L’échouement du Nathan E. Stewart est en fait un argument pour l’exportation de pétrole dans la région en raison de l’infrastructure d’intervention qui accompagnerait l’industrie d’exportation du pétrole. Nous pourrions exiger que l’industrie privée en paie les frais, et elle le ferait.

Les partisans du projet de loi C-48 prétendent également que les conditions météorologiques et océaniques dans le Nord de la Colombie-Britannique sont si extrêmes et dangereuses qu’il faut interdire les grands pétroliers là-bas. Ces conditions seraient plus dangereuses et imprévisibles que l’Atlantique Nord? Vraiment? Combien de tempêtes d’hiver accompagnées de gel et d’embruns les navires combattent-ils sur la côte Ouest? Combien d’étendues d’eau jonchées de glace doivent-ils traverser à la fin de l’hiver et au début du printemps, avec ou sans l’aide d’un brise-glace, sur la côte Ouest?

Le sénateur Harder nous a signalé que le secteur arrive au quatrième rang des zones maritimes les plus dangereuses au monde. Les Américains transportent du pétrole dans cette zone depuis les années 1970. Si les conditions maritimes dans cette zone présentaient un risque particulier, on en aurait certainement eu la preuve en un demi-siècle.

Ils font ensuite valoir que, à cause de la variété des espèces de baleines, de mammifères marins et d’oiseaux qu’il abrite, l’écosystème maritime du Nord de la Colombie-Britannique doit être traité différemment de celui de la côte Est. Je suis entièrement favorable à l’idée de protéger les habitats et la vie marine, mais est-ce que les baleines à bosse qui se nourrissent pendant quatre mois dans les eaux riches en nutriments de la baie de Fundy sont moins dignes de notre protection? Est-ce que les bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent et les baleines noires du golfe du Saint-Laurent ne comptent que pour quantité négligeable aux yeux du gouvernement? Il y a plus de 20 000 baleines grises dans le Pacifique alors qu’il y en a moins de 500 dans l’Atlantique Nord, où elles représentent la population de baleines la plus menacée au monde. Pourquoi deux poids, deux mesures? En quoi cette approche est-elle conforme à une bonne gestion de l’environnement? La réponse, évidemment, c’est qu’elle ne l’est pas. Tout le processus n’est qu’un énième exemple du dogmatisme moralisateur conjugué à une approche improvisée de la gouvernance qui caractérise le gouvernement Trudeau depuis son arrivée au pouvoir.

Ceux qui font l’apologie de ce projet de loi mentionnent ensuite les réserves assurément légitimes que les Premières Nations de la côte Ouest ont exprimées par rapport à la pêche au saumon. Encore une fois, je pense moi aussi qu’il faut faire preuve d’une prudence raisonnable, car c’est important de conserver des stocks de poissons viables et productifs. Pour autant, je le répète, l’expérience de la côte Est montre que ces risques sont gérables et que les inquiétudes exprimées sur la côte Ouest sont exagérées et trop souvent motivées par des considérations politiques.

(1640)

Rien n’illustre mieux l’hypocrisie du gouvernement Trudeau dans ce dossier que son refus obstiné d’écouter les Premières Nations du Nord de la Colombie-Britannique et de reconnaître leurs efforts pour stimuler l’économie et aspirer à une prospérité dont elles ont grand besoin. Le chômage dans certaines communautés dépasse les 90 p. 100.

La proposition du groupe Eagle Spirit permettrait au pétrole de cheminer par pipeline de l’Alberta jusqu’aux ports en eau profonde du Nord de la Colombie-Britannique. Elle permettrait de créer des milliers d’emplois bien rémunérés, d’assurer une source de revenus permanente à ces communautés et de générer d’excellentes retombées économiques, non seulement pour la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan, mais bien pour l’ensemble du pays. Cette initiative a l’appui de toutes les Premières Nations situées le long du tracé proposé — et elles sont nombreuses —, une distinction de taille dont le sénateur Harder a complètement fait fi lorsqu’il a essayé de discréditer sans raison les efforts qu’elles déploient pour redonner un peu d’espoir et de prospérité à leurs membres. Peut-être le sénateur Harder, mes collègues d’en face et le gouvernement du Canada devraient-ils sortir de leur cercle habituel de consultation.

Le gouvernement Trudeau préfère laisser ces gens dans la pauvreté. Il n’a aucun remords à éteindre toute lueur d’espoir qu’ils pouvaient avoir. Il préfère légiférer contre les industries pétrolières de l’Alberta et de la Saskatchewan, même si ce sont de véritables moteurs économiques, et tant pis si les nombreuses Premières Nations situées le long du tracé en ressortent perdantes. J’invite mes collègues d’en face à y réfléchir la prochaine fois qu’on leur demandera d’approuver les yeux fermés une mesure législative aussi dénuée de vision à long terme et aussi néfaste pour le pays.

Le gouvernement Trudeau prétextera que nous ne pouvons rien régler parce que certaines Premières Nations ont des points de vue diamétralement opposés. Toutefois, dans ce cas-ci, il n’y a aucun problème qui ne peut pas être réglé avec un minimum de bon sens et un peu d’initiative de la part de l’autorité fédérale.

Il y a une différence perceptible entre les Premières Nations du Nord et celles de la côte Ouest dans ce dossier. Tandis que les premières n’ont pas reçu un sou de quiconque pour leurs efforts, la campagne visant à empêcher la construction d’oléoducs et la circulation des pétroliers a été financée par des intérêts étrangers à hauteur de plus de 65 millions de dollars, principalement des groupes environnementaux états-uniens qui tentent de mettre fin aux activités de l’industrie pétrolière du Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur MacDonald : Entre-temps, les raffineries états-uniennes achètent notre pétrole à des prix dérisoires tout en vendant le leur aux cours mondiaux. Le gouvernement Trudeau se range du côté des groupes environnementaux états-uniens qui font de l’ingérence au détriment de notre propre pays et il choisit de laisser tomber les Premières Nations les plus directement touchées.

Enfin, les partisans du projet de loi C-48 diront qu’on ne peut pas construire et entretenir de façon sécuritaire un oléoduc entre le Nord de l’Alberta et la côte nord de la Colombie-Britannique. Si, il y a 50 ans, les États-Uniens ont pu construire un oléoduc le long de la chaîne d’Alaska, de la mer de Beaufort jusqu’à la côte sud, et l’utiliser en toute sécurité pendant tout ce temps, le Canada est certainement capable d’en construire un encore meilleur et plus moderne un demi-siècle plus tard.

Des voix : Bravo!

Le sénateur MacDonald : Je m’en voudrais de ne pas mentionner les préoccupations révérencieuses exprimées au sujet de la forêt pluviale de Great Bear, cet endroit magique et mystique inconnu d’innombrables générations de Canadiens. Évidemment, ce nom est inventé de toutes pièces. Les membres des Premières Nations de cette région avec qui je me suis entretenu se sont moqués de la désignation. Ils m’ont dit que ce nom avait été imaginé il y a quelques années par un militant écologiste de Vancouver alors qu’il était dans un café à San Francisco.

Après une petite recherche, j’ai découvert que c’était effectivement le cas. Lorsque j’ai demandé aux membres des Premières Nations comment ils appelaient cette forêt, ils m’ont répondu : « Nous l’avons toujours appelée le bois. » Ce à quoi j’ai répliqué : « Quelle coïncidence. C’est aussi l’expression que nous utilisons pour désigner la forêt en Nouvelle-Écosse. »

Je suis tout à fait en faveur de la protection et de la préservation des habitats naturels et de la faune, mais je tiens à dire que nous avons beaucoup de forêts et d’ours en Nouvelle-Écosse, et rien ne porte à croire que la circulation des pétroliers dans les eaux entourant cette province a déjà eu des effets néfastes sur les forêts ou les ours.

La superficie des terres dans les régions nordiques et centrales de la côte de la Colombie-Britannique représente, à elle seule, les trois cinquièmes de l’ensemble de la superficie de la Nouvelle-Écosse. Je ne m’inquiète pas pour les ours.

Tous les arguments avancés en faveur de l’interdiction de la circulation normale des pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique sont faibles et peu convaincants et ils sont financés par des injections inappropriées de fonds américains dans le discours public au Canada. Tout Canadien qui se respecte et qui croit en l’intégrité et en la souveraineté de son pays devrait contester cette ingérence inacceptable dans les affaires intérieures du Canada.

Le comité a entendu que le projet de loi C-48 aura des effets dévastateurs sur l’économie de l’Alberta et de la Saskatchewan et sur les centaines de milliers de travailleurs de l’industrie qui touchent du chômage ou de l’aide sociale et leurs familles. Ces pertes d’emplois se font sentir partout au pays. Le nord de la côte Ouest renferme de grands avantages naturels. Nous devrions les exploiter au profit de tous les Canadiens au lieu d’imposer des restrictions arbitraires, inutiles et injustes à notre capacité de soutenir la concurrence sur les marchés internationaux.

Nous importons du pétrole de pays dont les normes environnementales sont beaucoup moins strictes. Le gouvernement empêchera le pétrole canadien, qui est un produit de première qualité développé selon des normes de calibre mondial, d’être acheminé vers les marchés, où il supplanterait des produits fabriqués selon des normes inférieures. Étant donné que nous sommes incapables de faire construire des oléoducs, les producteurs de pétrole sont obligés de recourir davantage au transport ferroviaire, ce qui présente un risque élevé pour l’environnement et la sécurité. Il suffit de demander aux gens de Lac-Mégantic s’ils pensent que c’est une bonne idée.

Autoriser les ports en eau profonde situés dans le Nord de la Colombie-Britannique à exporter du pétrole permettrait aussi au Canada de réduire ses émissions, puisque ces ports peuvent accueillir les plus grands navires transportant du pétrole brut au monde, soit les très gros transporteurs de brut et les ultragros transporteurs de brut.

Le professeur Amit Kumar, de l’Université de l’Alberta, qui est ingénieur spécialisé en énergie, a livré un témoignage convaincant à cet égard. En tant que titulaire de la chaire de recherche de l’université en génie des systèmes énergétiques et écologiques, M. Kumar et son équipe ont réalisé une étude exhaustive de la chaîne complète de production, d’extraction, de traitement, de transport, de conversion et d’utilisation finale de l’énergie. Ils ont prouvé mathématiquement que la façon la plus efficiente, la plus rentable et la plus écologique de transporter du bitume ou du pétrole brut synthétique est par pétrolier. Il est aussi préférable que le navire soit le plus gros possible.

Contrairement à la vallée du bas Fraser et à d’autres endroits au Canada qui accueillent actuellement des pétroliers, les ports du Nord de la Colombie-Britannique peuvent facilement recevoir les ultragros transporteurs de brut, soit les plus grands navires du genre au monde. Ces navires permettraient au Canada de réduire les émissions produites lors de l’exportation du pétrole lourd, ce que tous les Canadiens approuveraient, j’en suis sûr.

Les ports de Prince Rupert, sur la côte Ouest, et de Point Tupper, dans le détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse, ont tous deux la capacité nécessaire pour accueillir facilement les ultragros transporteurs de brut. Il s’agit d’un avantage énorme pour le Canada, que nous devrions exploiter, au lieu de laisser passer.

Si le gouvernement est si inquiet au sujet de l’environnement, pourquoi n’en fait-il pas plus pour favoriser l’exportation de nos produits pétroliers à bord des plus grands navires au monde?

Pourquoi le gouvernement a-t-il si peu confiance dans le régime qu’il a proposé au moyen du projet de loi C-69? Ce régime devait pourtant permettre une évaluation rigoureuse des grands projets, y compris des projets de ports dans le Nord de la Colombie-Britannique, et les soumettre à un examen s’appuyant sur un large éventail de facteurs. J’avais l’impression que le nouveau régime environnemental du Canada devait faire en sorte qu’un projet de port serait examiné de façon scientifique. Dans les faits, l’industrie et les intérêts du pays sont traités de façon subjective, au cas par cas.

Des sénateurs avaient espoir qu’un amendement pourrait corriger le projet de loi. La sénatrice Simons et le sénateur Patterson ont défendu un amendement pour établir un corridor maritime ouvert aux pétroliers. Je les félicite de leurs efforts. Or, j’étais à la réunion où on a directement demandé au ministre si le gouvernement serait disposé à accepter un amendement qui prévoirait un corridor. Il a répondu sans détour : « La réponse est non [...] » Il a clairement affirmé que le gouvernement ne ferait pas de compromis en ce qui concerne le projet de loi, et il n’y en a pas eu.

Comme la sénatrice McCoy l’a dit dans son discours à l’étape du rapport :

Le Parlement ne devrait jamais être appelé à voter sur une mesure qui vise aussi directement une seule région en ayant un impact aussi néfaste.

Il existe de meilleures solutions que l’adoption du projet de loi C-48.

Comme la sénatrice McCoy l’a aussi proposé, pourquoi le gouvernement n’améliore-t-il pas les capacités d’intervention en cas d’incident ou ne déclare-t-il pas de telles zones comme étant des zones maritimes particulièrement vulnérables en vertu des conventions internationales? Ou pourquoi ne travaille-t-il pas avec les collectivités locales et les Premières Nations afin de protéger ces zones sans viser directement le cœur économique des provinces productrices de pétrole?

Mieux encore, laissons les électeurs décider. Laissons les libéraux mettre cette proposition dans leur programme électoral, ce qu’ils n’ont pas fait en 2015, ou, au moins, trouver une meilleure solution. Fragiliser notre industrie la plus importante, diviser la nation et menacer l’unité nationale n’est pas la bonne manière de procéder.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Éric Forest : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Bien sûr.

[Français]

Le sénateur Forest : Serait-il possible de connaître vos références historiques, qui vous permettent d’affirmer que le nom de Great Bear Rainforest a été choisi dans un café à San Francisco?

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : En fait, j’ai deux sources. Tout d’abord, les témoignages des Premières Nations qui vivent dans la région et la connaissent bien. Ensuite, les références que j’ai trouvées en ligne, dans la mesure où l’on peut faire confiance à celles-ci. Il y avait donc plusieurs sources, et les membres des Premières Nations de la région avec qui j’ai parlé me l’ont confirmé. En fait, ce sont elles qui ont abordé le sujet.

[Français]

Le sénateur Forest : Est-ce que le sénateur aurait la générosité de me faire parvenir ces références, pour que je puisse les vérifier moi-même?

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Je vous enverrai aussi une copie de mon discours.

(1650)

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une autre question?

J’ai écouté attentivement votre discours, et je me demande ce que vous répondriez aux neuf nations autochtones qui vivent sur la côte de la Colombie-Britannique, des nations qui sont en faveur de ce moratoire que vous avez dénoncé. Les seules nations dont vous n’avez pas parlé dans votre discours sont celles qui sont favorables au moratoire, car elles craignent le risque d’un déversement. Même si ce risque de déversement est faible, il existe.

J’aimerais vous entendre également répondre à l’argument relativement fort qui veut que les seules populations qui pourraient courir le risque d’un déversement sont justement les nations côtières qui vivent de la pêche.

Comment pouvez-vous ignorer ce risque réel, et comment pouvez-vous ignorer aussi le fait qu’il y a 35 p. 100 d’Autochtones qui vivent le long cette côte de la Colombie-Britannique? On parle d’une population importante d’Autochtones que vous semblez complètement ignorer dans vos arguments quand vous dites que ce moratoire n’a aucun sens.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Désolé, sénateur MacDonald, votre temps est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à une question?

Le sénateur MacDonald : J’ai pris l’habitude de me faire dire « non », alors il n’y a pas de problème.

Son Honneur le Président : Sénateur MacDonald, demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur MacDonald : Je répondrai à une question si c’est ce que les gens veulent, mais qu’on me donne plus de temps ou non, cela m’importe peu.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur MacDonald : D’abord, je désapprouve l’interprétation que vous faites de mes commentaires. Je vous rappelle que j’ai également pris la parole au sujet de ce projet de loi la semaine dernière. J’ai mentionné les quelque 35 Premières Nations le long du tracé qui ont donné leur appui. J’ai aussi parlé des peuples qui pêchent le long de la côte et des données sur la gestion des stocks de poissons sur la côte Est — c’est ce que j’ai dit la semaine dernière. La valeur de la pêche sur la côte Ouest est environ de 350 millions de dollars, alors que, sur la côte Est, elle est de 3 milliards de dollars. C’est une pêche extrêmement importante, beaucoup plus que celle de la côte Ouest, mais nous gérons cette pêche. Nous gérons le transport de plus de 280 millions de tonnes métriques de produits pétroliers, alors que, sur la côte Ouest, on parle de 6 millions de tonnes métriques seulement.

En ce qui concerne les Indiens de la côte Ouest qui pratiquent la pêche au saumon, j’ai de l’empathie pour eux et je les comprends, parce que nous avons les mêmes préoccupations sur la côte Est. Cependant, nous les gérons et je dis que les données sont plutôt claires quant à la possibilité de bien gérer ces deux industries.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur le Président : Sénatrice Miville-Dechêne, avez-vous une question complémentaire?

La sénatrice Miville-Dechêne : Cela dit, sénateur MacDonald, je répète ma question : que répondez-vous au fait qu’un risque existe? Non seulement ce risque existe, mais ces nations autochtones, qui dépendent de la pêche et qui représentent 12 000 personnes, ne veulent pas s’y exposer. Ce ne sont pas les Albertains qui courent le risque d’un déversement pétrolier; ce sont ces nations autochtones, ces 11 000 Autochtones qui vivent le long de la côte. Ce n’est pas exactement la même situation que sur la côte Est du Canada.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Il y a toujours des risques. Il suffit de savoir les gérer. En ce qui concerne la gestion conjointe de l’industrie pétrolière et de l’industrie de la pêche, l’expérience sur la côte Est du Canada montre clairement, à mon avis, que ce sont des risques qui peuvent être gérés. Il est difficile de croire que, contrairement à la côte Est, la côte Ouest ne dispose pas de projets pilotes, de technologies, ni de tous les outils qu’on pourrait s’attendre à trouver là-bas, pour assurer cette gestion conjointe. Il ne fait aucun doute que la côte Ouest peut gérer les risques qui se posent.

Visiteur de marque au Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, habituellement, nous ne signalons pas la présence de visiteurs derrière la barre, mais je remarque celle du député de Skeena–Bulkley Valley, Nathan Cullen, qui a décidé de ne pas se représenter aux prochaines élections.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare :

Que, relativement au projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, le Sénat :

a)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 2;

b)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à la suite de l’amendement 1 du Sénat;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole à propos du projet de loi C-48.

On a mentionné à plusieurs reprises aujourd’hui que le Sénat représente toutes les régions. Le point de vue de ma région, le Yukon, n’a pas été présenté dans ce débat. J’aimerais attirer l’attention de mes collègues sur plusieurs points qui, à ma connaissance, n’ont été soulevés ni dans cette enceinte ni au comité.

Le projet de loi C-48 porte sur la côte nord de la Colombie-Britannique, la protection de cette partie en particulier des côtes canadiennes. Je pense que ce choix est celui de la Colombie-Britannique, un facteur très important quand on parle de la Confédération et de nos places individuelles au sein de celle-ci. Quand je dis « ce choix est celui de la Colombie-Britannique », je fais allusion aux Premières Nations et au gouvernement de la province.

Honorables sénateurs, l’idée de protéger l’environnement dans cette région n’est pas une nouveauté. J’attire votre attention sur l’article 3 du protocole d’entente et de collaboration entre l’État de l’Alaska et la province de la Colombie-Britannique qui a été signé en 2015 :

L’Alaska et la Colombie-Britannique collaboreront pour favoriser la fiabilité et la sécurité du transport maritime. Cette collaboration englobe, entre autres choses, les mesures pour prévenir les accidents et les déversements et pour atténuer les conséquences des accidents et des déversements.

Dans la Déclaration de coopération pour la protection des eaux transfrontalières, l’annexe « Définition des termes » précise que les « eaux transfrontalières [...] comprennent toutes les eaux marines qui se trouvent dans les limites du territoire de l’Alaska, au sud du 60e parallèle, ou dans les limites du territoire de la Colombie-Britannique. »

Tout récemment, en 2018, l’Alaska a exhorté le Canada et la Colombie-Britannique à s’occuper de la protection environnementale et des bassins hydrographiques. Les zones qui nous intéressent ici sont situées sur le territoire canadien.

Nous savons depuis des milliers d’années que le refuge faunique de l’Arctique, situé sur la côte la plus septentrionale de l’Alaska, est une aire de reproduction sacrée pour la harde de caribous de la Porcupine. D’aussi loin que je me rappelle, et même avant, le Yukon a fait du lobbying auprès de l’Alaska pour assurer la protection du refuge faunique de l’Arctique. Nous avons demandé aux Alaskiens de renoncer au forage pétrolier dans les aires de reproduction sacrée pour les caribous de la Porcupine. Ce sont des terres sacrées pour les Vuntut Gwitchin qui vivent dans le Nord du Yukon. Leur lobbying très efficace auprès de Washington a reçu l’appui du Yukon et des gouvernements canadiens de toutes les allégeances politiques. Je pense que plusieurs sénateurs sont au fait de leurs efforts.

Comment pouvons-nous exercer des pressions pour protéger les côtes de l’Alaska, en sachant à quel point elles sont importantes pour les peuples autochtones et les Yukonais, si nous ne sommes même pas disposés à protéger nos propres côtes canadiennes, qui sont tout aussi importantes pour les peuples autochtones?

Au cas où quelqu’un laisserait entendre que je ne suis pas au courant des difficultés que posent les ressources enclavées, je rappelle aux sénateurs que les ressources de la mine Faro ont été acheminées vers les marchés par le port de Skagway, dans le Sud-Est de l’Alaska. De plus, ce n’est pas la première fois que des problèmes se posent avec des pipelines. Le Canada et les États-Unis avaient signé un traité visant à transporter du gaz de l’Alaska au moyen du pipeline Alyeska. Il aurait traversé le Yukon et aurait peut-être été raffiné en Alberta. Pendant longtemps, j’ai exercé de fortes pressions pour que le projet se concrétise. Le pipeline aurait longé un corridor de transport qui a été construit et qui est toujours partiellement financé par les États-Unis. En fin de compte, l’industrie a pris une autre décision. Je vous fais part de cette information parce qu’il ne faut pas sous-estimer le rôle que joue l’industrie dans le processus décisionnel.

Chers collègues, le Yukon partage une frontière avec l’Alaska et il y a une grande circulation à destination du Sud-Est de l’Alaska. Même si, techniquement, la frontière se trouve en Colombie-Britannique et que les postes frontaliers indiquent que c’est la Colombie-Britannique, ce sont les Yukonnais qui utilisent les postes frontaliers, et ce, souvent plus d’une fois par jour.

(1700)

Les habitants du Sud-Est de l’Alaska, du Far West des États-Unis, sont nos voisins, nos amis et, dans bien des cas, des membres de la famille. Chez nous, il arrive que les grands-parents se trouvent d’un côté de la frontière, tandis que les parents sont de l’autre.

Je vous parle des répercussions globales, des répercussions américano-canadiennes parce que le comité n’en a pas discuté. Je crois qu’il aurait probablement dû le faire, mais en rétrospective, c’est facile à dire.

Selon moi, les Yukonnais appuient la protection de cette région, et les renseignements que je vous ai fournis aujourd’hui semblent aussi aller en ce sens.

Même si je respecte pleinement les vives instances que nous avons entendues aujourd’hui ainsi que les renseignements fournis par la sénatrice McCoy, je pense que le projet de loi C-48 est une mesure qui respecte la compétence de chacun au Canada. C’est une demande des Britanno-Colombiens, et nous devrions adopter le projet de loi. En ce qui concerne les questions liées aux ressources, à mon avis, il y a d’autres facteurs en jeu, et l’industrie prendra des décisions à cet égard.

Pour ces raisons, honorables sénateurs, j’appuie le projet de loi C-48. Je pense que c’est la chose à faire. C’est une demande de la Colombie-Britannique, de la Confédération, et je crois que nous devrions les écouter et donner suite à leur demande. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message de la Chambre des communes à propos du projet de loi C-48, dont le titre abrégé est Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.

Comme membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, j’ai eu la possibilité de participer aux délibérations sur ce projet de loi. Pour cette longue étude, nous nous sommes réunis 22 fois, nous avons entendu 139 témoins et nous nous sommes rendus dans quatre communautés. Je suis reconnaissante d’avoir des collègues aussi merveilleux au comité; nous avons noué des liens indestructibles. Étrangement, le projet de loi C-48 me manquera lorsque nous en aurons terminé l’étude ici.

Le message que nous avons reçu de la Chambre des communes nous renvoie presque à la version initiale du projet de loi. Dès le tout début de l’étude de ce projet de loi, j’ai pensé qu’il présentait en gros une bonne idée. Au fil des délibérations et de l’étude, j’ai trouvé que c’était un assez bon projet de loi. Maintenant que j’entends autant de critiques, je me sens obligée de prendre la parole aujourd’hui à son sujet.

Je vais être brève, mais je tiens à dire que j’estime que nous devrions accepter le message.

Je vais vous faire part de mes réflexions générales concernant le projet de loi C-48. Pour moi, cette mesure législative contient tous les éléments de ce qui fait un projet de loi réussi et largement accepté. Premièrement, il est fondé sur une politique bien établie. Le moratoire sur les pétroliers est une politique bien étayée qui existe depuis plusieurs décennies.

Comme on le sait, un système a été établi en 1977 pour que les pétroliers américains transportant du brut depuis l’Alaska jusqu’au continent américain évitent la côte Ouest de la Colombie-Britannique. Cette pratique a été officialisée dans l’entente conclue en 1985 entre les gardes côtières du Canada et des États-Unis afin de créer une zone d’exclusion volontaire des pétroliers. D’après ce que je comprends, tous les gouvernements fédéraux et tous les gouvernements de la Colombie-Britannique ont appuyé cet arrangement volontaire pendant de nombreuses décennies.

Le projet de loi C-48 vient officialiser davantage cet arrangement, qui s’appliquerait désormais aux pétroliers canadiens. Combien de politiques notre pays a-t-il eu l’occasion de mettre à l’essai pendant presque 40 ans avant de les inscrire dans la loi? Combien de fois cela s’est-il produit? Presque jamais.

À mes yeux, il s’agit d’une politique modérée et éprouvée. Aucun pétrolier n’a circulé dans cette région par le passé et aucun ne le fera dans l’avenir. Voilà le premier point que je voulais souligner.

Le deuxième élément qui contribue à en faire une bonne mesure législative est la raison d’être de l’interdiction des pétroliers, c’est-à-dire protéger d’un éventuel déversement de pétrole la côte nord de la Colombie-Britannique, qui est relativement vierge, la célèbre forêt pluviale de Great Bear et d’autres zones sensibles dans la région.

La semaine dernière, la sénatrice Jaffer, par l’intermédiaire du sénateur Woo, nous a parlé en détail de cet habitat unique à la végétation luxuriante. Nul besoin de répéter sa merveilleuse description.

Contrairement à ce qu’on voit sur la côte Est, aucun pétrolier n’a jamais circulé au large de la côte visée par le projet de loi. Le volet environnemental rend ce projet de loi particulièrement pertinent, de nos jours, étant donné que les Canadiens sont généralement plus sensibles à des questions comme les changements climatiques, la protection de l’environnement et l’ensemble des questions environnementales. Les Canadiens sont maintenant plus disposés que jamais à accepter des politiques environnementales plus rigoureuses.

En troisième lieu, c’est un bon projet de loi parce qu’il a l’appui d’un très grand nombre de personnes et de collectivités. Notre voyage à Prince Rupert et à Terrace a grandement contribué à nous faire voir à quel point les résidants de la région veulent que le projet de loi C-48 soit adopté.

Soulignons surtout que la majorité des Premières Nations de la côte, soit 9 sur 11, comptent sur le projet de loi C-48 pour protéger leur communauté ainsi que leur gagne-pain actuel et futur — c’est-à-dire les pêches — contre les effets catastrophiques d’un déversement d’hydrocarbures.

La sénatrice McCallum a déjà parlé des points de vue et des désirs exprimés par les collectivités côtières, et je n’ai donc pas besoin de répéter ce qu’elle a expliqué avec beaucoup d’éloquence la semaine dernière.

Cela dit, le projet de loi C-48 a aussi l’appui de bien d’autres personnes, y compris des dirigeants municipaux, des environnementalistes, des résidants de la région, le maire de Prince Rupert, le maire de Kitimat, le député fédéral qui représente la région concernée et qui, à notre demande, est venu ici, au Sénat, la députée provinciale qui représente cette région côtière et, surtout, le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique.

Nous devons aussi tenir compte, dans nos délibérations, du soutien considérable que ce projet de loi reçoit de la part d’un vaste éventail d’intervenants. Beaucoup de gens nous supplient de l’adopter.

Ma quatrième raison, un point auquel nous devrions attacher beaucoup d’importance, c’est que les libéraux de M. Trudeau avaient promis ce changement en 2015. Cette promesse a peut-être été faite en Colombie-Britannique, mais elle n’en demeure pas moins valide.

On dit parfois, à juste titre, que les gouvernements ne respectent pas toujours leurs promesses. Ainsi, la réforme électorale promise ne s’est jamais concrétisée. Mais quand un gouvernement décide de donner suite à l’une de ses promesses, nous devons y attacher beaucoup d’importance pendant nos délibérations. De toute évidence, le gouvernement a reçu le mandat de mener ce dossier à bien, surtout de la part des Britanno-Colombiens.

Voilà les quatre raisons qui m’apparaissent cruciales.

On peut ensuite se demander ceci : puisque le projet de loi C-48 est clairement une bonne mesure législative, selon moi, pourquoi se bute-t-il à autant de difficultés?

Chers collègues, une seule raison explique ces difficultés. Elle trouve sa source dans la situation déplorable de l’industrie pétrolière albertaine, la dégringolade du prix des ressources naturelles ces dernières années, les pertes d’emplois, les avenirs brisés et les espoirs envolés. Le désespoir a affecté l’humeur du public, le dialogue public et même l’unité nationale.

(1710)

L’an dernier, mes anciens collègues d’Environics ont fait équipe avec la Canada West Foundation, le Mowat Centre et l’IRPP pour entreprendre un vaste sondage d’opinion auprès de la population canadienne sur diverses questions liées à l’unité nationale. En décembre et janvier derniers, ils ont mené une vaste enquête auprès des Canadiens dans 13 provinces et territoires, ainsi qu’auprès de collectivités autochtones.

Une série de constatations cruciales concerne la province de l’Alberta et la façon dont elle vit ce que nous pourrions appeler un éloignement extrême du reste du Canada. En effet, 71 p. 100 des Albertains disent que la province n’obtient pas le respect qu’elle mérite dans le reste du Canada, ce qui représente une hausse par rapport à 49 p. 100 en 2010. Au total, 67 p. 100 des Albertains disent qu’ils n’ont pas leur juste part d’influence sur les décisions nationales, comparativement à 46 p. 100 de tous les Canadiens qui disent la même chose. Par ailleurs, 56 p. 100 des Albertains disent qu’ils tirent si peu d’avantages de leur adhésion au Canada qu’ils pourraient aussi bien se débrouiller seuls, et ce chiffre est en hausse puisque seulement 28 p. 100 d’entre eux pensaient ainsi en 2010.

La campagne électorale albertaine subséquente, avec ses discours passionnés, a rendu ce genre de points de vue encore plus évidents. Le premier ministre Kennedy a tenu des propos sur ces mêmes thèmes lorsqu’il a comparu devant le comité, le 30 avril, pour dire que l’Alberta est la province qui contribue le plus, financièrement, au reste du pays, qu’il y a une crise de confiance en Alberta concernant le fédéralisme et qu’il y a aussi une crise d’unité nationale. Il a également parlé de désirs de séparation.

Nous devons conclure que ces attitudes et ces perceptions sont bien réelles, tout comme la situation économique et les pertes de revenus, d’emplois et de possibilités au sein du secteur des ressources.

Je pense, et même je sais, que bon nombre de Canadiens compatissent en pensant à cette situation, et je sais que la situation est différente aujourd’hui, du moins en ce qui concerne le reste des Canadiens, par rapport aux mauvais jours de l’époque du Programme énergétique national. Je crois sincèrement que les Canadiens du reste du pays comprennent et compatissent aux difficultés de l’Alberta. Je le crois fermement. Je le sais, sénatrice Simons, et je vous l’ai déjà dit. J’en ai la certitude.

Maintenant, beaucoup d’Albertains s’en sont pris au projet de loi relatif aux pétroliers. Les Albertains ont le droit d’être fâchés, mais ce projet de loi ne mérite pas tant de colère. Pas du tout. Nous recevons des courriels de gens en Alberta qui parlent de tous les emplois qu’ils auront quand le projet de loi C-48 sera rejeté. Ils s’attendent à avoir une abondance d’emplois aussitôt que le projet de loi sera rejeté.

Je dois cependant dire, malgré tout le respect que je leur dois, que certains Albertains entretiennent à tort cet espoir lié au rejet du projet de loi.

Le rejet du projet de loi C-48 ne créerait pas d’emplois en Alberta. Malheureusement, aucun oléoduc ne sera aménagé dans un avenir prévisible. Il n’y a pas de Trans Mountain ni de Keystone à l’horizon pour le Nord. Je dis cela avec regret.

De plus, nos déplacements dans la région ont confirmé, pour moi, l’énorme opposition qui existe à l’égard de l’aménagement de pipelines dans la région. Nous en avons appris davantage au sujet du projet Northern Gateway et des raisons pour lesquelles il a échoué. Un plébiscite a eu lieu à Kitimat et les citoyens ont rejeté le projet Northern Gateway. Ils ne l’aimaient pas. Pourtant, on parle d’une ville qui dépend de l’exploitation des ressources naturelles. Selon Anne Hill, de la North West Watch Society, l’opposition à ce projet fusait de toutes parts au sein de la collectivité. Elle a dit :

Chaque conseil municipal de la région a adopté des résolutions pour rejeter le projet.

Nous devons comprendre que c’est également un facteur. L’aménagement de pipelines dans la région fait l’objet d’une énorme opposition.

Je tenais à le signaler. Cela dit, je reviens, en conclusion, au sujet à l’étude. Malgré cela, nous savons que la frustration et la déception subsistent en Alberta.

Compte tenu de cette situation, je pense que l’amendement élaboré par les sénateurs Sinclair et Pratte à propos de l’évaluation régionale approfondie et accepté par le Sénat la semaine dernière représentait une tentative sincère et de bonne foi de permettre à l’Alberta de garder espoir et de lui signaler que nous nous soucions d’elle.

Le gouvernement a rejeté cet amendement et nous nous retrouvons essentiellement avec une version pratiquement inchangée du projet de loi C-48. Ce dernier contient un amendement qui propose un examen après cinq ans de la mesure législative, une démarche intermédiaire qui contribuera à mon avis à notre compréhension de la situation et à tenir compte des préoccupations de l’Alberta.

Honorables sénateurs, je pense que le moment est enfin venu d’accepter le message et de reconnaître que nous avons fait tout ce que nous avons pu. J’encourage le Sénat à accepter le message de la Chambre des communes.

Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention d’intervenir au sujet de ce projet de loi, car j’ai la voix un peu enrouée. Je me sens toutefois tenue de le faire après avoir écouté mes collègues en parler avec autant de passion.

Ce projet de loi me tient beaucoup à cœur, bien entendu, parce que je viens de la Colombie-Britannique. Il aura des conséquences pour l’environnement de la Colombie-Britannique, les secteurs énergétiques de l’Alberta et de la Saskatchewan et notre économie. Plus important encore, il aura des effets sur le tissu même de notre pays.

Depuis que ce projet de loi a été inscrit au Feuilleton, des groupes, pour ou contre le projet de loi, se sont manifestés successivement, que ce soit au moyen de témoignages, par courriel ou dans les médias sociaux, pour plaider et défendre leur cause avec passion.

Ceux en faveur du projet de loi C-48 affirment que la seule façon de protéger la côte de la Colombie-Britannique est de mettre l’interdiction volontaire des pétroliers sur la côte Ouest dans une mesure législative fédérale contraignante de manière à empêcher une fois pour toutes les pétroliers de transporter du pétrole de l’Alberta et de la Saskatchewan en passant par les ports du Nord de la Colombie-Britannique, rendant ainsi l’accès aux marchés asiatiques plus difficile.

Je sais que la grande majorité des partisans de ce projet de loi sont motivés par leur amour de la Colombie-Britannique et leurs inquiétudes pour l’environnement. Ils ne souhaitent pas seulement protéger le vaste littoral et les plages immaculées, mais aussi les montagnes et les forêts pluviales vierges. La Colombie-Britannique et ses eaux sont habitées par les espèces les plus rares de la planète. Les gens qui vivent le long de la côte, qui sont majoritairement autochtones, y perpétuent un mode de vie ancestral aux racines millénaires.

Beaucoup exigent que nous protégions l’environnement pour les générations futures. Pour certains, cette préoccupation légitime ne peut que se traduire par une interdiction totale des pétroliers. Inversement, d’autres personnes nous rappellent que ce grand pays a été bâti grâce à l’exploration, à l’extraction et au transport des ressources naturelles vers les marchés du monde entier.

L’industrie pétrolière est l’un des principaux moteurs de l’économie de tout le Canada, et non uniquement de l’Alberta et de la Saskatchewan. Faut-il faire primer un intérêt au détriment d’un autre, renvoyer des régions dos à dos et dresser les Premières Nations les unes contre les autres?

Je reviendrai à cette question plus tard.

Je vis en Colombie-Britannique depuis plus de 40 ans. J’ai vécu sur la côte et à l’intérieur des terres, et j’ai aussi passé beaucoup de temps dans le Nord de la province. J’ai pêché dans le fleuve Skeena et ses affluents. Je suis allée à Haida Gwaii. J’ai même vu un ours Kermode, ou « ours esprit », en liberté — c’est vraiment vrai. Et j’ai vu de nombreux grizzlis, quoique d’un peu trop près à mon goût.

Je ne me vante pas sans cesse d’être une experte de l’écosystème britanno-colombien, mais toutes ces expériences ont façonné mon point de vue. Le moins que je puisse dire, c’est que la Colombie-Britannique est pour moi un endroit très spécial.

Il peut être intéressant de noter que j’ai grandi à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Adolescente, je passais les vacances estivales dans des endroits comme la plage de Lawrencetown et celle de Clam Harbour. J’ai parcouru la piste Cabot sur la côte du Cap-Breton, d’abord avec mes parents, puis avec ma propre famille et mes amis. J’ai passé du temps à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai découvert la majesté de la côte Est, qui est tout aussi belle et précieuse que la côte Ouest.

(1720)

Je me pose donc la question suivante : pourquoi concentrons-nous tous nos efforts sur la côte Ouest? Si la circulation des pétroliers ne présente pas de danger pour la côte Est et le Saint-Laurent, pourquoi l’interdire sur la côte Ouest? Je ne comprends pas trop.

Il y a un autre aspect problématique qui n’est pas souvent mentionné dans le débat sur les pipelines et les pétroliers : le transport ferroviaire du pétrole. Plus nous évitons d’utiliser les ports et plus nous tardons à construire des pipelines pour le transport du pétrole, plus il y aura de pétrole transporté par voie ferroviaire. Or, les recherches montrent que c’est, de loin, le mode de transport du pétrole le plus dangereux. Nous n’oublierons jamais le cauchemar qu’a été la catastrophe de Lac-Mégantic. Un déraillement dans l’un des cours d’eau qui sont le moteur de l’Ouest aurait aussi des conséquences tragiques et indescriptibles pour l’environnement. À mon avis, un tel événement aurait des effets au moins aussi dévastateurs qu’un déversement en mer non contrôlé.

C’est justement ce qui est arrivé l’an dernier dans le col Rogers : 40 wagons ont quitté la voie ferrée. Imaginez les dégâts s’ils avaient contenu du pétrole au lieu de céréales. Là où je vis, en Colombie-Britannique, la quantité de pétrole qui emprunte le réseau continental du Canadien Pacifique vers l’ouest, c’est-à-dire à travers les Rocheuses et jusqu’à la côte, a carrément doublé. Ces trains circulent à flanc de montagne et longent la rive de la rivière Thompson et du magnifique fleuve Fraser jusqu’aux majestueux cours d’eau où vivent ou fraient de nombreuses espèces de saumon — dont le fameux saumon rouge — et d’esturgeon, ainsi que d’autres espèces de poisson.

Au comité, j’ai demandé à un des témoins ce qui arrive quand un déversement se produit dans l’océan. Je lui ai notamment demandé ce qui est prévu dans l’éventualité où un pétrolier se retrouverait dans un cours d’eau aussi agité que le fleuve Fraser. Il m’a répondu que rien de précis n’était prévu et qu’il n’y avait aucun moyen de limiter les dégâts en cas de déversement majeur en eau vive. En plus de détruire l’habitat du poisson et les frayères, le pétrole se retrouverait alors directement dans l’océan que nous essayons tous très fort de protéger. Peut-être devrions-nous nous intéresser davantage à la sécurité des pipelines eux-mêmes au lieu de penser seulement à acheminer le pétrole vers l’étranger.

Il ne s’agit pas simplement d’un débat sur les oléoducs et les pétroliers sur la côte Ouest. Il s’agit d’un débat sur notre capacité de travailler ensemble pour le bien commun et de trouver le lien qui nous unit et qui fait de nous tous des Canadiens, plutôt que de créer un fossé qui nous sépare en fonction de nos intérêts régionaux.

Les Canadiens jouissent d’une qualité de vie incomparable dans le monde. Ils profitent d’avantages dignes des pays industrialisés, comme des soins de santé universels, des infrastructures modernes et bien d’autres choses encore. Ces avantages sont possibles grâce au prélèvement de recettes fiscales, dont une grande partie provient du secteur des ressources.

Comme on l’a déjà dit, le secteur énergétique représente environ 10 p. 100 de l’économie canadienne et procure des centaines de milliers d’emplois directs et indirects à des Canadiens. Même si nous cherchons tous à réduire notre empreinte carbone, l’industrie pétrolière fait actuellement partie intégrante de notre vie et ne disparaîtra pas de sitôt.

J’ai eu la chance de faire partie de l’équipe du Sénat qui s’est rendue dans l’Ouest pour entendre des témoins au sujet du projet de loi C-48. Chacun d’entre eux s’est livré à un plaidoyer enflammé pour défendre sa position sur la question, et les deux parties ont souhaité évidemment faire pencher la balance en leur faveur.

Comme vous le savez, les témoins nous ont présenté des arguments valables et convaincants. Malheureusement, le gouvernement a rejeté l’amendement que nous lui avions proposé. Il ne s’agit pas d’un moratoire. Il s’agit de l’interdiction des pétroliers. Et ce que l’on interdit ici, ce ne sont pas seulement les pétroliers, mais aussi la prospérité du peuple de la nation nisga’a et d’autres peuples qui prient pour avoir le genre de possibilités dont profite le reste du pays.

J’aimerais vous rappeler que nous avons déjà un moratoire sur les pétroliers sur la côte Ouest et, espérons-le, un projet de loi C-69 pour nous protéger des risques d’un déversement d’hydrocarbures. Je voterai non à ce message. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose que, en ce qui concerne le projet de loi C-48… puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Deux sénateurs se sont levés. Y a-t-il une entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Une heure.

Son Honneur le Président : Une heure. Le vote aura lieu à 18 h 24.

Convoquez les sénateurs.

(1820)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Gold
Bellemare Harder
Bernard Hartling
Boehm Joyal
Boniface Kutcher
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Christmas Marwah
Cordy McCallum
Cormier McPhedran
Coyle Mégie
Dalphond Mitchell
Dasko Miville-Dechêne
Dawson Moncion
Day Moodie
Dean Omidvar
Duncan Pate
Dupuis Petitclerc
Dyck Pratte
Forest Ravalia
Forest-Niesing Ringuette
Francis Saint-Germain
Furey Sinclair
Gagné Woo—49
Galvez

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk Martin
Ataullahjan Massicotte
Batters McCoy
Black (Alberta) McInnis
Black (Ontario) McIntyre
Boisvenu Mockler
Busson Neufeld
Campbell Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Deacon (Nouvelle-Écosse) Plett
Deacon (Ontario) Poirier
Downe Richards
Doyle Seidman
Eaton Simons
Frum Smith
Greene Stewart Olsen
Griffin Tannas
Housakos Tkachuk
LaBoucane-Benson Verner
MacDonald Wallin
Manning Wells
Marshall White—46

ABSTENTION
L’honorable sénateur

Klyne—1

(1830)

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je veux parler de mon abstention concernant le projet de loi C-48. Je comprends l’objectif du projet de loi et je comprends que la santé des milieux marins est essentielle au bien-être économique, culturel et environnemental du littoral vierge du Nord de la Colombie-Britannique et des communautés côtières. Je ne connais personne qui souhaite que cet environnement soit endommagé.

Je crois également que les groupes autochtones ont le droit de concevoir eux-mêmes leurs programmes socioéconomiques et qu’on ne devrait pas leur retirer des occasions d’autodétermination menant à la création de richesse et à l’autosuffisance.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Klyne, mais lorsqu’un sénateur prend la parole pour expliquer son abstention, ce n’est pas le temps d’entrer dans un débat. Il s’agit généralement d’une brève intervention expliquant pourquoi le sénateur a choisi de s’abstenir. Ce n’est pas un droit. C’est simplement une pratique obscure que nous avons laissée se poursuivre au fil du temps et non la norme. Ce n’est vraiment pas une occasion de débattre à nouveau des questions dont le Sénat a déjà débattu. C’est simplement une brève explication de l’abstention.

Le sénateur Klyne : C’est une question très importante. Je comprends.

Ce que je dois dire, c’est que j’appuyais le projet de loi lorsqu’il comprenait une évaluation régionale. Or, cela a été supprimé. Alors, pour moi, c’est devenu plus qu’une simple interdiction des pétroliers. Bref, c’est devenu une interdiction visant les ressources de l’Ouest canadien. J’espère que l’examen après cinq ans prouvera que j’ai tort.

Des voix : À l’ordre.

Son Honneur le Président : Le sénateur Klyne a la parole.

Le sénateur Klyne : Quoi qu’il en soit, c’est trop loin dans le temps, ce qui me fait beaucoup hésiter. Voilà mes réflexions. C’est l’une des nombreuses raisons de mon abstention.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est plus de 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi :

Le jeudi 20 juin 2019

Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, la Chambre :

accepte les amendements 1, 4a) et 5b) apportés par le Sénat;

propose que l’amendement 2 soit modifié en remplaçant le texte par ce qui suit :

« c.1) il envisage des solutions de rechange à la mise sous garde dans un pénitencier, notamment celles prévues aux articles 29 et 81;

c.2) il assure la prestation efficace des programmes offerts aux délinquants, notamment les programmes correctionnels et les programmes d’éducation, de formation professionnelle et de bénévolat, en vue d’améliorer l’accès aux solutions de rechange à la mise sous garde dans un pénitencier et de promouvoir la réadaptation; »;

propose que l’amendement 3 soit modifié en remplaçant le texte par ce qui suit :

« (2.01) Afin que le plan puisse être élaboré d’une manière qui tient compte des besoins, le cas échéant, d’un délinquant en matière de santé mentale, le directeur du pénitencier renvoie le dossier du délinquant, dès que possible après la date à laquelle celui-ci est admis au pénitencier et au plus tard le trentième jour après cette date, au secteur du Service chargé de la gestion des soins de santé pour que soit effectuée une évaluation de la santé mentale du délinquant. »;

propose que l’amendement 4b)(i) soit remplacé par l’amendement suivant :

« 1.Article 10, page 7 : remplacer les lignes 25 à 28 par ce qui suit :

« (2) À cet égard, le Service veille notamment :

a) à ce que le dossier du détenu soit renvoyé, dans les vingt-quatre heures de son transfèrement dans une unité d’intervention structurée, au secteur du Service chargé de la gestion des soins de santé pour que soit effectuée une évaluation de la santé mentale du détenu;

b) à ce que le détenu reçoive au moins une fois par jour la visite d’un professionnel de la santé agréé employé par le Service ou dont les services ont été retenus par celui-ci. »; »;

rejette respectueusement l’amendement 4b)(ii) parce qu’il pourrait ne pas soutenir l’autonomie professionnelle des professionnels de la santé agréés et leur indépendance clinique et ne tient pas compte de la volonté du détenu d’être transféré à un hôpital ou de la capacité de l’hôpital de soigner le détenu;

rejette respectueusement l’amendement 5a) parce qu’il entraînerait un alourdissement considérable de la charge de travail des cours supérieures provinciales, et parce que des évaluations supplémentaires et des consultations avec les provinces seraient nécessaires afin de déterminer les conséquences probables aux niveaux fédéral et provincial, sur le plan législatif, opérationnel et financier, y compris des amendements à la Loi sur les juges et à des lois provinciales et la nomination de juges supplémentaires;

propose que l’amendement 6 soit remplacé par ce qui suit :

« 6.Article 14, page 16 :

a)remplacer la ligne 7 par ce qui suit :

« 48 (1) Sous réserve du paragraphe (2), l’agent peut, sans soupçon précis, procéder à la »;

b)ajouter, après la ligne 13, ce qui suit :

« (2) Il est procédé à une fouille par balayage corporel du détenu plutôt qu’à une fouille à nu si la fouille par balayage corporel est autorisée en application de l’article 48.1 et qu’un détecteur à balayage corporel réglementaire fonctionnant correctement est situé dans le secteur du pénitencier où la fouille à nu devrait être faite. »; »;

propose que l’amendement 7a) soit modifié en remplaçant le texte de la version française par ce qui suit :

« c) l’identité et la culture autochtones du délinquant, notamment son passé familial et son historique d’adoption. »;

propose que l’amendement 7b) soit remplacé par ce qui suit :

« b)remplacer les lignes 31 et 32 par ce qui suit :

« l’évaluation du risque que représente un délinquant autochtone, sauf dans les cas où ces éléments pourraient abaisser le niveau de risque. »; »;

rejette respectueusement l’amendement 8 parce que l’extension du concept des pavillons de ressourcement conçus expressément pour les services correctionnels destinés aux autochtones à d’autres groupes non précisés est un changement de politique majeur qui ne devrait être envisagé qu’après des études et des consultations considérables, et parce qu’il entraverait la participation du Service correctionnel du Canada, qui est responsable de la prise en charge et de la garde des détenus en vertu de l’article 5 de la loi, à la décision de transférer un détenu à un pavillon de ressourcement;

rejette respectueusement l’amendement 9 parce que l’extension du concept de la mise en liberté dans une collectivité conçu expressément pour les services correctionnels destinés aux autochtones à d’autres groupes non précisés est un changement de politique majeur qui ne devrait être envisagé qu’après des études et des consultations considérables;

rejette respectueusement l’amendement 10 parce que le fait de permettre le raccourcissement de la peine d’un détenu en raison de la conduite du personnel correctionnel, notamment en vue d’autres remèdes existants, est un changement de politique majeur qui ne devrait être envisagé qu’après des études et des consultations considérables, y compris avec des partenaires provinciaux, des représentants de victimes, des groupes d’intervenants et d’autres participants au système de justice pénale;

rejette respectueusement l’amendement 11 parce que cinq ans est une période appropriée pour permettre une évaluation robuste et significative des nouvelles dispositions suite à la mise en œuvre complète de celles-ci.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que, relativement au projet de loi C- 83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

—Honorables sénateurs, j’interviens pour parler du message que nous avons reçu de l’autre endroit concernant le projet de loi C-83.

Le projet de loi prévoit un certain nombre de changements à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, notamment la création d’un nouveau système d’unités d’intervention structurée pour gérer les détenus qui menacent la sécurité de la population générale d’un établissement. Le projet de loi a été présenté par le gouvernement en octobre 2018.

Le projet de loi a été étudié et modifié à l’autre endroit, l’amendement le plus notoire étant l’ajout d’un régime de surveillance externe obligatoire par des arbitres indépendants par rapport aux unités d’intervention structurée.

Nous avons été saisis du projet de loi en mars. Le Comité des affaires sociales l’a étudié et a proposé d’autres amendements, qui ont été reçus la semaine dernière par l’autre endroit. Nous avons maintenant un message de nos collègues de l’autre endroit indiquant qu’ils acceptent plusieurs amendements du Sénat, soit textuellement, soit avec de légers changements d’ordre technique, qu’ils sont partiellement en désaccord avec deux amendements et qu’ils sont en désaccord avec cinq autres.

Les propositions retenues en tout ou en partie par l’autre endroit auront d’importants effets positifs, à savoir des évaluations de la santé mentale obligatoires dans les 30 jours suivant le placement de tous les détenus et dans les 24 heures suivant le placement dans une unité d’intervention structurée.

L’obligation de tenir compte des antécédents familiaux et d’adoption dans l’examen des facteurs systémiques et historiques touchant les détenus autochtones est un autre effet positif. L’examen de ces facteurs pourrait aboutir à établir un niveau de risque inférieur — mais non pas supérieur.

Le projet de loi aura aussi un effet positif grâce à l’obligation d’utiliser autant que possible un détecteur à balayage corporel comme ceux qu’on trouve dans les aéroports afin de réduire au minimum le recours aux fouilles à nu et grâce à la prise en considération accrue des solutions de rechange à l’incarcération à titre de principe directeur du Service correctionnel du Canada.

Ces ajouts constituent des améliorations importantes et témoignent de la contribution considérable et précieuse de nombreux sénateurs. De plus, grâce à ces amendements, le projet de loi C-83 permettra au gouvernement d’atteindre son objectif de réadaptation sûre et effective des délinquants.

Parmi les amendements qui ont été étudiés, mais qui ont finalement été rejetés à l’autre endroit, deux amendements assez semblables auraient pour effet de généraliser à des groupes indéterminés certains concepts applicables aux services correctionnels pour les Autochtones. L’un des amendements concerne l’article 81 de la loi et permettrait à des communautés de se doter d’un pavillon de ressourcement. L’autre concerne l’article 84 et permettrait la libération d’un détenu avec le soutien d’une communauté. Ces deux concepts se sont révélés utiles et ont donné de bons résultats dans le cas des Autochtones. L’idée d’en élargir l’application mérite d’être considérée sérieusement.

Le gouvernement appuie le principe de ces amendements, mais il pense que de tels concepts nécessiteraient la tenue de vastes consultations afin, entre autres, de déterminer quels groupes seraient intéressés, de savoir qui possède la capacité nécessaire et de voir dans quelle mesure l’expérience des quelques communautés et organisations autochtones qui gèrent des installations conformément à l’article 81 pourrait être utile à d’autres groupes. Il faut obtenir des réponses à ces questions en effectuant des consultations avant d’inclure de telles approches dans la loi, et non après l’avoir fait.

Le gouvernement est aussi respectueusement en désaccord au sujet d’un amendement qui exigerait que le Service correctionnel approuve le transfèrement dans un hôpital provincial d’un détenu qui souffre d’un « trouble incapacitant de la santé mentale ». Sur une note plus positive, dans le budget de 2018, le gouvernement a augmenté le financement pour le nombre de lits destinés aux soins externes en santé mentale. Il est vrai que le recours aux hôpitaux provinciaux peut être approprié dans certaines circonstances.

Toutefois, il peut être difficile de trouver des hôpitaux qui sont prêts à accueillir et à traiter les détenus des établissements fédéraux, et qui sont en mesure de le faire. Si nous voulons modifier la loi dans le but de transférer un grand nombre de personnes des établissements correctionnels fédéraux dans les hôpitaux provinciaux, il est essentiel de consulter d’abord les provinces.

Je précise que la loi permet déjà ce genre de transfèrement dans la mesure du possible, lorsqu’il est approprié et recommandé par les professionnels de la santé, mais elle ne peut pas empiéter sur le jugement des fournisseurs de soins de santé qui travaillent dans le secteur correctionnel. Il est important de préserver leur indépendance clinique.

(1840)

De plus, le gouvernement rejette respectueusement un amendement qui permettrait de demander une réduction de la peine à un tribunal si le personnel correctionnel commet des gestes ou des omissions considérés comme des injustices dans l’administration de la peine. Naturellement, bon nombre des employés des services correctionnels fédéraux sont des professionnels dévoués qui font de l’excellent travail. Cependant, en cas de manquement, les détenus ont déjà des recours, comme des procédures de griefs ou de poursuites, qui peuvent entraîner des mesures disciplinaires à l’égard de la personne fautive ou son congédiement. L’idée de modifier rétroactivement la peine imposée par un tribunal dans ce genre de circonstances serait un changement de politique majeur qui ne devrait être envisagé qu’après des consultations considérables auprès de divers intervenants, y compris des groupes de défense des victimes, des partenaires provinciaux et d’autres participants au système de justice. De plus, les parlementaires des deux Chambres devraient pouvoir étudier cette approche en détail.

Par ailleurs, le gouvernement rejette respectueusement la recommandation de faire examiner le nouveau système par un comité parlementaire après deux ans, plutôt que cinq. Une période de cinq ans donnera suffisamment de temps pour bien établir et mettre en œuvre le nouveau système. L’examen du Parlement n’en sera que plus utile.

Entre-temps, le ministre nommera bientôt un groupe consultatif pour surveiller la mise en œuvre des unités d’intervention structurée. Ce groupe pourra visiter des installations, rencontrer des détenus et des employés, faire des commentaires au commissaire et sonner l’alarme auprès du ministre ou du public si quelque chose ne fonctionne vraiment pas comme prévu. Rappelons que les comités parlementaires n’ont pas besoin d’une loi pour leur dicter le sujet de leurs études. Si un comité de la Chambre ou du Sénat souhaite examiner le système des unités d’intervention structurée dans deux ans, il sera tout à fait libre de le faire.

Enfin, le gouvernement rejette respectueusement la proposition d’instituer un contrôle judiciaire de tous les placements dans les unités d’intervention structurée après 48 heures. Je sais que le rejet par l’autre endroit de cette proposition en particulier a suscité beaucoup d’attention. On a avancé que, sans cet amendement, le projet de loi va à l’encontre de la Charte des droits et libertés.

Je vais donc me concentrer sur les raisons pour lesquelles je suis convaincu que, même sans contrôle judiciaire, le projet de loi C-83 est conforme à la Charte.

Je vais commencer par la question du contrôle judiciaire. Récemment, le ministre de la Sécurité publique a envoyé une lettre à tous les honorables sénateurs au sujet de ses préoccupations par rapport à la proposition de faire appel à un juge pour chaque placement dans une unité d’intervention structurée après 48 heures. Je m’inquiète, moi aussi, des répercussions d’une telle exigence pour les cours supérieures provinciales.

En 2017, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a publié un rapport intitulé Justice différée, justice refusée : L’urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada. Le rapport met en lumière de nombreuses raisons expliquant les retards dans le système de justice et propose diverses approches qui, prises ensemble, pourraient aider à régler le problème. Étant donné que de nombreux sénateurs connaissent le rapport, je n’entrerai pas dans les détails. Je veux simplement dire que toutes les instances du système judiciaire ont une très lourde charge de travail. Toute mesure qui risque d’alourdir la charge de travail des cours supérieures provinciales devrait être prise avec prudence et avec une idée claire de ses répercussions, surtout sur les provinces. À tout le moins, une réflexion plus approfondie exige que nous sachions quelles seront ces répercussions lorsque nous proposons une mesure législative.

Pour obtenir une idée générale de la charge de travail dont il est question, on n’a qu’à penser qu’à l’heure actuelle, entre 300 et 400 détenus sous responsabilité fédérale sont placés en isolement préventif. La durée médiane du séjour est de 11 jours. Si les chiffres sont le moindrement comparables avec le système des unités d’intervention structurée, il y aurait chaque année des milliers de réexamens des décisions dans les 48 heures. On ignore quelle forme exactement prendront ces examens, s’il s’agira d’une étude de dossier ou d’une audience, quels genres d’arguments les parties devront présenter et quelle sera la durée du processus. Si on a l’intention de mettre en place un processus sérieux, il devra être plus qu’une simple formalité.

Pour éviter d’aggraver le problème de délais judiciaires, de nouveaux juges devront être nommés. Le gouvernement estime qu’il faudra de 35 à 40 arbitres indépendants pour réexaminer dans les 48 heures les décisions de placement en unité d’intervention structurée. Il est impossible de savoir si le nombre de juges de la Cour supérieure serait le même, et c’est là que le bât blesse. Avec une mesure de cette ampleur, il faut le savoir avant d’aller de l’avant. Augmenter le nombre de juges de la Cour supérieure nous oblige à modifier la Loi sur les juges et oblige les provinces à modifier leurs lois correspondantes. Nommer plus de juges entraîne des dépenses supplémentaires au fédéral, notamment pour les salaires et les avantages sociaux des juges, et dans les provinces, pour les installations, l’administration et le personnel de soutien.

Nous ne savons pas si des provinces, voire toutes les provinces, seraient prêtes à modifier leurs lois et à consacrer plus de ressources à cette mesure. Le Parlement ne peut pas imposer une mesure qui touche à ce point les ressources des cours supérieures provinciales sans d’abord avoir consulté les provinces. Nous devons être certains que les provinces sont prêtes à apporter les modifications législatives et à allouer les fonds nécessaires. Il est clair qu’il faut entamer les négociations avant d’imposer l’exigence de surveillance judiciaire dans le projet de loi C-83, et non pas après.

Si le Sénat insiste sur cet amendement, malgré tout ce qu’il implique et malgré le manque de consultations préalables auprès des provinces, les retards du système judiciaire pourraient se multiplier. Au moment où les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral complètent leurs processus budgétaires et législatifs et où les nouveaux juges sont en place — en présumant que chaque province veut participer —, nous aurons peut-être déjà créé tout un gouffre pour le système judiciaire.

Une autre question qu’il faut examiner est que les juges sont nommés de manière permanente à un tribunal précis et qu’ils ne peuvent traiter que des causes relevant de leur juridiction. Tout changement inattendu, toute évolution à long terme dans les endroits où les unités d’intervention structurée sont mises en place ou toute modification future à la loi pourrait faire en sorte que la capacité judiciaire d’une province soit insuffisante et que la capacité d’une autre soit excessive.

Cependant, le système de décideurs externes indépendants permet une flexibilité pour ajuster le nombre et l’emplacement, selon les besoins. En d’autres termes, la proposition de mettre en place la surveillance judiciaire à cette étape du processus législatif sans avoir fait de consultations approfondies entraîne nombre de problèmes pratiques.

Il faut aussi noter que, bien qu’aucun tribunal n’ait examiné le nouveau système proposé dans le projet de loi C-83, plusieurs tribunaux ont rendu des décisions à propos du système actuel d’isolement préventif. Aucun n’a indiqué qu’une surveillance judiciaire serait nécessaire. En fait, la Cour supérieure de l’Ontario a dit exactement le contraire. D’après la cour :

Le tribunal chargé de la révision peut jouir d’une indépendance suffisante sans avoir tous les attributs d’un juge.

La cour a ajouté qu’il était préférable d’avoir recours à une évaluation interne, pour des raisons de rapidité.

Tournons-nous maintenant vers les Nations Unies. En ce qui concerne l’isolement cellulaire, qui prévoit des conditions beaucoup plus contraignantes que celles que propose le projet de loi C-83, l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, qu’on appelle les règles Mandela, exige un examen indépendant, mais non une surveillance judiciaire. Je le répète, selon les règles Mandela, un examen indépendant est nécessaire, mais pas une surveillance judiciaire.

De plus, quand l’enquêteur correctionnel s’est penché sur le projet de loi C-83, il a recommandé l’utilisation du modèle de président indépendant, selon lequel des arbitres indépendants sont nommés par le ministre. Le projet de loi prévoit que cet arbitrage indépendant sera fait par des décideurs externes indépendants.

J’insiste sur l’indépendance de ces décideurs externes. Des travaux sont présentement en cours et le gouvernement cherche à nommer des députés, des avocats, des médiateurs et des fonctionnaires expérimentés, dont bon nombre auront probablement de l’expérience au sein d’autres conseils, tribunaux ou commissions. La loi exige qu’ils n’aient pas travaillé au Service correctionnel au cours des cinq années précédant leur nomination et qu’ils connaissent les processus décisionnels administratifs. Tout au long du processus d’examen, leur travail sera entièrement indépendant des fonctionnaires et des acteurs politiques.

Le processus des décideurs externes indépendants s’ajoute à l’examen du directeur après 5 et 30 jours et à l’examen du commissaire qui a lieu après 60 jours et tous les 60 jours par la suite, en alternance avec les examens des décideurs externes indépendants.

Il est clair, honorables sénateurs, que la surveillance judiciaire n’est pas le seul moyen de protéger les droits des détenus. Ce n’est manifestement pas la seule manière d’assurer la conformité avec la Charte.

Je comprends que certains sénateurs seraient plus à l’aise avec le projet de loi C-83 si un juge faisait systématiquement partie du processus. Ce sentiment est lié à la volonté d’assurer la constitutionnalité du projet de loi, ce qui m’amène maintenant à la question de la constitutionnalité.

De par leur nature, les lois qui régissent notre système correctionnel limitent la liberté des personnes. Il est donc inévitable qu’elles mettent en cause certains droits protégés par la Charte et qu’elles soient sujettes à contestations. Ni moi ni qui que ce soit ici ne peut substituer ses conclusions à celles des juges qui pourraient être appelés un jour à évaluer la disposition du projet de loi C-83, si ce projet de loi était adopté, mais les raisons ne manquent pas d’accepter la position du gouvernement, qui juge que le projet de loi C-83 est constitutionnel. J’aimerais maintenant en parler.

Je reconnais que certains en cette assemblée pourraient avoir un point de vue différent sur l’analyse constitutionnelle. Il est possible que le gouvernement et moi n’arrivions pas à tous vous persuader, et je respecte cela. Avant de passer à l’analyse juridique, j’aimerais faire quelques observations sur ce que je vois comme étant le rôle du Sénat dans l’examen de l’amendement sur la surveillance judiciaire que la Chambre a choisi de rejeter.

(1850)

S’il y a une chose que nous savons, c’est qu’en droit constitutionnel, rien n’est immuable, en particulier dans des cas hypothétiques. Dans certains cas, des amendements proposés par le Sénat pour des motifs constitutionnels peuvent limiter les contestations judiciaires de lois fédérales. De telles préoccupations pourraient du moins inciter le gouvernement et l’autre endroit à y réfléchir à deux fois, comme ce fut le cas en 2016 pour le projet de loi C-14 et comme c’est le cas maintenant pour le projet de loi C-83, où de nombreux amendements ont en fait été acceptés. Cependant, les questions de conformité à la Charte sont rarement simples. À mon avis, ce serait ni juste ni équilibré d’affirmer sans finesse que le projet de loi C-83 est inconstitutionnel sans l’amendement relatif à la surveillance judiciaire, comme si la question était fondée sur un principe juridique établi. À vrai dire, on est loin de là.

Si l’ambiguïté persiste, une fois que le Sénat a bien exprimé ses préoccupations aux Canadiens, au gouvernement et à l’autre endroit, l’instance appropriée pour régler les questions de façon définitive est l’appareil judiciaire. Il s’agit d’un environnement unique où chaque litigant a le droit procédural garanti d’établir le bien-fondé de son argumentation devant un décideur impartial au moyen d’un dossier de preuve complet. Les tribunaux sont constitutionnellement habilités à évaluer — et sont les mieux outillés pour le faire, après audition d’une argumentation exhaustive présentée par les deux parties — s’il y a une limitation à un droit ou à une liberté protégés et, le cas échéant, si c’est justifié dans une société libre et démocratique.

Le gouvernement est convaincu que la constitutionnalité du projet de loi C-83 sera confirmée. Le raisonnement du gouvernement repose sur les considérations suivantes.

Examinons d’abord le litige entourant l’isolement préventif, l’approche utilisée actuellement pour composer avec les détenus qui ne peuvent pas rester en toute sécurité au sein de la population carcérale régulière.

Au cours des dernières années, la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la Cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême de la Colombie-Britannique ont toutes rendu des décisions sur la constitutionnalité de l’isolement préventif. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a livré ses conclusions sur un recours collectif connexe. Il s’agit de décisions importantes, qui peuvent certainement éclairer nos délibérations. Toutefois, si nous tentons de les appliquer directement au projet de loi C-83, nous nous heurtons à plusieurs obstacles importants.

D’une part, il y a de nombreuses incohérences entre les décisions des différents tribunaux. Par exemple, dans le recours collectif, la cour a conclu qu’il y avait eu des violations de l’article 7 de la Charte, qui protège le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, et de l’article 12, qui interdit les traitements ou les peines cruels et inusités. Toutefois, dans le cas soulevé par l’Association canadienne des libertés civiles en Ontario, la Cour supérieure a conclu que la loi ne contrevient pas à l’article 12 et qu’une modification au mécanisme de surveillance serait suffisante pour le rendre conforme à l’article 7.

La Cour d’appel de l’Ontario a bel et bien conclu à l’existence d’une violation de l’article 12, mais elle a maintenu le reste de la décision initiale. Cela tranche avec les conclusions de la cour en Colombie-Britannique, qui n’a pas conclu à une violation de l’article 12, mais à une violation plus générale de l’article 7, ainsi que de l’article 5, qui protège les droits à l’égalité.

Quant aux orientations données par les cours, la cour ontarienne a privilégié l’examen interne relatif au placement en isolement préventif, ce qui satisfait aux normes constitutionnelles d’équité pourvu que l’examen soit mené par un agent correctionnel qui ne relève pas du décideur initial. À l’inverse, la cour de la Colombie-Britannique a conclu que l’examinateur devait être indépendant des services correctionnels.

La cour de la Colombie-Britannique a statué que les détenus placés en isolement préventif pourront se faire représenter par un avocat lors des audiences de libération conditionnelle, et que l’isolement préventif constitue une pratique défendue pour les détenus aux prises avec un problème de santé mentale ou un handicap. Toutefois, le tribunal n’a pas défini ces termes.

Les cours ontariennes ont formulé des conclusions différentes par rapport à ces aspects. En fait, bien que le recours collectif concerne précisément les détenus qui souffrent d’une grave maladie mentale, la cour n’est pas d’avis que leur placement en isolement préventif constitue une violation directe des droits garantis par la Charte.

On relève également un manque de cohérence en ce qui concerne la période pendant laquelle les détenus en général peuvent être placés en isolement préventif. La Cour supérieure de l’Ontario n’établit pas de plafond. La cour de la Colombie-Britannique estime qu’il doit y avoir un plafond sans le préciser. La Cour d’appel de l’Ontario établit un plafond de 15 jours, tandis que le juge qui a entendu le recours collectif conclut qu’il y a violation de la Charte après 60 jours dans le cas des détenus qui se placent volontairement en isolement préventif, et après 30 jours dans le cas des placements involontaires.

Évidemment, l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement a interjeté appel des diverses décisions est la nécessité de concilier ces différences. En fait, pour en revenir à ce que j’ai déjà dit à propos du rôle du Sénat à ce stade-ci du processus, l’ensemble des causes liées aux dispositions sur l’isolement préventif qui ont maintenant été invalidées montre bien que nous sommes devant un domaine du droit fort complexe et en évolution et que les choses sont loin d’être réglées ou sans nuance.

Le projet de loi C-83 remplacerait le système actuel par des unités d’intervention structurée. En fin de compte, les tribunaux pourraient en venir à se pencher sur le bien-fondé de ce nouveau système, ce qui m’amène à un autre aspect épineux de l’application des décisions des tribunaux au projet de loi C-83. Les instances sont en cours. Nous attendons en ce moment une décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique à propos du jugement rendu dans cette province. Lorsque cette décision sera rendue, il est tout à fait possible qu’au moins une des parties la porte en appel devant la Cour suprême du Canada.

Dans l’affaire mettant en cause l’Association canadienne des libertés civiles, on a déjà demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, et le recours collectif fait aussi l’objet d’un appel. Autrement dit, l’appareil judiciaire n’a pas encore dit son dernier mot à ce sujet — et ce point a été soulevé dans la lettre envoyée par les honorables ministres Goodale et Lametti plus tôt cette semaine.

Si la tâche consistait simplement à modifier le régime actuel d’isolement préventif pour le rendre conforme aux conclusions des tribunaux, on ne saurait pas à quelles conclusions il devrait être conforme. On ne saurait pas non plus quelles conclusions risquent d’être invalidées ou modifiées à la suite d’un appel.

Chose cruciale, cependant, le projet de loi C-83 ne propose pas de modifier simplement le régime actuel. L’analyse et les conclusions de la cour portaient toutes sur l’isolement préventif. Le projet de loi C-83 propose un nouveau système composé d’unités d’intervention structurée, qui est passablement différent du régime d’isolement préventif. On ne peut pas présumer que les limites imposées par les tribunaux sur l’utilisation du système actuel s’appliqueront également au régime proposé.

Je sais que des gens se demandent si les différences entre le régime d’isolement préventif et les unités d’intervention structurée sont vraiment importantes. Examinons donc ces différences.

Dans le nouveau système des unités d’intervention structurée prévu par le projet de loi C-83, les détenus pourront passer deux fois plus d’heures en dehors de leur cellule, soit au moins 4 heures au lieu de 2 heures. Ils auront un bien meilleur accès aux programmes et aux interventions ciblés. Ils auront droit à au moins 2 heures de contacts humains réels chaque jour. Dans le système actuel d’isolement préventif, les détenus n’ont que très peu accès aux programmes et aux interventions de réadaptation et les interactions réelles avec d’autres personnes peuvent être rares.

« Contacts humains réels » est une expression directement tirée des Règles Nelson Mandela des Nations Unies concernant le traitement des détenus. Dans les unités d’intervention structurée, ces contacts comprendront les interactions avec le personnel, avec les bénévoles, avec les aumôniers, avec des visiteurs et avec d’autres détenus compatibles. Il y a de grandes différences entre les deux systèmes. Ils sont fondamentalement différents.

En outre, le projet de loi prévoit un examen du placement dans une unité d’intervention structurée après cinq jours ouvrables par un agent correctionnel ayant l’autorité d’annuler la décision initiale, ainsi qu’un examen externe advenant que le détenu n’obtienne pas le nombre minimal d’heures en dehors de sa cellule et la quantité de contacts humains réels prévus pendant cinq jours d’affilée. Le système actuel ne prévoit des examens que sous l’autorité du directeur et ce dernier n’est pas tenu de respecter la décision de l’évaluateur.

Pour toutes les raisons que j’ai soulignées — les conclusions incohérentes des tribunaux, les appels en cours et les différences fondamentales entre l’isolement préventif et les unités d’intervention structurée —, les décisions judiciaires ne nous permettent pas de tirer des conclusions définitives sur la constitutionnalité du projet de loi C-83. Nous devons, par conséquent, évaluer le bien-fondé constitutionnel de ce dernier.

Comme l’indique l’énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice, les dispositions du projet de loi C-83 concernant les unités d’intervention structurée peuvent potentiellement porter atteinte aux articles 7, 12 et 15 de la Charte.

L’article 7 prévoit que le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ne peut être limité qu’« en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Comme le transfèrement d’un détenu dans une unité d’intervention structurée imposerait des contraintes et des conditions supplémentaires au détenu, il pourrait mettre en jeu son droit résiduel à la liberté et possiblement son droit à la sécurité de sa personne.

La question est donc de savoir si les restrictions aux droits permises par le projet de loi C-83 sont conformes aux principes de justice fondamentale.

Comme les tribunaux l’ont conclu, l’un des principes de justice fondamentale est l’équité procédurale, et le projet de loi C-83 contient de nombreux éléments pour assurer l’équité du processus décisionnel sur le plan procédural. Tout d’abord, les motifs justifiant le placement initial d’une personne et le maintien de son incarcération dans une unité d’intervention structurée sont clairement énoncés. Le détenu doit entendre de vive voix les motifs donnés pour son transfèrement dans un délai d’un jour ouvrable, et recevoir les motifs par écrit dans les deux jours ouvrables.

Comme il est indiqué dans la lettre du ministre Goodale, les examens internes des placements dans les unités d’intervention structurée passent d’un échelon à l’autre : la décision initiale d’un membre du personnel sera ensuite examinée par le directeur le cinquième et le trentième jour, et plus tard par le commissaire. Cela favorise l’équité procédurale puisque l’examinateur doit être hors du cercle d’influence de la personne qui a pris la décision.

Ce qui est crucial, c’est que le projet de loi C-83 crée, pour la toute première fois, un mécanisme de surveillance externe, indépendant et obligatoire au sein du système correctionnel fédéral du Canada grâce à la nomination de décideurs externes indépendants.

(1900)

Les décideurs externes indépendants interviendront si un détenu n’a pas pu passer quatre heures à l’extérieur de sa cellule ou n’a pas eu la possibilité d’avoir des contacts humains réels pendant deux heures, et ce, pendant 5 jours consécutifs, ou pendant 15 jours sur une période de 30 jours. De plus, les décideurs externes examineront les placements dans les unités d’intervention structurée lorsque les recommandations du professionnel de la santé ne sont pas suivies, et ils étudieront aussi ces placements après 90 jours et à tous les 60 jours par la suite.

Le projet de loi exige que Service correctionnel Canada fournisse aux décideurs externes les renseignements qu’ils demandent. Les décideurs doivent fournir au détenu, dans un délai raisonnable, tous les renseignements qu’ils ont étudiés. Le détenu peut fournir ses observations par écrit, et le décideur peut communiquer avec lui. Toutes les décisions du décideur externe peuvent être examinées par la Cour fédérale. Même sans l’intervention d’une cour supérieure provinciale, ces mesures composent ensemble un système d’examen doté de mécanismes de protection substantiels pour assurer l’équité des procédures.

Un autre principe de justice fondamentale important dans l’application de l’article 7 de la Charte est qu’on ne peut imposer au droit de chacun à la liberté et à la sécurité de sa personne une limite arbitraire, de portée excessive ou de disproportion totale. Selon la Cour suprême du Canada: « Déterminer qu’une disposition est arbitraire ou non exige qu’on se demande s’il existe un lien direct entre son objet et l’effet allégué sur l’intéressé, s’il y a un certain rapport entre les deux. [...] Il y a portée excessive lorsqu’une disposition s’applique si largement qu’elle vise certains actes qui n’ont aucun lien avec son objet. » La disproportion totale renvoie aux situations où la gravité de l’atteinte aux droits « est sans rapport aucun avec l’objectif de la mesure ».

Dans le cas du projet de loi C-83, il existe un lien direct entre toute limite du droit de chacun à la liberté et à la sécurité de sa personne et l’objet de l’unité d’isolement. Plusieurs dispositions sont conçues pour assurer que l’emprisonnement d’un détenu dans une unité d’intervention structurée demeure en tout temps étroitement et rationnellement lié aux objectifs de la loi.

Le projet de loi établit clairement que le transfèrement d’un détenu vers une unité d’intervention structurée est justifié pour protéger la sécurité du pénitencier et de toutes les personnes qui s’y trouvent, et pour prévenir toute ingérence dans une enquête en cours pouvant aboutir à une accusation soit d’infraction criminelle, soit d’infraction disciplinaire grave. Non seulement les détenus ne peuvent être transférés dans une unité d’intervention structurée que s’il n’existe aucune autre solution valable, ils doivent également en sortir le plus tôt possible. Ces contraintes sont appuyées par le processus d’examen dont j’ai parlé, qui existe notamment pour veiller à ce que tous les placements en unité respectent en tout temps les objectifs en matière de sécurité du projet de loi.

Les droits prévus à l’article 7 sont étroitement liés à l’article 12 de la Charte, qui interdit les traitements cruels et inusités. Les tribunaux canadiens ont conclu que l’incarcération n’est pas en soi cruelle et inusitée, même dans les cas où les détenus sont transférés dans des conditions qui sont plus restrictives que celles de la population carcérale générale. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada, un tel traitement peut devenir cruel et inusité dans des circonstances où ses répercussions sont excessives au point de ne pas être compatibles avec la dignité humaine. Par conséquent, les conditions concrètes d’incarcération sont d’une importance cruciale.

À cet égard, il y a lieu de souligner que les divers tribunaux ont examiné le système actuel d’isolement préventif et qu’ils diffèrent d’opinion quand vient le temps de déterminer de quelle manière ce système viole l’article 12 de la Charte. Les conditions de détention dans les unités d’intervention structurée seront bien meilleures que celles de l’isolement préventif. En plus d’avoir droit à deux fois plus de temps hors de leur cellule et à des contacts humains réels au moins deux heures par jour, les détenus des unités d’intervention structurée bénéficieront des sommes importantes que le gouvernement consacre actuellement aux services de santé mentale et de réadaptation.

Le gouvernement a prévu une enveloppe de 448 millions de dollars sur les six prochaines années pour la mise en œuvre de ce projet de loi, y compris environ 300 millions de dollars pour embaucher des centaines d’employés: des agents de libération conditionnelle, des agents de programme, des agents de liaison avec les Autochtones, des conseillers en comportement et d’autres employés. Ce personnel sera spécialement embauché pour s’occuper des programmes et des interventions destinés aux détenus des unités d’intervention structurée. De plus, une somme de 150 millions de dollars sur six ans sera consacrée à l’embauche de professionnels de la santé mentale qui travailleront dans les unités d’intervention structurée et dans l’ensemble du système correctionnel fédéral.

Cet argent est là pour garantir l’indépendance des spécialistes de la santé que prévoit le projet de loi C-83 et pour leur donner les moyens d’intervenir lorsqu’ils sont d’avis qu’un détenu devrait être retiré de l’unité d’intervention structurée où il a été placé ou que ses conditions de détention doivent être modifiées pour des motifs d’ordre médical. Là encore, le projet de loi prévoit la tenue d’examens internes à intervalles réguliers et l’exercice d’une surveillance indépendante contraignante afin d’éviter qu’un détenu ne soit laissé à lui-même. Tous ces services et toutes ces ressources, y compris le droit à des contacts humains réels tous les jours, étayent la prétention du gouvernement selon laquelle le projet de loi C-83 respecte les articles 7 et 12 de la Charte.

En terminant, comme on peut le lire dans l’énoncé concernant la Charte, le projet de loi C-83 pourrait avoir des répercussions sur les droits garantis à l’article 15 de la Charte, qui interdit la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. Tout le monde sait que certains groupes sont surreprésentés dans les pénitenciers fédéraux. On pense par exemple aux Autochtones, aux personnes d’origine africaine ou celles aux prises avec des problèmes de santé mentale. Les lois régissant le système correctionnel du Canada doivent donc absolument prévoir des mécanismes pour éviter que ces groupes soient indûment pénalisés, et c’est exactement ce que fait le projet de loi C-83.

Il prévoit en effet que la situation de chaque détenu et son placement dans une unité d’intervention structurée doivent être évalués régulièrement. Le Service correctionnel du Canada devra également tenir compte des facteurs systémiques et historiques uniques aux délinquants autochtones dans l’ensemble du processus décisionnel.

Grâce aux investissements prévus dans les soins de santé mentale et au rôle accru que joueront les professionnels de la santé, les détenus atteints de maladie mentale pourront obtenir des soins adéquats. Les unités d’intervention structurée seront assujetties à l’article 87 de la loi actuelle, qui exige que l’on tienne compte de l’état de santé du détenu et des soins qu’il requiert. Le projet de loi C-83 élargit la portée de l’alinéa 4g) de la loi actuelle, qui exige que le Service correctionnel du Canada tienne compte des besoins de tous les groupes constituant la population carcérale et qu’il y réponde.

Pour ces raisons, le projet de loi C-83 est aussi conforme à l’article 15 de la Charte, qui vise à garantir l’égalité des droits.

Bref, les mesures proposées dans le projet de loi C-83, dont des mécanismes d’examen rigoureux, sont conçues pour veiller à ce que les unités d’intervention structurée soient utilisées comme prévu, c’est-à-dire en tant que dernier recours, le moins longtemps possible et pour des raisons de sécurité et de réadaptation.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention jusqu’ici. Mon discours est long, car il s’agit de questions importantes et d’un projet de loi crucial. Je suis conscient de l’objectif de la proposition visant à ajouter un mécanisme de surveillance judiciaire, mais les garanties procédurales appropriées visant le nouveau régime des unités d’intervention structurée pourront être mises en place sans qu’il soit nécessaire d’alourdir le fardeau des tribunaux et des provinces.

J’espère avoir expliqué clairement pourquoi je pense que le projet de loi C-83 est conforme à la Charte et pourquoi la surveillance judiciaire des placements dans les unités d’intervention structurée est inutile et, pour des raisons pratiques, peu souhaitable.

Avant de conclure, je tiens à insister sur un dernier point, un point fondamental. En gros, ce projet de loi permettra d’améliorer le système correctionnel comparativement à ce qu’il est à l’heure actuelle. Je dis cela pour avoir occupé le poste de sous-solliciteur général il y a quelque 30 ans quand je vois où le système en est rendu.

Le nouveau système permettra aux détenus de continuer d’avoir accès à des interventions et à des programmes même lorsqu’ils sont séparés de la population carcérale générale. Ce nouveau système, qui comprendra de nouvelles ressources, se traduira par de meilleurs soins de santé mentale pour les détenus des établissements fédéraux, y compris ceux qui sont séparés de la population générale, dont la possibilité de détecter et de traiter plus rapidement les problèmes et, éventuellement, de prévenir et de réduire la nécessité de séparer les détenus des autres.

Le nouveau système comprendra des décideurs externes indépendants, alors que les mécanismes d’examen des cas actuels sont entièrement internes. Il double le temps que les détenus peuvent passer hors de leur cellule et prévoit qu’ils doivent avoir la possibilité de contacts humains réels pendant au moins deux heures par jour, alors que la loi ne comporte aucune exigence à ce chapitre à l’heure actuelle.

Ces éléments s’ajoutent à tous les autres éléments du projet de loi C-83, sur lesquels je n’ai pas mis l’accent au cours du débat. Ils comprennent, entre autres, la mise en place de défenseurs des droits des patients, la protection de l’indépendance professionnelle des travailleurs de la santé, la prise en compte obligatoire des facteurs systémiques et historiques des détenus autochtones, l’utilisation de détecteurs à balayage corporel pour réduire le recours aux fouilles à nu, le rétablissement du principe des mesures de sécurité les moins restrictives possible et l’accès accru des victimes d’actes criminels aux enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle.

Soyons clairs. Le projet de loi ne réglera pas tous les problèmes du Service correctionnel du Canada, dont certains nécessitent la résolution de problèmes fondamentaux de culture organisationnelle. Il se peut qu’il n’aille pas aussi loin que certains sénateurs le voudraient ou qu’il ne fasse pas exactement ce que certains sénateurs voudraient, mais il améliorera le système correctionnel fédéral. Il s’agit d’une réforme importante des pratiques actuelles. L’adoption du projet de loi renforcera les droits des détenus.

Le projet de loi a bénéficié des délibérations du Sénat. Le Sénat a fait connaître clairement ses préoccupations aux Canadiens, au gouvernement et à l’autre endroit. Les ministres Goodale et Lametti ont entendu les questions soulevées par le Sénat et ont entamé une discussion qui peut se poursuivre après le projet de loi. Le débat sur le projet de loi démontre clairement notre intérêt à améliorer le système correctionnel du Canada. C’est une très bonne chose.

(1910)

Si nous le souhaitons toujours, il sera encore temps cet automne de songer à des façons innovatrices d’améliorer le système correctionnel du pays, mais pour le moment, je crois que le Sénat devrait laisser à la Chambre élue et au gouvernement le soin de répondre des politiques qu’ils ont choisi d’instaurer.

À trop vouloir insister sur nos amendements, à quelques jours de la fin de la législature, nous pourrions nous priver des bienfaits directs qu’aura le projet de loi sur le bien-être des détenus. Si nous n’adoptons pas ce projet de loi, un grave vide législatif pourrait se créer dès cet été, c’est-à-dire aussitôt que la loi actuelle viendra à échéance. Aucun gouvernement responsable n’accepterait une telle chose.

Quoi qu’on en pense, il arrive parfois que les détenus doivent être séparés des autres pour des raisons de sécurité, une réalité qui a été reconnue par l’enquêteur correctionnel, la Société John Howard, les tribunaux et de nombreux ex-détenus. Je vous rappelle ce qu’a dit la Cour d’appel de la Colombie-Britannique à ce sujet :

L’isolement préventif ou un autre régime plus adéquat doivent être instaurés afin de protéger les détenus dont la sécurité serait menacée au sein de la population générale et d’assurer la sécurité des personnes qui travaillent dans les établissements carcéraux.

Le projet de loi C-83 propose justement une méthode plus appropriée. Même s’il ne correspond pas à l’idéal de tous les honorables sénateurs, je propose que nous acceptions ce message et que nous adoptions le projet de loi C-83.

Des voix : Bravo!

L’honorable Jane Cordy : Puis-je vous poser une question?

Le sénateur Harder : Bien entendu.

La sénatrice Cordy : Je connais le contenu général de ce projet de loi, mais comme j’étais occupée à travailler sur le C-69, je n’ai pas eu l’occasion de l’étudier en détail. J’aimerais m’attarder sur la commission indépendante. J’ai quelques questions à ce sujet.

Je trouve intéressant que vous mentionniez que les Règles Mandela préconisent la surveillance indépendante, et non la surveillance judiciaire.

J’aimerais obtenir des précisions sur cette commission d’examen indépendante. Je me questionne surtout sur le degré d’indépendance de ses membres. Feront-ils partie du personnel du ministère? De qui relèveront-ils? J’ai été rassurée lorsque vous m’avez dit que les membres de cette commission ne pourront pas avoir travaillé pour le Service correctionnel du Canada durant les cinq années ayant précédé leur nomination.

Par ailleurs, j’aimerais savoir si les membres de cette commission indépendante auront accès aux prisons et s’ils seront autorisés à discuter en privé avec les détenus.

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénatrice de ses questions. Naturellement, les détails concernant le travail n’ont pas encore tous été établis, mais le gouvernement veut que les nominations se fassent selon un processus indépendant, dont j’ai déjà abordé certains critères.

L’absence de cinq ans du système correctionnel vise à éviter que la personne n’ait pas une expérience plus récente avec le Service correctionnel du Canada. L’approche de l’enquête ou de la surveillance indépendante a été recommandée par l’enquêteur correctionnel. C’est celle que le gouvernement a adoptée. Elle a une certaine similarité avec la surveillance administrative dans d’autres secteurs de l’administration publique et elle est conçue de manière à ce que ces personnes puissent travailler en privé dans les prisons et rencontrer les détenus en privé, mais ce, sans faire partie de la structure organisationnelle du Service correctionnel du Canada.

L’honorable Serge Joyal : Accepteriez-vous de répondre à une autre question, honorable sénateur?

Le sénateur Harder : Certainement.

Le sénateur Joyal : Je vous ai écouté très attentivement, et deux choses m’ont frappé.

D’abord, si le système évolue pour devenir plus humain, c’est parce que des intervenants de l’extérieur, des organismes extérieurs le contestent. En soi, le système ne dispose pas des mécanismes pour se surveiller lui-même, pour respecter, notamment, les Règles Nelson Mandela. Les Règles Nelson Mandela constituent un minimum. Le fait qu’on les respecte ne veut pas dire qu’on a un monde idéal. C’est le strict minimum pour préserver la dignité humaine. C’est la raison d’être de ces règles.

Le système n’est donc pas capable de progresser par lui-même. Vous l’avez dit vous-même, et je fais confiance à votre expérience antérieure.

On a présenté ce projet de loi en raison des contestations judiciaires et de toutes ces décisions que les tribunaux ont rendues : la Cour suprême, les cours d’appel, la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la Cour suprême de la Colombie-Britannique et peut-être une autre cour la semaine prochaine. Selon moi, si le gouvernement souhaite répondre de bonne foi à la nécessité d’améliorer le système, pourquoi ne demande-t-il pas à la Cour suprême si ce projet de loi respecte les critères imposés par toutes ces décisions, qui semblent nuancées les unes par rapport aux autres? Ainsi, nous saurions que nous ne risquons pas de devoir entreprendre éventuellement une autre série de changements. Entre-temps, les personnes en prison font les frais des contestations devant les tribunaux. Selon moi, il s’agirait d’une approche raisonnable.

Le gouvernement a eu l’occasion de le faire, étant donné qu’il doit se défendre à toutes ces audiences. Cette approche me paraît donc la plus raisonnable. Il n’y a pas beaucoup de précédents où le gouvernement, qui peut renvoyer un projet de loi à la Cour suprême, a demandé l’avis des tribunaux au sujet d’un projet de loi pour s’assurer que, compte tenu de ses répercussions sur l’intégrité physique et psychologique des gens, il constitue une bonne solution.

Nous rafistolons actuellement une partie, puis une autre. Pourquoi ne pas obtenir l’avis de la cour?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

J’aimerais traiter la question du changement culturel avant la question juridique. Le sénateur a absolument raison : le changement culturel est difficile dans n’importe quelle institution, mais particulièrement dans les institutions fondées sur le commandement et le contrôle, comme les organisations militaires, correctionnelles ou autres. Les changements culturels et législatifs vont de pair. Nous avons par exemple modifié considérablement nos lois sur l’immigration — j’en sais quelque chose — en créant des tribunaux indépendants et d’autres instances du genre au fil des ans. Cela a contribué au changement et à un raffinement de la culture. Ainsi, la loi fait partie des changements culturels.

La surveillance indépendante fait partie du changement et, jusqu’ici, elle n’avait jamais été appliquée à ce processus. Là encore, on peut faire un parallèle avec les lois sur l’immigration.

Je le dis, parce qu’un simple renvoi à la Cour suprême ne suscite pas en soi le changement culturel dont vous parlez qui — vous avez tout à fait raison — doit avoir lieu au Service correctionnel du Canada sous la houlette du ministre et de son équipe de collaborateurs. Voilà pour le côté culturel.

Si le gouvernement a décidé de ne pas demander de renvoi à la Cour suprême, c’est parce que les tribunaux sont déjà saisis d’affaires impliquant, non pas le modèle d’unités d’intervention structurée, mais celui qui l’a précédé et qui présentait les incohérences dont j’ai parlé. Ces affaires sont déjà bien avancées en appel et l’on s’attend à recevoir des avis très prochainement.

Le modèle que prévoit le projet de loi n’a pas encore été contesté devant les tribunaux, mais je m’attends à ce qu’il le soit. Toutefois, le gouvernement est d’avis qu’un renvoi à la Cour suprême n’est pas, pour l’instant, le bon moyen d’obtenir des avis sur le projet de loi.

L’honorable Kim Pate : Sénateur, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Harder : Bien sûr.

La sénatrice Pate : À titre d’ancien sous-ministre responsable du Service correctionnel, vous savez pertinemment que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, à ses débuts, avait été présentée comme une nouvelle loi sur les droits de la personne qui devait couvrir bien plus que ce qui était censé être en place et dont vous avez parlé concernant l’isolement tel qu’on le connaît actuellement.

Vous savez que des comités consultatifs avaient été mis sur pied concernant les femmes détenues et les détenus autochtones et que ces comités soit ont été abolis par le Service correctionnel, soit se sont dissous parce que personne ne les écoutait.

Le modèle actuel et celui qui est proposé dans le projet de loi C-83 exigent du Service correctionnel qu’il se surveille lui-même et qu’il donne des conseils en remontant les paliers hiérarchiques jusqu’au comité consultatif. Le ministre a reconnu devant le Comité des affaires sociales qu’on s’inquiétait de la possibilité que les conditions dans les unités d’intervention structurée deviennent les mêmes que celles dans les unités d’isolement.

(1920)

Dans la mesure où la Constitution nous oblige à respecter les garanties procédurales, ne croyez-vous pas que, lorsque des conditions de détention équivalent, ou pourraient équivaloir, à de l’isolement cellulaire, les détenus concernés ont droit à une audience équitable devant un tribunal, et non un simple organisme consultatif, et que les tribunaux sont les mieux placés pour exercer cette surveillance?

Le sénateur Harder : Je vous remercie de votre question.

Depuis plus de 30 ans, la réforme du système correctionnel revient périodiquement dans le paysage politique. Je salue d’ailleurs Ole Ingstrup, qui a fait ses débuts à la Commission des libérations conditionnelles et qui est maintenant au Service correctionnel, où il a mené de vastes réformes saluées de par le monde.

Il sera toujours temps de débattre de la manière dont la culture correctionnelle a évolué, mais pour répondre à votre question, le projet de loi prévoit justement une supervision indépendante, par les décideurs externes indépendants, et que, lorsqu’un dossier doit gravir les échelons, il est retiré des mains du décideur initial.

J’estime donc que le processus est équilibré et indépendant. Vous avez malgré tout raison : la culture du Service correctionnel devra changer, et ses dirigeants devront tout faire pour respecter les normes que le projet de loi leur imposera désormais. Pour ce qui est du Sénat, je l’invite à faire le nécessaire pour que les normes que le ministre s’est engagé à faire appliquer si la loi est adoptée le soient de manière transparente et rigoureuse et que le projet de loi favorise le changement de culture que vous réclamez et que nos collègues souhaitent tous aussi, j’en suis sûr.

La sénatrice Pate : Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur Harder?

Le sénateur Harder : Bien sûr.

La sénatrice Pate : Pensez-vous que, si la Cour suprême du Canada détermine que, dans les faits, l’isolement ou les unités d’intervention structurées doivent faire l’objet d’une surveillance judiciaire, qu’il n’y aura aucune des procédures que vous avez mentionnées, que c’est une exigence qui devra être imposée?

Le sénateur Harder : Le gouvernement du Canada a toujours accepté les directives de la Cour suprême du Canada. Ce que j’ai voulu dire ce soir, c’est qu’on a demandé à la Cour suprême, et à tout tribunal à vrai dire, de se prononcer sur les dispositions du projet de loi dont nous sommes saisis. Des jugements ont été rendus et j’en parle en fonction du système actuel. Ces jugements ont permis au gouvernement d’élaborer le système que nous examinons ce soir et il y apportera des rectifications au fil des directives qui seront données par les tribunaux.

C’est ainsi que les gouvernements modernes interagissent avec le processus décisionnel judiciaire.

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je tiens tout d’abord à reconnaître que nous sommes sur les terres non cédées des Algonquins anishinabes.

Je prends la parole au sujet du message de la Chambre des communes en tant que parrain du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

Je pourrais probablement commencer par répéter ce que le sénateur a dit, mais je m’efforcerai de préciser et d’aborder d’autres aspects.

Grâce au projet de loi C-83, les détenus, pendant leur passage dans une unité d’intervention structurée, auront pleinement accès aux programmes sociaux, comme les soins de santé, les traitements contre la toxicomanie, les services éducatifs et sociaux, ainsi qu’à d’autres programmes nécessaires à leur réadaptation.

En plus des services de soutien accrus qui seront fournis aux détenus dans les unités d’intervention structurée, on leur permettra chaque jour de sortir de leur cellule pendant au moins quatre heures. C’est le double de ce qui est permis actuellement aux détenus en isolement; deux de ces heures seront réservées à des interactions sociales réelles, comparativement au régime actuel, qui ne prévoit rien de tel.

Le projet de loi stipule clairement qu’un détenu peut seulement être placé dans une unité d’intervention structurée s’il n’y a pas de meilleure solution. Dès qu’une autre solution valable devient possible ou que le détenu ne présente plus de risque à la sécurité, le projet de loi C-83 exige qu’il soit retourné dans la population carcérale générale.

On a fait valoir que les unités d’intervention structurée sont simplement une forme d’isolement préventif, désigné par un autre nom. Honorables sénateurs, cet argument fait fi de tous les progrès qui se trouvent dans le projet de loi, notamment les amendements positifs proposés par le Sénat et que le gouvernement a acceptés.

Comparativement à l’isolement préventif, les unités d’intervention structurée constituent une approche avancée. Stan Stapleton, président du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, qui représente les employés qui offrent des services de réadaptation, de probation et de soutien aux détenus, a déclaré ceci aujourd’hui dans un communiqué de presse :

En tant qu’employé fédéral depuis 30 ans et ayant travaillé dans des prisons fédérales à sécurité maximale et moyenne, le SESJ estime que le projet de loi C-83 est un pas dans la bonne direction pour réformer la pratique actuelle de l’isolement préventif. Cela permettra une interaction humaine plus significative avec les individus, tout en permettant de gérer les délinquants extrêmement violents.

Il a enchaîné en disant :

Cela comprend une attention médicale accrue, un accès aux programmes et une plus importante interaction en personne avec les professionnels des services correctionnels, ce qui, selon le SESJ, assurera un traitement de réadaptation plus efficace et durable pour les délinquants, influant ainsi directement sur les résultats en matière de sécurité publique.

Comme l’a dit le sénateur Harder, le projet de loi C-83 renforce également le processus d’examen. Je trouve qu’il est important de le répéter.

En plus de maintenir l’accès à l’ombudsman pour les délinquants sous responsabilité fédérale au Bureau de l’enquêteur correctionnel, le projet de loi C-83 ajoute un processus d’examen qui se traduit par des décisions exécutoires d’un décideur externe indépendant, y compris en ce qui concerne le droit du détenu ou des services correctionnels d’interjeter appel devant la Cour fédérale, aux termes de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales.

Je vous rappelle que, pendant son examen du projet de loi C-83, le comité a apporté plusieurs amendements pertinents. Le gouvernement en a accepté plusieurs, notamment celui qui exige que la santé mentale du détenu soit évaluée par un professionnel qualifié dans les 24 heures suivant son arrivée dans une unité d’intervention structurée, et que le détenu soit transféré, au besoin, à des services de santé mentale appropriés.

Soulignons que l’évaluation de la santé mentale devra être faite par un professionnel ayant une formation spécialisée en santé mentale, par exemple un psychiatre, un psychologue, une infirmière en psychiatrie ou un fournisseur de soins primaires ayant une formation en psychiatrie.

De plus, il faudra que la santé mentale de tous les détenus puisse être évaluée dans les 30 jours suivant leur arrivée au pénitencier.

Honorables sénateurs, le Sénat a proposé des améliorations cruciales au projet de loi C-83. Les bienfaits découlant des amendements qui ont été acceptés seront en péril si nous n’appuyons pas le message.

Sur le plan humain, le nouveau système d’unités d’intervention structurée met fortement l’accent sur les interventions, les véritables contacts humains, les programmes et la réadaptation, autant d’éléments conçus pour répondre aux besoins du détenu et lui permettre de retourner dans la population carcérale générale en toute sécurité aussi rapidement que possible.

Honorables sénateurs, je souhaite maintenant répondre à certaines des préoccupations que des sénateurs ont exprimées récemment. J’espère pouvoir, du même coup, dissiper quelques malentendus.

J’ai entendu des collègues affirmer que le Sénat peut laisser mourir le projet de loi, puisque le vide sera comblé par les cours supérieures, lesquelles s’acquitteront mieux de la tâche. Chers sénateurs, je soutiens qu’en adhérant à cette approche, nous abdiquerions notre responsabilité, car, en fait, nous refuserions de nous attaquer à une question que nous confie le gouvernement, pour nous en remettre à une décision future de la Cour suprême.

En fait, si le projet de loi C-83 est rejeté, la Cour suprême devra ultimement trancher en ce qui concerne la loi actuelle et rien ne permet de prédire avec certitude quelle sera sa décision.

Même si, ultimement, toutes les décisions des tribunaux sont maintenues, le projet de loi C-83, qui propose un nouveau système pour remplacer l’isolement préventif, demeure, comme on nous l’a dit, une réponse viable sur le plan constitutionnel.

Certains sénateurs ont déclaré que le gouvernement n’avait rien à faire puisque Service correctionnel Canada pourrait mettre en œuvre toutes les mesures proposées dans le projet de loi C-83 sous forme de politiques. Nous sommes un organe parlementaire à qui le gouvernement a demandé de réagir à un projet de loi. Si nous suivions cette logique, nous nous trouverions à ignorer nos responsabilités parlementaires.

(1930)

Honorables collègues, les changements de politiques ne suffisent pas, parce qu’il est trop facile de les changer de nouveau. Le projet de loi C-83 inscrit dans la loi l’exigence minimale de 4 heures passées en dehors de la cellule et de 2 heures de contacts humains réels par jour. De plus, l’ajout de décideurs externes indépendants doit se faire par une mesure législative, comme pour tout autre mécanisme d’examen externe.

J’ai aussi entendu des préoccupations quant au fait que le rôle du décideur externe indépendant se limitera à un examen administratif. Chers collègues, les décideurs externes indépendants sont des commissaires fédéraux qui pourront communiquer directement avec les détenus, sans entrave, en tout temps, par écrit ou en personne, et les détenus pourront s’adresser directement à eux.

Les décideurs externes indépendants sont importants, parce que c’est la première fois qu’une personne d’en dehors du Service correctionnel du Canada pourra prendre des décisions exécutoires quant au placement des détenus. Dans le système actuel, il y a des audiences, mais elles sont conduites par des personnes nommées par le directeur et elles ne peuvent mener qu’à des recommandations que le directeur est libre d’ignorer.

Les décideurs externes indépendants sont importants, parce que le seul objectif de leur introduction est de les charger de prendre des décisions concernant le maintien du placement dans une unité d’intervention structurée et de leur donner davantage d’occasions de rencontrer les détenus.

Il reste beaucoup à faire et j’en suis conscient. Je suis d’accord avec Lisa Kerr, professeure de droit à l’Université Queen’s, qui a travaillé à l’Association pour la défense des libertés civiles de la Colombie-Britannique et à la Société John Howard. Elle a dit ceci aujourd’hui : « J’estime que le projet de loi serait un pas dans la bonne direction, mais il n’est pas parfait, et il n’apporte pas autant d’améliorations qu’il aurait pu le faire. »

Étant donné le moment où le message est arrivé, le Sénat devrait l’accepter, mais avec la volonté et l’intention de se pencher de nouveau sur les problèmes cernés lors de l’étude du projet de loi, ainsi que sur d’autres questions et préoccupations.

Je vais me joindre à mes collègues qui, au retour du Sénat, à l’automne, aimeraient étudier des questions qui sont restées en suspens et dont le gouvernement n’a pas tenu compte dans son message. Je suis prêt à apporter ma contribution pour remédier aux problèmes sociaux qui entraînent une surreprésentation des communautés minoritaires du pays, et afin de poursuivre les efforts nécessaires pour prévenir les circonstances qui peuvent mener à l’incarcération.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-83 contribue grandement à améliorer le traitement des prisonniers et à résoudre les problèmes inhérents à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, tout en répondant directement aux préoccupations soulevées dans les décisions de la cour.

Honorables sénateurs, j’appuie le message sur le projet de loi C-83 et je vous demande de faire de même. Merci.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message que nous avons reçu de l’autre endroit sur le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

Ma contribution au débat ne vise pas à vous convaincre de voter d’une façon ou d’une autre. Je vais plutôt vous soumettre mes réflexions sur le projet de loi, qui pourraient servir à votre prise de décision. Il s’agit de questions complexes avec lesquelles j’ai jonglé pour déterminer ma réponse à ce message.

J’aimerais parler de trois aspects : les effets du projet de loi sur la santé mentale des personnes incarcérées, le besoin d’un changement de culture à Service correctionnel Canada et la nécessité d’une surveillance indépendante des ordonnances d’isolement.

Parlons d’abord de la santé mentale. À mon avis, la version actuelle du projet de loi C-83 pourrait grandement améliorer la santé mentale des personnes incarcérées. Les évaluations de la santé mentale sont essentielles pour comprendre les dommages psychologiques qui peuvent survenir dans les prisons fédérales et pour déterminer les besoins en santé mentale des détenus.

Nous savons qu’environ les trois quarts des personnes incarcérées dans des établissements fédéraux sont aux prises avec une maladie mentale. Cette donnée souligne l’importance d’offrir des traitements continus et de veiller à ce que le plan de réadaptation de chaque personne tienne compte de ses besoins en santé mentale.

Le Sénat a adopté des amendements à l’égard du projet de loi C-83 qui rendaient obligatoires les évaluations de santé mentale pour toutes les personnes incarcérées dans une prison fédérale dans les 30 jours suivant leur admission dans un établissement fédéral et dans les 24 premières heures suivant leur transfèrement dans une unité d’intervention structurée. De plus, ces évaluations devront être effectuées par un psychiatre, un psychologue, un infirmier en psychiatrie ou un médecin ayant suivi une formation psychiatrique, ce qui aidera à faire en sorte que ces déclarations soient conformes aux normes professionnelles attendues. Ces amendements ont été acceptés. Rien de cela ne se trouvait dans le projet de loi initial.

Une évaluation de santé mentale de qualité peut aider à orienter les soins de santé mentale nécessaires et informer le plan de réadaptation de chacune des personnes incarcérées dans un établissement fédéral. Mon expérience en soins de santé mentale me porte à croire que la meilleure façon d’accomplir cela est de veiller à ce que la personne qui réalise l’évaluation de santé mentale soit un professionnel de la santé mentale possédant les compétences voulues pour faire le travail et bien le faire, et de veiller à ce que toutes les personnes incarcérées aient l’occasion de faire l’objet d’une telle évaluation.

Les sénateurs savent trop bien ce qui peut se produire si une évaluation adéquate de santé mentale n’est pas effectuée. Par exemple, à l’automne 2007, Ashley Smith est décédée dans une cellule d’isolement après avoir passé plus d’un an en isolement continu dans une prison fédérale. Mme Smith n’a jamais fait l’objet d’une évaluation complète de santé mentale ni d’un plan de traitement. On ne peut savoir après coup quel aurait été le résultat si elle avait fait l’objet d’une évaluation adéquate de santé mentale. Toutefois, grâce à ce projet de loi, à l’avenir, toutes les personnes incarcérées dans un établissement fédéral feront l’objet d’une évaluation de santé mentale à leur admission dans une prison fédérale ou dans les 24 heures suivant leur placement dans une unité d’intervention structurée. C’est un progrès.

Je crois que l’un des rôles des sénateurs est de protéger les droits de tous les Canadiens. Être placé dans une prison fédérale est une peine sévère. Toutefois, nous devons nous assurer que les droits des personnes incarcérées sont protégés. Nous devons aussi faire en sorte que les détenus aux prises avec des problèmes de santé mentale ne subissent pas l’outrage d’être privés de leurs droits de recevoir des soins de santé mentale à cause de leur incarcération.

En 1991, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé. Dans cette déclaration on dit que :

[…] [toute] personne personne atteinte de maladie mentale ou soignée comme telle doit être traitée avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

Notre détermination à protéger les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ne devrait pas fléchir parce qu’elles ont été incarcérées. Au contraire, dans ces dures circonstances, elles pourraient avoir besoin d’une plus grande aide.

Honorables collègues, nous devons continuer à protéger les membres les plus vulnérables de la société en améliorant les interventions en santé mentale pour les personnes incarcérées dans des établissements fédéraux.

Deuxièmement, le changement de culture. Dans le cadre de notre étude de ce projet de loi, de nombreux témoins ont abordé un thème commun, soit la nécessité d’opérer un changement culturel au sein du Service correctionnel du Canada. On ne saurait trop insister sur l’importance de cette suggestion. Je tiens à remercier personnellement notre collègue, la sénatrice Kim Pate, qui déploie des efforts inlassables pour faire bouger les choses en ce sens.

Au cours de ma carrière de médecin, j’ai eu l’occasion de favoriser des changements culturels dans les hôpitaux, les universités et les systèmes de santé au Canada et à l’étranger. Ce n’est pas une mince affaire. Il faut déployer des efforts considérables et, malheureusement, il faut se doter de patience. Il est très difficile d’apporter les changements nécessaires et de le faire de manière significative et durable, mais c’est un travail qui doit être fait. Dans certains cas, l’élaboration de mesures législatives fait partie de ce travail.

Selon moi, ce projet de loi peut être à l’origine d’un changement culturel, mais il ne peut pas être au cœur de ce changement. Il peut proposer un changement, mais il ne peut pas l’induire. Nous devrons suivre la situation de très près pour nous assurer que ce qui a été décidé se produira réellement.

Le Sénat a déjà fait des progrès dans ce dossier. Par exemple, le rapport au sujet des droits de la personne des personnes emprisonnées sera fort utile. En tant que sénateurs, nous pouvons et devons continuer le travail.

(1940)

J’en viens enfin à l’examen indépendant des ordonnances d’isolement. En réfléchissant à la réponse que le Sénat devait apporter au message de la Chambre des communes, je me suis penché sérieusement sur l’importance de l’examen indépendant des ordonnances d’isolement. Je me suis demandé si la surveillance judiciaire était le meilleur mécanisme.

Cependant, je n’ai pas trouvé d’éléments indiquant s’il existe une forme d’examen indépendant qui soit plus efficace que les autres. Je suis conscient que la notion d’indépendance est cruciale pour ce qui est de la surveillance de l’isolement. Les récentes décisions judiciaires ont reconnu ce fait, tandis que la règle 45 des Règles Nelson Mandela indique ce qui suit :

L’isolement cellulaire ne doit être utilisé qu’en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible, sous contrôle indépendant [...]

Une question me préoccuppe : l’examen indépendant prévu par le projet de loi C-83 devrait-il être rejeté au profit de la surveillance judiciaire? Quelles sont les données probantes susceptibles de nous aider à prendre cette décision?

On a entendu sur la question des avis très divers provenant de parlementaires érudits à l’autre endroit et au Sénat. J’en ai parlé à divers collègues, que je remercie de leurs avis. J’en ai également parlé à des juristes externes au Parlement. Les décisions des tribunaux auxquelles j’ai fait allusion privilégiaient la surveillance indépendante, plutôt que judiciaire, et je dois dire qu’après toutes ces consultations, je n’ai toujours pas de réponse claire. Je serais donc tenté de dire que les deux positions s’équilibrent.

Je partage certainement l’opinion de tous ceux qui se sont intéressés comme moi à la question, à savoir que le projet de loi ne va pas régler tous les problèmes que présente l’isolement préventif. Il s’agit d’un sujet complexe qui exigera un suivi permanent. En outre, je ne pense pas que ce projet de loi soit aussi solide que celui que le Sénat avait envoyé à l’autre endroit et je suis déçu que tous nos amendements n’aient pas été acceptés. Toutefois, surtout en ce qui concerne les éléments de santé mentale, je pense que cette mouture du projet de loi est bien meilleure que celle que l’on avait reçue au début, en dépit des nombreuses réserves que moi et d’autres avons à son sujet.

Honorables sénateurs, personnellement, je n’ai pas fait de second examen objectif du projet de loi. Mon examen objectif n’a duré que 20 secondes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est vexant.

J’apprécie votre passion et votre dévouement ainsi que vos réflexions approfondies sur ces sujets importants et complexes. Je vous remercie ce soir d’avoir été attentifs à mes observations et j’espère que vous en tiendrez compte en votant sur ce message. Merci.

Son Honneur le Président : Vous avez une question, sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Kutcher : Certainement.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup et merci de votre éloquente description du travail extraordinaire que vous avez accompli relativement à ces amendements. Ils sont excellents.

Vous avez parlé de l’Étude concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel fédéral. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais comme la motion n’a pas été présentée, il n’y aura pas de rapport en fait. Le saviez-vous?

Le sénateur Kutcher : Je n’étais pas au courant quand j’ai écrit le discours. Quand je suis arrivé, la sénatrice Bernard m’a mentionné effectivement qu’il y a une motion qui n’avait pas été acceptée. Ma réponse est donc « si on veut ».

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du projet de loi C-83.

Je suis désolé d’aller dans le sens contraire de mes collègues, mais le système carcéral ne compte pas que des criminels; il compte aussi des victimes, des agents d’incarcération et le public en général. Je m’exprimerai donc en leur nom.

Comme je l’ai dit à l’étape du rapport du comité, ce projet de loi est porteur de conséquences graves qui sont encore incalculables en ce qui concerne non seulement la sécurité des employés du système carcéral, mais aussi celle du public et, bien sûr, celle des victimes.

Le sénateur Harder a fait allusion, lors de son allocution, aux problèmes de santé mentale. Je regrette qu’il n’en ait parlé que pendant deux minutes, alors que 30 p. 100 des hommes et 40 p. 100 des femmes souffrent de problèmes de santé mentale au sein du système carcéral; nous sommes toutefois loin de la proportion de 75 p. 100.

Le principal problème ayant trait à la santé mentale est le suivant : c’est le parent pauvre dans les provinces en ce qui a trait aux services de santé publique. Penser que les provinces régleront un jour les problèmes du système carcéral canadien en ce qui a trait à la santé mentale est utopique.

Je serai bref; je suis très préoccupé par l’abolition de la mesure que l’on appelle la « mesure la moins privative de liberté ». Le fardeau de démontrer la nécessité de faire ce changement reposait sur les épaules du gouvernement. De plus, je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Joyal, qui a proposé d’avoir plutôt recours à l’arbitrage. Nous savons qu’il y a actuellement un conflit entre les agents du Service correctionnel du Canada et le gouvernement, mais on aurait dû, pour régler le problème, emprunter la voie d’un recours devant la Cour suprême plutôt que de présenter un projet de loi.

Les représentants des agents correctionnels sont très préoccupés par ces changements. Il faut préserver la capacité du système de prendre des décisions en tenant compte du fait que la société doit être protégée. La Commission nationale des libérations conditionnelles doit pouvoir imposer des décisions nécessaires et équilibrées, tout en tenant compte des objectifs relatifs à la libération conditionnelle. Les décisions doivent être prises en fonction des risques et de la gravité des crimes qui ont été commis.

Une approche basée sur la proportionnalité aurait été beaucoup plus raisonnable que cette approche de la mesure la moins privative possible. Une approche basée sur la proportionnalité aurait fait en sorte de mieux protéger les victimes et la population, et d’incarcérer les criminels qui sont les plus à risque.

L’esprit du législateur, lors de l’adoption du projet de loi C-10 en 2011, était justement de considérer cette notion de proportionnalité, qui a toujours été à la base de notre système juridique.

Le gouvernement investira des centaines de millions de dollars pour mettre en vigueur ce projet de loi, alors que le vérificateur général, qui vient de conclure une étude assez exhaustive ayant trait à la récidive, nous a appris que le taux de récidive tel que calculé par le gouvernement canadien était tout à fait faux.

Ces millions de dollars, qui serviront à mettre en vigueur ce projet de loi, auraient pu servir plutôt à faire une évaluation complète des programmes conçus pour venir en aide aux gens qui sont incarcérés. Je vous rappelle que, à l’heure actuelle, un prisonnier revient en moyenne quatre fois entre les murs d’un pénitencier et que le taux de réincarcération avoisine les 70 p. 100.

Plutôt que d’adopter un projet de loi qui fera en sorte de libéraliser encore davantage nos pénitenciers et qui mettra en danger les gens qui souffrent de problèmes de santé mentale, les gens qui nous protègent, ainsi que la société en général, il aurait été beaucoup plus sage de faire une étude approfondie du rôle du système carcéral canadien et de son rendement en ce qui touche ses programmes, pour ensuite adopter des mesures appropriées, et ce, afin que le taux de récidive soit le moins élevé possible.

On met encore la charrue devant les bœufs en pensant que tout va rouler comme sur des roulettes et en injectant de l’argent dans le système, plutôt que de le remettre en question.

Nous avons obtenu les statistiques suivantes en ce qui a trait aux établissements correctionnels au Canada : le taux de récidive dans les prisons provinciales est d’environ 60 p. 100, alors que le taux de réincarcération, lui, se situe autour de 70 p. 100.

Je crois qu’il est temps d’arrêter d’investir des sommes d’argent pour des systèmes gérés en silo comme les prisons et les pénitenciers. Il faut faire en sorte d’évaluer la façon dont on traite les gens qui sont incarcérés, le genre de programmes qui leur sont offerts et le rendement de ces programmes.

Depuis 50 ans, il n’y a jamais eu d’évaluation externe des programmes de réhabilitation des pénitenciers fédéraux. Toutes les évaluations ont été effectuées par les gens qui administrent ces établissements. Il serait temps pour nous aujourd’hui, comme gouvernement, d’investir la somme de 2,5 milliards de dollars dans le système carcéral canadien, en plus de l’enveloppe de 500 millions de dollars.

(1950)

Ce projet de loi n’est pas acceptable. Il aurait fallu une loi obligeant le gouvernement à étudier en profondeur le style de gestion utilisé auprès des criminels, ainsi que la performance des pénitenciers en matière de soins de santé mentale. Cela nous permettrait de faire en sorte que les criminels ne reviennent pas à répétition dans les pénitenciers. Yves Thériault, l’auteur québécois de l’ouvrage Tout le monde dehors!, qualifiait nos prisons et nos pénitenciers de portes tournantes.

Il est temps que le gouvernement évalue la performance d’une organisation qui entraîne l’incarcération d’individus injustement, et peut-être pendant trop longtemps, mais qui libère aussi trop souvent ceux qui peuvent être dangereux. Cette institution, qui n’a pas été évaluée depuis 50 ans, doit absolument faire l’objet d’une étude approfondie. Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Sénateur Boisvenu, accepteriez-vous de répondre à une question?

Merci, sénateur Boisvenu, de ce survol. Savez-vous qu’au début des années 1990, en fait, Mme Kendall avait procédé à un examen indépendant de tous les services thérapeutiques offerts aux femmes incarcérées dans une prison fédérale et qu’elle avait conclu que le Service correctionnel ne devrait pas offrir de programmes en santé mentale et que ces programmes devraient plutôt être administrés par des ressources en santé provinciales ou territoriales?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Oui. Il faut comprendre que, au sein du système carcéral canadien, 8 p. 100 des individus incarcérés sont des femmes, car ce sont surtout les hommes qui commettent des crimes très graves. Ce sont ceux-ci qui m’interpellent. De plus, ils récidivent également beaucoup plus que les femmes.

J’ai travaillé pendant plusieurs années avec le professeur Philippe Bensimon, docteur en criminologie et éminent chercheur au sein du système carcéral canadien, où il a travaillé pendant 27 ans. Il m’a appris que les demandes de financement qu’il a présentées au Service correctionnel du Canada afin de réaliser une recherche structurée sur l’ensemble des programmes offerts ont toujours été refusées. Dans le système carcéral canadien, les recherches sont plutôt faites à l’interne. Comme le disait M. Bensimon, cette façon de faire permettait au gouvernement de faire la preuve que les millions de dollars investis servaient réellement à quelque chose. En outre, M. Bensimon affirmait que les programmes de réhabilitation offerts dans nos prisons servent à motiver les employés qui les administrent et non à aider les individus criminalisés.

Bref, ce que je dis aujourd’hui, c’est que, avec ce type de gestion, aucune entreprise privée ne réussirait à rester ouverte. Un pourcentage de 70 p. 100 des individus criminalisés passent par notre système carcéral et y reviennent, ce qui signifie que nous continuons à dépenser des fonds pour traiter les mêmes personnes. Nous devons absolument accorder des fonds importants à la réhabilitation, afin que les criminels ne réintègrent pas le système carcéral une troisième et quatrième fois.

[Traduction]

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, la question dont nous sommes saisis aujourd’hui dans le contexte du projet de loi C-83 et du message de l’autre endroit est de savoir si le Sénat est prêt à défendre une minorité très petite, très vulnérable et très impopulaire : les détenus incarcérés dans les pénitenciers fédéraux.

Je ne suis pas un expert des questions carcérales. Je n’ai visité des prisons que deux ou trois fois dans ma vie, mais je pense que nous pouvons facilement imaginer ce que le fait d’être privé non seulement de liberté, mais aussi de dignité, peut faire à un être humain. Dans son rapport annuel de 2014-2015, le Bureau de l’enquêteur correctionnel a décrit l’isolement comme étant :

[...] l’expérience la plus pénible et privative que l’État peut légalement imposer au Canada [...]

En 1980, la Cour suprême a décrit cette pratique comme « une prison au sein d’une prison ».

L’isolement préventif constitue une privation de dignité. À bien des égards, il s’agit même d’une privation d’humanité. Le fait d’être privé d’intimité, de liberté de mouvement et de contacts réels avec d’autres êtres humains n’est pas humain, que ce soit pendant 22 ou 20 heures par jour.

Évidemment, dans certaines circonstances exceptionnelles, les autorités n’ont pas d’autre choix que d’isoler un détenu. Toutefois, les Règles Mandela, que les représentants canadiens ont aidé à rédiger, ainsi que des jugements rendus par des cours supérieures et d’appel ont déterminé qu’un tel isolement ne devrait pas durer plus de 15 jours et que les décisions en la matière devraient être examinées de manière indépendante après 5 jours.

Le problème du projet de loi C-83, c’est qu’il n’est pas conçu pour établir un équilibre entre les besoins en matière de sécurité en prison et les droits des détenus. Il est conçu pour maintenir autant que possible l’isolement en apportant le moins de changements possible afin de préserver cette pratique tout en échappant pour l’instant aux sanctions législatives et judiciaires. Honorables sénateurs, les tribunaux ne se laisseront pas berner par cet exercice subtil, et nous ne devrions pas non plus.

Si nous adoptons le projet de loi C-83, il faudra des années avant que sa constitutionnalité soit remise en question. Il est vrai que ce n’est pas notre rôle de nous substituer aux tribunaux. Toutefois, c’est notre rôle de protéger les minorités, et peu de minorités sont aussi vulnérables que celles qui se voient privées de liberté.

Bien sûr, ces gens ont mal agi et ils doivent purger une peine pour leurs actes, mais ce sont tout de même des êtres humains, et ils devraient être protégés par les lois canadiennes. La Charte des droits et libertés protège aussi les personnes les moins populaires. Elle s’applique d’une manière uniforme, sans distinction ou discrimination.

Lorsque le Sénat intervient pour protéger les minorités, il n’usurpe pas le rôle de la Cour suprême. Il remplit son devoir. Nous exerçons notre jugement en fonction de ce que nous savons, de l’expertise qui nous a amenés à être nommés au Sénat, de ce que nous avons entendu en tant que législateurs — et non en tant que juges —, de ce que nous avons vu et des décisions judiciaires à notre disposition. Nous votons en faisant de notre mieux avec les données dont nous disposons au moment où nous sommes appelés à voter.

[Français]

Chers collègues, il y a trois ans, je venais d’être nommé au Sénat et se tenait dans cette Chambre le débat sur l’aide médicale à mourir. Le projet de loi C-14 avait été amendé pour garantir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie incurable et qui souffraient de douleurs intolérables, mais dont la mort n’était pas raisonnablement prévisible. Toutefois, cet amendement avait été rejeté par le gouvernement, et il nous fallait alors décider si nous allions insister.

Le sénateur Joyal a brillamment défendu la thèse selon laquelle nous devions insister. À ses yeux, le Sénat devait assumer le rôle de faire respecter, autant que faire se peut, la Charte canadienne des droits et libertés et de protéger les minorités.

Le sénateur Joyal nous disait ceci, et je cite :

Nous sommes un pays de minorités. Considérez les origines de chacun d’entre nous. Il y aura encore plus de diversité à l’avenir. Si nous n’avions pas eu de Parlement, si nous n’étions pas une démocratie parlementaire... Il y a une différence entre les deux. Elle signifie que la majorité élue ne peut pas continuellement imposer sa volonté à la minorité. C’est la caractéristique essentielle de notre Chambre.

Pour ma part, j’ai défendu la thèse voulant que nous ne devions pas insister et que, dans une lutte entre l’autre endroit et le Sénat, ce dernier allait forcément sortir perdant dans l’opinion publique. C’est une idée que je défends encore; je l’ai fait hier lors du débat sur le projet de loi C-48.

Cependant, dans le cadre de la discussion sur l’aide médicale à mourir, j’avais tort et le sénateur Joyal avait raison. Le Sénat avait le devoir de porter secours à une minorité souffrante, et ce, même si l’opinion publique n’allait pas l’appuyer. En définitive, qui sait, les Canadiens nous auraient peut-être appuyés.

Chose certaine, nous pouvons en constater le résultat aujourd’hui : parce que le Sénat n’est pas intervenu, les Canadiens malades et souffrants doivent s’adresser aux tribunaux pour faire respecter leur droit à l’aide médicale à mourir et ils devront patienter des années avant d’obtenir un jugement définitif.

Pour ma part, je ne veux pas répéter cette erreur dans le cas qui nous occupe aujourd’hui. Les détenus ne sont pas très populaires. Ce seul fait devrait nous inciter à protéger avec zèle leurs droits fondamentaux, tels que définis par la Charte, et que nous interprétons comme législateurs. Notre engagement en faveur des droits fondamentaux s’exprime en protégeant les plus vulnérables, méprisés et méconnus.

(2000)

[Traduction]

Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, j’ai visité le pénitencier de Laval. Il ne porte toutefois pas le nom de pénitencier. Il s’appelle le Centre fédéral de formation, en dépit du fait que les détenus ne reçoivent plus aucune formation. Cependant, le nom perdure. Pourtant, il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’un pénitencier.

De toute évidence, l’attente est insupportable pour les détenus placés en isolement préventif — une autre belle expression inventée par les responsables des prisons. Il est tout simplement impossible qu’une personne stable puisse rester dans ces petites cellules pendant des jours et des semaines sans que sa santé mentale soit affectée. Dans le cas des détenus atteints de maladie mentale, les effets peuvent être absolument irréversibles.

Comme l’a dit la juge Benotto de la Cour d’appel de l’Ontario :

L’effet d’un isolement prolongé constitue donc un traitement exagérément disproportionné, parce qu’il expose le détenu au risque de dommages psychologiques graves et potentiellement permanents.

Pour sa part, le juge Leask de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré que l’isolement préventif « [...] est une forme d’isolement cellulaire qui expose tous les détenus sous responsabilité fédérale au Canada à un risque important de préjudice psychologique grave, y compris de douleur et de souffrance mentales, et à une incidence accrue d’automutilation et de suicide. »

Si le projet de loi C-83 est adopté, dans le meilleur des cas, la situation des détenus placés en isolement pourrait s’améliorer de façon minimale. Dans l’ensemble, de nouvelles expressions seront utilisées comme « unités d’intervention structurée » et « décideur indépendant », mais la réalité changera très peu.

Le projet de loi C-83 n’élimine pas « le trou » que l’on trouve dans les prisons canadiennes. Il tente simplement de lui donner une meilleure apparence et un nouveau nom. Ainsi, les législateurs que nous sommes se sentiront quelque peu réconfortés au sujet du traitement des détenus et pourront de nouveau mettre cette préoccupation en veilleuse.

Un contrôle judiciaire après 48 heures est largement préférable au système des décideurs externes indépendants, parce que ceux-ci seraient appelés à intervenir au bout d’une longue période d’isolement préventif, qui pourrait atteindre 90 jours, c’est-à-dire trois mois.

Les décideurs externes indépendants seront nommés par le ministre et, selon le projet de loi, ils n’auront pas à posséder d’autres qualifications qu’une connaissance des processus décisionnels administratifs en général.

Enfin, il faut se rappeler que les décideurs changeront éventuellement lorsque les gouvernements changeront.

Ces détenus appellent à l’aide à travers le passe-gamelle de leur cellule. Ils connaissent peu le rôle du Sénat ou ils l’ignorent complètement, mais nous le connaissons bien. Nous répétons, dans nos discours, que l’un des rôles fondamentaux du Sénat est de protéger les minorités. Eh bien, honorables sénateurs, le moment est venu de passer à l’action.

Honorables sénateurs, lors du vote, je me prononcerai pour le rejet du message de l’autre endroit. Je le ferai en sachant pertinemment que, si les oui l’emportent, le projet de loi C-83 risque de mourir au Feuilleton, quoique cela puisse aussi ne pas être le cas.

Constatant que le gouvernement du Canada n’en fait pas assez pour protéger les droits de ce groupe vulnérable, le Sénat n’a d’autre choix que d’intervenir. Si nous nous contentions de laisser les tribunaux s’occuper de ce problème, nous n’accomplirions pas notre mandat en vertu de la Constitution, soit protéger les plus vulnérables de la volonté de la majorité.

Certains sénateurs craignent que, si le projet de loi C-83 meurt au Feuilleton, ce soit le chaos dans les prisons. Il y aurait un vide juridique et la sécurité dans les prisons serait compromise. Ce n’est simplement pas le cas.

L’affaire de l’Association canadienne des libertés civiles qui a été portée devant la Cour d’appel de l’Ontario a mené ce tribunal à déclarer inconstitutionnelles les règles régissant l’isolement préventif. La cour a procédé à une suspension de l’invalidité, ce qui signifie qu’elle a suspendu la prise d’effet de sa déclaration d’inconstitutionnalité pour donner au gouvernement le temps de s’y conformer. Cette suspension a été prolongée plusieurs fois, lui donnant chaque fois plus de temps. Même si les dispositions le concernant ont été invalidées, l’isolement est encore pratiqué au moment où l’on se parle et il continuera de l’être, en raison de cette suspension, si le projet de loi C-83 meurt au Feuilleton.

Plus récemment, la Cour suprême du Canada a accepté un sursis pour que l’isolement reste en place jusqu’à ce qu’elle puisse se prononcer sur sa constitutionnalité. Dans les faits, la mort du projet de loi C-83 permettra à la Cour suprême de fixer, clairement et sans équivoque, les paramètres constitutionnels de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. L’instauration d’une pseudo-solution comme le projet de loi c-83 ne fera rien sur ce front.

[Français]

Lorsque la plus haute cour du pays sera saisie de la question, elle examinera l’intention des législateurs, notre intention. Je souhaite que le rejet du message de l’autre endroit reflète la volonté exprimée par notre Chambre, le Sénat du Canada, défenseur des minorités.

[Traduction]

Honorables sénateurs, la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré ce qui suit :

Les perceptions du public quant à la façon appropriée de traiter les détenus ont évolué, et ce, en grande partie grâce aux efforts des détenus et de leurs défenseurs. Ce qui était autrefois considéré comme acceptable, comme la peine de mort, ne l’est plus. Maintenant que la société en sait plus sur les dommages causés par l’isolement dans une cellule, l’opinion publique a également changé.

Honorables sénateurs, comme l’a dit Nelson Mandela : « Personne ne peut prétendre connaître vraiment une nation, à moins d’avoir vu l’intérieur de ses prisons. »

Honorables sénateurs, notre réponse au message du gouvernement à propos du projet de loi C-83 devrait montrer que ce qui se passe dans les cellules d’isolement des prisons canadiennes, peu importe leur nom, n’est pas digne du Canada. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Ma position est différente de celle de mon collègue, le sénateur Pratte.

Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole pour vous inviter, surtout ceux qui sont déçus de la réponse du gouvernement, à voter néanmoins en faveur de la proposition du sénateur Harder visant à accepter cette réponse. Je le fais tout en étant conscient que nous avons le devoir, comme membres de cette Chambre de second examen objectif, de prêter attention à ceux que l’on ignore et aux plus faibles, pas seulement à ceux qui ont les moyens de retenir les services de lobbyistes chèrement payés.

À cet égard, je tiens à souligner le travail remarquable accompli par la sénatrice Pate depuis ses premiers travaux avec l’honorable Louise Arbour dans le cadre de l’enquête sur la prison des femmes de Kingston. J’ajoute qu’elle a tout à fait raison de s’intéresser à la situation des détenus et, parmi eux, à celle des plus fragiles, ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale et ceux qui sont mis en isolement forcé.

[Traduction]

Il peut être tentant de considérer les détenus comme des personnes qui ne méritent pas qu’on respecte leurs droits fondamentaux et de faire fi de ces droits. Toutefois, en tant que pays, nous sommes jugés en fonction de la façon dont nous choisissons de traiter nos citoyens — tous nos citoyens, y compris les prisonniers.

Pour reprendre les mots de Nelson Mandela, qui a passé 27 ans en prison :

Personne ne peut prétendre connaître vraiment une nation, à moins d’avoir vu l’intérieur de ses prisons. Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles.

Je suis tout à fait d’accord.

[Français]

Le Sénat a écouté les intervenants et pris en note les graves lacunes du système carcéral actuel à l’égard des prisonniers en détresse psychologique grave, ou encore qui sont des menaces pour eux-mêmes ou pour la sécurité dans les pénitenciers. Il a également tenu compte des commentaires des juges qui ont eu à se prononcer sur la manière dont le système carcéral traite, à l’heure actuelle, les prisonniers qui souffrent de problèmes de santé mentale et qui souffrent d’être mis à l’écart pour certains.

Fort de tous ces éléments, le comité du Sénat a proposé divers amendements qui répondaient adéquatement au défi du respect des droits fondamentaux des prisonniers en milieu carcéral, et le Sénat s’est dit d’accord avec le comité. Cet après-midi, le gouvernement et la Chambre des communes, — sans toutefois tenir un vote nominal —, ont conclu avec dissidence d’accepter plusieurs amendements, mais aussi d’en rejeter certains. Parmi les éléments rejetés, il y a la possibilité de saisir un juge d’une cour supérieure pour déterminer si les mesures d’isolement sont justifiées.

(2010)

L’absence de toute forme de contrôle des décisions d’isolement, qui sont souvent prises rapidement par les gestionnaires d’un pénitencier, serait pour moi une lacune fondamentale, si l’on considère les conséquences graves et irrémédiables d’une mise à l’écart prolongé. Cependant, comme l’a expliqué le sénateur Harder dans son discours sur le message des Communes et d’autres collègues par la suite, le projet de loi C-83 s’attaque à plusieurs lacunes du système actuel et met en place des mesures internes et externes de révision des mises à l’écart, plutôt que d’utiliser les Cours supérieures provinciales.

Cela dit, aujourd’hui, la question que nous devons régler n’est pas, en tout respect pour l’opinion contraire, de décider si nos amendements qui ont été rejetés auraient entraîné de meilleures solutions afin d’assurer le respect des droits fondamentaux des prisonniers ou de mieux traiter les prisonniers souffrant de problèmes de santé mentale, mais si les mécanismes mis en place par le projet de loi C-83 sont manifestement inconstitutionnels et requièrent, exceptionnellement, que nous insistions au sujet de notre amendement, qui exige la mise en place d’une procédure de révision devant un juge d’une Cour supérieure provinciale, et non devant les instances prévues par le projet de loi C-83.

Les nouvelles mesures contenues dans le projet de loi C-83 qu’a décrites le sénateur Klyne dans son discours à l’étape de la troisième lecture et encore aujourd’hui, notamment une évaluation en début d’incarcération de la santé mentale des prisonniers et l’ajout de ressources spécialisées en intervention psychiatrique pour préparer un plan d’action et traiter les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, permettent aux détenus de passer au moins quatre heures par jour à l’extérieur de leur cellule, soit le double de ce qui est prévu à l’heure actuelle, et obligent les autorités carcérales à référer vers des ressources adéquates les prisonniers qui souffrent de graves problèmes mentaux. Selon moi, ce sont des améliorations significatives par rapport à la situation actuelle.

Dans un gazouillis publié ce matin, la professeur Lisa Kerr, que mon collègue, le sénateur Klyne, a citée il y a quelques minutes, a dit partager la conclusion selon laquelle il s’agit d’une amélioration, même si le système proposé n’est pas parfait. Elle a dit, et je cite :

[Traduction]

Journée importante au Parlement pour le projet de loi C-83. Le projet de loi serait un pas vers l’avant, à mon avis. Pas un pas parfait. Il aurait pu être meilleur. Mais je m’inquiète de ce qu’un nouveau gouvernement pourrait faire, et de ce que la Cour suprême du Canada fera en fin de compte.

Elle est experte dans ce domaine.

[Français]

À mon avis, refuser d’accepter le message dans le but de faire mourir le projet de loi au Feuilleton reviendrait à maintenir le statu quo actuel qui a été déclaré inacceptable par deux Cours d’appel, parce que cela constituerait une violation des droits fondamentaux prévus à la Charte canadienne des droits et libertés.

De plus, à la suite d’un jugement de la Cour suprême rendu vendredi dernier, le gouvernement s’est vu accorder plus de temps pour continuer d’appliquer en toute légalité la loi actuelle, jusqu’à ce que la Cour suprême décide s’il y a lieu d’accorder une permission d’en appeler de l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, et, si la permission est accordée, jusqu’à ce qu’elle rende son jugement dans plusieurs mois. Par contre, l’adoption et l’entrée en vigueur du projet de loi C-83 constitueront dès maintenant une amélioration, selon les experts, de la situation des prisonniers souffrant de maladie mentale et, selon ma propre analyse des nouvelles dispositions, une amélioration manifeste par rapport au système actuel.

[Traduction]

Dans un autre gazouillis publié ce matin, la Société John Howard a dit ceci :

Le @SenatCA torpillera-t-il le projet de loi C-83 aujourd’hui? Un vide législatif nuirait à la protection des détenus en isolement contre de graves préjudices.

Au lieu de créer un vide ou de maintenir en place un système qui n’est plus acceptable, je crois qu’il vaut mieux voter en faveur du projet de loi C-83, mettre en œuvre de nouvelles mesures bénéfiques aussitôt que possible, et laisser aux tribunaux le soin de décider plus tard si le processus d’examen est lacunaire et de voir comment il pourrait être amélioré.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous invite à voter en faveur du message. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Avez-vous une question à poser, sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Oui, si l’honorable sénateur accepterait de répondre à une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Oui.

La sénatrice Pate : Sénateur Dalphond, durant toutes les années où vous étiez juriste, quels genres d’arguments auriez-vous acceptés si quelqu’un vous avait présenté deux gazouillis comparativement à des avis constitutionnels? D’un côté, l’opinion d’experts juridiques; de l’autre, deux gazouillis. À quel point auriez-vous trouvé cet argument convaincant?

[Français]

Le sénateur Dalphond : Merci, cher collègue, de la question.

[Traduction]

Il n’y a aucun doute que devant un tribunal... Il faut dire qu’aux États-Unis, les gazouillis semblent constituer des déclarations officielles du président. Au Canada, je ne sais pas si les gazouillis sont considérés comme des documents juridiques qui peuvent servir d’opinion favorable.

Cela dit, des experts témoigneront devant les tribunaux. Ils présenteront des mémoires et subiront des contre-interrogatoires. Il y aura un débat exhaustif, ce qui n’est pas le cas ici aujourd’hui. Nous pensons tous à ces opinions, mais nous n’avons pas entendu d’experts, nous n’avons pas lu de mémoires. Je crois que, comme la Société John Howard s’emploie à protéger et à défendre les droits des personnes incarcérées, elle nous invite à nous réveiller et à ne pas faire d’erreur. Le système actuel est vraiment mauvais, et le projet de loi à l’étude viendra l’améliorer. Optons pour cette amélioration.

Voilà mon point de vue. Je ne dis pas que j’utiliserais ces opinions dans un jugement; je dis simplement qu’elles ont de l’importance. Il y a des gens qui suivent ce dossier de près. Ce matin, ils nous demandent d’aller de l’avant. Merci.

La sénatrice Pate : Honorables sénateurs, le message concernant le projet de loi C-83 nous demande d’adopter ce projet de loi sans les amendements du Sénat qui permettraient de prévenir la violation des droits garantis par la Charte et des droits de la personne à l’égard des femmes et des hommes qui sont placés en isolement dans les prisons canadiennes.

Étant consciente de la souffrance et des dommages permanents et irréversibles que l’isolement peut causer, je ne peux pas appuyer cette motion.

Puisque les sénateurs doivent protéger les droits constitutionnels de tous les Canadiens, en particulier les plus marginalisés, je crois que cette assemblée ne devrait pas non plus appuyer cette motion.

Des précédents nous montrent qu’à de rares occasions, le Sénat a non seulement la possibilité d’insister pour qu’on adopte ses amendements, mais aussi le devoir de le faire au nom des gens qu’il représente.

L’adoption des amendements du Sénat au projet de loi C-83 est clairement justifiée, pour six raisons.

Premièrement, le projet de loi C-83 ne donne pas suite à une promesse électorale que les élus doivent remplir au nom des électeurs canadiens. Il s’agit plutôt d’une réponse à des décisions des tribunaux qui affirment que l’isolement dans une cellule est inconstitutionnel et que le gouvernement doit donc élaborer de nouvelles dispositions législatives qui respectent la Constitution.

Deuxièmement, les amendements du Sénat ne visent pas simplement à remettre en question une politique douteuse. Ils constituent plutôt une réponse à des préoccupations claires et sérieuses, sans laquelle le projet de loi serait inconstitutionnel. Au comité, des constitutionnalistes ont mis en garde le Sénat contre ce risque. Nous avons réagi en proposant un compromis minimalement invasif. Ainsi, nous n’avons pas proposé de mettre fin à toute forme d’isolement, en particulier pour les détenus aux prises avec des problèmes de santé mentale, comme le recommandent les Nations Unies et le rapport d’enquête du coroner sur le décès d’Ashley Smith. Nous avons plutôt visé les normes constitutionnelles minimales qu’il faut respecter afin d’éviter aux Canadiens de conditions d’isolement assimilables à de la torture.

Depuis, une coalition de 100 universitaires, praticiens et spécialistes du droit nous a écrit afin d’appuyer ces amendements nécessaires pour que le projet de loi n’enfreigne pas la Charte et ne porte pas atteinte aux droits de la personne.

Troisièmement, personne n’a offert d’argument crédible et indépendant pour faire contrepoids à la position selon laquelle le projet de loi est inconstitutionnel. Seuls des juristes représentant le gouvernement ont soutenu devant le comité que le projet de loi était constitutionnel. En présentant ses arguments, le gouvernement n’a pas prétendu que le projet de loi C-83 satisfaisait aux restrictions imposées par les tribunaux relativement à l’isolement afin de protéger les droits constitutionnels. Il a plutôt fait valoir que ces normes minimales ne s’appliquaient pas au projet de loi C-83 parce que celui-ci propose autre chose que l’isolement. Cette position contredit les propos tenus au comité par le ministre de la Sécurité publique lui-même, qui a admis qu’il pourrait encore y avoir des conditions assimilables à l’isolement dans le système d’unités d’intervention structurée proposé dans le projet de loi C-83.

(2020)

Quatrièmement, la situation ne permet pas au Sénat de se substituer aux tribunaux et de déterminer lui-même si le projet de loi est constitutionnel. Quand les partisans du projet de loi C-83 affirment qu’on ne saura pas si celui-ci est constitutionnel tant que la Cour suprême n’aura pas statué sur l’isolement, voire sur le projet de loi lui-même, ils oublient qu’au moins un élément de la question a déjà été entendu et que la décision a été défavorable au projet de loi C-83. Le gouvernement a choisi de ne pas interjeter appel du jugement de la Cour supérieure de l’Ontario, qui a dit que, pour que l’isolement respecte la Constitution, il doit — doit, honorables sénateurs — y avoir un décideur externe indépendant ayant le pouvoir d’ordonner qu’un détenu en isolement depuis cinq jours ouvrables retourne dans la population générale.

Par conséquent, pour les cas où l’isolement s’étend sur cinq jours ouvrables, ce qui, aux dires mêmes du ministre, va continuer de se produire une fois le projet de loi C-83 en vigueur, celui-ci doit absolument prévoir, sous peine de contrevenir à la Constitution, un examen réalisé par une personne indépendante ayant le pouvoir d’ordonner le retour des détenus concernés dans la population générale. Or, il n’y a rien de tel dans le projet de loi. Lors du contre-interrogatoire devant la Cour d’appel, le Service correctionnel a admis que le décideur externe indépendant prévu dans le projet de loi ne pourra pas donner un tel ordre avant 12 jours, et non 5 jours ouvrables. Les tribunaux ont conclu que des dommages permanents peuvent survenir après 48 heures en isolement, et les Nations Unies considèrent que le fait de passer 15 jours en isolement équivaut à de la torture.

La Cour d’appel de l’Ontario a ouvertement exprimé des doutes au sujet du projet de loi C-83, affirmant que le gouvernement n’avait pas expliqué ce que fera le projet de loi pour régler ce problème de nature éminemment constitutionnelle.

Cinquièmement, le raisonnement dans le message de l’autre endroit est anormalement incomplet. Le libellé ne parle même pas des faiblesses du point de vue constitutionnel. Si les défenseurs du projet de loi C-83 ont déjà soutenu que l’enquêteur correctionnel ne croyait pas qu’une surveillance judiciaire serait nécessaire, dans son témoignage au Comité des affaires sociales, l’enquêteur correctionnel a insisté sur le fait que le renforcement de la surveillance était l’amendement le plus important que pouvait suggérer le comité pour défendre les droits constitutionnels et il a indiqué que la surveillance judiciaire constituait le meilleur moyen pour y arriver.

Selon le message, cette forme de surveillance judiciaire alourdirait la charge de travail des tribunaux. Les données sur lesquelles repose cet argument du gouvernement ne sont pas claires, c’est le moins qu’on puisse dire. Les établissements carcéraux estiment à 5 000 le nombre de détenus placés en isolement l’année dernière. Ce n’est rien en comparaison avec les quelque 23 000 dossiers de personnes admissibles à une révision de la mise en liberté sous caution, chaque année, que les tribunaux, selon la Cour suprême du Canada, arrivent à traiter de façon efficace, comme ils sont tenus de le faire pour assurer le respect du droit constitutionnel à l’application régulière de la loi.

On s’attend à ce que le nombre de demandes soit bien inférieur à 5 000, en grande partie parce que l’obligation pour le Service correctionnel du Canada de présenter une demande au tribunal l’incitera à assumer sa responsabilité de trouver des solutions de rechange viables à l’isolement et à la séparation. D’autres amendements du Sénat rejetés par la Chambre des communes visaient à réduire encore plus ce nombre en suivant les recommandations de nombreuses enquêtes, qui appellent à une utilisation accrue des solutions existantes, mais sous-utilisées. Par exemple, alors que la Chambre a accepté les amendements qui tendaient à améliorer les évaluations de la santé mentale dont parlait le sénateur Kutcher, elle a refusé l’amendement qui aurait obligé le Service correctionnel à sortir de l’isolement les personnes aux prises avec un trouble incapacitant de la santé mentale et à les transférer dans un hôpital psychiatrique ou d’autres services de santé appropriés, neutralisant ainsi l’incidence de ces évaluations.

Le Sénat a tenté d’améliorer le projet de loi C-83 en y insérant une disposition pour obliger le Service correctionnel à demander l’autorisation d’une cour supérieure avant de garder un détenu dans une unité d’intervention structurée au-delà de 48 heures. Le gouvernement a rejeté cet amendement, mais il ne nous a pas dit quelle solution de rechange à la surveillance judiciaire il propose afin de respecter les exigences constitutionnelles relatives à un examen indépendant.

Sixièmement, les amendements du Sénat visent à protéger les droits constitutionnels des détenus, qui forment un groupe marginalisé qui, comme l’a mentionné à juste titre le sénateur Pratte, n’a pas de porte-parole dans le processus démocratique pour faire respecter ses droits et que le Sénat a le devoir de représenter. Les tribunaux ont déjà jugé que le système actuel était discriminatoire envers les Autochtones, les Noirs et les personnes atteintes de troubles mentaux. En vertu du projet de loi C-83, ces groupes marginalisés et d’autres continueront probablement d’être soumis à l’isolement et à ses effets dévastateurs en nombres disproportionnés.

Comprenez-moi bien, honorables collègues: si le projet de loi C-83 n’inclut pas les amendements du Sénat, il sera préférable pour les détenus qu’il ne soit pas adopté. Si le projet de loi n’est pas adopté, nous retournerons au système actuel, que la Cour suprême du Canada permet de maintenir jusqu’à ce qu’elle puisse se prononcer sur la constitutionnalité de l’isolement au cours des prochaines semaines ou des prochains mois. Le système actuel est odieux, mais, au moins, il impose des limites au non-respect des droits de la personne, fixées après des années de litiges et de souffrance humaine. Plus précisément, l’isolement est maintenant limité à 15 jours et un examen indépendant est exigé après 5 jours.

Si nous permettons que, au titre du projet de loi C-83, le terme « isolement » soit remplacé par « unités d’intervention structurée » sans inclure de mécanisme de surveillance judiciaire, nous risquons fort de devoir ensuite tout recommencer. Nous entendrons alors presque assurément les mêmes arguments, à savoir que ces limites constitutionnelles concernant l’isolement ne s’appliquent pas à cause de la nouvelle terminologie employée. Si nous adoptons le projet de loi C-83 tel que la Chambre nous l’a renvoyé, nous donnerons pratiquement carte blanche au service correctionnel pour maintenir des détenus en isolement de façon quasi indéfinie. Les tribunaux ont reconnu que les préjudices peuvent commencer pour les détenus presque aussitôt que la porte de cellule se ferme et que tout isolement d’une durée supérieure à 15 jours constitue une peine cruelle et inusitée, ce qui contrevient à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Soyons clairs : si le projet de loi C-83 est adopté sans les amendements du Sénat, nous devrons retourner devant les tribunaux pour contester une fois de plus le recours à l’isolement des personnes directement et négativement touchées par l’isolement, c’est-à-dire les détenus qui, trop souvent, peinent à avoir accès à des stylos et à du papier, sans parler des téléphones, des ressources juridiques ou d’autres services externes de représentation.

Lorsque nous avons travaillé ensemble à ce projet de loi, au Sénat et au comité, lorsque nous sommes parvenus à un compromis et avons élaboré des amendements, lorsque j’ai préparé ma réponse au message de l’autre endroit, de même qu’en ce moment, j’avais et je garde à l’esprit les événements qui se sont produits il y a 25 ans. Le 22 avril 1994, les femmes de la prison des femmes de Kingston ont été illégalement dévêtues, menottées et laissées dans des cellules d’isolement, nues ou ne portant qu’une mince chemise de papier, par une équipe d’intervention d’urgence entièrement composée d’hommes. Aujourd’hui, la violation des droits protégés par la Charte et des droits de la personne de ces femmes est reconnue comme un scandale et une manifestation massive de force exercée contre une résistance pratiquement nulle.

Beaucoup d’entre vous reconnaîtront ces événements comme étant, à bien des égards, à l’origine des amendements du Sénat dont nous débattons aujourd’hui. À l’époque, Louise Arbour, qui deviendrait ultérieurement juge à la Cour suprême, a été nommée commissaire chargée de l’enquête sur ces événements. Elle a adopté une approche claire dépourvue de toute influence électorale ou politique. Elle a reconnu que la seule façon de remédier aux risques et aux préjudices liés à l’isolement serait de transformer la culture de violation des droits de la personne et de dénégation qui règne au sein des services correctionnels en une culture capable de respecter la primauté du droit, chose qui nécessiterait une surveillance externe porteuse. La juge Arbour a conclu : « Je ne vois aucune autre solution au recours abusif à l’isolement de longue durée sauf celle de recommander qu’il soit placé sous le contrôle et la surveillance des tribunaux. »

Pendant plus de 23 ans, cette recommandation est restée sans suite et la culture correctionnelle non seulement n’a pas changé, mais s’est fermement enracinée. À la lumière des témoignages d’experts qui ont recommandé vivement une surveillance judiciaire de l’isolement, nous avons adopté des amendements exigeant que les autorités correctionnelles demandent la permission aux cours supérieures pour isoler un individu pendant plus de 48 heures. Nous avons voulu garantir que les droits constitutionnels des détenus soient au moins respectés en les confiant aux tribunaux, comme l’a recommandé la juge Arbour.

Il y a une autre raison, toutefois, pour laquelle je repense à l’incident à la prison des femmes en 1994 lors duquel des femmes ont été dénudées, attachées et illégalement isolées. En tant que première personne de l’extérieur à entrer dans l’établissement après les événements, j’ai demandé que les autorités de la prison libèrent toutes les femmes des conditions d’isolement et enlèvent les liens de la femme qui était restée attachée pendant six jours. On m’a répondu que j’avais été mal informée sur leurs circonstances et leurs traitements. Lorsque j’ai insisté en parlant de ce que j’avais vu de mes propres yeux, on a d’abord voulu me donner des conseils, puis on a eu recours à la flatterie pour finalement me mettre en garde : je ne devais pas me laisser berner aussi facilement.

(2030)

C’est un euphémisme de dire que ces événements et leurs conséquences ont été un moment décisif pour moi. J’ai alors compris que les autorités de la prison ne pouvaient réagir ainsi que si elles étaient convaincues que l’information détenue par les femmes et moi sur ce qui s’était passé ne serait jamais révélée au grand jour ou qu’elle ne serait jamais prise au sérieux.

J’ai été la cible de pressions de plus en plus grandes pour que je me rétracte. Mon intégrité et mon emploi ont été menacés à maintes reprises dans l’année qui a suivi, jusqu’à la diffusion d’une vidéo des événements à l’émission The Fifth Estate. Forte de cette expérience, j’ai mieux compris que le privilège de visiter les prisons va de pair avec la responsabilité de relever et de corriger les violations des droits de la personne dont j’ai été témoin. Je n’ai pas le luxe de garder le silence, et c’est aussi le cas du Sénat, compte tenu de tout ce que les sénateurs ont vu et entendu.

Nous ne pouvons pas faire abstraction du fait suivant : ne pas insister sur les amendements du Sénat revient à ne pas insister sur le respect des droits de la personne et des droits garantis par la Charte pour tous les Canadiens. Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous ne pouvons pas abdiquer notre...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Pate, votre temps de parole est écoulé. Les honorables sénateurs acceptent-ils d’accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Pate : Merci, Votre Honneur et sénateurs.

Nous ne pouvons pas abdiquer notre responsabilité. Nous ne pouvons pas la refiler aux tribunaux, en espérant qu’ils résoudront éventuellement le problème, parce que nous savons que le projet de loi est probablement inconstitutionnel, que des personnes souffrent et qu’elles continueront à souffrir en raison d’une mesure que nous aurons autorisée. Nous avons l’obligation de faire ce qui est juste. Nous avons l’obligation d’insister sur nos amendements. Meegwetch. Merci.

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, mon nom ne figure pas sur la liste. Je m’excuse de ne pas avoir donné de préavis, Votre Honneur.

Le débat de ce soir a été excellent, car les deux côtés de la question ont été entendus. Je m’excuse auprès de ceux qui m’ont demandé plus tôt comment j’allais voter sur la question. J’ai toujours répondu en indiquant que, lorsque nous sommes saisis d’un projet de loi du gouvernement, je préfère laisser le gouvernement gouverner à moins qu’il y ait un problème sur le plan constitutionnel. Je ne suis pas convaincu qu’il y a clairement un problème sur le plan constitutionnel. Comme je connais les juges et les tribunaux, je suis en mesure d’affirmer que, dans l’affaire de l’Association canadienne des libertés civiles, la Cour suprême du Canada pourrait tout aussi bien trancher que c’est constitutionnel ou inconstitutionnel. On ne peut faire de telles prédictions sans craindre de se tromper.

Toutefois, après avoir indiqué jusqu’à ce soir que j’allais probablement défendre le projet de loi et voter pour permettre au message d’aller de l’avant, je dois dire qu’après avoir écouté le présent débat, je pense sérieusement à changer d’idée.

Quand une affaire est difficile, elle nous travaille l’esprit. C’est ce que m’a appris mon expérience de juge. J’ai vite appris à ne pas prendre ma décision trop vite. En tant que juge, on écoute constamment des avocats défendre leur position. Quand le premier avocat qui parle est excellent, vous avez souvent l’impression que l’affaire est déjà réglée, que vous savez quelle sera votre décision. Puis un autre bon avocat prend la parole, et vous vous dites : « Eh bien, peut-être que son point de vue est le bon. » Vous finissez par prendre le jugement en délibéré pour bien examiner les arguments et, parfois, pour faire vos propres recherches.

Je me suis trouvé dans une situation semblable ce soir, alors que j’écoutais attentivement ce que disaient les sénateurs. J’ai écouté attentivement le débat. Certains des arguments présentés m’ont convaincu qu’il serait peut-être préférable d’empêcher que ce projet de loi poursuive son chemin. L’un de ces points, c’est que nous devons tenir compte de la situation d’une population très vulnérable sur le plan juridique. Je sais que beaucoup de personnes sont placées en isolement pour leur propre protection mais aussi pour celle des autres, parce qu’elles ont eu des comportements problématiques et ont peut-être menacé ou blessé d’autres personnes. Cela dit, je suis assez certain que la plupart des détenus qui se retrouvent en isolement ont probablement un problème de santé mentale pour lequel ils ne reçoivent pas un traitement approprié.

J’écoutais les propos du sénateur Kutcher. Je lisais aussi la transcription de certains témoignages entendus par le comité. Je constate que la recherche ne laisse pas planer beaucoup de doute à ce sujet.

Le projet de loi contient des dispositions qui garantiraient que ces programmes de traitement et ces services soient fournis aux détenus. Cependant, je me pose la question : le projet de loi aurait-il pu aider Ashley Smith? Aurait-il pu aider Eddie Snowshoe, dont la sénatrice Simons nous a parlé? Aurait-il aidé Adam Capay, le jeune homme qui a passé près de cinq ans et demi en isolement et qui, au moins, en est sorti? Nous ne savons pas s’il avait des problèmes de santé mentale lorsqu’on a commencé à le mettre en isolement préventif, mais il en est certainement sorti avec de tels problèmes; je ne suis pas certain que les dispositions contenues dans le projet de loi auraient été utiles dans ce cas.

Si je n’en suis pas certain, c’est que ces dispositions ne semblent prévoir aucune surveillance qui serait vraiment indépendante et qui serait exercée par des personnes ne pouvant être amenées à croire le Service correctionnel du Canada sur parole lorsqu’il prétendrait se conformer entièrement à ses obligations. L’indépendance de la surveillance est un enjeu crucial.

Dans l’un des débats antérieurs, j’ai affirmé que, à l’heure actuelle, la surveillance judiciaire était garantie par la Constitution canadienne. Une personne — et, en particulier, un détenu — peut demander à un tribunal de réviser ou d’infirmer une décision de reclassification ou d’isolement les visant. Cela prendra beaucoup de temps, peut-être même des années. En plus, ces personnes doivent avoir accès à un avocat, à un tribunal et à de l’information. Or, il n’y a aucune garantie dans le projet de loi qu’on les informerait qu’elles possèdent ces droits. En pratique, ce sera peut-être le cas, mais je n’en suis pas certain.

En écoutant le débat, j’ai repensé aux audiences de la Commission de vérité et réconciliation. Nous avons alors fait le plus grand nombre de visites possibles dans les anciens pensionnats indiens qui existaient encore. Dans chaque bâtiment, il y avait une petite salle, située le plus souvent sous l’escalier, où les pensionnaires étaient enfermés lorsqu’ils n’écoutaient pas ce que les enseignants leur disaient. Dans chacune de ces petites salles, qui, dans certains cas, ne faisaient pas plus de deux ou trois pieds de hauteur, on pouvait voir des égratignures sur les murs, parfois même des taches de sang, là où les enfants grattaient les parois pour essayer de sortir ou de laisser une trace de leur présence.

C’était absolument horrible à voir. En y repensant, pendant le débat, je me suis dit que, si on ne met pas en place un bon mécanisme de contrôle judiciaire ou indépendant à l’égard de ceux qui décident de placer des gens dans de telles conditions, c’est en soi un signe que la loi est inadéquate.

Ce projet de loi offre-t-il ce genre de garantie? Je ne le crois pas.

(2040)

Comme le sénateur Pratte l’a mentionné, ce que la sénatrice Pate a confirmé, compte tenu de la décision rendue dans l’affaire de l’Association canadienne des libertés civiles, le Service correctionnel du Canada, qui fait actuellement l’objet d’une surveillance judiciaire, doit autoriser un organisme indépendant à accéder aux établissements afin qu’il juge de la pertinence d’un placement en isolement. Selon les directives de la cour, on doit effectuer un examen après 5 jours, et le placement doit durer au maximum 15 jours. Les tribunaux découvriront si le Service correctionnel du Canada a suivi les directives quand l’appel sera entendu. Cela étant, la cour en tiendra ultimement compte lorsqu’elle se prononcera sur la constitutionnalité générale du système actuel.

D’après les renseignements que nous a communiqués le sénateur Harder, le gouvernement croit que les ressources judiciaires seront débordées et qu’il n’y a pas eu de consultations adéquates avec les systèmes judiciaires provinciaux qui entreront en jeu. En réalité, à l’heure actuelle, un grand nombre de causes civiles pourraient être portées devant les tribunaux, ce qui pourrait submerger le système judiciaire. Cette situation n’empêchera pas les gens de s’adresser aux tribunaux et elle ne le devrait pas non plus. Nous devons planifier du mieux que nous le pouvons, et, si le projet de loi prévoit que les détenus peuvent s’adresser aux tribunaux, alors il fait prévoir en conséquence.

Dans l’ensemble, ce message qui nous vient de la Chambre et les arguments en faveur de celui-ci ne m’ont pas convaincu que nous devrions l’appuyer. Mon intention est donc de voter contre. Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose que, relativement au projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi...

Des voix : Suffit!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Quinze minutes.

Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous reviendrons pour le vote à 20 h 57.

Convoquez les sénateurs.

(2050)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Kutcher
Bellemare Lankin
Black (Alberta) Lovelace Nicholas
Boehm MacDonald
Boniface Marshall
Bovey Martin
Busson Marwah
Cordy Mégie
Dalphond Mitchell
Dasko Mockler
Dawson Moncion
Day Munson
Deacon (Nouvelle-Écosse) Neufeld
Deacon (Ontario) Oh
Duncan Omidvar
Dupuis Patterson
Dyck Plett
Eaton Poirier
Forest Ravalia
Francis Ringuette
Frum Saint-Germain
Furey Smith
Gagné Stewart Olsen
Gold Tannas
Harder Tkachuk
Hartling Verner
Housakos Wells
Klyne Woo—56

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Joyal
Bernard Massicotte
Black (Ontario) McCallum
Boyer McCoy
Campbell McPhedran
Carignan Miville-Dechêne
Christmas Moodie
Cormier Ngo
Coyle Pate
Dean Petitclerc
Forest-Niesing Pratte
Greene Sinclair
Griffin Wallin—26

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Boisvenu Richards
Galvez Seidman
LaBoucane-Benson Simons—6

[Français]

Question de privilège

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée par la sénatrice Marshall le 17 juin 2019 et qui a fait l’objet de plus amples discussions le 19 juin 2019.

La question de privilège porte sur la communication de certains courriels provenant du compte de messagerie du Sénat de la sénatrice Marshall qui aurait eu lieu à la suite d’une demande de renseignements du conseiller sénatorial en éthique. Si l’accès aux courriels de la sénatrice a été donné, cela s’est fait sans le consentement de cette dernière et sans qu’elle en soit formellement avisée. La sénatrice Marshall a indiqué qu’elle avait collaboré avec le Bureau du conseiller sénatorial en éthique dans le cadre d’une enquête, mais qu’elle avait appris de façon informelle que ses courriels avaient été consultés. Elle a été très troublée et a mis en garde les sénateurs contre ce risque.

Lorsque le Sénat a abordé la question le 19 juin, les sénateurs Housakos et Downe ont dit qu’ils étaient préoccupés par l’idée que les courriels des sénateurs puissent être consultés sans avertissement, et sans même qu’on leur offre la possibilité de collaborer. Ils ont indiqué que, à tout le moins, les sénateurs doivent être au courant de ce fait lorsqu’ils songent à utiliser cet outil. Le sénateur Marwah a lui aussi incité ses collègues à réfléchir à l’incident et à la possibilité de modifier au besoin les instruments de gouvernance qui ont pu mener à cette situation.

La sénatrice Andreychuk, présidente du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, est également intervenue le 19 juin. Elle a expliqué le fonctionnement du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et son interaction avec le Règlement administratif du Sénat dans l’affaire qui nous occupe. Le conseiller sénatorial en éthique a l’obligation de faire enquête rapidement et de manière confidentielle, et ce, pour protéger toutes les parties intéressées. Les sénateurs et autres personnes participant à l’enquête ont, quant à eux, l’obligation de collaborer avec le conseiller sénatorial en éthique et de respecter les règles de confidentialité. La sénatrice McPhedran a ensuite souligné l’importance des règles de confidentialité pour garantir que les enquêtes soient équitables et que rien ne vienne nuire à leur déroulement.

Les honorables sénateurs savent que le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs confère au conseiller sénatorial en éthique de vastes pouvoirs pour chercher les renseignements dont il a besoin lorsqu’il mène des enquêtes confidentielles. Selon ce que prévoit le Code, il ne peut obtenir l’accès à des courriels que dans le cadre d’une enquête. La confidentialité est nécessaire pour maintenir l’intégrité du processus et pour protéger les personnes participant à l’enquête.

Ce cas indique que les sénateurs ne sont peut-être pas tous suffisamment au courant du régime d’éthique créé par le Sénat. Les sénateurs voudront peut-être réfléchir sur les vastes pouvoirs du conseiller sénatorial en éthique qui lui permettent d’accéder à des renseignements sans avertissement. Nous avons l’obligation de mieux comprendre la nature et les conséquences du régime que nous avons mis en place. Le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs se penchera, sans doute, sur ce point lorsqu’il recommandera des modifications au Code. Il n’en demeure pas moins qu’à l’heure actuelle, ce régime établit le cadre qui gère notre fonctionnement.

L’article 2-1(2) du Règlement circonscrit l’autorité du Président à l’égard du Code aux seules dispositions qui font partie du Règlement. Cela étant, et malgré la prudence qui s’impose, j’insisterais pour dire que les obligations de collaborer et de maintenir la confidentialité découlent l’une comme l’autre des décisions que le Sénat a lui-même prises. Elles sont donc le résultat de l’exercice, par le Sénat, de son contrôle sur ses affaires internes.

Tel qu’indiqué dans une décision du 22 mars 2018, les droits individuels des sénateurs sont « assujettis au Règlement, aux procédures et aux pratiques [du Sénat], qui sont des expressions des privilèges parlementaires du Sénat lui-même, à savoir de gérer ses propres affaires internes et de contrôler ses délibérations. » J’en profite également pour rappeler aux collègues que le privilège parlementaire ne protège pas toutes les communications électroniques des sénateurs. Chaque communication doit être évaluée pour déterminer si elle a un lien direct avec les délibérations parlementaires. En l’espèce, il n’est pas possible pour l’instant de savoir si l’accès a effectivement été donné à des courriels qui sont peut-être protégés par le privilège.

L’article 13-2(1) du Règlement énonce les quatre critères que doit satisfaire une question de privilège. Le quatrième critère est que la question doit « cherche[r] à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire ». Aux termes du Règlement administratif du Sénat, les demandes d’accès à des courriels qui proviennent du conseiller sénatorial en éthique sont renvoyées au Sous-comité du programme et de la procédure du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui traite par la suite de la communication des renseignements. Il semble donc que les préoccupations et questions entourant cet incident pourraient vraisemblablement être soulevées dans le cadre d’une autre procédure, à savoir en s’adressant au Comité de la régie interne et à son comité directeur. Je signale, bien entendu, l’obligation de tous les sénateurs, y compris ceux qui siègent à ce comité, de respecter la confidentialité globale des enquêtes que prévoit le Code.

Je dois donc conclure que les critères applicables aux questions de privilège ne sont pas satisfaits pour l’instant et qu’il n’y a pas, de prime abord, matière à question de privilège. Soyons clairs, toutefois : vu les circonstances inhabituelles de la situation, s’il devenait manifeste plus tard que des renseignements protégés par le privilège ont été communiqués de façon inappropriée, rien n’empêcherait alors la sénatrice Marshall de soulever une nouvelle question de privilège à ce sujet.

Avant de terminer, j’aimerais aborder certaines questions reliées à cette affaire. Lorsqu’elle a fait connaître ses préoccupations, la sénatrice Marshall a fait voir comment l’interaction des divers instruments de gouvernance et d’éthique peut mener à l’obtention de renseignements que les honorables sénateurs pourraient normalement considérer comme étant privés. Les sénateurs doivent s’interroger sur le caractère désirable d’une telle chose et sur les modifications qu’il pourrait convenir d’apporter à leur régime de gouvernance et d’éthique.

Cela dit, je suis profondément troublé par la manière dont la sénatrice Marshall a appris ce qui s’était passé. Elle a dit au Sénat qu’elle l’avait appris « entre les branches ». Le Code prévoit une obligation stricte de confidentialité globale, qui de toute évidence n’a pas été respectée. Je dois également rappeler de nouveau aux sénateurs que les affaires examinées à huis clos doivent respecter les obligations de confidentialité qui découlent de ce processus. Ces obligations doivent être prises au sérieux par les sénateurs et leur personnel et par les employés de l’administration. Elles sont le reflet des décisions du Sénat et doivent toujours guider nos actions.

Enfin, à moins de preuve du contraire, nous ne devrions jamais mettre en doute l’intégrité et la diligence de ceux qui nous aident avec notre travail. Cette retenue est particulièrement importante dans le cas du conseiller sénatorial en éthique, puisqu’il ne sert à rien de lui reprocher d’exercer les fonctions prévues par le Code que nous, les sénateurs, avons adopté pour gouverner ses travaux. Si, en tant que Sénat, nous avons des inquiétudes quant au fonctionnement du Code que nous nous sommes donné, ces questions devraient être ouvertement débattues et résolues ici, dans la salle du Sénat.

[Traduction]

(2110)

Projet de loi sur l’évaluation d’impact
Projet de loi sur la Régie canadienne de l’énergie
La Loi sur la protection de la navigation

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mitchell, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné,

Que, relativement au projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes aux amendements du Sénat, y compris les amendements apportés en raison des amendements du Sénat;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir pour vous livrer mes dernières observations à propos du projet de loi C-69. À moins d’un miracle — et le sénateur Harder nous a dit plus tôt cette semaine qu’il ne croit pas aux miracles, et moi non plus d’ailleurs —, je crois que les dés sont jetés pour ce qui est du projet de loi C-69, malgré le fait qu’une série d’amendements approuvée par le Sénat ait été envoyée à la Chambre des communes. Ces amendements visent à permettre la reprise des projets au pays et le retour des investissements, et à envoyer le message aux autres pays que le Canada est disposé à faire des affaires. Grâce aux amendements apportés par le Sénat, ce projet de loi aurait été à même de faire avancer ces objectifs. Malheureusement, ce n’est pas le cas de la version qui nous est revenue.

Comme je n’ai pas l’impression que d’autres amendements sont les bienvenus, personne ne sera étonné d’apprendre que je vais voter contre le projet de loi C-69. Je vais formuler mes observations aujourd’hui aux fins du compte rendu, car je crois que ce dossier sera réexaminé tôt ou tard. Je tiens à me pencher sur le processus d’examen du projet de loi C-69, et sur la suite probable des choses.

Je vais vous faire part de mes principales réflexions — et je serai aussi bref et précis que possible. D’abord, je tiens à féliciter mes collègues sénateurs du travail que nous avons accompli ensemble. Il s’agit d’un travail remarquable. Je ne suis sénateur que depuis sept ans, mais je n’ai jamais vu le Sénat travailler de manière aussi diligente et concertée, et ce, dans des circonstances très difficiles.

Le projet de loi que la Chambre des communes nous a renvoyé était incomplet, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous avons consacré le temps et les efforts nécessaires à de nombreux niveaux pour créer une mesure législative qui serait efficace. Je suis profondément reconnaissant envers mes collègues d’avoir pris cette question très au sérieux.

Évidemment, nous avons eu des divergences d’opinions. Mon point de vue ne correspond pas forcément à celui des autres sénateurs. Toutefois, je respecte l’opinion de tous les sénateurs, car je sais que vous avez pris le temps nécessaire pour bien comprendre les enjeux.

Je tiens tout particulièrement à féliciter trois sénateurs, qui, selon moi, ont apporté une contribution exceptionnelle à ce dossier et qui nous ont permis d’en arriver au point où nous en sommes aujourd’hui. Mon collègue — notre collègue —, ami et ancien confrère de la faculté de droit, le sénateur Wetston, qui n’est malheureusement pas avec nous ce soir, a apporté une contribution très concrète et solide pour que l’on puisse présenter un ensemble d’amendements qui se tient debout.

Je tiens aussi à féliciter le sénateur Richards. Si le sénateur Richards n’avait pas adopté la position qu’il a prise au comité, nous n’aurions jamais eu l’occasion d’examiner totalement les amendements qui ont été acceptés par le Sénat.

Des voix : Bravo!

Le sénateur D. Black : Enfin — et j’imagine qu’il y en a qui seront surpris —, je souhaite souligner le travail de mon grand ami, le sénateur Mitchell. On peut dire que nous n’étions pas d’accord dans ce dossier. Cependant, pendant la dernière année, au cours de laquelle j’ai activement participé au dossier, le sénateur Mitchell a toujours été d’une extrême courtoisie avec moi et ceux avec qui je travaille.

Je crois comprendre qu’il ne votera pas comme moi ce soir, mais je respecte le fait qu’il avait un dossier très difficile et qu’il s’en est occupé d’une manière admirable.

Des voix : Bravo!

Le sénateur D. Black : Mon deuxième point est que, malheureusement, à mon avis, le projet de loi C-69 ne sera pas plus efficace que ne l’a été la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 pour ce qui est de permettre la réalisation de projets au Canada. Cette dernière — je pense que nous en conviendrons tous — allait un peu trop loin dans une direction. Le projet de loi C-69 va dans l’autre direction, mais l’effet est le même : un niveau d’incertitude qui va empêcher la réalisation de projets.

Troisièmement, je ferais remarquer — comme nous le voyons bien et comme l’a souligné notre collègue la sénatrice Dasko plus tôt dans la soirée — que les Albertains se sentent actuellement profondément abandonnés par le Canada et la structure du pouvoir qu’ils perçoivent. Ce qu’ils aimeraient bien savoir est simple : pourquoi la majorité accepte-t-elle des politiques qui punissent si clairement la réussite économique d’une industrie qui établit une norme mondiale en matière d’exploitation responsable d’énergies renouvelables et non renouvelables et de collaboration avec les Premières Nations? C’est la question qu’on se pose. Je m’en tiendrai à cela. Nous espérons tous pouvoir trouver une issue, mais je pense, comme nous en sommes tous conscients, que c’est un problème bien réel au Canada.

Mon point suivant porte sur le pipeline Trans Mountain. Il a été approuvé hier, ce qui est fantastique naturellement. Il faut s’en réjouir. Rien ne sert de se plaindre. Cette annonce était nécessaire et je félicite le gouvernement de l’avoir faite. À présent, il faut que les travaux de construction commencent et il faut voir à ce que le gouvernement gère les moments houleux qui vont suivre.

(2120)

Je rappelle à nos collègues que, il y a un an, le Sénat a appuyé le projet de loi que j’ai parrainé, le projet de loi S-245, qui déclarait que le pipeline Trans Mountain était dans l’intérêt général du Canada. Il y a toute une série de raisons pratiques d’ordre commercial et constitutionnel qui en découlent, mais je suis également redevable à mes collègues à cet égard. La Chambre des communes aurait dû adopter le projet de loi; elle se serait évité l’achat d’un pipeline.

C’est un débat pour un autre jour. Je soupçonne que nous réexaminerons le projet de loi S-245 ou son successeur parce qu’il y aura de réelles difficultés à l’avenir.

Il est étrange de constater que, à ce moment précis de l’histoire du Canada, alors que nos débouchés commerciaux sont limités dans divers secteurs, dont le secteur agricole, nous semblons prendre des mesures proactives pour restreindre l’exportation de nos produits d’exportation les plus importants.

Je tiens aussi à signaler à mes collègues que toutes les belles paroles qui ont été prononcées au cours du débat ne sont pas que de vaines paroles. Depuis que la Chambre des communes a décidé la semaine dernière de ne pas accepter la série d’amendements proposés par le Sénat, je peux vous dire une ou deux choses.

Même si l’indice de la Bourse de Toronto a beaucoup progressé depuis quatre ou cinq jours, le sous-indice regroupant les sociétés du secteur intermédiaire, c’est-à-dire celles-là mêmes qui construisent des pipelines, des entrepôts et des usines, a atteint un creux encore jamais vu. Certaines entreprises ont perdu de 70 à 90 p. 100 de leur valeur depuis que la Chambre des communes a annoncé cette décision.

J’aimerais porter à votre attention les propos de certains chefs d’entreprise. Le PDG d’Imperial Oil, une société que nous connaissons tous et qui appartient à ExxonMobil, a déclaré ceci la semaine dernière à propos du projet de loi :

[...] il va hélas nous obliger à prendre un peu de recul et à revoir sérieusement nos principales stratégies de croissance [...]

Les politiques, les projets de loi comme celui-ci n’ont absolument rien d’équilibré. Le temps finira par nous donner raison, quand les investissements se feront de plus en plus rares.

Le président de Japan Canada Oil Sands, Satoshi Abe, a tenu sensiblement les mêmes propos. Japan Canada Oil Sands, qui appartient à des intérêts japonais, a investi des milliards de dollars au Canada depuis plus d’une quarantaine d’années.

Voici ce qu’a dit M. Abe :

L’accroissement des obstacles réglementaires et de l’incertitude ajoute aux facteurs qui rendent le Canada moins attrayant par rapport au reste du monde.

Partout au Canada, les chefs d’entreprise tiennent le même discours. Tout ça depuis mercredi dernier.

Comme nous l’a dit avec éloquence la sénatrice Busson plus tôt aujourd’hui, et comme je me souviens avoir entendu la sénatrice Nancy Greene Raine le dire lorsqu’elle était avec nous l’an dernier, il faut savoir que le pétrole sera transporté, et il le sera par train. Au cours des derniers mois, disons depuis un an, un an et demi, la quantité de pétrole transporté par train a augmenté de 500 à 600 p. 100. Ce n’est pas un scénario idéal. Il y a un an ou un an et demi, le Comité sénatorial des transports a étudié ce dossier et a alerté le Sénat à l’égard des risques que nous courons.

Le spectre soulevé par la sénatrice Busson a aussi été soulevé par la sénatrice Greene Raine. Je me souviens de l’avoir entendue parler des trains qu’elle regardait passer dans le centre de la Colombie-Britannique sur ces hauts ponts à chevalets. Comme l’a indiqué si éloquemment la sénatrice Busson ce soir, c’est dans l’intérêt de qui au juste?

J’habite à Canmore. Je vois les trains se diriger vers les montagnes Rocheuses. Déjà, ils comptaient 30 ou 40 wagons. Maintenant, ils en comptent 140.

Mes collègues de Toronto voient ces trains traverser le centre-ville et le centre du quartier Rosedale, à Toronto. Il en est de même à Lac-Mégantic, à Winnipeg, à Regina et à Vancouver. Quel intérêt pensons-nous possiblement servir ainsi? Prions Dieu qu’aucune catastrophe ne se produise, car nous aurions de la difficulté à regarder notre reflet dans le miroir.

Je mentionnerais aussi que les Premières Nations, qui veulent passer de la pauvreté à la prospérité, sont très frustrées de la décision qui a été prise. Je ne parle pas seulement de celles qui développent présentement les ressources sur leur territoire et qui essuieront des pertes financières — qui en essuient déjà d’ailleurs —, mais aussi de celles qui comptent sur de nouvelles occasions. Il n’y aura pas de projet Eagle Spirit. Il n’y aura plus d’occasions relatives à de nouveaux pipelines, que ce soit pour les installations de stockage, les propriétaires ou les pipelines, parce qu’il n’y aura pas de nouveaux projets. Ce sont toutes des occasions perdues.

Évidemment, il y aura une diminution des recettes fiscales et des redevances. Le sénateur Harder l’a évoqué avec éloquence hier lorsqu’il parlait du projet Trans Mountain : il n’est pas question de recettes fiscales et de redevances de milliers ou de centaines de millions de dollars, il est question de milliards de dollars. Le projet Trans Mountain générera des milliards de dollars pour l’industrie et le gouvernement. L’argent qu’on aurait obtenu d’autres projets sera perdu et cela aura des conséquences.

Honorables sénateurs, il faut aussi savoir qu’il y aura une augmentation du nombre de poursuites. Le principal objectif du travail que nous avons accompli — moi et beaucoup d’autres — était de limiter le risque de poursuites, parce que c’est ce qui empêche les promoteurs d’aller de l’avant.

Notre incapacité à faire adopter une série d’amendements entraînera une augmentation des litiges. C’est parce que les provinces sont mécontentes de la position d’Ottawa, sans oublier les points de friction qui existent entre elles. Ma province a déjà fait savoir qu’elle contestera le projet de loi C-48, le projet de loi C-69 et la taxe sur le carbone devant les tribunaux. Je ne parle que des trois ou quatre derniers jours.

La Colombie-Britannique a annoncé qu’elle prendra d’autres recours par rapport aux projets de pipeline. C’est sans tenir compte des gens qui se sentent désavantagés par le processus prévu dans le projet de loi C-69. Malheureusement, ce risque ne fera que prendre de l’ampleur.

Enfin, je souhaite faire une observation, principalement pour éclaircir un point au Sénat. Comme beaucoup d’entre vous le savent peut-être, pendant la dernière année, j’ai travaillé activement à la coordination d’un groupe d’organisations, de gens, d’organismes et de gouvernements à l’échelle du pays pour élaborer la série d’amendements qui a été soumise au Sénat.

Un processus a été suivi. Il est tout simplement malhonnête de laisser entendre que les amendements du Groupe des sénateurs indépendants ont été acceptés alors que ceux des conservateurs ont été rejetés. Une telle affirmation ne correspond pas à la réalité. Dans les faits, des partis aux vues similaires ont élaboré une série d’amendements et ont cherché à trouver le bon moyen de les présenter au Sénat. Voilà ce qui est arrivé et voilà ce qui a produit des résultats.

Je suis reconnaissant envers mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, le sénateur Wetston, mes collègues d’en face et tous ceux qui étaient prêts à reconnaître les risques en question et à relever le défi. C’est ainsi que nous avons procédé. Il est tout simplement malhonnête de dire qu’on ne pouvait pas adopter ces amendements parce qu’ils venaient des conservateurs.

Qu’est-ce que j’aimerais que nous puissions accomplir? Cette étape du combat est terminée. Nous allons voter ce soir, et des miracles pourraient se produire, mais cette étape du combat est bel et bien terminée.

J’appelle à un dialogue constructif en vue d’élaborer une stratégie nationale en matière d’énergie qui ne s’appuie pas que sur de belles paroles, des espoirs ou des vœux. Il nous faut un plan qui inclut tous les intervenants, tant dans le secteur des énergies renouvelables que dans celui des énergies non renouvelables.

Nombre d’organisations ont fait bien des efforts depuis une dizaine d’années. Ce travail est nécessaire. Il faut que des gens prennent la relève et poursuivent ces efforts en vue d’élaborer une stratégie, afin que nous n’ayons pas à recommencer ce processus. Le pays ne devrait pas avoir à subir cela de nouveau. Nous finirons par comprendre ce que nous devons faire pour protéger l’intérêt national, et nous travaillerons ensemble pour atteindre l’objectif.

Enfin, je remercie les dizaines de milliers de Canadiens qui ont écrit, parlé et, bien souvent, marché, dans l’espoir de se faire entendre. Je tiens à remercier les neuf premiers ministres du pays. Neuf premiers ministres, chers collègues.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Black, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur D. Black : Puis-je le faire?

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur D. Black : Je tiens à remercier les groupes représentant les Premières Nations, les chambres de commerce, les groupes de réflexion, les groupes environnementalistes et les promoteurs de projets. Je n’ai jamais vu de plus grande coalition d’opposition. Je félicite ces gens pour leurs efforts.

(2130)

Comme vous pouvez l’imaginer, à l’instar de bon nombre d’entre vous, j’ai entendu les idées, les préoccupations et les frustrations de centaines, sinon de milliers de Canadiens. Je les remercie chaque jour — et je dis bien chaque jour —, peu importe où je me trouve. Les gens m’abordent dans des aéroports, des épiceries et des cafés, peu importe où je suis, pour exprimer leurs frustrations, mais, plus important encore, pour me remercier, ainsi que mes collègues, du travail que nous tâchons d’accomplir. Je tiens simplement à souligner que c’est mon travail. Je travaille au nom des industries de ressources, renouvelables et non renouvelables, et de tous ceux qui en sont touchés, et ce travail se poursuivra.

Merci, chers collègues.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-69.

Je veux tout d’abord remercier les membres du Comité de l’énergie pour la compréhension et le soutien dont ils ont fait preuve en adoptant un amendement que j’ai proposé au nom de l’Association des femmes autochtones du Canada. Cet amendement particulier proposait d’inclure l’analyse comparative entre les sexes tenant compte des différences culturelles dans les évaluations régionales et stratégiques. Bien que l’analyse comparative entre les sexes est exigée dans les évaluations d’impact, elle était notoirement absente des autres évaluations régionales et stratégiques. Afin de corriger cette omission, j’ai proposé, avec l’Association des femmes autochtones du Canada, d’ajouter à la page 55, l’article 1 aq)(iii)(b) :

[...] inclut une analyse comparative entre les sexes des effets des politiques, plans, programmes ou questions évalués.

Chers collègues, à ma grande déception, la disposition a été subséquemment retirée à l’autre endroit.

Je veux déclarer officiellement que cela cause du tort aux femmes et aux hommes autochtones, surtout ceux des Premières Nations et des communautés métisses et inuites situées près des projets de développement, en particulier celles qui vivent près de l’emplacement des camps de travail.

Honorables sénateurs, l’analyse comparative entre les sexes vise à rétablir l’égalité et l’équilibre. Cette analyse sert à évaluer et à noter les répercussions potentielles des politiques, des programmes ou des initiatives sur diverses populations de femmes, d’hommes et de personnes allosexuelles. Dans le cas des personnes des Premières Nations, métisses ou inuites, d’autres facteurs entrent en jeu, plus précisément la race, l’ethnicité et les séquelles historiques laissées par la colonisation et la discrimination, qui sont sources de marginalisation et de vulnérabilité pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, surtout les femmes. Dans cette section-ci, je parle des femmes des Premières Nations, métisses et inuites.

Dans le document de discussion First Nations, Metis and Inuit Women’s Health publié en 2006, quatrième volet d’une série consacrée à la santé des Autochtones, notre distinguée collègue, la sénatrice Yvonne Boyer, dit ceci :

Les institutions canadiennes qui prétendent être indépendantes de toute valeur continuent de refléter une construction masculine de la réalité. Le colonialisme, axé sur des valeurs créées par et pour les hommes, a façonné des institutions, des lois et des politiques qui ont eu un effet négatif à long terme sur la santé des femmes autochtones. Certaines lois et politiques du mouvement colonial s’attaquaient au pouvoir qu’avaient les femmes autochtones en tant que piliers de la famille. Ainsi, la Loi sur les Indiens, les pensionnats, les lois sur la stérilisation et sur la santé mentale et le fait de retirer de force des enfants de leur famille étaient autant de façons de s’en prendre à l’essence même des femmes autochtones qui dispensaient des soins, veillaient au bien-être de la famille et étaient les égales des hommes dans la communauté.

Elle ajoute ensuite :

Les femmes prenaient les décisions essentielles au sujet de la famille, des droits de propriété et de l’éducation. Les principes sous-jacents de l’équilibre entre les sexes faisaient partie intégrante de la culture autochtone à ses débuts. La question de l’équilibre, cependant, ne doit pas être interprétée ou comprise de la même façon que la conception eurocentrique, féministe ou juridique occidentale voulant qu’« équilibre » soit synonyme d’« égalité ». Le droit autochtone n’est pas ordonné autour de valeurs eurocentriques ou de perceptions de ce qu’est l’« équilibre » ou l’« égalité ». Pour les femmes autochtones, l’équilibre est plutôt assimilable au respect des lois et des relations que les femmes autochtones entretiennent avec le droit autochtone et l’ordre écologique de l’univers. Comme le souligne la professeure Patricia Monture-Angus : « [...] la culture autochtone enseigne l’union, non la séparation. Nos nations ne séparent pas les hommes des femmes, bien qu’elles reconnaissent les rôles et les responsabilités uniques de chacun. Les enseignements de la création nous apprennent que ce n’est qu’ensemble que les deux sexes pourront instaurer un équilibre philosophique et spirituel complet. Nous sommes des nations et cela exige l’égalité des deux sexes. »

La sénatrice Boyer ajoute :

Contrairement à la culture européenne imposée par la colonisation, la culture iroquoienne n’était pas centrée sur les conflits ou la subordination [...] chaque sexe avait un rôle à jouer et chaque sexe était supérieur dans sa sphère de responsabilité. Les rôles des deux genres étaient considérés comme égaux et nécessaires pour la santé et la survie de la communauté.

Tous les groupes de la société autochtone ont un point commun : ils mettent l’égalité et l’équilibre des genres au premier plan, estimant que les hommes ne peuvent survivre aux conditions difficiles sans les femmes et que les femmes ne peuvent survivre sans leur pendant masculin. Selon la professeure Emma LaRocque :

Avant la colonisation, les femmes autochtones étaient aussi respectées que les hommes. Elles étaient leurs égales et jouissaient même d’un pouvoir politique comparable, contrairement aux Européennes à la même époque. On constate que le statut social des femmes autochtones a décliné au fil de de la progression du colonialisme. Maintes cultures autochtones, voire la majorité, étaient à l’origine matriarcales ou semi-matriarcales. Le patriarcat a été initialement imposé aux sociétés autochtones au Canada par l’intermédiaire du commerce de la fourrure, des missions de christianisation et des politiques gouvernementales.

Honorables sénateurs, les membres du Comité sénatorial de l’énergie ont entendu des témoignages sur les effets dévastateurs que l’industrie de l’énergie et de l’extraction des ressources a sur les femmes et les communautés nordiques, effets qui sont exacerbés par les cycles d’expansion et de ralentissement de l’économie.

Ces effets négatifs sont expliqués dans l’article du Réseau féministe du Nord intitulé Implications sexospécifiques et intersectionnelles de l’industrie de l’énergie et de l’extraction des ressources dans des communautés du Nord du Canada . Les auteures de cet article expliquent que le discours public concernant l’exploitation des ressources est souvent centré sur la croissance économique et l’emploi. Toutefois, pendant qu’on met ces aspects de l’avant, on ferme les yeux sur les effets socioculturels profonds et durables qu’un développement aussi intense a sur les communautés.

L’exploitation de ressources, quelles qu’elles soient, met à rude épreuve l’infrastructure physique et sociale des localités touchées. L’assiette fiscale change, les logements abordables se font rares, les services de santé et les réseaux de transport ne suffisent plus. L’exploitation des ressources a des répercussions sur la vie communautaire, tant lorsque les travailleurs arrivent en grand nombre que quand ils quittent la communauté. En outre, les coûts et retombées de cette exploitation ne sont pas répartis également au sein de la population ou de la communauté.

Chers collègues, dans l’article du Réseau féministe du Nord dont je parlais, on fait remarquer que l’amorce de projets d’exploitation des ressources peut influer sur le taux de toxicomanie dans la population environnante. Les crimes liés à l’exploitation sexuelle et à la traite des personnes ainsi que le travail du sexe peuvent augmenter. Nous avons entendu des femmes venant de localités touchées par un projet d’exploitation des ressources raconter qu’elles avaient été victimes de viol et de violence. Comme on le sait, la toxicomanie entraîne souvent des problèmes de violence conjugale et de maltraitance des enfants. Enfin, les projets d’exploitation des ressources peuvent perturber les traditions et les pratiques culturelles d’un groupe autochtone et nuire à leur transmission.

Honorables sénateurs, j’aimerais citer le Plan d’action national du Canada 2017-2022, intitulé L’égalité des genres : un pilier pour la paix. Plus précisément, je voudrais citer la lettre des ministres, qui affirme ceci :

(2140)

[…] en situation de conflit, les femmes doivent affronter des risques particuliers. Elles doivent souvent se défendre contre la violence sexuelle et fondée sur le genre […] Le statu quo — empreint de relations de pouvoir inégales ainsi que de normes sociales, de pratiques et de systèmes juridiques discriminatoires — empêche les femmes et les filles d’exercer une influence sur les processus qui les touchent grandement.

Dans la section intitulée Les défis du Canada : apprendre de ses expériences, le rapport fédéral poursuit en ces termes :

Bien qu’elles ne vivent pas dans un État fragile ou touché par des conflits, les Canadiennes se heurtent à différents défis, notamment la violence fondée sur le genre. Les femmes et les filles autochtones font tout particulièrement l’objet d’une discrimination intersectionnelle et d’une violence fondées sur le genre, la race, le statut socioéconomique et autres facteurs identitaires, ainsi que sur des causes historiques sous-jacentes — en particulier l’héritage du colonialisme et la dévastation causée par le système des pensionnats […] Le Canada est déterminé à renouveler la relation avec les peuples autochtones du Canada. Le gouvernement veut réparer les torts du passé et également s’attaquer aux enjeux et aux problèmes actuels. Il a accepté les appels à l’action décrits dans le Rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada et confirmé son intention d’adopter sans réserve la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones […] Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire avant que les peuples autochtones du Canada aient facilement accès à des logements adéquats, à une éducation de qualité et à l’eau potable, qu’ils ne soient plus victimes de discrimination et que les femmes et les filles autochtones ne craignent plus pour leur sécurité physique.

Chers collègues, pour toutes les raisons que j’ai soulignées, je félicite le Comité de l’énergie d’avoir adopté cet amendement visant à inclure une analyse comparative entre les sexes aux fins des évaluations régionales et stratégiques. Cet amendement est une mesure importante pour la protection des membres les plus vulnérables notre société. Je tiens à dire, pour que cela figure au compte rendu, que je suis particulièrement déçu et même consterné que l’autre endroit n’ait pas tenu compte de cet élément essentiel.

À la lumière de la récente publication du Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, cet amendement revêt une importance particulière, car il est conforme aux recommandations du rapport. J’aimerais attirer l’attention des honorables sénateurs sur les appels à la justice, notamment l’appel à la justice 1.9, qui se lit comme suit :

Nous demandons à tous les gouvernements d’élaborer des lois, des politiques et des campagnes d’éducation publique visant à remettre en cause l’acceptation et la normalisation de la violence.

Bien que le gouvernement ait finalement rejeté cet amendement fondamental, je tiens encore à tous vous remercier pour votre appui initial à cette importante démarche vers l’égalité.

L’honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, étant donné que je me suis abstenue tout au long du processus, je tiens à dire très brièvement que le pire scénario que j’avais prévu s’est réalisé. À mon avis, l’équilibre que les amendements du Sénat ont réussi à rétablir dans ce projet de loi était adéquat. Je suis vraiment désolée que le gouvernement ait refusé de reconnaître que ces amendements l’auraient aidé, lui et tous les participants, à réaliser les objectifs qu’il espérait atteindre à l’aide du projet de loi.

Cela dit, je tiens à dire que, selon moi, la Loi sur l’évaluation d’impact, dans sa forme actuelle, comportera de graves lacunes — vraiment, de graves lacunes. Je crois qu’il y a quatre domaines qui devront faire l’objet d’un examen et de corrections en temps opportun.

Primo, les décideurs politiques. Ce n’est pas bon signe quand un Cabinet ou un ministre prend des décisions à cet égard. Lorsque nous sommes allés à l’étranger pour enseigner à d’autres personnes comment faire des évaluations d’impact, nous avons toujours dit : « Essayez de ne pas politiser les décisions. Essayez d’avoir un décideur indépendant. » Voilà que, au Canada, nous adoptons une pratique que l’on voit plus souvent dans des pays dont on ne vanterait pas les mérites dans une conversation banale autour d’une table.

Secundo, nous n’avons pas réussi à établir un mécanisme ou une pratique permettant d’établir et d’articuler clairement des politiques gouvernementales avant l’exécution de l’étude d’impact. C’est l’un des problèmes que nous connaissons depuis sept à dix ans. Nous avons besoin d’une plate-forme. Nous avons besoin d’un espace où tous les citoyens et tous les intervenants canadiens intéressés participent aux décisions stratégiques du gouvernement et les approuvent. Nous pourrons ensuite appliquer la politique, qui sera alors un élément connu dans le cadre du processus d’évaluation. Vous êtes informé à l’avance des politiques, vous savez ce qu’elles renferment et vous avez quelque chose avec lequel vous pouvez travailler — plutôt que quelque chose qui change et qui est annulé, sept ans plus tard, par une journée pluvieuse de novembre, après avoir dépensé 800 millions de dollars et avoir reçu toutes les approbations nécessaires ou, du moins, des recommandations pour approbation, et juste avant l’annonce d’une politique gouvernementale qui aurait mis fin à la pratique plus tôt si elle avait été faite correctement.

Tertio, l’expertise des évaluateurs fera grandement défaut. Je recommande vivement que vous lisiez la transcription des délibérations du comité. Je pense que le témoin Andrew Roman a très bien résumé la situation. Il a dit qu’on ne peut pas « séparer ceux qui entendent les témoignages de ceux qui prennent les décisions ». Vous ne pouvez pas prendre des décisions en vous basant sur un résumé préparé par quelqu’un d’autre. Rédiger des notes d’information ne permet pas de devenir un évaluateur perspicace. Vous devez savoir ce que vous faites, et vous devez avoir écouté et assimilé les témoignages. Cela n’a pas été établi.

Quarto, le projet de loi ouvre encore trop la porte aux contestations judiciaires. Il n’est pas à l’abri de telles contestations. En effet, la portée de la disposition privative comme on l’appelle en langage juridique, qui est un processus de révision judiciaire, n’a pas été restreinte suffisamment pour préserver l’intégrité du processus d’évaluation. Le résultat, c’est que les gens se ruent devant les tribunaux pour plaider leur cause encore une fois, ce qui offre bien des avenues de contestation judiciaire. Les gens ne cessent de se précipiter devant les tribunaux et de retarder le processus. Cela crée de l’incertitude, et le contexte n’est pas toujours pris en considération.

Voilà quatre grandes failles fatales du processus auxquelles on n’a pas remédié à mon avis. Pour résumer, je dirai également que le processus ne sera pas une affaire de loi, mais bien une affaire de gestion. Sa gestion sera très importante. Elle exigera une grande discipline de la part des intervenants. Espérons que l’Agence d’évaluation d’impact, plus particulièrement, qui s’est vue accorder des pouvoirs supplémentaires, saura trouver la fermeté et le professionnalisme nécessaires pour gérer le processus avec rigueur.

Voilà, je m’en tiendrai à cela. Merci.

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j’ai une impression de déjà-vu. Je parle naturellement de ce que nous avons vécu avec le projet de loi C-49 à peu près à la même époque l’an dernier. Nous avions proposé 18 amendements que le gouvernement s’était empressé de rejeter pour la plupart. Il n’en avait accepté que deux. Nous y revoici. Nous envoyons le projet de loi C-69 avec 188 amendements à la Chambre, qui nous le renvoie en les ayant presque tous rejetés. Or ces amendements étaient appuyés par les provinces, par l’opposition officielle et par les industries qui sont les plus susceptibles d’être touchées par le projet de loi, celles dont les projets seront soumis au nouveau processus d’examen.

(2150)

Mais, nous dit-on, le gouvernement a accepté un nombre record d’amendements, ce qui, pour certains, est la preuve que le Sénat nouveau et amélioré fait du bon travail. Ce qu’on ne nous dit pas, c’est qu’il s’agit des amendements qui proviennent du gouvernement lui-même et qui ont été transmis par le truchement du groupe des sénateurs indépendants. Évidemment, ils vont les accepter.

Honorables sénateurs, nous avons proposé 188 amendements et la Chambre, 100, ce qui fait près de 300 amendements. Lorsque la ministre de l’Environnement a témoigné à propos du projet de loi C-69 devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, elle a affirmé :

Le projet de loi C-69 a bénéficié de l’apport de milliers de Canadiens au cours de trois ans de consultation et de mobilisation. En fait, le processus a commencé en janvier 2016.

Depuis trois ans, des gens de partout au pays y ont contribué, y compris des représentants de l’industrie, du milieu universitaire et nos partenaires autochtones, provinciaux et territoriaux.

Deux groupes d’experts et deux comités parlementaires ont tenu leurs propres réunions, mené des études, entendu des témoins et examiné les commentaires du public. Cette contribution a bénéficié au projet de loi et l’a renforcé.

À l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Mitchell a affirmé ceci :

Le projet de loi C-69 est fondé sur un processus de consultation exhaustif et transparent de 14 mois, conçu pour capter les divers points de vue des Canadiens, notamment ceux des Autochtones, de l’industrie, des provinces et territoires et du grand public. Il y a eu deux examens par un groupe d’experts, deux examens par un comité parlementaire permanent, des centaines de réunions et de mémoires ainsi que des milliers de commentaires en ligne.

Cela dépasse l’entendement. Après toutes les consultations menées auprès des peuples autochtones, de l’industrie, des provinces, des territoires et du grand public, les conclusions de tous les comités d’experts, les centaines de réunions, les mémoires soumis, et les milliers de commentaires en ligne, le Sénat a jugé nécessaire d’apporter 188 amendements au projet de loi C-69 et de le renvoyer à la Chambre.

Jusqu’à quel point les consultations étaient-elles poussées? Les engagements étaient-ils coulés dans le béton pour que les députés libéraux se sentent obligés d’apporter 100 amendements à leur propre projet de loi, et le Sénat, 188 de plus?

Certains sénateurs estiment qu’il y a lieu de se réjouir que le gouvernement ait rejeté presque tous les amendements conservateurs et en ait accepté tant d’autres. « C’est historique et sans précédent », a publié sur Twitter une sénatrice du Groupe des sénateurs indépendants. « Je pense que cela prouve ce que le nouveau Sénat peut faire. »

Cela vaut aussi pour l’ancien Sénat. Certains d’entre nous sont ici depuis assez longtemps pour se souvenir de la Loi fédérale sur la responsabilité, à laquelle le Sénat avait apporté 180 modifications, toutes proposées par l’opposition. Le gouvernement Harper en avait accepté près de 100. Le fait de dire que le message est historique, sans précédent et qu’il est la preuve de ce que le nouveau Sénat peut faire, c’est comme prendre des vessies pour des lanternes : ne prétendons pas que le problème est réglé.

En fin de semaine, la ministre de l’Environnement a expliqué pourquoi elle avait rejeté les amendements de l’opposition. À l’intention du sénateur Black et au risque d’être désagréable, je vais la citer. D’après ce qu’elle a dit, la principale raison est que les amendements ont été proposés par le secteur pétrolier.

Les politiciens conservateurs ne souhaitent qu’une chose : que nous prenions telles quelles les recommandations formulées par les lobbyistes du secteur pétrolier.

Voilà pourquoi nous avons rejeté 90 p. 100 des amendements des conservateurs.

J’ai quelques petites choses à dire à ce sujet.

Premièrement, Rachel Notley sera surprise d’apprendre qu’elle est maintenant une politicienne conservatrice et une porte-parole du lobby du pétrole, tout comme le chef libéral de l’Alberta, David Khan. Ils ont tous les deux adressé une lettre au premier ministre et au sénateur Harder pour appuyer l’ensemble des amendements — tous les amendements.

Deuxièmement, s’il valait la peine d’écouter l’industrie lorsque le gouvernement a mené des consultations qui ont abouti à la présentation du projet de loi C-69, pourquoi la ministre a-t-elle rejeté les recommandations de l’industrie du revers de la main aujourd’hui? Elle ne semble pas les avoir rejetées en raison de leur contenu — dont elle n’a même pas parlé —, mais plutôt parce qu’elles provenaient de l’industrie pétrolière.

Il s’agit pourtant de la même industrie dont la ministre a parlé en termes dithyrambiques en février 2018, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi :

Le gouvernement comprend l’importance du secteur des ressources pour l’économie. De grands projets d’exploitation des ressources d’une valeur de plus de 500 milliards de dollars sont prévus partout au Canada au cours de la prochaine décennie. Ces projets créeront des dizaines de milliers d’emplois bien rémunérés dans tout le pays et stimuleront l’économie des collectivités avoisinantes [...]

Toutefois, lorsque cette même industrie a appuyé les amendements apportés par les conservateurs à son projet de loi, elle l’a vilipendée. C’est un tout autre niveau d’hypocrisie.

Soit dit en passant, le gouvernement Harper n’a pas vidé de sa substance le processus d’évaluation environnementale, et la population n’a pas perdu confiance dans la façon dont l’Office national de l’énergie rend ses décisions. Créé en 1959, l’Office national de l’énergie est reconnu dans le monde entier comme une entité experte en matière de réglementation. Il n’était pas nécessaire de s’en débarrasser. Tous les problèmes relevés dans le processus d’évaluation environnementale auraient pu être réglés en modifiant la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Le gouvernement libéral fait une fixation sur Stephen Harper et a la manie d’éliminer toutes les mesures qui portent la signature des conservateurs.

Par conséquent, la seule raison que je puisse imaginer pour justifier la mise de côté de l’Office national de l’énergie, c’est qu’il s’agissait d’une mesure de l’ancien premier ministre conservateur John Diefenbaker, de la Saskatchewan.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Tkachuk : Troisièmement, les amendements que nous avons proposés n’étaient pas simplement des amendements conservateurs, mais ceux des gens des provinces et des villes qui seront les plus touchées par le projet de loi. Écoutez ce qu’ils ont à dire.

La semaine dernière, le sous-préfet du comté de Lac Sainte-Anne m’a informé qu’un conseiller de cette municipalité avait déposé une motion qui incluait la phrase suivante :

QUE la mesure législative proposée, sous la forme du projet de loi C-69 sans les amendements du Sénat, nuira à la viabilité et au développement durable du comté de Lac Sainte-Anne et du secteur de l’énergie.

La motion demande aux « honorables membres du Sénat du Canada [...] de rejeter le projet de loi C-69 s’il est renvoyé à la Chambre haute sans l’ensemble des amendements qui ont été adoptés au Sénat ».

Le maire de Bonnyville a écrit au Sénat pour lui demander de rejeter le projet de loi C-69 ou d’insister sur les amendements qu’il avait initialement adoptés : « Nous vous prions de tenir compte du gagne-pain et du bien-être de notre communauté au moment du vote. »

Le conseiller Ray Prevost, de Bonnyville, a présenté une motion similaire à celle que je viens de citer :

QUE le conseil municipal de Bonnyville encourage les honorables membres du Sénat du Canada à rejeter [...] le projet de loi C-69 s’il est renvoyé à la Chambre haute sans les amendements qui ont été adoptés au Sénat.

Greg Sawchuk, le préfet de Bonnyville, m’a écrit pour implorer le Sénat de tenir compte des milliers de travailleurs de l’industrie pétrolière dans la région :

L’industrie collabore avec les habitants, les municipalités, les Premières Nations et les établissements métis afin de réduire au minimum l’empreinte environnementale de leurs entreprises. Assurer l’attrait continu de la région est un objectif important pour l’industrie, étant donné qu’il s’agit d’un incitatif pour que les travailleurs qualifiés s’y établissent.

L’industrie collabore depuis longtemps avec la population autochtone locale pour créer des emplois, établir des partenariats commerciaux et offrir de la formation continue et des bourses d’études aux étudiants locaux. La Première Nation de Cold Lake exploite plus de 40 entreprises liées à l’industrie pétrolière et gazière, employant ses propres membres et d’autres personnes provenant de communautés autochtones de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan. Elle est reconnue à l’échelle nationale pour ses partenariats uniques avec l’industrie pétrolière et gazière et elle a remporté de nombreux prix pour ses efforts de coopération.

Le conseil du comté de Thorhild et celui de Wood Buffalo ont tous les deux imploré le Sénat de rejeter le projet de loi C-69 s’il y était renvoyé sans ses amendements. La motion du conseil de Wood Buffalo indique notamment ceci :

QUE la mesure législative proposée, sous la forme du [...] projet de loi C-69 sans les amendements du Sénat, nuira à la viabilité et à la durabilité de la région de Wood Buffalo et du secteur de l’énergie.

Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que Wood Buffalo comprend Fort McMurray, une ville qui a été dévastée par un incendie de forêt il y a quelques années. Maintenant, avec le projet de loi C-69, le gouvernement est déterminé à doubler ses torts d’un affront.

En terminant, j’aimerais remercier le vice-président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, Michael MacDonald, tous mes collègues et le sénateur indépendant Richards pour leur travail au comité. Je veux aussi remercier la sénatrice McCoy, qui est souvent venue au comité poser de bonnes questions, difficiles, mais bonnes et fort appréciées.

Honorables sénateurs, avec ce message, le gouvernement contrecarre tous ces efforts et fait du tort à tous ceux au Sénat qui ont travaillé si fort sur les amendements. C’est ce que le gouvernement fait. Avec ce message, le gouvernement rend un bien mauvais service aux gens de Bonnyville, Thorhild et Wood Buffalo, du comté de Lac Sainte-Anne et d’autres villes au Canada qui soutiennent le secteur des ressources.

(2200)

Vous pouvez me croire : ces gens feront savoir exactement ce qu’ils pensent au mois d’octobre.

Des voix : Bravo!

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-69.

Le projet de loi C-69 a été surnommé le « projet de loi sur la fin des pipelines » parce qu’on a présumé à tort qu’il traite seulement de l’industrie pétrolière et gazière. Or, ce projet de loi a de vastes répercussions sur bon nombre des secteurs de notre économie, et il touche nombre de facettes des grands projets d’infrastructure et d’exploitation des ressources au Canada.

Si le Canada ne réussit pas à démarrer de grands projets comme les oléoducs, les trains à grande fréquence, les ponts, les lignes de transport d’électricité et d’énergie propre et les terminaux portuaires, nous risquons de nuire grandement à l’économie. Évidemment, cela implique, pour des gens comme Jacques et Marie, moins d’emplois bien rémunérés permettant de subvenir aux besoins de la famille. Cela suppose aussi moins de recettes provenant de redevances et d’impôts pour financer les nombreux programmes sociaux, de santé et éducatifs de notre pays.

Il va sans dire que le projet de loi risque de perturber complètement la confiance des investisseurs au Canada et de mettre des bâtons dans les roues des grands projets d’infrastructures. Par exemple, le mois dernier, lors d’une exposition et conférence de trois jours sur le gaz naturel et le gaz naturel liquéfié à Vancouver, un expert a affirmé que le projet de LNG Canada d’une valeur de 40 milliards de dollars — le plus gros projet au Canada — n’aurait probablement jamais été approuvé s’il avait dû subir la nouvelle évaluation d’impact que propose le gouvernement Trudeau.

Je rappelle aux sénateurs que LNG Canada est censé liquéfier et exporter de façon responsable le gaz naturel le plus propre au monde vers les marchés asiatiques, afin de contribuer à l’élimination du charbon et ainsi réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Malgré ce que nous pourrions penser, je crois sincèrement que le gouvernement libéral souhaite, peut-être subtilement, mettre un terme à l’industrie pétrolière et gazière. D’un autre côté, il veut pouvoir compter sur un gaz naturel liquéfié propre pour obtenir des crédits de carbone internationaux, de manière à s’approcher de ses objectifs en matière de changements climatiques.

Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Mitchell nous a dit que le projet de loi C-69 :

[...] vise à faire en sorte que les répercussions des projets d’exploitation des ressources soient passées en revue rigoureusement afin de gagner la confiance du public et des peuples autochtones et de satisfaire aux interprétations exigeantes des tribunaux. De plus, il mettra en œuvre des dispositions visant à maintenir et à améliorer la compétitivité de l’industrie et la confiance des investisseurs.

Il ne serait pas exagéré de dire que le gouvernement y est allé à l’aveuglette dans ce dossier et que le projet de loi rate sérieusement la cible. Pendant les audiences du comité, les témoins ont souvent dit que ce projet de loi viendrait éroder la compétitivité de l’industrie et la confiance des investisseurs. Le comité a tenté de régler ces problèmes.

Quelques mois ont passé, et le gouvernement reconnaît maintenant que le travail du Sénat a considérablement amélioré cette mesure législative. De toute évidence, le projet de loi C-69 était bancal depuis le début. Le comité a d’ailleurs entendu des témoignages révélateurs et plutôt ahurissants.

À mon humble avis, il fallait les 188 amendements du Sénat pour que le projet de loi C-69 commence enfin à avoir un certain sens. Plusieurs premiers ministres ont exhorté le gouvernement à accepter tous ces amendements. La réponse du gouvernement : « non merci ».

Les sénateurs peuvent s’attribuer beaucoup de mérite pour avoir mené une étude approfondie de ce projet de loi, surtout les 14 membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous avons tenu des réunions dans neuf villes canadiennes. Malgré ce que certains peuvent en penser, j’estime que l’exercice a été très utile.

Je suis particulièrement fier du travail de l’opposition officielle au Sénat. Certains nous ont accusés de faire de l’obstruction ou de vouloir retarder indéfiniment l’adoption du projet de loi C-69. La semaine dernière, la ministre McKenna a dit à Don Martin que les sénateurs conservateurs ont retardé l’étude pendant un an. Je rejette cette accusation. Je ne peux pas parler au nom de mon caucus, chers collègues, mais j’ai toujours voulu améliorer ce projet de loi. Je suis heureux que notre caucus ait beaucoup insisté pour que le comité se déplace et qu’il étudie ce projet de loi en détail. Je crois que nous avons tous grandement bénéficié de ces audiences.

Je pense également que nombre de Canadiens ont bénéficié de cette expérience. Lors de nos voyages, bien des gens sentaient enfin qu’on portait vraiment attention à ce qu’ils disaient et à leurs préoccupations. Après toutes ces heures de réunions, j’ai constaté très clairement un certain nombre de choses. Premièrement, le projet de loi C-69, comme le projet de loi C-48, a été l’un des projets de loi les plus malsains, les plus polarisants et les plus controversés que nous ayons étudiés depuis ma nomination au Sénat.

Comme je l’ai dit il y a quelques semaines, Trudeau se vante d’être rassembleur, de trouver le juste équilibre entre économie et environnement et de ne pas faire de politique polarisatrice. Il a été particulièrement mauvais à ce chapitre, comme l’ont clairement montré nos multiples réunions.

Il a réussi à se mettre à dos un pan entier de la population canadienne. Il n’est pas exclusivement question d’une confrontation entre l’Est et l’Ouest. Dois-je vous rappeler que neuf provinces sur dix se sont dites préoccupées par ce projet de loi à différents égards?

Deuxièmement, c’est tout à notre crédit, le Sénat a fait un excellent travail d’écoute des Canadiens des deux camps. Nous devrions en être très fiers. Je lève mon chapeau à tous ceux qui ont travaillé d’arrache-pied à ce dossier dans l’ombre. Je sais que c’était un travail éreintant et parfois frustrant. Je crois que le projet de loi que nous avons renvoyé à la Chambre était grandement amélioré.

Troisièmement, les libéraux de Trudeau ont complètement laissé tomber les Canadiens en ce qui a trait aux consultations relatives à l’élaboration du projet de loi C-69.

Quand a-t-on vu un projet de loi d’initiative ministérielle nécessiter plus de 300 amendements des deux Chambres du Parlement? Bonté divine, au total, le projet de loi ne compte que 359 pages.

Cela témoigne de la piètre qualité du travail du gouvernement. Je crois sincèrement que les amendements que nous avons proposés auraient amélioré ce projet de loi. Ils aideraient l’industrie, stimuleraient la prospérité économique de notre pays et protégeraient notre environnement. Cependant, le gouvernement a rejeté des dizaines de nos amendements. En fait, il se vante même d’en avoir accepté beaucoup, en insinuant que nous devrions être satisfaits du résultat. En d’autres termes, nous devrions nous estimer chanceux qu’il ait même décidé d’en accepter.

Dans un discours prononcé la semaine dernière, la ministre McKenna a soutenu que le gouvernement avait accepté des amendements qui étaient logiques, plutôt que ceux proposés par les politiciens conservateurs.

Voici ce qu’elle a dit :

À la Chambre et au Sénat, les conservateurs veulent remplacer les évaluations environnementales par un processus d’approbation des pipelines [...] Leur objectif est d’affaiblir les règles, et nous savons tous où cela nous mènera.

Permettez-moi de rappeler quelques faits à l’honorable ministre. Le 16 mai, le projet de loi a été fortement amendé par le comité et il a été entendu à l’unanimité qu’il soit renvoyé à la Chambre tel qu’amendé. Le 6 juin, au Sénat, le projet de loi contenant toute la série d’amendements proposés par le comité a ensuite été adopté avec dissidence.

Certains ont soutenu que les amendements du comité allaient trop loin et ont affirmé que des sénateurs étaient influencés par l’industrie pétrolière et gazière ou cédaient à ses pressions. J’estime plutôt que les amendements du Sénat proposent un compromis qui établit le genre d’équilibre dont le gouvernement se vante depuis des mois.

Évidemment, je suis déçu, mais pas étonné que le gouvernement ait rejeté la plus grande partie des amendements que notre camp avait proposés et qui, soit dit en passant, avaient reçu l’aval du Sénat.

Pour répondre au message de l’autre endroit, je vais m’attarder sur une seule modification que nous avons suggérée et que le gouvernement a rejetée. Je parle de la participation du public.

Avant d’expliquer pourquoi j’estime qu’il est utile d’avoir des critères liés au droit de participation, je vais raconter un incident survenu durant l’une de nos audiences, qui justifie l’établissement de certains paramètres pour encadrer la participation du public ou, à tout le moins, mettre en place un mécanisme pour éviter que la voix des experts ou de ceux qui sont touchés par un projet ne soit pas étouffée par celle des autres.

Je me permets de décrire le contexte de l’incident, qui s’est produit le 12 avril, durant une audience tenue à l’hôtel Fort Garry de Winnipeg. Le deuxième groupe de témoins ce matin-là était formé de dirigeants métis et de Premières Nations, dont l’aîné David Scott de la nation Swan Lake. Durant sa comparution, des militants écologistes, qui étaient assis dans l’auditoire, sont soudainement venus se placer à côté de nous, et ils ont déployé des banderoles de protestation. Ils sont restés là, sans dire un mot, devant les caméras, tandis que notre audience se poursuivait. La paix et le respect régnaient jusqu’à ce qu’un manifestant décide d’interrompre alors qu’une question était posée à l’aîné David Scott.

(2210)

En plus d’interrompre nos travaux, cet individu a aussi manqué de respect envers un membre des Premières Nations. L’audience a été brièvement suspendue pendant qu’on demandait gentiment aux manifestants de quitter la salle. Cependant, pendant qu’il quittait la salle, le manifestant qui avait joué le trouble-fête a annoncé que son groupe tiendrait une conférence de presse ailleurs dans l’établissement.

Je vous raconte cette histoire pour deux raisons. Premièrement, je crois qu’il est très révélateur que lorsqu’on a escorté les manifestants hors de la salle, l’équipe de tournage et les médias les ont suivis pour assister à leur conférence de presse. Ils ont fait preuve d’une indifférence totale envers l’aîné David Scott. Ils ne s’intéressaient guère à ce qu’il avait à dire. Ils se souciaient uniquement du message des militants, qui étaient venus en petit nombre, mais qui avaient une voix forte. De toute évidence, le témoignage sincère et passionné de l’aîné David Scott ne revêtait pas une grande importance pour eux.

Deuxièmement, comme je l’ai dit à ce moment-là, ces personnes se sont introduites dans la salle dans le but de propager un message, peut-être même avec une intention cachée, et ils ont interrompu nos travaux. À mon avis, c’est exactement le même genre de chose qui se passe à plus grande échelle à l’heure actuelle avec les projets d’exploitation des ressources du pays.

Même s’il s’agit d’un simple événement survenu pendant une réunion, je pense qu’il reflète en quelque sorte ce que le gouvernement espérait accomplir avec le projet de loi C-69 au chapitre de la participation du public au processus d’évaluation d’impact.

Le gouvernement prétend qu’en retirant à l’organisme de réglementation le pouvoir de refuser un éventuel participant, on permet une participation publique plus réelle. Aux termes de la loi actuelle, les personnes directement touchées par la réalisation ou l’exploitation d’un projet proposé doivent être autorisées à participer au processus. Les personnes qui pourraient posséder des renseignements pertinents ou une expertise appropriée peuvent également participer à l’évaluation. Le projet de loi C-69 vise à ouvrir les évaluations d’impact à tous en éliminant les « critères de participation ».

Grâce au travail du comité, nous avons amendé le projet de loi afin de rendre la composante des évaluations relative à la participation du public plus efficace, plus pratique et plus ou moins applicable. L’un des amendements adoptés au comité, appelé l’amendement 1p)iii), confère à l’agence les pouvoirs et la flexibilité de déterminer la manière qu’elle estime indiquée pour les membres du public de participer de façon significative à une évaluation d’impact, en tenant compte, premièrement, de la mesure dans laquelle un membre du public est directement touché par les projets désignés et, deuxièmement, du fait qu’un membre du public possède ou non de l’information ou une expertise pertinentes pouvant éclairer sa décision.

Il est devenu évident, pour moi, que permettre à tout un chacun d’avoir voix au chapitre relativement à des propositions de projet risque d’enterrer la voix des personnes qui sont directement touchées. La situation concernant l’aîné David Scott, à Winnipeg, reflète cette préoccupation.

L’amendement proposé n’applique aucunement le « critère de participation » et ne limite pas la participation du public. Plutôt, il oriente l’agence pour évaluer la valeur de la participation du public.

Je suis content que le gouvernement ait accepté un amendement que nous avons proposé, qui habilite l’agence et la commission à établir certaines règles et attentes relativement à la participation du public, mais j’estime qu’il ne va pas assez loin.

Si nous n’accordons pas le poids qu’ils méritent aux intérêts des différentes parties, nous risquons de rendre le processus terriblement injuste. Les personnes qui habitent à proximité d’un projet et qui seront directement touchées par celui-ci devraient avoir la priorité, faute de quoi leur voix risque de se perdre dans le tumulte général, comme c’est arrivé à certains chefs autochtones pendant la réunion que nous avons tenue à Winnipeg. Certains des amendements adoptés par le Sénat permettaient de remédier en partie à la situation.

Honorables collègues, les évaluations environnementales doivent être prises au sérieux, alors nous ne devrions pas encourager ceux qui s’en moquent ouvertement à y participer. Autrement, nous ferons simplement retarder l’approbation des projets, nous accroîtrons les risques que courent les investisseurs et nous pousserons les entreprises à aller ailleurs.

Les processus permettant de prioriser les participants afin que la décision repose d’abord et avant tout sur les connaissances des spécialistes, les données pertinentes et le point de vue des personnes directement touchées ont souvent été utilisés à bon escient. Je suis fermement convaincu qu’on continuera d’en faire un usage responsable si le gouvernement accepte nos amendements.

La députée Shannon Stubbs a dit quelque chose d’intéressant la semaine dernière : « Les critères de participation n’ont pas pour but d’écarter les participants qui méritent d’être entendus. Elles offrent au contraire un moyen responsable d’écarter les personnes dont le point de vue n’ajouterait aucune valeur à l’évaluation environnementale des divers projets. Selon moi, elles servent tout à fait les intérêts du Canada. »

Personnellement, je suis convaincu que nous devrions insister sur les amendements portant sur la participation du public, mais je m’incline. Je tenais à exprimer mon point de vue, mais je n’en ferai pas non plus mon Golgotha.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!

L’honorable Fabian Manning : Honorables collègues, je suis heureux de l’occasion qui m’est donnée ce soir de dire quelques mots sur le message de la Chambre au sujet du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois

Si je suis heureux de dire quelques mots sur le message, je ne suis certainement pas satisfait du projet de loi dans sa forme actuelle. Dans le peu de temps qui m’est imparti ce soir, je concentrerai mes observations sur l’effet extrêmement néfaste que l’adoption de ce projet de loi aura dans ma province d’origine, Terre-Neuve-et-Labrador.

Je tiens en outre à souligner que ces préoccupations ne proviennent pas seulement de moi, mais qu’elles sont partagées par de nombreuses personnes de ma province, sans égard aux allégeances politiques, ainsi que par des organismes qui s’intéressent à l’industrie pétrolière et gazière, dont la Newfoundland and Labrador Offshore Industry Association.

Par ailleurs, le projet de loi C-69 inquiète énormément le gouvernement provincial de Terre-Neuve-et-Labrador. Soit dit en passant, c’est l’un des deux seuls gouvernements provinciaux encore dirigés aujourd’hui par des libéraux. Or, l’autre gouvernement provincial dirigé par des libéraux, celui de la Nouvelle-Écosse, souscrit totalement aux points de vue et préoccupations que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a exprimés au sujet du projet de loi C-69.

Pardonnez-moi, mais je vais faire un peu d’histoire. En 1985, le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador ont signé un accord appelé l’Accord atlantique. Il s’agissait d’un accord concernant la gestion conjointe des ressources pétrolières et gazières extracôtières au large de Terre-Neuve-et-Labrador.

Voici le paragraphe 2(c) de cet accord :

reconnaître le droit de Terre-Neuve-et-Labrador d’être le principal bénéficiaire des ressources pétrolières et gazières situées au large de ses côtes, tout en conciliant la nécessité de conserver le pays fort et uni;

Quant au paragraphe 2(d), il dit ceci :

reconnaître l’égalité des deux gouvernements dans la gestion des ressources, et garantir que le rythme et les modalités de la mise en valeur de ces ressources optimisent les avantages sociaux et économiques qui profiteront à l’ensemble du Canada, en particulier à Terre-Neuve-et-Labrador;

À mon avis, le projet de loi C-69 va dans une tout autre direction.

J’insiste sur le mot « conjointe ». Au moyen de cet accord, l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers a été créé. Trois de ses membres devaient être nommés par le gouvernement fédéral et trois autres par la province. Les deux parties devaient s’entendre pour choisir un président.

Cet accord était considéré comme un tournant du développement économique de la province. Son objectif était de faire de la province « le principal bénéficiaire » de ses ressources pétrolières extracôtières. L’accord apportait des avantages économiques et, avec les modifications qui y ont été apportées en 2005, la province est devenue une province « riche » en 2008. C’était un moment historique pour la province et un grand moment de notre partenariat au sein de la Confédération canadienne.

Cet accord a également institué la cogestion, notamment en matière d’intendance environnementale et de sécurité. Ce modèle a très bien fonctionné pour Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que pour l’ensemble du Canada.

J’insiste encore une fois sur le terme « conjointe », car nous, Téneliens, appuyons notre gouvernement provincial dans son opposition au projet de loi C-69, qui va à l’encontre de l’esprit et de l’intention de l’Accord atlantique.

(2220)

Le premier ministre de notre province, Dwight Ball, a envoyé une lettre au parrain du projet de loi au Sénat, le sénateur Mitchell, dans laquelle il a énuméré les objections du gouvernement qu’il dirige à certains articles du projet de loi C-69. Il a proposé des amendements qui répondraient aux préoccupations de la province. À l’étape de la deuxième lecture, j’ai proposé mot pour mot un des amendements qui figuraient dans sa lettre et j’ai été très déçu que cet amendement, suggéré par le gouvernement et les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador et appuyé par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, ait été rejeté au Sénat.

Le 11 juin, la ministre des Ressources naturelles de Terre-Neuve-et-Labrador, l’honorable Siobhan Coady, a envoyé une lettre à l’honorable Catherine McKenna pour lui faire part de plusieurs préoccupations du gouvernement provincial concernant le projet de loi C-69 et offrir plusieurs suggestions concrètes pour y remédier. Encore une fois, aucun changement ni aucun amendement n’a été apporté.

Le matin du lundi 17 juin, quelques sénateurs téneliens et moi avons tenu une téléconférence avec le premier ministre Ball et la ministre Coady. Nous avons discuté de toutes les possibilités qui s’offraient à nous pour que les préoccupations de notre province soient prises en compte de façon productive. Malheureusement, je dois admettre que nos options sont extrêmement limitées à ce stade du processus, voire inexistantes. C’est très décevant.

En 1949, lorsqu’elle a adhéré à la Confédération, Terre-Neuve a apporté au pays les zones de pêche probablement les plus riches au monde. Lorsque la province s’est jointe au Canada, le contrôle et la gestion de cette grande ressource ont été totalement confiés aux autorités ici, à Ottawa. L’échec lamentable du plan de gestion des pêches a causé des torts immenses aux habitants de ma province. Je trouve très paradoxal que les ressources océaniques qui étaient et qui sont toujours très importantes pour les Terre-Neuviens soient gérées par des gens au centre-ville d’Ottawa, où le canal Rideau est le seul cours d’eau qu’ils aient jamais vu. Toutefois, je m’écarte du sujet. Je parlerai de cette question un autre jour.

L’industrie pétrolière et gazière est très avantageuse pour les habitants de ma province. Par exemple, en 1998, le salaire hebdomadaire moyen à Terre-Neuve-et-Labrador était de 529 $, alors que, pour l’ensemble du Canada, il était de 606 $. En 2017, grâce à l’industrie pétrolière et gazière, le salaire hebdomadaire moyen à Terre-Neuve-et-Labrador s’élevait à 1 035 $, tandis que la moyenne nationale se situait à 976 $. La cogestion fonctionne très bien pour l’industrie pétrolière et gazière de ma province.

Comme je l’ai déjà dit, le projet de loi C-69 va nous ramener dans la mauvaise direction. Il éliminera la cogestion et concentrera tous les pouvoirs entre les mains de la ministre fédérale de l’Environnement. Selon nous, cette mesure législative est malavisée, injuste et inéquitable, et elle entre en contradiction totale avec l’esprit de l’Accord atlantique.

À l’heure actuelle, cela peut prendre jusqu’à trois ans avant qu’une société pétrolière obtienne son permis pour forer un puits d’exploration. Notre gouvernement provincial réclame que l’on exclue les puits d’exploration de la liste des projets. Pourquoi? Parce que des pays qui sont des chefs de file en intendance de l’environnement effectuent l’évaluation de puits d’exploration extracôtiers en une fraction du temps que cela nous prend. La Norvège le fait en 79 jours. L’Australie, en 144 jours. En comparaison, au Canada, cela prend 900 jours. Mes chers amis, il y a quelque chose qui cloche. Certes, cela ne crée pas un climat d’investissement stable et sûr.

Le projet de loi C-69 permettra à Terre-Neuve-et-Labrador d’avoir deux sièges garantis au sein de la commission chargée de l’évaluation d’impact, laquelle pourrait compter cinq, sept ou neuf membres ou le nombre de membres que la ministre de l’Environnement décide. Je le dis comme je le vois. Cela ne correspond aucunement à une gestion conjointe.

Le projet de loi C-69 prévoit que le gouvernement du Canada consultera le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador aimerait voir la notion de consultation supprimée et remplacée par la notion d’accord. Après tout, on croirait que « gestion conjointe » signifie que les parties parviennent à un accord, et non que l’une consulte l’autre. La gestion conjointe est un arrangement à parts égales.

Par exemple, le partenariat entre deux époux est un arrangement à parts égales. Or, dans ce cas-ci, l’une des parties consulte l’autre, puis dicte comment les choses se feront. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne.

L’Accord atlantique a été signé en toute bonne foi il y a de nombreuses années. Il a été très bénéfique pour Terre-Neuve-et-Labrador et encore plus pour le Canada. Il a toujours très bien fonctionné. Les investisseurs nous disent souvent qu’ils ne demandent pas mieux qu’un régime stable favorisant la concurrence, et c’est exactement ce que l’Accord atlantique leur fournissait. Du moins jusqu’à l’arrivée du projet de loi C-69. Le régime de codétermination a fini par s’éroder, et l’Accord atlantique est désormais sous respirateur artificiel. Le premier ministre Ball a annoncé plus tôt aujourd’hui qu’il n’hésiterait pas à invoquer la clause d’arbitrage de l’accord si Ottawa passait outre aux principes de codétermination concernant les hydrocarbures extracôtiers. Il peut compter sur notre appui.

En terminant, j’aimerais revenir sur ce que disait le sénateur Black à propos de Fort McMurray. Comme bon nombre de mes collègues l’ont dit avant moi, Fort McMurray est — ou en tout cas était — la ville qui comptait le plus de Terre-Neuviens à l’extérieur de la province, et cela nous a toujours bien servis jusqu’ici.

Je suis moi-même allé passer quelques années là-bas, quand j’avais 17 ans. De nombreux Terre-Neuviens et Labradoriens ont pu mener une belle vie à Fort McMurray. Cela dit, pas besoin d’aller plus loin que mon village d’origine, qui compte 300 personnes, pour constater les effets dévastateurs du ralentissement du secteur albertain du pétrole et du gaz sur les petites localités de Terre-Neuve-et-Labrador. Beaucoup de gens pensent comme moi, et ce ne sont pas des cas isolés. Le pays au complet partage cet avis. Selon moi, le projet de loi C-69 n’est pas la voie à suivre.

Chers collègues, en toute sincérité, l’adoption du projet de loi C-69 dans sa forme actuelle est un triste jour pour Terre-Neuve-et-Labrador et pour le Canada. Par conséquent, il m’est impossible d’appuyer le message que nous avons reçu de l’autre endroit.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Mitchell, avec l’appui de l’honorable sénatrice Gagné, propose que, relativement au projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois... puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Suffit!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 22 h 42.

Convoquez les sénateurs.

(2240)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Griffin
Bellemare Harder
Bernard Hartling
Boehm Joyal
Boniface Klyne
Bovey Kutcher
Boyer LaBoucane-Benson
Busson Lankin
Campbell Lovelace Nicholas
Cordy Marwah
Cormier Massicotte
Coyle McCallum
Dalphond McPhedran
Dasko Mégie
Dawson Mitchell
Day Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Deacon (Ontario) Moodie
Dean Munson
Duncan Omidvar
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Forest Pratte
Forest-Niesing Ringuette
Francis Saint-Germain
Furey Simons
Gagné Sinclair
Galvez Woo—57
Gold

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mockler
Batters Neufeld
Black (Alberta) Ngo
Black (Ontario) Oh
Boisvenu Patterson
Carignan Plett
Dagenais Poirier
Doyle Ravalia
Eaton Richards
Frum Seidman
Greene Smith
Housakos Stewart Olsen
MacDonald Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Verner
Martin Wallin
McCoy White—37
McInnis

ABSTENTION
L’honorable sénateur

Downe—1

(2250)

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2019

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boehm, appuyée par l’honorable sénatrice Mégie, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, la semaine dernière, j’ai longuement parlé du projet de loi C-97 à l’étape de la deuxième lecture. Toutefois, il y a une question dont on a discuté par la suite au Comité des finances, et je tiens à faire quelques observations à ce sujet. C’est la question des « consultations ».

Après avoir entendu l’insatisfaction et la frustration exprimées par certains témoins, le Comité des finances s’inquiète de l’objet des consultations menées par le gouvernement. Il s’agit d’un thème qui est revenu non seulement au Comité des finances, mais aussi à d’autres comités sénatoriaux qui ont étudié des parties différentes du projet de loi d’exécution du budget.

L’un de nos principaux rôles, en tant que Chambre de second examen objectif, c’est de veiller à ce que la voix de tous les intervenants soit entendue au cours du processus législatif, mais il incombe au gouvernement d’entendre le point de vue de tous les Canadiens avant de présenter une mesure législative. Je parle notamment de bonnes consultations transparentes et concrètes avec l’industrie et les groupes d’intervenants intéressés qui pourraient être touchés par la mesure législative proposée.

Bien que les représentants du gouvernement qui ont comparu devant les divers comités lors de l’étude préalable du projet de loi C-97 aient indiqué qu’ils avaient entrepris des consultations, nous avons entendu des témoins qui disaient le contraire et qui craignaient que le gouvernement et les fonctionnaires n’aient pas tenu de consultations sérieuses au sujet d’un certain nombre d’articles du projet de loi et, dans certains cas, qu’ils n’en aient pas tenu du tout.

Je peux donner quelques exemples. À la sous-section C de la section 9 de la partie 4 de la loi d’exécution du budget, dont le comité de l’agriculture et des forêts a été saisi, le gouvernement propose des modifications à la Loi sur les aliments et drogues, entre autres, pour permettre au ministre de la Santé de classifier certains produits comme étant exclusivement des aliments, des drogues, des cosmétiques ou des instruments et pour prévoir la surveillance de la conduite d’essais cliniques relatifs à des drogues, à des instruments ou à certains aliments à des fins diététiques spéciales.

Des représentants du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire qui ont comparu devant le comité trouvaient assez préoccupant de ne pas connaître les effets de ces changements sur leur secteur, surtout en ce qui a trait à la réglementation en vigueur en vertu de Loi sur la salubrité des aliments au Canada.

Carla Ventin, première vice-présidente, Relations gouvernementales, Produits alimentaires et de consommation du Canada, a parlé au comité des modifications proposées. Elle a dit :

L’effet cumulatif de tous ces changements modifiera de façon permanente le paysage de l’industrie alimentaire au Canada. On ne sait pas exactement à quoi ressembleront ces changements et quel en sera l’impact sur le secteur et les Canadiens, et cela fait partie du problème.

Même si nous apprécions le programme ambitieux du gouvernement, l’industrie a eu du mal à suivre le rythme. Nous constatons que les consultations sont précipitées et qu’il y a peu de commentaires ou que les délais sont imprévisibles. Pour l’industrie, cela signifie qu’il peut être difficile de fournir une contribution significative. Pour le gouvernement, que l’on risque de négliger des questions cruciales. Pour les Canadiens, il peut y avoir des conséquences imprévues.

Dans le groupe de témoins suivant, des fonctionnaires de Santé Canada ont expliqué au comité que ces modifications visaient à améliorer les règlements sur les produits thérapeutiques de pointe au Canada. Les fonctionnaires ont indiqué que les modifications proposées n’auraient pas d’incidence sur les industries agricole et agroalimentaire. C’est seulement durant l’étude préalable du Sénat que les intervenants ont obtenu des précisions au sujet des changements proposés.

Dans la partie 1 du projet de loi, le gouvernement propose d’instaurer le Crédit canadien pour la formation, un compte d’épargne virtuel où s’accumulent 250 $ par année jusqu’à concurrence de 5 000 $ que les Canadiens admissibles peuvent réclamer afin de réduire les frais de scolarité et de formation admissibles.

En comité, lorsqu’on a demandé aux intervenants et aux experts si le gouvernement avait mené des consultations au sujet de ces propositions, M. Dan Kelly, président et chef de direction de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a répondu : « Il n’y a eu absolument aucune consultation. »

M. Larry Rousseau, vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada, et d’autres témoins du groupe, des professionnels de la fiscalité et d’universitaires, ont exprimé les mêmes sentiments.

À la section 25 de la partie 4 du projet de loi, le gouvernement propose d’apporter des changements radicaux aux services offerts aux Autochtones. La section prévoit notamment les modifications suivantes : la dissolution d’Affaires autochtones et du Nord Canada en abrogeant la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, la création de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada en édictant la Loi sur le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord ainsi que la désignation d’un ministre responsable de la supervision du ministère.

La section prévoit également la création de Services aux Autochtones Canada en édictant la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones et la désignation d’un ministre responsable de la supervision du ministère.

À la première lecture de cette partie du projet de loi, j’ai eu l’impression qu’elle n’était pas assez robuste. Dans une lettre à l’intention du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, le président de Nunavut Tunngavik Incorporated écrit ce qui suit :

Je conçois que ces lois puissent être proposées principalement à des fins administratives et pour intégrer la pratique du gouvernement. D’ailleurs, elles ne semblent pas renfermer beaucoup de contenu et c’est peut-être pour cela que les groupes autochtones n’ont pas été nombreux à les commenter.

Toutefois, dans le mémoire détaillé qui est joint à la lettre, l’organisation se dit préoccupée de voir que le gouvernement a peu consulté les principaux intéressés pendant la rédaction du projet de loi. On peut notamment lire ceci dans le mémoire :

Cette partie du projet de loi d’exécution du budget soulève bien des questions. En résumé, elle manque de clarté.

L’organisation précise ensuite ce qui suit :

Il se pourrait qu’il ne s’agisse là que de simples « questions administratives », mais elles ont quand même des conséquences tant opérationnelles que politiques dans un environnement en constante évolution. Les préoccupations que nous soulevons mettent en lumière le fait que l’on élabore des lois indépendamment des peuples autochtones concernés. Il n’y a eu ni consultation ni « participation ».

Honorables sénateurs, il est inapproprié d’élaborer, en vase clos, des dispositions législatives qui pourraient avoir des effets sur notre bien-être pour des dizaines d’années, puis de les faire adopter dans le cadre d’un projet de loi omnibus d’exécution du budget, en donnant peu de temps pour les étudier et peu d’occasions d’obtenir de la rétroaction.

Le Comité des banques a aussi entendu les préoccupations de l’Institut d’insolvabilité du Canada au sujet des consultations sur la section 5 de la partie 4 du projet de loi d’exécution du budget. L’organisme a dit que le processus a été précipité et qu’il n’y a eu pratiquement aucune véritable consultation auprès des spécialistes du domaine à propos des modifications proposées.

D’ailleurs, les témoignages des fonctionnaires étaient si différents de ceux des intervenants que le Comité des banques a reconvoqué les fonctionnaires pour leur demander des explications.

Le dernier exemple est survenu la semaine dernière, après la deuxième lecture du projet de loi d’exécution du budget et après mon intervention. Je parle du témoignage d’une représentante de l’Association canadienne de produits de consommation spécialisés, l’ACPCS, au sujet de la section 9 de la partie 4 du projet de loi d’exécution du budget.

Voici ce qu’elle a dit, lorsqu’elle a témoigné devant le Comité des finances nationales :

L’ACPCS demeure déterminée à travailler avec le gouvernement pour soutenir un climat de réglementation propice aux affaires [...] Les questions ne peuvent être soulevées isolément par les ministères, sans consulter les principaux intervenants.

Elle a ensuite déclaré que son organisation avait eu quatre jours pour faire part de ses commentaires sur le projet de loi.

[...] nous avons demandé au ministère de nous donner un aperçu du projet de loi, de la politique actuelle et de l’avenir qui nous attend si jamais ces nouvelles modifications sont adoptées, mais nous n’avoir encore rien reçu.

Elle a également soulevé la question de la Gazette du Canada, car le projet de loi d’exécution du budget propose de supprimer l’exigence de publier certains renseignements commerciaux dans celle-ci. On propose plutôt que ces renseignements soient publiés sur le site web du gouvernement.

La question du maintien de la Gazette du Canada a été soulevée durant une autre séance de comité où un représentant du gouvernement a donné l’assurance que la Gazette du Canada allait continuer les publications. Je n’en suis plus certaine maintenant.

Honorables sénateurs, j’utilise le site web du gouvernement du Canada et celui de ses ministères. C’est difficile de s’y retrouver, c’est le moins qu’on puisse dire. Je comprends les préoccupations de l’Association canadienne de produits de consommation spécialisés. Leurs préoccupations sont fondées.

Honorables sénateurs, voilà qui complète mes observations au sujet du projet de loi C-97.

(2300)

Je tiens à remercier le président du comité, encore une fois, le sénateur Mockler, le sénateur Pratte et le sénateur Day, le vice-président, tous les membres du Comité des finances, surtout le sénateur Boehm, qui était le parrain du projet de loi, ainsi que les autres sénateurs qui ont pris la parole au sujet du projet de loi.

De plus, merci au greffier du comité, aux analystes et aux autres fonctionnaires qui ont offert soutien et assistance pendant nos réunions. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Nicole Eaton : Avec le consentement du Sénat, j’aimerais déposer mon intervention à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-97. Comme nous avons appris aujourd’hui la mort tragique d’un collègue de l’autre endroit, Mark Warawa, je préférerais déposer cette intervention au lieu de vous retenir ici plus longtemps.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

L’ajournement

Motion

Consentement ayant été accordé de passer aux affaires du gouvernement, motions, article no 282 :

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 18 juin 2019, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 17 septembre 2019, à 14 heures.

 —Je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’aimerais proposer un amendement.

Adoption de la motion d’amendement

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par adjonction après le mot «Que, » de ce qui suit :

« lorsque le Sénat siège le vendredi 21 juin 2019, il siège à 13 h 30, et uniquement pour les fins de la sanction royale;

Que, »;

2.par substitution des mots « après l’adoption de cette motion » par les mots « le vendredi 21 juin 2019 ».

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder propose en amendement que la motion ne soit pas maintenant adoptée mais qu’elle soit modifiée par... Puis-je me dispenser de faire la lecture de la motion?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement de l’honorable sénateur Harder est adoptée.)

Adoption de la motion

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, tel que modifiée, de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Harder, C.P.,

Que, lorsque le Sénat siège le vendredi 21 juin 2019, il siège à 13 h 30, et uniquement pour les fins de la sanction royale;

Que, lorsque le Sénat s’ajournera le vendredi 21 juin 2019, il demeure ajourné jusqu’au mardi 17 septembre 2019, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

(À 23 h 3, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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