Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 3
Le jeudi 1er octobre 2020
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- L’agriculture et l’agroalimentaire
- Les finances
- La présidence de l’Union interparlementaire
- Les finances
- La tragédie survenue en Nouvelle-Écosse
- Les travaux du Sénat
- L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- Les terrains du gouvernement fédéral
- La santé
- La justice
- L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 1er octobre 2020
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Séances hybrides du Sénat—Collaboration
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, au cours des six derniers mois, le Sénat a travaillé en collaboration dans l’intérêt des Canadiens afin d’adopter des mesures législatives urgentes et de venir en aide à des millions de personnes dans le besoin. Je crois sincèrement que la collaboration dans cette enceinte a contribué à sauver des vies en permettant l’adoption rapide de projets de loi visant des mesures d’urgence essentielles.
Parce que nous avons un régime parlementaire fédéral, de nombreux sénateurs ont à faire des choix impossibles en matière de santé et de sécurité. Ils doivent se conformer à des réglementations provinciales tout en s’acquittant de leurs fonctions de sénateurs. On ne peut plus s’attendre à ce que tous les sénateurs parcourent régulièrement le pays dans tous les sens pendant la deuxième vague de la pandémie s’il est possible de faire les choses différemment.
À l’avenir, je pense que la mise en œuvre d’une approche hybride servira au mieux les intérêts des Canadiens. L’Administration du Sénat a déjà fait beaucoup pour rendre les séances hybrides opérationnelles le plus tôt possible, cet automne, et nous lui sommes reconnaissants de tous ses efforts en ces temps très difficiles.
C’est dans ce contexte qu’après avoir transmis une motion préliminaire exhaustive aux dirigeants et aux facilitateurs du Sénat mardi, j’entends déposer ici une motion en vue d’autoriser l’organisation de séances hybrides au Sénat, et ce, avant que nous ajournions nos travaux cette semaine. Nous donnerons avis d’une telle motion demain.
Une fois de plus, je suis heureux que nous allions de l’avant en collaborant avec tous les sénateurs afin de mieux nous adapter à la pandémie en cours et de planifier de manière responsable les futures activités du Sénat.
Je remercie tous mes collègues leaders et tous les sénateurs de leur collaboration en vue de mettre ce plan à exécution pour le bien de notre institution.
Des voix : Bravo!
[Français]
Joyce Echaquan
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Elle s’appelait Joyce Echaquan; elle avait sept enfants. Elle s’appelait Joyce Echaquan; elle avait 37 ans. Elle était une Atikamekw de la communauté de Manawan, au Québec.
Elle est décédée lundi, à l’hôpital de Joliette, peu de temps après avoir reçu une bordée d’insultes racistes inimaginables, choquantes et révoltantes de la part d’une infirmière et peut-être d’autres soignants.
C’est Joyce Echaquan elle-même qui a capté en direct sur Facebook ces jurons et ces insultes, alors qu’elle appelait à l’aide. L’enregistrement donne des frissons. Comment peut-on traiter ainsi un être humain, une femme très malade?
Les Québécois sont en émoi depuis lundi. Ils sont indignés. L’enregistrement circule partout et il ne ment pas. Une vigile et des rassemblements ont lieu à la mémoire de Joyce Echaquan, et les langues se sont déliées. Ce n’est pas la première fois qu’une Atikamekw rapporte avoir subi de la maltraitance à l’hôpital de Joliette.
Le premier ministre du Québec, François Legault, a qualifié ces injures de racistes et d’inacceptables. Il a annoncé que l’infirmière avait été congédiée. Trois enquêtes sont en cours.
Pourtant, cette situation est tout sauf un malheureux incident isolé. Il y a un an, la Commission Viens a conclu que les préjugés envers les Autochtones du Québec demeurent très répandus dans le contexte des interactions entre les soignants et les patients. Ce rapport se basait sur des témoignages citoyens de membres des Premières Nations et d’Inuits.
Les a-t-on crus? A-t-on pensé que les plaintes étaient exagérées et qu’après tout, Autochtones et non-Autochtones étaient parfois victimes de mauvais traitements dans notre système de soins de santé? Peut-être, car le rapport Viens n’a certes pas fait autant de bruit que les insultes prononcées à l’endroit de Joyce Echaquan, qui ne laissent pas l’ombre d’un doute sur le mépris de la soignante envers sa patiente autochtone.
Je n’ose pas répéter cette diatribe grossière, dégradante et avilissante, mais il faut répéter le nom de Joyce Echaquan pour lui redonner son identité, sa dignité et son humanité.
La déshumanisation en direct de Joyce Echaquan est, à mon avis, une manifestation de racisme systémique. Il est plus que temps que le gouvernement du Québec le reconnaisse, car il faut nommer les choses pour être en mesure de les changer.
L’indignation suscitée au Québec par cette maltraitance en direct retombera-t-elle aussi rapidement qu’elle s’est répandue? Ce serait dommage.
Il faut espérer que ces condamnations unanimes d’un traitement odieux se transforment en une prise de conscience collective, comme l’a fait le meurtre de George Floyd aux États-Unis. J’espère également que l’on s’attaquera sérieusement au racisme systémique qui empoisonne ma société, comme bien d’autres d’ailleurs. Merci.
Des voix : Bravo!
(1410)
[Traduction]
Une marche pour rompre le silence
L’honorable Robert Black : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour attirer l’attention sur la crise de santé mentale qui sévit partout au pays. Contrairement à la pandémie de COVID-19, la crise de santé mentale n’est pas une nouvelle menace. En fait, chaque année, un Canadien sur cinq éprouve personnellement un problème de santé mentale ou vit avec une maladie mentale.
Le 5 septembre dernier, mon ami Neil Dunsmore, conseiller municipal du quartier 4 du canton de Wellington-Centre, où je vis, a entamé sa marche pour rompre le silence au bureau du canton, à Elora, à destination de la Colline du Parlement, dans le but de sensibiliser les gens à la santé mentale. Je me suis joint à M. Dunsmore à son départ, le 5 septembre.
En 23 jours, M. Dunsmore a franchi la distance de 531 kilomètres séparant le canton de Wellington-Centre de la Colline du Parlement afin d’attirer l’attention sur les services et les soutiens offerts aux personnes qui vivent avec une maladie mentale, de même que pour faire valoir la nécessité de tenir un dialogue ouvert et continu sur cette question essentielle. En cours de route, il a participé à deux interventions auprès de personnes suicidaires à l’issue desquelles deux vies ont été sauvées.
Dimanche dernier, le 27 septembre 2020, je me suis de nouveau joint à M. Dunsmore, à Ottawa cette fois, pour l’accompagner dans la dernière étape de son trajet, qui coïncidait avec le Jour commémoratif national des policiers et des agents de la paix. À lui seul, le canton de Wellington-Centre a perdu trois agents en raison du suicide au cours des cinq dernières années. Dans l’ensemble du Canada, des policiers et des agents de la paix souffrent de maladie mentale, en particulier de l’état de stress post-traumatique, une conséquence de leur rôle, qui peut être épuisant sur les plans physique et émotionnel.
La Marche pour rompre le silence sert aussi à faire tomber les préjugés sur la maladie mentale et à inciter les personnes qui ont besoin d’aide à en demander.
Neil a également amassé plus de 16 000 $ pour l’organisme Cody Shepperd Project, qui vient en aide aux familles de ma région qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale ou qui ont vécu un suicide. Cody était un athlète extrêmement doué et il fréquentait l’école secondaire de district de Centre Wellington. Après avoir lutté contre la dépression et l’anxiété, Cody s’est enlevé la vie le 20 octobre 2017. Il avait à peine 20 ans. Ses parents ont créé le projet portant son nom afin d’honorer sa mémoire et de briser le silence sur la maladie mentale.
Aujourd’hui, je tiens à remercier mon ami Neil d’avoir attiré l’attention sur cette crise sans fin. Nous savons désormais que la maladie mentale ne fait pas de discrimination et peut frapper autant un jeune athlète comme Cody qu’un policier menant une vie active comme Josh de Bock, dont je vous ai déjà parlé, quand ce n’est pas un cultivateur, un producteur agricole ou un travailleur de la santé prenant soin de patients souffrant de la COVID. La maladie mentale touche des personnes de tous les âges et de toutes les cultures, quel que soit leur niveau d’instruction ou de revenu.
Honorables sénateurs, l’heure est venue de rompre le silence. En tant que société et en tant que pays, mais surtout en tant qu’êtres humains, nous avons le devoir de nous aider les uns les autres. Depuis trop longtemps, nos proches, nos amis et nos collègues souffrent en silence. Comme l’a déjà dit Neil, cette marche est la première étape d’un long périple vers la fin des préjugés. J’ai la ferme intention de continuer à les appuyer, le Cody Shepperd Project et lui, et j’espère que vous vous joindrez à moi pour inciter les personnes qui éprouvent des problèmes de santé mentale à demander de l’aide auprès d’un organisme de leur province ou de leur localité.
Je vous remercie, meegwetch.
Des voix : Bravo!
Le Sommet canadien sur le leadership en autisme
L’honorable Jim Munson : Chers collègues, souvent, au printemps, je parle d’autisme en raison d’événements liés à la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, qui a lieu le 2 avril. Malheureusement, comme bien d’autres événements cette année, le 6e Sommet canadien sur le leadership en autisme, organisé par l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme, ou ACTSA, a été reporté à cet automne et se tiendra en ligne.
J’espère que vous pourrez vous joindre à nous le lundi 5 et mardi 6 octobre prochains en vous inscrivant en ligne à l’adresse www.casda.ca/leadership-summit.
Même si nous nous ennuyons tous des interactions en personne et d’être réunis dans un même lieu, j’ai bon espoir que la tenue de cet événement en ligne permettra de rejoindre davantage de gens cette année. En effet, beaucoup plus de Canadiens auront ainsi l’occasion d’y participer et de partager leur expérience de l’autisme sans devoir se déplacer ou même quitter leur foyer. Le fait de tenir cet événement en ligne offre à chacun d’entre vous ainsi qu’à tous les Canadiens l’occasion de participer à ce sommet à distance et de rencontrer des défenseurs des autistes et d’apprendre d’eux.
Le sommet de cette année comprendra des présentations et des salles de réseautage sur divers sujets liés à l’autisme qui pourraient vous être familiers, comme le dépistage précoce et des traitements, ou encore comment le sort des enfants autistes diffère d’une province à l’autre et, bien entendu, le besoin absolument essentiel d’avoir une stratégie nationale sur l’autisme au Canada.
Nous aurons aussi la chance d’en apprendre plus sur la contribution et les progrès réalisés par des personnes atteintes d’autisme sur le marché du travail au pays, ainsi que sur les leaders qui sont source de changements positifs dans leur communauté et leur quartier.
Voilà l’occasion de vous informer directement auprès des experts dans le domaine, dont bon nombre sont eux-mêmes autistes.
Dans un monde où la majorité des gens tentent de s’intégrer, chaque année, le sommet de l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme me fait apprécier le caractère unique de chacun et me rappelle l’importance de tenir compte des différents points de vue dans nos discussions quotidiennes et dans l’élaboration des politiques.
Si la diversité fait la force du Canada, elle doit donc commencer par l’inclusion. L’inclusion découle du respect, de l’écoute, de la participation et des mesures visant l’atteinte d’objectifs communs. Pour la communauté autistique au Canada, c’est au sommet de l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme que commence l’inclusion.
J’espère que vous pourrez participer à ce sommet pendant une journée, une heure, voire seulement 10 minutes afin que vous puissiez rencontrer des Canadiens atteints d’autisme et apprendre d’eux — plutôt que moi, pour faire changement — et pour qu’ils vous expliquent pourquoi les Canadiens ont besoin d’une stratégie nationale sur l’autisme dès maintenant.
Il y a des défenseurs de cette cause au Sénat. Je pense notamment aux sénateurs Boehm, Bernard et Housakos, ainsi qu’aux nombreux sénateurs qui se sont renseignés au sujet de l’autisme parce que nous connaissons tous quelqu’un atteint d’autisme dans notre région.
Étant donné qu’il me reste quelques minutes, je tiens à dire que j’en appelle directement aux ministres Qualtrough et Hajdu. Vos lettres de mandat sont devant vous. Vous vous êtes engagées à adopter une stratégie nationale sur l’autisme, à faire avancer les choses. Travaillons ensemble. Après tout, la situation nous concerne tous. Merci.
Des voix : Bravo!
La Journée nationale des aînés
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, les journées nationales de sensibilisation nous donnent l’occasion de célébrer une communauté particulière, d’attirer l’attention sur une cause importante ou de communiquer de l’information sur une question d’intérêt public.
Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée nationale des aînés, j’ai du mal à célébrer. Au lieu de cela, je m’adresse à vous le cœur plein de tristesse et de regret en raison des événements qui sont survenus dans les établissements de soins de longue durée au début de la pandémie de COVID-19. La Journée nationale des aînés de cette année ne ressemble à aucune autre. Au cours des derniers mois, nous avons entendu des témoignages macabres décrivant en détail les souffrances de certains aînés. Un rapport publié le 14 mai 2020 par les Forces armées canadiennes a brossé un sombre tableau de l’état du système de soins de longue durée. Dans cinq établissements de soins de longue durée, des soldats ont observé des infestations de cafards, de la nourriture pourrie et de mauvais traitements infligés par un personnel mal formé.
Selon un rapport publié par l’International Long-Term Care Policy Network, 85 % de toutes les personnes décédées de la COVID au Canada — soit 6 236 des 7 326 personnes décédées — étaient des résidants d’établissements de soins de longue durée.
Ce sont ces aînés que nous sommes censés célébrer en un jour comme aujourd’hui — ceux qui se sont battus pour notre pays et qui ont contribué à le bâtir. Chaque année, nous soulignons la Journée nationale des aînés en promettant de mieux les protéger et de valoriser davantage leur existence. Nous nous engageons à améliorer leur situation financière, à investir dans leurs soins de santé, à adapter les infrastructures et à les inclure dans la société. La pandémie nous a montré à quel point les promesses sont faciles à faire, mais aussi faciles à oublier.
J’interviens aujourd’hui pour offrir cette réflexion, en sachant que mes paroles sont loin d’être suffisantes, mais en espérant aussi qu’en tant que sénateurs, nous trouverons la force d’agir enfin et d’instaurer des politiques qui changeront la situation.
Nous ne pouvons pas véritablement célébrer la vie et les contributions des aînés sans d’abord admettre nos échecs collectifs à l’échelle nationale.
Des voix : Bravo!
[Français]
Joyce Echaquan
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, permettez-moi tout d’abord d’offrir mes sincères condoléances aux sept enfants de Joyce, à son mari, à la famille Echaquan, ainsi qu’à toute la communauté atikamekw de Manawan.
La mort de Joyce est une tragédie. Elle s’était rendue à l’hôpital de Joliette jeudi, en raison de douleurs à l’estomac. Elle est morte lundi, attachée à une civière, après avoir reçu un torrent d’injures de la part des infirmières, dont la tâche était de la soigner.
(1420)
On ne s’attend pas vraiment à voir un tel comportement en milieu hospitalier, un lieu de compassion et de respect mutuel. Il y a consensus au Québec pour dire que cet incident est inacceptable. Qu’attendons-nous donc pour enrayer les préjugés tenaces, ces préjugés qui entachent le comportement individuel jusque dans l’exercice de son devoir professionnel? La dénonciation s’impose. C’est le devoir de tout un chacun de dénoncer ces faits chaque fois qu’ils se produisent. Déracinons donc le racisme systémique. Trop souvent semé à la maison, puis se perpétuant à l’école, le racisme se cultive dans les milieux de travail et est véhiculé dans nos médias sociaux.
Comme vous le savez, déraciner les mauvaises herbes du racisme est exigeant et demande une attention constante et des actions soutenues pour empêcher que les préjugés resurgissent chaque saison.
Combien faudra-t-il de victimes pour qu’un gouvernement réagisse et reconnaisse l’existence du racisme systémique? C’est ce qu’a demandé le chef de la communauté atikamekw de Manawan, Paul-Émile Ottawa. Personne ne devrait être traité comme Joyce l’a été. Il n’y a aucun doute que le racisme, qui mène à la déshumanisation, a contribué au décès de Joyce.
Les membres d’une organisation que vous connaissez sans doute, Médecins du monde, sont également témoins au quotidien de comportements discriminatoires à l’égard des personnes qu’ils accompagnent dans les milieux de soins.
Je termine en partageant avec vous la conclusion de la journaliste Isabelle Hachey, qui écrivait dans La Presse, et je cite :
Espérons que les 7 minutes et 12 secondes de cette vidéo provoquent la même prise de conscience au Québec que les 8 minutes et 46 secondes qui ont asphyxié l’Afro-Américain George Floyd sous le genou d’un policier blanc de Minneapolis.
Merci.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Le décès d’Enookie Uqijuaqsi Adamie
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à Enookie Uqijuaqsi Adamie, qui est décédé le 5 septembre dernier à Iqaluit à l’âge de 109 ans. Enookie est né sur une île appelée Inuksulik, située dans ce qui est aujourd’hui le canal de navigation de la baie Frobisher, à une époque où l’on ne tenait pas de registre officiel.
Son âge a été calculé en collaboration avec l’église anglicane et d’après le récit oral d’un événement survenu en 1921, où un cousin plus jeune âgé de 6 ans a marché du lac Amajuaq jusqu’à Iqaluit alors qu’Enookie avait 10 ans.
Enookie était un chasseur très respecté qui avait une parfaite connaissance de la terre et des animaux du Sud de l’île de Baffin : un savoir traditionnel inestimable.
Il a fourni des noms de lieux traditionnels pour la cartographie de la région de la baie de Frobisher ainsi que du Sud de l’île de Baffin jusqu’à Clyde River. Ces cartes ont joué un rôle essentiel dans la recherche et le sauvetage de chasseurs inuits, car de nombreux noms de lieux ne figurent pas sur les cartes officielles.
J’ai été associé à un programme exceptionnel de sensibilisation à la terre pour les jeunes contrevenants inuits, qui se déroulait au camp éloigné d’Enookie à Mingutuq dans les années 1980. De nombreux jeunes hommes qui participaient au programme appartenaient à la deuxième ou la troisième génération de victimes de traumatismes intergénérationnels découlant de l’expérience des parents dans les pensionnats autochtones. Le camp a connu un succès phénoménal. Il a grandement amélioré la vie des participants en leur redonnant leur estime de soi et leurs liens avec leur patrimoine. Les jeunes hommes ont appris en accompagnant Enookie et ses frères.
Il a enseigné aux jeunes hommes des choses extraordinaires, dont l’art de chasser le morse en utilisant seulement un harpon — un exploit qui nécessite de lancer le harpon exactement au bon endroit pour qu’un morse qui plonge dans l’eau à partir d’un bloc de glace s’empale sur ce harpon.
Leur camp éloigné était autonome malgré un soutien gouvernemental à peu près inexistant. Ils extrayaient des pierres à sculpter d’une grande valeur et pêchaient l’omble arctique, très prisés dans les marchés d’Iqaluit. Ils amenaient des chasseurs d’ours blancs du monde entier chasser avec des attelages de chiens, ce qui leur procurait des revenus considérables.
Ils vivaient sans les services et les aménagements habituels de la vie urbaine. Cela n’a pas empêché Enookie de travailler avec le gouvernement afin de mettre en place un programme d’apprentissage par correspondance pour les jeunes du camp. L’une de ces jeunes, la regrettée Leetia Nowdluk, a ensuite travaillé pendant de longues années dans mon bureau sénatorial d’Ottawa, où elle a été une employée précieuse. Un autre de ces jeunes fait maintenant partie du personnel supérieur des bureaux de direction du gouvernement du Nunavut.
C’est grâce à ces années au camp qu’Enookie a tenu bon. En 1987, on lui a enlevé une tumeur cancéreuse de la grosseur de son poing qu’il avait au cerveau, derrière la tête. Le médecin prédisait qu’il ne pourrait jamais retourner chasser. Un an après la chirurgie, le neurochirurgien est venu à Iqaluit pour faire un suivi. Enookie lui a donné la peau d’un loup qu’il avait chassé en guise de remerciements pour la nouvelle vie qu’il lui avait offerte.
Je vous remercie, honorables sénateurs, de vous joindre à moi pour célébrer la vie de cet aîné bien-aimé du Nunavut.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi sur des mesures en réponse à la COVID-19
L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-4—Dépôt de document
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19.
Le Sénat
Dépôt des réponses aux vingt-cinq questions orales posées au Sénat pendant la première session de la quarante-troisième législature
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les réponses à 25 questions orales posées au Sénat lors de la première session de la quarante-troisième législature.
[Traduction]
Projet de loi sur des mesures en réponse à la COVID-19
Adoption de la motion tendant à inscrire la deuxième lecture du projet de loi à l’ordre du jour plus tard aujourd’hui
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-12 du Règlement, je propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat du 30 septembre 2020, concernant la date pour l’étude en deuxième lecture du projet de loi C-4, le projet de loi soit plutôt pris en considération plus tard ce jour.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 27 octobre 2020, à 14 heures.
[Traduction]
Le Sénat
Préavis de motion concernant les minimums applicables aux projets de loi du gouvernement
L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :
1.sauf disposition contraire du présent ordre, la motion d’adoption à l’étape de la troisième lecture d’un projet de loi du gouvernement ne soit pas mise aux voix à moins que les ordres pour la reprise du débat aux étapes des deuxième et troisième lectures aient été appelés au moins trois fois au total, exclusion faite des séances au cours desquelles ont été proposées les motions d’adoption à ces étapes;
2.après la première lecture d’un projet de loi du gouvernement, et avant que soit proposée la motion fixant la date de la deuxième lecture, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat puisse proposer, sans préavis, que le projet de loi soit réputé une affaire urgente et que les dispositions du paragraphe 1 du présent ordre ne s’appliquent pas aux délibérations le concernant;
3.les dispositions ci-après s’appliquent à une motion proposée conformément au paragraphe 2 du présent ordre :
a)le débat doit uniquement porter sur la question de savoir si le projet de loi devrait être considéré comme une question urgente ou non;
b)le débat ne peut être ajourné;
c)le débat dure un maximum de 20 minutes;
d)le temps de parole de chaque sénateur est limité à 5 minutes;
e)les sénateurs ne peuvent prendre la parole qu’une seule fois;
f)le débat ne peut être interrompu pour quelque raison que ce soit, sauf pour la lecture d’un message de la Couronne ou le déroulement d’un événement annoncé dans un tel message;
g)si nécessaire, le débat peut continuer au-delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance jusqu’à ce qu’il soit terminé et que soient terminés également les travaux qui en découlent;
h)le temps consacré au débat et à tout vote n’est pas compris dans la durée des affaires courantes;
i)sont irrecevables les amendements et autres motions, sauf la motion visant à donner la parole à tel sénateur;
j)la motion est mise aux voix à la fin du débat ou à l’expiration du temps alloué pour celui-ci;
k)si le vote par appel nominal est demandé, il ne peut être reporté et la sonnerie ne se fait entendre que pendant 15 minutes.
(1430)
Droits de la personne
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la stérilisation forcée ou contrainte des personnes
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-3 du Règlement, je donne préavis, au nom de l’honorable sénatrice Boyer, que, à la prochaine séance du Sénat, elle proposera :
Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la stérilisation forcée et contrainte des personnes au Canada, surtout en ce qui concerne les femmes autochtones, dès que le comité sera formé, le cas échéant;
Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 30 décembre 2021.
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à modifier le Règlement du Sénat
L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)a) du Règlement, je propose :
Que le Règlement du Sénat soit modifié :
1.par substitution, au point final de l’article 12-3(2)f), de ce qui suit :
« ;
g) de trois sénateurs et deux membres externes pour le Comité permanent de l’audit et de la surveillance. »;
2.en ajoutant les mots « , le Comité permanent de l’audit et de la surveillance » après les mots « conflits d’intérêts des sénateurs » à l’article 12-3(3);
3.par adjonction du nouvel article 12-3(4) suivant :
Restriction relative à la composition
12-3. (4) Aucun sénateur ne peut être à la fois membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et du Comité permanent de l’audit et de la surveillance. »;
4.par substitution, au passage de l’article 12-5 qui précède l’alinéa a), de ce qui suit :
« 12-5. Sauf dans le cas des membres d’office, des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et des membres du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, le remplacement d’un membre d’un comité peut s’effectuer au moyen d’un avis remis au greffier du Sénat, qui le fait consigner aux Journaux du Sénat. Cet avis est signé : »;
5.par substitution, à l’article 12-6, de ce qui suit :
« Quorum des comités permanents
12-6. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et sauf autre disposition contraire, quatre membres d’un comité permanent constituent le quorum.
DISPOSITION CONTRAIRE
Article 12-27(2) : Quorum du comité
Audit et surveillance
12-6. (2) Dans le cas du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, deux sénateurs et un membre externe constituent le quorum, à l’exception de la séance d’organisation, au cours de laquelle trois sénateurs constituent le quorum. »;
6.par substitution, au point final de l’article 12-7(16), de ce qui suit :
« ;
Audit et surveillance
12-7. (17) le Comité permanent de l’audit et de la surveillance, qui, dans un esprit d’intégrité, d’indépendance, de transparence et de responsabilisation, est chargé, de sa propre initiative :
a) de retenir et diriger les services des auditeurs externes et les auditeurs internes du Sénat;
b) de superviser les audits internes et externes du Sénat ;
c) de faire rapport au Sénat concernant les audits internes et externes, y compris les rapports d’audit et d’autres questions;
d) d’examiner les plans d’action de l’Administration du Sénat pour vérifier :
(i) qu’ils répondent adéquatement aux recommandations et aux constatations découlant des audits internes et externes,
(ii) qu’ils sont mis en œuvre de façon efficace;
e) d’examiner les rapports financiers trimestriels et les états financiers vérifiés et d’en faire rapport au Sénat;
f) de faire rapport de ses observations et recommandations au Sénat à intervalles d’au plus un an. »;
7.par adjonction du nouvel article 12-9(3) suivant :
« Audit et surveillance — accès aux informations
12-9. (3) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut examiner, dans la mesure où elles ont trait à son mandat, les délibérations à huis clos d’autres comités du Sénat, y compris toute transcription des réunions. »;
8.par substitution, à l’article 12-13, de ce qui suit :
« Séance d’organisation
12-13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), après la nomination d’un comité, le greffier du Sénat le convoque, dès que les circonstances le permettent, en séance d’organisation au cours de laquelle le comité élit son président.
Audit et surveillance — séance d’organisation
12-13. (2) Dans le cas du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, la séance d’organisation, au cours de laquelle le comité élit son président, est convoquée par le greffier du Sénat dès que les circonstances le permettent après la nomination des sénateurs à la fonction de membres du comité, sans que les membres externes aient été nommés.
Président d’audit et surveillance
12-13. (3) Le président du Comité permanent de l’audit et de la surveillance est un sénateur qui n’est pas membre du même parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu que celui du président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Audit et surveillance — nomination des membres externes
12-13. (4) Après avoir élu son président et vice-président, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance adopte un rapport au Sénat dans lequel il propose la nomination de deux membres externes. Un ancien sénateur ou ancien député fédéral ne peut être nommé à ce titre. Le rapport doit être adopté par les trois sénateurs qui sont membres du comité. Il doit comprendre des recommandations sur la rémunération et les dépenses admissibles des membres externes, qui sont payées sur les fonds du Sénat une fois le rapport adopté par le Sénat. La procédure de nomination est la même lorsque la place d’un membre externe devient vacante en cours de session. »;
9.par substitution, à l’article 12-14, de ce qui suit :
« Participation des non-membres
12-14. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et sauf autre disposition contraire, les sénateurs ont le droit d’assister aux séances des comités dont ils ne font pas partie; ils peuvent également participer aux travaux avec voix consultative.
DISPOSITIONS CONTRAIRES
Article 12-28(2) : Participation des non-membres
Article 15-7(2) : Restrictions si un sénateur a fait une déclaration d’intérêts
Article 16-3(6) : Droit de parole aux conférences
Audit et surveillance
12-14. (2) Un sénateur qui n’est pas membre du Comité permanent de l’audit et de la surveillance n’a pas le droit d’assister ou de participer à ses réunions, à moins de comparaître à titre de témoin. »;
10.par substitution, au passage de l’article 12-16(1) qui précède l’alinéa a), de ce qui suit :
« 12-16. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et sauf autre disposition contraire, un comité ne peut siéger à huis clos que pour discuter d’un des sujets suivants : »;
11.par modification de la désignation numérique actuelle de l’article 12-16(2) pour celle de l’article 12-16(3), et par adjonction du nouvel article 12-16(2) suivant :
« Audit et surveillance — réunions à huis clos
12-16. (2) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance se réunit à huis clos lorsqu’il traite des travaux à huis clos d’un autre comité. »;
12.par substitution, au passage de l’article 12-18(2) qui précède l’alinéa a) de ce qui suit :
« 12-18. (2) Sous réserve du paragraphe (3) et sauf autre disposition contraire, un comité du Sénat peut se réunir pendant une période d’ajournement du Sénat : »;
13.par adjonction du nouvel article 12-18(3) suivant :
« Audit et surveillance
12-18. (3) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut se réunir pendant une période d’ajournement du Sénat. »;
14.par modification de la désignation numérique actuelle des articles 12-20(2) à (4) pour celle des articles 12-20(3) à (5), et par adjonction du nouvel article 12-20(2) suivant :
« Vote au Comité de l’audit et de la surveillance
12-20. (2) Les membres externes du Comité permanent de l’audit et de la surveillance peuvent participer à toute délibération du comité, mais sans droit de vote. »;
15.par substitution, à l’article 12-22(1), de ce qui suit :
« Conclusions de la majorité des membres
12-22. (1) Sous réserve du paragraphe (7), le rapport d’un comité du Sénat comporte les conclusions approuvées par la majorité des membres. »;
16.par substitution, à l’article 12-22(2), de ce qui suit :
« Présentation ou dépôt
12-22. (2) Sous réserve du paragraphe (8) et sauf autre disposition contraire, le président d’un comité, ou son délégué, présente ou dépose les rapports du comité au Sénat.
DISPOSITION CONTRAIRE
Article 12-31 : Dépôt d’un rapport auprès du greffier »;
17.par adjonction des nouveaux articles 12-22(7) et (8) suivants :
« Rapports du Comité de l’audit et de la surveillance — contenu
12-22. (7) Tout membre du Comité permanent de l’audit et de la surveillance — les membres externes y compris — a le droit d’inclure ses observations et opinions dissidentes dans un rapport du comité.
Audit et surveillance — dépôt d’un rapport auprès du greffier
12-22. (8) Pendant une période d’ajournement du Sénat, un rapport du Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut être déposé auprès du greffier du Sénat; ce rapport est alors réputé avoir été présenté ou déposé au Sénat. »;
18.par substitution, à l’annexe I, du premier paragraphe de la définition de « Comité » qui commence avec les mots « Groupe composé de sénateurs ou de députés, ou de sénateurs et de députés, » par ce qui suit :
« Groupe composé de sénateurs ou de députés, ou de sénateurs et de députés, ou d’autres personnes, nommés par l’une ou l’autre des Chambres afin d’examiner les questions qui lui sont renvoyées ou qu’il est habilité à examiner, notamment des projets de loi. Sauf dans le cas du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, un comité du Sénat est un comité qui n’est composé que de sénateurs (à distinguer d’un comité mixte — voir ci-dessous). (Committee) »;
19.en mettant à jour tous les renvois dans le Règlement, y compris les listes de dispositions contraires.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(1440)
Le sénateur Wells : Honorables sénateurs, je vous remercie d’avoir permis la présentation de cette motion. Il aurait été regrettable que vous n’acceptiez pas. Je souhaite faire quelques observations à l’occasion de cet important moment au Sénat du Canada.
En juin 2015, le vérificateur général a émis de nombreuses recommandations dans son rapport sur les dépenses du Sénat. Je souligne ce point parce que bon nombre de mes collègues ne siégeaient pas au Sénat à l’époque et, de ce fait, n’ont pas vécu cette expérience.
Chers collègues, le vérificateur général avait été chargé par ordonnance d’examiner l’ensemble des dépenses du Sénat, mais il a décidé de n’en examiner qu’une petite portion de 12 % correspondant aux frais de bureau et de déplacement des sénateurs. La création du Comité de l’audit et de la surveillance rectifie le tir.
En 2015, le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat a été chargé de se pencher sur la question et nous avons aujourd’hui le résultat de son travail. J’ai présidé le sous-comité du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, mais le mérite pour ce travail revient aux membres du comité qui ont participé à l’exercice à l’époque. Je remercie donc la sénatrice Jaffer, qui était coprésidente, et les sénateurs Campbell, Cordy, Saint-Germain et Tannas ainsi que notre ancien collègue, le sénateur Tkachuk, de leur sagesse et de leur prévoyance. Il va sans dire que je dois également souligner les efforts des dirigeants de tous les caucus et groupes du Sénat, notamment le sénateur Dean, qui ont contribué à ce que nous en arrivions là où nous en sommes aujourd’hui.
La raison d’être de ce comité est de faire en sorte que toutes les dépenses du Sénat fassent l’objet d’une surveillance, et non seulement les frais de déplacement et les dépenses des bureaux des sénateurs. Au cours des 10 dernières années, un travail considérable a été fait, y compris la mise à jour et la modernisation des procédures, des règles et des pratiques qui définissent clairement les responsabilités des personnes qui dépensent des fonds publics et qui assurent la transparence de telles transactions.
Nous innoverons : le comité comptera des membres qui ne sont pas des sénateurs. Pour respecter les différences entre les droits des sénateurs et ceux des autres membres, il y aura une distinction claire entre les deux groupes. Soyez toutefois assurés que toutes les voix seront entendues.
Le Sénat est à la fois une institution moderne et l’une des institutions fondatrices du pays. Les Canadiens ont des attentes valides, et nous devons y répondre. Nous avons parcouru beaucoup de chemin pour arriver jusqu’ici. Lorsque cette structure sera en place, le Sénat du Canada deviendra un chef de file dans le domaine. Je suis heureux d’avoir pu apporter ma modeste contribution à cette initiative et je me réjouis à l’idée de continuer à faire avancer cette institution vers son idéal.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
L’autogouvernance du Sénat
Préavis d’interpellation
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur le privilège parlementaire, le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et les options pour accroître la responsabilité, la transparence et l’équité dans le contexte de l’autogouvernance unique du Sénat.
[Français]
L’organisme Moms Stop the Harm
La crise des opioïdes traitée comme une urgence de santé publique—Dépôt d’une pétition
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer une pétition de l’organisme Moms Stop the Harm, qui demande au gouvernement de déclarer la crise des opioïdes comme une urgence de santé publique.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’agriculture et l’agroalimentaire
Le soutien au secteur
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Encore une fois, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. On dit que plus ça change, plus c’est pareil. En 2015, le discours du Trône du gouvernement libéral ne faisait aucune mention du secteur agricole du Canada.
Le discours du Trône de la semaine dernière ne contenait lui non plus à peu près rien pour aider les agriculteurs à faire face aux problèmes qui se dressent devant eux; rien à propos des guerres commerciales qui nuisent à leur capacité de vendre leurs produits; rien à propos des changements qui devraient absolument être apportés aux programmes de gestion des risques de l’entreprise; aucune priorité accordée à la recherche agricole; aucune exemption de la taxe sur le carbone pour les agriculteurs; aucune mention du rôle crucial de ce secteur dans la société.
Sénateur Gold, les agriculteurs ne peuvent pas cesser leurs activités et délaisser leurs responsabilités pendant six semaines, comme vient de le faire le gouvernement libéral avec le Parlement. Où est le soutien pour les producteurs de grain, les producteurs de poulets, de porc et de bœuf, et bien d’autres encore?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de la question, sénateur. Le gouvernement du Canada est bien conscient que le secteur agricole est important et que l’industrie agroalimentaire est un moteur essentiel pour l’emploi, la prospérité économique et la croissance au pays. Le gouvernement du Canada aide ce secteur de façon soutenue, surtout dans le cadre des circonstances difficiles qu’il vit actuellement, y compris la crise causée par la pandémie.
En effet, le gouvernement a soutenu les agriculteurs, les producteurs et les exportateurs du pays de plusieurs façons, et j’aimerais seulement donner quelques exemples. Il y a le Partenariat canadien pour l’agriculture, l’accord fédéral-provincial-territorial de 3 milliards de dollars pour renforcer le secteur agricole et agroalimentaire, et le financement accordé pour l’ensemble des programmes de gestion des risques de l’entreprise dont j’ai parlé auparavant, pendant des périodes de questions de la session parlementaire précédente.
J’ajouterais à cela le Fonds stratégique pour l’innovation de 1,26 milliard de dollars, les 70 millions de dollars investis dans le domaine de l’agronomie, et les 2 milliards de dollars réservés aux infrastructures rurales, qui fait partie des importantes mesures de soutien à ce secteur essentiel de notre économie.
Les finances
Le soutien au secteur de l’énergie
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, le secteur canadien de l’énergie est un autre secteur dont on n’a pas tenu compte dans le discours du Trône, malgré le fait que plus de 23 000 travailleurs de ce secteur ont perdu leur emploi pendant le deuxième trimestre de 2020.
(1450)
En mars, l’ancien ministre des Finances s’est présenté dans cette enceinte et a promis d’aider le secteur de l’énergie dans les jours qui allaient suivre. Maintenant, des mois plus tard, sénateur Gold, le gouvernement présente un programme de financement inutile à l’intention de tous les grands employeurs et ne prévoit presque rien pour notre secteur de l’énergie en particulier.
Monsieur le leader, comment justifiez-vous le fait que le discours du Trône n’offre aucune aide aux travailleurs de l’industrie pétrolière et gazière dans l’Ouest canadien, des personnes bien réelles qui occupent actuellement de vrais emplois dans notre secteur de l’énergie?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, encore une fois, de votre question et d’avoir souligné l’importance de ce secteur pour l’économie canadienne, un secteur qui fait vivre des gens, des familles et des communautés dans bon nombre de provinces et territoires du pays.
Je crois que les sénateurs admettront que ce secteur connaît des difficultés en raison de circonstances sur lesquelles aucun gouvernement n’a de pouvoir, comme la baisse de la demande et la chute des cours du pétrole. Cela dit, comme je l’ai indiqué à de multiples reprises au cours des périodes des questions de la session précédente, le gouvernement a adopté une série de mesures d’aide. Je me limiterai aux petites et grandes entreprises du secteur pétrolier et gazier dans l’ensemble du pays.
Je peux peut-être commencer par souligner la création de nombreux emplois grâce à la restauration des puits abandonnés et inactifs. Au demeurant, des dizaines de milliers de demandes ont été soumises dans le cadre de ce programme en Alberta et en Saskatchewan. J’ajoute que la subvention salariale de 75 % a permis à des milliers de personnes de conserver leur emploi dans de nombreux secteurs, dont celui de l’énergie.
C’est avec gratitude que le gouvernement continuera de compter sur les femmes et les hommes qui travaillent d’arrache-pied dans le secteur pétrolier et gazier, tandis que le Canada entreprend de se remettre de la pandémie et que nous nous efforçons d’atteindre nos objectifs pour l’avenir.
La présidence de l’Union interparlementaire
La parité des sexes
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question pour vous, monsieur le leader, fait suite à l’échange de questions et réponses que vous avez eu hier avec notre collègue la sénatrice Ataullahjan. Je suis membre de l’Union interparlementaire. J’ai également été membre du comité exécutif. J’ai donc eu l’occasion de voir le leadership que peuvent assumer les sénateurs au sein de ce genre d’association. Je sais que le sénateur Dawson a aussi fait partie du comité exécutif et que la sénatrice joue un rôle de premier plan au sein de l’union.
Vous connaissez son vif engagement envers l’Union interparlementaire et hier, en tant que principal intermédiaire entre le Sénat et le Cabinet du premier ministre, vous avez promis de vous renseigner auprès du gouvernement sur cette question, qui est très à-propos. Je me demandais si vous aviez eu l’occasion d’obtenir de l’information que vous pourriez nous communiquer?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : En un mot, non. Comme le savent certains d’entre vous au moins, les leaders assurément, la journée d’hier a été plutôt bien remplie avec d’autres questions. Je n’ai pas eu l’occasion de me renseigner, mais je vais le faire, comme je l’ai promis.
La sénatrice Martin : Oui, sénateur Gold, je sais comment vous avez vécu les 24 dernières heures, et il est vrai que c’est une période où les pressions sont importantes.
J’aimerais rappeler ce que vous avez dit : « Le gouvernement a à cœur de promouvoir la diversité et la parité des genres. » Soutenir la candidature de la sénatrice Ataullahjan à la présidence de l’Union interparlementaire permettrait de joindre un geste positif à ces très belles paroles, et ce serait pour le gouvernement une façon de montrer véritablement ce qu’il veut dire lorsqu’il dit avoir à cœur de promouvoir la diversité et la parité des genres.
Ainsi, monsieur le leader, je sais que vous conviendrez que la présence de notre collègue la sénatrice Ataullahjan à la tête de l’Union interparlementaire serait bénéfique pour le Canada sur la scène internationale. Lorsque vous parlerez au premier ministre, pourriez-vous également lui faire part du soutien manifesté par le Sénat, qui serait très honoré de voir une sénatrice à la tête de cette organisation, étant donné le travail que des sénateurs réalisent depuis des dizaines d’années au sein de ces associations.
Le sénateur Gold : J’en serai ravi. Merci.
Les finances
Les investissements dans les sociétés pétrolières et gazières
L’honorable Rosa Galvez : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, un rapport troublant publié le mois dernier par Cynthia A. Williams, la titulaire de la chaire Osler en droit des affaires, et un article du Globe and Mail cette semaine soulèvent de vives inquiétudes au sujet des investissements du Régime de pensions du Canada dans des sociétés pétrolières et gazières à forte empreinte carbonique et à risque élevé. Un de ces investissements concerne une entreprise de fracturation en difficulté basée à Devon. Cette entreprise creuse des puits à proximité d’écoles et de maisons et a fait des dons politiques inappropriés à des groupes du lobby du gaz et du pétrole pour influer sur les élections dans l’État du Colorado.
Dans un autre cas, l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada a dépensé près de 1,3 milliard de dollars pour acheter des parts dans des projets de gaz naturel au large des côtes de l’Irlande, mais le gouvernement irlandais a interdit peu après la délivrance de nouveaux permis d’exploration ou d’exploitation pétrolière et gazière. Le rapport soulève la grave question de savoir si le conseil qui supervise l’approche d’Investissements RPC par rapport aux changements climatiques répond à ses obligations fiduciaires.
Le Groupe d’experts sur la finance durable, qui a été mandaté par le gouvernement fédéral, a publié un rapport en juin 2019. Il formule la recommandation suivante à l’intention du gouvernement : « Clarifier la portée de l’obligation fiduciaire dans le contexte des changements climatiques ».
Plus d’une année s’est écoulée et le gouvernement n’a toujours pas donné suite à cette recommandation. Sénateur Gold, est-ce acceptable pour le gouvernement que notre fonds de pension national continue de miner les engagements internationaux du Canada et, pire encore, mette en danger la sécurité de revenu à la retraite de ses citoyens?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de m’adresser cette question et d’attirer mon attention sur cette affaire. En tant que représentant du gouvernement au Sénat, je vais m’informer et je vous ferai part de ce que j’ai appris.
La sénatrice Galvez : Sénateur Gold, quand le gouvernement clarifiera-t-il pour les Canadiens dans quels cas il est légalement tenu de considérer le risque lié aux changements climatiques afin de véritablement agir dans leur intérêt supérieur?
Le sénateur Gold : Encore une fois, je remercie la sénatrice de sa question très importante, à laquelle il n’est pas simple de répondre. Là encore, je n’ai pas la réponse; je vais donc me renseigner.
La tragédie survenue en Nouvelle-Écosse
L’enquête publique
L’honorable Stan Kutcher : Je pose une question au nom de la sénatrice Mary Coyle et du sénateur Colin Deacon ainsi qu’en mon nom. Elle s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Les 18 et 19 avril derniers, un tireur déchaîné a tué 22 personnes dans la province que nous représentons, la Nouvelle-Écosse. De nombreuses questions découlent de cette tragédie. Comment cela a‑t‑il pu arriver? La situation a-t-elle été bien gérée ou non par les autorités responsables? Malheureusement, à ce jour, ces questions demeurent sans réponse.
Le 23 juillet, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ont annoncé un examen conjoint de cette tragédie. Cette décision a suscité beaucoup de mécontentement parmi les Néo-Écossais et les autres Canadiens, y compris les familles et les amis des victimes, des membres de la société civile et des parlementaires. En tout, 37 sénateurs de partout au Canada ont demandé aux gouvernements de faire son devoir et de déclencher rapidement à une enquête publique.
Il faut dire à la décharge du gouvernement qu’il a écouté et a changé d’orientation en annonçant, le 28 juillet, la tenue d’une enquête.
Plus de 130 jours se sont écoulés depuis le massacre, et plus de deux mois depuis l’annonce de l’enquête sans que rien ne se passe.
Sénateur Gold, au nom de la population de notre province, mes collègues et moi vous posons la question suivante : Pouvez-vous dire aux habitants de la Nouvelle-Écosse et aux sénateurs quand les paramètres de l’enquête publique seront rendus publics et quand l’enquête commencera, ainsi que nous expliquer pourquoi il a fallu tant de temps pour faire ce qui s’imposait et répondre aux préoccupations légitimes des habitants de la Nouvelle-Écosse?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur, je vous remercie d’avoir soulevé cette question. Je vous remercie aussi du travail que vous et d’autres sénateurs avez accompli pendant de nombreux mois pour inciter le gouvernement à mener une enquête approfondie sur cette tragédie. Le gouvernement sait que les Canadiens, les familles et les parlementaires de votre province méritent de savoir comment une tragédie pareille avait pu survenir. Grâce à l’enquête publique approfondie, qui comprendra le pouvoir d’exiger des preuves et d’exiger le dépôt de documents, les faits entourant cet événement tragique seront examinés en profondeur et l’ensemble des faits et des preuves seront rendus publics.
J’ai été informé que le gouvernement est en train de mettre la dernière main au mandat et à la nomination du troisième commissaire. Tout sera annoncé bientôt. De plus, le ministre de la Sécurité publique, M. Blair, continue de travailler avec son homologue de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement actuel est déterminé à tirer des leçons de cette tragédie et à faire en sorte qu’elle ne se reproduise plus.
Les travaux du Sénat
L’ajournement
L’honorable Scott Tannas : Monsieur le leader, je vous remercie de votre aide concernant les séances hybrides. Nous sommes impatients de voir la motion, le moment venu.
(1500)
J’aimerais poser une question sur la motion présentée par la sénatrice Gagné concernant l’ajournement jusqu’au 27 octobre. Dans quelle mesure pouvez-vous nous garantir que le Sénat ne sera pas rappelé avant cette date? Nous avons entendu les histoires dans les médias concernant quelque mesure imminente. Bien sûr, aucun de nous n’envisage d’organiser des vacances dans un avenir prévisible. Quelle est votre impression concernant le respect de la date du 27 octobre?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.
Comme leaders, nous nous rencontrons régulièrement. Les détails de ces rencontres demeurent confidentiels. J’ai communiqué aux leaders ma meilleure compréhension du programme législatif du gouvernement pour les semaines à venir. Je leur ai également affirmé que je leur communiquerai tout renseignement relatif à des mesures qui exigeraient une action immédiate de la part du Sénat, comme cela s’est souvent produit durant la pandémie.
Autant que je sache, aucune mesure urgente ne sera présentée qui nécessiterait notre retour avant la date que vous avez mentionnée. C’est tout ce que je peux dire à ce moment-ci.
L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les présidents de cérémonie bénévoles
L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les présidents bénévoles de cérémonies de citoyenneté canadienne.
Comme nous le savons tous, les nouveaux Canadiens — tels que Yisa Akinbolaji — font de grandes contributions au tissu social, à l’économie, à la santé et à la culture du Canada. Les cérémonies de citoyenneté sont mémorables et touchantes.
Si je comprends bien, l’honneur de servir le Canada en tant que président de cérémonie de citoyenneté est uniquement accordé aux membres de l’Ordre du Canada ou aux personnes qui reçoivent la distinction honorifique de Commandeur de l’Ordre royal de Victoria, décerné par Sa Majesté la reine elle-même.
Monsieur le leader, pourquoi ces bénévoles ne reçoivent-ils pas une rémunération ou des indemnités quotidiennes, comme c’est le cas pour les membres d’autres organismes fédéraux? Ils font pourtant preuve du même engagement. Il y a un président de cérémonie du Manitoba qui, depuis 2012, a présidé à lui seul plus de 500 cérémonies et a fait prêter serment à environ 35 000 nouveaux citoyens canadiens. Cette année et jusqu’à la fin du mois d’août, il a présidé 70 cérémonies, dont 5 en personne avant la COVID-19 et 65 par vidéoconférence. Chacune de ces cérémonies exige beaucoup de temps et de talent.
Même si les présidents de cérémonie ne sont pas rémunérés, je suis heureuse de savoir que les aînés des Premières Nations sont payés pour réciter la prière d’ouverture. Pourquoi les présidents des cérémonies de citoyenneté canadienne ne reçoivent-ils pas les mêmes avantages que les membres des organismes fédéraux? Quand le gouvernement comblera-t-il cet écart et versera-t-il des honoraires aux présidents de cérémonie de citoyenneté?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice, et merci de me l’avoir communiquée à l’avance.
Le gouvernement sait que les présidents de cérémonie bénévoles jouent un rôle important dans les cérémonies de citoyenneté, car ils s’occupent de l’aspect cérémonial des responsabilités du juge de la citoyenneté. Cela comprend le discours d’ouverture, la prestation du serment de citoyenneté et la remise du certificat de citoyenneté. Évidemment, ils n’ont pas de responsabilités administratives ou juridiques à proprement parler.
On m’a également signalé que les présidents de cérémonie bénévoles sont soutenus par du personnel d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et qu’on leur donne une formation complète et des textes préparés qu’ils peuvent adapter à leur guise.
Si ces présidents de cérémonie ne sont pas rémunérés, le ministère rembourse certains frais de déplacement préalablement approuvés relatifs à la cérémonie, le cas échéant.
[Français]
Les terrains du gouvernement fédéral
La demande de décontamination des terres
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Monsieur le leader, le 17 juin dernier, je vous ai posé une question concernant le site de traitement des matériaux secs exploité à Kanesatake, dans la région d’Oka, où l’on a constaté que des infractions ont été commises.
Je soulignais à ce moment-là que les municipalités d’Oka, de Saint-Placide et de Mirabel avaient interpellé le gouvernement fédéral en mars 2020 afin qu’il assure la restauration de sa propriété, occupée par une compagnie de recyclage, G & R Recyclage, qui exploite illégalement un site de traitement à cet endroit.
Tout récemment, le ministère québécois de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a révoqué les certificats d’autorisation de la compagnie qui exploite le site. Le 9 juillet, mon adjoint a communiqué avec votre bureau afin de faire un suivi sur ce dossier. La réponse qu’il a reçue de la part de votre bureau est la suivante : « Merci de vos appels et de votre courriel. Nous nous penchons toujours sur cette question. »
Monsieur le leader, depuis le 17 juin, jour où j’ai posé ma question, quelles démarches avez-vous faites pour vous informer et être en mesure de me répondre?
Deuxièmement, puisque le gouvernement fédéral fait face, depuis le mois de mars, à une catastrophe environnementale sur des terrains qui lui appartiennent, et qui inquiètent avec raison la population de ce secteur, qu’entend-il faire?
Troisièmement, puisque la compagnie qui exploite actuellement le site dit : « Je ne suis pas en territoire québécois, mais en territoire mohawk, et je tire mon droit d’occupation de ce territoire », est-ce qu’on peut obtenir une copie du bail conclu entre le conseil de bande et la compagnie qui exploite le site, puisque le territoire appartient au gouvernement fédéral?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénateur.
Malheureusement, ma réponse va vous décevoir. Je suis désolé, mais je n’ai pas obtenu d’autres informations et je le regrette. Cependant, je m’engage à faire un suivi pour obtenir les réponses à vos questions, et je vous reviendrai à ce sujet le plus tôt possible.
[Traduction]
La santé
Les tests de dépistage de la COVID-19
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Mercredi, à l’autre endroit, le premier ministre a affirmé que le Canada disposerait « dans les semaines à venir » des tests de dépistage rapide de la COVID-19 effectués au point de service qui ont été achetés récemment.
Outre les 7,9 millions de tests, l’entente entre le gouvernement et les laboratoires Abbott comprend également l’achat de 3 800 appareils permettant d’effectuer les tests.
Monsieur le leader, pourriez-vous nous dire de quelle façon ces tests et ces appareils seront répartis dans l’ensemble du Canada? Seront-ils distribués aux provinces et aux territoires en fonction de leurs populations respectives ou donnera-t-on priorité aux régions qui connaissent ces derniers jours la plus forte croissance des cas? En outre, prévoira-t-on un nombre déterminé de tests et d’appareils pour les communautés des Premières Nations?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. Elle est importante, car les délais de livraison des tests et leur destination font toute la différence, tant sur le terrain que pour le bien-être de la population canadienne.
Je n’ai pas présentement les réponses à vos questions, mais je vais faire tout mon possible pour vous les communiquer dans les plus brefs délais.
La sénatrice Seidman : Au sujet des tests, les laboratoires Abbott ont rapporté mercredi aux médias qu’ils produisaient actuellement plus de deux millions de tests par mois afin de répondre à la demande mondiale.
Sénateur Gold, le gouvernement sait-il si le Canada est le seul client des laboratoires Abbott pour ce qui est des tests rapides au point de service ID NOW? Je pense que ce n’est pas le cas. Combien de temps faudra-t-il au gouvernement pour recevoir la totalité des 7,9 millions de tests qu’il a achetés? Y a-t-il un nombre minimum de tests par semaine que le Canada s’attend à obtenir des laboratoires Abbott?
Le sénateur Gold : Encore une fois, je ne connais pas la réponse et nous allons essayer de la trouver. Comme tous les sénateurs le comprendront — et la sénatrice Seidman en premier lieu —, nous sommes en concurrence mondiale pour toutes sortes d’équipements médicaux, qu’il s’agisse de médicaments, de tests ou autres. Je pense que le gouvernement a été actif sur le marché international dans ce domaine, comme il l’a été pour obtenir des vaccins et d’autres produits, mais nous sommes l’un des nombreux pays à rechercher les mêmes types de tests pour nos citoyens.
Je m’efforcerai d’obtenir ces réponses le plus rapidement possible.
(1510)
La justice
Le racisme systémique
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, de nombreux Canadiens ont soulevé cette question cette semaine. Je remercie la sénatrice Boyer de m’avoir demandé de la poser, en son absence, au représentant du gouvernement au Sénat.
Le racisme systémique demeure un fléau dans le système de soins de santé au Canada, coûtant trop souvent la vie à des Autochtones. Brian Sinclair, Ina Matawapit, Tyson McKay et bien d’autres sont décédés parce que leurs symptômes n’ont pas été pris au sérieux ou ont été mal pris en charge par les professionnels de la santé.
Les preuves ne manquent pas pour démontrer que le système de soins de santé au Canada échoue à servir adéquatement les populations autochtones en raison du racisme systémique qui règne et des comportements racistes qu’on observe.
Comme les sénatrices Miville-Dechêne et Mégie l’ont mentionné plus tôt aujourd’hui, Joyce Echaquan était une femme atikamekw de 37 ans et la mère de 7 enfants. Elle souffrait de problèmes cardiaques et s’est rendue au centre hospitalier de Joliette pour recevoir des soins. Tandis qu’elle était allongée sur son lit, mourante, et appelait à l’aide, elle a désespérément commencé à enregistrer un appel à l’aide par vidéo qui a été diffusé en direct sur Facebook. La vidéo contient des injures et des railleries racistes et misogynes de la part du personnel soignant. L’une des infirmières a déclaré qu’il vaudrait mieux que Mme Echaquan soit morte.
Ce cas démontre explicitement que le racisme existe bel et bien au sein du système de soins de santé au Canada et qu’un nombre élevé d’Autochtones sont traités comme s’ils n’étaient pas des citoyens à part entière ou comme s’ils étaient un problème et qu’ils ne méritaient pas des soins médicaux.
Alors qu’une enquête exhaustive sur le décès de Mme Echaquan est en cours, il ne fait aucun doute que le racisme dans le système de soins de santé continue de faire du tort aux Autochtones partout au pays, quand il ne les tue pas carrément.
La Commission de vérité et réconciliation a demandé au gouvernement fédéral de reconnaître l’état santé actuel des Autochtones au Canada et de fixer des objectifs mesurables pour cerner et combler les lacunes en matière de santé entre les communautés autochtones et non autochtones.
Dans le discours du Trône, le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre les appels à l’action. Il a également promis de s’attaquer au racisme systémique.
Voici donc notre question pour le représentant du gouvernement : quelles mesures concrètes, telles que des normes et lignes directrices nationales liées aux transferts en matière de santé, le gouvernement fédéral a-t-il prises pour remédier à la crise du racisme systémique dont font l’objet les Autochtones dans le système de santé canadien?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Pas une seule question ni sa réponse ne pourraient même commencer à relever les défis, à remédier aux tragédies et à combler les lacunes qui caractérisent le traitement des Autochtones et le système de santé.
Au nom du gouvernement, permettez-moi au moins de commencer par exprimer mes condoléances à la famille de Joyce Echaquan et au peuple de Manawan pendant cette terrible période.
Le racisme systémique dans notre système de santé est un problème national et une tragédie nationale. Le gouvernement reconnaît que nos institutions continuent de manquer à leurs obligations envers les peuples autochtones.
Le gouvernement du Canada appuie la décision du gouvernement du Québec d’agir rapidement dans le cadre de cette enquête. Il faut qu’une enquête transparente soit menée en temps opportun pour fournir des réponses au sujet de cet événement traumatisant.
Au-delà de cela — vous avez posé des questions plus générales et je ne vais pas fouiller dans mes papiers pour vous lire des chiffres que j’ai déjà donnés au Sénat —, le gouvernement a investi et continue d’investir de grosses sommes d’argent en partenariat avec les communautés autochtones pour essayer de combler l’écart entre les services offerts aux communautés autochtones et ceux offerts à ceux qui ont la chance d’avoir accès à de meilleurs services.
Si vous me le permettez, j’aimerais sortir brièvement de mon rôle de représentant du gouvernement au Sénat pour dire que je connais la communauté de Manawan. J’ai travaillé avec les étudiants de l’école sur des problèmes de racisme systémique qu’ils vivaient dans leurs interactions avec des étudiants de l’école de Joliette. Je les ai vus relever le défi de retrouver leur dignité et leur fierté, grâce au travail que nous avons fait avec un organisme dont j’ai eu le privilège d’être le président, à une autre époque, appelé ENSEMBLE pour le respect de la diversité.
Les communautés autochtones sont résilientes. Elles sont fortes. Elles ont besoin de notre aide et y ont droit. Le gouvernement est déterminé à faire tout ce qu’il peut pour la leur offrir.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup, monsieur le représentant du gouvernement. Comme vous le savez, Joliette accueille aussi un pénitencier fédéral pour femmes, où les détenues souffrant de problèmes de santé mentale ont reçu illégalement et de force des injections, comme l’a confirmé l’enquête sur la mort d’Ashley Smith. De plus, au mois dernier, le pourcentage de femmes autochtones dans les pénitenciers fédéraux a atteint un taux effarant de 44 %.
Quelles mesures concrètes le gouvernement fédéral prend-il pour s’attaquer au racisme contre les Autochtones dans le système pénitentiaire fédéral du Canada?
Le sénateur Gold : Je connais aussi le pénitencier de Joliette en raison d’un autre chapitre de ma vie…
Des voix : Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Gold : ...en tant que membre de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, à laquelle j’ai été nommé par le gouvernement précédent. Je voulais montrer que j’avais des aspirations oecuméniques, sinon une réputation.
Je le répète, le gouvernement reconnaît que le racisme systémique sévit au sein des institutions juridiques et des établissements carcéraux. Comme vous le savez, sénatrice Pate, il a pris un certain nombre de mesures concrètes à ce chapitre. Vous avez joué un rôle déterminant pour que ce dossier demeure une priorité, alors chapeau.
Il faut notamment modifier nos lois pour que les dispositions relatives à la détermination de la peine tiennent davantage compte de la réalité des Autochtones et des difficultés qu’ils vivent, lesquelles font en sorte qu’ils se retrouvent beaucoup trop souvent devant les tribunaux et ensuite emprisonnés, dans des situations où d’autres Canadiens éviteraient la prison. La surreprésentation des Autochtones signale qu’il faut absolument agir, et le gouvernement est résolu à travailler dans ce dossier. Il s’agit d’un problème grave et d’une importance fondamentale.
Son Honneur le Président : Sénatrice McPhedran, vous avez 45 secondes pour poser votre question et obtenir une réponse.
L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les demandes de parrainage
L’honorable Marilou McPhedran : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et je la pose au nom de la sénatrice Mobina Jaffer.
Nous savons tous que la COVID-19 a eu une incidence énorme sur tous les Canadiens ainsi que sur tous les habitants de la planète. Heureusement, bon nombre d’entre nous ont pu compter sur un système de soutien, soit un conjoint, un partenaire ou une famille, mais eux aussi souffrent et éprouvent des difficultés semblables.
Malheureusement, certains Canadiens sont privés de cet appui essentiel. Ils sont obligés de demeurer séparés de leurs proches. Ils sont dans cette situation parce qu’ils attendent que le gouvernement du Canada traite leur demande de parrainage afin de pouvoir être de nouveau réunis avec leur famille.
Sénateur Gold, que fait-on actuellement pour reconnaître les besoins de ces Canadiens et pour traiter immédiatement leur demande de parrainage?
Son Honneur le Président : Je regrette, sénateur Gold, mais la période des questions est terminée. Je vous suggère de présenter une réponse différée.
ORDRE DU JOUR
Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
Deuxième rapport du comité présenté au cours de la première session de la quarante-troisième législature—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du deuxième rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Examen d’un rapport d’enquête du Conseiller sénatorial en éthique, présenté au Sénat le 18 juin 2020, durant la première session de la quarante-troisième législature.
L’honorable Scott Tannas propose que le rapport soit adopté.
— Je n’ai que quelques observations.
Honorables sénateurs, ce rapport a été présenté au Sénat pendant la première session de la 43e législature, le 22 juin. Mon collègue le sénateur Patterson avait alors expliqué les conclusions du comité et la recommandation formulée dans le rapport. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de les répéter.
Nous n’avons pas pu débattre de ce rapport en profondeur en raison de la prorogation du Parlement. Je propose donc qu’il soit adopté pour que nous puissions amorcer le processus prévu. Merci.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, nous ne pouvons pas encore prendre une décision au sujet de ce rapport. À moins qu’un sénateur ne veuille proposer l’ajournement, le débat sera ajourné d’office jusqu’à la prochaine séance du Sénat.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, la suite du débat sur la motion est ajournée à la prochaine séance.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la motion no 4, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-4
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 30 septembre 2020, propose :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou procédure ordinaire :
1.le Sénat se forme en comité plénier au début de l’ordre du jour le jeudi 1er octobre 2020, ou immédiatement suivant l’adoption de cette motion, selon la dernière éventualité, afin d’étudier la teneur du projet de loi C-4, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19;
2.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-4 reçoive l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances et l’honorable Carla Qualtrough, c.p., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, chacune accompagnée d’un fonctionnaire;
3.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-4 lève sa séance au plus tard 125 minutes après le début de ses travaux;
4.les remarques introductives des témoins durent un total maximal de cinq minutes;
5.si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-32(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(1520)
Projet de loi sur des mesures en réponse à la COVID-19
Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier
L’ordre du jour appelle :
Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances et l’honorable Carla Qualtrough, c.p., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, accompagnées de fonctionnaires, relativement à la teneur du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19.
(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)
La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-4, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19.
Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera la vice-première ministre et ministre des Finances et la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées. Je les invite maintenant à entrer, accompagnées de leurs fonctionnaires.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Chrystia Freeland, l’honorable Carla Qualtrough et leurs fonctionnaires prennent place dans la salle du Sénat.)
La présidente : Mesdames les ministres, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires.
[Français]
L’honorable Carla Qualtrough, c.p., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées : Honorables sénateurs, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19. Avant de commencer, je tiens à souligner que nous sommes réunis ici sur un territoire algonquin non cédé.
[Traduction]
Je suis accompagnée, bien sûr, par la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland, et par des fonctionnaires, Heather Sheehy, sous-ministre déléguée, Emploi et Développement social Canada, et Nick Leswick, sous-ministre délégué, Direction de la politique économique et fiscale, Finances Canada.
C’est un plaisir d’être ici avec vous tous. Je remercie le sénateur Dean de parrainer le projet de loi.
Honorables sénateurs, depuis le début de la pandémie de COVID-19, notre priorité consiste à appuyer les travailleurs et leurs familles. Nous avons créé la Prestation canadienne d’urgence et la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants afin d’aider les travailleurs du Canada en cette période difficile. Nous avons également créé des milliers d’emplois et des possibilités de formation pour les jeunes, et veillé à ce que le secteur à but non lucratif reçoive du soutien afin que les organismes puissent continuer à aider les collectivités.
Afin d’offrir de la certitude et de la continuité, nous avons prolongé la PCU de quatre semaines, soit de 24 à 28 semaines. Certes, beaucoup de Canadiens ont réintégré le marché du travail, mais nous savons qu’il faut demeurer vigilants et souples dans nos efforts pour aider les gens tandis que nous travaillons ensemble pour stopper la propagation du virus.
Il est indéniable que la pandémie a mis en lumière la nécessité de moderniser le programme d’assurance-emploi du Canada.
[Français]
Cependant, l’assurance-emploi, malgré le besoin imminent d’une réforme, est en fait le meilleur outil à notre disposition et surpasse tout nouveau système pouvant être mis en place rapidement pendant une pandémie. C’est pourquoi, en août dernier, notre gouvernement a annoncé des modifications temporaires au régime d’assurance-emploi qui permettront à un plus grand nombre de Canadiens d’y avoir accès alors que la PCU prend fin. Ces modifications déjà apportées par voie de règlement aideront des millions de Canadiens à satisfaire aux critères d’admissibilité de trois manières.
[Traduction]
Grâce au projet de loi à l’étude aujourd’hui, les Canadiens qui demeurent inadmissibles à l’assurance-emploi pourront compter sur trois nouvelles prestations. La Prestation canadienne de relance économique permettra d’aider les travailleurs qui ont subi une perte de revenu d’au moins 50 % pour des raisons liées à la COVID-19 et qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Elle accordera aux Canadiens admissibles un montant de 500 $ par semaine pendant un maximum de 26 semaines, du 27 septembre 2020 jusqu’au 25 septembre 2021. Les bénéficiaires doivent se chercher activement du travail et, comme c’est le cas pour le régime d’assurance-emploi, les travailleurs salariés et les travailleurs autonomes pourront continuer à gagner un salaire même s’ils reçoivent des paiements de la Prestation canadienne de relance économique.
La deuxième prestation est la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Elle offrira 500 $ par semaine pendant un maximum de deux semaines aux travailleurs qui ont contracté la COVID-19 ou qui pourraient l’avoir contractée, ou qui se sont isolés pour des raisons liées au virus.
Enfin, la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants accordera 500 $ par semaine, par ménage, pendant un maximum de 26 semaines, aux travailleurs qui ont réduit de plus de 50 % leurs heures de travail pour s’occuper d’un enfant ou d’un proche en raison de la fermeture des écoles, des garderies ou des programmes de soins de jour.
[Français]
La prestation serait également offerte aux travailleurs qui doivent rester à la maison parce que la personne dont ils doivent prendre soin est malade ou considérée comme étant à haut risque par un professionnel de la santé, ou parce que son soignant habituel n’est pas disponible en raison de la COVID-19.
[Traduction]
Pour garantir que les employés sous réglementation fédérale aient accès à un congé avec protection de l’emploi, la partie 2 du projet de loi propose de modifier le Code canadien du travail afin que ces employés aient accès à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et à la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Le projet de loi proroge aussi la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, qui a déjà permis au gouvernement fédéral d’aider des millions de Canadiens et d’entreprises à traverser la crise grâce à divers programmes de soutien d’urgence tels que la PCU. Faute de proroger la loi, les paiements de soutien pourraient être interrompus, ce qui aurait des répercussions désastreuses sur la vie des gens, les familles et les entreprises.
Par ailleurs, le projet de loi à l’étude prévoit une somme de 1,5 milliard de dollars destinée aux provinces et aux territoires pour appuyer les services de formation professionnelle destinés aux Canadiens. Nous devons tous demeurer vigilants et continuer de déployer des efforts pour soutenir les travailleurs et freiner la propagation de la COVID-19. Ce n’est pas une mince tâche, je le sais, mais cela nous concerne tous.
Je vous remercie, honorables sénateurs. La vice-première ministre et moi-même serons heureuses de répondre à vos questions.
La présidente : Merci, madame la ministre.
Le sénateur Plett : Mesdames les ministres, je vous remercie toutes les deux de votre présence.
Ma première question s’adresse à la ministre des Finances, Mme Freeland. Permettez-moi d’abord de vous féliciter de votre nomination à ce poste, qui témoigne manifestement de la confiance du premier ministre à votre endroit.
Madame la ministre Freeland, en 2015, la plateforme électorale du Parti libéral contenait la promesse qu’un gouvernement libéral n’aurait pas recours à la prorogation pour échapper à certaines situations périlleuses. Le 18 août, le premier ministre Trudeau a rompu cette promesse et interrompu les travaux parlementaires pour empêcher les comités de faire enquête sur le scandale de l’organisme UNIS, scandale qui est d’ailleurs la raison pour laquelle vous êtes ici devant nous aujourd’hui, en remplacement de votre prédécesseur, Bill Morneau. Nous sommes aujourd’hui saisis du projet de loi C-4, alors que le gouvernement aurait facilement pu l’inclure dans son programme législatif, n’eût été la prorogation. En outre, le projet de loi est une nouvelle version du projet de loi C-2, que nous venions de recevoir la semaine dernière.
Madame la ministre, pouvez-vous dire au Sénat à quel moment les fonctionnaires ont commencé à travailler au projet de loi initial, le projet de loi C-2, et si le premier ministre a réellement consulté tous les chefs de l’opposition avant son discours du Trône, dont découle le projet de loi C-2? Pourquoi a-t-il fallu réviser le projet de loi pour tenir compte d’une exigence du NPD concernant les congés de maladie? Tout ce cinéma faisait-il partie du plan de mise en œuvre du gouvernement Trudeau depuis le début?
L’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances : Merci beaucoup de votre question, sénateur. À titre d’avant-propos, j’aimerais faire part aux sénateurs d’une réflexion que j’ai eue mardi soir, ou plutôt au petit matin mercredi, alors que je participais au vote à l’autre endroit. Le tout s’est déroulé en toute collégialité; l’ambiance était collégiale et même amicale. Les députés faisaient des blagues avec ceux des autres partis et, au bout du compte, le projet de loi a été adopté à l’unanimité.
(1530)
Pendant ce temps, tout le monde est au courant, j’en suis sûre, il y avait un autre débat dans un pays voisin du nôtre. Je vais vous répondre, je le promets, monsieur le sénateur. Nous serons ici pendant deux heures. Je veux seulement...
Le sénateur Plett : Je n’ai droit qu’à dix minutes. Je veux une réponse.
Mme Freeland : Je comprends. Je voulais simplement faire un commentaire au sujet de la démocratie canadienne si vous le permettez, monsieur le sénateur. J’ai presque terminé.
Cette soirée-là, j’ai réfléchi au fait que nous avons une démocratie fonctionnelle et j’étais très reconnaissante à tous ceux qui ont participé à l’adoption du projet de loi, comme je le suis envers vous tous. En cette période de crise sans précédent — la pire depuis la Seconde Guerre mondiale —, il faut prendre le temps de réfléchir à l’ampleur des efforts concertés menés partout au pays au-delà des lignes partisanes pour lutter contre le coronavirus. Je sais que tous les sénateurs ont participé à ces efforts et j’en suis reconnaissante. Ce n’était pas acquis; il est toujours possible de faire fausse route. Je vous remercie de tout cœur.
Maintenant sénateur, en ce qui concerne votre question...
Le sénateur Plett : J’espère que je pourrai ravoir ma minute et demie.
Mme Freeland : Je serais ravie de répondre à vos questions pendant une minute et demie de plus si les sénateurs le souhaitent.
Passons à vos questions. J’ai bien peur de ne pas être d’accord avec certaines — j’allais dire hypothèses, mais ce sont plutôt — des affirmations contenues dans votre question, sénateur.
La prorogation était une mesure on ne peut plus opportune face à une situation totalement nouvelle au pays et dans le monde. Comme l’a dit le premier ministre, le discours du Trône que le gouvernement a présenté immédiatement après les élections l’a été dans des circonstances totalement différentes. Aujourd’hui, nous sommes au cœur d’une pandémie mondiale à laquelle le monde entier réagit et qui a provoqué une crise économique comparable à la Grande Dépression.
Il est tout à fait opportun — et je dirais même essentiel d’un point de vue démocratique — que, dans le discours du Trône, le gouvernement ait présenté aux Canadiens, aux députés et aux sénateurs son plan pour affronter la crise. Ce plan propose précisément les mesures sur lesquelles nous vous demandons votre avis aujourd’hui.
Je vais soulever un autre point. Vous avez mentionné les congés de maladie, sénateur. Depuis des mois, le gouvernement dit clairement qu’il est favorable à deux semaines de congé de maladie payé pour l’ensemble des Canadiens. Je tiens d’ailleurs à remercier de leur soutien le premier ministre Horgan, votre propre premier ministre, M. Pallister, ainsi que le premier ministre Sandy Silver du Yukon. Les congés de maladie payés sont essentiels, et aujourd’hui plus que jamais, car si les gens ne peuvent pas rester chez eux lorsqu’ils sont malades, s’ils doivent choisir entre rester chez eux ou se nourrir, ils iront au travail dans leur état et ils ne pourront pas combattre le coronavirus. Le gouvernement tient fermement à ces congés et je suis ravie de l’appui reçu à la Chambre.
Le sénateur Plett : Six minutes pour répondre à une seule question, vous êtes comme votre prédécesseur. J’ai d’autres questions à vous poser, mais comme je sais que je n’obtiendrai pas de réponse, je préfère me tourner vers la ministre Qualtrough qui sera peut-être plus succincte.
Madame la ministre, ma question concerne une jeune femme de Winnipeg dont la situation a été récemment portée à mon attention par sa mère. Kristen a reçu très jeune un diagnostic d’arthrite rhumatoïde. Elle a fait son possible pour continuer à travailler malgré cette maladie débilitante. Elle reçoit du gouvernement un montant d’invalidité qui n’a pas changé depuis des années. Elle a dû renoncer à trois offres d’emploi récentes en raison de la pandémie de COVID-19. Lorsqu’elle a présenté une demande de PCU, on lui a dit qu’elle n’y était pas admissible. J’ai transmis au bureau du ministre Vandal ma correspondance avec la mère de Kristen, et j’attends une réponse de celui-ci.
Madame la ministre, le gouvernement libéral a sciemment approuvé des milliers de demandes frauduleuses dans le cadre de la PCU. Le premier ministre a même déclaré qu’il fallait y donner suite, quitte à récupérer l’argent plus tard. Pourtant, la jeune femme dont je vous parle n’a pas pu obtenir un soutien d’urgence de son gouvernement. Pourquoi en a-t-il été ainsi, et que ferez-vous, madame la ministre, pour aider Kristen?
Mme Qualtrough : Je vous remercie sénateur de la question. La PCU était une prestation de remplacement du revenu destinée aux personnes ayant perdu du travail ou leur emploi à cause de la COVID. Cette mesure ne visait que les travailleurs. C’est le choix stratégique que nous avons fait. Nous avons intentionnellement décidé de nous concentrer sur les travailleurs.
Je n’en sais pas assez sur les faits dans le dossier dont vous faites mention pour vous donner plus de renseignements sur les autres mesures de soutien visant cette personne, mais je consulterai le ministre Vandal pour vous donner une réponse complète.
D’après ce que vous avez dit, cette jeune femme n’était pas admissible à la PCU parce qu’elle n’avait pas perdu son emploi. Toutefois, dans la nouvelle prestation de relance économique, nous avons introduit la notion de baisse de revenu pour que les personnes qui n’ont pas perdu leur emploi, mais accusent une diminution de revenu soient elles aussi admissibles à cette aide.
Comme je l’ai indiqué, je ne connais pas la situation personnelle de cette jeune femme, mais je me ferai un plaisir de discuter de son cas avec le ministre Vandal afin de vous fournir une réponse.
Le sénateur Plett : Madame la ministre, je vais faire une autre tentative.
Le NPD a déclaré qu’il soutiendra votre gouvernement, incitant le réseau CBC à dire que ce parti serait votre partenaire subalterne pour les trois prochaines années. Donc, deux partis qui ont chacun obtenu moins de votes que le Parti conservateur aux dernières élections mènent le bal. C’est maintenant le NPD qui dicte votre conduite. C’est le monde à l’envers.
Pouvez-vous nous dire combien la promesse sur les congés de maladie va coûter aux Canadiens? Pourriez-vous aussi nous dire ce que vous avez dû payer pour acheter les maigres 24 sièges des néo-démocrates sur les 338 que compte la Chambre des communes? Combien tout cela va-t-il coûter aux Canadiens au cours des trois prochaines années?
Mme Freeland : Merci de votre question, sénateur. Je ne savais pas que ma conduite ne m’appartenait plus.
Je peux vous dire ceci au sujet de mon gouvernement et de sa façon de gouverner en période de pandémie mondiale : lorsqu’on détient une minorité de sièges au Parlement, il faut toujours chercher à présenter des mesures qui obtiendront le soutien de la Chambre.
Comme je l’ai dit, j’ai été ravie, aux petites heures mercredi matin, d’apprendre que nos mesures avaient reçu l’appui unanime du Parti conservateur, du Bloc, du NPD et du Parti vert. Je crois que c’est une preuve évidente d’unité nationale. Par ailleurs, j’ai déjà répondu à la question sur les congés de maladie.
La présidente : Poursuivons encore 10 minutes.
La sénatrice Pate : Je vous remercie. Soyez les bienvenues toutes les deux, et félicitations pour votre nomination, madame la vice-première ministre. Je vous remercie toutes les deux de ce que vous avez fait depuis le début de la pandémie, mais aussi auparavant.
Grâce à la Prestation canadienne d’urgence et à diverses autres mesures, le gouvernement a trouvé un moyen lui donnant toute la marge de manœuvre nécessaire pour soutenir financièrement les Canadiens et pour adapter ses interventions dès qu’il constatait que certains Canadiens passaient à travers les mailles du filet de sécurité économique. La mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui n’est toutefois pas sans défauts, il faut le dire, et elle semble exacerber les préjugés voulant que certaines personnes méritent qu’on les aide, mais pas d’autres, comme les pauvres.
Le projet de loi considère de facto que les Canadiens occupaient un emploi et avaient des revenus annuels supérieurs à 5 000 $. Comme vous le savez sans doute toutes les deux, de nombreuses raisons peuvent expliquer pourquoi une partie des Canadiens ne répondent pas à ces critères. Je pense par exemple à une personne qui aurait perdu son emploi avant la pandémie et qui n’avait pas droit à l’assurance-emploi, qui serait à la tête d’une toute nouvelle entreprise, qui aurait cessé de travailler avant le début de la pandémie pour prendre soin d’un proche, qui souffrirait d’une limitation non diagnostiquée, qui n’aurait pas les moyens de se rendre travailler, de faire garder ses enfants ou d’acheter les vêtements dont elle aurait besoin pour occuper un emploi, qui serait incapable de travailler ou encore qui n’aurait pas les moyens de se priver des prestations qu’elle touchait déjà par l’entremise des divers programmes d’aide sociale. Ce ne sont que quelques exemples, et il pourrait y en avoir beaucoup d’autres.
Le gouvernement s’est engagé à aider les personnes les plus financièrement éprouvées par la COVID-19 et qui n’ont toujours pas droit aux programmes d’aide mis en œuvre par l’État. Quand on sait tout l’appui que l’idée d’un revenu de subsistance garanti a pu récolter dans la population canadienne et dans la mesure où le gouvernement s’est engagé à bouger dans plusieurs des dossiers concernés, j’aimerais que vous répondiez à deux questions, après quoi je céderai la parole à ma collègue la sénatrice Miville-Dechêne.
(1540)
Les provinces et les territoires ont-ils assuré au gouvernement qu’ils ne récupéreront pas les prestations des assistés sociaux admissibles à n’importe quelle des mesures de soutien économique prévues dans le projet de loi? De plus, y a-t-il un plan pour examiner la possibilité d’un revenu minimum garanti et, le cas échéant, que peuvent faire les sénateurs pour y contribuer?
Mme Qualtrough : Merci, sénatrice, pour votre importante question. Il est délicat de parler des prestations avec les provinces et de vérifier si elles comptent récupérer les sommes versées sur les prestations provinciales d’aide sociale. J’ai obtenu un succès modeste pour ce qui est de la Prestation canadienne d’urgence, et non un succès total, ce qui me frustre au plus haut point. Les provinces ont décidé de récupérer les prestations même si mes collègues et moi avons demandé à nos homologues de ne pas le faire. Nous dialoguons avec eux. Les discussions se poursuivent. Nous tentons de leur expliquer qu’ils doivent se comporter de façon moins dure en cette période exceptionnelle, car c’est vraiment injuste. Bien franchement, je ne peux pas vous garantir que les provinces n’adopteront pas le même comportement à l’égard de ces prestations, mais nous travaillons vraiment fort. Certaines provinces ont déjà déclaré qu’elles ne le feront pas, comme la Colombie-Britannique, ma province. J’aimerais pouvoir vous dire que nous avons convaincu l’ensemble des provinces et des territoires, mais ce n’est pas le cas.
La situation actuelle ne nous empêche en rien de débattre du revenu universel de base ou du revenu minimum garanti. À l’heure actuelle, nous mettons l’accent sur les mesures d’urgence destinées aux travailleurs, mais il est important de débattre des lacunes constatées dans les services sociaux, et nous espérons que ce débat aura lieu. Je suis heureuse que vous... Nous vous demanderons votre aide au moment opportun.
La sénatrice Pate : Je cède la parole à la sénatrice Miville-Dechêne.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue au Sénat, mesdames les ministres. Je vais vous poser une question très concrète. Beaucoup de jeunes dans mon entourage me demandent quelle est la différence entre cette nouvelle prestation de relance et la fameuse PCU. En fait, on ne voit pas la différence. J’ai trois questions à ce sujet. D’abord, allez-vous demander des preuves de leurs recherches d’emploi aux demandeurs de cette nouvelle prestation? Ensuite, que signifie l’expression « ne pas refuser une offre raisonnable d’emploi »? Comme vous le savez, on peut l’interpréter de toutes sortes de façons. Est-ce qu’une danseuse ou un artiste devra devenir commis ou vendeur? Il n’y a pas de sot métier, mais qu’entend-on par « raisonnable »? Enfin, comme dans le cas de la PCU, est-ce que les étudiants qui travaillaient à temps partiel pourront réclamer cette nouvelle prestation de relance?
Mme Qualtrough : Merci beaucoup, ce sont des questions importantes. Nous avons fait de notre mieux pour veiller à ce que le système de prestation de relance économique soit le même que celui de l’assurance-emploi. Bien entendu, le système d’assurance-emploi est beaucoup plus sophistiqué, mais dans le cadre de la PCU, nous n’avons pas demandé que la personne se cherche du travail, qu’elle soit disponible pour travailler ou qu’elle n’ait pas refusé une offre raisonnable de travailler.
Nous avons donc inscrit ces critères dans la loi et dans l’attestation, mais, honnêtement, il s’agit toujours d’une prestation par attestation. Au début, bien sûr, nous posons des questions, mais la personne qui répond à ces questions accepte qu’il y ait de temps en temps une vérification de la validité de ses réponses. Alors, si vous dites que vous cherchez du travail, peut-être que, dans une semaine, quelqu’un vous téléphonera pour vous demander d’indiquer les emplois auxquels vous avez postulé.
Bref, nous faisons de notre mieux. Ce programme est beaucoup plus robuste que la PCU et il est très semblable à l’assurance-emploi, mais il n’est pas aussi complet que ce dernier en raison des limites du système, qui est très nouveau.
[Traduction]
Pour ce qui est des travailleurs à temps partiel, ils seront admissibles à cette prestation s’ils ont perdu leur emploi ou que leur revenu — quel qu’il soit — a baissé de 50 %. Les étudiants ne peuvent pas restreindre indûment leur disponibilité, sauf s’ils étudient à temps plein. C’est ici que l’attestation entre en jeu, qui permet d’établir le caractère raisonnable ou non d’une situation.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je n’ai pas réussi à expliquer la notion d’« offre raisonnable » à des jeunes de ma connaissance. Qu’entend-on par là, au juste? Une offre est-elle raisonnable parce qu’elle correspond à votre domaine d’expertise, ou encore parce que l’emploi se trouve dans votre quartier? Qu’en est-il?
Mme Qualtrough : Je suis désolée, madame la sénatrice. Ce terme a pour parallèle la notion de « justification » dans le régime d’assurance-emploi. Vous ne pouvez pas refuser une offre d’emploi ou éviter de chercher du travail sans motif valable. Comme cette notion nous semblait trop restrictive, nous avons opté pour une approche un peu plus générale fondée sur ce qui est raisonnable, dans le but de tenir compte des circonstances particulières de chacun. En effet, il peut y avoir des différences entre ce qui est raisonnable pour vous et ce qui l’est pour moi. C’est un critère subjectif, et il n’existe pas de jurisprudence sur ce qui est raisonnable. On réussit toutefois à encadrer la notion de « raisonnable » en combinant les quatre critères selon lesquels il faut être en recherche d’emploi, ne pas restreindre indûment sa disponibilité et accepter l’offre d’emploi. On peut examiner ces critères et une personne doit avoir un motif pour ne pas les respecter. C’est ce que nous avons trouvé de mieux pour tenir compte des réponses individuelles des gens.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup de votre réponse, et je cède maintenant mon temps de parole au prochain sénateur du Groupe des sénateurs indépendants.
La présidente : Ce ne sera pas possible, il ne reste pas suffisamment de temps.
Le sénateur Downe : Merci, je vous remercie mesdames les ministres. Je tiens à vous remercier, vous et vos collègues libéraux. Vous avez fait un travail remarquable dans le contexte de la pire crise des soins de santé en 100 ans et du pire problème financier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vous méritez notre reconnaissance pour le travail que vous avez accompli pour les Canadiens en cette période trouble. Je sais que les mesures prises n’ont pas fait l’unanimité. Les partis d’opposition ont fait leur travail et leur devoir, et les médias ont joué leur rôle et ils ont souligné les erreurs qui ont été commises. Je suis sûr que vous apprenez de vos erreurs tout en poursuivant vos efforts.
Ma première question porte sur une préoccupation que j’ai entendue à l’Île-du-Prince-Édouard concernant l’annonce faite le 5 juin dernier au sujet du crédit d’impôt pour personnes handicapées. De nombreuses personnes âgées m’ont dit qu’elles avaient rapidement reçu la somme complémentaire à la Sécurité de la vieillesse — des couples qui m’ont dit qu’ils n’avaient pas vraiment besoin de cet argent. Ils le prenaient, mais ils n’en avaient pas véritablement besoin. Je n’ai jamais entendu ce commentaire de la part de ceux qui reçoivent des prestations d’invalidité. En fait, ils n’ont pas encore reçu le crédit d’impôt. Ils se demandent combien de temps ils devront encore attendre et comment le projet de loi proposé permettra de régler le problème de façon permanente.
Mme Qualtrough : Ce montant supplémentaire ne fait pas partie du projet de loi dont vous êtes saisis, mais du précédent. Je suis fière que le gouvernement se soit engagé à toujours tenir compte des besoins des personnes handicapées dans sa riposte contre la pandémie. Je suis toutefois moins fière des écueils systémiques que nous avons rencontrés quand nous avons voulu envoyer ce montant directement aux personnes handicapées du pays.
Si l’État veut envoyer de l’argent directement aux aînés, il le peut parce qu’il a leurs coordonnées grâce à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti. Même chose pour les familles grâce à l’Allocation canadienne pour enfants. Or, il n’y a rien de tel pour la population handicapée, et c’est inacceptable. Il a fallu énormément de temps pour regrouper les listes dont disposaient les différents ministères et concevoir un système capable d’extraire les coordonnées des gens. Au Canada, les politiques sur les personnes handicapées ont toujours été tributaires des politiques fiscales.
Tout ça pour dire que plus d’un million de personnes devraient recevoir le montant promis dans les semaines qui viennent — enfin! C’est inacceptable que les choses aient traîné autant, mais la promesse que nous avons faite dans le discours du Trône me permet d’affirmer que cela ne devrait plus se reproduire.
Le sénateur Downe : Je vous remercie, madame la ministre. Je vais transmettre le message aux personnes de ma province qui m’ont posé la question.
Mme Qualtrough : D’ici la fin du mois, sénateur, je vous le promets.
Le sénateur Downe : Sinon, je leur donne votre numéro de téléphone personnel.
Mme Qualtrough : Je vous le permets.
Le sénateur Downe : Ma prochaine question s’adresse à la ministre des Finances. L’effort considérable déployé pour aider les Canadiens en ces temps difficiles est très apprécié à l’Île-du-Prince-Édouard, où nous avons été touchés — en particulier l’industrie du tourisme et les exportations. Il y a parfois de petites choses auxquelles on ne pense pas : nous exportons beaucoup de frites surgelées. Les restaurants sont fermés. La production se poursuit, mais les ventes ne suivent pas.
(1550)
Ma question pour la ministre des Finances concerne le remboursement de tous ces coûts. Vous le savez — comme vous venez d’être nommée dans vos fonctions, vous l’ignorez peut-être —, il y a un problème persistant d’évasion fiscale à l’étranger et d’équité dans le système. Nous ne sommes pas dans une position où le dirigeant du pays a payé 750 $ dollars d’impôts l’an dernier, mais nous ne voulons pas miner la crédibilité du régime fiscal en laissant certains ne pas payer leur juste part.
Pendant des années, j’ai parlé du travail extraordinaire accompli par l’Agence du revenu du Canada en matière de perception fiscale au pays. Selon moi, l’Agence fait un travail lamentable en ce qui concerne l’évasion fiscale à l’étranger, c’est-à-dire les Canadiens qui cachent leur argent à l’étranger. Les cas se multiplient. Pensons aux Panama Papers, divulgués il y a quatre ans. Plus de 600 Canadiens avaient déposé de l’argent dans une banque du Panama. D’autres pays avaient prélevé des impôts de leurs citoyens qui avaient 1,2 milliard de dollars à la même banque : 182 millions de dollars pour l’Allemagne, 93 millions de dollars pour l’Australie et 25 millions de dollars pour l’Islande, dont la population se chiffre à 300 000.
Cet argent est essentiel pour financer les mesures que vous voulez prendre pour les Canadiens. Il est crucial que nous payions tous notre juste part. On entend partout que nous sommes tous dans le même bateau. Ce serait une bonne occasion de le prouver. Les autres pays dont j’ai parlé ont récupéré 1,2 milliard de dollars. Le Canada, lui, n’a pas récupéré un sou quatre ans après les révélations.
Madame la ministre, comment est-ce justifiable ou même viable à long terme?
Mme Freeland : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, pour cette question très importante. Je ne peux pas m’empêcher de préciser que je suis bien au courant du problème des producteurs de pommes de terre. C’est l’une des conséquences inattendues du coronavirus, et je pense que nous devons leur venir en aide.
En ce qui concerne l’impôt et l’évasion fiscale, vous soulignez un point très important. Nous faisons face avec une unité admirable, à mon avis, à la plus grande crise depuis la Deuxième Guerre mondiale. Je pense que le pays réussit assez bien à rallier tout le monde. Cela dit, les répercussions économiques varient considérablement. C’est malheureusement les personnes les plus vulnérables et les plus pauvres du pays qui sont les plus durement touchées par le coronavirus.
De plus, vous avez tout à fait raison de dire que la lutte contre le virus coûte très cher. J’imagine que ce ne sera pas surprenant de la part d’une ministre des Finances, mais je pense que nous devons être tout particulièrement prudents afin de bien planifier les dépenses et de faire en sorte que tous paient leur juste part. C’est ce à quoi les Canadiens s’attendent. J’ai déjà parlé d’évasion fiscale et de paradis fiscaux avec la ministre Lebouthillier, et je pense qu’il reste du travail à faire.
Comme vous le savez, dans le discours du Trône, nous avons parlé d’imposer les géants du Web. Je pense que c’est un domaine où il y a de l’injustice, notamment envers les entreprises canadiennes. Nous avons parlé d’un élément qui faisait partie des engagements électoraux, c’est-à-dire imposer les options d’achat d’actions des dirigeants d’entreprises établies. Cependant, je crois que la lutte contre l’évasion fiscale, y compris les mesures visant les paradis fiscaux à l’étranger, doit faire partie de notre approche. Je vous remercie d’avoir soulevé la question.
Le sénateur Downe : Merci, madame la ministre. La corruption peut-elle poser problème à l’Agence du revenu du Canada? Les médias me demandent depuis des années si je me suis penché sur ces dossiers. Ils veulent toujours me presser là-dessus. Y a-t-il un problème de cette nature? J’ai toujours résisté contre cette idée, parce qu’il ne faut pas participer aux théories du complot. Cependant, je dois admettre que, lorsque je vois ce qui arrive d’année en année, je suis porté à croire qu’il y a un grave problème à cet égard.
Le Canada a commencé à s’intéresser à la question il y a 14 ans. Il y avait 106 Canadiens qui détenaient des actifs de 100 millions de dollars dans une banque au Liechtenstein.
Depuis ce temps, l’Agence du revenu a travaillé très fort dans ce dossier, et elle a établi les sommes dues. Elle a perçu une très petite partie de ces sommes, et personne n’a été accusé ou condamné. Selon le vérificateur général, l’Agence du revenu s’est justifiée en disant qu’elle ne savait pas comment les choses fonctionnaient, et que cette affaire leur avait permis de l’apprendre. Or, ce n’est pas du tout le cas, car, après la situation au Liechtenstein, il y a eu un cas en Suisse impliquant quelque 900 Canadiens, et il y a eu les Paradise Papers et les Panama Papers, que j’ai mentionnés. Ce genre de situation se reproduit constamment. Le gouvernement a donné 1 milliard de dollars à l’Agence du revenu pour l’aider. Nous apprenons que cet argent sert à la réorganisation ainsi qu’au financement des augmentations salariales régulières. Il n’est pas investi là où on en a besoin.
Plus les choses empireront, plus il sera difficile de croire que nous sommes réellement tous dans le même bateau. Je vous demande donc, madame la vice-première ministre et ministre des Finances, d’utiliser les pouvoirs que vous confère votre haut poste pour aider à résoudre les problèmes qui perdurent, et ainsi donner l’assurance aux Canadiens que nous sommes vraiment tous dans le même bateau. Merci, madame la ministre.
Mme Freeland : Je prends bien note de vos demandes, monsieur le sénateur, et je suis d’accord avec vous. Si je peux me permettre, j’aimerais faire valoir quelques points pour défendre l’Agence du revenu du Canada.
Honorables sénateurs, si vous soutenez ces mesures, c’est à hauteur de 90 millions de dollars que vous appuierez les centres d’appels de l’Agence du revenu du Canada, qui sont cruciaux parce c’est à eux que revient la part du lion dans la prestation des soutiens à l’heure actuelle. De plus, 61 $ millions de dollars de financement supplémentaire seront accordés à l’Agence du revenu du Canada pour ses autres travaux liés à la COVID-19.
La ministre Qualtrough nous a déjà dit que la crise a exposé des lacunes qui existent dans nos systèmes depuis longtemps, notamment notre incapacité de venir en aide aux personnes handicapées. Je pense que la crise a aussi montré au gouvernement à quel point les systèmes de l’Agence du revenu du Canada sont robustes et peuvent rapidement fournir de l’aide aux Canadiens. J’aimerais remercier l’agence et ses employés de la vitesse à laquelle ils ont travaillé au printemps en vue d’offrir du soutien aux gens qui en avaient vraiment besoin. Cela dit, votre point demeure valide, et je suis d’accord avec vous. Nous devons faire mieux.
Le sénateur Downe : Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit au sujet de l’Agence du revenu du Canada. J’estime depuis toujours qu’elle fait un excellent travail en ce qui concerne les impôts nationaux, mais un problème se pose avec le recouvrement des impôts à l’étranger. J’espère que vous vous pencherez sur cette question. Merci.
La présidente : La sénatrice Bovey et le sénateur Munson se partageront le temps de parole.
La sénatrice Bovey : Mesdames les ministres, bienvenue. Il est merveilleux de vous voir ici et d’être ici avec vous. Comme vous le savez, malgré les effets dévastateurs de la COVID-19 sur les arts, les artistes au pays nous ont tous aidés à supporter ces temps difficiles. Ils sont très reconnaissants de l’aide que leur procurent la subvention salariale et la Prestation canadienne d’urgence, mais savent, comme nous, qu’il faudra du temps, des années peut-être, avant de s’en remettre. Dans certaines disciplines, compte tenu des départs et des difficultés au chapitre de la formation, c’est une génération entière d’artistes qui sera perdue.
Le maintien de la subvention salariale et la création des prestations de relance économique constituent une bouée de sauvetage dont ont grandement besoin les artistes, les travailleurs du milieu artistique, les détenteurs de petits boulots, les artistes indépendants et les organismes artistiques. Cependant, comme me disait un administrateur d’activités artistiques hier, les arts sont au bord du gouffre. Le problème, c’est l’admissibilité. Le calcul des pertes de revenu par rapport à l’an dernier était clair. Toutefois, maintenant, les gens doivent faire un autre calcul de leurs pertes de revenu. C’est impossible. Ils ont atteint le fond du baril. Ils ne vendent pas de billets. Ils ont perdu l’aide aux entreprises. Les dons dont ils dépendaient ont diminué. Les activités de financement sont toutes annulées. Pendant ce temps, leurs frais généraux augmentent.
Les gens du secteur m’ont bien fait comprendre qu’il est essentiel que la subvention salariale demeure à 75 %. Ma question est la suivante : est-ce que ce sera le cas? Pouvez-vous confirmer que le secteur sera consulté concernant l’établissement des critères d’admissibilité et que ces critères refléteront la réalité de leur situation?
Mme Freeland : Merci beaucoup sénatrice de votre question. Je suis entièrement d’accord avec vous quant au cœur de votre argument. La crise a touché différents secteurs de façon inégale. Mon père est producteur de canola et le coronavirus n’a pas tellement touché les producteurs de canola, du moins, pas dans la région de la rivière de Paix. C’est la même chose du côté de la foresterie. Le secteur manufacturier a connu une relance rapide et j’en félicite les fabricants du pays. Par contre, d’autres secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie et le secteur culturel ont été touchés plus durement. Je crois qu’il est maintenant temps de trouver des façons plus ciblées d’intervenir auprès des secteurs les plus durement touchés.
En ce qui concerne la subvention salariale dans le secteur culturel, nous avons annoncé dans le discours du Trône, comme vous le savez sans doute, que la subvention salariale sera prolongée jusqu’à l’été prochain. C’est donc dire que le retrait qui était prévu doit être revu. Il faut trouver une façon de calibrer ce programme, puisqu’il restera en place plus longtemps que prévu. Nous y travaillons fort. Il s’agit d’un programme vaste et compliqué et nous voulons trouver des façons de cibler les mesures de soutien plus efficacement. Je ne peux donc pas vous donner de détails sur la façon dont nous nous y prendrons, mais vous avez très clairement présenter votre point et nous en prenons bonne note.
(1600)
Je peux vous promettre que nous consulterons évidemment le secteur culturel et d’autres secteurs dans l’accomplissement de cette tâche. Je vous invite à vous référer à l’annexe que vous avez devant vous, pour laquelle nous demandons votre appui. Deux des éléments de cette annexe concernent spécifiquement le secteur culturel : 17 millions de dollars pour soutenir les organismes patrimoniaux culturels et les organisations sportives, et 50 millions de dollars pour l’industrie audiovisuelle, qui a notamment de la difficulté à obtenir les polices d’assurance dont elle a besoin pour fonctionner.
La sénatrice Bovey : Je vais laisser le reste de mon temps de parole à mon collègue, mais je tiens à vous rappeler que certains de nos grands artistes ont perdu des occasions d’avancement professionnel et que le Canada a perdu une importante présence sur la scène internationale à cause de l’intransigeance de certains de nos organismes.
Le sénateur Munson : Madame la ministre des Finances, sur le plan de la collégialité, le Parlement a plutôt bien fonctionné de 1972 à 1974. J’en ai déjà parlé, il y a bien longtemps. De bonnes prestations sociales ont été instaurées à cette époque grâce au bon sens.
Le projet de loi C-4 me plaît et l’idée des prestations pour les travailleurs sans emploi ou sous-employés me plaît. Je l’appuie pleinement. J’aime le ton du discours du Trône.
Ma question s’adresse à la ministre Qualtrough. La situation des personnes qui ne pourront jamais avoir un emploi ou ont de la difficulté à en trouver un continue de m’inquiéter. Je parle des personnes autistes ou ayant une déficience intellectuelle. Il y aurait de 70 à 80 % d’entre elles qui ne pourraient trouver du travail.
Madame la ministre Qualtrough, vous savez que le sommet de l’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique aura lieu la semaine prochaine. Dans le discours du Trône, il est question d’une prestation pour les personnes en situation de handicap et d’un plan pour l’inclusion des personnes handicapées — tout y est. À mes yeux, cela comprend une stratégie nationale pour l’autisme.
Il ne me reste plus que 10 mois environ ici, si je compte chaque jour. Je ne veux pas partir, car j’aime cet endroit. J’aimerais savoir, madame la ministre, si vous et la ministre de la Santé, la ministre Hajdu, envisagez toujours l’adoption d’une stratégie nationale sur l’autisme.
Mme Qualtrough : Tout à fait, honorable sénateur. Absolument. J’ignore dans quelle mesure vous voulez que j’entre dans les détails, mais je serais heureuse de prendre un café avec vous et de vous expliquer la façon dont nous voyons la stratégie. Je puis assurer à tous les sénateurs que la stratégie sur l’autisme est un dossier que la ministre de la Santé et moi-même mettrons au premier plan. C’est un élément de nos lettres de mandat respectives. Si la COVID ne nous avait pas accaparées à ce point, l’élaboration de la stratégie serait plus avancée, car celle-ci est d’une importance capitale.
Le sénateur Munson : C’est la meilleure nouvelle de la journée. Entendre de bonnes nouvelles et constater une détermination à aller de l’avant a de quoi nous mettre le sourire aux lèvres.
Un autre sénateur a déjà abordé la question, mais j’ai vraiment besoin de précisions au sujet d’un volet du plan pour l’inclusion des personnes handicapées. Il me semble qu’hier à peine, nous reconnaissions au moyen du projet de loi C-20 les lacunes dans l’administration par l’Agence du revenu du Canada du crédit d’impôt pour personnes handicapées. Le Sénat a mené des études, sous la direction de la sénatrice Chantal Petitclerc, relativement à ces lacunes, à l’admissibilité au crédit d’impôt et à un mode de versement de ce montant de 600 $ qui, selon vos dires, sera distribué ce mois-ci.
Dans quelle mesure le plan pour l’inclusion des personnes handicapées viendra-t-il réformer le crédit d’impôt pour personnes handicapées?
Mme Qualtrough : Merci de la question, sénateur. Là encore, je ne veux pas trop m’éterniser sur le sujet, mais Dieu sait que je pourrais.
Le sénateur Munson : Vous le pouvez.
Mme Qualtrough : Dans le discours du Trône, nous avons annoncé trois éléments prévus du plan pour l’inclusion des personnes handicapées. À mon avis, c’était une journée historique pour le mouvement des personnes handicapées au Canada. Le premier élément est une prestation pour les personnes en situation de handicap, qui, à l’instar du Supplément de revenu garanti, sera un supplément de revenu mensuel pour les Canadiens handicapés en âge de travailler.
Le deuxième élément est une stratégie nationale d’emploi qui ciblera les Canadiens en situation de handicap, car nous reconnaissons qu’il s’agit du principal obstacle à l’inclusion que ces gens doivent surmonter ainsi que le premier motif de plainte pour discrimination devant la Commission canadienne des droits de la personne.
Le troisième élément, même s’il est plutôt ennuyeux et technique, est une refonte complète de la façon dont le gouvernement du Canada détermine l’admissibilité aux programmes et aux services qui visent les personnes en situation de handicap. Je parle de retirer les critères d’admissibilité du régime fiscal. Je parle aussi d’une compréhension moderne et fonctionnelle du handicap. Cette refonte s’imposait depuis longtemps et elle nécessitera beaucoup de travail, mais elle changera totalement la façon dont le gouvernement voit les personnes handicapées.
Le sénateur Munson : Je vous remercie beaucoup de votre réponse. Je cède la parole à la sénatrice Bovey pour les deux minutes qui restent.
La sénatrice Bovey : Madame la ministre, je vais revenir aux arts, ce qui n’est pas surprenant. Nous savons qu’il y a eu des mises à pied massives dans le secteur des arts et de la culture, et ce, malgré les mesures vraiment formidables prises par le gouvernement, le Conseil des arts du Canada et Patrimoine Canada, dont je salue la souplesse.
Toutefois, beaucoup de ces mises à pied ne sont plus temporaires. Je suis bouleversée par le nombre de jeunes personnes — plus jeunes que moi — qui ont travaillé dans un domaine pendant 15, 20 ou 25 ans et qui sont maintenant au chômage indéfiniment. Étant donné la prolongation de la subvention salariale, je me demande si ces personnes peuvent être réembauchées par les organismes qui ont dû les mettre à pied, parce qu’ils craignaient de ne plus recevoir la subvention. Seraient-elles alors admissibles à la subvention salariale si l’organisme les réembauchait?
Mme Freeland : Oui, absolument. La subvention salariale a été prolongée cet été en partie pour rassurer les organismes et les entreprises.
J’espère, sénatrice, que ces organismes feront exactement ce que vous proposez, en embauchant de nouveau ces personnes, sachant que nous allons vaincre le virus et qu’ils recevront le soutien nécessaire pour garder ces employés durant la période de transition.
La sénatrice Bovey : Ils disent qu’ils craignent de le faire.
Mme Freeland : Dites-leur qu’il n’y a pas de danger, puisque la subvention salariale sera en place jusqu’à l’été.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à la ministre des Finances et porte sur le montant du déficit.
Il y a quelques jours, le directeur parlementaire du budget a présenté un rapport qui prévoyait un déficit s’élevant à 328 milliards de dollars, et ce, avant les annonces qui ont été faites lors du discours du Trône.
Le ministre Morneau, quant à lui, parlait plutôt de 343 milliards de dollars, alors que plusieurs experts nous disent que, selon les calculs qu’ils ont effectués après avoir évalué les projets de loi annoncés dans le discours du Trône, le montant du déficit varie entre 416 et 443 milliards, selon les experts.
Ma question est la suivante. Quel sera le déficit du Canada pour 2020-2021, compte tenu des projets de loi annoncés dans le discours du Trône?
Mme Freeland : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. Vous avez très bien résumé ce qu’a affirmé le ministre Morneau lors de la mise à jour économique de juillet dernier, ainsi que les nouvelles projections qu’a faites le directeur parlementaire du budget cette semaine. Pour nous, il s’agit de chiffres importants et utiles.
En ce qui concerne les nouvelles projections du gouvernement, nous avons promis dans le discours du Trône de publier à l’automne une mise à jour du Plan d’intervention économique du Canada contre la COVID-19. Cette mise à jour décrira la situation économique et financière du gouvernement, fournira des projections financières et établira de nouvelles mesures de mise en œuvre du discours du Trône.
Je ne ferai pas de projections aujourd’hui, car, comme vous le savez, la situation est très fluide à cause de la deuxième vague de la COVID-19 et en raison des décisions que prennent les provinces — surtout le Québec et l’Ontario — dans le but d’aplanir la courbe du coronavirus. Ces décisions auront assurément un effet.
Je ne ferai pas de projections aujourd’hui, mais nous avons promis dans le discours du Trône de faire une mise à jour économique.
Le sénateur Carignan : Sauf que c’est maintenant que nous tentons d’adopter des dispositions législatives qui engagent des dépenses. En tenant compte des mesures annoncées jusqu’à maintenant, de combien de milliards de dollars parle-t-on?
(1610)
Mme Freeland : Je peux vous préciser de combien on parlait avec les mesures que nous proposons aujourd’hui. Avec les nouveaux programmes que la ministre Qualtrough propose, cela coûtera 24 milliards de dollars. Les changements ayant trait à l’assurance-emploi coûteront 10,2 milliards de dollars et, selon l’échéancier inclus dans le projet de loi, toutes les mesures qui y sont énumérées coûteront 17 milliards de dollars.
Le sénateur Carignan : Donc, environ 51 milliards de dollars de plus pour les mesures actuelles. Si je les additionne à ce que votre ex-collègue le ministre Morneau a présenté en juillet, quand il évoquait une somme de 343 milliards de dollars, on peut donc parler d’un déficit d’environ 400 milliards de dollars pour cette année?
Mme Freeland : Je dois préciser quelque chose : pour les mesures dont nous parlons aujourd’hui, les mesures que nous vous prions d’adopter, on parle de 41 milliards de dollars. J’ai ajouté un montant de 10,2 milliards de dollars que coûteront les changements relatifs à l’assurance-emploi, selon nous, pour faire preuve d’ouverture et de transparence, mais ce montant n’est pas inclus dans le projet de loi C-4, sur lequel vous allez voter aujourd’hui.
Le sénateur Carignan : Donc, grosso modo, il s’agit de 50 milliards de dollars qui s’ajoutent au montant de M. Morneau, celui de 343 milliards de dollars?
Mme Freeland : Comme je l’ai dit, pour aujourd’hui, on parle de 41 milliards de dollars et je répète que je ne ferai pas de projections sur le déficit aujourd’hui. Cela ne serait pas prudent. Je suis ministre des Finances, et je sais que toutes les paroles que je prononce ont un effet sur le marché pour le Canada.
Le sénateur Carignan : Il est fermé à cette heure-ci, il n’y a aucune crainte.
Mme Freeland : Comprenez-moi bien, je veux être très précise et exacte.
Le sénateur Carignan : Je comprends, mais le ministre Morneau a fait des projections en juillet, et il nous parlait alors de 343 milliards de dollars. Le directeur parlementaire du budget parle de 328 milliards de dollars. Cependant, avec les mesures supplémentaires que vous annoncez, on parle d’environ 400 milliards de dollars. J’imagine que vous avez parlé avec le ministre Morneau après son départ. Est-ce qu’il vous a laissé une note sur son bureau pour vous demander de dire au premier ministre de se calmer, parce que nous allons dépasser les 400 milliards de dollars? Avez-vous eu des discussions avec lui à ce sujet?
Mme Freeland : Le ministre Morneau était un excellent collègue et j’ai parlé souvent, enfin je parle souvent avec lui, notamment au cours des dernières semaines. Cependant, vous posez une question importante pour les Canadiens, une question qui me préoccupe beaucoup et qui est liée à la situation fiscale de notre pays. Peut-être puis-je vous rassurer quelque peu en citant l’agence de notation DBRS Morningstar, qui a réaffirmé que notre cote de crédit, la cote AAA, est l’une des meilleures de tous les pays du monde. Les Canadiens doivent comprendre que nous sommes des leaders.
Le sénateur Carignan : Parlons de lettre de mandat; la lettre de mandat de l’ancien ministre des Finances, Bill Morneau, établissait l’engagement de continuer à bâtir la confiance dans l’économie canadienne en conservant notre cote de crédit AAA. Y a-t-il la même chose dans votre lettre de mandat?
Mme Freeland : Le premier ministre est en train d’écrire les lettres de mandat pour tous les nouveaux ministres; nous verrons.
Le sénateur Carignan : On pourrait donc lui suggérer d’ajouter cela dans la lettre de mandat.
Mme Freeland : Je lui ferai part de votre suggestion. Si vous voulez, je peux citer ce que DBRS Morningstar a écrit au sujet de la situation fiscale. DBRS Morningstar considère la réponse budgétaire globale d’une manière positive, car la relance a été mise en œuvre au moment opportun. De plus, sa conception est temporaire et de taille suffisante, compte tenu de l’ampleur du choc.
Le sénateur Carignan : Il y avait un autre premier ministre libéral au Québec qui disait qu’il voulait avoir les deux mains sur le volant pour conduire tout le monde à bon port. On a l’impression que le premier ministre Trudeau a les mains sur le volant, mais le pied sur l’accélérateur, et que l’accélérateur est collé. On dirait qu’il a oublié qu’il y a une pédale de frein. Est-ce que le ministre Morneau, à titre de ministre des Finances, a tenté de lui dire qu’il y avait un frein qu’il pouvait utiliser de temps à autre? Allez-vous lui indiquer qu’il peut utiliser un frein et que mettre la pédale au plancher n’est pas nécessairement la meilleure méthode à privilégier pour que le Canada aille dans la bonne direction? Quand j’étais petit, je me promenais dans les autos-tamponneuses, je mettais la pédale au plancher et je fonçais partout. Ce n’était pas grave, mais lui est premier ministre du Canada.
Mme Freeland : Comme je l’ai déjà dit, j’ai grandi dans une ferme et mon père était producteur agricole. J’ai commencé à conduire une camionnette à 12 ans. Je comprends l’importance des freins et de l’accélérateur. On doit contrôler les deux pédales pour bien conduire. En ce qui concerne les dépenses, je voudrais dire trois choses, si je peux... Non, je ne peux pas?
La présidente : Peut-être plus tard.
[Traduction]
La sénatrice Boniface : Je souhaite la bienvenue aux ministres. Je suis ravie que vous soyez ici et que vous vous exprimiez sur ce projet de loi. Je vais poser des questions au nom du sénateur Sinclair, qui a dû s’absenter aujourd’hui.
La première question s’adresse à la vice-première ministre :
Madame la ministre, dans le discours du Trône, nous avons constaté un changement par rapport aux engagements pris par le gouvernement en 2019 de lever les avis d’ébullition d’eau à long terme dans les réserves d’ici 2021. Le nouveau passage ne mentionne pas d’échéancier précis.
Madame la ministre, il n’est pas exagéré d’affirmer que les peuples autochtones vivent depuis longtemps dans un état d’urgence dans ce pays: le gouvernement accorde moins d’importance à leur santé et leur bien-être et leurs droits juridiques sont bafoués. Nous constatons que le gouvernement a déployé rapidement beaucoup de ressources pour aider les non-Autochtones dont le bien-être était menacé par la COVID-19. Pourquoi ne fait-il pas preuve d’une semblable détermination lorsqu’il est question de protéger les droits fondamentaux des Autochtones?
Mme Freeland : Merci beaucoup pour la question. Je pense que tous les Canadiens comprennent qu’il est vraiment scandaleux que certains Canadiens n’aient pas accès à de l’eau potable dans leur collectivité. C’est pourquoi l’engagement de mettre fin aux avis de faire bouillir l’eau est très important pour le gouvernement et pour le Canada.
J’espère que les gens comprendront que la situation très particulière qui découle de la pandémie a créé des obstacles nous empêchant d’agir. Invoquer le coronavirus en soi comme obstacle reviendrait à se servir d’un très mauvais prétexte, mais il reste que la raison pour laquelle la pandémie nous a empêchés de prendre des mesures concernant les avis de faire bouillir l’eau est tout à fait valable. En effet, les dirigeants autochtones du Canada gèrent la crise du coronavirus avec brio et ils ont agi rapidement pour interdire aux gens qui n’habitent pas dans les réserves d’y entrer. Il est évident que ces mesures ont des répercussions sur les travaux dans les réserves et c’est regrettable, mais je suis d’avis que les mesures prises en tant que telles sont admirables et louables.
J’aimerais profiter de l’occasion pour souligner à l’intention de tout le pays que les dirigeants autochtones et les autres Autochtones de partout au Canada, surtout dans les réserves, ont été fantastiques dans leur gestion de la crise de la COVID-19. En fait, ils ont mieux géré la crise que les dirigeants non autochtones. On constate comme résultat que le coronavirus est maîtrisé de manière très efficace par les Autochtones qui prennent les mesures requises pour se protéger eux-mêmes au sein de leurs communautés.
(1620)
Ce n’est absolument pas inévitable. À titre de comparaison, on peut regarder ce qui se passe dans les réserves au Canada par rapport, par exemple, à la situation tragique de la nation Navajo.
Je suis d’accord avec vous à propos de l’avis de faire bouillir l’eau. Il faut agir. Cependant, j’estime que nous passons, à juste titre, beaucoup de temps à discuter des tragédies, de la discrimination et du racisme systémique à l’égard des Autochtones partout au Canada, et la tragédie survenue à Joliette cette semaine devrait nous inciter à le faire encore plus.
Je crois toutefois qu’il est tout aussi important de prendre un moment pour observer comment les chefs autochtones à l’échelle du pays ont été à la hauteur de la situation depuis le début de la crise. Ils ont toute mon admiration.
La sénatrice Boniface : Merci.
La deuxième question sera pour la ministre Qualtrough. Madame la ministre, cette question porte sur la situation financière de certaines personnes et familles autochtones. Ce projet de loi prévoit trois programmes de prestations de grande importance, soit la Prestation canadienne de relance économique, la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, et la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants.
Pour être admissible à ces prestations, les prestataires doivent avoir gagné, au cours d’une période de 12 mois, des revenus d’au minimum 5 000 $. Premièrement, pouvez-vous confirmer que les personnes autochtones dans les réserves peuvent être admissibles à ces prestations si elles ont touché au minimum ce montant exempt d’impôts? Deuxièmement, au moment de présenter une demande de prestations, comment les personnes dans cette situation pourront-elles avoir la garantie que le gouvernement considérera que ces prestations sont également exemptes d’impôts? Je pose cette question au nom du sénateur Sinclair.
Mme Qualtrough : Je vous remercie, sénatrice, des questions posées au nom du sénateur Sinclair.
Si je comprends bien votre première question, la réponse est oui. Je souhaite cependant confirmer ce point très important auprès d’Heather, notre gourou de la législation.
Heather Sheehy, sous-ministre adjointe déléguée, Emploi et Développement social Canada : Merci, sénatrice. La définition de « revenu » se trouve au paragraphe 8(3) du projet de loi C-4. Il s’agit du montant qui serait considéré comme le revenu net, à l’exception de la Prestation canadienne de relance économique, dans les formulaires de l’Agence du revenu du Canada. C’est la définition qui se trouve dans le projet de loi.
J’ai besoin de revenir à la Chambre avec les détails concernant le revenu des Autochtones vivant dans une réserve.
Mme Qualtrough : Dans sa forme actuelle, le projet de loi nous offre notamment la flexibilité d’apporter des modifications réglementaires afin d’élargir la définition du revenu. Par conséquent, si le projet de loi n’en fait pas mention, et peut-être qu’il le devrait, nous pouvons donc l’ajouter.
La sénatrice Boniface : Madame la ministre, le gouvernement du Canada communiquera-t-il avec les communautés autochtones d’une façon appropriée sur le plan culturel et linguistique de sorte que les individus et les familles reçoivent les renseignements dont ils ont besoin pour avoir accès à ces prestations? Pouvez-vous nous indiquer ce que l’on a prévu à cet égard?
Mme Qualtrough : Merci, sénatrice. Mon ministère a travaillé en étroite collaboration avec le ministre des Services aux Autochtones et son équipe pour veiller à ce que ces renseignements soient communiqués de manière appropriée et respectueuse. Je ne peux vous donner davantage de détails — peut-être qu’Heather est en mesure de le faire —, mais je peux certainement vous obtenir cette information.
La sénatrice Seidman : Nous vous remercions d’être ici, madame Freeland et madame Qualtrough. Je vous en sais gré.
Ma première question s’adresse à la ministre Freeland. Comme vous le savez, la COVID-19 a exposé de graves lacunes dans le soutien aux personnes âgées dans les établissements de soins de longue durée. Nous savons que c’est un problème répandu dans l’ensemble du Canada.
Au mois de mai, le premier ministre a dit que le gouvernement fédéral collaborerait avec les provinces pour veiller à ce que les établissements de soins de longue durée reçoivent un soutien adéquat, soit par l’entremise de nouvelles normes nationales ou de financement supplémentaire. Le premier ministre a aussi affirmé que c’était nécessaire d’avoir des discussions au sujet du traitement des personnes âgées au Canada et que ces discussions auraient lieu en temps voulu.
Madame la ministre, c’est une situation urgente, je suis persuadée que vous le savez. Plus de 80 % des décès liés à la COVID-19 au Canada sont survenus dans des établissements de soins de longue durée, un taux deux fois plus élevé que la moyenne de l’OCDE.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quand le premier ministre jugera que le moment est venu d’avoir ces conversations? De plus, quels mécanismes le gouvernement fédéral a-t-il mis en place pour faire le suivi des éclosions et des décès liés au virus dans les établissements de soins de longue durée?
Mme Freeland : Merci de cette question très importante.
Je suis d’accord avec vous, et j’oserais dire qu’il est généralement admis que l’une des choses que le coronavirus a exposées, c’est la négligence envers les aînés. Je n’ai pas honte d’avouer que j’ai pleuré lorsque j’ai lu le rapport des Forces armées canadiennes. C’était terrible. J’ai téléphoné à mon père et je lui ai dit que je prendrais soin de lui.
Cette situation ne peut donc plus durer. C’est compliqué, car je crois que tous les gens ici présents savent que c’est un domaine qui relève du gouvernement provincial, mais je sais que les provinces, les premiers ministres, partagent aussi cette angoisse. Ils sont bien prêts à travailler avec nous, comme nous avec eux, pour que cette situation ne se reproduise pas.
Dans le discours du Trône, nous avons pris l’engagement d’établir des normes nationales pour les centres de soins de longue durée, et nous croyons que c’est nécessaire. Dans le cadre de l’accord sur la relance sécuritaire conclu avec les provinces, le gouvernement fédéral a convenu de donner 19 milliards de dollars aux provinces pour assurer leur relance après le printemps. Cela comprend un investissement de 13 milliards de dollars pour les soins de santé, les efforts liés à la lutte contre le coronavirus, l’équipement de protection individuelle, le dépistage, le suivi et le financement du système de santé. Cela fait donc également partie du soutien offert.
Comme vous le savez très bien, les Forces armées canadiennes ont offert du soutien pendant la crise. Je pense que nous devons tous leur en être reconnaissants. Je pense que l’aide que nous avons offerte dans le cadre du discours du Trône pour les travailleurs de soutien est également un élément très important. Il est essentiel de rémunérer ceux qui prennent bien soin des aînés, de bien les former et de veiller à ce qu’ils n’aient pas à occuper trois emplois différents pour subvenir à leurs besoins, car cela augmente les risques.
Je conviens que vous avez cerné un problème important. Je ne vais pas promettre de trouver une solution dès demain, car ce ne serait ni vrai ni crédible. Cependant, je crois qu’il y a énormément de bonne volonté collective au Canada pour travailler là-dessus, et c’est ce que nous faisons également.
La sénatrice Seidman : Combien de temps me reste-t-il?
La présidente : Il vous reste une minute et quart.
La sénatrice Seidman : Bon. Merci.
Si vous me le permettez, je vais poser la deuxième partie de ma question et madame la ministre pourra y répondre si elle le peut. Quels sont les mécanismes en place à l’échelle fédérale pour faire le suivi des cas et des décès dans les établissements de soins de longue durée?
Mme Freeland : Je dirais que nos échanges de données avec les provinces sont de plus en plus efficaces. Il s’agit d’un travail que les provinces effectuent directement. Cependant, le partage de renseignements se fait certainement de façon beaucoup plus efficace qu’au début de la crise. Je reçois certainement des rapports à ce sujet, tout comme d’autres gens du gouvernement.
Un autre facteur important est le travail effectué par la Croix-Rouge dans les établissements de soins de longue durée, qui nous donne une idée plus précise de ce qui se passe.
Je ne dirai pas que le suivi est parfait, mais il est bien meilleur qu’au début. Je pense que le partage de renseignements entre nous tous s’améliore parce que nous avons appris qu’il facilite la réponse.
La sénatrice Martin : Je remercie les deux ministres d’être avec nous aujourd’hui. Avant que je pose ma première question à la ministre Freeland, vous avez mentionné que le secteur forestier faisait partie des secteurs qui ont commencé à se rétablir. J’ai écouté très attentivement le discours du Trône, et moi qui viens de la Colombie-Britannique, j’ai remarqué que l’industrie forestière en était presque totalement absente. Certes, le gouvernement a promis de planter des arbres pour lutter contre les changements climatiques. Je sais toutefois que nous avons perdu 6 000 emplois pendant le deuxième trimestre. Je tiens à dire, au nom des Britanno-Colombiens et des autres personnes touchées par cette situation, que c’est le genre de statistiques qui retient mon attention.
Je m’inquiète aussi pour les petites entreprises. Je sais que vous appréciez ce que font les Canadiens mais, d’après ce que je comprends, les petites entreprises qui utilisent un compte bancaire personnel, particulièrement les petites entreprises familiales, n’ont pas accès aux prêts de 40 000 $ prévus par le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes.
La ministre Ng a annoncé que vous travailliez aussi vite que possible, puis il ne s’est rien passé de tout l’été. Je crois que ces prêts ne sont pas encore disponibles. Je vous en parle au nom de ces très petites entreprises tenues par des familles travaillantes, pour lesquelles une journée peut faire toute la différence. Elles attendent depuis des mois. Pourriez-vous nous dire quand les entreprises qui utilisent un compte bancaire personnel pourront demander le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes?
(1630)
Mme Freeland : Un bref mot sur le secteur forestier, pour commencer, parce qu’en raison des négociations sur le bois d’œuvre auxquelles j’ai pris part à l’époque où j’étais ministre du Commerce international, il s’agit d’un dossier qui m’a tenue très occupée et qui me tient à cœur. Ce n’est pas moi qui vous apprendrai, madame la sénatrice, que le prix du bois d’œuvre n’a jamais été aussi élévé que maintenant. Comme nous n’avons pas réussi à convenir de quotas pour les ventes de bois canadien aux États-Unis, le secteur forestier du Canada peut profiter de ces prix records. J’admire tous les gens exceptionnels qui travaillent dans le secteur du bois d’œuvre canadien et je leur suis reconnaissante.
C’était pour le secteur forestier. Il y a d’autres facteurs qui jouent sur l’offre, comme les insectes, mais le secteur forestier se porte très bien en général. Les prix sont tout simplement extraordinaires, et je suis ravie que l’on puisse en écouler autant sur le marché américain.
Pour ce qui est des petites entreprises et du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, j’ai deux choses à vous répondre. La ministre Ng et moi sommes conscientes du problème que vous décrivez. Les petites entreprises ont eu beaucoup de mal à obtenir des prêts au moyen de leurs comptes personnels, mais nous entendons remédier à la situation. Nous sommes en discussion avec les institutions financières concernées.
Je suis d’accord avec vous. Chaque jour est plus difficile que le précédent pour les petites entreprises, mais vous pourrez faire le message à tous les chefs de petite entreprise du pays : nous nous occupons d’eux et nous sommes déterminés à trouver une solution.
Je dirais également, comme cela a été mentionné dans le discours du Trône, que nous sommes déterminés à améliorer le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. La crise se poursuit. Nous sommes entrées dans une deuxième vague. Nos petites entreprises ont besoin de soutien pour traverser cette nouvelle vague, et nous aurons d’autres choses à annoncer à ce sujet.
La sénatrice Martin : Merci, madame la ministre.
Madame la ministre Qualtrough, voilà depuis le 3 juillet que votre gouvernement a annoncé l’annulation de ses contrats avec la société de portefeuille immobilière de l’organisme UNIS, une société fictive chargée d’administrer des centaines de millions de dollars provenant de l’argent des contribuables par le biais de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. La dernière mise à jour sur les dépenses d’urgence que votre gouvernement a fournie avant de fermer le Parlement a indiqué que, suite à la résiliation de l’accord de prestation avec l’organisme UNIS, Emploi et Développement social Canada envisage d’autres mécanismes de prestation de services.
Je suis curieuse de savoir quels sont ces autres mécanismes de prestation, s’ils ont déjà été déterminés. S’ils ne l’ont pas été, pourquoi? Quel est le plan?
Mme Qualtrough : Je vous remercie, sénatrice, pour cette importante question.
Le gouvernement a pris la décision de ne pas donner suite au programme de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Comme il a été annoncé dans le discours du Trône, nous allons investir des sommes importantes dans la Stratégie emploi et compétences jeunesse, afin de continuer à investir dans nos jeunes. Je vous rappelle que nous avions mis en place un programme de 9 milliards de dollars pour la jeunesse dans le cadre de notre réponse d’urgence. Il s’agit d’une part considérable de ce montant, soit 1 milliard de dollars.
La présidente : Le temps de parole est écoulé. Nous passons à la prochaine période de 10 minutes.
[Français]
La sénatrice Moncion : Mesdames, merci d’être parmi nous.
Il y a un montant de 1,5 milliard de dollars qui pourrait être octroyé aux provinces afin d’appuyer les programmes de formation professionnelle permettant de faciliter la reprise économique. Quelles conditions le gouvernement fédéral imposera-t-il quant à l’utilisation de ces fonds? Quelle reddition de comptes sera exigée? A-t-on prévu un quota pour que les fonds soient octroyés à des institutions francophones?
Mme Qualtrough : Je vous remercie de la question. On a décidé d’utiliser les contrats qui existent déjà avec les provinces et les territoires, soit les ententes sur le développement de la main-d’œuvre et les ententes sur le développement du marché du travail.
Chaque fois que j’ai des réunions avec les autres ministères de l’Emploi partout au pays, on réclame plus d’argent pour la formation. Nous comprenons tous que la formation sera un pilier dans tous nos efforts visant à relancer l’économie.
La distribution de ce montant de 1,5 milliard de dollars sera effectuée grâce à un formulaire déjà établi dans ces contrats avec les provinces et les territoires. C’était le mécanisme qui permettait de donner rapidement cet argent aux provinces et aux territoires. Les critères de ces contrats ne changeront pas, mais cela permettra de donner plus d’argent pour augmenter les efforts de formation.
Je n’ai pas la réponse à votre question sur la formation en français, mais je pourrais vous revenir à ce sujet plus tard.
La sénatrice Moncion : Merci. Je poserai ma deuxième question en anglais. C’est une question complémentaire qui fait suite à la question de la sénatrice Miville-Dechêne.
[Traduction]
Vous avez parlé du fait que le test est subjectif. Comment ferez-vous pour que les interprétations racistes, sexistes et capacitistes qui ont été révélées pendant la pandémie dans les systèmes de la santé, de l’éducation, de l’économie et de la justice ne fassent pas en sorte que trop de personnes continuent à être exclues ou considérées comme non méritantes?
Mme Qualtrough : C’est une question extrêmement importante. Nous avons appliqué l’ACS+ à toutes nos mesures d’urgence liées à la COVID. Nous avons fait une ACS+. Nous avons aussi examiné l’ensemble de nos mesures en pensant à l’inclusion des personnes handicapées.
Le mieux que je puisse vous dire, c’est que nous sommes très sensibles à ces questions et que nos systèmes sont devenus beaucoup plus efficaces pour mener ces analyses. Oui, le caractère raisonnable est un critère subjectif. Il nous revient donc, dans l’évaluation de ce critère, de continuer à faire preuve de la même rigueur dans notre analyse.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma prochaine question concerne le montant de 1,7 milliard de dollars qui est prévu pour les entreprises. Comment les fonds versés grâce à ces programmes parviendront-ils à rejoindre les entreprises qui n’étaient pas admissibles au programme existant, particulièrement les petites entreprises et les coopératives?
Mme Freeland : Parlez-vous du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes? De quel programme?
[Traduction]
La sénatrice Moncion : Je parle des 1,7 milliard de dollars qui sont prévus dans le projet de loi C-4 pour soutenir les entreprises. Comment ces fonds seront-ils distribués?
[Français]
Mme Freeland : Cela dépend de quelle ligne vous parlez.
[Traduction]
Parlez-vous de l’autre soutien pour les entreprises?
[Français]
Parlez-vous de la somme de 74 millions de dollars?
[Traduction]
La sénatrice Moncion : Peu importe le montant, comment l’argent sera-t-il distribué aux entreprises ou...
Mme Freeland : Tout dépend du programme. Il y en a toute une série. Si vous parlez du soutien de 74 millions de dollars pour les entreprises qui n’ont pas accès aux autres mesures d’urgence, il est indiqué qu’une partie de l’argent transite par les agences de développement régional. Nous avons constaté que ces agences sont très utiles pour remettre l’argent à certaines des entreprises qui, pour toutes sortes de raison, ne sont pas admissibles aux autres programmes. C’est donc une partie du mécanisme.
Il y a aussi le Réseau de développement des collectivités du Canada, Futurpreneur Canada et le Programme d’aide à l’innovation.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup, mesdames les ministres, d’être parmi nous aujourd’hui.
[Traduction]
Mes questions s’adressent à la ministre Qualtrough. Je n’ai surpris personne en posant des questions et en formulant des préoccupations concernant les personnes handicapées. Il n’est pas non plus surprenant que le sénateur Munson ait déjà posé ces questions, alors je vous en remercie, sénateur. Merci, madame la ministre, des engagements que vous avez pris et des réponses que vous avez fournies. J’attends avec impatience que cela se concrétise.
J’ai une question au nom de ma collègue la sénatrice Frances Lankin, de l’Ontario.
(1640)
Voici la question :
Madame la ministre, la partie 2 du projet de loi C-4 modifie le Code canadien du travail afin de modifier les raisons pour lesquelles l’employé peut prendre le congé lié à la COVID-19. Cependant, pour être protégé tel qu’il est prévu dans cette partie du Code canadien du travail, un travailleur doit avoir le statut d’employé. Les travailleurs à la demande et d’autres entrepreneurs indépendants ne sont pas officiellement reconnus comme des employés et ils ne sont donc pas protégés à ce titre.
La ministre du Travail a apporté des modifications afin de traiter des questions concernant l’économie à la demande et la façon dont les gens qui y travaillent sont protégés par le Code canadien du travail. Le discours du Trône a d’ailleurs parlé de ceux qui travaillent dans l’économie à la demande.
Dans le cadre du projet de loi, qu’est-ce qu’un employé? Les travailleurs de l’économie à la demande, généralement définis comme des entrepreneurs, auront-ils droit à ces congés ou en seront-ils exclus? Le gouvernement a-t-il mis en place d’autres mécanismes ou programmes pour les travailleurs de l’économie à la demande?
Mme Qualtrough : Excellente question. Merci.
Nous savons tous que la pandémie de COVID-19 a mis en lumière les lacunes du régime d’assurance-emploi et de la façon dont nous fournissons de l’aide aux travailleurs qui, pour une période donnée, connaissent une perte de revenu. Les travailleurs à la demande en sont un exemple manifeste. La définition de « travailleur à la demande » et la question à savoir si un tel travailleur devrait être inclus dans la notion d’employé au sens de la loi soulèvent un grand débat en ce moment. Si ça se dandine comme un canard, que ça cancane comme un canard et que ça ressemble à un canard, c’est un canard, quoi qu’on en dise. Cette discussion se poursuit. Cela dit, les travailleurs à la demande ont absolument accès aux prestations de relance économique. D’ailleurs, c’est en grande partie dans le but de les inclure que nous avions séparé la Prestation canadienne d’urgence du régime d’assurance-emploi au départ. Nous voulions que tout le monde soit inclus. Ces travailleurs demeureront admissibles à la Prestation canadienne de relance économique.
En ce qui a trait aux mesures de protection prévues dans le Code canadien du travail, d’après ce que je comprends, comme les travailleurs à la demande ne sont pas considérés comme des employés, leur emploi ne sera pas protégé s’ils se prévalent de ces congés. Nous y travaillons. Comme vous l’avez dit, la ministre du Travail s’emploie activement à moderniser la définition d’« employé » de sorte qu’elle reflète la manière dont les gens travaillent. Cela dit, les travailleurs à la demande ont absolument accès aux trois prestations de relance économique.
La sénatrice Wallin : Ma première question s’adresse à la ministre Freeland. Au moyen du projet de loi C-13, le gouvernement s’est donné le pouvoir de dépenser sans surveillance et sans avoir à obtenir l’approbation du Parlement pour tout ce qui concerne la pandémie en cours. Les Canadiens ont pu constater où ce manque de supervision et de transparence nous a menés. Il y a eu des cas de fraude concernant la PCU. De nombreuses personnes n’ont pas pu avoir accès aux fonds dont ils avaient désespérément besoin parce que personne ne pouvait défendre leurs intérêts au Parlement et, évidemment, il y a eu le scandale UNIS, comme quelqu’un l’a déjà mentionné.
Dans le projet de loi qui nous occupe, vous semblez demander une modification de la loi afin de seulement permettre les dépenses concernant les nouvelles prestations : la Prestation canadienne de relance économique, la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Doit-on comprendre que le gouvernement renonce au droit de dépenser sans surveillance que lui accorde le projet de loi C-13? S’agit-il d’un oubli ou avez-vous conservé ce droit de dépenser sans surveillance au moyen de mandats et d’autres mécanismes?
Mme Freeland : Nous avons produit un libellé très clair dans le projet de loi C-4 afin que les sénateurs et les députés sachent exactement quels pouvoirs nous demandons, c’est ce que je peux vous dire. La Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national nous donne le pouvoir d’effectuer des paiements à partir des fonds du Trésor pour les mesures et les montants inscrits à la liste détaillée de l’annexe du projet de loi C-4 et ce pouvoir comporte une date d’échéance, le 31 décembre. L’approbation du Parlement devrait être obtenue pour toute augmentation des montants prévus ou pour la prolongation de ces pouvoirs au-delà du 31 décembre.
Le projet de loi C-4 ne concerne que les dépenses urgentes pour les trois prochains mois. Il n’a aucune incidence sur le processus habituel des affectations de crédits.
La sénatrice Wallin : Donc, seulement pour les prestations qui sont présentées?
Mme Freeland : Oui. Nous avons élaboré l’annexe et les trois nouvelles prestations dont a parlé la ministre Qualtrough avec minutie.
La sénatrice Wallin : Ma deuxième question s’adresse à la ministre Qualtrough et porte sur les travailleurs autonomes qui ont peut-être déjà touché la Prestation canadienne d’urgence et ont peut-être travaillé un peu en plus dans les six derniers mois pour joindre les deux bouts. Je pense plus particulièrement aux travailleurs à temps partiel, aux travailleurs saisonniers, aux propriétaires d’une petite entreprise familiale — comme un couple qui exploite une petite entreprise ensemble —, aux coiffeurs, aux conducteurs Uber et aux personnes qui font de petits boulots. Les montants de la Prestation canadienne d’urgence qu’ils ont touchés vont-ils compter dans les 38 000 $ qu’ils ont le droit de gagner?
Ensuite, 500 $ par semaine donnent 26 000 $ par année. Par conséquent, comment en êtes-vous arrivés au chiffre de 38 000 $? Enfin, si on ne doit rembourser le montant gagné en plus qu’au taux de 50 ¢ par dollar, n’y a-t-il pas là pour certains un incitatif à profiter du système, à gagner plus de 38 000 $ et à rembourser 50 ¢ par dollar? Je ne parle pas des personnes dans le besoin, mais de celles qui profitent peut-être du système?
Mme Qualtrough : Je vous remercie, madame la sénatrice, de vos questions. Le montant de 38 000 $ a été calculé comme suit : vous prenez le revenu annuel moyen d’un travailleur indépendant, soit 24 000 $, et vous y ajoutez ensuite le montant maximal qu’une personne peut obtenir au moyen de la PCU, soit 14 000 $. C’est ainsi que nous avons obtenu la valeur de 38 000 $.
Nous aurions aimé disposer d’un modèle sophistiqué de vérification des demandes qui fonctionne bien, comme celui de l’assurance-emploi, qui nous permet de vérifier le revenu des gens toutes les deux semaines. Nous n’étions simplement pas en mesure de le faire de manière systématique et avons donc dû établir un revenu annuel de 38 000 $. Cela signifie essentiellement que si vous devez gagner plus de 51 000 $ pour que chaque dollar de la Prestation canadienne d’urgence soit récupéré, ce montant représente la somme de 38 000 $ et de 13 000 $. Cela se produira sur deux années d’imposition par la simple nature des 26 semaines et nous sommes à la fin de 2020. On s’attend à ce que les gens sachent le revenu qu’ils ont gagné et s’ils atteindront ou non le seuil, mais aussi à ce qu’ils décident — c’est par attestation que se fait la décision d’appliquer...
La présidente : Excusez-moi, madame la ministre. Sénateur Dalphond, vous disposez maintenant de cinq minutes.
Mme Qualtrough : Vous devez me poser des questions avant Mme Freeland.
Le sénateur Dalphond : Je crois comprendre, d’après la réponse à une question écrite que j’ai soumise au ministère au début de la semaine, que les coûts excédentaires nécessaires pour augmenter les prestations d’assurance-emploi au montant minimal de 500 $ sont d’environ 2,2 milliards de dollars.
Madame la ministre Freeland, je crois comprendre de votre réponse que, dans l’ensemble, vous estimez que les ajustements apportés au système d’assurance-emploi coûteront environ 10,2 milliards de dollars. Je crois aussi comprendre que le gouvernement s’est engagé à geler les cotisations des employeurs et des employés pour les deux prochaines années. Donc, les 10 milliards de dollars viendront-ils de l’excédent du Compte des opérations de l’assurance-emploi ou d’une subvention du gouvernement fédéral versée dans ce compte?
Mme Freeland : C’est une excellente question. Nous n’avons pas modifié le mode de financement de l’assurance-emploi. Pour ce qui est du gel des cotisations, j’espère que tout le monde conviendra que ce n’est pas le moment d’imposer des taxes supplémentaires aux employeurs, et surtout pas une taxe qui les découragerait d’embaucher de nouveaux employés. Voilà pourquoi nous avons annoncé le gel, mais nous n’avons pas changé la façon de fonctionner du système.
Le sénateur Dalphond : D’où viendront les 10 milliards de dollars?
Mme Freeland : L’assurance-emploi est une sorte de stabilisateur automatique, alors il est inévitable qu’elle coûte plus cher pendant les périodes de ralentissement économique et qu’elle coûte moins cher lorsque l’économie est forte, car moins de personnes en font la demande. C’est ce que nous vivons actuellement.
Le sénateur Dalphond : Il sera réparti dans le temps.
Mme Freeland : Le mode de financement du système d’assurance-emploi n’a pas changé.
(1650)
Le sénateur Dalphond : Je vois. Donc ce n’est pas comme aux États-Unis, où le Congrès américain a adopté un projet de loi spécial pour injecter des fonds dans le régime d’assurance-chômage pour aider les États à offrir du soutien aux travailleurs autonomes et aux personnes qui ont contracté la COVID-19, par exemple.
Mme Freeland : Vous avez tout à fait raison, sénateur, pour ce qui est des prestations versées par le régime d’assurance-emploi, le modèle de financement demeure complètement inchangé. Le financement supplémentaire servira à mettre sur pied les trois nouveaux programmes annoncés par la ministre Qualtrough, qui devraient coûter 24 milliards de dollars. Évidemment, nous avons accordé des sommes importantes aux provinces, à savoir 19 milliards de dollars pour l’Accord sur la relance sécuritaire et 2 milliards de dollars pour le Fonds pour une rentrée scolaire sécuritaire.
Le sénateur Dalphond : La Prestation canadienne d’urgence et d’autres programmes d’aide ont été accordés sans retenues à la source et, si je comprends bien, les prestations de ces trois nouveaux programmes seront assujetties à l’impôt. Pourquoi en est-il ainsi? Est-ce pour faciliter le remboursement, ou pour reproduire le modèle des prestations d’assurance-emploi?
Mme Qualtrough : Votre deuxième hypothèse est la bonne. Le gouvernement s’est inspiré du régime d’assurance-emploi et il a essayé d’être le plus équitable possible. C’est pourquoi, la semaine dernière, il a porté à 500 $ le montant minimum des prestations d’assurance-emploi. Comme les prestations d’assurance-emploi sont imposées à la source, il a jugé prudent de faire la même chose pour les nouveaux programmes. L’Agence du revenu du Canada retiendra 10 % de la somme de 500 $ versée chaque semaine aux Canadiens. Encore une fois, le système n’est pas assez perfectionné pour que l’on sache exactement à combien s’élève le salaire d’une personne au moment où elle présente sa demande ou pour calculer le montant total de la retenue à la source, mais il y en aura une.
Étant par ailleurs que les gens reçoivent des prestations depuis un bon moment déjà, nous voulions nous assurer qu’ils ne soient pas dans une situation encore plus précaire lors de la prochaine période des impôts et qu’ils ne se retrouvent pas avec une énorme facture fiscale parce que le gouvernement n’a pas fait de retenues à la source.
La présidente : Il vous reste 45 secondes.
Le sénateur Dalphond : Alors j’abandonne. Je vous remercie.
La présidente : Les 10 prochaines minutes seront partagées entre la sénatrice Bellemare et le sénateur Loffreda, qui disposeront chacun de 5 minutes.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je suis très heureuse de pouvoir vous poser des questions aujourd’hui. Merci à vous deux d’être ici. Je vais poursuivre dans le même ordre d’idées que le sénateur Dalphond. Sans nous être concertés, nous avions tous les deux le même genre de questions.
Il est clair, parce que cela ne se trouve pas dans le projet de loi C-4, que l’on prévoit que l’assurance-emploi conservera le même financement. Je vais creuser davantage. Pendant 50 ans, de 1941 à 1991, le gouvernement fédéral a été un partenaire financier important dans le contexte de l’assurance-emploi. Entre 1971 et 1991, le gouvernement fédéral prenait à son compte les dépenses de l’assurance-emploi quand le taux de chômage dépassait 4 %. Maintenant, ce sont les employeurs et les employés qui financent la totalité de l’assurance-emploi. Ce sont des contributions très régressives pour les travailleurs et notamment pour les petites entreprises. L’actuaire en chef nous a appris en août dernier que le compte de l’assurance-emploi, qui atteignait normalement 20 milliards de dollars environ, passerait à 60 milliards de dollars en 2020 en raison de ses dépenses anticipées, sans compter les 10,2 milliards de dollars qui s’y ajoutent.
Pensez-vous, puisque l’histoire l’a montré, que le gouvernement puisse être un partenaire financier important de l’assurance-emploi? Pensez-vous que ce sera le cas dans le contexte d’une réforme permanente de l’assurance-emploi?
Mme Freeland : C’est une question importante, je dirais même fondamentale. Je vais être précise : aujourd’hui, on ne propose pas des changements au système de l’assurance-emploi. Je veux être très claire avec tous les sénateurs. Nous ne proposons pas cela. Nous ne changeons pas le système aujourd’hui.
Cependant, comme vous et la ministre Qualtrough l’avez dit, je crois que la crise de la COVID-19 a démontré aux Canadiens que le régime d’assurance-emploi est un excellent système. Il est robuste et complexe et il reflète la complexité de l’économie, mais il a également été créé pour notre économie habituelle, et pas pour notre économie actuelle. Pour cette raison, nous avons ajouté, comme l’a dit la ministre Qualtrough, les mesures de soutien pour les travailleurs.
Comme la ministre Qualtrough l’a dit, à cause de la COVID-19, nous avons compris que nous devons réfléchir pour déterminer si notre régime d’assurance-emploi est approprié pour le XXIe siècle. C’est une grande question. Nous devons longuement y réfléchir et faire les consultations nécessaires. C’est comme si nous étions dans un avion qui fait un long voyage, celui de la COVID-19. Pendant ce voyage, ce n’est pas le moment de changer les mécanismes de l’avion, mais nous constatons aujourd’hui qu’il sera important et nécessaire d’y réfléchir.
La sénatrice Bellemare : J’ai une question à poser à Mme Qualtrough sur les services publics d’emploi. En ce qui a trait aux critères d’admissibilité, je vois que vous vous fiez beaucoup aux tests aléatoires administrés par l’Agence du revenu du Canada. Dans un proche avenir, qui nécessitera des mesures de reprise et des incitatifs pour que les Canadiens soient plus actifs sur le marché du travail, il faudra passer des mesures passives aux mesures actives. Nous aurons besoin de services publics d’aide à l’emploi en partenariat avec les provinces. Avez-vous étudié la possibilité de faire davantage affaire avec les services publics provinciaux?
La présidente : Madame la ministre, je suis désolée, mais les cinq minutes sont écoulées.
Mme Qualtrough : Oui.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse à la ministre Freeland. Tout d’abord, félicitations encore une fois et merci, madame la ministre, de vous être déplacée aujourd’hui.
Je sais que les dispositions contenues dans le projet de loi C-4 seront les bienvenues pour bon nombre de Canadiens et je suis tout à fait conscient qu’en pareilles circonstances, l’État doit aider la population et délier les cordons de la bourse. De nombreux Canadiens ont besoin d’un cadre budgétaire pour fonctionner, et le gouvernement a bien fait d’annoncer qu’il fera part cet automne de ses prévisions financières. C’est rassurant de savoir, comme vous le disiez tout à l’heure, combien tout cela coûtera, car vous avez donné les coûts des divers programmes et vous vous êtes dotés d’un plan budgétaire assorti de cibles claires. C’est très important.
Le gouvernement a-t-il déterminé le ratio dette-PIB à ne pas dépasser? Je sais qu’il y a encore beaucoup d’inconnues, mais ce serait bien de savoir qu’il y a un seuil maximal et que le gouvernement n’a pas l’intention de le dépasser. Il faut un seuil maximal.
C’est important parce que cela rassurerait les gens. Nous saurions à quoi nous en tenir, et je crois qu’en ce moment, les investisseurs et les agences de notation auraient grand besoin de savoir où le pays s’en va. Nous devons également avoir l’assurance que les dépenses seront bien surveillées et bien encadrées en attendant la publication des prévisions budgétaires.
Comme je l’ai déjà dit dans cette enceinte, je comprends que l’on construit le chemin de fer tandis que le train s’accélère. Toutefois, le fait de savoir où on s’en va empêchera le train de dérailler pendant que nous installons ces rails. Je ne doute pas que vous ayez la situation bien en main, mais j’aimerais savoir, étant donné les nombreuses variables qui entrent en ligne de compte, si vous avez fixé une limite à ne pas dépasser en ce qui concerne le ratio dette-PIB.
Mme Freeland : Je vais me retourner, sénateur, de sorte que je ne m’adresserai pas à vous le dos tourné.
Ma réponse a deux volets, sénateur. Premièrement, vous avez raison d’affirmer que, même si nous affrontons une crise sans précédent, il faut faire preuve de réflexion et de prudence. En fait, je suis d’avis que, lorsque l’on dépense des montants jamais vus en réponse à une crise jamais vue, il faut nous montrer plus prudents que moins prudents. C’est pourquoi, comme je l’ai dit en réponse à une question posée tout à l’heure, nous devrions tous prendre note de ce que DBRS Morningstar a déclaré lorsque la cote triple A du Canada a été confirmée il y a quelques semaines : « DBRS Morningstar voit les mesures fiscales adoptées d’un bon œil, puisque les mesures de relance ont été mises en place à un moment opportun, qu’elles ont un caractère temporaire à dessein et qu’elles sont suffisamment importantes compte tenu de l’ampleur du choc économique. »
(1700)
Ce n’est pas le gouvernement qui le dit. Vous avez mentionné les agences de crédit. En voilà une.
Pour ce qui est des dépenses, il convient de mentionner que toutes les dépenses ne sont pas égales. Ces jours-ci, il faut diviser les dépenses en deux catégories.
La première catégorie regroupe les dépenses liées à la lutte contre le coronavirus, soit les dépenses pour les vaccins, le dépistage et le suivi ainsi que l’aide qui sera offerte aux Canadiens lorsque les gouvernements imposeront des mesures restrictives à l’économie pour lutter contre le coronavirus. Nous voyons que d’autres mesures restrictives sont déjà imposées avec la montée de la deuxième vague au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique.
Les Canadiens ont besoin d’aide financière pour composer avec ces restrictions. La réalité, c’est qu’aucun de nous ne peut prédire exactement l’évolution du virus. Nous ne pouvons pas savoir avec certitude quelle sera l’ampleur de cette aide, ni quel sera le coût de l’équipement de protection individuelle, des vaccins, et cetera. Dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, je pense qu’il est très important que le gouvernement ainsi que nous tous puissions dire aux Canadiens que le Canada est entré dans cette crise en se dotant des moyens financiers nécessaires pour combattre le virus. Jusqu’à présent, nos mesures fonctionnent. Au cours de l’été, nous avons vu une forte reprise économique grâce aux mesures prises pour aider les Canadiens.
Il est très important que les Canadiens sachent que l’aide offerte pour lutter contre le coronavirus sera maintenue. Nous ne pouvons pas imposer de nouvelles restrictions aux Canadiens sans leur offrir de l’aide...
La présidente : Madame la ministre, nous devons passer au prochain bloc de 10 minutes.
Le sénateur Ngo : Je remercie les ministres d’être venues. Je tiens à poser des questions qui vont dans le même sens que celles du sénateur Carignan. Le directeur parlementaire du budget a établi le déficit à 328,5 milliards de dollars, et le gouvernement, lui, avait prévu 343,2 milliards de dollars, mais c’est sans tenir compte des récents ajouts demandés par le NPD. Selon Fitch Ratings, en incorporant ces ajouts plutôt ambitieux, le déficit devrait atteindre 380 milliards de dollars. Vendredi dernier, deux jours après le discours du Trône, l’organisme a publié une mise en garde selon laquelle la cote de crédit du pays pourrait être abaissée si le gouvernement libéral persiste à ne pas « [...] fixer de cible budgétaire claire à atteindre après la pandémie et à ne pas réduire le déficit fédéral à un niveau viable après la crise de santé publique [...] »
Étant donné que le déficit prévu pour l’exercice en cours est de 380 milliards de dollars, un calcul simple permet d’établir que le fardeau de la dette de chaque Canadien s’élève à 10 000 $. Comme le gouvernement prévoyait des déficits jusqu’en 2040, bien avant la pandémie, je n’ose pas imaginer l’ampleur de ces déficits maintenant. Est-il question d’un siècle?
Voici la question que je veux vous poser, madame la ministre : le gouvernement promettra-t-il de faire des mises à jour à chaque exercice pour nous dire exactement combien coûte cette mesure, quel est le fardeau de la dette des Canadiens et combien il faudra de décennies, voire de siècles, au Canada pour équilibrer le budget?
Mme Freeland : Cela fait beaucoup de questions, une fois de plus. Je tenterai de répondre à quelques-unes d’entre elles.
Dans le discours du Trône, nous nous sommes engagés à rendre publique, cet automne, une mise à jour du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, et nous avons précisé qu’elle présenterait la situation économique et financière du gouvernement. Cette mise à jour fournira des projections financières et présentera de nouvelles mesures visant à mettre en œuvre le discours du Trône.
Pour ce qui est des dépenses — un point lié à votre question et sur lequel porte la deuxième partie de ma réponse — quand il est question de la lutte contre le coronavirus, il est essentiel que nous disions et garantissions aux Canadiens, comme l’avait fait Mario Draghi en Europe après la crise de 2008, que nous sommes prêts à faire tout ce qu’il faudra pour les soutenir.
La deuxième vague a commencé et les Canadiens sont inquiets. Certains sont soumis à de nouvelles restrictions. Ils doivent savoir que nous les aiderons à faire ce qu’il faut pour protéger notre santé à tous. C’est ce qui nous apportera, à nous tous, les meilleurs résultats économiques.
Je tiens aussi à dire, monsieur le sénateur, qu’il s’agit d’une catégorie particulière de dépenses, c’est-à-dire de dépenses pour lutter contre le coronavirus. Il y a aussi un autre type de dépenses, qui correspond à de nouveaux programmes permanents pour lesquels il faut adopter une approche très différente. Dans le cas des nouveaux programmes permanents, il m’apparaît essentiel que notre gouvernement — ou n’importe quel gouvernement — procède avec la prudence, la rigueur et l’attention à la viabilité qui caractérisent, selon moi, la façon de faire canadienne.
Le sénateur Ngo : À votre avis, quand les Canadiens peuvent-ils s’attendre à voir un véritable budget être déposé?
Mme Freeland : Le discours du Trône était clair — et j’ai essayé de l’être aussi — sur ce que nous avons l’intention de faire en automne.
Le sénateur Ngo : Merci.
Voici ma deuxième question : En mai dernier, le Conseil national de recherches s’est associé à CanSino, une entreprise chinoise qui a des liens avec l’Armée de la libération populaire de Chine, pour développer un vaccin. En août, ce contrat de plusieurs millions de dollars, qui a été conclu avec de la technologie canadienne, s’est effondré parce que le régime communiste chinois a bloqué l’envoi de vaccins au Canada. Ces vaccins auraient été les premiers à être approuvés pour des essais sur les humains au Canada. Malheureusement, c’est toujours le cas lorsqu’on a affaire au régime communiste. Madame la ministre, en raison de l’échec de l’accord conclu avec le Parti communiste chinois, avons-nous pris du retard sur d’autres pays en ce qui concerne l’obtention de vaccins?
Mme Freeland : Absolument pas.
Le sénateur Smith : Ma question s’adresse à la ministre Qualtrough. Je remercie les deux ministres d’être ici aujourd’hui. Nous reconnaissons tous le travail important que le gouvernement a fait pour aider les Canadiens.
Ma question porte sur l’industrie de l’accueil. Le secteur de la restauration a été durement touché. En fait, comme nous savons, il s’agit probablement de l’un des secteurs les plus durement touchés. La deuxième version de la Subvention salariale d’urgence du Canada devait fournir un soutien additionnel, mais le programme n’atteint pas une partie de ses objectifs. Il a eu certains bons résultats initialement, mais il est très complexe. De plus, il devient évident que le Canada se dirige vers une deuxième vague ou qu’il y est déjà. Au Québec, bien sûr, de nouvelles restrictions qui incluent la fermeture de restaurants entrent en vigueur aujourd’hui.
Compte tenu de la situation désastreuse d’un grand nombre de petites entreprises dans les secteurs de la restauration et de l’accueil, comment le gouvernement soutiendra-t-il ces entreprises? De strictes mesures de santé publique devraient-elles être imposées de nouveau? Le problème, c’est qu’une grande partie des restaurants fonctionne à partir d’un certain volume. Sans vente d’alcool, il n’y a pas de profit. Pour ceux qui vendent de la nourriture seulement, ils doivent servir un certain nombre de clients. Comme il n’y a personne dans les rues, il est difficile d’atteindre ce nombre. Il est bien d’offrir une aide de 48 000 $, mais, dans les faits, cet argent ne fait que retarder le moment où les gens doivent déclarer faillite.
Compte tenu de la situation précaire des restaurants, quelles mesures raisonnables pouvons-nous prendre? Personne ne veut continuer d’engouffrer de l’argent dans des entreprises en train de couler. En même temps, 800 000 Canadiens travaillent dans cette industrie. Que pouvons-nous faire? Il semble que ce secteur sera aux prises avec de plus en plus de problèmes qui continueront de s’aggraver.
Mme Freeland : Je crains que cette question soit pour moi, monsieur le sénateur. Je suis d’accord avec vous. Le secteur de l’accueil est particulièrement touché. Dans le contexte d’une deuxième vague, qui a lieu dans plusieurs régions du pays en ce moment, nous devons sciemment mettre fin à une partie de l’activité économique pour lutter contre le virus. C’est un terrible paradoxe.
Le sénateur Smith : Oui.
Mme Freeland : Je crois que la politique économique, tout comme la politique sanitaire, se doit d’apporter l’aide aux travailleurs et aux entreprises concernées pour qu’ils puissent suivre les directives.
(1710)
Voici ce que nous proposons. Comme nous l’avons mentionné dans le discours du Trône, la subvention salariale sera prolongée jusqu’à l’été prochain. Je ne peux pas encore donner de précisions sur la façon dont cela fonctionnera exactement, mais Nick Leswick du ministère des Finances est avec moi. Je peux vous assurer que les fonctionnaires du ministère des Finances travaillent d’arrache-pied pour tout mettre en œuvre.
Il y a également un autre élément du discours du Trône qui est un peu passé inaperçu à mon avis. Il s’agit de l’engagement à offrir un soutien supplémentaire ciblé aux entreprises à qui on impose de nouvelles mesures de confinement, comme une sorte de filet de sécurité pour les aider à passer le pire. Nous étions sincères quant à cet engagement du discours du Trône. Nous travaillons présentement à le mettre en œuvre. C’est une question dont j’ai parlé avec le Québec et l’Ontario, parce que ces provinces ont déjà commencé à imposer de nouvelles restrictions. Ce n’est pas facile à faire, mais je crois que c’est possible et que nous n’avons pas le choix de le faire; nous y arriverons.
Le sénateur Smith : Merci.
La présidente : Il vous reste une minute.
Le sénateur Smith : Je ne veux pas pontifier, mais en ce qui a trait à la question qui a déjà été soulevée trois ou quatre fois à savoir jusqu’où vous irez, je me contenterai de dire que, selon moi, le gouvernement doit aider la population. Cela dit, il doit y avoir un équilibre économique ou une cible budgétaire quelque part que vous pouvez communiquer aux Canadiens sans abattre votre jeu.
Vous devez user d’une grande prudence quand vous révélez aux Canadiens jusqu’où vous êtes prêts à aller. N’empêche que vous devez leur donner une idée de l’objectif et de la limite de ce que vous pouvez faire. Je sais que c’est encore tôt, mais j’espère que cette planification s’effectue de sorte que vous soyez bien préparés et que les Canadiens soient bien préparés à accepter cette limite et à reconnaître que ce sera la voie à suivre.
La présidente : Le sénateur Smith a réussi à utiliser la minute qu’il restait.
La sénatrice Anderson : Je pose une question au nom de ma collègue la sénatrice Boyer, de l’Ontario. Elle s’adresse à quiconque pourra fournir une réponse complète.
Ma question porte sur l’approche du gouvernement fondée sur les distinctions en ce qui a trait aux services aux Autochtones. Dans son discours du Trône, le gouvernement a déclaré qu’il doit s’efforcer de mettre en œuvre les appels à l’action du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation. Le rapport « [demande] au gouvernement fédéral de reconnaître les besoins distincts en matière de santé des Métis, des Inuits et des Autochtones hors réserve, de respecter ces besoins et d’y répondre. »
Pour ce faire, le gouvernement doit répondre aux besoins des populations autochtones urbaines. Il est bien établi que plus de la moitié des Autochtones vivent en milieu urbain. Le financement fondé sur les distinctions n’inclut pas les Autochtones qui vivent dans les centres urbains.
Comment les programmes de développement des compétences et de formation à l’emploi destinés aux Autochtones seront-ils conçus pour aider les populations autochtones à trouver un emploi s’ils sont fondés sur les distinctions?
En outre, prévoira-t-on des fonds et des approches supplémentaires pour servir cette population?
Mme Qualtrough : Je vous remercie de cette question, qui est très importante. Nous avons le Programme de formation pour les compétences et l’emploi destiné aux Autochtones. Certains aspects de ce programme ont très bien fonctionné et d’autres — je ne dirais pas qu’ils ont connu des problèmes, mais ils nous ont révélé des choses importantes quant à nos façons d’interagir avec différentes communautés. Nous nous employons à améliorer ce programme afin de l’offrir dans les réserves en tenant compte des distinctions mais, aussi, aux jeunes Autochtones en milieu urbain — un volet qui m’intéresse particulièrement —, en ayant à l’esprit et en respectant tout ce que j’ai appris sur le fait qu’on ne trouve pas le même soutien communautaire en milieu urbain que dans d’autres milieux.
Encore une fois, nous y travaillons. Nous nous sommes engagés dans le discours du Trône à faire le plus grand investissement dans la formation de l’histoire du pays. Nous allons investir du mieux que nous pourrons des montants importants dans la formation destinée aux Autochtones et, en collaboration avec mon collègue le ministre Miller, mener cette démarche dans le respect.
La sénatrice Anderson : Quyanainni.
Je cède le reste de mon temps de parole.
La sénatrice McPhedran : Je remercie la ministre Freeland, la ministre Qualtrough, ainsi que leurs collaborateurs de leur présence parmi nous aujourd’hui.
Lorsque les ministres auront répondu à la question respective que je leur ai posée, je souhaite céder le reste de mon temps de parole au sénateur Kutcher, pour la sénatrice Moodie.
Madame la ministre Freeland, les prestataires de la PCU qui s’adressent à l’Agence du revenu du Canada devront, comme nous le savons, recommencer le processus de demande d’assurance-emploi à zéro. Le gouvernement s’attend-il à ce que les personnes qui ont présenté une demande de PCU par l’intermédiaire de l’ARC vivent sans aucun revenu pendant six à huit semaines? Le gouvernement a-t-il mis en place un plan pour faciliter la transition de ces personnes de la PCU vers l’assurance-emploi?
Malheureusement, cette phase transitoire a lieu exactement au moment où des banques qui jouissent d’une richesse exceptionnelle continuent d’augmenter la dette qui pèse sur des millions de Canadiens déjà très endettés en mettant fin à de nombreux reports temporaires de dettes hypothécaires et de cartes de crédit. Soyons clairs : il ne s’agit que de reports. Ces grandes banques reviennent à la charge avec des pénalités composées qui s’ajoutent aux dettes liées aux cartes de crédit, par exemple.
Mesdames les ministres, certains Canadiens — surtout des personnes âgées ou pauvres — ont dû compter sur leur carte de crédit pour acheter les médicaments et les biens de première nécessité dont ils avaient besoin. En avril, votre prédécesseur, madame Freeland, et le premier ministre Trudeau ont affirmé sans détour que les banques, surtout les six plus grosses du pays, devaient en faire plus. Or, ces six institutions n’ont pas bougé. La radiation des dettes ne semble pas faire partie de leur vocabulaire, et nous n’avons eu droit à rien d’autre qu’à des assurances tièdes ressassées à satiété sur leurs sites Web par leurs grands patrons et par l’Association des banquiers canadiens. Résultat : les emprunteurs ont dû passer des heures au téléphone ou en ligne, souvent pour se faire dire, dans l’éventualité où ils réussissaient à parler à une vraie personne ou à obtenir une réponse personnalisée, qu’ils n’avaient droit à aucun allégement.
N’est-il pas temps que les riches institutions financières du Canada, et plus particulièrement ses six plus grosses banques, sortent de leur torpeur et acceptent, en ce temps de crise, d’offrir de véritables allégements aux Canadiens les plus lourdement endettés? Je sais, nous avons besoin de banques en bonne santé financière. Le sénateur Loffreda et moi avons eu cette conversation je ne sais plus combien de fois auparavant. Mais il me semble que les grandes banques devraient pouvoir faire un effort, non? Avez-vous vu les profits qu’elles ont faits depuis le début de la pandémie?
Prendrez-vous des mesures plus énergiques et exigerez-vous des riches banques du pays qu’elles agissent en bonnes entreprises citoyennes par respect pour les Canadiens bardés de dettes et dont la situation a empiré à cause de la pandémie?
Mme Freeland : Je vous laisse répondre, madame la ministre Qualtrough, car il a été question de la transition entre la Prestation canadienne d’urgence et l’assurance-emploi.
Mme Qualtrough : J’allais demander à Heather de vous donner les chiffres. Nous avons tout fait pour que la transition entre la PCU et l’assurance-emploi se fasse le plus doucement possible — idéalement même sans que rien ne paraisse —, surtout pour les personnes qui présentent une demande pour la première fois, car pour la vaste majorité des prestataires qui passeront d’un régime à l’autre, le transfert se fera automatiquement. Service Canada s’occupe des autres.
Pour tout vous dire, je ne suis pas trop inquiète pour ce groupe, même si je le suis toujours un peu. Les chiffres que m’a communiqués Heather sont très encourageants, et j’aimerais qu’elle vous les communique à vous aussi.
Mme Sheehy : Je vous remercie, sénatrice. Je ne veux pas vous inonder de dates, parce qu’il y en a beaucoup, mais les premières personnes à avoir reçu leur dernier versement de la Prestation canadienne d’urgence avant le transfert à l’assurance-emploi l’ont eu le 29 septembre, ce qui veut dire qu’elles seront admissibles à compter du 11 octobre. Elles auront droit à deux semaines de rétroactivité avant le 11 octobre.
Les premiers versements d’assurance-emploi de l’après-PCU seront effectués dès le 14 octobre. On prévoit que 80 % des clients recevront leurs prestations au plus tard trois jours après avoir été jugés admissibles.
Selon les chiffres qui m’ont été communiqués cet après-midi, 83,4 % des demandes que nous avons reçues depuis le début de la nouvelle période de demandes, soit depuis dimanche, ont déjà été traitées.
J’aimerais aussi donner quelques dates concernant le projet de loi C-4. S’il reçoit la sanction royale, les premières demandes commenceront le lundi 5 octobre. L’Agence du revenu du Canada s’occupera de les acheminer, et les responsables nous ont fait savoir que la plupart des gens qui sont inscrits au dépôt direct recevront leur chèque dans les trois à cinq jours, c’est-à-dire très tôt après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, le 5 octobre. Je parle ici des prestations de maladie et de compassion, qui sont versées chaque semaine, tandis que la prestation de relance sera versée toutes les deux semaines à compter du 12 octobre.
(1720)
Mme Freeland : La question du report des paiements hypothécaires est très importante. C’est une situation que nous allons surveiller de près.
Si je devais résumer le thème central du projet de loi C-4 et de l’ensemble de notre discussion d’aujourd’hui, je dirais que le gouvernement a pris l’engagement de soutenir les Canadiens tout au long de la crise. Nous avons beaucoup accompli, nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire et nous avons besoin de votre aide pour le faire.
Je suis d’accord avec vous pour dire que chacun doit mettre la main à la pâte au Canada, y compris ceux qui ont le plus de moyens. Nous allons surveiller de près la situation. Je vais m’en tenir à cela.
La sénatrice McPhedran : Madame la ministre Freeland, que pensez-vous de ce que les banques ont fait jusqu’ici? Ont-elles réagi comme il le fallait à ce que le premier ministre ou votre prédécesseur disaient en avril? Je dois dire que je n’en vois aucun signe.
Mme Freeland : Sénatrice, dans vos observations, vous avez parlé de l’importance pour un pays d’avoir des institutions financières solides. C’est exact, surtout en période de difficulté financière, comme celle que nous vivons. Je suis très consciente de l’importance pour le système que nous puissions compter sur des institutions solides.
En ce qui a trait au système financier du Canada en particulier, j’ai pu constater en tant que journaliste financière à New York, en 2008, que les institutions financières canadiennes et le système bancaire canadien ont beaucoup mieux résisté à la crise financière cette année-là que les institutions financières des États-Unis, du Royaume-Uni et des autres pays du G7. C’est une force qui nous a tous aidés. J’en suis encore bien consciente et je suis heureuse que vous ayez posé cette question.
La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis 125 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.
Mesdames les ministres, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointes à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier les fonctionnaires de vos ministères.
Des voix : Bravo!
La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
Rapport du comité plénier
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à étudier la teneur du projet de loi C-4, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, signale qu’il a entendu lesdits témoins.
Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’invoque le Règlement. Je le fais avec une certaine réticence. Cela ne me plaît pas, et en toute franchise, je ne m’attends pas à ce qu’on donne suite à mon recours au Règlement, mais je pense que la question mérite à tout le moins d’être soulevée.
Honorables collègues, Votre Honneur, en tant que leaders, nous avons passé beaucoup de temps à négocier un certain nombre de choses, notamment en ce qui concerne les comités pléniers. Nous exerçons beaucoup de pression, et nous gardons tous très jalousement le temps que nous voulons utiliser au comité plénier. Nous marchandons, nous faisons venir des ministres, et nous nous entendons sur le temps que nous utiliserons.
Dans le passé, nous avons convenu que les ministres feraient des déclarations préliminaires de cinq minutes afin que nous puissions disposer de deux heures ou d’une heure et demie, selon ce qui a été établi. Aujourd’hui, nous avons convenu de réserver 125 minutes, y compris 5 minutes pour des déclarations préliminaires, et je suppose que les ministres peuvent choisir qui fera ces déclarations ou décider de les combiner, comme nous le faisons souvent; nous regroupons des sénateurs, et ils se partagent le temps de parole. En tant que leader de l’opposition, je suis normalement la première personne à poser des questions, et on m’accorde du temps à cette fin.
Aujourd’hui, Votre Honneur, lorsque j’ai commencé à poser une question à la ministre Freeland, elle a pris plus de deux minutes de mon temps de parole — non pas dans une déclaration préalable, mais durant les 10 minutes dont je disposais — pour parler d’un sujet qui n’avait rien à voir avec ma question. En fait, elle l’a admis elle-même.
Elle a dit :
Merci beaucoup de votre question, sénateur. À titre d’avant-propos, j’aimerais faire part aux sénateurs d’une réflexion que j’ai eue mardi soir, ou plutôt au petit matin mercredi, alors que je participais au vote à l’autre endroit. Le tout s’est déroulé en toute collégialité; l’ambiance était collégiale et même amicale. Les députés faisaient des blagues avec ceux des autres partis et, au bout du compte, le projet de loi a été adopté à l’unanimité.
Pendant ce temps, tout le monde est au courant, j’en suis sûre, il y avait un autre débat dans un pays voisin du nôtre.
(1730)
Elle voulait faire un commentaire et elle a dit : « Je voulais simplement faire un commentaire au sujet de la démocratie canadienne si vous le permettez, monsieur le sénateur. J’ai presque terminé. »
Elle a aussi dit : « Je vais vous répondre, je le promets, monsieur le sénateur. Nous serons ici pendant deux heures. »
Elle allait être ici pendant deux heures. Moi, je n’avais pas deux heures. J’avais 10 minutes. Elle a pris plus de 20 % de mon temps pour se vanter. Ce qu’elle a dit n’avait rien à voir avec ma question.
Votre Honneur, chers collègues, d’après moi, nous représentons, les membres de ce groupe, environ six millions de Canadiens qui ont voté pour nous et ont droit à des réponses. Quand je pose une question ici, je la pose au nom de ces six millions de Canadiens.
Mes questions étaient directement liées au projet de loi. Je lui ai demandé pourquoi le projet de loi C-2 était devenu le projet de loi C-4, et ce qui n’allait pas avec le projet de loi C-2. Je ne le sais toujours pas, car je n’ai pas obtenu de réponse.
J’avais une autre question. Je voulais savoir combien avait coûté aux Canadiens la promesse sur les congés de maladie négociés avec le NPD. Encore une fois, pas de réponse.
Ainsi, Votre Honneur et monsieur le leader du gouvernement, je voudrais que, à l’avenir, quand nous nous formons en comité plénier et que nous accueillons des ministres pour leur poser des questions, ces derniers comprennent que ce n’est pas le temps de la Chambre qu’ils prennent, mais bien celui du Sénat, et que nous avons négocié une entente. Quand elle n’interrompt pas les ministres qui s’étendent sur leur propre programme, la sénatrice Ringuette ne dirige pas bien les délibérations du comité plénier parce qu’elle nous prive du temps de parole qu’ils nous ont enlevé.
Votre Honneur, je tiens au moins à ce que ce soit consigné. Nous voulons coopérer. À mon avis, les autres leaders diront que nous avons très bien coopéré pour décider combien de temps de parole chaque personne allait avoir. Dans l’ensemble, la sénatrice Ringuette a fait du bon travail en accordant le même temps de parole à tout le monde, mais elle devra intervenir pour empêcher les ministres de parler de ce dont ils veulent parler. Ils sont ici pour nous parler des projets de loi qu’on prévoit adopter, et ce, je le répète, à toute vitesse. De ce côté-ci du Sénat, nous avons accepté d’adopter le projet de loi en trois jours au lieu de quatre. Nous avons coopéré. Or, le gouvernement, lui, n’a pas fait preuve de coopération.
Je demande officiellement que, à l’avenir, quand des ministres viennent au Sénat, ils répondent à nos questions. Ils font leurs déclarations à l’avance, mais, quand nous commençons à poser des questions... Si d’autres sénateurs veulent leur donner du temps pour parler de leurs propres idées, c’est très bien. Toutefois, je crois que la majorité des membres du caucus conservateur veut des réponses aux questions qu’il pose au nom des Canadiens. Merci, Votre Honneur.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Y a-t-il d’autres sénateurs qui souhaitent se joindre au débat?
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je ne pense pas que la question justifie un rappel au Règlement. Que je sache, aucune règle n’a été violée. Je comprends que le sénateur Plett soit contrarié et qu’il ait le sentiment qu’on n’a pas répondu à ses questions. Il a maintenant pris un bon nombre de minutes pour nous donner ses raisons. Si d’autres sénateurs prenaient aussi le temps de se plaindre de n’avoir pas reçu de réponse à leurs questions, nous passerions probablement la prochaine heure à les écouter. Cette question n’est pas digne d’un rappel au Règlement. S’il peut avoir raison de s’attendre à ce que les ministres utilisent leur temps de façon judicieuse, cela ne justifie pas un rappel au Règlement.
En ce qui concerne la répartition équitable des questions, bien des points pourraient faire l’objet d’une discussion, y compris, bien sûr, le fait que les membres du Groupe des sénateurs indépendants étaient beaucoup plus nombreux à ne pas pouvoir poser de questions à la ministre en raison de la répartition convenue des questions. Ce n’est pas le moment de se lancer dans ce débat, mais on aurait pas mal de choses à dire sur le sujet de l’équité. Il n’y a donc vraiment pas lieu d’en faire un rappel au Règlement. Je vous remercie.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je prendrai la question en délibéré.
Deuxième lecture
L’honorable Tony Dean propose que le projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19, soit lu pour la deuxième fois.
—Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de parrain au Sénat du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19. J’espère que vous avez déjà posé toutes vos excellentes questions et que le reste du débat sera marqué par l’esprit de collégialité qu’a décrit la ministre des Finances et vice-première ministre lors de son passage parmi nous aujourd’hui.
La lutte contre la COVID-19 demeure une priorité nationale. La pandémie est toujours bien présente au Canada et demeure une menace très sérieuse. Comme vous le savez, nous étudions un projet de loi très important, qui constitue un élément essentiel de la réponse économique du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et fera en sorte que les Canadiens continuent à bénéficier du soutien dont ils ont besoin pour traverser la tempête.
Le projet de loi à l’étude propose des mesures d’une valeur estimée à 41 milliards de dollars, soit 24 milliards de dollars pour les prestations de la relance destinées aux Canadiens et 17 milliards de dollars pour la prolongation de l’aide financière liée à la COVID.
Chers collègues, il y a derrière ces chiffres de vraies personnes qui ne peuvent pas travailler pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille à cause de la COVID-19. C’est pourquoi le gouvernement a créé la Prestation canadienne d’urgence, la PCU, à un moment de la pandémie où les autorités de santé publique disaient aux gens de rester chez eux pour aplatir la courbe et protéger la santé des Canadiens.
Le 20 août dernier, le gouvernement a annoncé qu’il allait faire passer les bénéficiaires de la Prestation canadienne d’urgence à un régime simplifié d’assurance-emploi afin de fournir un soutien au revenu à ceux qui ne sont toujours pas en mesure de travailler. De plus, les gens recevant des prestations d’assurance-emploi pourront accéder à de la formation et au programme Travail partagé, ce qui les aidera et les incitera à trouver du travail.
Par ailleurs, le gouvernement offre maintenant une série de prestations de la relance économique temporaires visant à continuer d’aider les travailleurs. Avant d’en parler, je vais prendre quelques instants pour passer en revue les modifications que le gouvernement a récemment apportées à l’assurance-emploi.
Les nouvelles mesures temporaires annoncées en août aideront de trois façons les personnes à répondre aux critères d’admissibilité aux prestations de l’assurance-emploi. Premièrement, on établira à 13,1 % le taux de chômage national pour toutes les régions économiques. Cette mesure prévoit un critère uniforme de 420 heures d’emploi aux fins d’admissibilité. Ce changement donnera également droit à au moins 26 semaines de prestations régulières. Dans les régions de l’assurance-emploi où le taux de chômage est supérieur à 13,1 %, la région en question utilisera le taux le plus élevé.
Deuxièmement, un crédit unique d’heures assurables sera accordé à tous les bénéficiaires de l’assurance-emploi. Le gouvernement créditera 300 heures pour les demandes de prestations régulières et 480 heures pour les demandes de prestations spéciales. Cela signifie que les Canadiens seront admissibles à l’assurance-emploi dès qu’ils auront travaillé 120 heures. De plus, le crédit d’heures sera offert pendant un an et il sera rétroactif au 15 mars 2020.
Troisièmement, le gouvernement accordera un montant minimum de 500 $ par semaine aux personnes admissibles à l’assurance-emploi et 300 $ par semaine aux personnes admissibles aux prestations parentales prolongées.
De plus, comme l’ont dit les ministres aujourd’hui, le gouvernement gèlera le taux de cotisation à l’assurance-emploi à celui fixé en 2020. Grâce au gel du taux de cotisation, les cotisations des employés et des employeurs à l’assurance-emploi n’augmenteront pas en cette période d’incertitude économique, ce qui favorisera également la création d’emplois au fur et à mesure que l’économie se redresse.
La Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19 confère au ministre de l’Emploi et du Développement social le pouvoir d’apporter des modifications temporaires au régime d’assurance-emploi afin d’atténuer les répercussions économiques découlant de la COVID-19. Le ministre s’en est prévalu pour apporter les changements à l’assurance-emploi que je viens d’énoncer.
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Toutefois, même avec tous ces changements, certains Canadiens seront toujours inadmissibles à l’assurance-emploi. De plus, des travailleurs auront besoin de soutien continu s’ils contractent la COVID-19 ou s’ils ont besoin de s’absenter du travail pour prendre soin d’un proche. C’est pourquoi nous débattons de cette importante mesure législative aujourd’hui. Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à créer trois nouveaux programmes d’aide : la Prestation canadienne de relance économique, la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants et la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Il est impérieux que nous mettions en place ces nouveaux programmes pour aider les Canadiens qui, faute de cela, devront relever d’énormes défis. Ces nouvelles prestations visent à garantir que les Canadiens obtiennent le soutien dont ils ont besoin au cours de la prochaine étape de la réponse du gouvernement du Canada à la COVID-19, et à compléter les changements qui ont été apportés au programme d’assurance-emploi.
J’aimerais d’abord parler de la Prestation canadienne de relance économique. Ce programme viendra en aide aux personnes qui ont arrêté de travailler pour des raisons liées à la COVID-19 ou qui ont subi une perte de revenus d’au moins 50 % et qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Cela comprend notamment les travailleurs autonomes ou ceux qui œuvrent dans l’économie des petits boulots. La Prestation canadienne de relance économique accordera aux Canadiens admissibles un montant de 500 $ par semaine pendant un maximum de 26 semaines, ce qui est conforme au programme d’assurance-emploi.
De façon semblable à l’assurance-emploi, la Prestation canadienne de relance économique a été conçue pour être un incitatif à l’emploi. Les demandeurs ont le droit d’avoir un revenu d’emploi ou un revenu tiré d’un travail indépendant pendant qu’ils reçoivent la prestation. De plus, les travailleurs devront faire une demande après chaque période de deux semaines pour laquelle ils souhaitent obtenir la prestation, dans laquelle ils certifieront qu’ils répondent toujours aux critères exigés. Cela veut dire que, de façon semblable à l’assurance-emploi, les personnes qui demandent la Prestation canadienne de relance économique devront certifier qu’ils n’ont pas démissionné ni refusé une offre raisonnable d’emploi, qu’ils cherchent du travail et qu’ils sont prêts à retourner au travail aussitôt qu’il est raisonnable de le faire.
Enfin, les demandeurs qui auront un revenu net de plus de 38 000 $ en 2020 ou en 2021 seront obligés de rembourser 50 ¢ pour chaque dollar gagné qui dépasse cette limite, jusqu’à concurrence de la pleine valeur de la Prestation canadienne de relance économique qu’ils auront reçue. Le gouvernement est arrivé à la somme de 38 000 $ en additionnant 24 000 $, soit le revenu moyen d’un travailleur autonome, au maximum de la Prestation canadienne d’emploi, qui s’élève à 14 000 $.
Ainsi, on concilie les mesures de soutien du revenu avec la nécessité d’encourager les gens à travailler et on continue à cibler les Canadiens qui ont le plus besoin d’aide.
En deuxième lieu vient la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Cette nouvelle prestation évitera aux travailleurs de devoir choisir entre protéger leur santé et payer leurs factures. Elle fournira 500 $ par semaine pendant, au plus, deux semaines à toute personne admissible qui n’est pas en mesure d’exercer son emploi pendant au moins 50 % de sa semaine normale de travail pour l’une ou l’autre des raisons suivantes : elle a contracté la COVID-19 ou pourrait avoir contracté la COVID-19; elle a des affections sous-jacentes, suit des traitements ou a contracté d’autres maladies qui la rendraient plus vulnérable à la COVID-19; elle s’est mise en isolement sur l’avis de son employeur, d’un médecin, d’un infirmier praticien, d’une personne en situation d’autorité, d’un gouvernement ou d’un organisme de santé publique pour des raisons liées à la COVID-19.
Le travailleur est admissible s’il n’a pas accès à des congés de maladie par l’entremise de son employeur ou s’il a épuisé son solde de congés de maladie payés. Il ne peut toucher cette prestation et des congés de maladie payés pour la même période de prestations. Le travailleur pourrait demander la prestation après la période d’une semaine pour laquelle il demande un soutien du revenu et devra attester qu’il satisfait aux critères. En outre, le travailleur n’aurait pas à fournir de certificat médical pour recevoir la prestation.
Cette nouvelle prestation donnerait suite à l’engagement pris par le gouvernement du Canada dans l’Accord sur la relance sécuritaire conclu avec les provinces et les territoires, c’est-à-dire d’offrir deux semaines de congé de maladie à tous les Canadiens dans le contexte de la COVID-19.
Chers collègues, cette prestation est essentielle pour la sécurité de la relance économique au pays. Nous devons nous assurer que les gens ne se rendront pas au travail s’ils ont la COVID-19 ou s’ils risquent d’attraper le virus. Les travailleurs qui n’ont pas de congés de maladie payés ne devraient pas avoir à choisir entre payer leurs factures et protéger leur santé et celle de leurs proches.
Troisièmement, il y a la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Même si les écoles, les garderies et les établissements et programmes de jour travaillent à une réouverture sécuritaire en fonction des directives de la santé publique, ils ne sont pas à l’abri d’une nouvelle fermeture. C’est là qu’interviendrait la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Elle prévoit 500 $ par semaine par ménage pendant au plus 26 semaines pour les travailleurs qui ont besoin de prendre un congé sans solde pour prendre soin d’un proche en raison de la fermeture d’une école, d’une garderie ou d’un établissement ou programme de jour. Plus précisément, le recours à cette prestation peut être partagé entre les membres d’un même ménage, mais deux personnes d’un même ménage ne peuvent demander la prestation en même temps et cumuler les montants.
Pour être admissible à la prestation, le demandeur doit être incapable de travailler au moins 50 % de son horaire de travail habituel pour l’une des raisons suivantes : il s’occupe d’un enfant de moins de 12 ans, d’un membre de la famille qui est handicapé ou d’une personne à charge qui nécessite des soins supervisés parce que la personne a contracté la COVID-19 ou pourrait l’avoir contracté; parce que l’école, la garderie, le programme de jour ou l’établissement de soins sont fermés ou ont modifié leurs heures d’ouverture en raison de la COVID-19; parce qu’ils ne peuvent se présenter à ces endroits sur l’avis d’un professionnel de la santé; parce que la personne qui s’occupe habituellement d’eux n’est pas disponible pour des raisons liées à la COVID-19.
Les travailleurs ne devraient pas avoir à choisir entre payer les factures et prendre soin d’un des membres de leur famille et c’est ce que vise à empêcher ce projet de loi.
Si le projet de loi est adopté, les critères d’admissibilité aux prestations s’appliqueront du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021. De plus, ces trois prestations sont imposables et l’impôt sera perçu à la source.
J’aimerais passer aux mesures d’intégrité prévues dans le projet de loi. Celui-ci comprend aussi des dispositions visant à soutenir l’administration des nouvelles prestations. Contrairement à la PCU, pour laquelle les mesures d’intégrité ont été intégrées en aval, les nouvelles prestations de relance sont dotées de solides mesures de vérification en amont. Les bénéficiaires seront soumis à divers contrôles, au moment de la demande et par la suite, pour garantir qu’ils ne reçoivent que les prestations auxquelles ils ont droit. De plus, le projet de loi à l’étude prévoit certaines pénalités pour des manquements et des délits, afin de dissuader les fraudes et promouvoir la conformité.
Selon le projet de loi, on commet une violation si on fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse dans une demande ou que l’on reçoit une prestation de relance sachant qu’on n’y a pas droit.
Les infractions ont trois niveaux de gravité : une personne commet une infraction si elle utilise sciemment de faux renseignements identificateurs ou ceux d’une autre personne, si elle conseille à une autre personne de présenter une demande de prestation avec l’intention de voler la prestation ou une partie importante de celle-ci — comme nous l’avons déjà vu — ou fait sciemment au moins trois déclarations fausses ou trompeuses, si le montant total des prestations qui ont été ou auraient été versées par suite des demandes est d’au moins 5 000 $.
Honorables sénateurs, le gouvernement a indiqué clairement dès le début qu’aucune personne ayant fait une erreur de bonne foi ne sera punie. De plus, le projet de loi précise que si une personne croit erronément que ses déclarations sont vraies, elle ne commet pas d’infraction ou de violation en raison de cette erreur.
Passons rapidement aux modifications apportées au Code canadien du travail. Afin de garantir que les employés sous réglementation fédérale puissent avoir droit à un congé assorti de la protection d’emploi, le gouvernement propose des modifications au Code canadien du travail. Ainsi, ces employés ont accès à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et à la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Ces modifications créent aussi un pouvoir de réglementation qui permettrait au gouvernement de suspendre ou de modifier l’exigence de fournir un certificat médical pour avoir droit à certains paiements prévus à la partie 3 du code. L’exemption existante de l’obligation pour les employés de présenter un certificat médical pour avoir droit à un congé de maladie, à un congé de compassion ou à un congé pour maladie grave a été abrogée le 30 septembre. Ce pouvoir de réglementation permettrait au gouvernement de réintroduire l’exemption s’il le juge nécessaire pour réduire le fardeau du système de santé et faciliter l’accès des employés au congé assorti de la protection d’emploi dont ils ont besoin.
Au moyen de ces modifications, le gouvernement a l’intention d’assurer aux Canadiens que leur emploi est protégé s’ils doivent rester à la maison et ainsi se protéger et protéger les autres Canadiens.
Finalement et brièvement, parlons du prolongement de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national. La partie 3 du projet de loi reporte également l’abrogation de cette loi à la fin de cette année.
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Elle nécessite l'assentiment des ministres des Finances et de la Santé. Elle comprend 45 mesures d'une valeur totale de 17 milliards de dollars. La plupart de ces mesures prévoient des fonds complémentaires comme la bonification du fonds d'aide et de relance régionale pour la COVID. Certaines sont nouvelles, comme les fonds pour les compétences et la formation. Toutes sont énumérées dans l'annexe du projet de loi qui se trouve aux dernières pages.
Grâce à divers programmes de soutien d’urgence, la loi a permis au gouvernement d’aider des millions de Canadiens et des centaines de milliers d’entreprises canadiennes à traverser la crise. Si la loi n’est pas prolongée, ces paiements pourraient être interrompus, ce qui aurait des conséquences néfastes sur la vie des gens, des familles et des entreprises. Depuis le 15 mars, près de 9 millions de personnes ont reçu la PCU, ce qui a aidé des millions de Canadiens et leurs familles à éviter des pertes de revenu catastrophiques tout en contribuant à maintenir l’économie à flot. Aujourd’hui, le Canada est toujours en pleine crise. On estime que plusieurs millions de Canadiens ont encore besoin de soutien du revenu.
De plus, en prolongeant la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, le gouvernement pourra prolonger le financement de mesures importantes dans sa lutte contre la COVID-19, notamment pour l’achat d’équipement de protection individuelle pour assurer la sécurité des travailleurs essentiels et relancer l’économie en toute sécurité, la recherche médicale visant à approfondir les connaissances sur le virus et éclairer notre réponse, ainsi que l’achat futur de vaccins et d’autres traitements.
Ensemble, ces mesures vont aider notre économie à tenir le coup et les Canadiens à faire le pont entre le confinement total du printemps dernier et une réouverture prudente et sécuritaire de l’économie cet automne et cet hiver.
Pour conclure, chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis offre des mesures équilibrées et modulées pour faire face à ce qui est peut-être la pire crise sanitaire et économique de notre génération. La pandémie a changé de nombreuses choses, y compris notre façon d’interagir dans cette enceinte, mais elle va avoir une fin. Les Canadiens sont résilients. Nous allons surmonter cette période difficile et nous allons le faire ensemble. En appuyant ce projet de loi, nous nous assurons de veiller sur les Canadiens. Nous avons ici l’occasion de travailler ensemble pour bâtir un Canada plus fort. Chers collègues, je vous encourage tous à appuyer l’adoption du projet de loi C-4 comme je vais le faire. Merci.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, j’ai quelques questions pour le sénateur Dean.
Son Honneur le Président : Sénateur Dean, accepteriez-vous de répondre à quelques questions?
Le sénateur Dean : Certainement.
La sénatrice Martin : Monsieur le sénateur, vous avez raison. La présence des ministres avant ce débat nous a permis d’obtenir des réponses à un bon nombre de nos questions, mais pas à toutes nos questions. En tant que porte-parole, je pense qu’il est important que je vous pose certaines questions très précises puisque vous parrainez le projet de loi.
Pourriez-vous m’expliquer l’article 41, celui qui permet au gouvernement de dépenser aux termes de la cette loi jusqu’au 31 mars 2024 alors que les programmes prennent fin en 2021? Sans être inquiétante, la date du 31 mars 2024 a attiré mon attention. Je suis curieuse de savoir pourquoi elle figure dans cet article du projet de loi.
Le sénateur Dean : Laissez-moi trouver le bon article.
La sénatrice Martin : Je crois qu’il se trouve dans la partie 4.
Le sénateur Dean : Oui, c’est tout à fait exact. Vous parlez de l’article 41 et faites allusion à la partie suivante : « Peuvent être payées sur le Trésor, jusqu’au 31 mars 2024 [...] » Merci de votre question, qui est vraiment très bonne. Lors de mes préparatifs, je me suis abondamment informé auprès de fonctionnaires du ministère, mais je crains ne pas pouvoir répondre à cette question.
Je ne peux que supposer qu’il y a des coûts de fonctionnement liés au projet de loi, qui devront être payés à même le Trésor, mais je crains que je n’aie pas de meilleure réponse à donner. J’aurais aimé que vous puissiez poser cette question aux fonctionnaires quand ils étaient ici.
La sénatrice Martin : J’ai aussi fait mes propres recherches. Un adjoint avec qui j’ai travaillé au bureau du leader m’a notamment indiqué que l’Agence du revenu du Canada est responsable de récupérer ou de recouvrer certains paiements faits par erreur ou des trop-payés et qu’il pourrait y avoir des activités frauduleuses, ce qui pourrait prendre un certain temps. J’ignore si c’est tout à fait exact. Vous aviez demandé tellement de précisions dans ce dossier, mais la date en soi m’a fait réfléchir. Pourquoi l’année 2024 apparaît-elle dans ce projet de loi?
Le sénateur Dean : Sénatrice Martin, vous me rappelez justement qu’il y a un autre article dans le projet de loi — j’y reviendrai dans un instant — qui donne quelque chose comme 60 ou 72 mois à l’Agence du revenu du Canada pour recouvrer les sommes que certains bénéficiaires ont pu toucher sans y avoir droit. Voilà pourquoi on parle de 2024.
La sénatrice Martin : Je vois. Cela me semble loin, mais bon. Vu la complexité de ces dossiers, je serais curieuse de connaître le taux de succès de l’ARC. Les activités se prolongeront-elles au-delà de cette date ou a-t-on la garantie que c’est à ce moment que cesseront certaines dépenses?
Le sénateur Dean : Cela me semble assez immuable, puisqu’on a pris la peine de donner une date précise. Bref, je dirais oui.
La sénatrice Martin : D’accord. Je sais que nous franchirons l’étape de la troisième lecture et que nous terminerons le débat demain, alors j’aurais aimé que nous ayons une réponse définitive, vous et moi. Je vais devoir considérer que les chiffres que nous avons correspondent aux dépenses prévues dans le projet de loi. Vous avez parlé de 41 milliards de dollars, mais la ministre a donné un autre chiffre, et le sénateur Carignan est arrivé de son côté à 51 milliards. Il me semble que la ministre a donné trois chiffres dans sa réponse au sénateur Carignan, et moi aussi j’arrivais à un total de 51 milliards de dollars après un calcul rapide, mais peut-être pourriez-vous vérifier?
Le sénateur Dean : Le chiffre que j’ai mentionné pendant mon intervention est celui qui m’a été fourni par les fonctionnaires. Il correspond au coût de ces trois programmes, plus les 17 milliards de dollars décrits dans les dernières pages du projet de loi.
Son Honneur le Président : Souhaitez-vous en débattre, sénatrice Martin?
La sénatrice Martin : J’aurais encore une question, Votre Honneur. Je sais que beaucoup d’autres sénateurs souhaitent prendre la parole...
Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice Martin, mais selon l’article 3-3(1) du Règlement, comme il est 18 heures, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que les sénateurs consentent à ne pas tenir compte de l’heure.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Martin : Je vous remercie de vos précisions. C’est à propos des 41 milliards et des 17 milliards plus 41... En fait, les chiffres que j’ai dans ma liste ne tiennent pas la route, mais je les réexaminerai par moi-même.
Ma dernière question, monsieur le sénateur, porte sur la définition de « famille » fournie dans la Loi sur des mesures en réponse à la COVID-19. Elle dit ceci :
[...] personne considérée comme un proche parent ou qui se considère comme un proche parent.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement a choisi d’utiliser cette définition très large de la famille?
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Le sénateur Dean : Je ne peux que supposer que dans les familles d’aujourd’hui, il existe toute une série de rapports étroits, familiaux et non familiaux. Concrètement, cela signifie que si un ménage a un proche aidant, qu’il s’agisse d’un membre de la famille ou d’une autre personne rémunérée, si cette personne n’est plus en mesure de s’occuper de l’enfant ou de l’adulte concerné, il est possible que le parent ait à s’absenter du travail pour jouer le rôle de proche aidant à la maison.
Je pense que c’est dans le contexte d’un ménage. L’objectif ici est que si un parent a besoin d’aide parce que son enfant reste à la maison, il a droit à la prestation. S’il y a une autre personne qui s’occupe normalement des enfants, que ce soit un membre de la famille ou non, et qu’elle est touchée par la COVID, ce qui force le parent à s’absenter du travail, ce dernier a quand même droit à la prestation.
C’est une lecture simple et logique de ce que le texte dit.
La sénatrice Martin : Je serai brève. J’espère que vous me pardonnerez ainsi tout le temps que j’ai pris pour mes questions plus tôt aujourd’hui.
Son Honneur le Président : Souhaitez-vous en débattre, sénatrice Martin?
La sénatrice Martin : Oui, je veux en débattre.
Absolument, il s’agit en principe d’un projet de loi qu’il faut étudier très attentivement et les Canadiens méritent d’être soutenus par le gouvernement durant cette période, notamment les petites entreprises dont je parle souvent dans mes interventions. Le projet de loi est très important pour eux. Comme je l’ai dit, j’estime que des questions demeurent sans réponse et j’espère que le gouvernement compte travailler assidument pour combler ces lacunes.
Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19. Encore une fois, alors que nous abordons ce débat très important, je veux prendre un instant pour souligner et reconnaître la force, la résilience et la bienveillance sincère des Canadiens de tout le pays. Ces derniers mois ont été très durs pour beaucoup de Canadiens, de familles et d’entreprises. Nous remercions tous les travailleurs de première ligne et du secteur de la santé pour faire preuve d’un courage inébranlable sur le terrain et pour continuer à protéger les Canadiens.
Aux Canadiens qui souffrent de maladie mentale, qui ont perdu un être cher, leur emploi ou leur entreprise et qui élèvent une famille en ces temps incertains, j’espère que nos débats et le soin avec lequel nous nous efforçons de faire notre travail en tant que sénateurs leur donneront l’assurance qu’il y aura des jours meilleurs et qu’ensemble, nous allons persévérer en tant que pays.
Dimanche dernier, je me suis entretenue avec un vétéran de la guerre de Corée. Il a eu 90 ans en juin dernier. Il a fait une chute, mais il s’en est remis et il est encore capable de se promener dans son quartier. Il m’a dit que des gens l’abordent souvent pendant ses promenades pour lui offrir de l’aide, et que ce sont des gens de tous les âges.
Des exemples aussi touchants nous redonnent foi en l’humanité. En cette Journée nationale des aînés, je tiens à saluer Bill Newton, le vétéran dont je parle, ainsi que tous les aînés qui ont fait des sacrifices pour que nous puissions être ici aujourd’hui.
Je serai brève pour présenter le reste de mes observations à l’étape de la deuxième lecture, car je parlerai plus en détail de la teneur du projet de loi lors de la troisième lecture. Je tiens à saluer notre collègue le sénateur Dean, qui parraine le projet de loi.
Chers collègues, nous savions depuis longtemps que ce projet de loi allait venir. À la fin juillet, le gouvernement avait annoncé son intention de faire passer tous les prestataires de la PCU à l’assurance-emploi. Il a aussi dit que pour ceux qui ne seront toujours pas admissibles à l’assurance-emploi, comme les travailleurs contractuels, il créerait une prestation de transition semblable à l’assurance-emploi, ainsi qu’une prestation de maladie et une prestation pour proches aidants. Cela fait longtemps qu’il prépare le projet de loi.
Près d’un mois plus tard, le 20 août, le gouvernement a révélé quelques détails sur ces programmes. Nous avons appris qu’il s’agirait de la Prestation canadienne de relance économique, de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et de la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants.
Toutefois, il a fallu attendre cinq semaines supplémentaires avant que le premier projet de loi habilitant soit présenté au Parlement le 24 septembre. Le projet de loi C-2 a été initialement déposé à la Chambre des communes, mais très peu de temps après, une nouvelle version, le projet de loi C-4, s’est révélée nécessaire. C’est une autre preuve que le gouvernement tente de faire adopter des projets de loi à la hâte et de précipiter son programme législatif.
Le débat sur le projet de loi n’a commencé que lundi à la Chambre des communes. Nous sommes jeudi. Le lendemain, soit mardi, les députés sont passés au travers des étapes de la deuxième lecture, du comité plénier et de la troisième lecture en une seule journée. Étant donné qu’il y a trois fois plus de parlementaires à la Chambre, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui a été négligé ou compromis pour permettre au gouvernement de faire adopter ce projet de loi en une seule journée.
Le gouvernement a eu des mois pour travailler sur ce projet de loi, mais maintenant, il s’attend à ce que le Parlement l’adopte à toute vapeur, en quelques jours seulement, en grande partie à cause de la prorogation inutile qui a eu lieu à la demande du premier ministre.
Honorables collègues, j’ignore ce qu’il en est pour vous, mais moi, je suis très troublé par cette situation.
J’ai constamment l’impression que le premier ministre considère le Parlement du Canada — tant la Chambre que le Sénat — comme son engin personnel géant d’approbation automatique plutôt que des Chambres de débat, d’étude et de second examen objectif. Il est regrettable que nous n’ayons pas le temps d’étudier convenablement ce projet de loi et d’y apporter, au besoin, d’éventuels amendements, ce que nous faisons efficacement grâce au travail rigoureux de nos comités.
Dans son annonce de juillet, le premier ministre a promis que « personne ne [serait] laissé pour compte ». Or, ce projet de loi ne semble pas respecter cet objectif. Après avoir perdu leur emploi et avoir vu leur entreprise être contrainte de fermer ses portes, de nombreux Canadiens se demandent avec beaucoup d’inquiétude s’ils seront admissibles à de l’aide, s’ils pourront retourner au travail, s’ils seront en mesure de payer leur loyer le mois prochain et s’ils passeront au travers de la deuxième vague de la pandémie de COVID-19.
Les demandes répétées des propriétaires d’entreprise pour que l’on réforme les autres programmes afin de les rendre plus efficaces tombent dans l’oreille d’un sourd. Il en résulte que de nombreuses entreprises sont au bord de la faillite en ce moment. L’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial est arrivée à échéance, et les promesses de prolonger les prêts du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes et la Subvention salariale d’urgence du Canada risquent de mettre du temps à se concrétiser. D’ailleurs, les entreprises qui utilisent un compte bancaire personnel ne sont toujours pas admissibles au prêt, un problème qui, comme l’a exprimé la ministre Freeland, est plutôt complexe.
Si des entreprises ne survivent pas, davantage de Canadiens perdront leur emploi et leur gagne-pain et aucun programme gouvernemental ne suffira à compenser ces pertes.
J’en conviens, ces prestations d’urgence sont nécessaires présentement, alors que la population traverse une tempête sur laquelle elle n’a aucune prise. Cependant, il faudrait prendre bien soin d’examiner ces prestations et non les adopter à toute vapeur alors que le gouvernement avait des mois pour se préparer.
J’apprécie que les ministres Qualtrough et Freeland soient venues témoigner devant le comité plénier aujourd’hui. Cependant, des questions ont été laissées en suspens quant à la façon dont le gouvernement s’y prendra pour aider les Canadiens les plus vulnérables en ces temps difficiles afin que la relance économique se fasse le plus tôt possible.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit, j’en parlerai plus en détail à l’étape de la troisième lecture. Je porterai attention à ce que les autres diront dans le cadre du présent débat, ainsi qu’à l’étape de la troisième lecture. Merci.
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L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis heureuse de me trouver dans cette enceinte pour parler du projet de loi C-4. Les quelques derniers mois ont été difficiles pour tout le monde et je suis heureuse de pouvoir être ici en personne aujourd’hui. Zoom et Microsoft Teams sont utiles, et nous avons de la chance, en 2020, d’avoir ces technologies, mais je dois dire qu’il y a bien des jours où je n’en peux plus de Zoom. Je suis certaine que je ne suis pas la seule dans ce cas. Bref, je suis ravie d’être sur place et de vous voir aujourd’hui, cette semaine.
Au cours des six derniers mois, la population canadienne a fait face à de nombreux défis : une pandémie dévastatrice qui a causé la mort de près de 10 000 Canadiens; d’énormes pertes d’emplois; un confinement prolongé; une économie mise à mal.
Comme l’a dit le sénateur Kutcher plus tôt, 22 personnes ont également perdu tragiquement la vie dans ma province, victimes d’une fusillade insensée. Nous avons été envahis par le chagrin après l’écrasement de l’hélicoptère CH-148 Cyclone basé en Nouvelle-Écosse, qui a coûté la vie à six membres des Forces armées canadiennes. Espérons ne pas avoir à revivre une telle période.
Honorables sénateurs, cela dit, le gouvernement fédéral a été juste et équitable en assumant une partie du fardeau des Canadiens au cours de cette période difficile. Il a présenté des mesures de soutien extraordinaires pour aider ceux qui sont les plus durement touchés. La mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui, le projet de loi C-4, repose sur cet excellent travail.
Je n’ai pas l’intention de parler de tout ce que prévoit le projet de loi. Le parrain du projet de loi, le sénateur Dean, a déjà fait de l’excellent travail tout à l’heure pour décrire en quoi il consiste, mais j’ai tout de même quelques observations à faire au sujet de certains éléments.
La nouvelle Prestation canadienne de relance économique, qui sera en vigueur jusqu’au 25 septembre de l’année prochaine, sert à remplacer la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, qui est maintenant terminée et qui a permis de verser 2 000 $ par mois aux Canadiens qui ont perdu leur emploi au plus fort de la première vague.
L’aide fournie grâce à la nouvelle prestation est essentielle pour les Canadiens encore touchés par le chômage. J’ai une crainte au sujet de la prestation de relance économique, comme c’était le cas avec la PCU. Cette prestation est imposable, mais elle n’est pas imposée à la source. Habituellement, quand on reçoit un chèque de paie, l’impôt sur le revenu a déjà été déduit et le salaire net qu’on reçoit est généralement le montant qu’on conserve. Ce n’est pas le cas avec la PCU, et ce ne sera pas le cas non plus avec la nouvelle prestation. Une personne qui a reçu l’une ou l’autre des prestations devra la déclarer comme un revenu, puis, selon son salaire annuel, elle pourrait devoir payer des impôts.
Je crains que les Canadiens qui viennent de se remettre sur pied ne reçoivent une lourde facture de l’Agence du revenu du Canada en avril prochain. J’espère que le gouvernement réfléchit au problème et qu’il adoptera une approche axée sur le bon sens.
La Prestation canadienne de maladie pour la relance économique s’élèvera à 500 $ par semaine pendant un maximum de deux semaines pour les personnes qui tombent malades, qui doivent s’isoler puisqu’elles ont été en contact avec quelqu’un dont le test de dépistage de la COVID-19 s’est révélé positif ou qui sont plus vulnérables au virus. Ce sont de bonnes nouvelles. Personne ne devrait être pénalisé pour être tombé malade ou pour avoir fait sa part pour assurer la sécurité d’autrui.
Nous savons que les dispositions provinciales en matière de congé de maladie, qu’il soit rémunéré ou non, varient grandement d’un bout à l’autre du Canada. La plupart des provinces et territoires ne prévoient aucun congé de maladie rémunéré, mais la grande majorité d’entre eux prévoient un nombre variable de jours de congés de maladie non rémunérés.
Cependant, les indemnités de congé de maladie demeurent un problème. Même si le gouvernement fédéral paiera jusqu’à deux semaines de congé de maladie, ce qui est une mesure positive, la plupart des provinces ne protègent pas l’emploi d’une personne qui prend autant de jours de congé. Sans l’appui des provinces et des employeurs, il n’y a aucune garantie qu’une personne qui prend les deux semaines complètes de congé ne perdra pas son emploi à cause de son choix.
Je laisse au gouvernement fédéral le soin de travailler avec ses homologues provinciaux et territoriaux ainsi qu’avec les parties prenantes afin de déterminer la meilleure voie à suivre pour tout le monde. J’espère que les discussions commenceront dès que le projet de loi C-4 recevra la sanction royale.
Je pense également qu’il est important de souligner que les modifications apportées aux articles du Code canadien du travail concernant les congés de maladie et les congés pour les proches aidants, quoique positives, ne s’appliquent qu’aux employés sous réglementation fédérale. Les fonctionnaires fédéraux, le personnel parlementaire et les employés du secteur privé sous réglementation fédérale, comme les banques, les compagnies aériennes et les sociétés de télécommunications, ont droit à deux semaines de congé de maladie payé et de 26 semaines de congé pour proche aidant payé sans craindre de perdre leur emploi.
Les personnes concernées ne représentent que 8 % des travailleurs canadiens. La grande majorité, des millions d’entre eux, est sous réglementation provinciale. On compte parmi eux les nombreux travailleurs jugés essentiels pendant la pandémie, qui travaillent dans les épiceries ou les stations-service par exemple ou, comme quelqu’un l’a mentionné plus tôt, dans les établissements de soins de longue durée. Malheureusement, la plupart d’entre eux n’ont accès à aucun congé de maladie. Nous devons les prendre en compte.
Nous savons que de nombreux parents doivent garder leurs enfants à la maison à cause d’un nez qui coule ou d’un mal de gorge. Les jours s’accumulent vite dans ce cas-là.
Enfin, sénateurs, j’aimerais dire quelques mots sur le processus qui a mené à ce projet de loi. Il est arrivé souvent que des gouvernements de toutes les allégeances présentent des projets de loi à la dernière minute — ce n’est pas quelque chose de nouveau en 2020 —, et qu’ils exhortent les sénateurs à l’adopter sans délai en laissant entendre que notre second examen objectif n’est pas vraiment requis cette fois-ci. Mon collègue et ami le sénateur Mercer a un tiroir plein de discours dans lesquels il déplore cette pratique qui avait déjà cours à son arrivée au Sénat. Je suis sûre que bon nombre d’entre vous ont entendu ces discours.
Je sais que le gouvernement a une échéance à respecter, mais je suis heureuse de voir que, dans cette enceinte, nous étudions ce projet de loi avec la diligence et l’efficacité requises, et je suis certainement favorable à ce qu’il soit adopté rapidement. Les Canadiens ont besoin d’aide maintenant. Je suis heureuse que le gouvernement fédéral fasse son travail essentiel pour que les gens d’un bout à l’autre du pays aient les outils dont ils ont besoin pour traverser la pandémie.
Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, le gouvernement provincial a aussi joué son rôle pour protéger les résidants. Nous avons mieux réussi que d’autres à maintenir le nombre de cas à un bas niveau dans notre coin isolé de l’Atlantique. J’ai bon espoir que nous pourrons garder le cap et faire baisser le nombre de cas non seulement dans la région isolée de l’Atlantique, mais partout au pays.
Cependant, nous devons demeurer vigilants, honorables sénateurs. L’épreuve n’est pas terminée, comme nous l’avons constaté dans les dernières semaines. Nous avons vu les chiffres chuter de façon constante, pour ensuite remonter soudainement en flèche dans certaines régions du pays, au cours des dernières semaines. Nous avons bien du chemin à faire, et nous devons travailler ensemble pour que notre pays et tous les Canadiens se sortent le mieux possible de cette crise. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord remercier le sénateur Dean de tous les efforts qu’il a déployés pour faire valoir cette importante mesure législative. Habituellement, c’est à ce moment-ci dans mon discours où je me répandrais en injures contre le gouvernement parce qu’il nous oblige à adopter un projet de loi à la hâte, mais le sénateur Tannas et d’autres s’en chargent. Le gouvernement actuel n’est pas le seul à agir de la sorte; c’est un problème qui perdure depuis un certain nombre d’années.
Nous venons d’amorcer la deuxième vague de la COVID-19 et les régions dans l’ensemble du Canada doivent composer avec différents problèmes. Par exemple, il y a très peu de cas de la COVID-19 dans le Canada atlantique, mais les effets économiques de la pandémie sont énormes dans cette région, particulièrement dans l’Île-du-Prince-Édourard.
L’ultime priorité du gouvernement doit toujours demeurer la prise de mesures concrètes pour protéger la sécurité et le bien-être des Canadiens. Les Canadiens ne devraient pas avoir à choisir entre leur sécurité et leur subsistance.
Ce projet de loi, tout comme les mesures précédentes qui ont été mises en œuvre, vise à protéger la sécurité financière des Canadiens jusqu’à ce que la crise se résorbe et qu’il soit temps de penser à la relance économique. De cette manière, nous serons en mesure de relancer l’économie plus rapidement le moment venu. De plus, en n’obligeant pas les Canadiens à retourner au travail dans des conditions dangereuses, nous veillons à ce que les taux d’infection demeurent bas, ce qui permettra au Canada de commencer sa reprise économique plus rapidement.
(1820)
Évidemment, comme je ne suis pas en mesure de me déplacer à Ottawa depuis le 12 mars dernier, je me suis surtout concentré sur ma province. Jusqu’à présent, l’Île-du-Prince-Édouard est très chanceuse. Grâce au dévouement des responsables de la santé publique et des travailleurs de santé partout dans la province, très peu de Prince-Édouardiens ont contracté la COVID-19. Heureusement, à ce jour, personne n’a été hospitalisé ou n’est décédé à cause de la maladie.
Toutefois, comme c’est le cas partout ailleurs au pays, la crise sanitaire a eu une incidence dévastatrice sur ma région. En juillet, notre secteur de la restauration a connu la plus importante perte de revenus au pays. La fermeture de restaurants à l’échelle du continent a entraîné une baisse de la clientèle pour les exportations agricoles. Comme je l’ai déjà mentionné, les exportations de frites surgelées ont chuté drastiquement, ce qui a eu des répercussions sur notre secteur agricole.
En août, le taux de chômage de l’Île-du-Prince-Édouard était l’un des plus élevés au pays, puisqu’il se classait au troisième rang. Pour une province comme la nôtre, qui dépend grandement du tourisme, la dernière saison touristique a été carrément dévastatrice. Normalement, l’Île-du-Prince-Édouard, une province d’environ 150 000 habitants, accueille 1,5 million de visiteurs, principalement pendant l’été. Pour une raison qui m’échappe, nous avons eu très peu de visiteurs en février et en mars. Peut-être était-ce une question de température, je l’ignore. Les plages sont fermées. Quand la brève saison touristique annuelle n’a carrément pas lieu, cela a évidemment des conséquences négatives.
Bref, les gens de l’Île-du-Prince-Édouard ont besoin des mesures que propose le projet de loi, et ils les accueillent favorablement.
L’Île-du-Prince-Édouard est la province où le salaire hebdomadaire est le plus bas. Par conséquent, la Prestation canadienne de relance économique, de 500 $ par semaine, correspondrait à un peu plus de 50 % du salaire moyen à l’Île-du-Prince-Édouard, tandis qu’elle correspond à près de 45 % de la moyenne nationale. Comme la Prestation de relance économique prend la relève de la PCU et qu’on a annoncé une modification des critères d’admissibilité à l’assurance-emploi, les Prince-Édouardiens — qui n’ont accumulé que peu d’heures, voire aucune heure de travail l’été dernier en raison de la situation dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de l’agriculture — seront maintenant admissibles à cette prestation.
Quant à la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants, elle aidera les Prince-Édouardiens qui ont toujours un emploi mais qui doivent prendre congé pour s’occuper d’un enfant ou d’un autre proche à charge pour des raisons liées à la pandémie.
Ces mesures, combinées aux deux semaines de congés de maladie payés pour les personnes qui doivent s’isoler à cause de la COVID-19, offriront un précieux filet de sécurité aux Prince-Édouardiens et aux Canadiens qui devront composer avec la deuxième vague.
Évidemment, aucune mesure n’est parfaite. C’est particulièrement vrai dans le cas des mesures législatives d’urgence. Ce qui est souhaitable et nécessaire est limité par ce qui est possible. C’est le cas des mesures contenues dans le projet de loi à l’étude. Par exemple, la période de 26 semaines prévue pour la Prestation canadienne de relance économique et la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants peut sembler appropriée pour l’instant, mais tout comme il est difficile de se rappeler comment les choses allaient au pays il y a six mois, il est difficile de s’imaginer que cette crise sera terminée dans six mois.
Nous n’exerçons aucun contrôle sur de nombreux facteurs, y compris le moment où un vaccin sera disponible. Notre conduite aidera à déterminer la longueur et la gravité de la deuxième vague, mais les données probantes ne sont pas très positives jusqu’à présent. Nous aurons probablement besoin d’une aide supplémentaire, surtout pour les secteurs comme le tourisme et l’agriculture, d’autant plus que, dans les deux cas, même dans des circonstances idéales, la saison est loin d’être bien amorcée avant avril.
Dans le même ordre d’idées, même si le montant de 500 $ par semaine constituera un coup de pouce indéniable pour les personnes dans le besoin, il s’agit néanmoins d’une prestation imposable. Or, comme les impôts ne sont pas retenus à la source, certaines personnes risquent de se retrouver avec une facture d’impôt extrêmement salée au printemps prochain, c’est-à-dire précisément au moment où toutes ces prestations doivent prendre fin.
Quel que soit le critère utilisé, 500 $ par semaine, c’est très peu — légèrement moins que le revenu hebdomadaire d’un travailleur de l’Île-du-Prince-Édouard qui gagne 12,85 $ l’heure, soit le salaire minimum, et bien en deçà du seuil de la pauvreté de la province. Personne ne deviendra riche avec ce programme, mais il permet aux gens de continuer à avancer.
Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une mesure de survie et, à ce titre, elle est la bienvenue.
Chers collègues, les analogies guerrières ont sans doute été usées à la corde, mais nous venons peut-être de franchir ce que Churchill aurait décrit comme la fin du début. Nous pouvons toujours miser sur la découverte d’un vaccin ou d’un traitement vraiment efficace ou sur un meilleur respect des consignes sanitaires pour vaincre le coronavirus, mais le jour de la victoire est encore loin, hélas.
Les mesures contenues dans ce projet de loi ne sont pas parfaites, mais elles sont nécessaires et elles font l’affaire pour l’instant. Ne laissons pas la quête de la perfection devenir l’ennemi du bien — même si je doute fort qu’il y ait encore une seule personne pour espérer la perfection en 2020.
Je vais voter pour le projet de loi et je tiens à remercier le sénateur Dean.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour parler d’un élément précis du projet de loi qui montre à quel point notre pays sait ce que signifie le fait de prendre soin des membres de sa famille.
[Traduction]
Je parle de la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants. Ce programme fournit 500 $ par semaine pour un maximum de 26 semaines aux parents et aux tuteurs qui doivent prendre congé pour prendre soin d’un enfant de moins de 12 ans, si l’enfant doit rester à la maison pour des raisons liées à la COVID-19 ou si la personne qui s’en occupe habituellement, que ce soit une bonne d’enfants, une éducatrice à la maison, un grand-parent ou un parent, ne peut le faire pour des raisons liées à la COVID-19.
Même si le projet de loi n’est pas parfait, il faut reconnaître qu’il franchit une étape importante pour reconnaître la complexité de la vie familiale moderne des Canadiens aujourd’hui ainsi que le besoin d’atteindre un équilibre pendant cette pandémie éprouvante.
Aux quatre coins de ma province, l’Alberta, des parents angoissent en se demandant s’il est sécuritaire pour leurs enfants de retourner en classe ou à la garderie, ou s’il est préférable d’opter pour l’école à la maison. Pour d’autres familles, le choix n’en est pas un : elles ont un enfant atteint d’une maladie chronique qui le rend particulièrement vulnérable à la COVID-19.
La Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants devrait faire en sorte qu’il soit possible pour beaucoup de ces parents ou tuteurs de rester à la maison pour s’occuper des enfants en bas âge, que ce soit parce que leur enfant doit rester en quarantaine pour deux semaines, que son école ou sa garderie est fermée à la suite d’une éclosion de COVID-19 ou qu’un retour à l’école mettrait réellement sa vie en danger.
Par le passé, on s’attendait, dans une telle crise, à ce qu’un parent — et soyons honnêtes, dans la plupart des cas, on parle de la mère — quitte son emploi ou prenne un congé sans solde pour rester à la maison avec les enfants. Ce n’est pas simplement une hypothèse; c’est un dilemme que vivent les parents partout au pays en ce moment. Pas plus tard que ce matin, un membre de mon personnel m’a appelée pour me dire que son fils de 10 ans avait reçu la directive de s’isoler pendant 14 jours parce qu’il a été en contact étroit, dans sa classe de 5e année ici-même à Ottawa, avec une personne qui a obtenu un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19.
Heureusement, ce membre du personnel fait un excellent travail pour ce qui est de s’occuper de moi à distance tout en prenant soin de son fils, mais ce n’est pas tous les Canadiens qui ont un emploi qui leur donne une telle flexibilité ou qui ont l’option de travailler de la maison. Voilà pourquoi ce projet de loi est particulièrement nécessaire et doit être adopté sans tarder, car tant de parents sont aux prises avec une situation semblable.
Je suis heureuse que l’on reconnaisse dans cette mesure législative qu’il n’est pas juste ou sage sur le plan économique, en 2020, d’obliger les femmes à quitter le marché du travail sans leur proposer un plan pour y retourner. Cette mesure législative reconnaît que nous pouvons être à la fois des parents et des travailleuses. En ce moment, les Canadiens traversent une période de grande perturbation, comme s’ils marchaient sur une corde raide, et le projet de loi dont nous sommes saisis aiderait les parents à trouver un équilibre entre leur vie familiale et leur vie professionnelle, ce qui n’est jamais une mince tâche, surtout en ce moment.
Il incombe de noter que la mesure législative reconnaît le rôle des autres proches aidants : par exemple, ceux qui doivent s’absenter du travail parce que leur enfant d’âge adulte qui a des troubles du développement ne peut pas vivre dans son foyer d’accueil parce que ce dernier a été fermé en raison de la COVID-19, ou ceux qui ont un parent ou un conjoint atteint de l’alzheimer qui ne peut plus participer à son programme de jour habituel en raison de la pandémie.
La mesure législative permet également aux proches aidants de s’absenter du travail grâce à une subvention gouvernementale de 500 $ par semaine. Il est important de comprendre que de nombreux Canadiens tentent tant bien que mal de prendre soin des adultes à charge dans leur vie en cette période de crise sans précédent et ont besoin d’un peu plus de flexibilité pour y parvenir.
(1830)
À un moment où des familles de toutes sortes et de toutes configurations relèvent les défis médicaux, économiques et logistiques extraordinaires de la COVID-19, je pense que nous pouvons être fiers, en tant que Canadiens, de voir tant de nos dirigeants mettre de côté la partisanerie et faire preuve de créativité pour aider les familles à traverser la crise. Je pense qu’il est réconfortant de voir que le projet de loi a été adopté par consentement unanime de l’autre endroit avant d’être envoyé au Sénat.
Il est temps de reconnaître clairement que nous ne pouvons pas simplement attendre des femmes canadiennes qu’elles se sacrifient pour dispenser des soins sans être rémunérées et pour assumer le gros du fardeau qui pèse sur les collectivités en raison du coronavirus.
Le projet de loi reconnaît que la prestation de soins par la famille constitue un travail de valeur et que les gens devraient pouvoir se retirer temporairement du marché du travail sans laisser leur famille au dépourvu sur le plan financier. Si vous me permettez une brève envolée mélodramatique, la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants est un texte législatif extrêmement féministe qui place aussi les valeurs familiales au cœur du féminisme. En tant que mère qui travaille et qui a passé une grande partie de ces dernières années à concilier ses responsabilités envers ses enfants, son travail et ses parents vieillissants, je pense que le projet de loi est un symbole et un signal extrêmement importants. Il y a des gens qui veulent nous faire croire que le féminisme et les valeurs familiales sont opposés. Au contraire, comme le montre le projet de loi, elles sont inextricablement liées.
Je suis également heureuse de constater que ces règles n’exigent pas que quelqu’un arrête complètement de travailler. Vous pouvez aussi demander la prestation si vous travaillez deux fois moins qu’auparavant, par exemple si vous avez réduit vos heures de travail ou si vous êtes passé d’emploi à temps plein à un emploi à temps partiel. Il ne s’agit pas seulement d’une prestation pour les gens qui perçoivent un salaire. Elle est également accessible aux travailleurs autonomes, aux entrepreneurs, aux travailleurs contractuels et aux travailleurs à la demande. Ce fait est important parce qu’il reconnaît que le marché du travail de 2020 ne ressemble plus à celui de 1950.
[Français]
La pandémie de COVID-19 nous a donné l’occasion de faire le point et de nous rendre compte à quel point notre famille est importante et à quel point nous devons compter sur l’amour et l’attention des membres de notre famille. La période que nous vivons est difficile et pénible. Rarement auparavant nous sommes-nous sentis aussi vulnérables et rarement avons-nous eu autant besoin des membres de notre famille. Je suis moi-même encore en deuil de ma propre mère, qui nous a quittés le mois dernier.
Elle n’est pas morte de la COVID-19, mais de complications liées à un trouble médical chronique que le confinement a rendues bien pires. La COVID-19 fait de nombreuses victimes, mais les victimes ne sont pas toutes recensées dans les listes officielles de décès. En revanche, cette maladie a peut-être aussi un côté positif : elle nous aide à voir à quel point nous devons compter sur notre famille et nos bons amis pour pouvoir traverser cette période difficile. Elle nous enseigne la valeur de l’amour.
[Traduction]
La Prestation canadienne de relance économique est-elle une solution parfaite? Non, elle ne l’est pas. Certains pourraient soutenir, à juste titre, que l’âge limite est quelque peu arbitraire. Cette prestation aide les parents d’enfants âgés de 9, 10 ou 11 ans, mais pas les parents d’enfants de 12 ou 13 ans. Pourtant, combien d’enfants de 12 ans peuvent être laissés seuls à la maison s’ils sont atteints de la COVID-19. Combien peuvent être laissés sans supervision pour participer à des cours en ligne de sixième année ou de secondaire un?
Certains pourraient soutenir, et c’est leur droit, que, bien qu’il puisse sembler généreux d’offrir 26 semaines de prestations, ce n’est peut-être pas assez pour une famille qui doit rester à la maison pendant toute une année, sans pouvoir envoyer les enfants à l’école ou les amener à la garderie. Certains pourraient soutenir — et c’est tout à fait vrai — que ce ne sont pas toutes les familles qui peuvent prendre congé pour s’occuper d’un parent qui souffre de démence ou d’un enfant qui a des besoins particuliers.
Si nous avions eu tout le temps du monde, je suis certaine que nous aurions pu élaborer une prestation plus parfaite. Bien franchement, j’aurais bien aimé, moi aussi, que le Sénat ait plus de temps pour analyser et soupeser ce projet de loi, mais je sais aussi que des familles canadiennes de toutes sortes attendent l’aide financière qu’offrira la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants.
Il reste des questions importantes qu’il convient de poser, concernant la façon de mettre en œuvre les différents éléments du projet de loi. Celui-ci exige que les Canadiennes demandent toute une gamme de prestations, mais le stress et les limites entraînés par la COVID-19, qui rendent le projet de loi nécessaire, peuvent aussi empêcher beaucoup de personnes de remplir le formulaire de demande. C’est d’une importance vitale de veiller à ce qu’il y ait de l’aide pour guider les gens dans le système de demande, surtout les personnes qui ne parlent pas couramment l’anglais ou le français, qui sont analphabètes, pour lesquelles la lecture est difficile ou qui n’ont pas accès à Internet pour faire une demande en ligne.
Nous devons aussi veiller à ce qu’il y ait une procédure d’appel transparente, simple et efficace pour que les personnes dont la demande est refusée puissent contester la décision en toute équité.
Bien entendu, il est important de protéger l’intégrité du programme et de mettre en place les garanties nécessaires pour éviter les abus. Cela dit, nous devons également comprendre qu’en période de crise sanitaire, financière ou familiale, beaucoup de gens n’ont peut-être pas les moyens de naviguer dans un système de demande compliqué. Le gouvernement du Canada et les travailleurs qui ont mis en place notre première série de plans d’aide liés à la COVID-19 méritent nos éloges et nos remerciements pour la manière remarquablement efficace dont ils ont déployé les premières prestations. J’espère qu’ils tireront parti de leurs succès et de leurs échecs afin de rendre les prestations prévues par ce projet de loi aussi équitables et accessibles que possible.
Oui, il y a des gens, même dans ma province, qui pourraient regretter que de telles aides permettent à certains de rester assis à manger des Cheezies et à regarder des dessins animés. Y aura-t-il quelques tricheurs? Sans aucun doute, étant donné la nature humaine. Mais lorsque les historiens du futur se pencheront sur la façon dont les Canadiens ont su se montrer à la hauteur de la situation, et sur la façon dont les gens de tout le pays et de toute tendance politique se sont mobilisés pour aider leurs voisins dans le besoin, de façon pratique et inventive, je pense que nous aurons tous des raisons d’être fiers. Car cette crise nous a également montré la nature humaine et la société canadienne sous leur meilleur jour. Merci, merci et hiy hiy.
[Français]
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, je vous annonce d’entrée de jeu que le projet de loi C-4 ne recevra pas ici un appui unanime, comme ce fut le cas à l’autre endroit, car je vais voter contre ce projet de loi; permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
L’objectif du gouvernement est certainement louable, et je reconnais qu’il y a des milliers de Canadiens et de Canadiennes qui auront besoin de cette aide.
Toutefois, la façon de faire du gouvernement libéral me répugne au plus haut point et je ne peux plus être une marionnette à qui l’on soutire son consentement en invoquant l’urgence.
Aujourd’hui, en effet, après sept mois de pandémie, il n’y a plus d’urgence. Tout ce qu’il y a, à mon avis et de l’avis de plusieurs observateurs, c’est de l’incompétence.
L’incompétence de ce gouvernement est manifeste à bien des points de vue. Les dispositions contenues dans le projet de loi C-4 sont à mes yeux inacceptables, surtout après les six semaines de vacances injustifiables provoquées par le premier ministre, qui a prorogé les travaux du Parlement pour se soustraire à l’examen des scandales d’éthique qui sont la marque de commerce des libéraux.
Le projet de loi C-4 ne fait rien d’autre que remplacer la PCU, la Prestation canadienne d’urgence, par la PCRE, soit la Prestation canadienne de la relance économique, un nom inventé pour induire les Canadiens en erreur, car, pour être honnête, ce projet de loi ne contient rien de vraiment sérieux en matière de relance économique.
D’ailleurs, le gouvernement libéral est-il vraiment en mesure d’accoucher d’un plan de relance économique sérieux, quand on constate qu’il n’a pas encore été capable d’établir un programme de sauvetage pour notre industrie aérienne — en passant, on parle ici de plusieurs milliers d’emplois —, alors que les autres grands pays sont déjà venus à la rescousse de leurs transporteurs aériens? Je fais le même constat d’incompétence pour l’agriculture et le commerce international.
Regardons les choses avec un peu de sérieux. La PCRE, c’est le même montant d’argent par semaine, bonifié à la dernière minute pour acheter le vote du NPD. C’est le même chèque. Ce sont les mêmes conditions d’admissibilité douteuses permettant à ceux qui ne devraient pas y avoir droit de recevoir de l’argent. Il est toujours aussi facile pour les fraudeurs d’obtenir des prestations en profitant du système.
La PCRE, ce n’est rien d’autre que 26 semaines supplémentaires de PCU.
Malgré le temps qui a passé depuis le début de la pandémie, malgré les critiques au sein du monde politique et du monde économique sur la gestion des programmes d’aide, le gouvernement en place continue de gérer le pays comme un enfant devant un coffre à jouets. Même si cela ne fait pas partie de l’ADN des libéraux, il faut quand même faire preuve d’un peu de discipline dans la gestion des programmes d’aide.
(1840)
Nos entreprises ont besoin de travailleurs. La PCRE, comme ce fut le cas avec la PCU, vient de nouveau apporter une aide aux gens qui pourront refuser de retourner sur le marché du travail sans que des vérifications sérieuses soient effectuées en ce qui a trait à leur admissibilité à cette prestation.
Voilà qui est inconcevable de la part d’un gouvernement qui a eu tout le temps nécessaire — je dis bien tout le temps nécessaire — pour établir des critères sérieux afin d’éviter des abus et des fraudes.
Avant de conclure, je veux répéter ceci pour ne pas être victime d’attaques de la part des libéraux, qui sont souvent capables de tourner les coins ronds en matière de politique. Les dispositions du projet de loi C-4 sont fort acceptables pour les Canadiennes et les Canadiens qui en ont vraiment besoin. Toutefois, nous sommes maintenant en octobre, et l’état d’urgence n’existait plus quand ce projet de loi a été rédigé.
Nous ne sommes pas dans l’obligation, ici comme à l’autre endroit, d’agir avec précipitation, de fermer les yeux sur les lacunes de ce projet de loi et, surtout, nous n’avons pas à cautionner l’incompétence du gouvernement libéral. En tant que sénateurs, nous avons le devoir d’examiner les projets de loi du gouvernement. Aujourd’hui, ce n’est pas sérieux de prétendre que nous l’avons fait avec le projet de loi C-4.
Malheureusement, ce gouvernement traite les sénateurs et les sénatrices comme s’ils étaient des valets à son service. Je n’en suis pas un. Par principe, je vais donc refuser d’appuyer ce projet de loi. Merci.
L’honorable Marilou McPhedran : En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur les territoires du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabe, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés et la patrie de la nation métisse, et que nous sommes réunis ici aujourd’hui sur les territoires non cédés des peuples algonquins.
[Traduction]
Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui pour exhorter le gouvernement à agir afin de soutenir les jeunes, puisqu’ils ne bénéficient pas d’un soutien adéquat depuis le début de la pandémie. Nous savons que la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique dont nous sommes saisis aujourd’hui fait partie d’un ensemble de mesures plus vaste conçu pour soutenir la relance économique du Canada en réponse à la COVID-19. Malgré cela, cette mesure, qui est présentée de nouveau, néglige un vaste segment de la population canadienne qui n’a pas encore d’expérience sur le marché du travail ou qui n’a pas travaillé récemment.
Pour les trois nouvelles prestations proposées, le demandeur doit avoir gagné un revenu d’au moins 5 000 $ pendant l’année précédente ou pendant les 12 mois précédant la date de sa demande. Par ailleurs, pour être admissible à l’assurance-emploi, une personne doit notamment avoir accumulé au moins 120 heures assurables pendant les 52 semaines précédentes. C’est donc dire que l’assurance-emploi et les trois nouvelles prestations ne sont pas à la portée des gens qui n’ont pas d’expérience de travail récente, comme les travailleurs migrants; les immigrants récents; les personnes qui ne travaillent pas depuis longtemps, ce qui comprend les personnes handicapées; les gens qui viennent d’obtenir leur diplôme et qui n’ont pas travaillé pendant la dernière année parce qu’ils devaient se concentrer sur leurs études; les jeunes qui n’ont jamais eu d’emploi; et les étudiants qui n’ont pas travaillé pendant la dernière année.
Il faut donc se demander ceci :
Ferons-nous avancer le Canada ou laisserons-nous tomber des gens? Sortirons-nous plus forts de cette crise ou tenterons-nous de cacher les failles que la crise a révélées?
Quoi qu’on pense de cet extrait du discours du Trône, on ne peut absolument pas permettre que les jeunes soient de nouveau balayés sous le tapis. Les jeunes sont tout à fait conscients des répercussions que la pandémie aura sur leurs perspectives d’emploi. Bon nombre d’entre eux ont l’impression qu’on ne les écoute pas et qu’on ne tient pas compte de leurs besoins quand il est question d’emploi. En privant de nombreux jeunes des prestations offertes aux autres travailleurs en raison de la pandémie, on dévalorise leur contribution au marché du travail, oui, mais on les empêche aussi de réaliser leur plein potentiel, ce qui constitue une perte énorme pour le Canada et pour la démocratie.
Statistique Canada nous prévenait dernièrement de l’émergence d’une génération qui n’est ni en emploi, ni aux études, ni en formation. Les jeunes Autochtones et ceux qui n’ont pas fini leurs études secondaires y sont surreprésentés. Ces jeunes risquent d’avoir un revenu inférieur et de souffrir d’exclusion sociale — et pas seulement maintenant, pendant la pandémie, mais toute leur vie. Or, ce sentiment d’exclusion sera encore pire si de nombreux jeunes qui ne sont ni en emploi, ni aux études, ni en formation sont aussi privés des prestations de relance économique. N’oublions pas l’effet que la présence d’un enfant en bas âge peut avoir sur les jeunes parents et sur la participation des femmes au marché du travail. Ce sont presque toujours elles qui prennent soin des enfants. En offrant aussi les prestations pour proches aidants aux jeunes, nous éviterions aux jeunes femmes d’avoir à mettre leur carrière en veilleuse à un moment crucial de leur vie parce que l’école de leurs enfants vient de fermer et qu’elles doivent prendre soin d’eux ou pour s’occuper d’un proche malade.
Bien que les niveaux d’emploi aient augmenté depuis la baisse initiale causée par le confinement, selon le dernier communiqué de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada, celui du mois d’août, les jeunes forment le groupe d’âge le plus touché et celui pour qui les niveaux d’emploi sont les plus éloignés du niveau prépandémie.
Les jeunes commencent à intégrer le marché du travail. Qu’il s’agisse de jeunes qui entrent sur le marché du travail pour la première fois ou d’étudiants qui y retournent après avoir terminé leurs études, ces jeunes, ces étudiants et ces récents diplômés demeurent incapables d’obtenir les prestations d’assurance-emploi existantes ou les nouvelles prestations prévues dans le projet de loi. Voilà qui incite encore plus considérablement les jeunes, les étudiants et les récents diplômés à travailler alors qu’ils sont malades ou ont des conditions sous-jacentes qui les rendent susceptibles d’attraper la COVID-19. En effet, s’ils restent à la maison, ils ne toucheront pas de prestation qui remplacera le revenu perdu. Cette pression est encore plus grande pour les jeunes des minorités visibles et qui vivent dans des quartiers pauvres, qui sont disproportionnellement touchés par la COVID-19.
Pourquoi les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés se retrouvent-ils avec le fardeau de choisir entre la santé personnelle ou publique et la sécurité financière? C’est un fardeau que le reste de la population n’aura pas à porter en ayant la possibilité d’être admissible aux prestations de relance proposées ou à l’assurance-emploi. On empêche les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés d’obtenir des prestations de relance économique considérables alors que nous devons faire face à la deuxième vague de la pandémie, qui frappe déjà à l’heure actuelle. Étant donné que les personnes âgées de 20 à 29 ans comptent pour la majorité des cas confirmés de COVID-19, les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés doivent avoir l’assurance qu’ils pourront payer leurs factures s’ils doivent s’isoler ou prendre soin d’un membre de leur famille ou d’un enfant qui ne peut pas fréquenter l’école.
Nous devons nous pencher de près sur cette situation. Nous ne devons pas oublier les jeunes qui travaillent dans les restaurants, les magasins de vente au détail et les épiceries, et qui n’ont pas d’autres choix. Les jeunes travaillent dans les secteurs les plus durement touchés par les fermetures, y compris les secteurs de l’alimentation, de l’hébergement et de la vente au détail. Le plan de relance doit offrir des mesures de protection adaptées aux jeunes et à leur réalité particulière. Le gouvernement a reconnu que les jeunes Canadiens sont notre avenir. Depuis le début de la pandémie, la hausse du financement de programmes comme la Stratégie emploi et compétences jeunesse et le programme Emplois d’été Canada vise à créer des possibilités pour amener et garder les jeunes sur le marché du travail. Cependant, en août 2020, il y a quelques semaines seulement, les chercheurs d’emplois étaient plus susceptibles d’être des jeunes. En ce qui concerne les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi, le fait de n’être toujours pas admissible aux prestations de relance offertes à la population active dans le cadre du projet de loi C-4 est particulièrement grave, surtout pour les personnes qui ont des problèmes de santé qui les rendent vulnérables à la COVID-19 ou pour les personnes qui ont de jeunes enfants, étant donné l’incertitude entourant la fermeture des écoles.
(1850)
Le fait d’exclure les étudiants des mesures liées à la COVID-19 n’est pas chose nouvelle. La Prestation canadienne d’urgence initiale avait cette même lacune. La Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, qui a été présentée plus tard, fournissait de l’aide aux étudiants. Maintenant que le programme est venu à échéance, les étudiants doivent intégrer le marché du travail sans les protections qui sont offertes à de nombreux autres travailleurs admissibles à l’assurance-emploi ou aux trois nouvelles prestations de relance.
Nous avons l’occasion de bien faire les choses du premier coup. Nous ne pouvons pas laisser tomber les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés avant même qu’ils fassent leur entrée sur le marché du travail. Comme il est souligné dans le discours du Trône, l’heure n’est pas à l’austérité. Pour prendre les mesures qui s’imposent afin de soutenir les gens pendant la pandémie, il faut adopter une approche proactive. Il faut inclure les jeunes, les étudiants et les nouveaux diplômés alors qu’ils travaillent à bâtir un avenir meilleur. Merci, meegwetch.
L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-4. Ces prestations de relance ont une importance cruciale pour tous les Canadiens. Vous ne serez toutefois pas surpris de m’entendre dire que c’est encore plus vrai pour les gens qui œuvrent dans le milieu des arts, qui sont embauchés par une organisation ou qui sont travailleurs autonomes.
[Français]
La prolongation de la subvention salariale annoncée dans le discours du Trône a été bien accueillie et est jugée d’une importance cruciale pour les entreprises et les arts.
La Prestation canadienne de la relance économique, qui remplace certains aspects de la PCU, laquelle permettait à ceux qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi de recevoir un soutien continu, est tout particulièrement essentielle pour ceux qui travaillent dans le secteur de la création et pour les personnes handicapées. La possibilité de recevoir des prestations pendant 26 semaines supplémentaires est une bouée de sauvetage pour les artistes individuels tout comme la prolongation de la subvention salariale l’est pour les organisations. Je ne saurais trop insister sur le fait que ces dispositions sont essentielles.
J’ai déjà parlé dans cette Chambre du rôle important et intégral que jouent les arts dans tous les aspects de la société. Je ne me répéterai pas à ce sujet aujourd’hui, sauf pour dire que si nos arts et nos artistes s’effondrent, la société dans son ensemble en souffre.
[Traduction]
Personne ici ne sera étonné d’apprendre que, depuis le confinement de mars dernier, je travaille surtout avec et pour le secteur canadien des arts et de la culture, avec des organismes du milieu et individuellement avec des artistes. Cette semaine, justement, j’ai eu des réunions avec des dirigeants du milieu des arts à propos du projet de loi et du discours du Trône. La pandémie de COVID-19 a fait de terribles ravages dans le secteur des arts et j’ai bien peur que ce secteur soit l’un des derniers à s’en remettre et qu’il ne se rétablisse pas au grand complet.
Les créateurs et les organismes canadiens ont besoin de l’aide que peut leur apporter cette mesure législative. De par leur nature, les théâtres, les salles de concert, les musées et les festivals de toutes sortes ont dû fermer ou être annulés, selon le cas.
Cette pandémie a inspiré de la peur à tous les Canadiens. Je tiens d’ailleurs à offrir mes sincères condoléances à toutes les personnes ici et partout au Canada qui ont perdu un être cher. Je pense aussi aux personnes qui ont été atteintes ou sont atteintes de cette maladie. La COVID-19 a indéniablement eu des effets importants sur nos familles, notre quotidien et notre travail. Nous espérons toutefois que ces effets seront temporaires.
Or, quand allons-nous être à l’aise de retourner au théâtre ou dans une salle de concert? Comment les arts de la scène vont-ils pouvoir survivre sans la vente de billets ou le soutien des entreprises, qui a chuté dans tout le secteur à but non lucratif? Comment les galeries d’art et les musées vont-ils s’en sortir sans les touristes et les groupes scolaires?
Les arts forment un pan vraiment vulnérable du secteur sans but lucratif canadien. Bon nombre des personnes qui y travaillent sont des travailleurs autonomes, certains obtiennent des contrats à court terme, d’autres à long terme et d’autres encore occupent un poste de salarié, mais avec une rémunération souvent bien inférieure à ce qu’ils gagneraient dans d’autres secteurs.
Certains organismes ne savent pas ce qu’il adviendra d’eux d’une année à l’autre, d’autres ne savent pas ce qu’il adviendra d’eux après le projet en cours. Les organismes dotés de fonds de dotation voient leurs revenus s’envoler dans le contexte actuel et des restrictions encadrent les montants qu’ils peuvent utiliser.
J’ai discuté avec plus d’une centaine d’artistes, ainsi qu’avec des directeurs d’organismes et des dirigeants de différentes associations du secteur des arts et j’ai rencontré à plusieurs reprises des représentants de l’Association professionnelle des théâtres canadiens, des humoristes, des groupes de musiciens et des représentants de diverses disciplines de différentes régions au pays. Sans exception, ils ont tous dit qu’ils appréciaient l’aide qu’apportent la PCU et la subvention salariale, ainsi que la souplesse dont le Conseil des arts du Canada et Patrimoine Canada font preuve pour offrir de l’aide.
Cependant, tous ceux à qui j’ai parlé s’inquiètent des éventuelles mises à pied — certains parlent de plus de 60 % du personnel. Je sais aussi que des mises à pied permanentes ont été effectuées dans de nombreux pans de ce secteur en plus des mises à pied temporaires. On parle des concepteurs, des collecteurs de fonds, des artistes et des artisans de la scène.
[Français]
Je tiens à rappeler que, tout au long des derniers mois, les artistes ont continué à nous soutenir par leur créativité, leurs initiatives et leur générosité. Regardez le merveilleux cadeau que les artistes nous ont fait après les horreurs vécues cet été en Nouvelle-Écosse. Les préoccupations qui ont été soulevées et qui sont évoquées encore aujourd’hui s’inscrivent dans trois échéances : le court, le moyen et le long terme. Chacun est touché.
[Traduction]
La gestion immédiate des crises et la trésorerie des organisations continuent de poser des problèmes particulièrement graves, depuis quelques mois. C’est en effet à cette époque de l’année que la vente de billets apporte une contribution essentielle à la trésorerie des institutions saines; or, elles n’ont pas vendu de billets.
Certaines organisations n’ont pas pu bénéficier du soutien du Conseil des Arts du Canada ou de Patrimoine canadien, ce qui a porté préjudice aux petits édifices, sites et musées historiques régionaux, autant d’éléments vitaux pour la compréhension de notre histoire.
J’ai été vraiment impressionnée par les initiatives originales qui ont déjà été mises en œuvre et celles qui sont prévues pour l’avenir, même si l’incertitude de la reprise suscite plus de craintes et de questions qu’elle n’apporte de réponses. De nombreuses organisations ont mis au point de nouvelles façons de se rapprocher de leurs publics, ce qui est encourageant, mais on peut craindre pour la durabilité à long terme de ces initiatives. Ce n’est que lorsque les gens pourront retourner au théâtre, dans les salles de concert et, en plus grand nombre, dans les galeries et les musées, que la reprise commencera.
Je suis désolée de vous le dire, mais pour les arts, la reprise n’est prévue qu’en 2022 si l’on est optimiste. La plupart des gens la prévoient en 2023, avec le retour espéré des touristes. Je dois souligner en effet que le tourisme est un ingrédient essentiel pour les arts, tout comme les arts le sont pour la société dans son ensemble. Les artistes ont perdu du travail. Beaucoup ont renoncé à un avancement de carrière et beaucoup quittent le secteur.
N’est-il pas triste de voir des danseurs au sommet de leur carrière quitter leur emploi parce qu’ils ne peuvent pas pratiquer leur art et qu’ils ne savent pas s’ils seront en forme ou s’ils auront la flexibilité nécessaire pour danser lorsque les théâtres rouvriront leurs portes? Quant à la formation des jeunes danseurs, elle a cessé.
Par exemple, au début, l’école du Royal Winnipeg Ballet a poursuivi son programme d’enseignement en offrant des cours à distance avec un vidéographe et un professeur qui travaillaient à plus de deux mètres l’un de l’autre dans un studio. Cependant, lorsque le Manitoba a dû fermer des édifices, le programme n’a pas pu se poursuivre. On craint de perdre la prochaine génération de danseurs si la situation se poursuit pendant trop longtemps, car les étudiants inscrits au programme professionnel doivent continuer à s’entraîner pour ne pas perdre leur flexibilité et leur masse musculaire.
Sommes-nous donc sur le point de perdre une génération dans cette forme d’art pour laquelle le Canada a toujours été tenu en si haute estime sur la scène internationale?
Comme je l’ai dit à maintes reprises, les artistes sont les travailleurs pauvres du Canada et comptent le plus grand pourcentage de Canadiens qui vivent sous le seuil de pauvreté. Chers collègues, c’était en période prospérité. Vous pouvez donc imaginer leur situation maintenant que nous traversons une période difficile.
L’été dernier, il n’y a pas eu de festivals ni de foires artisanales et il est très intéressant de noter le nombre d’appels que j’ai reçus de la part d’artisans qui — croyez-le ou non — gagnent leur revenu annuel pendant les quelques mois des foires estivales et qui n’ont donc pas de revenus en ce moment.
(1900)
Donc où en sommes-nous vraiment? Alors que le pays planifie sa relance économique, j’ai l’impression que la situation s’aggravera pour les artistes avant qu’elle ne s’améliore, surtout pour les artistes du domaine des arts de la scène, comme je l’ai dit. Je félicite toutefois les artistes qui ont fait preuve d’une grande générosité et qui nous aident à traverser la crise.
Combien de spectacles ou de concerts avons-nous écoutés en ligne? À combien d’expositions ou de visites de galeries avons-nous participé à distance? Combien d’artistes ont obtenu une rémunération pour le contenu que nous visionnons? Très peu, et cette réalité me choque.
Nous sommes tous conscients du rôle très concret joué par les personnes du domaine des arts auprès des Canadiens tout au long de la pandémie, surtout dans le contexte de Black Lives Matter et des meurtres en Nouvelle-Écosse au début de l’été. Les artistes, tant individuellement que collectivement, ont trouvé un moyen de nous toucher, de nous guérir, de détourner notre attention et de nous donner de l’espoir. Bien que la plupart de ces efforts n’aient pas été récompensés, j’espère que ce projet de loi nous permettra de le faire.
Je me soucie aussi de la santé mentale. C’est impossible de compter le nombre d’appels que j’ai reçus à minuit, à une heure du matin, à deux heures du matin, de la part d’artistes qui se sentent absolument démunis et qui sont au bord du gouffre. Je tiens à remercier le sénateur Kutcher qui m’a prêté main-forte au début de la pandémie de la COVID-19, quand je lui ai demandé de l’aide parce que je ne savais plus quoi faire.
Je peux vous dire que pour certains des organismes qui se voient forcer d’interrompre leur programmation, les pertes représentent la moitié des revenus de la saison 2020-2021. Ils perdent donc la moitié de cette saison. Ils doivent rembourser le prix des billets, alors qu’ils n’ont aucune liquidité. Heureusement, 60 % des Canadiens ont accepté de recevoir des reçus d’impôt pour activités de bienfaisance plutôt que d’exiger leur remboursement. Tout de même, les organismes ont payé les frais de permis pour des programmes qu’ils n’ont pas pu présenter, ils ont construit des scènes, ils ont payé les artistes et ils ont acheté des annonces publicitaires. Ils ne savent pas quand ils pourront rouvrir ni s’ils pourront un jour présenter leurs programmes. Chers collègues, je fais le suivi du nombre d’organismes qui devront peut-être fermer définitivement, malgré toute la programmation virtuelle offerte partout au Canada.
Quelles sont les véritables questions? Une d’entre elles est celle de la relation qu’il faudra rétablir avec le public. Comment le faire? Est-ce que les gens seront à l’aise de participer à des rassemblements importants, dans des théâtres, des salles de spectacle, des musées et des galeries? Il s’agira déterminer, comme je l’ai dit, le nombre d’organismes du domaine des arts, du patrimoine et de la culture qui survivront à la saison. Il faudra voir dans quel état ils se trouveront. Les grands organismes aideront-ils les petits? Je pourrais continuer, mais je vais m’arrêter là.
L’art est un puissant véhicule. Il peut changer la société. Il nous permet de remettre en question la vision d’un artiste et de nous réconcilier avec elle. Mais, pour pouvoir faire tout cela, il lui faut l’appui de ce projet de loi. Permettons au secteur artistique de contribuer à la reprise économie canadienne qui doit suivre la pandémie en appuyant ce projet de loi, pour que les artistes puissent soutenir les Canadiens et nous aider à avoir la santé mentale nécessaire pour tenir bon.
Chers collègues, comme vous le savez, le mantra de ma famille, c’est « tout le monde va mieux quand tout le monde va mieux. » Grâce à ce projet de loi, nous pouvons aider le Canada à mieux aller. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Jim Munson : Sénatrice Bovey, merci infiniment de m’avoir posé cette question ce soir parce que vous abordez un sujet qui me touche de près. Où que l’on habite, on connaît tous quelqu’un, un ami, un proche ou même un enfant qui œuvre dans le milieu des arts de la scène. Il est 19 h 5 et je n’ai jamais cru que je poserais pareille question, mais mon fils, Claude Munson, fait partie d’un groupe et il se produit ce soir. Il a commencé à chanter il y a maintenant 5 minutes au Queen Street Fare. Il va sans dire que tout le monde va respecter la distanciation sociale, et seulement 35 personnes ont pu assister à ce spectacle organisé par Eventbrite. Les billets se vendaient 10 $ par personne.
Je crois qu’il serait profondément embarrassé de savoir que je m’apprête à poser cette question, mais on lui a demandé de donner une partie des recettes à l’organisme la Mission, ici à Ottawa, ce qui veut dire qu’il pourrait garder une centaine de dollars pour lui-même.
Je lui ai dit que je n’étais pas sûr de pouvoir me libérer à temps pour aller le voir chanter, mais mon cœur est avec lui chaque fois qu’il entonne une de ses chansons. Quand je lui ai demandé de chanter pour ceux qui ne peuvent pas chanter, sa réponse était toute simple, mais pleine de cœur. Il m’a dit : « Ne t’en fais pas, papa. Merci. »
Vous avez dit ce que vous aviez à dire. Y a-t-il de l’espoir pour les artistes comme lui? Il a seulement 32 ans; que peut-il faire? Il a enregistré un album, il a fait ce qu’on attendait de lui. Ils sont des milliers comme lui, qui veulent seulement chanter, mais pour qui?
La sénatrice Bovey : Sénateur, il y a toujours de l’espoir. S’il y a un segment de notre société qui a de l’espoir, ce sont les créateurs, les artistes, ceux qui donnent de leur âme pour définir notre essence, celle des régions et celle de notre nation.
Ils vont continuer de créer. Ils vont continuer d’écrire, de composer, de donner des spectacles, tout comme on l’a fait dans les périodes les plus sombres de la civilisation. J’ai moi-même de l’espoir, mais je veux que nous encouragions cet espoir. Lorsqu’on pense à ce que les artistes reçoivent dans les périodes grasses — je crois que nous nous attendons à ce qu’ils soient là indéfiniment.
Je suis en train de dire qu’il ne faut pas avoir de telles attentes. Nous devons les aider à nous aider. Ce n’est pas drôle de recevoir, à deux heures du matin, l’appel d’un artiste qui pense à mettre fin à ses jours parce qu’une galerie a fermé ses portes et qu’il n’arrive pas à vendre ses tableaux.
L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, ceci est le septième projet de loi prévoyant des mesures d’urgence en réponse à la COVID-19 dont nous discutons depuis mars. C’est également la septième occasion que j’ai de formuler quelques observations. Nous avons reçu, quoique dans des circonstances plutôt exceptionnelles, ces projets de loi de la Chambre des communes, ce qui, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, signifie, par définition, que plus d’un groupe à l’autre endroit les a appuyés. Toutefois, et ceci est plutôt inhabituel, nous étudions aujourd’hui un projet de loi adopté à l’unanimité par la Chambre des communes. Il est malheureux que cette unanimité de la Chambre élue ne sera pas célébrée au Sénat. J’exhorte mes collègues à envisager d’appuyer ces mesures d’urgence supplémentaires en réponse à la crise que vivent les Canadiens au quotidien.
J’aimerais prendre un instant pour exprimer une réflexion sur le rôle que devrait jouer le Sénat à l’égard des projets de loi urgents provenant de la Chambre des communes en période difficile, alors qu’il n’est pas facile d’amender ou, comme nous le disons, d’améliorer les diverses mesures proposées. À mon avis, nous devons à tout le moins commencer à songer au contexte post-COVID en matière de politique publique.
Pour commencer, j’aimerais remercier le sénateur Dean de parrainer le projet de loi, de même que tous les collègues qui ont pris la parole à son sujet ainsi que les ministres qui sont venues aujourd’hui et qui, j’ai trouvé, nous ont fourni très efficacement le contexte et les renseignements supplémentaires voulus pour que nous puissions faire aisément notre travail.
Je veux souligner trois points, parce que, essentiellement, je crois que les mesures liées à la COVID, autant celles à l’étude aujourd’hui que les six projets de loi présentés auparavant, étaient nécessaires. Cependant, il faut commencer à voir comment le fardeau de cet endettement sera étalé dans le temps et comment il pourra être réparti de façon équitable entre les différents secteurs et groupes au Canada au fil des ans.
Même avant la COVID, il y avait des problèmes dans différents secteurs de l’économie canadienne et, si vous regardez où se situait la croissance, les exportations du secteur de l’énergie étaient plutôt faibles comparativement aux années antérieures, alors que, je le fais remarquer, c’était ce secteur qui nous a donné une marge de manœuvre dans notre compte courant, créant un surplus annoncé avec grand bruit. Il faut trouver d’où viendra la croissance.
D’où viendra-t-elle? Je vous recommande de lire l’étude produite par David Dodge et diffusée par le Forum des politiques publiques intitulée Deux pics à franchir : Les deux déficits du Canada et comment les proportionner.
(1910)
Dans l’étude, l’ancien gouverneur ou député Dodge, peu importe le titre que vous voulez lui donner, a dit que nous devons nous fixer cinq priorités essentielles afin de relever le taux de croissance annuel du PIB potentiel à bien au-delà de la trajectoire actuelle de 1,8 % que nous avions déterminée avant la période de la COVID-19. Il dit qu’il faudra un effort conjugué des gouvernements, des entreprises et des ménages.
Voici les cinq priorités qu’il a ciblées :
Premièrement, accroître la part du numérique dans la production des biens et particulièrement des services;
Deuxièmement, prolonger la durée utile d’un secteur des ressources moins polluant et faciliter une composition à plus forte valeur ajoutée;
Troisièmement, maximiser la participation et l’adaptation de la population active;
Quatrièmement, améliorer l’efficacité et l’efficience des services publics;
Cinquièmement, rétablir la confiance dans la stabilité budgétaire.
Je ne prendrai pas le temps ce soir de vous donner mon opinion sur ces cinq éléments importants, mais je tiens au moins à proposer qu’ils orientent les travaux des comités sénatoriaux quand nous reviendrons et que le Sénat pourra étudier normalement des dossiers.
Tentons de modeler ce à quoi l’autre endroit commence à penser quand le temps et les circonstances le lui permettront. Ainsi, nous aurons vraiment ajouté de la valeur au débat, au lieu de seulement examiner rapidement les projets de loi qui nous sont renvoyés, et forcément rapidement. Je ne m’en plains pas. Néanmoins, nous ajouterions sûrement de la valeur en commençant à poser ce genre de questions et à explorer l’éventail des réponses avant l’autre endroit ou que le gouvernement se fasse une idée sur ces questions.
Par exemple, la sénatrice Deacon a parlé de la numérisation des secteurs des finances et des services. Nous devrions peut-être parler de façon plus générale de ce que représente l’économie à la demande pour le Canada et de comment nous pourrions accélérer notre participation à cette dernière par rapport à d’autres pays.
Étant donné l’intensité du débat que nous avons tenu lors de la dernière législature au sujet du secteur de l’énergie, plus particulièrement au sujet des réformes visant l’évaluation environnementale — que j’ai appuyées, comme vous le savez —, nous devrions certainement débattre avec la même intensité de la façon dont nous pouvons ramener le Canada dans une situation avantageuse en ce qui a trait à la valeur de ses exportations énergétiques. Comment pouvons-nous tirer profit du secteur des ressources, en particulier le secteur du bois d’œuvre, qui a connu une période exceptionnelle ces derniers mois, tout comme le secteur agricole? Comment pouvons-nous concilier les besoins de ces marchés avec tous les autres facteurs que nous avons grandement avantage à considérer, notamment en ce qui concerne notre politique étrangère et nos échanges commerciaux? Si le secteur canadien des ressources ne peut pas vendre ses ressources à ceux qui les veulent dans le monde entier, le Canada se privera d’une partie de la croissance dont elle a besoin.
L’adaptation de la main-d’œuvre grâce à l’apprentissage continu fait certainement partie des aspects que la sénatrice Bellemare et d’autres sénateurs que je connais ont grandement considérés. Comment pouvons-nous améliorer le développement des compétences de la main-d’œuvre canadienne? Nous pouvons peut-être faire quelque chose à cet égard.
Pour ce qui est de l’efficacité des services publics, je pense que cette assemblée peut apporter une contribution importante.
C’est le premier point que je voulais soulever. Comment le Canada arrivera-t-il à croître? Comment le Sénat va-t-il contribuer à la conversation avec les Canadiens? Quels points soulèvera-t-il auprès des dirigeants politiques et de l’ensemble des dirigeants fédéraux et provinciaux pour étudier la question?
Le deuxième point que je veux faire valoir est en fait le cinquième point de David Dodge, au sujet du déficit. Quelle cible budgétaire devrions-nous fixer? Je pense qu’il est injuste de simplement demander au gouvernement quelle est la cible budgétaire. Il serait plus judicieux de s’interroger sur les éléments à considérer en vue de la nouvelle cible. C’est beaucoup trop facile de se contenter de souhaiter un budget équilibré. En fait, ça ne l’est pas. Ce serait très imprudent et cela nous replongerait dans une récession que personne ne souhaite. Le rapport entre la dette et le BIP ne diminuera certainement pas. Cette époque est révolue.
Je vais commencer par citer quelques extraits tirés du rapport du directeur parlementaire du budget publié cette semaine, qui est une lecture fort intéressante. Le directeur parlementaire du budget dit que nous avons maintenant une meilleure idée de ce que coûtera la lutte du Canada contre la COVID-19, mais comme il le dit, le rapport n’est qu’une vague idée de l’avenir. Le document ne contient aucune prévision des dépenses futures et aucune cible budgétaire pour les dépenses du gouvernement. Ce n’est pas le travail du directeur parlementaire du budget. Selon moi, c’est le travail d’un législateur.
Selon le rapport du directeur parlementaire du budget, le déficit devrait atteindre 328,5 milliards de dollars cette année, un chiffre légèrement inférieur à celui du récent portrait économique de l’ancien ministre des Finances, M. Morneau. Cet écart s’explique par le fait que le directeur parlementaire du budget est plus optimiste par rapport à la taille des recettes du Canada. Nous l’avons constaté dans les deux derniers rapports mensuels sur les exportations et les recettes.
Le déficit prévu par le directeur parlementaire du budget représente 15 % du PIB, le plus haut pourcentage enregistré depuis que ces calculs sont faits, soit 50 ans. Le déficit budgétaire devrait être ramené à 73,8 milliards de dollars à l’exercice prochain et continuer de diminuer par la suite. Les déficits devraient être d’environ 40 milliards de dollars ou légèrement supérieurs, peut-être.
Ces chiffres se fondent sur trois hypothèses, qu’il est utile de rappeler : primo, les mesures en matière de santé publique seront maintenues au cours des 12 à 18 prochains mois; secundo, les mesures de soutien liées à la COVID seront retirées dans les délais prévus — c’est très incertain et tout dépend de la première hypothèse, n’est-ce pas? —; tertio, la politique monétaire restera semblable, ou, autrement dit, les taux d’intérêt demeureront bas.
Le directeur parlementaire du budget prévoit que le PIB réel atteindra son niveau d’avant la crise d’ici le début de 2021. Cependant, on note que les bouleversements des prix du pétrole et la COVID-19 laisseront des séquelles permanentes sur l’économie canadienne, ce qui me ramène à mes observations sur le déficit courant provenant de notre secteur de l’énergie.
Le ratio fédéral dette-PIB atteindra un sommet de 48,3 % en 2022-2023, alors qu’il était de 18,3 % en 2019, soit une hausse de 30 points de pourcentage. Le ratio prévu augmentera avant de redescendre à moyen terme. Cela est attribuable à l’expiration, espérons-le, des mesures adoptées dans les sept derniers projets de loi qui nous ont été soumis.
Je souligne que le rapport présenté la semaine dernière par le directeur parlementaire du budget ne tient pas compte des mesures figurant dans le discours du Trône. Cette question a été abordée avec la ministre aujourd’hui.
Je dis cela parce que nous devons déterminer ce que nous recommanderions comme cible budgétaire ou quelles sont les options possibles qui constitueraient une bonne politique publique à ce chapitre. Je pense qu’il pourrait être utile, ici aussi, de tenir compte de l’avis de David Dodge.
Il recommanderait au gouvernement de réduire progressivement son déficit budgétaire et ses besoins d’emprunt par étapes sur les deux à trois prochaines années en ayant pour objectif de ramener les déficits à 1 % du PIB ou 20 milliards de dollars; de cesser d’utiliser le radio dette-PIB comme seule cible budgétaire et d’adopter une cible fondée sur les frais de service de la dette; et d’arrimer ses emprunts et ses plans de recettes futurs à une cible viable en matière de frais de service de la dette ne dépassant pas 10 % des recettes annuelles de l’État.
Je pense que cette idée de l’ancien gouverneur Dodge est plutôt novatrice. À mon avis, elle mérite que le Sénat envisage qu’on en discute avec des experts qui pourraient offrir des recommandations sur le choix d’une cible budgétaire. Je ne considérerais pas comme une discussion sérieuse de s’en tenir à l’idée qu’il faut équilibrer le budget avant la fin de la prochaine législature.
(1920)
Comment pouvons-nous mettre en place des programmes gouvernementaux viables et sains, qui comportent des cibles économiques et qui font la distinction entre les besoins et les désirs? Voilà mon deuxième point.
Mon troisième point, et non le moindre, c’est que le Canada est une fédération. Je suis très heureux que la ministre Freeland ait commencé son intervention, en réponse à la question du sénateur Plett, en parlant de la collaboration entre les ordres de gouvernement à l’égard des mesures d’aide pour les Canadiens.
Comme nous sommes une fédération, je pense que le Sénat, qui prétend être une Chambre représentative des régions, a l’obligation particulière de réfléchir à l’incidence, après la pandémie, qu’aura cette discussion concernant le rôle respectif des provinces et du gouvernement fédéral sur la création de politiques publiques efficaces au Canada.
Bon nombre des mesures qui ont été prises par le gouvernement relèvent en fait de la compétence provinciale. La plupart des critiques que le gouvernement a reçues au sujet de son inaction, notamment en ce qui concerne les temps d’attente pour le dépistage, concernent plutôt les provinces.
Bien honnêtement, je ne crois pas que nous, les parlementaires, avons aidé les Canadiens à bien comprendre le fonctionnement du fédéralisme au Canada. Ils ne savent pas qui est responsable de quoi.
Lorsque la pandémie se résorbera, je pense que nous devrions trouver une façon de favoriser une meilleure compréhension du fédéralisme.
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Harder, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Harder : Cinq? Trois.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Harder : Je veux simplement vous recommander de jeter un coup d’œil à un récent ouvrage de Bill Macdonald. J’ignore si vous le connaissez. Il n’est plus admissible à une nomination au Sénat, mais il est un formidable intellectuel. Il vient de publier un livre intitulé Might Nature Be Canadian? Pour l’après-COVID, il pense qu’il serait judicieux de tenir une conférence économique semblable à la Conférence sur la Confédération de demain, organisée par Robarts et Pépin il y a de nombreuses années, et d’entamer une conversation en dehors des paramètres politiques d’une réunion fédérale-provinciale, afin de discuter des meilleurs programmes et des meilleures orientations stratégiques collectives dans un contexte comportant les contraintes et les possibilités générées par la COVID.
Chers collègues, je conclus sur ces trois points. J’estime que c’est une façon pour le Sénat — plutôt que de simplement traiter les projets de loi dont nous sommes saisis — de façonner le contexte où se tiendra le travail considérable et ardu qu’exigera le rétablissement du Canada après la pandémie de COVID : un monde où on peut construire un pays meilleur, certes, mais de manière fiscalement responsable.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Le vote?
L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, il y a différentes choses auxquelles nous pensons probablement tous. S’il y a une telle réponse et que la relance se met en marche, comme nous en avons parlé au début au printemps, je crois, alors nous pourrions commencer à parler de reprise, de remettre sur pied nos comités, en particulier le Comité des finances et le Comité des affaires sociales. J’avancerais que nous en sommes encore aux mesures de réponse, avec le dépôt du septième projet de loi de mesures d’urgence.
Sénateur Harder, vous avez parlé de cibles économiques et vous avez été très détaillé. Il y avait cinq secteurs à examiner et je suis certain que nous pourrons les relire plus tard.
Comme je l’ai dit, nous en sommes tous aux prochaines étapes : comment faire mieux ensemble; comment utiliser notre temps plus efficacement pour évaluer la prudence et la durabilité des mesures financières?
Considérez-vous que les suggestions que vous avez faites aujourd’hui sont urgentes et qu’il faille commencer à les mettre en œuvre à court terme? Croyez-vous qu’elles pourraient avoir des incidences sur la structure même des comités?
Le sénateur Harder : C’est à l’ensemble des sénateurs de le déterminer. Je ne suis pas de ceux qui veulent que le Sénat dicte aux comités quoi faire au moyen de motions. Il y en a assez eu depuis 24 heures.
Si nous pouvions avoir une conversation fructueuse, peut-être trouverions-nous des façons de faire en sorte que chacun des comités puisse étudier tel ou tel élément et, espérons-le, permettre au Sénat de contribuer à un débat public plus large sur ces enjeux, sans avoir à tirer des conclusions.
Je crois que notre rôle pourrait être de peindre un portrait plus large pouvant mener à une conversation plus éclairée avec les Canadiens.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le sénateur Downe : Je ne sais pas s’il reste du temps au sénateur Harder.
Son Honneur le Président : Il lui reste une minute et 20 secondes.
Le sénateur Downe : Je serai bref. J’approuve totalement presque tout ce que vous avez dit. J’ai transmis l’article de David Dodge à tous les membres de notre groupe et j’ai indiqué que, si on avait une seule chose à lire cette année — bien sûr, tout le monde lit beaucoup de choses —, il fallait lire cet article. Il est extrêmement important et, comme vous le savez, vu qu’il est de David Dodge, il est extrêmement bien écrit. J’exhorte tous mes collègues à prendre le temps de le lire.
J’ai aussi pensé à ce que nous pourrions faire en tant que groupe d’un peu différent et de prospectif. Dans le cadre de mes recherches — vous avez mentionné certaines choses, et je vais mentionner quelque chose que vous voudrez peut-être examiner —, j’ai découvert quelque chose qui, selon moi, est plutôt étonnant, soit que, en 1941, le Cabinet a créé un comité de reconstruction pour les activités après la guerre.
Chers collègues, en 1941, nous n’étions pas sûrs de gagner la guerre, sans parler des événements qui auraient lieu après celle-ci. En 1943, le comité a publié un rapport sur ce qui devrait être fait après la guerre. Il est extrêmement détaillé. Il est en ligne, bien sûr. Pour le genre de réflexion prospective dont Peter Harder et David Dodge parlaient et que le Cabinet a menée en 1941, il est extrêmement important de se préparer. Je constate qu’il reste peu de temps. Donc, sénateur Harder, j’espère que vous aurez la chance de lire cet article. C’est la question que je vous pose.
Son Honneur le Président : Votre temps de parole est écoulé.
L’honorable Kim Pate : Honorables collègues, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière les conséquences de décennies d’éviscération des soins de santé, des services sociaux et économiques, sans oublier les répercussions multiples et intersectionnelles dévastatrices du racisme systémique et des autres inégalités fondées sur le sexe ou le handicap.
La COVID-19 a révélé que les mesures de protection que les Canadiens croyaient avoir sont non pas un filet de sécurité solide qui leur permet de rebondir, mais plutôt une mince toile criblée non pas de simples failles, mais de gouffres béants où les bénéficiaires emplis d’espoir doivent marcher sur la corde raide pour satisfaire aux conditions et aux exigences administratives, au risque de se faire prendre au piège et de tomber dans la pauvreté et en situation de crise.
La COVID-19 a rapidement mis en lumière l’inefficacité de notre régime d’assurance-emploi. Avant la pandémie, ce régime venait en aide à seulement 38 % des hommes au chômage et 33 % des femmes au chômage, et laissait pour compte, en particulier, les personnes qui avaient un emploi précaire faiblement rémunéré assorti de peu d’avantages sociaux, voire d’aucun. Souvent, il s’agit d’emplois essentiels, mais, de façon préjudiciable, précaires où les femmes, les Noirs et les Autochtones sont, depuis longtemps, surreprésentés.
Il est saisissant et notable que pas la moindre personne — pas une — n’ait même tenté de suggérer que l’aide sociale provinciale et territoriale serait une solution possible en réponse aux pertes d’emplois liées à la COVID-19. C’est pour dire à quel point ces systèmes sont défaillants. Ils fournissent délibérément des prestations terriblement inadéquates et obligent au préalable les gens à satisfaire des exigences draconiennes et, trop souvent, arbitraires, tels que liquider et, par conséquent, perdre leur résidence, leur véhicule automobile et tout autre bien, des biens dont la plupart d’entre nous dépendent pour travailler ou trouver du travail ainsi que pour prendre soin de notre famille.
Même si une personne a accès à des prestations, les sommes qu’elle reçoit sont insuffisantes pour subvenir à ses besoins et ne lui permettent pas vraiment de sortir de la pauvreté.
Qui parmi nous pourrait imaginer survivre à Toronto en n’ayant que 390 $ par mois pour se loger et 343 $ pour ses autres dépenses? C’est pourtant le tour de force impossible qu’on demande aux Canadiens qui dépendent de l’aide sociale. Pire encore, s’ils ont le malheur d’accepter ne serait-ce qu’un sac de provisions d’un ami ou d’un proche, leur prestation d’aide sociale peut être réduite.
Les assistés sociaux doivent même déclarer les cadeaux, sinon ils risquent d’être criminalisés. C’est un système impossible qui force trop de gens à courir le risque d’être considérés comme des criminels parce qu’ils ne veulent pas laisser leurs enfants le ventre creux, une option qu’aucun d’entre nous ne trouverait acceptable, j’en suis certaine.
(1930)
Grâce à des mesures comme la Prestation canadienne d’urgence et d’autres modifications telles que celles qu’on retrouve dans le projet de loi C-4, le gouvernement s’est efforcé non seulement de mettre en place des soutiens au revenu en temps de crise, mais aussi de les améliorer lorsqu’il est devenu évident qu’il y avait encore des Canadiens laissés pour compte. Je souligne les efforts du gouvernement et je le félicite tout en l’invitant à poursuivre son travail d’amélioration pour s’adapter à la situation changeante. Les lacunes qui se trouvent toujours dans le projet de loi risquent de laisser pour compte les personnes les plus démunies, notamment celles qui reçoivent des prestations de l’aide sociale. Les Canadiens doivent avoir et réclament un revenu minimum garanti : une prestation qui serait accessible à tous. Elle ne serait pas accordée à tout le monde, mais elle serait accessible à ceux qui sont dans le besoin.
La Prestation canadienne d’urgence et les mesures de soutien au revenu prévues dans le projet de loi C-4 sont destinées aux personnes qui ont un revenu annuel d’au moins 5 000 $. Comme le soutien cible les personnes qui occupaient un emploi rémunéré avant la pandémie, cette exigence crée deux problèmes.
Premièrement, cela a pour conséquence inhabituelle d’exclure les personnes qui ont le moins de revenus et de ressources et qui ont le plus besoin d’aide, et ce, peu importe si elles avaient un emploi ou non, pendant une pandémie qui présente des risques particuliers pour les personnes marginalisées sur le plan économique. Ce n’est pas par hasard que bon nombre des quartiers le plus durement touchés par la COVID-19 au pays sont des quartiers où vivent des personnes à faible revenu qui sont pour la plupart issues de groupes racialisés, en particulier des Noirs. C’est un exemple de racisme systémique jumelé à une marginalisation économique. Les femmes, qui étaient déjà plus susceptibles de vivre dans la pauvreté avant la COVID-19, sont plus susceptibles de devoir faire face à des obstacles économiques et à des risques pour la santé à cause de la COVID-19.
Les bénéficiaires de l’aide sociale qui ont pu être admissibles à la PCU sont trop souvent incapables d’en bénéficier. Comme la ministre Qualtrough l’a mentionné devant le comité plénier aujourd’hui, malgré des efforts louables de la part du gouvernement fédéral pour réclamer des résultats différents, dans la plupart des provinces et au Nunavut, les gens risquent de ne plus recevoir de prestations de l’aide sociale s’ils acceptent la PCU. Des paiements de la PCU sont récupérés par les gouvernements provinciaux et territoriaux.
J’ai l’impression qu’il en ira de même pour les nouvelles prestations prévues dans le projet de loi C-4. Pendant la transition entre la Prestation canadienne d’urgence et ces nouvelles prestations, environ 750 000 travailleurs qui touchaient la PCU ne recevront plus un sou du gouvernement fédéral. À peu près le quart des Canadiens qui touchaient la PCU se retrouveront avec moins d’argent. Il s’agit surtout de femmes, de personnes à faible revenu et de travailleurs à temps partiel qui gagnent moins de 1 000 $ par mois, mais dont les heures n’ont pas diminué au moins de moitié, comme l’exige le projet de loi C-4.
Le second problème que l’on crée à vouloir à tout prix distinguer les travailleurs qui ont un emploi rémunéré de ceux qui n’en ont pas, c’est qu’on perpétue le stéréotype on ne peut plus tenace et néfaste voulant que certaines personnes méritent qu’on les aide et qu’on leur manifeste de l’empathie, mais pas les autres.
La pandémie a fait réaliser aux Canadiens, même ceux dont la situation financière semblait relativement assurée, qu’on peut très bien travailler fort et tomber du jour au lendemain dans la pauvreté. Avant la COVID-19, 53 % des Canadiens, soit la majorité, tiraient le diable par la queue et se trouvaient dans une position où il aurait suffi d’à peine quelques semaines plus difficiles pour les plonger dans une crise financière. Ce n’est pas juste parce que ces gens ne savent pas faire un budget, comme le veut le stéréotype. Pas quand, dans la plupart des villes du Canada, le loyer pour un appartement d’une chambre à coucher coûte trop cher pour qu’un travailleur gagnant le salaire minimum puisse se le permettre. Pas quand la moitié des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté occupent un emploi — souvent comme travailleur essentiel —, mais ne gagnent pas suffisamment pour arriver.
Le racisme et le sexisme systémiques peuvent aussi constituer des obstacles à l’emploi. L’organisme Colour of Poverty – Colour of Change souligne que, en Ontario, un homme racialisé a 24 % plus de risques d’être chômeur. Pire encore, une femme racialisée a 43 % plus de risques d’être au chômage qu’un homme non racialisé. Les Noirs et les Autochtones occupent toujours de façon disproportionnée les emplois les moins protégés et les moins rémunérés au Canada. Des études montrent que la discrimination par les employeurs est monnaie courante face à des candidats aux compétences égales dont le nom sonne plutôt africain, asiatique ou musulman ou dont l’adresse se trouve dans certains quartiers.
Différentes raisons peuvent expliquer pourquoi un Canadien ne gagne pas 5 000 $ par année : avoir perdu son emploi sans accès à l’assurance-emploi avant la pandémie; avoir lancé une nouvelle entreprise; être déjà responsable d’enfants, d’aînés ou de proches handicapés avant que la pandémie ne commence, avoir un handicap non déclaré; ne pas avoir les moyens de payer pour se déplacer pour aller chercher du travail, pour s’acheter des vêtements ou pour faire garder les enfants; ne pas pouvoir se permettre de perdre les avantages d’assurance-médicaments qu’offrent les programmes d’aide sociale. Il existe d’innombrables raisons.
Faire une distinction entre ceux qui ont un travail rémunéré et ceux qui n’en ont pas comme le fait le projet de loi C-4 masque la réalité, soit que, dans un pays riche et axé sur les droits de la personne comme le nôtre, tout le monde devrait avoir le droit à la dignité et personne ne devrait être en danger parce qu’il ne peut répondre à ses besoins de base. Pendant cette pandémie et au-delà, prémunir les gens contre la pauvreté et contre les crises sanitaires et économiques profite à toute la population, car cela nous assure des collectivités plus saines, plus sécuritaires, plus justes et plus résilientes.
La COVID-19 a montré de façon frappante à quel point la santé et le bien-être économique des Canadiens sont liés. Des experts de la santé, notamment l’Association médicale canadienne, reconnaissent depuis longtemps que le revenu est un déterminant social essentiel de la santé et préconisent par conséquent la prise de mesures comme le revenu minimum garanti.
Cette idée voulant que le bien-être ne doive pas uniquement dépendre du revenu devrait nous encourager à être courageux lorsque nous élaborons des politiques qui permettront de garantir un avenir meilleur pour les Canadiens après la pandémie. Comme l’ont fait les parlementaires d’un gouvernement minoritaire il y a plus de 50 ans, nous pouvons, et je pense que nous devrions adopter le genre de vision qui a donné naissance à l’assurance-médicaments, qui a changé le Canada pour toujours, et en mieux.
Rappelons-nous qu’à cette époque, l’assurance-médicaments n’était pas une solution évidente. Ceux qui s’y sont opposés ont été très virulents envers l’idée. Cela dit, une fois le que le système a été mis en place et une fois que les Canadiens ont goûté aux avantages d’un système de soins de santé universellement accessible, aucun gouvernement, quelle que soit son allégeance politique, n’a tenté de l’abroger.
La récente décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique met en évidence que, de nos jours, la plupart des Canadiens n’acceptent pas l’idée selon laquelle les soins médicaux sont un produit comme un autre, et que seuls les riches ont le privilège d’y accéder. Imaginez l’héritage qui pourrait être laissé par le présent gouvernement s’il adoptait le revenu minimum garanti ou d’autres mesures en matière de santé mentale, de soins dentaires, d’assurance-médicaments ou de services de garde d’enfants qui profiteraient aux générations actuelles et futures.
Je sais que nous continuerons de travailler ensemble pour créer un Canada où tout le monde peut se sentir en sécurité et où, si une autre crise survenait ou si celle-ci se poursuivait, qu’il s’agisse d’une pandémie mondiale, de la perte d’un emploi ou d’une maladie, un soutien au revenu universel serait accessible en cas de nécessité et pourrait être fourni rapidement, sans conditions arbitraires, pour répondre aux besoins de base et pour offrir l’espace, les occasions et la souplesse qui permettront aux gens de trouver le moyen essentiel et efficace de sortir de la pauvreté.
Le projet de loi C-4 comporte des lacunes. Il laissera pour compte beaucoup trop des gens qui ont des besoins parmi les plus criants. Nous devons remédier à l’accès inégal aux mesures économiques et sanitaires et nous attaquer à la discrimination fondée sur la classe, la race, le sexe, les capacités, l’emplacement géographique. Cette discrimination saut aux yeux lorsqu’on voit qui sont ceux qui sont le plus touchés par la COVID-19 et qui y sont les plus vulnérables, qui sont ceux qui sont laissés pour compte avec les mesures actuelles contre la COVID-19.
Le projet de loi est une partie de la solution, mais il ne suffit pas en lui-même. Acceptons qu’il s’agisse d’une autre étape à franchir, mais pas de l’étape ultime. Continuons de travailler pour arriver à des changements sociaux, économiques et sanitaires durables et inclusifs, changements dont nous avons besoin. Les Canadiens les réclament et les méritent. Meegwetch. Merci.
L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, comme je n’ai pas préparé de discours, je vais simplement vous donner les quatre points dont je vais parler.
(1940)
Je vais d’abord expliquer pourquoi je pense que le projet de loi C-4 est une excellente mesure législative que nous devrions adopter, même si nous serons saisis d’un autre projet de loi semblable dans quelques mois.
Ensuite, j’aborderai la situation des jeunes au Canada, qui m’inquiète beaucoup.
Je vais aussi parler du fait que le gouvernement fédéral doit redevenir un partenaire financier en ce qui concerne l’assurance-emploi et lancer un dialogue social sur cette question.
Enfin, je dirai quelques mots sur le déficit.
[Français]
Mon premier point est que le projet de loi C-4 est un bon projet de loi, mais que nous devrons y revenir pour adopter des mesures un peu plus ciblées.
Le projet de loi C-4 ne devrait pas s’appeler un projet de loi de relance, mais plutôt de transition. Comme tout le monde en convient, c’est un projet de loi qui fait la transition entre les mesures d’urgence de soutien du revenu, des mesures qui étaient nécessaires, et une reprise de l’économie. Pour que cette reprise se concrétise, que la productivité augmente et que la croissance économique soit au rendez-vous, nous aurons besoin de mesures beaucoup plus ciblées et nous devrons transformer les mesures passives de soutien du revenu, qui sont gigantesques, en mesures plus actives. Le Canada suit les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et que nous dit l’OCDE?
L’OCDE nous dit, et elle nous l’a répété récemment quand elle a publié ses perspectives économiques pour 2020, de ne pas mettre fin aux mesures de soutien du revenu. Il faut continuer de privilégier des mesures budgétaires et fiscales expansionnistes. Il faut continuer de soutenir l’économie avec de telles mesures.
Cependant, l’OCDE dit également qu’il faudra bientôt recentrer ces mesures et cibler des catégories plus particulières, mais surtout investir auprès des personnes. Cela implique de transformer des mesures passives en mesures actives, non pas en mettant fin aux mesures de soutien du revenu, mais en soutenant en même temps les gens dans leur recherche d’emploi et leur requalification, ce que l’on appelle en anglais l’upskilling ou le reskilling. Il faut donc aider les gens à se reclasser et à se diriger vers des emplois qui sont plus en demande.
Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable : l’économie aura besoin de changements structurels. Comme David Dodge l’a dit, ces changements structurels au sein de l’économie exigeront des investissements non seulement physiques, mais aussi des investissements dans l’humain.
C’est la première chose que je voulais souligner, soit que le Canada se situe dans la mouvance des pays de l’OCDE. Il suit très bien ses perspectives économiques. Je vous invite à aller consulter les Perspectives économiques de l’OCDE. On y compare le Canada avec les autres pays de la zone euro et avec des pays comme l’Australie, et le Canada se situe dans la moyenne en ce qui concerne les politiques de ces pays.
Le deuxième point qui me préoccupe, c’est la situation des jeunes. La sénatrice McPhedran en a parlé, mais je crois qu’il est important de s’y attarder. Le projet de loi C-4 va beaucoup bénéficier aux femmes. Comme les ministres l’ont dit, si on fait une analyse selon le genre, il ne serait pas surprenant de voir un impact, étant donné que les femmes ont été très affectées sur le marché du travail en raison de la pandémie et continuent de l’être. Les mesures de souplesse qu’amène le projet de loi C-4 aideront les femmes.
En revanche, je suis un peu inquiète pour les jeunes de 15 à 24 ans. Chers collègues, les gens vous ont probablement demandé si le projet de loi actuel est bon. Qu’en est-il des mesures de soutien du revenu pour les jeunes, à savoir qu’il faut 120 heures de travail pour être en mesure de bénéficier d’un soutien au revenu pendant 26 semaines, avec un minimum de 500 $ par semaine? Bien sûr, les Canadiens posent des questions, mais je pense qu’on n’y échappe pas pour l’instant. Il faut continuer d’investir dans le soutien du revenu. En revanche, il faudra commencer dès maintenant à penser à recentrer l’aide au revenu, en particulier pour les jeunes.
Les jeunes sont affectés par la pandémie. Il ne faut pas se le cacher, on observe toujours chez les jeunes un taux de chômage en moyenne deux fois plus élevé que le taux de chômage national. Pour l’instant, cela veut dire que le taux de chômage chez les jeunes est d’au moins 20 %. Ce taux est encore plus élevé pour les jeunes Autochtones, les jeunes de race noire et ceux qui arrivent au pays. Le chômage des jeunes a un impact à long terme important, et c’est pour cette raison qu’il faut s’attaquer à cette situation rapidement.
En 2013, parce qu’ils ont souffert de la crise financière de 2008 pendant longtemps, les pays européens ont mis en place un programme appelé la garantie pour la jeunesse. L’Union européenne accorde un financement aux pays membres de l’OCDE pour mettre ce programme en place. Cette garantie pour la jeunesse consiste à offrir à tout jeune âgé de moins de 25 ans, dans les quatre mois suivant la fin d’études formelles ou la perte d’un emploi, des services de conseil, de formation et de stage en milieu de travail. De cette façon, on donne une garantie que l’on va s’occuper d’eux.
Il n’existe pas au Canada de garantie pour la jeunesse. Ce serait très important que le gouvernement discute avec les provinces pour qu’elles mettent en place très rapidement une garantie pour la jeunesse dans les services publics d’emploi. La pandémie prendra fin un jour. Nous aurons des remèdes et un vaccin, et l’économie va reprendre, mais les jeunes qui ont expérimenté le chômage peuvent être découragés et adopter un mode de vie en conséquence. Les études nous montrent que, après neuf mois de chômage, il est très difficile pour quiconque de retrouver un emploi, et c’est encore davantage le cas pour les jeunes.
Il va falloir s’occuper de nos jeunes. Cela va exiger beaucoup de coopération avec les provinces. Cet investissement devra se faire. C’est ce que je voulais dire sur les jeunes. Cette question me préoccupe beaucoup, et nous devrions en discuter entre nous pour inviter le gouvernement du Canada à investir davantage auprès des jeunes.
Le troisième point dont je voulais parler concerne le fait que le gouvernement fédéral doit redevenir un partenaire financier pour ce qui est de l’assurance-emploi. J’ai posé une question à ce sujet lors du comité plénier. Le sénateur Dalphond avait des préoccupations qui rejoignaient les miennes et qu’il a soulevées auprès de la ministre. Je suis effarée de constater que lorsque l’assurance-emploi a été créée en 1940, il était entendu que le gouvernement serait partenaire dans ce régime.
Pendant plusieurs années, le gouvernement fédéral participait à hauteur de 20 % pour ce qui est du coût de l’assurance-emploi. Il l’a fait jusqu’en 1971, quand on a changé quelque peu les règles. Il est toujours resté un partenaire financier, mais, à partir des années 1970, la règle a changé et le gouvernement fédéral visait à participer aux frais lorsque le taux de chômage canadien dépassait 4 %. Il y eut des moments où le gouvernement fédéral a participé à l’assurance-emploi à hauteur de 42 ou 43 % au coût du régime dans les années 1980. En 1991, le gouvernement fédéral a décidé de se retirer du régime. À l’heure actuelle, il s’agit d’un régime financé entièrement par les cotisations des employeurs et des employés, les employeurs cotisant au régime pour une part de sept douzièmes et les employés, pour une part de cinq douzièmes.
(1950)
Le régime connaît actuellement une croissance dans les coûts, qui sont extraordinaires, et l’actuaire en chef qui a analysé le régime, avant que l’on prenne connaissance du projet de loi C-4, prévoit pour 2020 que le coût du régime d’assurance-emploi, qui oscillait autour de 20 milliards de dollars au cours des dernières années, connaîtra un accroissement de 40 milliards de dollars, pour atteindre environ 60 milliards de dollars. La ministre nous a annoncé que les modifications apportées par l’intermédiaire du projet de loi C-4 occasionneront une augmentation de 10,2 milliards de dollars, ce qui nous mènera à un coût de près de 70 milliards de dollars.
Comme nous le savons maintenant, les cotisations sont gelées, mais le coût du financement sera reporté. Il sera donc important, dans un futur rapproché, de revoir le programme d’assurance-emploi, qui peut être beaucoup plus large que ce que nous avons actuellement, et qui pourrait tout aussi bien rendre compte de la question des travailleurs autonomes. C’est le troisième point que je voulais apporter.
J’aimerais dire quelques mots sur le déficit. Probablement tout comme vous, les gens m’ont dit que c’était incroyable. Ils m’ont demandé si ce déficit était dangereux; ils m’ont demandé ce que l’on devrait faire.
Je suis d’avis que le déficit n’est pas alarmant pour l’instant. De plus, comme le gouvernement nous l’a dit, les faibles taux d’intérêt lui permettent de financer son déficit à un coût qui n’est pas alarmant.
La semaine dernière, j’ai participé à un colloque avec des experts de la politique monétaire, et personne n’a critiqué la pratique de l’assouplissement monétaire, soit la pratique selon laquelle les banques centrales accordent des prêts à leur gouvernement. C’est ce que recommande l’OCDE dans ses perspectives économiques. L’OCDE recommande à tous les gouvernements de poursuivre leur politique fiscale et budgétaire afin, d’une part, de soutenir les revenus et, d’autre part, de privilégier une politique d’assouplissement monétaire — l’assouplissement quantitatif, comme on dit dans le jargon économique — , ce qui implique que les banques centrales achètent des obligations ou des bons du Trésor et même, dans certains cas, des actifs du secteur privé.
Cette pratique est ancienne, elle n’est pas nouvelle. On l’avait délaissée pendant un certain temps et on l’a reprise récemment.
Parce que la pandémie cessera un jour, on devra arrêter d’engager ces dépenses extraordinaires. Toutefois, en les engageant, on assure que notre économie peut traverser la tempête. En fait, ce qui est important, c’est justement de faire ce que David Dodge décrit dans son document, c’est-à-dire investir et s’assurer que les dépenses financées par la dette suscitent, autant que faire se peut, un investissement privé des entreprises, qui se traduiront par des investissements en capital humain.
Je ne suis donc pas inquiète. David Dodge, qui participait à ce fameux colloque organisé par la Max Bell School of Public Policy, aime évoquer une formule très simple qui peut nous permettre de prévoir si la dette publique diminuera ou non en fonction du PIB.
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
La sénatrice Bellemare : Oui, s’il vous plaît.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Bellemare : Pour vous résumer cette formule simple, nous devons comparer le taux de croissance de l’économie avec le taux de base du gouvernement. Lorsque le taux de croissance de l’économie est supérieur au taux d’intérêt réel, au taux directeur, cela assure une baisse de la dette en pourcentage du PIB.
Donc, comme tous les économistes prévoient que les taux d’intérêt vont demeurer faibles, un jour — à la fin de 2021 ou en 2022, peut-être —, lorsque la croissance reprendra, la dette diminuera.
Je conclurai sur un mot qui fait l’objet d’un appel de l’OCDE dans son document, et c’est le mot « coopération ». Pour traverser la pandémie, l’OCDE invite tous les pays à coopérer. Je crois que c’est important. Toutefois, au Canada, le mot « coopération » a une signification encore plus grande, c’est-à-dire que le gouvernement doit coopérer avec les autres gouvernements, soit les gouvernements provinciaux; le gouvernement doit aussi coopérer avec les acteurs économiques que sont les représentants des entreprises de la main-d’œuvre; enfin, les parlementaires doivent aussi coopérer afin d’aller dans la même direction, comme le laissait supposer la conclusion du sénateur Harder.
Sur ce, je vous remercie.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Dean, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(À 19 h 57, le Sénat s’ajourne jusqu’à 9 heures demain.)