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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 14

Le mardi 1er décembre 2020
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 1er décembre 2020

(Conformément à l’article 3-6(2) du Règlement, l’ajournement du Sénat a été prolongé du 30 novembre 2020 au 1er décembre 2020.)

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l’honorable Nicholas William Taylor

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots au sujet d’un ancien collègue, le regretté sénateur Nick Taylor. Le sénateur Taylor est décédé à Calgary, le 13 octobre, à l’âge de 92 ans.

Géologue et ingénieur minier de formation, Nick a travaillé pour plusieurs compagnies pétrolières avant de créer sa propre société, Lochiel Exploration, en 1960. La société a pris de l’expansion à l’échelle internationale et ouvert des bureaux à Calgary, Londres, Syracuse, Tel-Aviv, Le Caire et Istanbul.

Nick pensait qu’on ne juge pas une personne en fonction du nombre de ses échecs, mais en fonction ce qu’elle a appris de ses échecs et de la manière dont elle s’est remise en selle. Il a conservé cette devise, notamment pendant les périodes d’instabilité du marché de l’énergie et de fluctuations économiques.

Nick a commencé à se passionner pour la politique dans les années 1960. En 1968, au début des années Pierre Trudeau, Nick s’est présenté aux élections fédérales sous la bannière des libéraux. Il a perdu, mais il a pris ensuite la tête du Parti libéral provincial en 1974. Il n’avait pas de siège à l’Assemblée législative, mais il s’est fait de nombreux amis et a charmé les journalistes de la presse parlementaire avec les nombreuses histoires qu’il leur a racontées. En 1986, Nick a été élu à l’Assemblée législative, aux côtés de trois collègues libéraux, dont notre ancien collègue, le sénateur Grant Mitchell.

Le sénateur Taylor avait tout un sens de l’humour. La sénatrice Simons nous en a fourni quelques exemples dans son hommage, il y a quelques semaines.

Honorables sénateurs, je suppose que si vous devenez chef libéral en Alberta, avoir le sens de l’humour est certainement un atout.

J’ai vu le sénateur Taylor pour la dernière fois au printemps 2019 lorsque, à l’âge de 91 ans, il est venu témoigner devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles pour appuyer le projet de loi C-69, contrairement au sentiment qui prévalait alors chez les Albertains. Il montrait ainsi que, même à 91 ans, il défendrait ses convictions, qu’elles soient populaires ou non. Ce fut merveilleux de m’entretenir avec lui, de prendre de ses nouvelles et de constater qu’il n’avait perdu ni sa vivacité ni son cran.

Honorables sénateurs, lorsque le sénateur Taylor est décédé, notre ancien collègue, un autre ancien chef du Parti libéral de l’Alberta, le sénateur Grant Mitchell, a dit ceci :

Nick Taylor était une personne remarquable, intelligente, pleine d’humour et profondément engagée dans le service public. Grâce à lui, le monde est un endroit meilleur.

Sa vivacité d’esprit faisait de lui un homme charmant avec qui il était très agréable de travailler, mais plus que cela, sa vivacité d’esprit témoignait de son intelligence.

Le sénateur Mitchell a également décrit Nick Taylor comme étant un homme « drôle, intrépide et profondément résolu à faire du monde un endroit meilleur ».

Honorables sénateurs, mes pensées et mes prières accompagnent son épouse, Peg, ainsi que sa famille. Merci.

Des voix : Bravo!

Le vote du Canada aux Nations unies

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, l’été dernier, le processus de paix au Moyen-Orient a fait un pas de géant. Deux pays du golfe, les Émirats arabes unis et Bahreïn, ont ouvert des canaux diplomatiques avec Israël. D’autres États arabes devraient emboîter le pas dans les prochaines années, voire dans les prochains mois, notamment le Soudan, qui a conclu un accord de normalisation en octobre.

Ces avancées laissent présager une nouvelle ère extrêmement prometteuse de paix et de reconnaissance pour l’État d’Israël. Ces accords signalent également un changement d’attitude dans la région où l’on reconnaît désormais que les déboires politiques et économiques et les violations des droits de la personne que subit le peuple palestinien sont attribuables à un gouvernement palestinien borné et sclérosé.

Malheureusement, le gouvernement Trudeau ne voit pas la situation du même œil. Pour la deuxième année de suite, il a voté à l’ONU en faveur d’un règlement unilatéral qui soutient le droit à l’autodétermination des Palestiniens sans reconnaître celui des Israéliens. C’est devenu une tradition annuelle anti-Israël bien connue à l’ONU, mais c’était seulement la deuxième fois en 20 ans que le gouvernement canadien appuyait la résolution. Dans les deux cas, c’était sous la gouverne du premier ministre Trudeau.

Ce qui est très étrange, outre le fait de rompre avec une tradition de 20 ans fondée sur un souci d’équité, c’est qu’avant de procéder au vote de la résolution, les représentants de M. Trudeau aux Nations unies ont décrit en détail ses nombreuses lacunes et ont souligné qu’elle ciblait injustement Israël. En votant en faveur de la résolution anti-israélienne, le Canada a pris parti contre les États-Unis et Israël pour se rallier à la Corée du Nord, à la Syrie, à l’Iran et au Venezuela.

Comme l’a dit le Centre consultatif des relations juives et israéliennes :

Cette décision n’est pas simplement contradictoire, elle représente une rupture radicale avec la politique d’opposition de principe du Canada à la série de résolutions inéquitables sur la Palestine qui sont déposées annuellement à l’Assemblée générale des Nations unies [...].

Il ne s’agit pas simplement, honorables sénateurs, de la plainte d’une sénatrice conservatrice au sujet d’une politique libérale. Michael Levitt était jusqu’à tout récemment un député libéral en règle dans le gouvernement Trudeau. Il a démissionné le 1er septembre pour devenir le président-directeur général de l’organisme Les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les Études sur l’Holocauste. Voici ce qu’il avait à dire au sujet du vote du gouvernement Trudeau :

Nous sommes consternés par la décision du Canada de saper sa politique de longue date de rejet des résolutions anti-israéliennes unilatérales et préjudiciables aux Nations unies. En soutenant cette résolution, le Canada fournit des munitions à ceux qui cherchent à délégitimer et diaboliser l’État d’Israël, ce qui en fin de compte retarde les perspectives de paix dans la région.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour soutenir Michael Levitt des Amis du Centre Simon Wiesenthal, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, B’nai Brith et les membres de la communauté juive du Canada qui sont blessés et déçus par l’hostilité que notre gouvernement exprime envers Israël, un ami et un allié de notre pays.

Des voix : Bravo!

(1410)

La pauvreté chez les enfants

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom d’Arlen Dumas, grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba pour souligner le 30e anniversaire de l’engagement du gouvernement fédéral d’éliminer la pauvreté chez les enfants canadiens d’ici l’an 2000.

Or, en date de janvier 2020, plus de 1 350 000 enfants continuaient de vivre dans la pauvreté au Canada, les enfants autochtones étant touchés de façon disproportionnée. Dans le nouveau rapport de Campagne 2000, on signale que le taux national de pauvreté chez les enfants a diminué très lentement au cours des trois dernières décennies, pour passer de 22 % à 18,6 %. À ce rythme, il faudra plus de 155 ans pour que le gouvernement atteigne son objectif d’éliminer la pauvreté chez les enfants.

Au Manitoba, le taux de pauvreté chez les enfants s’élève à 31,6 %, ce qui est l’un des taux les plus élevés au pays. Près d’un tiers des enfants de moins de six ans vivent dans la pauvreté. Cela dépasse de 12 % le taux national. Une proportion effarante — 47 % — des enfants inscrits des Premières Nations vivent dans la pauvreté. Sur ce nombre, 53 % vivent dans des réserves et 43 %, à l’extérieur de celles-ci.

Nous avons constaté par nous-mêmes comment de nombreuses personnes sont prises dans le cycle la pauvreté, conséquence des effets et des traumatismes intergénérationnels de la colonisation. Par ailleurs, les politiques des gouvernements fédéral et provinciaux visent à équilibrer les budgets plutôt qu’à élaborer des cadres stratégiques dotés de financement soutenu qui permettraient de créer de véritables changements en quelques années, et non pas en quelques décennies. Nous savons que la pauvreté, parmi d’autres déterminants sociaux, est un facteur décisif dans la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de l’enfance et de justice. Le Manitoba enregistre les taux de protection de l’enfance les plus élevés au Canada. Des 11 000 enfants qui sont pris en charge dans cette province, 9 000 sont des enfants et des jeunes autochtones. Selon le recensement de rue de 2018 réalisé à Winnipeg, 77,9 % des personnes qui ont déclaré être sans abri se sont identifiées comme membres des Premières Nations et plus de 50 % ont déclaré avoir recours aux services à l’enfance et à la famille.

Une approche nationale universelle n’est jamais la bonne solution. Les Autochtones du Manitoba ont une relation très différente avec le gouvernement du Manitoba que les Autochtones des autres régions. Cela est notamment attribuable au fait que le gouvernement du Manitoba a annulé les allocations spéciales pour enfants accordées aux familles d’enfants autochtones pris en charge par les services sociaux de 2005 à 2019. Ces fonds fédéraux destinés exclusivement aux soins, à la subsistance, à l’éducation, à la formation ou au développement des enfants pris en charge ont été récupérés de force auprès des organismes autochtones offrant des services d’aide à la famille et à l’enfance afin de garnir les coffres de la province.

Merci.

Des voix : Bravo!

Les ministres de l’Agriculture fédéral, provinciaux et territoriaux

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à propos du fruit des récentes réunions tenues à distance entre les ministres de l’Agriculture fédéral, provinciaux et territoriaux.

J’ai été heureux d’entendre la ministre de l’Agriculture annoncer des mesures substantielles et un échéancier bien défini pour aider les producteurs de lait, d’œufs et de volaille assujettis à la gestion de l’offre et réitérer l’engagement du gouvernement à améliorer le Programme de gestion des risques de l’entreprise, ainsi que l’engagement conjoint des deux ordres de gouvernement visant la création d’un groupe de travail pour examiner les pratiques injustes des magasins d’alimentation. J’ai hâte d’en apprendre davantage sur ces programmes de la part des deux ordres de gouvernement et des partenaires des industries concernées.

Certes, ces annonces sont de bonnes nouvelles pour l’agriculture du Canada, mais j’ose espérer que d’autres mesures de soutien seront offertes aux agriculteurs, qui continuent de faire face à des circonstances sans précédent. En particulier, j’espère que le gouvernement apportera rapidement l’aide financière promise aux transformateurs de produits laitiers et de volaille. Ceux-ci attendent patiemment des détails supplémentaires au sujet des indemnisations devant atténuer les répercussions de récents accords commerciaux. Il est impératif que ce soutien soit reçu au plus vite. La pandémie de COVID-19 a mis en lumière d’importants enjeux auxquels sont aux prises les industries agricole et agroalimentaire.

Ces enjeux, notamment les lacunes des programmes de gestion des risques de l’entreprise, les difficultés entourant le commerce interprovincial et la nécessité d’un soutien financier continu en raison d’accords commerciaux préjudiciables, de même que les pratiques injustes des magasins d’alimentation, devraient, compte tenu du rôle essentiel joué par l’industrie agricole canadienne tout au long de la crise actuelle, rester prioritaires pour tous les ordres de gouvernement.

Honorables sénateurs, le secteur de l’agriculture a de la difficulté à se prévaloir des divers programmes de gestion des risques d’entreprise et à obtenir le soutien financier dont il a besoin pour survivre. Étant donné les modifications importantes proposées par la ministre de l’Agriculture, j’espère que les provinces et les territoires seront de la partie et accepteront de collaborer afin de bonifier le programme Agri-stabilité du Canada.

Les échanges commerciaux, particulièrement les débouchés nationaux et internationaux, constituent une autre source de préoccupation pour l’industrie agricole. Il est extrêmement regrettable qu’il soit plus difficile de transporter des produits agricoles à l’intérieur du Canada que de les expédier outremer. Le Canada ne pourra jamais atteindre son plein potentiel sur les marchés internationaux s’il ne peut pleinement bénéficier de son commerce intérieur. Dans l’avenir, j’espère que le gouvernement sera plus prudent et qu’il ne conclura pas d’accords qui nuiront davantage aux producteurs alimentaires canadiens.

Je profite de l’occasion pour remercier les ministres de l’Agriculture fédéral, provinciaux et territoriaux de l’appui soutenu qu’ils accordent au secteur agricole depuis le début de la pandémie. Les agriculteurs, les producteurs et les transformateurs d’aliments continuent de mettre leur santé en péril pour nourrir les Canadiens, et l’appui du gouvernement est à la fois bien nécessaire et apprécié.

Je suis fier de la résilience et de l’adaptabilité dont fait preuve le secteur agricole canadien depuis ces derniers mois. Je crois sincèrement que le monde agricole ressortira de cette crise plus fort qu’auparavant, et qu’il sera un moteur économique qui aidera le Canada à traverser cette pandémie.

Je vous remercie de m’avoir écouté. Meegwetch.

Des voix : Bravo.

[Français]

La Stratégie nationale concernant les personnes disparues

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de rendre hommage aux familles de personnes disparues au Canada.

Chers collègues, selon le Centre national pour les personnes disparues et les restes non identifiés (CNPDRN) de la GRC, en 2019, on a signalé au Canada la disparition de 32 759 adultes et de 40 425 enfants, toutes catégories confondues.

Heureusement, 90 % de ces cas de disparitions seront résolus en moins d’une semaine. Malheureusement, 10 % de ces disparitions ne seront jamais résolues. Cela concerne aussi bien des femmes et des adultes que des enfants, et c’est plutôt inquiétant.

Ces chiffres nous donnent un aperçu, mais sous-estiment la réalité. Les chiffres devraient être plus élevés, et cela s’explique par le manque de fiabilité des données criminelles en matière de disparitions au Canada. Nous devons surtout nous rappeler que ces familles de victimes attendent chaque jour, chaque mois, chaque année, de recevoir un signe de leur proche disparu pour leur redonner espoir. Cette attente d’une réponse est pire que le pire des dénouements.

Ces disparitions peuvent s’expliquer par la traite de personnes, l’exploitation sexuelle de jeunes filles et de femmes, le trafic d’organes ou la pédophilie. On s’en prend à d’innocentes victimes et, souvent, les coupables éviteront des accusations criminelles, faute d’avoir retrouvé le corps de la victime.

Malheureusement, les familles de victimes sont souvent démunies face à cette situation. Il est difficile de dire adieu à un proche lorsqu’il n’y a aucune explication, aucun corps ou personne à juger, simplement le temps qui passe et qui réduit, jour après jour, l’espoir de ces familles de retrouver un jour leur proche, ou bien que justice leur soit rendue.

Puis il y a les disparitions résolues après plusieurs mois, voire plusieurs années, qui sont souvent accompagnées de mauvaises nouvelles. Trop souvent, hélas, les familles auront l’impression de ne pas avoir été écoutées ou d’avoir été simplement oubliées.

La Stratégie nationale sur les personnes disparues n’est pas efficace; en fait, elle est pratiquement inexistante. Les fichiers des personnes disparues sont éparpillés dans divers registres au sein de divers corps policiers, des ministères de la Justice et des autorités policières provinciales et locales.

De plus, les familles des victimes doivent souvent faire elles-mêmes leur enquête, mener des recherches et présenter des preuves aux autorités policières. Elles manquent de ressources, d’experts, de collaboration, mais elles manquent surtout de considération.

Chers collègues, il serait pertinent que le pays se dote d’une stratégie nationale pour les personnes disparues sous la forme d’une nouvelle loi, afin notamment de créer un registre national des personnes disparues mis à jour périodiquement, d’établir une meilleure coopération et une plus grande communication entre les différents corps policiers locaux, provinciaux et territoriaux et fédéraux, ainsi que de donner des pouvoirs accrus aux autorités afin que la recherche des personnes disparues soit plus efficace.

Les premières heures sont souvent les plus cruciales, et le manque de preuves criminelles ne devrait pas amener les autorités à présumer du manque de gravité d’une situation.

En terminant, je souhaite rendre hommage aux familles dont un proche a disparu. Je suis sûr que cette Chambre se joindra à moi pour entendre les voix et combler les attentes de ces familles.

[Traduction]

Le décès de Frederick (Fred) Sasakamoose, O.C.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, quand j’étais enfant dans les années 1950 à Moose Jaw, en Saskatchewan, le nom de Fred Sasakamoose était empreint de magie. C’est un nom merveilleusement agréable à prononcer. Plus important encore, Fred Sasakamoose était le héros de bien des jeunes garçons qui, comme moi, espéraient devenir joueurs de hockey, un espoir futile dans mon cas. À l’époque, Fred était le meilleur joueur de l’Ouest canadien, et il était passé directement de notre équipe adorée, les Canucks de Moose Jaw, à la Ligue nationale de hockey. Il fallait être excellent pour se tailler une place dans la LNH à l’époque, puisqu’elle ne comptait que 6 équipes au lieu des 30 équipes actuelles.

(1420)

Il semble avoir été le premier, ou du moins l’un des premiers Autochtones à jouer dans la LNH. Il a ainsi ouvert la voie à plusieurs autres joueurs autochtones, dont George Armstrong, Reggie Leach, Theron Fleury et Jordan Tootoo.

À la fin de sa carrière de hockeyeur, Fred est retourné chez lui, dans la réserve de la Première Nation d’Ahtahkakoop, où il a continué de contribuer à sa communauté. Il a été membre du conseil de bande pendant plus de 30 ans, dont 6 ans à titre de chef. Il donnait l’exemple d’un homme et d’un dirigeant calme et réfléchi.

On n’a appris que beaucoup plus tard que Fred Sasakamoose n’avait pas seulement fréquenté un pensionnat autochtone, mais qu’il y avait subi une maltraitance épouvantable.

Nous admirons tous les gens qui, malgré des origines modestes, deviennent exceptionnels et apportent une contribution notable à leur communauté, et nous admirons particulièrement ceux qui ont su, pour ce faire, surmonter des obstacles pratiquement insurmontables. Fred Sasakamoose était de ceux-là.

Un autre grand dirigeant des Premières Nations, le grand chef Poundmaker, a déjà déclaré ceci en cri. J’en fais une traduction approximative :

Nous connaissons tous l’histoire de l’homme qui s’est assis au bord du sentier. Lorsque la végétation a recouvert le sentier, il a été incapable de retrouver son chemin. Nous ne pouvons pas revenir à notre ancienne vie. Nous devons aller de l’avant et tenter de bâtir une vie meilleure.

Fred Sasakamoose, lui, n’est pas resté assis au bord du sentier. C’était un pionnier. Il a contribué au monde du sport dans sa communauté et il a contribué à améliorer la vie de bien des gens. Il était un modèle pour les jeunes, qu’ils soient autochtones ou non. Fred Sasakamoose, membre de l’Ordre du Canada, est décédé la semaine dernière des suites de complications liées à la COVID-19. Il avait 86 ans.

Merci, Fred Sasakamoose, d’avoir mené une vie bien remplie, une vie vécue avec courage. Merci, hiy hiy.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Dépôt des rapports annuels de 2020

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports annuels de 2020 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985,ch. A-17,par. 7(5).

[Traduction]

La Conférence internationale du travail

La convention et la recommandation sur la violence et le harcèlement adoptées en juin 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport au Parlement concernant la convention et la recommandation sur la violence et le harcèlement adoptées à la 108e session(juin 2019) de la Conférence internationale du travail à Genève, en Suisse.

Les finances

Soutenir les Canadiens et lutter contre la COVID-19 : Énoncé économique de l’automne de 2020—Dépôt du rapport

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Soutenir les Canadiens et lutter contre la COVID-19 : Énoncé économique de l’automne de 2020.

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du premier rapport du comité

L’honorable Sabi Marwah : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration intitulé États financiers du Sénat du Canada pour l’exercice terminé le 31 mars 2020.

Dépôt du deuxième rapport du comité

L’honorable Sabi Marwah : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration intitulé Rapport annuel des associations parlementaires sur leurs activités et dépenses pour 2019-2020.

Affaires étrangères et commerce international

Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la quarante-troisième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 196.)

Banques et commerce

Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement

L’honorable Howard Wetston : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la quarante-deuxième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 196.)

Audit et surveillance

Présentation du premier rapport du comité

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le premier rapport (provisoire) du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, qui porte sur la nomination de membres externes pour le comité.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 197.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Wells, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur les juges
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

La Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

(1430)

[Français]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu dépose le projet de loi S-219, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Boisvenu, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Transports et communications

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions liées à son mandat qui se trouvent dans les lettres de mandat ministérielles

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à mener une étude et à faire rapport sur les questions liées à son mandat qui se trouvent dans les lettres de mandat du ministre des Transports, du ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et du ministre du Patrimoine canadien;

Que le comité dépose son rapport final au plus tard le 30 septembre 2022.

Comité de sélection

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à se réunir en même temps que le Sénat et pendant l’ajournement de celui-ci, et à tenir des réunions hybrides ou entièrement virtuelles

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité de sélection soit autorisé :

a)à se réunir pendant que le Sénat est en séance, jusqu’à la fin de décembre 2020 et nonobstant l’article 12-18(1) du Règlement;

b)à se réunir pendant une période d’ajournement du Sénat, jusqu’au 1er février, 2021, conformément à l’article 12-18(2) du Règlement;

c)à tenir des réunions hybrides ou entièrement par vidéoconférence, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, et à la lumière des circonstances exceptionnelles de la pandémie actuelle de COVID-19;

Que les dispositions des alinéas 7 à 10 de l’ordre adopté par le Sénat le 17 novembre 2020 concernant les réunions hybrides et les réunions tenues entièrement par vidéoconférence s’appliquent à toute réunion du comité hybride ou tenue entièrement par vidéoconférence.

Audit et surveillance

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour le reste de la présente session parlementaire, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à recevoir les documents reçus et les témoignages entendus par le Sous-comité sur la vérification du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration depuis la première session de la quarante-deuxième législature et les première et deuxième sessions de la quarante-troisième législature

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les documents reçus ou produits par le Sous-comité sur la vérification du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration depuis la première session de la quarante-deuxième législature et les première et deuxième sessions de la quarante-troisième législature soient renvoyés au Comité permanent de l’audit et de la surveillance.

Le Sénat

Préavis de motion concernant le port du masque pendant les séances du Sénat et les réunions des comités

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, jusqu’à ce que le Président soit convaincu de l’absence de risque pour la santé et la sécurité, compte tenu des directives de santé publique émises par les autorités locales, tous les sénateurs qui se trouvent dans la salle du Sénat lorsque celui-ci siège ou dans l’une des salles de comité du Sénat pendant une réunion soient tenus de porter un masque en tout temps, sauf lorsqu’ils interviennent au cours d’un débat ou d’autres délibérations du Sénat ou de l’un de ses comités.

L’honorable Lillian Eva Dyck

Préavis d’interpellation

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Lillian Eva Dyck, ancienne sénatrice.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

La mise à jour économique — La distribution des vaccins contre la COVID-19

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, l’accès à des vaccins sûrs et efficaces contre la COVID-19 donne à tous les Canadiens une lueur d’espoir pour l’avenir. Or, l’énoncé économique d’hier ne donne aucun détail sur le calendrier et le mode de distribution des vaccins à l’échelle nationale. Pour autant, on y souligne que la relance économique du Canada ne peut avoir lieu sans que les vaccins soient facilement accessibles.

La seule chose que nous avons apprise hier au sujet de la distribution des vaccins, c’est que le gouvernement prévoit dépenser 125 millions de dollars pour les expédier et les entreposer. Bien franchement, sénateur, ce travail aurait dû être fait il y a des mois.

Monsieur le leader, le Royaume-Uni a indiqué qu’il commencera a distribuer des vaccins d’ici quelques jours. Les États-Unis ont donné à leurs États jusqu’à vendredi pour commander des doses du vaccin de Pfizer. Pourquoi le gouvernement Trudeau ne peut-il pas nous donner d’information sur la distribution des vaccins au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je pense que tous les sénateurs conviendront que la distribution de vaccins et la vaccination sont des étapes importantes pour nous aider à combattre la pandémie et à assurer un retour à une activité économie normale et plus dynamique.

Depuis des mois, le gouvernement fait des préparatifs en vue d’obtenir les vaccins nécessaires et de les distribuer. Il travaille avec les gouvernements des territoires et des provinces, qui sont les principaux décideurs en ce qui concerne le mode de distribution de ces vaccins sur leur territoire.

Le gouvernement en est maintenant aux dernières étapes en vue d’établir comment des tiers offriront le soutien logistique nécessaire pour commencer à distribuer les vaccins au début de l’année prochaine. Comme nous le savons, le gouvernement a chargé tout récemment le major-général Dany Fortin de superviser les activités logistiques. Le gouvernement reste déterminé à communiquer de l’information à mesure qu’elle sera disponible et, surtout, à distribuer des vaccins aux Canadiens en temps opportun.

Le sénateur Plett : Ce qui est vrai et important dans cette réponse est le fait que nous tous dans cette enceinte comprenons à quel point c’est important. Malheureusement, le premier ministre, qui passe la majeure partie de son temps au chalet, ne semble pas être du même avis que vous et moi à cet égard.

Aucune précision n’a été fournie sur la distribution du vaccin. Nous n’avons pas accès à des tests de dépistage rapide en grande quantité, pas d’information détaillée sur les stimulants financiers envisagés et pas de cible budgétaire à long terme. On a seulement eu droit à, tenez-vous bien, une nouvelle expression nébuleuse : les garde-fous budgétaires. Par contre, l’énoncé économique de l’automne a fourni des précisions sans équivoque sur notre dette nationale, qui frise le 1,1 billion de dollars, et le fait que notre ratio dette-PIB dépassera largement 50 % pendant de nombreuses années, peu importe quel plan de relance économique le gouvernement choisira parmi les quatre scénarios proposés.

(1440)

Monsieur le leader, comment les soi-disant garde-fous budgétaires vont-ils pouvoir contenir les dépenses du gouvernement libéral alors que vous ne pouvez même pas nous dire en quoi ils consistent? Vous engagez-vous à nous présenter ces garde-fous — mes notes disent dans le budget fédéral de l’an prochain, mais rien ne nous garantit que ce gouvernement va finir par présenter un budget, alors je vais dire — lorsque le gouvernement décidera de présenter un budget?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, mais cette question laisse entendre que le gouvernement ne donne pas d’information. Le moment n’est pas au ralentissement des investissements du gouvernement dans le bien-être, la santé et la sécurité des Canadiens et dans le maintien de leur bien-être économique. La priorité du gouvernement reste, et doit rester, axée sur le bien-être des Canadiens et des entreprises.

L’histoire nous montre qu’il est judicieux de continuer d’offrir ce genre de soutien aux Canadiens. La mise à jour économique présentée hier était très claire en ce qui concerne les intentions du gouvernement et l’engagement de ce dernier à continuer à investir dans les Canadiens et à suivre ses dépenses de très près afin de s’assurer de continuer de dépenser de façon responsable.

À cet égard, chers collègues, il est important de nous rappeler non seulement que nous avons la capacité financière de continuer sur cette voie, mais que même après toutes ces dépenses — approuvées par le Sénat et l’autre endroit — pour aider les Canadiens, malgré les centaines de milliards de dollars que nous avons investis pour lutter contre la crise sanitaire et économique à laquelle nous sommes confrontés, le Canada demeure dans une excellente posture économique. Notre ratio dette-PIB, qui a inévitablement augmenté en raison de l’accroissement des dépenses et de la perte de recettes résultant de la crise économique que nous traversons, reste le plus élevé des pays du G7, et devrait le demeurer. Par ailleurs, la société Moody’s a récemment renouvelé la cote de crédit AAA du Canada.

Les affaires étrangères

L’Organisation de coopération et de développement économiques

L’honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Gold, ma question est la suivante. Le premier ministre Trudeau a déclaré qu’il soutiendrait vigoureusement la candidature de l’ancien ministre des Finances au poste de secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

De plus, on a appris que 19 fonctionnaires travaillent à temps partiel à la campagne de M. Morneau. Combien d’argent le gouvernement consacre-t-il à la dotation de la campagne de M. Morneau?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question. Je n’ai pas la réponse, et dans la mesure où la réponse est accessible au public, je vais me renseigner.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur le sénateur Gold. Si vous vous souvenez bien, lorsque j’ai présenté mon nom pour la présidence de l’Union interparlementaire, il n’a pas été retenu, et le premier ministre n’a pas pris en charge les frais connexes. Cela me rappelle une citation très célèbre de George Orwell, que je citais assez souvent lorsque j’étais étudiante : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». En mars 2021, l’OCDE choisira la personne qui occupera ce poste de haut niveau, et pour autant que nous sachions, le gouvernement a déjà déboursé 6 265 $ juste en frais d’accueil dans le cadre de la campagne. Combien de plus compte-t-il faire payer aux contribuables pour la campagne de M. Morneau?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas la réponse à la question. Je ne peux cependant pas m’empêcher de rappeler au Sénat que la position du gouvernement à l’égard des élections des associations parlementaires a toujours été différente de sa position à l’égard des élections des associations gouvernementales.

[Français]

Les finances

Le régime d’assurance-médicaments

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, en cette Journée mondiale de lutte contre le sida, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Dans le cadre de l’énoncé économique qu’il a publié hier, le gouvernement du Canada revient sur les mesures prises pour créer un programme d’assurance-médicaments national. Lorsqu’il s’agit de la lutte au VIH-sida, il existe de nombreuses disparités dans l’approche de chaque province et territoire en ce qui a trait au remboursement des traitements dont ont besoin les patients.

Comme la COVID-19 nous le rappelle si bien, en l’absence de vaccin, la meilleure solution est la prévention. C’est là l’une des armes les plus efficaces pour combattre l’épidémie du VIH-sida et, dans ce cas, la prévention passe notamment par la prophylaxie pré‑exposition par voie orale, communément appelée la PrEP, ce comprimé que prennent les personnes séronégatives à titre préventif afin d’éviter de contracter le VIH-sida.

Est-ce que le gouvernement du Canada s’engage aujourd’hui à lutter contre cette épidémie vieille de près de 40 ans, en assurant une couverture uniforme des médicaments nécessaires au traitement du VIH-sida?

En outre, le gouvernement s’engage-t-il à offrir un accès facile et gratuit à la PrEP à tous les Canadiens et Canadiennes qui en ont besoin, et ce, peu importe où ils se trouvent au pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et d’avoir souligné l’importance de ce médicament, qui a été conçu pour les personnes qui présentent un risque élevé de contracter le VIH-sida et qui leur permet, à titre préventif, de réduire les risques de contracter ce virus.

Le préavis que vous nous avez donné quant à cette question m’a permis d’amorcer ma démarche auprès du gouvernement pour obtenir des renseignements, mais je n’ai malheureusement pas encore reçu de réponse. Lorsque j’aurai obtenu les renseignements requis, j’en informerai la Chambre.

La santé

Les objectifs de l’ONUSIDA 90-90-90

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

J’aimerais enchaîner en posant une question dans la même veine que celle du sénateur Cormier. Comme vous le savez, nous soulignons aujourd’hui la Journée mondiale de lutte contre le sida. Or, l’année 2020 correspond à l’échéance fixée pour la réalisation des objectifs de l’ONUSIDA, qui ont pour cible de traitement le ratio 90-90-90. Comme le Canada a souscrit à ces objectifs en 2016, pouvez-vous nous renseigner sur les actions concrètes entreprises par le gouvernement pour les atteindre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et d’avoir souligné l’importance de cette journée. Je n’ai malheureusement pas l’information que vous recherchez, mais je puis vous dire que le gouvernement reconnaît la Journée mondiale de lutte contre le sida comme un rappel de la force et de la résilience des personnes vivant avec le VIH-sida, un rappel de toutes les personnes que nous avons perdues ainsi qu’un rappel des progrès importants réalisés dans la lutte au VIH-sida, bien qu’il reste du travail à faire.

La sénatrice Mégie : Merci, sénateur Gold.

Vous serait-il possible de me promettre de déposer dans cette Chambre un rapport détaillé des mesures prévues par le gouvernement afin de respecter nos engagements aussitôt que vous l’obtiendrez?

Le sénateur Gold : Dès que je recevrai un tel document, il est sûr et certain que je le déposerai au Sénat, mais je vais d’abord m’informer pour savoir s’il est en train d’être produit.

[Traduction]

L’innovation, les sciences et le développement économique

Le Conseil sur la stratégie industrielle

L’honorable Douglas Black : Ma question s’adresse aussi, bien sûr, au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le 2 avril dernier, j’ai demandé la création d’un conseil canadien de relance économique après la COVID et, depuis lors, je n’ai cessé de faire pression sur le gouvernement pour qu’il mette en place un cadre global de relance. Bien que le gouvernement n’ait pas donné suite à ma demande, il a demandé à son Conseil sur la stratégie industrielle existant de formuler des recommandations propres au secteur et, hier, la ministre Freeland a parlé de relancer l’économie.

J’ai appris que le rapport du Conseil sur la stratégie industrielle a été transmis au ministre Bains il y a deux semaines. J’ai immédiatement entrepris de demander des réponses au ministre, mais je n’ai évidemment rien reçu.

Sénateur Gold, permettez-moi de vous poser deux questions. Premièrement, pourriez-vous informer le Sénat de la date à laquelle le gouvernement prévoit publier l’ensemble des recommandations de son Conseil sur la stratégie industrielle, ainsi que de la manière dont le gouvernement entend utiliser ces recommandations pour relancer l’économie? Deuxièmement, le gouvernement s’engagera-t-il à présenter un plan de relance économique après la COVID qui est axé sur ces recommandations d’ici un mois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénateur. Pour répondre à votre deuxième question, je ne suis pas en mesure de prendre un tel engagement. Nous sommes au beau milieu d’une pandémie de COVID et nous faisons de notre mieux pour y mettre fin, mais je vais très certainement me renseigner et je vous reviendrai avec une réponse.

Pour ce qui est de la première question, maintenant, on me dit que le Conseil sur la stratégie industrielle s’est bel et bien réuni et qu’il transmet régulièrement ses conseils au gouvernement depuis le début de juin 2020. Dans le cadre des consultations nécessaires à la réalisation de son mandat, il a entre autres organisé un certain nombre de séances d’information avec plusieurs parties intéressées, comme les entreprises, les syndicats et les peuples autochtones.

(1450)

Pour le moment, je ne peux pas m’avancer sur les thèmes et le contenu de son futur rapport ni sur la nature des conseils en lien avec les délibérations actives du gouvernement, mais le rapport dont vous parlez devrait être publié sous peu.

Les finances

Le Crédit d’urgence pour les grands employeurs

L’honorable Douglas Black : Merci beaucoup, sénateur Gold. La preuve a été amplement faite jusqu’ici que le programme de soutien destiné aux grands employeurs qui ont été mis à rude épreuve par la COVID, comme les lignes aériennes, n’a pas fonctionné. Jusqu’à présent, seuls un casino, une société de charbon métallurgique et des sociétés-conseils faisant affaire avec le gouvernement ont pu s’en prévaloir. Je dois toutefois admettre que ce dernier a reconnu que le Crédit d’urgence pour les grands employeurs était mal ficelé, et il a promis de le modifier.

Sénateur, quand connaîtrons-nous les détails de la nouvelle mouture de ce programme?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et d’avoir abordé l’importante question du soutien offert à ce secteur d’activité. J’ignore quand les détails de ce qui s’est discuté et décidé seront connus. On me dit toutefois que le gouvernement est loin de se tourner les pouces, car il a répété plusieurs fois — et j’en ai moi-même fait part au Sénat — qu’il entendait abandonner les programmes universels au profit de programmes pointus destinés à un secteur en particulier. La ministre des Finances en a d’ailleurs annoncé quelques-uns pas plus tard qu’hier.

Infrastructure Canada

La résistance des communautés à la COVID-19

L’honorable Patricia Bovey : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, des millions de Canadiens ont été touchés directement et indirectement par la COVID-19. Ils ont perdu des êtres chers ou ils sont incapables de leur rendre visite. Certains ont contracté le virus ou ont perdu leur emploi.

La dernière fois que j’ai pris la parole au sujet de la COVID-19, j’ai proposé quatre mesures constructives que le gouvernement fédéral pourrait prendre : premièrement, élaborer des normes nationales de soins; deuxièmement, construire, à l’aide des programmes d’infrastructure fédéraux, des établissements de soins disposant de chambres individuelles dotées de leur propre salle de bains; troisièmement, augmenter le nombre d’immigrants admis pour combler le manque de personnel dans le domaine de la santé et pour aider les travailleurs de première ligne, stressés et trop peu nombreux; quatrièmement, soutenir et piloter l’initiative des Nations Unies en faveur d’une convention internationale sur les droits des aînés.

Je crois comprendre que le gouvernement appuie au moins quelques-unes de ces suggestions. Pourriez-vous nous dire où il en est en ce qui a trait à leur mise en œuvre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question. D’entrée de jeu, permettez-moi de dire que nous sommes ravis de recevoir toutes vos suggestions. Néanmoins, je n’ai aucune information pour ce qui est de la troisième et de la quatrième suggestion, mais je peux faire des observations au sujet des deux premières.

Pour ce qui est de l’infrastructure, notamment de la construction d’édifices que vous recommandez, le gouvernement reconnaît la nécessité d’investir immédiatement et de façon substantielle dans l’infrastructure publique, d’une part, pour aider à résoudre la crise actuelle de santé publique et créer des emplois et, d’autre part, pour poursuivre le travail de reconstruction de l’infrastructure dans l’intérêt des collectivités canadiennes.

Comme vous le savez, le nouveau volet de financement pour la résilience à la COVID-19 d’une valeur de 3,3 milliards de dollars a été lancé en août et permet aux provinces de moderniser des établissements de soins de longue durée sans but lucratif ou de construire de nouveaux édifices à condition que le projet ne coûte pas plus de 10 millions de dollars et qu’il puisse être terminé avant la fin de 2021. Cette mesure souligne l’importance de trouver des solutions immédiates à la crise. Chers collègues, dans le cadre de ce nouveau volet de financement, le gouvernement fédéral paiera 80 cents sur chaque dollar investi et la totalité du coût des projets réalisés dans les communautés autochtones et éloignées.

En ce qui concerne les normes nationales, la vice-première ministre et ministre des Finances a été claire à ce sujet hier lors de ses diverses apparitions devant les médias. Il s’agit là d’un exemple de fédéralisme en action. Les soins de santé sont du ressort exclusif des provinces, mais le gouvernement fédéral offre un soutien financier et un leadership. Cela montre comment le fédéralisme peut et doit fonctionner, grâce à la consultation et à la négociation. Il est impossible de fournir un échéancier au sujet de l’élaboration de normes nationales, car, conformément à la Constitution, il faut l’accord des provinces et des territoires. La ministre des Finances a dit que si elle avait une baguette magique, ce qui n’est malheureusement pas le cas, ces normes nationales seraient en place à court terme. Il y a beaucoup de travail à faire, et cela comprend la consultation et la collaboration de l’ensemble des ordres de gouvernement du pays.

La sénatrice Bovey : Sénateur Gold, un rapport de l’OCDE, qui a été publié après la première vague de la COVID-19 en prenant appui sur des chiffres disponibles à partir du 25 mai, indique qu’au Canada, 81 % des décès liés à la COVID-19 étaient survenus dans les centres de soins de longue durée. C’est le pourcentage le plus élevé parmi les 18 pays participant à l’étude, et il est deux fois plus élevé que la moyenne des pays membres de l’OCDE. Les chiffres varient d’une province à l’autre, mais le pourcentage global ne brosse pas un tableau très flatteur.

Croyez-vous que le temps est venu d’établir les normes nationales et de les appliquer le plus rapidement possible? Essayons la baguette magique.

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour votre question. Chaque province, chaque autorité compétente et chaque propriétaire de centre de soins de longue durée où résident nos êtres chers travaillent sans ménager leurs efforts pour leur offrir un environnement sûr et sain. C’est une véritable tragédie qu’autant de personnes soient tombées malades et que tant d’entre elles soient décédées.

Le gouvernement serait favorable à des normes nationales, mais il ne peut pas aller plus vite que ce que les ordres de gouvernement, autant fédéral que provinciaux, peuvent gérer en fonction de leurs champs de compétences respectifs, sans compter le fait que les situations varient énormément d’une province à l’autre, et d’une région à l’autre dans la même province. Même dans ma communauté, les situations varient de quartier en quartier. Malheureusement, un coup de baguette magique ne réussira pas à faire avancer les choses plus rapidement, même si les enjeux sont très importants. Je vous remercie pour votre question.

La défense nationale

L’exportation de technologies militaires vers la Turquie

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Récemment, le gouvernement Trudeau a annoncé qu’il menait une enquête sur l’exemption qui a été accordée pour vendre des technologies militaires canadiennes au gouvernement de la Turquie, lesquelles ont bien sûr été envoyées en Azerbaïdjan et utilisées dans le massacre d’hommes, de femmes et d’enfants arméniens en Artsakh. Pourtant, il y a à peine deux semaines, l’ambassadrice du Canada était en visite à Erevan, présentant la lettre de créance au président arménien, et elle a choisi de ne pas honorer une demande du Comité national arménien du Canada lui enjoignant de visiter le site où les atrocités ont été commises au moyen des technologies canadiennes, pour voir les preuves de ses propres yeux.

Ma question est très simple, sénateur Gold : le gouvernement Trudeau mène-t-il une enquête sérieuse, ou a-t-il déjà présumé des résultats, comme nous l’avons vu récemment lorsqu’il a publié des transcriptions d’appels téléphoniques avant même que ceux-ci n’aient eu lieu?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de la question, monsieur le sénateur. Le gouvernement mène une enquête sérieuse, et lorsque les conclusions seront rendues publiques, je serai le premier à les communiquer au Sénat.

Les affaires étrangères

Le vote du Canada aux Nations unies

L’honorable Leo Housakos : J’ai une question complémentaire à poser au leader du gouvernement. Sénateur Gold, selon une approche de longue date qui remonte à l’ancien gouvernement libéral de Paul Martin, et à laquelle adhérait résolument l’ancien premier ministre Harper et son gouvernement, le Canada a pour principe de ne pas voter contre la volonté de l’État d’Israël, de toujours défendre cet État avec fermeté et de ne pas appuyer les résolutions qui visent à délégitimer l’État juif.

L’année dernière, l’actuel gouvernement libéral a rompu avec ce principe parce que Justin Trudeau tentait d’obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Évidemment, il a simplement cherché à faire meilleure figure que l’ancien gouvernement, avec le résultat que nous connaissons. Maintenant, le gouvernement récidive et il a indiqué clairement qu’il est prêt à voter contre la volonté d’Israël lorsque cet État est pointé du doigt par des dictateurs et des despotes au sein de l’organisation pour le moins désorganisée que sont devenues les Nations unies.

La question que j’aimerais vous poser est très simple. Qu’avez-vous fait de vos principes, et pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de ne pas défendre l’État d’Israël, qui représente le seul espoir pour la démocratie au Moyen-Orient?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme votre collègue la sénatrice Frum l’a souligné dans sa déclaration tout à l’heure, le vote a été décevant pour de vastes segments de la population, notamment la communauté juive, et je le comprends bien, comme la plupart d’entre vous le savent.

(1500)

Cependant, honorables sénateurs, avec tout le respect que je vous dois, ce vote ne signifie pas que le Canada n’est pas solidaire d’Israël. Si vous vous penchez en toute impartialité sur le nombre de résolutions qui ont été présentées aux Nations unies et le compte des votes du Canada sur ces résolutions, vous constaterez qu’il soutient massivement Israël, en dépit du changement continu dont vous parlez. Le Canada et Israël sont de grands alliés. Israël compte sur le Canada et le Canada sur Israël pour la coopération économique et la coopération dans de nombreux autres domaines.

Bien que je comprenne la déception ressentie lorsque le gouvernement a continué d’aller de l’avant avec cette motion et tant d’autres, il n’est tout simplement pas vrai que cela signifie que le Canada a abandonné ses principes. Au contraire, le Canada est solidaire d’Israël à titre de phare de la démocratie au Moyen-Orient et d’allié fort et durable.

[Français]

Les finances

Les soins palliatifs

L’honorable Claude Carignan : Je vais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Bovey.

Vous avez dit que le rôle du gouvernement fédéral en matière de santé était un rôle de soutien et de leadership. Je voudrais vous parler de soins palliatifs.

Au Québec, on a établi qu’on avait normalement besoin d’un lit par 10 000 habitants pour répondre à la demande en soins palliatifs. Un lit coûte environ 180 000 $ par année.

J’ai demandé au cabinet de la ministre de la Santé de me faire part des montants attribués à chacune des provinces en matière de soins palliatifs. J’ai été extrêmement surpris de recevoir une réponse, mais j’ai été encore plus surpris de la réponse elle-même.

La Colombie-Britannique reçoit 12,8 millions de dollars, ce qui finance environ 74 lits, soit environ 13 %; l’Alberta, 8 millions de dollars pour environ 47 lits, soit 10 % des besoins; la Saskatchewan, 5 millions de dollars pour 29 lits, ce qui représente 23 % des besoins; le Manitoba, 2 millions de dollars pour 12 lits, soit 8 %; enfin, le Nouveau-Brunswick reçoit 3 millions de dollars pour 17 lits, alors que les besoins sont de 78 lits.

Monsieur le leader, au moment où l’on étudie le projet de loi C-7, trouvez-vous que le gouvernement fédéral fait preuve de soutien et de leadership en matière de financement des soins palliatifs quand il donne 3 millions de dollars au Nouveau-Brunswick?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci d’avoir soulevé l’importance de cet aspect de notre système de soins de santé qui permet de faire en sorte que les personnes peuvent être soignées adéquatement, surtout en fin de vie. Il faut cependant reconnaître qu’il y a toute une série de programmes et de transferts en place pour tous les ordres de gouvernement.

Le gouvernement fédéral reconnaît sa responsabilité de contribuer au financement des soins de santé, tout comme il reconnaît les besoins des provinces. Il respecte également les priorités des provinces qui bénéficient de transferts importants du gouvernement fédéral, sans condition, afin d’investir dans les secteurs les plus importants.

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, dans ma région, il y a une maison de soins palliatifs qui compte sept lits; 53 % des refus aux demandes d’admission sont causés par le manque de lits disponibles.

La moitié du budget, soit 650 000 $par année, doit être recueillie par la population à l’aide de collectes de fonds. Ce sont des bénévoles qui tentent de recueillir 50 % du budget de la maison de soins palliatifs.

Trouvez-vous vraiment que le gouvernement fédéral joue un rôle de soutien et de leadership à l’endroit de la Maison Sercan de Saint-Eustache?

Le sénateur Gold : Je vous lève mon chapeau pour votre engagement, sénateur Carignan. Je n’ai aucun doute que d’autres sénateurs ou sénatrices s’engagent dans des campagnes de financement afin de venir en aide aux centres de soins palliatifs, qui ne reçoivent malheureusement pas toujours suffisamment de fonds publics.

Je le répète, je pense que le gouvernement fédéral reconnaît sa responsabilité et je crois qu’il fait une bonne contribution. Avec le vieillissement de la population et les coûts grandissants dans le domaine de la santé, les fonds ne sont jamais suffisants pour venir en aide aux bénévoles. Je vous remercie de votre question.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps prévu pour la période des questions est écoulé.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à réaliser et à publier une analyse des actes terroristes parrainés par l’Iran—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à réaliser et à publier, au plus tard le 30 mars 2021, une analyse des actes terroristes parrainés par l’Iran, et de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne imputables à ce pays, ainsi qu’à cerner et à imposer des sanctions, en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), contre les fonctionnaires iraniens responsables de telles activités.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, la motion est assez simple. On y demande que le gouvernement réalise et publie, d’ici la fin du mois de mars prochain, une analyse des actes terroristes parrainés par l’Iran, et de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne imputables à ce pays, et qu’il cerne et impose des sanctions en vertu de la loi de Magnitski contre les fonctionnaires iraniens responsables de telles activités.

Vous vous souviendrez que, le 29 octobre, intervenant au sujet d’une autre de mes motions, portant celle-là sur la Chine, j’ai expliqué en détail les origines et les visées de la loi de Magnitski du Canada.

(1510)

Je ne répéterai pas mes propos, si ce n’est pour dire que, grâce aux efforts de notre ancienne collègue la sénatrice Andreychuk, mais surtout en raison des épreuves infligées par les Russes à Sergei Magnitski, dont la loi porte le nom, la loi canadienne prévoit désormais des sanctions contre les dirigeants étrangers qui violent les droits de la personne ainsi que les principes de justice fondamentale et de la primauté du droit.

À ce moment-là, j’ai aussi mentionné que, depuis que le projet de loi est entré en vigueur, des dirigeants de la Russie, du Venezuela, du Soudan du Sud, du Myanmar et de l’Arabie saoudite ont fait l’objet de sanctions en vertu de la loi de Magnitski. Évidemment, c’est bien, mais il est déconcertant que le gouvernement actuel n’ait imposé aucune sanction en vertu de cette loi contre des dirigeants iraniens.

C’est déconcertant, certes, mais, hélas, c’est parfaitement prévisible de la part de l’actuel gouvernement et fidèle à l’approche qu’il adopte depuis son arrivée au pouvoir, en 2015, face à des régimes tyranniques comme celui de l’Iran. C’est une approche qui, avant tout, semble être animée d’un désir de distinguer le gouvernement Trudeau du gouvernement Harper qui l’a précédé.

Voilà peut-être la réponse à la question que j’ai posée au leader du gouvernement plus tôt aujourd’hui. Cela explique peut-être pourquoi son chef, Justin Trudeau, a délaissé la position de principe qu’avait le Canada depuis longtemps, selon laquelle il n’appuyait pas les résolutions contre Israël présentées aux Nations unies. Quand le premier ministre a appuyé une telle résolution l’an dernier, c’était parce qu’il espérait obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, simplement pour mieux paraître que l’ancien premier ministre Harper. Nous savons comment cette histoire s’est terminée.

M. Trudeau a refait la même chose il y a quelques semaines. Michael Levitt, qui a démissionné à titre de député libéral l’été dernier, est maintenant président des Amis du Centre Simon Wiesenthal. Je me permets de citer ici M. Levitt, qui n’est ni conservateur, ni partisan :

En appuyant cette résolution, le Canada nourrit les arguments de ceux qui cherchent à délégitimer et à diaboliser l’État d’Israël, ce qui nuit aux perspectives de paix dans la région.

Quand on voit le Canada appuyer une résolution qui cible très injustement Israël et se ranger aux côtés de tous les despotes et les tyrans de la planète, il est clair qu’il ne s’agit pas d’un geste d’exception, comme le leader du gouvernement au Sénat l’affirme, mais que le Canada de Justin Trudeau maintiendra une position anti-Israël. Il ne s’agit pas d’un simple désir mesquin de se démarquer de son prédécesseur. La situation devient particulièrement dangereuse quand on tient compte de son approche dans le dossier iranien.

Les sénateurs se souviendront que le gouvernement Harper a adopté la ligne dure envers l’Iran, allant même jusqu’à rompre en 2012 ses liens diplomatiques avec ce régime, à expulser les diplomates iraniens et à fermer l’ambassade canadienne dans ce pays.

Du même coup, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, John Baird, a déclaré que l’Iran figure parmi les pires pays violateurs des droits de la personne au monde. Il est même allé plus loin et a souligné qu’en plus d’avoir un bilan catastrophique en matière de droits de la personne, l’Iran abrite des groupes terroristes auxquels il fournit une aide matérielle, attise la haine contre Israël, menace d’annihiler ce pays et fait partie des plus fervents partisans du régime meurtrier d’Assad, en Syrie. Reconnaissant le fait que l’Iran est le principal commanditaire du terrorisme dans le monde, le gouvernement Harper a adopté la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme. Comme l’a dit le ministre de la Justice de l’époque, Rob Nicholson, cette loi vise à permettre aux victimes de terrorisme et à leur famille :

[...] de poursuivre les auteurs d’actes terroristes et ceux qui les soutiennent, y compris les États étrangers visés, pour les pertes ou les dommages subis par suite d’un acte de terrorisme commis n’importe où dans le monde [...]

— à partir du 1er janvier 1985. Autrement dit, elle lève l’immunité des États qui financent le terrorisme.

La première poursuite en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme a été intentée un an plus tard par une dentiste de Vancouver, Sherri Wise. Celle-ci a poursuivi l’Iran pour son rôle dans les attentats à la bombe perpétrés par le Hamas en 1997, dans lesquels elle avait été blessée.

Trois ans plus tard, en 2016, cinq procédures judiciaires ont été entamées en Ontario par des victimes de huit attaques distinctes perpétrées par le Hamas et le Hezbollah. Le juge a octroyé aux victimes des millions de dollars provenant de propriétés iraniennes non diplomatiques et de comptes de banque se trouvant à Ottawa et à Toronto.

Honorables sénateurs, la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme vise à mettre fin aux activités terroristes parrainées par l’Iran. Son efficacité se mesure non seulement par les sommes d’argent qui ont été accordées aux victimes du terrorisme soutenu par l’Iran, mais aussi par l’indignation qu’elle a soulevée chez le gouvernement iranien.

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de l’Iran a déclaré que le jugement de la Cour de l’Ontario était politique et hostile envers l’Iran, en plus de l’associer aux politiques de l’ancien gouvernement extrémiste. Il faisait référence, bien entendu, au gouvernement Harper et à sa ligne dure contre le terrorisme et contre ceux qui le soutiennent.

J’aimerais lui répondre : c’est bien dommage. À l’instar d’autres gouvernements autoritaires — la Chine, par exemple —, le régime iranien et son ministre des Affaires étrangères en particulier ne se rendent pas compte que dans une démocratie, dans notre système de gouvernement, l’État n’intervient pas dans les procédures judiciaires.

En revanche, étant donné le comportement répréhensible du gouvernement Trudeau dans l’affaire SNC-Lavalin, on pourrait peut-être excuser le régime iranien de se montrer un peu confus par rapport à ce principe.

Honorables sénateurs, je mentionne la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme pour deux raisons : premièrement, parce que c’est une mesure efficace appliquée à l’encontre d’un régime criminel et, deuxièmement, parce que, comme M. Nicholson l’a mentionné dans son discours, cette loi vient du Sénat. M. Nicholson, qui était à l’époque ministre, a fait référence tout spécialement à notre ancien collègue, le sénateur Tkachuk, et à d’autres géants de cette institution, de même qu’au projet de loi S-7 qui, comme le projet de loi d’initiative ministérielle ayant été adopté, visait à lever l’immunité des États inscrits sur une liste de pays soutenant le terrorisme.

Sous des numéros différents, le projet de loi S-7 est demeuré environ sept ans au Sénat avant que l’ancien premier ministre Stephen Harper en fasse un projet de loi d’initiative ministérielle et qu’il soit adopté. Cependant, le sénateur Tkachuk n’en est pas resté là. En 2017, il a présenté un autre projet de loi d’intérêt public du Sénat, le S-219, dont la portée était plus large que celle du projet de loi S-7. Cette mesure législative reconnaissait que le régime iranien est non seulement l’un des principaux commanditaires du terrorisme dans le monde, mais qu’il est aussi un régime qui incite à la haine et a l’habitude de violer de manière flagrante les droits de la personne.

Les sénateurs reconnaîtront que ma motion fait écho au projet de loi S-219 qui, s’il avait été adopté, aurait notamment obligé le ministre des Affaires étrangères à publier un rapport annuel sur le terrorisme, l’incitation à la haine et les violations des droits de la personne imputables à l’Iran.

Le Sénat a rejeté ce projet de loi. Je dois toutefois dire qu’un grand nombre des sénateurs qui ont voté contre la mesure législative venaient tout juste d’être nommés, littéralement quelques jours avant le vote. Ils ne pouvaient donc pas bien connaître le projet de loi ni les témoignages des intervenants qui l’appuyaient ou qui s’y opposaient. Cela ne les a pas empêchés de rejeter le projet de loi.

Au comité, nous avons notamment entendu Irwin Cotler, qui est sans contredit un éminent expert des droits de la personne au Canada, en plus d’avoir été ministre libéral de la Justice. On pourrait difficilement l’accuser de faire preuve de partisanerie.

Au moment de son témoignage, M. Cotler était président du Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne. Il appuyait le projet de loi S-219, qu’il décrivait comme « un cadre modeste pour réagir aux trois principales menaces du réseau de menaces de l’Iran ».

M. Cotler a ensuite parlé des trois principaux thèmes de la motion que je présente :

Il importe de souligner que ces menaces [de l’Iran] constituent des violations permanentes des normes et des accords internationaux auxquels adhèrent le Canada et l’Iran. Autrement dit, si l’Iran s’adonne au terrorisme international, il enfreint un réseau de traités et d’accords internationaux, y compris quand ce terrorisme international finit par cibler des diplomates, comme cela s’est d’ailleurs produit. Cela fait intervenir tout le réseau de l’immunité diplomatique, des traités et des dispositions semblables.

S’il incite les gens au génocide, alors il commet, comme je l’ai souligné, une violation permanente de la convention sur le génocide et il contrevient aux obligations qui sont les siennes, à titre d’État partie, de ne pas s’adonner à une telle incitation.

Si l’Iran commet de graves violations des droits de la personne, alors il enfreint d’importants traités internationaux, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou le traité sur la torture. Ici encore, ces traités ont été signés par les deux États.

En un mot, nous sommes obligés, à titre d’État partie à ces traités et de membre responsable de la communauté internationale, d’appliquer les normes internationales, de sanctionner les contrevenants et de lutter contre la culture d’impunité permettant aux contrevenants d’éviter de rendre des comptes.

Ce ne sont pas mes propos, mais bien ceux de l’ancien ministre de la Justice, M. Cotler.

Le principal argument des personnes qui s’opposaient au projet de loi S-219, c’était que ce dernier insistait sur le fait que le Canada maintienne les sanctions qu’il a imposées contre l’Iran jusqu’à ce que deux rapports annuels consécutifs, similaires au rapport que je propose dans le cadre de ma motion, démontrent que l’Iran s’était amélioré à ces trois égards.

Plusieurs spécialistes ont comparu devant le comité et ont affirmé que si le Canada est le seul à imposer des sanctions, cela n’aurait pas l’effet escompté et pourrait même aller à l’encontre du but visé.

De plus, Affaires mondiales Canada a envoyé une lettre au comité pour s’opposer fermement au projet de loi S-219, indiquant que cette mesure législative va à l’encontre de la politique d’engagement du ministère avec l’Iran. Affaires mondiales veut collaborer avec tout le monde. C’est leur affaire, chers collègues.

Les sénateurs se souviendront qu’à l’époque, le Canada rencontrait discrètement des diplomates iraniens afin de favoriser ce dialogue et peut-être même rouvrir notre ambassade là-bas.

Initialement, les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants membres du Comité des affaires étrangères ont essayé de torpiller le projet de loi à l’étape du comité, mais la sagesse l’a emporté et il a été renvoyé à la Chambre, où il a été défait à la troisième lecture, le 9 mai 2018.

J’imagine que le gouvernement était heureux.

Honorables sénateurs, beaucoup de choses ont changé depuis. La loi de Magnitski, dont était saisi le Comité sénatorial des affaires étrangères au même moment que le projet de loi S-219, a reçu la sanction royale en octobre 2017.

Depuis, comme je l’ai mentionné, le Canada a imposé des sanctions Magnitski à des dirigeants étrangers dans de très nombreux pays. Les précédents ne manquent pas pour pouvoir imposer des sanctions aux dirigeants iraniens qui seraient identifiés dans l’analyse gouvernementale du comportement du régime iranien que je propose.

(1520)

Deuxièmement, pratiquement un mois jour pour jour après le rejet du projet de loi S-219 par le Sénat, des députés ministériels et de l’opposition ont appuyé, à raison de 248 voix contre 45, une motion portant que le Canada « [...] [cesse] immédiatement toute négociation ou discussion avec la République islamique d’Iran en vue du rétablissement des relations diplomatiques [...] ».

Parmi les députés qui ont appuyé la motion se trouvaient le premier ministre Justin Trudeau, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland et le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale.

La motion demandait également au gouvernement « d’inscrire immédiatement la Brigade des Gardiens de la révolution islamique dans la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel du Canada ». Je répète que le premier ministre libéral, la ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Sécurité publique ont appuyé la motion.

Honorables sénateurs, aucune sanction en application de la loi de Magnitski n’a été imposée aux dirigeants iraniens, qui sont pourtant membres d’un régime qui demeure l’un des pires violateurs des droits de la personne au monde.

La Brigade des Gardiens de la révolution islamique, le principal organe du régime responsable de la perpétration de bon nombre de ces violations, voire toutes, n’est toujours pas inscrite dans la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel, en dépit du fait que cela fait plus de deux ans que le gouvernement a appuyé une motion lui demandant de le faire immédiatement. Peut-être faut-il lui donner un petit coup de coude ou lui rappeler les motions que la Chambre des communes appuie à l’unanimité. Il est plus que temps que le gouvernement du Canada identifie les dirigeants iraniens responsables des nombreux crimes perpétrés par l’État iranien et leur impose les sanctions prévues dans la loi de Magnitski.

Honorables collègues, j’espère que nous reconnaîtrons qu’il ne fait aucun doute que l’Iran est le plus grand auteur de violations des droits de la personne et le plus grand promoteur de l’extrémisme à l’heure actuelle dans le monde. En dépit de cela, le gouvernement refuse encore et encore de le dénoncer, faisant fi de la volonté du Parlement. La présente motion est une autre occasion pour nous de défendre la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit. Honorables collègues, j’espère que ceux d’entre vous qui croient à ces valeurs appuieront cette motion. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Dasko, le débat est ajourné.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité d’étudier la mise en œuvre et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la mise en œuvre par le gouvernement du Canada et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique (ESPT) en ce qui concerne les quatre domaines prioritaires définis en ciblant principalement la collecte des données, soit une meilleure surveillance du taux d’ESPT parmi les premiers intervenants et les coûts économiques et sociaux qui y sont associés, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2021.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Le vote!

L’honorable Pierrette Ringuette (Son Honneur la Présidente suppléante) : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente suppléante : L’honorable sénateur Housakos, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie… Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente suppléante : Qui a dit « non »?

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la mise en œuvre par le gouvernement du Canada et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique (ESPT) en ce qui concerne les quatre domaines prioritaires définis en ciblant principalement la collecte des données, soit une meilleure surveillance du taux d’ESPT parmi les premiers intervenants et les coûts économiques et sociaux qui y sont associés, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2021.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur la Présidente suppléante : J’ai entendu un « non ».

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente suppléante : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont présents dans la salle du Sénat veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente suppléante : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont présents dans la salle du Sénat veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente suppléante : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente suppléante : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Trente minutes.

Son Honneur la Présidente suppléante : Si quelqu’un s’oppose à ce que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes, qu’il veuille bien dire non. La sonnerie retentira pendant trente minutes et nous procéderons au vote à 15 h 55. Convoquez les sénateurs.

(1550)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il y avait un message à l’écran concernant un vote sur un ajournement. Je veux juste qu’il soit parfaitement clair, avant le début du vote, que nous votons sur la motion n° 9, et non sur un ajournement. Est-ce bien clair?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si vous participez par vidéoconférence, vous devriez avoir trois cartes de vote : une pour voter oui, une pour voter non et une pour vous abstenir. Si vous n’avez pas les cartes de vote, vous pouvez les reproduire sur papier à l’aide d’un stylo ou d’un marqueur noir.

Veuillez lever la carte appropriée au moment opportun pour indiquer comment vous votez. Une fois que votre nom aura été appelé, vous devrez baisser votre carte.

Après avoir lu la question, je demanderai à ceux qui sont en faveur de la motion et qui sont dans la salle de se lever, et ensuite à ceux qui participent par vidéoconférence de lever la carte « oui ». Nous procéderons ensuite de la même façon pour les nons et les abstentions.

L’honorable sénateur Housakos, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la mise en œuvre par le gouvernement du Canada et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique (ESPT) en ce qui concerne les quatre domaines prioritaires définis en ciblant principalement la collecte des données, soit une meilleure surveillance du taux d’ESPT parmi les premiers intervenants et les coûts économiques et sociaux qui y sont associés, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2021.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Lankin
Batters Loffreda
Bellemare MacDonald
Beyak Manning
Boniface Marshall
Brazeau Martin
Busson Massicotte
Campbell McPhedran
Carignan Mercer
Cotter Mockler
Dalphond Munson
Dawson Ngo
Frum Oh
Gagné Patterson
Gold Plett
Greene Poirier
Griffin Ravalia
Harder Richards
Housakos Seidman
Jaffer Smith
Klyne Stewart Olsen
Kutcher Wells
LaBoucane-Benson Wetston—46

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Duffy
Bernard Duncan
Black (Alberta) Dupuis
Black (Ontario) Forest
Boehm Hartling
Bovey McCallum
Dagenais Omidvar
Dasko Simons
Dean Tannas
Downe Woo—20

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Cordy Marwah
Cormier Mégie
Coyle Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Deacon (Ontario) Moodie
Forest-Niesing Pate
Francis Ringuette
Galvez Saint-Germain—16

L’honorable Jane Cordy : Votre Honneur, je crois que, quand on s’abstient, on peut expliquer pourquoi. Je tiens à dire que l’état de stress post-traumatique serait un excellent sujet d’étude. Toutefois, le Sénat a adopté de nombreuses motions de ce genre pour indiquer aux comités ce qu’ils devraient étudier. Les comités sont maîtres de leur destin. Ils peuvent choisir ce qu’ils veulent étudier. Même si le Sénat adopte une telle motion, elle n’oblige pas un comité à étudier le sujet sur lequel elle porte. Voilà pourquoi je me suis abstenue.

(1610)

À mon avis, nous nous laissons un peu emporter en indiquant aux comités ce qu’ils devraient étudier. La plupart des comités sont actuellement en train de s’organiser, et je suis certaine qu’ils auront de longues discussions afin de déterminer les questions les plus pertinentes à étudier pour eux. C’est pourquoi je me suis abstenue cette fois-ci. C’est au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de déterminer les études qu’il souhaite entreprendre. Merci.

Droits de la personne

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les questions concernant les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral dans le système correctionnel et à recevoir les documents reçus et les témoignages entendus pendant la première session de la quarante-deuxième législature—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Boehm,

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions concernant les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral dans le système correctionnel, en tenant compte des lois et des normes nationales et internationales, ainsi que la situation des groupes marginalisés ou désavantagés dans les établissements carcéraux fédéraux, y compris les peuples noirs et autochtones, les personnes racialisées, les femmes et les personnes ayant des problèmes de santé mentale, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le comité à ce sujet au cours de la première session de la quarante-deuxième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 30 juin 2021.

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion no 31, que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions concernant les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral dans le système correctionnel. Je remercie notre collègue la sénatrice Pate de nous demander de terminer cette étude.

Lors de la législature précédente, les membres du comité des droits de la personne et les analystes du comité ont rédigé un rapport final à l’issue d’une étude de trois ans dans le cadre de laquelle 30 audiences publiques avaient été tenues, plus de 150 personnes avaient témoigné et 30 lieux dans différentes régions du pays avaient fait l’objet d’une visite. Nous nous sommes rendus dans des pénitenciers, des pavillons de ressourcement, des établissements correctionnels communautaires et des centres de santé mentale. En tant qu’ancienne présidente du comité et travailleuse sociale autorisée, je tiens à souligner combien il est urgent de présenter ce rapport final et les recommandations qui y sont formulées. Les sénateurs ont le devoir d’agir dans l’intérêt de tous les Canadiens. Les témoins nous ont accordé leur confiance et les prisonniers comptent sur nous pour que nous respections notre engagement à demander des comptes au gouvernement en ce qui concerne la protection de leurs droits.

Cette étude a consisté en un examen approfondi des politiques, des pratiques et des procédures du système correctionnel ainsi que des conditions qui en résultent pour les détenus. Les recommandations finales ont le pouvoir d’apporter des changements concrets. Ce travail reconnaît l’humanité des prisonniers et leur droit de voir leurs besoins fondamentaux comblés. Il s’agit de construire des collectivités fortes et de créer un changement systémique. Tout au long de l’étude, les membres du comité n’ont cessé d’entendre que le système ne fonctionne pas. Les témoins l’ont fréquemment qualifié de « porte tournante ». Ce rapport présentera des recommandations concrètes pour apporter un changement systémique au système de justice pénale.

Le rapport provisoire du Comité sénatorial des droits de la personne intitulé Le premier des droits fondamentaux est celui d’être traité comme un être humain a mis en évidence les inégalités raciales et les répercussions du racisme systémique sur la vie des Autochtones, des Noirs et des personnes racialisées. Tandis que nous observons et vivons le mouvement des droits civils actuel qui découle du meurtre de George Floyd en mai 2020, de nombreux collègues ont exprimé leur consternation et leur déception après avoir pris conscience de certaines des réalités du racisme systémique auquel sont confrontés les Canadiens noirs.

Le 24 octobre, le Globe and Mail a publié un article de fond sur la façon dont les prisonniers noirs et autochtones sont touchés par le racisme systémique, surtout sous la forme d’évaluations qui concluent de façon disproportionnée que les prisonniers noirs et autochtones sont plus susceptibles de récidiver.

Ces conclusions ne sont qu’une des nombreuses inégalités raciales que l’on trouve dans le système de justice pénale. Au cours de l’étude, le comité a entendu parler de nombreuses formes de racisme systémique au Canada par le biais de politiques et de pratiques dans le système correctionnel. Le rapport final sur les droits des prisonniers est un pas vers la justice raciale. L’étude mettra en lumière l’expérience des Autochtones, des personnes noires et des personnes racialisées incarcérés, et montrera que nous croyons que leur vie compte et que nous n’avons pas oublié notre engagement envers eux.

Honorables sénateurs, nous avons tous juré de représenter nos régions et de servir les personnes les plus vulnérables du pays. Beaucoup ne reconnaissent pas les prisonniers comme des personnes vulnérables en raison de leur casier judiciaire. La peine pour un crime est la prison ou la perte de sa liberté. Les pratiques quotidiennes qui violent les droits des prisonniers ne font pas partie de la peine. Toute personne, quelle que soit son histoire, mérite de jouir des droits fondamentaux de la personne. Le fait est que les prisonniers sont des personnes vulnérables en raison de l’oppression systémique qui a des conséquences sur leur situation, comme la pauvreté, le racisme et le colonialisme. Parmi les principales préoccupations examinées par le comité, on peut citer les besoins physiques fondamentaux comme l’accès aux soins de santé, aux soins dentaires, à une alimentation adéquate, à l’exercice et à l’espace physique. Nous avons également examiné les besoins sociaux et psychologiques, notamment le contact social, l’accès à des ressources éducatives, à des services en santé mentale et à des cérémonies et des pratiques culturelles, religieuses et confessionnelles enrichissantes.

Pendant les 40 années et plus que j’ai passé à faire du travail social, j’ai été appelée à intervenir auprès de détenus — hommes et femmes —, de proches de détenus et de gens qui ont connu les deux côtés de la médaille. Dans l’ensemble, les Canadiens en sont venus à faire comme si la réalité des prisons ne les concernait pas, car celles-ci sont bâties à l’écart, loin des regards, donc loin de l’esprit. Les détenus font partie de la société au même titre que nous, et ce n’est pas en les privant de leurs droits fondamentaux que nous ferons avancer la société.

(1620)

Les peuples autochtones, les Noirs, les personnes racialisées et handicapées, les femmes : il est question de la réalité de tous ces groupes dans le rapport intérimaire, et le rapport final s’intéresserait d’encore plus près à ce que vivent certaines des personnes les plus vulnérables que nous sommes appelés à représenter.

Pendant toutes les années où j’ai fait des recherches sur la communauté africaine de Nouvelle-Écosse, je me suis toujours fait un point d’honneur de communiquer les résultats de mes recherches avec les personnes qui y avaient pris part, directement ou non, ou sur qui elles pourraient avoir un effet. Si nous privions le public de ce rapport, nous nuirions aux personnes qui se sont investies dans le processus depuis le début et qui attendent avec impatience qu’on change le système.

Mes collègues du comité vous le diront : chaque fois que nous visitions un établissement carcéral, les détenus nous disaient qu’ils suivaient l’évolution de notre étude, notamment sur les ondes de CPAC. Il y en a encore qui communiquent avec mon bureau pour savoir quand le rapport final sera publié.

Nous devons terminer cette étude, par respect pour les droits de la personne et par souci éthique. C’est une question de transparence et de confiance. Les Canadiens ont fait confiance à l’institution que nous représentons en nous racontant leur histoire et en nous donnant leur opinion professionnelle. Les gens ont participé aux travaux du comité en toute bonne foi, et nous avons la responsabilité — je dirais même le devoir — de la mener à terme, ne serait-ce que pour eux.

Honorables sénateurs, je vous invite à reconnaître l’humanité des milliers de détenus qui sont parqués dans les prisons du pays. Mettons un terme aux violations des droits de la personne qui demeurent invisibles pour une bonne partie de la société et terminons cette étude, dont le rapport final permettra de changer un système qui ne fonctionne pas.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Kim Pate : Je demande qu’on passe au vote.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Non.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénateur Plett, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non. J’ai entendu un non.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

(Sur la motion de la sénatrice Martin , le débat est ajourné avec dissidence.)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement du Canada à condamner l’agression de la Turquie et de l’Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Smith,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à condamner immédiatement l’agression de la Turquie et de l’Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh, à maintenir l’interdiction d’exporter du matériel militaire vers la Turquie, à reconnaître le droit inaliénable de la République d’Artsakh à l’autodétermination et, à la lumière de l’intensification continue des conflits et du ciblage d’innocents civils arméniens, à reconnaître l’indépendance de la République d’Artsakh.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 36, qui, entre autres, demande que le Sénat :

[...] exhorte le gouvernement du Canada [...] à reconnaître le droit inaliénable de la République d’Artsakh à l’autodétermination et [...] à reconnaître l’indépendance de la République d’Artsakh.

Je remercie le sénateur Housakos d’avoir porté à notre attention la guerre civile qui a fait rage dans le Caucase du Sud et qui est passée largement inaperçue alors que la planète n’en avait que pour la COVID-19 et pour les élections américaines.

J’ai eu le privilège de me rendre en Arménie en 2008 en tant que chef d’une délégation de juges canadiens lorsque la magistrature arménienne a été admise au sein de l’Union internationale des magistrats, un organisme affilié aux Nations unies qui fait la promotion de l’indépendance des juges partout dans le monde.

Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, nous éprouvons des problèmes techniques et certains sénateurs n’entendent plus l’interprétation. Nous allons suspendre la séance le temps de régler le problème.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1630)

[Français]

Le sénateur Dalphond : Lors de mon premier jour à Erevan, la capitale de l’Arménie, j’ai été frappé par la beauté de la place centrale, puis agréablement surpris d’entendre que des haut-parleurs y jouaient régulièrement des chansons en français de Charles Aznavour. Comme vous le savez peut-être, le célèbre chanteur français était un fils de l’Arménie. J’ai, dès lors, eu un coup de foudre pour l’Arménie et son peuple, coup de foudre qui dure toujours.

[Traduction]

Lors de mon séjour, j’ai été invité à visiter le Musée-institut du génocide arménien, qui surplombe la pittoresque plaine de l’Ararat et le majestueux mont Ararat, où l’arche de Noé se serait échouée. Le musée est un bâtiment impressionnant et d’une grande beauté qui rappelle aux Arméniens et au monde entier les atrocités commises contre ce peuple entre 1914 et 1923, soit pendant les dernières années de l’Empire ottoman, notamment le génocide de 1915. On dit qu’entre 800 000 et 1,5 million d’Arméniens vivant dans cette région du monde ont perdu la vie à cause de pogroms ou parce qu’ils ont été expulsés de force de leurs divers pays d’origine. Au cours des 20 dernières années, beaucoup de pays démocratiques en sont venus à reconnaître le génocide arménien.

[Français]

En 2001, la France a adopté la Loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. En 2019, le président Macron a signé un décret faisant du 24 avril une journée annuelle de commémoration du génocide en France.

En 2004, la Chambre des communes a adopté une motion reconnaissant l’existence du génocide arménien de 1915 et a déclaré qu’il s’agissait d’un crime contre l’humanité.

L’Assemblée nationale du Québec a donné son appui unanime à toutes les motions relatives au génocide arménien depuis 1980, appui qui a culminé avec l’adoption de la Loi proclamant le Jour commémoratif du génocide arménien en 2003, qui fait du 24 avril un jour de commémoration du génocide au Québec.

[Traduction]

Il y a près d’un an, la Chambre des représentants des États-Unis a adopté une résolution pour reconnaître le génocide arménien, et le président désigné Joe Biden s’est engagé à le reconnaître.

Malheureusement, quand les Soviétiques ont tracé les frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans les années 1920, la communauté arménienne située dans la région appelée le Nagorno-Karabakh s’est retrouvée dans ce qu’on appelait la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, où on lui a accordé le statut d’oblast, ou région, autonome en reconnaissance de son identité distincte principalement arménienne. Toutefois, cette région est entourée d’autres régions de l’Azerbaïdjan de l’Ouest, qui sont habitées par des Kurdes et des Azéris.

Au début des années 1990, alors que le régime soviétique s’effondrait, une guerre civile a éclaté entre l’armée azerbaïdjanaise et les Arméniens du Nagorno-Karabakh, qui étaient soutenus par l’armée arménienne. Elle s’est conclue par la victoire militaire des forces arméniennes. En 1994, quand un cessez-le-feu a été conclu, les forces arméniennes contrôlaient toute la région du Nagorno-Karabakh et l’ensemble des régions avoisinantes à l’ouest, ce qui représentait en tout environ 20 % du territoire azerbaïdjanais. En conséquence, entre 700 000 et 1 million de Kurdes et d’Azéris ont été déplacés de leur ferme, de leur village et de leur pays d’origine et se sont retrouvés en situation de réfugiés à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, et dans d’autres régions du pays. Certains observateurs internationaux ont qualifié cet événement de nettoyage ethnique.

Ces événements historiques et beaucoup d’autres événements qui touchent les groupes ethniques de cette partie du monde définissent ces derniers, la région ainsi que leurs relations avec les pays avoisinants. Par exemple, beaucoup d’Arméniens appellent les Azerbaïdjanais des « Turcs », et les discours haineux sont fréquents entre les deux groupes.

Après le cessez-le-feu de 1994, ce conflit a été largement oublié dans le monde, mais les tensions sont restées vives entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan; certains spécialistes parlent même d’un conflit « latent ». En réalité, un état d’hostilité permanent était présent des deux côtés du conflit. Malgré trois résolutions des Nations unies demandant que le contrôle des régions de l’Ouest de l’Azerbaïdjan soit rendu au gouvernement de Bakou ainsi que cinq propositions du Groupe de Minsk dirigé par la Russie, les États-Unis et la France, rien n’a changé.

Le 27 septembre 2020, les tensions persistantes ont éclaté en une nouvelle guerre civile dans plusieurs régions le long de la ligne du conflit. Cette fois, l’Azerbaïdjan disposait d’une force militaire supérieure, grâce aux recettes pétrolières qui lui ont permis d’acheter du matériel militaire de la Russie, d’Israël et de la France, entre autres fournisseurs d’armes. Plus tard, on a rapporté que du matériel militaire vendu par le Canada à la Turquie, un allié de l’OTAN, avait été installé dans des drones utilisés par les forces azerbaïdjanaises au cours de la guerre civile qui se prolonge.

Devant ce fait, le ministre Champagne a annoncé que le Canada suspendait les exportations de matériel militaire en Turquie, en attendant une enquête pour découvrir comment ce matériel canadien a pu se retrouver dans une zone de guerre civile.

(1640)

Des sources crédibles ont aussi indiqué que la Turquie fournissait d’autres types de soutien au gouvernement de Bakou et qu’elle lui avait notamment fourni des mercenaires recrutés en Syrie, prêts à commettre des exactions, des gestes brutaux et même des meurtres à l’endroit des civils arméniens vivant dans l’Ouest de l’Azerbaïdjan, particulièrement dans les anciennes régions kurdes et azéries contrôlées par les forces arméniennes depuis 1994.

Le premier ministre Trudeau a demandé aux dirigeants de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan de réclamer un cessez-le-feu immédiat et la reprise des négociations. Par la suite, le ministre Champagne s’est rendu en Europe pour appuyer un cessez-le-feu et chercher à obtenir une intervention, surtout de la part des trois coprésidents du Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, soit la France, les États-Unis et la Russie.

Signalons, au passage, que l’OSCE célèbre cette année le 30e anniversaire de l’adhésion à la Charte de Paris, qui a eu lieu en 1990. Elle s’est engagée à tenter une fois de plus d’amener les parties à régler le conflit qui les oppose depuis longtemps au sujet du statut du Nagorno-Karabakh.

Les gestes qu’a posés le gouvernement du Canada jusqu’à maintenant sont conformes à son engagement envers le multilatéralisme, le respect des principes de droit international, la résolution pacifique des conflits et le déploiement de forces neutres en cas de besoin.

Comme vous le savez, le 9 novembre — 10 jours après la présentation de la motion du sénateur Housakos et après 6 semaines de combats violents —, un accord de cessez-le-feu a été conclu entre les gouvernements de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, sous la supervision de la Russie. L’accord prévoit des opérations de maintien de la paix menées par la Russie pour préserver le cessez-le-feu, l’échange de prisonniers, de l’aide humanitaire et des négociations sur l’avenir du Nagorno-Karabakh.

Malheureusement, depuis le 27 septembre, trop de civils — hommes, femmes et enfants — des deux côtés du conflit sont morts ou ont été blessés. En outre, il y a eu beaucoup de destruction et des dizaines de milliers de personnes ont de nouveau été déplacées, cette fois-ci vers l’Arménie. Durant les pourparlers de paix, il faut tenir compte de la situation des civils déplacés et s’assurer qu’ils peuvent retourner en toute sécurité dans les parties du Nagorno-Karabakh où ils habitaient avant la guerre civile de 1990.

Le déplacement des groupes ethniques n’est pas une solution aux conflits. Il faudrait plutôt favoriser une approche qui mettrait fin à la haine et tiendrait compte des différences. Les canadiens savent qu’une société pluraliste et tolérante est viable et bénéfique pour tous ses membres.

[Français]

Nous savons aussi que le conflit au Haut-Karabakh n’est pas seulement un conflit local. En fait, il a été exacerbé par des influences provenant des pays voisins, notamment la Turquie, l’Iran et la Russie, cette dernière ayant par ailleurs conclu un pacte de défense avec l’Arménie et constituant son principal fournisseur d’armes.

Contrairement à l’Iran et à la Russie, la Turquie est un pays allié du Canada en raison de sa participation à l’OTAN. En vertu de l’article 5 de ce pacte de défense, si la Turquie était attaquée, le Canada devrait venir à son aide — c’est dire comment nos liens sont forts.

Comme nous partageons avec les pays membres de l’OTAN le désir de protéger les libertés et la paix en Europe et partout dans le monde, le gouvernement du Canada et les autres pays membres de l’OTAN ne doivent pas hésiter à aborder avec le président Erdogan, le dirigeant d’un pays allié et ami, nos inquiétudes grandissantes face à certains gestes posés par son gouvernement, qui sont contraires aux principes qui nous unissent au sein de l’OTAN, comme celui de la préservation de la liberté et de la sécurité des peuples de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et de l’Europe, le tout en assurant le respect des principes de la démocratie, de la liberté individuelle et de la primauté du droit, ce qui inclut, par ailleurs, la liberté de presse, la liberté d’expression et la liberté d’association.

L’amitié commande parfois des échanges corsés, et notre alliance appelle à ce qu’un allié renonce à certaines ambitions pour le bien commun de l’ensemble de l’alliance.

L’OTAN doit aussi demander au gouvernement d’Ankara d’effectuer rapidement le rapatriement des combattants syriens. Le gouvernement du Canada doit s’assurer que les crimes de guerre qui ont été commis au cours des six dernières semaines, de part et d’autre, y compris l’utilisation d’armes non conventionnelles et l’usage de la torture, ne restent pas impunis. D’ailleurs, il est regrettable que ni l’Arménie ni l’Azerbaïdjan ne reconnaissent la compétence de la Cour pénale internationale.

Notre gouvernement doit aussi, par l’intermédiaire des organisations internationales, s’assurer que le corridor de Latchin reliant le Haut-Karabakh et l’Arménie est pleinement sécurisé par des troupes internationales, et que les monuments religieux et culturels de toutes les confessions se trouvant dans le Haut-Karabakh et le reste de la partie occidentale de l’Azerbaïdjan sont préservés, notamment sous la supervision de l’UNESCO.

Enfin, je crois que notre gouvernement doit s’engager à fournir sans délai de l’aide humanitaire, notamment aux réfugiés qui se trouvent désormais en Arménie.

En conclusion, contrairement au sénateur Housakos, je suis d’avis qu’une déclaration unilatérale de reconnaissance de la République d’Artsakh ne ferait qu’ajouter des difficultés plutôt que de contribuer à une sortie de crise, d’autant plus qu’aucune garantie internationale de reconnaissance de ce nouvel État n’est réalistement envisageable. Je rappelle qu’aucun pays n’a opté pour la reconnaissance que propose le sénateur Housakos, même pas l’Arménie ou la Grèce.

Il faut plutôt défendre une protection internationale du Haut-Karabakh par les voies que j’ai énoncées précédemment, et ce, en collaboration avec nos alliés et dans le respect des principes du droit international, y compris le droit à l’autodétermination des peuples et le droit à l’intégrité territoriale.

Merci. Shnorhakalut’yun. Tesekkür ederim.

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Dalphond accepterait-il de répondre à une question?

[Français]

Le sénateur Dalphond : Madame la Présidente, me reste-t-il encore du temps, car je ne sais plus où nous en sommes?

Son Honneur la Présidente suppléante : Il nous reste environ deux minutes.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : J’ai plusieurs questions, mais je vais en poser une seule au sénateur. Je vous remercie de votre participation au débat et de votre discours très réfléchi.

Par contrainte de temps, je vais m’en tenir à une seule question. La question que je souhaite vous poser, sénateur, porte sur le comportement de la République de Turquie à l’endroit de la Syrie, ces derniers temps, et sur son comportement agressif dans la mer Égée contre un autre pays membre de l’OTAN; car vous avez raison, le Canada a des alliances militaires avec de nombreux pays, et le comportement belliqueux adopté par la Turquie au cours des derniers mois dans la mer Égée a, à plusieurs reprises, presque mené à une guerre. Il y a des forces d’occupation turques dans le nord de Chypre, qui sont reconnues par vos Nations unies bien-aimées, que vous avez citées, et elles refusent d’évacuer Chypre même après diverses proclamations de l’ONU.

Après avoir parlé du comportement de la Turquie dans la région du Nagorno-Karabakh, j’aimerais aussi que vous abordiez l’utilisation de commandos syriens et le soutien de l’Azerbaïdjan dans son offensive militaire. Une guerre civile est une lutte armée opposant des citoyens d’un même État. Cependant, la Turquie a fourni de l’équipement militaire aux Azerbaïdjanais. De nombreux pays l’ont reconnu.

La question que j’aimerais vous poser est donc la suivante : le comportement de la Turquie, au cours des dernières années, est-il digne d’un pays de l’OTAN allié du Canada?

[Français]

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénateur Dalphond, avant de poursuivre, demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?

Des voix : Non.

Le sénateur Dalphond : La question était trop longue.

(Sur la motion de la sénatrice Dasko, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Motion concernant les pêcheurs et les communautés mi’kmaq—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Francis, appuyée par l’honorable sénatrice Pate,

Que le Sénat confirme et honore la décision rendue en 1999 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Marshall, et qu’il invite le gouvernement du Canada à en faire autant en respectant le droit des traités des Mi’kmaq à une pêche de subsistance convenable, comme le prévoient les traités de paix et d’amitié signés en 1760 et en 1761 et comme le garantit l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;

Que le Sénat condamne les gestes violents et criminels qui entravent l’exercice des droits issus de traités et exige le respect ainsi que l’application dans l’immédiat des lois criminelles du Canada, ce qui comprend la protection des pêcheurs et communautés mi’kmaq.

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs. Je vais aborder la motion de mon collègue le sénateur Francis en parlant d’un pêcheur que j’ai connu et avec qui j’ai grandi.

(1650)

Honorables sénateurs, la première fois que j’ai mis une ligne à l’eau, c’est un jeune Autochtone qui a mis le ver sur mon hameçon. Il avait huit ans et moi, quatre, et nous pêchions dans le secteur nord-ouest de la Miramichi, une rivière sur laquelle j’ai navigué dans les années qui suivirent, pêchant de bassin en bassin à bord d’un canot par les chaudes journées de juillet. Tout cela n’est plus possible, évidemment; la rivière s’est asséchée et le son des cannes à pêche sur les plats-bords des canots s’est arrêté.

J’ai dédié mon troisième roman à un jeune Autochtone avec qui j’ai chassé et pêché il y a longtemps. Au fil des ans, j’ai été le mentor de jeunes Autochtones, je les ai aidés à être admis à l’université ou à rédiger des dissertations. Mon père embauchait des hommes et des femmes autochtones et, au cours de sa vie, il a deux fois été fait chef honoraire d’une réserve.

Pourquoi est-ce que je raconte ces choses? Je n’aurais jamais cru qu’il serait nécessaire que je le fasse. Ce sont des faits qui auraient dû rester du domaine privé; ils font partie de mes expériences personnelles, pas de ma vie publique.

J’ai grandi à Burnt Church — en fait, j’ai passé tous mes étés là-bas de ma naissance jusqu’à ce que je déménage pour aller à l’université. J’ai pêché la truite dans la rivière Church et j’ai chassé la perdrix dans le secteur à l’automne. La nuit, j’écoutais le son des vagues sur la berge de la baie de Miramichi. Je passais mes journées sur le quai. Je connais depuis toujours les hommes qui y pêchent.

Je suis déjà parti en mer sur des homardiers et des harenguiers jusqu’à la dernière bouée à cloche marquant l’endroit où la baie devient la mer à l’approche de l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai aussi déjà été coincé là — le moteur de mon bateau est mort un soir et je dérivais vers le large.

Un soir, un jeune homme que je connaissais pour avoir pêché du hareng avec lui a été pris dans une grave tempête. Son moteur mort, il a essayé de maintenir son bateau à flot. Il a essayé de protéger son équipage. Quand la situation est devenue désespérée, il a envoyé son dernier message à ses amis sur la terre ferme : « Je ne peux plus vous parler, les gars; mon bateau est en train de couler. »

Si vous ne pouvez pas voir au-delà de la première bouée, vous ne pouvez pas connaître la mer.

C’est à l’âge de 8 ans, à Burnt Church, que j’ai commencé à connaître les pêcheurs. J’ai vu des morceaux de harenguiers et des corps s’échouer sur le rivage sous le ciel gris, jusqu’à Oak Point.

C’était le lendemain du désastre d’Escuminac, où 35 hommes et garçons ont trouvé la mort. La tempête était arrivée du sud sans prévenir et des vagues de 40 à 50 pieds de haut avaient déferlé sur les plats-bords et mis hors service les moteurs de ces petits bateaux.

Un des garçons n’avait que 15 ans. Il était à bord d’un harenguier avec son frère de 11 ans, son oncle et son père. Son oncle a été tué par un morceau de métal qui s’était détaché. Alors que l’embarcation luttait contre les vagues, un autre harenguier — plus gros et à la proue plus large — s’est approché et ses occupants ont pu leur lancer une corde. Le garçon de 15 ans l’a fixée à son petit frère et a réussi à le faire passer sur l’autre embarcation. Le vent était tellement fort et les vagues si hautes que le Lorrie Jane a mis plus d’une demi-heure à revenir à eux. Lorsqu’on a pu renvoyer une autre corde au garçon, ce dernier a réussi à se rendre jusqu’à son père et à le fixer à la corde.

« Mais c’est moi le capitaine », de dire l’homme blessé. « Non papa », a répondu le garçon de 15 ans, « ce soir, c’est moi le capitaine ».

Ils ont réussi à transporter le père jusqu’au Lorrie Jane. ll a fallu 45 minutes — trois quarts d’heure — avant qu’elle revienne à l’embarcation du garçon. L’eau arrivait aux plats-bords de son bateau. Ce fut un honneur pour moi de lui remettre, à lui et à un autre homme, une médaille sénatoriale pour leurs actes héroïques de ce soir-là.

Je connais les hommes qui pêchent le homard, car, vous voyez, j’ai grandi avec eux. Mes frères aussi. À vrai dire, nous avons fréquenté le quai de Burnt Church toute notre vie. Mon plus jeune frère a perdu son meilleur ami, un jeune garçon issu des Premières Nations, dans un accident de voiture. Mon frère a également perdu ses jambes dans ce même accident, alors qu’il était censé intégrer la GRC deux semaines plus tard. Le drame s’est déroulé il y a 37 ans, mais il ne s’est jamais remis de cette perte.

Quand nous étions plus jeunes, nous avions l’habitude de jouer sur ce quai qui a suscité tant d’intérêt à l’échelle du pays il y a quelques années. Il n’y a jamais eu près de milliers de pièges sur ce quai, je vous le garantis, et si nous étions chanceux et arrivions au bon moment, nous recevions un dollar ou deux pour avoir traîné quelques pièges jusqu’aux bateaux.

Les pêcheurs étaient empreints d’une gentillesse quelque peu bourrue. Moi, un enfant maigre, je les appréciais tous.

J’aime et je respecte également le sénateur Francis et le sénateur Christmas, et je suis certain qu’ils le savent. Le sénateur Francis s’est joint à moi et à d’autres, dont le sénateur Mockler, pour essayer, avec le chef de la réserve, à Eel Ground, de trouver une solution par rapport à l’épuisement de notre saumon de l’Atlantique. Une fois de plus, nous avons dû faire face à l’incompréhension et à la sourde oreille du MPO, et à un ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne peu sympathique et ignorant.

L’idée de ce qu’est une pêche modérée devrait être établie. Et le ministre des Pêches a l’obligation de l’établir.

S’il vous est déjà arrivé d’être sur le quai à l’ouverture de la pêche, vous avez pu voir une cavalcade de bateaux s’élancer vers le large, vers l’endroit où chaque capitaine s’empresse d’aller placer ses casiers. Si quiconque, quel qu’il soit, commence à pêcher le homard un mois avant que vous placiez vos casiers, vous le vivez sûrement comme une trahison.

Aujourd’hui à Burnt Church, les pêcheurs autochtones pêchent dans la baie aux côtés des pêcheurs commerciaux. Les pêcheurs autochtones amarrent leur bateau au port de Burnt Church et les pêcheurs commerciaux, à Neguac. Ils sont toutefois amarrés côte à côte dans d’autres ports, ce qui montre que la collectivité peut composer avec la situation et qu’elle devrait le faire. Après tout, un capitaine amarre rarement son bateau près de celui d’un homme en qui il n’a pas confiance.

Les pêcheurs commerciaux doivent payer leur bateau. Ils doivent respecter des quotas concernant les casiers à homards. Ils ont des enfants, des personnes à charge, des hypothèques, et ils paient les études, le hockey et la nourriture. Ils ont une façon d’assurer leur subsistance, eux aussi, et, à certains égards, ils méritent aussi notre respect.

Je suis d’accord avec le sénateur Francis : il faut dénoncer résolument la violence. Je la dénonce sans réserve. Il serait toutefois trop facile d’affirmer que le ministère des Pêches et des Océans, la ministre et les tribunaux n’ont rien à se reprocher dans cette affaire. Ils se sont montrés, une fois de plus, incompétents.

Les grandes étendues de la pêche maritime intérieure sont organisées en zones. Les pêcheurs qui posent leurs casiers dans la baie Miramichi se trouvent dans une zone différente de celle du détroit de Northumberland; différentes zones existent dans la Baie-des-Chaleurs et dans le golfe du Saint-Laurent, et des zones de pêche hivernale existent dans la baie de Fundy. Les personnes qui ont un quota pour une zone donnée ne doivent pas poser leurs casiers dans une autre zone, et tous les pêcheurs ont un nombre fixe de casiers et un quota établi par le ministère des Pêches et des Océans, qui sont payés à la sueur de leur front.

Avec tout le respect que je vous dois, la question n’est pas de savoir qui pose des casiers, mais le moment où ils sont posés.

Je pense que tous les sénateurs ici présents conviendront que personne au monde n’a souffert autant de discrimination que les Premières Nations.

Enfin, je terminerai en disant que j’ai parfois été troublé par le nombre de fois où le mot « raciste » a été utilisé dans cette prestigieuse enceinte pour qualifier les nombreux autres Canadiens que nous avons également le devoir de représenter et de protéger. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur la motion no 40 portant sur les pêcheurs et les communautés mi’kmaq, qui a été présentée par le sénateur Francis, en son nom et au nom du sénateur Christmas. Cette motion a deux parties. La première partie invite le Sénat à confirmer et à honorer la décision rendue en 1999 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Marshall et invite le gouvernement à en faire autant en respectant les droits des traités des Mi’kmaq à une pêche de subsistance convenable. La seconde partie vise notamment à ce que le Sénat condamne « les gestes violents et criminels qui entravent l’exercice des droits issus de traités ».

Les événements déplorables qui se sont produits récemment en Nouvelle-Écosse posent un grand risque pour les Mi’kmaq pour ce qui est de l’exercice de leurs droits constitutionnels. Ces événements sont, en fait, les plus récents d’une série d’événements du même type intervenus ailleurs au Canada. Qu’on se rappelle seulement les incidents des années 1980 dans les rivières à saumon de la Côte-Nord et de la Basse-Côte-Nord du Québec — auxquels j’ai été mêlée directement — et de ceux qui sont survenus en Gaspésie, de même que ceux de Burnt Church, au Nouveau-Brunswick, dont le sénateur Richards vient de nous parler de façon très éloquente, en 1999 et 2000.

Pour comprendre ces événements récents, il faut remonter plus loin que la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Marshall, il y a 21 ans. En effet, dans ce jugement, la Cour suprême du Canada n’a fait qu’interpréter le changement déterminant apporté à la Constitution canadienne en 1982, lors du rapatriement de la Constitution. C’est arrivé il y a 38 ans. Le contexte politique chargé lié à cette période de l’histoire du Canada comporte un volet dont on doit se souvenir.

Ce sont, en effet, des pressions politiques soutenues des représentants des Premières Nations, des Inuits et des Métis et les procédures judiciaires qu’ils ont intentées devant les tribunaux britanniques au cours des années et des mois qui ont précédé le rapatriement de la Constitution de 1981 qui ont provoqué un revirement politique au gouvernement fédéral, revirement qui a mené à l’inclusion d’articles portant sur les droits des peuples autochtones dans la Constitution canadienne.

(1700)

Une adresse commune de la Chambre des communes et du Sénat, qui demandait au Parlement du Royaume-Uni d’adopter la Loi constitutionnelle de 1982, a été adoptée le 2 décembre 1981 à la Chambre des communes par un vote de 246 pour et de 24 contre. Elle a aussi été adoptée par le Sénat le 8 décembre 1981 au moyen d’un vote de 59 pour et de 23 contre. Cette adresse a donc été acheminée, et on se souviendra que, jusque-là, la Constitution canadienne ne pouvait pas être modifiée sans l’adoption d’une loi du Parlement du Royaume-Uni. C’est ce que le Royaume-Uni a fait en 1982 en votant la Loi de 1982 sur le Canada, qui contient en annexe la Loi constitutionnelle de 1982.

Cette loi prévoit à l’article 35 que « les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés ». Ce faisant, le Parlement fédéral a choisi de protéger ces deux catégories de droits collectifs d’une façon particulière. Cette protection met ainsi les peuples autochtones à l’abri, jusqu’à un certain point, des lois fédérales et provinciales. Le statut de leurs droits a alors changé radicalement au sein du système juridique canadien. Autrement dit, chers collègues, les sénateurs qui nous ont précédés dans cette Chambre ont voté en faveur de cette loi après que les députés de la Chambre des communes ont fait de même; nous ne devrions pas l’oublier. Ainsi, depuis 1982, les législateurs ne peuvent plus porter atteinte aux droits constitutionnels des peuples autochtones s’ils ne sont pas en mesure de justifier une telle atteinte.

La Loi constitutionnelle de 1982 établit aussi un processus de négociation constitutionnelle des premiers ministres et des représentants des trois catégories de peuples autochtones reconnus, c’est-à-dire les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Ces négociations constitutionnelles devaient servir à définir la nature de ces droits, leur portée et les titulaires des droits.

Une série de conférences constitutionnelles ont été tenues de 1983 à 1987, et ensuite en 1992, sans toutefois qu’on arrive à un consensus politique sur la définition, la portée et l’étendue de ces droits, sauf pour préciser en 1983 que des droits issus d’une entente de revendications territoriales sont considérés et protégés comme des droits issus de traités, et que les droits constitutionnels reconnus aux peuples autochtones le sont également aux hommes et aux femmes.

En l’absence de consensus politique sur la portée de ces droits, ce sont les tribunaux qui doivent les préciser au cas par cas. Huit ans après l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, la Cour suprême du Canada s’est prononcée pour la première fois sur cette question dans l’affaire Sparrow. Selon la cour, la reconnaissance des droits constitutionnels dans l’article 35 « procure [...] un fondement constitutionnel solide à partir duquel des négociations ultérieures peuvent être entreprises [...] »

D’autre part, la cour précise que la reconnaissance et la confirmation des droits des peuples autochtones, et je cite :

[...] comporte[nt] cependant la responsabilité qu’a le gouvernement d’agir en qualité de fiduciaire à l’égard des peuples autochtones et implique[nt] ainsi une certaine restriction à l’exercice du pouvoir souverain.

Il est clair que, puisque la reconnaissance et la confirmation des droits des peuples autochtones sont établies dans la loi constitutionnelle, il revient au gouvernement d’en négocier les modalités d’exercice.

Or, la base de négociation que le gouvernement fédéral a établie jusqu’en 1982 était fondée sur la conception reconnue à l’époque selon laquelle le législateur fédéral avait le pouvoir d’éteindre unilatéralement les droits des Autochtones. C’est ce qui a changé du tout au tout à partir du moment où le Parlement fédéral a choisi au contraire de leur accorder le statut de droits constitutionnels, c’est-à-dire le statut le plus élevé dans la hiérarchie des normes juridiques. Le gouvernement ne peut donc plus s’attendre à appliquer les lois existantes si elles portent atteinte à ces droits désormais reconnus aux peuples autochtones. Le rapport de force a donc changé, puisque l’assise juridique des droits des Autochtones est beaucoup plus solide depuis 1982.

Comme l’a dit également la Cour suprême dans l’affaire Sparrow, les droits constitutionnels doivent s’incarner dans la réalité. Ils ne peuvent pas demeurer des concepts abstraits; ils doivent se traduire par des activités concrètes, et les lois doivent être modifiées en conséquence. Les attentes des peuples autochtones sont désormais à la hauteur de la protection de leurs droits que nous nous sommes engagés à respecter.

Pouvons-nous imaginer, chers collègues, des détenteurs de droits constitutionnels qui ne voudraient pas exercer leurs droits? Sommes-nous réellement surpris que les peuples autochtones insistent pour les exercer? Pouvons-nous imaginer qui que ce soit, une personne ou une corporation, qui se serait vu accorder des droits constitutionnels et aurait accepté de ne pas les exercer pendant 38 ans?

La stratégie politique gouvernementale qui prévaut depuis les années 1980 et qui consiste à laisser les tribunaux définir à la pièce ces droits constitutionnels doit être revue. Une telle stratégie est coûteuse, non seulement en termes économiques, mais aussi en termes sociaux. L’exercice de leurs droits par les peuples autochtones est en suspens depuis des décennies en l’absence d’ententes durables conclues avec eux. Ils sont ainsi privés d’une source de revenus individuels et collectifs importants.

Rappelons que le droit de faire commerce des produits de leurs activités de pêche était prévu dans un autre traité historique conclu en 1752 avec la Couronne britannique, et que ce droit a déjà été reconnu aux Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse en 1985 dans une autre affaire, l’affaire Simon. Dans cette affaire, la cour avait ajouté ce qui suit :

[...] que les traités avec les Indiens et les lois relatives aux Indiens doivent être interprétés de façon libérale et que les ambiguïtés doivent être résolues en faveur des Indiens.

C’est ce principe d’interprétation qui a été repris dans le jugement Marshall dans les mêmes termes. La cour, dans l’arrêt Marshall, va même plus loin quand elle précise ceci :

Les droits issus de traités des peuples autochtones ne doivent pas être interprétés de façon statique ou rigide. Ils ne sont pas figés à la date de la signature. Les tribunaux doivent les interpréter de manière à permettre leur exercice dans le monde moderne. Il faut pour cela déterminer quelles sont les pratiques modernes qui sont raisonnablement accessoires à l’exercice du droit fondamental issu de traité dans son contexte moderne.

Par ailleurs, chaque nouveau jugement qui confirme leurs droits accentue l’impression dans la population que les tribunaux « donnent tout aux Autochtones », laissant le reste de la population sur la touche. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des activités de chasse et de pêche. Or, les tribunaux ne « donnent » rien aux Autochtones; ils ne font qu’interpréter des droits reconnus et confirmés dans la loi la plus importante du pays.

Cela permet au gouvernement de s’extraire de la discussion sur ces droits en invoquant le fait qu’une affaire est devant le tribunal. Le gouvernement peut ensuite prétendre qu’il n’est pas responsable de la décision de la cour. C’est tout le contraire de l’effort pédagogique requis pour expliquer le fait que les modifications constitutionnelles adoptées par le législateur fédéral ont changé la donne complètement et que les lois doivent être ajustées selon des modalités à définir pour assurer que les Autochtones pourront exercer les droits qui leur ont été reconnus. L’atmosphère délétère qui en découle entraîne des désordres sociaux et des événements violents, comme on l’a vu dans certaines situations, y compris les événements qui se sont produits récemment en Nouvelle-Écosse.

Dans le deuxième jugement Marshall, rendu deux mois seulement après le premier, qui a été prononcé le 17 septembre 1999, une initiative d’ailleurs inédite qui visait à demander à la Cour suprême de préciser si son premier jugement était bien ce qu’elle entendait conclure, la cour rappelle ceci :

Ces rapports spéciaux de fiduciaire comportent le droit pour les bénéficiaires du traité d’être consultés à l’égard des restrictions de leurs droits [...]

Elle ajoute ce qui suit :

[...] les préoccupations et les propositions des communautés autochtones doivent être prises en compte et pourraient entraîner le recours à des techniques différentes de conservation et de gestion à l’égard de l’exercice du droit issu de traité.

Chers collègues, nous avons intérêt à nous rappeler que les législateurs sont les initiateurs de ces changements constitutionnels et que, à ce titre, nous, sénatrices et sénateurs, avons la responsabilité de demander des comptes au gouvernement, non seulement sur ce qu’il a fait, mais aussi sur ce qu’il n’a pas fait jusqu’ici pour mettre en œuvre cette loi, une loi constitutionnelle, de surcroît.

Nous avons la responsabilité de poser au gouvernement les questions suivantes. Comment s’est-il acquitté de son obligation de mettre en place des processus de négociation avec les représentants des Premières Nations concernées pour définir des modalités d’exercice de leurs droits de pêche depuis 1985? Comment les ministères concernés qui ont une responsabilité à l’égard des peuples autochtones et ceux qui ont une responsabilité particulière liée aux pêcheries se sont-ils acquittés de leur obligation de mettre en place des processus de négociation avec les représentants des Premières Nations mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse pour adopter un cadre d’exercice de leurs droits de pêche, plus particulièrement ceux définis dans les jugements Marshall? Quels moyens de communication les ministres concernés ont-ils établis pour faire en sorte que les populations des Premières Nations visées soient au courant de ces négociations et de leur évolution? Quels moyens ont-ils pris pour s’assurer parallèlement d’établir des communications avec les autres acteurs non autochtones dans ce secteur d’activité et pour garantir qu’ils comprennent les paramètres de ce genre de négociations? Enfin, quelles ont été les conséquences de ces négociations sur les négociations qui se tiennent actuellement pour régler la situation en Nouvelle-Écosse?

(1710)

Chers collègues, c’est à nous de déterminer quel est le forum adéquat pour tenir une discussion sur ces questions.

Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion du sénateur Francis, que j’appuie pleinement :

Que le Sénat confirme et honore la décision rendue en 1999 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Marshall, et qu’il invite le gouvernement du Canada à en faire autant en respectant le droit des traités des Mi’kmaq à une pêche de subsistance convenable, comme le prévoient les traités de paix et d’amitié signés en 1760 et en 1761 et comme le garantit l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;

Que le Sénat condamne les gestes violents et criminels qui entravent l’exercice des droits issus de traités et exige le respect ainsi que l’application dans l’immédiat des lois criminelles du Canada, ce qui comprend la protection des pêcheurs et communautés mi’kmaq.

Tout d’abord, je tiens à féliciter le sénateur Francis de son initiative et du travail qu’il a accompli avec le sénateur Christmas pour défendre la cause des pêcheurs autochtones, non seulement dans les provinces de l’Atlantique, mais partout au Canada.

Bien entendu, il s’est passé beaucoup de choses depuis que le sénateur Francis a présenté la motion. Aujourd’hui, la situation des pêches n’est plus du tout la même dans le Canada atlantique. Toutefois, il demeure qu’il faut vivre en paix les uns avec les autres, dans le respect — chose avec laquelle est d’accord la vaste majorité des Canadiens autochtones et non autochtones.

Les événements du mois d’octobre dernier sont inacceptables. Les gestes de ces quelques personnes sont aussi répugnants aux yeux de la grande majorité des Néo-Écossais qu’aux yeux des sénateurs de cette Chambre de second examen objectif. Il incombe aux forces de l’ordre d’assurer le maintien de la paix et la sécurité de tous les citoyens. Le recours à la violence et à l’intimidation devrait être condamné par tous.

Chers collègues, nous ne devons pas oublier la voie que nous avons récemment empruntée pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui. L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît les droits issus des traités des Premières Nations, des Inuits et des Métis, comme l’a expliqué la sénatrice Dupuis. Il est important de souligner que les droits des Autochtones ne faisaient pas partie des premières discussions sur le rapatriement de la Constitution. Les consultations auprès des Premières Nations n’avaient pas eu lieu au début de ces discussions. Il a fallu des manifestations pour convaincre les législateurs de la nécessité d’inclure les Premières Nations dans la Loi constitutionnelle de 1982 afin de protéger leurs droits issus des traités.

Je le signale parce que, depuis 1982, nous assistons à une succession de recours judiciaires, la plupart portant sur le droit de pêcher des Autochtones. C’est ainsi que plusieurs arrêts ayant fait école ont été rendus par la Cour suprême, notamment sur les droits constitutionnels des Autochtones et l’atteinte à ces mêmes droits, comme la sénatrice Dupuis vient d’en parler. Je pense entre autres à l’arrêt Sparrow, qui a été rendu en 1990 et qui fut la première cause jugée après le rapatriement de la Constitution, ou encore aux arrêts R. c. Van der Peet, en 1996, R. c. Gladstone, en 1996 et, bien entendu, R. c. Marshall, en 1999. Chaque fois, la Cour suprême s’est employée à interpréter l’article 35 de la Loi constitutionnelle. Elle a aussi interprété une série de traités, même si, dans ce cas, je crois que, faute de leadership de la part du fédéral, elle a embrouillé la situation plus qu’autre chose et créé un régime fondé sur les espèces, les traditions et la conservation, pour ne donner que quelques exemples.

L’arrêt R. c. Marshall et le jugement subséquent ont confirmé que les traités confèrent bel et bien aux Mi’kmaq le droit de pêcher si c’est pour en tirer une « subsistance convenable », sous réserve d’une surveillance de la part du ministère des Pêches et des Océans dans un but de conservation.

Honorables sénateurs, quand Donald Marshall a décidé de pêcher l’anguille, il ne voulait pas seulement assurer la subsistance de sa famille, mais de tout son peuple. Tout ce qui est arrivé depuis 1999 est inacceptable, et les gouvernements qui se sont succédé depuis ont complètement manqué de leadership, ce qui a contribué à l’érosion de la confiance entre les Autochtones, les pêcheurs commerciaux et le ministère.

Comme l’a dit la sénatrice Cordy dans son discours sur cette motion :

[...] il y a maintenant 21 ans que l’arrêt Marshall a affirmé la validité des droits issus de traités des Mi’kmaqs quant à la possibilité de pêcher pour s’assurer une subsistance raisonnable. Les uns après les autres, les gouvernements fédéraux ont tout fait pour ne pas régler directement ces questions, et il est maintenant temps que le gouvernement fédéral agisse en leader.

Je fais écho aux observations de la sénatrice Dupuis sur la responsabilité du gouvernement de négocier. À mon avis, des négociations constructives entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations seraient de loin préférables à d’autres procédures judiciaires, qui, comme nous avons pu le constater, ne donnent pas de résultats satisfaisants sur le terrain. En fait, ce serait un aspect très important de la « réconciliACTION » sur le chemin vers une réconciliation s’appuyant sur des bases solides.

Comme l’a dit le sénateur Francis dans son discours :

Le gouvernement a promis d’établir une relation de nation à nation fondée sur la reconnaissance des droits des Autochtones, le respect, la coopération et le partenariat. Ces paroles sont vides si elles ne mènent pas à des gestes concrets et à des résultats.

Même si je suis loin d’être une experte des pêches au Canada, je constate des intérêts communs entre les pêcheurs autochtones et commerciaux. Les océans contiennent d’abondantes ressources que tous peuvent se partager. Une véritable conservation de ces ressources est également dans l’intérêt de tous. Pour assurer la santé future du secteur des pêches, toutes les parties doivent travailler ensemble.

Comme nous l’avons entendu, les Mi’kmaqs pêchent dans les eaux de l’océan Atlantique depuis des milliers d’années. Comme le sénateur Francis l’a expliqué, la philosophie adoptée :

[...] gouverne la durabilité de notre récolte. Cette philosophie se fonde sur le respect et la gratitude envers toutes les ressources naturelles fournies par le Créateur. Il s’agit d’un code de conduite qui enseigne aux Mi’kmaqs à prendre seulement ce dont ils ont besoin pour le bien-être de la personne et de la communauté. Nous ne cherchons pas à surexploiter ni à épuiser les ressources naturelles. Nous sommes les gardiens des connaissances traditionnelles et les défenseurs sacrés de la terre et des ressources.

Dans le cadre du projet de loi C-55, que j’ai parrainé lors de la dernière législature, des fonds ont été réservés pour permettre aux Autochtones de donner leur avis sur la gestion des zones de protection marine. Lorsqu’on a discuté du projet de loi avec des universitaires qui ont étudié l’Arctique, il est devenu très évident que le savoir traditionnel autochtone faisait partie intégrante de leurs projets de recherche sur l’Arctique. Le savoir et les traditions que les peuples autochtones ont développés sur de nombreuses années peuvent aussi être pris en considération dans la gestion des pêches. Les deux vont de pair.

Honorables sénateurs, nous avons vu les droits traditionnels des Premières Nations être reconnus à maintes reprises, que ce soit dans le cadre des traités d’amitié conclus dans les années 1760 ou lors des très nombreuses décisions judiciaires prononcées en leur faveur au cours des dernières décennies, y compris celle rendue dans l’affaire Marshall. Six ans se sont écoulés depuis la publication des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Il ne nous reste plus qu’à honorer nos engagements d’une manière respectueuse qui permet aux Autochtones d’exercer leurs droits issus de traités sans crainte de violence sur les océans.

Il est temps que nous procédions au partage des ressources dont nous jouissons au Canada afin que nous puissions tous prospérer. Rappelez-vous le mantra de ma famille, que je répète encore une fois : « Tout le monde va mieux quand tout le monde va mieux. » C’est certainement vrai en l’occurrence. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice McCallum, le débat est ajourné.)

(1720)

Le système de soins de longue durée

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Seidman, attirant l’attention du Sénat sur les faiblesses du système canadien de soins de longue durée, qui ont été révélées par la pandémie de la COVID-19.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation de la sénatrice Seidman, attirant l’attention du Sénat sur les faiblesses du système canadien de soins de longue durée, qui ont été révélées par la pandémie de COVID-19. Vous vous souviendrez que j’ai parlé brièvement de cette importante interpellation avant la semaine de relâche.

Je tiens à remercier la sénatrice Seidman d’avoir lancé cette interpellation et je veux aussi remercier du fond du cœur tous les sénateurs qui ont participé à cette discussion très importante.

Au cours de la première vague de la pandémie, les Canadiens ne savaient pas à quoi s’attendre. Ils se sont fait donner des prévisions alarmantes au sujet des différents scénarios possibles, qui comprenaient un nombre inquiétant de cas d’infections et de décès. La plupart de ces scénarios ne se sont jamais concrétisés, mais les Canadiens ont à peu près tous été troublés d’apprendre en juin dernier que les résidents des foyers de soins de longue durée représentaient 81 % de tous les décès attribuables à la COVID. Ce taux effroyable ne s’est que très peu amélioré depuis.

Le 24 novembre, le National Institute on Aging a révélé que les résidents des établissements de soins de longue durée et des maisons de retraite représentent maintenant 75 % des décès liés à la COVID. La triste réalité, c’est que ces personnes sont 226 fois plus susceptibles de mourir de la COVID-19 que toute autre personne. C’est un chiffre alarmant, car il démontre à quel point les aînés qui nous sont chers sont menacés.

Il est pénible d’entendre les nombreuses histoires de parents et de grands-parents qui nous ont quittés prématurément en raison du virus et qui, dans certains cas, ont été abandonnés par les responsables de leurs soins.

Ma famille a eu peur il y a quelques semaines lorsque ma mère, âgée de 92 ans et vivant dans un établissement de soins de longue durée au Manitoba, a reçu un résultat positif à la suite d’un test de dépistage de la COVID-19. Peu importe à quel point on se prépare à une telle éventualité, lorsqu’elle devient réalité, on est bouleversé.

Je prends quelques minutes pour raconter les faits qui ont précédé l’appel qui nous a appris la nouvelle. Je suis le pourvoyeur de soins légal de ma mère. En pratique, ce sont mon épouse et ma sœur qui sont ses pourvoyeuses de soins, mais au sens de la loi, c’est moi le responsable.

J’ai reçu un appel de la maison de soins infirmiers Rest Haven, à Steinbach, m’avisant que les résidents du deuxième étage, où ma mère est située, avaient subi un test de dépistage et que 11 d’entre eux, dont ma mère, avaient obtenu un résultat positif. Ma mère est une femme remarquablement forte, mais son état de santé se détériore. Elle se déplace en fauteuil roulant et son arthrite est paralysante. Elle peut difficilement marcher, mais insiste pour essayer lorsque les préposés ne viennent pas faire son lit assez tôt à son goût le matin. Alors, on la trouve tentant de s’extirper de son fauteuil roulant et de faire son lit elle-même, car elle n’est pas très patiente. Je me souviens que, quand j’étais jeune, si nous voulions une deuxième assiettée, il fallait bien tenir notre assiette parce que dès qu’elle était vide, ma mère la ramassait et commençait à laver la vaisselle. Elle n’a pas changé; elle est toujours impatiente.

Quoi qu’il en soit, elle souffre d’une arthrite paralysante. Déjà, je l’appelais la pharmacie ambulante, et maintenant, elle se déplace véritablement avec tous les médicaments qu’elle prend pour fonctionner.

Il est clair que lorsque nous avons reçu l’appel, nous avons naturellement supposé que cela concernait le nombre de décès, et que les chances étaient plutôt minces. Nous avons reçu un appel du foyer le vendredi, et notre médecin m’a appelé le samedi. Il se trouve que c’est mon médecin ainsi que celui de ma mère, et il a pris le temps, samedi à 20 h 30, de m’appeler pour m’expliquer les chances qu’avait ma mère de s’en sortir. Il m’a suggéré de parler des décisions concernant la fin de sa vie, et c’est ainsi, bien sûr, que nous avons abordé le sujet. Il m’a demandé quelles étaient mes questions et mes plus grandes préoccupations. J’ai dit que nous comprenions que la COVID-19 était un problème respiratoire, et que ma plus grande inquiétude était de savoir si ma mère allait mourir d’étouffement. Ma deuxième inquiétude était de savoir si elle allait mourir seule, comme ce fut le cas pour tant de personnes âgées.

Il m’a assuré que ma mère allait probablement sombrer dans le coma et que, grâce aux médicaments, ils pourraient empêcher qu’elle s’étouffe et possiblement lui assurer une mort paisible; néanmoins, elle décéderait probablement dans peu de temps. Puis, le lendemain, il m’a appelé pour me dire qu’il croyait qu’il serait possible de permettre à une personne de la famille d’être aux côtés de ma mère lorsque viendrait le moment de son départ. Néanmoins, la question était pratiquement réglée. Ma mère allait mourir. Bien entendu, j’ai ensuite eu une discussion avec mes frères et sœurs et nous avons parlé de la façon dont les choses allaient se dérouler.

Comme je l’ai dit, 11 patients de cet étage ont reçu un diagnostic positif, des personnes dont l’âge variait entre 80 et 98 ou 99 ans — je n’en suis pas certain. La directrice du foyer de soins personnels m’appelait tous les jours. Je raconte toute cette histoire parce qu’elle est très pertinente pour le reste de mon allocution. Elle m’appelait chaque matin pour me dire comment ma mère allait. Je dois également mentionner que nous nous demandions comment nous allions l’apprendre à maman. Je leur ai demandé de ne pas le faire tant que nous n’aurions pas décidé comment procéder. Nous nous sommes donc entendus pour qu’un des membres du personnel de la direction du foyer se rende dans l’appartement de ma mère et lui dise que son test était positif et pendant que cette personne était là, elle m’appellerait pour que je puisse parler à ma mère.

C’est ce qu’elle a fait et quand j’ai répondu au téléphone, je pouvais entendre ma mère derrière qui pleurait et qui grinçait des dents. C’était affreux. Ma mère voulait vivre. Ce n’est pas qu’elle n’était pas prête à mourir, mais elle voulait vivre. Elle se disait qu’elle allait passer l’éternité au paradis, mais que l’éternité c’est long, alors elle aimerait mieux passer encore quelques années de plus sur terre puisque ce n’est pas si pressant qu’elle aille au paradis comme elle y sera pour toujours.

Ils ajoutent 160 lits à son établissement de soins. C’est tout neuf. Ils lui ont montré un plan et la chambre qui sera la sienne dans le nouvel établissement. Elle pourra déménager. C’est ce qu’elle attend avec impatience : « Je pourrai rester dans une chambre toute neuve aussi longtemps que je vivrai. » Elle ne voulait pas mourir. Je lui ai alors parlé et je l’ai convaincue qu’elle ne présentait pas de symptômes, qu’elle avait reçu un diagnostic positif, mais qu’elle n’avait pas de symptômes et que je pensais, donc, qu’elle serait en mesure de lutter contre la maladie. Je n’y croyais pas du tout, mais j’ai néanmoins réussi à la convaincre. Je l’ai calmée et, au cours des jours suivants, Lorraine Friesen, la directrice de l’établissement, m’a appelé régulièrement pour me dire : « Ta mère est en pleine forme; elle ne présente toujours pas de symptômes. » Bien sûr, cela a duré sept ou huit jours d’affilée.

(1730)

J’ai parlé au médecin. Je lui ai demandé : « Êtes-vous certain que le résultat de son test était positif? » Il m’a répondu qu’il n’y avait aucun doute.

Depuis, 8 autres résidants ont obtenu un résultat positif au test de dépistage, ce qui porte le total à 19 cas. La fourchette d’âge est demeurée la même : le patient le plus jeune avait 80 ans, et le plus vieux, environ 99 ans. De ces 19 résidants, 4 sont morts. Une personne de 97 ans, qui vivait à seulement deux portes de la chambre de ma mère, s’en est aussi sortie. Ils avaient tous des symptômes. Je crois que ma mère était la seule à ne pas en avoir.

La personne de 80 ans est morte; il y a eu quelques accidents vasculaires cérébraux. Une autre de 99 ans est décédée. Selon la directrice du centre, cette personne serait morte si elle avait contracté la grippe. Ces gens avaient donc des problèmes de santé très graves en plus de leur âge avancé.

Des 19 cas, 4 personnes sont mortes et 15 ont survécu. Je ne saurais dire si elles ont toutes obtenu le « feu vert » du médecin, mais ma mère l’a reçu. On lui a donné le feu vert. Nous en sommes extrêmement reconnaissants.

Bien évidemment, elle est maintenant craintive. L’autre jour, elle m’a appelé pour me dire : « Ils veulent me sortir encore de ma chambre pour me donner un bain. Penses-tu que c’est sécuritaire d’emprunter ce corridor contaminé pour aller prendre un bain? » Je lui ai répondu : « Maman, tu es passée au travers. Rien ne va t’arrêter. Vas-y. » C’est ce qu’ils ont fait.

Nous vivons des temps difficiles. Vous savez tous que je ne suis pas aussi prudent que beaucoup d’entre vous — et beaucoup d’entre vous le souhaiteraient.

Lorsque nous avons reçu l’appel m’informant que je devais retourner à Ottawa, j’ai dit à mon épouse, sans oser la regarder, que nous faisions maintenant partie des statistiques.

Puis, quand ma mère a eu le feu vert, j’ai dit à Betty : « Je vais devoir faire très attention de ne pas aller à Ottawa et dire, avec un ton un peu trop désinvolte et arrogant, que ce n’est pas vraiment un gros problème. Si ma mère peut vaincre cette maladie, alors nous pouvons certainement tous la vaincre. »

Mais ce n’est pas tout le monde qui s’en remette. Des milliers de familles se sont retrouvées dans la même situation depuis mars dernier. C’est incroyablement difficile à vivre.

Notre famille a été très chanceuse que ma mère se rétablisse sans présenter aucun symptôme, pas même une gorge irritée. Comme je l’ai dit, son médecin lui a récemment dit qu’elle était guérie, et elle va bien. Nous en sommes très reconnaissants. Cependant, je suis pleinement conscient que de très nombreuses familles n’ont pas eu la joie de recevoir la même nouvelle de leur médecin. Beaucoup de fils, de filles, de conjoints et de petits-enfants ont reçu la pire nouvelle de toutes, soit le décès d’un proche des suites du virus.

Dans de nombreux cas, les gens sont morts seuls, sans la présence d’un proche. Ces personnes étaient seules, très seules.

La période que nous vivons n’est facile pour personne, mais elle est probablement particulièrement difficile pour les personnes qui résident dans des établissements de soins de longue durée et leur famille. Nous avons tous été touchés par l’histoire déchirante de la sénatrice Pate au sujet de sa défunte mère. Un tel manque de respect pour la dignité de la vie est une chose tragique et il faut s’attaquer aux lacunes qui font que les personnes les plus vulnérables puissent être traitées de cette façon.

Nous avons tous entendu parler de résidants d’établissements de soins de longue durée qui ont attrapé la COVID parce qu’ils n’ont pas reçu des soins adéquats, que les précautions nécessaires n’étaient pas en place ou que quelqu’un avait été négligent.

Nous sommes tous au courant du rapport rédigé par les Forces armées canadiennes au sujet de la situation dans cinq établissements de soins de longue durée en Ontario. Les conditions y étaient épouvantables. Je pense absolument qu’il faut s’attaquer à ce genre de lacunes.

Chers collègues, j’aimerais toutefois attirer votre attention sur le fait qu’il y a une autre facette à cette triste histoire. S’il y a eu trop d’histoires d’horreur à propos d’établissements de soins où le personnel a fait preuve d’irresponsabilité dans sa manière de gérer les éclosions, d’autres récits doivent être racontés. Par ailleurs, plusieurs statistiques mettent en lumière nos victoires, nos succès, ainsi que le travail phénoménal que tant de prestataires de soins de santé et de travailleurs sociaux ont fourni à nos personnes âgées.

Les soins prodigués à ma mère en sont un bon exemple. En effet, la gestionnaire de l’établissement où réside ma mère m’appelle régulièrement, et mon médecin prend également le temps, un samedi soir à 20 h 30, de m’appeler pour discuter de toute la situation.

La triste vérité, c’est que les personnes âgées qui vivent dans des établissements de soins de longue durée forment une population à haut risque de contracter ce virus mortel.

En effet, les chances de survivre à ce virus diminuent à mesure qu’on prend de l’âge. Les chances de survie s’avèrent encore plus faibles pour une personne qui souffre d’une maladie sous-jacente compromettant déjà sa santé, et les chances sont vraiment contre vous si vous êtes également résident d’un établissement de soins de longue durée.

Le Dr Nathan Stall, gériatre à l’hôpital Mount Sinai de Toronto, l’a exprimé ainsi lors d’une entrevue accordée à CTV News :

Si vous prenez les adultes les plus frêles de la société — ils vivent dans des lieux d’hébergement collectif qui sont souvent désuets et surpeuplés et de nombreux établissements ont des chambres pour trois ou quatre personnes — et vous introduisez ensuite un virus hautement transmissible qui est extrêmement mortel […] une recette parfaite pour un désastre.

Mais cela ne s’arrête pas là. Statistique Canada a récemment rapporté ce qui suit :

Il est maintenant clair que les personnes qui ont des problèmes de santé chroniques préexistants ou un système immunitaire affaibli sont plus à risque de mourir de la COVID-19, surtout chez celles de plus de 80 ans.

Ces problèmes incluent la démence, la maladie d’Alzheimer, la pneumonie, les maladies hypertensives, les cardiopathies, l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance rénale, le diabète, les maladies chroniques des voies respiratoires inférieures, les troubles du système nerveux et le cancer.

Statistique Canada a noté ceci dans son rapport :

Bon nombre de ces conditions sont beaucoup plus courantes chez les Canadiens de 65 ans et plus, qui représentaient 94 % de tous les décès liés à la COVID-19 au cours de la première vague.

Chers collègues, il est impératif que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger nos aînés et les résidants des établissements de soins de longue durée, car la COVID-19 représente un danger très réel pour eux. Cependant, je vous exhorte à ne pas vous servir de ces statistiques pour généraliser la situation en jetant une ombre sur tous les établissements de soins de longue durée et les soignants qui ont travaillé jusqu’à l’épuisement pour essayer de protéger nos aînés.

Il ne fait aucun doute que le système présente de nombreuses lacunes. Nous devons les déceler et les corriger afin de protéger la santé et la dignité des aînés. Néanmoins, nous devons aussi comprendre que, s’il est vrai que le nombre alarmant de décès liés à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée témoigne de la vulnérabilité de ce groupe, l’incidence de la maladie dans ces établissements a varié considérablement.

Le 23 novembre dernier, le Journal de l’Association médicale canadienne a publié un article, qui indique ceci :

Les résidants des établissements de soins de longue durée au Canada sont beaucoup plus susceptibles de mourir de la maladie à coronavirus 2019, ou COVID-19, que le reste de la population. Or, l’incidence de la COVID-19 sur les résidants de ces établissements varie entre les provinces et les territoires.

Chers collègues, si l’on s’en tient à la couverture médiatique, on a du mal à imaginer qu’il y ait beaucoup de bonnes nouvelles concernant la COVID-19 et les établissements de soins de longue durée au Canada. Permettez-moi d’illustrer mon point en parlant de ma province, le Manitoba.

Dernièrement, le Manitoba a fait les manchettes à cause de l’augmentation du nombre de cas de COVID-19 dans la province. On nous a donné l’impression que la situation dans les établissements de soins de longue durée est uniformément désastreuse.

Quand notre collègue la sénatrice Bovey a pris la parole au sujet de cette interpellation, elle a inclus le bilan du Manitoba avec les très mauvais bilans de l’Ontario et du Québec en disant ceci :

La situation s’aggrave au Manitoba, devenant chaque jour plus sombre. Nous ne parvenons pas à subvenir aux besoins de nos personnes âgées dans les établissements de soins de longue durée, et elles en meurent.

(1740)

Elle a souligné ceci : « Le 17 novembre, 36 établissements de soins du Manitoba avaient connu des éclosions. »

Elle a déclaré que « Steinbach est un autre établissement de soins dont la situation est préoccupante » et a demandé si le Manitoba était « forcé de suivre les malheureux exemples de négligence survenus dans les établissements de l’Ontario et du Québec[.] »

Écoutez attentivement, chers collègues. Vous craignez peut-être pour votre vie si vous devez vous rendre dans ma province, surtout dans la région sanitaire du Sud du Manitoba, d’où je suis originaire.

Prenons un peu de recul pour prendre connaissance des faits. Tandis que 75 % de toutes les morts liées à la COVID-19 au Canada sont survenues parmi des résidants d’établissements de soins de longue durée, à 44 %, ce pourcentage est beaucoup plus faible au Manitoba. C’est tout de même inacceptable, mais il est important de noter qu’il est non seulement bien au-dessous de la moyenne canadienne, mais qu’il est également inférieur à la moyenne mondiale. Voici ce qu’en dit un rapport publié en octobre par l’International Long-Term Care Policy Network :

Malgré les difficultés occasionnées par des différences entre les définitions, dans presque tous les pays où il y a eu des morts liées à la COVID-19, une proportion importante de ces morts était parmi les résidants d’établissements de soins à longue durée. Selon les données recueillies pour le présent rapport, la moyenne actuelle des morts liées à la COVID-19 survenues dans ces établissements est de 46 %.

Ce sont les statistiques. À l’échelle mondiale, le nombre moyen de décès dans les foyers de soins de longue durée est 46 %. La moyenne canadienne est 75 %. Au Manitoba, la moyenne est inférieure à ces deux statistiques, soit 44 %.

Dans la région sanitaire du Sud du Manitoba, dont Steinbach fait partie, le taux de décès est encore moins élevé. Le taux de décès causés par la COVID-19 n’est pas 75 % ni 44 % du total, mais 17 %, soit moins du quart de la moyenne nationale.

Chers collègues, un seul décès est un décès de trop. Mais il faut reconnaître que les travailleurs des foyers de soins de longue durée sont sur la défensive. Ils combattent un ennemi redoutable alors que tout joue contre eux. Malgré tout, de nombreux établissements de soins de longue durée du Sud du Manitoba déploient des efforts incroyables et vainquent l’adversité.

Comme je l’ai dit plus tôt, pour les résidents des foyers de soins de longue durée, la probabilité de mourir de la COVID-19 est 226 fois plus élevée que les autres causes de décès. Toutefois, dans le Sud du Manitoba, la probabilité de mourir de la COVID-19 pour un résident d’un établissement de soins de longue durée est seulement 30 fois plus élevée. Certes, c’est beaucoup, mais c’est 88 % de moins que le pourcentage moyen à l’échelle nationale.

Qui plus est, après huit mois de pandémie mondiale, où 378 139 Canadiens ont été infectés par le virus et 12 130 ont péri, presque les trois quarts des établissements de soins de longue durée du Sud du Manitoba n’ont pas enregistré un seul cas de COVID-19 jusqu’à présent et 85 % n’ont enregistré aucun décès.

Étant donné que les bénéficiaires des soins de longue durée sont extrêmement vulnérables face à ce virus, ces chiffres sont stupéfiants. Ils révèlent que la plupart des centres de soins de longue durée du Sud du Manitoba sont en train de remporter la bataille contre la COVID-19.

Je pense que le Dr Roussin, médecin hygiéniste en chef du Manitoba, devrait demander aux gens du Sud du Manitoba comment ils combattent ce virus au lieu de leur dicter comment composer avec cette crise.

J’aimerais fournir quelques chiffres tirés d’un document donnant un aperçu de la situation des éclosions dans les centres de soins de longue durée. Dans les 64 centres de soins de longue durée du Manitoba, il y a eu 1 108 cas et 153 décès. Le tiers des 153 décès, soit 49, sont survenus dans un seul établissement de soins.

C’est donc dire que la situation du Manitoba n’est pas aussi mauvaise qu’on nous l’a dit. Honorables collègues, je ne veux aucunement minimiser les répercussions réelles de la COVID-19 au Manitoba et dans l’ensemble du pays. Je veux cependant mettre les choses en perspective afin de vous faire comprendre que le Manitoba, et plus particulièrement le Sud de la province, protège beaucoup mieux les résidants des centres de soins de longue durée qu’on ne le laisse entendre parfois.

En fait, aux dernières nouvelles, 20 établissements de soins de longue durée au Manitoba avaient signalé des infections au sein de leur personnel, sans qu’aucun aîné vivant dans ces établissements ne soit contaminé. Quand on pense que ce virus se propage si facilement et furtivement, ces données démontrent que des efforts vigoureux et diligents ont été déployés pour détecter le virus et l’empêcher de frapper nos concitoyens les plus vulnérables. Je crois que le moment est venu de remercier les fournisseurs de soins de santé et les préposés aux soins personnels, ainsi que de reconnaître que, dans de très nombreux cas, leur travail a été plus que louable : il a été héroïque.

Toutefois, chers collègues, notre gestion de la pandémie me pose quelques problèmes. Je songe notamment à l’incohérence de nos démarches et à notre tendance à laisser nos politiques être dictées par les émotions plutôt que par la science, dans le cadre de nos efforts pour prévenir la propagation de la COVID.

Je veux parler de quelques incohérences parce que, comme je l’ai dit, Steinbach a été le point de mire.

La fin de semaine dernière, une église, située juste au sud de Steinbach, voulait tenir un service. Elle avait fait les manchettes pour avoir organisé un service à l’intérieur de ses murs la semaine précédente. Ses responsables ont donc décidé de bien faire les choses cette fois-ci. Ils ont installé un grand écran dans la cour de l’église et ils ont décidé d’avoir un service au volant : les fidèles demeureraient dans leur véhicule.

La GRC est intervenue et a autorisé cinq véhicules à entrer dans la cour, puis elle a bloqué l’entrée. On parle d’une grande cour, et environ une centaine de véhicules voulaient y accéder. Les gens allaient tous demeurer dans leur véhicule et regarder la messe sur un grand écran. On les a empêchés d’entrer dans la cour et d’assister à la messe assis dans leur véhicule.

Je n’étais pas là, mais il se trouve que je me suis promené en voiture dans la ville de Winnipeg ce jour-là. Je suis passé devant le Costco, le Walmart, le Home Depot et quelques centres commerciaux. J’ai vu des centaines de véhicules dans les parcs de stationnement. On ne limite aucunement le nombre de véhicules qui y sont autorisés. On limite le nombre de personnes qui peuvent se trouver à l’intérieur d’un magasin, mais pas le nombre de véhicules dans les stationnements, ni même la distance entre ces véhicules.

Bref, les parcs de stationnement remplis de véhicules sont acceptables, mais pas pour assister à la messe.

Mes collègues sont nombreux à connaître mon opinion à l’égard des drogues, notamment la marijuana. Le magasin de marijuana devant lequel je passe quand je fais ma promenade du dimanche après-midi est ouvert. Les gens peuvent y entrer et se procurer de la marijuana à des fins récréatives ou médicales.

Le magasin d’alcool est ouvert, et j’y vais à l’occasion. Samedi, quand j’y suis entré, de 35 à 40 personnes s’y trouvaient. Cela, c’est permis, mais pas la messe.

Pendant que je participais à des appels Zoom, mon épouse est sortie pour m’acheter des bottes d’hiver. Elle m’a acheté des bottes au Sport Check pour que nous puissions faire des promenades ensemble. Elle avait le droit de sortir pour aller les chercher, et en plus, elle a obtenu le rabais du Vendredi fou.

Pendant qu’elle faisait ses courses, elle a décidé d’arrêter à la pharmacie pour acheter une carte d’anniversaire pour l’une de nos petites-filles, mais c’était interdit d’entrer chez Shoppers Drug Mart. Elle n’avait pas le droit d’acheter une carte.

Elle pouvait toutefois, si elle le désirait, acheter des jouets pour les animaux domestiques, pour les chats et les chiens, car il y en avait à vendre à l’extérieur du magasin, mais nous n’avons pas d’animaux. Pour une raison quelconque, on considère que les jouets pour animaux sont essentiels, mais pas les cartes de souhaits pour nos petits-enfants.

L’administrateur de la santé publique du Manitoba a encore une fois fermé la division scolaire de Hanover parce qu’elle se trouve dans le Sud du Manitoba. C’est une importante division scolaire qui dessert plusieurs villes, la plus grande étant Steinbach. La ville de Niverville, la ville de Blumenort et le village de Landmark sont tous situés dans un rayon de 15 à 20 milles de Steinbach, mais ils font partie de la division scolaire de Hanover, donc toutes les écoles dans ces régions ont dû être fermées. Le même administrateur de la santé publique a toutefois permis aux écoles de la division scolaire de la rivière Seine de demeurer ouverte. Les écoles des villes de La Broquerie et de Sainte-Anne sont juste à côté de la ville de Steinbach, à quatre milles seulement, mais elles peuvent demeurer ouvertes parce qu’elles font partie de la division scolaire de la rivière Seine. Or, les écoles du village de Landmark, qui se trouve à 20 milles de Steinbach, ne pouvaient pas demeurer ouvertes parce qu’il y a eu une éclosion à Hanover. Ce n’est pas cohérent.

Nous avons abordé la question des visites dans les foyers de soins de longue durée. Nous avons partagé nos observations à ce sujet. Nous avons tous entendu des histoires du genre; nous n’avons pas le droit d’aller rendre visite à nos parents. L’établissement où se trouve ma mère a imposé des règles et, assurément, nous les suivons. Le personnel fait tout pour nous accommoder, mais, encore une fois, ma femme et ma sœur sont les deux personnes désignées qui peuvent rendre visite à ma mère. Elles sont les seules à pouvoir y aller, mais pendant l’éclosion de COVID, pas même elles ont le droit d’entrer.

(1750)

Je me demande pourquoi il n’est pas possible pour quelqu’un qui est prêt à subir un test de dépistage — comme ma femme — d’être admis. Il ne s’agit pas d’un discours où je vais m’en prendre au gouvernement, mais, si nous avions des tests rapides permettant le dépistage de la COVID, les gens pourraient mettre une blouse comme celles que portent les travailleurs de la santé, mettre un masque et faire tout ce qu’il faut, et ces gens pourraient rendre visite à leurs proches. La solitude est la pire des souffrances pour ces personnes. Pour elles, être seules est pire que la mort.

Chers collègues, lorsque la pandémie a commencé au début de 2020, les leaders provinciaux et fédéraux nous ont dit : « Nous sommes tous dans le même bateau. »

Au Manitoba, il existe une ligne de dénonciation. Si on voit son voisin faire quelque chose de mal, il existe un service rapide pour le signaler. On peut composer un numéro et dire : « Mon voisin ne porte pas de masque alors qu’il se promène dans un couloir », ou « Je sais que mes voisins ont reçu la visite d’un de leurs petits-enfants. Pouvez-vous envoyer une patrouille? » Une patrouille spéciale a également été embauchée expressément pour lutter contre la COVID-19, parcourir la province, faire du porte-à-porte et vérifier s’il y a plus de cinq personnes dans les foyers. Le cas échéant, les patrouilleurs remettent une contravention de 1 200 $.

La GRC ne veut pas faire ce travail, alors on a créé une patrouille quelconque, et il y a maintenant une ligne de dénonciation pour que les gens puissent dénoncer leurs voisins et que les agents de la paix pourchassent ensuite les délinquants. Chers collègues, comment peut-on dire que nous sommes tous dans le même bateau en agissant de la sorte? Je ne vois pas comment.

Une publication sur Facebook a très bien démontré la stupidité de la situation. Elle indiquait ceci :

Petit rappel amical! Eh bien, le gouvernement vous encourage maintenant à dénoncer vos voisins s’ils ne respectent pas les nouvelles consignes. Avant d’agir de la sorte, vous devriez garder à l’esprit que le gouvernement ne sera pas là pour vous aider à faire démarrer votre voiture ou vous prêter des outils ou une tasse de sucre si vous en avez besoin. Il ne sera pas là pour veiller sur votre propriété si vous vous absentez. Il n’aura pas vos enfants à l’œil s’ils jouent dans la rue et qu’un individu étrange traîne dans les environs. Nous avons besoin les uns des autres. C’est ce qui nous permet de nous en sortir et de vivre en paix.

Je suis absolument d’accord. Ce n’est pas en encourageant les dénonciations entre voisins qu’on réussira à traverser la crise de la COVID. Pour traverser la tempête, nous devons plutôt nous encourager les uns les autres, être solidaires et travailler ensemble.

Pour conclure, je tiens à adresser quelques mots à toutes les personnes qui ont perdu un être cher à cause de la COVID-19. Ce décès était peut-être dû directement au virus de la COVID et à ses effets sur le corps, ou il se peut que l’être cher soit décédé parce qu’il souffrait d’une autre maladie et qu’il n’a pas pu avoir accès aux soins de santé nécessaires parce que la pandémie a bousculé le système de soins de santé. Dans un cas comme dans l’autre, nos pensées et nos prières vous accompagnent.

Je souhaite également prendre un instant pour remercier une fois de plus tous les travailleurs de la santé et le personnel des établissements de soins de longue durée qui ont risqué leur propre santé en allant au travail. Votre service illustre l’esprit canadien qui a construit ce grand pays et ne laisse jamais les difficultés ou les épreuves nous empêcher de prendre soin de ceux qui nous entourent.

Il ne fait aucun doute que nous vivons une période difficile et que l’hiver pourrait être long. Cependant, quand les choses sont au plus mal, le moindre espoir apporte beaucoup de réconfort. C’est dans des moments comme celui-ci qu’un petit geste de gentillesse peut aider grandement ceux qui nous entourent. Un mot d’encouragement peut donner le sourire à quelqu’un.

Je prie pour que, dans cette épreuve que nous devons traverser ensemble, nous continuions à faire ressortir le meilleur de nous tous. Je prie pour que, alors que nous endurons l’hiver jusqu’à l’arrivée du printemps, nous trouvions tous un nouvel espoir et une nouvelle force pour continuer un jour de plus.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Éric Forest : Le sénateur pourrait-il répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Absolument.

[Français]

Le sénateur Forest : Je ne demanderai pas au sénateur quelles sortes de bottes sa conjointe lui a achetées.

J’aimerais mieux comprendre l’esprit de votre intervention. Croyez-vous que nous devrions uniformiser l’ensemble des règles? Selon ce que je comprends de votre intervention, ces règles peuvent varier, même à l’intérieur d’une province.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je commencerai, monsieur le sénateur, par rappeler que je crois aux vertus de l’autonomie provinciale. Nous devons accepter que les provinces jouissent d’une certaine autonomie. Les choses varient d’une province à l’autre, c’est vrai, et je ne dis pas le contraire.

Je ne voudrais pas manquer de respect au Manitoba et à ses dirigeants, mais selon moi, toutes les décisions des autorités devraient avoir la science pour fondement. À voir à quel point les décisions annoncées sont souvent incohérentes, on peut seulement conclure que ce n’est pas toujours le cas.

Quand une école au grand complet doit fermer ses portes ou qu’on impose des règles à une région entière alors qu’elle se débrouillait plutôt bien jusque-là, on a beau invoquer la science, mais quand on voit que, dans le même district scolaire, d’autres écoles situées dans un secteur beaucoup plus à risque peuvent demeurer ouvertes, je regrette, mais ce n’est pas scientifique comme décision. Si ma femme est incapable d’aller acheter une carte de souhaits, mais peut sans problème se procurer une gâterie pour son chien, la science n’a rien à voir là-dedans.

Je me conformerai volontiers aux consignes qui sont véritablement fondées sur la science. En fait, je le fais déjà. Je mets religieusement mon masque dès que j’entre dans le hall d’entrée de mon immeuble, parce que ce sont les règles. C’est la loi.

Nous avons reçu préavis d’une motion qui traite du port du masque au Sénat. Nous en débattrons plus tard cette semaine ou la semaine prochaine. Je suis contre cette idée. Si c’était une règle officielle, je ne dis pas. Même quand je ne suis pas d’accord, je suis les règles établies. J’essaie, en tout cas. Je crois que nous devons suivre les règles, mais je crois aussi que j’ai le droit de le dire quand j’estime qu’elles ne tiennent pas debout et qu’elles n’ont rien de scientifique.

[Français]

Le sénateur Forest : Donc, faut-il baser nos décisions sur la science?

[Traduction]

Le sénateur Plett : C’est exact. C’est ce que je pense, oui.

Le sénateur Forest : Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Dasko, le débat est ajourné.)

Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 27 octobre 2020, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.

Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Des voix : Suspendre.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

[Français]

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier la prévention du suicide et les besoins en santé mentale des hommes et des garçons canadiens—Ajournement du débat

L’honorable Patrick Brazeau, conformément au préavis donné le 3 novembre 2020, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la prévention du suicide et les besoins en santé mentale des hommes et des garçons canadiens, et la surreprésentation des peuples autochtones en ce qui a trait au taux de suicide, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2021.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour les mêmes raisons que je l’ai fait le 4 février 2020, lors de la dernière législature.

Chers collègues, je ne vais pas répéter ce discours, mais j’aimerais ajouter quelques mots à la motion originale, exhortant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier les questions de santé mentale et de prévention du suicide, en mettant un accent particulier sur les jeunes garçons, les hommes, ainsi que les peuples autochtones.

[Traduction]

Je vous invite aussi à lire un article d’opinion publié le 18 novembre dans le Hill Times par Rob Whitley, professeur agrégé en psychiatrie à l’Université McGill. Cet article s’intitule Worrying statistics on men’s mental health signal it’s time for an inquiry, ou les statistiques inquiétantes sur la santé mentale des hommes indiquent qu’il est temps de mener une enquête à ce sujet. Je prévoyais parler de cette motion à l’occasion de la Journée internationale des hommes, il y a 12 jours. Cependant, je crois que mes remarques sont pertinentes, peu importe le jour où je les fais.

Quand nous abordons de tels enjeux, nous ne pouvons pas oublier les personnes ayant des problèmes de toxicomanie. Ayant moi-même éprouvé de tels problèmes, je parle en connaissance de cause. Pendant des années, je me suis tourné vers l’alcool pour me remonter le moral rapidement et atténuer ma douleur. J’ai commencé en consommant seulement de l’alcool en société. Je me sentais bien quand je buvais, si bien que je ne croyais pas, je ne réalisais pas et je ne pouvais même pas imaginer que j’avais un problème ou que je me faisais du mal. C’était la faute de tout et de tout le monde, sauf la mienne. Dans une période d’environ trois ans, ma vie a été complètement chamboulée.

Après un certain temps, j’ai commencé à me rendre compte que je souffrais encore. J’ai donc cru, à l’époque, que j’avais besoin de plus d’alcool et, parfois, d’autres substances pour engourdir ma douleur. J’ai vite commencé à boire pour m’endormir ou jusqu’à ce que je n’en puisse plus.

Dès que j’ouvrais les yeux, je ressentais beaucoup de honte. C’est très désagréable de se réveiller dans la souffrance et d’avoir le sentiment de n’avoir aucune raison de vivre. J’avais l’impression d’avoir nulle part où aller, d’avoir personne à qui parler, je choisissais donc de commencer ma journée exactement comme j’avais terminé la précédente : en levant mon verre à ma santé.

J’étais pris dans un cercle vicieux très pernicieux, et je n’avais pas les outils pour m’en sortir. Chaque jour, je revivais le Jour de la marmotte et cela a duré très longtemps, mais il n’y avait rien de drôle.

Je sais que beaucoup de personnes sont aux prises avec des problèmes de consommation d’alcool et d’autres substances. Prenons l’exemple des opioïdes qui font des ravages partout au pays. Dans mon cas, j’ai été dans le déni pendant des années. Comme vous le savez tous, l’abus d’alcool m’a presque fait perdre la vie. Il y avait d’autres facteurs dans ma situation, mais ils dépassent la portée de cette motion.

Toute ma vie, j’ai été témoin des ravages causés par l’alcool, j’ai vu des vies et des familles détruites, et à quel point les personnes changent, autant physiquement que mentalement. Certaines personnes sont chanceuses de pouvoir s’en tenir à des quantités modérées d’alcool, tandis que d’autres sont encore plus chanceuses de ne pas avoir de problèmes du tout avec cette substance. Beaucoup de Canadiens sont atteints de troubles liés à la consommation d’alcool, y compris beaucoup d’Autochtones.

Mettez-vous à ma place un instant. J’ai vécu des problèmes personnels et professionnels sur une période de deux ans et je me suis servi de l’alcool comme béquille. Imaginez maintenant les traumatismes intergénérationnels que les peuples autochtones ont subis à cause des conditions injustes et souvent inhumaines auxquelles ils ont été soumis pendant des années, et même encore aujourd’hui. Devons-nous avoir des pensées, des croyances ou des remarques sévères et stéréotypées par rapport aux peuples autochtones ou par rapport à tous ceux qui éprouvent des difficultés?

Chers concitoyens, les personnes qui souffrent de troubles liés à la consommation d’alcool ont un grave problème de santé mentale, et la réponse à ma question hypothétique est non, sans équivoque. Personne ne devrait être ridiculisé parce qu’il a un problème. Nous devrions faire de notre mieux pour aider ces personnes. Nous connaissons tous les impacts négatifs que l’alcool peut avoir sur les personnes qui en arrachent, et je crois qu’il serait temps d’avoir une discussion à propos de l’alcool et d’autres substances, des impacts négatifs qu’il a sur les personnes, les communautés, les familles, le système de santé et le système judiciaire, ainsi de ce qu’il en coûte de ne pas se préoccuper des personnes qui souffrent.

À tous ceux qui sont aux prises avec un problème de toxicomanie, je dis : je vous comprends et je compatis avec vous. Ce n’est pas facile d’arrêter. Il est difficile de se débarrasser du problème. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. J’y suis arrivé parce que j’ai essayé et échoué maintes fois. J’ai cherché de l’aide à de nombreuses reprises, parce qu’il arrive que le spécialiste consulté ne nous convienne pas. Il faut du courage, de la force et de la volonté. Il n’est pas aisé d’y voir clair quand tout est sombre. Avant tout, il faut de la patience — la patience de guérir. Cela signifie qu’il faut prendre le temps nécessaire. Parfois, il suffit qu’une personne se soucie de nous et nous tende la main. Cela peut changer une vie. Aux dernières nouvelles, la bienveillance ne coûte rien et elle est très enrichissante.

Nous sommes en pleine pandémie, sous un gouvernement minoritaire, mais je crois fermement que l’étude doit avoir lieu aussitôt que possible. Espérons que cet important travail soit entrepris, compte tenu surtout des temps difficiles que nous traversons.

Chers collègues, j’étais la personne la plus têtue que je connaissais. Je ne pensais pas que j’avais un problème. Plus précisément, je croyais que mes problèmes allaient simplement disparaître. J’avais tort. Je refusais de voir la réalité et je n’étais pas moi-même. Aujourd’hui, grâce à des années de travail sur moi, à une intense réflexion et au soutien de mes proches et amis, je suis sobre depuis un bon moment. Je me suis retrouvé ou, à tout le moins, je suis fier de l’Algonquin que je suis aujourd’hui, et je sers les Canadiens du mieux que je peux.

J’en avais assez de ressentir de la douleur et de la tristesse. J’ai finalement pris la décision d’être heureux à nouveau. J’ai avancé à petits pas pour me trouver où j’en suis aujourd’hui. C’est une lutte que je devrai probablement mener pour le reste de ma vie, mais cette fois-ci, je ne sous-estime pas mon adversaire. Je lui fais face et j’espère que mes actions feront en sorte que, cette fois-ci, ce sera lui qui s’épuisera.

Sinon, j’ai l’intention d’être encore debout au son de la cloche finale. Cette fois-ci, je gagnerai la plus dure bataille que j’ai livrée de toute ma vie. Je peux vous dire que j’ai mené un bon nombre de combats. Je suis prêt pour celui-là, mais un jour à la fois.

Honorables sénateurs, je suis convaincu qu’il nous incombe de prendre soin des plus vulnérables. Beaucoup de gens souffrent, mais, ensemble, nous pouvons offrir l’espoir dont ils ont besoin et qu’ils méritent. On parle ici d’hommes et de jeunes garçons. On parle de nos frères, nos pères, nos oncles et nos voisins. Il est temps que les hommes en particulier et les jeunes garçons obtiennent l’aide dont ils ont besoin pour surmonter leurs difficultés. Je vous remercie de m’avoir écouté et de m’avoir accordé votre temps précieux. Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1910)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à exhorter le gouvernement à évaluer le coût de mise en œuvre de son Plan d’action quinquennal sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang

L’honorable René Cormier, conformément au préavis donné le 5 novembre 2020, propose :

Que, étant donné que l’année 2020 représente la date limite pour l’atteinte des objectifs 90-90-90 de l’ONUSIDA, le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à évaluer le coût de mise en œuvre du Plan d’action quinquennal du gouvernement du Canada sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang, à fixer des cibles nationales de lutte contre le VIH-sida et à s’engager à augmenter le financement de l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida au Canada, conformément à la recommandation 20 du 28e rapport du Comité permanent de la santé, déposé à la Chambre des communes durant la première session de la quarante-deuxième législature.

— Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui afin que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à évaluer le coût de mise en œuvre de son Plan d’action quinquennal sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang, à fixer des cibles nationales de lutte contre le VIH-sida et à s’engager à augmenter le financement de l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida au Canada, conformément à la recommandation no 20 du 28e rapport du Comité permanent de la santé, déposé à la Chambre des communes durant la première session de la 42e législature.

Pourquoi faire une telle demande en pleine pandémie de COVID-19, me demanderez-vous? Pourquoi aborder cette maladie chronique qui, aux yeux de certains, touche maintenant une petite partie de la population et, qui plus est, est pratiquement enrayée, car il y a aujourd’hui un traitement permettant aux malades de vivre presque normalement?

[Traduction]

Honorables collègues, il y a de nombreuses réponses à ces questions. Voici quelques faits. Depuis le début de l’épidémie, au début des années 1980, environ 75,7 millions de personnes ont été infectées par le VIH, et 32,7 millions de personnes sont mortes de maladies liées au sida. En 2019, 38 millions de personnes vivaient encore avec le VIH.

Évidemment, il y a encore trop de gens qui sont infectés par ce virus chaque année, et trop de gens à l’échelle mondiale qui risquent d’en mourir.

[Français]

Au Canada, les données les plus récentes publiées dans le Rapport de surveillance du VIH au Canada de l’Agence de la santé publique du Canada sont fort préoccupantes. En 2018 seulement, 2 561 nouveaux diagnostics positifs ont été répertoriés au pays. Ce nombre représente une augmentation de 8,2 % par rapport à 2017.

À titre comparatif, en 2015, on avait recensé 2 078 diagnostics positifs, soit environ 500 cas de moins. De 2014 à 2018, le nombre de nouveaux cas d’infections au Canada a augmenté de 25,3 %.

Le plus troublant, selon les estimations de l’Agence de la santé publique du Canada en 2016, est que 14 % des personnes vivant avec le VIH-sida ignoraient qu’elles étaient infectées. Cela signifie donc que 8 835 personnes risquaient de propager le VIH-sida au pays bien malgré elles.

[Traduction]

Saviez-vous que les groupes d’âge avec le plus grand nombre de nouveaux cas de VIH-sida au Canada sont le groupe de 30 à 39 ans, suivi du groupe de 40 à 49 ans, puis du groupe de 20 à 29 ans? Il est troublant qu’autant de personnes, en particulier de jeunes adultes qui sont au plus fort de leur vie active, contractent encore le virus au moment où ils sont le plus aptes à contribuer à la société. Ces chiffres ne sont pas que des statistiques, honorables collègues; derrière chaque diagnostic positif, il y a un être humain, bien souvent une jeune personne, qui voit sa vie complètement basculer et dont les perspectives sont compromises.

Au Canada, les populations clés de tous les groupes d’âge comprennent les migrants, en particulier ceux qui viennent de pays avec un taux élevé de prévalence du VIH, les Autochtones, les consommateurs de drogue, les travailleurs du sexe et leurs partenaires, les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes et les personnes qui ont purgé une peine d’emprisonnement. Le taux d’infection au VIH-sida est 15 fois plus élevé dans les pénitenciers fédéraux que dans la population générale.

Ces populations clés doivent faire face à des difficultés à la fois particulières et répandues, soit la discrimination, les préjugés et les problèmes d’accès à des soins, des traitements et un suivi appropriés. La COVID-19 n’a fait que multiplier ces obstacles.

[Français]

Le coronavirus a eu un impact majeur sur la prévention, l’accès aux traitements et le soutien continu aux patients. La crise sanitaire actuelle complique la production et la distribution des médicaments et crée des problèmes importants dans l’approvisionnement en traitements ici et dans le monde. Il est évident que cela risque d’entraîner une augmentation des décès liés au VIH-sida.

Selon une modélisation récente basée sur une interruption de six mois de traitements du VIH-sida en raison de la COVID-19, le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida estime que le nombre de décès lié au VIH augmentera de plus de 500 000 l’année prochaine en Afrique subsaharienne seulement.

Le Canada n’est pas en reste. Je me suis entretenu récemment avec le Dr Réjean Thomas, fondateur de la réputée Clinique médicale l’Actuel de Montréal. Le portrait qu’il brosse de l’impact de la pandémie sur les services offerts aux victimes du VIH-sida au Canada est alarmant.

Si cette clinique a réussi à demeurer ouverte durant les récents confinements stricts, ce n’est pas le cas de plusieurs centres de services qui ont dû fermer leurs portes de façon provisoire, conformément aux règles tout à fait justifiées de la santé publique.

Parmi ceux-ci, notons les centres d’injection supervisée, les cliniques médicales où les rendez-vous téléphoniques sont devenus la norme, l’inaccessibilité de certains services psychologiques et la fermeture de nombreux organismes communautaires voués à la sensibilisation et à l’accompagnement des personnes atteintes du VIH-sida.

Autre effet de la pandémie, bon nombre de patients séropositifs, comme beaucoup de citoyens, ont été touchés par des pertes d’emplois, ce qui signifie des pertes de revenus et la disparition possible d’une assurance privée couvrant certains de leurs traitements.

L’inaccessibilité aux services et les baisses de revenus se traduisent malheureusement trop souvent par une interruption des traitements essentiels à la survie des patients. Ainsi, ceux et celles qui avaient accès à la PrEP, un traitement préventif dont l’efficacité peut aller jusqu’à 99 %, ont dans certains cas interrompu leur traitement en raison de la complexité accrue du renouvellement de ce médicament ou des suivis.

[Traduction]

C’est en outre une évidence que la pandémie nuit à la santé mentale d’un grand nombre de patients et de personnes souffrant d’une dépendance, notamment au sexe ou aux stupéfiants. Chers collègues, il est faux de croire qu’en raison de la pandémie, ces personnes ont cessé d’avoir des relations sexuelles non protégées, de consommer des drogues ou de s’adonner au commerce du sexe. Par conséquent, certaines cliniques ont observé une augmentation des taux d’infections transmissibles sexuellement et par le sang comparativement à l’an dernier, plus particulièrement pour la syphilis et la gonorrhée. Cela peut s’expliquer par de multiples facteurs. En effet, puisque le VIH-sida est aussi une infection de ce type, il est possible que nous observions une augmentation de la prévalence de cette maladie partout au Canada lorsque les données seront disponibles.

[Français]

Il y a une autre réalité déconcertante : s’il était difficile d’avoir accès à des soins dans les milieux ruraux avant la pandémie, imaginez la situation actuelle provoquée par le confinement.

C’est le cas de Daniel Robichaud, qui vit en région rurale au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Celui-ci a déjà parlé publiquement du bouleversement qu’il a vécu en apprenant qu’il était séropositif, il y a quelques années.

Si les traitements auxquels il a accès ont réussi à réduire radicalement la charge virale dans son sang, les séquelles de la maladie sont aujourd’hui permanentes et exigent des soins constants.

Bien que sa charge virale soit contrôlée, Daniel doit multiplier les interventions chirurgicales et les suivis médicaux en raison de ses comorbidités. Selon ses dires, l’impact de la pandémie sur l’accès aux services a été majeur. Le nombre de rendez-vous médicaux ou d’accompagnement auxquels il avait accès par semaine avant la pandémie est passé de deux à pratiquement aucun. Il a dû attendre sept mois pour recommencer à obtenir des suivis stables.

De plus, le coût de certains médicaments essentiels à sa survie a augmenté substantiellement. Pour quelqu’un qui doit vivre de l’aide financière du gouvernement en raison de son état de santé, vous pouvez imaginer l’anxiété et le stress provoqués par l’augmentation de ces coûts.

Chers collègues, à lui seul, ce récit illustre la raison d’être d’une telle motion et montre bien qu’il est urgent d’agir.

[Traduction]

Le 1er décembre est la Journée mondiale de lutte contre le sida. Cette année, elle revêt une importance toute particulière. Alors que nous sommes aux prises avec cette pandémie, décembre 2020 marque la fin de l’échéance fixée pour atteindre la cible 90-90-90 de l’ONUSIDA, à laquelle a souscrit le Canada.

[Français]

Cet engagement signifie que, si nous atteignons ces objectifs d’ici la fin de cette année, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaîtraient leur statut sérologique, ce qui suppose qu’elles auraient eu accès à un test.

Quatre-vingt-dix pour cent des personnes infectées par le VIH seraient donc dépistées et suivraient une thérapie antirétrovirale. Elles auraient donc accès à un traitement. Cela signifie que 90 % des personnes qui suivraient une thérapie antirétrovirale auraient une charge virale durablement supprimée.

[Traduction]

Ce dernier objectif est capital, car une charge virale indécelable signifie que le virus n’est pas transmissible. Même si la personne n’est pas guérie, la charge virale dans son sang est tellement basse qu’on ne peut pas la détecter, et le virus ne peut plus être transmis à des partenaires sexuels.

(1920)

L’atteinte de ces cibles en 2020 devrait permettre à la communauté mondiale d’enrayer l’épidémie de sida d’ici 2030, ce qui sera bon pour la santé de tout le monde et pour l’économie.

[Français]

Le Canada s’est engagé à atteindre ces cibles, mais, malheureusement, il ne les atteindra pas en 2020, contrairement à plusieurs États qui les ont atteintes et même dépassées, comme l’Australie, les Pays-Bas, la Namibie, la Suisse, la Zambie et l’Eswatini.

La cueillette des données fait partie de nos défis. Il faut savoir qu’au Canada, le recensement des cas de VIH-sida est effectué par les provinces et les territoires, qui transmettent l’information selon leurs barèmes respectifs au gouvernement fédéral. Il en résulte une disparité dans les données disponibles.

La Saskatchewan, par exemple, répartit les cas selon que les patients sont autochtones ou non autochtones. Pour sa part, le Québec ne donne aucune information sur l’origine ethnique des cas dépistés ni sur la catégorie d’exposition. La Colombie-Britannique, quant à elle, ne transmet pas d’information sur l’origine ethnique des nouveaux cas.

[Traduction]

Ces dernières années, le gouvernement du Canada a élaboré le Cadre d’action pancanadien sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang, suivi du Plan d’action quinquennal sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang.

Bien que ce plan d’action soit bien accueilli par beaucoup de personnes, ses coûts n’ont pas été calculés et ses objectifs n’ont pas été précisés; cependant, des investissements précis dans la lutte contre le VIH-sida sont réclamés depuis longtemps par les nombreux organismes consultés lors de la préparation de cette motion.

[Français]

Selon une analyse du Réseau juridique canadien VIH-sida, dès 2004, lors du lancement de l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH-sida au Canada, le gouvernement de l’époque a pris l’engagement d’augmenter le financement jusqu’à 85 millions de dollars spécifiquement pour cette maladie. Or, cet engagement n’a pas été respecté et le Canada n’a atteint cette cible de financement à aucun moment par la suite.

En juin 2019, le Comité permanent de la santé de l’autre endroit a recommandé que le gouvernement s’engage fermement à consacrer un financement de 100 millions de dollars par année spécifiquement à la lutte contre le VIH-sida au Canada. Le rapport du comité est resté sans réponse. Le gouvernement a publié son plan d’action le mois suivant, mais celui-ci ne comportait aucun engagement en ce sens.

Pourtant, le VIH-sida coûte cher à l’État canadien, chers collègues. Selon des informations de la Société canadienne du sida, pour chaque citoyen infecté, les coûts directs et indirects s’élèvent à 1,3 million de dollars.

[Traduction]

Pour les gens de ma génération, le coronavirus nous rappelle la tragédie du début des années 1980, lorsque cet ennemi terrible et invisible, le VIH-sida, a fait ses premières victimes au Canada.

Moi-même, j’ai dû pleurer beaucoup trop d’amis chers à l’époque, trop de jeunes gens qui ont souffert de discrimination, d’isolement et de préjugés; certains sont morts sans le soutien de leur famille et de leur communauté.

[Français]

Si je prends la parole aujourd’hui, chers collègues, c’est aussi en mémoire de mon meilleur ami Bernard, scénographe réputé, auteur et acteur, dont la carrière a été interrompue trop vite. C’est en pensant à mon ancien collègue Pierre LeBlanc, talentueux réalisateur à Radio-Canada Acadie, qui est parti trop tôt.

Je prends la parole également pour mon compatriote acadien Daniel, qui lutte avec détermination pour sa survie aujourd’hui. Je pense à cette mère monoparentale décédée trop jeune, laissant ses jeunes enfants sans parent.

Enfin, je prends la parole pour ces travailleurs et travailleuses de la santé et ces nombreux bénévoles qui accompagnent les patients atteints du VIH-sida depuis plus de quatre décennies, et qui ont besoin d’être mieux appuyés.

Chers collègues, il y a peut-être autour de vous aujourd’hui des gens qui sont porteurs de ce virus et qui ne le savent toujours pas. Il y a peut-être aussi autour de vous des gens qui sont séropositifs, qui le savent et qui n’osent pas en parler, de peur d’être rejetés.

En effet, encore aujourd’hui en 2020, vivre avec le VIH-sida, cela signifie vivre avec la peur du rejet et de la discrimination. Malgré les traitements, vivre avec le VIH en 2020, cela signifie aussi parfois vivre avec une bombe à retardement à l’intérieur de soi. C’est le sentiment de beaucoup de gens qui sont porteurs du VIH-sida.

Il faut reconnaître que le Canada a fait d’importants progrès depuis 40 ans. C’est vrai. L’arrivée des traitements a permis de prolonger la vie de nombreux patients. Or, nous devons admettre qu’aucun vaccin n’a encore été trouvé à ce jour...

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Cormier. Votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Cormier : Deux minutes?

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Sénateur Cormier, vous pouvez poursuivre votre discours.

Le sénateur Cormier : Il faut reconnaître que le Canada a fait d’importants progrès, comme je le disais. Or, nous devons admettre qu’aucun vaccin n’a encore été trouvé à ce jour et que trop de jeunes Canadiennes et Canadiens continuent d’être infectés par cet horrible virus.

[Traduction]

C’est notamment dû aux lacunes en matière de prévention et de sensibilisation au sujet du virus. Les problèmes concernant l’éducation sexuelle dans les écoles au pays et les tabous qui subsistent au sujet de la maladie nuisent à l’éradication du VIH-sida.

Plus que jamais, chers collègues, nous réalisons que la santé est le plus précieux des cadeaux. Le Canada doit continuer son engagement envers les objectifs 90-90-90 et l’éradication de cette maladie d’ici 2030. C’est pour cette raison que je propose l’adoption de la motion à l’étude, qui demande des mesures concrètes du gouvernement du Canada, en cette Journée mondiale du sida 2020.

Merci, meegwetch.

L’honorable Mary Coyle : Je prends la parole en ce 1er décembre, Journée mondiale du sida, pour soutenir la motion no 44 présentée par le sénateur Cormier et demandant au gouvernement du Canada d’agir et d’atteindre les objectifs 90-90-90. L’idée était de faire en sorte que, avant la fin de 2020, soit dans 30 jours, 90 % des personnes infectées par le VIH soient diagnostiquées, que 90 % des personnes infectées reçoivent des traitements antirétroviraux et que 90 % de ces personnes puissent obtenir une suppression virale amenant le nombre de virus dans leur sang à des niveaux indétectables, empêchant ainsi toute nouvelle propagation du VIH.

Je suis désolée de devoir affirmer que ces objectifs pour une accélération des traitements ne seront pas atteints par la plupart des pays.

Le sénateur Cormier a bien expliqué la situation actuelle du VIH-sida au Canada et la nécessité d’une stratégie fédérale solide et adéquatement financée pour y répondre. Je suis entièrement d’accord avec lui et je veux souligner les points qu’il a soulevés au sujet de la protection des populations les plus vulnérables au pays qui sont touchées de façon disproportionnée par cette pandémie catastrophique qui dure depuis longtemps. J’ai l’intention d’exprimer brièvement mon appui à la motion et de nous inciter à également prendre le temps d’examiner nos engagements internationaux et les impacts qu’a la pandémie de COVID-19 sur la pandémie de sida à l’échelle mondiale.

Chers collègues, au petit matin du 8 avril 1982, à la lumière d’une lanterne au kérosène, à l’hôpital Kanye Adventist, à Kanye, au Botswana, avec l’assistance de sages-femmes très compétentes, j’ai donné naissance à un joli bébé, ma troisième fille, Lindelwa Naledi. Naledi signifie étoile et Lindelwa, la personne que j’attendais. Au même moment, de nombreuses autres femmes à travers ce pays de l’Afrique subsaharienne et les pays voisins donnaient naissance à leur précieuse enfant. Nous étions loin de nous douter de ce que l’avenir leur réservait, en particulier au chapitre de la santé.

Notre famille a déménagé de nouveau au Canada lorsque notre Lindi était encore bébé. Mis à part les maladies affligeant couramment les enfants et les adultes, Lindi jouit d’une bonne santé. Malheureusement, les autres filles nées ce rare soir pluvieux d’avril au pays désertique du Botswana appartiennent à l’une des pires catégories de statistiques sur le SIDA. En 2019, 26,3 % de toutes les femmes âgées de 15 à 49 ans au Botswana étaient infectées par le VIH.

Pourriez-vous imaginer si plus du quart de nos enfants, pris collectivement, étaient infectés par le VIH?

En l’an 2000, un adolescent de 15 ans au Botswana avait une probabilité supérieure à 50 % de mourir d’une maladie liée au SIDA. Entre 1999 et 2005, le Botswana a perdu près de 17 % de sa main-d’œuvre dans le domaine de la santé en raison du SIDA.

(1930)

Selon le rapport de l’organisation ONUSIDA intitulé Prevailing Against Pandemics by Putting People at the Centre publié la semaine dernière, 38 millions de personnes à l’échelle mondiale sont actuellement atteintes du VIH, dont 12 millions sont en attente de traitements nécessaires à leur survie. En 2019, 1,7 million de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH, et 690 000 personnes dans le monde sont décédées des suites du sida.

Dans le cadre d’une conversation et d’une correspondance subséquente que j’ai eues récemment avec Stephen Lewis, ancien ambassadeur du Canada aux Nations Unies, ancien envoyé spécial de l’ONU pour le VIH-sida en Afrique, fondateur de la fondation Stephen Lewis et cofondateur et codirecteur de l’organisme AIDS-Free Word, M. Lewis a dit ceci :

Il est vraiment nécessaire de souligner les conséquences de la COVID-19. On ne parle pas seulement d’un nombre effarant de décès supplémentaires en raison de la perturbation des services, mais aussi du fait que le monde avait déjà du retard sur les cibles 90-90-90 avant même l’arrivée de la pandémie. Maintenant, il en a encore plus. Les personnes atteintes de maladies infectieuses comme le VIH et la tuberculose font maintenant partie des dommages collatéraux de la pandémie de COVID-19. Le défi, comme toujours, c’est le financement. De plus en plus, l’aide financière internationale va à la lutte contre la COVID, ce qui nuit considérablement aux efforts de lutte contre le VIH. Les services communautaires sur le terrain sont particulièrement durement touchés.

Les investissements dans les programmes de lutte contre le VIH et les leçons tirées de la réponse des communautés au VIH ont vraiment renforcé la lutte contre la COVID. Les militants et les communautés touchées par le VIH se sont mobilisés afin de défendre les gains réalisés contre le VIH pour protéger les personnes atteintes du VIH et les autres groupes vulnérables et lutter contre le coronavirus.

Par ailleurs, le récent rapport de l’ONUSIDA suggère que pour remettre sur la bonne voie les efforts mondiaux de lutte contre le VIH, nous devrions adopter une nouvelle série de cibles pour 2025 et que, si nous parvenons à les atteindre, nous pourrons remplir l’objectif de développement durable 3.3, à savoir mettre fin à la pandémie de sida d’ici 2030.

Il s’agit de cibles globales visant à corriger les injustices liées aux répercussions du VIH, de la COVID-19 et d’autres pandémies sur les personnes les plus à risque et marginalisées. Ces cibles accordent la priorité à ces personnes, soit les jeunes femmes et filles, des jeunes filles comme celles nées la nuit où notre Lindi est venue au monde en Afrique subsaharienne, les adolescents, les travailleurs du sexe, les transgenres, les personnes qui s’injectent des drogues, les homosexuels et d’autres hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.

Chers collègues, le 25 novembre, des personnes partout dans le monde ont souligné la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ce qui a lancé la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe.

Il existe un lien important, mais pas souvent mentionné, entre la violence fondée sur le sexe — et plus particulièrement la violence sexuelle — et le VIH-sida.

Durant les élections de 2008 au Zimbabwe, un nombre incalculable de femmes associées aux partis de l’opposition ont été violées par des voyous engagés par le président de l’époque, Robert Mugabe, qui voulait montrer son pouvoir.

Nous savons que la violence sexuelle favorise la propagation du VIH. Durant le génocide rwandais en 1994, les miliciens hutus de l’Interahamwe ont ciblé intentionnellement et brutalement un grand nombre de femmes tutsies en les soumettant à de la violence sexuelle. Une étude réalisée en 2001 a indiqué que 70 % des survivantes de ces viols commis pendant le génocide étaient séropositives. J’ai rendu visite à certaines de ces femmes qui tentaient de rebâtir leur vie et celle de leurs enfants au Rwanda. De tels exemples d’utilisation du viol comme arme et de transmission intentionnelle du VIH sont très préoccupants et ils nécessitent une attention particulière.

Retournons maintenant au Botswana pour quelques développements prometteurs, après ces exemples douloureux et horribles de transmission du VIH.

En 2002, le Botswana a été le premier pays d’Afrique à offrir gratuitement un traitement antirétroviral aux personnes atteintes du VIH.

En Afrique subsaharienne, le Botswana et l’Eswatini, le pays qu’on appelait auparavant Swaziland, ont atteint la cible 90-90-90, et à l’heure actuelle, le Botswana arrive à couvrir presque les deux tiers des dépenses correspondantes avec ses ressources internes.

Le Zimbabwe, le Cambodge, la Thaïlande, la Suisse, les Pays-Bas, l’Australie, le Royaume-Uni et le Danemark sont aussi en bonne voie d’atteindre la cible 90-90-90, s’ils ne l’ont pas déjà fait. Bien entendu, plusieurs pays sont en retard.

Comme le sénateur Cormier l’a dit, il est choquant de constater que le Canada en fait partie. Nous y avons observé une hausse marquée des nouvelles infections au cours des quatre dernières années pour lesquelles nous avons des statistiques. De plus, on estime que 14 % des personnes qui vivent avec le VIH au Canada ignorent même qu’elles sont infectées. Les Autochtones représentent 9,6 % de toutes les personnes atteintes du VIH au Canada, et la population carcérale du pays a aussi un taux d’infection disproportionnellement élevé.

Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Cormier et j’appuie sans réserve sa motion exhortant le gouvernement du Canada à évaluer le coût de mise en œuvre de son plan d’action quinquennal sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang, à fixer des cibles nationales de lutte contre le VIH-sida et à s’engager à augmenter le financement de l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida au Canada. Je demande toutefois au Sénat d’élargir la portée de ces discussions pour tenir compte des engagements du Canada envers les autres pays.

Comme l’a dit Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’ONUSIDA, dans un rapport récent :

Nul pays ne parviendra à vaincre les deux pandémies, celles du VIH et de la COVID-19, en faisant cavalier seul. De tels problèmes mondiaux ne peuvent être réglés qu’au moyen d’une solidarité planétaire et d’une responsabilité partagée.

Lorsque l’Assemblée générale des Nations unies tiendra sa réunion de haut niveau en juin 2021, le Canada et d’autres pays membres auront une occasion en or de réitérer leur engagement à mettre fin à la pandémie de sida et de se mobiliser à nouveau.

Je vais citer une dernière fois une partie des échanges que j’ai récemment eus avec Stephen Lewis à propos de la motion no 44 :

Oui, le débat portera essentiellement sur le sida au Canada. C’est bien entendu. Le Canada pourrait toutefois se faire un champion de l’aide humanitaire sur la scène internationale s’il prenait les devants et mettait au point des mesures de soutien ciblées pour les pays à faible revenu qui sont aux prises avec des taux élevés de sida.

Honorables sénateurs, soyons solidaires envers les personnes atteintes du VIH-sida au Canada et à l’étranger, montrons notre engagement envers les personnes les plus à risque de contracter le VIH-sida partout dans le monde et honorons la mémoire des 26 000 Canadiens qui sont décédés des suites du VIH-Sida. Ce chiffre représente plus de la moitié du nombre de Canadiens morts au front lors de la Seconde Guerre mondiale. Honorons également la mémoire des 32 millions de personnes à qui ce véritable fléau a enlevé la vie en adoptant cette motion et en nous engageant à en faire beaucoup plus et à faire nettement mieux en cette Journée mondiale du sida. Merci, wela’loq.

Des voix : Bravo!

L’honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion du sénateur Cormier concernant le financement fédéral du Plan d’action quinquennal du gouvernement du Canada sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang.

Le sénateur a présenté les faits et les chiffres concernant l’état actuel du VIH-sida au Canada. La sénatrice Coyle nous a présenté des faits bouleversants sur la situation en Afrique.

La pandémie actuelle est une bonne occasion de demander des réponses du gouvernement. Bien que le nombre de décès liés au VIH-sida ait diminué au Canada et dans les pays développés au cours des 40 dernières années, nous ne devrions pas oublier que c’est encore une maladie mortelle incurable.

Il y a quarante ans, je suis devenu le coroner de Vancouver. Je me souviens très bien de la panique qui s’était emparée du service des coroners, de la profession médicale et des premiers intervenants parce que de jeunes hommes qui semblaient en bonne santé dépérissaient et souffraient de complications liées à une maladie inconnue. Ils mourraient en grand nombre, et certains étaient horriblement défigurés. La panique, la peur, le harcèlement des hommes gais et la discrimination étaient monnaie courante. Certains salons funéraires ne voulaient pas venir prendre les corps dans ma morgue. Les enquêteurs comme moi ne portaient habituellement que des gants. Nous ne savions pas du tout à quoi nous avions affaire, et la société a réagi d’une façon dont nous devrions avoir honte. Chaque jour, et parfois plusieurs fois par jour, nous trouvions des hommes étendus seuls dans une maison de chambres, sans personne autour.

(1940)

Bien que le traitement antirétroviral ait fait diminuer le taux de décès, la maladie demeure incurable. Il y a 40 ans — si peu de temps —, nous étions dans l’ignorance totale. La communauté gaie de Vancouver a pris les choses en main. Elle a commencé à faire des recherches afin de comprendre ce qui se passait, d’où ce mal venait et comment il se répandait. Elle est intervenue pour que personne ne soit isolé. Elle était là pour les personnes mourantes.

À un moment donné, un journaliste m’a téléphoné pour me transmettre des informations selon lesquelles une personne dans la communauté des sidéens aidait les malades à mourir. Je suis allé rencontrer cet homme et je lui ai dit : « Peu importe ce que vous me direz, vous n’avez pas fait cela. » Telle était la situation dans laquelle nous nous trouvions. C’était aussi grave.

Certes, il y a lieu de se réjouir du fait que le taux de décès a chuté, mais il faut demeurer vigilant sur le plan de la recherche et du traitement. Le Canada a été un chef de file dans le domaine des médicaments antirétroviraux. Mais nous sommes loin derrière les autres pays du G7 en ce qui a trait à l’élimination de nouvelles infections. Comme l’a affirmé la sénatrice Coyle, des pays d’Afrique, qui n’ont pas les ressources dont nous disposons, ont entrepris de s’attaquer à ce fléau pour leurs citoyens et les citoyens du monde.

Bien que le médicament permette à bon nombre de personnes atteintes de mener une vie relativement normale, il n’est pas sans risque ni sans complications. Il est faux de croire que le VIH-sida n’est plus une maladie mortelle du fait du rétrovirus. Rien n’a changé, sauf que nous avons trouvé un médicament qui garde les gens en vie. Il ne fait toutefois pas disparaître la maladie, ni les complications.

Il est trop tôt pour relâcher les efforts. Je sais que nous sommes au milieu d’une autre pandémie mortelle, celle de la COVID, pour laquelle nous aurons bientôt un vaccin, je crois. Du côté du VIH-sida, 40 ans ont passé, et nous n’avons toujours ni remède, ni vaccin.

Honorables sénateurs, il n’est pas nécessaire de se concentrer soit sur une maladie, soit sur l’autre. Nous pouvons faire mieux. Nous devons intervenir et exiger — une simple demande ne suffit plus, il faut exiger — que le gouvernement mette en œuvre le plan d’action quinquennal. Sinon, nous serons encore aux prises avec le VIH-sida une fois la COVID disparue.

J’encourage vivement tous les sénateurs à appuyer la motion à l’étude. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser les comités à tenir des séances hybrides et virtuelles

À l’appel de la motion no46 par l’honorable Terry M. Mercer :

Que, jusqu’à la fin de la journée le 18 décembre 2020, nonobstant toute disposition du Règlement ou pratique habituelle et à la lumière des circonstances exceptionnelles de la pandémie actuelle de COVID-19, tous les comités permanents du Sénat soient autorisés à :

1.tenir des réunions de comité hybrides auxquelles les sénateurs pourront participer dans une salle de réunion ou par vidéoconférence;

2.tenir des réunions de comité entièrement par vidéoconférence ou téléconférence;

Que les réunions de comité hybrides qui traitent des affaires du gouvernement aient priorité sur les autres réunions hybrides et les autres réunions par vidéoconférence ou téléconférence, quand cela est techniquement possible;

Que les sénateurs qui participent par vidéoconférence ou téléconférence soient autorisés à participer à partir d’un bureau désigné ou d’une résidence désignée au Canada;

Que les réunions de comité hybrides et les réunions par vidéoconférence ou téléconférence soient réputées à toutes fins des réunions du comité en question et les sénateurs prenant part à ces réunions soient réputés à toutes fins présents à la réunion;

Qu’il soit entendu que, sans limiter le pouvoir général accordé par le présent ordre, lorsqu’un comité tient une réunion hybride ou se réunit par vidéoconférence ou téléconférence :

1.les membres du comité qui participent font partie du quorum;

2.ces réunions sont considérées comme ayant lieu dans l’enceinte parlementaire, peu importe où se trouvent les participants;

3.le comité est tenu d’aborder les réunions à huis clos avec toutes les précautions nécessaires, en tenant compte des risques inhérents pour la confidentialité à ces technologies;

Que, sous réserve des variations qui pourraient s’imposer à la lumière des circonstances, la participation à une réunion par vidéoconférence ou téléconférence soit assujettie aux conditions suivantes :

1.les sénateurs doivent obligatoirement utiliser un ordinateur de bureau ou un ordinateur portatif et un casque d’écoute avec microphone intégré fournis par le Sénat pour les vidéoconférences;

2.ils ne peuvent pas utiliser d’autres appareils, comme une tablette ou un téléphone intelligent personnel, sauf pour des réunions par téléconférence;

Que, lorsqu’un comité tient une réunion hybride ou se réunit par vidéoconférence ou téléconférence, les dispositions de l’article 14-7(2) du Règlement soient appliquées afin de permettre l’enregistrement ou la diffusion de la réunion grâce aux arrangements pris par le greffier du Sénat, et, si une réunion diffusée ou enregistrée ne peut être diffusée en direct, que le comité soit réputé s’être acquitté de l’obligation de tenir une réunion publique en rendant tout enregistrement accessible au public le plus tôt possible par la suite.

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 46 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

Le cent cinquantième anniversaire du Manitoba

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition), ayant donné préavis le 30 septembre 2020 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur le 150e anniversaire de la province du Manitoba.

 — Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour attirer l’attention du Sénat sur le 150e anniversaire de la province du Manitoba. Il y a 150 ans, le Manitoba est devenu la cinquième province du Canada et la seule province à rejoindre la Confédération sous un leadership autochtone. À l’époque, le Manitoba était connu comme la province « timbre-poste » parce qu’elle n’occupait qu’une petite surface carrée 1/18 de sa taille actuelle. Ce n’est qu’en 1881 que ses frontières ont été modifiées pour devenir ce qu’elles sont aujourd’hui. Comme quoi il ne faut jamais sous-estimer les débuts modestes. Au cours des 150 années qui ont suivi, les Manitobains ont fait preuve de résilience face aux difficultés ainsi que d’ingéniosité pour relever les défis et la province est devenue reconnue pour son leadership et ses réussites dans de nombreux secteurs.

Cette année, nous invitons tous les Canadiens à découvrir non seulement l’histoire de la province, mais aussi sa beauté, à rencontrer ses habitants et à découvrir sa culture. À mon avis, le Manitoba illustre parfaitement les valeurs de diversité et d’unité sur lesquelles le Canada a été fondé et dont dépend notre avenir.

Le Manitoba a su surmonter les conditions difficiles qui l’ont vu naître pour devenir, à force de persévérance, la figure phare qu’il représente aujourd’hui. Il est donc quelque peu singulier que les célébrations de son 150e anniversaire aient été interrompues par le plus grand défi sanitaire du siècle : la pandémie de COVID-19. En effet, en raison de celle-ci, le Manitoba a dû mettre en pause toutes les festivités jusqu’à 2021. Malgré le report des activités, la fierté de tous Manitobains, elle, continue de s’exprimer sans interruption.

Honorables sénateurs, il est beaucoup trop facile d’insister sur les lacunes du passé et de faire fi des multiples réalisations sur lesquelles s’est construite la société actuelle, de même que d’oublier les nombreux sacrifices consentis pour faire en sorte que tous les Canadiens puissent avoir une vie et un avenir meilleurs. Les Manitobains, et bien sûr tous les Canadiens, ont bien des choses à célébrer.

Je crois fondamentalement que l’histoire et les réalisations du Manitoba devraient être célébrées en raison des occasions qu’elles ont créées pour tous ceux qui y habitent. Cela ne s’est pas fait sans peine, puisque les gens ne partageaient pas toujours la même vision de l’avenir. Cependant, de ces luttes souvent très douloureuses, de meilleures possibilités ont émergé.

Dans les toutes premières tentatives visant à fonder une province dans la vallée de la rivière Rouge, l’objectif fondamental était de fournir des possibilités aux gens qui y vivaient. Le mouvement que Louis Riel, fondateur du Manitoba, a dirigé de 1869 à 1870 visait à donner aux Métis de la rivière Rouge, de même qu’à tous les habitants de la région, la maîtrise de leur destin. Nous savons que les événements historiques entourant l’entrée du Manitoba dans la Confédération comportent de nombreux malentendus ainsi que des épisodes très douloureux. Ce ne fut pas une période facile. Néanmoins, si l’on regarde l’expérience des 150 dernières années, les Manitobains célèbrent aujourd’hui le rôle crucial que Riel a joué dans notre histoire. Aujourd’hui, Louis Riel est considéré comme le fondateur du Manitoba, et le jour de Louis Riel est un jour férié dans ma province.

Tout comme la fondation du Manitoba s’est accompagnée de conflits et de vives divergences d’opinions, l’évolution de la province depuis lors n’a pas non plus été exempte de luttes politiques et de débats houleux. La question des écoles du Manitoba est l’un des événements charnières qui ont eu une incidence durable. La crise a éclaté quand le gouvernement libéral provincial, élu en 1888, a aboli le système scolaire dualiste en place depuis la fondation de la province pour créer plutôt un système scolaire non confessionnel. Le financement des écoles catholiques a été éliminé, et la loi exigeait que l’enseignement se fasse uniquement en anglais. Cette mesure — à laquelle se sont opposés les conservateurs, en passant — a créé de profondes divisions au Manitoba, ainsi que partout au pays.

(1950)

Non seulement la minorité francophone a été touchée, mais d’autres minorités l’ont été aussi, y compris ma propre communauté mennonite. Les communautés qui jouissaient d’une indépendance pour leur système d’éducation jusqu’à ce moment fatidique ont perdu ces droits. Cela a causé de profondes divisions et s’en est suivi le soi-disant compromis qui fut plus tard négocié entre le gouvernement libéral provincial et le gouvernement libéral fédéral, à Ottawa, après 1896, ce qui n’a pas réglé le problème.

Toutefois, le plus important fut la résilience de la population qui a permis à la province de continuer d’évoluer. Les communautés qui avaient été durement et injustement affectées par la Loi sur les écoles du Manitoba ont survécu. Ultimement, elles se sont rétablies et ont prospéré. Ultimement, ces mêmes communautés ont contribué à créer des possibilités pour elles-mêmes, mais aussi pour l’ensemble de la province.

L’événement de la grève générale de Winnipeg en 1919 témoigne d’une résilience semblable. Cette expérience a aussi laissé des traces douloureuses, mais, ici aussi, l’épreuve a uni les travailleurs et contribué à donner des ailes au mouvement ouvrier, au Manitoba et ailleurs au Canada. La grève générale de Winnipeg était influencée par des circonstances qui se déroulaient ailleurs dans le monde, à cette époque. Il n’est pas surprenant que de nombreuses personnes aient réagi à la grève par peur de ces circonstances.

Toutefois, la leçon qui a finalement été tirée porte sur la façon d’équilibrer et de protéger les droits des travailleurs dans une économie libre. La manière dont cela s’est produit et la nature de l’équilibre qui a été trouvé ont formé ma province et son caractère. Ces grands événements, ainsi que les difficultés et les débats quotidiens plus modestes, ont permis d’établir une culture politique grâce à laquelle les Manitobains de tous les milieux, de toutes les ethnies et de tous les points de vue politiques ont pu s’atteler collectivement à la grande tâche de bâtir leur province et leur pays. C’est peut-être pourquoi les Manitobains ne se sont jamais dérobés à leurs responsabilités de rendre service à leur pays.

L’ampleur du sacrifice que les habitants du Manitoba ont fait pour leur pays est illustrée par le fait que plus de 4 200 lacs dans la province portent aujourd’hui le nom de Manitobains qui sont tombés au combat, c’est-à-dire des personnes qui sont décédées pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée et, plus récemment, le conflit en Afghanistan. Cette tradition de donner aux lacs du Manitoba le nom des nombreux soldats morts au combat a commencé en juillet 1947, lorsque 25 lacs dans le Nord-Ouest de la province ont été nommés en l’honneur de 26 soldats et aviateurs décorés qui sont morts au service de leur pays. L’ampleur de ce sacrifice est évidente dans les histoires individuelles. L’un des lacs, le lac Two Tod, aussi connu sous le nom de lac Tod, est nommé en l’honneur de frères jumeaux décédés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Beaucoup de choses nous rappellent les sacrifices qu’ont faits les Manitobains. À Winnipeg, il y a maintenant « Valour Road », ou chemin de la bravoure, ainsi désignée parce que trois récipiendaires de la Croix de Victoria y ont habité avant la Première Guerre mondiale. Extraordinairement, Robert Shankland, Leo Clarke et Frederick Hall ont tous les trois reçu la Croix de Victoria pendant la Première Guerre mondiale. Ils ont tous les trois habité la rue Pine, qui a été rebaptisée « Valour Road ».

Seulement 99 Canadiens ont reçu la Croix de Victoria depuis qu’elle a été instituée au milieu du XIXe siècle. Dix-sept parmi eux, c’est-à-dire près d’un récipiendaire sur cinq, étaient des Manitobains. Cela témoigne des sacrifices que les Manitobains ont consentis pour leur pays.

Un autre récit de sacrifice est l’histoire de Thomas George Prince, un Ojibwé du Manitoba qui s’est enrôlé dans l’armée pour servir son pays durant la Seconde Guerre mondiale. Il a mérité la Médaille militaire en Italie et l’American Silver Star. Il a été décoré par le roi George VI au palais de Buckingham. À mon avis, cela aurait été une excellente idée de lui rendre hommage en le faisant paraître sur le billet de 5 $, et nous avons été nombreux à lancer une campagne à cette fin. Malheureusement, il n’a pas été sélectionné pour la liste restreinte, mais son vaillant sacrifice ne sera jamais oublié par les Manitobains.

Les Manitobains ont toujours fait preuve de persévérance devant les difficultés, qu’elles soient d’origine humaine ou naturelle. L’année où je suis né, le Manitoba a connu les grandes inondations de 1950. À Winnipeg, l’eau a atteint son plus haut niveau le 14 mai, le jour de ma naissance. Cent mille résidants de Winnipeg ont dû être évacués, soit la plus grande évacuation massive de l’histoire canadienne. Même l’hôpital dans lequel ma mère et moi nous trouvions était menacé et nous avions dû être évacués vers un autre hôpital. Selon ce qu’on raconte, nous avions été transportés à l’autre hôpital par bateau et on s’est demandé par la suite si on devait m’appeler Don ou Moïse.

Dans la seule ville de Winnipeg, environ 10 500 maisons ont été détruites et 5 000 immeubles ont été endommagés. Dans toute cette catastrophe, les Manitobains se sont entraidés, pour lutter contre les inondations, pour reconstruire et, enfin, pour empêcher que des dégâts d’une telle ampleur puissent se reproduire.

C’est le premier ministre provincial Duff Roblin qui a piloté l’aménagement du canal de dérivation de la rivière Rouge. Le projet d’excavation du canal a fini par être connu sous le nom du « fossé de Duff ». Il s’agissait du deuxième projet de terrassement en importance dans le monde, derrière le canal de Panama et de plus grande envergure que l’excavation du canal de Suez. Depuis son ouverture en 1968, ce canal a permis d’empêcher que des dégâts causés par des inondations de ce genre ne se reproduisent. Après les inondations du Manitoba de 1997, le canal a été agrandi et il peut aujourd’hui accepter presque 4 000 mètres cubes d’eau par seconde.

Les Manitobains ont prouvé qu’ils formaient un peuple solide et résilient. Nous avons dû l’être pour faire notre vie dans ce qui est certainement une terre magnifique, mais une terre pouvant s’avérer dure et impitoyable.

Bien entendu, les Autochtones ont vécu dans cette région depuis des milliers d’années, et ont appris à composer avec cette réalité. La présence des peuples autochtones au Canada remonte à environ 10 000 ans, peu après la fonte des derniers glaciers. Au fil du temps, des Ojibwés, des Cris, des Dénés, des Sioux, des Mandans et des Assiniboines se sont installés dans cette région. Ces peuples autochtones étaient résistants et ingénieux, et ils ont été capables de survivre à des hivers rigoureux. Ils faisaient du commerce entre eux afin de créer une vie meilleure pour leurs communautés. On pense que la région du parc provincial du Whiteshell, au Manitoba, a pu être un carrefour où les peuples autochtones originaires du pourtour des collines Turtle venaient faire du commerce, apprendre, et partager leurs connaissances.

Lorsque les Européens ont commencé à arriver en Amérique dans les années 1600 et que le commerce des fourrures a commencé à s’étendre plus à l’ouest dans les années 1700, le lac Winnipeg est devenu un carrefour important pour les routes commerciales. Les peuples autochtones ont joué un rôle clé dans ces échanges commerciaux, qui ont donné lieu à la fois à des opportunités économiques, mais également à de violents affrontements.

Lorsque la province a été fondée en 1870, on lui a donné un nom tiré de son héritage autochtone. En effet, le mot « Manitoba » serait issu de plusieurs langues autochtones, dont le terme cri manitou-wapow, le terme ojibwe manidoobaa, et le mot assiniboine minnetoba.

Pour une province où le climat peut être rude, le Manitoba a su attirer plus de groupes diversifiés que presque n’importe quel autre endroit au monde. Selon le recensement canadien de 2006, plus de 200 groupes ethniques forment la population diversifiée de cette province. Les Manitobains célèbrent cette diversité chaque année dans le cadre de festivals comme Folklorama et de nombreuses fêtes individuelles organisées par les différentes communautés. La diversité de la population reflète les possibilités que tant de gens ont vues et continuent de voir dans ma province. Elle témoigne de la force tant du Manitoba que du Canada.

Je crois aussi que cette diversité a généré de l’énergie, ce qui permet d’expliquer les talents dans divers domaines que le Manitoba a produits au fil des décennies. Neil Young, Burton Cummings et les Guess Who, Randy Bachman et Tom Cochrane. Ce ne sont là que quelques-uns des excellents artistes originaires du Manitoba qui ont contribué à sa scène culturelle dynamique.

Le Manitoba a créé des institutions culturelles de renommée mondiale. Le Ballet royal de Winnipeg est connu dans le monde entier, tandis que le Royal Manitoba Theatre Centre sert de modèle aux théâtres régionaux à l’échelle du Canada et des États-Unis.

Le Musée des beaux-arts de Winnipeg possède la plus grande collection mondiale d’art inuit contemporain, tandis que le théâtre français de Winnipeg — et je sais que je vais mal prononcer son nom —, le Théâtre Cercle Molière... Est-ce que ma prononciation était passable, sénatrice Gagné? Oui. Merci. Il s’agit du plus ancien théâtre français encore en activité au Canada.

(2000)

Le Musée canadien pour les droits de la personne est le premier musée du monde consacré aux droits de la personne et le tout premier nouveau musée national à être situé à l’extérieur de la région de la capitale nationale.

Les Manitobains excellent aussi dans les sports. Le monde entier connaît les patineuses de vitesse Susan Auch, Clara Hughes et Cindy Klassen. La joueuse de curling Jennifer Jones a remporté l’or pour le Canada en 2014 et est reconnue dans son sport. Elle a participé 15 fois au Tournoi des cœurs de Scotties, un tournoi national, et elle a remporté les Championnats du monde à six reprises représentant le Canada.

Jeff Stoughton a remporté trois championnats canadiens de curling et deux championnats du monde.

Je ne pense pas qu’on puisse assister à un match des Jets de Winnipeg sans se laisser emporter par l’enthousiasme et l’amour que les Manitobains manifestent envers leur équipe.

Le parcours des Blue Bombers de Winnipeg comprend le nombre le plus élevé de participations à la coupe Grey — plus que la Saskatchewan. Ils ont tenté de s’emparer de ce trophée tant convoité à 25 reprises et y sont arrivés 11 fois.

De nombreux citoyens du Manitoba ont aussi beaucoup apporté au monde. On dit de Baldur Stefansson — appelé le « père du canola » — qu’il a changé le visage des Prairies.

Arthur DeFehr, le fondateur de Palliser Furniture, a bâti une entreprise reposant sur l’éthique chrétienne et qui compte parmi les plus grands fabricants canadiens de meubles.

Monty Hall, originaire de la partie nord de Winnipeg, est venu à être connu de tout le monde en Amérique du Nord comme l’animateur de « Let’s Make a Deal ».

Sir William Stephenson a mené les opérations d’espionnage contre l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale et a inspiré le personnage de James Bond.

Notre Murray Sinclair, originaire de Selkirk, au Manitoba, a été une inspiration pour son peuple, pour les Manitobains et pour l’ensemble des Canadiens.

Ils sont littéralement trop nombreux pour tous être mentionnés. Les contributions des Manitobains ont permis à leur province, à leur pays et au monde entier de devenir un endroit meilleur.

Les Manitobains ont toujours été un peuple qui regarde vers l’avant plutôt que vers l’arrière. À l’heure actuelle, les Manitobains, comme le reste du Canada et du monde, affrontent un nouveau défi résultant d’une pandémie mondiale qui met à l’épreuve notre capacité collective à persévérer dans l’adversité. Mais comme lors de la pandémie de grippe espagnole il y a un siècle, ce nouveau défi sera lui aussi relevé. Les collectivités du Manitoba, comme celles de tout le Canada, travaillent ensemble pour aller de l’avant, comme elles l’ont toujours fait. Voilà, après tout, l’essence même du Canada.

Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, présenté il y a 25 ans, contenait le passage suivant :

Le Canada est le terrain d’essai d’une noble idée — l’idée selon laquelle des peuples différents peuvent partager des terres, des ressources, des pouvoirs et des rêves tout en respectant leurs différences. L’histoire du Canada est celle de beaucoup de ces peuples qui, après bien des tentatives et des échecs, s’efforcent encore de vivre côte à côte dans la paix et l’harmonie.

Il s’agit en effet de l’histoire du Canada et celle de ma province, le Manitoba.

Lorsque mon peuple, les mennonites, s’est rendu au Manitoba dans les années 1870, il a tout abandonné et s’est accroché à cet espoir. Les mennonites qui ont immigré au Manitoba plus tard, dans les années 1920, ont vu des membres de leurs familles assassinés devant leurs yeux. On leur avait tout pris — leurs terres et tous leurs biens. Au Canada et au Manitoba, ils ont trouvé la liberté et la paix. Ils y ont aussi trouvé des possibilités intéressantes et la prospérité. C’est ce qui les avait attirés et c’est ce qui les a amenés à rester. Le Canada et le Manitoba demeurent attrayants parce qu’ils sont porteurs d’espoir pour les peuples du monde entier.

Aujourd’hui, chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour célébrer le 150e anniversaire du Manitoba. C’est l’occasion de commémorer ce qui a été accompli et de travailler fort pour que les 150 prochaines années soient encore meilleures. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation du sénateur Plett, qui vise à souligner le 150e anniversaire de la province du Manitoba. Je tiens à remercier le sénateur Plett d’avoir pris l’initiative de présenter cette interpellation, donnant ainsi au Sénat la chance de célébrer l’histoire du Manitoba.

Il y a 150 ans, le Manitoba est devenu la cinquième province à se joindre à la Confédération. Or, nous ne pouvons pas rendre hommage au passé du Manitoba sans parler de sa longue histoire avant la Confédération. La Commission royale sur les peuples autochtones estime de façon conservatrice qu’avant l’arrivée des premiers colons européens, plus d’un demi-million d’Autochtones habitaient sur l’île de la Tortue.

Le Manitoba, un mot cri signifiant « le passage du Grand Esprit », était le pays des Cris, des Dakotas, des Dénés, des Ojibwés et des Oji-cris. Plus tard, il a aussi été celui des Métis. Des gens de différentes cultures et organisations sociales habitent au Manitoba depuis des temps immémoriaux, tantôt isolés, tantôt en interaction avec les autres. Ne l’oublions pas. N’oublions pas cette partie de notre histoire négligée depuis trop longtemps.

[Français]

Quand nous célébrons la Loi sur le Manitoba adoptée en 1870, nous ne pouvons passer sous silence la longue et fière histoire de la nation métisse, ainsi que sa participation active à l’édification du Canada et de la province du Manitoba. Le peuple métis est né dans les années 1700, quand les marchands de fourrures français et écossais ont épousé des femmes autochtones.

En plus de la mission de trouver une route vers le Pacifique, le castor canadensis, ou plus précisément la deuxième couche de sa fourrure — qui convient si bien à la fabrication de feutres et de chapeaux de feutre qui étaient à la mode en Europe à l’époque — est ce qui a fait voyager les Européens de plus en plus loin dans le pays du nord-ouest. Par exemple, La Vérendrye, encouragé à naviguer sur les eaux du lac Supérieur au lac Winnipeg par les Cris et les Assiniboines dans ses négociations commerciales, s’est installé au confluent de la rivière Rouge et de l’Assiniboine, où allaient émerger les villes de Winnipeg et de Saint-Boniface, ainsi que leur héritage français.

Les Métis forment l’un des peuples autochtones du Canada au sens de l’article 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. Cependant, il ne faut pas perdre de vue le fait que la nation métisse est devenue un peuple du nord-ouest avant même que ce territoire fasse partie du Canada. C’est grâce à la détermination des Métis francophones, de leur chef, Louis Riel, et de son gouvernement provisoire, représenté notamment par le père Joseph-Noël Ritchot, que le statut de province, des institutions bilingues ainsi que des écoles confessionnelles ont été obtenus lors de l’entrée du Manitoba dans la Confédération.

Tout comme les diverses Premières Nations, et plus tard le peuple métis, les Canadiens français qui ont habité ce territoire ont lutté pour être traités équitablement au sein de cette fédération en pleine expansion. Ce fut le cas de mes arrière-grands-parents Gagné qui, en 1877, sont venus occuper des terres de la région de la rivière aux Rats. Déjà, en 1872, deux ans après l’entrée du Manitoba dans la Confédération, il était devenu évident que les droits obtenus par les Métis ne seraient pas faciles à faire respecter. L’abbé Ritchot, qui faisait partie des trois personnes envoyées à Ottawa par Louis Riel en 1870 pour faire respecter les droits de propriété des terres métisses de la rivière Rouge et favoriser l’entrée du Manitoba dans la Confédération canadienne, encouragea fortement certains Métis à s’établir rapidement sur les bonnes terres qui bordaient la rivière aux Rats.

En 1877, la mission établie à la rivière aux Rats comptait 20 familles et a été nommée mission de Saint-Pierre. L’abbé Jean-Marie Jolys l’a prise en charge et a fait construire une chapelle et les premières écoles. Bien des efforts ont été déployés pour recruter de nouveaux colons canadiens-français originaires du Québec et des États-Unis, où ils avaient émigré. Ils étaient tous des francophones. Alors, me voici, fille d’immigrants qui, en 1644, ont quitté la France pour s’établir au Québec, se diriger ensuite vers le Massachusetts et arriver au Manitoba. C’est grâce à la résilience de ces valeureux défricheurs de terre que j’ai le privilège de vous adresser la parole aujourd’hui à titre de sénatrice francophone du Manitoba.

(2010)

Le Manitoba est l’une des trois provinces canadiennes à bénéficier d’une protection constitutionnelle à l’égard de certains de ses droits linguistiques, ce qui en fait une province à l’avant-garde de la protection de ces droits. Cela dit, le soutien qu’apporte le gouvernement aux droits linguistiques des Franco-Manitobains a connu de grandes variations au cours de l’histoire, passant de garanties négociées à la négation des droits — la loi Thornton —, puis à des luttes chaudement menées jusqu’au plus haut tribunal du pays pour les rétablir, notamment grâce à Georges Forest et à Roger Bilodeau.

La résistance des Franco-Manitobains, notamment dans le domaine scolaire, a incité d’autres batailles partout au Canada français et a en quelque sorte pavé la voie vers l’adoption de la loi fédérale en matière de langues officielles, en 1969, et à la refonte de cette loi, en 1988.

Les poursuites judiciaires menées par les francophones du Manitoba ont eu des effets sur l’ensemble du pays, en précisant les droits linguistiques garantis à l’ensemble des communautés de langue officielle en situation minoritaire et en favorisant la modification du règlement d’application de la partie IV qui détermine où les services fédéraux doivent être offerts dans les deux langues officielles.

[Traduction]

En examinant l’histoire de la province, on ne peut que constater que la diversité des relations au Manitoba et les luttes qu’on y a menées sont un microcosme de celles qui définissent l’histoire du Canada dans son ensemble ainsi que des nombreuses questions importantes que notre fédération continue à examiner aujourd’hui. Je tiens à terminer mon discours en soulevant trois de ces questions : primo, la reconnaissance des droits linguistiques; secundo, la reconnaissance des droits et de l’histoire des Autochtones; tertio, la tradition canadienne d’accueil des immigrants.

La reconnaissance et le maintien des droits linguistiques à l’échelle fédérale sont une tâche qui nous incombe dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le contexte a beaucoup changé depuis que Lester Pearson a chargé André Laurendeau et Davidson Dunton d’entreprendre leur étude. À l’échelle provinciale, mes collègues du Québec savent fort bien que le taux d’utilisation du français dans leur métropole, Montréal, a baissé. À l’heure actuelle, la province débat de la manière de réhabiliter la loi 101.

Au Nouveau-Brunswick, le statut constitutionnel bilingue de la province est remis en question, notamment par un nouveau parti politique provincial qui s’oppose à certains éléments du bilinguisme officiel de la province. En Ontario, il y a un peu plus de deux ans, nous avons déploré ici même à la Chambre l’abolition du commissaire aux langues de la province et la réduction du financement de l’université francophone. En Colombie-Britannique, en juin dernier, la Cour suprême du Canada a jugé que le gouvernement provincial avait violé l’article 23 de la Charte des droits et libertés en sous-finançant systématiquement le conseil scolaire francophone.

Autrement dit, tous les Canadiens peuvent tirer une leçon de l’histoire des droits des minorités linguistiques au Manitoba : restez vigilants. Les forces homogénéisatrices de la mondialisation sont trop souvent hostiles aux minorités linguistiques, comme elles l’ont été envers les peuples autochtones.

C’est seulement en 2016 que la Cour suprême a reconnu que les Métis et les Indiens non inscrits étaient couverts par l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. L’arrêt Daniels a confirmé l’obligation de fiduciaire du gouvernement fédéral et le droit des Métis à des consultations de bonne foi. C’est ainsi qu’est arrivée la reconnaissance constitutionnelle que Louis Riel avait commencé à chercher 150 ans plus tôt.

Au Manitoba comme ailleurs, les jeux politiques n’ont pas été de tout repos. Il y a eu des luttes acharnées et des catastrophes, notamment des catastrophes naturelles. Malgré cela, des terres fertiles du Sud jusqu’à la roche du bouclier canadien et aux lacs d’eau douce alimentés par la baie d’Hudson, le Manitoba est un espace de cohabitation, un espace d’amitiés, ouvert comme l’immense ciel des Prairies. C’est particulièrement évident quand on regarde la riche tradition manitobaine entourant l’accueil des nouveaux arrivants.

Les Cris, les Dakotas, les Dénés, les Ojibwés et les Oji-Cris ont été les premiers à accueillir des Européens sur leur territoire. Pendant les diverses vagues d’immigration qui ont suivi au cours des siècles, les Manitobains ont accueilli des gens des quatre coins du monde. Tous ont trouvé une terre d’accueil au Manitoba, y compris les réfugiés de la mer vietnamiens arrivés à la fin des années 1970, les familles rwandaises des années 1990 et, plus récemment, les familles qui fuyaient la guerre civile en Syrie.

Malgré les difficultés qu’il a connues, le Manitoba a fait preuve, au cours des 150 dernières années, de résilience et de sagesse politique. Il a su bâtir une société qui allie diversité et valeurs communes. J’espère que les générations futures sauront renouveler et renforcer cet héritage pendant les 150 prochaines années, car la diversité est essentielle à la démocratie. Merci. Meegwetch.

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord souhaiter un joyeux 150e anniversaire à tous mes concitoyens du Manitoba, qui se démarquent dans de nombreuses disciplines, de la médecine à l’agriculture en passant par l’éducation, les affaires, le génie, l’architecture, l’aéronautique, l’athlétisme et j’en passe. Félicitations. À moi tout particulièrement, le Manitoba a permis de mener une carrière artistique et universitaire bien remplie et gratifiante. Je suis née au Manitoba et j’y suis retournée deux fois au fil des ans, comme un boomerang. Je remercie le sénateur Plett d’avoir lancé cette interpellation et je les remercie, la sénatrice Gagné et lui, pour la manière éloquente dont ils ont résumé l’histoire du Manitoba et décrit la résilience et la force de caractère de ceux qui y habitent.

Je n’étonnerai personne ici ce soir si je dis que je m’attarderai au côté créatif des Manitobains ainsi qu’aux nombreux et dynamiques carrefours culturels qui font la renommée de ma province depuis des siècles — en tout cas depuis bien plus longtemps que les 150 ans que nous soulignons cette année. Vous savez tous que je surnomme mon bureau « le mini-Manitoba » et vous avez reçu la publication célébrant l’art manitobain et les œuvres que j’y ai installées.

Je tiens à redire, en commençant, à quel point je suis fière d’être la première membre de ma famille à être née au Canada et à quel point je suis chanceuse que cela se soit produit au Manitoba. Comme beaucoup d’autres familles, la mienne était profondément attachée au Manitoba et elle a toujours été fière de pouvoir y vivre et y travailler. Mon père était un historien spécialisé dans le commerce de la fourrure et il a publié les journaux tenus dans les années 1770 par Samuel Hearne. L’explorateur y raconte notamment le temps qu’il a passé à Churchill, qui était le point de rencontre entre les Inuits, les Cris et les Dénés.

Mes deux maris décédés sont sur la liste des Manitobains remarquables et ils ont servi la province avec fierté et amour. L’un d’eux, John Bovey, était un archiviste provincial qui a fait venir à Winnipeg les Archives de la Baie d’Hudson du Royaume-Uni, une collection historique importante qui est devenue la première collection d’archives au monde désignée par l’UNESCO. Mon autre mari, John Harvard, était un journaliste primé. Il a ensuite servi le Manitoba comme député à la Chambre des communes pendant quatre mandats, puis comme lieutenant-gouverneur du Manitoba. Il s’est toujours fait le champion des Manitobains ordinaires de tous les coins de la province, célébrant leurs nombreux atouts et visages.

En 1970, année du centenaire du Manitoba, je suis retournée dans la province en tant que conservatrice très jeune et inexpérimentée au Musée des beaux-arts de Winnipeg. C’était pour travailler sur une grande exposition du centenaire présentant les expressions visuelles d’artistes itinérants, de jeunes artistes résidents et, plus tard, d’artistes professionnels de longue date. L’exposition présentait le travail des Premières Nations, notamment la broderie perlée exemplaire des Métis et le mâchouillage particulier de l’écorce de bouleau des créateurs des Premières Nations, ainsi que l’arrivée des premiers explorateurs qui ont découvert un paysage, une lumière et des coutumes qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. En 1821 est arrivé à la baie d’Hudson le premier artiste de formation pour faire une résidence dans l’Ouest canadien : Peter Rindisbacher, un jeune Suisse de 15 ans. La famille de Peter et ce groupe, qui pensaient arriver à la Nouvelle-Orléans, ont eu toute une surprise.

(2020)

Ils se sont installés dans la colonie de la rivière Rouge, où ils ont vécu jusqu’en 1826. Le nouvel environnement de Peter et la faune qui s’y trouvait le fascinaient. Son œuvre a évolué en conséquence. Il a peint de nombreux portraits d’Autochtones pratiquant des activités traditionnelles et participant à des cérémonies de signature de traités, ainsi que l’intérieur de bâtiments de la région de la baie d’Hudson. Ses tableaux ont aussi représenté des Européens dans la région. Le respect, la sensibilité et l’habileté avec lesquels il a représenté ses sujets sont aussi époustouflants que ses paysages peints sur le vif qui mettent en valeur la luminosité des grands espaces manitobains.

Les premières œuvres d’artistes européens comprennent une gravure produite d’après une esquisse réalisée en 1769 par Samuel Hearne au fort Prince-de-Galles, une aquarelle de H. J. Robertson peinte à Fort Gibraltar en 1804 ainsi qu’une gravure de 1817 produite d’après une esquisse de lord Selkirk réalisée à Fort Douglas. La plupart des premiers artistes itinérants qui passaient dans la région faisaient partie de divers groupes d’explorateurs.

Notre province est demeurée un carrefour créatif depuis ce temps, et je crois que les nombreuses réalisations novatrices qu’elle a vues naître sont attribuables en partie à notre isolement géographique et à nos hivers rigoureux. Les riches discussions, les expériences interdisciplinaires et les soirées animées dans les ateliers et les galeries font partie intégrante de Winnipeg. Bruce Head, membre de l’Académie royale des arts du Canada, qui a passé toute sa carrière à Winnipeg sans jamais se sentir isolé, a dit ceci au sujet de son milieu :

Ici, vous pouvez vous informer de ce qui se passe dans le monde de l’art. Vous pouvez être actif, mais vous pouvez aussi choisir qu’on vous laisse tranquille, si c’est ce que vous voulez.

En 1870, lors de l’entrée de la province dans la Confédération, on l’a appelée la « porte d’entrée de l’Ouest ». Winnipeg était considérée comme la Chicago du Nord. Nous avons parlé de la dérivation du nom Manitoba et du fait qu’une de ses significations autochtones était « le lieu où habite Dieu ». C’est d’ailleurs le titre d’un des grands tableaux de l’artiste Robert Houle, né à Sandy Bay.

Le nom « Winnipeg » vient de la langue crie et veut dire « eaux troubles ou boueuses », une juste description, j’ai bien peur, de la couleur des eaux des rivières. J’adore patiner sur les rivières et amener les enfants à la confluence des rivières Rouge et Assiniboine, où la glace est de couleurs différentes. Je souligne que c’est l’endroit où est née l’économie de l’Ouest canadien. Le tableau The Dakota Boat, peint en 1905 par W. Frank Lynn, illustre avec une grande clarté le commerce et la vie de l’époque, les forts, Upper Fort Garry de la Baie d’Hudson, les Autochtones et les dirigeants de la Compagnie de la Baie d’Hudson, au centre du tableau, ainsi que la rivière et le coucher de soleil évocateur.

Le Manitoba est le berceau d’un très grand nombre d’innovations sur la scène artistique et culturelle du Canada. Par exemple, c’est sur les bords de la rivière Rouge que des peintures à l’huile ont été peintes à l’extérieur pour la première fois au Canada. L’artiste était William Hind, et c’était en 1862, plus de 40 ans avant la fondation du Groupe des sept et huit ans avant notre entrée dans la Confédération.

Pour réussir, les centres artistiques nécessitent plusieurs facteurs, y compris un leadership politique, comme nous l’avons entendu, une stabilité économique, une population suffisante et des artistes désireux de repousser les limites. Le Manitoba réunit tous ces facteurs.

L’influente section winnipegoise de la Women’s Art Association of Canada a été fondée en 1894 par un groupe de femmes déterminées et dévouées, dont l’innovation et la vocation sont à la base des fondements solides sur lesquels repose encore le milieu artistique de la province. Les membres de cette section et les responsables de la foire agricole de Virden ont contribué grandement à la scène artistique florissante de la jeune province, et leur leadership a donné naissance à plusieurs organisations à Winnipeg et dans le reste de la province. En effet, en 1893, la partie de la foire de Virden consacrée aux beaux-arts a connu un tel succès que les foires agricoles qui ont eu lieu plus tard dans la province sont devenues les principaux lieux d’exposition des arts visuels.

Le tout premier musée d’art municipal au Canada a été le Musée des beaux-arts de Winnipeg, qui a ouvert ses portes en 1912. À son inauguration, il a exposé des œuvres d’art autochtones, emboîtant ainsi le pas à Women’s Art Association de Winnipeg, qui a fait la même chose dans les années 1890. Le Musée des beaux-arts de Winnipeg ouvrira en février le Centre d’art inuit dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de la province. Le Musée des beaux-arts de Winnipeg fera œuvre de pionnier dans le domaine des programmes d’éducation et de sensibilisation à l’Arctique en partageant virtuellement ses importantes collections et recherches sur les Inuits, programmes qui dépendront toutefois de l’augmentation de la bande passante dans le Nord.

Le premier peintre abstrait du Canada, Bertram Brooker, travaillait dans au théâtre de Neepawa avant de peindre ses œuvres abstraites en 1927-1928. L’entreprise de photogravure Brigdens de Winnipeg, fondée en 1914 dans la capitale provinciale, a été, pendant de nombreuses années, le plus grand employeur d’artistes dans l’Ouest. Elle a obtenu le contrat de production du catalogue de vente par correspondance d’Eaton.

Au début des années 1930, le peintre de The Prairie, Lionel LeMoine Fitzgerald, de Winnipeg, était le seul membre occidental du Groupe des Sept. Trois décennies plus tard, en 1968, le Grand Western Canadian Screen Shop a été fondé à Winnipeg. Il a établi des rapports avec des studios de gravure de reproduction au Québec et à Terre-Neuve. Leurs rassemblements étaient légendaires et allaient jusque dans la rue.

Dans le cadre du 50e anniversaire de l’organisation, Regina et Winnipeg ont organisé des célébrations communes, et nous attendons le catalogue sous peu. Il est évident que, à partir de 1950, les artistes, les organisations, l’école d’art de Winnipeg, les collectifs et plus encore ont créé le phénomène qu’on a décrit comme « l’effet Winnipeg », qui est ressenti partout au Canada.

Sans surprise, les nouveaux médias ont révolutionné les formes d’art : les œuvres produites par ordinateur, les images numériques, les mèmes, les performances qui sollicitent la participation des spectateurs, l’art sonore et les créations interdisciplinaires ont proliféré.

Reva Stone, qui a reçu un Prix du gouverneur général en arts visuels, fait partie de ces artistes qui ont grandement repoussé les frontières à l’aide de réalisations comme Carnevale, une œuvre révolutionnaire qui utilise les nouveaux médias pour mobiliser le public. Il s’agit d’un double profil en aluminium d’une jeune fille qui se déplace comme un robot dans la salle d’exposition, qui interagit avec les visiteurs, prend leur photo, puis les affiche sur le mur. C’est fascinant.

Dans le cadre de son travail, Reva Stone explore maintenant l’intelligence artificielle, les études sur la surveillance et les préoccupations en matière de vie privée. Ces liens entre les arts et les sciences et les studios et les laboratoires de notre province sont importants et s’étendent même à l’échelle internationale avec le travail de personnes comme Aganetha Dyck, qui produit des représentations visuelles d’abeille depuis des décennies. Elle partageait les préoccupations des scientifiques du monde à ce sujet et a travaillé avec eux à de nombreuses occasions dans un effort concerté pour sauver les abeilles.

La semaine dernière, j’ai parlé au Sénat de certains de nos organismes artistiques et de plusieurs premières canadiennes. Par exemple, le premier théâtre régional anglophone au Canada a été le Royal Manitoba Theatre Centre, fondé en 1958 par John Hirsch et Tom Hendry à la suite du fusionnement du Winnipeg Little Theatre et du Theatre 77. Le théâtre a fait ses débuts à Winnipeg dans des salons résidentiels, notamment chez Claude Sinclair et son épouse, que j’ai appris à bien connaître des décennies plus tard.

L’esprit de collaboration entre les dramaturges, les danseurs, les acteurs, les compositeurs, les musiciens et les artistes visuels lors des premières prestations était inspirant, comme en témoignent nettement les biographies et les programmes, et cela demeure évident quand on assiste à une prestation aujourd’hui. John Hirsch a joué un rôle légendaire à Winnipeg.

Le Manitoba a également donné naissance à la première compagnie de danse contemporaine du Canada et la plus importante compagnie de danse moderne ayant été en activité sans interruption au pays, les Winnipeg’s Contemporary Dancers. Fondée en 1964 par Rachel Browne, la compagnie présente des œuvres partout au Canada et aux États-Unis. La danse est un élément clé de la constellation artistique de Winnipeg. Le Royal Winnipeg Ballet est l’une des plus anciennes compagnies de ballet du Canada. Fondé à titre de club en 1938 et à titre de compagnie en 1941, c’est la compagnie de ballet en activité depuis le plus longtemps en Amérique du Nord. Ses chorégraphies sur commande sont révolutionnaires et renversantes, qu’il s’agisse de Going Home Star — Truth and Reconciliation ou du plus traditionnel Casse-Noisette, dont la production de Winnipeg comporte un revirement et une mise en scène uniques. Depuis près de 80 ans, son école de ballet est une véritable institution. Comme je me rappelle mon incursion infructueuse dans le domaine du ballet à titre d’élève.

Je pourrais continuer à parler des productions et du travail de tous nos organismes, mais le temps m’en empêche. Permettez-moi d’évoquer la richesse, la créativité, l’inspiration et l’énergie des créateurs dont nous sommes si fiers.

Bien entendu, le Manitoba est la province des grandes écrivaines. Miriam Toews, connue comme la romancière extraordinaire, Carol Shields, surnommée la reine de la fiction de Winnipeg, Gabrielle Roy, romancière vedette franco-canadienne, bien sûr Margaret Laurence, qui était et demeure la fierté de Neepawa, Dorothy Livesay, poétesse célébrée d’un océan à l’autre, et bien d’autres encore.

Nos artistes, musiciens et cinéastes sont merveilleux eux aussi, et si vous pensez que je me vante, eh bien, c’est le cas. James Ehnes, violoniste de renommée mondiale, est né et a été formé à Brandon. Je pense aussi au groupe The Guess Who, aux Weakerthans, aux compositeurs Glenn Buhr, Sid Robinovitch, Sierra Noble, Rémi Bouchard, au musicien de jazz Ron Paley, à des cinéastes comme Guy Maddin, sans oublier plusieurs artistes visuels et céramistes. Leurs œuvres ont été colligées, vues, publiées et exposées partout dans le monde. Les artistes autochtones aussi méritent nos éloges. Le compositeur Andrew Balfour, l’écrivain Ian Ross et l’artiste visuel KC Adams n’en sont que trois exemples.

(2030)

La créativité et les traditions des Manitobains ont rejoint les quatre coins de la planète. Par exemple, Peter Herrndorf, qui a longtemps été directeur du Centre national des arts, est Manitobain. Il a grandi tout près de la maison où j’ai habité pendant ma jeunesse.

La première université de l’Ouest canadien, le collège d’agriculture du Manitoba, a été fondée en 1877 et elle est devenue aujourd’hui l’université du Manitoba, qui a célébré son 140e anniversaire en 2017.

L’École d’art de Winnipeg, fondée en 1913, s’est officiellement jointe à l’université en 1951 et elle continue de former des artistes dans diverses disciplines avec conviction et consistance.

C’est la même chose du côté de la faculté de musique. Des Prix artistiques Sobey ont été remis à des étudiants de la faculté des arts, et des professeurs et d’autres artistes de renom ont reçu le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.

À l’Hôpital Saint-Boniface, le premier hôpital de l’Ouest canadien, les arts ont joué un rôle important de soutien à la guérison depuis des décennies, en fait, depuis sa fondation.

Je pourrais continuer, mais vous comprenez toute la créativité débordante que le Manitoba a connue. C’est vraiment une province pionnière qui a accueilli des immigrants dès les débuts : des Islandais — c’est d’ailleurs le foyer de la plus grande communauté islandaise à l’extérieur de l’Islande; des Écossais, qui ont fondé la colonie de la rivière Rouge; des Philippins, qui ont contribué de manière incommensurable au tissu de la province. En effet, je crois que tous les pays au monde sont représentés dans la population du Manitoba.

Honorables sénateurs, je suis évidemment fière d’être Manitobaine. Je vous invite tous à venir participer à l’un de nos festivals, concerts, théâtres en salle ou en plein air, expositions ou visites de studios. Ce serait un honneur pour moi de vous accueillir dans notre centre de création spécial et dynamique. Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice McCallum, le débat est ajourné.)

L’honorable Landon Pearson

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Rosemary Moodie, ayant donné préavis le 5 novembre 2020 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Landon Pearson, ancienne sénatrice.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une Canadienne remarquable, l’ancienne sénatrice Landon Pearson, qui a récemment célébré son 90e anniversaire.

L’ancienne sénatrice Landon Pearson a consacré 65 années de sa vie à essayer d’améliorer le sort des enfants, au Canada et à l’étranger. Au cours de sa brillante carrière, elle a aussi publié des écrits, donné des conférences, fait du bénévolat et été conseillère scolaire, épouse de diplomate et mère. Aujourd’hui, alors qu’elle poursuit l’œuvre de sa vie, elle continue de s’exprimer avec vigueur, clarté et autorité.

L’ancienne sénatrice Landon Pearson a énormément fait pour les enfants. Elle a été une chef de file et une militante pour l’établissement des droits de l’enfant, et ce, avant même que ces droits ne soient officiellement reconnus par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.

Son pouvoir vient d’une vie consacrée aux enfants. Elle a démontré l’utilité de dédier sa vie aux plus vulnérables et, ce faisant, montré que la passion et le dévouement d’une seule personne peuvent enrichir toute une société.

L’ancienne sénatrice Landon Pearson a contribué à changer le discours sur les droits de l’enfant au Canada. Elle a fait en sorte que les enfants puissent donner leur avis. Elle a amené les enfants et les adultes à travailler ensemble pour trouver des solutions, au lieu que ce soit des adultes qui cernent les difficultés auxquelles les enfants faisaient face sans leur demander leur avis, adoptant ainsi une toute nouvelle façon de faire.

Née à Toronto le 16 novembre 1930, Landon Pearson a grandi dans une famille aimante dans une petite ville du Sud-Ouest de l’Ontario. On l’a toujours encouragée à tracer sa propre voie. Elle attribue son sens de l’équité à son éducation.

Elle a déjà dit : « Beaucoup de gens s’intéressent à la défense des droits de la personne après avoir été victimes d’oppression. J’appartiens à l’autre groupe ». Cette sensibilité à l’injustice a eu une incidence à la fois sur sa carrière et sa vie personnelle. En tant que mère, elle a essayé d’inculquer à ses enfants le même sens fondamental de l’équité qu’elle a connu en grandissant.

Landon Pearson a obtenu un baccalauréat en philosophie et en anglais de l’Université de Toronto en 1951. Elle a rencontré Geoffrey Pearson, l’un des cinq fils de Lester B. Pearson, alors qu’elle fréquentait l’université et l’a épousé immédiatement après avoir obtenu son diplôme. Elle a accompagné son époux à Oxford, où il a obtenu sa maîtrise.

Une fois qu’il est devenu diplomate, la vie retirée que menait la sénatrice Pearson s’est rapidement enrichie lors de ses voyages avec leur famille grandissante en France, au Mexique, en Inde et dans l’ancienne Union soviétique. Chaque fois que la famille changeait de pays, les yeux et le cœur de la sénatrice Pearson s’ouvraient aux défis et à la diversité du vaste monde. Elle a souvent mentionné que d’observer ses enfants s’adapter à leur nouvel environnement et de les aider à apprendre de leur expérience alors qu’ils se familiarisaient avec leur nouvel environnement lui avait permis de mieux comprendre leurs besoins. Elle a souligné l’importance d’offrir aux enfants un soutien familial solide et les outils nécessaires pour s’épanouir pleinement.

Dans les années 1980, la sénatrice Pearson était l’une des figures de proue du travail de la Commission canadienne pour l’Année internationale de l’enfant et elle a d’ailleurs rédigé le rapport de la commission. Ce rôle l’a amenée à voyager dans tout le Canada pour recueillir directement les opinions des enfants et pour constater leurs problèmes de ses propres yeux. Comme elle l’a dit dans son premier discours au Sénat, c’est alors qu’elle a pris conscience « de la mesure dans laquelle les lois et les décisions gouvernementales ont des répercussions sur la vie des enfants, parfois par inadvertance ».

De 1984 à 1990, elle a été présidente du Conseil canadien de l’enfance et de la jeunesse. Elle a œuvré dans de nombreux organismes communautaires et elle a joué un rôle déterminant dans la conceptualisation et la mise en œuvre du programme Children Learning for Living. Elle est l’un des membres fondateurs de la Coalition canadienne pour les droits de l’enfance, dont elle a été présidente de 1989 à 1994, année où elle a été appelée au Sénat.

L’ancienne sénatrice Pearson a été appelée « la sénatrice des enfants » par le premier ministre Chrétien quand il l’a nommée pour parler au nom des millions de Canadiens de moins de 18 ans laissés-pour-compte parce qu’ils n’ont pas le droit de voter.

En tant que sénatrice, elle ne parlait pas au nom des enfants; elle leur permettait plutôt de s’exprimer en les incluant dans des réunions. En 1991, elle a même fait venir des enfants au siège des Nations unies pour la ratification par le Canada de la Convention relative aux droits de l’enfant.

La sénatrice Pearson insistait vivement pour que toutes les politiques gouvernementales touchant les enfants soient examinées selon leur incidence sur la vie de ces derniers. Elle croyait qu’il fallait constamment affiner son point de vue et adopter une approche individuelle plutôt que des politiques universelles. Elle concentrait ses efforts sur le travail des enfants, la justice pénale pour les adolescents, la protection de l’enfance, la santé des enfants et la santé prénatale des femmes.

En 1996, grâce à sa réputation de défenseure des droits des enfants, elle a été nommée conseillère pour les droits des enfants auprès du ministre des Affaires étrangères et de trois ministres successifs. Ce poste lui a permis de contribuer à la réputation du Canada en tant que défenseur des droits des enfants. Elle a régulièrement conseillé le ministre sur des questions touchant les enfants dans des politiques étrangères ou intérieures.

En 1999, elle a été nommée représentante personnelle du premier ministre Jean Chrétien à la Session extraordinaire des Nations unies de 2002 consacrée aux enfants.

La sénatrice Pearson a pris sa retraite du Sénat le 16 novembre 2005 quand elle a atteint l’âge de la retraite obligatoire. Son dernier acte au Sénat a été une étude de la mise en œuvre par le Canada de la Convention relative aux droits de l’enfant; elle en a conclu que le Canada avait pris trop de temps pour mettre en œuvre les mesures nécessaires pour garantir les meilleurs résultants pour les enfants.

(2040)

Depuis, elle a fondé le Centre de ressources Landon Pearson pour l’étude de l’enfance et des droits de l’enfant de l’Université Carleton en faisant don de toutes les ressources qu’elle avait recueillies en la matière. Elle a pris sa retraite du poste de directrice du centre en 2010, mais elle continue d’y contribuer.

Chers collègues, quelles leçons pouvons-nous tirer de l’histoire d’une telle femme et d’une vie si bien remplie? Je pense qu’elles sont nombreuses. Nous pouvons apprendre de la sénatrice Pearson que la meilleure chose à faire, lorsqu’on a eu la chance de vivre une vie heureuse et d’être en bonne santé, c’est de consacrer sa vie à ceux qui sont moins chanceux.

Nous pouvons aussi tirer comme leçon que la meilleure façon d’utiliser sa voix, c’est de la prêter à ceux qui n’en ont pas. Nous pouvons voir, dans ses œuvres, de véritables progrès significatifs. Cependant, nous pouvons aussi voir le travail qu’elle nous a légué, soit de rendre notre démocratie plus accueillante pour les enfants. C’est une tâche qui n’a pas encore été menée à bien.

Nous devons songer aux répercussions des lois sur les enfants et les jeunes, car ils n’ont pas une voix forte au sein de notre démocratie. De plus, chers collègues, les droits des enfants et des jeunes font toujours l’objet de débats.

L’ancienne sénatrice Landon Pearson avait une vision du Canada où tous les enfants ont la possibilité de grandir et de s’épanouir, indépendamment de l’endroit où ils habitent, de leur sexe, de leur race ou de tout autre facteur.

C’est une vision partagée par d’innombrables Canadiens qui croient que les institutions canadiennes devraient accorder la priorité aux enfants. C’est pour cette raison qu’un si grand nombre de personnes ont joint leur voix à celle de la sénatrice McPhedran pour réclamer que davantage de Canadiens aient le droit de voter.

Je suis d’accord avec ces personnes, avec les nombreux sénateurs dans cette enceinte et avec Landon Pearson pour dire que les enfants doivent être une priorité. C’est la partie la plus importante de l’héritage qu’elle a laissé.

Landon Pearson nous a montré que la chose à faire, c’est de tenir compte des enfants dans tous les aspects de notre travail et de veiller à ce qu’ils soient une priorité. Nous nous souviendrons toujours d’elle comme étant la personne qui nous a appris cette leçon.

Je vous invite à vous joindre à moi pour remercier l’ancienne sénatrice Landon Pearson de son travail et de son héritage exceptionnels, et pour lui souhaiter un joyeux 90e anniversaire. Merci.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, comme vous le savez déjà, nous avons souligné le mois dernier le 90e anniversaire de celle qu’on surnomme « la sénatrice des enfants », l’indomptable Landon Pearson.

En plus de l’expérience qu’elle a acquise grâce aux cinq enfants qu’elle a elle-même eus, la sénatrice Landon a consacré sa vie personnelle et professionnelle à défendre les droits des enfants et les jeunes et à s’en faire la porte-parole.

Dans les années 1970 et 1980, elle a collaboré avec de nombreux groupes et services — dont certains qu’elle a elle-même fondés — ayant pour mandat de défendre les droits des enfants. On lui doit par exemple d’avoir créé un programme de prévention en santé mentale pour le conseil scolaire d’Ottawa. Elle a aussi été vice-présidente de la Commission canadienne pour l’Année internationale de l’enfant, dont elle a rédigé le rapport.

En 1990, la sénatrice Landon a fait partie de la délégation canadienne dépêchée à ce qui était alors le plus imposant rassemblement de dirigeants internationaux jamais vu, le Sommet mondial pour les enfants, et c’est en bonne partie grâce à elle si le Canada a pu réunir les appuis nécessaires pour faire adopter la Convention relative aux droits de l’enfant.

Landon Pearson a été convoquée au Sénat en 1994 et elle en est repartie 11 ans plus tard. Pendant ce temps, elle a continué à faire ce qu’elle a fait toute sa vie, c’est-à-dire défendre les droits des enfants sur la scène internationale. Selon elle, la voix des enfants doit être entendue à tous les échelons : local, régional, national et international. On a eu tôt fait de la reconnaître pour l’ardeur qu’elle mettait à convaincre les autorités d’intégrer pleinement les enfants à l’élaboration des politiques et à la prise des décisions qui les touchaient directement.

En plus d’être la première à avoir été nommée conseillère auprès du ministre des Affaires étrangères sur les droits des enfants, en 1996, Landon a coprésidé Sortir de l’ombre, un sommet international des jeunes exploités sexuellement, avec Cherry Kingsley, une jeune femme autochtone prise en charge, qui a travaillé et vécu avec moi pendant plusieurs années avant qu’elle et Landon se rencontrent. Cherry nous a présentées. Elle nous appelaient ses tourmenteuses. Nous comptions sur elle pour rassembler les jeunes et nous aider à répondre à leur demande, justifiée, pour avoir voix au chapitre. Ils ne voulaient pas que la représentation des jeunes dans les forums d’élaboration de politiques et de lois fédérales et internationales soit purement symbolique ou de nom seulement.

En 1999, comme vous l’avez entendu, Jean Chrétien a demandé à la sénatrice Pearson de le représenter personnellement à la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies consacrée aux enfants. Elle a accepté, puis dépêché de jeunes délégués à la première séance de fond du comité préparatoire, une initiative canadienne que d’autres pays imitent depuis.

En tant que vice-présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, Landon a piloté la rédaction d’un rapport sur les obligations internationales du Canada concernant les droits et les libertés des enfants. Après avoir quitté le Sénat, Landon Pearson est allé travailler à l’Université Carleton, où elle a mis sur pied un centre de ressources sur les enfants et les droits des enfants.

L’ancienne sénatrice Pearson continue de militer avec ardeur pour le respect des droits fondamentaux des enfants. Son travail, largement acclamé sur la scène internationale, lui a valu une nomination pour le prix Nobel de la paix en 2005.

Les enfants affectés par la guerre, les enfants victimes d’agressions physiques et sexuelles, les enfants victimes de la pornographie et les enfants autochtones ont tous trouvé chez Landon Pearson une alliée indéfectible prête à défendre leurs droits. Cindy Blackstock, de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, l’a qualifiée de militante exceptionnelle pour les droits des enfants. En effet, comme bien des gens l’ont remarqué au fil des années, Landon Pearson n’est pas le genre de personne qui peut rester tranquille quand il reste encore du travail à faire. Elle se met tout simplement à l’ouvrage.

En la nommant Officier de l’Ordre du Canada, en 2008, on a reconnu son travail essentiel et les efforts qu’elle a faits toute sa vie pour promouvoir les droits des enfants au Canada et dans le monde entier, mais aussi sa ténacité, son ardeur au travail et son leadership tout à fait inspirant.

Les témoignages recueillis par Virginia Caputo dans son tout récent ouvrage, intitulé The Children’s Senator, citent les nombreuses réalisations de cette précieuse conseillère et militante dont les travaux de recherche et les écrits ont été une source d’inspiration. Nombreux sont ceux qui aimeraient avoir ne serait-ce qu’une fraction de la compétence, de la persévérance et de la générosité dont elle fait preuve en suivant son exemple pour combattre les graves inégalités que bien trop d’enfants et de jeunes subissent encore.

À 90 ans bien comptés, l’ancienne sénatrice Landon Pearson continue de défendre avec une force à toute épreuve les intérêts des enfants et des jeunes partout au Canada.

Merci, sénatrice Moodie, d’avoir lancé ce débat exploratoire sur la remarquable et indomptable Landon Pearson. Merci.

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, Landon Pearson est la preuve vivante qu’il y a une vie après le Sénat.

(Sur la motion du sénateur Munson, le débat est ajourné.)

Le lien entre la prospérité et l’immigration

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Ratna Omidvar, ayant donné préavis le 18 novembre 2020 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur le lien entre la prospérité antérieure, actuelle et future du Canada et sa connexion profonde à l’immigration.

— Je suis consciente que, à titre de dernière personne à prendre la parole selon l’ordre du jour, j’ai une certaine responsabilité étant donné que je suis tout ce qui sépare mes collègues d’un repos bien mérité. Je promets que mes propos seront à la fois brefs et pertinents.

Le 4 février dernier, j’ai pris la parole au Sénat pour lancer une interpellation sur le lien entre la prospérité et l’immigration. En réfléchissant à ce jour-là, on ne peut que constater à quel point les choses ont changé en à peine 10 mois : notre façon de vivre, de nous comporter, de voyager et même de penser. Je présente de nouveau cette interpellation avec un regard neuf et des expériences différentes. Je ne parlerai plus seulement de la prospérité, mais aussi du lien de plus en plus important entre l’immigration et la santé et la sécurité.

La dernière fois que j’ai abordé ce sujet, j’ai parlé de la longue histoire du Canada en matière d’immigration, de notre solide système d’immigration et des contributions des immigrants à notre économie. J’ai aussi décrit une partie des défis auxquels le Canada est confronté, notamment le racisme et les obstacles qui empêchent les immigrants de travailler dans leur domaine de formation, ainsi que la difficulté de faire en sorte que les immigrants s’installent partout dans ce vaste pays et non seulement dans quelques villes multiculturelles.

Toutefois, la pandémie a suscité une nouvelle question qui mérite de faire l’objet d’une discussion, soit la question des travailleurs essentiels. Les travailleurs essentiels sont partout. Ce sont les préposés aux bénéficiaires dans les centres de soins de longue durée, les commis et les étalagistes dans les épiceries, les camionneurs et les travailleurs dans les abattoirs et les exploitations agricoles.

(2050)

Jour après jour, ils mettent leur vie en danger pour que nous puissions poursuivre notre vie. Nous savons que beaucoup d’entre eux sont des néo-Canadiens, des travailleurs étrangers temporaires ou des demandeurs d’asile. Trop souvent, leur statut signifie des conditions de travail non sécuritaires, un faible salaire et des droits limités.

Selon Statistique Canada, 36 % des aides-infirmiers, des aides-soignants et des préposés aux bénéficiaires sont des immigrants. Comme nous le savons pertinemment, le secteur de l’agriculture dépend également fortement des travailleurs étrangers temporaires, qui comptent pour 20 % de la main-d’œuvre dans le secteur. Les travailleurs qui occupent ces fonctions, en particulier ceux qui travaillent dans les établissements de soins de longue durée au Québec et en Ontario, courent des risquent accrus de contracter la COVID-19. Nous savons également que les travailleurs agricoles saisonniers sont particulièrement affligés par la pandémie, des centaines ayant contracté le virus cet été.

Au cours des trois dernières décennies, le Canada a mis l’accent sur les travailleurs hautement qualifiés. Ces derniers, ainsi que leur famille, constituent la plus importante cohorte dans nos plans d’immigration annuels. Je pense que, au fil du temps, nous avons acquis une dépendance à la satisfaction des besoins de notre marché du travail en faisant appel aux personnes qui, selon nous, sont les plus susceptibles de s’enrichir et d’enrichir le Canada. Or, cela s’avère en quelque sorte une vision étroite, car cela nous empêche de réfléchir au marché du travail et à ses besoins dans son ensemble. Toute économie a besoin de travailleurs à tous les échelons, mais nous abandonnons nos emplois peu spécialisés vacants aux aléas de la temporalité.

Alors que nous reconstruisons en mieux, ou plus solidement, peu importe la nouvelle terminologie qu’on choisit, il serait avantageux d’avoir une vision multidimensionnelle et d’accepter qu’une économie a besoin de travailleurs et de gens talentueux à tous les postes. Le Canada aura certainement besoin de gens possédant les connaissances requises pour être concurrentiels au sein de l’économie du savoir, ainsi que de travailleurs dans l’industrie des services et dans le secteur agricole et de travailleurs semi-professionnels dans le secteur de la santé.

Si nous avons réellement besoin de travailleurs essentiels, alors qu’on s’entende pour les traiter comme tels, en leur accordant des droits et des salaires en conséquence. Trouvons des voies vers la permanence pour ceux à qui elle a été refusée simplement parce qu’ils occupent un poste ne nécessitant pas de spécialisation. Je pense que nous comprenons maintenant que « peu spécialisé » n’équivaut pas à « peu de valeur ».

Évidemment, la crise a fait d’autres victimes auxquelles nous ne nous attendions pas. La forte dépendance des établissements d’enseignement postsecondaire canadiens aux étudiants étrangers a causé des difficultés financières aux universités et aux collèges du pays. L’économie de villes entières repose sur ces étudiants, qui génèrent des retombées de 22 milliards de dollars dans l’économie canadienne et amènent la création de 170 000 emplois. La recrudescence du nombre d’étudiants étrangers causée par la présence de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait bien ralentir en raison du changement de président au sud, mais nous devons continuer de nous présenter sous notre meilleur jour pour convaincre les étudiants étrangers de choisir le Canada comme pays où faire leurs études, mais aussi, possiblement, où s’établir. Ce sont véritablement les premiers à qui il faut penser dans toute cette constellation.

La pandémie a aussi un effet dévastateur sur le nombre d’immigrants accueillis au Canada. Dans le discours que j’ai prononcé plus tôt, j’ai expliqué pourquoi il est essentiel pour le Canada d’augmenter le nombre d’immigrants. J’ai donné deux raisons, qu’il m’apparaît utile de répéter ici.

Premièrement, c’est important pour stabiliser la population et l’économie du Canada. Nous avons besoin de plus de gens qui généreront plus d’activité économique et, du coup, procureront une prospérité accrue à tous les Canadiens.

Deuxièmement, rappelons que la population canadienne est vieillissante. C’est un fait. L’âge moyen de la population augmente en raison de l’augmentation de l’espérance de vie, de la baisse du taux de natalité et du vieillissement de la génération des baby-boomers. Par conséquent, le nombre de travailleurs qui soutiennent les aînés va en diminuant.

En raison du retard dans l’admission des immigrants, nous aurons accueilli seulement 200 000 résidents permanents en 2020 alors que le plan en prévoyait 341 000. Cette situation aura un effet négatif sur la stabilité et la croissance économique du pays. Le gouvernement a donc annoncé que le Canada augmenterait ses cibles et accueillerait plus de 1,2 million d’immigrants au cours des trois prochaines années. Selon des simulations démographiques, la population canadienne pourrait atteindre 100 millions de personnes au tournant du siècle si le Canada atteint ces nouvelles cibles d’immigration, qu’il augmente les cibles d’immigration annuelles de 20 000 personnes de 2024 à 2026, puis qu’il maintient le taux d’immigration moyen à 1,22 % de la population à partir de 2027.

Cependant, je ne suis pas certaine que nous atteindrons ces cibles d’immigration à court terme, à part si nous mettons quelques principes sacrés de côté, par exemple en régularisant la situation de nombreuses personnes déjà au Canada, comme des détenteurs de visas temporaires, des étudiants étrangers et, oui, peut-être même des demandeurs d’asile.

Cela m’amène à mon dernier point. Tout n’est pas sombre. Il y a une lueur d’espoir. En effet, les Canadiens n’ont jamais été aussi ouverts aux immigrants et reconnaissants à leur égard. Ils sont moins susceptibles de penser que les demandeurs d’asile et les réfugiés veulent simplement contourner le système. La majorité de la population canadienne continue de croire que les immigrants jouent un rôle crucial dans l’économie canadienne et n’a pas l’impression qu’ils enlèvent des emplois aux autres Canadiens. C’est donc le moment idéal pour moderniser, repenser et remanier le système d’immigration. On ne peut pas continuer d’agir comme d’habitude ou comme on le faisait avant la pandémie.

J’invite mes collègues à participer à cette interpellation afin que nous puissions vraiment rebâtir en mieux. Je remercie mes collègues.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Loffreda, le débat est ajourné.)

(À 20 h 57, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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