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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 25

Le mardi 9 février 2021
L’honorable Pierrette Ringuette, Présidente intérimaire


LE SÉNAT

Le mardi 9 février 2021

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les travaux du Sénat

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, pour la séance d’aujourd’hui, la durée des déclarations de sénateurs soit de 45 minutes, afin de rendre hommage à notre regrettée collègue, l’honorable Elaine McCoy, qui est décédée le 29 décembre 2020.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Hommages

Le décès de l’honorable Elaine McCoy, c.r.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre collègue et amie, l’honorable Elaine McCoy, décédée le 29 décembre, à Ottawa.

Dire au revoir à un collègue du Sénat est toujours pour moi un moment doux-amer. En réfléchissant à la carrière et aux réalisations des nombreux Canadiens émérites qui ont siégé dans cette enceinte, je me sens à la fois honoré et reconnaissant d’avoir eu l’occasion de rencontrer et de travailler avec des personnes aussi extraordinaires.

Je suis triste qu’Elaine n’ait pas pu quitter le Sénat comme elle l’aurait voulu, c’est-à-dire en ayant l’occasion de faire ses adieux, de trinquer avec ses amis et de prononcer, ici même, un formidable discours, riche en sagesse et en conseils. Son combat contre le cancer du poumon est terminé, mais son esprit et ses réalisations vont demeurer.

Elaine était un pilier du milieu juridique et des affaires de l’Alberta. Elle a été une conseillère proche et influente de Peter Lougheed, l’un des plus grands premiers ministres provinciaux du Canada. Elle a été une ministre puissante et une sommité politique durant les années 1980, une période turbulente en Alberta. Elle a été une inspiration pour toute une génération de femmes dans les domaines de la politique, des droits de la personne et des affaires communautaires dans notre province.

Au Sénat, sa contribution a évolué au fil des ans. Les premières années, elle offrait un point de vue et une perspective externe et, au cours des six dernières années, elle a joué un rôle central dans la modernisation du Sénat.

En tant que collègue de la sénatrice au sein du Groupe des sénateurs canadiens, j’ai été touché de voir la relation merveilleuse et bienveillante qu’elle a entretenue avec son personnel au cours des dernières années, qui ont été difficiles. Sara Caverly et Peter Price ont fait plus que leur devoir pour qu’Elaine puisse contribuer aux travaux du Sénat de façon continue. Je sais qu’Elaine leur en était très reconnaissante.

J’ai invité Peter et Sara à dire quelques mots. Voici ce qu’ils ont dit :

La sénatrice McCoy était drôle et cultivée, et si vous aviez des affinités avec elle, elle vous prenait sous son aile, ne cessait de vous encourager et vous faisait bénéficier de son large réseau de connaissances.

Jusqu’à la fin, ses qualités ressortaient dans tout ce qu’elle faisait, en essayant d’éviter les dures réalités de la vie. Elle a consacré toute son énergie à corriger les lois, produisant notamment une longue série de brochures et de graphiques. Elle s’est lancée à corps perdu dans la gastronomie. En outre, elle était fort préoccupée par le discours d’adieu qu’elle prononcerait au moment de sa retraite.

Elle avait prévu de faire part de sa profonde conviction selon laquelle, pour être véritablement efficace, le Sénat devrait toujours constituer une tribune équitable qui accorde la primauté au consensus plutôt qu’au contrôle. Elle comparait cela à une tapisserie complexe de conversations pour nous comprendre les uns les autres. La sénatrice McCoy continuera d’unir les gens.

Merci, Peter et Sara, de ces bons mots. J’espère que nous saurons être à la hauteur des aspirations qu’ils évoquent.

Je suis fier d’avoir connu l’honorable sénatrice McCoy et de pouvoir dire qu’elle était mon amie. Dieu vous bénisse, Elaine. Reposez en paix.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, ce n’est pas facile de résumer une vie et une carrière en quelques mots. Je pense, néanmoins, qu’il est important de consigner dans le détail, dans le hansard, et pour la postérité, les réalisations de notre regrettée collègue, l’honorable Elaine McCoy, et des souvenirs personnels d’elle. Elle le mérite bien après ses années de service et de dévouement pour le Sénat et le pays.

La sénatrice McCoy est décédée le 29 décembre 2020, après avoir consacré sa vie au service de sa province, de son pays et des causes qui lui tenaient le plus à cœur. Elle a été nommée au Sénat sur recommandation du premier ministre Paul Martin en 2005. À l’époque, elle a choisi de siéger en tant que progressiste-conservatrice, un parti qui n’existait plus au niveau fédéral. Ce choix témoignait de l’indépendance d’esprit de la sénatrice McCoy et laissait présager de son influence sur le Sénat tel qu’il est structuré aujourd’hui.

De 1986 à 1993, en tant que politicienne et députée provinciale de l’Alberta, la sénatrice McCoy a été ministre de la Consommation et des Affaires commerciales, ministre responsable de la Condition féminine, ministre du Travail et ministre responsable des Droits de la personne et de la Fonction publique de l’Alberta.

À titre de sénatrice, elle s’est consacrée à sa province et aux causes qu’elle défendait. Il s’agissait notamment des questions relatives aux femmes, aux droits de la personne et à l’environnement. D’une loyauté sans faille, elle a également représenté avec ardeur les Albertains au Sénat.

En 2016, quand le premier ministre Trudeau a commencé à recommander des sénateurs indépendants à la Chambre haute, la sénatrice McCoy a contribué à la création du Groupe des sénateurs indépendants. Étant la doyenne des sénateurs indépendants, elle est devenue la première facilitatrice du groupe. Elle s’est battue pour une représentation équitable aux comités et pour la reconnaissance officielle du Groupe des sénateurs indépendants, en plus de défendre vigoureusement la modernisation du Sénat.

Au moment de ma nomination, je comprenais le rôle constitutionnel que jouait le Sénat au sein de la Confédération, mais je n’en connaissais pas encore les règles ni les traditions. C’est donc la sénatrice McCoy qui m’a accompagné dans l’apprentissage de nos processus et de nos pratiques à mon arrivée. Elle m’a accueilli et je chérirai toujours ses sages conseils.

L’absence d’Elaine McCoy dans cette enceinte sera remarquée. Au nom du gouvernement du Canada, j’offre mes sincères condoléances à sa famille, à sa province et à tous ses amis d’un océan à l’autre. Repose en paix, Elaine.

(1410)

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole aujourd’hui pour rendre hommage à l’une des nôtres, mon amie l’honorable Elaine J. McCoy. Au cours de ses 15 années au Sénat, la sénatrice McCoy a été l’une des très rares sénatrices à réfléchir sincèrement à la notion d’indépendance. Du moment où elle a été nommée au Sénat par le premier ministre Paul Martin jusqu’à ses derniers jours dans cette enceinte, la sénatrice McCoy a revendiqué activement son indépendance tout en étant toujours l’une des plus ferventes défenseures de l’Alberta. Il ne fait aucun doute qu’on se souviendra d’elle pour l’appui indéfectible qu’elle accordait aux habitants de sa province, l’Alberta.

Que ce soit lors de son mandat à l’Assemblée législative de l’Alberta ou à la Chambre rouge à Ottawa, elle a toujours fait preuve d’un engagement profond à l’égard de son pays. Cet engagement indéfectible à l’égard de ses concitoyens a orienté tout ce qu’elle a accompli au cours des décennies de loyaux services qu’elle a consacrées à la vie publique. Elle avait un point de vue tout à fait unique sur les politiques. Sa clairvoyance et sa grande intelligence ont fait d’elle une dirigeante influente. Ses contributions aux politiques publiques ont profité à tous les Canadiens.

Récemment, la sénatrice McCoy a défendu avec passion et ténacité le secteur de l’énergie de l’Ouest canadien contre des projets de loi dommageables, soit les projets de loi C-48 et C-69, ce qui témoigne de son engagement profond à l’égard de sa province et des milliers de personnes qui travaillent dans ce secteur partout au Canada.

Chers collègues, permettez-moi de citer la sénatrice directement :

[Le projet de loi C-48] prévoit un moratoire sur la circulation des pétroliers le long d’une bonne partie de la côte ouest du pays. Il constitue une très grave menace pour l’unité nationale, car il dressera des régions et des communautés les unes contre les autres.

Le Canada s’est construit sur le dialogue et non pas sur le conflit. Nous avons toujours cherché des solutions équilibrées qui répondent aux intérêts de tous; cette approche est devenue un principe fondamental. Or le projet de loi C-48 favorise l’opposition plutôt que la coopération.

Voilà les paroles d’une grande politicienne. Je connais très peu de politiciens qui peuvent livrer un message aussi puissant avec des mots aussi simples. La perte de la sénatrice McCoy prive cette assemblée d’une voix sage. Au nom de l’opposition officielle au Sénat, et en mon nom personnel, je veux exprimer nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à toute notre famille du Sénat. J’espère qu’elle trouvera la paix et le repos éternels dans le royaume des cieux et auprès de notre Seigneur miséricordieux. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo : Érudite, pétillante, élégante, énigmatique : que ce soit au Sénat ou dans la vraie vie, honorables sénateurs, l’honorable Elaine McCoy était une véritable force de la nature. Mes débuts au Sénat ayant été façonnés par notre regrettée collègue, c’est pour moi un honneur de lui rendre hommage au nom du Groupe des sénateurs indépendants, dont elle a été, comme chacun sait, la première facilitatrice et la fondatrice.

Je me souviens des très nombreuses fois où je suis allé la voir à son bureau, au cinquième étage de l’édifice du Centre. D’ailleurs, entrer dans son bureau, c’était comme pénétrer dans l’antre d’une philosophe, d’une sage et d’une autrice : des livres empilés dans un coin, un diaporama de sa vie, de son vécu et de son histoire projeté sur un mur et, dans l’autre pièce, des jeunes affairés à je ne sais quoi. C’est là que se tenait Elaine McCoy, confortablement assise dans un coin de la pièce, comme si elle attendait tranquillement qu’on vienne la voir pour profiter de ses enseignements et lui parler. Et pour parler, nous parlions. Je ne compte plus le nombre de nos discussions. Son influence sur l’ensemble de ses collègues allait bien au-delà de ses interventions, ici et dans les comités.

Nous savons déjà qu’elle a été une pionnière, qui s’est défendue pour rendre le Sénat plus indépendant et on ne saurait trop insister sur le rôle qu’elle a joué dans sa modernisation.

Le Sénat qui a autorisé le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration à financer les groupes indépendants, ou encore qui a adopté une motion visant à attribuer les sièges des comités de manière proportionnelle — ce qui nous paraît tout à fait normal aujourd’hui. Le greffier du Sénat qui a cessé d’utiliser l’expression « non affiliés » sur les documents officiels pour plutôt employer « Groupe des sénateurs indépendants », ce qui a contribué à ce que celui-ci soit reconnu comme une entité à part entière. Le Sénat qui modifie ses règles afin que les groupes parlementaires reconnus soient sur un pied d’égalité avec les partis politiques reconnus. Décidément, on doit à la sénatrice McCoy une bonne partie des mesures qui ont rendu la Chambre haute plus indépendante, et ce ne sont que quelques exemples.

Si je peux résumer en deux mots la vision de la modernisation qu’avait la sénatrice McCoy, je dirais qu’elle considérait que notre institution était en constante évolution et que nous, les sénateurs, devions tous souhaiter cette évolution, et la modernisation qui vient avec, au lieu de rester attachés à l’idée fixe que nous appelons le modèle de Westminster. Si vous doutez encore de la force de sa conviction et que vous souhaitez en savoir plus sur sa façon de penser, je vous invite à lire le témoignage qu’elle a fait devant le Comité spécial sur la modernisation du Sénat, le 16 novembre 2016. Un véritable tour de force.

Honorables collègues, la sénatrice McCoy disait souvent qu’elle n’avait pas pour rôle de nous dire quoi penser, mais bien de nous donner les moyens de le faire par nous-mêmes. Elaine n’est plus des nôtres, mais son esprit planera toujours au-dessus de nous. Je vous remercie.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’aimerais ajouter ma voix à celles qui rendent hommage aujourd’hui à notre amie et collègue l’honorable Elaine McCoy. Comme d’autres l’ont déjà dit, elle était une ardente défenseure des Albertains et de sa province, l’Alberta, et, bien sûr, du Canada. Elle a véritablement montré à quoi devait ressembler le service public, d’abord en tant que députée et ministre provinciales, puis ici au Sénat, où la plupart d’entre nous avons appris à la connaître.

Comme le sénateur Gold l’a dit plus tôt, lorsque la sénatrice McCoy a été nommée en 2005 par le très honorable Paul Martin, elle a choisi de siéger en tant que progressiste-conservatrice en dépit du fait que ce parti n’avait plus de caucus officiels. Ce n’était que le premier exemple de la façon dont elle a tracé sa propre voie et est restée fidèle à ses propres convictions. La sénatrice McCoy était très franche au sujet de ses opinions et il était clair que l’une de ses principales valeurs était l’équité, c’est-à-dire l’équité à l’égard des gens et de l’institution.

Cela se reflète dans la façon dont elle a traité la nature partisane de la politique. La sénatrice McCoy était vraiment une sénatrice indépendante. Elle comprenait qu’il y a toujours des points de vue divergents, mais elle s’efforçait de trouver des moyens de combler ces fossés et de transcender les lignes de parti afin de faire ce qui lui semblait être dans l’intérêt des Canadiens.

Cette approche s’est aussi avérée utile lorsqu’elle s’est attaquée aux questions conflictuelles inhérentes à deux de ses passions : soutenir l’Alberta, ainsi que son secteur énergétique, et défendre l’environnement.

La sénatrice McCoy avait le don de simplifier les questions complexes. Même si elle prenait son travail très au sérieux, elle avait aussi un sens de l’humour mordant, mais subtil. Elle m’a toujours impressionnée avec sa capacité de prendre la parole au Sénat pour faire valoir des arguments convaincants sans utiliser de notes.

Sa voix manquera certainement à beaucoup de personnes, non seulement au Sénat, mais partout en Alberta et dans l’ensemble du pays. Au nom du Groupe progressiste du Sénat, j’aimerais offrir mes sincères condoléances à sa famille et à ses amis. Merci.

L’honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, Elaine McCoy a exercé la profession d’avocate. Elle a été députée provinciale, ministre provinciale, militante et, bien sûr, sénatrice. Cependant, c’est probablement le qualificatif de non-conformiste qui la décrit le mieux. Après tout, c’est une progressiste-conservatrice qui a été nommée au Sénat par un premier ministre libéral, Paul Martin. Plus tard, elle a contribué de façon importante à la formation et à la direction d’un nouveau caucus, le Groupe des sénateurs indépendants. Ensuite, lorsque ce groupe a capitulé et qu’il a succombé aux joies et aux tentations du panurgisme — et pire encore, à son avis —, elle est redevenue sénatrice indépendante. Enfin, l’année dernière, elle a fait partie des membres fondateurs du Groupe des sénateurs canadiens, qui est composé de sénateurs qui tiennent particulièrement à leur indépendance. Ainsi, on peut dire qu’elle a fondé deux nouveaux caucus.

(1420)

Certaines personnes, dont certains sénateurs ici présents, croient qu’être non conformiste est une mauvaise chose, que le « non-conformisme » sous toutes ses formes devrait être éradiqué. Pas moi. En effet, j’associe le « non-conformisme » à une pensée nouvelle, élaborée et exprimée avec rigueur. C’est la volonté de s’affirmer en toute indépendance sans craindre de potentielles conséquences personnelles. Il s’agit donc de suivre sa propre conscience, ses propres convictions. Autrement dit, « non-conformisme » rime avec espoir et liberté.

Pour moi, Elaine McCoy incarnait cette manière de penser.

C’est Elaine McCoy qui m’a inspiré l’idée de tenir, en collaboration avec mon bon ami le sénateur Paul Massicotte, un symposium sur la modernisation du Sénat en octobre 2015. Elle a d’ailleurs été l’une des premières personnes à s’y inscrire.

Ses connaissances sur l’histoire du Sénat étaient sans pareilles. Sa compréhension approfondie du système de Westminster et de sa souplesse va nous manquer. Nous allons également nous ennuyer de son esprit vif, surtout lorsqu’elle accusait les gens trop dogmatiques de souffrir du syndrome de Westminster.

La sénatrice McCoy a toujours su exprimer sincèrement ses convictions. Qu’elle repose en paix. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, en tant que sénatrice de l’Alberta, je veux d’abord parler aujourd’hui des réalisations d’Elaine McCoy en Alberta, bien avant qu’elle ne devienne sénatrice. Elle a littéralement suivi les traces de Peter Lougheed, lui succédant en tant que députée de la circonscription de Calgary-Ouest. Elle est devenue ministre dès son élection en 1986 — l’année où j’ai d’ailleurs commencé mes études en journalisme. Je me souviens très bien de son image à l’Assemblée législative de l’Alberta : grande, mince, d’une beauté saisissante. Elle avait du panache, de l’élégance et un air détendu, mais elle était tenace.

En tant que membre du Cabinet de Don Getty, Elaine McCoy était une femme en avance sur son temps : une défenseuse des droits des homosexuels bien avant que cela ne devienne facile ou courant; une défenseuse de l’environnement, l’une des premières du gouvernement de l’Alberta — il y a plus de 30 ans — à faire pression pour une véritable politique publique de lutte contre le réchauffement climatique. Lorsque les Nations aryennes ont commencé à se rassembler en Alberta, elle a lancé une enquête sur les violations des droits de la personne commises par les mouvements suprémacistes blancs. Elle a été l’instigatrice de la Déclaration du Lac Louise sur la violence envers les femmes. Elle a réformé la commission des valeurs mobilières de l’Alberta et elle est à l’origine de l’idée du jour de la Famille.

En 1992, Elaine McCoy entre dans la course au leadership pour devenir la prochaine première ministre de l’Alberta. Elle se présente comme la championne de l’austérité dans la gestion des finances publiques, mais elle doit s’incliner devant Ralph Klein qui, paradoxalement, avait fait campagne en défendant une plateforme beaucoup moins conservatrice sur le plan financier. Une fois devenu premier ministre, Ralph Klein lui fait le plus beau des compliments : il l’expulse du Cabinet et s’approprie sa plateforme de compressions budgétaires.

Après avoir quitté la politique provinciale en 1993, Elaine McCoy se distingue dans le dossier de l’environnement en Alberta par son sens de l’initiative et son travail important. En 2005, elle accepte l’invitation de Paul Martin de se joindre au Sénat du Canada, où elle sert fièrement, d’abord à titre d’irréductible progressiste-conservatrice, puis comme tenante d’un Sénat plus indépendant et non partisan.

Lorsque la sénatrice LaBoucane-Benson et moi faisons notre arrivée en 2018, la sénatrice McCoy nous accueille avec un repas élégant à l’ancienne salle à manger parlementaire. Elle nous remet un cartable rempli de documents sur le rôle d’un sénateur. J’ai appris beaucoup en observant la sénatrice McCoy lorsqu’elle participait à l’étude des projets de loi C-69 et C-48 en mettant à profit sa maîtrise du droit réglementaire, sa passion pour l’environnement et son excellente compréhension du secteur albertain de l’énergie pour arriver à des compromis judicieux.

Des problèmes de santé l’ont obligée à passer les dernières années de sa vie à Ottawa. Elle était physiquement incapable de retourner dans son coin de pays et d’y retrouver sa famille et la province qu’elle aimait profondément. Cela dit, le legs qu’elle laisse à l’Alberta perdurera. Les sénateurs actuels et futurs de l’Alberta ont un défi à relever : se montrer constamment à la hauteur de l’héritage que leur laisse Elaine McCoy. Que sa mémoire soit une bénédiction pour toujours.

L’honorable Patricia Bovey : Honorables collègues, à la fin du mois de décembre, nous avons tous perdu une collègue passionnée et remarquable. Comme d’autres sénateurs l’ont souligné cet après-midi, le décès de l’honorable Elaine McCoy a mis en lumière, à bien des égards, les progrès incroyables réalisés par le Sénat au cours des quatre à six dernières années pour améliorer son fonctionnement et accroître son indépendance. Je suis d’accord avec ce que le sénateur Dean a dit hier soir en ce qui concerne la diminution de la partisanerie au Sénat.

Je pense que chacun d’entre nous se souviendra pour toujours de la journée où nous avons été nommés à cette auguste Chambre de second examen objectif — l’honneur, l’humilité et l’anticipation ressentie pour ce qui nous attendait, soit l’énorme responsabilité envers notre province et envers tous les Canadiens qui découlait de notre nomination. Alors que j’étais aux prises avec des pensées et des émotions ahurissantes à la fin du mois d’octobre 2016, j’ai reçu des appels de collègues me souhaitant la bienvenue, ce qui m’a fait énormément de bien. La sénatrice McCoy est l’une des premières à m’avoir appelé.

Je me souviens de son accueil chaleureux, de sa grâce, de sa répartie, de son immense bagage de connaissances sur le processus parlementaire et de son amour indéniable pour le Sénat et ses travaux, ainsi que de son amour inébranlable pour l’Ouest canadien et sa province, l’Alberta.

Elaine McCoy est née, comme moi, au Manitoba, plus précisément à Brandon. Avant de siéger au Sénat, elle fut avocate-conseil principale spécialisée en énergie en Alberta. Elle représenta Calgary-Ouest à l’Assemblée législative de l’Alberta pendant sept années et occupa des fonctions ministérielles dans cette province. Ce parcours lui a bien servi à son arrivée dans cette enceinte. L’étendue et la profondeur de son expérience professionnelle et de ses intérêts, sa vision, le rôle clé qu’elle a joué dans la création du Groupe des sénateurs indépendants et son profond respect des procédures du Sénat furent inspirants, pour moi assurément. Cette femme élégante, chevronnée et dévouée s’exprimait en outre avec aisance, que son discours fût préparé ou non. Sa capacité à bâtir une argumentation convaincante fondée sur les faits, à brûle-pourpoint, était sans contredit un talent digne d’envie.

La sénatrice McCoy a également servi de grand mentor à bon nombre de gens. Elle a certainement joué ce rôle pour moi à mes débuts au Sénat, alors que le Groupe des sénateurs indépendants était encore vert. Je me souviens avec émotion d’une occasion en particulier où elle avait appuyé la position que j’avais adoptée selon certains principes fondés sur mon expérience passée. À cette époque, je n’avais pas encore assez d’expérience comme sénatrice pour appuyer le point de vue que j’exprimais ce jour-là.

Comme nous venons toutes deux de l’Ouest, je salue l’appui indéfectible et inébranlable de la sénatrice McCoy chaque fois qu’un enjeu touchait l’Alberta. Le Canada a eu bien de la chance qu’Elaine McCoy se soit consacrée si brillamment à sa profession juridique, au gouvernement de sa province d’origine et au Sénat du Canada. J’ai eu le privilège de l’avoir comme collègue.

Je la remercie. J’offre mes condoléances à sa famille, à ses amis et à la province. Qu’elle repose en paix. Merci.

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je souhaite aussi rendre hommage aujourd’hui à une Albertaine et Canadienne exceptionnelle que je comptais parmi mes très bons amis.

Aritha van Herk, auteure et poète influente, a dit ceci :

Le code de conduite du cowboy, qui privilégie le bon voisinage, la loyauté, l’indépendance et une persévérance à toute épreuve, fait partie de l’identité albertaine. Pour les Albertains, c’est une entente tacite aussi naturelle que les montagnes environnantes.

Voilà qui décrit bien notre collègue Elaine, une femme bienveillante, loyale et indépendante qui, comme nous l’avons constaté pendant que son état de santé s’est détérioré, a toujours persévéré sans jamais se plaindre. Selon moi, Elaine avait le don de tirer profit de son intelligence et de son sens de l’intuition inné pour promouvoir des politiques publiques qui puissent répondre aux aspirations et aux craintes de la population.

J’aimerais seulement citer brièvement quelques exemples. Comme on l’a déjà mentionné, à la fin des années 1980, Elaine a mené des efforts visant à concevoir un plan d’action national de lutte contre la violence envers les femmes. Cette initiative a mené à la toute première déclaration publique sur ce fléau.

Une autre initiative tout aussi importante a eu lieu au début des années 1990. En effet, il y a 30 ans, comme la sénatrice Simons l’a mentionné, Elaine a mené des efforts qui ont permis notamment à l’Alberta de faire part de ses préoccupations à l’égard des changements climatiques et de trouver des façons de lutter contre les problèmes environnementaux tout en tenant compte du rôle important que joue l’industrie pétrolière et gazière canadienne. En 1993, elle a présidé un groupe de travail provincial sur les changements climatiques. C’est donc dire qu’elle était une chef de file aux idées novatrices il y a 30 ans. Elle a par la suite assumé le rôle de vice-présidente de Climate Change Central, un groupe de l’Alberta qui contribue de façon importante à trouver des moyens de financer la recherche pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Je ne dirai jamais assez à mes collègues à quel point ces travaux étaient importants et novateurs, car ils ont ouvert la voie à l’ensemble des discussions et des mesures auxquelles nous participons aujourd’hui en ce qui a trait aux changements climatiques et à l’environnement.

(1430)

Enfin, chers collègues, comme cela a été souligné et comme nous l’avons vu dans les interventions de la sénatrice McCoy sur les projets de loi C-69 et C-48, il ressort que l’Alberta a perdu une formidable porte-parole et le Sénat, une véritable figure de proue.

Ce que j’ai vu et respecté si profondément, c’est l’humilité innée d’Elaine. Elle n’a jamais oublié ses origines simples de fille des Prairies. Elle n’a jamais oublié que c’est un privilège de servir la population. Je peux aussi vous dire, d’après mon expérience limitée, qu’Elaine adorait les fêtes. Ses fêtes de Noël à Calgary sont légendaires, voire notoires.

Honorables sénateurs, Elaine adorait l’Alberta. Elle en aimait la beauté majestueuse, les cieux immenses, les villes dynamiques, la solitude tranquille et le remarquable potentiel. Elaine nous manquera. Merci, chers collègues.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, c’est avec une profonde tristesse et une grande humilité que je rends hommage à notre très chère et respectée collègue, la regrettée sénatrice Elaine McCoy. La sénatrice McCoy a été un mentor à la fois généreux et sage pour moi et pour bon nombre de nouveaux venus au Sénat. Elle nous a guidés en nous prodiguant ses conseils à titre individuel, en nous donnant un aperçu des rouages du Sénat et, surtout, en servant de modèle pour ce qui est de l’étude approfondie des mesures législatives et de la tenue de débats intelligents et convaincants au Sénat. Quand Elaine prenait la parole, elle avait toute notre attention.

L’été dernier lors d’une conversation au sujet de la modernisation du Sénat, Elaine m’a rappelé l’importance de comprendre le rôle délicat et crucial que joue le Sénat. Elle m’a dit : « Pour faire des lois, il faut faire des compromis ».

Elle appréciait la collaboration. Nous avons tous été témoins des efforts qu’elle a déployés pour trouver un compromis à la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers. Elaine détestait l’intimidation et invitait à la prudence en ce qui concerne la pensée unique ou le fait de confier trop de pouvoir à des dirigeants ou à un groupe en particulier. Comme elle l’a affirmé dans l’article publié en 2018 dans le magazine Options politiques :

La capacité des sénateurs d’agir de manière autonome et décisive, sans être soumis à des restrictions coercitives, constitue le fondement qui fait du Sénat le type d’assemblée législative que les Canadiens souhaitent. Par surcroît, les sénateurs doivent s’élever au-dessus des idéologies et des loyautés personnelles pour travailler en collaboration avec des collègues de toutes tendances.

La sénatrice McCoy était d’allégeance progressiste-conservatrice et elle possédait de longs états de service à l’Assemblée législative et au Cabinet de l’Alberta. Elle a été nommée à la Chambre haute en 2005, année marquant le centenaire de l’Alberta.

Dans le cadre de son premier discours au Sénat sur l’interpellation de la sénatrice Andreychuk concernant les changements climatiques et le Protocole de Kyoto, la sénatrice McCoy a parlé des questions importantes auxquelles sont confrontés les Albertains. Elle a dit ceci :

[...] comment l’Alberta devrait contribuer à l’avenir de notre pays. Comment pouvons-nous modeler cet avenir pour qu’il profite non seulement aux Albertains, mais aussi aux Canadiens? Comment pouvons-nous aider le Canada à se situer à la fine pointe du XXIe siècle pour garantir un siècle de prospérité non seulement aux Albertains, mais aussi à tous les Canadiens?

En réponse à ses propres questions, elle a déclaré que, « en Alberta, nous avons assez d’espace, assez de richesses et assez de maturité pour contribuer à l’édification du pays. »

J’aimerais bien qu’elle soit parmi nous aujourd’hui afin de pouvoir la remercier personnellement de ses sages conseils, de sa conduite exemplaire, de ses efforts pour adapter le Sénat au XXIe siècle et de ses innombrables contributions à sa province bien-aimée et à notre nation.

Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de rendre hommage à l’honorable Elaine McCoy, une Albertaine exceptionnelle, une magnifique Canadienne et une leader hors pair. Merci. Wela’lioq.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une parlementaire exceptionnelle, une personne que j’ai eu le privilège de rencontrer lorsque j’ai été nommé au Sénat. J’ai eu la chance de me lier d’amitié avec cette personne et de pouvoir l’écouter attentivement. Même au cours des tout derniers jours, elle a su stimuler mon esprit et toucher mon cœur lors de nos discussions. Telle était Elaine McCoy : une femme d’une grande intelligence doublée d’un sens de l’humour mordant. Elle avait un sens de la justice et un souci de l’équité incomparables. Il y a quelques années, un média l’a qualifié de « symbole de résistance » et plusieurs l’ont décrit comme une non-conformiste. Pour ma part, Elaine McCoy est une éminente parlementaire et une personne qui a su apporter une certaine civilité au Parlement et dans les débats parlementaires.

Elaine McCoy a exercé ses fonctions avec honneur et intégrité au sein de différents ordres de gouvernement et sur la scène politique canadienne. Même lorsqu’elle était ministre au sein du gouvernement de l’Alberta — et membre du pouvoir exécutif —, elle a su dire ses quatre vérités aux gens de pouvoir. C’était tout à fait elle. Elle s’est battue pour défendre les opprimés et elle est devenue la porte-parole de ceux et celles qui n’ont pas la possibilité de se faire entendre. Paul Martin a assurément fait le bon choix de nommer cette parlementaire extraordinaire au Sénat pour parler au nom des minorités.

Je ne vous apprends rien en rappelant qu’Elaine McCoy a été la dernière sénatrice progressiste-conservatrice à siéger dans cette enceinte. Elle a travaillé au sein du Groupe des sénateurs canadiens ainsi que du Groupe des sénateurs indépendants. Elle s’est ultimement avérée être l’exemple parfait d’une sénatrice indépendante, une personne qui s’est battue pour ses convictions et ses principes et qui ne s’est jamais contentée de suivre les autres.

Elaine McCoy était consciente que son indépendance découlait du fait qu’elle n’avait pas besoin de chercher à se faire élire. Elle a su se servir de cette indépendance de façon imaginative pour demander des comptes au gouvernement — je m’en souviens très bien, car je faisais partie de ce gouvernement —, et pour remettre en question les décisions du gouvernement à chaque occasion. Il lui est souvent arrivé d’être la seule voix indépendante. Quand j’étais Président, j’ai appris à l’admirer et à la respecter, et quand il y a eu des désaccords, elle m’a inspiré comme elle en a inspiré tant d’autres.

Paix à l’âme d’Elaine McCoy. Que Dieu la bénisse. Qu’aucun d’entre nous n’oublie la lueur dans ses yeux qui a illuminé le Sénat du Canada pendant une décennie et demie.

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, à la fin de décembre, nous avons perdu une collègue respectée et l’amie de plusieurs d’entre nous, la sénatrice Elaine McCoy. À la fois esprit juridique accompli et politicienne intrépide, elle a été au premier plan de la modernisation du Sénat. Elle a plaidé pour une indépendance accrue des sénateurs, ce qu’elle a prôné dès le départ en se disant elle-même progressiste-conservatrice, un parti qui n’existait plus au Sénat au moment où elle y a été nommée.

La sénatrice McCoy a été tour à tour députée provinciale, ministre et sénatrice, toujours en représentant fièrement les Albertains. Elle l’a fait avec compassion et avec de grands idéaux, qu’elle n’hésitait pas à communiquer à tous ceux qui croisaient son chemin.

Je me souviens de plusieurs conversations avec elle et notre vieil ami le sénateur Norm Atkins, qui, à mon sens, dénotent bien la nature de cette enceinte et la manière avec laquelle nous devrions collaborer par delà les frontières idéologiques pour accomplir ce qu’il y a de mieux pour les provinces et pour notre pays.

Si vous n’avez jamais eu l’occasion d’assister à ses réceptions de Noël, vous avez raté toute une brochette d’invités. D’anciens libéraux, d’anciens progressistes-conservateurs et même l’ancien premier ministre Joe Clark ne manquaient pas d’y être, et l’esprit était toujours à la fête.

Elle était un esprit libre et une fervente défenseure du Sénat. Après avoir consacré quatre décennies au service de sa province et de son pays, la sénatrice McCoy continuera d’inspirer les personnes qu’elle a connues.

J’offre mes sincères condoléances à sa famille et à ses amis et j’encourage tous les sénateurs à imiter ses qualités d’indépendance et de défense des gens que nous représentons. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, la sénatrice McCoy est la première sénatrice que j’ai rencontrée quand je me suis présenté à mon atelier d’orientation un mois avant d’arriver à la Chambre rouge, et son bureau est le premier bureau de sénateur que j’ai visité. Elle m’a serré la main chaleureusement, puis m’a fait signe de m’asseoir. Je dois avouer que je ne savais pas que les sénateurs avaient un bureau et je ne sais pas pourquoi je l’ignorais. Je ne le savais tout simplement pas. Voyez-vous, la sénatrice McCoy s’est immédiatement rendu compte que je n’en savais probablement guère plus.

Elle m’a donné les conseils que de nombreux sénateurs donnent aux nouveaux venus et elle m’a dévoilé des choses que j’ignorais. Elle a souligné l’importance du Sénat, les obligations auxquelles les sénateurs sont tenus et la nécessité de la Chambre rouge dans la démocratie canadienne.

Elle a été la première — et la plus éloquente — à m’expliquer pourquoi la Chambre rouge est importante, pourquoi l’institution en soi est sacrée. Elle m’a donné ces explications comme si elle savait que je nageais dans l’inconnu à ce moment-là et qu’il me faudrait un peu de temps pour retrouver mes repères.

À l’instar de beaucoup de Canadiens, je ne connaissais pas les rouages essentiels de l’endroit où je m’apprêtais à siéger. Je ne connaissais pas les arcanes des mesures législatives, de l’adoption des projets de loi, d’intérêt privé ou public, ou des comités qui débattent de ceux-ci. Elle m’a expliqué tout cela, puis elle m’a indiqué que, si j’avais un problème ou que j’avais des questions de procédure, sa porte était toujours ouverte.

(1440)

Avant que je parte, nous avons commencé à parler d’autres choses. Elaine a dit : « J’ai entendu dire que vous aviez écrit un livre sur la pêche. J’ai pêché à la mouche pendant des années. »

« Eh bien dans ce cas, nous sommes amis et nous irons pêcher à la mouche ensemble », ai-je répondu.

C’est ce que nous avions prévu de faire. Elle devait venir à la rivière Miramichi pour pêcher le saumon, et je devais aller à la rivière Bow, où elle m’emmènerait pêcher la truite. C’était notre plan. Même si elle me demandait de considérer certains projets de loi, amendements ou motions, nous en revenions toujours à la pêche. Elle disait toujours qu’elle viendrait sur la Miramichi, jusqu’à ce jour où, finalement, elle m’a dit qu’elle ne pensait plus que ce serait possible.

Je lui ai répondu : « Regardez, j’ai des amis qui ont été guides toute leur vie. Nous vous emmènerons sur la rivière Miramichi. Ce sera dans un canot ou dans une fosse à saumon, mais vous allez sentir la force d’un saumon qui tire. Sénatrice, vous n’oublierez jamais la satisfaction d’attraper un saumon de la Miramichi. »

Elle a affiché ce sourire doux et un peu moqueur qu’on lui connaît et elle a répondu : « Bien sûr ».

Puis la pandémie a frappé et changé nos plans. Elaine m’a téléphoné une fois, il y a quelques mois, pour me demander si je pouvais l’aider à localiser un de ses amis qui vivait sur la Miramichi. Malheureusement, je lui ai écrit pour lui dire que mes recherches avaient été infructueuses. Je ne l’ai plus jamais revue.

Cela ne veut pas dire que nous ne pêcherons pas ensemble. Nous nous retrouverons un jour, sénatrice, je vous le garantis. La rivière sera grandiose, probablement tout comme la Miramichi, et les poissons nageront à jamais sous notre canot.

Merci.

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, un si grand nombre d’entre vous avez parlé d’une personne très appréciée dans cette enceinte : Elaine McCoy, une femme de l’Ouest; Elaine McCoy, une femme à l’esprit libre; Elaine McCoy, une débatteuse redoutable; Elaine McCoy, la voix de la raison.

Dans l’hommage posthume publié sur le site Web du Sénat, j’ai bien aimé les mots du sénateur Black, originaire de l’Alberta lui aussi. Voici ce qu’il a dit :

C’est une femme qui se souciait vraiment des gens. Elle prenait soin de ses amis. Elle se souciait énormément de la fonction publique.

Elle n’a jamais oublié ses origines, et c’est pourquoi elle était si efficace, selon moi.

Quand le sénateur Doug Black affirme qu’« elle n’a jamais oublié ses origines », c’est très révélateur. Je pense que chacun et chacune d’entre nous apporte l’essence de ses origines au Sénat. Nous sommes tous fiers de nos racines et c’est une bonne chose. Notre pays est une grande nation grâce aux valeurs que nous partageons. Elaine McCoy aimait entendre le point de vue d’autrui, mais elle n’avait jamais peur d’exprimer sa propre opinion.

Un des aspects remarquables du Sénat est que tous les sénateurs ont l’occasion d’apprendre de leurs collègues. En tant qu’ancien journaliste, j’étais censé toujours être objectif, mais je viens de l’Est, et lorsque je couvrais les événements dans l’Ouest, je n’appréciais pas toujours les opinions des Canadiens de l’Ouest. Savez-vous qui m’a remis à ma place? Elaine McCoy. Cela a peut-être pris très longtemps, mais j’ai fini par comprendre la perspective de l’Ouest, grâce à Elaine McCoy, qui m’a accompagné dans mon cheminement. Tous les Canadiens devraient lire ses dissertations sur l’énergie et l’environnement de l’Alberta. J’ai acquis grâce à celles-ci une meilleure compréhension de la perspective et, encore mieux, de la réalité de l’Ouest canadien.

Le slogan original du Parti réformiste était « l’Ouest veut avoir son mot à dire ». Elaine McCoy n’était pas réformiste, mais une progressiste-conservatrice qui comprenait instinctivement ce que voulait l’Ouest : le respect et l’inclusion sur la scène nationale. Elle a aidé à mettre en avant cet argument pendant ses années au sein du gouvernement de Peter Lougheed et, plus tard, ici, au Sénat.

Elle l’a fait à sa façon, la façon McCoy, avec une détermination d’acier. Cependant, à la fin des séances, on pouvait la retrouver dans son bureau à l’éclairage tamisé de l’édifice du Centre, où elle nous accueillait avec son sourire chaleureux, un verre de vin ou de quelque chose de plus fort et l’envie de poursuivre la conversation. Après tout, il n’était que minuit.

Des voix : Bravo!

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’aimerais moi aussi rendre hommage à la sénatrice McCoy. Quand les sept premiers sénateurs indépendants ont été nommés — il y avait, outre moi, les sénateurs Pratte, Lankin, Petitclerc, Sinclair, Gagné et Harder —, la sénatrice McCoy s’affairait à mettre sur pied le premier groupe indépendant et non partisan. Il faut croire qu’elle avait vu juste, puisqu’à peine quatre ans plus tard, le Sénat ne compte pas un, mais trois groupes indépendants.

Avec le recul, je suis davantage consciente des obstacles que la sénatrice McCoy a dû surmonter pour regrouper les indépendants. Mais à force de persuasion, de bons mots, d’insistance et d’assiduité, elle a réussi à faire bouger les choses — et nous par le fait même, et c’est ce qui fait que le Sénat est ce qu’il est aujourd’hui.

La sénatrice McCoy était naturellement élégante. Je lui ai dit d’ailleurs qu’elle me rappelait — un peu — la duchesse de Windsor. Mince comme un fil, elle était toujours magnifiquement vêtue et arborait toujours l’un des bijoux qu’elle seule pouvait porter. Cela n’étonnera personne, mais elle aimait particulièrement se rendre au Château Laurier pour l’heure du thé, le week-end, où elle régnait comme pas une, un cocktail — ou quelque chose d’un peu plus fort — à la main. Au sein de notre groupe, elle prodiguait ses conseils comme une mentore d’expérience, même si elle savait se faire insistante —, car nous savons tous à quel point, quand elle défendait un principe qui lui était cher, elle pouvait aussi être obstinée, pour ne pas dire têtue.

Cela dit, elle était aussi d’une grande élégance spirituelle. Après mon premier discours au Sénat — j’étais horriblement nerveuse —, elle m’a envoyé une copie enrubannée de mon intervention, et cette copie, je la garde encore dans mon bureau.

Elle m’a encadrée lorsque j’ai parrainé un important projet de loi du gouvernement au Sénat. Puisque, étant marraine du projet de loi, je ne pouvais pas proposer un amendement, elle s’est rapidement saisie du dossier — qu’elle connaissait à peine — et s’est prononcée en se fondant sur des recherches approfondies. L’amendement a été adopté par la Chambre des communes et inscrit dans la loi. Il a reçu passablement d’attention des médias et est désormais connu comme l’amendement McCoy. Quelque peu déconcertée par tout cela, elle m’a dit à la blague : « Ratna, vous m’avez rendue célèbre ».

En vérité, elle mérite sa célébrité et sa réputation pour de multiples raisons : sa vision, sa détermination de fer à la réaliser et ses contributions au Sénat, toujours fondées sur des principes. Elle nous manquera.

Repose en paix, chère collègue.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à notre collègue la sénatrice Elaine McCoy, qui est décédée récemment.

Je sais gré à la sénatrice McCoy, qui était alors coordonnatrice du Groupe des sénateurs indépendants, de m’avoir accueillie très chaleureusement lors de ma nomination au Sénat en novembre 2016. Son accueil sans réserve a facilité mon entrée dans mes nouvelles fonctions.

Son regard perçant m’accompagnera longtemps. Au cours des quatre dernières années, j’ai eu l’occasion de constater qu’elle est allée littéralement au bout de son souffle dans l’accomplissement de son rôle de sénatrice.

Sénatrice McCoy, nous nous souviendrons de votre engagement public continu.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, à mon arrivée au Sénat en 2016, j’ai, bien sûr, choisi de me joindre à un groupe dirigé par une femme, la seule femme à occuper le rôle de leader à l’époque, la sénatrice Elaine McCoy, une mentore et une amie, désignée par mon équipe et les membres de mon personnel comme « la McCoy » suivant la tradition du clan écossais.

J’ai aussi reçu une copie de mon premier discours orné d’un ruban. Des sourires chaleureux et de nombreux débats passionnés ont suivi, se terminant souvent par une boisson forte, un bon scotch — nos bureaux étaient situés l’un près de l’autre.

J’aimerais lire un court extrait d’une des dernières notes que j’ai reçues d’Elaine. Lorsque j’ai communiqué avec elle pour demander comment elle allait, étant donné le confinement imposé par la COVID-19, elle m’a répondu en m’écrivant à propos de son chat :

Oliver adore que je sois à la maison et j’adore Oliver, malgré le fait qu’il ait cassé ma lampe. Bah! L’amour est plus précieux que les objets.

Aussi, lorsque j’ai entendu la voix de Sarah le 29 décembre, j’ai compris que les nouvelles n’étaient pas bonnes. J’avais parlé à Elaine deux semaines auparavant et je savais que les choses n’allaient pas bien. Chers collègues, lorsque ce sera possible, j’espère que vous vous joindrez à la sénatrice Griffin et à moi pour rendre hommage à notre merveilleuse amie, une mentore et une sénatrice spectaculaire d’une manière des plus adéquates : avec une larme de Famous Grouse.

Adieu, chère mentore et amie. Nous sommes si reconnaissants de vous avoir connue et d’avoir bénéficié de vos connaissances.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, en hommage à notre collègue décédée, l’honorable Elaine McCoy, je vous prie de vous lever et de vous joindre à moi pour observer une minute de silence.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

(1450)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Merci, honorables sénateurs.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les services publics et l’approvisionnement

L’approvisionnement en vaccins contre la COVID-19

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question d’aujourd’hui s’adresse une fois de plus à l’honorable sénateur Gold.

Monsieur le sénateur, un bon leader et premier ministre a toujours un plan de rechange, ainsi qu’un autre plan de rechange pour le premier. Autrement dit, il doit avoir un plan A, un plan B et un plan C. Or, en ce qui a trait à l’approvisionnement en vaccins du Canada, il n’y a aucun plan de ce genre.

Lors d’une entrevue accordée à CTV la semaine dernière, le secrétaire parlementaire de la ministre Anand a admis que le gouvernement Trudeau avait adopté la deuxième meilleure approche en matière d’approvisionnement en choisissant de compter exclusivement sur les vaccins produits à l’étranger. L’année dernière, le Royaume-Uni était dans la position où le Canada se trouve actuellement, puisque ses capacités de production de vaccins étaient limitées. Le gouvernement du Royaume-Uni s’est donc efforcé d’accroître les capacités de production de vaccins à l’échelle nationale, et maintenant, 12 millions de personnes ont reçu leur première dose dans ce pays.

Monsieur le leader, les livraisons au Canada sont interrompues depuis des semaines. Nous ne pouvons pas compter sur un approvisionnement national. Quel est notre plan de rechange?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de soulever un enjeu qui revêt beaucoup d’importance pour les Canadiens. Le gouvernement a un plan, et il s’agit d’un plan global.

S’agissant de la capacité de production dont vous avez parlé, cela fait malheureusement des décennies que nous négligeons les investissements dans la fabrication de vaccins. Les laboratoires Connaught, qui appartenaient à l’État, ont été vendus par un gouvernement antérieur, puis des compressions supplémentaires ont été effectuées par un autre gouvernement. Par conséquent, alors que nous importions autrefois moins de 20 % de nos vaccins de l’étranger, ce pourcentage est maintenant passé à près de 85 %. Depuis 2016, le gouvernement que je représente a consacré plus de 10 milliards de dollars aux travaux scientifiques et à la recherche, notamment en 2018 quand il a fait le plus important investissement de l’histoire du pays dans la recherche fondamentale, après des années de compressions budgétaires dans le domaine des sciences.

Comme on l’a annoncé à maintes reprises, le plan du gouvernement consiste à diversifier nos sources d’approvisionnement en concluant des ententes avec sept fournisseurs internationaux. Plus récemment, nous avons conclu une entente avec Novavax, qui prévoit un investissement majeur de plus de 125 millions de dollars pour fabriquer un vaccin au nouveau centre de fabrication de vaccins du Conseil national de recherche, sur l’avenue Royalmount, à Montréal. La production commencera vers la fin de l’année. Je peux continuer ainsi, chers collègues.

Tous les Canadiens sont préoccupés. Nous sommes au début du premier trimestre, et le gouvernement demeure résolu à fournir des vaccins à tous les Canadiens qui souhaitent en recevoir un d’ici la fin de septembre. De plus, il reste convaincu qu’il sera en mesure de respecter cette promesse.

Le sénateur Plett : Eh bien, monsieur le leader, vous avez dit très justement : c’est très malheureux. C’est le comble, on rejette maintenant la faute sur les gouvernements précédents. Le gouvernement actuel est au pouvoir depuis six ans. Monsieur le leader, les fabricants de vaccins canadiens avaient besoin du soutien du gouvernement l’année dernière. Du soutien de votre gouvernement. Toutefois, ce dernier n’avait pas de plan B ni de plan C.

Le vaccin de Providence Therapeutics fait actuellement l’objet d’essais sur des sujets humains. Le gouvernement Trudeau n’a pas accordé à cette entreprise le soutien qu’elle demandait l’année dernière. Qui sait à quel point nous serions plus avancés si ce soutien avait été offert? PnuVax, une entreprise de Montréal, est une autre usine de fabrication canadienne que votre gouvernement — pas le gouvernement précédent, monsieur le leader, mais bien votre gouvernement — a ignorée.

Monsieur le leader, quelles raisons légitimes a-t-on pour défendre la décision prise par le gouvernement Trudeau — et non les gouvernements précédents — de ne pas privilégier le développement des vaccins contre la COVID-19 par des entreprises canadiennes? Vous ne pouvez pas revenir en arrière et vous ne pouvez pas blâmer les autres gouvernements, mais vous pouvez arrêter de commettre les mêmes erreurs. Allez-vous collaborer dès maintenant avec ces entreprises pour fabriquer des vaccins?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. J’ai choisi mes mots avec soin. J’ai parlé de gouvernements antérieurs, et il y a eu de nombreux gouvernements d’allégeances politiques différentes. Je n’ai pas pointé du doigt le gouvernement Mulroney pour avoir mis en œuvre son programme de privatisation ni le gouvernement Harper. Je ne blâme pas les gouvernements précédents, je ne fais qu’énoncer des faits.

En ce qui concerne votre question, le gouvernement collabore avec des entreprises et des usines de fabrication au Canada afin d’évaluer leur capacité d’intensifier leurs activités et de faire des investissements en conséquence. Il n’en demeure pas moins que, face à la pandémie qui s’est abattue sur le monde, le gouvernement a estimé qu’il était dans l’intérêt des Canadiens de s’approvisionner auprès de sociétés pharmaceutiques bien établies et disposant de solides capacités de fabrication dans le monde entier. Ce faisant, il atténuait le risque qu’un retard dans l’une de ces entreprises compromette le succès du plan. Le gouvernement est toujours convaincu que cette stratégie portera ses fruits et profitera aux Canadiens.

Les affaires étrangères

Les relations sino-canadiennes

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, compte tenu de l’attitude belliqueuse que la Chine a manifestée envers le Canada, notamment par la détention arbitraire des deux Michael, les menaces proférées contre des Canadiens, y compris des parlementaires, et l’interdiction du canola canadien à titre de représailles, pourquoi le premier ministre Justin Trudeau a‑t‑il tout misé sur la Chine au lieu de faire appel à l’excellence canadienne?

(1500)

Pourquoi votre chef, Justin Trudeau, voue-t-il une plus grande admiration et fait-il plus confiance au régime communiste chinois qu’aux Canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Toutefois, les hypothèses et les affirmations qu’elle contient ne sont tout simplement pas fondées. Le Canada n’a pas tout misé sur une seule possibilité de fabrication — c’est plutôt le contraire. Le Canada a conclu des contrats lui permettant de réserver le plus grand nombre de doses par habitant de tous les pays du monde.

En ce qui concerne l’entente avec CanSino — à laquelle il me semble que vous faites allusion —, dès que le groupe de travail sur les vaccins a fait connaître son avis d’experts révisé, la collaboration avec CanSino a pris fin. Aucune technologie stratégique canadienne n’a été transférée et aucune somme d’argent n’a été versée dans le cadre de cette entente.

Comme je l’ai dit, l’approche canadienne, qui était multidimensionnelle, a alors consisté à saisir les occasions que j’ai déjà énumérées.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, votre gouvernement s’est procuré des millions et des millions de vaccins, mais on n’a pas vu beaucoup de Canadiens inoculés. La Chine a dénoncé l’accord passé avec le laboratoire CanSino peu après sa conclusion, alors que nous avions déjà rempli notre part du contrat en envoyant audit laboratoire des données vitales sur la production des vaccins.

Pourquoi votre chef ne cherche-t-il pas à les dénoncer? Pourquoi Justin Trudeau ne demande-t-il pas des excuses au gouvernement chinois? Au lieu de cela, il présente des excuses au Parti communiste chinois pour un soi-disant affront causé par des tee-shirts portant un logo de rap.

Sénateur Gold, pourquoi votre gouvernement présente-t-il des excuses à la Chine pour n’importe quoi? Quand est-ce que les Chinois vont nous présenter des excuses? Ce sont les Canadiens qui méritent des excuses de la part de la Chine. D’ailleurs, les Canadiens méritent des excuses de la part du gouvernement Trudeau aussi.

Le sénateur Gold : Sénateur, ce n’est pas la première fois, et probablement pas la dernière — vu votre insistance —, que je m’efforce d’expliquer à cette chambre la nature complexe et multidimensionnelle de notre relation avec la Chine et le travail que le gouvernement fait pour faire valoir nos intérêts et ceux du monde libre. En mentionnant les deux Michael et nos importantes exportations de canola, vous ne faites qu’effleurer la complexité de nos problèmes.

Le gouvernement actuel est déterminé à travailler avec ses alliés des pays démocratiques pour résoudre les très graves problèmes que les ambitions de la Chine posent, non seulement au Canada, mais aussi au monde libre.

La justice

La mutilation des organes génitaux féminins

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, samedi dernier, le 6 février, c’était la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Hier soir, 125 femmes de l’University Women’s Club de Vancouver se sont rassemblées à Vancouver pour discuter des manquements du Canada à son devoir envers nous.

Selon le rapport de mars 2020 sur la réponse mondiale aux mutilations génitales féminines, le Canada est l’un des deux seuls pays occidentaux où le risque de mutilations génitales féminines est élevé, mais où aucune donnée ou analyse statistique n’existe à ce sujet. Au Canada, pas une seule poursuite judiciaire n’a été enregistrée pour cet acte criminel. Au fil des ans, plusieurs organismes de la société civile ont publié des études révélant que la mutilation des organes génitaux féminins se pratique bel et bien au Canada. Des victimes racontent leur histoire et dénoncent cette pratique. Des milliers de jeunes canadiennes sont à risque.

Le Canada s’est engagé, dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies, à mettre fin à la mutilation des organes génitaux féminins d’ici 2030. Si tel est le cas, monsieur le leader, comment se fait-il que, depuis la criminalisation de cette pratique en 1997 jusqu’à aujourd’hui, aucune poursuite n’ait été intentée au Canada contre les personnes qui mutilent nos jeunes filles?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice. La pratique de la mutilation des organes génitaux féminins est une attaque abominable envers la dignité et le statut de personne des femmes et des filles. Elle doit être condamnée, puisqu’elle constitue une infraction au Code criminel.

Je n’ai pas de renseignements sur les circonstances dans lesquelles, d’après ce que vous dites, cet acte criminel n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire. Les poursuites invoquant le Code criminel relèvent, pour la plupart, des procureurs généraux des provinces. Je m’engage certainement à chercher à savoir si des données sont recueillies à l’échelle nationale par les provinces et les territoires, et je transmettrai volontiers le résultat de mes démarches au Sénat. Chose certaine, le gouvernement, comme tous les gouvernements canadiens d’ailleurs, condamne cette pratique. Nous devrions faire tout en notre pouvoir pour l’éradiquer.

La sénatrice Jaffer : La France a porté 60 accusations, et le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Australie ont également poursuivi un certain nombre de personnes. Samedi, le premier ministre a fait une longue déclaration sur les mutilations génitales féminines. En voici un extrait :

Chez nous, nous pouvons contribuer à cet effort en améliorant la collecte de données. Nous pouvons également offrir des renseignements et de la formation aux fournisseurs de services de santé afin de les aider à identifier les personnes à risque et à aider les survivantes en leur offrant un soutien social adapté à leur culture ainsi que des services de santé et des services psychologiques.

Or, nulle part dans cette déclaration, le premier ministre n’affirme qu’il veillera à ce que les responsables de ces mutilations soient traduits en justice. Monsieur le leader du gouvernement, dans cette déclaration de deux pages, il n’est absolument pas question de protéger les jeunes filles concernées. Puis-je vous demander de vous informer des raisons pour lesquelles le Canada ne prend pas les devants pour protéger les jeunes filles à risque?

Le sénateur Gold : Merci sénatrice. Je partage votre aversion pour cette pratique, et je comprends très bien à quel point la question que vous posez est douloureuse. Cependant, ce n’est pas au gouvernement du Canada — notamment au procureur général du Canada ou au ministre de la Justice, et encore moins au premier ministre du Canada — qu’il incombe d’ordonner aux procureurs généraux des provinces d’intenter des poursuites contre les auteurs de ces crimes.

Cela dit, comme je l’ai indiqué précédemment, je vais certainement me renseigner pour savoir quelles informations et données ont été recueillies au niveau national afin de mieux comprendre la situation dont vous avez parlé.

Les affaires étrangères

Les droits de la personne au Sri Lanka—La politique en matière de crémation

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, depuis mars 2020, le gouvernement du Sri Lanka impose la crémation pour les victimes de la COVID-19. La situation soulève l’indignation et la colère parmi les groupes musulmans et chrétiens du Sri Lanka, qui sont horrifiés de voir ainsi bafouées leurs traditions en matière de rites funéraires. Cette politique n’est nullement fondée sur la science. En fait, les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé permettent clairement les enterrements et la crémation des dépouilles des victimes de la COVID-19.

Quelles mesures le gouvernement canadien prend-il pour persuader le gouvernement du Sri Lanka de mettre fin aux crémations forcées?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur. Je vais me renseigner et je serai heureux de faire rapport au Sénat dès que je recevrai une réponse.

Le sénateur Ravalia : J’aimerais ajouter, monsieur le leader, que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies se réunit le mois prochain. Le Canada pourrait peut-être en profiter pour soulever cette question cruciale concernant la restriction des droits fondamentaux des citoyens du Sri Lanka. Merci, monsieur le leader.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de cette suggestion. Je vais assurément la transmettre au ministre concerné.

[Français]

La santé

La distribution des vaccins contre la COVID-19

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, le Québec compte maintenant plus de 10 000 décès attribuables à la COVID-19 et attend toujours les vaccins promis par le gouvernement Trudeau, qui continue de cacher les ententes qu’il a signées avec les compagnies pharmaceutiques.

(1510)

Hier, le Canada est passé au 37e rang pour son taux de vaccination. Je vous dirais que c’est honteux et inacceptable après tout le pétage de bretelles du premier ministre Trudeau sur ses achats de vaccins.

Ce qui est encore plus inquiétant aujourd’hui, c’est de constater que dans les statistiques mondiales compilées par l’Université d’Oxford, le Canada n’a pas fourni ses chiffres depuis le 30 janvier. Je vous dirais que c’est le seul grand pays qui est en défaut. Donc, cela fait 10 jours que votre premier ministre cache la vérité sur la situation du Canada.

Monsieur le leader, quand allons-nous savoir la vérité sur la gestion désastreuse de la vaccination du premier ministre, qui promet — sans en être capable — de livrer la marchandise?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question.

Le gouvernement du Canada communique l’information à toutes les instances internationales au fur et à mesure qu’elle est reçue des provinces et territoires, et des administrations responsables. Je répète que la position du gouvernement, malgré les délais et les embûches, est de faire confiance aux mesures mises en place — aux ententes avec les compagnies — et à la possibilité que les autres vaccins qui sont à l’étude par Santé Canada feront en sorte que nous allons atteindre notre objectif d’avoir un vaccin pour tous ceux et celles qui le veulent d’ici le mois de septembre ou avant.

Le sénateur Dagenais : Évidemment, monsieur le leader, vous revenez souvent sur les ententes avec les compagnies. Est-ce qu’un jour il sera possible de savoir ce qui est écrit dans ces ententes? Actuellement, on dirait que c’est toujours la culture du secret qui prévaut, car on ne peut pas savoir ce qu’il y a dans les contrats.

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question.

Je vais poursuivre avec la réponse que je vous ai offerte hier. Dans chaque contrat commercial, il y a des obligations de confidentialité. Il y a aussi le gros bon sens. Il n’est pas toujours dans notre intérêt, comme pays qui a la responsabilité de protéger la santé et le bien-être des Canadiens, de divulguer aux compétiteurs — les autres pays — les détails de nos ententes. Le gouvernement demeure convaincu qu’il a mis en place un système et des ententes qui vont ultimement porter leurs fruits et se porter au secours de la santé des Canadiens.

[Traduction]

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold. Je n’avais pas prévu poser une question aujourd’hui, mais hier je suis allé me coucher avec à l’esprit les milliers de foyers collectifs où vivent des jeunes et des moins jeunes atteints de déficiences intellectuelles et physiques. Je sais que les habitants de certains de ces foyers collectifs ont déjà été vaccinés parce que leur lieu de résidence figurait sur la liste des priorités. Toutefois, Sénateur Gold, je n’ai pas pu m’empêcher de penser, entre autres, aux dizaines de milliers d’athlètes des Jeux olympiques spéciaux qui vivent seuls de manière autonome, et qui, comme le démontrent les statistiques, font partie d’un groupe vulnérable à la COVID-19. Je ne peux pas me résigner à laisser les choses aller. Hier, vous avez indiqué que vous vous renseigneriez sur la question.

Je me demande si vous — ou les membres de votre personnel ou quiconque — êtes parvenus à obtenir des données statistiques sur ces gens vulnérables, ces jeunes adultes, qui vivent à la maison. Ont-ils déjà été vaccinés ou le seront-ils seulement dans le second segment des personnes qui pourront recevoir le vaccin? Nous avons entendu que depuis trois ou quatre semaines, le nombre de cas diminue dans les centres de soins de longue durée. C’est une bonne chose. Toutefois, je ne suis pas sûr qu’une diminution semblable des cas peut aussi être observée chez les personnes qui ne vivent pas dans ces centres ou qui y vivent, mais qui n’ont pas encore été vaccinées. Comme vous avez dit que vous vous renseigneriez à ce sujet, pouvez-vous nous en dire plus aujourd’hui?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et de ne pas abandonner ce dossier. C’est un enjeu important. J’ai bien demandé des renseignements hier, mais je n’ai pas encore eu de réponse. Même si j’ai fait une promesse au Sénat et que je fais de mon mieux pour obtenir rapidement des réponses, cela ne se fera pas aussi promptement. Comme je l’ai dit hier, et je n’en éprouve aucune satisfaction, ce sont les provinces qui décident des priorités en fonction de ressources qui demeurent restreintes. La province du Québec, d’où je viens, a accordé la priorité aux résidants des établissements de soins de longue durée devant d’autres personnes, dont ma mère de 92 ans qui ne sait toujours pas quand elle sera vaccinée. L’Ontario a fixé d’autres priorités, comme l’ont fait d’autres provinces.

Je continuerai de réclamer des réponses à vos questions, honorable collègue, et je vous reviendrai dès que j’aurai obtenu des réponses. Merci encore.

Le sénateur Munson : Sénateur Gold, je sais que vous êtes empathique. Je n’en doute pas. Je le comprends tout à fait. Puis-je cependant vous suggérer de demander conseil au Comité consultatif national de l’immunisation? Il s’agit d’un organisme scientifique externe qui a formulé des recommandations à l’Agence de la santé publique du Canada, bien avant qu’un vaccin eût été développé. Or, j’épluche toute la liste incluse dans ses recommandations, et je vois plusieurs termes, dont les établissements de soins et autres, mais — et peut-être qu’un membre de l’organisme qui nous écoute pourra me corriger si je me trompe — je ne vois nulle part de mention de « personnes ayant une déficience intellectuelle », « personnes accusant un retard de développement » ou « personnes ayant une déficience physique », qui sont dans une situation vulnérable.

Par conséquent, lorsque vous demanderez des renseignements, puis-je, en toute humilité, suggérer de demander au gouvernement fédéral d’écouter les recommandations de cet organisme, pour qu’il puisse tout de même aider les provinces? Je crois que mieux nous connaîtrons les chiffres, mieux nous nous sentirons et en meilleure sûreté nous serons tous. Merci.

Le sénateur Gold : Je m’engage certainement à y voir. Merci.

Les services publics et l’approvisionnement

Les seringues à faible espace mort

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Aujourd’hui, Santé Canada a approuvé un changement d’étiquette pour le vaccin Pfizer afin d’extraire six doses par flacon au lieu de cinq. Pour ce faire, il faut utiliser des seringues à faible espace mort pour minimiser le gaspillage de vaccins. Au début du mois, la ministre Anand a déclaré que le gouvernement avait augmenté sa commande de ce type de seringues. Les professionnels de la santé chargés de l’administration du vaccin devront recevoir une formation — au moyen de vidéos qui montreront la technique précise pour extraire six doses de manière fiable — sur l’utilisation de seringues à faible espace mort.

Sénateur Gold, combien de seringues à faible espace mort le gouvernement estime-t-il qu’il faudra pour achever la vaccination des Canadiens contre la COVID-19? Combien de ces seringues sont arrivées au Canada à ce jour, et ont-elles été livrées aux provinces et aux territoires? Enfin, comment le gouvernement va-t-il appuyer la formation du personnel chargé d’administrer les doses de vaccins? Je vous remercie.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de vos questions, qui sont importantes. Il va sans dire que je ferai tout mon possible pour obtenir les renseignements le plus rapidement possible. Je ne connais pas les chiffres. J’étais au courant de l’annonce, comme vous l’avez mentionné, et je vais me renseigner auprès de la ministre et du ministère concerné. Bref, je vais m’efforcer de fournir des réponses aux sénateurs dans les meilleurs délais.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Seidman, avez-vous une question complémentaire?

La sénatrice Seidman : Oui, si c’est possible.

Monsieur le leader du gouvernement, comme vous l’avez indiqué hier, le gouvernement du Canada a décidé de ne pas rendre publics les contrats d’approvisionnement qu’il a conclus avec des fabricants de vaccins. Pourriez-vous vous renseigner et nous faire savoir si, dans les contrats d’approvisionnement que le gouvernement a conclus avec chacune des compagnies pharmaceutiques — soit Moderna, AstraZeneca, Medicago, Johnson & Johnson, Novavax et Sanofi-GlaxoSmithKline —, il est précisé qu’il faut utiliser des seringues à faible espace mort pour minimiser le gaspillage de vaccins?

(1520)

Le sénateur Gold : Je compte certainement m’informer, sénatrice. La pertinence de présenter un rapport dépendra des réponses que j’obtiendrai, mais je vous assure que je ferai de mon mieux pour obtenir ces renseignements.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup.

La santé

Le vaccin contre la COVID-19

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Le déploiement des vaccins contre la COVID-19 au Canada dépend de vaccins fabriqués en Europe. Toutefois, comme tout le monde le sait, l’Union européenne n’a pas exempté le Canada des mesures de contrôle des exportations de vaccins qu’elle a mises sur pied. Heureusement, l’Union européenne n’a pas perturbé notre approvisionnement jusqu’à présent, mais il nous reste encore un long chemin à parcourir pour faire en sorte que l’ensemble de la population canadienne soit vaccinée. La Commission européenne a récemment déclaré qu’elle se servirait de son système de contrôle des exportations de vaccins dans certains cas très précis.

Monsieur le leader, le premier ministre et la ministre Ng admettent qu’ils n’ont pas insisté auprès de leurs homologues européens pour que le Canada bénéficie d’une exemption écrite. Un membre du gouvernement a-t-il au moins tenté d’obtenir auprès de la Commission européenne une explication par écrit au sujet de ces cas très précis?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement est demeuré en contact étroit avec ses homologues, tant au sein de l’Union européenne qu’avec chacun de ses États membres. On m’a informé que lors de ses entretiens avec ses homologues européens, le premier ministre a reçu l’assurance de l’Union européenne que les mécanismes d’exportation n’affecteront pas les livraisons de vaccins au Canada.

Pour le moment, il s’agit du seul renseignement dont je dispose. À mon avis, les Canadiens devraient avoir confiance en nos liens durables avec l’Union européenne et ses États membres. Nous espérons que ces bonnes relations permettront d’éviter que les livraisons de vaccin ne soient compromises.

La sénatrice Martin : Hier, le Toronto Star a indiqué que l’approvisionnement du Canada en vaccins de Moderna a été interrompu en raison des mesures de contrôle des exportations de l’Union européenne, ce qui a nui à l’approvisionnement en matériaux de l’entreprise. Si l’article est fondé, il semble que les perturbations des approvisionnements de Moderna pourraient durer plus longtemps que ce qu’a admis le gouvernement. En convenez-vous, sénateur? Le cas échéant, pourquoi la ministre Anand prétend-elle que les retards dans les livraisons de vaccins sont bien terminés, comme vous l’avez affirmé hier?

Le sénateur Gold : Merci, sénatrice. Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement de Moderna sont malheureuses et certainement indépendantes de notre volonté, mais c’est la ministre qui communique avec ses homologues, et elle a indiqué qu’elle estime que cette situation n’aura ultimement pas de répercussions négatives sur les livraisons que nous devrions recevoir chaque trimestre.

Réponses différées à des questions orales

(Le texte des réponses différées figure en annexe, p. 882.)


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, avant de reprendre le débat sur le projet de loi C-7, permettez-moi de vous rappeler qu’aujourd’hui nous commencerons à traiter du projet de loi selon des thèmes. Aujourd’hui, nous commençons avec le débat sur les questions relatives à la maladie mentale et à la maladie dégénérative. Comme vous le savez, les discours et les amendements ne doivent traiter que de ce thème. Un sénateur ne peut parler qu’une fois sur la motion à l’étape de la troisième lecture au cours du débat sur ce thème, mais il peut également parler une fois sur tout amendement ou sous-amendement proposé.

Chaque discours sur la motion principale tendant à la troisième lecture est limité à un maximum de 10 minutes, mais si le sénateur a fait parvenir un amendement avant 17 heures hier et qu’il a l’intention de le proposer, son temps de parole est prolongé à 15 minutes. Le temps de parole prévu pour les amendements et sous-amendements est de six minutes.

S’il y a demande de vote par appel nominal, la sonnerie retentira pendant 15 minutes, et le vote ne pourra être différé. Cependant, chaque whip ou agent de liaison pourra prolonger la durée de la sonnerie à 30 minutes.

Une fois le débat sur le premier thème conclu — que ce soit aujourd’hui ou à une séance subséquente —, on abordera le prochain thème. Il n’est pas possible de revenir à un thème précédent.

Permettez-moi de vous remercier de nouveau, honorables sénateurs, de votre collaboration.

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Petitclerc, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, c’est un privilège de prendre la parole au sujet du projet de loi C-7 à l’étape de la troisième lecture.

Comme de nombreux sénateurs, je suis profondément préoccupé par les inégalités aux chapitres de la santé et des droits de la personne que les discussions sur ce projet de loi ont une fois de plus mises en lumière. Bien que ce projet de loi, qui a une portée limitée — il modifie le Code criminel du Canada —, ne puisse pas traiter de manière adéquate ces questions importantes, j’espère que tous les sénateurs continueront de chercher activement des solutions efficaces à ces problèmes, comme améliorer la vie des personnes handicapées et investir dans de meilleurs soins pour les personnes atteintes d’une maladie mentale grave et persistante.

Mes remarques vont porter sur la disposition d’exclusion concernant la maladie mentale et je vais proposer un amendement à la fin de mon intervention. Je pense que l’application d’une disposition de caducité abrogeant la disposition d’exclusion 18 mois après la date de la sanction royale pour le projet de loi C-7 est nécessaire.

Je n’ai pas pris la décision de contester cette disposition à la légère. J’ai passé plus de 30 ans de ma vie à prendre soin de personnes atteintes de maladies mentales graves et persistantes, et à enseigner à des centaines d’autres comment soigner ce type de patient. J’en ai passé des nuits blanches à m’inquiéter pour mes patients et leur famille. Mes compétences m’ont amené à évaluer des milliers de personnes afin de déterminer leur capacité à prendre des décisions ou leur risque de se suicider. J’ai mené d’innombrables batailles contre des administrateurs, des médecins, des représentants gouvernementaux, des bailleurs de fonds et autres entités pour défendre le droit des personnes ayant une maladie mentale à être respectées, à lutter contre la discrimination à leur égard, et à promouvoir leur droit à un traitement égal à celui des patients ayant d’autres types de maladies. J’ai aussi ma propre histoire personnelle, avec ses joies et ses peines. Le fait que je sois discret sur cet aspect de ma vie ne signifie pas pour autant que j’en sois épargné.

Il y a deux raisons principales pour amender cette disposition, et je vais les aborder l’une après l’autre.

Premièrement, le projet de loi ne définit pas ce qu’on entend par maladie mentale. Par conséquent, cela entraînera des défis considérables sur les plans de la pratique et de la réglementation, y compris la menace de la responsabilité criminelle pour les fournisseurs de l’aide médicale à mourir.

Deuxièmement, la disposition excluant la maladie mentale est une forme de stigmatisation et elle est discriminatoire. Par conséquent, elle est probablement inconstitutionnelle.

Tout d’abord, la maladie mentale n’est pas définie dans le projet de loi, ce qui est inacceptable. Sans une définition claire et rationnelle de la maladie mentale, la disposition sera sujette à de multiples interprétations différentes, sera une source de confusion pour les cliniciens qui prodiguent l’aide médicale à mourir et compromettra la capacité des organismes de réglementation de la profession médicale à faire leur travail. En cas d’interprétations multiples, les patients qui cherchent à obtenir de l’aide médicale à mourir pourraient être contraints de se rendre dans des régions du Canada où l’interprétation utilisée par les fournisseurs correspond mieux à leurs besoins. Les patients atteints de la même affection dans une province ou un territoire pourraient être considérés comme admissibles ou inadmissibles en fonction de la définition de la maladie mentale de chaque praticien.

Les personnes atteintes de troubles neurocognitifs, tels que la démence, pourraient se voir refuser l’évaluation pour l’aide médicale à mourir. Selon les systèmes de diagnostic internationaux comme le Manuel diagnostic et statistique et la Classification internationale des maladies, il s’agit de troubles mentaux, et les personnes qui en sont atteintes sont fréquemment traitées par une équipe de professionnels de la santé dont le médecin principal est souvent un psychiatre. Il en va de même pour les patients ayant d’autres affections somatiques comme la fibromyalgie et les douleurs chroniques. En raison de cette disposition d’exclusion, les personnes atteintes de ces maladies et d’autres affections pourraient se voir refuser l’accès à une évaluation pour l’aide médicale à mourir.

Seuls les tribunaux peuvent fournir une définition officielle d’un terme qui n’est pas explicitement défini dans la loi. Il s’agit d’un processus qui prend du temps, qui est très coûteux et qui favorise les gens qui disposent des ressources nécessaires pour intenter un procès. C’est injuste.

Enfin, en ce qui concerne la définition, en l’absence de clarté, les cliniciens portent un fardeau exceptionnellement lourd et risquent d’être tenus criminellement responsables de toute mauvaise décision, bien qu’ils n’aient aucune idée de ce qui constitue une mauvaise décision. Les collèges provinciaux et territoriaux ne sauront également pas quelle définition utiliser pour encadrer l’aide médicale à mourir et imposer des mesures disciplinaires, ce qui pourrait affaiblir les normes professionnelles et les mesures de sauvegarde qui ont été mises en place. Tout cela aurait pour effet de travestir l’esprit de la loi.

(1530)

Deuxièmement, la disposition sur l’exclusion de la maladie mentale est stigmatisante, discriminatoire et, ainsi, fort probablement inconstitutionnelle.

Alors que l’on supprimerait la mort raisonnablement prévisible comme critère d’admissibilité pour les personnes dont les souffrances aiguës découlent d’une maladie physique ou d’une combinaison de maladies physiques et mentales, ce serait discriminatoire et, donc, inconstitutionnel d’exclure les personnes dont les souffrances intenses et constantes découlent uniquement d’une maladie mentale.

Voici ce qu’en dit l’Association des psychiatres du Canada dans son mémoire de novembre 2020 :

[Cette disposition] a pour effet de répandre une fausse distinction entre la santé mentale et la santé physique. Elle entraînera des répercussions comme une stigmatisation accrue de ceux qui vivent avec des maladies mentales.

Le mémoire de l’Association des psychiatres du Canada poursuit en qualifiant cette disposition de « vague, arbitraire et exagérée » et évoque une violation de l’article 7 de la Charte. L’Association des médecins psychiatres du Québec affirme que la disposition n’avait aucune justification clinique et attire l’attention sur une vérité qui dérange, à savoir que ce projet de loi accorde l’aide médicale à mourir à ceux qui ont une maladie mentale en plus d’une autre maladie, par exemple, la dépression et la maladie de Parkinson, tandis qu’il refuse cette aide aux personnes qui souffrent seulement d’une maladie mentale. En l’absence d’une justification pouvant être démontrée, cela nous amène à penser que cette disposition ne satisfera pas le critère de l’article 1 de la Charte.

L’aide médicale à mourir ne doit pas être liée au diagnostic que la personne a reçu. Elle est conçue et mise en œuvre pour permettre aux Canadiens d’exercer leur autonomie lorsqu’ils décident de mettre fin aux souffrances intolérables qui résultent d’un problème de santé parce qu’ils n’en peuvent plus et lorsque tous les critères juridiques pour obtenir cette aide sont respectés.

La souffrance intolérable est une expérience personnelle subjective qu’on ne peut nier ou contester avec une simple évaluation, peu importe la personne qui la réalise, et cela comprend les fournisseurs de soins de santé.

Soyons très clairs. Ce qui constitue une souffrance irrémédiable et intolérable peut varier selon la personne. Il s’agit donc forcément d’un critère subjectif qu’on ne peut pas établir uniquement en posant un diagnostic.

Même si elles sont liées à une maladie mentale, les souffrances intolérables ne sont pas moins importantes pour autant. Elles doivent être prises au sérieux au même titre que les souffrances des personnes qui demandent l’aide médicale à mourir en raison de tout autre problème de santé.

Dans sa déclaration de principes publiée en février 2020, l’Association des psychiatres du Canada affirme ceci :

Les patients souffrant d’une maladie psychiatrique ne devraient pas faire l’objet de discrimination uniquement en fonction de leur incapacité et devraient disposer des mêmes options liées à [l’aide médicale à mourir] dont tous les patients peuvent se prévaloir.

L’Association des médecins psychiatres du Québec et l’Ordre des psychologues du Québec concluent que les personnes dont la seule affection sous-jacente est une maladie mentale devraient être admissibles à l’aide médicale à mourir, de la même façon que les personnes qui éprouvent des souffrances persistantes et intolérables à cause d’une maladie physique ou d’une comorbidité physique associée à une maladie mentale, à condition qu’elles répondent à tous les critères prévus dans la loi.

Exposons clairement cette situation discriminatoire fondée sur des préjugés. Selon l’exception prévue dans le projet de loi C-7, une personne atteinte à la fois d’une maladie physique et d’une maladie mentale qui est aux prises avec des souffrances intolérables, mais qui pourrait vivre encore plusieurs années, pourrait demander l’aide médicale à mourir, tandis qu’une personne dans la même situation, mais qui est atteinte d’une maladie mentale seulement, ne pourrait même pas demander à ce qu’on abrège ses souffrances.

Selon la grande majorité des constitutionnalistes que nous avons entendus, l’exception prévue à l’égard de la maladie mentale est inconstitutionnelle. Elle va à l’encontre des articles 7 et 15 de la Charte, et elle ne peut être justifiée en invoquant l’article 1. Ces experts font valoir que l’arrêt Carter n’empêche pas les personnes dont la seule affection sous-jacente est une maladie mentale d’avoir accès à l’aide médicale à mourir, et l’arrêt de la Cour suprême du Canada a été suivi d’autres causes dans lesquelles les tribunaux sont arrivés à la même conclusion et ont ainsi confirmé la décision.

Je sais que le Sénat ne doit pas présumer de ce que diront les tribunaux, mais selon moi, il ne doit pas non plus adopter consciemment une mesure législative qui forcera les Canadiens à s’adresser de nouveau aux tribunaux parce qu’il n’a pas suffisamment tenu compte de la Charte et qu’il a fait fi de la jurisprudence. L’exclusion pour des motifs de maladie mentale a été abordée dans le cadre de l’affaire Carter, et la Cour suprême s’est prononcée contre. Cette dernière a aussi avalisé la compétence des médecins en la matière :

[...] il est possible pour les médecins de bien évaluer la capacité décisionnelle avec la diligence requise et en portant attention à la gravité de la décision à prendre.

Dans l’affaire E.F., il a été avancé que les personnes ayant des problèmes psychiatriques étaient expressément exclues de l’aide médicale à mourir, mais la Cour d’appel de l’Alberta a rejeté cet argument. C’est aussi ce qui est arrivé dans l’affaire Truchon. Aucune de ces causes ne s’est rendue jusqu’en Cour suprême. Pourtant, le gouvernement essaie encore, cette fois-ci par l’entremise du projet de loi C-7, d’aller à l’encontre de tous les jugements des tribunaux et d’exclure la maladie mentale comme seul problème médical invoqué.

Hier, le sénateur Woo a affirmé que le Sénat ne peut préjuger de rien et qu’il a besoin de données pour prendre une décision. Eh bien, nous avons déjà des jugements rigoureux et une preuve abondante ayant résisté à l’examen des tribunaux. Nous sommes loin d’avancer en terrain inconnu.

Chers collègues, de nombreux sénateurs estiment qu’il est de notre devoir de réviser et de corriger les mesures législatives que nous estimons contraires à la Charte, surtout quand cette opinion est corroborée par les faits.

Je vais maintenant aborder la disposition de caducité. La période de 18 mois permet la prise d’un certain nombre de mesures nécessaires. Comme il a été soulevé pendant l’étude du projet de loi C-7, il est devenu évident que les données recueillies en ce moment par Santé Canada sur l’aide médicale à mourir doivent être grandement améliorées. Comme l’a fait valoir la sénatrice Jaffer, il faut notamment recueillir des données qui permettent les analyses fondées sur la race. Santé Canada doit mener des consultations auprès de participants de diverses communautés, disciplines, cultures et régions, ainsi qu’auprès d’experts dans les méthodes qualitatives et quantitatives. La période de 18 mois serait suffisante pour permettre de telles consultations.

Pendant l’étude au comité, on a soulevé quelques préoccupations au sujet des processus d’évaluation. Pourtant, des experts psychiatres et des sommités nationales en matière d’éducation, comme la Dre Donna Stewart et la Dre Justine Dembo, qui effectuent des évaluations de l’aide médicale à mourir, se sont opposés avec véhémence à ce point de vue en s’appuyant sur leur expérience. En tant qu’ancien examinateur du Collège royal, je peux affirmer avec confiance que les psychiatres qui mènent les évaluations de l’aide médicale à mourir sont sans contredit en mesure d’évaluer la capacité décisionnelle et la suicidalité des personnes atteintes de troubles mentaux qui demandent cette procédure. Comme l’Association des médecins psychiatres du Québec l’a précisé :

L’évaluation de la capacité et du risque de suicide fait partie des aptitudes cliniques fondamentales de tous les psychiatres. Il ne s’agit pas d’une question d’opinion.

C’est plutôt une question de fait. L’évaluation de la capacité décisionnelle et de la suicidalité fait partie des exigences de formation du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada pour tous les psychiatres. On ne peut pas devenir psychiatre sans détenir ces compétences.

Toutefois, les Canadiens aimeraient que tous les évaluateurs de demandes d’aide médicale à mourir maîtrisent mieux ces compétences. Ils peuvent y parvenir en suivant un programme agréé de perfectionnement professionnel. Une disposition de caducité de 18 mois donnerait suffisamment de temps pour élaborer un tel programme, l’agréer et le rendre largement accessible. Cela permettrait de normaliser l’évaluation des demandes d’aide médicale à mourir et la prestation de l’aide médicale à mourir à l’échelle du pays.

Je suis heureux de pouvoir informer mes collègues qu’on est déjà en train d’organiser un programme national de formation sur l’aide médicale à mourir, qui sera agréé par le Collège royal des médecins et chirurgiens et le Collège des médecins de famille du Canada. Je crois comprendre qu’il s’inspirera des meilleures données disponibles sur tous les aspects de l’évaluation des demandes d’aide médicale à mourir et de la prestation de l’aide médicale à mourir, qu’il attirera l’attention sur les questions liées aux demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée, qu’il tiendra compte des perspectives et des pratiques autochtones et qu’il sera sûr et adapté au contexte culturel. On a invité l’organisme-cadre national de réglementation de la profession médicale à participer au programme.

En outre, puisque le Code criminel du Canada n’est pas l’outil approprié pour réglementer la prestation des soins de santé, cette disposition donnerait aux gouvernements provinciaux et territoriaux le temps nécessaire en vue d’entreprendre, d’après le projet de loi C-7, l’élaboration des normes professionnelles et des mesures de sauvegarde pour l’évaluation des demandes d’aide médicale à mourir et la prestation de l’aide médicale à mourir. Par exemple, au Québec, l’Association des médecins-psychiatres du Québec a déjà proposé des mesures de sauvegarde supplémentaires. La disposition nous donnerait aussi le temps de procéder à l’examen parlementaire promis par le gouvernement. Il ne faudrait pas négliger de respecter les droits des personnes atteintes de maladie mentale, qui sont garantis par la Charte, parce que mener à terme un examen parlementaire prend du temps et pose des défis sur le plan politique. Ce fardeau incombe au Parlement, et non aux particuliers. La disposition de caducité confie au Parlement, à juste titre, la responsabilité d’achever l’examen parlementaire dans les délais appropriés.

En résumé, nous pouvons reconnaître les inquiétudes exprimées. Nous pouvons y répondre en adoptant des mesures efficaces qui ne relèvent pas du Code criminel, mais de la compétence des provinces et des territoires, comme l’exige la Constitution, et cette assemblée peut éviter de donner du poids à la disposition sur l’exclusion de la maladie mentale, qui est stigmatisante et discriminatoire.

Adoption de la motion d’amendement

L’honorable Stan Kutcher : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-7 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a) à l’article 1, à la page 3, par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit :

« (2.1) Le paragraphe 241.2(2.1) de la même loi est abrogé. »;

b) à la page 9, par adjonction, après la ligne 33, de ce qui suit :

« Entrée en vigueur

5 Le paragraphe 1(2.1) entre en vigueur dix-huit mois après la date de sanction de la présente loi. ».

Merci. Meegwetch.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Procédons au débat sur l’amendement.

(1540)

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je vais appuyer l’amendement du sénateur Kutcher. J’ai longuement parlé dans le discours que j’ai prononcé hier, tout comme dans celui que j’ai prononcé au mois de décembre, de la discrimination que subissent les personnes atteintes de troubles mentaux en ce qui concerne la disposition contenue dans le projet de loi C-7. Évidemment, tout cela forcera encore une fois des gens démunis et vulnérables à faire appel aux tribunaux pour faire déclarer ce projet de loi inconstitutionnel. D’ailleurs, ce projet de loi sera manifestement déclaré inconstitutionnel en vertu de la jurisprudence de la Cour suprême.

Il faut éviter de placer le poids des contestations judiciaires sur les personnes démunies. L’avantage d’une disposition de temporisation fait en sorte que, pendant cette période — personnellement, j’aurais suggéré une période de 12 mois, et pas nécessairement de 18 mois — avec laquelle je suis tout de même à l’aise, le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, ainsi que les ordres professionnels seront en mesure d’établir les critères de la pratique, la façon de faire et la manière d’évaluer si l’on va autoriser l’aide médicale à mourir pour les personnes qui ont des troubles mentaux, pour en arriver à créer un certain consensus.

On a vu que nous avons progressé au Québec; évidemment, l’arrêt Truchon a retiré le concept de mort raisonnablement prévisible contenu dans la loi fédérale, mais il a aussi supprimé un critère équivalent de fin de vie dans la loi québécoise. Le Québec, au lieu de demander une suspension, a immédiatement travaillé avec l’Association des médecins psychiatres du Québec pour établir des critères et des façons d’examiner la question avec le Collège des médecins du Québec. On a déjà commencé à poser des balises en conséquence; j’ai vu un échange de lettres entre le ministre de la Santé, M. Dubé, et le ministre de la Justice, M. Jolin-Barrette, échange qui a été partagé avec leurs homologues au gouvernement fédéral et dans lequel ils ont proposé de contribuer à l’exercice et de partager le fruit de leurs recherches.

La période de 18 mois sera donc importante pour mettre en place les éléments requis en vue d’atteindre cet objectif, et cela ne se fera pas sur le dos des personnes démunies. Il y a aussi un autre avantage à cette période de 18 mois, car si on laisse les gens contester cette disposition, celle-ci sera, de toute façon, déclarée inconstitutionnelle, et la cour risque fort d’accorder un délai afin d’organiser les choses.

Cela ferait en sorte qu’une personne atteinte de maladie mentale ne pourrait donc pas, de toute façon, avoir accès rapidement à l’aide médicale à mourir. Je crois donc que la période de 18 mois permettra de trouver un équilibre entre les droits des personnes et la mise en place d’un système qui sera en mesure de protéger le public et de respecter les droits de chacun.

Je vais donc appuyer l’amendement du sénateur Kutcher et je le félicite de l’avoir proposé.

Des voix : Bravo!

L’honorable Pierre J. Dalphond : Je prendrai le ballon qu’a lancé le sénateur Carignan, parce que je partage tout à fait sa position.

[Traduction]

Comme vous le savez tous maintenant, le projet de loi C-7 propose de refuser l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes vivant des souffrances intolérables et prolongées en raison d’une maladie mentale, et ce, même si leur problème de santé est grave et irrémédiable. Selon le gouvernement, cette exclusion automatique est nécessaire pour protéger les personnes qui souffrent d’une maladie mentale parce que l’évaluation de la capacité est plus difficile à effectuer dans les cas où il est question de maladie mentale et où le désir de mourir constitue un symptôme de la maladie. C’est le raisonnement du gouvernement.

Cette exclusion générale soulève de nombreux problèmes, comme l’excellent mémoire du sénateur Joyal le montre. J’ai eu l’honneur de le distribuer à vous tous dimanche passé.

Aux réunions du comité, nous avons entendu de nombreux experts qui ont expliqué comment les problèmes de santé mentale et physique s’entremêlent souvent, comment les troubles de l’esprit peuvent affecter le corps et vice-versa.

Nous avons aussi entendu des témoignages selon lesquels il est illogique d’exclure les Canadiens qui souffrent uniquement de maladie mentale tout en permettant l’accès à ceux qui ont des problèmes de santé mentale et physique. Dans ces cas, il faut aussi effectuer des évaluations de la capacité, et il semble que c’est possible sans grande difficulté en pratique.

En réalité, comme beaucoup de témoins l’ont dit, l’exclusion proposée renforce, perpétue et exacerbe les mythes et les préjugés entourant la maladie mentale, y compris la croyance selon laquelle les souffrances associées aux maladies mentales sont en quelque sorte moins légitimes que celles causées par les problèmes physiques et que les personnes atteintes d’une maladie mentale n’ont pas la capacité de prendre des décisions par rapport à leurs propres souffrances en toute autonomie.

Plus récemment, en Ontario, dans l’affaire Ontario (Procureur général) c. G, la Cour suprême a jugé que l’exclusion automatique de toutes les personnes souffrant de maladies mentales était discriminatoire, et elle a fourni ces explications :

Même si les traitements les plus odieux dont les personnes atteintes de troubles mentaux ont fait l’objet au début du 19e siècle sont chose du passé, certaines attitudes stigmatisantes subsistent encore à ce jour au sein de la société canadienne [...] Bien que des attitudes et des effets discriminatoires subsistent malheureusement à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux, ils ne doivent pas avoir force de loi.

La Cour suprême ajoute que pour être valide, l’exclusion doit inclure le processus qui prévoit des évaluations individuelles. En d’autres mots, une exclusion automatique généralisée ne convient pas. Il faut permettre des évaluations au cas par cas.

En comité, des experts ont affirmé que l’évaluation des demandes d’aide médicale à mourir des personnes atteintes de maladies mentales pouvait être réalisée au cas par cas sans problème, et qu’on avait d’ailleurs déjà procédé ainsi. Ainsi, l’exclusion générale déborde du cadre de ce qui est nécessaire pour protéger ceux qui souffrent de maladies mentales.

[Français]

Je préférerais retirer complètement la disposition ayant trait à l’exclusion. Cependant, je comprends qu’il faut un certain temps à la profession médicale pour mettre en place des normes uniformes à travers le pays afin d’assurer le respect des exigences prévues au projet de loi C-7. Pour cette raison, j’appuie l’idée d’une disposition de temporarisation, comme le propose le sénateur Kutcher.

Je tiens à souligner que cette période de temporarisation ne vise pas à assurer que les psychiatres reçoivent une formation sur l’évaluation de l’aptitude à consentir ou sur la suicidalité. Comme l’Association des médecins psychiatres du Québec l’a fort bien dit, ils sont déjà des experts sur ces questions, qui font partie de leur formation fondamentale.

L’Association des médecins psychiatres du Québec, l’une des organisations les plus avancées sur la question au Canada, nous a indiqué que le système pourrait être opérationnel au Québec d’ici 12 mois. Je comprends cependant que ce n’est peut-être pas la situation à l’échelle du pays et que, par conséquent, une période de 18 mois semble raisonnable.

Il ne faut pas non plus écarter la possibilité que le gouvernement souhaite apporter un ajustement aux mesures de sauvegarde d’ici la fin de la période d’exclusion. Une telle intervention du gouvernement et du Parlement, surtout dans le contexte actuel, pourrait requérir davantage qu’un délai de 12 mois.

(1550)

[Traduction]

Pour conclure, je remercie le sénateur Kutcher d’avoir proposé cet amendement et j’invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour l’appuyer. Je vous remercie.

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, j’interviens dans le débat pour appuyer l’amendement louable proposé par le sénateur Kutcher, qui prévoit une disposition de caducité dont on a bien besoin relativement à l’exclusion de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant d’une maladie mentale.

Avant de préciser davantage ma pensée, j’aimerais profiter de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont travaillé d’arrache-pied pour veiller à ce que les témoignages et les mémoires soient bien reçus par le Comité des affaires juridiques. Je remercie tout particulièrement la présidente, la sénatrice Jaffer, et la vice-présidente, la sénatrice Batters. Il n’y a pas de mots pour exprimer à quel point ce fut une occasion incroyable et instructive, de même qu’un privilège, d’observer chaque jour les séances du comité en ligne.

Je veux aussi remercier les nombreux citoyens qui m’ont fait part avec passion, par courriel, de leurs inquiétudes à l’égard de l’ensemble des aspects du projet de loi C-7. Je salue également les membres d’organisation avec lesquels j’ai eu l’honneur de m’entretenir en ligne et qui ont continué à alimenter mes réflexions.

Cette exclusion s’ajoute à la liste des innombrables exemples où l’on ne prend pas au sérieux les Canadiens souffrant d’une maladie mentale, comme si leur souffrance était incomprise ou qu’elle n’existait pas en quelque sorte. Je crois que cette situation, qui dure depuis longtemps, s’explique par l’incapacité de comprendre leur situation et donc de faire preuve d’empathie. Nous pouvons saisir certaines conditions physiologiques visibles qui amèneraient une personne à envisager une aide à mourir. Même si cette option rend mal à l’aise bon nombre d’entre nous, nous sommes capables de nous mettre à la place de cette personne. Pour moi, le projet de loi repose sur l’idée qu’il faut pouvoir se mettre à la place de l’autre.

Cependant, il est difficile pour les gens de se mettre à la place d’une personne qui souffre de maladie mentale. À moins d’avoir souffert d’une telle maladie ou de connaître une personne qui en a souffert ou qui en souffre, il est difficile de comprendre ce que la personne malade vit. C’est pourquoi, pendant très longtemps, on disait à ceux qui souffraient d’une maladie mentale de se secouer, de se ressaisir, de se reprendre en main ou de se bouger. La société refusait d’admettre que ces personnes luttaient véritablement parce que nous n’étions pas capables d’appréhender ou de comprendre leurs problèmes. Il y a tant de personnes qui souffrent de maladies mentales et se battent toute la journée pour rester en vie, essayer de gérer leurs symptômes et développer des stratégies leur permettant de survivre à la journée. Comme beaucoup d’entre vous, je vois cela tous les jours.

Nous avons fait beaucoup de progrès dans notre manière d’aborder et de traiter la maladie mentale. C’est pourquoi le libellé de cette mesure législative est décourageant. Il laisse entendre que les souffrances de ces gens ne sont pas jugées dignes de bénéficier toutes les solutions offertes par notre système de santé. Ils ne peuvent pas faire les meilleurs choix et obtenir le meilleur soutien, notamment la possibilité de mettre fin à leur vie paisiblement et dignement en se prévalant de l’aide médicale à mourir.

Je crois que le sénateur Kutcher a trouvé un bon compromis en présentant cet amendement. La disposition de caducité permettrait d’atteindre un juste équilibre entre, d’une part, le respect des droits des Canadiens qui souffrent d’une maladie mentale chronique et non traitable et qui devraient, eux aussi, pouvoir se prévaloir de l’aide médicale à mourir et, d’autre part, la marge de manœuvre dont nous devons disposer afin d’établir les mesures de sauvegarde qui seront nécessaires lorsque ces Canadiens voudront effectivement se prévaloir de l’aide. Ces mesures doivent être élaborées avec la participation de ceux qui souffrent le plus. Cela nécessite du temps, de l’écoute, des compétences diverses et du respect. Il faut recueillir les données pertinentes et élaborer un programme de formation accessible.

En outre, cet amendement me rassurerait parce que, tandis que nous nous demandons comment protéger au mieux la partie de la population qui souffre d’une maladie mentale, je crains que nous passions rapidement à autre chose une fois le projet de loi adopté, si jamais il l’est. Grâce à la disposition de caducité, nous aurions le temps de réfléchir comme il faut pour déterminer la meilleure façon d’aider et de traiter ceux qui souffrent de ce genre de maladies.

Je rappelle aux sénateurs qu’au Canada, environ un quart des sans-abri souffrent de maladie mentale. Ce sont des personnes qui ont été abandonnées par la société et qui n’ont pas accès à des soins et à des traitements appropriés, ou pratiquement pas. Si nous voulons vraiment protéger cette partie de la population canadienne et veiller à ce que ces gens puissent demander l’aide médicale à mourir en derniers recours, assurons-nous qu’ils ont accès à d’autres options. Faisons en sorte que tout le monde ait accès au soutien et aux ressources dont on peut avoir besoin pour être en santé et vivre dans la dignité. Veillons à ce que l’aide médicale à mourir soit uniquement considérée lorsque toutes les autres options auront été épuisées sans qu’on parvienne à rendre supportables les souffrances du malade.

Pour terminer, chers collègues, je pense qu’il est important de se souvenir que l’aide médicale à mourir n’est pas un suicide. Il m’est arrivé deux fois de trouver une personne qui venait de se suicider. Cela n’a rien de paisible. Ce n’est pas un choix. Lorsque nous excluons les personnes atteintes de maladie mentale, nous ignorons leurs préoccupations tout à fait réelles et légitimes, ce qui, dans de rares cas, pourrait les amener à envisager le suicide.

Nous pouvons aider ces personnes grâce à l’amendement du sénateur Kutcher. Nous pouvons faire de notre mieux. Partout au pays, nous pouvons prendre le temps de nous acquitter de notre obligation de diligence, mais en fin de compte, lorsque la souffrance sera tout simplement insupportable et que des mesures de sauvegarde suffisantes seront appliquées, la décision de recourir à l’aide médicale à mourir appartiendra à la personne qui souffre. À mon avis, refuser ce droit à un malade est cruel, et je vous demanderais de voter pour l’amendement dont nous sommes saisis aujourd’hui. Merci, meegwetch.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à cet amendement visant à assortir l’exclusion concernant la maladie mentale prévue dans le projet de loi C-7 d’une disposition de caducité. L’expression « disposition de caducité » n’est qu’un euphémisme pour dire que l’on mettra un terme à la vie de personnes vulnérables. En réalité, après une courte période de 18 mois, la maladie mentale deviendrait un motif accepté pour être mis à mort. J’ignore comment je pourrais l’exprimer plus clairement.

Certains sénateurs considéreront peut-être cette proposition d’une disposition de caducité comme offrant un juste milieu, un compromis apparemment sans danger s’ils sont ambivalents en ce qui a trait à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale.

Honorables sénateurs, il n’y a pas de juste milieu. Une disposition de caducité signifie que l’exclusion concernant la maladie mentale serait automatiquement abolie à la conclusion du délai précisé si bien que, dans 18 mois, soit probablement avant même que nous procédions à l’examen parlementaire de la question promis par le gouvernement Trudeau depuis 2016, la maladie mentale pourrait dès lors être la seule condition médicale invoquée pour qu’une personne puisse obtenir un suicide assisté. Un délai de 18 mois, c’est probablement plus court que le temps qu’une personne atteinte d’une maladie mentale grave doit attendre avant de réussir à consulter un psychiatre.

Au Canada, l’un des critères fondamentaux pour être admissible au suicide assisté est que la condition ou la maladie invoquée doit être irrémédiable, c’est-à-dire incurable et irréversible. De nombreux spécialistes en médecine venus témoigner devant le Comité des affaires juridiques estiment que la maladie mentale ne satisfait pas à ce critère. Le Dr John Maher nous a dit :

Il est impossible de déterminer si une maladie psychiatrique bien précise est de nature irrémédiable; certains patients se rétablissent après 2 ans, d’autres après 15 ans. Il est arrivé plusieurs fois qu’un psychiatre m’envoie un patient et me dise que ce dernier ne pourrait jamais se rétablir. Toutefois, lorsque ces patients ont pu accéder à des soins intensifs, j’ai toujours constaté une amélioration de leurs symptômes et une diminution de leur souffrance. Lorsque des soins inadéquats sont prodigués à un patient, des maladies que l’ont peut traitées peuvent sembler incurables.

Le Dr Trevor Hurwitz a résumé ce phénomène en termes simples : « [...] une maladie mentale qui pousse un patient au suicide n’est pas incurable. »

Les tenants de cette approche affirment que ces quelques mois donneraient à la communauté médicale le temps de parvenir à un consensus sur l’irrémédiabilité et la prévisibilité des maladies mentales. C’est absurde. Le Conseil des académies canadiennes, qui regroupe les plus brillants spécialistes médicaux et juridiques, s’est réuni pendant 18 mois pour tenter d’arriver à un consensus sur la question de savoir s’il faut autoriser un patient à avoir recours à l’aide médicale à mourir si sa seule affection sous-jacente est un trouble mental. Tous ces experts n’ont pas pu s’entendre.

Deux des plus grandes organisations nationales de santé mentale au pays — l’Association canadienne pour la santé mentale et la Commission de la santé mentale du Canada — n’ont même pas encore énoncé leur position officielle sur l’exclusion de la santé mentale dans le projet de loi C-7. Des psychiatres experts ont témoigné que l’absence de consensus sur l’irrémédiabilité d’un trouble mental est due essentiellement à un manque de preuves.

Le Dr Mark Sinyor a dit :

[...] J’aimerais que ces données existent parce que nous pourrions ainsi avoir une conversation éclairée sur la façon d’aller de l’avant. Malheureusement, il s’agit d’un tout nouveau champ de recherche, et on vous a laissé entendre que les données qui en découlent sont déjà concluantes et bien comprises. Ce n’est pas le cas.

Nous pouvons tous avoir des opinions, mais, en tant que pays, il faut appuyer la science et non les discours, même si ces derniers sont habiles ou enflammés [...]

Le Dr Sonu Gaind, psychiatre expert, en convient, et il a carrément rejeté l’idée d’une disposition de caducité. Il a déclaré ceci :

Certains font valoir qu’il s’agit seulement d’une absence de consensus et proposent d’appliquer une disposition de temporarisation pour exclure les troubles mentaux, le temps d’élaborer des normes. Le problème, ce n’est pas l’absence de consensus; le problème, c’est plutôt le manque de données probantes pour prédire l’irrémédiabilité des troubles mentaux [...] [U]ne disposition de temporarisation reviendrait à mettre la charrue devant les bœufs sans même savoir si les bœufs sont là.

Quand j’ai questionné le Dr Harvey Schipper au sujet de la disposition de caducité, il a répondu sans détour :

Non, même à mon dernier jour sur terre, je ne pourrais pas ne fût-ce que commencer à appuyer cette idée [...] Franchement, une disposition de temporisation me semble relever de la malhonnêteté politique.

Certains partisans de la disposition de caducité l’utilisent comme moyen de contourner le débat sur l’irrémédiabilité. La Dre Karine Igartua, de l’Association des médecins-psychiatres du Québec, nous a dit ceci :

[...] Nous n’apprendrons rien d’important au sujet du pronostic ou du traitement des maladies mentales dans les prochaines années qui permettrait de changer cette situation délicate. Par conséquent, nous réclamons avec insistance que l’exclusion relative à la maladie mentale soit immédiatement retirée du projet de loi C-7. Sinon, nous demandons l’ajout d’une disposition de caducité pour que l’exclusion expire sans qu’une autre mesure législative soit nécessaire [...]

(1600)

N’apprendrons-nous rien sur le pronostic ou le traitement des maladies mentales dans les prochaines années? Vraiment? Qui dit cela? Devrions-nous donc précipiter pour permettre le suicide assisté dans le cas de personnes atteintes d’une maladie mentale avant que ces questions ne soient réglées? C’est insensé et dangereux. L’idée d’une disposition de caducité semble pourtant tellement inoffensive.

Honorables sénateurs, ne soyez pas dupes. Pour certains Canadiens, une telle disposition signifie qu’on mettra fin à leur vie avant qu’ils n’aient accès aux traitements ou aux autres options qui pourraient très bien soulager leurs souffrances et leur permettre de vivre encore bien des années. Il est inadmissible de perdre même une seule vie inutilement. Croyez-en la parole de quelqu’un qui le sait très bien.

John Maher a donné des conseils au comité sur cette question. Voici ce qu’il a dit :

Avec la suppression de la disposition sur la « mort raisonnablement prévisible », l’emploi du critère « irrémédiable » est en fait modifié de « définitivement irrémédiable » à « possiblement irrémédiable ». « Possiblement », est-ce assez quand ce ne sont pas six mois que la personne risque de perdre, mais 60 ans? Voici la maxime morale à appliquer : En cas de doute, ne le faites pas.

Ce sont de sages conseils, honorables sénateurs : « En cas de doute, ne le faites pas. » Je vous demande, s’il vous plaît, de ne pas faire cela. Merci.

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’amendement du sénateur Kutcher portant sur l’inadmissibilité des Canadiens qui demandent l’aide médicale à mourir et dont le seul problème médical est une maladie mentale.

Depuis l’automne dernier, j’avais préparé un discours sur l’interpellation no 10 concernant l’immigration et la prospérité du Canada. Je voulais que mon premier discours porte sur ce sujet, qui me tient vraiment à cœur, mais le projet de loi C-7 est trop important et je ne pouvais pas laisser passer cette occasion d’intervenir.

Après mûre réflexion, je suis arrivé à la conclusion qu’une personne dont le seul problème invoqué est un trouble mental devrait être admissible à l’aide médicale à mourir. Non seulement c’est juste, mais c’est aussi la bonne chose à faire.

Soyons clairs. Je crois à la vie, je crois au droit de vivre dans la dignité et je crois au droit de mourir dans la dignité. Je crois surtout que nous avons l’obligation de mieux soutenir les personnes atteintes d’une maladie mentale. L’aide médicale à mourir ne doit jamais affaiblir l’engagement de la société à prévenir le suicide et à améliorer l’accessibilité aux services de santé mentale.

En ce qui concerne l’aide médicale à mourir, l’Association des médecins psychiatres du Québec explique que « l’établissement d’un régime permettant l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué doit être accompagné d’un engagement à la fois de la société et du système de santé envers l’offre d’options thérapeutiques pour ces personnes. »

Bien entendu, l’aide médicale à mourir devrait servir de dernier recours, quand tous les autres traitements ont été envisagés et qu’ils n’ont pas réussi à réduire les souffrances à un degré qui permettrait au patient d’avoir une qualité de vie acceptable. Les personnes elles-mêmes sont les mieux placées pour savoir ce qui constitue pour elles une qualité de vie acceptable.

L’Ordre des psychologues du Québec en convient : « Le ressenti de la souffrance est ainsi propre à chaque personne. »

Compte tenu de l’exclusion de la maladie mentale que l’on retrouve au paragraphe (2.1) du projet de loi C-7, il est évident que le gouvernement n’est pas encore disposé à considérer la maladie mentale comme une maladie, une affection ou un handicap en fonction des critères de l’aide médicale à mourir. Je crois cependant que s’il est nécessaire, l’amendement du sénateur Kutcher, qui accorderait au gouvernement 18 mois pour examiner davantage la question et mettre en œuvre des mesures de sauvegarde additionnelles, s’avère un compromis adéquat.

Si l’aide médicale à mourir était éventuellement élargie pour inclure la maladie mentale comme seule condition évoquée, les mesures de sauvegarde actuelles devraient être revues et renforcées au besoin. L’Association des médecins-psychiatres du Québec a proposé de nouvelles mesures de sauvegarde, notamment que le médecin traitant ne participe pas à la prise de décision et qu’il y ait une durée minimale de traitement actif et d’expérience avec la pathologie.

Des professionnels de la santé collaborent déjà à la conception d’un programme multidisciplinaire de formation professionnelle sous l’autorité d’organismes d’accréditation, afin de créer des évaluations normalisées pour l’aide médicale à mourir incluant des composants pour les maladies mentales. La disposition de caducité de cet amendement nous donne le temps d’aboutir au meilleur programme qui soit.

Il ne faut pas oublier que les patients doivent continuer de répondre à d’autres critères d’admissibilité, notamment que la maladie doit leur causer des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui leur sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions acceptables. Des mesures de sauvegarde assurent qu’il n’est pas facile d’être admissible à l’aide médicale à mourir et que des examens complets comportant des critères d’admissibilité stricts seront toujours effectués.

L’aide médicale à mourir n’est pas destinée aux personnes en crise. Comme de nombreux praticiens nous l’ont rappelé, le programme est destiné aux personnes qui tentent de se rétablir depuis des années, voire des décennies. Cette solution s’adresse aux personnes qui ont essayé divers programmes, thérapies ou prescriptions.

Voici ce que l’Ordre des psychologues du Québec a écrit en décembre dernier :

Tout comme les personnes ayant des incapacités physiques, les personnes souffrant d’une maladie mentale peuvent éprouver des souffrances persistantes et intolérables. Une demande visant à les soulager de leur souffrance psychologique est donc tout aussi légitime [...]

L’Ordre des psychologues du Québec poursuit :

Le fait d’interdire l’admissibilité à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale comme seule condition médicale invoquée constituerait une violation de leurs droits, un manque de respect de leur dignité et une violation du principe d’équité [...]

L’Association du Barreau canadien partage le même avis et soutient que l’exemption visant les personnes atteintes de maladie mentale prévue dans le projet de loi C-7 porte atteinte à l’égalité des droits. L’association fait également valoir que la disposition fera probablement l’objet d’une contestation en vertu de la Constitution.

Au-delà de ces enjeux, j’ai aussi l’impression que le gouvernement réserve un traitement discriminatoire aux personnes souffrant de troubles mentaux en les excluant dans le projet de loi C-7. Cela perpétue les préjugés associés aux maladies mentales.

L’évaluation des demandes d’aide médicale à mourir ne peut jamais être parfaite, car la souffrance d’une personne n’est jamais parfaitement mesurable. La confiance doit donc être le fil conducteur de tout ce processus. Je dis souvent que la confiance est le ciment d’une relation. Or, la démocratie est d’abord une question de confiance.

La société que nous formons fait confiance aux professionnels de la santé pour toutes sortes d’autres questions de vie ou de mort, et personne ne doute que les conseils qu’ils prodiguent à leurs patients sont étayés et exacts. Pourquoi en irait-il autrement dans le cas de l’aide médicale à mourir?

Quand il est passé devant le Comité des affaires juridiques, le Dr Gus Grant, du Collège des médecins et des chirurgiens de la Nouvelle-Écosse, nous a rappelé que, selon le Code d’éthique et de professionnalisme de l’Association médicale canadienne — et je terminerai là-dessus, honorables sénateurs —, les professionnels de la santé doivent « toujours agir dans l’intérêt des patients et promouvoir le bien-être de ces derniers ».

Le même code précise que les médecins doivent :

Toujours traiter les patients avec dignité et respecter la valeur égale et intrinsèque de chaque personne.

Toujours respecter l’autonomie des patients.

Ne jamais exploiter les patients à des fins personnelles.

Je fais entièrement et totalement confiance aux hommes et aux femmes qui ont fait ce serment, et c’est pourquoi j’appuie l’amendement du sénateur Kutcher. Selon moi, les personnes souffrant d’une maladie mentale devraient pouvoir demander l’aide d’un médecin pour mourir. J’estime que cet amendement constitue un premier pas vers cet objectif. Les patients aux prises avec des problèmes de santé mentale qui respectent tous les autres critères devraient eux aussi avoir le droit d’alléger leurs souffrances.

Je vous remercie. Meegwetch.

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-7 et appuyer l’amendement proposé par notre collègue, le sénateur Kutcher.

D’abord, je dois dire que chaque discours que j’ai entendu au sujet de ce projet de loi était excellent et sincère. J’admire le courage dont font preuve les sénateurs quand ils expriment leurs opinions. C’est une question qui me touche profondément et je sais que c’est le cas pour beaucoup d’entre vous et de Canadiens.

D’une manière ou d’une autre, nous devrons tous prendre conscience du caractère inéluctable de notre propre mort. De nombreuses personnes seront confrontées à cette fatalité pour leurs êtres chers en prenant des décisions sur la fin de leur vie ou en y participant. Même si les décisions et les intentions sont formulées longtemps d’avance, il est toujours difficile d’arriver à cette étape. Ce qui est encore plus difficile, c’est le fait que « fin de vie » ne veut pas nécessairement dire « vieux ».

Je suis le fils de deux parents âgés de 93 ans. Je suis aussi le père d’un fils de 32 ans qui est autiste et non verbal. Mon expérience personnelle — et remplie de défis — avec la maladie mentale et mon engagement dans des causes liées à la maladie mentale m’amènent à appuyer l’amendement proposé par le sénateur Kutcher pour que la disposition d’exclusion du projet de loi C-7 soit abrogée 18 mois après la sanction royale.

La disposition excluant les maladies mentales comme raison acceptable pour demander l’aide médicale à mourir est l’une des questions les plus contentieuses et chargées d’émotions de nos débats depuis la présentation du projet de loi C-7 à l’autre endroit, l’année dernière. Les personnes atteintes de maladies mentales méritent d’être traitées de la même manière que toute autre personne devant la loi. Cela ne relève pas uniquement d’un idéal humaniste, chers collègues. En réalité, c’est la loi. En effet, l’article 15.(1) de la Charte canadienne des droits et libertés stipule que :

« La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination […] »

Nul besoin d’être un expert de la Charte — et il y en a plusieurs en cette enceinte — pour constater que l’exclusion des maladies mentales dans le projet de loi C-7 pose un sérieux problème. Cependant, à cette exception près, j’appuie le projet de loi, même s’il n’est pas parfait. Aucun projet de loi n’a jamais été ou ne sera jamais parfait, mais il contribuera à soulager la détresse profonde ressentie par les Canadiens et leurs êtres chers qui souffrent tellement qu’ils estiment que l’aide médicale à mourir est leur seule option. C’est pourquoi j’appuie l’amendement proposé par le sénateur Kutcher, qui me semble être un compromis raisonnable.

(1610)

Si cet amendement est adopté, la disposition d’exclusion relative aux maladies mentales sera abrogée 18 mois après que le projet de loi C-7 eut reçu la sanction royale. Cet amendement vise à indiquer clairement que les Canadiens atteints de maladies mentales doivent être traités également devant la loi, comme le dicte la Charte, et que le fait de souffrir d’une maladie mentale ne signifie pas forcément qu’une personne n’a pas la capacité de donner son consentement libre et éclairé et de comprendre les conséquences irréversibles de l’aide médicale à mourir. L’amendement assurerait le respect des droits à l’autonomie et à l’autodétermination de tous les Canadiens et veillerait à ce que ces derniers aient tous un accès égal à l’aide médicale à mourir, en supposant qu’ils aient fait l’objet d’une évaluation en bonne et due forme pour déterminer leur capacité de donner leur consentement.

Durant la période de 18 mois entre la sanction royale et l’abrogation de la disposition d’exclusion, les experts médicaux, y compris les organisations professionnelles nationales de médecins et de personnel infirmier, seraient appelés à mettre au point des cours et de la formation de grande qualité sur l’évaluation de la capacité et l’administration de l’aide médicale à mourir. En fait, comme l’a mentionné le sénateur Kutcher dans son intervention, la création de ce programme est déjà en cours et recevra l’accréditation du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et du Collège des médecins de famille du Canada. Cet élément de l’amendement a un impact majeur : tous les Canadiens, peu importe leur territoire ou leur province, auront un accès égal à de l’aide médicale à mourir répondant aux mêmes normes élevées, qu’il s’agisse de l’évaluation ou de l’administration.

Le projet de loi C-7 modifie le Code criminel, ce qui n’est pas une avenue qui s’impose d’emblée pour légiférer dans le domaine des soins de santé. Ainsi, la période de 18 mois donnera le temps aux autorités de la santé, y compris les évaluateurs et les administrateurs du régime d’aide médicale à mourir dans toutes les provinces et territoires au pays — incluant, et c’est capital, les communautés autochtones — d’adapter les futures normes nationales à leur propre réalité régionale tout en maintenant le niveau élevé de soins et d’accès pour tous les Canadiens. C’est important, non seulement pour l’égalité, mais aussi la protection des patients et des professionnels de la santé. Bien qu’il ne soit pas idéal de maintenir l’exclusion pour l’instant, je crois fermement qu’il s’agit d’un compromis juste et raisonnable en réponse à un problème difficile.

Trop de Canadiens endurent des douleurs et des souffrances horribles sans avoir un accès adéquat à l’aide médicale à mourir. Ils méritent d’être en mesure de choisir comment et quand mettre fin à leurs jours et de le faire avec la dignité inhérente à tous les êtres humains. Le projet de loi C-7 devrait être adopté, chers collègues, mais il pourrait être grandement amélioré par l’adoption de l’amendement proposé par le sénateur Kutcher. Je vous presse, honorables sénateurs, de voter en faveur de cet amendement et en faveur du projet de loi C-7. Merci.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, comme la plupart d’entre vous, je prends la parole aujourd’hui en portant un masque par souci de protéger le personnel et mes collègues dans cette Chambre et de suivre les mêmes mesures de sécurité que nous demandons aux Canadiens de respecter.

Depuis ma nomination, survenue peu après l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi C-14, mon bureau a reçu un trop grand nombre de lettres et d’appels téléphoniques de la part de détenus qui me demandent d’intervenir pour les aider à recevoir l’aide médicale à mourir. Certains d’entre eux ont une maladie en phase terminale ou sont aux prises avec des souffrances intolérables, et ils n’ont pas pu se prévaloir des procédures qui leur permettraient de bénéficier d’un transfert vers un hôpital ou un centre de soins palliatifs, ou encore d’une libération pour des raisons de compassion. Ces procédures sont prévues dans la loi, mais le processus décisionnel adopté par les autorités correctionnelles les rend pratiquement inaccessibles. Nombre de ces personnes seraient visées par cette modification. Elles ne sont pas mourantes, mais elles sont aux prises avec des souffrances intolérables en raison des problèmes de santé mentale créés ou exacerbés par leurs conditions de confinement. Nombre d’entre nous ont observé directement les conditions punitives et restrictives qui sont imposées aux détenus en isolement et dans lesquelles, trop souvent, les détenus atteints de troubles mentaux dépérissent.

Même si le projet de loi C-83 devait mettre fin à l’isolement en cellule, nous avons constaté que de telles pratiques, si elles portent maintenant d’autres noms, perdurent encore aujourd’hui, tout comme les dommages irréversibles à la santé physique, psychologique et neurologique qui y sont associés. Avec l’arrivée de la COVID-19, des prisons entières ont été soumises à des conditions revenant à l’isolement pour des semaines et des mois, depuis presque une année complète.

Lors de son témoignage devant le Comité des affaires juridiques, l’enquêteur correctionnel a affirmé qu’il est actuellement plus facile d’obtenir l’aide médicale à mourir que toute autre mesure, en particulier la libération pour des raisons de compassion liées à la santé. Il a souligné des cas de détenus qui ont demandé l’aide médicale à mourir parce qu’aucun autre choix ne s’offrait à eux. De plus, il n’est pas obligatoire de faire rapport des cas qui ont eu recours à cette procédure ni de passer en revue les décisions. Par conséquent, en plus de demander un moratoire sur l’aide médicale à mourir en milieu carcéral, il a recommandé de tenir compte de ces réalités alors que nous envisageons de permettre l’accès à cette procédure en l’absence de maladie physique.

Pour les femmes et les hommes soumis à des conditions qui, selon le droit international, équivalent à de la torture, des gens incapables de voir leur famille et leurs proches, comment peut-on affirmer que l’aide médicale à mourir qu’on leur offre alors qu’ils ne sont pas en fin de vie est un choix, surtout lorsque l’alternative consiste à vivre dans des conditions de confinement cruelles où les soins de santé généraux et de santé mentale sont absolument inadéquats? Qu’en est-il de ceux dans la communauté qui éprouvent des souffrances psychologiques et qui n’ont pas les moyens de s’offrir des soins de santé mentale, des médicaments et d’autres nécessités de la vie essentielles à leur bien-être mental et physique, comme un logement adéquat et sûr? Ou encore ceux qui, en l’absence de telles mesures de soutien, se retrouvent trop souvent dans la rue ou encore en prison, parce que c’est le seul établissement qui ne peut les refuser après une crise en raison de leur santé mentale? Autrement dit, je parle des personnes pour qui cet amendement précipitera l’offre de mourir, malgré le fait que le Canada n’a jamais réellement investi de manière équitable dans leur vie.

Le fait d’insister pour dire que l’aide médicale à mourir offerte lorsqu’une personne n’est pas en fin de vie relève d’une décision personnelle masque la dure réalité : ce n’est réellement un choix que pour les personnes qui ont le privilège d’avoir accès à d’autres sources de soins. C’est aussi oublier l’absence d’accès à la gamme complète d’options, une absence qui caractérise de façon disproportionnée la vie, et peut-être maintenant la mort, des personnes qui ont été marginalisées en raison de la pauvreté, du sexisme, du racisme et de la discrimination fondée sur la capacité physique qui ont été érigés en système. Je peine à comprendre comment nous pouvons justifier la priorité accordée à l’élargissement des droits des privilégiés sans réclamer avec la même insistance la mise en place de mesures de soutien sur le plan de la santé, de la santé mentale, des besoins sociaux, du logement et de l’économie qui sont nécessaires pour que chacun d’entre nous ait réellement la possibilité de faire des choix. Voilà mon dilemme, honorables collègues.

Meegwetch. Merci.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je suis heureuse d’avoir l’occasion de parler de cet amendement. Je tiens à préciser clairement que je l’appuie sans réserve. Je remercie le sénateur Kutcher du travail qu’il a effectué, conjointement avec d’autres honorables sénateurs qui ont travaillé sur ce dossier. Je veux remercier les honorables sénateurs d’autres groupes auxquels je me suis adressée pour discuter de cet enjeu et savoir ce qu’ils en pensent. Cela m’a beaucoup aidée à faire ma propre réflexion.

Premièrement, je suis tout à fait d’accord que nous devons prendre au sérieux notre responsabilité d’évaluer la constitutionnalité et la conformité à la Charte de l’exclusion de la maladie mentale. En m’appuyant sur les débats antérieurs aux projets de loi C-14 et C-7 ainsi que sur les décisions et les directives prises par les tribunaux au fil des ans, je suis à peu près certaine que cette exclusion sera contestée avec succès devant les tribunaux.

Par ailleurs, j’ai été déçue par le débat et la discussion que j’ai entendus, surtout de la part de psychiatres. Je ne m’attarderai pas là-dessus. Je pense que la sénatrice Batters a longuement abordé le sujet dans son intervention.

Il me semble que l’application d’une disposition de caducité ne constitue pas uniquement un compromis. À mon avis, c’est une nécessité puisqu’il y a de fortes chances que la disposition d’exclusion soit jugée inconstitutionnelle. Je pense qu’il est important de contester cette disposition et de prévoir le temps, le soutien et les ressources nécessaires à l’élaboration et à l’établissement de lignes directrices adéquates. Je tiens à rappeler aux sénateurs que lorsqu’une personne présente une demande d’aide médicale à mourir, elle ne reçoit pas le service du jour au lendemain. Sa demande doit d’abord être soumise à un processus d’évaluation. Tous les efforts sont déployés pour veiller à ce que les mesures de sauvegarde soient respectées.

(1620)

À l’instar du sénateur Loffreda, je crois très fermement dans l’éthique professionnelle de praticiens de la santé provenant d’un large éventail de disciplines qui unissent leur savoir-faire pour soutenir ce processus.

Ce qui me choque particulièrement — peut-être parce que je l’ignorais —, c’est qu’il n’existe pas de normes nationales quant à l’examen des demandes d’aide médicale à mourir et à l’application des lignes directrices et des mesures de sauvegarde. Je suis très consciente de la responsabilité des provinces en ce qui concerne la prestation des soins de santé, mais je pense qu’une question de la sorte — qui, après tout, porte sur un amendement au Code criminel et n’est pas simplement une politique générale en matière de soins de santé — justifie l’élaboration de normes nationales. Je trouve très encourageant de constater qu’il y a un mouvement en faveur de l’élaboration de normes d’accréditation et que des programmes de développement professionnel sont en cours d’élaboration en ce moment. Selon moi, les 18 mois dont il est question sont essentiels pour que le travail consistant à établir des normes pour l’examen et l’approbation des demandes d’aide médicale à mourir continue de progresser et de se consolider.

C’est pourquoi j’appuie sans réserve la disposition de caducité proposée.

J’espère qu’au fur et à mesure de nos travaux, nous travaillerons fort pour cerner les problèmes sur lesquels nous devrons nous pencher au cours des examens qui, je le regrette — comme nous tous —, n’ont pas eu lieu comme prévu et comme l’avions souhaité nombre d’entre nous qui avions des inquiétudes quant au projet de loi C-14 et à sa constitutionnalité.

Je n’en dirai pas plus. Je tiens simplement à remercier les gens pour leur formidable contribution au débat et pour le travail qui a été accompli. Quelle que soit notre opinion sur un quelconque amendement ou le projet de loi lui-même, nous avons tous travaillé très fort pour mieux comprendre certains de ces problèmes. Je suis convaincue qu’au bout du compte, nous choisirons, avec sagesse, la meilleure approche qui soit en ce moment, pour tous les Canadiens.

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, j’appuie l’amendement proposé par le sénateur Kutcher. Il reconnaît le caractère constitutionnel de l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladie mentale et donne aux psychiatres suffisamment de temps pour terminer leurs recherches en cours sur le plan de la compétence des patients, de l’approche normalisée en matière d’évaluation et du développement de formations normalisées pour les professionnels participant au processus d’aide médicale à mourir.

L’amendement du sénateur Kutcher mérite qu’on l’appuie parce qu’il est en conformité avec d’importantes décisions de justice et le principe d’égalité énoncé dans la Charte canadienne des droits et libertés. En outre, le délai de 18 mois qui est proposé illustre bien la complexité des évaluations et de la prise de décision dans ce domaine. L’amendement prend aussi en compte le fait que, bien qu’il ouvre la porte à l’aide médicale à mourir aux personnes en état de prendre ces décisions importantes, il pourrait potentiellement happer au passage des personnes vulnérables. En d’autres termes, l’accès doit être assorti de mesures de sauvegarde.

Chers collègues, bon nombre de ces mesures de sauvegarde existent déjà. Elles sont intégrées dans l’éthique, la formation professionnelle, les normes professionnelles, les codes de déontologie et les protocoles et procédures bien établis qui régissent la profession médicale, notamment, sans doute, dans les centres de soins palliatifs, qui, de par leur nature, sont évidemment des centres de soins de fin de vie. Cela dit, un travail supplémentaire s’impose. En étendant le régime d’aide médicale à mourir au domaine de la maladie mentale, nous serions loin de partir de zéro et loin de nous engager sur une pente savonneuse. La profession psychiatrique, y compris les spécialistes de l’éthique médicale, élabore des protocoles relatifs à l’aide médicale à mourir depuis 2015. Ces protocoles sont déjà rigoureux, mais nécessiteront un peaufinage et une collaboration entre les experts de la médecine de partout au pays en vue d’élaborer des normes nationales de détermination de la compétence et d’évaluation des demandes provenant de patients atteints d’une maladie mentale grave. On nous dit que ce processus pourrait être achevé en moins d’un an. Ainsi, un délai de préparation de 18 mois devrait suffire à cette fin.

Comme dans le cas de l’évaluation des problèmes de santé physique majeurs, l’évaluation des troubles mentaux nécessiterait que l’on évalue la possibilité que les symptômes très graves puissent être atténués relativement à la probabilité que les souffrances persistent ou s’intensifient. Ces évaluations seraient beaucoup plus rigoureuses qu’un simple examen du risque de suicide. En fait, on nous dit que la présence de pensées suicidaires soulèverait probablement des questions quant à la capacité du patient de prendre une décision éclairée à l’égard de l’aide médicale à mourir.

Il est difficile pour beaucoup d’entre nous d’imaginer le degré de souffrance dont il est question ici ou la complexité et les nuances des processus d’évaluation. Ainsi, sur l’invitation du sénateur Kutcher, deux psychiatres hautement qualifiés ayant fait des travaux dans le domaine de l’éthique médicale ont donné quelques exemples instructifs du genre de patients qui satisferaient probablement aux critères vraisemblablement très stricts d’admissibilité à l’aide médicale à mourir.

Mona Gupta est psychiatre et chercheuse en philosophie et en éthique à l’Université de Montréal. Elle est également chercheuse principale dans le cadre d’un projet de recherche financé par les Instituts de recherche en santé du Canada qui se penche sur les processus d’évaluation clinique des demandes d’aide médicale à mourir. La Dre Justine Dembo est psychiatre au Sunnybrook Health Sciences Centre. Elle est évaluatrice de l’aide médicale à mourir depuis l’arrêt Carter, rendu en 2015, et étudie l’interaction entre l’aide médicale à mourir et les troubles mentaux depuis 2009.

Ces deux médecins décrivent leur travail et leur expérience pour ce qui est de l’évaluation des demandeurs d’aide médicale à mourir. Chaque médecin a présenté le cas d’un de ses patients. Bien qu’ayant un vécu très différent, les deux patients ont souffert toute leur vie d’une maladie psychiatrique faisant suite à des expériences traumatisantes remontant à l’enfance. On parle ici d’une souffrance insoutenable et irrémédiable qui dure depuis des décennies et qui s’est aggravée au troisième âge. Tous deux ont connu de nombreuses et longues périodes d’hospitalisation — 40 hospitalisations dans un cas. Un patient a fait plusieurs tentatives de suicide, mais aucune depuis les 10 dernières années. Les deux patients ont accepté un large éventail de thérapies, y compris plusieurs classes de médicaments, un traitement convulsivant à l’électrochoc et diverses formes de thérapie comportementale, mais aucune n’a réussi à atténuer les souffrances graves et à long terme. Les deux patients sont désormais incapables de travailler ou de pratiquer des activités qu’ils trouveraient autrement utiles. Ils sont tous les deux confinés chez eux et considérés comme étant dans un état de souffrance, de douleur et de détresse constantes et insoutenables, qui ne peut être amélioré par aucune thérapie connue.

Chers collègues, les caractéristiques communes à ces patients sont susceptibles d’ouvrir droit à l’aide médicale à mourir. Si ces deux personnes n’y sont pas admissibles, il est difficile de savoir qui pourrait l’être. Il convient également de noter la longueur et la rigueur du processus d’évaluation mis en cause ici, qui...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Dean, je dois vous interrompre. Les six minutes dont vous disposiez sont écoulées.

Le sénateur Dean : J’appuie l’amendement. Merci.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je remercie les sénateurs qui participent à ce débat profondément humain. À titre de membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j’ai eu l’occasion d’écouter attentivement des dizaines de témoignages et de consulter attentivement les mémoires présentés.

Je n’interviens jamais à la légère sur des enjeux d’une telle importance, surtout lorsque le sujet dépasse largement mon champ de compétences, ce qui est vrai concernant les questions de soins de santé soulevées par ce projet de loi et cet amendement. Mais comme l’ont déclaré de nombreux sénateurs, le flou, et en particulier l’exclusion de l’accès à l’aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est la seule condition sous-jacente d’un patient, est — à mon avis —, probablement inconstitutionnel.

(1630)

Ainsi, cette disposition me place devant un terrible dilemme, à l’instar, je crois, d’autres sénateurs aux vues similaires. Toutefois, l’amendement du sénateur Kutcher comble cette lacune. Il comble cette lacune de façon à — je me permettrai de reprendre une métaphore que j’ai employée dans les observations que j’ai présentées en décembre dernier — bâtir un pont pour franchir des eaux agitées pour les Canadiens qui souffrent gravement à cause d’une maladie mentale. En ce sens, je crois que l’amendement répond à mes préoccupations, tant en matière de droit constitutionnel que de droits de la personne. Il aboutit à un régime qui, grâce à la disposition de caducité — ou ce que je préférerais appeler disposition d’entrée en vigueur différée —, respecte les malades qui souffrent d’atroces souffrances en leur donnant la possibilité d’envisager la mort dans la dignité et permet aux professionnels de la santé de planifier les processus décisionnels et la formation appropriés au service des Canadiens.

En revanche, comme beaucoup d’entre vous le savent, si la maladie mentale demeure hors du champ d’application de l’aide médicale à mourir, j’envisage de présenter un amendement qui vise à demander à ce que la question de l’exclusion de la maladie mentale comme seule condition médicale invoquée soit tranchée par la Cour suprême du Canada. J’ajouterai ceci : il s’agit d’une approche moins convenable pour de nombreuses raisons. La transition vers l’aide médicale à mourir envisagée grâce à l’amendement du sénateur Kutcher constitue une approche beaucoup plus convenable.

À cet égard, bien que je ne sois pas d’accord avec tout ce qu’a dit le sénateur Woo hier, je suis d’accord avec lui pour dire que, s’il existe des mécanismes qui nous permettent de prendre les bonnes décisions, nous devrions les utiliser. Il est donc de loin préférable que nous prenions les bonnes décisions, ce que l’amendement du sénateur Kutcher ferait, je pense, un peu comme ce que le Sénat a essayé de faire sans succès en 2016 avec un amendement concernant la mort qui n’est pas raisonnablement prévisible. Je vais appuyer l’amendement et j’espère que vous le ferez aussi. Je vous remercie beaucoup.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, nous avons passé 45 minutes plus tôt aujourd’hui à saluer la première facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants, qui a été décrite comme un esprit indépendant et une non-conformiste. Je lui rends maintenant peut-être le meilleur hommage en offrant un point de vue indépendant et, peut-être, non conformiste.

Je voudrais commencer par dire qu’il serait injuste de présumer que l’un d’entre nous, quel que soit son camp, manque d’empathie pour les personnes souffrant de maladies mentales, cherche à les dénigrer ou ne veut pas essayer de comprendre ce qu’elles vivent. Le sénateur Boehm et d’autres ont décrit des expériences personnelles que nous avons tous vécues. Partons du principe que la question nous tient à cœur et que nous la comprenons très bien, quelle que soit la manière dont nous voterons sur l’amendement et sur le projet de loi en général.

Je remercie le sénateur Kutcher de l’amendement qu’il a proposé, car il s’agit en fait d’un compromis qui se veut une solution pratique à une situation très difficile.

Chers collègues, il y a deux raisons d’appuyer l’amendement. Chacune le justifie à elle seule. La première raison est si vous croyez fermement que l’exclusion des troubles mentaux est inconstitutionnelle. La deuxième raison est si vous croyez, avec beaucoup de certitude, que la profession médicale dispose déjà des outils et des connaissances nécessaires pour effectuer une évaluation des capacités. Si vous êtes fermement convaincu de l’une ou l’autre de ces raisons, voire des deux, non seulement vous pouvez appuyer l’amendement, mais vous devriez aussi appuyer l’élimination complète de l’exclusion. C’est ce que nous ont dit le sénateur Carignan et, dans une certaine mesure, le sénateur Dalphond.

Si vous êtes plus ou moins convaincu de la deuxième raison, à savoir que les professionnels de la santé ont des compétences bien établies pour effectuer l’évaluation et ainsi de suite, vous ouvrez alors la porte à l’idée d’une période de mise en œuvre graduelle, ce qui correspond précisément ce que nous propose le sénateur Kutcher.

Cependant, vous devez vous demander ce que vise la période de mise en œuvre graduelle. Si vous pensez déjà que les professionnels de la santé possèdent les compétences nécessaires et qu’il s’agit simplement, par exemple, de former plus de gens, pourquoi n’excluriez-vous pas les troubles mentaux dès maintenant? Les compétences sont établies. Pourquoi causerions-nous plus de souffrances — pour reprendre les paroles de certains sénateurs — en retardant les choses davantage?

Si, d’autre part, vous estimez que la profession médicale n’est pas encore tout à fait en mesure d’évaluer la capacité; qu’il existe toujours — je ne connais pas les divers termes — des normes ou des protocoles ou des mesures rigoureuses; que le fonctionnement de cette période d’attente, de cette période de caducité, n’est pas totalement clair; si vous pensez qu’il reste du travail à faire, vous devez donc vous poser les questions suivantes : Combien de travail reste-t-il à faire? Est-ce que la période de 18 mois sera suffisante?

Nous avons entendu le terme « disposition de caducité » ou « disposition d’entrée en vigueur différée » et une variété d’autres désignations. Tout cela me fait penser au décollage d’un avion. Avec ses connaissances et son expertise, le sénateur Kutcher — pour qui j’ai une grande admiration — propose que la piste de décollage soit de 18 longs mois. Qu’arrivera-t-il si l’avion n’est pas prêt à décoller dans 18 mois? Qu’arrivera-t-il si le problème n’est pas de former un plus grand nombre de personnes ou d’harmoniser les normes, mais plutôt de régler les difficultés ou de relever les défis qui font que le monde médical n’arrive pas à déterminer comment évaluer la capacité?

Le sénateur Kutcher n’est pas du même avis. Je précise simplement la façon dont nous devons aborder cet amendement et la façon dont nous voterons. Si vous êtes déjà persuadés qu’il est inconstitutionnel, si vous êtes persuadés que la profession possède les outils, les capacités et les compétences nécessaires pour évaluer la santé mentale comme seule condition médicale invoquée, alors rien ne nous empêche de l’éliminer complètement. Si, comme moi, vous doutez qu’il y ait plus de travail à faire, alors la piste n’est peut-être pas assez longue et nous devrions peut-être maintenir l’exclusion pour le moment. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je voulais seulement poser une question au sénateur Kutcher plutôt que de prendre la parole pour participer au débat, car je ne m’étais pas bien préparée pour le faire. C’est peut-être un petit hommage à notre ancienne collègue la regrettée sénatrice Elaine McCoy. Elle était très habile dans ses discours. En fonction de ce que j’ai entendu, je me sens obligée de me faire la voix de quelqu’un avec qui j’ai parlé la semaine dernière et de simplement rendre publique cette discussion.

Tout d’abord, je tiens a remercier tous les sénateurs des discours qu’ils ont préparés et livrés jusqu’à maintenant, et à remercier le sénateur Kutcher du travail qu’il a accompli. Je sais qu’il a consacré sa vie à sa profession et qu’il est très compétent.

Je tiens à mettre le Sénat en garde au sujet de ce que propose l’amendement. La question nous entraîne dans un tout autre débat. J’ai l’impression que nous ne traitons pas du projet de loi C-7 dans sa version dont nous étions saisis, car il est soudainement question d’élargir davantage l’aide médicale à mourir. Je ne dis pas que les Canadiens dont la maladie mentale est la seule raison invoquée n’ont pas de droits. J’ai écouté le débat et j’entends tout ce qui s’est dit. Je voulais faire part de mes préoccupations et expliquer pourquoi nous devrions prendre notre temps et peut-être ne pas en arriver là maintenant, mais peut-être un peu plus tard. Je ne sais pas combien de temps encore les partisans de l’amendement sont prêts à patienter, mais voilà, ce sont les observations que je voulais faire.

En ce qui concerne ce que le sénateur Kutcher a dit, à savoir que tout sera organisé, le calendrier ne me semble pas très opportun. En cette période de COVID-19, et compte tenu de l’étendue de notre pays, du fossé entre les secteurs urbains et ruraux, des préoccupations exprimées par les témoins et des réserves de certains professionnels de la santé quant à l’inclusion, dans le régime, des personnes souffrant de maladie mentale, je pense que cette période d’ajustement de 18 mois n’est toujours pas assez longue. En tout cas, un an serait loin d’être suffisant. Nous n’avons même pas encore fait l’examen qui devait avoir lieu après cinq ans. J’aurais d’ailleurs aimé que nous commencions par là avant de nous demander quelles mesures de sauvegarde nous devons supprimer et lesquelles nous devons ajouter.

(1640)

De nombreux sénateurs se sont dits d’avis que nous devrions adopter cette motion, car nous aurions alors 18 mois pour nous pencher sur la réglementation et les mesures de sauvegarde. Or, il est aussi question d’en éliminer dès maintenant, alors je me demande parfois si nous ne sommes pas en train d’ouvrir la porte à de plus grands dangers sans nous y être préparés adéquatement.

J’essaie encore de m’y retrouver dans ce premier amendement et dans toutes les interventions que nous avons entendues.

J’ai parlé à Gabrielle Peters, de Dignity Denied. Mme Peters est à la fois handicapée et pauvre. Son témoignage, qui a été présenté par le truchement de Spring Hawes, elle aussi de Dignity Denied, était particulièrement marquant. Je leur ai parlé au téléphone et je reviendrai sur ce qu’elle m’a dit plus tard, dans un autre débat, car je tiens à faire entendre sa voix et celle de tous les Canadiens qui s’interrogent sur ce qui se passe ici, notamment dans le dossier du projet de loi C-7.

La sénatrice Lankin a mentionné la formation et les normes nationales, tout comme l’a fait le sénateur Kutcher. À mon avis, chaque fois qu’on parle d’une mesure « nationale » au Canada, le défi est de vraiment l’appliquer à l’échelle du pays comme il se doit. Pour ce qui est de l’adaptation aux normes autochtones, je ne vois pas trop, alors que de telles normes n’existent pas encore, comment nous pourrions procéder. Des témoins ont fait valoir que les communautés autochtones n’ont pas été suffisamment consultées. La majorité des Canadiens vivant avec un handicap nous ont fait part de leurs préoccupations. Des médecins ont parlé de leur liberté de conscience.

Ainsi, alors que nous n’avons toujours pas accès à un examen quinquennal pour pleinement évaluer la situation et préparer les types d’amendements que nous proposons, on nous demande d’examiner maintenant cet amendement, ce qui est très alarmant. D’un point de vue personnel, des membres de ma famille, avec qui j’entretiens des liens très étroits, vivent avec une maladie mentale. Nous ne nous sommes pas penchés sur la question de la pharmacologie. À ceux qui n’ont pas eu l’occasion de l’observer directement, je peux dire que si ces personnes que j’aime profondément avaient eu accès à l’aide médicale à mourir à un moment où la médication leur donnait l’impression d’être un morceau de bois coincé dans une pièce pendant toute une année — et un ancien collègue a parlé du fait que ce même médicament l’avait rendu suicidaire —, je sais qu’elles ne seraient plus avec nous aujourd’hui.

Je mets en garde la Chambre et la prie de prendre son temps. Continuons avec le projet de loi C-7. Certes, je suis consciente de la disposition de caducité et de la période proposée, mais je tiens à dire, selon tout ce que nous avons entendu — et, à Vancouver, avec la crise des opioïdes, nous ne pouvons même pas traiter des troubles de santé mentale, sans parler de ce qui se passerait si on ouvrait l’accès à l’aide médicale à mourir dans 18 mois —, que c’est alarmant. La crise des opioïdes dure depuis des années — les places manquent dans les centres de désintoxication — et le problème prend de l’ampleur partout au pays, pas seulement en Colombie-Britannique.

Pour toutes ces raisons, je presse tous les sénateurs de considérer les choses soigneusement et de prendre leur temps. Je crois que 18 mois ne suffisent pas, compte tenu de tout ce qui s’est passé jusqu’à présent et du fait que l’examen quinquennal n’a pas eu lieu. Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Chantal Petitclerc : J’aimerais à mon tour apporter ma perspective par rapport à cet amendement. Tout d’abord, je voudrais remercier le sénateur Kutcher pour tout le travail qu’il a accompli dans sa carrière, mais aussi pour l’attention qu’il porte à ce dossier et pour l’amendement que nous avons devant nous.

[Traduction]

Sénateur Kutcher, comme vous le savez, je reconnais que l’amendement que vous proposez vise à imposer une date butoir, garantissant ainsi que les mesures de sauvegarde seront examinées et mises en place rapidement. Toutefois, vous connaissez comme moi le rapport présenté par le Conseil des académies canadiennes au sujet de l’aide médicale à mourir dans les cas où une maladie mentale est invoquée.

Pendant l’étude préalable, nous avons entendu en comité d’importants témoignages d’experts en santé mentale. Ceux-ci, divisés en deux camps, ont exprimé des opinions, des convictions et des arguments solides sur les questions de savoir s’il existe des cas où l’aide médicale à mourir est appropriée ou si elle est indiquée lorsque la maladie mentale est la seule condition invoquée et, le cas échéant, quels seraient les types de mesures de sauvegarde qui permettraient de veiller à ce qu’on ne mette jamais fin à la vie d’une personne de manière prématurée lorsqu’il aurait été possible d’améliorer plutôt sa qualité de vie.

Je vous ai confié plus d’une fois que je peine à prendre une décision dans ce dossier. Je suis convaincue que nous ne pouvons pas discriminer ou isoler un groupe et je suis entièrement d’accord sur le fait que la maladie mentale peut se traduire par des souffrances intolérables. Cependant, j’ai de la difficulté à me faire une idée en raison des témoignages entendus en comité, même si j’ai confiance dans la compétence des professionnels.

À mon avis, il serait prudent que le Parlement maintienne l’exclusion de la maladie mentale, comme le propose le projet de loi C-7, jusqu’à ce que l’aide médicale à mourir puisse être offerte de manière sûre dans les cas de maladie mentale et une fois que nous aurons étudié les mesures de sauvegarde connexes qui doivent être prévues au Code criminel.

Cependant, si le Sénat appuie une disposition de caducité, nous devons nous assurer que le Parlement et le gouvernement disposent du temps nécessaire pour examiner la question, tenir des consultations à cet égard et mettre sur pied un programme d’aide médicale à mourir dans les cas où la maladie mentale est la seule condition invoquée, programme qui devra tenir compte de toutes les complexités liées à cette question. Merci.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Batters : J’ai une question pour la sénatrice Petitclerc. À titre de marraine du projet de loi, il s’agit bien évidemment d’un aspect important de celui-ci. Je vous accorde un peu plus de temps pour défendre votre point de vue.

La sénatrice Petitclerc : Je ne suis pas sûre de comprendre la question.

La sénatrice Batters : Je vous prie de prendre un peu plus de temps pour en parler. C’est vous qui parrainez ce projet de loi. C’est un aspect important de votre projet de loi. Je vous invite à prendre un peu plus de temps pour défendre les personnes atteintes d’une maladie mentale et pour parler de cette partie du projet de loi.

La sénatrice Petitclerc : J’ai dit ce que j’avais à dire à ce sujet et je maintiens mes propos. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Kutcher, avec l’appui de l’honorable sénateur Dalphond, propose en amendement que le projet de loi C-7 ne soit pas lu pour la troisième fois, mais qu’il soit modifié... Puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d’amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous procéderons à un vote à 17 h 3, après une sonnerie de 15 minutes.

Convoquez les sénateurs.

(1700)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre du 17 décembre 2020, il y a eu un léger ajustement dans le processus de vote pour les sénateurs qui participent par Zoom. Vous apparaîtrez sur la caméra lorsque vous voterez. Je vous prie d’en tenir compte et de vous assurer que votre visage et votre carte sont visibles. Si vous recevez un message contextuel au cours du vote, vous pouvez simplement l’ignorer.

Une fois que votre nom a été appelé, vous pouvez retirer votre carte.

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Kutcher, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bernard Griffin
Black (Alberta) Harder
Black (Ontario) Hartling
Boehm Jaffer
Boisvenu Keating
Boniface Klyne
Bovey Kutcher
Boyer Lankin
Brazeau Loffreda
Busson Marwah
Carignan Massicotte
Christmas Mégie
Cordy Mercer
Cormier Mockler
Cotter Moncion
Coyle Moodie
Dalphond Munson
Dasko Oh
Dawson Patterson
Deacon (Nouvelle-Écosse) Ravalia
Deacon (Ontario) Saint-Germain
Dean Seidman
Downe Simons
Duncan Smith
Dupuis Verner
Forest Wallin
Forest-Niesing Wells
Frum Wetston—57
Galvez

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson McPhedran
Ataullahjan Miville-Dechêne
Batters Ngo
Dagenais Omidvar
Greene Plett
Housakos Poirier
MacDonald Richards
Manning Stewart Olsen
Marshall Tannas
Martin Woo—21
McCallum

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bellemare LaBoucane-Benson
Gagné Pate
Gold Petitclerc—6

(1710)

La sénatrice Pate : Honorables sénateurs, j’aimerais avoir l’occasion d’expliquer les motifs de mon abstention.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Oui.

La sénatrice Pate : Merci. Je me suis abstenue parce que je crois qu’il est irresponsable de se précipiter pour élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui ne sont pas en fin de vie, au nom du maintien de l’autonomie individuelle et de la liberté de choix sans avoir d’abord — ou également —, insisté avec le même sentiment d’urgence et la même conviction sur un accès équitable et véritable à des soins de santé physique et mentale, de même qu’à du soutien social, financier et pour le logement.

De telles mesures sont essentielles pour faire en sorte que les personnes qui souffrent, y compris celles atteintes de maladies mentales, aient réellement la possibilité de faire un choix lorsqu’il s’agit d’alléger leurs souffrances. Merci, Votre Honneur.

(1720)

[Français]

Le sénateur Dalphond : Honorables sénateurs, je propose un amendement pour éviter des conséquences non désirées par le gouvernement, qui risquent de découler de l’exclusion de la maladie mentale comme seule condition invoquée pour interdire l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant d’un trouble neurocognitif, comme la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington ou la démence.

L’admissibilité à l’aide médicale à mourir est établie en fonction des critères définis au paragraphe 241.2(1) du Code criminel, que le projet de loi C-7 ne propose pas de modifier. Pour avoir accès à l’aide médicale à mourir, une personne doit notamment être affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables, ce qui signifie que la personne doit être atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables.

Le projet de loi C-7 propose d’ajouter que « la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap » et, avec l’amendement que nous avons adopté, cette exclusion serait quand même applicable pendant 18 mois. Si la Chambre des communes agrée à notre proposition, pendant les 18 prochains mois, l’exclusion de maladie mentale s’appliquera toujours. L’effet pratique de cette exclusion est de restreindre l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement d’une maladie mentale, tant et aussi longtemps que l’exclusion sera en vigueur.

Outre les inquiétudes relatives à la stigmatisation et à la discrimination dont nous avons parlé il y a quelques instants, bon nombre d’experts ont parlé des incertitudes que soulève l’utilisation même de l’expression « maladie mentale ».

La Dre Mona Gupta, psychiatre et présidente du comité consultatif sur l’aide médicale à mourir de l’Association des médecins psychiatres du Québec, comité chargé par le Collège des médecins d’étudier la question, a déclaré ce qui suit au Comité des affaires juridiques, et je cite :

[...] cette expression de « maladie mentale » n’est pas claire. Dans la terminologie standard en psychiatrie, on parle de troubles mentaux. Il s’agit d’une sphère assez vaste.

[Traduction]

Fleur-Ange Lefebvre de la Fédération des ordres des médecins du Canada a ajouté :

Premièrement, il y a le manque de clarté. La « maladie mentale » n’est pas un terme médical précis. En médecine, « maladie » peut s’entendre de l’expérience individuelle d’un patient qui souffre d’une affection.

Le manque de précision jette un doute et pourrait mener au débat, en pratique et possiblement devant les tribunaux, à savoir si oui ou non les troubles neurocognitifs tels que la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer constituent une maladie mentale aux fins de l’exclusion. Le Dr Timothy Holland, médecin et évaluateur de l’aide médicale à mourir, a dit ceci :

La maladie mentale et la définition de la maladie elle-même font l’objet de débats aussi bien en médecine qu’en philosophie. Tellement de personnes définissent la maladie mentale comme un ensemble précis de maladies qui se retrouvent dans l’esprit et dans les critères du DSM-5, comme l’anxiété et la dépression. D’autres soutiennent qu’il pourrait s’agir de la maladie de Parkinson ou de la maladie d’Alzheimer.

L’incertitude est exacerbée encore davantage par le fait que toutes les formes de démence et d’autres troubles neurocognitifs se retrouvent, à l’instar d’autres troubles mentaux, dans les deux principaux manuels de classification utilisés en psychiatrie, comme la professeure Donna Stewart de l’Université de Toronto l’a expliqué :

L’American Psychiatric Association et l’Organisation mondiale de la santé ont chacun élaboré une classification des maladies. La classification américaine, appelée DSM-5, qui signifie Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition, inclut toutes les formes de démences, ainsi qu’un certain nombre d’autres troubles neuropsychologiques. La classification internationale des maladies, la CIM-10 élaborée par l’Organisation mondiale de la santé inclut également les formes de démences. Ces deux types de classifications sont extrêmement larges, et toutes deux incluent l’ensemble du spectre des troubles mentaux.

Il est important de souligner que les personnes qui souffrent de troubles neurocognitifs, comme la démence, répondent aux critères d’admissibilité fixés par le projet de loi C-14. Comme l’a expliqué la professeure Jocelyn Downie de l’Université Dalhousie :

Les patients atteints de démence peuvent répondre aux critères d’admissibilité prévus par le projet de loi C-14. En fait, ils peuvent répondre aux quatre critères. Ils peuvent avoir toutes leurs capacités et répondre aux critères d’état de déclin et de capacité irréversible, raisonnablement prévisible, grave et incurable, et de la souffrance intolérable. C’est pourquoi les patients atteints de démence ont présentement accès à l’aide médicale à mourir en vertu du système actuel.

Une incertitude dans le Code criminel concernant la signification de la maladie mentale peut donc entraîner une véritable régression des droits des personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Il existe un risque réel d’effet néfaste dans la pratique. Pour éviter toute accusation criminelle potentielle, les médecins peuvent choisir de pécher par excès de prudence et refuser les demandes d’aide médicale à mourir aux patients atteints de troubles neurocognitifs qui, autrement, seraient admissibles à ce programme.

[Français]

Devant le comité, le ministre de la Justice, David Lametti, a tenté d’atténuer l’incertitude en faisant référence aux explications contenues dans le « Contexte législatif Projet de loi C-7 : Réponse législative du gouvernement du Canada à la décision Truchon de la Cour supérieure du Québec », un document d’accompagnement publié par le ministère de la Justice. Celui-ci prévoit ce qui suit, et je cite :

Malgré l’absence d’une définition claire et unique de la maladie mentale, dans le contexte des discussions canadiennes sur l’AMM, ce terme a été décrit comme désignant généralement les affections qui relèvent principalement du domaine de la psychiatrie […] Dans le contexte de la législation fédérale sur l’AMM, l’expression « maladie mentale » n’inclurait pas les troubles neurocognitifs ou neurodéveloppementaux, ni d’autres conditions susceptibles d’affecter les capacités cognitives, comme les démences, les troubles du spectre de l’autisme ou les déficiences intellectuelles, qui peuvent être traités par des spécialités autres que la psychiatrie […] ou des spécialités autres que la médecine […]

Devant le comité, le ministre Lametti a ajouté ce qui suit, et je cite :

Pour que ce soit clair : il n’est pas prévu que l’exclusion vise les troubles neurocognitifs associés à la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson [...]

Malgré les commentaires du ministre et les explications données dans le document d’accompagnement, il reste que la précision n’apparaît pas dans le texte de loi. Je crains malheureusement que, pour les praticiens, cela ne pose des difficultés.

Des questions se sont aussi posées sur le poids que pourrait avoir le document d’accompagnement devant les tribunaux lorsque le temps viendra d’interpréter l’expression « maladie mentale ». En réponse à une question du sénateur Carignan, le professeur Patrick Taillon, de l’Université Laval, a donné les explications suivantes, et je cite :

[...] il n’est pas inusité qu’on utilise des documents autres que des lois ou règlements pour des fins d’interprétation, mais dans le domaine du droit criminel cela me semble moins naturel ou, en tout cas, moins fréquent, surtout sur la question de la santé mentale.

[Traduction]

Le problème auquel nous sommes confrontés est le manque de clarté du projet de loi C-7. En l’absence d’une définition légale, des incertitudes vont probablement persister, et un débat aura lieu concernant la question de savoir si l’exclusion des maladies mentales est censée inclure les troubles neurocognitifs. Ces personnes pourraient se retrouver exclues du cadre de l’aide médicale à mourir même si ce n’est pas l’intention du gouvernement. Cette conséquence involontaire peut être évitée par une simple modification du libellé proposé dans le projet de loi C-7.

(1730)

Lorsqu’elle a comparu devant le comité, Fleur-Ange Lefebvre a souligné l’importance de la clarté et du langage utilisé, et je voudrais la citer à nouveau :

[...] je suis sûre que vous serez tous d’accord pour dire que la loi doit être claire. Le libellé ne doit laisser aucune place à des interprétations divergentes ou à des incertitudes. Les patients, leur famille, le public, les médecins et les autres professionnels de la santé et les organismes d’application de la loi doivent tous avoir la même interprétation de la loi.

Honorables sénateurs, il est important, par souci de clarté dans la loi, de garantir qu’il n’y ait pas de régression sur le plan de l’accès des Canadiens atteints de troubles neurocognitifs à l’aide médicale à mourir.

Adoption de la motion d’amendement

L’honorable Pierre J. Dalphond : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 1, à la page 3, par substitution, à la ligne 5, de ce qui suit :

« tale, autre qu’un trouble neurocognitif, n’est pas considérée comme une maladie, une affec- ».

L’article en entier se lirait donc maintenant comme suit:

Pour l’application de l’alinéa (2)a), la maladie mentale, autre qu’un trouble neurocognitif, n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap.

Merci.

[Français]

L’honorable Diane Bellemare : Madame la Présidente, j’ai une question à poser au sénateur Dalphond.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Oui, il reste trois minutes au sénateur Dalphond. Est-ce que le sénateur Dalphond accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Avec plaisir.

La sénatrice Bellemare : Sénateur Dalphond, ma question est la suivante : pourquoi ne pas attendre de faire une révision complète de la loi, soit l’année prochaine ou dans un avenir rapproché, avant de proposer ce genre d’amendement?

Je le comprends et je suis d’accord avec vous, mais je ne suis pas certaine que le projet de loi C-7 soit le bon véhicule pour effectuer tous ces changements. Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Dalphond : Merci de la question, sénatrice Bellemare.

Il ne s’agit pas d’un amendement qui modifie l’intention du gouvernement, mais qui vise plutôt à confirmer son intention relativement à l’exclusion de la maladie mentale, ce qui est nouveau et qui n’était pas prévu dans le projet de loi C-14. C’est donc pour confirmer ce que le ministre a dit devant le comité et ce que le document d’explications du gouvernement indique aussi.

Entretemps, si nous devions attendre un an et demi avant de revenir sur la question, cela créerait de l’incertitude et des Canadiens n’auraient pas accès à l’aide médicale à mourir. Malheureusement, leurs psychiatres concluraient qu’ils n’y ont pas droit parce qu’ils souffrent de l’alzheimer ou de la maladie de Parkinson, qui sont classés dans les manuels de psychiatrie comme étant des maladies mentales.

J’espère que cela répond à la question.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Dalphond, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Dalphond : Bien sûr.

La sénatrice Lankin : J’appuie l’intention de votre amendement ainsi que l’intention avouée du gouvernement. Voici ce que je veux savoir : lors de la rédaction de l’amendement, en énumérant certains troubles qui ne seront pas inclus dans la définition de maladie mentale — en l’occurrence les troubles neurologiques —, n’y a-t-il pas un risque que d’autres troubles soient inclus d’emblée parce qu’ils n’ont pas été expressément exclus? Avez-vous examiné cette question lors de la rédaction de l’amendement? Je tente seulement d’obtenir des précisions pour veiller à ce que cet amendement ne crée pas de nouveau problème.

Le sénateur Dalphond : Merci de cette excellente question.

N’étant pas psychiatre, je laisse au sénateur Kutcher le soin d’expliquer l’aspect psychiatrique. Néanmoins, je peux vous dire que, depuis quelques semaines, je travaille avec l’Association des médecins-psychiatres du Québec, la Dre Gupta, le Dr Green, de l’extérieur du Québec, et de nombreux autres psychiatres pour trouver d’abord une définition de la maladie mentale. Elle est devenue impossible à définir, mais ces personnes conviennent clairement que l’exclusion proposée permet d’atteindre les objectifs dans le domaine et de réaliser ce que le gouvernement tente de faire.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : D’autres sénateurs ont-ils des questions? La motion d’amendement est la suivante :

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 1, à la page 3, par substitution, à la ligne 5, de ce qui suit :

« tale, autre qu’un trouble neurocognitif, n’est pas considérée comme une maladie, une affec- ».

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, j’appuie l’amendement proposé par mon collègue le sénateur Dalphond, et je vais vous exposer mes raisons.

Comme il a été répété plusieurs fois lors de discussions au sein du comité, l’exclusion de la maladie mentale est un aspect du projet de loi qui est considéré par beaucoup de nos témoins comme étant anticonstitutionnel et discriminatoire. C’est également une mesure qui ne précise pas avec exactitude les personnes concernées par cette exclusion. Comme le disait la professeure Downie, de l’Université Dalhousie, lorsqu’elle a comparu devant le comité, la frontière entre le physique et le mental n’est pas nette chez les spécialistes de la santé mentale. Or, le projet de loi n’est pas net non plus lorsqu’il a pour effet d’introduire cet article sur l’exclusion sans réellement apporter de définition claire sur le sujet.

Il y a un sujet qui m’apparaît extrêmement important et sur lequel je vais proposer un amendement plus tard : il s’agit des personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Les maladies neurodégénératives ou neurocognitives se situent sur cette frontière floue entre la maladie physique et mentale. Nous savons qu’il existe à la fois un aspect physique, qui est la dégénérescence des cellules du cerveau, et qu’il peut y avoir également un aspect mental où les pertes cognitives affectent l’intellect du patient.

Lorsque j’ai parlé avec Joanne Klineberg, avocate générale par intérim, Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice, elle m’a certifié que les maladies neurodégénératives ne sont pas exclues si le patient répond à tous les critères de l’aide médicale à mourir.

Nous devons tous reconnaître que l’expression « maladie mentale » est un sujet vaste et que la définition fournie par le ministère de la Justice n’est pas claire lorsqu’il précise que l’exclusion concerne les affections qui relèvent principalement du domaine de la psychiatrie.

Or, comme l’a démontré le sénateur Dalphond dans ses explications, et je le cite :

L’incertitude n’est pas atténuée par l’explication que l’on trouve dans le contexte législatif du projet de loi C-7. Comme l’explique l’Association des médecins psychiatres du Québec :

Cette déclaration est […] déconcertante, car les troubles neurodéveloppementaux ne sont pas soumis à la clause d’exclusion. Les troubles neurodéveloppementaux comprennent, entre autres, des affections telles que les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité (TDAH), les troubles d’apprentissage et le bégaiement. Il serait contre-intuitif pour les cliniciens que de telles conditions puissent être admissibles aux demandes d’aide médicale à mourir, mais des conditions beaucoup plus graves comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire soient exclus. Cela pourrait semer un doute quant à savoir qui exactement le gouvernement a l’intention d’inclure et d’exclure par la clause d’exclusion des maladies mentales.

Cette imprécision qui subsiste dans le projet de loi pourrait avoir des conséquences sur les demandes d’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Des praticiens de la santé pourraient exclure certaines demandes — par prudence ou par hésitation — en raison de ce flou qui est entretenu par la législation actuelle et par le manque de définition claire des maladies mentales.

Sur la base de cette incertitude, je crois que l’amendement préparé par le sénateur Dalphond prend tout son sens. Il apporte une précision au texte de loi qui me semble nécessaire à son application. Avec cette précision, le Sénat fait son devoir en s’assurant que le projet de loi sera compréhensible et applicable en vertu de son champ d’application.

(1740)

J’appuie donc sans réserve l’amendement du sénateur Dalphond.

[Traduction]

Le sénateur Kutcher : J’appuie également l’amendement du sénateur Dalphond. Je pense que c’est important pour la clarté. Le projet de loi est beaucoup plus clair maintenant. Ce libellé ne figurait pas dans la mesure législative, mais le ministre nous a dit que c’était l’intention du projet de loi, selon lui. Il est primordial de rendre le projet de loi plus clair.

L’amendement est une précision qui contribuera à garantir que personne ne perdra son droit à l’évaluation de la demande d’aide médicale à mourir en fonction d’un diagnostic rendu au cours des 18 prochains mois. À mon avis, il s’agit également d’un pas dans la bonne direction pour mieux comprendre les troubles mentaux et en parler, car le libellé employé est cliniquement reconnaissable. Comme nous pouvons tous examiner les critères cliniquement reconnaissables, nous comprenons mieux le contenu du projet de loi C-7.

Cette plus grande clarté sera importante pour les personnes qui envisagent de bénéficier du programme d’aide médicale à mourir. Elle sera très importante pour les fournisseurs, les cliniciens et les régulateurs de l’aide médicale à mourir. Si une contestation judiciaire ou une décision judiciaire devait être rendue sur cette question au cours des 18 prochains mois, la plus grande clarté aidera les tribunaux chargés de prendre une décision.

Je remercie le sénateur Dalphond de l’amendement et j’invite les sénateurs à l’appuyer. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : J’aurais une question à poser au sénateur Kutcher.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Kutcher, accepteriez-vous de répondre à une question de la sénatrice Dupuis?

Le sénateur Kutcher : Certainement. De combien de temps disposons-nous?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous disposez encore de trois minutes.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Sénateur Kutcher, dans l’amendement proposé, on utilise l’expression « trouble neurocognitif ». Pouvez-vous me confirmer que l’on utilise également les termes « déficits neurocognitifs »? Selon vous, est-ce que cela inclut les déficits neurocognitifs majeurs, de même que ceux qui sont légers?

[Traduction]

Le sénateur Kutcher : Je pense que ce projet de loi rend plus claires les catégories de diagnostic regroupées actuellement sous l’appellation des troubles neurocognitifs. Il s’agit de maladies telles que la maladie d’Alzheimer, les autres types de démence et ce genre de troubles.

[Français]

L’honorable Dennis Dawson : Pour commencer mes brefs commentaires en faveur de l’amendement de mon collègue le sénateur Dalphond, j’aimerais remercier les membres du comité qui se sont prononcés aujourd’hui et qui nous ont éclairés tout au long du processus.

J’appuierai ce projet de loi comme j’ai l’intention d’appuyer les amendements des sénateurs Kutcher et Dalphond. Cependant, même si leurs amendements sont rejetés, que ce soit par le Sénat ou par la Chambre des communes, je continuerai d’appuyer le projet de loi, car je crois qu’il répond à un besoin.

Le train a quitté la gare. L’aide médicale à mourir est un droit reconnu. Pour les Canadiens, ce projet de loi vise à améliorer la loi actuelle et non à relancer le débat. Nous ne pouvons revenir en arrière. Les gens de partout au Canada, et en particulier les Québécois, espèrent des éclaircissements, mais je crois qu’ils continueront d’appuyer le projet de loi C-7, comme ils ont appuyé le projet de loi C-14.

Je crois que l’amendement du sénateur Dalphond apporte une clarté et une certitude à la question des maladies mentales, afin que les personnes atteintes de troubles qui affectent leurs capacités cognitives, comme la maladie d’Alzheimer ou d’autres démences, puissent avoir l’assurance qu’ils pourront prendre une décision avant que leur maladie ne leur enlève leurs fonctions cognitives.

Beaucoup d’entre vous ont parlé des lettres qu’ils ont reçues, et l’une des raisons pour lesquelles j’interviens aujourd’hui, c’est que, pour moi, il s’agit d’une question personnelle.

[Traduction]

Je suis probablement le seul sénateur prenant part au présent débat qui ait participé à l’exercice du droit de mourir. Ma belle-sœur a reçu un diagnostic de cancer après que le projet de loi C-14 a été adopté. Seulement, elle avait encore toute sa tête.

[Français]

Elle avait des métastases au cerveau qui allaient lui enlever, si elle attendait trop longtemps, la liberté de faire son propre choix.

Après avoir reçu son diagnostic, au cours de l’été 2019, elle a décidé de respecter le fait qu’elle allait mourir, mais qu’elle voulait le faire dans la dignité; elle voulait le faire d’une façon et à une période qui lui convenaient.

[Traduction]

Le projet de loi C-14 avait été adopté et elle a exercé le droit que la loi lui accordait désormais. Nous lui avons donné ce droit. Elle aurait pu attendre, étant donné son diagnostic. Elle aurait pu se prévaloir de son droit d’attendre, mais elle avait des tumeurs au cerveau et, comme je l’ai dit avant en français, elle voulait exercer son droit. Elle aurait perdu ses capacités cognitives, notamment sa capacité de décision. Elle était lucide et fière de sa décision. Son mari, mon frère, ainsi que ses enfants ont respecté sa décision.

Le jour J, comme l’a dit mon ami Pierre dans son discours hier, nous avons célébré sa vie dans une atmosphère intime, autour d’un petit verre de vin, un matin. Des amis et la famille étaient dans la pièce et, quelques minutes avant que la décision soit exécutée, on nous a demandé de sortir. Seuls mon frère et ses enfants sont restés. Nous sommes revenus deux minutes plus tard.

Elle avait décidé d’exercer son droit de mourir. Tout cela n’avait rien d’austère ni de froid. Ce fut un acte d’amour, et non un acte purement médical. Ce fut un acte d’amour partagé avec ses amis, sa famille, ses êtres chers. Elle a fait comme elle l’entendait. Elle nous a quittés en souriant et avec dignité.

[Français]

Elle n’aurait pas survécu; elle a donc voulu partir selon ses conditions. Cela a été, et cela demeure, l’un des moments les plus émouvants de ma vie.

J’ai voté en faveur du projet de loi C-14 et j’en étais fier. À ce moment-là, j’ai compris que c’était un droit qu’on ne pouvait plus enlever aux Canadiens.

Mon bon ami Serge Joyal avait soulevé certaines objections au sujet du projet de loi C-14. Il disait que le projet de loi n’était pas parfait, ce à quoi j’ai répondu que la perfection est l’ennemi du bien, et que si on avait continué à en débattre, la loi n’aurait probablement pas été adoptée et ma belle-sœur n’aurait pas eu le droit d’exercer ce qui est maintenant un droit acquis.

Je vous dis que oui, j’appuierai certains amendements, mais je veux que ce soit clair, j’appuierai toujours le projet de loi même si les amendements sont rejetés à l’autre endroit.

J’appuie l’amendement du sénateur Dalphond qui souligne que l’exclusion des maladies mentales n’est pas destinée aux personnes souffrant de troubles neurocognitifs qui leur enlèveront le privilège de prendre leurs propres décisions.

[Traduction]

Je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce projet de loi. Vous avez fait un travail formidable. Ce sera probablement ma seule intervention. Cette question m’émeut beaucoup étant donné que j’ai moi-même participé à l’exercice des droits conférés par cette loi. J’y suis toujours très sensible. Merci beaucoup.

(1750)

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Dalphond, avec l’appui de l’honorable sénateur Munson, propose en amendement :

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 1, à la page 3, par substitution, à la ligne 5, de ce qui suit :

« tale, autre qu’un trouble neurocognitif, n’est pas considérée comme une maladie, une affec- ».

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion d’amendement de l’honorable sénateur Dalphond est adoptée avec dissidence.)

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, dans le cadre de l’étude du projet de loi C-7, notre comité a entendu plus d’une centaine de témoins de tous les horizons, qui ont livré des témoignages instructifs, enrichissants et souvent très émouvants. Des experts, des familles et des associations nous ont permis de mieux comprendre certains aspects de l’aide médicale à mourir et les lacunes relatives au projet de loi C-7.

Rappelons que ce projet de loi vise à corriger les failles du projet de loi C-14, qui a été adopté en 2016 même s’il ne répondait pas complètement à l’arrêt Carter. En 2019, la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire de Truchon et Gladu a confirmé la nécessité de revoir la Loi sur l’aide médicale à mourir. Je tiens à souligner que le Sénat avait déjà fait des recommandations en 2016 dans le contexte de l’étude du projet de loi C-14 pour éviter la situation dont nous sommes témoins aujourd’hui.

Malheureusement, le gouvernement a préféré la rapidité au détriment de la pertinence.

Je l’ai déjà affirmé, l’aide médicale à mourir fait d’abord appel à nos valeurs personnelles plutôt qu’à nos valeurs collectives, ce qui rend nos débats à la fois difficiles, hautement émotifs et touchants. Adopter une loi si puissante sur le plan humain est un grand défi législatif, surtout quand le droit de mourir dignement, qui est garanti par certains articles de notre Constitution, se heurte à des valeurs religieuses, culturelles ou communautaires qui ne reconnaissent pas ce droit.

Depuis le début de nos travaux, je souhaite que l’adoption du projet de loi C-7 ne laisse pas en plan, encore une fois, d’autres personnes qui souffrent, comme cela a été le cas avec le projet de loi C-14 au cours des cinq dernières années.

Au-delà de la question constitutionnelle et des failles relatives au projet de loi C-7 que j’ai déjà mentionnées dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, il me semble que ce projet de loi fait fi de la souffrance des patients aux prises avec des maladies graves, notamment des maladies dégénératives cérébrales comme l’alzheimer ou la démence.

Lorsqu’une personne reçoit un diagnostic de maladie dégénérative, un grand sentiment d’incertitude, de confusion et d’insécurité s’empare de sa vie.

Les maladies neurodégénératives, appelées aussi atteintes neurocognitives, affectent de manière irréversible les patients qui en sont atteints et entraînent une dégradation lente et pénible de leur qualité de vie. Cette dégradation entraîne une perte d’autonomie graduelle sur les plans physique et mental. La perte de conscience de soi-même et de son état est un des éléments les plus problématiques de la dégénérescence cérébrale. C’est la raison pour laquelle ce type de maladie, qui est à la fois psychiatrique et physique, exige de laisser au patient le choix d’avoir recours à une demande anticipée ou procuratoire pour bénéficier de l’aide médicale à mourir.

Le paragraphe 3.2 de l’article modificatif 1 du projet de loi C-7 semble prévoir une mince ouverture pour les consentements anticipés, mais cette ouverture n’est pas suffisamment définie et ne répond pas à la complexité des situations que vivent les personnes atteintes de maladies neurodégénératives.

Pire encore, dans le contexte du projet de loi à l’étude, certains témoins nous ont affirmé qu’une personne atteinte de ce type de maladie pourrait avoir recours au suicide pour mettre fin à ses jours hâtivement, de peur de ne plus posséder la capacité à consentir à l’aide médicale à mourir. Cette situation la priverait de vivre quelques mois de plus, voire quelques années de plus. Voilà dans quelle prison le projet de loi C-7 enferme ces personnes en les privant de leur droit de mourir dignement, entourée de leur famille.

À titre d’exemple, la maladie d’Alzheimer est une maladie évolutive propre à chacun. Une personne peut vivre des années avec l’alzheimer sans connaître le moment où elle perdra réellement la maîtrise de ses capacités cognitives et où elle sera dans l’incapacité de consentir à l’aide médicale à mourir. Un consentement anticipé lui permettrait de vivre sereinement tout en sachant que, lorsque le moment viendra, elle et sa famille n’auront pas à subir la terrible souffrance qu’engendre la maladie d’Alzheimer à son stade ultime. Le projet de loi entretient une zone floue sur la manière dont ces personnes peuvent avoir accès à l’aide médicale à mourir et le ministre de la Justice a été clair : ce projet de loi ne prévoit pas de demandes par procuration.

Il est donc incompréhensible que le gouvernement n’ait pas présenté un projet de loi plus exhaustif sur les maladies neurodégénératives, alors qu’il disposait de quatre ans pour légiférer sur cette question.

Cette semaine, j’ai été touché par de nombreux témoignages de personnes concernées par la dégénérescence cérébrale. C’est le cas de Mme Sandra Demontigny, une mère de trois enfants âgés de 14, 18 et 22 ans, qui a reçu à l’âge de 39 ans un terrible diagnostic de maladie d’Alzheimer. Cette jeune mère, âgée de 41 ans et auteure d’un livre intitulé L’urgence de vivre : ma vie avec l’Alzheimer précoce, a décidé de prendre publiquement la parole pour convaincre les autorités chargées d’étudier la question de l’aide médicale à mourir de l’importance d’élargir les critères d’admissibilité. Elle souhaite que des personnes comme elle, qui reçoivent un diagnostic de maladie dégénérative et irréversible comme l’alzheimer, puissent faire une demande anticipée ou procuratoire d’aide médicale à mourir. Ainsi, même si elles n’étaient plus mentalement aptes à faire une telle demande, elles y auraient quand même droit le moment venu.

Je cite les propos de Mme Demontigny au sujet de son père, qui est décédé à l’âge de 53 ans de la maladie d’Alzheimer :

Vers la fin, il était dans un lit d’hôpital, contentionné au torse, aux jambes et aux bras… C’était l’horreur. Mon frère et moi, on a des images. On voyait la détresse dans ses yeux, il était apeuré, fou, il ne pouvait plus bouger, il ne reconnaissait plus personne… On se souvient encore des sons qu’il faisait quand il criait.

Elle a également affirmé ceci :

Je veux pouvoir donner des directives anticipées, je veux pouvoir dire : “Quand je ne reconnaîtrai plus mes enfants, je veux qu’on me donne l’aide médicale à mourir.” Un peu comme un mandat d’inaptitude…

Par l’intermédiaire de la journaliste Véronique Lauzon, de La Presse, j’ai pu entrer en communication avec Sandra Demontigny.

J’ai eu le privilège d’échanger avec cette dame courageuse à propos de son parcours et j’ai pu lui offrir mon soutien dans le combat qu’elle mène afin que le projet de loi que nous étudions actuellement au Sénat réponde aux attentes de patients comme elle.

De plus, le Québec, qui s’apprêtait à modifier sa propre loi sur l’aide médicale à mourir afin d’inclure les demandes anticipées, attend actuellement la suite des travaux parlementaires du gouvernement fédéral. L’adoption du projet de loi C-7, tel qu’il est rédigé, serait un recul pour le Québec.

C’est la raison pour laquelle je souhaite déposer un amendement afin que le Parlement puisse faire un examen de la loi pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives dans les 90 jours suivant la sanction royale, afin de faire des recommandations pour apporter des modifications législatives au texte de loi.

En terminant, j’aimerais souhaiter bon courage à toutes les familles dont un proche souffre de cette terrible maladie. Au nom de Sandra Demontigny et de toutes les personnes qui souffrent de cette maladie, je compte déposer un amendement au projet de loi afin de leur apporter de l’espoir.

Je crois sincèrement qu’une personne qui reçoit un tel diagnostic a le droit de choisir le moment où elle veut cesser de vivre afin qu’elle puisse mourir dans la dignité entourée de sa famille.

(1800)

J’espère seulement que, maintenant que le ministre David Lametti s’est engagé à étudier sérieusement les amendements du Sénat, il ne s’agit pas de paroles en l’air, comme ce fut le cas en 2016 lors de l’adoption du premier projet de loi sur l’aide médicale à mourir, le projet de loi C-14.

Si c’est le genre de prison dans laquelle le projet de loi risque d’enfermer dans la souffrance ces personnes et leur famille pendant des années, sans que la science puisse y faire quoi que ce soit, nous avons la responsabilité de trouver la clé pour les libérer. J’espère seulement que l’histoire ne se répétera pas avec ce gouvernement et qu’il ne laissera pas ces malades souffrir encore en ignorant un droit que la Cour suprême leur a reconnu en 2015.

Motion d’amendement—Débat

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à la page 9 par adjonction, après la ligne 33, de ce qui suit :

« Examen

5 (1) Dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de sanction de la présente loi, le comité soit de la Chambre des communes, soit du Sénat, soit mixte, désigné ou constitué à cette fin procède à un examen complet de l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative.

(2) Dans un délai d’un an suivant le début de l’examen, le comité remet à la chambre ou aux chambres l’ayant constitué ou désigné son rapport sur l’examen, lequel comprend, s’il y a lieu, un énoncé des modifications législatives qu’il recommande d’apporter. ».

Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : En amendement, l’honorable sénateur Boisvenu propose, appuyé par l’honorable sénateur Carignan, que projet de loi C-7 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié...

Des voix : Suffit!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous poursuivrons le débat. Conformément à l’ordre adopté hier, je dois suspendre la séance pendant une heure. La séance reprendra donc à 19 h 3.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Petitclerc, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénateur Carignan, c.p.,

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à la page 9 par adjonction, après la ligne 33, de ce qui suit :

« Examen

5 (1) Dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de sanction de la présente loi, le comité soit de la Chambre des communes, soit du Sénat, soit mixte, désigné ou constitué à cette fin procède à un examen complet de l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative.

(2) Dans un délai d’un an suivant le début de l’examen, le comité remet à la chambre ou aux chambres l’ayant constitué ou désigné son rapport sur l’examen, lequel comprend, s’il y a lieu, un énoncé des modifications législatives qu’il recommande d’apporter. ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous reprenons le débat sur l’amendement du sénateur Boisvenu.

L’honorable Claude Carignan : J’ai le plaisir d’appuyer l’amendement du sénateur Boisvenu qui vise à confier aux comités parlementaires le soin de procéder dans les plus brefs délais à une étude sur l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives.

En fait, le projet de loi C-7 aborde de façon un peu confuse cet enjeu pourtant crucial; le paragraphe 1(2) ajoute au Code criminel le nouveau paragraphe 241.2(2.1) qui stipule que, pour l’application de l’alinéa 241.2(2)a), la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap.

Dans le document d’accompagnement du ministère de la Justice, comme on l’a vu tout à l’heure avec l’amendement du sénateur Boisvenu, la notion de maladie mentale n’incluait pas les troubles neurocognitifs ou neurodéveloppementaux.

Par conséquent, le projet d’amendement du sénateur Boisvenu soulève, de façon importante, la question des directives anticipées. En ce qui a trait aux directives anticipées, on a pensé apporter des amendements au projet de loi C-7, sauf que cela devient de plus en plus complexe et détaillé, ce que je me risque à appeler de la microgestion dans le cadre du Code criminel.

Comme je l’ai souvent dit, dans le cas du projet de loi C-7, on doit amender le Code criminel et on doit déterminer ce qui est criminel et ce qui ne l’est pas. Or, plus on entre dans les détails, plus on risque de déclarer criminels des comportements qui sont moins importants ou bien d’empiéter sur le champ de compétence des provinces.

Il est important de laisser le soin au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et aux ordres professionnels de déterminer, ensemble, le meilleur processus possible, particulièrement en ce qui concerne les cas de maladies mentales et de directives anticipées.

L’amendement du sénateur Kutcher propose une période de 18 mois pour la fin de l’application de la disposition ayant trait à l’exclusion pour les gens atteints de troubles mentaux, et nous discutons maintenant de cet amendement que j’appuie parce que, dans 3 mois, nous pourrons dire au gouvernement non seulement qu’il dispose d’un délai à la fin, une période de 18 mois au cours de laquelle il devra appliquer les dispositions pour les gens atteints de maladie mentale, mais aussi que, d’ici 3 mois, on va lui demander de commencer immédiatement l’étude de cette situation et d’examiner de façon plus particulière les directives anticipées.

Je pense qu’il s’agit d’éléments importants. Lorsqu’on parle aux gens de maladie mentale, on les entend souvent évoquer l’alzheimer et nous dire qu’ils veulent être en mesure de déterminer à l’avance, lorsqu’ils ne reconnaîtront plus leurs enfants et qu’ils seront dans une situation assortie de différents types de conditions, qu’ils veulent avoir accès à l’aide médicale à mourir. Les gens n’y ont plus accès à l’heure actuelle parce qu’ils n’ont plus la capacité de consentir au moment où cela doit être administré.

J’appuie fortement cet amendement proposé par le sénateur Boisvenu, et je vous invite à l’appuyer également.

L’honorable Lucie Moncion : Le sénateur Carignan accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Carignan : Oui, bien sûr.

La sénatrice Moncion : Pouvez-vous m’indiquer pourquoi vous soutenez des délais aussi courts de 90 jours en ce qui a trait à la création de ce comité et d’un an seulement pour la tenue de cette étude? Je trouve qu’il s’agit de courts délais.

Le sénateur Carignan : La période de trois mois, c’est le temps qu’il faudra pour mettre le comité en place. Je pense que c’est tout de même assez long. Le ministre a pris l’engagement de procéder à l’étude. C’est aussi pour le suivi du projet de loi C-14; on sait que, pour le projet de loi C-14, on avait accordé le mois de juin 2020 pour procéder à cette étude. Or, ce n’est pas encore commencé. Avec l’adoption du projet de loi, c’est un délai de 90 jours; c’est raisonnable étant donné que cette obligation existe déjà dans le projet de loi C-14, en partie, du moins. De cette façon, on y accorde de l’importance.

En ce qui a trait à la période de 12 mois, je crois que c’est raisonnable lorsqu’on pense que, dans le cadre de l’application de l’exclusion de 18 mois de tout à l’heure, cela donnera une période de 6 mois pour mettre en place les formations et les mesures nécessaires. Cela m’apparaît être un calendrier raisonnable et judicieux.

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’aimerais prendre quelques minutes pour aborder l’amendement proposé par notre collègue, le sénateur Boisvenu. Je crois que personne dans cette enceinte, et probablement au pays, ne sera surpris d’apprendre que je n’appuie pas ce projet de loi, dans son ensemble. Par ailleurs, je n’appuierai certainement pas des dispositions législatives qui permettraient à des personnes ayant une maladie mentale d’être admissibles. De toute évidence, cet amendement est lié à cette question...

(1910)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Plett, il semble y avoir un problème d’interprétation. Je suis désolée, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Votre Honneur, j’ose espérer que nous allons reprendre depuis le début. Je n’aurai probablement pas besoin de six minutes, mais si c’est le cas en fin de compte, je vous fais confiance pour que vous me permettiez de terminer.

Comme je le disais, je ne surprendrai personne en affirmant que je m’oppose entièrement à ce projet de loi dans son intégralité. Je m’oppose à élargir la portée de la loi pour inclure les personnes ayant une maladie mentale. Je m’oppose à l’amendement qui, de toute évidence, a déjà été adopté. Toutefois, je crois que, lorsqu’on n’est pas capable d’obtenir le rejet d’un projet de loi, il faut essayer de l’améliorer. C’est pourquoi j’ai pris part à certaines démarches.

Bien que je ne partage pas certains raisonnements de mon collègue et ami, le sénateur Boisvenu, je souscris à l’amendement qu’il propose. Nous vivons dans un pays extraordinaire où il est possible d’être en désaccord tout en préservant ses liens d’amitié. Je m’en réjouis et je crois sincèrement que le sénateur Boisvenu et ma relation avec lui continueront de bien se porter.

Chers collègues, j’appuie cet amendement. Je l’appuie parce que pendant mes 10 années et demie au Sénat, je ne pense pas avoir déjà voté contre le renvoi d’un projet de loi à un comité. J’ai toutefois voté contre beaucoup de projets de loi à l’étape de la troisième lecture. À l’occasion, j’ai même prononcé les mots « avec dissidence » lorsqu’il était question de renvoyer un projet de loi à un comité, mais je ne crois pas déjà avoir voté contre un tel renvoi. Si je me trompe, les personnes qui aiment parfois me corriger s’emploieront à le faire, j’en suis convaincu. Quoi qu’il en soit, je crois que les projets de loi doivent être étudiés par un comité. Je le crois vraiment. C’est ainsi qu’il nous est possible de justifier l’adoption ou le rejet d’un projet de loi. C’est la raison pour laquelle plus de 150 témoins ont comparu devant le Comité des affaires juridiques qui en est saisi.

Le sénateur Boisvenu tente de lancer une autre étude. De nombreux témoins nous ont dit que nous n’en savions pas assez sur cette mesure législative et qu’il fallait approfondir la question. Le seul moyen d’y arriver est de créer un comité qui nous renseignera davantage. Même si je n’appuie pas le principe du projet de loi, soit que des gens ayant des maladies mentales soient admissibles à l’aide médicale à mourir, j’appuie l’idée d’étudier un projet de loi plus en profondeur. C’est ce que nous propose le sénateur Boisvenu. Le sénateur Moncion a soulevé un bon point il y a un instant, en se demandant si 90 jours seraient suffisants. Je n’en suis pas convaincu, mais il serait bon de former un comité, qui disposerait par la suite d’une année.

Nous savons tous que les gouvernements prennent au moins le temps qu’on leur accorde et peut-être même un peu plus. Sénateur Moncion, même si nous lui donnons 90 jours, j’ai le pressentiment que le gouvernement prendra plus de 90 jours. Néanmoins, l’espoir fait vivre, et peut-être que le gouvernement respectera le délai. Chers collègues, pour cette raison, j’appuie l’amendement que mon collège a présenté et je voterai pour. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Plett, la sénatrice Lankin aimerait vous poser une question. Acceptez-vous d’y répondre?

Le sénateur Plett : Certainement.

L’honorable Frances Lankin : Je n’interviens pas à ce stade-ci, sénateur Plett, pour vous rappeler la fois où vous aviez voté contre un projet de loi avant qu’il ne se rende en deuxième lecture. Je veux plutôt vous poser une question qu’il est probablement injuste de vous adresser, mais je n’ai pas pu la poser au sénateur Carignan au moment opportun.

Je veux m’assurer que le libellé de l’amendement reflète bien l’échéance qu’avaient en tête les sénateurs Boisvenu et Carignan. L’amendement propose qu’on procède à une évaluation dans les 90 jours et que le comité présente un rapport dans l’année. Je crois qu’il n’apparaît pas clairement que l’évaluation ne doit pas être terminée dans les 90 jours. Le libellé est flou à cet égard. Peut-être que mon interprétation est incorrecte, mais je crois qu’il est tout à fait approprié de préciser qu’il faut entreprendre l’évaluation dans les 90 jours. Il pourrait être irréaliste d’insister sur le fait que l’évaluation doit être terminée dans les 90 jours, selon qu’il est nécessaire de le faire parallèlement, à l’initiative du gouvernement, aux autres évaluations qui tardent déjà et qui étaient prévus dans le projet de loi C-14.

Si vous ne pouvez pas répondre, sénateur Plett, peut-être que quelqu’un d’autre pourrait le faire. Avant de devoir me prononcer, j’aimerais qu’on m’indique avec certitude si l’amendement proposé comprend une ambiguïté pour ce qui est de savoir s’il faudrait à la fois effectuer et terminer l’examen dans un délai de 90 jours.

Le sénateur Plett : Je ne voulais pas nommer qui que ce soit, mais puisque vous n’étiez pas sur place, je ne pouvais pas regarder dans votre direction au moment où j’ai dit que quelqu’un s’emploierait à me corriger si je me suis trompé en affirmant n’avoir jamais voté contre le renvoi à un comité. Je suis heureux de vous voir à l’écran, sénatrice.

J’aimerais seulement lire le deuxième paragraphe. En attendant, le sénateur Boisvenu pourrait peut-être envoyer un message texte à un membre du caucus conservateur pour qu’il prenne la parole et apporte la précision nécessaire.

Selon le deuxième paragraphe, le comité doit remettre son rapport dans un délai d’un an suivant le début de l’examen. Je suppose qu’on parle d’un délai d’un an à partir du moment où le comité commencera son examen. C’est ce que j’en comprends, même si, évidemment, ce n’est pas moi qui ai rédigé cela. C’est tout ce que je dirai. Si c’est inexact, quelqu’un pourrait peut-être nous envoyer une note.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous reprenons le débat.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : J’ai entendu le discours de mon collègue le sénateur Boisvenu, qui était très intéressant sur le fond. Nous partageons la même opinion sur la question sur laquelle nous nous penchons, soit celle des directives anticipées dans le contexte des maladies qui provoquent une dégénérescence graduelle du cerveau et la perte de la capacité à consentir. C’est un débat qui est avancé au Québec, et je crois qu’il y a un certain consensus qui se dégage quant au fait que nous devrions adopter un régime de directives anticipées.

Toutefois, je m’interroge sur la solution qui nous est proposée.

[Traduction]

On propose ici qu’un comité soit créé — peut-être au Sénat, peut-être à la Chambre des communes ou peut-être un comité mixte —, et que ce comité dépose son rapport d’ici un an, ce qui, je suppose, veut dire dans 15 mois. Je soupçonne qu’il y aura des élections d’ici 15 mois. C’est probable et nous devrons nous ajuster en conséquence. Cela me préoccupe.

Je me préoccupe aussi de la loi qui découle du projet de loi C-14, car le préambule du projet de loi C-7 dit ceci :

[...] que la loi prévoit qu’un comité du Parlement entamera, en juin 2020, un examen des dispositions de la loi portant sur l’aide médicale à mourir et de la situation des soins palliatifs au Canada […]

— nous savons que cela ne s’est pas fait —

[…] et que cet examen pourra notamment porter sur les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée [...]

Étant donné la manière dont le projet de loi C-7 a été rédigé, aucun des témoins que nous avons entendus n’a abordé la question des directives anticipées. Elle ne faisait pas partie du projet de loi. Certains témoins y ont fait allusion. Il s’agit sans aucun doute d’une question complexe.

En Belgique, par exemple, où l’on retrouve de telles directives anticipées, une commission est chargée de superviser le processus. Les directives anticipées font l’objet d’une vérification quinquennale. On dit aux personnes : vous avez signé ce document il y a cinq ans. Y consentez-vous toujours?

(1920)

Un processus très complexe doit être mis au point. Je pense que le comité parlementaire pourrait s’en charger. Je suis toutefois préoccupé par la possibilité qu’il y ait en même temps un comité spécialisé et un autre comité qui serait créé aussitôt que possible, comme le sénateur Gold et le ministre de la Justice nous ont demandé de le faire il y a quelque temps, pour effectuer un examen global du projet de loi C-14 et du régime d’aide médicale à mourir. S’il y a à la fois un comité chargé d’étudier spécifiquement la question des directives anticipées et un autre comité chargé d’étudier tout le reste, comment veiller à ce que les travaux de l’un et l’autre se recoupent? Je pense donc que, pour l’examen du projet de loi, il faudrait plutôt créer un comité qui aurait pour responsabilité d’examiner toutes ces questions ensemble.

Je comprends ce que la suggestion du sénateur Boisvenu tente d’accomplir, et je suis d’accord avec lui. Cependant, je suis convaincu que les engagements pris par le sénateur Gold et le ministre de la Justice dans cette enceinte sont de vrais engagements et qu’il y aura un examen complet au cours des prochains mois. Merci.

L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Dalphond, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Avec plaisir.

Le sénateur Kutcher : Vous avez discuté avec divers psychiatres des termes à employer pour votre amendement et vous avez choisi « troubles neurocognitifs ». Ici, le terme employé est « maladie neurodégénérative ». J’aimerais savoir ce que vous pensez de cela. Les maladies neurodégénératives comprennent notamment l’alzheimer, la sclérose latérale amyotrophique, l’ataxie de Friedreich, la maladie de Huntington et la démence à corps de Lewy. Une panoplie de maladies sont traditionnellement appelées neurodégénératives. Toutefois, je tiens à soulever le fait que, récemment, une foule d’études laissent entendre que la schizophrénie et même la dépression pourraient, elles aussi, être considérées comme des maladies neurodégénératives. Par exemple, de multiples études sur la dépression révèlent une atrophie ou perte neurale dans diverses parties du cerveau, dont le cortex et l’hippocampe, et de plus en plus de scientifiques pensent que ces maladies sont également neurodégénératives. Croyez-vous qu’il y aurait lieu de revoir le libellé pour en resserrer la portée si l’on vise principalement les troubles neurocognitifs?

Le sénateur Dalphond : Il est quelque peu difficile de répondre aux questions d’un expert qui vous demande ce que vous pensez de son opinion d’expert.

Je serais tenté de m’en remettre à son expertise. Cela dit, je dois dire que les psychiatres que j’ai consultés m’ont recommandé d’employer « trouble neurocognitif » plutôt que « maladie neurodégénérative » puisque, comme notre expert vient de le souligner, il ne s’agit pas tout à fait de la même chose. Voilà pourquoi, dans ma motion, j’ai parlé précisément de trouble neurocognitif.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup, Dr Dalphond... ou plutôt, sénateur Dalphond.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Boisvenu, d’avoir proposé un amendement et d’avoir prononcé un discours réfléchi. Par contre, j’aimerais vous faire part de certaines de mes réticences à propos de cet amendement. Certaines d’entre elles ont déjà été abordées par la sénatrice Lankin et le sénateur Dalphond. Je serai bref.

D’abord, la phrase « accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative » de l’amendement n’est pas claire, du moins, en ce qui concerne son but dans l’amendement. Par exemple, est-ce que cela signifie que nous devrions mettre l’accent sur les demandes anticipées d’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes qui ont reçu un diagnostic de ce type de maladie? C’est une question légitime. Cela fait-il plutôt référence à la manière dont sont traitées les personnes atteintes de ce type de maladie en vertu des dispositions législatives actuelles?

Collègues, comme vous le savez, la loi dans sa forme actuelle permet aux personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative d’avoir accès à l’aide médicale à mourir si elles répondent aux autres critères d’admissibilité. Le projet de loi C-7 ne change rien à cela. Il est important que ce soit clair, comme nous l’avons entendu plus d’une fois depuis le début du débat.

Je crains également que le délai de 12 mois pour la présentation d’un rapport soit peut-être trop court pour permettre de faire correctement le travail nécessaire. Le comité doit prendre le temps de faire son travail, et il y a des choses qui pourraient l’en empêcher, comme la pandémie. Il pourrait aussi y avoir des élections au cours des 12 prochains mois. Puis, il y aura certainement la période estivale. Par ailleurs, en cas d’élections, il y a une période de transition. On ne sait pas vraiment si une période de 12 mois serait suffisante pour bien faire le travail, comme il se doit.

Enfin, et cela a été souligné par d’autres sénateurs, un autre problème est que l’examen et l’étude proposés empiéteraient sur l’examen parlementaire qui est envisagé et requis aux termes du projet de loi C-14 et, comme je l’ai répété maintes fois ici, que le gouvernement est déterminé à effectuer. Le cas échéant, cet examen élargi se pencherait là-dessus et sur d’autres enjeux.

Je ne peux pas appuyer cet amendement parce qu’il ne précise pas suffisamment le but visé, qu’il serait difficile d’accomplir ce qui est proposé dans le délai imparti et qu’il y a des possibilités de chevauchement ou de conflit avec l’examen parlementaire qui sera effectué pendant la période prévue. Je demanderais respectueusement à mes collègues de rejeter eux aussi l’amendement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Boisvenu, avec l’appui de l’honorable sénateur Carignan, propose que le projet de loi C-7 ne soit pas lu pour la troisième fois, mais qu’il soit modifié... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d’amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Nous demandons que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Un vote se tiendra à 19 h 57. Convoquez les sénateurs.

(1950)

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre du 17 décembre 2020, il y a eu un léger ajustement dans le processus de vote pour les sénateurs qui participent par Zoom. Vous apparaîtrez sur la caméra lorsque vous voterez. Je vous prie d’en tenir compte et de vous assurer que votre visage et votre carte sont visibles. Si vous recevez un message contextuel au cours du vote, vous pouvez simplement l’ignorer.

Une fois que votre nom a été appelé, vous pouvez retirer votre carte.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante :

L’honorable sénateur Boisvenu, avec l’appui de l’honorable sénateur Carignan, propose :

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à la page 9 par adjonction, après la ligne 33, de ce qui suit :

« Examen

5 (1) Dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de sanction de la présente loi, le comité soit de la Chambre des communes, soit du Sénat, soit mixte, désigné ou constitué à cette fin procède à un examen complet de l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative.

(2) Dans un délai d’un an suivant le début de l’examen, le comité remet à la chambre ou aux chambres l’ayant constitué ou désigné son rapport sur l’examen, lequel comprend, s’il y a lieu, un énoncé des modifications législatives qu’il recommande d’apporter. ».

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Boisvenu, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Ngo
Batters Oh
Black (Alberta) Patterson
Boisvenu Plett
Brazeau Poirier
Carignan Richards
Frum Seidman
Greene Simons
Griffin Smith
Housakos Stewart Olsen
MacDonald Verner
Marshall Wallin
Martin Wells
Mockler White—28

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Gold
Bellemare Harder
Black (Ontario) Hartling
Boehm Jaffer
Boniface Keating
Bovey Klyne
Boyer Kutcher
Busson LaBoucane-Benson
Cordy Lankin
Cormier Loffreda
Coyle Marwah
Dalphond McCallum
Dasko Mégie
Dawson Mercer
Deacon (Nouvelle-Écosse) Miville-Dechêne
Deacon (Ontario) Moncion
Dean Moodie
Downe Omidvar
Duncan Petitclerc
Dupuis Ravalia
Forest Saint-Germain
Forest-Niesing Wetston
Francis Woo—47
Gagné

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bernard Munson
Cotter Pate
Manning Tannas—6

(2010)

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, ce soir, je vais vous raconter l’histoire d’une véritable Albertaine. Elle avait 58 ans; épouse et mère de famille, elle vivait dans la région de Red Deer. Pendant des années, elle a vécu avec des douleurs pour lesquelles il n’y avait pas de remède. Son visage était traversé de spasmes musculaires involontaires qui irradiaient jusqu’à ses épaules. Ses paupières s’étaient fermés sous l’effet des spasmes, ce qui la rendait, pour ainsi dire, aveugle. Elle souffrait de migraines constantes. Son système digestif ne fonctionnait quasiment plus. Elle avait perdu tellement de poids et de masse musculaire qu’elle ne pouvait plus marcher, et ses douleurs incessantes étaient telles qu’elle ne pouvait dormir qu’en prenant de fortes doses de médicaments. Alors, avec le soutien de son mari et de ses enfants adultes, cette femme, appelée « E.F. », a demandé à la cour le droit de se prévaloir de l’aide médicale à mourir. Cela se passait en avril 2016, après que la Cour suprême a rendu sa décision dans l’arrêt Carter, mais avant que le projet de loi C-14 — comme il s’appelait à l’époque — ne soit adopté.

Un juge de l’Alberta a accepté sa requête. Le gouvernement de l’Alberta n’a pas contesté cette décision, mais le gouvernement fédéral, si. Il l’a forcée à aller plaider sa cause devant la Cour d’appel de l’Alberta.

Vous vous demandez peut-être pourquoi le gouvernement Trudeau a tout fait pour garder E.F. vivante, quoiqu’à l’agonie, surtout après l’arrêt Carter. Soit, sa mort n’était pas raisonnablement prévisible, mais ce n’était pas le souci premier du ministère public. C’est la cause de sa maladie qui a poussé le gouvernement à s’opposer à sa demande. E.F. souffrait d’une forme grave d’un problème psychiatrique appelé « trouble de conversion », ce qui veut dire que son corps réagissait au stress et aux traumatismes en présentant des symptômes physiques n’ayant aucune cause organique ou neurologique claire. La Couronne a argué qu’E.F. ne pouvait pas demander l’aide d’un médecin pour mourir parce que ses souffrances physiques étaient d’origine psychiatrique.

Or, ce n’est pas parce qu’elles prenaient naissance dans son cerveau et non dans un organe moins complexe que ses souffrances n’en étaient pas moins réelles. E.F. n’était pas considérée comme cliniquement dépressive. Elle ne délirait pas et elle n’était pas psychotique. Ses médecins l’avaient jugée capable. Quoi qu’il en soit, elle souffrait le martyre, et personne, parmi son équipe de neurologues, de psychologues et d’internistes, n’avait de remède à son mal.

La Cour d’appel de l’Alberta a confirmé qu’E.F. était admissible aux mêmes droits que ce que prévoyait l’arrêt Carter : « [La Cour suprême] n’exclut ni explicitement ni implicitement les personnes souffrant d’une maladie psychiatrique [...] » du régime d’aide médicale à mourir. Les juges Peter Costigan, Marina Paperny et Patricia Rowbotham écrivent ceci :

La décision elle-même était claire. Rien dans cette décision ne donne à penser le contraire. Si la cour l’avait voulu ainsi, elle l’aurait dit clairement et sans équivoque. Elle ne l’a pas fait.

Les juges poursuivent ainsi :

La décision de la cour repose sur l’idée que les personnes compétentes ont le droit de prendre des décisions pour elles-mêmes dans certaines circonstances. La cour reconnaît qu’il faut protéger les personnes vulnérables des abus ou des erreurs, mais a établi qu’un régime administré correctement est en mesure d’offrir cette protection.

E.F. a donc pu s’éteindre paisiblement, entourée de sa famille — son corps, son choix, sa liberté.

Et pourtant, le projet de loi C-7 refuse explicitement le traitement égal prévu par la loi à ceux dont les souffrances irrémédiables sont causées uniquement par un trouble mental. Qu’est-ce qu’un trouble mental? On ne daigne même pas définir le terme dans le projet de loi C-7 et, même avec l’amendement débattu aujourd’hui, les choses demeurent vagues. Est-ce qu’il comprend la maladie des corps de Lewy, dont les symptômes sont causés par une tumeur inopérable au lobe frontal? Qu’en est-il d’un traumatisme crânien ou d’une schizophrénie héréditaire intraitable? S’il est possible d’établir la cause — une chose que l’on peut voir au moyen d’une scintigraphie ou diagnostiquer à l’aide d’un test —, s’agit-il d’un trouble mental ou simplement d’une maladie?

Nous sommes encore dominés par un paradigme du XIXe siècle selon lequel la maladie mentale constitue une sorte de faiblesse spirituelle. Même aujourd’hui, nous en parlons comme d’une chose que la thérapie par la parole ou le yoga peut guérir, plutôt que d’un déséquilibre biochimique, un trouble du cerveau ou un dysfonctionnement neurologique.

Bien que les amendements que nous avons acceptés aujourd’hui améliorent le projet de loi, je tiens, inspirée par le sénateur Woo, à souligner ma profonde opposition à l’exclusion concernant la maladie mentale, même avec les amendements.

Selon l’article 15 de la Charte, tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur les déficiences mentales ou physiques. Or, le projet de loi C-7 prive explicitement du droit à l’égalité et à l’autonomie les Canadiens atteints de certaines maladies en raison d’un préjudice archaïque.

Il est un fait de droit établi au Canada que les personnes ayant un trouble mental qui sont jugées comme étant compétentes ont le droit de faire des choix concernant leurs soins médicaux. En 1991, dans l’affaire Fleming c. Reid, la Cour d’appel de l’Ontario l’a exprimé ainsi :

Les personnes ayant une maladie mentale ne doivent pas être stigmatisées en raison de la nature de leur maladie ou handicap. Elles ne devraient pas non plus être traitées comme des personnes de moindre statut ou dignité. Leur droit à l’autonomie et à l’autodétermination n’est pas moins significatif; il commande la même protection que celui des personnes compétentes souffrant de maladies physiques.

Nous ne pouvons sûrement pas annuler maintenant 30 ans de précédents judiciaires. La discrimination déraisonnable du projet de loi C-7 ne peut être justifiée par l’article 1 de la Charte. Elle ne respecte aucun des trois critères énoncés dans l’arrêt Oakes de la Cour suprême. L’objectif poursuivi par la Couronne en concevant ce projet de loi est sans contredit urgent et important, mais refuser l’aide médicale à mourir à une tranche de la population canadienne en se fondant uniquement sur une classification mauvaise et anachronique de leur problème de santé n’a pas de lien rationnel avec l’objectif de la loi. On se détourne de façon irrationnelle de l’objectif avoué de la loi.

(2020)

L’exemption ne peut pas non plus être considérée comme une atteinte minimale. C’est plutôt l’atteinte la plus grave que l’on puisse concevoir. On ne peut pas parler non plus d’un effet proportionnel. Des mesures de sauvegarde pourraient être — et seraient — mises en place pour que l’on s’assure que le patient est mentalement compétent, qu’il n’est pas délirant, qu’il ne souffre par d’une dépression traitable ou temporaire et qu’il ne subit pas de pressions sociales ou économiques. Au lieu de faire des efforts pour atteindre le juste équilibre ou trouver un compromis raisonnable, la Couronne veut priver tout un groupe de la société canadienne de son droit à la sécurité simplement parce qu’elle estime qu’il est trop difficile de protéger les droits que l’arrêt Carter et la Charte confèrent à ces personnes.

Ce ne sont pas toutes les personnes atteintes d’une maladie mentale qui ont les capacités nécessaires pour prendre des décisions de vie ou de mort. Tout patient atteint de troubles psychiatriques qui demande l’aide médicale à mourir devrait être évalué individuellement avec soin. Cependant, la maladie mentale n’est pas une catégorie sans nuance. En effet, dans la décision historique rendue dans le cadre de l’affaire Starson, la juge en chef Beverley McLachlin a dit ceci : « L’existence d’une maladie mentale n’écarte pas à elle seule la capacité et l’autonomie. » Une personne dont la capacité est manifeste ne devrait jamais être automatiquement privée de son autonomie sans le moindre recours. Nous ne pouvons pas justifier un traitement aussi discriminatoire en disant que c’est pour protéger les personnes vulnérables et en faisant valoir qu’il faut agir dans l’intérêt supérieur de la personne, simplement parce que notre attitude paternaliste nous amène à croire que nous savons mieux que quiconque ce qu’il faut faire.

En décembre, le sénateur Gold nous a dit que nous devions protéger les personnes vulnérables qui pourraient être incitées, selon lui, à « mettre fin à leur jour dans un moment de faiblesse ». Cependant, l’aide médicale à mourir est l’antithèse du suicide, et les gens ne sont pas faibles parce qu’ils choisissent de ne plus supporter l’insupportable.

Le représentant du gouvernement nous a dit ceci:

Le projet de loi C-7 repose sur l’hypothèse que les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent s’améliorer, que leurs souffrances, bien qu’intolérables, pourraient être atténuées plus tard grâce à un traitement et que leur problème de santé, même s’il est grave, n’est peut-être pas irrémédiable.

Cependant, nous ne pouvons pas prendre en otage des Canadiens qui souffrent parce que nous avons le faible ou le vain espoir d’un traitement imaginaire dans un avenir imaginaire.

Il y a eu tellement de discours enflammés et sentis dans cette enceinte sur l’importance de protéger les gens vulnérables, mais les gens les plus vulnérables de tous sont sans contredit ceux qui souffrent le martyre et qui demandent de mourir dignement. C’est le droit même pour lequel Sue Rodriguez s’est battue — par bravoure, et non par faiblesse — en 1993.

Je comprends que des gens craignent qu’autoriser l’aide médicale à mourir pour des personnes qui ne sont pas en phase terminale pourrait envoyer un message selon lequel la vie des personnes handicapées est considérée comme ne valant pas la peine d’être vécue. Toutefois, nous devrions tous soutenir le principe de l’autonomie. Personne, et surtout pas une personne handicapée, ne souhaite vivre dans un monde où l’État peut exercer un contrôle sur son corps, ou exercer une discrimination sur la base d’un handicap. Nous devons respecter la capacité et la liberté de tous les Canadiens. Nous devons en faire davantage pour assurer une autonomie authentique aux personnes vivant avec un handicap, en garantissant leur droit à des ressources économiques, sociales et médicales adéquates. En même temps, nous devons respecter les décisions des personnes compétentes qui déterminent, de leur propre gré et sans contrainte, flagrante ou subtile, que leur souffrance leur est insupportable.

Ces deux objectifs ne sont pas nécessairement contradictoires. Ils sont tous deux fondés sur notre foi commune dans la liberté individuelle et le droit à l’autodétermination. Notre corps et notre esprit nous appartiennent, à nous et non à la Couronne. Si nous n’avons pas de pouvoir de décision sur notre propre vie et notre âme, alors nous sommes réellement des esclaves.

Merci et hiy hiy.

Des voix : Bravo!

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mes préoccupations au sujet de l’élargissement de l’aide médicale à mourir prévu dans le projet de loi C-7 et des conséquences qu’il pourrait avoir sur les Canadiens qui souffrent de maladie mentale.

Actuellement, au titre du projet de loi C-7, les gens qui souffrent de maladie mentale ne peuvent pas avoir recours à l’aide médicale à mourir si c’est la seule condition médicale invoquée, du moins, c’était le cas jusqu’à tout à l’heure. J’estime que cette interdiction doit demeurer intacte. Déjà, plusieurs autres parlementaires se sont dits disposés à commencer à repousser cette limite à l’aide d’une disposition de caducité, qui éliminerait l’exclusion de la maladie mentale après seulement quelques mois. En fait, cette disposition a été adoptée au Sénat aujourd’hui, ce qui est choquant.

Par conséquent, j’exhorte le gouvernement et les députés à ne pas faire une telle chose. Nous ne pouvons et ne devons pas faire en sorte d’offrir le suicide assisté aux personnes qui souffrent d’une maladie mentale grave. Il y a tout simplement trop d’inconnues, et les risques sont trop grands.

Lors des audiences du Comité des affaires juridiques sur la question, certains défenseurs de l’aide médicale à mourir ont soutenu que l’exclusion de la maladie mentale était discriminatoire, étant donné que les gens dont la souffrance physique est intolérable peuvent avoir recours à l’aide médicale à mourir. De nombreux médecins n’étaient pas d’accord. Parmi eux se trouvaient le Dr Sonu Gaind, expert en psychiatrie, qui a dit ceci :

Certains ont fait valoir que l’imprévisibilité des troubles mentaux n’est pas différente de celle des troubles physiques. C’est absolument faux [...] Nous ne comprenons pas la pathophysiologie de presque tous les troubles mentaux. C’est une fausse équivalence que d’assimiler l’imprévisibilité de maladies comme le cancer, de maladies neurodégénératives ou de troubles liés à une biologie sous-jacente connue, d’une part, à des maladies mentales dont nous n’avons aucune connaissance fondamentale, de l’autre.

Le Dr Gaind poursuit en disant qu’il y a non seulement une absence de consensus dans le milieu psychiatrique sur l’irrémédiabilité et la prévisibilité des maladies mentales, mais il y a aussi un manque de preuves.

Il a affirmé ceci :

Prétendre qu’il n’y a pas de différences entre la maladie mentale et la maladie physique aux fins de l’AMM frise — et je crois être qualifié pour le dire — le délire. Ce n’est pas une question d’infantiliser qui que ce soit ou de priver qui que ce soit de son autonomie. Les patients eux-mêmes souhaitent continuer à vivre lorsque leur état s’améliorera. Il s’agit d’éviter la discrimination en veillant à ne pas adopter de politique sans données probantes, en exposant nos proches à des évaluations arbitraires sans normes, qui peuvent mener à leur décès prématuré.

Je tiens également à apporter quelques précisions au sujet d’un problème qui s’est posé au Comité des affaires juridiques lors de son étude du projet de loi C-7. Lorsque j’ai demandé à notre ancien collègue, l’honorable Serge Joyal, quelles maladies mentales il considérait comme irrémédiables, il a cité le Dr Tarek Rajji, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, qui aurait dit ceci lors de son témoignage au comité :

[...] 30 % des personnes pourraient guérir; 30 % se trouveraient dans un état entre les deux, où nous ne savons pas si elles peuvent guérir; et 30 % seraient des personnes que nous savons qu’elles ne peuvent guérir. Ces derniers cas sont incurables.

C’est en fait erroné. Le Dr Rajji a dit quelque chose de tout à fait différent. En parlant des maladies mentales, il a plutôt déclaré que « 30 % des gens entrent en rémission, 30 % des cas demeurent inchangés et 30 % des cas s’aggravent ». Bien évidemment, ce n’est pas parce qu’un cas de maladie mentale s’aggrave qu’il devient incurable. Beaucoup de gens souffrant d’une maladie mentale voient leur état s’empirer avant d’aller beaucoup mieux, heureusement.

L’absence absolue de consensus sur l’incurabilité de la maladie mentale ne saurait être résolue en quelques mois, même en proposant une disposition de caducité assortie d’une échéance de 18 mois. Même le Conseil des académies canadiennes, qui regroupe les plus grands experts des domaines du droit et de la médecin, n’a pu trouver un consensus à ce sujet dans ce délai. Plusieurs experts médicaux ont d’ailleurs souligné au Comité sénatorial des affaires juridiques la nature changeante de la maladie mentale et l’ont mis en garde contre la décision d’étendre l’aide médicale à mourir justement pour cette raison.

Par ailleurs, lors de son témoignage devant le Comité sénatorial des affaires juridiques sur la propension des pensées suicidaires à s’estomper, le Dr Harvey Chochinov a déclaré que « l’idée selon laquelle une personne prend sa décision aujourd’hui et n’en démord plus n’est pas corroborée par les données ».

Le Dr Scott Kim était du même avis. Voici ce qu’il avait à dire sur la légalisation de l’AMM psychiatrique au Canada :

Il y aurait un risque important de mettre fin à tort à la vie de nombreux patients, soit parce qu’ils ne sont pas aptes à donner un consentement éclairé [...] soit parce qu’ils auraient changé d’avis au sujet de l’aide médicale à mourir avec le temps et le traitement, et qu’ils auraient peut-être retrouvé la volonté de vivre.

Il est clair que l’approbation des patients psychiatriques éprouvant une souffrance affective intolérable pour le suicide assisté présente un risque inacceptable de mettre fin à une vie par erreur ou prématurément.

Le Dr Mark Sinyor a noté l’ironie qui veut que, si l’exclusion de la maladie mentale devait être supprimée :

[...] elle entraînera un grand nombre de décès prématurés, ce qui va à l’encontre de l’objectif explicite de l’arrêt initial Carter.

Le Comité des affaires juridiques a entendu le témoignage émouvant de Mark Henick, un défenseur de la santé mentale qui a connu une dépression résistante au traitement et qui a fait une tentative de suicide. J’ai demandé à M. Henick s’il croyait qu’il aurait recouru au suicide assisté pendant les moments les plus sombres de sa dépression si cette option avait été accessible aux personnes atteintes uniquement d’un trouble mental à l’époque. Il m’a répondu ceci :

Absolument, je l’aurais fait. La souffrance était si grave que je ne voyais rien d’autre [...]

J’espère donc ne plus jamais sombrer dans cette situation où je ne peux voir plus loin que mes propres œillères, les œillères que la maladie m’a imposées, parce que je ne pense pas que cela devrait être une option. J’ai une belle vie depuis que j’ai pu atteindre l’autre versant de cette montagne.

Il y a des experts des milieux médical et universitaire qui souhaitent que le suicide assisté soit élargi aux personnes qui souffrent d’une maladie mentale. Certains d’entre eux ont témoigné devant le comité, mais même s’ils sont très actifs, ils ne représentent qu’une infime minorité de leur communauté. Certaines de leurs opinions sont plutôt extrêmes. À titre d’exemple, la professeure Jocelyn Downie a déclaré devant le comité que la loi ne devrait pas fixer d’âge minimum pour que les enfants puissent avoir accès au suicide assisté. Je crois que la majorité des praticiens de la santé — et des Canadiens — seraient en désaccord.

Le Dr Derryck Smith, quant à lui, a vanté ses aptitudes pour évaluer la capacité et le consentement des patients souffrant de troubles psychiatriques pour demander l’aide médicale à mourir. Il a expliqué fièrement qu’il est le psychiatre qui avait évalué le cas de la patiente E.F., celle dont la sénatrice Simons vient de parler. En 2016, la Cour d’appel de l’Alberta avait approuvé l’aide médicale à mourir pour cette femme souffrant d’un trouble psychiatrique rare. Le Dr Smith a admis qu’il avait évalué le cas de cette femme seulement en prenant connaissance de son dossier médical. Il ne l’avait pas examinée ni même rencontrée avant d’approuver sa mort. Il est choquant de constater que ce défenseur de l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir croit que l’évaluation qu’il a faite est conforme aux normes de sa profession en matière de soins de santé.

Comme il a été souligné, certains sénateurs ont proposé d’amender le projet de loi C-7 en y ajoutant une disposition de caducité pour mettre fin après un certain temps à l’exclusion des cas où la santé mentale est la seule condition invoquée. Je ne pourrais pas être plus opposée à cette idée, vu les difficultés que j’ai déjà décrites concernant la nature imprévisible de la maladie mentale.

(2030)

Il semble aussi y avoir un malentendu sur ce qu’une disposition de caducité permettrait d’accomplir. Il ne s’agirait pas seulement de remettre à plus tard la question de l’admissibilité de la maladie mentale comme seule condition médicale invoquée, jusqu’à ce qu’on arrive à un consensus sur la question de ce qui peut être considéré comme une maladie mentale irrémédiable, si jamais cela se produit. À l’expiration de la disposition de caducité, l’aide médicale à mourir sera automatiquement permise dans le cas de maladies psychiatriques. Il s’agirait en fait d’une disposition de caducité pour rendre caduque la vie de Canadiens vulnérables. À mon avis, c’est une idée incroyablement dangereuse. J’encouragerais le gouvernement fédéral et les députés à la Chambre des communes d’y penser deux fois avant de l’envisager.

Honorables sénateurs, nous devons réfléchir extrêmement prudemment à tout élargissement de l’aide médicale à mourir. Il y a toujours des risques imprévus lorsqu’on repousse des limites. Prenons l’exemple des répercussions que cela pourrait avoir sur les femmes. Étant donné que l’aide médicale à mourir est seulement en vigueur dans quelques pays, les données recueillies à l’échelle internationale sont forcément limitées, mais, dans son témoignage, le Dr Scott Kim nous a dit que c’est « une constatation solide et convergente d’un pays à l’autre au fil du temps » que 70 % des personnes qui demandent l’aide médicale à mourir sont des femmes. Cette observation concorde avec le nombre plus élevé de femmes qui tentent de se suicider. Actuellement, les femmes sont de deux à trois fois plus susceptibles de mourir par suicide parce qu’elles emploient des moyens plus mortels.

Cependant, élargir l’aide médicale à mourir pour qu’elle puisse être fournie à des personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée augmenterait le risque de mort par suicide parmi les femmes, car cela leur donnerait accès à un moyen à l’efficacité garantie pour s’enlever la vie.

Comment la société en général, le milieu médical et, surtout, les personnes vulnérables qui sont aux prises avec des troubles de santé mentale interpréteraient-ils l’adoption d’une nouvelle disposition permettant d’offrir l’aide médicale à mourir à ces personnes? Ce serait comme leur dire : « Il n’y a pas d’espoir pour vous. Abandonnez; la vie n’en vaut plus la peine ». Une telle modification serait contraire à tout ce que nous savons sur la prévention du suicide et compromettrait tous les soins médicaux visant à assurer la sécurité d’un patient suicidaire. Cela normaliserait le suicide et, vu l’idée qu’on se fait de l’aide médicale à mourir — c’est-à-dire que c’est une décision qui nous permet de choisir d’avoir une fin de vie digne —, pour une personne qui est la proie d’un trouble émotionnel, cela pourrait même apparaître comme une solution plus attrayante que le combat épuisant pour trouver un traitement efficace.

Le fait de permettre aux personnes souffrant de maladies mentales d’accéder au suicide assisté changerait le lien de confiance entre le patient et le médecin. Si vous êtes suicidaire et que vous endurez une souffrance psychologique intolérable, que votre psychiatre vous dit qu’il n’y a plus d’espoir pour vous et que le suicide assisté est une option rationnelle, pourquoi espéreriez-vous que les choses s’améliorent? Une personne suicidaire souhaite déjà mettre fin à sa souffrance psychologique, et son médecin viendrait lui donner un moyen infaillible d’y parvenir. Tout le monde sait que l’accès au suicide augmente les chances que les personnes passent à l’acte.

Collègues parlementaires, le suicide assisté ne permet aucun retour en arrière. Il n’y a pas de place à l’erreur. S’il existe une possibilité que nous permettions la fin prématurée de la vie d’une personne qui souffre de maladie mentale, plutôt que de lui fournir l’occasion de trouver un traitement efficace, nous aurons laissé tomber cette personne en tant que législateurs. Nous devons tout simplement nous montrer prudents en maintenant l’exclusion de la santé mentale du projet de loi C-7. Merci.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous faire part des sérieuses réserves que j’ai quant à l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant uniquement de maladie mentale. Les troubles mentaux peuvent causer de très grandes souffrances insoutenables, tout autant que les maladies physiques. De plus, les souffrances psychiques sont souvent plus difficiles à soulager. Cependant, il m’est impossible d’ignorer l’équilibre nécessaire entre les droits individuels des malades psychiatriques et la protection collective des plus vulnérables d’entre eux. Ce droit individuel à la non-discrimination est protégé par la Charte, mais il n’est pas absolu, et le Parlement a une marge de manœuvre. Après tout, nous ne sommes pas un tribunal, mais des législateurs.

Le choix individuel de recourir à l’aide médicale à mourir s’exerce dans un contexte social qui, pour bien des malades, se caractérise par le manque de ressources psychiatriques, la pauvreté et l’isolement. Ainsi, la question se pose : est-ce vraiment toujours un choix libre et éclairé?

Comme d’autres en cette enceinte, je côtoie de près la maladie mentale. J’ai un frère qui se bat avec ses démons et dont nous nous occupons, ma sœur et moi, depuis bien longtemps. Ses épisodes plus aigus de souffrance sont insupportables. En fait, il souffre constamment, et il nous revient à nous, sa famille, de le ramener à la réalité, aux petits plaisirs de la vie, car la psychiatrie ne l’a pas beaucoup aidé.

Mon expérience personnelle a donc contribué à façonner ma pensée. À mon avis, il n’y a pas de vérité absolue dans le domaine de la maladie mentale et peu de preuves scientifiques irréfutables quand on discute de trajectoire et d’évolution de la maladie. Il y a au contraire beaucoup d’opinions éclairées, sensées et divergentes parmi les psychiatres canadiens réputés. À défaut d’un consensus plus large, je crois qu’il faut privilégier la prudence.

Il y a aussi des divisions au Québec, quoi que certains en pensent. Selon un sondage réalisé par l’Association des médecins psychiatres du Québec, 54 % des psychiatres sont ouverts à la pratique de l’aide médicale à mourir, au moins dans certaines circonstances, et 36 % sont contre. Un groupe dissident de psychiatres et de professeurs en psychiatrie du Québec a fait parvenir un mémoire au Sénat, et ces derniers se sont exprimés dans les médias. Je les cite :

[F]avoriser l’aide médicale à mourir pour les patients atteints de troubles mentaux s’avère une très mauvaise idée à nos yeux de spécialistes œuvrant pour le bien de nos patients. Elle est d’abord inappropriée, car le désir de mourir et le refus des soins font souvent partie intégrante de la maladie et ils diminuent grâce au traitement du trouble mental. C’est aussi une idée dangereuse, car le désir de mourir fluctue, se corrige, s’évacue; le pronostic est incertain, jamais irrémédiable, même souvent favorable et se décline sur des années et non pas sur des jours ou des mois.

Le solide rapport du Conseil des académies canadiennes disait ceci :

La plupart des personnes atteintes de troubles mentaux ont la capacité de prendre des décisions lourdes de conséquences en matière de traitement médical. Toutefois, les données probantes montrent que certains troubles mentaux peuvent nuire à la prise de décision d’une personne et augmenter son risque d’incapacité.

Le Dr Tarek Rajji, du Centre de toxicomanie et de santé mentale de l’Université de Toronto confirme qu’il n’y a pas de données probantes pour prédire la trajectoire de la maladie mentale, et donc que chaque évaluateur de l’aide médicale à mourir pourrait avoir son interprétation propre des critères relatifs au caractère irrémédiable de la maladie. Il m’apparaît donc prématuré d’envisager l’aide médicale à mourir pour les patients atteints de troubles mentaux. D’ailleurs, dans le rapport de l’Association des médecins psychiatres du Québec, il est écrit ce qui suit :

Pour que la pratique de l’AMM [pour les patients atteints de maladie mentale] soit humaine, rigoureuse et juste, on doit proposer certaines étapes et ressources quant à l’accès aux soins [...].

Comme groupe, les personnes avec troubles mentaux vivent des difficultés socioéconomiques plus grandes que la population en général. [...] ils font face à des défis énormes lorsqu’ils tentent d’accéder à leur juste part des ressources en santé [...]. Même l’accès aux soins primaires en santé mentale peut s’avérer limité et hautement variable.

Bref, si un patient ne peut pas avoir accès rapidement à un psychiatre, pourquoi alors nous concentrer sur leurs droits à l’aide médicale à mourir? Comment se limiter au risque d’inconstitutionnalité, alors que nous sommes aux prises avec des problèmes fondamentaux d’accès à des soins et services?

J’ai des doutes, de grands doutes sur nos priorités. Je suis certaine que le manque d’accès aux ressources psychiatrique ne sera pas réglé rapidement. Comment d’ailleurs un projet de loi fédéral pourrait-il régler cette question qui est carrément dans le champ des compétences provinciales? Le témoignage en comité du psychiatre John Maher est inquiétant. Je le cite :

Mes patients disent : pourquoi tenter de récupérer quand l’aide médicale à mourir s’en vient et me donnera la possibilité de choisir la mort? Certains de mes patients demandent constamment l’aide médicale à mourir, car ils ne se rendent pas compte qu’ils vont mieux.

Le Dr Maher ajoute ceci :

Si 100 psychiatres évaluent la capacité d’un malade de prendre une décision, 35 auront une opinion, 65 une autre. Différents psychiatres ont différentes compétences et niveaux d’expérience.

Il y en a d’autres, plusieurs autres praticiens, autochtones et non autochtones — Tyler White, le Dr Mark Sinyor, le Dr Rod McCormick —, qui ont souligné que l’accès à l’aide médicale à mourir risquait de nuire aux efforts de prévention du suicide. Ceci est particulièrement inquiétant quand on pense au fléau du suicide dans les communautés autochtones, comme l’avait dénoncé Scott Robertson devant le comité. Est-ce qu’un délai dans l’élargissement de l’AMM aux patients psychiatriques permettrait de prendre en compte ces graves problèmes sociaux et d’améliorer l’accès aux services de santé? J’en doute. De plus, nous sommes en période de pandémie; tout prend du temps, beaucoup plus de temps que d’habitude.

Si nous allons de l’avant, nous serions le quatrième pays au monde — seulement le quatrième pays au monde — à aller aussi loin dans l’accès à l’euthanasie.

(2040)

Le psychiatre Mark Komrad a étudié le régime belge, qui est en place depuis 18 ans. Selon lui, un des motifs les plus communs évoqués pour obtenir l’euthanasie psychiatrique est la fatigue de vivre ou la solitude. Ces constatations ont incité la création de groupes de récupération en Belgique afin de proposer un autre choix aux malades psychiatriques dont la demande a déjà été approuvée.

Toujours en Belgique, une autre catégorie de soins spécialisés, celle des soins palliatifs psychiatriques, commence à émerger. Il s’agit d’une pratique intensive de la psychiatrie qui vise à tenter de soulager les malades aux prises avec des souffrances insupportables. Évidemment, on aurait souhaité que de telles initiatives soient mises sur pied avant l’entrée en vigueur de l’euthanasie.

Il y a également eu un procès retentissant en Belgique contre les trois médecins qui avaient autorisé l’euthanasie de Tine Nys, une femme ne souffrant pas d’une maladie incurable, comme la loi l’exige, mais de stress et des conséquences d’une séparation. Elle avait souffert par le passé de dépression et de problèmes de toxicomanie. Elle n’avait pas reçu de traitement psychiatrique depuis 15 ans et venait de recevoir un diagnostic d’autisme non traité. Ce sont ses sœurs qui ont porté plainte. Les médecins ont finalement été acquittés en vertu du doute raisonnable, mais cela a contribué à rendre cette pratique encore plus controversée.

Accordons-nous donc le temps nécessaire, comme société, pour réfléchir aux conditions de l’élargissement de l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux. C’est une question grave, et je crois que nous ne sommes pas encore prêts. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour aborder la question de l’exclusion de la maladie mentale qui est introduite dans le projet de loi C-7.

Je veux souligner que les quelque 145 témoins qui ont comparu ces dernières semaines devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ont accru notre compréhension des questions qui se posent au sujet de l’aide médicale à mourir. Ces témoignages nous auront marqués. Des divergences d’opinions très prononcées ont été exprimées devant nous pendant plusieurs jours. On pourrait même dire que ces séances ont permis de constater qu’il y a un écart entre l’expérience réelle de l’aide médicale à mourir au Québec et la réalité de l’expérience vécue dans le reste du Canada.

Nous constatons d’ailleurs que la quasi-totalité des témoins de l’extérieur du Québec a dit ignorer comment fonctionne le régime québécois d’aide médicale à mourir. Ces séances ont permis d’en apprendre davantage sur ce régime grâce aux nombreux exposés de plusieurs témoins qui venaient du Québec, que ce soit des personnes en situation de handicap, des médecins généralistes, des médecins spécialistes, des membres du personnel infirmier qui administre ou évalue les demandes d’aide à mourir, des juristes, des avocats, des professeurs ou un ancien ministre.

Ces témoins nous ont donné des informations sur l’ensemble du régime d’aide médicale à mourir, en évoquant notamment les travaux du Collège des médecins qui ont débuté en 2008, la consultation citoyenne élargie menée par une commission parlementaire bipartisane dans plusieurs villes du Québec pendant quelques années, la loi québécoise sur l’aide à mourir adoptée en 2014 et la réglementation qui a suivi, les guides de pratiques, les rapports de la commission chargée de surveiller l’application de la loi et les données recueillies, et, enfin, les travaux de recherches d’experts et d’organes de régulation de la pratique de l’aide médicale à mourir.

Rappelons que, à la demande du Collège des médecins, l’Association des médecins psychiatres du Québec a produit, en novembre dernier, un rapport portant justement sur les modalités de l’aide à mourir dans les cas de personnes atteintes de troubles psychiatriques. Des représentants d’organismes ont tenu à exprimer leur volonté de travailler avec leurs collègues des autres provinces. Ajoutons que l’Ordre des psychologues du Québec a également publié, en décembre 2020, un rapport sur les enjeux de l’aide médicale à mourir en santé mentale, dans lequel il s’est prononcé favorablement sur le droit d’accès à l’aide à mourir pour les personnes ayant comme seule condition un trouble mental.

Nous avons aussi entendu des témoins de l’extérieur du Québec, qui ont exposé les conditions dans lesquelles ils fournissent et/ou évaluent les demandes d’aide médicale à mourir. Aucun de ces témoins n’a tenté de minimiser le fait que ce sont des situations complexes et singulières, ce qui n’empêche pas de les traiter les patients de manière juste et dans une atmosphère digne jusqu’à la fin.

Sur la base de ce que nous avons entendu de la part de ces témoins, il semble que l’exclusion de la maladie mentale introduite dans le projet de loi C-7 contredit les principes établis dans la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Carter en 2015. Le gouvernement présente le projet de loi C-7 comme une réponse au jugement Truchon, qui a été rendu à l’automne 2019 par la juge Baudouin, de la Cour supérieure du Québec, un tribunal fédéral de première instance. De ce point de vue, le projet de loi C-7 représente un recul inacceptable. En fait, le jugement Truchon est une application du jugement Carter.

Il est important de mettre la décision Carter dans son contexte. Ce jugement s’inscrivait dans la foulée d’une série de jugements de la Cour suprême qui mettaient l’accent sur l’autonomie de la personne, après que la Charte des droits et libertés a été enchâssée dans la Constitution canadienne en 1982, face à l’intervention de l’État dans la vie des personnes, surtout quand l’État entend définir ce qui constitue un crime et les peines qu’entraîne la reconnaissance de la responsabilité criminelle. Des avocats de la défense l’ont d’ailleurs rappelé devant le comité.

Le jugement Truchon représente « une évolution jurisprudentielle des principes d’autodétermination, d’autonomie et de dignité de la personne », que l’on constate depuis l’arrêt Jones en 1986, qui a affirmé pour la première fois le principe selon lequel l’autonomie de la personne s’exprime à travers les notions de dignité, de liberté et de sécurité.

En 1988, l’arrêt Morgentaler a réaffirmé le principe de l’autonomie de la personne en faisant un lien direct entre la dignité humaine et l’autonomie corporelle, et ce, sans interférence de l’État. La Cour suprême a réitéré, dans les arrêts Blencoe en 2000, Chaoulli en 2005 et PHS Community Services Society en 2011, le principe selon lequel la liberté est le droit de faire des choix personnels fondamentaux en matière d’intégrité corporelle et de soins médicaux sans intervention de l’État.

En renversant l’arrêt Rodriguez de 1993, et je cite la juge Baudouin :

[...] l’arrêt Carter réaffirme la portée des droits individuels de vie, liberté et sécurité et pose les fondements de la légalisation de l’aide médicale à mourir partout au Canada.

L’arrêt Carter établit le principe selon lequel le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, qui est protégé en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés « prend sa source dans la maîtrise qu’elles [certaines personnes] exercent sur leur intégrité corporelle ».

Selon la cour, la prohibition de l’aide à mourir que réclament des adultes capables affectés de problèmes de santé graves, irrémédiables et qui leur causent des souffrances persistantes et intolérables porte atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de la personne.

Ce faisant, la cour a retenu un critère subjectif selon lequel :

[...] une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables [...]

Et ce, quels que soient l’origine de ses souffrances ou le diagnostic qu’on a établis relativement à ses souffrances.

On parle donc du jugement que la personne visée porte sur les problèmes de santé dont elle souffre plutôt que de laisser cette personne dépendre du jugement de toute autre personne, même si cette personne est un médecin.

Comme l’a affirmé un médecin devant le comité, la médecine paternaliste a évolué. C’est ce que la Cour suprême a reconnu dans le jugement Carter. Le projet de loi C-7 va à l’encontre de ce critère subjectif. Plusieurs de mes collègues ont parlé de ce concept, qui n’est pas établi dans le milieu médical. Cet ajout constitue donc un recul important par rapport à la situation actuelle, parce qu’elle risque d’ajouter une certaine ambiguïté à des concepts déjà inclus dans la loi et qui se sont révélés difficiles à réguler, selon des témoins qui ont témoigné devant le comité.

LLes deux amendements adoptés aujourd’hui par le Sénat représentent une légère avancée. Nous devons nous assurer de continuer à progresser en ce qui concerne la protection de l’autonomie de la décision, peu importe le stade ou l’origine d’une maladie. Il faut surtout faire reconnaître le droit des personnes de s’exprimer par le biais de directives anticipées, ce qui permettra aux personnes visées de continuer à vivre dans la dignité, jusqu’au moment qu’elles auront choisi pour la fin de leur vie. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(2050)

[Traduction]

La Loi sur les juges
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Galvez, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Nous sommes prêts à nous prononcer.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, j’aimerais proposer l’ajournement du débat, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.

L’honorable Yuen Pau Woo : Accepteriez-vous de répéter la question?

Le sénateur Plett : À mon avis, c’était très clair, Votre Honneur. Nous ne pouvons pas vous demander de répéter la question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose que le débat soit ajourné. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Deux sénateurs souhaitent un vote par appel nominal. La sonnerie retentira-t-elle?

Le sénateur Plett : Six minutes.

La sénatrice Gagné : Non.

Des voix : Maintenant.

Le sénateur Mercer : Que la raison l’emporte. Je propose l’ajournement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sonnerie retentira pendant une heure parce qu’il n’y a pas d’accord. Sommes-nous d’accord pour que la sonnerie retentisse pendant six minutes?

Une voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 20 h 59. Convoquez les sénateurs.

(2100)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : l’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Oh
Batters Patterson
Bernard Plett
Boisvenu Poirier
MacDonald Richards
Manning Seidman
Marshall Smith
Martin Wallin
Mockler Wells—19
Ngo

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Keating
Black (Ontario) Klyne
Boehm Kutcher
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lankin
Boyer Loffreda
Brazeau Marwah
Busson McCallum
Cordy McPhedran
Cormier Mégie
Coyle Mercer
Deacon (Nouvelle-Écosse) Miville-Dechêne
Dean Moncion
Duncan Munson
Dupuis Omidvar
Forest Pate
Forest-Niesing Petitclerc
Francis Saint-Germain
Gagné Simons
Gold Wetston
Harder Woo—43
Jaffer

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Dalphond Griffin—2

(2110)

[Français]

Le sénateur Dalphond : J’aimerais expliquer mon abstention.

Je sais que plusieurs Canadiens et Canadiennes nous observent actuellement et qu’ils ont pu apprécier, au cours de la journée et depuis hier, le sérieux des questions et des arguments qui ont été débattus dans cette Chambre. Je regrette cependant que la soirée se termine sur une note partisane, et c’est pourquoi j’ai refusé de voter et de participer à ce que je considère comme une fin de journée malheureuse. Merci.

(À 21 h 11, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

ANNEXE

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

Les terrains du gouvernement fédéral

La demande de décontamination des terres

(Réponse à la question posée le 1er octobre 2020 par l’honorable Claude Carignan)

Services aux Autochtones Canada, Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) et le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) du Québec collaborent afin que les exigences environnementales soient respectées par G&R Recyclage. À la suite des inspections réalisées par les gouvernements fédéral et provincial en septembre 2020, le MELCC a révoqué son autorisation le 5 octobre. Le 18 novembre, ECCC a émis une directive sous la Loi sur les pêches identifiant des mesures devant être mises en œuvre par l’entreprise.

Les propriétaires de l’entreprise détiennent un droit de possession des terres, appelé Oka Letters, et la responsabilité de l’assainissement des terres leur revient. L’entreprise est visée par diverses mesures d’application des lois fédérales et provinciales. Du soutien est accordé à la Première Nation afin d’encadrer les activités de la compagnie et de mettre en œuvre des mesures d’atténuation.

La Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake définit le cadre de la juridiction mohawk sur l’assise territoriale, ainsi que les pouvoirs que doit exercer le Conseil mohawk de Kanesatake sur cette assise. L’usage de ces terres relève donc du conseil qui a adopté, en 2014, une résolution permettant à la compagnie d’opérer sur le site.

La Commission des libérations conditionnelles du Canada

Les droits des victimes d’actes criminels

(Réponse à la question posée le 28 octobre 2020 par l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu)

La Commission des libérations conditionnelles du Canada s’est engagée à respecter les droits des victimes en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition exige que les commissaires de la Commission des libérations conditionnelles prennent en considération toutes les informations pertinentes et disponibles dans leur prise de décision, y compris les déclarations écrites des victimes, qui peuvent être présentées sous différentes formes lors d’une audience.

Nous avons mis en œuvre des améliorations technologiques et procédurales afin de donner aux victimes, à titre de mesure provisoire, la possibilité de participer aux audiences par vidéoconférence ou téléconférence.

Nous sommes heureux d’annoncer que, à partir du 1er janvier 2021, les victimes de tout le Canada peuvent désormais assister aux audiences de libération conditionnelle par vidéoconférence.

Les affaires étrangères

L’exportation de la technologie de la défense en Turquie

Le Yémen—L’aide humanitaire

(Réponse à la question posée le 29 octobre 2020 par l’honorable Leo Housakos)

Exportation de la technologie de la défense en Turquie

À la suite de l’incursion militaire de la Turquie dans le nord-est de la Syrie en octobre 2019, le Canada a suspendu, le 11 octobre 2009, la délivrance de toutes les nouvelles licences d’exportation vers la Turquie. En date du 16 avril 2020, le Canada a avisé les exportateurs que les restrictions liées à la délivrance des licences continueraient de s’appliquer aux exportations du groupe 2 (militaires) vers la Turquie, et qu’il déterminerait au cas par cas s’il existe des circonstances exceptionnelles, y compris, mais sans s’y limiter, les programmes de coopération de l’OTAN.

Les exportateurs qui ont obtenu des licences pour l’exportation de tels articles vers la Turquie avant le 11 octobre 2019 peuvent continuer d’exporter en vertu de ces licences pendant leur période de validité.

Cependant, toutes les demandes de licence pour des articles contrôlés, peu importe leur destination, sont examinées selon le cadre d’évaluation des risques du Canada. Le ministre des Affaires étrangères peut délivrer, refuser, modifier, suspendre, annuler ou rétablir toute licence d’exportation.

Un certain nombre de licences d’exportation vers la Turquie ont été suspendues en raison d’allégations concernant l’utilisation possible de technologies canadiennes dans le conflit du Haut-Karabakh. Un examen à ce sujet est en cours.

Yémen – Aide humanitaire

Le Canada est profondément préoccupé par la situation au Yémen, la détérioration des modestes progrès réalisés ces dernières années et l’incidence du conflit sur les civils, en particulier les femmes et les enfants.

Le Canada est conscient de la situation humanitaire désastreuse au Yémen. Depuis 2015, il a fourni plus de 220 millions de dollars en financement humanitaire, dont 40 millions en 2020 pour soutenir l’aide alimentaire, les services d’alimentation en eau et d’assainissement, la fourniture d’abris, les mesures de protection et les soins de santé, y compris les services de santé sexuelle et reproductive.

De plus, le Canada investit dans la paix et la stabilité au Yémen. Il continue d’appuyer les efforts déployés par l’envoyé spécial du secrétaire général au Yémen, M. Martin Griffiths, pour parvenir à un cessez-le-feu durable et à une paix inclusive, ainsi que la poursuite des consultations de paix de décembre 2018 parrainées par l’ONU. Depuis décembre 2018, le Canada a fourni plus de 22 millions de dollars en aide à la paix et à la sécurité au Yémen, à l’appui du processus de paix mené par l’ONU.

Le Canada appelle les parties à engager des négociations afin de parvenir à une solution pacifique au conflit.

L’agriculture et l’agroalimentaire

La réglementation en matière d’engrais

(Réponse à la question posée le 3 novembre 2020 par l’honorable Diane F. Griffin)

L’Agence canadienne d’inspection des aliments

La loi et le Règlement sur les engrais exigent que tous les engrais et suppléments réglementés importés ou vendus au Canada soient sans risque pour les humains, les végétaux, les animaux et l’environnement. Ils doivent également être adéquatement étiquetés pour promouvoir une utilisation sûre et appropriée.

La version définitive des modifications à apporter au Règlement sur les engrais a été inscrite le 26 octobre 2020; les modifications ont été publiées dans la Partie II de la Gazette du Canada le 11 novembre 2020.

Ces modifications s’alignent davantage avec les normes internationales, améliorent la compétitivité des entreprises de production d’engrais, réduisent le fardeau administratif et maintiennent des exigences rigoureuses en ce qui concerne l’innocuité des produits qui entrent sur le marché canadien et dans l’environnement.

Les modifications accordent plus de souplesse à l’industrie au moyen d’une approche axée sur les risques qui met l’accent sur l’innocuité des produits et la protection de l’environnement.

Il y a une période de transition de trois ans, jusqu’à l’automne 2023, pendant laquelle l’industrie pourra choisir de se conformer à l’ancien ou au nouveau règlement, pour chaque produit.

L’Agence canadienne d’inspection des aliments a travaillé avec les fabricants, les importateurs et d’autres intervenants, y compris le Forum canadien sur les produits fertilisants, pour élaborer ces modifications réglementaires.

La Commission canadienne des droits de la personne

Le défenseur fédéral du logement

(Réponse à la question posée le 3 novembre 2020 par l’honorable Kim Pate)

Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL)

Le 22 novembre 2020, le gouvernement du Canada a publié l’avis de possibilité de nomination au poste de défenseur fédéral du logement. L’avis de possibilité de nomination, accessible sur le site Web des nominations par le gouverneur en conseil, est ouvert jusqu’au 30 décembre 2020. Un comité de sélection évaluera les candidats potentiels et les passera en entrevue, puis recommandera une liste restreinte des candidats les plus qualifiés au ministre responsable de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

La Loi sur la stratégie nationale sur le logement a introduit de nouvelles mesures de responsabilisation conformément à une approche du logement axée sur les droits de la personne. Le défenseur fédéral du logement présentera un rapport annuel au ministre responsable et formulera des recommandations pour régler les problèmes systémiques de logement. Le ministre déposera le rapport du défenseur et la réponse du gouvernement à ce rapport au Parlement. De plus, à compter de mars 2021, le ministre déposera un rapport triennal sur l’efficacité de la Stratégie nationale sur le logement (SNL). Ce rapport au Parlement s’ajoute aux rapports d’étape périodiques de la SNL qui se trouvent sur la page Web de la SCHL, aux rapports trimestriels sur le plan Investir dans le Canada d’Infrastructure Canada, au rapport annuel de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ainsi qu’aux rapports ponctuels du vérificateur général du Canada, du directeur parlementaire du budget et d’autres parties prenantes.

Les transports

Le Nouveau-Brunswick—Les traversiers

(Réponse à la question posée le 5 novembre 2020 par l’honorable David Richards)

Transports Canada

Le service de traversier saisonnier entre les îles Deer (Nouveau-Brunswick) et Campobello (Nouveau-Brunswick) est assuré par un opérateur privé, East Coast Ferries Ltd. Ce service de traversier fonctionne généralement de fin juin à septembre, bien que le service 2020 ait été prolongé jusqu’au 1er décembre.

Le gouvernement du Canada s’est retiré de l’exploitation directe des services de traversiers depuis l’introduction de la Politique maritime nationale de 1995 (la politique), par laquelle le gouvernement fédéral a placé la gestion des infrastructures et des services maritimes sur une base commerciale.

La politique indique également que le gouvernement du Canada continuera à soutenir les services de traversiers prévus par la Constitution et les services requis par les communautés éloignées. En vertu de cette politique, l’île de Campobello n’est pas classée comme une communauté éloignée ou une obligation constitutionnelle, car l’accès à l’île est possible toute l’année par voie terrestre via l’État du Maine.

À la lumière de cela, le rôle de Transports Canada se limite à son rôle réglementaire afin d’assurer la sécurité et la sûreté du service de traversier saisonnier entre la partie continentale du Nouveau-Brunswick et l’île de Campobello.

Reconnaissant la nature provinciale de cette question, le gouvernement du Canada encourage les organisations locales telles qu’Accessible Campobello à continuer de travailler avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick pour examiner des solutions à long terme.

Les affaires autochtones et du Nord

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

(Réponse à la question posée le 18 novembre 2020 par l’honorable Marilou McPhedran)

Le gouvernement du Canada soutient le travail de ministères fédéraux tels que Femmes et égalité des sexes Canada, Santé Canada et Emploi et développement social Canada, et d’organismes comme le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, afin d’assurer la sécurité et l’accessibilité des services pour les femmes, les filles autochtones, et les personnes LGBTQQIA bispirituelles handicapées. Cela inclut le financement de recherches adaptées aux expériences des femmes, des filles et des personnes LGBTQQIA autochtones handicapées, en reconnaissant leur plus grand potentiel à subir une forme d’abus (physique, mental, émotionnel ou sexuel), des risques pour la santé, des difficultés financières et des obstacles à l’accès aux services.

En réponse à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le gouvernement continue à travailler avec les partenaires pour élaborer un plan d’action national dirigé par des femmes autochtones et comprenant des éléments portant spécifiquement sur la protection des femmes, des filles, des personnes bispirituelles et des LGBTQQIA autochtones handicapées.

La sécurité publique

Programme de rachat d’armes à feu

(Réponse à la question posée le 2 décembre 2020 par l’honorable Donald Neil Plett)

Sécurité publique Canada (SP)

1.En collaboration avec ses partenaires, le ministère est en train de définir les exigences et d’élaborer des options pour la mise en œuvre et la conception du programme. À ce titre, l’intégralité des coûts associés à la mise en œuvre d’un programme de rachat n’a pas encore été finalisée. Les estimations de coûts initiales seront précisées au cours des prochains mois au fur et à mesure que les travaux de conception du programme arriveront à maturité. C’est l’intention du gouvernement de communiquer ces estimations finales aux Canadiens en temps opportun.

2.Le gouvernement s’engage à offrir un dédommagement équitable aux propriétaires et aux entreprises concernés tout en veillant à ce que la mise en œuvre et la gestion d’un programme soient effectuées dans une optique « coût-bénéfice » efficiente. Afin d’obtenir du soutien pour atteindre ce double objectif, le ministère, à la suite d’un processus concurrentiel, a attribué à IBM Canada un contrat pour la fourniture de conseils sur les options et les approches afin de mieux nous informer et de nous appuyer sur les efforts en cours pour élaborer le programme de rachat. Plus précisément, ces avis seront axés sur les modèles de tarification des armes à feu, de dédommagement, ainsi que sur la conception, la mise en œuvre et la gestion d’un programme de rachat d’armes à feu récemment prohibées.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

La Société Radio-Canada

(Réponse à la question posée le 2 décembre 2020 par l’honorable Leo Housakos)

En 2018, le gouvernement du Canada a nommé un groupe d’experts externe chargé d’examiner les lois sur la radiodiffusion et les télécommunications. Le mandat du groupe d’experts comprenait un examen du rôle de la Société Radio-Canada.

Le groupe d’experts a reçu des soumissions de la part de parties intéressées dont plusieurs ont exprimé leur point de vue sur le rôle de la Société Radio-Canada. Le groupe d’experts a remis son rapport final en janvier 2020, contenant des recommandations d’amendements à la Loi sur la radiodiffusion, notamment en ce qui concerne le mandat, les pouvoirs, la gouvernance de la société ainsi que son modèle de financement.

Le 3 novembre 2020, le gouvernement a présenté le projet de loi C-10 modernisant la Loi sur la radiodiffusion, afin de garantir que les radiodiffuseurs traditionnels et en ligne opérant au Canada contribuent à la création, production et promotion du contenu canadien. Ce projet de loi définit la politique de radiodiffusion pour le Canada, ainsi que le rôle et les pouvoirs du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Le projet de loi C-10 introduit également des modifications au mandat de la Société Radio-Canada.

Le projet de loi C-10 est une première étape d’une réforme législative plus large, et le gouvernement reconnaît que d’autres mesures seront nécessaires éventuellement, dont la considération des objectifs mandatés de la Société Radio-Canada. Le gouvernement estime qu’une enquête parlementaire n’est pas nécessaire présentement.

L’agriculture et l’agroalimentaire

Le Programme d’assurance des prix du bétail

(Réponse à la question posée le 3 décembre 2020 par l’honorable Donald Neil Plett)

Agriculture et Agroalimentaire Canada (y compris I’Agence canadienne du pari mutuel)

Le Programme d’assurance des prix du bétail dans l’Ouest (PAPBO) est géré par les provinces. Il permet aux producteurs de souscrire une assurance contre la fluctuation des prix des bovins et des porcs. Le gouvernement fédéral offre son soutien de deux façons : l’octroi de prêts en cas de déficit et le paiement d’une part de 60 % des frais d’administration du PAPBO dans le cadre du programme Agri-risques (AR). Les gouvernements fédéral-provinciaux-territoriaux se partagent selon un ratio de 60:40 les frais rattachés aux paiements et à l’administration des programmes de gestion des risques de l’entreprise (GRE), sauf indication contraire. Comme le PAPBO est offert dans le cadre du programme AR, il prendra fin au terme du Partenariat canadien pour l’agriculture, comme d’autres programmes relevant de ce cadre.

Si le PAPBO était étendu aux Maritimes, il faudrait obtenir l’engagement des provinces atlantiques étant donné que l’offre de produits d’assurance est une compétence provinciale. Les provinces devraient ensuite convenir du programme et le mettre en œuvre. L’industrie et les provinces s’efforcent de définir les modalités éventuelles d’un tel programme, et le gouvernement fédéral continue de faciliter ces discussions et d’y prendre part.

Les transports

Le traversier F.-A.-Gauthier

(Réponse à la question posée le 3 décembre 2020 par l’honorable Claude Carignan)

Transports Canada

Transports Canada est bien au fait de la situation du navire F.-A.-Gauthier et suit de près l’évolution de ce dossier.

Selon la Constitution, le gouvernement du Canada détient des pouvoirs sur les services de traversiers interprovinciaux. Les services interrégionaux d’une province sont sous la responsabilité de celle-ci.

Dans le cas de la traverse de Matane─Baie-Comeau─Godbout, c’est le ministère des Transports du Québec ainsi que la Société des traversiers du Québec qui ont l’autorité d’offrir les services aux usagers.

Transports Canada exerce son mandat afin de s’assurer que les navires en service sont opérés en toute sécurité et qu’ils répondent aux exigences réglementaires canadiennes.

Transports Canada demeure en communication avec la Société des traversiers du Québec afin d’offrir de l’assistance dans ce dossier.

Les questions quant aux modalités et aux exigences de la campagne de vaccination contre la COVID-19 au Québec devraient être dirigées à l’Agence de santé publique du Canada ou à l’Institut national de santé publique du Québec.

Les services aux Autochtones

Les services de santé non assurés

(Réponse à la question posée le 3 décembre 2020 par l’honorable Margaret Dawn Anderson)

Depuis mars 2020, les Services de santé non assurés (SSNA) ont lancé leur plan de continuité des activités (PCA) qui comprend des mesures d’urgence pour la renonciation aux autorisations préalables pour certains médicaments, y compris les inhalateurs.

Comme les prescripteurs et les pharmacies se sont adaptés à cette situation, les SSNA ont prudemment commencé à rendre les médicaments à usage limité. Pour les inhalateurs, les SSNA ont consulté le Comité consultatif sur les médicaments et les produits thérapeutiques, un organe consultatif composé de professionnels de la santé, dont certains sont des membres des Premières Nations, qui conseillent le programme des SSNA. Cet organisme a recommandé que les critères d’usage limité soient rendus aux inhalateurs en raison des préoccupations concernant la sécurité des patients, en soulignant que les inhalateurs à usage ouvert devraient être utilisés avant les essais de ces inhalateurs plus complexes. Actuellement, un seul inhalateur contenant une combinaison de trois médicaments différents a été retourné au statut d’usage limité. Huit autres restent à bénéfice ouvert : Foradil / Oxeze / Zenhale / Onbreze / Serevent / Breo Ellipta / Advair / Symbicort. Ces inhalateurs pourraient être rendus au statut d’usage limité, car les SSNA rétablissent les médicaments ouverts pendant le PCA.

Les changements de liste invoqués par le biais du PCA ont été communiqués aux pharmaciens et aux clients en tant que mesures temporaires. Comme pour les autres régimes publics d’assurance-médicaments canadiens, les critères d’inscription sur la liste des médicaments admissibles au titre des SSNA sont recommandés par l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé.

L’infrastructure et les collectivités

Le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes

(Réponse à la question posée le 8 décembre 2020 par l’honorable Claude Carignan)

Le gouvernement du Canada reconnaît qu’aujourd’hui plus que jamais, les collectivités ont besoin d’aide pour s’adapter aux événements météorologiques de plus en plus intenses qui sont associés aux changements climatiques. C’est pourquoi le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes (FAAC) a été lancé le 17 mai 2018. Ce programme national de 2 milliards de dollars appuie des projets d’infrastructure à grande échelle aidant les collectivités à mieux se préparer et résister aux conséquences potentielles des catastrophes naturelles.

À ce jour, le gouvernement du Canada a annoncé plus de 1,8 milliard de dollars pour des projets qui contribueront à protéger les collectivités à travers le pays, tout en réduisant les coûts à long terme associés au remplacement des infrastructures à la suite de catastrophes naturelles.

Le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités a invité en avril 2019 les collectivités impactées par les inondations printanières à soumettre des projets en vertu du FAAC.

Les demandeurs ont été informés des activités et coûts admissibles pour le FAAC avant le dépôt de leurs projets. Je suis fier de l’approbation des trois projets présentés par Sainte-Marthe-sur-le-Lac et Deux-Montagnes en août et septembre 2019 totalisant plus de 49 millions de dollars en financement fédéral.

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