Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 306
Le mercredi 19 juin 2019
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Le Président du Sénat
- L’étude sur les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers
- La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie
- La Loi fédérale sur les hydrocarbures
- L’Association interparlementaire Canada-France
- Sécurité nationale et défense
- Affaires étrangères et commerce international
- Les travaux du Sénat
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers
- La Loi sur l’accès à l’information
- La Loi sur la protection des renseignements personnels
- Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Débat
- Rejet de la motion d’amendement
- Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat
- Le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur
- La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie
- La Loi fédérale sur les hydrocarbures
- Projet de loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis
- Projet de loi de crédits no 2 pour 2019-2020
- Discours du Trône
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le mercredi 19 juin 2019
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en vertu de l’article 4-3(1) du Règlement, le coordonnateur du Groupe des sénateurs indépendants a demandé que la période des déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin que nous puissions rendre hommage à l’honorable Jacques Demers, qui prendra sa retraite le 25 août 2019.
Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, leur intervention ne peut dépasser trois minutes et qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois.
Êtes-vous d’accord pour que l’on poursuive ces hommages pendant la période consacrée aux déclarations des sénateurs? Ainsi, nous aurons jusqu’à 30 minutes pour les hommages et, par la suite, la sénatrice Petitclerc prendra la parole au nom du sénateur Demers, conformément à l’article 4-3(4) du Règlement.
Le temps qu’il restera après ces hommages sera consacré à d’autres déclarations.
Des voix : D’accord.
[Français]
Hommages
L’honorable Jacques Demers
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prononcer quelques mots en hommage à notre collègue, l’honorable Jacques Demers, qui prendra sa retraite du Sénat au mois d’août.
Pendant près de 10 ans, le sénateur Demers a été un membre apprécié du Sénat du Canada et a toujours été tenu en haute estime par ceux qui le connaissent et qui ont travaillé avec lui. Au nom de tous ses amis du groupe conservateur et au nom de tous les sénateurs, j’offre nos souhaits les plus sincères au sénateur Demers et à sa famille.
[Traduction]
Alors que le pays célèbre la gloire qui accompagne le championnat de la NBA, on se rend compte une fois de plus à quel point il est difficile de décrocher le titre de champion dans un sport professionnel.
[Français]
Comme nous le savons, Jacques Demers a connu la victoire avec les Canadiens de Montréal lorsqu’il les a menés à la Coupe Stanley en 1993. On l’a également honoré personnellement en lui décernant, en 1987 et 1988, le trophée Jack Adams, qui est remis au meilleur entraîneur de la Ligue nationale de hockey, ce qui a fait de lui le seul entraîneur à avoir reçu ce trophée deux années consécutives.
Honorables sénateurs, les paroles ne pourront jamais exprimer adéquatement ce que Jacques Demers représente pour Montréal et pour la province de Québec. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il fait l’objet d’une grande vénération. Les gens ont tout simplement l’impression de le connaître, soit parce qu’ils l’ont vu pendant des années derrière le banc des joueurs, soit parce qu’ils l’ont accueilli dans leur salon, alors qu’il était analyste de hockey au réseau RDS.
À la suite de sa nomination au Sénat du Canada, en août 2009, le sénateur Demers est devenu un membre précieux de notre « équipe » sénatoriale; on se souvient que, à l’origine, il était un membre des « Bleus » de l’équipe conservatrice. Le sénateur Demers a déjà dit qu’il travaillerait avec autant d’énergie au Sénat que derrière le banc des joueurs, et c’est ce qu’il a fait. Il était un membre assidu de nombreux comités sénatoriaux, notamment du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Sa curiosité naturelle et son ouverture d’esprit l’ont bien servi dans son travail de sénateur, et il a représenté avec fierté la province de Québec.
Notre collègue a connu beaucoup d’épreuves dans sa vie. Il a parlé ouvertement avec les Canadiens des mauvais traitements qu’ont subis sa famille et lui aux mains de son père. Il nous a parlé de son cheminement vers l’alphabétisation, un secret qu’il n’avait dévoilé qu’à son épouse, Debbie. Jacques Demers s’est servi des moments difficiles de sa vie pour aider les autres, en versant une partie du produit de la vente de son autobiographie, parue en 2005, à des refuges pour femmes et enfants battus et à des programmes d’alphabétisation.
[Traduction]
Cette action témoigne du genre d’homme qu’est Jacques Demers : toujours prêt à aider les autres, à les encourager et à les amener à se surpasser, comme savent si bien le faire tous les grands entraîneurs.
[Français]
Honorables sénateurs, je conclurai mes propos avec quelques mots que j’adresse directement à notre collègue.
Sénateur Demers, je sais que vous nous regardez aujourd’hui. J’espère que vous ressentez tout le respect et l’affection que nous avons et que nous aurons toujours pour vous. Votre chemin est rempli d’obstacles, mais j’espère que cela vous réconforte de savoir que nous marchons à vos côtés. Je vous souhaite une longue retraite, remplie de bons moments, où vous serez entouré des personnes que vous chérissez. Chacun de vos collègues au Sénat vous souhaite, ainsi qu’à votre famille, tout ce qu’il y a de mieux pour l’avenir. Nous sommes tous derrière vous, coach.
[Traduction]
Que Dieu vous bénisse, Jacques.
[Français]
L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs et sénatrices, au nom des libéraux indépendants au Sénat, je me joins à mes collègues pour rendre hommage à notre cher ami et collègue, le sénateur Jacques Demers.
Nous connaissons tous ses réalisations dans le monde du hockey, notamment lorsqu’il a remporté la Coupe Stanley, en 1993, avec les Canadiens de Montréal. Il a été un entraîneur sans pareil pendant près de 15 ans ce qui lui a valu le trophée Jack Adams, décerné au meilleur entraîneur de la Ligue nationale de hockey, à deux reprises.
[Traduction]
Toutefois, Jacques Demers a aussi été entraîneur de hockey dans ma province, le Nouveau-Brunswick. Il a été entraîneur-chef de l’Express de Fredericton, une équipe de la Ligue américaine de hockey qui a été affiliée aux Nordiques de Québec pendant ses deux premières saisons, de 1981 à 1983. Au cours de sa deuxième année à la barre de l’équipe, il a mené l’Express à la première place dans sa division. Cet exploit lui a valu le trophée Louis A.R. Pieri Memorial, décerné à l’entraîneur de l’année de la Ligue américaine de hockey.
Nos chemins se sont croisés pour la première fois lorsque Jacques s’est impliqué dans le milieu du hockey à Saint John, au Nouveau-Brunswick. À l’origine, l’Express était censé jouer ses matchs à Saint John, mais un problème survenu à l’aréna Lord Beaverbrook a empêché l’équipe d’y établir son domicile. Comme il avait déjà déménagé à Saint John et qu’il n’était pas du genre à rester oisif, le sénateur Demers a passé ses deux premiers mois dans cette ville à diriger une équipe de hockey de niveau midget AAA. Un des anciens joueurs s’est souvenu de l’impact qu’avait eu coach Demers sur cette équipe. Jacques a pris le programme en main, nous a fait porter chemise et cravate et nous a donné une toute nouvelle dimension. Lorsqu’il a pris les rênes de l’équipe, nous avons commencé à gagner. Grâce à lui, nous avons vu que les choses allaient s’améliorer.
(1410)
À l’époque, il habitait à Quispamsis, au Nouveau-Brunswick, une ville voisine de Hampton, où j’habite. J’ai été très heureux de sa nomination au Sénat. Nous sommes alors devenus des voisins, de plus près cette fois-ci, au huitième étage de l’édifice Victoria.
Il a assumé ses nouvelles fonctions au Sénat avec la même compétence et le même professionnalisme qui lui ont si bien réussi au hockey. Je me souviens du discours touchant qu’il a prononcé devant nous lorsqu’il nous a parlé pour la première fois du fait qu’il était analphabète. Il est devenu un grand défenseur de l’alphabétisation et son histoire a inspiré d’autres personnes à améliorer leurs capacités de lecture et d’écriture.
[Français]
Sénateur Demers, cher ami, votre sagesse et votre dynamisme nous manquent, mais votre héritage demeurera toujours, ici au Sénat. Les sénateurs du groupe libéral et moi vous offrons, ainsi qu’à votre épouse, Deborah, et à tous les membres de votre famille, nos meilleurs vœux.
Je tiens à adresser un mot spécial à Line Tessier, son adjointe, pour la remercier de son appui depuis plusieurs années. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Jacques Demers et moi étions également voisins de bureau au huitième étage de l’édifice Victoria. C’est un beau et grand privilège pour moi de pouvoir lui rendre hommage aujourd’hui.
Certes, son ascension et sa carrière dans la Ligue nationale de hockey ont été des plus remarquables, mais Jacques Demers est aussi un sénateur doté de grandes qualités humaines. Plusieurs qualificatifs nous viennent à l’esprit quand on pense à lui : un homme bon, enthousiaste, fougueux parfois, un homme d’équipe et, très certainement, un homme courageux. Il l’a démontré très souvent tout au long de sa vie, comme il le fait encore maintenant.
Issu d’un milieu pauvre et défavorisé, analphabète pendant une bonne partie de sa vie, il a décidé d’apprendre avec détermination à lire et à comprendre, au-delà des lettres. C’est ainsi que, après avoir été un symbole et un modèle pour tous les amateurs de hockey, il a soutenu la cause de l’alphabétisation. La grande audace qu’il a démontrée en s’ouvrant sur son histoire personnelle a permis à plusieurs Québécoises et Québécois qui se trouvent dans la même situation que lui de comprendre qu’ils ne sont pas seuls et qu’il vaut la peine d’apprendre. Je suis convaincue que sa participation à cette lutte a permis de changer des vies.
Ensuite, il est devenu sénateur, avec tout ce que cela comporte en matière d’alphabétisme. Quel tour du chapeau, sénateur Demers!
Son courage m’aura marquée une fois de plus lors de la fusillade du 22 octobre 2014. Ce matin-là, il y avait une rencontre du groupe conservateur. Or, lorsque nous avons entendu les rafales de coups de feu, ne sachant pas du tout ce qui se passait dans l’enceinte du Parlement, nous étions tous très effrayés. J’ai eu le réflexe de vouloir me cacher sous les chaises, mais ce n’était pas la bonne façon de se protéger. Tout le monde se précipitait vers les portes, mais elles étaient verrouillées.
C’est alors que le sénateur Demers m’a pris le bras et m’a rassurée en me disant que tout allait bien se passer. Il avait un calme exemplaire et une grande maîtrise de lui-même. Il m’avait alors dit ceci, et je m’en souviendrai toute ma vie : « Ne vous inquiétez pas, madame Bellemare, je vais vous protéger », avec le sourire qu’on lui connaît.
Si je partage cette anecdote avec vous, c’est parce qu’elle exprime qui est le sénateur Demers à mes yeux : un homme brave et courageux. Jacques Demers a fait preuve de courage lorsqu’il a décidé de devenir un sénateur non affilié en janvier 2016. Le printemps suivant, les sénateurs Demers, McCoy, Wallace, Ringuette, Rivard et moi avons fondé le Groupe des sénateurs indépendants. Nous avions tous pour objectif de promouvoir un Sénat indépendant, non partisan et efficace, un Sénat qui assurerait le droit à l’égalité de tous les sénateurs, peu importe le groupe auquel ils appartiennent, et un Sénat dont les Canadiens seraient fiers. Je le remercie d’avoir cru au grand projet de la modernisation du Sénat.
Les entraîneurs de hockey doivent faire preuve de courage et de leadership. Coach Demers, c’est « mission accomplie ». Maintenant, sénateur Demers, est venu le temps d’accrocher vos patins. Je vous souhaite une bonne retraite, vous l’avez bien méritée.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais comment faire autrement lorsqu’on rend hommage à un grand Montréalais, Québécois et Canadien?
Comme on le sait, le sénateur Demers était un peu étranger à la politique à son arrivée ici, mais il a toujours compris qu’il s’agissait fondamentalement de représenter sa région et les gens. Et s’il y a quelqu’un qui aime les gens, c’est le sénateur Jacques Demers. D’entrée de jeu, il a tiré profit de ses excellentes qualités de leader et a rapidement appris comment communiquer et collaborer en politique.
J’aimerais raconter des souvenirs de Jacques. Ultimement, nous nous souviendrons tous de lui comme d’un personnage public qui ne refusait rien à personne. Vous vouliez un autographe? Il acceptait. Vous vouliez une paire de billets et un chandail pour une noble cause? Il acceptait. J’ai eu l’honneur de coanimer avec lui quelques activités de collecte de fonds pour l’autisme, une très bonne cause. Lorsqu’il s’agissait des enfants, Jacques Demers avait le cœur gros comme le pays. Il disant toujours oui et se montrait toujours à la hauteur de la situation. Même très fatigué, il signait l’autographe qu’on lui demandait, avec un sourire. Voilà Jacques Demers.
Je me souviens d’il y a quelques années quand mon fils cadet participait à un championnat régional de catégorie peewee double AA. J’avais alors humblement demandé au sénateur Demers: « Auriez-vous la gentillesse d’assister au match et, à la fin, peut-être pourriez-vous descendre sur la glace pour remettre le trophée à l’équipe gagnante? » Il avait répondu « Certainement. À quelle heure est le match? » Je lui avais répondu « Il commence à 14 heures, mais il se terminera vers 16 heures. Pourquoi ne venez-vous pas vers 15 h 50? »
Jacques est arrivé à 13 h 30. Il est allé dans les vestiaires pour rencontrer les deux équipes et les encourager. Il est resté à sa place pendant deux heures et il m’en a appris un peu sur les échecs avant en formation deux-un-deux et ses différentes variantes. C’était des renseignements utiles pour une personne comme moi qui possède une certaine expérience politique mais qui n’a été qu’entraîneur dans une ligue de hockey mineur. Ce fut un moment agréable que j’ai vécu aux côtés de Jacques Demers. Il est resté jusqu’à la fin du match, est allé sur la glace, a serré la main de chacun des enfants et leur a remis leur médaille. Voilà qui est typique de Jacques Demers. Cette anecdote en dit long sur ce grand parlementaire et grand Canadien.
Il s’est familiarisé très rapidement avec le monde de la politique. Nous avons tous entendu parler des défis personnels qu’il a dû relever, notamment sur le plan de l’alphabétisation. Quoi qu’il en soit, je dois dire que peu de parlementaires sont aussi bilingues et instruits que Jacques Demers. Il s’exprime clairement, il parle du fond du cœur, il a l’esprit vif et son expérience de vie lui a permis de devenir un remarquable sénateur.
J’ai eu le privilège d’être assis à côté de lui. Il m’a beaucoup appris au sujet de la vie et du hockey. Nous lui souhaitons bonne chance. Il a eu des ennuis de santé et nous ne bénéficierons plus de sa présence, mais il n’a certainement pas dit son dernier mot. Nous connaissons tous son caractère combatif. Je suis certain qu’il continuera à se battre et à faire un apport remarquable à la société. Je rends hommage à Jacques Demers. Merci, Jacques, de tout ce que vous avez fait. Que Dieu vous bénisse!
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, le sénateur Demers prendra bientôt sa retraite du Sénat. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de travailler avec lui dans cette arène, mais je l’ai tout de même côtoyé dans l’univers du hockey où j’ai évolué pendant une dizaine d’années. Je pense que Jacques Demers est respecté de tous, autant ici qu’à l’extérieur, car c’est un grand humaniste. Je suis heureux d’avoir l’occasion de le remercier de sa contribution.
Arrivé au Sénat en 2009 à la suite d’un parcours atypique, il choisit de consacrer son mandat à la défense des plus démunis et à la lutte contre l’analphabétisme. Impliqué auprès de nombreux organismes de charité qui œuvrent dans ce milieu depuis la publication de son autobiographie en 2005, où il révèle son grand secret, il a su inspirer de nombreuses personnes par sa persévérance, sa force de caractère et son altruisme.
(1420)
Au Sénat, comme dans la vie de tous les jours, le sénateur Demers a su rester lui-même et agir selon ses principes, dans le respect de ses valeurs qui sont à la base de son leadership contagieux.
On se souviendra notamment de son vote courageux en faveur du projet de loi du sénateur Lapointe contre les machines de vidéopoker, que l’on retrouve particulièrement dans les quartiers défavorisés.
Être un bon joueur d’équipe était primordial pour lui, mais il aura su établir ses limites et rester fidèle à ses convictions.
Les Canadiens se souviendront surtout du fait que, avant de fouler le tapis rouge du Sénat, il a marché sur le tapis rouge du Canadien, mais jamais sur son logo, un sacrilège. Celui que le Québec appelle affectueusement le « coach » demeure le dernier entraîneur à avoir mené le Canadien à la Coupe Stanley, il y a déjà 26 ans.
Sénateur Demers, nous vous remercions de votre service public. Vous êtes un excellent ambassadeur de la Chambre haute, des causes que vous avez appuyées et du Canada en entier. Nous avons tous en mémoire ce jour d’avril 2016 où votre vie a basculé et vous a amené à revoir vos priorités. Sachez que votre persévérance continue et continuera d’inspirer les Canadiens. Nous vous souhaitons la meilleure des chances pour la suite des choses, et nous saluons au passage les gens qui vous entourent et qui vous aiment. Merci.
[Traduction]
L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je revois encore Jacques Demers, assis en face de moi avec le sourire aux lèvres, comme toujours. Je porte aujourd’hui l’épinglette des Canadiens que le coach m’a donnée au début de sa carrière au Sénat. Il m’a dit que je pouvais l’appeler coach. Il a dit que nous pouvions tous l’appeler ainsi. C’était formidable.
Cet homme intronisé au Temple de la renommée de l’Association mondiale de hockey a été un excellent entraîneur de la LNH, notamment comme entraîneur-chef des Nordiques de Québec, des Blues de St. Louis, des Red Wings de Detroit et du Lightning de Tampa Bay. Il a aussi remporté la coupe Stanley, en 1992-1993, avec les Canadiens de Montréal; c’est la dernière fois qu’une équipe canadienne a gagné ce trophée.
Je suis revenu de Chine avec mes fils pendant cette série. À la maison, j’ai fait croire à mes fils, alors âgés de 5 et 8 ans, que j’avais aussi joué pour les Canadiens de Montréal. Je n’aurais jamais imaginé que je deviendrais sénateur, et encore moins que je siégerais aux côtés de deux grands du hockey, Jacques Demers et Frank Mahovlich, le Big M.
Vous voyez, chers collègues, les rêves peuvent vraiment se réaliser. C’était une époque fantastique. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’il y avait une sonnerie, à ce moment-là. Eh oui, il y avait des sonneries, à l’époque. Quand la saison de hockey ou les séries éliminatoires de la coupe Stanley battaient leur plein, nous profitions des sonneries pour parler de hockey tandis que nous étions assis au Sénat ou ailleurs. Nous discutions des échanges, des tirs de pénalité, des décisions d’un arbitre ou des séries.
Comme je suis mordu de sport, nous avons vite trouvé des points communs grâce au hockey et à d’autres sujets. Nous avons discuté des Jeux Olympiques spéciaux et du fait que le sport a un pouvoir transformateur, qu’il accroît la confiance en soi et transforme des vies, et qu’il nous donne la chance de faire partie d’une équipe et d’avoir des modèles positifs. Le coach était lui-même un modèle à suivre, un mentor. Il pouvait apporter une contribution positive à la vie d’une autre personne, et il le savait très bien. Je sais que, grâce à son leadership et à son engagement dans le monde du hockey, Jacques Demers a apporté quelque chose de particulier à de nombreux joueurs.
Quelque chose de très important s’est produit ici. Vous vous rappelez peut-être la sénatrice Joyce Fairbairn et sa défense efficace de l’alphabétisation. M. Demers et elle ont immédiatement tissé des liens. Elle lui a offert son aide. Le fait qu’il ne puisse pas lire n’a pas empêché Jacques Demers de convaincre le Canada et le monde qu’il est possible de réaliser ses rêves ici et ailleurs. M. Demers avait cette stature. La sénatrice Fairbairn a été une alliée au Sénat sur le chemin vers cette victoire.
Honorables sénateurs, lorsque je pense au coach, son grand sourire me vient à l’esprit. Je pense à un homme qui traite tout le monde avec respect et dignité. Pour lui, tout le monde mérite d’être considéré comme un gagnant.
J’aime cette épinglette des Canadiens de Montréal. Je la place tout près de mon épinglette du Sénat, parfois même un peu au-dessus de celle-ci. L’équipe remportera peut-être de nouveau la coupe un jour. L’épinglette me rappelle les convictions du coach Demers. Je veux le remercier de sa sagesse.
Je n’ai absolument aucune idée d’où vient cet accessoire; je sais que ce n’est pas permis. Jacques Demers a siégé en portant un uniforme bleu, mais j’ai toujours pensé que le rouge lui allait mieux.
Merci, honorables sénateurs.
[Français]
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, c’est à mon tour de prendre quelques minutes pour rendre hommage à notre collègue et ami, Jacques. Nous avons tous des anecdotes particulières à raconter — j’en ai évidemment moi aussi. En 2010-2011, mon bureau était à l’édifice Victoria et, puisque j’ai été nommé le même jour que Jacques, les pièces étant attribuées par ancienneté, nous sommes devenus voisins de bureau.
Nous recevions des visiteurs de temps à autre. Un jour, j’accueillais trois visiteurs de ma région, des hommes d’affaires qui étaient venus à Ottawa pour assister à une partie de hockey des Sénateurs d’Ottawa. Durant cette rencontre, mon adjoint a eu la bonne idée de vérifier si Jacques était disposé à venir saluer mes visiteurs. Comme vous pouvez le deviner, tout naturellement et avec entrain, il a accepté et s’est pointé à mon bureau. En le voyant, mes trois invités se sont transformés en gamins devant l’arbre de Noël le plus majestueux; ils avaient des étoiles dans les yeux.
Voilà l’effet que Jacques Demers avait lorsqu’on le rencontrait. Cet homme d’une telle gentillesse et d’une grande humilité est en même temps un personnage plus grand que nature; il est une légende bien vivante au Québec et dans le reste du Canada.
Je me sens privilégié d’avoir été nommé au Sénat la même journée que lui, d’avoir siégé à ses côtés et d’avoir travaillé en étroite collaboration avec lui. Alors que j’étais leader du gouvernement au Sénat, je pouvais toujours compter sur lui à titre de joueur d’équipe fidèle et infatigable. Il était aussi bon joueur d’équipe qu’il était un leader inspirant. Il était honnête et franc et, avec lui, nous avions toujours l’heure juste.
Au sein du caucus conservateur, à plusieurs reprises, il s’est levé en revêtant son habit de coach pour nous brasser un peu lorsque nous « patinions sur la bottine », pour nous encourager lorsque nous nous faisions plaquer dans la bande ou pour nous féliciter lorsque nous avions marqué des buts.
Jacques est un homme attentionné, passionné, authentique et profondément humain; bref, un exemple pour nous tous.
Lorsque j’ai eu 50 ans, mes amis m’ont organisé une fête surprise et ils avaient pris la peine d’inviter Jacques, sachant tout l’attachement que j’avais pour lui. De sa propre initiative, Jacques a fait faire un chandail du Canadien avec mon nom brodé au dos et le numéro 50. Comme mes visiteurs dont je vous ai parlé plus tôt, j’étais devenu le petit gamin devant l’arbre de Noël. C’est un cadeau que je conserverai toute ma vie.
Chers collègues, la maladie a fauché notre ami il y a trois ans et nous a privés de sa précieuse compagnie depuis. Malgré tout, Jacques garde le moral et est courageux. Il aura l’âge de la retraite cet été. Nous tenons à le remercier de sa contribution et de cette saison de 10 années au Sénat, qui se termine avec les séries. Salut, coach! Merci infiniment.
[Traduction]
L’honorable Michael Duffy : Honorables sénateurs, nous avons entendu de nombreux éloges pleinement mérités à l’endroit de notre collègue qui part à la retraite, alors je serai bref dans mon hommage à l’honorable Jacques Demers. Dans le dictionnaire, au mot « honorable », on trouve la définition « qui mérite d’être honoré », et c’est une description qui va parfaitement à notre collègue, le coach, qui prend sa retraite.
Jacques Demers était déjà un sénateur indépendant avant que cette expression commence à être utilisée au Sénat. Il a collaboré avec des sénateurs de toutes les allégeances. Il a été mon voisin de banquette, mon coach et mon ami, particulièrement lors de la sombre époque où on entachait la réputation d’innocents sénateurs pour des raisons purement politiques. Je crois que c’est ce qui l’avait poussé, ainsi que plusieurs autres, à mettre de côté la politique partisane et à siéger en tant qu’indépendant. Grâce aux services rendus au pays par le sénateur, à sa générosité et à sa vision, le Sénat est un meilleur endroit et le Canada est un meilleur pays.
Je suis heureux de joindre ma voix à celle de tous les sénateurs pour souhaiter à mon coach Jacques et à sa famille une longue et heureuse retraite dans la santé.
(1430)
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir qu’à mon tour je rends hommage à un de nos amis, le sénateur Jacques Demers, ou coach, comme la plupart d’entre nous, dont moi, l’appellent.
Une première impression reste toujours avec nous. Je peux dire que j’ai été impressionné dès que j’ai fait la connaissance du coach. Il parlait avec sincérité, il était énergique et, dans un monde de libre arbitre, il avait choisi d’être gentil, humble et authentique.
Tout le monde a une histoire à raconter à propos du coach. Pour ma part, j’en ai plusieurs. Je vais vous en raconter une seule. Je n’avais jamais assisté à une partie de hockey de la LNH de ma vie, et tout le monde parlait de hockey. Un jour, j’ai dit au coach : « Pourriez-vous m’obtenir deux billets? Pas gratuitement, je vais les payer. Je veux simplement avoir une bonne place quand j’irai voir la partie à Montréal. »
Quelques jours plus tard, il avait une paire de billets que j’ai pu lui acheter. J’ai invité ma fille à la partie à Montréal. Je dois avouer que ce fut une expérience électrisante. Je n’avais jamais rien vu qui s’en rapprochait. C’était une partie entre Toronto et Montréal. L’avant-match m’a semblé plus amusant que la partie elle-même, mais c’était absolument incroyable. Je n’avais jamais assisté à un événement de ce genre.
À notre retour, ma fille a envoyé une carte de remerciement au coach pour le remercier de lui avoir permis de vivre cette expérience. Plusieurs mois plus tard, il m’a remis une enveloppe pour ma fille. Il m’a dit : « Voici une enveloppe pour Heather. Ne l’ouvrez pas. C’est un cadeau pour elle. » À la maison, j’ai découvert que l’enveloppe contenait deux billets pour assister à une autre partie à Montréal. C’était un cadeau du coach. Nous y sommes retournés. L’expérience a été tout aussi électrisante.
Il y a environ quatre ans, il a téléphoné à la maison et a laissé un message pour Heather, notre fille. Elle refuse de l’effacer. Il est toujours sur notre boîte vocale. Ce n’est qu’un exemple de l’effet qu’il a sur les gens, jeunes ou vieux, qui ont la chance de croiser son chemin.
Je tiens aussi à remercier Jacques Demers pour son amitié. Toujours la main tendue, il avait un conseil pour chacun de nous. Je me rappelle, quand nous traversions des périodes plus difficiles, il réussissait à rassembler tout le monde autour de la table lors des réunions du caucus grâce à ses talents d’entraîneur. Il nous rappelait les grandes leçons de la vie et l’importance de la collaboration. Je considère comme un immense privilège d’avoir pu le connaître et d’avoir pu travailler avec lui.
Un de mes amis, qui avait annoncé sa venue à Ottawa, m’avait demandé s’il pouvait rencontrer le coach et prendre une photo avec lui. Il est arrivé à la porte principale de l’édifice du Centre avec un chandail des Canadiens de Montréal. Le coach était toujours disponible pour une photo ou un autographe, même à quelques minutes d’avis. Le sénateur Demers est l’une des personnes les plus affables et les plus aimables qu’il m’a été donné de côtoyer depuis que je suis ici, à Ottawa.
Comme dans toute bonne organisation, certaines personnes ne font pas trop de vagues quand elles partent, mais je peux vous assurer du plus profond de mon cœur que le sénateur Jacques Demers me manque depuis la première journée où il a dû s’absenter. Une chose est sûre, cet homme marque les esprits. Ami fidèle, il est aussi un grand Montréalais, un grand Québécois, mais d’abord et avant tout un grand Canadien.
Des voix : Bravo!
[Français]
Remerciements
L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, l’honorable coach Demers m’a demandé de prendre la parole en son nom.
Cependant, permettez-moi tout d’abord de vous raconter une anecdote qui m’est venue à l’esprit lorsque je vous écoutais. Je voudrais souligner, moi aussi, à quel point Jacques Demers est devenu une véritable légende au Québec.
Vous avez parlé de l’importance du sénateur Demers et du rôle qu’il a joué dans vos vies. Vos anecdotes me rappellent que, en 1992, lorsque je revenais de Barcelone avec ma toute première médaille des Jeux paralympiques — époque où les sports paralympiques n’étaient pas tellement connus —, on m’avait demandé si je voulais bien accorder une entrevue à RDS. C’était pour moi quelque chose d’impressionnant à cette époque. J’étais très excitée et je m’étais dit que mon père serait sans doute très heureux d’apprendre que je passerais à RDS pour une première entrevue. La première réaction de mon père a été de dire : « T’es bien chanceuse, tu vas rencontrer Jacques Demers! » Voilà qui est très révélateur de ce que représente Jacques Demers aux yeux des Québécois.
C’est pour moi un plaisir et un grand privilège de vous lire le message de l’honorable Jacques Demers, qui nous regarde en ce moment.
[Au nom de l’honorable Jacques Demers]
Monsieur le Président, honorables Sénateurs, c’est avec grande émotion que je vous adresse aujourd’hui la parole pour la dernière fois.
La fin de ma période a sonné, et c’est aujourd’hui que je vous dis au revoir. Dix années se sont écoulées depuis ma nomination et je me sens privilégié d’avoir eu l’occasion de siéger dans cette Chambre, la Chambre haute du Sénat. Je suis choyé d’avoir eu la chance de vous compter parmi mes amis et collègues. Ce fût un parcours parfois difficile, mais j’ai toujours obtenu votre soutien, votre appui et, surtout, votre respect. J’ai également été chanceux d’avoir pu profiter de vos connaissances et de vos compétences, qui m’ont permis d’accomplir mes tâches adéquatement. La vie parlementaire est très différente de la vie sportive et offre des défis audacieux. Vous m’avez tous apporté, à votre façon, ce quelque chose que je garde précieusement en souvenir.
Je veux remercier tout le personnel de soutien, les pages du Sénat qui font un travail fantastique, le personnel de l’entretien, et les chauffeurs d’autobus qui m’ont si souvent fait rire avec leurs commentaires et conseils à apporter au sein de l’équipe du Canadien de Montréal. À tous ceux et celles qui font en sorte que notre travail soit plus agréable, au personnel des cafétérias et à nos précieux messagers, sans oublier tous ceux et celles qui agissent dans l’ombre, je dis un gros merci.
Ces 3 dernières années ont été très difficiles, et si j’ai pu en arriver ici aujourd’hui, c’est grâce à une grande détermination et au soutien à mes côtés de ma collaboratrice et directrice des 10 dernières années, Mme Line Tessier. Elle m’a apporté la volonté nécessaire et, surtout, l’attitude positive qui m’ont permis de garder le cap. Je tiens à profiter de cette occasion pour la féliciter, elle qui, avec plus de 35 ans d’expérience au sein du Parlement, a célébré ses 25 ans de carrière au service du Sénat en avril dernier. Je veux la remercier aussi pour sa loyauté, son professionnalisme, sa délicatesse face à ma situation actuelle, son dévouement sans fin et son appui inconditionnel. Au cours de mes 10 années de vie politique, Line m’a été d’une aide indispensable, et je ne pourrai jamais assez lui dire merci.
Mes chers collègues et amis, ce fut pour moi un honneur de siéger et de travailler à vos côtés. Maintenant que cette période est terminée, celle de la retraite débute.
Sénatrice Petitclerc, merci de votre grande générosité et d’avoir accepté de me prêter votre voix aujourd’hui.
À vous tous, merci du fond du cœur.
Votre coach, le sénateur Jacques Demers.
Merci, coach!
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Julia Deans et d’Elizabeth Wilson. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice McPhedran.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Connor Scott et de sa famille. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Boyer.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Kimberley Roper et d’Elspeth Burris. Elles sont les invitées de l’honorable sénateur Black (Ontario).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Président du Sénat
La visite de la délégation parlementaire en Argentine, au Chili et au Pérou, du 28 août au 7 septembre 2018—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je demande le consentement de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire du Sénat, dirigée par le Président du Sénat, concernant sa visite en Argentine, au Chili et au Pérou, du 28 août au 7 septembre 2018.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La visite de la délégation parlementaire en Malaisie, du 10 au 13 mars 2018—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je demande le consentement de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire du Sénat, dirigée par le Président du Sénat, concernant sa visite en Malaisie, du 10 au 13 mars 2019.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(1440)
[Traduction]
L’étude sur les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers
Dépôt du trente-deuxième rapport du Comité des banques et du commerce
L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le trente-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé Un système bancaire ouvert, qu’est-ce que cela signifie?. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Black (Alberta), l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie
La Loi fédérale sur les hydrocarbures
Projet de loi modificatif—Présentation du vingt et unième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles
L’honorable Rosa Galvez, présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :
Le mercredi 19 juin 2019
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a l’honneur de présenter son
VINGT ET UNIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-88, Loi modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi fédérale sur les hydrocarbures et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, a, conformément à l’ordre de renvoi du lundi 17 juin 2019, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
ROSA GALVEZ
(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 5094.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
L’honorable Margaret Dawn Anderson : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Sur la motion de la sénatrice Anderson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)
L’Association interparlementaire Canada-France
La réunion annuelle, tenue du 8 au 12 avril 2019—Dépôt du rapport
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association interparlementaire Canada-France (AICF) concernant sa participation à la 47e réunion annuelle de l’AICF, tenue dans les régions du Gard et des Alpes-Maritimes, en France, du 8 au 12 avril 2019.
[Traduction]
Sécurité nationale et défense
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 21 juin et le 1er août 2019, un rapport sur son étude des politiques, pratiques, circonstances et capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
[Français]
Affaires étrangères et commerce international
Autorisation au comité de déposer son rapport sur des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères et du commerce international soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, son rapport sur la sécurité matérielle des missions diplomatiques canadiennes à l’étranger, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Les travaux du Sénat
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour que la motion no 524, inscrite au Feuilleton, soit mis à l’étude maintenant et, si le consentement est accordé, je propose la motion qui nous permettra de siéger demain matin à 9 heures pour étudier la Loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles proposée par Mme Ambrose.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénateur Dalphond, le consentement n’est pas accordé.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les ressources naturelles
L’oléoduc Trans Mountain
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, comme prévu, le gouvernement fédéral a, une nouvelle fois, donné son approbation finale au projet d’expansion du pipeline Trans Mountain, pipeline qu’il a acheté pour 4,5 milliards de dollars, puisés à même l’argent des contribuables, en 2018.
Comme on le craignait, l’annonce ne nous a rien appris sur l’échéancier pour le début des travaux de construction, la mise en service du pipeline ou même la demande et l’obtention des permis. Comme le gouvernement l’a reconnu hier, il devra obtenir d’autres approbations réglementaires avant que la construction puisse commencer, notamment l’approbation de l’Office national de l’énergie et l’approbation aux termes de la Loi sur les Indiens et de la Loi sur les pêches, ainsi que des permis au titre de la Loi sur les espèces en péril, pour ne nommer que ceux-là.
Sénateur Harder, comment le premier ministre peut-il affirmer que les travaux commenceront dès cette saison de construction alors que le gouvernement n’a même pas encore établi d’échéancier pour obtenir tous ces permis et toutes ces autorisations réglementaires?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur pour sa question. La première chose que j’aimerais dire, je pense, c’est que l’annonce faite hier est une excellente nouvelle pour le secteur canadien de l’énergie et une très importante nouvelle pour le Canada. Il s’agissait d’un projet complexe, manifestement, dont l’étude a nécessité un certain temps. Je me suis réjoui de la déclaration que l’ancien juge Iacobucci, de la Cour suprême, a faite au sujet des consultations ordonnées par les tribunaux.
Le gouvernement du Canada, de concert, bien sûr, avec l’entreprise, s’engage à commencer les travaux cette saison de construction. Les demandes d’autorisation requises pour ces travaux ont déjà été soumises, et l’engagement du gouvernement demeure clair et ferme.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur le leader.
En mai 2018, lorsque le gouvernement a annoncé qu’il avait acheté l’oléoduc Trans Mountain à Kinder Morgan, le ministre Morneau a affirmé que l’entente garantissait la reprise des travaux pendant la saison de la construction. Ce n’est pas ce qui s’est passé.
En juillet dernier, nous avons appris qu’environ 1 100 permis seraient nécessaires pour l’étape de la construction de ce projet. Avant que le gouvernement fédéral ne fasse l’acquisition de l’oléoduc, un peu plus de 700 demandes de permis avaient été présentées. Or, depuis qu’il est devenu propriétaire de Trans Mountain, un seul permis a été demandé.
Monsieur le sénateur Harder, les Canadiens ont de bonnes raisons d’être sceptiques quant à la capacité et à la volonté du gouvernement d’achever la construction de cet oléoduc. Le gouvernement peut-il au moins dire aux contribuables à quelle date les travaux de construction commenceront à Burnaby?
Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, comme je l’ai dit, Trans Mountain Corporation, l’entreprise qui est responsable des travaux, a de toute évidence réagi favorablement à l’annonce qui a été faite. À pied d’œuvre, elle est en train d’établir un régime de conformité qui permettra d’entamer les travaux au cours de l’actuelle saison de la construction.
(1450)
[Français]
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. L’incohérence des idées et des promesses semble être devenue la marque de commerce de votre premier ministre. En l’espace de quelques jours, il adopte une motion sur la situation d’urgence climatique nationale, alors qu’il consacre 9 milliards de dollars au développement du pipeline Trans Mountain. En outre, il a fait cette annonce sans avoir tenu sa promesse de consulter les Premières Nations ou de s’entendre avec elles, tout en empiétant sur les affaires provinciales de la Colombie-Britannique.
Cela ressemble à un gros « ballon » électoral qui risque de générer d’autres conflits et des coûts que devront assumer les Canadiens. Je retiens surtout qu’il a affirmé que le développement du pipeline Trans Mountain se fera sans provoquer une augmentation de la production de pétrole. J’avoue que cela manque de sérieux.
Pouvez-vous nous expliquer par quel tour de magie le premier ministre fera en sorte que notre capacité d’exportation augmente pendant que la production restera la même en Alberta? A-t-il conclu des accords secrets avec les producteurs de pétrole ou le gouvernement de l’Alberta pour affirmer cela?
[Traduction]
Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Comme il le sait sans doute, ce projet vise à favoriser l’augmentation des exportations canadiennes de ressources naturelles — dans ce cas, le pétrole —, qui devrait générer des recettes de 73 milliards de dollars pour les producteurs sur une période de 20 ans.
Parallèlement, on s’attend à ce que les recettes de l’État augmentent de 46 milliards de dollars au cours de la phase de construction et des 20 premières années d’exploitation. Comme l’a fait remarquer le premier ministre, les recettes provenant de l’impôt sur les sociétés devraient, à elles seules, générer environ 500 millions de dollars supplémentaires par année dès que le projet sera pleinement opérationnel. J’attire également l’attention du Sénat sur la promesse faite par le gouvernement d’utiliser ces fonds pour promouvoir les énergies vertes et pour effectuer la transition vers une économie moins axée sur le carbone.
L’économie mondiale se trouve dans une période de transition et se dirige vers un modèle moins énergivore. Nous devons tenir compte des changements climatiques et progresser de façon adéquate pour nous montrer à la hauteur de nos engagements sur la scène internationale. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas exploiter nos ressources pour faire en sorte que la planète effectue la transition vers des sources énergétiques moins axées sur le carbone.
Les affaires étrangères et le commerce international
Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, en mai 2016, la ministre des Affaires autochtones et du Nord de l’époque, l’honorable Carolyn Bennett, a annoncé que le Canada appuierait pleinement et sans réserve la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Plus récemment, elle a déclaré que le gouvernement lançait un certain nombre d’initiatives législatives importantes afin de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies, dont le projet de loi C-262. Toutefois, comme nous le savons tous, le projet de loi C-262 languit au Feuilleton du Sénat. Il risque maintenant de ne pas être débattu — et ne parlons pas de ses chances d’être mis aux voix.
Sénateur Harder, pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement va faire au sujet du projet de loi C-262 et, de façon plus générale, ce qu’il va faire au sujet de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question, qui est importante. Comme je l’ai dit ici même, le gouvernement appuie le projet de loi C-262, ainsi que d’autres initiatives parlementaires.
Les sénateurs se souviendront que j’ai parlé en faveur du projet de loi C-262 à l’étape de la deuxième lecture. À titre de représentant du gouvernement, j’ai voté en faveur du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Toutefois, pour des raisons que nous pouvons comprendre, depuis pas mal de temps, le Sénat n’a pas été en mesure de se pencher sur le projet de loi C-262 et d’autres initiatives parlementaires. Ces dernières semaines, le Sénat a, à juste titre, accordé la priorité aux affaires du gouvernement. Les partis n’ont pas pu s’entendre pour régler d’autres affaires.
À ce stade, honorables sénateurs, force est de constater qu’il n’y a pas de volonté commune pour qu’on puisse se pencher sur le projet de loi C-262 et d’autres affaires qui ne sont pas proposés par le gouvernement. Je le regrette, mais il n’y a tout simplement pas d’issue. S’il est décevant de ne pas pouvoir mener à leur terme les initiatives parlementaires, ceux qui sont ici depuis de nombreuses législatures savent que la situation à laquelle nous faisons face aujourd’hui n’est pas unique à la fin d’une législature.
Par conséquent, au nom du gouvernement et du premier ministre, j’ai été autorisé à annoncer officiellement au Sénat que, lors des prochaines élections, le Parti libéral du Canada fera campagne sur la promesse de mettre en œuvre, après sa réélection en octobre, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en tant que loi gouvernementale. En conséquence, le gouvernement du Canada entend présenter cette Déclaration en tant qu’initiative ministérielle et procéder rapidement à son étude, à son examen et à son adoption. Cette mesure fera partie des engagements électoraux sur lesquels les Canadiens pourront voter en octobre.
Des voix : Bravo!
Le revenu national
L’Agence du revenu du Canada—L’écart fiscal
L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Harder.
Sénateur Harder, le Sénat ne voulait pas que l’Agence du revenu du Canada s’auto-examine. C’est pourquoi il a adopté le projet de loi S-243, qui exige que le directeur parlementaire du budget effectue une analyse indépendante du manque à gagner fiscal, soit la différence entre ce qui est dû et ce que l’agence perçoit. Malheureusement, ce projet de loi a été rejeté par la Chambre des communes. Nous disposons uniquement de l’auto-examen de l’Agence du revenu du Canada, qui en a publié un autre plus tôt cette semaine.
Néanmoins, du propre aveu de l’agence, selon les quatre analyses limitées qu’elle a effectuées à ce jour, le manque à gagner fiscal atteindrait 23,8 milliards de dollars en impôt impayé et non perçu.
La question est la suivante : pourquoi le gouvernement du Canada ne permet-il pas au directeur parlementaire du budget d’effectuer une analyse indépendante du manque à gagner fiscal pour que les Canadiens sachent combien d’argent l’Agence du revenu du Canada n’arrive pas à percevoir?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et de sa persévérance dans ce dossier, ainsi que dans le dossier d’un certain pont. Je répondrai en disant que le gouvernement du Canada et, bien sûr, la ministre du Revenu national sont déterminés non seulement à assurer l’équité du code fiscal, mais aussi à veiller à ce que tous les contribuables paient leur juste part d’impôt en fonction de leur revenu.
L’honorable sénateur a mentionné le rapport qui vient d’être déposé. Il s’agit du cinquième rapport public sur cette question. Selon ce rapport, on estime que les vérifications récentes du revenu des sociétés qui n’ont pas payé leur juste part d’impôt devraient réduire l’écart fiscal de 6,1 milliards de dollars de plus. De toute évidence, il existe encore un écart fiscal, mais le gouvernement reste clairement vigilant et déterminé. On examine actuellement les revenus des sociétés qui ne sont pas normalement et systématiquement déclarés.
Le sénateur Downe : J’ai une question complémentaire à poser au sénateur Harder, s’il veut bien y répondre.
L’Agence du revenu du Canada n’a pas collaboré avec le directeur parlementaire du budget, même si c’est prévu dans la loi. La bonne nouvelle, c’est que Statistique Canada a collaboré dans une large mesure. Je crois comprendre que le directeur parlementaire du budget produira un rapport plus tard cette semaine; je soupçonne que l’écart fiscal sera encore plus grand.
Honorables sénateurs, une analyse véritablement indépendante prouvera que l’agence a sous-estimé le montant de l’écart fiscal. L’agence elle-même a admis que l’écart fiscal pourrait atteindre 23,8 milliards de dollars. À titre de comparaison, c’est plus que les budgets combinés des ministères de l’Agriculture, du Patrimoine, de l’Immigration et de la Citoyenneté, de l’Environnement, des Pêches et des Océans, de la Santé, des Ressources naturelles, de la Justice, des Transports et des Anciens Combattants.
Honorables sénateurs, imaginez un Canada où l’agence du revenu a un plan d’action et la volonté de véritablement percevoir les milliards de dollars de plus qui sont dus à l’État. Tout le monde y gagnerait. Quand le gouvernement du Canada forcera-t-il l’Agence du revenu du Canada à faire son travail et à percevoir tous ces impôts dus, au profit de tous les Canadiens?
Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question. Je tiens simplement à souligner que le gouvernement actuel a donné les moyens à l’Agence du revenu du Canada d’effectuer des vérifications fiscales et de poursuivre les contrevenants et les fraudeurs fiscaux. Les recettes plus élevées en sont le reflet. Je ne prétends nullement qu’il n’y a pas encore du travail à faire. Je porterai certainement à l’attention de la ministre responsable les préoccupations du sénateur. Je pense qu’il est important pour nous de reconnaître que le gouvernement en a beaucoup fait au cours des quatre dernières années.
(1500)
[Français]
La sécurité publique et la protection civile
Le Service correctionnel du Canada—Les programmes de réhabilitation destinés aux Autochtones
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, il y a plus d’un mois, je vous informais, à la suite de la parution d’un article dans La Presse, que, dans les pénitenciers du Québec, certains détenus s’autoproclamaient Autochtones. Plusieurs chefs des Hells Angels, qui font partie de ces détenus, peuvent être originaires de la rue Sainte-Catherine, à Montréal, ou de Québec, mais ils n’ont sûrement pas habité des réserves autochtones. Ces gens profitent de programmes qui s’adressent aux Autochtones pour favoriser leur réhabilitation, ce qui fait en sorte que d’autres détenus ne puissent accéder à ces programmes.
D’ailleurs, un des Autochtones interviewés par La Presse disait participer à des cercles de guérison dont 15 des 18 membres n’étaient pas des Autochtones.
Depuis un mois, avez-vous eu l’occasion de vous renseigner auprès du Service correctionnel du Canada sur cette situation tout à fait inadmissible? Le cas échéant, est-ce que le Service correctionnel vous a promis d’apporter des correctifs, comme l’a demandé le grand chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, M. Ghislain Picard?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de poser cette question. Elle fait suite à des questions qu’il a déjà posées sur des sujets semblables. Je vais, bien entendu, la porter à l’attention du ministre. Je n’ai pas vu l’article auquel le sénateur fait allusion et je me ferai un plaisir de revenir là-dessus.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Harder, compte tenu de la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral canadien et sachant que des programmes spécifiques s’adressent à leur communauté, pouvez-vous vous engager à communiquer avec le chef Ghislain Picard afin de vous assurer que sa demande d’intervention auprès du ministre de la Sécurité publique sera faite en bonne et due forme, pour que cesse cette pratique tout à fait injustifiée?
[Traduction]
Le sénateur Harder : J’estime qu’il m’incombe de porter cela à l’attention du ministre pour un suivi.
[Français]
L’infrastructure et les collectivités
La Banque de l’infrastructure
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, le 11 juin dernier, je vous ai posé des questions au sujet des opérations de la Banque de l’infrastructure. Vous avez répondu ce qui suit à l’une de ces questions : « La banque mène ses activités en toute indépendance. »
Or, dans une réponse écrite déposée à l’autre endroit, les fonctionnaires du ministère des Finances ont admis avoir rencontré le personnel de la Banque de l’infrastructure à au moins huit reprises, entre octobre et décembre 2018, afin de pousser la banque à investir dans le projet de train à grande vitesse de VIA Rail.
Sénateur Harder, si la banque opère de façon indépendante, comme vous l’avez affirmé, pourquoi les fonctionnaires du ministère des Finances sont-ils mêlés au financement d’un projet de VIA Rail, qui relève du ministère des Transports?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de poser cette question. Il n’y a rien de surprenant à ce que les responsables des investissements dans les infrastructures au ministère des Finances ne veuillent porter à l’attention de la banque de l’infrastructure des projets que le ministère juge méritoires. Indépendance ne veut pas dire en vase clos. Cela signifie simplement que les décisions sont prises par le conseil d’administration.
[Français]
Le sénateur Carignan : Pourquoi n’est-ce pas tout simplement VIA Rail qui fait ses propres démarches?
[Traduction]
Le sénateur Harder : Oui.
[Français]
La justice
Le processus de nomination des juges
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau a récemment annoncé qu’il lançait le processus visant à nommer un juge à la Cour suprême du Canada afin de combler le siège qu’occupait le juge Clément Gascon. Or, au cours des dernières semaines, des renseignements sur la candidature du juge Joyal de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ont été révélés par les médias dans un objectif, semble-t-il, de discréditer l’ancienne ministre Jody Wilson-Raybould. Or, le premier ministre a refusé de lancer une enquête sur ces fuites.
Monsieur le leader, comment le gouvernement s’assurera-t-il de la confidentialité du processus de sélection du prochain juge en chef de la Cour suprême?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Là encore, je garantis à l’honorable sénateur que le gouvernement du Canada tient à assurer la confidentialité, et que le processus de mise en candidature et de sélection qui a été lancé est conforme à ce principe.
[Français]
Le sénateur Carignan : Quelle assurance pouvez-vous donner aux candidats que leur nom ne sera pas utilisé à des fins partisanes par le gouvernement?
[Traduction]
Le sénateur Harder : Je pense que l’honorable sénateur reconnaîtra que le processus de nomination est en soi intègre.
Question de privilège
Report de la décision de la présidence
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à l’ordre du jour, j’ai reçu une demande d’une autre personne pour étudier davantage la question de privilège soulevée par la sénatrice Marshall. Bien que cela ne corresponde pas à la pratique courante, ce n’est pas sans précédent, et je vais accéder à la demande en l’occurrence. Par conséquent, nous allons maintenant entendre tout nouvel argument sur la question de privilège.
L’honorable A. Raynell Andreychuk : Merci, Votre Honneur. Je prends la parole au sujet de la question de privilège soulevée par la sénatrice Marshall concernant les courriels fournis au conseiller sénatorial en éthique dans le cadre d’une enquête en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Dans l’intérêt de tous les sénateurs, à titre de présidente du Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts, je prends la parole au nom du comité afin de fournir des renseignements sur le code qui sont pertinents dans le contexte de cette question de privilège.
Nous effectuons cette démarche pour souligner que le processus d’enquête en vertu du code doit demeurer confidentiel pour préserver son intégrité et protéger toutes les personnes concernées, y compris le sénateur ou la sénatrice qui fait l’objet de l’enquête. Puisque des renseignements concernant une enquête ont été rendus publics, la confidentialité requise n’a pas été maintenue.
Permettez-moi d’abord de déclarer que ni moi, ni les membres du comité ne savons précisément quels courriels ont été demandés ou reçus par le conseiller sénatorial en éthique, quel est le processus au moyen duquel les courriels ont été fournis, ou à quel escient ces courriels pourront être utilisés dans le cadre de l’enquête du conseiller. De plus, ni moi ni le comité ne cherchons à présumer ou à préjuger du résultat de toute enquête du conseiller sénatorial en éthique ou de la décision de Votre Honneur relativement à la question de privilège. Je signale que le comité sera saisi du rapport d’enquête pertinent une fois que ce dernier sera achevé et qu’il n’en connaît aucunement le contenu à l’avance.
Sénateurs, le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, qui lie tous les sénateurs ainsi que le conseiller sénatorial en éthique et toute personne participant à un processus d’enquête, exige que tout le monde respecte les règles de confidentialité. Plus précisément, le paragraphe 48(8) du code prévoit que :
[q]uiconque participe au processus d’enquête est tenu d’en respecter la nature confidentielle et de collaborer avec le conseiller sénatorial en éthique.
En outre, quand il mène une enquête, le conseiller sénatorial en éthique est tenu, au titre du paragraphe 48(6) du code de :
[mener]l’enquête de manière confidentielle et aussi rapidement que les circonstances le permettent.
Le paragraphe 48(4) du code, quant à lui, habilite le conseiller sénatorial en éthique à :
[…] exiger la comparution de personnes et la production de documents […]
Ces documents peuvent inclure des courriels de sénateurs stockés sur des serveurs de l’Administration du Sénat. Il existe un processus par lequel le comité directeur du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration peut remettre au conseiller sénatorial des documents relevant de l’Administration du Sénat.
Dans l’article 9(1) du Règlement administratif du Sénat, section 2:00, chapitre 2.06, on peut lire ceci :
L’Administration du Sénat renvoie au comité directeur toute demande visant la communication de documents ou de renseignements non publiés :
a) soit concernant le Sénat, un sénateur ou un ancien sénateur;
b) soit susceptibles d’identifier un sénateur ou un ancien sénateur.
(1510)
Ce processus n’est pas administré par le conseiller sénatorial en éthique ou le Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.
Le comité est d’avis que les privilèges que les sénateurs peuvent avoir à l’égard de leurs courriels peuvent être limités par le Code. L’intérêt qu’a un sénateur de savoir si ses dossiers sont partagés doit être comparé à l’obligation du conseiller sénatorial en éthique de mener une enquête rapidement et confidentiellement et à la nécessité de protéger le sénateur qui fait l’objet d’une enquête.
Lorsque le prochain rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique sera terminé, le comité pourra examiner les détails de toute question de procédure. D’ici là, j’encourage tous les sénateurs à examiner le Code et leurs obligations en vertu de celui-ci, notamment en ce qui concerne la confidentialité.
Votre Honneur, j’espère que ces renseignements vous seront utiles dans l’examen de cette question de privilège.
L’honorable Elizabeth Marshall : Merci, Votre Honneur. J’aimerais réagir à cela. Je n’étais pas ici au début de l’intervention, mais j’ai pris connaissance de l’annonce sur le site web du conseiller sénatorial en éthique, qui dit ceci : « Dans le cadre de son enquête, le conseiller sénatorial en éthique peut exiger la comparution de personnes et la production de documents [...] » C’est exactement ce qu’il m’a demandé, donc c’est ce que je lui ai fourni. Je lui ai même donné des documents qu’il ignorait que j’avais en ma possession. Je lui ai remis tout ce que j’avais.
Si les courriels entrent dans la catégorie des documents qui peuvent être exigés, j’espère que les sénateurs tiendront compte de cette information à l’avenir et qu’ils seront conscients que leurs courriels pourraient être examinés librement.
Votre Honneur, chers collègues, je voudrais aussi signaler que je suis déçue d’avoir appris ce qui se passait entre les branches. Je ne sais pas si la personne en question fait partie des leaders au Sénat ou de l’Administration du Sénat, mais je trouve tout à fait honteux qu’il ait fallu qu’elle m’annonce la nouvelle de manière subreptice, et de savoir que mes collègues étaient déjà au courant de la situation.
Il a beau être le conseiller sénatorial en éthique, il n’en demeure pas moins que la manière dont il effectue son enquête est contraire à l’éthique. Il aurait dû me le dire. Je collaborais, il aurait donc dû me le dire. Dans le dernier courriel que j’ai reçu du Bureau du conseiller sénatorial en éthique, on me remerciait de ma collaboration et de mon aide dans ce dossier.
Chers collègues, même si je ne peux rien faire d’autre pour moi-même, je peux vous avertir que vos courriels sont accessibles au conseiller sénatorial en éthique. Maintenant, j’oserais même dire qu’ils peuvent être lus par d’autres bureaux du Parlement. Merci, Votre Honneur.
L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Votre Honneur, je vais, moi aussi, être bref. Ce que je trouve particulièrement préoccupant dans toute cette affaire, c’est que, dans le cadre d’une enquête sur un sénateur, le conseiller sénatorial en éthique ait pris l’initiative de demander des courriels et des documents. En tant que sénateurs, nous le savons tous : quand le conseiller sénatorial en éthique enquête sur un sénateur, il l’en informe. Ça, c’est une chose. Par contre, quand, au cours d’une enquête sur un sénateur, le conseiller sénatorial en éthique accède aux courriels d’une autre sénatrice, qui s’est montrée coopérative et qui a rencontré le conseiller sénatorial en éthique, puis qu’il choisit malgré tout d’aller demander au comité directeur du Comité de la régie interne l’autorisation d’accéder aux courriels de n’importe quel sénateur non visé officiellement par l’enquête, c’est tout autre chose, parce que, d’après ce que je crois comprendre de la question de privilège soulevée par la sénatrice Marshall, le conseiller sénatorial en éthique ne l’a pas informée qu’elle faisait l’objet d’une enquête.
Nous devrions être tous très inquiets de ce que le conseiller sénatorial en éthique puisse s’appuyer sur le code pour consulter nos courriels personnels, les courriels associés à notre adresse du Sénat, alors que nous ne sommes pas visés par une enquête.
L’honorable Marilou McPhedran : Je vous remercie, Votre Honneur. J’aimerais traiter la question sous un angle légèrement différent.
À mon avis, il est important de ne pas perdre de vue, si je comprends bien ce que nous a expliqué initialement la sénatrice Marshall, que celle-ci a été contactée dans le cadre d’une enquête en cours. Je pense que nous devons également garder à l’esprit qu’au sein d’une institution autoréglementée comme le Sénat, pour qu’une enquête soit approfondie et complète, il convient de se conformer rigoureusement aux normes et aux procédures.
Permettez-moi d’établir un parallèle avec d’autres institutions autoréglementées. Par contraste avec le Sénat, toutes les autres organisations professionnelles autoréglementées doivent généralement se conformer aux lois publiques qui définissent les procédures autorisées. Lorsqu’on s’efforce de recueillir des preuves afin d’approfondir une enquête, il ne convient pas de donner un préavis à qui que ce soit; ce n’est pas raisonnable.
Nous sommes des humains. Avant d’être des sénateurs, nous sommes d’abord des humains. Il y a trop de risques que... et je ne m’adresse pas à vous plus qu’aux autres, sénatrice Marshall. Pour qu’une enquête soit rigoureuse, il faut suivre une série de procédures bien précises et il faut avoir accès aux faits et aux données — à la preuve, quoi. Les exemples ne manquent pas. Les responsables de l’application de la loi ou de toute réglementation pourraient le confirmer : dans une institution autoréglementée, il arrive souvent que, si on annonce d’avance qu’une enquête de cette nature aura lieu, les preuves disparaissent, pour toutes sortes de raisons.
Pour des considérations d’ordre pratique, nous devons donc pouvoir dire que le Sénat s’est doté de procédures permettant la tenue d’enquêtes aussi complètes que possible.
Je crois que nous devons aussi garder en tête que, la majeure partie du temps, nous employons des mécanismes financés et fournis par l’État pour nos communications. Quand nous agissons de la sorte, c’est à titre de sénateurs. Pour que le Sénat puisse mener des enquêtes complètes et équitables, l’accès à nos dossiers et à nos communications au moyen de mécanismes financés et fournis par l’État me semble tout à fait raisonnable.
La sénatrice Marshall : Puis-je poser une question à la sénatrice McPhedran?
Son Honneur le Président : Je regrette, sénatrice Marshall, mais j’ai besoin de toute l’information susceptible de m’aider à trancher votre question de privilège. Nous ne pouvons pas nous lancer dans un débat, car le contexte ne s’y prête pas. Si, à un moment ou un autre, vous souhaitez ajouter quoi que ce soit qui puisse m’éclaire, sénatrice Marshall, je vous invite à m’en faire part.
La sénatrice Marshall : Je suis désolée, mais j’aimerais ajouter quelque chose. Ce qui me préoccupe le plus dans cette affaire, c’est que, au Sénat, des gens étaient au courant de la situation, mais ils ne me l’ont jamais dit. Il a fallu que l’apprenne entre les branches. Je pense que, pour une grande institution comme le Sénat, c’est une façon honteuse de faire les choses. Aucune des personnes en position d’autorité n’a eu la délicatesse de me dire : « Excusez-moi, sénatrice Marshall, mais je pense que vous devriez être au courant de ceci. »
Au lieu de cela, tout le monde a continué son petit bonhomme de chemin et n’a rien dit, jusqu’à ce que quelqu’un ait l’amabilité de m’apprendre quelque chose entre les branches.
L’honorable Percy E. Downe : Merci, Votre Honneur. Je serai très bref. J’ai été troublé hier lorsque la sénatrice Marshall a soulevé cette question pour la première fois. D’entrée de jeu, elle a parlé du ton de l’enquête, au début. Puis, elle nous a fait part de ce qui lui est arrivé. Je ne connaissais pas non plus l’existence de cette politique. Nous pourrions peut-être nous pencher sur les règles et les restrictions en la matière. Si tous les courriels peuvent être divulgués, peut-on tous les examiner? Comment fait-on le tri?
(1520)
Par exemple, je reçois des courriels confidentiels d’employés de l’Agence du revenu du Canada concernant des situations qu’ils jugent scandaleuses à l’agence, afin que je puisse en faire le suivi au nom du public. Ce sont des dénonciateurs, si vous voulez. Certains communiquent avec moi sous le couvert de l’anonymat et d’autres ouvertement. Ce sont des gens très courageux parce que, dans bien des cas, ils perdraient leur emploi.
Ils ne me donnent pas de renseignements fiscaux confidentiels; ils parlent de mauvaises politiques au sein de l’agence. S’il faut commencer à contourner la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, comme bon nombre de fonctionnaires fédéraux le font, en prenant des notes jetables, en évitant de prendre des notes et en se servant de deux BlackBerry, c’est très préoccupant. Il s’agit d’un grave problème.
Je suis très préoccupé par ce que la sénatrice Marshall a dit. Elle n’a pas besoin de moi pour défendre son intégrité et ses compétences professionnelles, mais tous les sénateurs devraient savoir qu’elle est une comptable agréée d’expérience. Elle est l’ancienne vérificatrice générale de Terre-Neuve-et-Labrador, une ancienne députée provinciale et une ancienne ministre. J’ai siégé avec elle pendant des années au Comité de la régie interne. Elle est une femme de la plus haute intégrité possible et je suis profondément troublé d’apprendre aujourd’hui ce qui lui est arrivé.
Des voix : Bravo!
L’honorable Sabi Marwah : Je vous remercie, Votre Honneur. Je ne parlerai pas des détails de la situation, puisque je suis tenu à la confidentialité au sujet du comité directeur. Je dirai toutefois que, si une demande de documents est soumise au Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, au comité directeur ou à l’Administration, nous commençons par demander conseil à un légiste. Ensuite, le comité directeur voit à respecter scrupuleusement les règles prévues par le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts. Ce sont, fondamentalement, les deux principes que nous appliquons.
Pour ce qui est d’informer les sénateurs, nous devons respecter les règles de confidentialité prévues par le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts. Si cela nous déplaît, nous ne devrions pas débattre de cette question, mais tout simplement mettre le code à jour pour y supprimer les éléments qui nous déplaisent ou nous semblent déraisonnables.
Merci.
Son Honneur le Président : Je tiens à remercier les sénateurs de leurs observations à propos de cet enjeu crucial soulevé par la sénatrice Marshall. Je continue de le prendre en délibéré.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude des messages de la Chambre des communes, suivie de la troisième lecture et de la deuxième lecture des projets de loi dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton, à l’exception du message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-69, qui sera appelé le dernier, suivi de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
[Traduction]
Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers
Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique :
Le mardi 18 juin 2019
Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, la Chambre :
accepte l’amendement 1 apporté par le Sénat;
propose, par suite de l’amendement 1 du Sénat, l’ajout de l’amendement suivant :
« 1.Article 2, page 2 : Ajouter, après la ligne 9, ce qui suit :
peuples autochtones du Canada S’entend au sens du paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. (Indigenous peoples of Canada) »;
propose que l’amendement 2 soit modifié par remplacement du texte par le texte suivant :
« 32 (1) Au cours de la cinquième année suivant la date d’entrée en vigueur du présent article, le comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit des deux chambres, désigné ou constitué à cette fin, entreprend un examen des dispositions de la présente loi et de l’application de celle-ci, notamment un examen de ses répercussions sur l’environnement, sur les conditions sociales et économiques et sur les peuples autochtones du Canada.
(2) Le comité présente son rapport d’examen au Sénat, à la Chambre des communes ou aux deux chambres, selon le cas, dans les quinze jours de séance de la chambre en cause suivant l’établissement du rapport. ».
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :
Que, relativement au projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, le Sénat :
a)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 2;
b)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à la suite de l’amendement 1 du Sénat;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose :
Que, relativement au projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique...
Puis-je me dispenser de lire la motion? Ai-je entendu quelqu’un dire non? Sénateur Mercer, voulez-vous que je la lise en entier?
Que, relativement au projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, le Sénat :
a) accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 2;
b)...
Des voix : Suffit!
Son Honneur le Président : J’ai déjà entendu un non en réponse à la demande de ne pas lire la motion.
... accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à la suite de l’amendement 1 du Sénat;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
Nous poursuivons le débat. Le sénateur Harder a la parole.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion d’adoption du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-48, qui vise à officialiser le moratoire sur les pétroliers au large de la côte nord-ouest du Canada et des côtes d’Haida Gwaii et de la forêt pluviale de Great Bear.
Je tiens, encore une fois, à remercier la sénatrice Mobina Jaffer d’avoir parrainé ce projet de loi avec dévouement.
Le gouvernement a soigneusement examiné l’amendement au projet de loi C-48 proposé par le Sénat. Pendant le débat à l’étape de la troisième lecture, le sénateur Sinclair a expliqué ainsi ce qui justifie l’amendement :
J’ai, moi aussi, des préoccupations en ce qui concerne le projet de loi. Il semble prévoir une interdiction complète de la circulation des pétroliers dans cette région pour une raison qui pourrait être applicable maintenant, mais qui, selon moi, pourrait bien ne plus l’être plus tard [...] En ce qui concerne les façons d’améliorer le projet de loi, je voudrais soumettre une idée au Sénat. Je suis d’avis qu’il faudrait permettre aux communautés de changer d’avis. Si elles s’entendent toutes pour lever l’interdiction, le projet de loi devrait le leur permettre.
Honorables sénateurs, le gouvernement a maintenant accepté en partie cet amendement, de façon à ce qu’il y ait un examen parlementaire obligatoire dans cinq ans. Cet examen sera mené par un comité de la Chambre des communes, par un comité sénatorial, ou par les deux. L’objectif de cet examen parlementaire sera de vérifier les impacts de cette mesure législative sur l’environnement, sur les conditions socioéconomiques et sur les peuples autochtones du Canada.
Au cours de la législature qui s’achève, le Sénat a montré à quel point ses comités pouvaient mener leurs travaux de façon exhaustive et flexible, notamment au moyen d’études nécessitant des déplacements et d’études conjointes par plusieurs comités.
Dans son étude de l’amendement du Sénat, l’autre endroit a décidé de ne pas retenir la proposition de lancer l’évaluation économique et environnementale régionale dans un délai de 180 jours. Lundi, le secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Terry Beech, a expliqué pourquoi l’autre endroit avait pris cette décision. C’est principalement parce que le gouvernement voulait accorder un répit et une tranquillité d’esprit aux peuples de la côte nord du Pacifique, particulièrement ceux qui sont titulaires de droits constitutionnels prévus à l’article 35, en ce qui a trait à l’intégrité environnementale de leur territoire et de leurs pêches.
Au cours des dernières décennies, ces communautés ont vécu une longue série de consultations coûteuses et répétitives, qui ont parfois été source de querelles et qui portaient toutes essentiellement sur la même question : accepter ou non les cargaisons de pétrole lourd dans leur région.
Voici une liste non exhaustive de ces études : l’étude du projet de loi C-48 par le Comité sénatorial des transports en 2019; les consultations de Transports Canada auprès des collectivités et des principaux intéressés en 2016 et 2017 avant la présentation du projet de loi C-48; l’examen du projet d’oléoduc Northern Gateway d’Enbridge mené par la commission d’examen conjoint en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie et de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale entre 2010 et 2012; le rapport du Comité d’examen public relativement au moratoire du gouvernement du Canada visant les activités pétrolières et gazières extracôtières dans la région de la Reine-Charlotte, en Colombie-Britannique, préparé en 2004 pour le ministère des Ressources naturelles du Canada; l’examen scientifique mené en 2002 par la Colombie-Britannique du moratoire sur les activités pétrolières et gazières au large de la province; le rapport de 1986 de la Commission d’évaluation environnementale du projet d’exploration au large de la côte Ouest nommée par le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique; la commission d’enquête sur les ports pétroliers de la côte Ouest en 1977; et le Comité spécial de la pollution environnementale de la Chambre des communes, en 1970 et 1971.
Comme M. Beech l’a fait valoir pendant son discours, il est important de souligner qu’un bon nombre de ces examens nous viennent d’organismes de réglementation et de fonctionnaires, et non de politiciens. Ils étaient de nature technique et scientifique et n’ont pas permis de résoudre les désaccords politiques fondamentaux qui planent sur cette question.
À l’appui de la motion qui nous occupe, la chef Marilyn Slett, présidente des Premières Nations côtières, a indiqué que les gens qu’elle représente souffrent actuellement de ce qu’elle a qualifié de « lassitude à l’égard des consultations ». Elle a indiqué que les personnes qu’elle représente aspirent aux années de calme et de réflexion que leur apporterait ce message. De plus, la chef Slett a exprimé sa gratitude aux sénateurs pour l’essence de l’amendement et les efforts qu’ils ont déployés pour parvenir à un meilleur consensus.
Dans cinq ans, en raison de l’examen parlementaire prévu dans le message qui nous est adressé, les parlementaires des deux Chambres auront l’occasion d’entendre de nouveau des spécialistes, des intervenants et des titulaires de droits constitutionnels après une période raisonnable dans ce contexte.
Les comités de la Chambre des communes et du Sénat pourront alors formuler des recommandations, et potentiellement proposer de nouveaux projets de loi ou changements réglementaires fondés sur cet examen.
À ce sujet, je signale également que le projet de loi C-48 établit une autorité gouvernementale pour modifier par voie de règlement l’annexe où l’on mentionne les hydrocarbures persistants. Cela pourrait se produire en plus du calendrier d’examen proposé et donnerait au gouvernement la souplesse nécessaire pour réagir à tout progrès scientifique ou technologique lié au transport, à la sécurité marine et à l’intervention en cas de déversement.
De plus, je signale au nom du gouvernement que le message qui nous est adressé contient également une contribution stratégique du Sénat au projet de loi C-69.
(1530)
Comme les sénateurs le savent, dans ce projet de loi, en hommage indirect de Wayne Gretzky, le gouvernement a accepté ou modifié 99 amendements. Une de ces propositions a été ajoutée pour apporter des précisions juridiques. Ce changement au projet de loi C-48 vise à faire en sorte que la définition de « peuples autochtones du Canada » ait la même signification, sur le plan juridique, qu’au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. C’est une autre amélioration apportée au projet de loi par le Sénat. Dans le même ordre d’idées, j’ajouterais qu’à mon avis, beaucoup de sénateurs ont fait un travail de la plus grande qualité dans l’exercice de leur fonction sur ce projet de loi d’initiative ministérielle.
En adoptant le projet de loi C-48, j’espère que nous n’oublierons pas que cette politique du présent gouvernement s’inscrit dans un programme énergétique et environnemental plus vaste. De l’avis du gouvernement, le développement économique et la protection de l’environnement vont de pair. Hier, le premier ministre a fait une annonce importante liée à cette politique économique et environnementale. Comme vous le savez, le Cabinet a maintenant approuvé le projet d’expansion Trans Mountain. Ce projet élargira l’accès des économies régionales et nationale du Canada aux côtes aux fins de l’exportation des produits énergétiques canadiens. Les producteurs de pétrole de l’Alberta et de la Saskatchewan auront ainsi accès aux marchés mondiaux.
Le projet générera des emplois pour la classe moyenne partout au Canada. L’entreprise compte entamer les travaux au cours de la présente saison de construction. Le premier ministre a aussi indiqué que chaque dollar gagné par le gouvernement fédéral grâce à ce projet sera investi dans la transition du Canada vers l’énergie propre.
Tandis que les Canadiens travaillent à opérer la transition vers l’énergie durable, il est logique que le pétrole canadien soit transporté par pipeline, un mode de transport plus sécuritaire et efficace que le train. En plus du pipeline Trans Mountain, le gouvernement a appuyé deux autres projets de pipeline, en Alberta et en Saskatchewan, grâce auxquels on acheminera les ressources pétrolières canadiennes vers des marchés étrangers. Je parle de la canalisation 3 et du pipeline Keystone XL, vers les États-Unis.
Le gouvernement est d’avis que ces nouveaux oléoducs et ses autres politiques soutiendront et feront croître les économies nationale et régionales basées sur l’énergie. Parmi ces politiques, mentionnons l’appui ferme du gouvernement envers le projet de LNG Canada, qui construira un pipeline de 40 milliards de dollars pour le transport du gaz naturel liquéfié vers Kitimat, dans le Nord de la Colombie-Britannique. Le projet constitue le plus gros investissement privé de l’histoire canadienne et il produira un boum économique dans les secteurs des ressources naturelles et de la construction au Canada, dont profiteront de nombreuses communautés et entreprises autochtones de l’intérieur.
À l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice Cordy a dit ici que, grâce au pipeline de LNG, le Canada aura accès au chemin le plus court pour l’exportation du gaz nord-américain vers l’Asie. En effet, il permettra au gaz canadien de faire le trajet Kitimat-Tokyo en 8 jours, alors qu’il faut 20 jours depuis le golfe des États-Unis. Au plus fort de la construction, les pipelines, le terminal maritime et les installations de production de LNG créeront environ 10 000 emplois.
Encore une fois, comme l’a dit la sénatrice Cordy au Sénat, le projet générera potentiellement des milliards de dollars en recettes publiques directes. Cet investissement dans le secteur énergétique inclura des contrats de construction pour les entreprises autochtones à hauteur de centaines de millions de dollars.
De plus, l’intensité carbonique de ce projet sera la plus faible de toutes les installations de gaz naturel liquéfié dans le monde.
Sur le plan géographique, le pipeline de gaz naturel liquéfié sera situé au cœur de la région visée par le projet de loi C-48. Les gens de la région appuient en général le projet et ils sont heureux qu’il permette aux marchés asiatiques d’abandonner le charbon en faveur d’un carburant plus propre. Le projet appuiera donc les efforts internationaux visant à atténuer les changements climatiques.
Désormais, le gaz naturel liquéfié jouera un rôle important dans l’avenir énergétique du Canada.
Je mentionne un dernier point concernant la politique du gouvernement visant l’exploitation et l’exportation des ressources énergétiques du Canada. Beaucoup de témoins qui ont comparu devant le Comité permanent des transports et des communications, dont un représentant du gouvernement de la Colombie-Britannique, voient dans la possibilité de raffiner des produits de pétrole à valeur ajoutée au Canada un compromis entre les intérêts énergétiques en Alberta et le risque d’un déversement au large de la côte nord du Pacifique. Il y a une ouverture à l’égard des possibilités dans le nord du Pacifique. Les collectivités de la côte nord considèrent les produits raffinés comme une voie à suivre.
Tout en bâtissant des économies nationales et régionales fondées sur les ressources énergétiques, le gouvernement a également mis en place les politiques environnementales les plus solides de l’histoire du Canada. Au cœur de ces politiques se trouve la taxe sur le carbone. C’est un incitatif financier visant à modifier pour le mieux le comportement des consommateurs. En fait, 70 p. 100 des Canadiens recevront un montant supérieur à que ce qu’ils auront payé au titre de cette taxe. Cet incitatif amènera les gens à acheter des véhicules moins énergivores et à voyager de façon plus écologique. La taxe sur le carbone est essentielle à la crédibilité du pays, étant donné le rôle de chef de file mondial que joue le Canada pour lutter contre les changements climatiques et freiner l’accélération et l’extinction de masse des animaux et des autres formes de vie sur la planète.
Le projet de loi C-69 est en outre un élément crucial de cet objectif global, à l’heure où le Canada met sur pied un processus d’évaluation environnementale qui respecte les intérêts économiques et environnementaux.
Le Sénat n’a pas compté ses heures pour donner son point de vue et trouver le juste équilibre. D’ailleurs, je le répète, le gouvernement a accepté ou modifié de nombreux amendements que nous lui avons proposés.
Pendant cette législature, le gouvernement a pris d’autres mesures constructives pour protéger l’environnement, y compris récemment avec le projet de loi C-55 sur les zones de protection marines et le projet de loi C-68 concernant le rétablissement des stocks de poissons et de leurs habitats. Encore une fois, ce dernier projet de loi a été amélioré grâce aux travaux du Sénat.
Honorables sénateurs, au nom du gouvernement, je vous remercie tous de l’excellent travail accompli dans l’examen du projet de loi C-48. Je vous demande d’appuyer la motion dont nous sommes saisis pour valider la décision prise à l’autre endroit et pour que les politiques qui composent cet ensemble puissent entrer en vigueur en même temps.
L’honorable Douglas Black : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Harder : Oui.
Le sénateur D. Black : J’ai constaté, avec intérêt, sénateur Harder, que la principale raison que semble invoquer le gouvernement pour prévoir un moratoire sur les pétroliers d’une durée de cinq ans — si on suppose qu’il y aura examen dans cinq ans — est qu’on veut « accorder un répit et une tranquillité d’esprit » aux résidants de la côte nord.
Sénateur Harder, qu’est-ce que le gouvernement et vous penseriez de l’idée d’accorder « un répit et une tranquillité d’esprit » aux promoteurs du projet d’oléoduc Eagle Spirit, maintenant menacé, ou aux Albertains qui veulent qu’on leur donne les moyens nécessaires pour faciliter l’accès aux marchés asiatiques?
Le sénateur Harder : Sénateur, je vous remercie de votre question et de votre persistance.
Je dirai simplement que le moratoire actuel est toujours en vigueur, et que nous nous efforçons de lui fournir un cadre législatif. Comme je l’ai dit, le gouvernement du Canada est toujours favorable aux pipelines, que ce soit par rapport aux États-Unis ou à Trans Mountain. Nous cherchons à atteindre un équilibre entre l’intégrité environnementale chère aux Canadiens et la défense de certains intérêts économiques, notamment ceux du secteur des ressources naturelles en Alberta et en Saskatchewan. On demande au Sénat de souscrire à ce genre d’équilibre grâce à ce projet de loi et aux autres projets de loi dont nous sommes ou dont nous avons été saisis.
Le sénateur D. Black : Merci beaucoup. Je comprends que le gouvernement du Canada croit que, en agissant ainsi, il peut atteindre cet équilibre. Cependant, sénateur Harder, les sénateurs savent maintenant que le secteur canadien de l’énergie doit accéder aux marchés de l’Asie et de l’Inde. Même si nous espérons que le projet de la canalisation 3 et le projet d’expansion du pipeline Trans Mountain iront de l’avant, ce n’est pas chose certaine. Nous savons aussi que ces projets permettront seulement d’acheminer des produits vers le sud des États-Unis. Cela ne règle pas le problème fondamental auquel fait face l’Alberta. Je pense que nous pouvons tous convenir que le moratoire sur les pétroliers ne fera que retarder, voire supprimer, la capacité d’acheminer l’énergie canadienne vers les marchés asiatiques.
Le sénateur Harder : Ce serait le cas, sénateur, mais vous devez savoir que le gaz naturel liquéfié est très en demande en Asie. Ne confondons pas les choses. Il y a une volonté d’aller de l’avant avec ce projet majeur de gaz naturel liquéfié pour favoriser l’accès aux marchés asiatiques.
Par ailleurs, il faut reconnaître que le marché pétrolier mondial est quelque peu fongible, dans la mesure où il remplace des sources d’énergie à haute intensité carbonique par des sources d’énergie à faible intensité carbonique. À l’avenir, le gouvernement cherchera à établir un juste équilibre, et c’est un choix politique que, pour ma part, j’appuie.
L’honorable Richard Neufeld : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Harder : Bien sûr.
Le sénateur Neufeld : J’ai prêté une oreille attentive. Je n’ai pas écouté la totalité de votre discours, mais le sénateur Black a certainement couvert les éléments importants du moratoire.
(1540)
Le sénateur Harder, vous avez fait mention à plusieurs reprises d’un pipeline de gaz naturel liquéfié. Savez-vous qu’il ne s’agit pas d’un projet de pipeline? Ce projet comporte deux volets. Il y a d’abord le pipeline qui va du Nord-Est de la Colombie-Britannique jusqu’à la côte nord de cette même province, puis il y a une usine où le gaz naturel est liquéfié. Le pipeline achemine du gaz naturel, non encore liquéfié. Il faut présenter les choses comme elles sont.
Saviez-vous que ce n’est pas du gaz naturel liquéfié qui est acheminé par ce pipeline, mais bien du gaz naturel qui est ensuite transformé sur la côte?
Le sénateur Harder : Il va sans dire que je suis au courant et j’ai...
Le sénateur Neufeld : N’agitez pas les bras. Le sénateur devrait présenter les choses comme il faut.
Le sénateur Harder : C’est ce que je fais, sénateur. D’ailleurs, j’ai été associé à des entreprises qui évoluent sur le marché du gaz naturel liquéfié.
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, la dernière fois que je suis intervenu au sujet du projet de loi C-48, j’ai parlé de l’amendement proposé par le sénateur Sinclair. Je me suis réjoui que le Sénat adopte cet amendement et que le projet de loi C-48, tel que modifié, soit renvoyé à la Chambre.
Lundi, nous avons reçu un message de l’autre endroit nous informant qu’une partie de l’amendement était acceptée, mais que certains éléments en avaient été rejetés. J’étais déçu que l’amendement n’ait pas été accepté dans son intégralité. J’ai écouté attentivement les arguments avancés et j’ai bien pris connaissance des explications que le gouvernement a fournies pour justifier ce refus.
Je cite le secrétaire parlementaire du ministre des Transports, M. Terry Beech. Il a dit :
[...] pour ce qui est des consultations, il y a une certaine lassitude, surtout dans les collectivités du Nord de la Colombie-Britannique et chez les Premières Nations côtières, après des années d’examens et d’études [...]
En fin de compte, on n’en finira jamais de débattre plusieurs des facteurs scientifiques qui mettent en doute la sécurité et la sagesse de transporter du pétrole brut au large de cette côte. Rien ne nous permet de croire qu’une autre étude longue et coûteuse menée immédiatement après l’entrée en vigueur du projet de loi C-48 résoudrait ces divergences d’opinions [...]
À un moment donné, il faut prendre une décision en fonction des meilleures données probantes disponibles et en faisant appel au jugement des parlementaires sur ce qui est juste et raisonnable, tout en tenant compte de l’approche globale du gouvernement du Canada sur les enjeux énergétiques et environnementaux ainsi que sur la réconciliation avec les Premières Nations.
Honorables sénateurs, rien dans ces propos ne permet d’étayer la position du gouvernement. Il n’y a rien non plus pour réfuter la position que nous prônions avec notre amendement. Il s’agit d’une déclaration de principe, point à la ligne. Il s’agit d’un choix politique de la part du gouvernement, et chacun sait que les choix politiques, chers collègues, sont normatifs.
Cela dit, le Sénat a tout à fait le droit, voire le devoir, de proposer d’autres solutions quand il est saisi d’un projet de loi — d’initiative ministérielle ou autre — s’il estime que c’est préférable au statu quo, et c’est exactement ce qu’il a fait dans ce cas-ci.
Les sénateurs ont tout à fait le droit de ne pas partager l’avis du gouvernement au sujet de ses politiques, mais rien ne me permet d’aller jusqu’à dire que nous devons insister pour avoir gain de cause si le gouvernement campe sur sa position.
C’est d’autant plus vrai à l’approche d’une campagne électorale. Le choix politique qu’ont fait les libéraux deviendra inévitablement un élément de leur plateforme, ce qui est d’ailleurs déjà le cas. Puisque nous sommes si près des élections, je ne pense pas qu’il nous appartienne de nous ingérer dans ce qui est essentiellement un choix politique et un élément de la plateforme du gouvernement qui fera certainement l’objet d’une vigoureuse contestation par les autres partis.
C’est pour cette raison, chers collègues, que je serais porté à ne pas insister sur notre amendement. Je serais porté à appuyer la motion du sénateur Harder voulant que nous acceptions le message, que le projet de loi passe à l’étape de la sanction royale et que nous laissions la population dire au gouvernement ce qu’elle pense de cette mesure législative aux prochaines élections.
Merci.
L’honorable David Tkachuk : J’ai une question.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Woo?
Le sénateur Woo : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Sénateur Woo, je l’ai mentionné dans mon discours, mais n’avez-vous pas appuyé le projet de pipeline Northern Gateway, qui passait par le port de Kitimat?
Le sénateur Woo : J’appuie l’accès aux côtes depuis des années afin que le Canada puisse acheminer ses ressources ailleurs qu’en Amérique du Nord et ainsi obtenir de meilleurs prix que ceux qu’il touche en limitant ses exportations aux États-Unis.
Le sénateur Tkachuk : Lorsque vous avez été nommé au Sénat, Nathan Cullen, qui était alors un député, a critiqué votre appui au projet Northern Gateway, ce qui a suscité une certaine controverse. N’étiez-vous pas un partisan du projet d’oléoduc Northern Gateway avant votre nomination au Sénat et, plus précisément, avant la présentation de ce projet de loi? Oui ou non?
Le sénateur Woo : J’ai toujours été favorable à l’accès aux côtes. Cependant, comme nous le savons tous, chers collègues, la faisabilité d’un pipeline dépend du nombre d’autres pipelines qui se rendent jusqu’à la côte et des stocks de pétrole à l’échelle du marché mondial.
Le marché pétrolier évolue très rapidement. Je me souviens — c’était il y a à peine 10 ans — du débat sur le secteur de l’énergie parmi les économistes. Ils cherchaient à établir si nous avions atteint le pic pétrolier. Aujourd’hui, nous débattons de la question de savoir si nous approchons du pic de la demande de pétrole. Je ne sais pas si nous en sommes à ce point. Toutefois, je sais que tout promoteur d’un deuxième pipeline vers la côte Ouest devra se pencher sérieusement sur la faisabilité du projet maintenant qu’il semble que le projet TMX se réalisera.
Le sénateur D. Black : Le sénateur Woo accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Woo : Oui, bien sûr.
Le sénateur D. Black : Je suppose que nous pourrions débattre des témoignages que nous avons entendus devant le Comité des transports. Je pense qu’on peut conclure, comme l’a signalé la sous-ministre déléguée, que, pour appuyer l’interdiction des pétroliers, on doit se fier à des données scientifiques. Par ailleurs, il n’existe pas d’interdiction de pétroliers comparable dans le monde ni ailleurs au Canada, du moins certainement pas dans la baie Placentia ou la baie de Fundy.
Si je me fie à vos commentaires, sénateur Woo, j’en conclus que les meilleures données auxquelles vous vous fiez sont la lassitude occasionnée par les consultations.
Le sénateur Woo : Sénateur Black, je crains que vous m’ayez mal compris. J’appuie l’amendement qui aurait permis la tenue d’une évaluation régionale des répercussions environnementales, économiques et sociales de la circulation de pétroliers, ainsi que des activités connexes au large des côtes du Nord de la Colombie-Britannique. C’est l’approche que j’aurais privilégiée.
Tout à l’heure, dans mes observations, j’ai dit que le message reçu de l’autre endroit ne présente pas de nouvelles données probantes justifiant l’interdiction des pétroliers. Il ne présente pas de nouvelles données probantes nous indiquant qu’il faut lever l’interdiction des pétroliers. Il s’agit simplement d’un choix politique.
Le gouvernement a déclaré qu’il existe énormément de renseignements, que les Canadiens en ont assez entendu et que c’est la décision qu’il va prendre. On peut s’opposer à cette décision, mais le gouvernement a fait un choix politique.
Des élections auront lieu dans quelques mois. Il s’agit déjà d’une question électorale brûlante. Laissons le gouvernement défendre sa décision. Nous ne devrions pas nous opposer à un choix politique fait par le gouvernement, car celui-ci est élu.
Le sénateur D. Black : Vous venez de lancer un débat philosophique intéressant. Je poserais simplement la question suivante, sénateur Woo : devrions-nous agir ainsi même si la politique est mauvaise?
Le sénateur Woo : C’est là où nous pouvons avoir une discussion et un débat intéressants, étant donné que, comme l’a souligné le sénateur Harder dans son discours, il y a quelques éléments probants à ce sujet. Selon un certain nombre d’études qui remontent aux années 1970, si je ne m’abuse, un déversement de pétrole au large pourrait être dévastateur pour la région.
Vous vous rappellerez que, il y a à peine deux semaines, dans mon discours sur l’amendement du projet de loi C-48, j’ai dit que le risque d’un déversement catastrophique de pétrole était tout aussi hypothétique que le risque que des actifs du Nord de l’Alberta deviennent inutilisables parce que les deux étaient imaginaires à ce stade-ci.
(1550)
Je maintiens toujours cette position. Le gouvernement a décidé que le risque de déversement au large est réel. Il veut mettre en place le moratoire. Il a fait un choix politique. C’est son droit. J’aurais aimé que nous disposions de plus d’éléments probants. J’aurais aimé que le gouvernement prenne le temps et qu’il fasse l’effort de recueillir davantage de données avant de mettre en place une interdiction permanente, mais c’est à lui qu’il revient d’assumer la responsabilité de sa décision, et nous ne devrions pas lui mettre des bâtons dans les roues.
L’honorable Scott Tannas : Sénateur Woo, j’ai une dernière question. Compte tenu de ce que vous avez dit — et je trouve que c’est justifié, puisqu’une campagne électorale approche et qu’il ne se passera rien avant que les élections soient passées —, serait-il raisonnable de s’attendre, en supposant qu’il y ait un changement de gouvernement et que le nouveau gouvernement propose d’abroger le projet de loi, à ce que vous preniez la parole pour appuyer cette mesure?
Le sénateur Woo : Sénateur Tannas, dans mon discours, j’ai dit qu’il incombe au Sénat de proposer d’autres solutions, d’en débattre et, parfois, de les proposer relativement à tout projet de loi du gouvernement dont nous sommes saisis.
Si un nouveau gouvernement a inscrit dans son programme électoral qu’il entendait abroger ce projet de loi, il a le droit de le faire. Lorsque le projet de loi sera présenté ici, il nous incombera toujours de le contester, comme nous l’avons fait pour le projet de loi C-48. Mais si, après l’étape de la troisième lecture et après les amendements, le gouvernement au pouvoir dit qu’il s’agit d’une préférence, que la mesure ne viole ni la Constitution ni les droits des minorités et qu’elle ne brime aucunement les minorités ou d’autres groupes, nous devrions nous plier à la décision du gouvernement.
L’honorable Dennis Glen Patterson : Puis-je poser une question au sénateur Woo?
Le sénateur Woo : Bien sûr.
Le sénateur Patterson : Sénateur Woo, je trouve intéressant que vous parliez du respect des droits des minorités puisque, lorsque nous avons débattu tous les deux du projet de loi C-48, il y a quelques semaines, nous avions des opinions divergentes à propos de mon amendement et de mes efforts en vue de protéger les droits de la nation nisga’a, détentrice des droits. J’ai indiqué que la nation nisga’a jugeait l’amendement proposé par le sénateur Sinclair inacceptable, et vous vous êtes montré sceptique à ce sujet, je crois.
Saviez-vous que la présidente de la nation nisga’a, Eva Clayton, a écrit une lettre au sénateur Sinclair le 13 juin? Elle y rejette l’amendement en expliquant qu’il ne règle aucune des préoccupations que la nation nisga’a a soulevées à de multiples reprises. De plus, elle rejette la disposition de non-dérogation et demande que la partie 3.2 de l’amendement du sénateur Sinclair soit complètement supprimée parce qu’elle viole certains droits des Autochtones garantis par la Constitution.
Le sénateur Woo : Je n’ai pas vu cette lettre. Ce que je sais, c’est qu’il y a un désaccord à savoir si les droits des Nisga’as issus de traités seraient, dans les faits, bafoués par cette interdiction dans la mesure où il s’agit d’activités qui, de l’avis de certains, ne sont pas couvertes par le traité.
Je suis heureux de m’en remettre aux spécialistes qui ont formulé ce point de vue. Je sais que, si les Nisga’as croient fermement que leur droits sont bafoués, ils prendront des recours juridiques. Je crois qu’ils ont dit que c’est ce qu’ils feraient. Nous devrions surveiller de près cette affaire pour nous assurer que leurs droits sont respectés.
L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, comme vous le savez, la Chambre des communes a rejeté le principal élément de l’amendement proposé par le Sénat au projet de loi C-48 sur l’interdiction de pétroliers. Je vous rappelle que cet amendement comportait trois parties : une évaluation régionale, telle que prévue dans la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact, le projet de loi C-69, qui aurait été mise en œuvre six mois après l’entrée en vigueur et dont les modalités auraient été négociées par le gouvernement fédéral, les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan, ainsi que par les Premières Nations concernées; la tenue d’un examen parlementaire après cinq ans; une disposition de non-dérogation visant à affirmer les droits des Autochtones et à les protéger. Le gouvernement a accepté la disposition de non-dérogation et l’examen parlementaire, mais pas l’évaluation d’impact régionale.
Dans la législation fédérale, les dispositions de non-dérogation sont importantes, mais elles sont la norme lorsqu’il est question des peuples autochtones. Qu’il n’y en ait pas eu une dans le projet de loi C-48 semble être une omission flagrante. Comme plusieurs d’entre vous le savent, les examens parlementaires ont un défaut majeur : il est possible qu’ils ne soient pas menés, même s’ils sont prévus par la loi. Cinq ans, c’est long, et il se peut que les parlementaires cessent simplement de se soucier d’une question en particulier.
En outre, dans le contexte du projet de loi C-48, un examen parlementaire ne permettra pas d’obtenir les mêmes données scientifiques et de tenir les mêmes consultations étendues qu’une évaluation d’impact.
L’évaluation régionale était un élément majeur de l’amendement proposé par le sénateur Sinclair. C’était une proposition intéressante, parce qu’elle venait combler une lacune relevée par de nombreux témoins au comité quant à l’absence de données rigoureuses.
Pourquoi la côte nord de la Colombie-Britannique mérite-t-elle une plus grande protection que les autres côtes du Canada? La région est-elle plus susceptible de faire l’objet d’un déversement pétrolier que les autres eaux navigables? Dans quelle mesure la technologie moderne réduit-elle les risques de déversement? Existe-t-il d’autres moyens de protéger la côte nord de la Colombie-Britannique hormis l’interdiction complète des pétroliers? Voilà quelques-unes des questions auxquelles une évaluation d’impact régionale aurait procuré des réponses solides.
L’interdiction des pétroliers est une politique radicale. Elle revient à employer une hache là où un scalpel est de mise. Elle dresse une région du pays contre une autre. À mon avis, elle ne tient pas compte de l’intérêt national, qui consiste à protéger l’environnement, oui, mais également à favoriser l’exploitation de nos ressources naturelles et l’accès aux marchés mondiaux. Le défi national du gouvernement consiste à trouver un juste équilibre, et non à placer tout son poids d’un seul côté de la balance.
Certains diraient que la décision d’hier à l’égard de l’oléoduc Trans Mountain règle la question. Je ne suis pas d’accord. Si l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain se concrétise rapidement, elle aidera manifestement, mais elle ne constitue ni une solution définitive ni une solution suffisante au problème de l’enclavement des ressources naturelles du Canada.
Puisqu’une majorité des sénateurs estimaient que le projet de loi C-48 n’était pas bien équilibré et allait nuire au pays, nous avons cherché un compromis acceptable pour les sénateurs de toutes les régions, notamment pour les sénateurs autochtones. Certains ont proposé un corridor. Le gouvernement a dit non. Certains ont proposé une disposition de caducité. Le gouvernement l’a rejetée.
Enfin, nous avons proposé une évaluation d’impact régionale. Cet amendement aurait dû plaire au gouvernement. Premièrement, il permettait d’aller de l’avant avec l’interdiction. Deuxièmement, une évaluation régionale, telle que proposée dans l’amendement du sénateur Sinclair, permettrait une réconciliation entre les Premières Nations préoccupées, le gouvernement fédéral et les provinces impliquées dans le conflit actuel.
Enfin, le concept d’évaluation régionale vient du projet de loi C-69 du gouvernement.
[Français]
Soyons clairs sur ce qu’était la situation il y a une semaine, lorsque le sénateur Sinclair a conçu cet amendement. N’eût été l’amendement, il paraissait fort probable que le projet de loi C-48 serait défait au Sénat. Le gouvernement n’aurait pas pu faire adopter son projet de loi visant à interdire les pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique.
Chers collègues, compte tenu de tout cela, je dois dire que je ressens aujourd’hui une certaine frustration, pour ne pas dire une très grande frustration, mais la question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir comment canaliser notre déception collective. Nos décisions doivent être raisonnées plutôt qu’émotives. Faut-il insister sur notre amendement? Quelles sont les conséquences de la décision que nous prendrons à cet égard?
[Traduction]
Le gouvernement a fait valoir plusieurs raisons pour justifier sa décision. La plupart sont de nature technique et auraient facilement pu être surmontées. La volonté politique peut déplacer les montagnes.
Le gouvernement dit aussi que les Premières Nations côtières ont été consultées, qu’elles ressentent une certaine lassitude relativement à tous les examens qui ont été menés et qu’elles méritent un répit et une tranquillité d’esprit. Ce sont ses mots.
Avec tout le respect que je dois au gouvernement, il est difficile de comprendre en quoi notre proposition de compromis, qui n’empêchait en rien l’interdiction des pétroliers, aurait plus perturbé leur tranquillité d’esprit que, disons, les prochaines élections. Puisqu’il s’agit d’une politique hautement controversée, l’interdiction des pétroliers sera toujours assujettie à un certain niveau d’incertitude politique.
(1600)
Nombre d’entre nous croient, et c’est la position du gouvernement, que le Sénat devrait presque toujours s’incliner devant la Chambre des communes lorsque la loi fait suite à un engagement électoral. Cette position est basée sur la convention de Salisbury que vous connaissez bien.
Je souligne deux choses. Premièrement, l’applicabilité moderne de la convention a été contestée au Canada et au Royaume-Uni. Les choses ont changé considérablement depuis la signature de la convention de Salisbury-Addison dans les années 1940. Par exemple, le pouvoir exécutif est nettement plus puissant qu’auparavant. Comme lord Strathclyde l’a noté en 1999 :
[...] la Chambre [des lords] de la convention de Salisbury n’existe plus.
On pourrait certainement en dire autant du Sénat du Canada.
Lord Rippon de Hexham a déclaré :
La doctrine [...] [la doctrine de Salisbury ] [...] ne doit s’appliquer que lorsque [...] un parti a exposé absolument clairement sa politique à l’occasion d’une élection générale.
Voilà où le bât blesse dans le cas qui nous intéresse ici. Il n’a pas été question de l’interdiction des pétroliers dans la plateforme nationale des libéraux. Il s’agit d’un engagement pris par la Colombie-Britannique dont il a rarement été fait mention ailleurs au Canada. Par conséquent, on ne peut pas dire que l’ensemble des Canadiens ont voté en faveur d’interdire la circulation des pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Cette promesse électorale ne se compare ni à la légalisation du cannabis ni aux dépenses en infrastructure. Le mandat du gouvernement à cet égard est imprécis.
[Français]
Il y a un an, nous faisions face à une situation très similaire lors du débat sur le projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis. Le Sénat avait proposé certains amendements, dont un sur la culture à domicile qui nous tenait, à plusieurs d’entre nous, particulièrement à cœur. Le gouvernement a rejeté cet amendement et nous faisions alors face au même dilemme : faut-il insister sur notre amendement ou non? Permettez-moi de citer ce que j’ai dit à ce moment-là :
[...] nous devrions examiner tout ce que nous faisons à l’aune de la réputation et de la crédibilité du Sénat. Comme vous le savez, la crédibilité du Sénat est fragile. Les travaux sérieux menés sur le projet de loi C-45...
— et on pourrait certainement dire la même chose des projets de loi C-48 et C-69 —
... ont contribué à renforcer sa crédibilité, mais, à ce stade, tout faux pas risquerait de compromettre les gains modestes que nous avons faits. On ne devrait insister que dans des circonstances relativement rares, lorsque le sujet revêt une importance spéciale par rapport à notre rôle constitutionnel, lorsque nous sommes prêts à mener le combat à terme, lorsque l’opinion publique est — ou pourrait être — de notre côté, sauf circonstances exceptionnelles, et lorsqu’il est réaliste de croire que nous pouvons convaincre le gouvernement de changer d’avis ou le forcer à le faire.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je soutiens humblement que quatre critères pourraient nous guider dans une telle situation. Appliquons-les au cas qui nous occupe.
Un : le sujet revêt-il une importance spéciale par rapport à notre rôle constitutionnel? À cette question, je réponds « oui » sans hésitation. L’interdiction de circulation des pétroliers proposée est devenue une question d’unité nationale. Deux régions du pays sont en désaccord. Le Sénat peut agir et il devrait le faire. Outre les intérêts des régions, l’unité nationale et la protection de la Constitution sont sans l’ombre d’un doute des éléments de notre mandat.
Deux : sommes-nous prêts à mener un dur combat à terme? À mes yeux, insister une fois et laisser tomber ensuite est une perte de temps et d’énergie. Si nous décidons d’insister sur un amendement, nous devons être disposés à mener une longue bataille avec la Chambre des communes. Même si j’ai l’impression qu’un grand nombre de sénateurs sont déçus de l’intransigeance du gouvernement, jusqu’ici, je n’en ai pas entendu beaucoup dire que nous devrions sortir l’artillerie lourde.
Trois : si nous nous opposons à l’autre endroit, bénéficierons-nous de l’appui d’une grande partie de la population? Il s’agit d’une question cruciale, car elle détermine a) si nous pouvons gagner une telle partie de bras de fer et b) si l’impasse législative aidera ou nuira à la réputation du Sénat. Franchement, dans le cas présent, je doute que la majorité des Canadiens nous appuient. La plupart considéreraient un affrontement entre le Sénat et la Chambre des communes comme un autre exemple d’abus de pouvoir de la part de la Chambre haute non élue, ce qui ne ferait que nuire à la réputation du Sénat.
Quatre : si l’opinion publique n’est pas de notre côté, nous ne convaincrons pas le Cabinet de changer de mentalité. Nous avons essayé de convaincre le gouvernement en faisant preuve de logique et nous avons fait appel au compromis. Nos efforts ont été en vain.
Seule la possibilité d’une chute dans les sondages pourrait persuader le gouvernement de changer de cap. Je ne pense pas que cela se produira avec le projet de loi C-48. C’est le Sénat qui perdra des points dans les sondages.
C’est avec un pincement au cœur que j’arrive à la conclusion que le projet de loi visant à interdire la circulation des pétroliers ne répond pas à trois des quatre critères que j’ai énoncés l’année dernière.
Honorables sénateurs, il est bien tentant de mettre notre poing sur la table. Cependant, lorsque vient le temps de voter sur une question si sérieuse, il faut mettre de côté nos émotions et écouter la voix de la raison.
[Français]
En français, il existe deux mots distincts pour parler de compromis : il s’agit des mots « compromis » et « compromission ». Le premier, « compromis », est honorable et essentiel. Le second, « compromission », est un arrangement conclut par lâcheté ou par simple intérêt. La compromission se fait au mépris de ces principes.
Après avoir déjà accepté plusieurs compromis relativement au projet de loi C-48, en sommes-nous arrivés à la compromission? À accepter l’inacceptable? Je ne le crois pas.
Si nous nous fions un peu à notre mémoire, nous pouvons conclure que, dans cinq ans, nous lancerons une étude parlementaire sur l’interdiction des pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique.
De plus, grâce au travail du Sénat, les droits des Autochtones sont clairement affirmés et protégés dans le projet de loi. Ces gains ne sont pas très significatifs, mais ils existent, et cela signifie beaucoup.
[Traduction]
Je ne souscris pas à l’amendement du sénateur Harder, qui supprime le principal élément de l’amendement du Sénat, sa partie la plus importante. Je n’en demeure pas moins convaincu que, même si je n’aime pas cette conclusion, on ne peut pas reprocher au Sénat de ne pas insister sur le principal amendement qu’il a présenté. Comme je l’ai déjà dit, je suis fermement convaincu que le Sénat ne sortirait pas vainqueur d’un affrontement avec l’autre endroit.
J’ai été nommé au Sénat pour défendre ma région tout en tenant compte des intérêts nationaux — protection des minorités, promotion et maintien de l’unité nationale, évidemment —, mais j’ai été également nommé au Sénat pour participer à sa réforme. Lorsque le premier ministre m’a appelé il y a trois ans pour discuter de ma nomination au Sénat, je ne lui ai posé qu’une seule question : « Est-ce que les nouveaux sénateurs seront indépendants? » Il m’a répondu : « Oui, absolument ».
Le sénateur Plett : « À condition qu’ils votent comme moi. »
Le sénateur Pratte : Pour moi, cela voulait dire que je pouvais — et que je devais — voter selon ma conscience.
Aujourd’hui, ma conscience et mes convictions concernant la réforme du Sénat m’amènent à la même conclusion, même si je crois encore que le gouvernement a raté une formidable occasion en rejetant le compromis proposé par le sénateur Sinclair. Je suis par ailleurs certain que le projet de réforme du Sénat, auquel nous participons tous, pourrait être affaibli, voire mis en danger, par un affrontement irréfléchi et prolongé avec l’autre endroit.
Le jour viendra, honorables sénateurs, où le Sénat prendra l’extraordinaire initiative de s’engager sérieusement dans un combat avec l’autre endroit. Le jour viendra où un sujet donné revêtira tellement d’importance pour la Chambre de second examen objectif qu’elle sera résolue à mener une bataille historique. Ce jour viendra, j’en suis convaincu, mais ce n’est pas aujourd’hui, honorables sénateurs. Merci.
L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, lorsque le Sénat est saisi de projets de loi controversés comme celui-ci, on croit souvent que, s’il exerce le pouvoir qui lui a été conféré lors de la Confédération de 1867 de rejeter les mesures législatives du gouvernement, soit il en découlerait une crise majeure, soit ce serait un affront à la démocratie.
On a répété à maintes reprises que ce n’est pas le rôle de la Chambre haute nommée de faire de l’obstruction aux projets de loi adoptés par la Chambre des communes élue, surtout lorsqu’il s’agit de projets de loi qui donnent suite à des promesses électorales explicites du gouvernement.
(1610)
Ce serait important si c’était historiquement exact, mais, entre 1867 et 2015, le Sénat a rejeté 129 projets de loi simples, dont 50 étaient des projets de loi d’initiative ministérielle. Au cours de cette période, beaucoup d’autres projets de loi du gouvernement ont été retardés au comité ou sont morts au Feuilleton et n’ont jamais pu être mis aux voix.
Malgré le refus du Sénat d’adopter les projets de loi du gouvernement, le pays n’a pas connu de crise constitutionnelle, et le système parlementaire ne s’est pas effondré. Le Sénat a rejeté des projets de loi même lorsque le gouvernement avait une promesse électorale explicite à remplir.
Par exemple, lors de la campagne électorale fédérale de 1993, Jean Chrétien, le chef de l’opposition à l’époque, avait dit que, s’il était élu, il annulerait les changements prévus par le gouvernement précédent concernant l’aéroport Pearson de Toronto. Lors de la campagne électorale de 1993, M. Chrétien a promis un examen indépendant du projet de réaménagement de l’aéroport Pearson. Il a déclaré ceci au cours de la campagne :
Je préviens tout le monde que, si nous formons le gouvernement, nous nous pencherons sur cette transaction et, s’il le faut, nous adopterons une loi pour l’annuler.
Que s’est-il passé? M. Chrétien a remporté les élections de 1993 et il est devenu premier ministre; il a examiné l’accord; il a décidé qu’un projet de loi était nécessaire; le gouvernement a présenté et adopté un projet de loi à la Chambre des communes, mais ce dernier a été rejeté au Sénat du Canada, malgré la promesse électorale claire et le mandat que le premier ministre Jean Chrétien a reçu de la population canadienne en gagnant les élections de 1993. La promesse électorale n’aurait pas pu être aussi claire, mais le Sénat a quand même rejeté le projet de loi.
Les sénateurs qui ont rejeté le projet de loi avaient peut-être en tête les paroles du tout premier premier ministre du Canada. Comme nous le savons tous, sir John A. Macdonald a dit :
Où serait l’utilité de la chambre haute, si elle ne devait pas exercer, en temps opportun, son droit d’amender ou modifier la législation de la chambre d’assemblée? Il ne faut pas que ce soit un simple bureau d’enregistrement des décrets de la chambre basse [...]
Que s’est-il passé après le rejet de l’Accord de l’aéroport Pearson, le projet de loi C-28? Le gouvernement était mécontent et contrarié, mais le Canada n’a pas sombré dans le chaos.
On a également répété que les sénateurs ne peuvent pas — et ne doivent pas — rejeter un projet de loi du gouvernement qu’ils n’aiment pas simplement en raison de différences idéologiques ou politiques, car ce n’est pas au Sénat de bloquer la volonté démocratique des électeurs.
Chers collègues, dites cela aux femmes du Canada alors que, en 1991, le Sénat a rejeté un projet de loi visant à restreindre l’accès à l’avortement que le gouvernement du premier ministre Brian Mulroney avait fait adopter à la Chambre des communes.
Il convient également de signaler que les sénatrices conservatrices qui se sont opposées au projet de loi avaient toutes été nommées au Sénat par le premier ministre Mulroney, celui-là même qui tentait de faire adopter ce projet de loi. Le Sénat a dit non à la Chambre des communes, et des membres du caucus d’un parti politique partisan ont tenu leur bout et ont voté selon leur conscience. Voilà, chers collègues, à quoi ressemble un véritable Sénat indépendant.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Downe : Que dire des autres exemples dans l’histoire du Canada et du Sénat, lorsque le Sénat aurait pu voter différemment, mais a choisi de ne pas le faire? Un exemple, parmi bien d’autres, qui me vient à l’esprit est celui de la Loi sur les mesures de guerre lors de la crise du FLQ.
Le Sénat a-t-il pris la bonne décision, ou la décision populaire à l’époque, et le Sénat a-t-il failli à son devoir?
Devant la pression publique intense, je comprends que les sénateurs aient voté comme ils l’ont fait; toutefois, les sénateurs, comme les juges, qui restent en fonction jusqu’à 75 ans, bénéficient de la sécurité d’emploi justement pour pouvoir voter selon leur conscience, et non parce qu’ils ont peur ou se sentent redevables.
Chers collègues, malgré la pression publique, nous devons nous poser la question suivante : la raison d’être du Sénat est-elle d’éviter de faire des vagues ou de tenir des votes et de prendre des décisions qui résisteront à l’épreuve du temps?
Dans les moments difficiles que peut connaître notre pays, à quel point est-il important que le Sénat tienne bon devant des gouvernements successifs qui veulent faire adopter rapidement leurs mesures législatives? Les gouvernements veulent toujours que leurs mesures législatives soient adoptées rapidement. On promet de régler des problèmes dans le futur, mais je me demande toujours pourquoi nous laisserions passer l’occasion de régler des problèmes toute de suite.
Au fil des ans, en plus de rejeter des projets de loi du gouvernement, le Sénat a simplement retardé des projets de loi et empêché la tenue de votes. Certains projets de loi n’ont pas été renvoyés au comité, d’autres n’ont jamais vu l’issue de leur étude en comité et d’autres encore n’ont jamais fait l’objet d’un vote final.
C’était plus facile à faire avant que les règles ne soient changées au cours des dernières années. Par exemple, dans les années 1980 et 1990, à l’époque où Allan J. MacEachen était leader des libéraux au Sénat, on a paralysé des projets de loi sur divers sujets, comme la fusion du Conseil canadien et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada ou la redistribution des sièges de la Chambre des communes avant les élections de 1997. L’opposition du Sénat a poussé le gouvernement à abandonner ces projets de loi.
En outre, un important projet de loi sur l’assurance-chômage est mort au Sénat et une nouvelle loi sur le transport n’a jamais vu le jour en raison de l’opposition du Sénat — encore une fois, pas de vote.
Figurent aussi à la liste des projets de loi qui ont été bloqués des mesures sur les brevets pharmaceutiques, les réfugiés, les droits d’auteur et des initiatives liées à l’énergie, et j’en passe. Le plus célèbre cas est celui où le Sénat a refusé de voter sur l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis avant la tenue des élections fédérales. Lorsque l’affaire est devenue un enjeu électoral, le gouvernement a gagné et le Sénat l’a immédiatement adopté.
Après l’obtention d’un mandat clair, le Sénat a adopté le projet de loi. Étant donné qu’il ne reste que 100 jours avant le déclenchement des prochaines élections, d’aucuns pourraient faire valoir qu’on devrait demander que le gouvernement obtienne un mandat des Canadiens concernant, entre autres, les projets de loi C-48 et C-69.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Downe : Chers collègues, c’est la déclaration populiste la plus facile à faire au Canada pour critiquer le Sénat, qui est nommé. On demande « Comment osent-ils? », peu importe ce que nous faisons.
Toutefois, un jour, les Canadiens pourraient élire un premier ministre qui a les mêmes traits de caractère que l’actuel président américain Donald Trump. C’est à ce moment qu’ils voudraient que le Sénat agisse comme contrepoids, comme les Pères de la Confédération le voulaient et qu’ils se demanderaient pourquoi le Sénat a été neutralisé par le précédent récent qui consiste à ne pas rejeter les projets de loi du gouvernement, et pourquoi il ne sert qu’a tout adopter les yeux fermés.
Voici une citation de John A. Macdonald que j’ai mentionnée plus tôt :
Où serait l’utilité de la chambre haute, si elle ne devait pas exercer, en temps opportun, son droit d’amender ou modifier la législation de la chambre d’assemblée?
Les mots que je retiens sont « en temps opportun ». C’est une décision que chaque sénateur doit prendre à chaque vote et pour chaque projet de loi. Je voulais ajouter le contexte historique à cette discussion en faisant ces observations. Je vous remercie, chers collègues.
L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureux de ne pas avoir proposé l’ajournement et que le sénateur Downe ait eu l’occasion de prendre la parole. Nous ne sommes pas souvent sur la même longueur d’onde concernant les votes, mais nous sommes d’accord sur le rôle de notre institution. J’aimerais maintenant proposer l’ajournement du débat à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)
La Loi sur l’accès à l’information
La Loi sur la protection des renseignements personnels
Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Débat
Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence :
Le mardi 18 juin 2019
Il est ordonné,— Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, la Chambre :
accepte les amendements 1, 2, 4, 5b), 6, 7, 8(b), 9, 10, 11, 13, 14b), 15a), b) et d), 16, 17, 18, 19 et 20 apportés par le Sénat;
rejette respectueusement les amendements 3 et 12, car ils visent à légiférer sur des questions qui s’éloignent de l’objectif stratégique du projet de loi, celui-ci étant d’apporter des modifications ciblées à la Loi, notamment d’autoriser le commissaire à l’information à rendre des ordonnances concernant la communication de documents ou en ce qui a trait à d’autres questions liées aux demandes et de créer une nouvelle partie de la Loi prévoyant la publication proactive de renseignements ou de documents afférents au Sénat, à la Chambre des communes, aux entités parlementaires, aux cabinets des ministres, aux institutions fédérales et aux institutions qui appuient les cours supérieures;
en conséquence de l’amendement 4 du Sénat, propose d’ajouter l’amendement suivant :
1.Nouvel article 6.2, page 4 : Ajouter, après la ligne 4, ce qui suit :
« 6.2 Le passage de l’article 7 de la même loi précédant l’alinéa a) est remplacé par ce qui suit :
7 Le responsable de l’institution fédérale à qui est faite une demande de communication de document est tenu, dans les trente jours suivant sa réception, sous réserve des articles 8 et 9 : ».
propose que l’amendement 5a) soit remplacé par ce qui suit :
« a) À la page 5, supprimer les lignes 31 à 36;
a.1) À la page 6, remplacer la ligne 1 par ce qui suit :
« 13 L’article 30 de la même loi est modifié par ad- »; »;
en conséquence de l’amendement 5a) du Sénat, propose d’ajouter les amendements suivants :
1.Article 16, page 7 : Remplacer la ligne 36 par ce qui suit :
« l’un des alinéas 30(1)a) à e), le Commissaire à l’infor- ».
2.Article 19, page 11 : Remplacer la ligne 28 par ce qui suit :
« alinéas 30(1)a) à e) et qui reçoit le compte rendu en ap- ».
propose que la modification 8a) soit modifiée en supprimant le paragraphe (6);
propose que l’amendement 14a) soit modifié en remplaçant le texte de la version anglaise par ce qui suit : « the publication may constitute a breach of parliamen- »;
rejette respectueusement l’amendement 15c), car accorder au commissaire à l’information le pouvoir de surveillance à l’égard de la publication proactive par les institutions qui appuient le Parlement et les cours risque de porter atteinte au privilège parlementaire et à l’indépendance judiciaire
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :
Que, relativement au projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, le Sénat :
a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes aux amendements du Sénat, y compris les amendements apportés en raison des amendements du Sénat;
b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
—Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du message concernant le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
Premièrement, je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de leur examen approfondi et attentif de ce projet de loi, et la sénatrice Ringuette, la marraine du projet de loi, qui a joué un rôle très important dans l’étude de ce dossier par le Sénat.
(1620)
L’entrée en vigueur de la Loi sur l’accès à l’information, en 1985, a marqué une avancée considérable au chapitre de l’ouverture et de la transparence que les citoyens d’une démocratie moderne attendent de leur gouvernement. Elle a aussi renforcé l’idée qu’en fin de compte, les renseignements que détiennent les institutions fédérales appartiennent aux gens qu’elles servent. Rappelons toutefois qu’aucune modification substantielle n’a été apportée à cette loi depuis plus de 30 ans.
Le projet de loi C-58 présenté par le gouvernement vise à renforcer l’administration de la Loi sur l’accès à l’information. Il propose, pour ce faire, d’accorder des pouvoirs supplémentaires au commissaire à l’information, de publier des renseignements de façon proactive, et de voir à ce que la loi soit examinée plus régulièrement.
Une nouvelle partie de la loi, la partie 2, rendrait le gouvernement ouvert par défaut, puisqu’elle inscrirait dans la loi la publication proactive d’un vaste éventail de renseignements. Le projet de loi donnerait au commissaire à l’information le pouvoir, longtemps attendu, d’ordonner à une institution fédérale de communiquer des documents à la suite d’une demande d’accès à l’information. Il permettrait aussi au commissaire à l’information et au commissaire à la protection de la vie privée de communiquer l’un avec l’autre et les obligerait à le faire dans certains cas, dans le but de trouver un juste équilibre entre, d’une part, le droit d’avoir accès à l’information et, d’autre part, le droit à la protection des renseignements personnels.
Cependant, comme les honorables sénateurs le savent, divers intervenants, y compris des universitaires, des juristes, des organisations autochtones et des citoyens préoccupés, ont dit que, selon eux, le projet de loi C-58, tel qu’il a été élaboré à l’origine, ne permettrait pas d’atteindre les objectifs fixés. Lorsqu’il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 3 octobre dernier, l’honorable Scott Brison, ancien président du Conseil du Trésor, s’est dit prêt à considérer des amendements du Sénat qui amélioreraient certains aspects du projet de loi. Cette ouverture se reflète également dans la correspondance que l’ancien président du Conseil du Trésor a fait parvenir au comité, le 25 février dernier.
Au terme d’une étude approfondie, le comité a proposé 20 amendements ainsi que des observations détaillées sur divers éléments du projet de loi et du système d’accès à l’information en général. Le gouvernement considérera attentivement les observations du comité, particulièrement lors des prochains examens de la loi qui sont prévus dans celle-ci.
Je suis heureux d’annoncer que le gouvernement a convenu d’adopter la grande majorité des amendements, soit 16 amendements, tout en rejetant respectueusement 4 d’entre eux.
Le gouvernement a accepté des amendements très importants pour nombre d’entre nous, c’est-à-dire les amendements du Sénat concernant les décisions sur les questions de privilège au Sénat. Le gouvernement a reconnu qu’il n’avait pas l’intention de changer la façon dont les Chambres du Parlement prennent leurs décisions sur les questions de privilège, et qu’il ne voulait pas porter atteinte aux privilèges dont jouissent les deux Chambres et leurs membres respectifs.
Conformément aux précédents établis au Sénat et à l’application des dispositions pertinentes du Règlement du Sénat, le Président devra entendre les débats sur les questions de privilège et les sénateurs continueront de pouvoir faire appel d’une décision de la présidence, comme le prévoit notre Règlement.
Le gouvernement a aussi accepté les amendements du Sénat qui élimineraient le pouvoir du gouvernement de fixer et de percevoir des droits, à part les droits de demande. Sur ce point, le gouvernement s’est engagé à ne pas augmenter le faible coût de 5 $.
Notre comité a affirmé que le fait d’accorder au commissaire à l’information le pouvoir d’ordonner la publication d’information détenue par le gouvernement nécessitait l’inclusion de dispositions plus musclées en matière de vie privée. Le comité a adopté un amendement qui obligerait le commissaire à l’information à consulter le commissaire à la protection de la vie privée avant d’ordonner la communication de renseignements personnels qu’une institution avait refusé de communiquer sur la base de l’exception relative aux renseignements personnels. Le gouvernement accepte cet important amendement du Sénat.
Le gouvernement a également accepté d’autres amendements du Sénat qui amélioreraient la communication entre les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée, renforçant davantage la protection des renseignements personnels. Ce sont les deux commissaires qui ont suggéré ces amendements dans une proposition conjointe.
Le gouvernement a aussi accepté un amendement du Sénat qui oblige les institutions fédérales à continuer de publier l’information sur leur organisation, leurs documents et leurs manuels sur Info Source. C’est un outil important pour les Canadiens qui veulent savoir comment l’information est recueillie par le gouvernement et où cette information est conservée.
Un autre amendement du Sénat qui a été accepté porte sur les demandes d’accès à l’information qui sont vexatoires, entachées de mauvaise foi ou qui constituent un abus du droit d’accès. En 2017-2018, pour la première fois, le gouvernement a reçu plus de 100 000 demandes d’accès à l’information. Malheureusement, une petite, mais non négligeable, partie de ces demandes ont été faites pour des raisons incompatibles avec l’objet de la loi.
Le gouvernement est d’accord avec le comité lorsqu’il affirme que la permission donnée aux responsables des institutions de demander l’autorisation du commissaire à l’information pour ne pas donner suite à une demande devrait être très restreinte. Le gouvernement a accepté des amendements du Sénat visant à limiter cette permission aux demandes vexatoires, entachées de mauvaise foi ou constituant un abus du droit d’accès. Cela permettra aux institutions de se concentrer sur les demandes légitimes.
Un élément clé du projet de loi C-58 est le pouvoir de rendre des ordonnances qu’il conférerait au commissaire à l’information, plus précisément le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires concernant le traitement des demandes, y compris la communication des documents. Le titulaire du poste pourrait publier ces ordonnances et établir une jurisprudence pour guider les institutions et les utilisateurs du système.
En outre, le gouvernement accepte l’amendement du Sénat qui conférerait au commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale.
Dans sa forme initiale, le projet de loi aurait repoussé l’entrée en vigueur de ce pouvoir à un an après la sanction royale afin que le titulaire du poste ait le temps de bien se préparer. Or, la commissaire actuelle a affirmé que tout était prêt et elle a demandé que ce pouvoir entre en vigueur en même temps que la sanction royale.
Pour le moment, la commissaire à l’information doit s’adresser aux tribunaux si un organisme refuse de suivre ses recommandations, mais une fois le projet de loi C-58 en vigueur, ce sera le contraire, et les organismes qui jugent ses ordonnances injustifiées auront 30 jours pour les contester devant la Cour fédérale.
Le projet de loi C-58 prévoit aussi la publication proactive des dépenses remboursées à chacun des juges des cours supérieures, ce qui permettra de répondre aux attentes du public, qui souhaite que les dépenses de la magistrature soient administrées de manière plus transparente, tout en respectant le principe fondamental de l’indépendance judiciaire. Pour éviter tout manquement à ce principe essentiel, une vaste exception a été ajoutée au projet de loi.
Cela dit, les témoins entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont des juges, des juristes et des professeurs de droit, ont clairement indiqué que la publication des dépenses des juges eux-mêmes pourrait soulever de sérieux doutes quant à leur indépendance.
Malgré l’exemption générale prévue dans la version initiale du projet de loi, bien des personnes estimaient qu’en mettant l’accent sur les dépenses engagées individuellement par les juges, on exposait indûment ces derniers à des critiques injustes et que cette exigence posait un trop grand risque. L’amendement adopté au comité, piloté par notre collègue le sénateur Dalphond, remplace l’exigence de publication proactive des dépenses engagées individuellement par les juges par un modèle global.
Le gouvernement accepte cet amendement proposé par le Sénat, en convenant qu’il permettra d’éliminer les craintes relatives à l’indépendance judiciaire dans presque toutes les circonstances, sauf les plus exceptionnelles.
Comme l’a souligné le sénateur Dalphond dans un communiqué sur le sujet publié le 12 juin dernier :
Cet amendement élimine un trou noir dans la mouture initiale du projet de loi C-58 [...]
Il ajoutait que, selon lui, le projet de loi amendé représente :
[...] un bon équilibre entre les objectifs de transparence et le respect de l’indépendance judiciaire.
Le gouvernement accepte également les amendements proposés par le Sénat pour remédier à d’importants problèmes soulevés dans les témoignages de représentants d’organismes autochtones, de même que du commissaire à l’information et d’autres intervenants.
Dans son libellé initial, le projet de loi C-58 renferme des dispositions visant à accélérer le processus en exigeant que les auteurs d’une demande de communication indiquent le sujet précis sur lequel porte la demande, le type de document demandé et la période visée par la demande.
Voilà un exemple d’une idée proposée avec la meilleure des intentions qui pourrait avoir des conséquences non prévues.
Selon les représentants d’organismes autochtones qui ont témoigné devant le comité, ces dispositions pourraient entraver leur droit d’accès à l’information, puisque les documents remontent souvent à des décennies et même parfois à des siècles.
Dans un tel contexte, il est déraisonnable d’exiger de préciser le sujet, le type de document et la période que vise la demande. Le gouvernement en convient et il a accepté l’amendement du Sénat qui éliminerait cette exigence. Il tient à ce que les peuples autochtones puissent accéder à l’information dont ils auront besoin pour appuyer des revendications territoriales, par exemple, ou pour demander réparation pour les torts passés.
Des représentants d’organisations autochtones qui ont comparu devant le comité se sont également dits préoccupés par le fait qu’ils n’avaient pas été consultés de façon appropriée lors de l’élaboration du projet de loi C-58. Dans la correspondance que l’ancien président du Conseil du Trésor a fait parvenir au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont j’ai parlé plus tôt, il s’est engagé à inciter les organisations et les représentants autochtones à se pencher sur les modifications qu’il serait possible d’apporter à la Loi sur l’accès à l’information afin de mieux répondre aux préoccupations des Autochtones. Comme toujours à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis, le ministre s’est engagé à travailler en concertation avec eux. Le fait que l’on prenne acte de telles préoccupations et que l’on y donne suite témoigne de l’importance d’examiner régulièrement la loi, un engagement qui est maintenant inscrit dans celle qui nous occupe. Selon le projet de loi C-58, le ministre devrait entreprendre l’examen du fonctionnement de la loi tous les cinq ans, le premier devant avoir lieu dans l’année suivant la sanction royale.
(1630)
Pour soutenir l’efficacité de ces examens et éliminer toute perception de conflit d’intérêts, le comité a amendé le projet de loi C-58 pour demander que des examens soient aussi entrepris par des comités des deux Chambres du Parlement. Cela permettrait de discuter en profondeur des grandes questions qui, comme nous l’avons vu, se posent lorsqu’il s’agit de l’accès à l’information. Le gouvernement accepte l’amendement du Sénat puisqu’il prévoit un niveau supplémentaire d’examen qui sera enrichi par l’expertise de nos comités parlementaires respectifs.
Le gouvernement a refusé respectueusement d’accepter certains amendements du Sénat pour des raisons techniques ou au motif qu’ils devraient être davantage étudiés pour relever toutes conséquences inattendues possibles et y remédier. Par exemple, le gouvernement a refusé l’amendement du Sénat qui créerait une nouvelle infraction criminelle pour l’usage d’un code, d’un surnom ou d’un mot ou d’une phrase fabriqué dans un document au lieu du nom de toute personne, société, entité, tiers ou organisation.
Le gouvernement indique que les dispositions de la Loi sur l’accès à l’information relatives aux infractions criminelles n’ont pas fait l’objet d’une consultation ou d’une étude lors de l’élaboration de ce projet de loi. Par conséquent, il serait plus approprié d’examiner les modifications à apporter à ces dispositions dans le cadre de l’examen complet de la loi, surtout compte tenu de la lourde peine prévue lorsqu’une personne est reconnue coupable.
Un autre amendement du Sénat aurait limité la prorogation du délai de réponse aux demandes. Aux termes de la loi actuelle, le responsable d’une institution peut, dans certaines circonstances, aviser un demandeur qu’un délai supplémentaire est nécessaire pour répondre à sa demande. Si la prorogation dépasse 30 jours, le responsable de l’institution doit en aviser le commissaire. L’amendement du Sénat prévoit qu’il faut obtenir l’approbation du commissaire pour les prorogations de plus de 30 jours. Si cet amendement était adopté, plus 11 000 nouvelles demandes seraient envoyées au Commissariat à l’information chaque année.
Le gouvernement estime qu’un changement de cette ampleur nécessite une étude approfondie et la tenue d’une consultation auprès du Commissariat à l’information du Canada afin d’en évaluer les répercussions sur son bureau. Par conséquent, le gouvernement rejette respectueusement l’amendement du Sénat. Étant donné que le projet de loi a été amendé de façon à exiger que l’examen de cette loi soit effectué par des comités au Sénat et à l’autre endroit, le Sénat aura l’occasion d’étudier cette question et d’autres sujets dans un très proche avenir.
Étant donné que le rejet de cette modification a pour effet de laisser en place le régime de délais actuel, le pouvoir de la commissaire de recevoir les plaintes concernant les délais et de faire enquête sur celles-ci doit être maintenu. Par conséquent, l’amendement du Sénat visant à éliminer ce pouvoir est également rejeté.
Le gouvernement a également refusé un amendement connexe du Sénat qui aurait retiré à la commissaire le pouvoir d’accepter les plaintes relatives à la dispense du paiement de droits et de faire enquête sur ces plaintes. Le gouvernement a indiqué que la commissaire pourrait continuer d’exercer une surveillance de la façon dont les institutions exercent le pouvoir de dispenser les intéressés du paiement des droits.
Un amendement du Sénat qui exigerait que la commissaire à l’information examine l’application de la partie 2 proposée de la loi et communique annuellement au Parlement les résultats a également été refusé. Le gouvernement soutient qu’une telle disposition risquerait de porter atteinte au privilège parlementaire et à l’indépendance judiciaire. Quoi qu’il en soit, le gouvernement souligne que les préoccupations à cet égard sont en grande partie dissipées par le fait que les personnes peuvent continuer à avoir accès aux documents publiés en vertu de la partie 2 en présentant une demande en vertu de la partie 1. Elles peuvent également demander les pièces justificatives relatives à la partie 2 ou publiées au titre de celle-ci. La commissaire aura le pouvoir de surveillance à l’égard des documents communiqués en réponse à ces demandes.
Enfin, le gouvernement a respectueusement rejeté l’amendement du Sénat visant à donner à la commissaire à l’information le pouvoir de déposer des ordonnances auprès de la Cour fédérale pour qu’elles deviennent des ordonnances de celle-ci. Le gouvernement estime qu’en vertu du projet de loi C-58, il n’est pas nécessaire d’autoriser la commissaire à déposer une ordonnance auprès de la Cour fédérale. Les ordonnances de la commissaire à l’information sont déjà contraignantes et le projet de loi établit déjà une voie de recours auprès de cette cour pour le cas où une institution aurait de sérieuses préoccupations concernant une ordonnance.
Pour conclure, j’aimerais rappeler que le gouvernement a suivi attentivement les travaux de cette assemblée, et qu’il a accepté la grande majorité des amendements proposés par le Sénat, y compris ceux qui, selon moi, sont les plus importants pour combler les lacunes constatées par le comité. Enfin, nous avons un projet de loi qui a subi un examen objectif. Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a fait un travail incroyable à cet égard, sur une longue période. J’encourage les honorables sénateurs à accepter le message de l’autre endroit, puisque ce projet de loi améliore vraiment le régime d’accès à l’information, le rendant plus efficace et lui permettant de mieux répondre aux intérêts des Canadiens.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs je m’adresse à vous au sujet du message de la Chambre des communes portant sur le projet de loi C-58, Loi modernisant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
Je dois vous avouer ma très grande déception et ma grande surprise de constater que le gouvernement libéral a rejeté l’amendement sur l’entrave au droit d’accès à l’information que j’avais proposé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Cet amendement avait d’ailleurs été adopté par le Sénat, puis renvoyé à la Chambre des communes.
Le Sénat, en allant de l’avant avec cet amendement, aurait permis de combler une faille en ce qui a trait à l’infraction ayant trait à l’entrave au droit d’accès à l’information qui existe depuis 2009 dans la loi. Il s’agit d’une faille qui pourrait gêner le travail de la commissaire à l’information. Cet amendement visait non seulement à améliorer la Loi sur l’accès à l’information afin de sanctionner l’utilisation de codes et d’autres subterfuges en vue d’entraver l’application de la loi, mais aussi à protéger le mécanisme d’accès à l’information par l’usage de techniques destinées à embrouiller les pistes de recherche.
Le seul motif de refus que nous trouvons dans la réponse du gouvernement est basé sur l’objectif stratégique du projet de loi. Or, quel était l’objectif stratégique de ce projet de loi? Comme l’a dit le président du Conseil du Trésor lors de son témoignage devant le comité, le projet de loi C-58 devait remplir une promesse électorale du gouvernement libéral. Cette promesse consistait à apporter davantage de transparence au régime d’accès à l’information, afin d’élargir le champ des informations gouvernementales auxquelles les Canadiens ont droit.
On nous a dit également que le projet de loi C-58 rendrait l’accès à l’information plus efficace; « Nous améliorerons l’accès à l’information gouvernementale », nous disait Justin Trudeau pendant la campagne électorale de 2015.
La lettre de mandat du président du Conseil du Trésor demandait à ce dernier ce qui suit, et je cite :
[...] d’accroître la transparence du gouvernement [...] et que la Loi s’applique de façon appropriée au Cabinet du premier ministre et aux cabinets des ministres [...]
En outre, le président du Conseil du Trésor a déclaré, à l’occasion de son témoignage, que ce projet de loi allait donner plus de pouvoir à la commissaire à l’information.
Toutefois, honorables sénateurs, je vous rappelle que, au cours de l’étude du projet de loi C-58, des faits préoccupants et troublants ont été révélés dans les grands médias canadiens. Entre autres, le quotidien National Post et toutes les grandes chaînes médiatiques ont révélé, en plein cœur du scandale Norman, que des militaires employés au ministère de la Défense nationale avaient utilisé des codes pour masquer le nom du vice-amiral dans des échanges de courriels et d’autres communications à ce sujet.
Derrière le scandale Norman se cache un autre scandale tout aussi préoccupant, soit celui de l’utilisation, avec une intention malveillante, de codes, de surnoms ou de mots de passe au lieu du nom du vice-amiral Norman, et ce, afin de contourner ou d’entraver la recherche de documents visés par une ou des demandes d’accès à l’information.
Le stratagème consistait à utiliser des codes ou des surnoms, ce qui empêchait de retrouver les communications ou les échanges portant sur le vice-amiral.
Plus précisément, selon une publication du réseau Global News le 29 janvier 2019, Marie Henein, l’avocate de la défense représentant le vice-amiral Norman, a présenté à la juge Heather Perkins-McVey, de la Cour supérieure de l’Ontario, une liste de noms de codes que son équipe d’avocats avait réussi à obtenir à la suite de demandes d’accès à l’information : « The Kracken », « The Boss », « C34 », et j’en passe.
L’objectif de ces tactiques douteuses ne pouvait être que de bloquer ou de nuire à l’accès aux documents et aux communications portant sur le vice-amiral Norman et de porter atteinte à l’efficacité du système.
Comme l’a déclaré, lors de l’enquête préliminaire, un militaire dont le nom a fait l’objet d’une ordonnance de non-publication, l’utilisation de codes par des militaires du ministère de la Défense nationale avait pour objet de rendre des documents invisibles pour les fonctionnaires chargés de la recherche en vue de répondre aux demandes d’accès à l’information. Si cette action visant à nuire à la recherche d’information pertinente ne constitue pas une entrave au droit d’accès, comment peut-on la qualifier? Les médias parlent de manipulation du système de demandes d’accès à l’information au ministère de la Défense nationale. Les techniques ne visaient peut-être pas à cacher certains documents, mais elles pouvaient assurément nuire à l’exercice préalable qui vise à les retrouver.
(1640)
C’est comme si on contournait la loi en brouillant volontairement les pistes de recherche. L’utilisation de codes vient directement en contradiction avec la raison d’être de la Loi sur l’accès à l’information. L’utilisation de codes va à l’encontre des objectifs du projet de loi C-58, qui sont de moderniser la Loi sur l’accès à l’information et d’apporter davantage de transparence aux Canadiens.
J’ai été très surpris d’entendre le sénateur Harder affirmer que cet amendement allait à l’encontre de l’objectif de cette loi, alors que le ministre parlait de la moderniser. J’estime que l’entrée en vigueur du paragraphe 67(1), adopté en 2009, a eu pour effet de dissuader les gens de contourner la loi, car, depuis ce temps, on n’a intenté aucune poursuite pour destruction de documents. Cependant, avec les phénomènes grandissants de diffusion de documents numérisés et d’envoi de courriels, cette pratique douteuse ayant trait à l’utilisation de codes doit être spécifiquement interdite dans la Loi sur l’accès à l’information.
Le 1er février dernier, le National Post a publié un article intitulé « Comment éviter de laisser des traces écrites? Les conseils fiables, parfois illégaux de bureaucrates et de personnel politique ». Cette pratique existe, car l’article en question faisait référence à l’utilisation de codes afin d’éviter de laisser toute trace écrite.
Si nous refusons de rendre cette pratique illégale, nous renonçons aux principes mêmes de la Loi sur l’accès à l’information. Au nom du principe de la transparence, qui est la raison d’être du projet de loi C-58, il faut bannir toute pratique qui consiste à entraver l’accès à l’information en utilisant des codes dans le but de bloquer l’accès à des documents. Nous avons l’occasion de mettre un terme à cette pratique en rejetant cette partie du message du gouvernement.
Si nous réussissons à éliminer cette échappatoire en ce qui concerne les termes susceptibles d’être utilisés pour éviter la divulgation de documents, nous protégerons les fondements mêmes de l’objectif du projet de loi C-58. Lorsqu’on sait que le Canada est passé au 55e rang sur la liste annuelle des classements mondiaux relativement au libre accès à l’information et qu’il est maintenant à égalité avec la Bulgarie et l’Uruguay, il est clair que les failles identifiées à la suite du célèbre scandale Norman doivent être comblées, afin de rehausser la crédibilité du Canada.
Je vous remercie, chers collègues, d’avoir adopté l’amendement qui concerne l’utilisation des codes à l’étape de l’étude en comité et dans cette Chambre. Je vous invite à appuyer l’amendement qui vise à insister sur l’amendement no 12, que nous avons accepté, et à renforcer plus spécifiquement le texte du paragraphe 67(1) de la Loi sur l’accès à l’information, en ajoutant les termes « utiliser tout code, surnom, nom ou phrase fabriquée dans un document au lieu du nom de toute personne, société, entité ou organisation ».
Cette question est au cœur de l’engagement du premier ministre Trudeau visant à rendre la Loi sur l’accès à l’information transparente et crédible. En plus de préserver la confiance du public canadien à l’égard du système d’accès à l’information, nous devons sauvegarder la transparence et l’efficacité de ce système.
Rejet de la motion d’amendement
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée, par substitution de tous les mots suivant l’alinéa a), avec ce qui suit :
« b)insiste sur son amendement 12, auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;
c)n’insiste pas sur ses autres amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;
Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements et présente son rapport exposant les motifs de cette insistance au plus tard le 20 juin 2019;
Que, après que le Sénat ait accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer. ».
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : En amendement, l’honorable sénateur Boisvenu propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Ngo, que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée...
Des voix : Suffit!
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, il y a des nuances dans le discours que nous venons d’entendre. Le fait de tenir pour acquis que les officiers militaires utilisent des codes pour cacher de l’information va, je dirais, presque au-delà de l’imagination. Je dirais même que l’on se croirait dans Star Trek.
Les opérations militaires comportent toutes des codes et des cadres d’opération. C’est dans l’arène militaire et dans l’arène policière, lorsqu’on procède à une opération quelconque, que l’on utilise des codes, des surnoms ou autres.
Bien que cette utilisation de codes ne soit pas une question de camouflage d’information, le sénateur Boisvenu insiste pour en faire une infraction criminelle. Franchement... Il faut être bien conscient et accepter le fait que certaines organisations, surtout dans le domaine de la sécurité nationale, ont besoin d’utiliser des codes.
Honorables sénateurs, ici même, au Sénat, nous utilisons des codes. Par exemple, selon l’amendement que propose le sénateur Boisvenu, « CIBA » deviendrait un code et, si le Sénat ne s’y conformait pas, il commettrait une infraction criminelle.
Vous comprendrez pourquoi je ne suis pas en faveur de l’amendement que propose le sénateur Boisvenu. Il ne s’agit pas là d’une question de transparence ou de crédibilité. Dans le cadre de nos opérations, qu’il s’agisse du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ou du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, lorsque nous utilisons des acronymes, ce n’est pas par manque de transparence ou de crédibilité.
C’est pourquoi je vous conseille fortement de ne pas voter en faveur de l’amendement proposé par le sénateur Boisvenu.
Le sénateur Boisvenu : Je voudrais poser une question. D’abord, sénatrice Ringuette, je me serais attendu à des arguments contradictoires moins simplistes que ceux que vous avez présentés. D’une part, vous savez que la loi parle d’intention volontaire et d’intention criminelle. On sait que les codes sont utilisés un peu partout.
Si vous avez bien lu mon amendement, ce dernier ne parle pas de cacher de l’information, mais d’empêcher d’avoir accès à de l’information. Je voudrais d’abord vous demander si vous connaissez bien la Loi sur l’accès à l’information.
La sénatrice Ringuette : Oui, Votre Honneur, je la connais bien.
[Traduction]
L’honorable Marc Gold : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Ringuette : Volontiers.
Le sénateur Gold : Sénatrice Ringuette, croyez-vous que, si nous acceptons cet amendement, le projet de loi mourra au Feuilleton?
La sénatrice Ringuette : Tout est relatif, surtout quand on regarde l’échéancier dans lequel nous évoluons. D’après ce que nous avons entendu, la Chambre des communes s’apprête à ajourner alors que nous avons encore beaucoup à faire.
(1650)
Dans sa plateforme électorale, le gouvernement s’était engagé à examiner la Loi sur l’accès à l’information, qui n’a fait l’objet d’aucun remaniement notable depuis plus de 30 ans. Nous avons enfin une version modernisée de la loi. Ses dispositions prévoient qu’elle sera soumise à un examen dans l’année suivant la sanction royale, puis tous les cinq ans par la suite.
Pour ma part, je tiens à souligner que le projet de loi prévoit la communication proactive de renseignements. C’est un élément important pour que tous les Canadiens aient accès à l’information, un élément dont nous avons grandement besoin. Je ne voudrais pas que le projet de loi meure au Feuilleton simplement parce que quelqu’un n’aime pas les acronymes, alors qu’il a fallu beaucoup de travail pour moderniser cette loi à l’intention de tous les Canadiens.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Je vois deux honorables sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Le vote aura lieu à 17 h 7.
Convoquez les sénateurs.
(1700)
La motion d’amendement de l’honorable sénateur Boisvenu, mise aux voix, est rejetée :
POUR
Les honorables sénateurs
Andreychuk | Mockler |
Ataullahjan | Neufeld |
Batters | Ngo |
Boisvenu | Oh |
Carignan | Patterson |
Dagenais | Plett |
Doyle | Poirier |
Eaton | Richards |
Frum | Seidman |
Housakos | Smith |
MacDonald | Stewart Olsen |
Manning | Tannas |
Marshall | Tkachuk |
McInnis | Wells |
McIntyre | White—30 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Anderson | Harder |
Bellemare | Hartling |
Black (Alberta) | Klyne |
Black (Ontario) | Kutcher |
Boniface | LaBoucane-Benson |
Bovey | Lankin |
Brazeau | Lovelace Nicholas |
Busson | Marwah |
Christmas | Massicotte |
Cordy | McCallum |
Cormier | McPhedran |
Coyle | Mégie |
Dalphond | Mercer |
Dawson | Mitchell |
Day | Miville-Dechêne |
Deacon (Nouvelle-Écosse) | Moncion |
Deacon (Ontario) | Munson |
Dean | Pate |
Downe | Petitclerc |
Duncan | Pratte |
Dyck | Ravalia |
Forest | Ringuette |
Forest-Niesing | Saint-Germain |
Francis | Simons |
Gagné | Sinclair |
Galvez | Wallin |
Gold | Woo—55 |
Griffin |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Bernard | Joyal—2 |
(1710)
Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Woo :
Que, relativement au projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, le Sénat :
a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes aux amendements du Sénat, y compris les amendements apportés en raison des amendements du Sénat;
b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur la motion principale. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénateur Woo, propose que, en ce qui concerne le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence.)
Le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur
Projet de loi modificatif—Dépôt du quarante-deuxième rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi
Consentement ayant été accordé de revenir à la présentation ou au dépôt de rapports de comités :
L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quarante-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur la teneur du projet de loi C-101, Loi modifiant le Tarif des douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Mockler, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie
La Loi fédérale sur les hydrocarbures
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’honorable Margaret Dawn Anderson propose que le projet de loi C-88, Loi modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi fédérale sur les hydrocarbures et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, soit lu pour la troisième fois.
— Votre Honneur et honorables sénateurs, je tiens tout d’abord à souligner que nous nous réunissions aujourd’hui sur le territoire non cédé des Algonquins anishinabes.
Je prends la parole au sujet du projet de loi C-88 à l’étape de la troisième lecture.
Comme je l’ai déjà indiqué dans cette enceinte, les Territoires du Nord-Ouest comptent divers peuples, langues et cultures. La majorité de la population est autochtone. Nous continuons à entretenir des liens solides avec la terre et les eaux que nous occupons depuis des millénaires. Nous insistons pour participer activement aux décisions concernant l’exploitation des ressources qui a lieu dans nos communautés.
Il y a 42 ans, le juge Berger a écrit :
Le sort du Nord est d’une importance capitale pour l’avenir du pays. Il marquera le pays et ses habitants. Les Canadiens ont considéré leur histoire comme le passage d’une région inexploitée à une autre. Cette conception explique la colonisation de l’Amérique du Nord par les Blancs. Or, au fur et à mesure que leurs terres ancestrales ont été occupées et colonisées, les Autochtones du Canada ont connu l’avilissement et la dévalorisation de leur culture.
Les Canadiens se considèrent comme un peuple du Nord. Peut-être ont-ils commencé à comprendre qu’ils peuvent apprendre d’un peuple qui a réussi à vivre dans le Nord pendant des siècles, un peuple qui n’a jamais cherché à modifier l’environnement, mais plutôt à vivre en harmonie avec lui.
Comme le savent mes honorables collègues, le projet de loi C-88 comporte deux parties. La première partie modifie la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie pour régler le litige qui empêche actuellement les projets d’aménagement de progresser dans la vallée du Mackenzie.
En 2015, la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a mis en place une injonction qui a suspendu la restructuration de quatre offices régionaux des terres et des eaux dans la vallée du Mackenzie. Cette restructuration avait été incluse dans la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, à la grande surprise des gouvernements et organismes autochtones touchés.
Le projet de loi C-88 préserverait les quatre offices régionaux et le régime de cogestion et de prise de décisions conjointes énoncé dans l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in, l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu et l’Accord sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho, ce qui réglerait le litige. Cela procurerait une certitude accrue à l’industrie et aiderait à tirer parti des avantages sociaux et économiques potentiels des activités d’aménagement ou d’exploitation dans la vallée du Mackenzie pour les générations futures.
David MacMartin, directeur des relations intergouvernementales du conseil tribal des Gwich’in, nous prévient que :
Si le projet de loi C-88 n’est pas adopté, non seulement le Canada n’aura pas respecté son engagement envers les collectivités autochtones des Territoires du Nord-Ouest, mais ces collectivités seront dans l’obligation de s’en remettre à des recours judiciaires coûteux, interminables et acrimonieux.
En plus de redonner des certitudes quant au régime réglementaire des Territoires du Nord-Ouest, la seconde partie du projet de loi C-88 garantit le développement responsable grâce aux amendements proposés à la Loi fédérale sur les hydrocarbures.
James Fulford, négociateur en chef pour les hydrocarbures extracôtiers au ministère de l’Exécutif et des Affaires autochtones du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a fait l’observation suivante :
Les amendements proposés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie dans le projet de loi C-88 donneront davantage de certitudes par rapport au développement responsable des ressources dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons bien besoin de ces certitudes alors que nous continuons de collaborer avec les gouvernements autochtones du territoire afin de susciter un développement responsable des ressources.
(1720)
Les écosystèmes arctiques sont parmi les plus fragiles de la planète. Une fois qu’ils ont été endommagés par l’activité humaine, ils prennent beaucoup de temps à récupérer. Nous savons par ailleurs que les conséquences des changements climatiques se font particulièrement sentir dans l’Arctique. Compte tenu de ces réalités, le Canada a annoncé en 2016, conjointement avec les États-Unis, l’interdiction immédiate des activités de développement au large des côtes de l’Arctique. Cette interdiction sera réévaluée tous les cinq ans à partir des données scientifiques et des savoirs autochtones.
Le projet de loi C-88 est favorable à cette approche puisqu’il donne au gouvernement du Canada le pouvoir d’interdire des activités dans le cadre de l’exploration existante et des attestations de découverte importante dans l’Arctique extracôtier. Ce pouvoir n’est pas entièrement nouveau. En fait, la Loi fédérale sur les hydrocarbures autorise une telle interdiction en fonction de critères précis. Toutefois, le projet de loi C-88 modifierait la Loi fédérale sur les hydrocarbures en y ajoutant un nouveau critère, celui de l’intérêt national.
Du mois de mars au mois de juillet 2017, période pendant laquelle a été rédigée cette partie du projet de loi C-88, des consultations ont été lancées avec les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut, de même qu’avec des organisations inuites et inuvialuites et les détenteurs actuels de droits pétroliers et gaziers.
Les consultations ont permis de recueillir des renseignements importants sur les plans et les visions de l’industrie, des gouvernements territoriaux et des organisations autochtones concernant la future exploitation pétrolière et gazière dans les zones extracôtières de l’Arctique. Toutes les parties ont souligné l’importance de l’exploitation pétrolière et gazière pour l’économie du Nord, et la disposition du projet de loi C-88, qui autorise le gouverneur en conseil à prendre un décret interdisant le gel des conditions des permis existants dans la mer de Beaufort pour la durée du moratoire, a été appuyée.
Il faut toutefois noter que la nécessité de tenir des consultations sur toutes les questions liées à l’exploitation pétrolière et gazière, surtout avant d’émettre une ordonnance d’interdiction en vertu de la disposition sur l’intérêt national proposée dans la deuxième partie du projet de loi, soulève des préoccupations.
La ministre des Relations Couronne-Autochtones a dit ceci au Comité permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles :
[...] en ce qui a trait aux mesures législatives et réglementaires prévues dans la Loi fédérale sur les hydrocarbures, les droits des Inuvialuits et des autres communautés autochtones du Nord sont déjà reconnus expressément dans la loi, qui dit ceci : « La présente loi ne porte pas atteinte aux droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada visés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. » Conformément à cette disposition et à l’obligation constitutionnelle du gouvernement fédéral, le gouvernement s’engage à consulter les Inuvialuits et les autres organisations autochtones du Nord ayant des droits sur les hydrocarbures de la zone extracôtière de l’Arctique avant de prendre une décision sur l’imposition d’une interdiction au titre du nouveau critère concernant l’intérêt national que l’on propose d’inscrire dans la Loi fédérale sur les hydrocarbures.
Au comité, la ministre des Relations Couronne-Autochtones, a aussi confirmé qu’elle a écrit à l’Inuvialuit Regional Corporation pour lui assurer que le gouvernement du Canada « demeure tout à fait déterminé à collaborer avec les Inuvialuits en ce qui a trait à tous les aspects de l’exploitation des hydrocarbures extracôtiers dans la zone de la mer de Beaufort qui se trouve dans la région désignée des Inuvialuits ».
Le projet de loi C-88 permettrait au gouvernement de geler les conditions rattachées aux permis existants, jusqu’à la fin d’un examen scientifique de cinq ans, en 2021. Certains permis sont censés expirer dès cet été. Le projet de loi dont nous sommes saisis permettrait au gouvernement de suspendre le décompte jusqu’à l’expiration du permis, et le décompte ne se poursuivrait, le cas échéant, qu’à partir du moment où les résultats de l’examen scientifique permettraient de déterminer que la suspension peut être levée.
Le développement des ressources dans le Nord est aussi riche en défis qu’en potentiel. Il est essentiel que toutes les parties concernées par le développement des ressources aient leur mot à dire dans le processus décisionnel. Comme je l’ai déjà dit ici, les gouvernements du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, ainsi que les organismes autochtones et les collectivités nordiques, sont des partenaires à part entière dans le processus d’évaluation scientifique des ressources extracôtières de l’Arctique. D’autres intervenants, dont l’industrie, ont aussi l’occasion de participer au processus d’évaluation.
De plus, des négociations entre les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, la Société régionale inuvialuite et le gouvernement du Canada sont en cours en vue d’établir des ententes de cogestion et de partage des revenus relativement aux ressources extracôtières de l’Arctique. Grâce à ces ententes, les collectivités nordiques et les communautés autochtones pourront participer à la prise de décisions concernant le développement de leur région. La population et les entreprises locales profiteront par ailleurs des retombées de l’exploitation pétrolière et gazière extracôtière.
Le juge Berger a dit :
Les Canadiens du Sud ont tenté de former les Autochtones à leur image, mais cette tentative marquée, soutenue et bienveillante d’assimilation n’a pas réussi. L’utilisation de la nature et les valeurs qui s’associent à une telle utilisation persistent. L’économie des Autochtones refuse de mourir. Les Dénés, les Inuit et les Métis cherchent à préserver leur identité. Par le passé, leur refus de l’assimilation était bien souvent passif, dissimulé même, mais aujourd’hui, il est bien évident. Voilà une réalité de la vie du Nord qu’il faut comprendre.
Lors de son témoignage au Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, le grand chef du gouvernement tlicho, George Mackenzie, a affirmé ceci :
À titre de grand chef, je tenais absolument à venir vous dire personnellement à quel point ce projet de loi est important pour nos communautés, nos territoires et nos traités.
Même si le Sénat en a été saisi sur le tard, le projet de loi C-88 doit absolument être adopté avant la fin de la législature. Je tiens à remercier mes honorables collègues, et plus particulièrement le personnel de soutien et les membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Je remercie aussi l’ensemble des témoins, surtout ceux qui ont comparu par téléconférence à partir des Territoires du Nord-Ouest et qui ont contribué activement à l’élaboration de ce projet de loi. Merci également aux adjoints parlementaires, qui ont travaillé d’arrache-pied pour que l’étude du projet de loi soit menée à bien malgré un horaire surchargé. Enfin, quyanainni au porte-parole de l’opposition, l’honorable sénateur Patterson, qui s’est joint à moi pour faire adopter le projet de loi C-88.
Honorables collègues, le projet de loi C-88 est l’exemple par excellence d’un processus législatif mené sous le signe de la collaboration et tenant compte du point de vue des personnes directement touchées par son application. Cette mesure législative montre que, quand les gouvernements autochtones et la Couronne travaillent main dans la main et cherchent ensemble des solutions à leurs problèmes communs, ce type relations est tout à fait possible. Il devrait même s’agir de la norme. Le projet de loi C-88 prouve aussi que les habitants du Nord sont capables d’unir leurs voix afin que les décisions qui les concernent soient prises dans le Nord. Le projet de loi C-88 mérite le soutien plein et entier du Sénat. Quyanainni. Mahsi cho. Merci.
L’honorable Jane Cordy : Sénatrice Anderson, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Anderson : Oui.
La sénatrice Cordy : D’abord, je tiens à vous féliciter de votre excellent travail relativement à ce projet de loi. Si je ne m’abuse, c’est le premier que vous parrainez au Sénat. Toutes mes félicitations.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Cordy : Il y a un certain nombre de choses que vous avez dites dans votre discours et que nous avons entendues au comité hier soir qui m’ont particulièrement frappée. L’une d’elles est qu’à défaut d’adopter le projet de loi rapidement, avant que la Chambre ne s’ajourne, il y aura probablement des litiges. Je pense que c’est quelque chose d’extrêmement important.
Vous avez dit que lorsque la Couronne et les peuples autochtones travaillent ensemble, on obtient de bons résultats. C’est l’autre commentaire qui a retenu mon attention. Ce sera le sujet de ma question, la consultation. Comme vous l’avez mentionné dans votre discours, il semblerait que lorsqu’il y a une véritable consultation, des discussions et des négociations en bonne et due forme, entre la Couronne, les habitants du Nord et les groupes autochtones, on obtient de bons résultats. Pourriez-vous parler de l’importance de la consultation et de la façon dont elle s’est déroulée dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi?
La sénatrice Anderson : Je vais essayer. Comme vous le savez, l’injonction découle en fait d’un projet de loi qui avait été adopté par le Canada, sans qu’il y ait eu de consultation. Les consultations découlent de l’injonction émise par la juge Shaner qui a constaté que des consultations s’imposaient auprès des groupes autochtones directement touchés par le projet de loi C-15.
Par la suite, Bertha Rabesca Zoe, qui représentait, si je me souviens bien, le gouvernement tlicho, a dit que cela supposait un dialogue avec le gouvernement du Canada et les parties concernées. Ce dialogue a commencé par des téléconférences et s’est poursuivi par des rencontres en personne. Ainsi, les parties prenantes ont été associées à tout le processus d’élaboration et d’examen du projet de loi.
Si j’ai cité le juge Thomas Berger, c’est parce que — certains d’entre vous s’en souviendront peut-être — il avait participé à l’enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie qui s’est déroulée de 1974 à 1977. Ce processus est considéré comme l’étalon-or en matière de consultation. Le juge a en effet rencontré en personne tous les groupes autochtones des Territoires-du-Nord-Ouest touchés par le projet de pipeline dans la vallée du Mackenzie. Je dirais donc que les consultations sont extrêmement importantes non seulement pour ce projet de loi particulier, mais pour tous ceux qui touchent directement des groupes autochtones au Canada.
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-88, Loi modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi fédérale sur les hydrocarbures et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
(1730)
Tout d’abord, j’aimerais dire...
[Note de la rédaction :Le sénateurPatterson s’exprime en inuktitut.]
... à la sénatrice Anderson pour son leadership à l’égard de ce projet de loi — c’était la première fois qu’elle marrainait un projet de loi au Sénat. Ce fut pour moi un privilège de travailler en étroite — je dirais même en très étroite — collaboration avec elle pour faire en sorte que ce projet de loi obtienne rapidement l’attention qu’il mérite au Sénat.
Dans le même ordre d’idées, je tiens également à remercier le comité directeur et les membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, ainsi que sa présidente, la sénatrice Galvez, de leur aide et de la coopération dont ils ont fait preuve en acceptant d’examiner rapidement ce projet de loi pas plus tard qu’hier.
Chers collègues, la partie 1 du projet de loi C-88 aura une incidence sur une région très précise des Territoires du Nord-Ouest. Voici ce qu’a déclaré la ministre Bennett au comité hier soir :
Au début de 2015, la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a accordé une injonction qui a suspendu la restructuration proposée des offices, ainsi que d’autres modifications réglementaires positives prévues dans le projet de loi C-15.
Le projet de loi C-88 réglera le litige entourant la restructuration des offices et il réintégrera les éléments constructifs du projet de loi C-15 que ladite injonction empêche d’entrer en vigueur.
En tant qu’ancien parrain du projet de loi C-15 présenté lors d’une législature antérieure, je sais que de nombreuses modifications importantes ont été apportées au régime de réglementation pour accroître son efficacité et l’harmoniser davantage avec d’autres régimes dans le Nord. Le gouvernement, les Autochtones et les intervenants de l’industrie, je crois, ont tous hâte que ces améliorations soient mises en œuvre.
C’est pourquoi j’estime qu’il est important de faciliter l’adoption rapide du projet de loi, bien qu’il ait été renvoyé au Sénat si tard dans la législature. Le grand chef des Tlichos, George Mackenzie, a dit ceci au comité :
L’injonction demeure à ce jour en vigueur, et la situation ne changera pas tant qu’une nouvelle loi ne sera pas adoptée ou que la poursuite ne se conclura pas. Dans l’attente du résultat du processus législatif, la poursuite sous-jacente demeure active. Si le projet de loi C-88 n’est pas adopté d’ici la fin de la législature actuelle, nous serons contraints soit de reprendre le processus législatif depuis le début, soit d’aller de l’avant avec notre poursuite contre le Canada. Les deux options pourraient prendre des années.
Honorables sénateurs, des représentants d’autres gouvernements autochtones de la vallée du Mackenzie et Bob McLeod, le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, ont exprimé le même point de vue. Je suis persuadé qu’aucun sénateur ici présent ne voudrait rester sourd à leur appel unanime ou aveugle à l’incertitude qui s’installera pour longtemps si ce projet de loi n’est pas adopté au cours de la présente législature.
Toutefois, je tiens à préciser qu’en adoptant ce projet de loi sans amendement, comme je le suggère, les sénateurs font confiance au gouvernement pour qu’il mène les consultations nécessaires auprès de l’industrie et des intervenants autochtones afin de déterminer s’il faut prendre des règlements concernant le recouvrement des coûts.
Comme je l’ai expliqué dans mon discours précédent, le recouvrement des coûts est un concept selon lequel les promoteurs seraient tenus de rembourser au gouvernement fédéral les coûts engagés par l’État ou les offices dans le cadre du processus de réglementation. Cela impose un autre fardeau financier inutile aux promoteurs qui cherchent à exploiter leurs mines dans une région du pays où les coûts d’exploitation sont déjà de deux fois et demie à trois fois plus élevés, comme l’indique l’excellent rapport de l’Association minière du Canada intitulé Corriger les inégalités. Cela signifie que la qualité du minerai doit être supérieure à la qualité normale acceptable ou que les prix des produits doivent être plus élevés qu’ils ne le sont actuellement, afin que les mines du Nord vaillent la peine pour les promoteurs sur le plan économique.
J’espère ardemment que les consultations appropriées seront menées et que le gouvernement tiendra compte du coût actuel pour élaborer et exécuter un projet lorsqu’il décidera s’il y a lieu de prendre un règlement concernant le recouvrement des coûts conformément à ce projet de loi. La compétitivité du Nord doit être un facteur clé dans cette décision.
La partie 2 du projet de loi, bien que nettement plus courte que la partie 1, a fait l’objet d’un examen beaucoup plus approfondi. Les modifications proposées à la Loi fédérale sur les hydrocarbures permettront au gouvernement d’imposer un moratoire sur l’exploitation pétrolière et gazière dans l’Arctique sous prétexte qu’elle nuirait à « l’intérêt national ». Les membres du comité se sont questionnés sur la définition de la notion d’intérêt national. La ministre Bennett a expliqué que :
La notion d’« intérêt national » fait référence aux objectifs et ambitions nationaux d’un pays, qu’ils soient de nature économique, militaire ou culturelle [...]
À l’instar de certains de mes collègues, j’ai encore des réserves à l’égard de ce terme, étant donné il n’est pas défini dans la loi, ce qui le laisse ouvert à l’interprétation du gouvernement en place et des tribunaux.
Ce qui m’a rassuré, c’est l’intervention de James Fulford, négociateur en chef au ministère des Affaires extracôtières, gouvernementales et autochtones des Territoires du Nord-Ouest. Hier soir, lors des travaux du comité, j’ai demandé à M. Fulford s’il estimait que les mesures de protection prévues dans le projet de loi étaient suffisantes pour empêcher qu’on prenne à nouveau une décision unilatérale comme celle prise par le premier ministre Trudeau en décembre 2016.
Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que, à ce moment-là, le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest avait déploré cette décision irréfléchie et injuste et qu’il avait lancé une alerte rouge en disant craindre que, à la lumière de cette annonce, le colonialisme soit de retour dans le Nord.
En réponse à ma question, M. Fulford a répondu que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest :
[...] consid[ère] que les modalités du processus nous donnent l’occasion d’influer véritablement sur la prise de décisions concernant les ressources extracôtières, alors nous sommes d’avis que c’est une réelle amélioration.
Je peux aussi parler du début des négociations de l’accord du Nord. Comme on l’a dit, elles avancent plutôt bien. À titre d’information, il n’y a pas, dans la législation qui encadre les régimes d’exploitation pétrolière et gazière au large de la côte Est, de disposition sur l’intérêt national. On nous a assurés que l’objectif de la négociation était d’en arriver à un accord qui ressemble à ceux des régimes d’exploitation extracôtière sur la côte Est, alors nous nous attendons à en arriver à un régime comparable.
Pour nous, la modification de la Loi fédérale sur les hydrocarbures au sujet des interdictions semble être une disposition qui a pour objectif précis de répondre à un problème créé par le moratoire, si je peux me permettre de le dire sans détour. Nous nous attendons à ce que, comme ce fut le cas pour les négociations concernant les ressources extracôtières sur la côte Est, la Loi fédérale sur les hydrocarbures soit entièrement remplacée par le nouveau régime législatif que nous aurons négocié ensemble.
Honorables sénateurs, je tiens à mentionner que, lorsque j’étais premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, nous étions en fait très près de négocier ce que nous appelions aussi un accord sur le Nord. À l’époque, le très honorable Brian Mulroney était premier ministre et nous avions négocié une entente habilitante en vue de négocier un accord sur le Nord avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord, Bill McKnight, et nous étions emballés à l’époque que cet accord reconnaisse, entre autres, l’intérêt des Territoires du Nord-Ouest dans les eaux de la baie d’Hudson.
Cette initiative a fini par échouer pour diverses raisons. J’ai donc été enchanté d’apprendre qu’un accord pourrait bientôt être conclu de sorte que l’idée d’invoquer l’intérêt national pour interdire l’exploitation pétrolière et gazière dans l’Arctique ne poserait plus problème.
J’espère qu’une fois terminées les négociations sur un nouvel accord sur le Nord avec le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et les titulaires de droits autochtones concernés, il y aura des négociations semblables avec le Nunavut et l’organisation représentant les titulaires de droits, Nunavut Tunngavik Inc. Ce sont les gens du Nord, qui se soucient de leur environnement et du développement de leur économie, qui devraient prendre les décisions avec le Canada concernant la cogestion de l’Arctique extracôtier.
(1740)
En fait, j’ai demandé à la ministre Bennett s’il s’agit de la première partie d’une vision à long terme de cogestion de l’Arctique extracôtier, ce à quoi elle a répondu, à mon grand plaisir :
L’an dernier, si je ne me trompe pas, lorsque vous avez présidé un comité de l’ONU, vous vous êtes vanté du succès de la cogestion sur les territoires dans le Nord canadien [...] Une fois qu’on aura finalisé un accord de transfert des responsabilités avec le Nunavut, nous serons heureux d’entamer des négociations avec lui sur la cogestion, ainsi que sur le partage des revenus d’exploitation des ressources, et non seulement avec le gouvernement du Nunavut, mais aussi la Nunavut Tunngavik Inc., afin d’avoir une approche collaborative cohérente, comme celle qui a si bien fonctionné pour les terres.
« C’est de la musique à mes oreilles », lui ai-je répondu au comité.
Cependant, j’aimerais porter une autre préoccupation à votre attention. La Loi fédérale sur les hydrocarbures et la Loi sur les océans contiennent toutes les deux des dispositions de non-dérogation. Ni l’une ni l’autre n’a été assez solide pour empêcher l’imposition unilatérale d’un moratoire. Voilà pourquoi la sénatrice Anderson et moi avons collaboré de près pour préparer une observation qui a été annexée au projet de loi. La voici :
Les réserves exprimées par des intervenants inuits à l’égard des modifications au paragraphe 12(1) de la Loi fédérale sur les hydrocarbures découlent du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, qui a reçu la sanction royale le 27 mai 2019. Le président et directeur général de la Inuvialuit Regional Corporation, Duane Smith, a indiqué qu’il était toujours opposé aux mesures créant des aires de conservation nouvelles et provisoires. Contrairement aux accords sur les revendications territoriales plus récents, la Convention définitive des Inuvialuit (CDI) ne dit rien sur l’établissement d’aires de conservation. M. Smith a souligné que la disposition de non-dérogation du projet de loi C-55 n’accorde pas, aux détenteurs de droits assujettis à la CDI, les mêmes protections que prévoient expressément les accords sur les revendications territoriales plus récents. Or, les modifications proposées par le projet de loi C-88 avivent ces préoccupations.
Le moratoire actuellement en vigueur dans les zones extracôtières de l’Arctique a été imposé en 2016, sans que les parties concernées en soient avisées. Depuis, on observe une volonté de plus grande collaboration entre le gouvernement, l’industrie et les organisations et gouvernements autochtones. La Loi fédérale sur les hydrocarbures ne contient toutefois aucune disposition exposant expressément l’obligation, pour le gouvernement, de consulter les gouvernements et les organisations autochtones. Les dispositions de non-dérogation de cette loi et de la Loi sur les océans ne sont pas assez fortes pour assurer le respect des plus vieux accords de revendications territoriales, comme la CDI, qui ne prévoient pas de protections expresses pour les détenteurs de droits dans les cas où la création d’une aire de conservation est envisagée.
Le comité recommande fortement au gouvernement du Canada d’honorer l’esprit et l’intention de sa démarche de réconciliation, et de s’engager à consulter véritablement les gouvernements et les organisations autochtones sur les questions concernant les zones extracôtières de l’Arctique. Le gouvernement doit aussi voir à ce que ce processus de consultation respecte les droits des communautés inuites et des Premières Nations qui sont conférés par l’article 35 de la Constitution et par les traités, les accords sur les revendications territoriales globales et les accords sur l’autonomie gouvernementale conclus dans la région.
Je tiens à dire en terminant, honorables sénateurs, qu’hier soir au comité j’ai rendu hommage au ministre Dominic LeBlanc, car c’est lui, à l’époque où il détenait le portefeuille des Affaires du Nord, qui a eu la très bonne idée d’entamer des pourparlers sur la gestion conjointe des zones extracôtières de la mer de Beaufort avec les autorités du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest ainsi qu’avec les Inuvialuits. Il s’agit d’un excellent précédent pour l’Est de l’Arctique.
Honorables sénateurs, maintenant que nous avons ces assurances, j’estime que nous aurons les moyens d’exiger des comptes du gouvernement si jamais la collaboration et la consultation ne sont pas au rendez-vous — loin de moi cette pensée. Voilà pourquoi je joins ma voix à celle du premier ministre McLeod, du grand chef Mackenzie, des chefs dûment élus du Conseil tribal des Gwich’ins, du Secrétariat du Sahtu et de ma collègue la sénatrice Anderson, des Territoires du Nord-Ouest, pour vous demander instamment d’appuyer ce projet de loi.
Merci. Quyana. Mahsi cho. Taima.
L’honorable David Richards : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Patterson?
Le sénateur Patterson : Avec plaisir.
Le sénateur Richards : Je vous remercie.
J’ai posé la même question au groupe hier soir, et je la repose aujourd’hui, même si j’ignore s’il est possible d’y répondre.
Dans quelle mesure les revendications de la Russie, du Danemark et des États-Unis sur les terres et les ressources naturelles du Nord pourraient-elles empêcher le Canada et les Inuits de faire appliquer ce projet de loi? En avez-vous la moindre idée?
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup de cette question. Elle est pertinente, car le Comité spécial sur l’Arctique a publié un rapport cette semaine. Nous nous sommes rendus dans des régions de l’Arctique afin d’examiner, entre autres, la question de la sécurité et de la souveraineté dans l’Arctique.
Sur ce sujet, le comité a recommandé très fermement que le Canada renforce sa présence, sa surveillance, ses flottes et sa capacité à affirmer sa souveraineté dans l’Arctique, étant donné l’intensification des activités et la multiplication des infrastructures dans d’autres pays circumpolaires comme la Russie et l’intérêt manifesté par des pays qui se disent États quasi arctiques comme la Chine et — tenez-vous bien — Singapour. Le comité recommande :
1. Que le gouvernement du Canada élabore une stratégie qui : 1) habilite les gouvernements de l’Arctique et du Nord à assumer des rôles dans la prestation de programmes et de services fédéraux à leurs résidents ; et 2) qui transfère aux gouvernements locaux, territoriaux et autochtones la gestion des programmes et des services fédéraux liés à l’Arctique et aux régions nordiques.
2. Que le gouvernement du Canada : 1) offre un soutien financier accru pour la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales globales, y compris les processus de planification de l’aménagement du territoire et la gouvernance des commissions de réglementation ; et 2) consulte et collabore avec les gouvernements autochtones et territoriaux pour élaborer des régimes de cogestion en ce qui concerne les eaux extracôtières arctiques.
Avec le projet de loi à l’étude, nous nous engageons dans la bonne voie. Merci.
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Anderson, avec l’appui de l’honorable sénatrice Duncan, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
Projet de loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis
Troisième lecture
L’honorable Tony Dean propose que le projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis.
Avant de plonger dans le vif du sujet, je tiens à remercier les sénateurs Colin Deacon et Marty Deacon, qui m’ont tous les deux offert leur collaboration. Je remercie tous les leaders du Sénat du rôle primordial qu’ils ont joué dans la planification des travaux. Ils nous ont permis d’en arriver à ce stade du processus aujourd’hui.
(1750)
Je remercie le sénateur Carignan, le porte-parole, qui a mis ses vastes connaissances juridiques et parlementaires à profit dans l’étude du projet de loi. Je remercie également le président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le sénateur Joyal, le comité directeur et les membres du comité, qui ont redoublé d’efforts pour étudier le projet de loi avec célérité. Je tiens aussi à remercier la sénatrice Pate de son apport. Nous savons que nous avons une experte canadienne réputée sur les questions touchant les personnes marginalisées, victimisées ou incarcérées, en particulier les femmes.
Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, la semaine dernière, l’objectif du projet de loi C-93 est de donner aux personnes qui ont été reconnues coupables de possession simple de cannabis la possibilité de se débarrasser du fardeau de la stigmatisation ainsi que des obstacles à l’emploi, à l’éducation et au logement, et de leur donner la capacité de faire du bénévolat et de voyager plus facilement.
Aux termes de cette mesure législative importante, les personnes qui ont été reconnues coupables de possession simple pourront demander une suspension de casier ou un pardon sans avoir à payer les frais de demande de 631 $ et sans avoir à respecter un délai de 5 à 10 ans. Il importe également de noter que le processus ne sera pas subjectif. Une fois que la Commission des libérations conditionnelles aura reçu toute la documentation requise, le demandeur obtiendra une suspension du casier, peu importe les autres critères d’évaluation utilisés pour les demandes de pardon régulières.
La procédure de pardon proposée dans le projet de loi C-93 est en fait une version plus simple et plus rapide du processus permettant depuis déjà de nombreuses années de demander le pardon ou la suspension de son casier judiciaire. Elle s’adresse aux dizaines de milliers de personnes qui ont été injustement condamnées pour possession d’une substance qui est maintenant légale et strictement réglementée au Canada.
Ce processus est mis en branle par le demandeur, qui peut demander une suspension de son casier à condition d’avoir purgé sa peine et d’avoir été reconnu coupable uniquement de possession simple de cannabis. La possession simple désigne généralement une accusation criminelle pour possession d’une substance contrôlée, en l’occurrence du cannabis, à des fins personnelles et sans qu’il y ait une intention d’en faire le trafic.
En raison d’un amendement important apporté par la Chambre des communes, les personnes qui ont encore des amendes à payer à la suite d’une condamnation antérieure peuvent quand même présenter une demande. Cet amendement, ainsi que plusieurs autres adoptés au Comité de la sécurité publique de la Chambre des communes, donnerait aux personnes démunies ou vulnérables le droit de demander une suspension de leur casier en vertu du projet de loi C-93.
Jeudi dernier, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a écouté les témoignages de l’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique, ainsi que des hauts-fonctionnaires de plusieurs ministères au sujet des objectifs stratégiques et de l’application pratique de ce projet de loi, s’il devait être adopté. Dans son témoignage, le ministre a indiqué que cette initiative visait à aider les personnes reconnues coupables de possession simple de cannabis à entreprendre leur processus de réadaptation et à les aider à être productifs dans la société.
Le ministre a également affirmé ceci :
C’est une question d’équité. Il s’agit d’accélérer la réinsertion sociale. Le but est de faire en sorte que les personnes concernées — particulièrement celles issues des groupes marginalisés qui étaient touchés de façon disproportionnée par l’ancienne législation en matière de cannabis — soient traitées équitablement et adéquatement.
C’est un objectif commun à de nombreuses personnes qui préconisent une amnistie en matière de cannabis, notamment les représentants de l’Association des avocats noirs du Canada, de l’Association du Barreau canadien et de la Campaign for Cannabis Amnesty.
Dans son témoignage au comité, William Thompson, de l’Association du Barreau canadien, a affirmé ceci :
Pour sauver des vies et réduire les préjudices que subissent les consommateurs de drogue et l’ensemble de la société, l’Association du Barreau canadien préconise depuis longtemps une approche axée sur la réduction des méfaits — qui repose plus précisément sur des soins de santé, des traitements et une réglementation méticuleuse — plutôt que sur l’inscription d’interdictions dans le Code criminel. Il est important, dans le contexte de cette approche, d’éliminer les obstacles qui compliquent la vie des gens, y compris les condamnations. D’ailleurs, notre section serait favorable à un processus qui permettrait de retirer automatiquement des casiers judiciaires les condamnations pour simple possession. Elle reconnaît toutefois qu’il peut être impossible d’employer cette méthode pour des raisons d’ordre pratique [...]
Chers collègues, en plus d’entendre ce témoignage lundi, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a aussi entendu, la semaine dernière, les propos du sénateur Carignan et du sénateur C. Deacon au sujet du pardon accéléré. À la lumière de ces déclarations et d’autres déclarations faites devant le comité, je dirais que les sénateurs et les témoins experts sont du même avis quant aux objectifs du projet de loi C-93. Peu importe leurs horizons politiques, bon nombre de sénateurs conviendront probablement que le gouvernement devrait s’efforcer davantage de reconnaître les injustices associées aux condamnations pour simple possession de cannabis, particulièrement dans le cas de personnes autochtones, racialisées ou vivant dans des communautés vulnérables.
Bon nombre d’entre nous souhaiteraient probablement que le processus de pardon des condamnations pour simple possession de cannabis soit davantage automatisé.
Dans son discours la semaine dernière, le sénateur Carignan a mentionné un programme de Californie appelé Clear My Record, offert par l’entremise de Code for America. Il s’agit d’un programme informatisé qui permet de supprimer rapidement des casiers judiciaires pour des infractions mineures, comme la possession simple de marijuana.
Je conviens tout à fait qu’il faut examiner les programmes et les politiques d’autres pays pour déterminer les façons dont le gouvernement pourrait remédier aux injustices associées à la possession de cannabis. Toutefois, je reconnais également qu’il serait difficile de mettre en œuvre une mesure semblable au Canada dans un avenir rapproché.
Les fonctionnaires ont dit clairement que, bien qu’elle soit désirable, la mise en place d’un processus automatisé présente des difficultés et prendra des années à se réaliser. Le problème, c’est que, à l’heure actuelle, comme beaucoup d’entre vous le savent, nous avons une constellation vaste, complexe et largement éparpillée de dossiers qui existent souvent uniquement sur support papier, tandis que d’autres sont probablement stockés sur des supports numériques en tous genres, vu l’évolution technologique constante au cours des 10 ou 20 dernières années. Je ne sais pas si votre sous-sol est comme le mien, mais c’est exactement la même chose pour mes propres dossiers.
Résultat : il est impossible de traiter électroniquement les demandes de pardon pour toutes les personnes qui ont été condamnées pour possession simple. Cela nécessiterait que l’on numérise les centaines de milliers de documents juridiques concernant des accusations de possession de drogue. Le processus de consolidation des données de toutes les instances nécessiterait des accords de communication de données et le maintien de la conformité avec les codes des diverses instances en matière de protection des renseignements personnels. Conséquemment, il n’y a pas de voie rapide vers l’automatisation, aussi désirable soit-elle.
Établir le processus automatique de pardon ou de radiation que bien des gens préconisent prendrait des années et coûterait des millions de dollars. Il serait préférable de le faire dans le cadre d’une plus vaste réforme du système de justice. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a fait des observations fort pertinentes à ce sujet.
Honorables sénateurs, nous devons nous concentrer sur les mesures raisonnables que nous pouvons prendre d’ici là. Je crois que le projet de loi C-93 répond à ce besoin. Nous avons tous l’obligation, en tant que parlementaires, d’offrir à tous nos concitoyens des chances égales d’apporter leur contribution à la société. Il faut permettre à ceux qui sont désavantagés, à cause de leur condamnation pour possession simple de cannabis, de décrocher un meilleur emploi, d’obtenir un logement, de faire du bénévolat et d’avoir plus de possibilités de déplacement.
Dans les prochaines années, je n’ai aucun doute que nous pourrons, en tant que sénateurs, proposer d’autres réformes au système, et le projet de loi C-93 nous donne déjà l’occasion de faire un pas dans cette direction.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-93 n’est pas parfait, mais, comme le sénateur Sinclair l’a dit la semaine dernière, la perfection peut parfois être l’ennemi du bien. Je vous encourage à vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-93 afin que les gens qui vivent avec le fardeau d’une condamnation mineure liée au cannabis puissent se libérer des préjugés associés à la criminalité et avoir des chances égales d’assurer leur bien-être et de contribuer à la société.
Des voix : Bravo!
L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis.
J’aimerais tout d’abord dire que je commence à aimer cette tradition. À mes yeux, rien n’indique plus clairement que l’été approche à grands pas que les efforts du sénateur Dean pour nous convaincre d’adopter une mesure législative sur le cannabis.
Honorables collègues, tout comme la dernière fois, ce sont les arguments rigoureux et mûrement réfléchis du sénateur qui m’amènent à repenser ma position. Même si j’ai voté pour le projet de loi C-45, j’éprouvais initialement beaucoup d’appréhension à ce sujet. Parmi les nombreux chapeaux que j’ai portés avant ma nomination au Sénat, deux ont compté parmi les plus importants: celui de chef de file dans le domaine de l’éducation et celui d’entraîneuse aidant les jeunes athlètes à passer du terrain de jeu au podium. Je suis d’avis que les étudiants et les athlètes sont deux des principaux groupes qui ne devraient pas toucher au cannabis. Je craignais donc que le projet de loi normalise la consommation de cette substance. Cependant, en écoutant le débat sur la question, je me suis aperçue que les lois de l’époque ne faisaient rien pour réduire l’accès au cannabis ou limiter sa consommation. J’en suis venue à la conclusion que les lois en vigueur causaient plus de dommages que la substance en tant que telle, et que nous devions donc adopter une approche différente.
(1800)
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est le prolongement naturel de cette nouvelle approche. Son adoption permettait de réparer certains des dommages créés par les anciennes lois.
Comme j’ai travaillé...
Son Honneur le Président : Sénatrice Deacon, je suis désolé de vous interrompre, mais il est 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure.
Êtes-vous d’accord pour que nous ne tenions pas compte de l’heure, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice M. Deacon : Comme j’ai travaillé très longtemps auprès des jeunes, je sais que même des gens intelligents et sérieux peuvent faire des choix impulsifs et irréfléchis. Je ne saurais dire combien de fois j’ai fouillé des casiers, des terrains de sport et des sacs à dos. Croyez-moi quand je vous dis que, dans 99 p. 100 des cas où du cannabis a été trouvé, il s’agissait de bons étudiants et athlètes qui avaient fait de mauvais choix.
Je n’ose pas croire qu’ils aient les mains liées parce que, un jour, ils ont été accusés d’un crime qui n’existe plus.
De plus, chers collègues, nos anciennes lois n’ont pas été appliquées uniformément. Comme on vous l’a rappelé à l’étape de la deuxième lecture, les minorités raciales ont été les plus durement touchées par l’application de la loi, ce qui s’ajoute au fait que le système leur est déjà défavorable. Je ne vais pas répéter tout ce que mes collègues ont dit, mais permettez-moi de vous rappeler au moins ce que certains chercheurs ont constaté. Une étude a montré que, entre 2015 et 2017, les Autochtones de Regina étaient presque neuf fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de drogue que les Blancs. À Toronto, les Noirs sans casier judiciaire étaient trois fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de drogue. C’est pourquoi, chers collègues, au départ, je ne pensais pas que ce projet de loi allait assez loin.
Je pensais qu’il fallait aller plus loin et prévoir plutôt la suppression du casier judiciaire. Comme nous le savons, le pardon ne permet pas nécessairement de repartir à neuf. Certains employeurs, par exemple, plutôt que de demander à un candidat s’il a un casier judiciaire, vont lui demander s’il a déjà plaidé coupable à un crime. Même si le casier judiciaire a été suspendu, la personne devra répondre par l’affirmative puisqu’elle a déjà plaidé coupable. Dans la majorité des cas, ce candidat n’irait pas plus loin dans le processus d’embauche.
Je dois avouer que je me suis débattu avec la question pendant un certain temps, mais après y avoir mûrement réfléchi et en avoir discuté à fond avec mes collègues, je suis maintenant prêt à appuyer cette mesure législative dans son libellé actuel. Il y a quelques raisons à cela. Comme vous le savez, la radiation de condamnation avait été instaurée il y a quelques années seulement pour un certain groupe de Canadiens. On parle de personnes qui avaient contrevenu aux lois discriminatoires sur les activités homosexuelles consensuelles. Comme bien d’autres personnes ici, je compte parmi mes amis et mes proches des membres de la communauté LGBTQ2. Je sais que, sur le plan historique, il est important d’accorder ces radiations. On indique ainsi que ces lois n’auraient jamais dû être adoptées au départ.
Je suis d’avis que la suppression du casier judiciaire devrait être réservée à des cas de ce genre, car quand les droits d’une personne ont été violés, on lui dit ainsi qu’elle n’a jamais vraiment commis de crime. Avoir du cannabis en sa possession était et est un choix — être homosexuel ne l’est pas — et je ne suis pas prêt à assimiler les lois contre le cannabis à quelque chose comme les lois archaïques sur la sodomie.
Il y a aussi le message que la radiation des condamnations pourrait envoyer aux Canadiens. Je rappelle à mes collègues que, bien que le Canada ait légalisé le cannabis, il ne l’a fait que dans des circonstances bien précises.
Vous vous souviendrez que le Sénat a renvoyé le projet de loi C-45 avec un certain nombre d’amendements aux articles que la plupart d’entre nous jugent trop sévères. Le gouvernement les a rejetés. Par exemple, en vertu de la loi actuelle, un jeune de 18 ans pourrait être condamné à une peine d’emprisonnement maximale de 14 ans pour avoir passé un joint à un ami de 17 ans à ses côtés, même s’il n’y a que quelques mois d’écart entre eux.
Je crois que le gros titre « radiation des condamnations pour possession de pot » pourrait envoyer le mauvais message, à savoir que nos lois actuelles sont plus permissives qu’elles ne le sont réellement. Il existe encore aujourd’hui de nombreuses façons d’obtenir un casier judiciaire pour avoir commis une infraction liée au cannabis, et tous les Canadiens doivent en être conscients.
J’espère que les lois seront assouplies au fur et à mesure que les Canadiens s’habitueront à la nouvelle réalité. Le temps viendra où nous nous gratterons la tête — oui, nous nous gratterons la tête — et nous nous demanderons pourquoi le cannabis était jadis illégal. Nous n’en sommes pas encore là.
En ce qui concerne le cannabis, il y a eu un changement, mais le retour du balancier ne s’est pas encore fait. C’est pourquoi il faut y aller graduellement dans cette situation. Comme la sénatrice Deacon, l’autre Deacon, l’a si bien dit à l’étape de la deuxième lecture, la perfection est l’ennemi du progrès. Ce projet de loi en est un bon exemple.
Je note également que si le gouvernement offre seulement des pardons, il cherche dans ce cas particulier à accélérer le processus. Le projet de loi supprimerait les frais de demande et la période d’attente habituelle de cinq à dix ans pour l’obtenir.
Le ministre a déclaré que la Commission des libérations conditionnelles envisage de simplifier encore plus le processus et de mener des campagnes dans les médias sociaux et autres afin de sensibiliser les Canadiens à ce service qui est mis à leur disposition.
Pour autant, je ne suis pas emballé par l’approche adoptée par le gouvernement pour ce projet de loi dont nous avons été saisis il y a quelques semaines seulement. Comme je l’ai mentionné au début, il ne reste que quelques jours de séance. N’eût été des efforts inlassables déployés par le parrain du projet de loi et le Comité des affaires juridiques, nous n’en serions peut-être même pas à l’étape de la troisième lecture.
Avec plus de temps pour réfléchir, nous aurions eu la possibilité d’étoffer et d’améliorer le projet de loi, et de garantir que le processus de demande de pardon soit le plus harmonieux possible. On aurait même pu, peut-être, explorer la possibilité d’un compromis entre un pardon et une radiation. Je crains toutefois qu’à ce stade, un amendement ne fasse couler le projet de loi. Je préfère que les Canadiens disposent au moins d’un recours quelconque pour nettoyer leur passé et tourner la page.
Chers collègues, dans l’espoir que le projet de loi soit rapidement adopté, je n’en dirai pas plus. J’ai l’intention de voter en faveur du projet de loi dont nous sommes saisis et je vous encourage à faire de même. Merci.
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
[Français]
Projet de loi de crédits no 2 pour 2019-2020
Deuxième lecture
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-102, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2020, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour présenter, à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-102, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2020.
[Traduction]
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, soit la Loi de crédits no 2 pour 2019-2020, contient les dépenses incluses dans le Budget principal des dépenses de 2019-2020. Il s’agit du tout dernier projet de loi de crédits de la 42e législature.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Bellemare : Le Budget principal des dépenses de 2019-2020 a été déposé au Sénat le 11 avril dernier, puis il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales ainsi qu’au Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement, qui a étudié le crédit 1. Des rapports ont déjà été déposés au Sénat. Comme vous le savez, les documents budgétaires sont de nature technique et ils sont plutôt complexes. À mon avis, le travail que nos collègues ont accompli tout au long de la présente législature mérite des applaudissements.
[Français]
Je voudrais sincèrement remercier les membres actuels et les anciens membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, son président, Percy Mockler, la sénatrice Jaffer, qui a été vice-présidente du comité, et le vice-président actuel, le sénateur Joseph A. Day, la greffière du comité, Gaëtane Lemay, ainsi que tous les analystes de la Bibliothèque du Parlement et les employés du Parlement qui ont travaillé sans relâche tout au long de la 42e législature. Chers collègues, ce comité n’est pas de tout repos. C’est le comité qui a le plus grand nombre d’heures d’étude à son actif. Précisons que le comité ne vote pas sur les crédits. En d’autres mots, le comité n’a pas fait d’étude article par article de ce projet de loi. Le mandat du comité est de faire l’étude du budget des dépenses et d’en faire rapport au Sénat. Avant d’aller plus loin, j’aimerais vous rappeler brièvement certaines caractéristiques du présent cycle financier.
[Traduction]
En juin 2017, la Chambre des communes a adopté une motion visant à modifier l’article 81 du Règlement pour le reste de la 42e législature. Cette nouvelle séquence faisait partie d’un projet pilote de deux ans qui visait à permettre aux Canadiens et aux parlementaires de suivre plus facilement les dépenses du gouvernement.
(1810)
Depuis l’adoption de la nouvelle règle, le cycle budgétaire commence avec le dépôt du Budget provisoire des dépenses, suivi par l’énoncé budgétaire, qui a été présenté au Parlement le mardi 19 février 2019 cette année, puis par le dépôt du Budget principal des dépenses, en avril.
[Français]
Nous en sommes à la deuxième année consécutive où nous suivons cette séquence et où le Budget principal des dépenses comprend les mesures annoncées dans le discours sur le budget. J’aimerais aussi rappeler que l’année 2018-2019 a été une année de transition. Comme plusieurs d’entre vous le savent déjà, le cycle financier 2018-2019 a vu apparaître un vote central, soit le crédit 40, qui était un crédit de transition. Je vous rappelle qu’il s’agissait d’un crédit central d’exécution du budget, géré par le Conseil du Trésor, qui comprenait tous les fonds figurant au tableau A2.11 du budget du 27 février 2018. Ce crédit permettait au Conseil du Trésor d’approuver, à certaines conditions, l’augmentation d’un crédit prévue dans le tableau.
En vue d’améliorer le processus budgétaire, et en réponse à des inquiétudes exprimées par certains collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales et des députés de l’autre endroit, ce crédit central a été éliminé dans le projet de loi C-102 qui est devant nous. Au lieu d’avoir recours au crédit 40, chaque mesure budgétaire votée qui se retrouve au tableau A2.11 du budget est désormais associée à un crédit distinct sous le ministère identifié.
[Traduction]
Par exemple, à la rubrique « Agence de la santé publique du Canada », qui comprend trois mesures au tableau A2.11 du budget, chacune des dépenses est affectée à un crédit différent du document du budget des dépenses. Par exemple, le poste « Introduction d’une stratégie nationale sur la démence » du tableau A2.11 est décrit comme suit :
Crédit 15 : Autorisation donnée au Conseil du Trésor d’augmenter tout crédit accordé à l’Agence, pour l’initiative « Introduction d’une stratégie nationale sur la démence », annoncée dans le budget du 19 mars 2019, notamment pour permettre l’octroi de nouvelles subventions ou l’augmentation du montant de toute subvention prévue dans un budget des dépenses pour l’exercice, dans la mesure où il n’est pas pourvu par ailleurs aux dépenses découlant de l’augmentation du crédit.
[Français]
Selon le directeur parlementaire du budget, cette nouvelle façon de faire, qui consiste à identifier chaque élément exigeant l’autorisation du Conseil du Trésor sous un crédit à part et sous le ministère pertinent, est une amélioration par rapport au crédit central 40, et je le cite :
Il s’agit d’une amélioration, parce que différents comités parlementaires peuvent examiner ces mesures et que les parlementaires peuvent se prononcer sur les mesures particulières plutôt que sur un seul crédit central.
Par ailleurs, le gouvernement continue de fournir des rapports détaillés mensuels en ligne sur les fonds alloués à ces crédits individuels, ainsi que des rapports d’étape dans le ou les Budgets supplémentaires des dépenses pour l’année 2019-2020. Je dis « le ou les », car on ne sait pas ce que nous réserve l’avenir.
Passons maintenant aux particularités du projet de loi C-102. Ce projet de loi de crédits, qui comprend l’ensemble des dépenses contenues dans le Budget principal des dépenses, assure les besoins financiers du gouvernement pour le reste des neuf mois de l’année financière et doit être approuvé avant la fin du mois de juin, à défaut de quoi les salaires ne pourront être versés et beaucoup de dépenses devront être reportées.
[Traduction]
En résumé, le Budget principal des dépenses prévoit des autorisations de dépenses budgétaires totales de 299,6 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation d’environ 23,7 milliards de dollars, ou de 8,6 p. 100, par rapport aux autorisations dans le Budget principal des dépenses du cycle budgétaire précédent, soit celui de 2018-2019.
Honorables sénateurs, les dépenses législatives représentent 58,1 p. 100 des autorisations budgétaires totales tandis que les 41,9 p. 100 restants doivent être approuvés par les parlementaires.
Le projet de loi C-102 demande au Parlement d’approuver des dépenses budgétaires de 125,6 milliards de dollars et des dépenses non budgétaires de 57,1 millions de dollars. Ces montants incluent les dépenses prévues par le ministre des Finances dans le budget de 2019, notamment : 883 millions de dollars pour faire avancer la réconciliation avec les peuples autochtones par le règlement de revendications particulières; 462 millions de dollars pour renouveler la stratégie du Canada au Moyen-Orient; 404 millions de dollars pour poursuivre la mise en œuvre du principe de Jordan; 386 millions de dollars pour veiller à ce que les fonctionnaires reçoivent le paiement qui convient; 373 millions de dollars pour le financement des immobilisations prévisibles pour Services publics et Approvisionnement Canada.
Le budget des dépenses reflète également des décisions de financement prises avant le dépôt du budget de 2019, notamment dans l’énoncé économique de l’automne, y compris : des fonds supplémentaires pour régler les revendications en suspens en vue de faire progresser la réconciliation et d’améliorer les services et l’infrastructure dans les collectivités autochtones; une augmentation des dépenses liées à l’infrastructure dans le cadre du plan Investir dans le Canada et du Nouveau Fonds Chantiers Canada, ainsi que pour le pont international Gordie Howe; une augmentation des dépenses en capital pour les navires de la Garde côtière canadienne et les trains de VIA Rail; une augmentation des fonds en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de protéger les espèces et les habitats.
En plus des dépenses votées, le Budget principal des dépenses de cette année inclut — à titre d’information — les dépenses législatives prévues par ministère. De cette somme totale, 174 milliards de dollars correspondent aux dépenses budgétaires et 2,2 milliards de dollars, aux dépenses non budgétaires, comme les prêts, les placements et les avances.
[Français]
Des changements importants apportés aux dépenses législatives par rapport à 2018-2019 comprennent les éléments suivants : des augmentations des principaux paiements de transfert, notamment les prestations aux aînés, la péréquation fiscale et le Transfert canadien en matière de santé; un transfert ponctuel de 2,2 milliards de dollars supplémentaires par l’entremise du Fonds de la taxe sur l’essence pour répondre aux priorités à court terme des municipalités et des collectivités des Premières Nations; et, enfin, une augmentation de l’intérêt sur la dette non échue.
Honorables sénateurs, cela conclut ma présentation sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends également la parole au sujet du projet de loi C-102, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2020.
Le projet de loi C-102 est la demande de fonds présentée au Parlement, telle qu’énoncée dans le Budget principal des dépenses de 2019-2020. Celui-ci fait état de besoins financiers de 302 milliards de dollars pour les 121 ministères et agences du gouvernement. Le Parlement est responsable de voter 126 milliards de dollars de cette somme, comme l’indique le projet de loi C-102. Les 176 milliards de dollars restants ont déjà été approuvés dans le cadre d’autres lois.
Plus tôt cette semaine, le sénateur Mockler a parlé en long et en large de bon nombre des postes budgétaires inclus dans le Budget principal des dépenses et dans le projet de loi de crédits. La sénatrice Bellemare est également intervenue. Il ne me reste donc plus grand-chose à dire. Vous entendrez certaines choses que vous avez déjà entendues.
La première chose dont je veux parler est le projet de réforme des budgets des dépenses, dont vient de parler la sénatrice Bellemare. Je crois avoir assisté à toutes les réunions où l’on a discuté de ce projet. C’est un projet très intéressant. Beaucoup de travail a été fait à ce chapitre au cours des quatre dernières années, et beaucoup de travail de préparation avait été effectué au préalable.
J’aimerais vous donner une idée de la façon dont le Budget principal des dépenses fonctionnait il y a trois ans et des progrès qui ont été réalisés depuis.
Jusqu’à l’année dernière, le Budget principal des dépenses était déposé avant le budget — celui de l’année dernière était le Budget principal des dépenses de 2018-2019. Par conséquent, le Budget principal des dépenses ne comprenait aucune nouvelle initiative budgétaire. Ces initiatives étaient plutôt incluses dans les projets de loi de crédits supplémentaires de cette année-là ou, dans certains cas, elles n’étaient pas présentées avant les projets de loi de crédits des années suivantes.
L’année dernière, le Budget principal des dépenses de 2018-2019 a été déposé après la publication du budget de 2018, donc le financement de l’ensemble des nouvelles initiatives du budget de 2018 a été inclus dans un crédit d’exécution du budget appelé « crédit 40 ». Le crédit 40 était un crédit central géré par le Conseil du Trésor et il comprenait 7 milliards de dollars pour de nouvelles initiatives budgétaires.
Au fur et à mesure que chaque nouvelle initiative budgétaire était élaborée, et approuvée subséquemment par le Conseil du Trésor, les fonds correspondants étaient transférés au ministère ou à l’organisme concerné, qui pouvait alors les dépenser.
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Cette façon de faire a été critiquée par les parlementaires, par le directeur parlementaire du budget et par les médias parce qu’elle affaiblissait la surveillance exercée par le Parlement. Les gens qui connaissent bien ces questions et qui voyaient ce qui se passait s’inquiétaient comme moi de voir que le crédit 40 était en passe de se pérenniser.
Essentiellement, les parlementaires se voyaient demander d’autoriser le transfert de fonds pour toutes les mesures contenues dans le budget de 2018 avant même que les ministères et les organismes fédéraux aient préparé les détails des nouveaux programmes, donc avant que les dépenses de 7 milliards de dollars aient été passées au peigne fin dans le cadre des présentations au Conseil du Trésor.
À la fin de l’année dernière, nous avons voulu savoir ce qu’il était advenu des 7 milliards de dollars parce qu’au cours de l’année, l’argent avait été transféré à des ministères et des organismes fédéraux. Une liste de l’ensemble des mesures budgétaires figurait dans le site web du Conseil du Trésor.
Au début, les transferts se faisaient lentement, et nous nous en inquiétions. Même au mois de décembre, il semblait qu’une grande partie de l’argent n’avait pas encore été transféré. Toutefois, à la fin de l’année dernière, presque 5 milliards de dollars, sur un total de 7 milliards, avaient été transférés aux ministères concernés pour la mise en œuvre des programmes. Pour diverses raisons, 2 milliards de dollars avaient été retenus par le Conseil du Trésor et 72 millions de dollars n’avaient pas été affectés. On dirait bien qu’ils décidaient de l’utilisation de l’argent.
Cette année, les nouvelles initiatives budgétaires, qui s’élèvent à 10 milliards de dollars, sont attribuées à leur ministère ou à leur organisme respectif. Chaque nouvelle initiative fait l’objet d’un crédit distinct. Ainsi, il été un peu plus facile de faire le suivi des nouvelles initiatives budgétaires.
Je ne sais pas à quel point ce sera facile de les suivre au cours de l’année. Au moins, pour le début de l’année, lorsqu’on examine le document budgétaire, on peut voir quelles sont les nouvelles initiatives budgétaires pour chacun des ministères et des organismes gouvernementaux.
Le problème, c’est qu’on demande encore aux parlementaires d’approuver le financement de nouvelles initiatives budgétaires qui ne sont pas suffisamment détaillées et qui n’ont pas encore fait l’objet d’un examen minutieux dans le cadre du processus normal de présentation au Conseil du Trésor.
Le nouvel Incitatif à l’achat d’une première propriété en est un exemple. Cette initiative a été examinée par le Comité des affaires sociales. Le Comité des finances l’a également examiné il y a quelques mois dans le cadre du processus budgétaire. Au moment de l’étude, les règles n’avaient pas encore été publiées, mais elles l’ont été il a quelques jours. Il faudra ajouter cela à notre liste de choses à faire.
Je vais vous donner un exemple des problèmes associés au fait d’approuver le financement avant qu’une initiative budgétaire ait pleinement abouti. Le directeur parlementaire du budget a comparé le plan budgétaire de 2016 avec les budgets des dépenses connexes. Il a alors constaté que 30 p. 100 des postes avaient été rajustés, à la hausse ou à la baisse, par rapport au montant initialement indiqué dans le plan budgétaire de 2016. On comprend ainsi en quoi il est utile que Conseil du Trésor approuve les initiatives budgétaires. On comprend également le problème qui se pose lorsque les parlementaires doivent approuver ces initiatives avant que le Conseil du Trésor l’ait fait.
Je me suis beaucoup intéressée à la réforme du processus budgétaire. La ministre Joyce Murray, qui est la présidente du Conseil du Trésor, nous a rencontrés le 8 mai et elle a fait le point sur le projet de budget des dépenses.
Tout d’abord, pour ce qui est des initiatives budgétaires pour 2019, elle nous a assurés que les fonds non dépensés deviendront périmés. Nous craignions que les fonds qui ne seraient pas dépensés soient transférés à un autre programme pour servir à d’autres fins. Elle nous a assurés qu’ils ne seraient pas transférés à un autre programme.
Elle a également dit qu’il s’agit de la deuxième année du projet pilote de deux ans visant à harmoniser le processus d’examen des prévisions budgétaires avec le processus budgétaire. Elle a déclaré que les initiatives futures dépendront du nouveau Parlement. J’ai été un peu déçue parce que j’espérais qu’elle nous donnerait un aperçu des progrès envisagés dans l’avenir.
On nous a également dit que les nouvelles mesures budgétaires pour 2019 ne sont pas incluses dans les plans ministériels de 2019-2010. En comité, nous devons tenir compte de cela lorsque nous examinons les plans ministériels.
Honorables sénateurs, je ne passerai pas en revue tout ce qui se trouve dans le projet de loi de crédits et dans le budget des dépenses, mais je tiens à parler de certaines choses que nous faisons au Comité des finances.
L’un des plus grands défis, lorsque nous étudions le budget des dépenses, consiste à faire le suivi de l’argent d’une année à l’autre, d’un ministère à l’autre ou entre les ministères. Lorsque nous examinons une mesure, celle-ci peut toucher cinq ou six ministères sur 10 ans. Nous tentons de retracer l’argent qui passe d’une agence ou d’un ministère à l’autre, d’année en année. Beaucoup de projets s’étendent sur plusieurs années. Le système de paie Phénix en est un bon exemple.
En examinant le système de paie Phénix, nous avons dû remonter jusqu’au lancement du projet pour voir ce qui avait été dépensé au cours des années précédentes, quelle somme était demandée pour cette année et ce que le gouvernement prévoit dépenser au cours des cinq années à venir. Il n’est pas simplement question d’ouvrir le document du budget, de repérer un certain montant et de demander à quoi servira cet argent. C’est plus complexe que cela. Nous devons suivre la progression du projet.
La mesure la plus simple à comprendre du budget des dépenses, c’est la remise sur les véhicules électriques, comme ceux que le sénateur Boehm et moi-même envisageons d’acheter.
Parmi les programmes les plus complexes que nous avons étudiés figure le financement associé aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Huit ministères et agences participent à cette nouvelle initiative budgétaire décrite dans le budget de 2019. C’est ce qu’on constate quand on parcourt le budget. Pour illustrer la complexité du budget des dépenses, voici quelques détails à propos de deux de ces ministères.
Tout d’abord, le ministère de l’Immigration et de la Citoyenneté demande 3 milliards de dollars, dont 338 millions de dollars pour de nouvelles initiatives budgétaires. Des fonctionnaires du ministère nous ont expliqué que le nombre élevé de demandeurs d’asile, dont ceux qui sont entrés au Canada de façon irrégulière, mettait à rude épreuve le système de demande d’asile. Pour relever ces défis, le gouvernement mettra en œuvre une nouvelle stratégie exhaustive en matière de protection frontalière. Nous en entendrons sûrement parler davantage pendant les futures réunions du Comité des finances.
Pour soutenir la mise en œuvre de la stratégie et traiter 50 000 demandes d’asile par année, le gouvernement prévoit 1,2 milliard de dollars sur cinq ans, répartis entre huit ministères et agences. Sur cette somme, 452 millions de dollars seront affectés au ministère de l’Immigration et de la Citoyenneté, dont 160 millions de dollars cette année. Nous examinons tous les ministères ainsi que le nombre d’années.
On demande également un financement accru de 324 millions de dollars afin d’aider les provinces et les municipalités à offrir un logement temporaire aux demandeurs d’asile. Vous vous souviendrez peut-être que les provinces et les municipalités ont reçu un montant de 150 millions de dollars l’an dernier. Encore une fois, cela couvre plus d’un exercice financier.
La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada demande 205 millions de dollars. Même si les représentants ne l’ont pas affirmé comme tel lors de leur comparution devant le comité, la Commission a du mal à abattre sa charge de travail.
Ce montant de 205 millions de dollars pour la Commission de l’immigration et du statut de réfugié comprend les 32 millions de dollars prévus dans le budget de 2018 pour traiter les cas des migrants irréguliers.
Les 205 millions de dollars comprennent aussi un montant de 57 millions de dollars qui ira à l’amélioration de l’intégrité des frontières et du système d’octroi de l’asile du Canada. Ce financement soutiendra le traitement de 50 000 demandes d’asile par année et permettra à la commission de participer à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie globale de protection frontalière.
Bref, le financement additionnel accordé à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié servira à améliorer la capacité et à accélérer le processus en matière de traitement des demandes de statut de réfugié et des appels.
Au cours de la dernière année, nous avons vu plusieurs études à ce sujet. Le vérificateur général a publié un audit là-dessus dans son rapport du printemps. Le directeur parlementaire du budget a lui aussi publié un rapport sur cette question l’année dernière. Même le ministère a travaillé au sein de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Je pense que c’était l’un des anciens fonctionnaires du ministère, M. Neil Yeates, et bon nombre de recommandations ont découlé de cette initiative. Beaucoup de travail a été effectué à cet égard parce que la commission et tous les ministères participant au programme des réfugiés ont d’importants défis à surmonter.
En effet, des fonctionnaires nous ont appris que, en 2018, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié avait reçu le plus grand nombre de demandes d’asile depuis sa création, en 1989. En tout, elle a reçu 56 000 demandes. À la fin de 2018, il y avait presque 72 demandes en souffrance. De surcroît, les délais de traitement des demandes de réfugiés ont eux aussi augmenté considérablement au cours des deux dernières années.
Les fonctionnaires nous ont également dit qu’il y avait 74 000 demandes en souffrance à la fin de mars 2019. Si des fonds supplémentaires n’avaient pas été prévus dans le budget de 2018, ce nombre s’élèverait à 83 000.
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L’Agence des services frontaliers du Canada est également l’un des organismes qui participent à cette initiative de 1,2 milliard de dollars. Au total, 1,9 milliard de dollars sont demandés pour l’agence, dont 262 millions de dollars pour de nouvelles initiatives budgétaires et 135 millions de dollars du nouveau financement qui serviront à assurer la durabilité et la modernisation des activités à la frontière canadienne.
Cent six millions de dollars serviront à accroître l’intégrité des frontières canadiennes et à soutenir le système d’octroi de l’asile. Il convient de souligner que ces 106 millions de dollars font partie du programme de 1,2 milliard de dollars répartis entre huit ministères et organismes fédéraux dont j’ai parlé plus tôt et dont l’objectif est d’accroître l’intégrité des frontières canadiennes et de soutenir le système d’octroi de l’asile. L’agence se servira de ce financement pour mettre en œuvre la stratégie en matière de protection frontalière, pour traiter les 50 000 demandes d’asile et pour renvoyer les auteurs d’une demande d’asile rejetée. Le financement est également demandé pour répondre au nombre accru de demandes de visas de visiteurs et de permis de travail et d’études.
Un financement de 1,5 milliard de dollars est également demandé pour protéger les personnes des consultants en immigration sans scrupules. Ce montant s’ajoute aux 11 millions de dollars demandés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour ce même programme. J’essaie de me souvenir quel comité avait étudié cette question. Je crois que c’était le Comité des affaires sociales, mais je n’en suis pas sûre.
La stratégie sur les consultants en immigration comportera trois volets. Dans le cadre de la loi d’exécution du budget, un cadre législatif sera mis en place pour réglementer ces consultants. Un nouveau financement permettra d’augmenter le nombre d’enquêtes criminelles et il y aura une campagne d’éducation et de sensibilisation du public. Le coût du programme devrait s’élever à 55 millions de dollars sur cinq ans.
La tâche la plus complexe a été d’examiner le mandat de ces huit ministères et organismes. Nous ne les avons pas tous passés en revue, même s’ils ont tous quelque chose à voir dans ce programme. Le seul fait d’avoir déterminé qui fait quoi et avec quel argent a été un défi.
Je veux par ailleurs parler du ministère des Services aux Autochtones, dont les représentants semblent témoigner très régulièrement au Comité des finances. Ce ministère demande 12 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation marquée par rapport aux 10 milliards qui lui ont été octroyés l’an dernier. En 2017-2018, ses dépenses s’élevaient à 4 milliards de dollars. L’augmentation est donc considérable.
De la somme totale de 12 milliards de dollars, 2 milliards serviront aux dépenses de fonctionnement. Un peu plus de 9 milliards prendront la forme de subventions et de contributions, et 600 millions de dollars seront consacrés à de nouvelles initiatives.
Deux grandes mesures législatives ayant une incidence significative sur le ministère et ses programmes expliquent les demandes d’augmentation. On en a déjà parlé.
Le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, vise à reconnaître et à affirmer la compétence des Autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille.
La deuxième est la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones, qui est intégrée au projet de loi d’exécution du budget, le projet de loi C-97. Cette loi, qui définit les tâches et les responsabilités du ministère des Services aux Autochtones, a fait l’objet d’une étude par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se servira de la version adoptée du projet de loi pour étudier les demandes de financement du ministère.
Comme on l’a dit plus tôt, les subventions et contributions demandées par le ministère s’élèvent à 9,5 milliards de dollars, dont 1,7 milliard en subventions et 7,8 milliards en contributions. La subvention la plus élevée est de 1,5 milliard de dollars et elle doit servir à soutenir la nouvelle relation financière avec les Premières Nations régies par la Loi sur les Indiens. Selon ce que nous ont dit les fonctionnaires, cette relation misera sur l’élaboration conjointe de nouvelles approches et favorisera l’autodétermination en rendant le financement plus prévisible et plus souple. Les représentants du ministère nous ont assuré que les rapports produits par le ministère, que ce soit au sujet de ce programme ou des autres sous sa responsabilité, reposeront sur des indicateurs quantitatifs de rendement.
Plusieurs membres du comité ont voulu savoir où en était le programme sur les avis permanents de faire bouillir l’eau dans les réserves. Le ministère demande 66 millions de dollars seulement cette année pour éliminer les avis encore en vigueur. Les fonctionnaires nous ont dit qu’il en reste 50 et que le ministère pense les avoir tous éliminés d’ici mars 2021. Ils ont ajouté qu’il y avait 6 842 projets de construction, d’aménagement, de rénovation ou de remise à neuf de logements et de terrains, dont 3 883 sont actuellement terminés.
Une des audiences intéressantes que nous avons tenues portait sur quelque chose de nouveau, la Commission aux débats des chefs. Le sujet était intéressant. Cette commission a été créée par décret en octobre dernier. Elle a pour mandat d’organiser deux débats des chefs dans le cadre de l’élection générale fédérale de 2019. Le décret prévoit en outre les critères que doit respecter le chef de chaque parti politique pour être invité à participer à ces débats.
La commission demande un peu plus de 4 millions de dollars pour organiser deux débats des chefs, soit un dans chaque langue officielle. Elle est composée d’un commissaire, qui est épaulé par un comité consultatif de sept membres. Son mandat comprend la présentation d’un rapport au Parlement à la suite des débats de 2019 dans lequel elle fera état de son bilan financier, des leçons retirées de l’expérience et de ses recommandations; le tout servira à examiner la possibilité de créer une commission qui serait plus permanente.
Le dernier ministère dont j’aimerais parler est celui de la Défense nationale. J’ai déjà parlé de ce ministère, plus particulièrement en ce qui concerne sa nouvelle politique de défense qui a été présentée en juin 2017 et le fait qu’il est difficile d’obtenir des renseignements sur les coûts estimatifs et réels des projets d’immobilisations.
Le Comité des finances nationales a réalisé une étude sur l’approvisionnement militaire. Nous venons de finir de revoir notre rapport provisoire. La question des coûts estimatifs et réels y est abordée. Les parlementaires ne sont pas en mesure de suivre l’avancement des projets d’immobilisations militaires sans ces renseignements.
Par exemple, la politique de défense du ministère indique qu’un peu plus de 6 milliards de dollars seraient dépensés en 2017-2018 dans des projets d’immobilisations; pourtant, les coûts réels ne se sont élevés qu’à environ 4 milliards de dollars. Il s’agit donc d’un écart de quelque 2 milliards de dollars. L’année suivante, elle a signalé qu’un peu plus de 6 milliards de dollars seraient dépensés. Or, nous savons qu’un peu plus de 4 milliards de dollars ont été dépensés. De nouveau, il s’agit d’un écart d’environ 2 milliards de dollars.
Lorsque nous avons examiné le Budget principal des dépenses de l’année en cours et le projet de loi, les responsables de la politique de défense ont mentionné qu’environ 6 milliards de dollars seraient dépensés dans des projets d’immobilisations; pourtant, le Budget principal des dépenses ne demande que 3,8 milliards de dollars. Encore une fois, il s’agit d’un écart de plus de 2 milliards de dollars.
Cette année, nous avons approfondi le contenu des projets d’immobilisations. Le ministère a indiqué que la nouvelle politique de défense prévoyait 333 projets d’immobilisations. De ce nombre, le site web énumère 17 grands projets, qui sont qualifiés de projets de transformation et de grands projets de l’État, dont le projet de navires de patrouille extracôtier et de l’Arctique, le projet de navire de combat de surface canadien, le projet de capacité future d’avions de chasse et le projet de système de véhicule de soutien moyen.
Les fonctionnaires nous indiquent que, parmi les mesures financées grâce à la somme de 3,8 milliards de dollars qui est demandée dans le Budget principal des dépenses de 2019-2020 et qui est incluse dans le projet de loi actuel, trois projets se voient accorder le plus gros montant. Les fonctionnaires disent que la somme de 300 millions de dollars est demandée cette année pour les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, qui seraient capables de naviguer à travers la glace et que le chantier naval Irving est en train de construire. Selon le site web du ministère, le coût total de ce projet dépassera le milliard de dollars. Il sera très intéressant d’en suivre la réalisation du début à la fin. Habituellement, il faut un certain nombre d’années pour mener un tel projet à bien.
La même somme, soit 300 millions de dollars, est également demandée pour le projet de remplacement des avions de recherche et sauvetage à voilure fixe. Seize nouveaux aéronefs équipés d’appareils de détection seront achetés pour remplacer la flotte actuelle de recherche et sauvetage, qui est composée de CC-115 Buffalo et CC-138 Hercules. Le site web du ministère nous apprend que le coût total de ce projet dépassera également le milliard de dollars.
Le troisième projet pour lequel une somme de 300 millions de dollars est prévue est celui du système de véhicules de soutien moyen. Ces nouveaux véhicules serviront à transporter des troupes, des marchandises et de l’équipement. Ils seront utilisés pour les services dans les unités et pour les services de soutien au combat. Le coût total de ce projet dépassera aussi le milliard de dollars, selon le site web du ministère.
Le quatrième projet financé cette année est le projet de navires de combat de surface canadiens, qui fournira 15 navires construits par le chantier naval Irving. Une somme de 250 millions de dollars est demandée dans le projet de loi pour ce projet. Le projet coûtera plus de 8 milliards de dollars.
Bien que ces quatre grands projets soient entrepris par le ministère de la Défense nationale, nous avons eu de la difficulté à obtenir des renseignements financiers à leur sujet. Compte tenu de l’ampleur des coûts et de l’importance des projets pour le Canada, les parlementaires devraient avoir accès à plus d’information.
À la dernière réunion du Comité des finances avec des représentants du ministère, ceux-ci se sont engagés à nous fournir le coût de chacun des 17 grands projets inclus dans la politique de défense de 2019-2020. Ils se sont aussi engagés à fournir le montant demandé dans le Budget des dépenses de 2019-2020 pour chacun des 17 grands projets.
Le mois dernier, le gouvernement a annoncé qu’il dépenserait 15 milliards de dollars pour la construction de nouveaux navires, dont deux autres navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique en plus des six que le chantier naval Irving est en train de construire.
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On promet aussi 16 navires polyvalents qui seront construits par Seaspan Shipyards. Le comité discutera de ces projets d’immobilisations lors de ses prochaines réunions.
Honorables sénateurs, j’aimerais faire des observations générales au sujet de l’étude du comité sur le Budget principal des dépenses de 2019-2020, sur lequel porte le projet de loi de crédits. Le Budget principal des dépenses donne un aperçu des dépenses prévues par l’ensemble des ministères et par bon nombre d’organismes gouvernementaux. De nombreuses questions ont été soulevées pendant les réunions de notre comité. Comme je l’ai dit auparavant, ces questions portent sur ce qui arrivera dans les prochaines années.
Pour conclure, je remercie la sénatrice Bellemare de son discours à l’étape de la deuxième lecture. Je remercie également le président du comité, le sénateur Mockler, les vice-présidents du comité, les sénateurs Pratte et Day, ainsi que tous mes collègues de leurs questions intéressantes et réfléchies. Je remercie également notre greffière, Mme Lemay, nos analystes, M. Smith et M. Pu, ainsi que tous les employés qui aident le comité à faire son travail.
J’ai hâte que nous puissions étudier le prochain projet de loi de crédits, que nous devrions recevoir pendant la nouvelle session parlementaire. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Bellemare, avec l’appui de l’honorable sénateur Harder, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général du Canada :
À Son Excellence le très honorable David Johnston, Chancelier et Compagnon principal de l’Ordre du Canada, Chancelier et Commandeur de l’Ordre du mérite militaire, Chancelier et Commandeur de l’Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneur général et Commandant en chef du Canada.
QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je rappelle tout d’abord que nous sommes présentement sur le territoire non cédé des Algonquins et des Anishinabes.
J’ai décidé d’intituler mon intervention « Ce qui fait que je suis moi ».
Je commencerai par vous parler de mon identité de Métis cri — une histoire que j’ai rarement eu l’occasion de raconter en détail à qui que ce soit.
Je suis un Métis cri et je viens du territoire visé par le Traité no 4, qui est aussi la terre d’origine des Métis de Saskatchewan. C’est une grande fierté pour moi de pouvoir vous raconter l’histoire de ma famille à deux jours à peine de la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin. Cette journée permet d’honorer et de célébrer la culture et la contribution des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Il y a une vingtaine d’années, j’ai assisté à une conférence donnée par le chef Billy Diamond ici à Ottawa. Il expliquait que le nom « Indien » vient de Christophe Colomb, qui était convaincu d’avoir trouvé un raccourci vers l’Inde.
Le nom « Métis », honorables sénateurs, est un mot français qui est lui-même dérivé du mot latin signifiant « mélange » et il désigne ceux et celles qui ont des origines autochtones et euroaméricaines. Généralement, les Métis naissaient du mariage entre un Européen et une Autochtone. La majorité des Européens venus s’installer ici étaient des explorateurs, des voyageurs et des commerçants de fourrures, et bon nombre d’entre eux ont fondé une famille avec une femme des Premières Nations. Les premiers Métis sont apparus il y a près de 400 ans.
Je précise que la définition d’Autochtone dans la Constitution comprend les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous, les Métis, remercions Harry Daniels, mon oncle, pour l’inclusion des Métis dans la définition de la Constitution. Par l’entremise de Jean Chrétien, il a convaincu le premier ministre Pierre Elliott Trudeau que les Métis devaient à juste titre être inclus dans la définition qu’en donne la Constitution.
Être Métis n’est pas uniquement la conséquence du colonialisme et le Métis est différent d’un membre des Premières Nations, d’un Inuit ou d’un Européen. Les Métis ont évolué comme peuple unique, issu à la fois de la culture des Premières Nations et de la culture européenne, créant une tradition unique avec ses coutumes, sa culture, sa cuisine, son habillement, sa musique, ses danses et ses communautés, réunissant ce qu’il y a de mieux dans les coutumes et la culture européennes et celles des Premières Nations.
Dès le début, les Métis ont reçu en héritage l’espoir d’une vie meilleure qui habitait leurs ancêtres européens à leur arrivée et la ténacité nécessaire pour survivre dans des climats impitoyables dont étaient dotés leurs ancêtres des Premières Nations. Si je pouvais nommer un trait commun à ces sociétés qui semblent souvent différentes en surface, c’est l’ardeur au travail de leurs membres. Cette ardeur nous vient de la conviction que nous pouvons construire notre avenir, indépendamment de notre situation.
À l’origine, le gouvernement fédéral a reconnu les Métis comme un peuple autonome, probablement parce qu’ils étaient considérés comme des traducteurs et des guides utiles ainsi que des travailleurs habiles, et qu’ils comprenaient le commerce. Cependant, étant donné que les terres habitées par les Métis ont pris de la valeur, le gouvernement a élaboré de nombreuses stratégies pour les leur enlever. Nous avons un aperçu de l’animosité que le gouvernement entretenait envers les Métis lors des négociations du Traité no 4, en 1874.
Le chef des Saulteux, Ota-Ka-Onan, l’un des principaux représentants au cours des négociations, a réprimandé le lieutenant-gouverneur Alexander Morris pour son traitement des représentants métis en lui disant ceci :
Maintenant que vous êtes ici, vous pouvez voir un mélange de Sang-Mêlé, de Cris, de Saulteux et de Stoneys, qui ne font qu’un, et vous avez été lent à prendre la main d’un Sang-Mêlé.
Le gouvernement était lui-même responsable de son animosité. Un an plus tôt, soit en 1869, le gouvernement s’était attaqué à la colonie de la rivière Rouge. Cette attaque a causé ce que beaucoup appellent la Rébellion de la rivière Rouge, mais ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. À l’inverse, les Métis appellent cet événement la résistance de la rivière Rouge. C’est là où Louis Riel, qui avait tout fait pour négocier pacifiquement la fin du conflit, est devenu un symbole d’héroïsme pour les Métis et a été vilipendé par le gouvernement.
En 1885, la colonie de Batoche, en Saskatchewan, était composée de quelque 500 Métis. Plusieurs avaient fui le Manitoba après la résistance de la rivière Rouge. Le gouvernement a constaté que la colonie des Métis créait des parcelles de terre longues et étroites à partir de la rivière, afin qu’un nombre maximal d’agriculteurs aient accès à l’eau. Le gouvernement préférait que le terrain soit divisé en longues parcelles parallèles à la rivière. Quand les Métis ont demandé de négocier pour résoudre ce différend, le gouvernement a refusé et a plutôt mené, une fois de plus, une intervention militaire contre les Métis. C’est ce qui a donné lieu à la résistance du Nord-Ouest. C’est aussi là que Louis Riel a capitulé. Le gouvernement a réussi à écraser la communauté et à détruire tout espoir d’indépendance pour les Métis.
Honorables sénateurs, le gouvernement a aussi eu recours à d’autres politiques pour contrôler l’accès des Métis à leurs terres. Ainsi, il a émis des certificats de terres et des certificats d’argent, une méthode qui lui a permis d’ouvrir l’Ouest canadien à des pionniers purement européens et de les laisser s’établir sur des terres où les Métis étaient installés depuis des générations. Les familles métisses ont dû accepter des certificats, c’est-à-dire des morceaux de papier échangeables contre une terre ou une somme d’argent. Le gouvernement s’est servi de cette méthode pour empêcher les Métis de vivre ensemble et pour donner les meilleures terres aux pionniers européens. Pire encore, les Métis se faisaient souvent voler leurs certificats ou les perdaient à cause d’une arnaque.
Bref, le gouvernement a réussi à faire des Métis un peuple sans territoire, sans traité et sans droits. Cette situation de dépendance a donné naissance au peuple des réserves routières, au début des années 1900, quand les Métis ont établi des communautés en squattant des terres, des parcs et des forêts de la Couronne. Ils étaient forcés de faire de petits boulots pour les agriculteurs à qui le gouvernement avait donné leurs terres.
Les difficultés des Métis ont connu un point tournant en 2016 grâce à la décision rendue dans l’affaire Daniels c. Canada. Les Métis et leur chef Harry Daniels, mon oncle Harry, un Indien non inscrit, ont fait valoir que les Métis étaient bel et bien des Indiens aux termes de l’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.
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L’affaire n’a pas permis aux Métis d’être inscrits, mais elle a forcé le gouvernement fédéral à négocier des règlements de revendications territoriales et à leur donner accès à des ressources en matière de programmes de santé, d’éducation et de services gouvernementaux, ainsi qu’à les indemniser relativement aux ravages causés par le système des pensionnats et la rafle des années 1960.
Ce n’est qu’un bref aperçu des 400 ans d’histoire des Métis. J’en viens maintenant à ma propre histoire, à mes propres ancêtres et à ce qui a fait de moi ce que je suis.
Comme c’est le cas pour beaucoup de Canadiens, mes ancêtres étaient répartis dans de nombreux pays et ils appartenaient à de nombreuses cultures. Mon histoire commence principalement avec les Klein, en Allemagne, les McKay, en Écosse, et les Bellegarde, en France.
Du côté des Klein, je peux remonter jusqu’à mon ancêtre à la douzième génération, qui est né en 1460 en Allemagne. Je me permets de souligner qu’à cette époque, notre nom s’épelait « Klein ». Sept générations plus tard, mon aïeul Johan Philip Klein est né en Allemagne en 1864 et est mort en Pennsylvanie, aux États-Unis, en 1739. Il a donc été le premier à venir en Amérique du Nord. Son fils né en Allemagne, Johan Adam Klein, qui est mon quinquisaïeul, s’est rendu au Québec, au Canada, où il a fondé une famille. Cela fait de moi un Canadien d’origine européenne de septième génération.
À partir du fils de Johan, mon trisaïeul Michael Klyne père, l’épellation du nom de famille est devenue Klyne. C’était il y a près de 240 ans et je n’en ai jamais découvert la raison, mais je soupçonne que sa mère, Marie Geneviève Bisson, a eu quelque chose à voir là-dedans.
Du côté des McKay, le côté patrilinéaire de ma mère, je peux remonter sur six générations, jusqu’en 1700, en Écosse. Il y a cinq générations, mon aïeul John McNab McKay et sa femme Elspeth Kennedy ont été les premiers à quitter l’Écosse pour s’installer au Canada avec leur fils né en Écosse, John Richard McKay père.
Du côté des Bellegarde, le côté matrilinéaire de ma mère, je peux remonter sur huit générations, jusqu’en 1620, en France. Mon aïeul de sept générations, Christophe Gerbault, sieur de Bellegarde, et sa femme Marguerite Lemaître ont été les premiers à venir au Canada. Tous leurs enfants sont nés au Québec.
Nombre de mères métisses, ainsi que de mères autochtones, peuplent mon arbre généalogique, des côtés patri- et matrilinéaires, à partir d’il y a 250 ans. Il y a cinq générations, Titameg Whitefish Cree, une Moskégonne, est née en 1755. D’autres sont ma grand-mère d’il y a cinq générations, Mme LaFrance, une autochtone née en 1770. Ensuite, il y a quatre générations, ma grand-mère Josephette, une Crie, est née en 1760, et mon arrière-grand-mère, Marie Anne Bellegarde, qu’on appelait affectueusement Kookum dans la Première Nation de Little Black Bear, est née il y a 157 ans, en 1862.
Dernièrement, avant de mourir, ma grand-mère rendait visite à ses sœurs visées par un traité dans la réserve où elles habitent, la réserve où elle aussi avait habité.
Le 10 septembre 1939, le Canada a décidé de participer à la Seconde Guerre mondiale et a déclaré la guerre à l’Allemagne. Moins de quatre mois plus tard, le 12 janvier 1940, mon père, Lawrence Klyne, s’enrôlait en tant que soldat du Corps royal de l’intendance de l’armée canadienne. La devise du corps était Nil Sine Labore, ce qui, en latin, signifie « pas de succès sans peine ». On aurait pu mettre la photo de mon père à côté de cette devise.
Le 23 mai 1946, devenu caporal matricule L.7453, il a été libéré du Corps royal de l’intendance de l’armée canadienne. Il avait fait partie de l’armée canadienne pendant six années, donc cinq passées à l’étranger pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ne réussissant pas à trouver un emploi permanent dans sa vie civile après sa libération, il a décidé de s’enrôler de nouveau 16 mois plus tard, et 11 mois après la naissance de ma sœur, Julie Ann Klyne, décédée le 5 février 2015 à l’âge de 67 ans.
Mon père a bâti notre maison à Regina après la naissance de ma sœur, le 1er mars 1947. Je me rappelle qu’il m’a dit avoir payé 10 $ pour le lot et qu’il m’a raconté qu’il avait dû creuser un trou pour le sous-sol. Il a affirmé que mon oncle Wilf et lui avaient uniquement eu besoin de chevaux, d’une charrue et de deux bouteilles de vin. Grâce à l’armée, il était un excellent mécanicien et un ouvrier polyvalent, et la maison qu’il a bâtie tient encore debout 70 ans après.
Il s’est dit intéressé à servir à la base de Fort Churchill, dans l’espoir de peut-être être promu au grade de sergent, et il a obtenu cette promotion.
Le 26 novembre 1953, presque six ans après s’être enrôlé de nouveau, il s’est embarqué pour la Corée. Il est arrivé là-bas le 13 décembre 1953 pour participer à la guerre de Corée. Il est retourné en Saskatchewan le 25 janvier 1955, où il agi à titre de superviseur et d’instructeur pendant approximativement 10 ans jusqu’à sa libération de l’Armée canadienne le 10 mars 1966. Sa carrière militaire a duré 25 ans. Il a servi dans les forces actives durant la Seconde Guerre mondiale et dans la Force régulière, notamment lors de la guerre de Corée. Pendant ses années de service, il a également fait partie du Corps du Génie électrique et mécanique royal canadien. Au moment de sa retraite, il portait le titre de sergent Lawrence Klyne, SL.7453.
Voici les médailles qu’il a obtenues tout au long de sa carrière militaire : l’Étoile de 1939-1945; l’Étoile d’Italie; l’Étoile France-Allemagne; la Médaille de la Défense; la Médaille canadienne du volontaire avec une agrafe en argent; la Médaille de la guerre de 1939-1945; la Médaille du service des Nations Unies en Corée; la Médaille du couronnement de la reine Elizabeth II de 1953; la Décoration des Forces canadiennes.
En préparant mon discours, j’ai découvert qu’on lui devait deux autres médailles, dont je ferai la demande après la 42e législature. Ces deux médailles sont la Médaille canadienne de service volontaire pour la Corée et la Médaille canadienne de Corée.
À mes yeux, mon père était à la fois Clark Gable, John Wayne et G.I. Joe. Il était ferme, juste et résolu. Il n’a jamais levé la main sur moi et n’a jamais employé de langage grossier devant moi. « Sapristi » était le genre de juron qu’il employait. Cet homme n’avait qu’à vous regarder pour imposer son autorité.
Mon père a rencontré ma mère après son retour de la Deuxième Guerre mondiale. Alors qu’il rentrait d’Europe avec son copain de régiment, Alec Daniels, il lui a confié qu’à son retour au Canada, il trouverait une belle épouse et construirait une maison pour s’y installer. Alec l’a présenté à sa cousine, Alice Vera McKay, et ils se sont mariés peu après, à la maison de mes grands-parents. Mon arrière-grand-mère Kookom y était.
Ma mère a grandi à Regina Beach, en Saskatchewan, un endroit que M. Lloyd Barber aurait qualifié de communauté métisse. Elle a été membre du Service féminin de l’Armée canadienne et elle a reçu la Médaille canadienne du volontaire. C’était une mère aimante et pleine de vie. Sa force et sa persévérance n’avaient d’égal que son sens de l’humour et son esprit vif. Cuisinière fabuleuse, couturière talentueuse et maîtresse de maison extraordinaire, elle infusait tout ce qu’elle faisait de son esprit créatif et artistique.
Elle venait assurément d’une famille d’origine métisse. Mon arrière-grand-père, William Henry McKay, a reçu un certificat de terres. En échange, il a renoncé à tous ses droits territoriaux ou à ceux issus d’un traité. Il a été l’un des pionniers à s’installer à Regina Beach, plus précisément à ce qui allait devenir McKay Crossing. Mon arrière-grand-mère, Marie Anne Bellegarde, a quitté la Première Nation de Little Black Bear pour marier mon arrière-grand-père. Elle a alors perdu son statut établi par traité et, par le fait même, les droits qui lui étaient conférés. Mon grand-père, Edward McKay, est né sous un chariot à McKay Crossing en 1900.
Je tiens à rendre hommage à ma femme, Charlene, qui est la mère de mon plus jeune fils, Mack Klyne, ainsi qu’à mon aîné, Benjamin Mark Tingley, qui a été élevé par des parents adoptifs absolument merveilleux, Bill et Lily Tingley.
Charlene est une excellente partenaire de maintes façons. Elle est ma meilleure amie et une personne remarquable avec qui je partage ma vie, en plus d’être une grand-mère et une brillante femme d’affaires qui a dirigé avec brio notre entreprise primée.
Mon fils aîné, Ben, confirme mes convictions par rapport à ce qui est inné ou acquis. Non seulement il me ressemble, mais, même si nous avons été séparés pendant les 19 premières années de sa vie, il a ma voix, il parle comme moi et il a les mêmes manières que moi. Ben est marié, et j’ai deux magnifiques petits-enfants, Jack et Portia. Ben a été très bien élevé, il a reçu une bonne formation en administration des affaires, et il possède une entreprise de publicité prospère.
Mon jeune fils, Mackenzie Gordon Lawrence Klyne, est certainement sur la bonne voie en ce qui a trait à son éducation, à sa vie familiale et à son cheminement personnel. Sa créativité et sa façon de voir la vie et tout ce qu’elle peut lui offrir ont quelque chose d’inspirant. C’est un gentleman, comme son grand frère.
Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention. Je salue également les Canadiens qui nous écoutent à la maison, et j’espère que mon histoire leur a permis de mieux apprécier le caractère distinctif de notre grande nation et de son peuple métis.
Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui dans le débat sur la réponse au discours du Trône afin de donner mon premier discours au Sénat. Ce premier discours est une occasion pour moi de donner à mes collègues un aperçu de mon parcours. Il me donne aussi l’occasion de décrire comment je me suis retrouvée ici grâce au processus révisé de nomination au Sénat, et pourquoi j’ai posé ma candidature.
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Le plus important peut-être est qu’il me donne l’occasion d’exprimer ma profonde gratitude. J’ai tellement apprécié les bons mots des sénateurs Harder, Mercer, Smith et Woo à mon arrivée ici.
J’aimerais aussi remercier, puisque ce sera peut-être la dernière occasion pour le faire, la sénatrice Andreychuk. Les sénateurs se souviennent sans doute que la sénatrice Andreychuk a parrainé mon entrée dans cette auguste salle. Elle m’a aussi prodigué des conseils et du soutien et je l’ai vue servir cette assemblée et le Canada avec tant de dignité et de respect que je ne peux qu’espérer pouvoir un jour l’imiter.
Merci, sénatrice Andreychuk.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Duncan : Chers collègues, je tiens également à exprimer ma sincère reconnaissance envers vous tous pour votre appui et vos encouragements, de même qu’envers le personnel des sénateurs et du Sénat. Je vous remercie tous de votre accueil chaleureux.
Dans le hansard, on peut lire les renseignements sur mon parcours qui ont été énoncés lorsque j’ai été accueillie au Sénat. D’autres bribes ont fait surface lorsque nous avons commencé à travailler ensemble. La célébration de la force aérienne par le sénateur Day a été une occasion de mentionner que mon père, originaire de Glasgow, en Écosse, était un pilote de la Royal Air Force durant la Seconde Guerre mondiale. Il a rencontré ma mère ici, à Ottawa, et ils se sont mariés peu de temps après. Colleen Bartlett était une Américaine de l’État du Maine qui s’était enrôlée dans l’armée canadienne.
En 1945, mes parents sont retournés en Grande-Bretagne et la famille s’est agrandie, mes frères et sœurs étant nés dans de petites stations de la force aérienne un peu partout en Grande-Bretagne.
La famille a immigré d’abord aux États-Unis, en 1955, puis au Canada. À son arrivée au Canada, un agent frontalier éclairé — et je ne dis pas seulement cela pour la sénatrice Simons — lui a suggéré de se rendre à Edmonton. C’est là que je me suis ajoutée à la famille. Chez nous, au souper, les discussions au sujet de l’immigration au Canada et de la politique d’immigration commencent par « n’eût été la politique d’accueil du Canada, ma famille et moi ne serions pas ici ».
En 1964, mon père a entendu l’appel de la vie publique et a déménagé au Yukon. Je dois dire qu’il a parcouru la route de l’Alaska avec l’essentiel : son premier-né, les encyclopédies et son balai de curling. La notion de servir la population et de la fonction publique — ma famille d’origine — m’a été transmise. Mon père a travaillé sur l’élaboration de la toute première loi en matière de soins de santé au Yukon. Son travail dans le domaine des soins de santé serait quelque peu remis en question dans le contexte actuel, car il croyait fermement, en tant qu’Écossais, que sa charge publique l’obligeait à traiter l’argent des contribuables avec des précautions extrêmes. Il fallait en avoir pour son argent, et il fallait rendre des comptes. C’est ce même esprit que j’ai retrouvé chez mes collègues du Comité des finances nationales, avec qui je suis vraiment heureuse d’avoir l’occasion de travailler.
Mon sens de l’engagement communautaire me vient aussi de ma mère, que ce soit en transmettant les traditions par la communauté des arts de l’aiguille, en cousant des bordages de courtepointes pour en faire don à la salle de chimiothérapie de l’hôpital général de Whitehorse — une tradition que je suis fière de perpétuer — ou en aidant l’organisation des courtepointes de la bravoure. Ma famille a également fait du bénévolat dans des clubs communautaires de curling lors de bonspiels. J’ai moi-même fait du bénévolat aux Jeux d’hiver du Canada au Yukon, j’ai été guide et commissaire provinciale des Guides du Canada, j’ai créé ma fondation. Il existe des principes auxquels tous les Canadiens croient, et je suis convaincue que ces points communs nous unissent : le traitement équitable et le respect mutuel.
Ce respect mutuel n’était pas un principe très populaire lorsque j’ai fait mon entrée sur la scène politique. Les sénateurs et les Canadiens auront entendu certaines histoires s’ils ont écouté la balladoémission No Second Chances. Mme Kate Graham, agrégée supérieure de Canada 2020, était la chef de projet. Ce projet se termine aujourd’hui, honorables collègues, et je voudrais simplement vous rappeler ceci : sur plus de 300 premiers ministres dans l’histoire du pays, seulement 12 étaient des femmes. Nous pouvons faire mieux et nous le ferons.
Parmi mes moments mémorables au sein de l’Assemblée législative du Yukon — en tant que chef du troisième parti et de l’opposition officielle, première ministre et seule membre d’un parti politique —, figurent le soutien et la conclusion de négociations en matière de revendications territoriales et la signature de l’entente sur le transfert de responsabilités avec Ottawa. Mon travail de gouvernement à gouvernement avec les Premières Nations a été un honneur et un privilège.
J’ai conservé de cette époque une note que je gardais sur mon bureau me rappelant que la simple courtoisie ne coûte rien.
Lorsque j’ai quitté la politique pour devenir fonctionnaire, j’ai fait des études sur l’administration de la justice. L’interprétation des lois est un des premiers cours de ce programme. Je me souviens m’être demandée, « comment ont-ils pu adopter cette loi? » Cela me fait penser à une disposition de la loi électorale du Canada de 1890 : « Ni les femmes, ni les idiots, ni les déséquilibrés, ni les criminels n’ont le droit de voter. »
Chers collègues, quand nous étudions des lois, je pense que nous devons constamment nous demander si elles vont résister à l’épreuve du temps.
Je m’en voudrais de ne pas saluer mes anciens collègues à l’Assemblée législative du Yukon. Le préambule de la Loi sur les accidents du travail du Yukon demande aux fonctionnaires de traiter les travailleurs, les familles et les employeurs avec dignité, respect et équité. En tant que gestionnaire, je me suis fait un point d’honneur de rappeler tous les jours aux fonctionnaires notre obligation de suivre ces principes directeurs énoncés dans la loi.
Comme bien des gens qui s’interrogent sur leur avenir, je me suis demandé ce que j’allais faire après avoir travaillé dans la fonction publique. Je souhaitais continuer de faire partie de la fonction publique. À la dernière minute, j’ai présenté une demande en vue d’être nommée sénatrice. Soyons clairs : j’ai pris à cœur le désir que le processus soit indépendant. Conformément aux exigences, ma demande a reçu l’appui de trois Yukonnais aux horizons variés qui ont contribué à divers partis politiques.
Je m’en voudrais aussi de ne pas remercier les membres de ma famille, en particulier mon mari, Daryl Berube, et nos enfants, Kristen et Craig, de leur amour et de leur soutien à l’égard de ma demande et de ma nomination.
Maintenant, je suis sénatrice. Puis-je vous présenter un projet environnemental et économique que j’aimerais voir se réaliser, objectif noble s’il en est un? Non. Honorables sénateurs, chers collègues, étant donné mon bagage, ce que je pense apporter au Sénat, c’est ma détermination à déployer tous les efforts possibles, à donner le meilleur de moi-même et à toujours me rappeler que c’est un honneur et un privilège de servir les Canadiens.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Duncan : J’apporte aussi la prière de l’Assemblée législative du Yukon, qui demande au Créateur, au Grand Esprit, au chef de tous les peuples, de nous amener à prendre des décisions systématiquement judicieuses, justes et sages au nom de la population. Comme le disent certaines des Premières Nations du Yukon, mahsi cho. Chers collègues, merci.
(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)
(À 19 h 9, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 4 février 2016 et le 9 mai 2019, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)