Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 34
Le mardi 30 mars 2021
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- La vérificatrice générale
- La Prestation canadienne d’urgence—Dépôt du rapport
- La Subvention salariale d’urgence du Canada—
Dépôt du rapport - Préparation en cas de pandémie, surveillance et mesures de contrôle aux frontières—Dépôt du rapport
- Le plan Investir dans le Canada – Rapport de l’auditeur indépendant 2021—Dépôt du rapport
- Comité de sélection
- L’ajournement
- Projet de loi relative à la Déclaration
des Nations Unies sur les droits
des peuples autochtones - La Loi sur la citoyenneté
- Le Code criminel
- La Loi sur le gouverneur général
- Le Groupe interparlementaire
Canada-États-Unis - L’Assemblée parlementaire de la Francophonie
- Le Sénat
- La vérificatrice générale
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi de crédits no 6 pour 2020-2021
- Projet de loi de crédits no 1 pour 2021-2022
- Le discours du Trône
- L’ajournement
- Comité de sélection
- Le Sénat
- Régie interne, budgets et administration
- Projet de loi sur la Journée internationale
de la langue maternelle - Projet de loi sur l’esclavage moderne
- La sanction royale
- Projet de loi sur l’esclavage moderne
- Projet de loi sur la Journée nationale
de la jupe à rubans - Affaires sociales, sciences et technologie
- Le Sénat
- Le système de soins de longue durée
- Le lien entre la prospérité et l’immigration
- L’honorable Lillian Eva Dyck
- Langues officielles
LE SÉNAT
Le mardi 30 mars 2021
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Journée mondiale de sensibilisation
à l’autisme
L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je dédie ma déclaration d’aujourd’hui à un jeune homme nommé Gavin. Âgé de 9 ans, Gavin est le petit-fils de la sénatrice Wanda Thomas Bernard.
Honorables sénateurs, le 2 avril est la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. C’est inscrit dans la loi au pays. Pour la dernière fois en cette enceinte, neuf ans après la promulgation de la loi qui la désigne, j’ai l’honneur et le privilège de prendre la parole pour célébrer la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme.
À mon arrivée sur la Colline à titre de sénateur en 2003, comme tant d’autres, je ne comprenais pas très bien la réalité des familles qui vivent avec l’autisme. Cela a changé lorsque je me suis arrêté pour discuter avec un parent manifestant près de la flamme du centenaire pendant son heure de dîner. Il réclamait désespérément du soutien pour son fils autiste. Cet entretien a fait jaillir une étincelle en moi et m’a convaincu que je devais me servir de mes fonctions pour lui venir en aide.
En tant que société, nous avons fait beaucoup de progrès pour ce qui est d’accepter, de comprendre et de soutenir les familles qui vivent avec l’autisme. Toutefois, il reste toujours plus à faire.
Honorables sénateurs, nous tous ici devrions être fiers du rôle que nous avons joué dans cette avancée. Au début, j’ai attiré l’attention du Sénat sur la question avec une interpellation. Par la suite, sous la présidence des sénateurs Keon et Eggleton, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a réalisé une étude sans précédent qui a eu des retombées majeures. Le comité a recueilli les témoignages de Canadiens souffrants d’autisme, d’experts en neurologie, de médecins et de défenseurs de la cause des autistes dans la société. C’est le rapport Payez maintenant ou payez plus tard : les familles d’enfants autistes en crise qui a donné une voix à la communauté de l’autisme. Ce titre est inspiré des mots prononcés par une personne atteinte du syndrome d’Asperger qui a comparu devant notre comité. Elle a déclaré : « Sénateurs, si vous ne payez pas aujourd’hui, vous devrez payer plus tard. » Aujourd’hui, nous sommes dans le « plus tard », sans aucun doute, mais ces propos fédérateurs qui catalysent encore l’action continuent d’être une référence dans la communauté de l’autisme et illustrent bien ses besoins.
À l’époque, j’avais des liens très étroits avec cette communauté et je ne voulais pas que nos efforts s’essoufflent. J’ai donc présenté un projet de loi visant à instituer la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme pour la première fois en 2008. Le projet de loi n’a pas été adopté cette année-là, mais il a fini par l’être en 2012, à la cinquième tentative. Quoi qu’il en soit, ce fut une démarche qui en valait la peine.
En cours de route, j’ai pu défendre la cause de l’autisme auprès de députés et de sénateurs et en faire des alliés de la communauté de l’autisme. Ces législateurs, qui sont toujours des alliés aujourd’hui, comprennent l’importance et la nécessité de doter notre pays d’une stratégie nationale de l’autisme, qui conjuguerait les ressources et aplanirait les obstacles que rencontrent les familles touchées par l’autisme au Canada. Aujourd’hui, le gouvernement travaille sur une stratégie nationale de l’autisme. Il y en aura une, et tous les partis sont d’accord.
En conclusion, honorables sénateurs, nous avons l’obligation de représenter les minorités. Ce faisant, nous pouvons avoir un effet bénéfique sur le sort des Canadiens. Chers collègues, n’abandonnez jamais ce genre de quête, peu importe le temps qu’il faut pour en atteindre le but. Je souhaite à tous une bonne Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, le 2 avril. Je remercie tous ceux qui m’ont aidé dans ce périple. Gavin, c’est pour toi.
Le décès de Thomas Henry Bull Symons,
C.C., O.Ont.
Le décès de Donald Creighton Rae Sobey, O.C.
L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, la ville de Charlottetown est reconnue comme étant le « berceau de la Confédération », et le Centre des arts de la Confédération est le monument national dédié à cette rencontre historique de 1864.
Aujourd’hui, je prends la parole au nom du sénateur Duffy et en mon nom pour rendre hommage à deux Canadiens d’exception qui sont décédés récemment et qui entretenaient des liens étroits avec le Centre des arts de la Confédération.
Je parle de Thomas H.B. Symons, qui s’est éteint le jour de l’An, et de Donald C. R. Sobey, qui nous a quittés le 24 mars dernier. Les deux hommes ont siégé pendant de nombreuses années au conseil d’administration du Centre des arts de la Confédération.
Donald Sobey était un généreux mécène. Une salle du centre porte son nom de famille. Le Centre des arts de la Confédération est reconnaissant de l’appui que la famille Sobey lui a offert au fil des décennies, y compris l’établissement du fonds en fidéicommis de la Fondation Sobey pour soutenir le budget de fonctionnement du centre.
L’appui de M. Sobey pour les arts allait au-delà de la région de l’Atlantique. Il a siégé au conseil d’administration du Musée des beaux-arts du Canada pendant 14 ans, y compris à titre de président. La sénatrice Bovey a travaillé étroitement avec lui.
Tom Symons, un éminent éducateur, a été le président fondateur de l’Université Trent, puis a occupé des postes de direction au sein d’organismes canadiens et internationaux.
Le professeur Symons aimait l’Île-du-Prince-Édouard et y est retourné régulièrement après sa première visite qui remontait à près de 75 ans.
En 2004, le Centre des arts de la Confédération a créé la médaille Symons, qui est remise annuellement à une personne ayant fait une contribution exceptionnelle à la vie canadienne. L’ancien sénateur Sinclair a été le récipiendaire de cette médaille en 2019 et a participé à la causerie organisée dans le cadre de la cérémonie annuelle.
(1410)
Tom Symons comprenait l’importance du Centre de la Confédération pour éduquer les Canadiens sur l’histoire et il comprenait le rôle crucial des arts dans nos vies. Nous offrons nos sincères condoléances à la famille et aux amis de Donald Sobey et Tom Symons. Leurs contributions ont fait du Canada un endroit meilleur et leur précieux héritage leur survivra au Centre des arts de la Confédération. Merci.
Hommage à des femmes autochtones
L’honorable Yvonne Boyer : Honorables sénateurs, initialement, j’avais l’intention de faire cette déclaration lors de la Journée internationale de la femme, mais nous devrions tous nous efforcer de célébrer les femmes chaque jour, et non une fois l’an.
Lorsqu’il est question des sexes et de l’égalité, il est crucial d’adopter une optique intersectionnelle, en tenant compte de la race et de la culture. Ce n’est pas seulement dans la perspective de mon sexe que je vois le monde, mais aussi dans celle de mes ancêtres, à travers le prisme de la culture et de la race. Ce sont des facteurs indissociables. Ma perception du monde est celle d’une femme michif ou métisse, et c’est dans cette optique que j’aborde mon travail de sénatrice. J’estime que saluer et souligner le travail d’autres femmes qui sont des figures de proue dans leur profession ou leur communauté est un élément crucial de mon rôle en tant que sénatrice, et c’est ce que je veux faire maintenant.
Aujourd’hui, je veux rendre hommage à une femme autochtone qui a consacré sa vie à militer pour une société plus juste. Karen Lawford fait partie de la nation de Namegosibiing Trout Lake, Lac Seul. Elle est la première sage-femme autorisée et la première sage-femme autochtone au Canada à détenir un doctorat et à occuper un poste universitaire. Elle est également membre fondatrice du Conseil national autochtone des sages-femmes.
Mme Lawford a choisi de devenir sage-femme pour fournir d’excellents soins de maternité aux familles des Premières Nations qui vivent dans les réserves et n’ont souvent pas accès à ces services vitaux. En tant que professeure à l’université et sage-femme, elle milite pour des soins maternels permettant aux membres des communautés d’accoucher dans leur propre communauté et sur leurs terres. Elle a eu l’occasion d’observer la résilience et la résistance des femmes ayant dû quitter leur communauté pour accoucher.
Les prix Indspire sont les plus importantes récompenses que la communauté autochtone accorde à ses membres les plus méritants. Mme Lawford est la lauréate du prix Indspire 2020 pour la santé, en conjonction avec la Décennie internationale des populations autochtones des Nations unies. Mme Lawford incarne ce prix avec son travail de sensibilisation. Elle se fait championne des droits de la personne, elle lutte contre le racisme et elle s’efforce d’améliorer la reconnaissance et le respect des droits des Autochtones au sein de la société canadienne.
Il existe tant d’autres femmes autochtones incroyables comme Mme Lawford, qui sont des cheffes de file dans leur communauté. En plus de célébrer Mme Lawford, je veux honorer et remercier toutes les femmes autochtones d’être des agentes de changement, de ne jamais perdre espoir et de rester déterminées à faire rayonner la force et la vigueur. Meegwetch, merci.
[Français]
La violence faite aux femmes
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs et sénatrices, c’est avec beaucoup d’émotion que je prends la parole aujourd’hui afin de rendre hommage aux 7 femmes assassinées récemment au Québec et à leurs 14 enfants à qui l’on a volé le rêve d’aimer et de chérir leur mère pour de nombreuses années.
Je veux d’abord réitérer mes plus sincères condoléances aux familles de ces femmes qui ont été assassinées, non seulement parce qu’elles étaient des femmes, mais parce qu’elles avaient été courageuses. Cette vague d’homicides sans précédent est très inquiétante. Elle nous confirme que notre société et notre système de justice n’en font pas assez pour protéger ces femmes, et souvent des enfants, qui paient de leur vie la lourde conséquence de la violence familiale.
Sans doute, plusieurs de ces femmes assassinées ont payé de leur vie pour ne plus avoir accepté d’être soumises à cette violence, et ces femmes paient trop souvent de leur vie parce que notre système de justice les invite fortement à dénoncer leur agresseur, mais ne les protège pas adéquatement quand elles ont le courage de le faire. Je l’ai dit et je le répète, ce courage a un prix : leur vie.
Depuis 20 ans, je suis très sensible à la violence faite aux femmes dans notre pays. Depuis deux ans, je côtoie tous les jours des femmes qui vivent ou ont vécu de la violence conjugale afin de trouver des pistes de solutions pour mieux les protéger. Ces femmes me racontent leur parcours et me communiquent les craintes qu’elles ont pour elles et leurs enfants, parce qu’elles ont décidé un jour de ne plus rester emmurées dans le silence de la violence qui était leur prison depuis des années.
Ces femmes courageuses ont décidé de prendre la parole et de me faire confiance. Elles m’ont éclairé, m’ont permis de me débarrasser de mes préjugés face aux femmes qui vivent cette violence tous les jours, toutes les semaines et pendant des années. Elles m’ont permis de comprendre leur prison, leur silence, leur impuissance et surtout le courage qu’elles ont dû puiser profondément en elles pour ne plus accepter d’être soumises, dominées et terrifiées pendant chaque seconde de leur existence de conjointe, de mère et surtout de femme.
Elles sont toutes d’accord pour dire que les hommes violents qui partageaient leur existence ont besoin d’aide et qu’il ne s’agit plus simplement de leur suggérer d’aller chercher cette aide. Nous avons le devoir d’exiger qu’ils le fassent parce que des vies d’innocentes victimes sont en jeu. Toutefois, ces services sont si peu disponibles et si longs à recevoir quand ces hommes les demandent que j’en appelle autant aux gouvernements de nos provinces respectives qu’au gouvernement fédéral à investir dans cette aide. En le faisant, nous allons agir sur la cause principale de tous ces meurtres trop souvent prévisibles.
Entretemps, que demandent ces femmes? Simplement d’être enfin protégées, lorsqu’elles veulent sortir de cette prison qui tôt ou tard finira par les tuer. Cet après-midi, grâce à ces centaines de femmes courageuses, toutes victimes de violence conjugale, je déposerai en leur nom un projet de loi écrit pour elles et par elles.
À toutes ces femmes, je souhaite bon courage. Nous réussirons!
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Women Wage Peace
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ce mois-ci, la Commission de la condition de la femme des Nations unies a tenu sa 65e session sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Cette année, des représentants de partout sur la planète se sont réunis pour discuter de la participation pleine et efficace des femmes.
Je prends la parole pour vous dire à quel point ce fut un honneur pour moi de prendre la parole en tant que conférencière principale, sur l’invitation de ma bonne amie Mazal Renford, lors d’un forum organisé par Women Wage Peace. Créé en 2014, dans la foulée de l’opération Bordure protectrice, Women Wage Peace est un mouvement non séculaire formé de femmes juives et arabes. Les Palestiniennes et les Israéliennes ont été témoins des ravages du conflit qui perdure sur leurs communautés respectives et elles se sont engagées à collaborer pour faire la promotion d’une solution non violente, respectueuse et mutuellement acceptable au conflit israélo-palestinien. En décembre 2020, Women Wage Peace a célébré une grande victoire lorsque le projet de loi dit des « solutions politiques d’abord », une loi qui pourrait empêcher qu’une nouvelle guerre soit déclenchée, a été présenté à la Knesset, l’assemblée législative d’Israël.
Honorables sénateurs, en 2002, avec la bénédiction de Jean Chrétien, le premier ministre de l’époque, et du ministre Graham, je me suis rendue en Israël pour la première fois dans le but de nouer un dialogue entre les Israéliennes et les Palestiniennes. Nous avions prévu organiser 13 tables rondes entre les Israéliennes et les Palestiniennes. Pour des raisons de sécurité, cela a été impossible. Nous avons plutôt engagé des dialogues nationaux. Plus tard, grâce à l’aide de l’ambassadeur Haim Divon à Haïfa, j’ai réussi à organiser une table ronde entre les Israéliennes et les Palestiniennes, et une petite porte de compréhension s’est ouverte entre les deux groupes de femmes.
Honorables sénateurs, j’ai toujours cru que, pour établir une paix durable, les femmes doivent être incluses dans le processus de rétablissement de la paix. Cela a été démontré quand les Irlandaises ont contribué à mettre fin au conflit en Irlande du Nord, et je peux vous dire que c’est certes ce que j’ai observé au Soudan.
Honorables sénateurs, je crois que les femmes assureront la paix entre les Israéliens et les Palestiniens, et les Canadiens doivent soutenir ces efforts pour garantir une paix durable. Merci.
Le décès de l’honorable Beverley Browne
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, pendant 30 ans, soit du début des années 1990 jusqu’à la deuxième décennie du présent siècle, la juge Beverley Browne — Bev pour ses amis et de nombreux résidants des collectivités de l’île de Baffin et de l’Extrême-Arctique — a représenté, pour une génération d’Inuits, ce que doit être un bon juge.
(1420)
Elle a été nommée juge à la cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest à Iqaluit en 1990. Elle est par la suite devenue la première juge en chef de la Cour de justice du Nunavut et juge de la Cour du Banc de la Reine à Edmonton, tout en continuant de servir comme juge suppléante du Nunavut jusqu’à sa récente retraite. Elle a siégé aux côtés du juge en chef de la Cour de justice du Nunavut, Neil Sharkey, qui l’a décrite comme un « modèle d’excellence » en matière d’engagement communautaire du milieu juridique.
Ses contributions à sa collectivité, Iqaluit, ainsi qu’au Nunavut, ont été énormes et durables. Elle était une organisatrice déterminée et n’avait pas son pareil pour faire en sorte que les choses qui étaient nécessaires se réalisent. Elle était active au sein de la communauté anglicane locale : elle jouait de l’orgue à l’église les dimanches, elle a participé à la création d’un magasin d’articles d’occasion qui est encore en activité aujourd’hui, et elle a compté parmi les piliers de l’Iqaluit Music Society et des camps musicaux d’été, qui ont d’ailleurs récemment obtenu un Prix Inspiration Arctique de 1 million de dollars.
Elle a aussi fondé l’Akitsiraq Law School, qui a commencé à former un groupe d’avocats du Nunavut en collaboration avec la Faculté de droit de l’Université Victoria. Une deuxième cohorte est actuellement formée en collaboration avec la Faculté de droit de l’Université de Saskatchewan. Elle a contribué à la formation du système de justice du Nunavut en 1999 en créant la Cour de justice du Nunavut, le premier et le seul tribunal à palier unique du Canada. Elle a par la suite continué de contribuer au système de justice en participant à la création des comités de justice réparatrice de l’Alberta découlant de l’arrêt Gladue.
Comme juge de circuit, c’était une battante, prête à endurer des voyages inconfortables en avion et à accepter d’être séparée de ses jeunes enfants, semaine après semaine, séjournant dans des hôtels sobres et mangeant souvent des repas auxquels on serait généreux d’accorder « une étoile ». Un avocat de la défense a raconté qu’un soir, lorsqu’il soupait avec Bev et avec d’autres employés de la cour, une serveuse souriante a servi à Bev une assiettée de Kraft Dinner à un prix exorbitant. Toujours courtoise, Bev l’a remercié chaleureusement, en haussant peut-être un sourcil à l’intention de ses compagnons.
Bev était avant tout courtoise. Elle a fait d’énormes efforts pour que le tribunal, souvent perçu comme étranger, apporte quelque chose aux communautés. Elle était courageuse de le faire, car les avocats et les juges professionnels réagissaient souvent froidement lorsqu’elle tentait de faire participer les aînés respectés de la communauté à la détermination de la peine des délinquants. C’était courageux de sa part parce qu’elle ouvrait ainsi la porte à des appels et à des critiques acerbes de son tribunal. Cependant, elle a réussi parce qu’elle a su très brillamment maintenir la légalité du processus tout en permettant à la communauté d’exprimer son point de vue sur les événements et les personnes concernées, apportant une profondeur que les avocats ordinaires avaient souvent de la peine à réaliser.
Bev nous a quittés beaucoup trop tôt, au début de la semaine dernière, mais nous nous souviendrons affectueusement d’elle. Merci, Bev Browne. Merci, honorables sénateurs.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
La vérificatrice générale
La Prestation canadienne d’urgence—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada intitulé La Prestation canadienne d’urgence, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R. 1985, ch. A-17, par. 7(5).
La Subvention salariale d’urgence du Canada—
Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada intitulé La Subvention salariale d’urgence du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R. 1985, ch. A-17, par. 7(5).
Préparation en cas de pandémie, surveillance et mesures de contrôle aux frontières—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada intitulé Préparation en cas de pandémie, surveillance et mesures de contrôle aux frontières, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R. 1985, ch. A-17, par. 7(5).
Le plan Investir dans le Canada – Rapport de l’auditeur indépendant 2021—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada intitulé Le plan Investir dans le Canada – Rapport de l’auditeur indépendant 2021, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R. 1985, ch. A-17, par. 7(5).
[Traduction]
Comité de sélection
Présentation du sixième rapport du comité
L’honorable Terry M. Mercer, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant :
Le mardi 30 mars 2021
Le Comité de sélection a l’honneur de présenter son
SIXIÈME RAPPORT
Le 29 octobre 2020, le Sénat a autorisé votre comité à proposer des recommandations au Sénat sur toute question reliée aux séances du Sénat ou des comités par vidéoconférence. Votre comité présente maintenant un rapport provisoire.
Contexte :
Le Sénat possède normalement les ressources pour répondre aux besoins des comités en fonction du même calendrier qui existe depuis plusieurs années et qui prévoit que les réunions de comités se tiennent dans des salles de comité en personne à Ottawa, durant les semaines de séance. Le calendrier des réunions est préparé conformément à l’article 3, chapitre 5:03 du Règlement administratif du Sénat (RAS), qui donne au greffier principal des comités la responsabilité de préparer un calendrier des réunions en consultation avec tous les leaders et facilitateurs, pour les comités et sous-comités qui se réunissent régulièrement. Cet horaire permettait jusqu’à vingt-six (26) crénaux de réunions de comités par semaine, avec un maximum de quatre (4) réunions de comités se déroulant en même temps.
Cependant, en avril 2020, afin de poursuivre ses activités en toute sécurité durant les phases initiales de la pandémie de la COVID-19, le Sénat n’a autorisé que quatre (4) de ses comités à se réunir par vidéoconférence. Le 17 novembre 2020, le Sénat a adopté une motion autorisant tous les comités sénatoriaux permanents à tenir des réunions hybrides ou des réunions entièrement par vidéoconférence, sous réserve de certaines conditions. Cette motion a ensuite été prolongée le 17 décembre 2020 pour être en vigueur du 1er février au 23 juin 2021. Notamment, cet ordre a suspendu la pratique voulant que les réunions des comités soient limitées à des heures régulières, de même que l’obligation, conformément au RAS, d’établir un calendrier des réunions préétabli pour les comités.
Bien que les sénateurs et témoins puissent participer à distance aux réunions virtuelles des comités conformément à l’ordre du Sénat, le personnel de soutien assure le déroulement des réunions virtuelles sur place, dans les salles de comité du Sénat, afin d’offrir un appui procédural et technologique, ainsi que d’autres services essentiels, tels l’interprétation et les services multimédias. De plus, les réunions virtuelles des comités sénatoriaux sont plus complexes sur le plan de la technologie, de la procédure et de la logistique; il a donc fallu affecter des greffiers, des interprètes, des sténographes et des techniciens supplémentaires pour chacune des réunions.
Capacité actuelle :
Le comité à le plaisir d’annoncer que depuis février 2021, le Sénat a mis à jour ses capacités technologiques et dispose désormais de quatre (4) salles équipées de la technologie Zoom pouvant accueillir des réunions de comités virtuelles ou hybrides. Cependant, même avec la disponibilité de quatre (4) salles de comité entièrement équipées, les Services multimédias de la Chambre des communes peuvent prendre en charge jusqu’à un (1) évènement hybride (y compris les séances hybrides de la chambre) ou deux (2) réunions virtuelles simultanées, compte tenu de leur capacité actuelle en termes de personnel.
En outre, le Bureau de la traduction peut soutenir jusqu’à un maximum de quatorze (14) événements du Sénat par semaine de séance (y compris les séances de la chambre, les réunions de comités et de caucus et les autres réunions de sénateurs) compte tenu de sa capacité actuelle en personnel. En tenant compte des effectifs et des ressources actuelles, le Sénat peut donc assurer le soutien d’un événement hybride à la fois (y compris la chambre hybride) ou de deux (2) réunions de comités virtuelles simultanées, jusqu’à concurrence de quatorze (14) événements du Sénat par semaine de séance.
Votre comité a été informé que le nombre total de réunions des comités ne peut pas être porté au même niveau que le calendrier pré-pandémique compte tenu des ressources actuelles en personnel. Afin d’augmenter le nombre total de réunions de comité, il faut davantage d’interprètes. Cependant, le Bureau de la traduction a fait savoir que tout le personnel disponible et les pigistes à travers le Canada ont été appelés à servir le Parlement et il n’y a pas de ressources supplémentaires à engager.
Le comité a aussi entendu que, pour augmenter la capacité actuelle du Sénat à supporter des réunions de comités virtuelles simultanées additionnelles, des techniciens supplémentaires sont nécessaires. Nous comprenons que des discussions sont en cours pour augmenter le nombre de techniciens, mais cela pourrait prendre de 2 à 3 mois pour y parvenir. De plus, les services des débats et de la procédure pourraient nécessiter du personnel et de l’équipement supplémentaires, selon le calendrier des réunions et le nombre de comités.
Calendrier des réunions des comités :
Malgré ces enjeux, le comité a appris qu’il pourrait être possible d’augmenter légèrement la capacité de service du Sénat si le Sénat adoptait un calendrier fixe de réunions régulières consécutives, afin de permettre une meilleure planification, une utilisation plus efficace des ressources actuelles, et pour aider à prévoir un excédent de personnel et un nombre de remplaçants adéquats. Tout calendrier du Sénat devrait également tenir compte des conflits potentiels avec le calendrier de la Chambre des communes, étant donné que de nombreuses ressources sont partagées.
Même si un calendrier fixe n’augmenterait pas de façon significative la capacité globale des réunions de comité, le comité est d’avis que cela permettrait néanmoins une meilleure planification, une utilisation plus efficace des ressources actuelles, et permettrait de réduire les conflits d’horaire. Cela réduirait aussi la pression causée par les horaires de travail incertains et permettrait de planifier des pauses et des périodes de récupération pour tous les sénateurs et employés, dont beaucoup travaillent dans des conditions qui sont loin d’être idéales depuis le début de la pandémie. De plus, votre comité croit que les réunions de comité devraient se tenir dans un format entièrement par vidéoconférence pour permettre plus de réunions simultanées, jusqu’à ce que la situation de la santé publique s’améliore.
Recommandations :
Selon l’information reçue, votre comité fait les recommandations suivantes et joint au présent rapport un calendrier proposé pour les réunions virtuelles des comités sénatoriaux, qui, selon nous, offre une voie à suivre qui est juste et équitable pour tous les comités. De plus, ces recommandations permettront aux comités de se réunir en toute sécurité, tout en permettant une planification adéquate et des pauses prévues pour les sénateurs et le personnel de soutien.
Votre comité fait donc les recommandations suivantes :
1.Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, et à la lumière des circonstances exceptionnelles de la pandémie actuelle de COVID-19, jusqu’à la fin de la journée le 23 juin 2021, les comités du Sénat soient autorisés à se réunir à l’un des moments suivants :
a)du lundi au vendredi inclusivement, à l’exception des périodes du 2 au 16 avril 2021 et du 17 au 24 mai 2021 inclusivement;
b)les jours où le Sénat siège conformément à l’article 12-18(1) du Règlement;
c)quand une réunion est autorisée conformément à l’article 12-18(2) du Règlement.
2.Que, pendant cette période, les comités du Sénat soient autorisés à siéger entièrement par vidéoconférence, selon un calendrier fixe pour les comités, avec jusqu’à quatorze (14) crénaux horaires de réunions virtuelles par semaine, avec un maximum de deux réunions virtuelles simultanées, à condition que :
a)quatorze (14) comités se voient attribuer un créneau de deux heures par semaine, quatre (4) comités se voient attribuer des créneaux en alternance le lundi avant midi (RPRD/SELE/REGS/BILI) et deux (2) comités (CONF/AOVS) se voient attribuer un créneau en alternance le mardi;
b)les réunions des comités sénatoriaux permanents soient prioritaires pour ceux qui se réunissent pour des affaires du gouvernement, sous réserve de la capacité disponible;
c)si un comité choisit de ne pas utiliser le créneau horaire qui lui a été attribué, celui-ci puisse être utilisé par un autre comité (sauf le mardi lorsque le Sénat siège) ou par un sous-comité, sous réserve de l’approbation de l’agente de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition et les whips et agents de liaison de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.
3.Que les réunions de comité tenues entièrement par vidéoconférence soient réputées à toutes fins des réunions du comité en question et les sénateurs prenant part à ces réunions soient réputés à toutes fins présents à la réunion.
4.Qu’il soit entendu que, sans limiter le pouvoir général accordé par le présent ordre, lorsqu’un comité se réunit entièrement par vidéoconférence :
a)les membres du comité qui participent font partie du quorum;
b)ces réunions sont considérées comme ayant lieu dans l’enceinte parlementaire, peu importe où se trouvent les participants;
c)le comité est tenu d’aborder les réunions à huis clos avec toutes les précautions nécessaires, en tenant compte des risques inhérents pour la confidentialité à ces technologies.
5.Que sous réserve des variations qui pourraient s’imposer à la lumière des circonstances, la participation à une réunion par vidéoconférence soit assujettie aux conditions suivantes :
a)les sénateurs doivent participer à partir d’un bureau désigné ou d’une résidence désignée au Canada;
b)ils doivent obligatoirement utiliser un ordinateur de bureau ou un ordinateur portatif et un casque d’écoute avec microphone intégré fournis par le Sénat pour les vidéoconférences;
c)ils ne peuvent pas utiliser d’autres appareils, comme une tablette ou un téléphone intelligent personnel;
d)ils doivent être les seules personnes visibles sur la vidéoconférence;
e)ils doivent avoir la fonction vidéo activée en tout temps afin qu’on puisse les voir;
f)ils doivent quitter la vidéoconférence s’ils quittent leur siège.
6.Que lorsqu’un comité se réunit par vidéoconférence, les dispositions de l’article 14-7(2) du Règlement soient appliquées afin de permettre l’enregistrement ou la diffusion de la réunion grâce aux arrangements pris par le greffier du Sénat, et, si une réunion diffusée ou enregistrée ne peut être diffusée en direct, que le comité soit réputé s’être acquitté de l’obligation de tenir une réunion publique en rendant tout enregistrement accessible au public le plus tôt possible par la suite;
7.Que les dispositions des ordres du 17 novembre 2020, et du 17 décembre 2020, concernant les réunions hybrides et entièrement par vidéoconférence cessent d’avoir effet dès l’adoption du présent rapport.
Votre comité propose également une ébauche de calendrier pour les réunions de comités entièrement par vidéoconférence qui est annexé au présent rapport et recommande :
a)qu’il soit mis en œuvre à titre d’essai; et que
b)toute modification ultérieure soit effectuée en consultation avec l’agente de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition et les whips et agents de liaison de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.
Respectueusement soumis,
Le président,
TERRY M. MERCER
(L’annexe du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 434.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Sur la motion du sénateur Mercer, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)
(1430)
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 20 avril 2021, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Projet de loi relative à la Déclaration
des Nations Unies sur les droits
des peuples autochtones
Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des peuples autochtones à étudier la teneur
du projet de loi
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, déposé à la Chambre des communes le 3 décembre 2020, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.
La Loi sur la citoyenneté
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) dépose le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (attribution de la citoyenneté à certains Canadiens).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Français]
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu dépose le projet de loi S-231, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Boisvenu, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
(1440)
La Loi sur le gouverneur général
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Claude Carignan dépose le projet de loi S-232, Loi modifiant la Loi sur le gouverneur général (pension de retraite et autres prestations).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Le Groupe interparlementaire
Canada-États-Unis
Le Camp de base de la National Conference of State Legislatures, tenu du 15 au 17 septembre 2020—
Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant le Camp de base de la National Conference of State Legislatures, tenu par vidéoconférence du 15 au 17 septembre 2020.
La réunion annuelle de la Western Legislative Conference du Council of State Governments,
tenue les 29 et 30 juillet 2020—
Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la 73e réunion annuelle de la Western Legislative Conference du Council of State Governments, tenue par vidéoconférence les 29 et 30 juillet 2020.
[Français]
L’Assemblée parlementaire de la Francophonie
La session ordinaire, tenue du 19 au 29 janvier 2021—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie concernant sa 46e session ordinaire, tenue par vidéoconférence du 19 au 29 janvier 2021.
[Traduction]
Le Sénat
Préavis de motion tendant à autoriser chaque comité permanent à étudier toute question relevant
de son mandat
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :
Que chaque comité permanent soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, toute question relevant de son mandat tel qu’énoncé dans le paragraphe pertinent de l’article 12-7 du Règlement et à soumettre son rapport final sur son étude conformément au présent ordre au plus tard le 23 juin 2021.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Préavis de motion tendant à faire du 1er août de
chaque année le « Jour de l’émancipation »
L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :
Que le Sénat reconnaisse :
a)que le Parlement britannique a aboli l’esclavage dans l’Empire britannique le 1er août 1834;
b)que l’esclavage existait en Amérique du Nord britannique avant son abolition en 1834;
c)que les abolitionnistes et ceux qui luttaient contre l’esclavage, y compris ceux qui sont arrivés au Haut-Canada et au Bas-Canada par le chemin de fer clandestin, ont historiquement célébré le 1er août en tant que jour de l’émancipation;
d)que le 30 janvier 2018, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il reconnaîtrait la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations unies afin de souligner l’importante contribution que les personnes d’ascendance africaine ont apportée à la société canadienne, et d’établir une plateforme pour lutter contre le racisme à l’égard des Noirs;
e)le patrimoine des personnes d’ascendance africaine et les contributions qu’elles ont apportées et continuent d’apporter au Canada;
Que, de l’avis du Sénat, le gouvernement devrait faire du 1er août de chaque année le « Jour de l’émancipation » au Canada.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La santé
La distribution des vaccins contre la COVID-19
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Ma question d’aujourd’hui s’adresse comme d’habitude au leader du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, lundi, les directives fédérales au sujet du vaccin d’AstraZeneca ont à nouveau changé. Après avoir dit qu’il n’était pas sécuritaire de l’administrer aux personnes de 65 ans et plus, on a dit que ce l’était. Or, le Comité consultatif national de l’immunisation dit maintenant que les Canadiens de 55 ans et moins ne devraient pas recevoir ce vaccin en raison de risque de formation de caillots sanguins. Pourtant, hier après-midi, pendant la même conférence de presse, Santé Canada a déclaré que les données étaient insuffisantes pour modifier l’utilisation du vaccin ou son étiquette.
Sénateur Gold, qu’a dit la ministre de la Santé de ces messages contradictoires? Nous n’en avons aucune idée. Elle était introuvable, hier. En fait, personne au sein du gouvernement Trudeau n’a dit quoi que ce soit à ce sujet hier. Voilà qui est pathétiquement irresponsable, monsieur le leader.
Monsieur le leader, cette décision a-t-elle l’appui de Santé Canada? Pourquoi n’a-t-on apporté aucune précision aux Canadiens sur ce vaccin, ni à ceux qui viennent d’en recevoir une dose, ni à ceux qui sont sur le point d’en recevoir une?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.
Je pense que les nouvelles recommandations que vous avez mentionnées indiquent que, en ce qui a trait aux vaccins, le Canada s’est doté d’un système de surveillance très rigoureux qui fonctionne encore et que l’on peut adapter selon les nouvelles données dont on dispose, et ce, même après l’homologation d’un vaccin par Santé Canada.
Les Canadiens peuvent avoir confiance dans ce processus, qui tient compte de l’avis des meilleurs spécialistes indépendants.
Dans le cadre de ce processus, Santé Canada s’est empressé de demander à AstraZeneca de fournir des renseignements supplémentaires après la publication de nouvelles données tirées de certaines études réalisées en Europe, notamment en Allemagne si ma mémoire est bonne. En réponse à cette demande de la part de Santé Canada, et par souci de prudence en ce qui a trait à la sécurité des Canadiens, les spécialistes du Comité consultatif national de l’immunisation ont fait les nouvelles recommandations que vous avez mentionnées, dont celle de suspendre l’administration de ce vaccin aux personnes âgées de moins de 55 ans, afin de donner à Santé Canada le temps de mener sa propre analyse indépendante.
Le sénateur Plett : Vous dites que les Canadiens devraient avoir confiance. La seule chose qui ne fait aucun doute pour les Canadiens, c’est que le gouvernement ne sait pas ce qu’il fait.
Nous devrions effectivement en suspendre l’administration. Nous devrions aussi mettre ce gouvernement sur pause. Le vaccin AstraZeneca occupe une grande place dans le programme de vaccination du Canada contre la COVID-19, surtout cette semaine. Nous attendons aujourd’hui un prêt de 1,5 million de doses d’AstraZeneca en provenance des États-Unis. Cependant, il ne faut pas se leurrer. Si les Canadiens peuvent recevoir ces doses, c’est uniquement parce que les États-Unis ont jugé qu’elles ne sont pas sûres pour leurs propres citoyens, monsieur le leader.
Or, seuls les Canadiens de plus de 55 ans peuvent recevoir ce vaccin, alors qu’auparavant, on ne le recommandait pas pour les gens de plus de 65 ans. Curieusement, vous en déduisez que nous devrions avoir confiance.
Les provinces ont annoncé qu’elles interrompaient pour l’instant — c’est-à-dire qu’elles mettent sur pause — l’administration du vaccin d’AstraZeneca. Le gouvernement fédéral n’a rien fait, monsieur le leader, pour que les Canadiens aient confiance en ce vaccin. La présidente du Comité consultatif national de l’immunisation a déclaré, hier, qu’on a l’impression d’être dans des montagnes russes. Elle a raison, monsieur le leader.
(1450)
Monsieur le leader, selon vous, quelle incidence la confusion de votre gouvernement au sujet de la sûreté du vaccin d’AstraZeneca aura-t-elle sur l’hésitation des Canadiens à se faire vacciner?
Le sénateur Gold : Merci des questions et des observations.
Pas plus tard qu’hier soir sur CBC/Radio-Canada, des experts en santé ont rassuré les Canadiens en leur disant que, selon leur évaluation des avantages par rapport aux risques, le vaccin d’AstraZeneca était jugé sécuritaire pour les personnes qui l’avaient reçu. Ils ont également fourni des lignes directrices pour ceux qui avaient des inquiétudes. Ils ont expliqué que la suspension qu’ils recommandaient et qui avait été décidée par les provinces était une mesure de précaution en raison de données récentes qui devaient être analysées au Canada.
L’hésitation à se faire vacciner est un vrai problème et il est indéniable que le vaccin d’AstraZeneca a connu quelques difficultés lors de son lancement. Cependant, les Canadiens doivent se rappeler qu’il a été administré à des millions de citoyens dans d’autres pays, notamment au Royaume-Uni. Les Canadiens devraient être certains que le plan que le gouvernement a établi pour avoir une diversité de sources, notamment une livraison accélérée — je viens de le lire ce matin au sujet de Pfizer — reste un plan solide pour protéger la santé des Canadiens.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’estime moi aussi que les Canadiens doivent pouvoir faire confiance à leur gouvernement, monsieur le leader. Le problème, c’est que l’information qu’il leur fournit n’est bonne qu’à semer la confusion et à les inquiéter.
Hier, le Comité consultatif national de l’immunisation a annoncé que, pour le moment du moins, le vaccin d’AstraZeneca ne serait plus offert aux personnes de 55 ans et moins. J’ai moi-même 55 ans et j’aimerais connaître l’incidence de cette annonce sur les personnes plus âgées et celles qui ont tout juste 55 ans.
Environ 300 000 Canadiens ont reçu le vaccin d’AstraZeneca depuis quelques semaines. Je peux à peine imaginer à quel point la publication de nouvelles directives — les ixièmes du genre — peut les jeter dans l’inquiétude et la confusion.
Monsieur le leader, que doivent faire les Canadiens qui ont reçu une première dose du vaccin d’AstraZeneca? Pourront-ils recevoir leur seconde dose? Dans la négative, pourra-t-on leur inoculer une dose du vaccin de Moderna ou de Pfizer, même s’ils reposent sur une technologie génétique différente?
Le sénateur Gold : Je n’ai ni l’expertise ni les connaissances pour répondre à la dernière partie de votre question, honorable collègue, et j’imagine que la réponse viendra des spécialistes eux-mêmes.
Hier, les représentants du comité se sont faits rassurants : les Canadiens qui ont reçu leurs doses du vaccin d’AstraZeneca à au moins 20 jours d’intervalle n’ont rien à craindre. Même si on ignore pourquoi, les problèmes de coagulation sanguine à l’origine de cette suspension ont surtout été observés chez les femmes de moins de 50 ans, et les symptômes sont apparus dans les 16 jours suivant l’inoculation.
Je répète que les autorités sanitaires analysent l’information disponible au fur et à mesure qu’elle leur est fournie et prennent toutes les précautions nécessaires pour que les vaccins inoculés aux Canadiens soient sans danger.
La sénatrice Martin : Sénateur Gold, je suis désolée, mais je suis prédisposée à développer des caillots de sang. Il y a des gens pour qui cela peut mener à des accidents vasculaires cérébraux et toutes sortes de problèmes.
Il est inquiétant qu’une annonce ait été révisée et que les gens perdent confiance. Les Canadiens s’attendent à un leadership et à des réponses claires à des questions importantes sur leur santé — c’est aussi une question de vie ou de mort — et ils n’obtiennent ni l’un ni l’autre du gouvernement Trudeau. C’est une honte.
Ma province, la Colombie-Britannique, a annoncé qu’un confinement sera en vigueur à compter d’aujourd’hui jusqu’au 19 avril en réponse à la croissance rapide du nombre de cas dans la province. Au cours des derniers jours, les cas de variant P1 hautement contagieux, qui ont été détectés pour la première fois au Brésil, ont plus que doublé en Colombie-Britannique. La directrice de la santé publique de la Colombie-Britannique, la Dre Bonnie Henry, a déclaré que l’efficacité des vaccins contre ce variant suscite des préoccupations.
Monsieur le leader, nous n’avons pas assez de vaccins pour maîtriser les variants. Maintenant que le vaccin d’AstraZeneca ne peut pas être administré aux personnes de moins de 55 ans, quelles en seront les répercussions sur notre capacité à lutter contre la troisième vague de COVID-19, non seulement en Colombie-Britannique, mais dans tout le Canada? Qu’est-ce que cela signifie face à l’apparition éventuelle de nouveaux variants au Canada?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. L’émergence de nouveaux variants et l’arrivée de la troisième vague de la pandémie suscitent de sérieuses préoccupations. Le gouvernement du Canada comprend que les Canadiens puissent être inquiets et anxieux. J’ai essayé de dire — peut-être inadéquatement — que le gouvernement continue de prendre des décisions en se fiant aux avis médicaux et scientifiques qui lui sont fournis dans une situation en constante évolution. Il serait irresponsable de la part du gouvernement du Canada — ou de tout gouvernement ou agence de santé — de privilégier l’uniformité au détriment de l’exactitude. Le gouvernement demeure déterminé à fournir des analyses et des recommandations à jour et exactes et à orienter les milieux provinciaux de la santé, partout au pays, au fur et à mesure que des données probantes lui sont communiquées.
L’emploi et le développement social
Les services universels de garde d’enfants et d’éducation préscolaire
L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, la question qui suit s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, le 26 mars, Deloitte Canada a publié un rapport intitulé Apprentissage et la garde des jeunes enfants : une infrastructure économique essentielle. Dans ce rapport, la société Deloitte explique pourquoi un système de garde d’enfants national, universel et public constitue un élément clé de la relance économique après la pandémie et de la vitalité économique à long terme.
Ce rapport figure parmi les nombreuses études qui soulignent l’énorme incidence que peuvent avoir les services de garde et d’éducation préscolaire, non seulement pour permettre aux femmes de participer au marché du travail, mais aussi pour réduire les besoins en matière d’éducation spécialisée en améliorant les compétences comportementales et sociales des enfants et en favorisant l’équité économique.
On peut constater les répercussions positives du système de garderies au Québec. D’ailleurs, cette province fait figure de chef de file dans le domaine. Bref, il y a énormément à gagner à aller de l’avant et très peu de raisons à rester les bras croisés comme on l’a fait pendant des décennies.
Voici ma question, sénateur Gold. Le gouvernement est-il disposé à mettre en place un programme universel de garde d’enfants lié à un système d’éducation préscolaire de haute qualité qui soit offert à l’ensemble de la population et qui soit financé et géré à même les fonds publics?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir parlé du lien important entre l’éducation préscolaire et le bien-être non seulement des particuliers et de leur famille, mais aussi du pays et de son tissu social.
Le gouvernement du Canada collabore avec les provinces et les territoires dans ces domaines, qui relèvent exclusivement de la compétence des provinces, qu’il s’agisse des services de garde — vous avez souligné le succès de ma province, le Québec, dans ce domaine — ou de l’éducation.
Le gouvernement fédéral a fourni et continuera à fournir du soutien financier et il travaillera en partenariat. Toutefois, la demande de création d’un système national de garderies et d’éducation fait fi de la nature fédérale du pays, et on ne devrait pas privilégier ce dernier au détriment de la coopération entre les ordres de gouvernement, qui constitue un élément continu et intéressant de notre système de gouvernement.
La justice
Les peines minimales obligatoires
L’honorable Rosemary Moodie : Sénateur Gold, passons maintenant à la réforme de la justice pénale. Dans le discours qu’il a donné à l’autre endroit, le ministre Lametti a déclaré que le projet de loi C-22 donnait suite aux appels de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et du Caucus des parlementaires noirs. Ces organismes ont demandé au gouvernement de s’attaquer à toutes les peines minimales obligatoires, en dépit du fait que le projet de loi C-22 en abolisse seulement une poignée.
(1500)
Le gouvernement amendera-t-il le projet de loi C-22 pour au moins donner aux juges le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer de peine minimale obligatoire dans les cas appropriés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci d’avoir soulevé cette question, chère collègue. Comme vous l’avez mentionné, le projet de loi C-22 concerne des peines minimales obligatoires, notamment les six peines du genre inscrites à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui, c’est connu, contribuent à la surreprésentation des Autochtones et des Canadiens noirs dans le système de justice. Le projet de loi cible en particulier les délinquants présentant un risque faible et ceux qui en sont à leur première infraction. Comme l’a également souligné le ministre de la Justice, il est important de voir le projet de loi C-22 en parallèle avec d’autres efforts menés à l’échelle du gouvernement pour endiguer le racisme systémique et faire en sorte que le système de justice soit plus efficace pour tous.
[Français]
Le patrimoine canadien
Le soutien aux librairies indépendantes
L’honorable René Cormier : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, au cours de la dernière année, de nombreux Canadiens ont renoué avec la lecture et se sont tournés vers les achats en ligne. A priori, cela semble être une bonne nouvelle. Or, la transition des habitudes de consommation vers les achats en ligne a eu un effet dévastateur sur l’augmentation radicale des frais de livraison pour les librairies indépendantes, frais qui peuvent atteindre jusqu’à 50 % de la valeur au détail du livre.
Une solution existe, celle d’octroyer aux librairies indépendantes canadiennes le même tarif préférentiel que Postes Canada a mis en place pour les bibliothèques et qui permet la livraison des livres pour environ 2 $ l’unité.
Ma question pour vous est la suivante : reconnaissant que nos librairies indépendantes canadiennes font partie de la culture canadienne, qu’elles font rayonner la culture canadienne partout au pays et qu’elles doivent concurrencer avec des géants comme Amazon, votre gouvernement peut-il s’engager à les appuyer afin qu’elles obtiennent de Postes Canada le même tarif préférentiel que celui auquel les bibliothèques ont accès pour la livraison des livres?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. Je partage entièrement votre dévouement aux librairies indépendantes. C’est une source de plaisir et de joie de les fréquenter.
Si je comprends bien, vous faites référence au service de prêt de documents de bibliothèques pour lequel Postes Canada offre des tarifs réduits incluant le retour aux bibliothèques prêteuses. Je crois savoir que Postes Canada est en mesure d’offrir ce service parce que la Loi sur la Société canadienne des postes prévoit expressément, et je cite : « un tarif de port réduit pour les documents de bibliothèques ». C’est le seul tarif réduit prévu par la loi.
Cher collègue, je note également que Postes Canada n’a aucun lien de dépendance avec le gouvernement et qu’il serait préférable d’adresser ces questions précises à la société d’État elle-même.
La révision de la Loi sur le droit d’auteur
L’honorable René Cormier : Je vous remercie de votre réponse, sénateur Gold, mais je crois que le gouvernement du Canada peut prendre une position claire à cet effet pour favoriser la distribution des œuvres canadiennes si la culture canadienne lui tient à cœur.
Ma seconde question pour vous est la suivante. Le secteur des arts et de la culture réclame depuis longtemps la révision de la Loi sur le droit d’auteur. Cette année plus que jamais, cette mesure aurait pu faire une différence directe pour des milliers d’artistes et l’ensemble de ces secteurs qui sont gravement touchés par la pandémie.
Pouvez-vous nous dire où en sont rendus les travaux de révision de la Loi sur le droit d’auteur et quelles sont les étapes à franchir avant que cette loi vitale pour le secteur soit révisée?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, cher collègue, ainsi que pour le préavis qui m’a permis de me renseigner auprès du gouvernement.
On m’a informé que le gouvernement examinait les recommandations formulées par les comités de l’industrie et du patrimoine au cours de la dernière législature en vue d’une révision de la Loi sur le droit d’auteur. De plus, comme vous le savez, le gouvernement a lancé des consultations ciblées pour terminer ce travail. L’objectif ultime du gouvernement demeure la création d’un cadre législatif en matière de droit d’auteur qui soit plus sain pour le Canada, où les créateurs et les titulaires de droit sont rémunérés équitablement pour leurs importantes contributions à la culture canadienne.
[Traduction]
Les affaires étrangères
Les relations sino-canadiennes
L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, compte tenu du fait que, depuis plus de deux ans, les Canadiens sont la cible des harangues belliqueuses et du vitriol arrogant des représentants du gouvernement de la Chine, que les deux Michael sont toujours cavalièrement détenus dans le goulag chinois et que les dirigeants du Canada sont quotidiennement la cible des invectives de la Chine, le moment ne serait-il pas venu de remettre en question la participation du Canada aux Jeux olympiques de 2022, qui auront lieu à Pékin? Je sais que ce n’est pas une décision qui est facile à prendre, mais elle n’est certainement pas plus difficile que l’isolement et les conditions déplorables dans lesquels vivent ces deux Canadiens.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement, de concert avec ses alliés démocratiques, prend des mesures concrètes pour exprimer sa vive désapprobation à l’égard du comportement inacceptable de la Chine envers les Canadiens qu’elle continue de détenir arbitrairement, ainsi qu’envers les minorités religieuses sur son territoire et les militants pro-démocratie à Hong Kong et ailleurs.
Nous sommes en train d’analyser et de reconsidérer sérieusement tous les aspects de notre relation avec la Chine, y compris la participation du Canada et de ses athlètes à des événements internationaux comme les Jeux olympiques.
La justice
Le projet de loi C-22—Les incidences sur
les Canadiens noirs et autochtones
L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, ma question aussi s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, une fois que le projet de loi C-22 a été présenté, il a fallu plusieurs semaines et des questions répétées avant que le gouvernement fasse parvenir aux sénateurs des données appuyant les affirmations voulant que le projet de loi C-22 puisse réduire l’incarcération massive des Noirs et des Autochtones. Le peu de données disponible jusqu’ici ne le démontre pas. Ce qui est encore pire, c’est qu’on apprenne qu’il n’existe aucune donnée ventilée selon la race, le sexe et les peines pour confirmer l’argument du gouvernement voulant que le projet de loi C-22 s’attaque — sans même parler de les diminuer — à la criminalisation et à l’emprisonnement des Autochtones, ainsi que des personnes d’ascendance africaine. Les données disponibles ne permettent pas de déterminer le nombre de personnes qui pourront réellement tirer profit de ce projet de loi.
Sénateur Gold, sur quelles bases le gouvernement a-t-il fondé ses arguments à l’égard du projet de loi C-22?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice, de votre question et de me donner l’occasion de m’informer auprès du gouvernement. Je n’ai pas encore reçu les données précises et la réponse que vous avez demandées, mais je puis assurer au Sénat que le gouvernement demeure résolu à obtenir et à utiliser davantage de données ventilées pour que ses décisions soient fondées sur les données disponibles. Par exemple, en 2019, le gouvernement a créé le nouveau Centre des statistiques sur le genre, la diversité et l’inclusion. Celui-ci collabore étroitement avec certains ministères, notamment le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres et le ministère du Patrimoine canadien, pour appuyer la recherche et l’élaboration des politiques fondées sur des données probantes, en assurant une plus grande disponibilité de données ventilées selon la race et le sexe.
La sénatrice Bernard : Sénateur Gold, savez-vous quand nous pouvons nous attendre à obtenir ces données?
Le sénateur Gold : Je vais certainement m’informer, chère collègue, et en faire rapport au Sénat lorsque j’aurai une réponse.
La santé
La distribution des vaccins contre la COVID-19
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement. Sénateur Gold, cela fait maintenant plusieurs mois que le gouvernement a annoncé qu’il obtiendrait plusieurs millions de doses de vaccin au nom des Canadiens. En fait, il en a annoncé une telle quantité que nous en avons perdu le fil. Or, le Canada accuse toujours un retard important comparativement aux autres pays du G7 et à beaucoup d’autres pays. En fait, la liste est trop longue pour les nommer tous.
(1510)
Nous avons eu droit à une panoplie de dates de livraison de vaccins et la constante modification du calendrier de vaccination. D’ailleurs, l’annonce faite par le premier ministre aujourd’hui semble, en théorie, une bonne nouvelle, mais il faut la prendre avec un grain de sel puisque nous voyons depuis des mois le gouvernement faire des annonces assorties d’indicateurs et d’échéancier qui semblent davantage servir des fins d’opportunisme politique et de mise en scène destinée aux relations publiques que des fins d’intervention concrète. Dans ce contexte, ma question est la suivante : pourriez-vous, je vous prie, préciser, de façon nette et transparente, la date précise à laquelle on peut s’attendre à ce que tous les Canadiens soient vaccinés?
C’est une question fort simple : selon le gouvernement, à quelle date peut-on s’attendre à ce que tous les Canadiens soient vaccinés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Effectivement, mon honorable collègue pose une question fort simple. Toutefois, il n’existe pas de réponse simple, en grande partie parce que le Canada s’approvisionne en vaccins depuis de multiples sources, si bien qu’il dépend de multiples chaînes d’approvisionnement. Il serait donc irresponsable de fournir une date précise, si tentant qu’il soit de poser la question. Le fait demeure que le gouvernement est résolu à fournir aux Canadiens des renseignements exacts et fondés sur des données probantes. Or, le gouvernement du Canada n’est pas encore en moyen de fournir une date précise.
Le premier ministre a dit il y a quelques mois que tous les Canadiens qui souhaitent se faire vacciner devraient pouvoir recevoir leur première dose d’ici septembre cette année. Depuis cette déclaration, il est évident que les vaccins arrivent plus tôt que prévu au Canada.
Le gouvernement du Canada poursuit ses efforts nuit et jour pour que les Canadiens puissent accéder aux vaccins dont ils ont besoin. Dès que le gouvernement sera en mesure de réviser la date cible, il en fera l’annonce, et celle-ci sera fondée sur des preuves solides et non sur de l’opportunisme politique.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, si on est en avance, eh bien, les Canadiens aimeraient certainement savoir quelles sont les cibles prévues, parce que tous, d’un bout à l’autre du pays, posent la même question fort simple : quand serons-nous entièrement vaccinés?
Quoi qu’il en soit, j’ai une question complémentaire à deux volets. Premièrement, je suis un peu préoccupé par le fait que, en réponse à un de mes collègues, le leader du gouvernement au Sénat a dit avoir appris aujourd’hui que le premier ministre et la société Pfizer ont annoncé que la livraison de vaccins au Canada avait été devancée. Je trouve consternant que le leader du gouvernement au Sénat ait appris la nouvelle par les journaux.
Si je ne m’abuse, la tradition veut que le leader du gouvernement, qui est aussi membre du Conseil privé, nous transmette l’information qu’il reçoit du gouvernement au nom de celui-ci, et non pas qu’il nous transmette ce qu’il a lu dans le journal. Cela dit, monsieur le leader du gouvernement, je ne sais même pas s’il y a lieu de répondre, mais en tant que parlementaire, je trouve cette situation préoccupante.
Par ailleurs, le gouvernement a lamentablement failli à la tâche dans ce dossier. Or, cet échec a des répercussions désastreuses sur la santé, notamment mentale, des Canadiens et, bien sûr, sur l’économie, et continuera d’en avoir.
Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de s’en remettre aux subventions et aux mesures de confinement plutôt que d’accélérer la distribution des vaccins et de donner des dates précises aux Canadiens pour qu’ils aient une idée du moment où ils pourront tourner la page?
Le sénateur Gold : Je suis désolé de vous décevoir, mais ma réponse sera très claire : le gouvernement du Canada a fourni avec succès un éventail de vaccins et il continue de le faire pour que les Canadiens soient vaccinés et aient accès au vaccin le plus rapidement possible.
Le gouvernement du Canada n’est pas responsable des mesures de confinement, cela relève des provinces. Elles prennent ces décisions pour protéger la santé de leurs citoyens.
Je comprends le fonctionnement de la période des questions et je suis toujours prêt à faire de mon mieux pour répondre à vos questions. Le fait est que le gouvernement du Canada et tous les gouvernements provinciaux et territoriaux travaillent activement dans le contexte d’une pandémie mondiale incroyablement difficile et en constante évolution pour assurer la sécurité et la santé des Canadiens, et les Canadiens devraient avoir confiance que leurs gouvernements font de leur mieux dans une situation très difficile.
L’honorable Linda Frum : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le Blacklock’s Reporter a récemment révélé que Santé Canada avait embauché des influenceurs de médias sociaux et des vedettes de second ordre pour vanter le merveilleux travail du ministère en réponse à la pandémie au Canada. L’avis de Santé Canada aux entrepreneurs précise que ces influenceurs seront payés pour promouvoir la crédibilité du ministère et que leurs publications ne devront pas ternir la réputation de Santé Canada ou celle du gouvernement du Canada. Ces influenceurs rémunérés par le gouvernement ne sont pas tenus de révéler qu’ils sont des influenceurs rémunérés par le gouvernement, car bien entendu, cela serait très embarrassant.
Sénateur Gold, les Canadiens sont incapables d’obtenir des réponses claires et uniformes de la part du gouvernement fédéral relativement à l’innocuité du vaccin d’AstraZeneca, et vous dépensez l’argent des contribuables dans le but de répandre de la désinformation au sujet de la réponse de Santé Canada à la pandémie.
Ma question est la suivante : pourquoi ne pas fournir aux Canadiens des conseils clairs qui leur permettront de prendre une très importante décision au sujet de leur santé et du vaccin d’AstraZeneca? Cela ne contribuerait-il pas à améliorer la crédibilité de Santé Canada?
Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada, les comités scientifiques qui le conseillent et Santé Canada fournissent aux Canadiens les meilleurs renseignements possible, et ce en temps réel.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps réservé à la période des questions est écoulé.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Projet de loi de crédits no 6 pour 2020-2021
Deuxième lecture
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-26, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-26, Loi de crédits no 6 pour 2020-2021. Permettez-moi de vous donner un aperçu du Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l’année se terminant le 31 mars.
[Traduction]
Comme les sénateurs le savent très bien, chaque année, le gouvernement dépose jusqu’à trois budgets supplémentaires des dépenses qui décrivent les nouveaux plans de dépenses qui s’ajoutent au Budget principal des dépenses, qui est déposé avant le début de l’exercice financier.
Cette année, le président du Conseil du Trésor a déposé le Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2020-2021 le 16 février. Il comprend un résumé des besoins financiers supplémentaires du gouvernement, ainsi qu’un aperçu des demandes de financement importantes et des initiatives horizontales.
Chers collègues, je ne saurais trop insister sur l’importance du budget des dépenses pour la démocratie et l’obligation du gouvernement de rendre des comptes. Tous les Canadiens et les parlementaires qui les représentent ont le droit de savoir comment les fonds publics sont dépensés afin de pouvoir demander des comptes au gouvernement.
D’ailleurs, en raison des circonstances extraordinaires causées par la pandémie, plusieurs changements ont été apportés à la présentation du Budget supplémentaire des dépenses (C) afin d’améliorer la transparence. Par exemple, il comprend une liste détaillée de mesures législatives sur la COVID-19 dans la partie 1 et des renseignements supplémentaires sur les dépenses prévues liées à la réponse du gouvernement à la COVID-19 dans une annexe en ligne.
Honorables sénateurs, je m’attends à ce que vous trouviez l’annexe en ligne particulièrement utile, car on y effectue le rapprochement des dépenses de 159,5 milliards de dollars indiquées dans le budget des dépenses et du financement de 275,2 milliards de dollars annoncé dans le cadre du Plan d’intervention économique pour répondre à la COVID-19. Le document inclut également une comparaison entre les dépenses totales prévues pour 2020-2021 dans l’Énoncé économique de l’automne 2020 et les dépenses prévues pour 2020-2021 dans le budget des dépenses.
Pour plus de transparence et de simplicité, ce budget des dépenses ainsi que les autres données gouvernementales relatives aux finances, au personnel et aux résultats sont également accessibles dans l’InfoBase du GC, un outil de visualisation de données en ligne qui traduit des données complexes dans un format simple.
(1520)
Honorables collègues, en ce qui concerne ce budget des dépenses, le gouvernement s’engage à fournir aux parlementaires et aux Canadiens le plus d’information possible.
J’aimerais maintenant parler plus en détail de la teneur du Budget supplémentaire des dépenses.
Ce budget indique comment le gouvernement a investi dans l’économie et de quelle façon les mesures d’aide relatives à la pandémie de COVID-19 ont contribué à la relance économique.
Les dépenses prévues s’élèvent à 13,4 milliards de dollars, des dépenses qui, comme les honorables sénateurs le savent, sont exceptionnellement élevées par rapport à la normale. C’est à cause des mesures économiques et d’urgence qu’on a dû prendre à l’égard de la pandémie de COVID-19. Précisons notamment que 9,9 milliards de dollars, soit environ 74 % des dépenses prévues, ont été affectés aux mesures prises par le gouvernement pour répondre aux effets de la pandémie sur les Canadiens en ce qui a trait à la santé publique et aux conditions sociales et économiques.
Le budget comprend aussi, à titre d’information seulement, des détails sur une baisse, évaluée à 5,4 milliards de dollars, de l’ensemble des dépenses législatives prévues. Cette baisse tient compte à la fois d’une hausse de diverses dépenses législatives totalisant 18,6 milliards de dollars et d’une baisse des dépenses législatives de 24 milliards de dollars attribuable à la révision à la baisse des prévisions à la suite de l’Énoncé économique de l’automne 2020, ou encore à l’abrogation, le 31 décembre 2020, de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national.
Dans l’ensemble, les besoins de financement pour les 10 principaux organismes représentent environ 90 % des dépenses votées demandées dans le budget.
Parmi ces 10 organisations, trois réclament plus de 1 milliard de dollars chacune pour appuyer leurs priorités. Il s’agit de l’Agence de la santé publique du Canada, 6,3 milliards de dollars; le Secrétariat du Conseil du Trésor, 1,7 milliard de dollars; et le ministère des Services aux Autochtones, 1,6 milliard de dollars.
[Français]
On a dit à maintes reprises qu’aucune relation n’est plus importante pour ce gouvernement que celle qui existe entre le Canada et les Premières Nations. De plus, nous reconnaissons l’impact que la COVID-19 a eu sur les divers groupes autochtones du pays. C’est pourquoi le présent Budget supplémentaire des dépenses (C) prévoit 1,56 milliard de dollars en nouveaux crédits budgétaires pour le ministère des Services aux Autochtones.
De ce montant, près de 1,2 milliard de dollars sont affectés aux mesures d’intervention en cas de pandémie. Les fonds demandés dans le cadre de ce budget permettront au ministère des Services aux Autochtones de respecter ses priorités en intervenant d’urgence sur le plan médical et socioéconomique à l’égard de la pandémie dans les communautés autochtones.
Honorables sénateurs, permettez-moi d’énumérer deux des plus importantes dépenses proposées. Un montant de 525,7 millions de dollars servira à atténuer les pressions exercées sur les services de santé existants, à soutenir les mesures de santé publique prises par les communautés pour prévenir la propagation de la COVID-19 et à établir des structures temporaires d’isolement, d’évaluation et d’hébergement. Ce financement sera également utilisé pour faire en sorte que les communautés autochtones disposent d’un niveau approprié de ressources humaines en santé, de moyens de transport, de fournitures et d’équipements médicaux.
De plus, 383,8 millions de dollars seront consacrés à des mesures communautaires de prévention et d’intervention liées à la COVID-19, y compris le soutien aux aînés et aux membres vulnérables de la communauté, les mesures visant à combattre l’insécurité alimentaire, l’éducation et d’autres formes de soutien pour les enfants, l’aide en santé mentale et les services d’intervention d’urgence.
Chers collègues, les difficultés économiques engendrées par la pandémie ont été accrues. Afin d’atténuer les difficultés économiques, le gouvernement a investi 10,1 milliards de dollars dans la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), 2,9 milliards de dollars dans la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants (PCREPA) et 780 millions de dollars dans la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCMRE).
Honorables sénateurs, dans l’ensemble, les budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C) pour 2020-2021 représentent un total de 159,5 milliards de dollars en autorisations de dépenses prévues pour les mesures liées à la COVID-19.
Honorables sénateurs, la santé, la sécurité et le bien-être de tous les Canadiens et Canadiennes ont été les priorités du gouvernement. Le Budget supplémentaire des dépenses (C) assure la transparence et la reddition de comptes quant à la façon dont le gouvernement prévoit utiliser les fonds publics pour offrir aux Canadiens les programmes et les services dont ils ont besoin.
Ces nouveaux plans de dépenses continueront d’apporter de l’aide aux personnes touchées par la COVID-19, tout en continuant d’appuyer l’économie et les Canadiens.
Enfin, je tiens à remercier tous les parlementaires qui ont travaillé de façon collaborative, que ce soit en personne ou virtuellement, au cours de cette période sans précédent. Je tiens à souligner en particulier le travail inlassable accompli par le Comité sénatorial permanent des finances nationales dans le cadre de l’examen approfondi du Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l’année se terminant le 31 mars 2021.
Merci. Meegwetch.
[Traduction]
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-26, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021.
Le projet de loi propose qu’une somme additionnelle de 13,365 milliards de dollars soit prélevée sur le Trésor dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses (C), le dernier budget des dépenses de l’exercice 2020-2021. Il était déjà assez difficile de surveiller et de scruter les dépenses du gouvernement en temps normal et la pandémie de COVID-19 est venue intensifier les choses pour tous les parlementaires.
[Français]
Premièrement, la vague de programmes de dépenses liés à la COVID-19, dont l’adoption a été précipitée dans les deux Chambres du Parlement, a accordé aux ministères fédéraux des pouvoirs en vertu de diverses lois pour des périodes de temps variables. Même si ces mesures de dépenses étaient nécessaires dans notre lutte contre la COVID-19, elles ont ajouté un élément de complexité dans l’identification de la source d’une autorité spécifique. Cela était en partie attribuable au fait que les ministères n’avaient pas besoin de l’approbation du Parlement pour effectuer des dépenses dans le cadre du processus budgétaire détaillé.
Par exemple, la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, adoptée dans le cadre du projet de loi C-13, qui accordait au ministre des Finances et au ministre de la Santé le pouvoir de dépenser sans exiger l’approbation du Parlement, a été abrogée avant la fin de 2020.
Cette expiration du pouvoir législatif a obligé les ministères à réviser leurs prévisions de programmes de dépenses législatives et à les inclure ensuite dans leurs documents liés au Budget supplémentaire des dépenses (C).
Lors de l’étude de ce Budget supplémentaire des dépenses au Comité sénatorial permanent des finances nationales, on a constaté que l’ajout d’un document de rapprochement rédigé par le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui alignait les mesures de dépenses de l’énoncé économique de l’automne 2020 sur les mesures du Budget supplémentaire des dépenses, était une amélioration notable par rapport aux années précédentes.
(1530)
[Traduction]
Cependant, un problème subsiste en ce qui concerne l’information sur les finances, et c’est la fréquence à laquelle elle est mise à jour et diffusée. Pour la plupart des programmes liés à la COVID-19, il est impossible d’accéder à des données de haut niveau et en temps voulu sur le rendement et les coûts réels. Non seulement cela empêche le Parlement de scruter les dépenses, mais les parlementaires n’ont pas la possibilité de suggérer des modifications pour améliorer l’efficience des programmes, dans l’éventualité où ces derniers ne seraient pas aussi efficients que prévu.
Au début de la pandémie, le ministère des Finances fournissait des mises à jour toutes les deux semaines sur les dépenses réelles des programmes liés à la COVID-19. Ces données étaient très utiles pour nous aider à surveiller l’efficacité de chacun des programmes. Lorsque le gouvernement a décidé de proroger le Parlement l’été dernier, cela a eu pour conséquence de mettre un terme à la publication de ces rapports essentiels. Malheureusement, les mesures législatives qui rendaient obligatoire la publication de ces rapports sont arrivées à échéance au mois de septembre dernier. Or, le ministère n’a pris aucun engagement pour reprendre cette pratique.
J’aimerais aussi attirer l’attention du Sénat sur une autre préoccupation : l’augmentation extraordinaire des fonds inutilisés au cours des cinq dernières années. Selon le rapport du directeur parlementaire du budget sur le Budget supplémentaire des dépenses (C) 2020-2021, le total des fonds inutilisés croît d’année en année, atteignant presque des dizaines de milliards de dollars en 2019-2020.
En général, examiner en vase clos combien d’argent un ministère dépense ou ne dépense pas afin d’évaluer son succès n’est tout simplement pas la meilleure approche. Selon M. Giroux, directeur parlementaire du budget, une telle approche pourrait inciter les ministères à succomber à :
[...] la « folie du mois de mars ». À mon avis, il est bien plus grave de dépenser pour dépenser à la fin de l’exercice pour être certain de ne pas avoir de fonds inutilisés.
Toutefois, je crains que l’augmentation des fonds inutilisés soit symptomatique d’un problème systémique plus vaste au sein du gouvernement fédéral, soit le manque de planification efficace des dépenses des programmes.
Pour souligner ce point, j’attire l’attention sur le plan Investir dans le Canada du gouvernement. Comme la plupart des sénateurs le savent, ce programme a vu le jour en 2016 dans le but de dépenser 188 milliards de dollars sur 12 ans dans les transports en commun, les infrastructures vertes, les infrastructures de commerce et de transport, les infrastructures sociales et, enfin, les collectivités rurales et nordiques. Le plan est divisé en petits projets, qui sont administrés par 21 organismes fédéraux, notamment de nombreux ministères, organismes et sociétés d’État. C’est Infrastructure Canada qui est l’organisme central responsable de planifier et de mettre en œuvre les divers projets ainsi que d’en faire rapport.
La vérification du plan effectuée par la vérificatrice générale, qui a été déposée au Parlement ce mois-ci, a révélé les problèmes suivants : premièrement, au cours des trois premières années, 9 milliards de dollars, soit 20 % des dépenses prévues, n’ont pas été dépensés et ont été reportés à des années subséquentes sans qu’il y ait de protocoles de surveillance en place.
La rapport indique ceci :
Aucune organisation ne surveillait les effets, sur l’ensemble du plan, du report des fonds inutilisés à des exercices ultérieurs. Cependant, si le décaissement des fonds est retardé et que les crédits non dépensés sont reportés chaque année, Infrastructure Canada et ses organisations fédérales partenaires risquent de ne pas pouvoir atteindre les objectifs du plan d’ici l’exercice 2027-2028. Cela pourrait alors entraver l’atteinte des objectifs globaux du plan, à savoir améliorer les résultats économiques, environnementaux et sociaux pour toute la population canadienne au cours de la période couverte par le plan.
Deuxièmement, le rapport du vérificateur général souligne le peu d’uniformité et de qualité des données fournies par les ministères et agences et il indique qu’elles ne suffisaient pas à expliquer les retards dans l’engagement des dépenses. À titre d’exemple, les données ne donnaient pas de renseignements complets sur les dates d’approbation, de début et de fin des projets, ni sur les paiements.
Le vérificateur général conclut qu’Infrastructure Canada et ses organisations fédérales partenaires — rappelons que 21 organisations participent à ce plan — ne pouvaient pas démontrer que le plan avait progressé ou était en voie d’atteindre les résultats attendus.
Cet exemple illustre clairement, je crois, la mauvaise planification qui mine de nombreux programmes fédéraux depuis des années.
Pour terminer, chers collègues, j’encourage le gouvernement à continuer d’améliorer le processus de communication des renseignements relatifs aux dépenses, qu’elles soient liées ou non à la COVID-19. Le directeur parlementaire du budget a notamment suggéré — et j’espère que nous serons tous favorables à cette idée — d’utiliser un document central, qui serait mis à jour en temps réel, pour faire le suivi des décisions en matière de dépenses annoncées par le gouvernement.
Lorsqu’on lui a demandé si une telle solution serait viable, le directeur parlementaire du budget a dit ceci au comité :
[...] nous pouvons vous fournir à vous, et à tous les Canadiens, des renseignements exhaustifs sur les dépenses gouvernementales associées à la COVID [avec] deux analystes [...] Ils ne peuvent pas présenter une mise à jour hebdomadaire [...] Toutefois, le gouvernement et ses centaines de milliers de fonctionnaires pourraient le faire.
J’exhorte également les organismes fédéraux à mettre en place des outils de planification plus robustes en ce qui concerne les programmes importants dont ils sont responsables. Une planification insuffisante entraîne des fonds non dépensés, puis des retards dans la prestation des programmes, ce qui peut avoir des conséquences négatives pour les bénéficiaires visés. Établir des cibles raisonnables, planifier en conséquence et mettre en place des protocoles rigoureux de production de rapports permettra, à mon avis, une meilleure utilisation des deniers publics, en plus de favoriser une culture de la transparence et de la reddition de comptes à tous les échelons.
Il est bien de dire que beaucoup a été fait — personne n’affirme le contraire — pendant cette terrible situation découlant de la pandémie. Il n’y a toutefois aucune excuse qui justifie une planification insuffisante et une exécution défaillante pendant la période la plus critique que nous aurons peut-être à vivre.
Merci beaucoup.
Des voix : Bravo!
L’honorable Rosa Galvez : Je prends la parole au sujet du projet de loi C-26, la loi portant octroi de crédits pour l’administration publique fédérale et le Budget supplémentaire des dépenses (C) pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, dont le Comité sénatorial permanent des finances nationales a fait rapport la semaine dernière.
Ce budget des dépenses fournit les fonds indispensables au bon fonctionnement de plusieurs programmes fédéraux nécessaires. Dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), le gouvernement réclame des dépenses budgétaires supplémentaires de 8 milliards de dollars, soit des dépenses à être votées de 13,4 milliards de dollars, partiellement compensées par une diminution des dépenses législatives prévues de 5,4 milliards. De ces montants, environ 9,9 milliards de dollars, ou les trois quarts, des dépenses votées sont consacrés à la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19.
Le comité a tenu 4 réunions et interrogé 39 représentants de 12 organismes qui, au total, demandent des crédits votés d’environ 11 milliards de dollars dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses, soit 83 % de l’ensemble des crédits votés demandés.
Le comité a aussi entendu le témoignage du directeur parlementaire du budget.
Lors de mon intervention, chers collègues, je vais vous faire part de mes trois principales sources de préoccupation, soit les problèmes de transparence avec le Crédit d’urgence pour les grands employeurs, les problèmes liés à la vaccination et à l’acquisition de vaccins; et le versement de nouvelles subventions au secteur pétrolier et gazier.
Premièrement, le Sénat, le Comité des finances nationales et les Canadiens manquent d’information en ce qui concerne le Crédit d’urgence pour les grands employeurs, qui a approuvé des prêts d’un peu plus de 1 milliard de dollars à quatre sociétés.
Ce programme est le premier et le seul en son genre au Canada qui exige que les emprunteurs divulguent des informations concernant les risques liés aux changements climatiques, qu’ils expliquent comment ils peuvent contribuer à l’atteinte de la carboneutralité au Canada d’ici 2050 au plus tard, mais aussi qui interdit le versement de dividendes et restreint le montant des primes versées au PDG. Il s’agit là de conditions importantes et nécessaires qui devraient d’ailleurs s’appliquer à toutes les formes d’aide financière gouvernementale.
Le Comité des finances nationales n’a pu faire un examen adéquat du programme de Crédit d’urgence pour les grands employeurs parce que le ministère des Finances refuse de divulguer les modalités précises des accords de prêts et les engagements pris dans le cadre de ceux-ci. Comme je l’ai dit, le programme exige que les emprunteurs publient un « rapport annuel de divulgation financière sur le climat ». Toutefois, comme on ne connaît pas les modalités à respecter, et sachant que plus d’un milliard de dollars en prêts ont été approuvés dans le cadre de ce programme, on ne peut dire que l’on rend suffisamment de comptes aux Canadiens.
(1540)
Dans sa réponse, le ministère des Finances a indiqué ceci :
Les modalités et les engagements détaillés des accords de prêt sont confidentiels sur le plan commercial, et ne sont donc pas rendus publics.
Chers collègues, je trouve que c’est inacceptable et je continue de presser le ministère des Finances de nous donner les engagements précis, ainsi que tout renseignement confidentiel sur le plan commercial, après qu’ils auront été caviardés de façon appropriée.
Il me semble que ces engagements, qui devraient être les mêmes pour tous ceux qui ont contracté un prêt, ne sont pas de nature confidentielle sur le plan commercial. Je voudrais qu’on me présente un avis juridique indiquant si c’est le cas et, le cas échéant, qu’on fasse des arrangements pour que les engagements nous soient présentés à huis clos. Ce programme met en jeu des deniers publics et il doit par conséquent être assujetti à des exigences extraordinaires en matière de transparence et de reddition de comptes.
Deuxièmement, je m’inquiète de l’approvisionnement en vaccins et de la capacité de production intérieure. Vous pourrez en apprendre davantage à ce sujet dans une lettre d’opinion qui paraîtra demain dans le Hill Times.
Il est urgent que des vaccins et de l’équipement de protection individuelle soient développés et produits au Canada, comme l’a révélé l’ampleur de notre manque de préparation dans la réponse à la pandémie. Au cours des dernières décennies, en raison des coupes menées par le gouvernement Harper dans le financement de la recherche et du développement, le Canada a perdu sa capacité de mettre au point des vaccins. Ce manque de vision et cette négligence nous ont contraints à tenter de la rebâtir à la dernière minute.
En août 2020, le gouvernement a annoncé un investissement de 126 millions de dollars sur deux ans pour la construction d’une nouvelle installation de biofabrication au Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine à Montréal, mais il continue de couvrir les coûts d’exploitation à hauteur de 20 millions de dollars par an. Nous devons tirer les leçons de cette grave erreur en donnant la priorité au financement de la recherche et du développement de base pour la recherche pharmaceutique dans nos institutions publiques afin qu’elles puissent réagir rapidement en s’associant à l’industrie et aux ONG dès qu’elles sont sollicitées.
Pour ce qui est de l’approvisionnement, au Canada, nous en sommes à un peu plus de 14 doses injectées pour 100 personnes. Nous nous situons au sixième rang des pays du G7, juste devant le Japon, un pays insulaire qui a géré la pandémie beaucoup mieux que nous. Ce grand retard s’explique en partie par le fait que les entreprises donnent la priorité au pays où elles exercent leurs activités. Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont tous des installations de fabrication de vaccins sur leurs territoires et y ont donc un accès prioritaire.
En attendant, l’Agence de la santé publique du Canada a maintenant demandé un total de 9,2 milliards de dollars pour la recherche, le développement et l’achat de vaccins et de traitements. Les modalités de ces contrats n’ont toutefois pas été divulguées, ce qui nous a obligés, le personnel de mon bureau et moi-même, à fouiller dans les données concernant les importations de Statistique Canada pour apprendre que le Canada a payé la dose 38 $ en décembre et en moyenne 35 $ en janvier. Les modalités du contrat indiquent peut-être pourquoi nous payons 50 % de plus que l’UE.
La divulgation des contrats relatifs aux vaccins, y compris les prix et les conditions, est essentielle à la surveillance parlementaire obligatoire. De plus, il faut que nous puissions concevoir et produire des vaccins au pays en disposant des ressources appropriées, afin d’éviter de payer trop cher et de prévenir des infections et des décès inutiles.
Ma troisième et dernière préoccupation concerne mes questions et mes réserves qui subsistent au sujet de la transparence et de la responsabilité pour la subvention de 320 millions de dollars accordée à l’industrie des combustibles fossiles extracôtiers. Malheureusement, même si j’ai demandé à entendre des représentants du ministère des Ressources naturelles, aucun n’a été appelé pour justifier les demandes.
En septembre 2020, le gouvernement a accordé un paiement de transfert ponctuel à Terre-Neuve-et-Labrador pour soutenir l’extraction extracôtière de combustibles fossiles, sans imposer de restriction sur l’utilisation de ces fonds. Il s’agit là d’une subvention directe à l’industrie.
Charlene Johnson, PDG de la Newfoundland and Labrador Oil & Gas Industries Association, aussi appelée la NOIA, a déclaré :
[...] je peux dire que nous sommes heureux de voir les centaines de millions de dollars versés sans presque aucune condition, c’est une bonne nouvelle.
Vous pouvez vous imaginer ma surprise lorsque j’ai entendu parler de ce cadeau de 320 millions de dollars fait à une industrie dont le gouvernement s’est engagé à réduire progressivement les subventions. Nous avons entendu un autre témoignage de la NOIA durant l’étude du projet de loi S-3, portant sur le resserrement des règles pour les plateformes de forage. Mme Johnson a affirmé lors de cette rencontre que son industrie n’aurait pas de difficulté à trouver les fonds nécessaires pour couvrir les coûts de nouvelles règles de sécurité.
Selon la vérificatrice générale :
Il revient donc à Environnement et Changement climatique Canada de coordonner le recensement et l’analyse des mesures non fiscales fédérales favorisant le secteur des combustibles fossiles qui pourraient constituer des subventions inefficaces dans le contexte de l’engagement pris par le Canada en tant que membre du G20.
En juin 2018, le Canada s’est engagé à faire l’inventaire des subventions inefficaces aux combustibles fossiles et à faire parvenir le résultat à l’Argentine en vue d’un examen conjoint par les pairs. Si l’on considère que la plupart des pays ont réussi à faire ce travail en moins de deux ans, je vous annonce que nous sommes plus qu’en retard, chers collègues, au point que cela commence à être douteux.
Les entreprises qui ont besoin d’un prêt peuvent se prévaloir du Crédit d’urgence pour les grands employeurs, dont je parlais à l’instant. Elles devront alors rendre compte des risques que leurs activités posent pour le climat et dévoiler les primes versées à leurs hauts dirigeants, comme n’importe quelle autre entreprise du Canada. Les entreprises qui ont causé la crise climatique et qui se sont ensuite lancées dans une vaste campagne de désinformation à ce sujet ne méritent pas de traitement de faveur, alors que les autres secteurs d’activité du pays continuent d’en arracher.
En terminant, je presse une nouvelle fois le ministère des Finances de recommencer à publier ses rapports bimensuels sur les dépenses causées par la COVID-19 et je vous rappelle que les mécanismes de soutien et de relance doivent d’abord miser sur les Canadiens, et non sur les grandes sociétés. Nous pouvons avoir l’assurance que les fonds publics seront utilisés à bon escient si nous instaurons des balises strictes. L’argent de l’État doit servir à protéger l’environnement et à assurer le bien-être de la population, pas à multiplier les activités ultra-polluantes ou à enrichir les mieux nantis d’entre nous.
Comme le dit toujours le président du Comité des finances nationales, le sénateur Mockler, il ne devrait pas y avoir de plus grande priorité pour nous que la transparence, la responsabilité, la prévisibilité et la fiabilité des programmes du gouvernement, y compris des programmes de soutien financier créés dans la foulée de la pandémie de COVID-19.
Je suis entièrement d’accord.
Des voix : Bravo!
L’honorable Elizabeth Marshall : Merci sénateur Smith, sénatrice Gagné et sénatrice Galvez de vos observations sur le projet de loi C-26. Mes observations porteront sur un certain nombre de mesures décrites dans le document du Budget supplémentaire des dépenses (C) à l’appui du projet de loi C-26.
Ma première observation concerne la radiation des prêts aux étudiants. Comme les années précédentes, Emploi et Développement social Canada demande la radiation des prêts aux étudiants, dont le montant s’élève cette année à 188 millions de dollars. Toutefois, contrairement aux années précédentes, les fonctionnaires du ministère n’ont pas été invités à comparaître devant le Comité des finances pour en discuter, mais certaines questions ont été posées aux fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Le portefeuille des prêts aux étudiants s’élevait à 22 milliards de dollars à la fin du mois de mars de l’année dernière. En plus de radier des prêts aux étudiants chaque année, ce qu’étudie généralement le Comité des finances du Sénat, il arrive qu’on radie d’autres montants ou qu’on y renonce conformément à un projet de loi autre qu’un projet de loi de crédits.
Par exemple, l’année dernière, on a radié 26 millions de dollars en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, 371 millions de dollars en vertu de la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants et 2 millions de dollars en vertu de la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants.
Puisque le Comité des finances n’a toujours étudié que les montants radiés en vertu de projets de loi de crédits comme le C-26, il a demandé à Emploi et Développement social Canada de lui fournir des renseignements supplémentaires sur des prêts radiés ou auxquels on a renoncés afin d’avoir un portrait complet du dossier des prêts aux étudiants.
Fait intéressant, le Bureau du directeur parlementaire du budget et le Bureau du vérificateur général du Canada ont tous deux publié des rapports sur les prêts aux étudiants au Canada. Le plus récent rapport du Bureau du vérificateur général du Canada a été publié il y a moins d’un an, en juillet 2020.
(1550)
Toujours selon le Budget supplémentaire des dépenses (C), un financement de 200 millions de dollars a été octroyé au ministère des Finances pour l’achat d’actions de la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada, une société d’État créée en mai 2020. La sénatrice Galvez a parlé de cette corporation dans son discours. Il s’agit d’une filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada, une autre société d’État.
La nouvelle Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada a reçu le mandat d’aider à la mise en œuvre du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, plus particulièrement afin d’apporter un soutien financier d’urgence aux grandes entreprises canadiennes faisant face à des difficultés financières en raison de la pandémie.
En date du 26 février dernier, quatre prêts totalisant 1 milliard de dollars avaient été accordés, et sur cette somme, 274 millions de dollars avaient déjà été utilisés.
Les représentants du ministère des Finances ont répondu à certaines questions par écrit, et leurs réponses figurent sur le site Web du Comité des finances nationales.
Ils ont aussi expliqué certains termes uniformisés ainsi que les conditions des prêts accordés aux emprunteurs, mais ont précisé que les modalités et conditions précises des ententes de prêts constituent des renseignements commerciaux confidentiels et qu’ils ne sont donc pas accessibles au public. La sénatrice Galvez a également soulevé ce point dans son discours.
Compte tenu du fait que d’importantes activités du gouvernement, notamment en ce qui a trait à la COVID-19, sont effectuées par des sociétés d’État, il est important que les parlementaires assurent une surveillance sur ce plan.
Le Budget supplémentaire des dépenses (C) est généralement facile à lire. Toutefois, le document ne comprend pas toutes les dépenses du gouvernement. Par exemple, les dépenses liées à la Subvention salariale d’urgence du Canada, aux prestations d’assurance-emploi et à l’Allocation canadienne pour enfants ne sont pas incluses.
Dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), le Conseil du Trésor a effectué le rapprochement des montants du Budget supplémentaire des dépenses et de l’Énoncé économique de l’automne. Cependant, le problème demeure. Comme l’a déclaré le directeur parlementaire du budget, les budgets supplémentaires des dépenses ne comprennent pas toutes les dépenses prévues et ne brossent donc pas un tableau complet des sommes que dépensera le gouvernement.
J’ai soulevé à maintes reprises le problème de la communication inadéquate des renseignements sur les dépenses et je continuerai à le soulever au Sénat à l’avenir.
La demande de financement du Secrétariat du Conseil du Trésor fait état d’un transfert de fonds de six organisations, d’une valeur totale de 7 millions de dollars, pour le projet de solution de gestion des finances et du matériel. Des fonctionnaires ont indiqué que le projet a commencé en 2015, qu’il touche 14 ministères, qu’il a coûté 91 millions de dollars à ce jour et qu’on estime qu’il faudra encore 29 millions de dollars pour le terminer au cours du prochain exercice.
Il est important de faire le suivi de ces projets parce que ce sont des projets pluriannuels qui concernent plusieurs organisations. Si nous examinons le financement d’une année donnée, cela ne reflète pas l’ampleur du projet.
La vérificatrice générale du Canada a effectué un audit sur l’approvisionnement en solutions de technologie de l’information complexes au sein du gouvernement. Cet audit a fait l’objet d’un rapport publié le mois dernier. Au moment où la vérificatrice a fait son audit, le gouvernement menait 21 grands projets d’approvisionnement en systèmes de TI, dont la valeur dépasse 6,6 milliards de dollars. Ces projets touchent de nombreux ministères et organismes et ils sont échelonnés sur plusieurs années.
Le Bureau du dirigeant principal de l’information du Secrétariat du Conseil du Trésor assure une orientation stratégique et un leadership en matière de TI et appuie, guide et surveille les projets et programmes numériques.
Puisque le gouvernement assume encore les coûts liés au système de paye Phénix, qui est à la source de tant de problèmes, il est important d’exercer une surveillance pour ce type de projets de grande envergure qui sont échelonnés sur de nombreuses années et qui ont une incidence sur grand nombre d’entités.
L’Initiative du transport aérien régional est annoncée dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020. Le projet de loi C-26 propose d’octroyer 44 millions de dollars au ministère de l’Industrie et à ses agences de développement régional pour financer l’Initiative du transport aérien régional. Dans cet énoncé économique, le gouvernement a proposé de fournir jusqu’à 206 millions de dollars sur deux ans pour l’Initiative du transport aérien régional.
Des représentants ont comparu devant notre Comité des finances le 8 mars — 23 jours avant la fin de l’exercice, le 31 mars. Les représentants n’ont pas été en mesure de fournir au Sénat des détails sur ce programme. Ils nous ont dit que l’Initiative du transport aérien régional n’avait pas encore été officiellement lancée et que le processus pour déterminer le financement n’avait pas encore été confirmé.
Il est très inquiétant qu’on n’ait pas encore planifié comment on allait utiliser une tranche de 44 millions de dollars du budget de 206 millions de dollars prévu pour ce programme alors que le tout doit être livré d’ici 23 jours.
Ce problème a été soulevé au cours des années précédentes et des membres du Comité des finances entendent creuser la question dans le futur.
Voilà qui conclut mon intervention au sujet du projet de loi C-26, honorables sénateurs. Je remercie les fonctionnaires de leur appui au cours des réunions du comité. Je tiens aussi à remercier les membres du Comité des finances des excellentes questions qu’ils ont posées durant les réunions sur le Budget supplémentaire des dépenses (C).
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Troisième lecture
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
[Français]
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
Projet de loi de crédits no 1 pour 2021-2022
Deuxième lecture
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-27, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole une deuxième fois aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi C-27, projet de loi de crédits no 1 pour 2021-2022. À titre de rappel, un projet de loi de crédits est un mécanisme permettant de retirer les fonds nécessaires du Trésor pour couvrir les dépenses liées aux programmes et aux services gouvernementaux. Ce projet de loi de crédits est le premier de l’exercice financier qui commencera le 1er avril 2021.
[Traduction]
Comme vous le savez, un projet de loi de crédits provisoires est un élément régulier du cycle budgétaire. Chaque hiver, dans le Budget principal des dépenses, le gouvernement indique les montants dont il a besoin pour financer ses opérations au cours du prochain exercice financier.
Peu après, le gouvernement dépose le projet de loi de crédits provisoires afin d’autoriser le financement pour les trois premiers mois de l’exercice financier, jusqu’à ce que les parlementaires aient étudié adéquatement et approuvé le Budget principal des dépenses.
L’an dernier, le processus entourant les projets de loi de crédits du gouvernement a été différent. Vous vous souviendrez que le 20 avril 2020, en réponse aux circonstances extraordinaires qui ont découlé de la pandémie de coronavirus, la Chambre des communes a adopté une motion visant à modifier temporairement l’article 81 du Règlement.
Cela a fait en sorte, entre autres choses, que l’étude du Budget principal des dépenses de 2020-2021 a été prolongée jusqu’à décembre — sept mois plus tard qu’au cours des années précédentes.
C’est la première fois qu’une approche aussi exceptionnelle pour les travaux des subsides a été adoptée. Habituellement, les ministères reçoivent en juin la totalité des crédits fondés sur le Budget principal des dépenses. Il a toutefois été nécessaire de procéder ainsi en raison des circonstances extraordinaires causées par la propagation de la COVID-19. De plus, conformément à l’article 81 temporairement modifié du Règlement, un deuxième projet de loi de crédits provisoires a été présenté en juin aux parlementaires. Ce projet de loi était nécessaire pour financer les activités et les programmes des organismes fédéraux entre juillet et décembre. Cette approche a tenu compte des pressions bien réelles sur les liquidités de certains ministères et organismes qui offraient des programmes et des services de base aux Canadiens tout en étant mis à rude épreuve par la pandémie. Le projet de loi respectait également le droit du Parlement d’avoir l’occasion d’étudier le Budget principal des dépenses. Cette année, nous retrouvons un cycle budgétaire typique.
(1600)
Le projet de loi de crédits provisoires de l’exercice 2021-2022 couvre une partie des dépenses gouvernementales prévues dans le Budget principal des dépenses présenté à la Chambre des communes le 25 février. Il demande un montant maximal de 59,3 milliards de dollars. Ces sommes ont déjà été approuvées dans le Budget principal des dépenses; il ne s’agit donc pas de nouvelles dépenses budgétaires. Comme c’est habituellement le cas dans les projets de loi de crédits provisoires, les sommes demandées ont été calculées en fonction du douzième des sommes prévues dans le Budget principal des dépenses et correspondent en théorie aux besoins en liquidités mensuels. En ce qui a trait au Budget principal des dépenses, il fournit des renseignements sur 342,2 milliards de dollars en dépenses proposées pour 123 organismes, y compris 141,9 milliards de dollars en dépenses votées et 200,3 milliards de dollars en dépenses législatives.
Le financement du Budget principal des dépenses et de ce projet de loi de crédits provisoires permettra au gouvernement de continuer à faire les investissements dont les Canadiens ont besoin pour lutter contre la COVID-19, et il contribuera à mettre en place les conditions favorables à une reprise économique. Il correspond à la réponse du gouvernement face à la pandémie de COVID-19, qu’il s’agisse de soutien financier pour les Canadiens et pour les entreprises, de financement pour les vaccins, d’un soutien accru pour les outils destinés à la santé mentale et aux soins virtuels, entre autres investissements. Des quelque 342,2 milliards de dollars de dépenses proposées dans le Budget principal des dépenses, 22,7 milliards de dollars concernent la réponse à la pandémie de COVID-19.
Dans le cadre de sa réponse, le gouvernement a mis sur pied des programmes comme la Prestation canadienne d’urgence, la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants et la Subvention salariale d’urgence du Canada, en plus d’offrir du soutien ciblé à des régions, à des secteurs économiques et à des organismes sans but lucratif qui aident les Canadiens. Ce faisant, le gouvernement exerce une véritable pression sur plusieurs ministères, qui doivent non seulement continuer à fournir les programmes et les services de base, mais aussi assurer les mesures d’urgence.
[Français]
Honorables sénateurs, le travail du gouvernement est de s’assurer que toutes les organisations fédérales peuvent continuer de fournir leurs programmes et leurs services de base, mais il consiste aussi à mettre en place des mesures d’urgence pour offrir les programmes et les services sur lesquels les Canadiens et les Canadiennes comptent chaque jour pour répondre à leurs besoins en ce qui a trait à la COVID-19.
Ces organisations fédérales doivent simplement avoir la capacité financière nécessaire pour le faire. Le financement provisoire proposé dans le projet de loi leur fournira les fonds nécessaires en attendant que le Budget principal des dépenses soit examiné et fasse l’objet d’un débat, et que la totalité des crédits soient adoptés plus tard cet automne.
Chers collègues, j’aimerais aussi dire quelques mots au sujet du processus du budget des dépenses, dont font partie les crédits provisoires, et sur la transparence des dépenses du gouvernement. Les budgets des dépenses représentent un élément essentiel de notre système parlementaire et permettent d’assurer la responsabilisation et la transparence en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics par le gouvernement.
Les Canadiens et les parlementaires ont le droit de connaître, d’examiner et de remettre en question la façon dont tous les fonds publics sont dépensés. À cette fin, j’inviterais mes honorables collègues à consulter l’ensemble des renseignements supplémentaires sur les plans de dépenses du gouvernement dans le récent budget des dépenses.
En fait, pour chacun des documents du Budget principal des dépenses, le gouvernement a publié une liste détaillée des autorisations de dépenses approuvées par le Parlement au moyen d’autres lois. On y trouve une ventilation complète des dépenses prévues par article courant, comme le personnel, les services professionnels, les paiements de transfert, etc. Ces renseignements se trouvent aussi dans l’InfoBase du GC, un outil en ligne facile à utiliser.
Honorables sénateurs, la conception d’outils numériques de ce genre et la publication d’ensembles de données sur les dépenses nous donnent l’occasion d’examiner et d’étudier l’engagement du gouvernement à fournir aux parlementaires et aux Canadiens davantage d’informations pour qu’ils sachent où vont les fonds publics et comment ils sont dépensés. Pour continuer de donner suite à son devoir en matière de responsabilisation et d’ouverture, le gouvernement rend aussi compte des dépenses réelles dans les comptes publics à la fin de chaque exercice.
Honorables sénateurs, je constate que le gouvernement s’est engagé à faire preuve d’ouverture et de transparence envers les Canadiens et leurs représentants pendant la crise de la COVID-19. Il a mis en place des mesures spéciales pour aider les citoyens, les entreprises et les collectivités de toutes les régions en cette période difficile. Bon nombre de ces mesures ont été adoptées au Parlement dans le contexte de lois d’urgence, et elles continuent d’aider les Canadiens pendant la crise.
Honorables collègues, ce projet de loi est d’une importance cruciale pour la santé et le bien-être constant des Canadiens. Je tiens à vous remercier, tous et toutes, d’avoir contribué une fois de plus à protéger la population canadienne en ces temps difficiles. Je salue également encore une fois le travail assidu et fort apprécié des membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui a fait une étude en profondeur de ce projet de loi.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, le projet de loi C-27 est le premier projet de loi de crédits pour le nouvel exercice 2021-2022. Il est qualifié de « projet de loi de crédits provisoires », et il avance les fonds prévus dans le Budget principal des dépenses pour permettre au gouvernement de fonctionner jusqu’à l’adoption du projet de loi sur le Budget principal des dépenses, qui a habituellement lieu en juin.
Je parlerai d’abord des projets de loi de crédits de l’exercice précédent parce que, comme nous le savons, le cycle budgétaire se poursuit d’un exercice à l’autre. Il est donc important d’examiner les projets de loi de crédits des exercices antérieurs. Les initiatives des exercices antérieurs se poursuivent lors du prochain exercice. On ne peut donc pas examiner séparément chaque exercice. L’exercice précédent était différent des autres à cause de la pandémie. Par conséquent, certaines initiatives relatives à la pandémie de COVID-19 de l’exercice précédent continueront au cours du présent exercice, et c’est là-dessus que je commencerai mon intervention.
La dernière année a posé des défis aux parlementaires et aux autres personnes qui tentaient de faire un suivi des dépenses du gouvernement relatives à la COVID-19. Du début de la pandémie jusqu’au début août, le gouvernement a produit un rapport bimensuel sur la COVID-19 et l’a fourni aux parlementaires. Il a cessé de le produire au début août quand le Parlement a été prorogé, et il ne l’a jamais repris. Résultat : il est alors devenu presque impossible de faire le suivi des dépenses liées à la COVID-19. J’ai mentionné ce problème à quelques reprises l’an dernier. Je l’ai signalé trois fois au sénateur Gold au Sénat, ainsi qu’à la ministre des Finances, Mme Freeland, et au président du Conseil du Trésor, M. Duclos.
Dans ses derniers rapports, le directeur parlementaire du budget mentionne également l’absence de renseignements concernant les dépenses liées à la COVID-19. Il signale qu’aucun document public publié par le gouvernement ne contient une liste complète des mesures relatives à la COVID-19 annoncées jusqu’à maintenant ou une mise à jour des coûts prévus. Nous ne pouvons donc pas faire de suivi de ces dépenses.
On doit aussi au directeur parlementaire du budget une autre observation intéressante : il rappelle que, bien que le gouvernement ne communique pas toutes les dépenses relatives à la COVID-19, les ministères et organismes fédéraux sont tenus de déclarer ces renseignements et d’inscrire les dépenses réelles chaque mois dans le Système central de gestion des rapports financiers. Autrement dit, les données sont disponibles, mais le gouvernement ne les communique tout simplement pas aux parlementaires. Dans ses derniers rapports, le Comité sénatorial permanent des finances nationales recommande d’ailleurs que le gouvernement recommence à communiquer les renseignements relatifs aux dépenses concernant la COVID-19.
(1610)
Le 10 mars, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a adopté une motion portant sur les données relatives aux dépenses causées par la COVID-19. On dirait qu’il souhaite obtenir la même chose que moi. En voici le texte :
[...] le Comité oblige la production, du Secrétariat du Conseil du Trésor, de tous les rapports mensuels sur les dépenses COVID-19 et les données sur les dépenses COVID-19 telles que divulguées par les agents financiers supérieurs de tous les ministères respectifs et que ces documents soient déposés au Comité au plus tard le mercredi 17 mars 2021 et que le Comité soit mis à jour sur une base mensuelle au 15ième jour de chaque mois.
Il y a donc des parlementaires à l’autre endroit qui aimeraient, eux aussi, obtenir de l’information financière sur les dépenses que le gouvernement a faites en lien avec la pandémie de COVID-19. J’attends la réponse du gouvernement avec impatience.
En terminant, le gouvernement refuse de révéler aux parlementaires la nature et l’ampleur des dépenses occasionnées par la COVID-19, ce qui nous complique la tâche quand vient le temps d’exercer la surveillance qui est attendue de nous. Les représentants du gouvernement ont beau répéter que celui-ci agit de manière transparente et qu’il nous rend des comptes, je peux assurer à mes honorables collègues que c’est loin d’être le cas. Je travaille avec ce genre de données tous les jours, et même s’il est possible d’en obtenir de très haut niveau, elles ne sont pas suffisamment détaillées pour permettre la surveillance.
D’autres problèmes devraient nous inquiéter, notamment l’absence de budget depuis deux ans, la proposition d’augmenter le pouvoir d’emprunt du gouvernement au titre du projet de loi C-14, actuellement à l’étude à la Chambre des communes, ainsi que le refus de fournir l’information financière de base qui est demandée par les parlementaires.
Honorables sénateurs, les projets de loi de crédits provisoires ne sont généralement pas étudiés par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Ils sont plutôt adoptés par le Sénat, et les questions relatives au Budget provisoire des dépenses sont soulevées pendant l’étude du projet de loi de crédits relatif au Budget principal des dépenses. Cependant, lorsqu’on se penche sur le projet de loi C-27 et ses annexes, et lorsqu’on examine sommairement le Budget principal des dépenses, on y trouve certains renseignements, et des questions intéressantes peuvent être soulevées.
Premièrement, ni le Budget principal des dépenses ni le Budget provisoire des dépenses pour la prochaine année ne fait mention des mesures relatives à la COVID-19. Lorsque l’état de pandémie a été déclaré, le gouvernement a indiqué les dépenses relatives à la COVID-19 dans tous les budgets des dépenses, y compris les budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C).
Cependant, le gouvernement ne fournit plus cette information. Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être que j’en ai demandé la raison au sénateur Gold, il y a deux semaines. Sans cette information, il sera beaucoup plus difficile pour les parlementaires de surveiller les dépenses relatives à la COVID-19.
L’année dernière, le Sénat a approuvé le Budget provisoire des dépenses de 44 milliards de dollars. Cette année, on demande l’approbation de crédits de 59 milliards de dollars, une hausse de 15 milliards de dollars. Comme je l’ai déjà dit, le Budget provisoire des dépenses prévoit les fonds permettant au gouvernement de fonctionner jusqu’à l’approbation du Budget principal des dépenses, habituellement en juin. Par conséquent, je m’attends à ce que le Budget provisoire des dépenses demande les fonds pour environ le tiers de l’exercice. L’an passé, le gouvernement a demandé 35 % des crédits provenant du Budget principal des dépenses. Cette année, il en demande 41 %.
Je sais que l’ensemble ou une bonne partie des fonds pour certaines initiatives, comme les subventions, peuvent être demandés dans les budgets provisoires. Toutefois, les explications pour d’autres montants ne peuvent pas être obtenues avant notre examen du Budget principal des dépenses. Par exemple, l’Agence de la santé publique du Canada demande les onze douzièmes d’une partie de ses fonds. Ces sommes pourraient être liées à des mesures de lutte contre la COVID-19, mais puisque le gouvernement n’en fait plus mention, il est impossible de tirer des conclusions.
Comparons ce poste avec les fonds demandés dans le Budget provisoire des dépenses pour la Commission des débats des chefs. Le gouvernement demande, dans le projet de loi, les onze douzièmes du montant figurant dans le Budget principal des dépenses. Comme nous nous attendons à ce que des élections aient lieu cette année, verser la majeure partie des fonds en début d’exercice est justifiable.
Je m’en voudrais si je concluais mes observations sans parler du financement des plans de dépenses du gouvernement, y compris le Budget provisoire des dépenses comme il est décrit dans le projet de loi C-27.
Le projet de loi C-14, dont est saisi l’autre endroit, propose de faire passer le plafond d’endettement du gouvernement, qui a été établi par le Parlement en 2017 à 1,1 billion de dollars, à 1,8 billion de dollars. Compte tenu des préoccupations exprimées par de nombreuses personnes et organisations au sujet de la proposition d’augmenter considérablement le plafond d’endettement du gouvernement, je m’attends à ce que le projet de loi C-14 soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour qu’on l’étudie. Je vais garder mes observations au sujet du plafond proposé pour les emprunts jusqu’à l’étude du projet de loi.
Honorables sénateurs, en terminant, je remercie mes collègues du Comité des finances nationales de leur excellent travail. Je remercie également la greffière du comité, Maxime Fortin, et son équipe de leur soutien au cours de la dernière année.
Honorables sénateurs, voilà qui conclut mes observations au sujet du projet de loi C-27.
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui concernant le projet de loi C-27.
C’est la pandémie qui a façonné le Budget principal des dépenses 2021-2022. Aujourd’hui, plus d’un an après, on constate que cette pandémie a eu des retombées démesurées sur la santé, la situation économique et financière et la sécurité des Canadiens les plus marginalisés. Néanmoins, ces effets dévastateurs ne s’expliquent pas par le virus seulement, et le vaccin ne suffira pas pour y remédier. Trop souvent, les choix politiques faits dans des documents comme ceux-ci, élaborés dans des lieux de privilèges comme celui-ci et l’autre endroit, donnent lieu à des mesures qui, même si leurs auteurs sont bien intentionnés, peuvent faire beaucoup de mal.
Les politiques économiques actuelles normalisent la pauvreté et font fi des inégalités, ne garantissent pas l’accès aux produits de première nécessité ni le respect des droits de la personne et abandonnent à leur sort ceux qui sont dans le besoin et en danger, dans les rues et les établissements, non seulement quand il y a une crise à l’échelle nationale, mais aussi au quotidien.
Les mesures en réponse à la COVID-19 dont parle le Budget principal des dépenses incluent la Subvention salariale d’urgence du Canada, la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer destinée aux entreprises, la Prestation canadienne de la relance économique et la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants à l’intention des personnes qui ont perdu leurs emplois et leurs revenus. Ces mesures ont surtout préservé le statu quo économique en essayant d’empêcher ceux qui vivent au-dessus du seuil de pauvreté de tomber sous le seuil au lieu de s’assurer que personne ne reste dans la misère.
Ce sont les gens les plus démunis qui souffrent et meurent le plus pendant cette pandémie.
En marge de ces politiques se trouve 1 personne sur 10 vivant au Canada. Parmi les femmes, les nouveaux arrivants, les personnes racialisées et les personnes handicapées se trouvent un nombre disproportionné de personnes qui luttent pour survivre à cette pandémie sans bénéficier d’une assistance adéquate pour sortir de la pauvreté. C’est le cas, par exemple, des femmes handicapées qui n’avaient pas d’emploi ou qui ont perdu leur emploi et qui n’ont pas pu accéder à la Prestation canadienne d’urgence parce qu’elles touchaient de prestations d’aide sociale. Ces femmes dépendent maintenant des banques alimentaires pour se nourrir. Elles n’ont pas les moyens d’acheter de masques ou du désinfectant. C’est le cas également des femmes prises au piège parce qu’elles sont isolées avec leur agsresseur et n’ont pas les moyens économiques de fuir, sans compter que les refuges sont remplis au maximum de leur capacité ou présentent un risque accru d’exposition à la COVID-19. Les femmes qui vivent dans la rue risquent de se faire infliger une amende pour violation d’un couvre-feu ou d’une obligation de rester à la maison. Or, ces femmes n’ont pas de lieu sûr où se réfugier. N’oublions pas les femmes occupant un emploi précaire à temps partiel désigné comme essentiel durant la pandémie, qui sont exposées à un risque élevé de contracter la COVID-19 dans le cadre d’un travail qui ne paie même pas suffisamment pour répondre à leurs besoins essentiels.
Le projet de loi C-27 arrive au Sénat alors qu’un budget est attendu dans les prochaines semaines qui précisera si le gouvernement entend ramener le Canada dans la situation où il était auparavant ou s’il insistera sur une véritable relance qui nous fera tous progresser, non seulement pour laisser cette pandémie derrière, mais pour laisser également derrière la pauvreté et les inégalités qui en exacerbent les pires effets.
Le Comité des finances nationales du Sénat et son pendant de l’autre endroit ont tous deux souligné la nécessité de s’attaquer, dans le cadre de la relance, à l’insécurité économique et à la marginalisation des Canadiens. Les deux comités ont unanimement demandé que le Parlement examine dans les meilleurs délais l’instauration possible à l’échelle nationale d’un revenu de base garanti. La majorité des sénateurs ont réclamé la même chose. Le gouvernement tiendra-t-il compte de cette recommandation? Se rappellera-t-il son engagement à mettre en œuvre les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, notamment celui qui réclame l’instauration d’un revenu de base garanti qui contribuerait à lutter contre le sexisme et le racisme et à offrir davantage de sécurité aux femmes?
Le gouvernement a reconnu à maintes reprises que la pauvreté entraîne de graves répercussions sociales et économiques, et il s’est engagé à l’éliminer.
L’instauration au Canada du Supplément de revenu garanti pour les aînés et de la Prestation fiscale canadienne pour enfants montre que les programmes de revenu garanti aident considérablement les gens à sortir de la pauvreté et contribuent positivement à l’emploi et à la croissance économique et, partant, au PIB. Des programmes pilotes au Manitoba et en Ontario révèlent que la sécurité fournie par un revenu de base garanti incite les gens à chercher du travail, à démarrer des entreprises, à poursuivre des études et des projets artistiques, et à apporter une contribution positive à la collectivité.
(1620)
La Prestation canadienne d’urgence et les programmes qui lui ont succédé ont prouvé que le Canada a l’ingéniosité et les moyens nécessaires pour mettre en œuvre un programme de l’ampleur d’un revenu minimum garanti national. Dans ce cas, pourquoi n’a-t-on pas encore adopté cette mesure?
Je suppose qu’on hésite à le faire en partie à cause du coût, ou du choc qu’il peut provoquer en quelque sorte, car on peut avoir l’impression, du moins à première vue, qu’une telle mesure comporte des coûts récurrents considérables. Selon le directeur parlementaire du budget, le coût annuel initial pourrait s’élever à 79 milliards de dollars.
Or, ce calcul ne prend pas en considération les dizaines de milliards de dollars qu’on économiserait chaque année en réaffectant à un programme de revenu minimum garanti les ressources actuellement consacrées à certains programmes fédéraux de soutien du revenu, comme le crédit pour la TPS. Il ne tient pas compte non plus des dizaines de milliards de dollars qu’on économiserait en remplaçant les programmes provinciaux et territoriaux d’aide sociale par un moyen plus efficace d’aider les gens à se sortir de la pauvreté.
Ce qui est plus important, toutefois, c’est que le Canada absorbe systématiquement dans ses budgets et prévisions budgétaires, sans remise en question, les coûts liés au défaut de s’attaquer à la pauvreté. Or, ces coûts combinés représentent de 72 à 84 milliards de dollars par année. Le coût de la pauvreté inclut les dépenses supplémentaires liées aux soins d’urgence, aux services policiers et aux établissements carcéraux. Il comprend également l’augmentation des coûts des programmes visant à s’attaquer aux pires symptômes de la pauvreté mais qui, au final, laissent les gens au bord du gouffre financier. Je songe notamment aux banques alimentaires et aux refuges pour sans-abris.
Lorsqu’on parle de la façon de financer un revenu minimum garanti, il doit aussi être question des impôts. Examinons brièvement le fait que les programmes provinciaux et territoriaux d’aide sociale, précisément ceux que remplaceraient des mesures de revenu minimum garanti, sont scrupuleusement conçus en fonction de la crainte manifeste que les pauvres seront égoïstes ou cupides ou qu’ils se la couleront douce s’ils reçoivent des prestations de soutien au revenu. En fait, on empêche les gens de garder des biens comme une voiture ou d’épargner, ce qui leur permettrait pourtant d’avoir une certaine sécurité de revenu et de se sortir de situations de crise.
Lorsque les gens arrivent à se trouver du travail, tous les revenus de plus de quelques centaines de dollars sont entièrement récupérés et leur font même courir le risque de ne plus être assurés pour certains services de santé. À quels autres Canadiens demande-t-on de travailler dans de telles conditions?
Cela contraste avec la façon dont nous traitons les Canadiens les plus fortunés et comment nous semblons accepter leur comportement. Comme d’autres collègues, le sénateur Downe notamment, l’ont souligné, chaque année, l’évitement fiscal et l’évasion fiscale font perdre des milliards de dollars au Canada et permettent aux plus riches de payer beaucoup moins que leur juste part d’impôts. En 2019, le Canada a perdu au moins 8 milliards de dollars en recettes fiscales au profit des paradis fiscaux. Le simple fait de mettre un terme à ces pratiques pourrait permettre au Canada de mettre la main sur au moins 10 à 15 milliards de dollars par année.
Le problème ne s’arrête toutefois pas là. Depuis 1980, le taux d’imposition des personnes ayant les revenus les plus élevés au pays est passé de 43 % à 33 %, et le taux d’imposition des entreprises a chuté de 36 % à 15 %. Pendant la même période, 90 % des avantages des allégements fiscaux relatifs aux gains en capital ou aux achats d’actions ou encore des crédits d’impôt pour dividendes sont allés au 1 % le plus riche.
Ce sont tous là des coûts que le Canada a choisi de prendre en charge dans son processus budgétaire. Un maigre 1 % d’impôt supplémentaire à l’intention de ceux qui possèdent plus de 20 millions de dollars pourrait par exemple permettre de recueillir 10 milliards de dollars par année. Un organisme comme la Commission du droit du Canada pourrait jouer un rôle essentiel afin de nous guider sur la voie d’une réforme fiscale systémique et fondée sur des faits.
En fonction du système actuel, les 40 % de Canadiens ayant le moins de ressources financières ne détiennent que 1,2 % de la richesse au pays. L’année dernière, en pleine pandémie et crise économique, les 44 personnes les mieux nanties du Canada se sont enrichies d’au moins 53 milliards de dollars.
À l’approche d’un budget qui promet d’assurer la reprise économique pour tous les Canadiens, tous les yeux seront tournés vers une ministre des Finances qui, durant sa carrière, a notamment suivi la montée des inégalités de revenus découlant de la transformation de l’économie par les progrès technologiques et la mondialisation.
Cet après-midi, beaucoup d’entre nous ont reçu un message de la vice-première ministre Freeland qui indiquait ce qui suit :
Je sais que, coûte que coûte, aucun membre de notre équipe ne cessera de travailler pour vous soutenir. Nous continuerons à bâtir un Canada meilleur, plus fort et plus résilient [...] Nous nous préparons à relever les défis de l’avenir.
Un nombre croissant de Canadiens estiment que le revenu minimum garanti doit faire partie de cet avenir, et l’Île-du-Prince-Édouard est prête à lancer un projet pilote de mise en œuvre.
Des mesures telles qu’une initiative nationale en matière de garde d’enfants font également partie de la solution, mais elles ne suffisent pas à elles seules à répondre aux besoins des femmes qui occupent deux ou trois emplois précaires au salaire minimum et qui ne sont pas suffisamment payées pour s’offrir un logement ou nourrir leurs enfants. Comme nous le rappellent les défenseurs du revenu de base, le fait est que les pauvres ont besoin d’argent. Ils doivent pouvoir compter sur la stabilité économique, avoir la possibilité de renoncer à un salaire insuffisant pour acquérir de nouvelles compétences, retourner à l’école ou démarrer une entreprise, et avoir la liberté de planifier leur avenir. Bon nombre d’entre nous tiennent leur avenir pour acquis. Un avenir ne devrait pas être un luxe réservé aux plus privilégiés.
Le projet de loi C-27 n’offre rien de nouveau. Comme beaucoup de Canadiens, nous attendons avec impatience que le gouvernement tienne sa promesse de rebâtir en mieux pour tous avec un budget qui assure la reprise, qui soutient tous les Canadiens et qui assure leur avenir. Meegwetch, merci.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Troisième lecture
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
Le discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—
Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :
À Son Excellence la très honorable Julie Payette, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.
QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole en réponse au discours du Trône, dans lequel le gouvernement a reconnu que, « [p]our trop de Canadiens, le racisme systémique est une réalité bien présente ». Le gouvernement s’est engagé à lutter contre le racisme systémique, et ce, en s’appuyant sur les expériences vécues par les communautés racialisées et les peuples autochtones.
Aujourd’hui, je tiens à mettre l’accent sur une autre raison pour laquelle nous devons lutter sans relâche contre l’inhumanité et l’injustice du racisme systémique enraciné dans l’histoire du Canada.
Les faits montrent clairement que, quand on ne fait que prononcer de beaux discours ou poser des gestes symboliques en ce qui concerne le racisme, on choisit d’être un pays moins prospère. En effet, le racisme ne fait pas que priver de leurs moyens économiques et sociaux un quart de la population, soit les membres de minorités visibles et les Autochtones, il empêche aussi la collectivité de prospérer.
Ainsi, dans ma réponse au discours du Trône, je me concentrerai sur trois points : le racisme systémique est une réalité historique et actuelle indéniable au Canada contre lequel on peut lutter seulement à l’aide de mesures directes et explicites; alors que les institutions deviennent systématiquement plus diverses et inclusives, l’ensemble des Canadiens auront accès à d’importants débouchés sociaux et économiques, pas uniquement le quart de la population qui est racialisée ou autochtone; et le Sénat du Canada a la responsabilité constitutionnelle de lutter contre le racisme et de faire preuve d’initiative en devenant systématiquement diversifié et inclusif alors que nous nous efforçons d’ouvrir d’importants débouchés pour les générations futures.
Je parle de cette question en tant qu’homme blanc au début de la soixantaine. Pendant 90 % de ma vie, je ne connaissais essentiellement pas l’étendue de mon privilège blanc. Je n’avais jamais constaté à quel point le fait d’être un homme blanc avait toujours fait pencher la balance en ma faveur au cours de ma vie. J’ai toujours appuyé sans réserve les débouchés que la diversité permet de créer, mais je suis gêné d’admettre que je n’ai jamais compris que le fait de ne pas être raciste n’a jamais été suffisant. J’avais une responsabilité de lutter activement contre le racisme.
(1630)
Mon parcours a malheureusement commencé il n’y a pas très longtemps. Une date inoubliable est le 8 novembre 2018. Je sais que je ne suis pas le seul à me souvenir de l’histoire très touchante que notre collègue, le sénateur Dan Christmas, nous avait racontée au sujet de son père, l’ancien soldat Augustus Christmas, un héros de l’ombre de la Seconde Guerre mondiale.
Cette histoire, quoique extraordinaire, révélait une ironie tragique, à savoir que les milliers de Noirs et d’Autochtones canadiens qui s’étaient portés volontaires pour défendre courageusement nos libertés collectives lors des Première et Seconde Guerres mondiales ne bénéficiaient pas des mêmes droits fondamentaux, notamment celui de voter, entre autres, que leurs compagnons d’armes blancs, y compris mon père et mes oncles.
Pas plus tard que la semaine dernière, le sénateur Oh a expliqué de manière percutante à quel point le racisme contre les asiatiques avait connu une hausse vertigineuse au cours de la dernière année. Hélas, cette montée rapide et très inquiétante des mauvais traitements, de la violence et des crimes haineux montre à quel point, à l’heure actuelle, le racisme se tapit dans l’ombre et n’est jamais bien loin de se manifester dans la société canadienne.
En tant qu’homme blanc, j’ai le luxe de pouvoir penser au racisme et d’en parler quand bon me semble. Malheureusement, en 2021, au Canada, ce luxe demeure inaccessible pour les Autochtones, les Noirs et les personnes racialisées d’un bout à l’autre du pays.
Tout au long de notre histoire, l’accès à la propriété a toujours été associé aux notions de privilège et de pouvoir, que l’on parle de la valeur des investissements, des revendications territoriales des Autochtones et des droits constitutionnels issus des traités, de l’accès au droit de vote ou des compétences essentielles pour être nommé sénateur.
Dans ce contexte, il est inacceptable que beaucoup de Néo-Écossais d’origine africaine ne soient toujours pas légalement propriétaires de leurs demeures en 2021, même si, dans bien des cas, leur famille y habite depuis des centaines d’années. Certains cas remontent à l’époque où la Couronne a offert la liberté et des terres aux loyalistes noirs qui avaient combattu durant la Révolution américaine, il y a 250 ans. À la fin de la guerre, les loyalistes noirs ont obtenu un « accès » aux lots de terre, mais, trop souvent, ils n’ont pas obtenu les titres de propriété légaux de ces terres.
Pour beaucoup trop de familles, ce problème perdure encore aujourd’hui.
Dans l’affaire Downey c. Nouvelle-Écosse, Christopher Downey s’est battu pour obtenir la propriété légale de la terre que son grand-père a acquise en 1913 à North Preston, en Nouvelle-Écosse, qui est le plus ancien peuplement de Noirs du Canada. M. Downey et sa femme habitent sur cette terre depuis 50 ans et se sont battu pour obtenir le titre de propriété de leur maison. La question de propriété a seulement été réglée en juillet, lorsque la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a tranché en faveur de M. Downey, laissant entendre que le racisme systémique avait joué un rôle clé pour l’empêcher d’acquérir le titre de propriété de la terre.
Lorsqu’ils doivent se battre contre le gouvernement et se rendre jusqu’à la Cour suprême rien que pour obtenir le titre de propriété légal d’une maison que leur famille habite depuis plus de cent ans, ce n’est pas étonnant que beaucoup de Canadiens racialisés ont l’impression qu’ils ne peuvent pas se fier à notre système judiciaire pour leur rendre justice. Encore une fois, les peuples autochtones ne connaissent que trop bien cette question.
Nous savons aussi qu’il existe encore un lien entre la race et les personnes soupçonnées de crime au Canada. Plus tôt cette année, le 28 janvier, une personne a attaqué un policier de Montréal et s’est emparée de son arme pendant un contrôle routier de routine. Mamadi Camara, ingénieur et doctorant sans antécédents criminels, a téléphoné au 911 pour signaler l’incident. Les policiers ont ensuite arrêté M. Camara, un homme noir, et l’ont gardé en prison pendant six jours. Au départ, ils se sont justifiés en parlant des « éléments de preuve dont les enquêteurs disposaient à ce moment-là ». Lorsque M. Camara a été libéré — après avoir passé six jours en prison, je le rappelle — le service de police lui a présenté des excuses et, la semaine dernière, a dit espérer que l’arrestation récente d’un nouveau suspect aiderait M. Camara à oublier cet incident.
Le racisme systémique a un coût humain. Il a aussi un énorme coût économique, dont le poids ne retombe pas seulement de façon disproportionnée sur les Canadiens racisés : l’ensemble des Canadiens y perdent encore plus, puisque la diversité est un puissant moteur économique.
Il y a deux ans, un article publié dans le Harvard Business Review examinait la rentabilité du secteur américain du capital du risque et les liens entre cette rentabilité et la diversité de l’équipe de direction. Les auteurs ont constaté que les investissements faits par des groupes de partenaires partageant les mêmes origines ethniques étaient de 26 % à 32 % moins rentables que ceux des groupes de partenaires aux origines ethniques diverses.
Selon une étude menée en 2017 par McKinsey auprès de 1 000 entreprises de 12 pays, les entreprises dont l’équipe de direction est la plus diversifiée sur le plan ethnique étaient 33 % plus susceptibles d’être plus rentables que leurs concurrentes.
La diversité et l’inclusion mènent à la prospérité de tous. S’il s’agit aujourd’hui d’une évidence, c’est grâce aux dirigeants déterminés et courageux qui ont su paver la voie et atteindre le succès malgré les puissants obstacles systémiques qui ont pu se dresser sur leur chemin.
Honorables collègues, c’est à nous d’honorer le courage et la détermination de ces gens en faisant tomber les obstacles systémiques qui empêchent tous les membres de la population de jouir des mêmes débouchés économiques que les autres. C’est dire tout le travail qui nous attend. Seulement 12 % des PME appartiennent à une personne issue d’une minorité visible, et 1 % à un ou une Autochtone. Il s’agit d’une infime fraction par rapport au poids réel de ces groupes au sein de la population. Puisque la diversité est synonyme d’innovation et de succès économique, nous devons trouver le moyen de mieux tirer parti de la fibre entrepreneuriale qui sommeille en chaque Canadien.
Parmi les obstacles structurels à surmonter se trouve le fait que la diversité n’a pas encore réussi à faire son chemin parmi les personnes à la tête du système financier actuel, celles qui prennent les décisions stratégiques.
En juin 2020, Bloomberg rapportait que, parmi les 188 hauts dirigeants et membres des conseils d’administration des huit plus grosses institutions financières du Canada — six banques et deux compagnies d’assurance —, les personnes issues des minorités n’occupaient que 10 % des postes tout en haut de l’échelle et 8 % des sièges des conseils d’administration. Paradoxalement, ces géantes sont toutes situées à Toronto, une ville où plus de la moitié de la population est née à l’étranger et déclare être issue d’une minorité visible.
Je crains que ces organisations ne remettent jamais en question le confort du statu quo. Je crains qu’elles considèrent le changement comme une obligation plutôt que comme une occasion. Je crains qu’elles représentent les fondations de notre système financier, et que leur inaction nous place tous en position de désavantage concurrentiel par rapport à la diversité que l’on constate dans le monde entier, alors qu’à l’évidence, la diversité permet d’augmenter la rentabilité.
Jusqu’à maintenant, j’ai soutenu que le racisme systémique constituait une réalité historique et actuelle indéniable au Canada que seule une action directe et explicite pourrait contrer. Si nos institutions devenaient systématiquement diversifiées et inclusives, des occasions sociales et économiques majeures s’offriraient ainsi à tous les Canadiens.
Je voudrais terminer en parlant de notre rôle et de nos responsabilités ici au Sénat.
Le site Web du Sénat du Canada souligne la décision de 2014 de la Cour suprême du Canada en indiquant que le rôle du Sénat « a évolué au fil du temps : après avoir surtout défendu les intérêts des régions, il fait maintenant entendre au Parlement le point de vue de groupes sous-représentés, comme les peuples autochtones, les minorités visibles et les femmes ».
En tant que sénateurs, notre travail consiste à garantir que le point de vue des groupes sous-représentés du Canada soit entendu et pris en considération avec sérieux. C’est là notre travail.
Chaque fois que je réfléchis à la promesse du gouvernement de « lutter contre le racisme systémique », j’arrive à la conclusion que cette question est beaucoup trop importante pour incomber à un seul gouvernement, parti ou organisme. L’éradication du racisme systémique exige un engagement et des efforts collectifs et continus de la part d’innombrables dirigeants et organisations. Nous devons tous faire mieux, activement, inclusivement et sensiblement.
Étant donné la responsabilité constitutionnelle du Sénat, il ne faut pas appliquer le principe « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » dans ce dossier. Nous devons faire preuve de leadership. Les Canadiens méritent un leadership fort et des actions décisives qui vont bien au-delà des vœux pieux. Dans de nombreux discours prononcés en cette enceinte — plus récemment par les sénateurs Oh, Jaffer, Mégie, Bernard, Moodie et Ravalia —, on a réclamé des mesures contre le racisme systémique au Canada. Beaucoup d’autres honorables sénateurs ont fait de même, l’été dernier, durant le débat d’urgence sur le racisme.
Je veux en particulier rappeler le défi qu’a lancé de manière courtoise, mais grave, le sénateur Ravalia, qui a dit :
Nous devons continuer à remettre en question nos propres préjugés et nous devons lutter contre ceux qui peuvent être solidement ancrés dans la culture de nos villes et de nos provinces. Il est crucial d’ouvrir le dialogue pour créer un Canada plus juste et plus inclusif et, ultimement, plus fort et plus résilient.
Je n’ai pas pu m’empêcher d’établir un lien entre le défi lancé par le sénateur Ravalia et le rôle constitutionnel du Sénat. Nos responsabilités constitutionnelles en tant que sénateurs doivent nous amener à remettre en question nos propres préjugés et à lutter contre ceux qui peuvent être solidement ancrés dans notre culture et celle de notre institution pour pouvoir ainsi créer un Canada plus juste et plus inclusif qui sera alors plus fort et plus résilient.
Pendant notre débat d’urgence sur le racisme, j’ai été inspiré par cet appel à l’action éloquent de la part de la sénatrice Anderson :
[...] partout au pays, les Canadiens font le point. Ils regardent autour d’eux et ils exigent que les institutions changent. Ils font un examen de conscience, réalisant le travail personnel qu’exige l’antiracisme [...]
(1640)
Il ne suffit plus de ne pas être raciste. Pour que le Canada ait accès aux possibilités économiques et sociales rendues possibles dans une société systématiquement diversifiée et inclusive, nous devons devenir ouvertement antiracistes.
Certaines mesures ont été prises au Sénat. Par exemple, les nominations y sont de plus en plus représentatives de la diversité de notre pays, et nous avons tenu le tout premier débat d’urgence sur le racisme au Canada. À mon avis, ces avancées modestes sont toutefois loin d’être suffisantes parce que, comme bon nombre d’entre nous qui dirigeons ou travaillons au Sénat du Canada, je n’ai aucune idée de ce que c’est que d’être victime de racisme ou d’actes racistes.
En tant qu’institution, nous avons une histoire de 153 ans. La plupart du temps, nos règles ont été écrites et nos coutumes ont été établies par des hommes blancs privilégiés qui, comme moi, n’avaient pas subi de racisme. En conséquence, je pense qu’il est juste de conclure qu’une grande partie de nos règles et coutumes incluent probablement des préjugés et des partis pris qu’entretenaient ces hommes blancs privilégiés.
Au fil de ma carrière, j’ai constaté que pour apporter un changement, il faut des efforts soutenus, des personnes ayant un large éventail de points de vue et provenant d’origines diverses, et des mesures d’évaluation perspicaces. C’est la seule façon de créer une culture qui relève rapidement les aspects à améliorer, qui suit et évalue d’un œil critique la mise en œuvre de solutions et qui corrige le tir au besoin.
En concluant, j’espère que le Sénat du Canada fera preuve de leadership en prenant des mesures concrètes, c’est-à-dire : premièrement, en nous efforçant systématiquement de devenir l’un employeurs les plus ouverts à la diversité et les plus inclusifs au pays; deuxièmement, en nous engageant à cerner tout racisme, préjudice ou préjugé au Sénat et à y remédier; troisièmement, en instaurant des systèmes de gestion qui nous aideront à exploiter de manière fiable le potentiel éprouvé qu’offrent la diversité et l’inclusivité.
Le moteur économique du Canada ne fonctionne pas à plein régime. Notre société offre un accès inégal à la justice. La solution repose entre les mains des chefs de file tels que nous. Nous devons avoir le courage d’éradiquer le racisme systémique de nos vies et de nos institutions. C’est notre devoir. Lorsque nous ferons mieux, les Canadiens s’en porteront mieux. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)
[Français]
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 20 avril 2021, à 14 heures.
— Honorables sénateurs, je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Comité de sélection
Adoption du sixième rapport du comité
Le Sénat passe à l’étude du sixième rapport (provisoire) du Comité de sélection, intitulé Calendrier des réunions des comités, présenté au Sénat le 30 mars 2021.
L’honorable Terry M. Mercer propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je propose l’adoption du rapport.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Le Sénat
Autorisation à chaque comité permanent d’étudier toute question relevant de son mandat
L’honorable Yuen Pau Woo, conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :
Que chaque comité permanent soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, toute question relevant de son mandat tel qu’énoncé dans le paragraphe pertinent de l’article 12-7 du Règlement et à soumettre son rapport final sur son étude conformément au présent ordre au plus tard le 23 juin 2021.
— Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, de l’honorable sénateur Plett, de l’honorable sénatrice Cordy et de l’honorable sénateur Tannas, je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Régie interne, budgets et administration
Adoption de la motion tendant à abroger la Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail de 2009
Consentement ayant été accordé de passer aux motions, article no 78:
L’honorable Raymonde Saint-Germain, conformément au préavis donné le 15 mars 2021, propose :
Que la Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail adoptée par le Sénat en juin 2009, et le processus provisoire de 2019 pour le traitement des plaintes de harcèlement actuellement en vigueur, soient abrogés lors de la nomination du destinataire désigné prévu dans la nouvelle Politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence, à condition que, si cette personne est nommée avant l’adoption du présent ordre, la politique de 2009 soit abrogée dès l’adoption du présent ordre.
— Honorables sénatrices et sénateurs, cette motion sur laquelle je m’exprime aujourd’hui vise à abroger la Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail, qui a été adoptée en 2009. Ce moment est le point culminant de près de trois ans de travail pour le Sous-comité sur les ressources humaines et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.
En 2018, le sous-comité a pris en main le dossier du harcèlement, pour répondre à une situation très médiatisée, mais il était alors surtout motivé par le devoir d’agir afin de protéger les employés et les sénateurs en prévenant le harcèlement et la violence en milieu de travail. Depuis cette période, 23 réunions du Sous-comité sur les ressources humaines et 15 réunions du Comité de la régie interne ont été consacrées à ce dossier. On a entendu 19 témoins au total, y compris les représentants de tous les employés du Sénat, des bureaux de sénateurs, des représentants syndicaux et des experts en relations de travail et en gestion du harcèlement. Quatre membres de cette Chambre ont également pris part aux consultations.
À la suite de cette vaste consultation, le Comité de la régie interne a publié, en mars 2019, son 37e rapport intitulé Modernisation de la politique du Sénat contre le harcèlement : Ensemble pour un milieu de travail sain. Ce rapport contenait 28 recommandations et jetait les bases de la nouvelle Politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence.
Cette nouvelle politique a également été développée en harmonie avec les exigences des règlements du Code canadien du travail qui ont été publiés en juin 2020, dans la foulée de l’adoption du projet de loi C-65, et ce, en mettant l’accent sur la prévention du harcèlement et sur la collaboration avec les employés.
Le Sénat est assujetti à ces règlements depuis le 1er janvier 2021. La mise en œuvre immédiate de cette politique est encore plus cruciale pour notre crédibilité.
L’adoption de cette politique à l’unanimité n’aurait pas été possible sans une collaboration remarquable de l’ensemble des sénateurs, représentant tous les groupes et caucus au Sénat, qui ont travaillé sur ce dossier au fil des années. Je tiens plus particulièrement à saluer l’implication du sénateur Scott Tannas, vice-président du Sous-comité sur les ressources humaines durant la période des consultations, ainsi que de la sénatrice Judith Seidman, qui occupe cette fonction depuis le début de la présente législature. Des remerciements s’imposent également à l’endroit des sénateurs Larry Campbell, Dennis Dawson et Tony Dean et de la sénatrice Lucie Moncion.
[Traduction]
Cette nouvelle politique est novatrice et elle fera du Sénat un exemple à suivre pour les autres institutions canadiennes. Elle propose un virage radical par rapport à la politique actuelle, qui sera abrogée au moyen de la présente motion. Chers collègues, permettez-moi de décrire certains des éléments clés qui constituent cette nouvelle politique robuste.
D’abord et avant tout, la politique est fondée sur les principes de l’indépendance et de la surveillance externe. L’observation de ces principes sera assurée par le rôle de l’instance désignée, autrement dit, de la tierce partie impartiale. Les plaintes seraient envoyées directement à cette tierce partie impartiale dès le début du processus, de façon à inspirer transparence et crédibilité à toutes les parties. Le rôle de la tierce partie impartiale ne se limiterait pas à répondre aux plaintes; elle transmettrait également des informations en réponse aux questions liées à la politique et au processus connexe.
(1650)
La politique mettra aussi l’accent sur la rapidité et assurera un meilleur respect des délais. Tous les problèmes seront réglés rapidement. Le processus de règlement devra être terminé dans un délai strict de six mois. Cette exigence va au-delà des obligations relatives au Code canadien du travail. La rapidité est réellement un principe directeur de cette politique. On a établi ce principe pour éviter que se reproduise une situation comme celle dont la mauvaise gestion a sérieusement entaché la réputation du Sénat.
De plus, nous mettrons à jour et nous moderniserons la définition du harcèlement et de la violence. Cette nouvelle définition, qui deviendra la définition de référence, est conforme au Code canadien du travail.
Par rapport à la politique actuelle de 2009, la nouvelle politique a un plus vaste champ d’application. Les mesures ne se limiteront pas aux édifices du Sénat et refléteront maintenant adéquatement la réalité du travail au sein de cette institution. La politique s’appliquera sans ambiguïté à tout lieu lié au travail et à toute activité liée au travail, y compris celles se déroulant sur les médias sociaux. N’importe où et n’importe quand, les employés et les sénateurs seront protégés.
La politique mettra l’accent sur le harcèlement et la violence, ce qui se traduira par une formation obligatoire pour tous. Cette formation devra être terminée dans les trois mois suivant le début de l’emploi. Elle sera précise, adaptée au milieu de travail du Sénat et de grande portée. Elle visera à reconnaître, à minimiser et à prévenir le harcèlement et la violence dans notre milieu de travail.
Des membres du sous-comité ont insisté sur le fait qu’il est important que cette politique mette en place une collaboration continue avec les employés du Sénat. Le comité d’orientation et le comité local, composés de représentants des employés du Sénat, auront des rôles importants à jouer. Ils seront notamment responsables de mener, conjointement avec le sous-comité des ressources humaines, le processus d’examen et l’évaluation du lieu de travail.
Après avoir souligné une partie des avantages de cette politique, il m’incombe également de rétablir les faits et de corriger la désinformation relayée par les médias. Je le fais au nom du droit des sénateurs, des employés du Sénat et du public à recevoir de l’information exacte. À mon avis, c’est aussi une question de respect envers les médias qui ont été mal informés dans ce dossier. La situation a pris une telle ampleur que le Comité de la régie interne a dû publier deux avis officiels pour apporter les corrections nécessaires. Il est essentiel de rappeler les faits dans l’intérêt de la transparence et de la vérité, et par respect pour le Sénat du Canada.
Je vais d’abord parler de la question de la confidentialité et de l’utilisation présumée d’ententes de non-divulgation. Permettez-moi de préciser une chose : selon la nouvelle politique, il n’est pas question que les plaignants ou les défendeurs signent de telles ententes. La seule mention du recours à une entente de non-divulgation se trouve à la section sur la représentation, plus précisément dans les cas où un représentant accompagne une personne durant le processus de règlement. Même dans ces cas, il s’agit simplement d’une option, et non de la norme.
La distinction entre l’entente de non-divulgation pour les représentants et les obligations de confidentialité prévues par la politique est subtile, mais importante. Dans bien des cas, les représentants ne seront pas assujettis à la politique parce qu’il ne s’agira pas de sénateurs, d’employés du Sénat ou d’entrepreneurs. Étant donné que le Sénat doit assurer le respect de la vie privée des parties au processus de règlement, les représentants doivent être soumis à une obligation d’une manière ou d’une autre. La seule façon dont le Sénat peut lier des tiers, si les circonstances l’exigent, c’est par l’intermédiaire d’une entente.
Évidemment, cela devra être fait au cas par cas. À titre d’exemple, qui imaginerait sérieusement et de bonne foi qu’une telle entente pourrait être exigée d’un aîné autochtone, étant donné que le rôle des aînés autochtones est bien reconnu et que leur crédibilité est essentielle et fondamentale dans la résolution des conflits?
Il est vrai, cependant, que de solides mesures de confidentialité ont été incluses dans cette politique pour les personnes auxquelles elle s’applique. Ces mesures ont été choisies parce qu’elles correspondent à ce que des témoins experts nous ont dit, à ce que le personnel et les employés ont demandé avec insistance, à ce qui est suggéré comme bonnes pratiques par de nombreux pays et organisations internationales et, enfin et surtout, parce qu’elles sont conformes aux exigences du Code canadien du travail et de ses règlements. On n’en est pas arrivé à ces choix à cause d’un manque de consultation ou de recherche de la part du sous-comité.
Il a également été dit que les conclusions du processus décrit dans cette politique ne seraient pas rendues publiques et que même les sénateurs n’en seraient pas informés.
Cette information peut également induire les gens en erreur. Il est important de souligner que la personne sera libre de parler publiquement tant avant qu’après avoir participé au processus décrit dans cette politique.
De plus, certaines des mesures, notamment les mesures disciplinaires visant un sénateur, devront être imposées par le Sénat sur la recommandation du Comité sur les conflits d’intérêts des sénateurs. Ainsi, par leur nature, ces mesures seront rendues publiques, puisque les débats du Sénat sont publics. N’oublions pas, chers collègues, que d’autres recours sont possibles en dehors de cette politique, conformément aux conditions applicables. Ils sont énumérés à l’article 1.9.3 de la politique, et j’aimerais vous rappeler que notre travail est actuellement assujetti au Code canadien du travail et aux règlements pris en application de celui-ci.
S’il survenait une situation au Sénat nécessitant l’invocation du Code criminel, de grâce, appelez la police.
Un autre enjeu qui a été abordé dans les médias est l’épineuse question du privilège parlementaire. Ce que la politique dont il est question établit est une définition claire et précise de ce en quoi consistent les travaux parlementaires auxquels s’applique le privilège parlementaire. En dehors des travaux décrits dans la définition, tout est assujetti à la politique. Cela inclut même des gestes posés à l’intérieur de l’enceinte du Sénat ou de la salle d’un comité. Je crois que c’est une grande amélioration par rapport à la politique de 2009 et même par rapport à la politique de la Chambre des communes.
Évidemment, ni le privilège parlementaire ni la politique dont nous parlons ne donnent le droit à un sénateur de faire du harcèlement ou d’avoir une conduite répréhensible. D’autres recours sont à la disposition des sénateurs concernant ce qui se passe lors des travaux parlementaires afin d’assurer le maintien du respect, de l’ordre et du décorum. Ces mesures sont décrites en détail dans le Règlement du Sénat, ainsi que dans la nouvelle politique.
Il convient de reconnaître l’importance du privilège parlementaire pour les parlementaires, ainsi que le fait que la politique n’a pas pour objet d’encadrer l’application du privilège parlementaire. Ce n’est pas non plus le mandat du Comité de régie interne, mais plutôt celui du Comité du Règlement. Je réfère d’ailleurs mes collègues au 11e rapport de ce comité intitulé Privilège parlementaire : d’hier à aujourd’hui, un rapport qui porte sur le privilège parlementaire et qui a été publié pas plus tard qu’en juin 2019.
En conclusion, chers collègues, j’aimerais dire que nous avons ici une politique solide, moderne et somme toute exemplaire qui protégera très adéquatement les employés et les sénateurs, et qui donnera de la crédibilité au Sénat en tant que milieu de travail sain. Nous devrions tous en être très fiers.
J’aimerais aussi rappeler à tous les sénateurs que le libellé de cette politique n’est jamais final et qu’il demeure ouvert aux suggestions et aux améliorations. Le cas échéant, d’autres leçons nous permettront de rendre notre processus encore meilleur. Cette politique fait l’objet d’un processus d’examen continu qui doit avoir lieu au moins tous les trois ans, ou plus tôt en cas de besoin. Cet examen sera effectué en consultation avec le Sous-comité des ressources humaines et le Comité d’orientation afin que les sénateurs et les employés aient leur mot à dire dans l’amélioration de la politique.
Toutefois, chers collègues, pour que tout cela soit possible, nous devons d’abord abroger la vieille politique de 2009. Voilà à quoi sert cette motion. La politique de 2009 est obsolète et ne jouit pas de la confiance des employés. Chaque journée qui passe où la politique actuelle reste en vigueur met en danger la sécurité des employés et des sénateurs et représente une victoire pour les harceleurs. Nous avons la responsabilité d’offrir une meilleure politique et l’obligation de le faire maintenant.
(1700)
Chers collègues, c’est ensemble que nous devons protéger notre milieu de travail. Votons en faveur de la motion no 78. Merci.
[Français]
Son Honneur le Président : Sénatrice Saint-Germain, quelques sénateurs aimeraient vous poser des questions. Accepteriez-vous d’y répondre?
La sénatrice Saint-Germain : Certainement.
Son Honneur le Président : Par contre, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
La sénatrice Saint-Germain : Si mes collègues sont d’accord.
Des voix : Non.
[Traduction]
L’honorable Rosa Galvez : Chers collègues, j’interviens au sujet de la motion no 78, non pour inciter qui que ce soit à la rejeter, mais plutôt dans l’espoir que vous conveniez qu’une décision aussi importante que l’annulation ou l’adoption d’une politique sur le harcèlement devrait faire l’objet d’un vigoureux débat dans cette enceinte.
Pour que le milieu de travail soit exempt de harcèlement, il faut procéder à un profond changement de culture et à la mise en place de politiques et de codes de conduite fondés sur de rigoureuses règles d’éthiques. Si nous réussissons, nous honorerons notre promesse de contribuer à une véritable modernisation du Sénat.
Ceux d’entre vous qui ont soigneusement lu la nouvelle politique auront constaté que pour la première fois une politique du Sénat prévoit explicitement que le processus pour s’attaquer au harcèlement ne s’appliquera pas aux procédures parlementaires assujetties au privilège parlementaire. L’autre endroit a réagi différemment à l’exigence de modifier le Code canadien du travail, formulée dans le projet de loi C-65.
Notre ancienne collègue, la sénatrice Dyck, avait lancé une importante interpellation sur le harcèlement entre sénateurs après le rejet de sa plainte contre la présidence d’un comité par l’Administration du Sénat. Nous avons ensuite appris que d’autres sénateurs avaient déposé des plaintes qui elles aussi avaient été rejetées. Lorsqu’elle avait lancé son interpellation, la sénatrice Dyck a dit, et je partage son point de vue :
Alors que le privilège parlementaire de l’auteur du harcèlement est pris en compte pour le protéger, celui de la victime est négligé. Le privilège de la victime devrait aussi être pris en compte afin que cette dernière puisse remplir ses fonctions parlementaires sans ingérence ou obstruction injustifiée causée par le harcèlement.
La nouvelle politique ne règle pas le problème. Elle ne fait que préciser que les membres du personnel qui ne bénéficient pas du privilège parlementaire ont moins de recours s’ils sont harcelés au cours de délibérations parlementaires.
Comment nous sommes-nous retrouvés avec une exclusion générale des délibérations parlementaires de l’application de la politique? À qui profite cette exclusion? La question n’a pas reçu de réponse. Cependant, il est clair que, aux yeux du public — et nous nous inquiétons de l’impression que nous laissons —, les sénateurs semblent être protégés.
Lors d’une récente séance d’information qu’il a donnée, le légiste a déclaré que les débats parlementaires étaient exclus de l’application de la politique, mais que les présidents de comité invitent couramment des analystes et des greffiers aux débats des comités pour fournir des éclaircissements, nous rappeler les règles et faire état de consensus ou même de contradictions. Sont-ils protégés par le privilège parlementaire? Bien sûr que non. Pourtant, on peut lire ceci à la ligne 6 de la page 2 de la politique :
Les personnes qui prennent part aux délibérations parlementaires sont assujetties au privilège parlementaire, ce qui permet au Sénat et aux sénateurs de remplir leurs fonctions constitutionnelles sans ingérence, obstruction ou crainte de représailles extérieures.
Cette phrase semble être là pour protéger les personnes qui participent aux délibérations parlementaires. Le greffier et les analystes ne sont-ils pas des personnes?
Le Bureau du légiste a établi sept catégories de privilèges qui comprennent une série de libertés et de droits, dont le plus important — qui s’applique aux deux groupes — est le contrôle exclusif des délibérations parlementaires, y compris la liberté d’expression.
L’article 1.4 de la nouvelle politique s’intitule « Définitions ». Par souci de clarté et de transparence, il aurait été extrêmement utile d’inclure la définition du légiste dans la politique. En effet, il semble contradictoire que la politique n’adopte pas une définition préexistante de « délibérations parlementaires », mais qu’elle contienne sa propre définition élargie à cet effet dans son introduction.
Ces délibérations sont largement définies comme étant les discours et autres interventions orales faits lors d’une séance du Sénat ou d’une réunion d’un comité sénatorial, toute mesure prise conformément à un ordre du Sénat ou d’un comité ainsi que certaines mesures prises dans le cadre des travaux du Sénat et de ses comités.
Par ailleurs, il sera tout à fait possible pour l’ensemble du Sénat d’adopter une politique contre le harcèlement qui s’applique aux délibérations parlementaires en s’inspirant de la Chambre des lords du Royaume-Uni. Pour ce faire, il faudra apporter un changement au Règlement.
La politique révisée proposée en février 2020 par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pour que le Sénat l’adopte ne mentionnait ni les délibérations ni le privilège parlementaires. Le troisième rapport du Comité de la dernière session parlementaire, qui comprenait la politique révisée, proposait aussi que le Comité du Règlement examine des modifications à apporter au Règlement du Sénat et que le Comité sur l’éthique examine des modifications à apporter au code d’éthique d’ici le 30 avril 2020, mais les deux examens n’ont jamais eu lieu.
La pandémie a bouleversé le travail et aggravé le dysfonctionnement de l’institution. La politique révisée et son processus d’adoption sont morts au Feuilleton. Peut-être que le nombre limité de séances et les tactiques dilatoires ont fait que l’ancien processus avait peu de chances d’aboutir à temps, et que l’on a favorisé un processus d’adoption simplifié proposé par le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration sans modification du Règlement.
L’inconvénient, c’est que le processus en question a dû être adapté pour le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui ne peut pas réglementer les délibérations des autres comités. Si la politique avait été adoptée par le Sénat dans son ensemble, nous aurions pu décider qu’elle s’applique aux travaux parlementaires et ainsi protéger tout le monde du harcèlement en tout temps.
Honorables sénateurs, je crains que le prix à payer pour l’adoption en temps voulu de la nouvelle politique a été une application très limitée de celle-ci. Cela pose problème, étant donné que le Règlement du Sénat ne permet pas de traiter efficacement les comportements de harcèlement et de violence.
Les règles de conduite n’interdisent que le langage et la conduite non parlementaires qui portent atteinte à la position d’un sénateur ou à l’institution du Sénat. Les outils disponibles — les rappels au Règlement et les questions de privilège — n’ont pas permis jusqu’à présent de mettre fin à l’intimidation au Sénat et ils ont entraîné des retards supplémentaires dans notre important travail parlementaire.
La nouvelle politique ne reconnaît pas qu’il faut mettre fin à l’intimidation quand elle est utilisée, délibérément et efficacement, comme tactique partisane pour retarder les affaires inscrites au Feuilleton du Sénat. Il est devenu très évident que les manœuvres dilatoires constituent l’arme ultime. En effet, écourter les débats sur les projets de loi peut faire mourir ces derniers. D’après nos observations, les personnes qui s’opposent aux initiatives progressistes — qu’il s’agisse de lois reconnaissant les droits des Autochtones, de lois protégeant l’environnement ou de débats visant à nous attaquer aux problèmes de harcèlement au sein de cette institution — utiliseront l’intimidation comme l’une de leurs tactiques pour retarder et empêcher l’adoption de ces initiatives. Obliger les victimes d’intimidation à invoquer le Règlement ou à soulever des questions de privilège ne fait qu’alourdir le Feuilleton — que nous terminons rarement — et entraîner des retards supplémentaires, ce qui plonge le Sénat dans un état presque dysfonctionnel et permet aux intimidateurs de gagner.
(1710)
Ce qui est arrivé à Lillian Dyck en est un parfait exemple. La sénatrice Dyck ne pouvait pas s’adresser à la présidence, conformément à la politique, car elle occupait la présidence. Ses revendications ne pouvaient pas mettre un terme aux comportements problématiques. Si elle avait soulevé la question de privilège au Sénat, cela n’aurait qu’aggravé les retards qui causaient déjà des problèmes à la fin de la quarante-deuxième législature du Parlement. De nombreux projets de loi stagnaient en attente d’être adoptés. Les harceleurs de la sénatrice Dyck ont eu la victoire facile.
Le projet de loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est mort au Feuilleton en raison de tactiques dilatoires tandis que la plainte de harcèlement déposée par la sénatrice Dyck a été rejetée par l’Administration du Sénat. Des médias, par exemple le Hill Times, ont rapporté que ce rejet était une conséquence du privilège parlementaire.
Que les seuls recours possibles soient de soulever la question de privilège ou d’invoquer le Règlement est injuste, inapplicable et réellement très cruel, car cela force la victime à raconter son expérience. Cette procédure lui fait revivre l’événement, en public, alors qu’il s’agit d’une expérience privée, pénible et humiliante. La politique ne tient pas compte du traumatisme qui découle de l’intimidation et qui peut nuire à la capacité de penser clairement.
Comment une victime peut-elle se défendre efficacement devant les caméras, immédiatement après avoir subi le traumatisme, comme le prescrit le Règlement du Sénat, si ce n’est que pour voir son point de vue faire l’objet d’un débat entre des sénateurs et être vraisemblablement nié par la personne à l’origine du harcèlement?
Si la victime de mauvais traitements pendant les travaux parlementaires est un employé, elle n’a d’autre recours que de demander à un sénateur de parler en son nom. La victime souhaite-t-elle qu’une situation aussi intrusive et bouleversante soit diffusée à l’échelle du pays sur SenVu? Évidemment pas.
En l’absence d’un réel changement de culture, les intimidateurs gagneront sur tous les plans, qu’ils réussissent à museler leurs victimes ou que celles-ci décident de se défendre.
La nouvelle politique ne protège qu’un seul aspect du privilège parlementaire, soit la liberté d’expression. Elle ne protège pas vraiment le privilège d’être à l’abri de toute intimidation. Pourtant, dans le rapport de 2015 intitulé Une question de privilège : document de travail sur le privilège parlementaire au Canada au XXIe siècle, le comité du Règlement, dirigé par le sénateur White, reconnaît que le harcèlement peut être une forme d’obstruction et conclut en ces termes :
[...] le Parlement devrait, de façon proactive, réévaluer et réexaminer le privilège parlementaire dans le contexte canadien [...]
Et :
[...] cet examen est d’autant plus nécessaire que la Charte a été inscrite dans la Constitution, ce qui distingue le Canada de tous les autres pays du Commonwealth.
Pourquoi n’avons-nous pas suivi ces recommandations alors que 11 sénateurs masculins ont participé à cette étude? J’approuve leurs conclusions.
Je pense qu’un certain nombre d’entre nous, si nous n’avions pas peur des conséquences, prendrions la parole pour dire que l’intimidation en ce lieu a réduit notre capacité à débattre sans crainte des questions dont nous sommes saisis. Comment pourrons-nous régler le problème du harcèlement si nous n’en connaissons même pas l’ampleur au Sénat?
Honorables sénateurs, en conclusion, mars était le Mois de l’histoire des femmes. Il ne faut pas oublier que, selon un rapport récent de l’Union interparlementaire, 82 % des femmes parlementaires ont subi une forme de violence psychologique au cours de leur mandat. C’est maintenant le moment de prendre la parole et d’être courageux, de donner le bon exemple à nos filles et à nos fils pour éviter qu’ils aient peur de s’exprimer et de défendre leurs droits et leurs libertés. Merci.
L’honorable Marilou McPhedran : En tant que sénatrice indépendante du Manitoba, je reconnais, honorables sénateurs, que l’endroit d’où je viens fait partie des territoires du Traité no 1 et est le lieu d’origine de la nation métisse, et que le Parlement du Canada est situé sur le territoire non cédé des Algonquins anishinabes.
À la fin de mon intervention, je vais proposer un simple amendement à la motion, lequel ne modifie nullement le contenu de la nouvelle politique sur le harcèlement du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration. Il vise à ramener une ancienne pratique selon laquelle le Comité présentera de nouveau la politique au Sénat s’il décide qu’il y a lieu d’apporter des modifications majeures à la politique.
Je me permets de vous rappeler l’ancienne pratique. En juin 2009, l’honorable George Furey, président du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, a déposé au Sénat la politique actuelle sur le harcèlement, laquelle a été inscrite au Feuilleton, comme ce fut le cas lorsque les politiques précédentes ont été présentées au Sénat. En 2009, tous les sénateurs présents le jour du vote ont eu l’occasion de poser des questions, de contribuer au débat et de voter au sujet de l’adoption de la nouvelle politique.
Les sénateurs ont voté pour adopter la nouvelle politique et ont ainsi signalé au peuple canadien qu’ils prêtaient attention à la question. Nous savons ce que contient la politique et nous montrons notre confiance dans le processus en acceptant la nouvelle politique proposée par le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Étant donné que le Comité de la régie interne nous a mis devant le fait accompli en présentant sa politique de 2021, le message que nous enverrons aujourd’hui sera différent si nous n’adoptons pas cet amendement.
Soyons clairs. Le Comité était sans doute de bonne foi et bien intentionné lorsqu’il a conçu cette politique, et je remercie les concepteurs de la nouvelle politique de prévention du harcèlement proposée par le Comité, car l’excellent travail qu’ils ont accompli avec de bonnes intentions leur a permis d’apporter des améliorations certaines. Cela dit, ils ne sont pas les seuls sénateurs à vouloir mettre de l’avant leur point de vue. Il y a des façons différentes de voir les choses. Il n’y a pas lieu de s’attaquer à ceux qui ont une opinion différente.
Les améliorations sont assombries par la capacité accrue d’imposer des exigences plus strictes et punitives — surtout pour les plaignants — en ce qui a trait à la confidentialité du processus de résolution, ce qui éloignerait le Sénat du Canada de l’approche éclairée et axée sur le plaignant que nombre d’administrations et d’autres pays ont adoptée dans certaines lois déjà promulguées ou en voie de l’être.
Honorables collègues, ce n’est pas facile à dire, et il sera probablement tout aussi difficile de l’entendre, mais en proposant cet amendement, je vous demande essentiellement de ne pas vous laisser influencer par l’idée de partager davantage l’avis des sénateurs qui expriment des inquiétudes par rapport à la procédure ou l’avis des sénateurs qui sont essentiellement favorables à la nouvelle politique de prévention du harcèlement proposée par le Comité.
De tels sentiments n’ont tout simplement pas leur place compte tenu de notre devoir parlementaire d’exercer une diligence raisonnable quand une politique aussi majeure est présentée, et dans une large mesure, aucun sénateur particulier ne devrait être placé au cœur de la question. J’encourage chaque sénateur, au moment de prendre en considération ce modeste amendement à une motion émanant de l’entité la plus puissante du Sénat après le Sénat lui-même, d’aller au-delà de l’appréhension — peut-être inconsciente — qu’il puisse ressentir envers le pouvoir énorme du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et des conséquences possibles lorsque ce comité sort son artillerie pour imposer une sanction à un sénateur.
Il ne s’agit pas d’une crainte injustifiée, étant donné les conséquences dévastatrices qu’ont subies certains sénateurs lorsque ce comité leur a imposé des sanctions en exerçant un pouvoir discrétionnaire absolu et avec pratiquement aucune des mesures de protection auxquelles la totalité des autres professions autoréglementées, des tribunaux et des organismes quasi judiciaires de notre pays doit se soumettre.
Je reconnais qu’il arrive qu’une telle docilité soit requise pour se protéger du pouvoir, mais elle n’est certainement pas nécessaire dans le cas d’un amendement qui recommande au Comité de la régie interne de présenter dans cette enceinte ses recommandations à propos d’une nouvelle politique de prévention du harcèlement. Cette nouvelle politique du Comité de la régie interne sur le harcèlement aura à coup sûr des répercussions sur les sénateurs, sur les fonctionnaires du Sénat et sur la crédibilité de l’institution qu’est le Sénat lui-même, mais sa portée sera aussi bien plus grande et son incidence se fera également ressentir dans la vie des employés et des bénévoles du Sénat ainsi que dans celle de leur entourage, et ce, pendant très longtemps.
(1720)
Comme la nouvelle politique du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration ne prévoit pas de mécanisme d’examen externe indépendant, il y a fort à parier qu’elle se perpétuera longtemps, et bien qu’il y aura peut-être des ajustements en cours de route, d’après la motion dont nous sommes saisis, il ne sera jamais exigé que le Sénat soit consulté. À défaut de l’amendement que je propose, l’adoption de la motion signifierait que la majorité des sénateurs ne seraient tout simplement pas au courant et, selon toute vraisemblance, que les sénateurs qui siègent au Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration qui seraient au courant seraient tenus au silence parce que l’application de la politique aurait été traitée à huis clos dans la plupart des cas.
Honorables sénateurs, je ne vous demande pas de procéder à une interpellation minutieuse sur le contenu et l’incidence de la nouvelle politique du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration sur le harcèlement. Néanmoins, je propose cet amendement pour que tous les sénateurs puissent faire preuve de diligence raisonnable et pour respecter les principes de transparence et de reddition de comptes visant nos délibérations en tant qu’institution financée à même les fonds publics.
Je vous présente cet amendement à titre d’invitation. En fait, j’exhorte tous les sénateurs à ne pas déléguer leurs pouvoirs au Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration et à ne pas renoncer à tout le moins à la possibilité de discuter si le comité décide de modifier la politique. Dans le présent cas, la procédure établie par le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration ne permet pas un débat ouvert et un vote au Sénat sur la nouvelle politique. On m’a informée que c’est la volonté de tous les leaders et de tous les groupes parlementaires représentés dans cette enceinte actuellement.
Il est décourageant de constater que la procédure utilisée par le Comité de la régie interne ne permettra également pas aux comités sénatoriaux d’effectuer un examen préalable de sa nouvelle politique, comme cela avait été proposé lorsque le comité a présenté une version antérieure de la nouvelle politique en février 2020, avec une motion autorisant un débat. À cette occasion, moi et quelques autres sénateurs avions exprimé des inquiétudes quant au manque de transparence et d’obligations de rendre des comptes dans le projet de politique. Je suis heureuse de dire que certaines de ces préoccupations ont été prises en compte. Il a été proposé que la politique soit passée en revue par le Comité sénatorial des droits de la personne, le Comité sénatorial du Règlement et le Comité sénatorial sur l’éthique, conformément à ce que le Comité de la régie interne avait proposé à l’époque. Le Comité de la régie interne vient de décider qu’aucun examen de ce genre n’aura lieu en fin de compte.
Honorables sénateurs, avant de vous précipiter pour adopter la motion dont vous êtes saisis afin d’abroger la politique de 2009 et d’instaurer ainsi la nouvelle politique du Comité de la régie interne, veuillez considérer les arguments suivants, qui militent pour amender la motion du comité et permettre aux sénateurs de conserver un certain droit de regard. Bien que les pourcentages diffèrent quelque peu selon les résultats des différents sondages, la confiance du public dans les institutions publiques s’amenuise. Selon les résultats du Baromètre de confiance Edelman 2021, qui ont été publiés le 13 janvier et qui proviennent d’un sondage en ligne effectué auprès de 33 000 personnes issues de la population générale de 28 pays, à raison 1 150 personnes par pays, les gens ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir de l’information fiable. La majorité des personnes interrogées pensent que 57 % des chefs de gouvernement, 56 % des chefs d’entreprise et 59 % des journalistes essaient délibérément d’induire les gens en erreur.
Dans son nouvel ouvrage, Values, Mark Carney indique à plusieurs reprises que nos dirigeants et nos institutions doivent développer et intégrer des approches exhaustives et transparentes. Cet amendement ne vise aucunement à empêcher le Comité de la régie interne de mettre en œuvre sa nouvelle politique. En appuyant cet amendement, les sénateurs qui ne font pas partie du Comité de la régie interne indiqueraient qu’ils font preuve de diligence raisonnable en ayant au moins la possibilité d’être tenus au courant et de poser des questions lorsque ce comité utilise son unique et vaste pouvoir d’instaurer une nouvelle politique pouvant avoir un effet aussi profond sur la vie du personnel, des bénévoles et des hauts fonctionnaires du Sénat, ainsi que des sénateurs.
Appuyer cet amendement ne signifie pas qu’on attache peu d’importance à la prévention du harcèlement. Cet amendement ne vise aucunement à modifier le contenu ou la mise en œuvre de la nouvelle politique du Comité de la régie interne, mais il établit clairement que les sénateurs affichent leur engagement à l’égard de la prévention du harcèlement en démontrant qu’elle est importante aux yeux de cette institution financée par les deniers publics et que tout changement à cette politique doit être soumis à l’attention du Sénat de façon transparente et responsable.
L’amendement que je propose concerne la procédure, et non mes réserves importantes à l’égard du contenu de la nouvelle politique du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, mais je souhaite attirer votre attention sur le fait que le projet de loi C-65 n’exige aucunement que la politique de 2021 du comité ait un caractère aussi hermétique et secret. Certaines mesures de la nouvelle politique vont au-delà des dispositions de protection de la vie privée du projet de loi C-65.
C’est pourquoi l’amendement exhorte tous les sénateurs à ne pas abandonner leur droit de regard et le pouvoir qu’ils détiennent de recevoir des rapports exhaustifs du Comité de la régie interne sur cet aspect crucial de la culture du Sénat et de son obligation de rendre des comptes. Les sénateurs doivent être en mesure de poser des questions publiquement pour s’acquitter de leur devoir de parlementaires et s’assurer que les fonds publics qui financent ces mécanismes du Sénat sont utilisés équitablement et efficacement.
Honorables sénateurs, certains d’entre vous ont indiqué vouloir abandonner maintenant leur droit de regard parce qu’ils choisissent de « faire confiance au processus ». Je dois vous dire que « nous sommes le processus » et que, en définitive, lorsque les lacunes de la politique sur la prévention du harcèlement de 2021 du Comité de la régie interne seront connues du public, tous les yeux se braqueront sur les sénateurs pour voir comment nous nous acquittons de notre obligation de rendre des comptes comme parlementaires dont le travail est financé par des fonds publics.
Voilà pourquoi, alors que vous songez à la manière dont vous allez voter sur cet amendement touchant uniquement la procédure, j’attire brièvement votre attention sur la différence importante d’approche, sur le plan de la transparence et de la reddition de comptes, lorsque l’État doit prévenir ce qu’une personne qui a survécu au harcèlement de la part du sénateur pour lequel elle travaillait a qualifié d’utilisation de la confidentialité comme arme. Cette nouvelle politique du Comité permanent de la Régie interne, des budgets et de l’administration est sans doute bien intentionnée, mais elle va dans le sens inverse des lois judicieuses axées sur le plaignant qui ont été adoptées ou qui sont en cours d’élaboration dans les institutions de plusieurs pays, par exemple, au Royaume-Uni, en Australie et dans l’État de New York, aux États-Unis, pour ne nommer que ces endroits.
Le temps dont je dispose me permet de faire une seule comparaison, et je vais me servir pour cela de l’article 1.6.1 de la nouvelle politique du comité, qui dit ceci :
Il est primordial de respecter la vie privée des personnes concernées dans toute affaire de harcèlement et de violence. Tous les aspects couverts par la présente politique (p. ex. avis d’incident, conciliation, enquête, etc.) doivent être traités de façon confidentielle. Les renseignements à cet égard ne peuvent être communiqués que conformément à la politique ou à la loi. La divulgation non autorisée de renseignements peut faire l’objet de mesures disciplinaires.
Il est interdit de divulguer tout renseignement susceptible de révéler l’identité d’une personne concernée par un incident allégué (partie principale, partie intimée ou témoin) à l’extérieur du processus de règlement sans le consentement écrit de cette personne, sauf si la loi l’exige.
En tant qu’avocate ayant écouté, représenté et soutenu des plaignants dans un large éventail de cas de harcèlement dans de nombreux endroits différents pendant près de quatre décennies, en tant que personne ayant contribué de manière significative à l’élaboration de nouvelles lois et politiques destinées à réduire le harcèlement et l’exploitation, je peux vous dire sans équivoque que la confidentialité protège plus souvent les auteurs de ces crimes.
Je n’ai pas le temps de donner des exemples de partout, mais avant de présenter la modification, permettez-moi de finir en citant la marraine de la nouvelle loi du Nouveau-Mexique portant sur le droit du travail, au titre de laquelle les ententes de non-divulgation sont inapplicables dans les cas de harcèlement sexuel, de discrimination ou de représailles. Juste avant, je tiens à préciser que la terminologie utilisée ici est différente. On peut parler de non-divulgation, de protection de la vie privée, de confidentialité, mais cela revient au même, à savoir la confidentialité qui est obligatoire.
À la demande exclusive de l’employé, une entente de règlement, sous réserve du présent article, peut contenir une disposition de confidentialité qui empêche la divulgation d’informations factuelles liées à l’allégation sous-jacente de harcèlement sexuel, de discrimination ou de représailles. Les dispositions du présent paragraphe ne doivent pas être interprétées comme empêchant la divulgation d’informations qui font l’objet...
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice McPhedran, mais votre temps est écoulé. Demandez-vous plus de temps?
La sénatrice McPhedran : Votre honneur, j’ai une minuterie devant moi et elle indique que j’en suis à moins de 14 minutes. Est-ce que quelqu’un pourrait vérifier?
Son Honneur le Président : Oui, je le fais immédiatement.
Le Bureau a vérifié. Votre temps de parole est écoulé, sénatrice.
La sénatrice McPhedran : J’ai dépassé 15 minutes?
Son Honneur le Président : Oui, sénatrice, le Bureau m’indique que vous avez parlé pendant plus de 15 minutes.
(1730)
La sénatrice McPhedran : Puis-je demander de proposer ma motion?
Son Honneur le Président : Vous devez obtenir le consentement du Sénat pour poursuivre.
La sénatrice McPhedran demande la permission de proposer son amendement. Le consentement est-il accordé?
Une voix : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non », sénatrice.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence.)
Projet de loi sur la Journée internationale
de la langue maternelle
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle, que j’ai présenté.
Cette journée internationale aurait lieu le 21 février.
Le projet de loi vise à désigner une journée internationale de la langue maternelle. Précisons que cette journée n’est pas une fête légale ni un jour non juridique. Ce n’est pas la première fois que je présente ce projet de loi, honorables sénateurs. La dernière fois, il avait été renvoyé au Comité des affaires sociales.
Honorables sénateurs, je souhaite dire, d’entrée de jeu, qu’il s’agit d’un projet de loi important pour bon nombre d’entre nous.
Notre langue maternelle fait partie de notre identité. Elle nous donne des racines. Je dois vous dire que mes petits-enfants ne parlent malheureusement pas notre langue maternelle aussi bien que nous l’aurions souhaité. Il arrive toutefois souvent, pendant un repas, que notre petite de sept ans parle notre langue maternelle quand elle cherche à exprimer quelque chose avec émotion. Nous sommes tous vraiment touchés de voir que sa langue maternelle est souvent, pour elle, la meilleure façon d’exprimer ce qu’elle ressent.
Ce projet de loi instituera officiellement la Journée internationale de la langue maternelle, une initiative qui reflète à merveille ces valeurs profondément canadiennes que sont l’inclusion, l’ouverture, l’équité et le respect de tous.
S’il y a une jeune femme dont l’histoire nous rappelle à tous l’immense privilège et les grandes responsabilités qui incombent aux sénateurs canadiens en matière de diversité linguistique, c’est bien Heeba. Aujourd’hui dans la fin vingtaine, Heeba a quitté le Bangladesh en 1992 pour immigrer au Canada. Quand on lui a demandé ce qu’elle pensait du projet de loi S-211, elle a expliqué que le multilinguisme était devenu son identité culturelle.
Voici ses mots exacts :
C’est extrêmement important pour moi de parler ma langue maternelle, le bengali, avec ma famille. Quand j’étais à l’université, j’ai toujours eu des colocataires allemands et français et je profitais de chacune des occasions qui s’offraient à moi de parler avec eux dans leur langue.
J’ai remarqué que les gens sont très reconnaissants quand je fais l’effort de m’adresser à eux dans leur langue maternelle. Les yeux de mes amis brillent quand je leur parle en bengali, en népalais, en hindi ou en espagnol. Je parle aussi parfaitement le français et l’anglais.
Le goût des langues court dans ma famille : mon père parle italien et mandarin, tandis que ma mère parlement couramment l’allemand. Je suis incroyablement fière de parler ma langue maternelle, le bengali.
J’ai suivi des cours de bengali à l’université pour être capable de lire des ouvrages plus savants et de la poésie. Le Bangladesh m’a légué un extraordinaire bagage culturel, et j’aimerais tant que mes enfants parlent eux aussi le bengali, en plus de nombreuses autres langues.
J’ai beaucoup de mal à m’attacher à une seule langue. Je suis plusieurs langues à la fois, comme de nombreux autres Canadiens.
Cela fait partie de l’identité canadienne.
Désigner le 21 février comme la Journée internationale de la langue maternelle serait une occasion de célébrer les langues maternelles tout en soulignant l’importance de pouvoir communiquer librement, ouvertement et fièrement dans sa langue maternelle.
La Journée internationale de la langue maternelle a été proclamée pour la première fois en novembre 1999 dans le cadre d’une résolution adoptée à l’unanimité lors de la 30e Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. La proclamation était considérée comme l’un des volets d’une plus vaste stratégie internationale visant à « encourager la conservation et la défense de toutes les langues parlées par les peuples du monde entier ».
Avec l’adoption de la version finale de la résolution 56/262, le 15 février a été désigné à l’échelle internationale comme la Journée internationale de la langue maternelle.
La résolution symbolise aussi la commémoration et la promotion de la diversité linguistique et culturelle ainsi que du multiculturalisme et de toutes les langues maternelles.
Depuis ce temps, cette journée est célébrée dans le monde entier chaque année, le 21 février. Ce projet de loi vise essentiellement à rendre hommage aux gens de toutes les régions du Canada qui parlent avec fierté leurs langues maternelles; on en compte plus de 200, dont l’espagnol, le gujarati, le pendjabi, le tagalog et bien d’autres encore.
À Vancouver seulement, plus de la moitié des enfants en âge d’aller à l’école apprennent une langue autre que le français et l’anglais. De la même manière, 25 % des habitants de Vancouver indiquent que leur langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais.
En plus, c’est dans ma province d’origine, la Colombie-Britannique, qu’on trouve plus de la moitié des langues autochtones du Canada. Malheureusement, seul un Autochtone sur 20 dans la province parle couramment sa langue maternelle et presque tous ces Autochtones sont des aînés.
Nous savons tous que beaucoup — bien trop, en fait — de langues autochtones ont disparu. Chaque fois qu’une langue disparaît, c’est un peu de l’identité de notre pays qui disparaît.
(1740)
En dépit des efforts louables du gouvernement pour s’attaquer au problème avec le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, seules 4 des 60 langues autochtones recensées sont considérées aujourd’hui comme ne risquant pas de disparaître.
Voici ce que disait l’honorable René Cormier, le président du Comité sénatorial permanent des langues officielles :
[...] ce projet de loi nous invite aussi à réfléchir aux grands enjeux touchant la disparition, la préservation et la réappropriation des langues autochtones. Le colonialisme et le projet d’expansion de l’État canadien ont eu des effets dévastateurs sur ces peuples. Victimes des pensionnats autochtones, les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits ont vu leurs langues maternelles et leurs cultures décimées par les gouvernements canadiens successifs.
Au recensement de 2011, plus de 60 langues autochtones étaient recensées, mais seulement 14,5 % des membres des Premières Nations avaient encore comme langue maternelle une langue autochtone. En 2016, le nombre de langues recensées se chiffrait à plus de 70, dont plus de 33 de ces langues autochtones étaient parlées par au moins 500 individus, tandis que d’autres étaient parlées par aussi peu que 6 personnes.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-211 ne vise aucunement à remettre en question le statut du français et de l’anglais en tant que langues officielles du Canada, comme le garantit la Charte canadienne des droits et libertés. Je sais que la reconnaissance de la valeur du bilinguisme est un pilier de notre grand pays et de l’identité canadienne, que l’on pense au passé, au présent ou à l’avenir. Le projet de loi S-211 soutient le bilinguisme et notre multilinguisme riche et diversifié. Il me semble qu’il est plus que temps.
De nombreux Canadiens parlent de multiples langues, ce qui enrichit la culture du Canada et le pays dans son ensemble. C’est pourquoi la Journée internationale de la langue maternelle, le 21 février, est une occasion de célébrer sa langue maternelle avec fierté. Elle vise à amplifier les droits de tous les Canadiens de célébrer et de mettre en valeur leur langue maternelle.
Peu importe leurs origines, tous les sénateurs canadiens ont intérêt à défendre fermement le bilinguisme canadien ainsi que le multilinguisme canadien. Le projet de loi S-211 soutient le bilinguisme et reconnaît de façon plus officielle le multilinguisme. En fait, en plus du français et de l’anglais, toutes les langues maternelles des Canadiens méritent d’être honorées et célébrées.
Quand j’étais jeune, on m’a enseigné à être fière de parler ma langue maternelle, et j’en tire toujours de la force. C’est un fondement de ma personnalité, et ma langue me définit. En tant que mère et grand-mère, je continue cette lutte pour la reconnaissance de toutes les langues maternelles pour que les jeunes, y compris mes petits-enfants, sachent que leur langue maternelle fait partie de leur identité.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-211 ne reconnaît pas clairement ce fait. En raison de la présente pandémie mondiale de COVID-19, le besoin des Canadiens de se rapprocher et de se comprendre les uns les autres devrait être considéré comme plus important que jamais.
Ce qui est peut-être le plus important, c’est que la reconnaissance officielle de la Journée internationale de la langue maternelle nous permet de sensibiliser davantage tous les Canadiens et d’élargir leurs horizons. Les langues représentent sans contredit une stratégie d’unité nationale. Elles permettent à tous les peuples d’établir des relations uniques fondées sur la confiance, la compréhension et l’histoire. C’est notre fondement. C’est notre identité.
Honorables sénateurs, je tends la main à chacun d’entre vous et je vous demande de m’aider à appuyer le projet de loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle. Cela fait partie de nos valeurs canadiennes.
Des voix : Bravo!
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à propos du projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle.
Le projet de loi S-211 est une mesure législative visant à désigner le 21 février Journée internationale de la langue maternelle, en tenant compte du fait que le français et l’anglais sont les deux langues officielles du Canada, comme le garantit la Charte canadienne des droits et libertés.
J’aimerais remercier la sénatrice Jaffer de présenter à nouveau ce projet de loi au Sénat et de me donner encore une fois l’occasion de parler de l’importance de la diffusion des langues maternelles. En tant que pays ayant le multiculturalisme comme élément central, nous devons reconnaître et comprendre l’importance de la préservation de toutes les langues maternelles. Le professeur Wade Davis l’a exprimé avec plus d’éloquence que moi quand il a affirmé dans le magazine Canadian Geographic :
Une langue, il va sans dire, n’est pas qu’un simple ensemble de règles grammaticales ou un vocabulaire. C’est un éclair de l’esprit humain, le véhicule par lequel l’âme d’une culture s’arrime au monde matériel. Chaque langue est une forêt ancienne de l’esprit, un bassin versant de la pensée, un écosystème de possibilités sociales, spirituelles et psychologiques. Chaque langue est une fenêtre sur un univers, un monument à la culture qui l’a vue naître et dont elle exprime tout l’esprit.
Je connais très bien la corrélation entre ma langue maternelle et mon identité. Pour moi, parler pachtoune est plus qu’un moyen de communication. Écouter cette langue et converser dans elle me rendent heureuse, me réconfortent et me rappellent mon enfance. Plus encore, cela me relie à mes ancêtres et me permet de comprendre la littérature, l’art et la poésie de ma patrie.
Pour ces raisons, je me suis fixé comme priorité d’enseigner ma langue maternelle à mes deux filles, Anushka et Shaanzeh. Cela m’a permis de partager avec elles une part de mon identité, de mon histoire et de ma culture. Notre langue maternelle a renforcé nos liens familiaux.
En outre, sur le plan de l’éducation et de l’emploi, le multilinguisme a amélioré considérablement les débouchés professionnels de mes filles, tant au Canada qu’à l’étranger. L’aisance de ma fille aînée Anushka en pachtoune, la même langue parlée par des villageois dans un coin isolé du Pakistan, lui a permis d’obtenir de précieuses connaissances et d’apprendre des histoires intéressantes en vue de mener à bien sa thèse de doctorat.
Par ailleurs, ma benjamine Shaanzeh, qui est avocate, a pu se rapprocher de ses clients en communiquant avec eux en pachtoune. Il s’agit là d’expériences uniques que peuvent seulement vivre les personnes ayant pu obtenir la confiance d’autrui grâce au pouvoir de la langue.
Même en tant que sénatrice, je reviens souvent à ma langue maternelle dans le cadre de mon travail. Lorsque je prends la parole lors d’activités communautaires, il n’est pas rare que je passe de l’anglais au pachtoune et à l’ourdou. Dans mon travail à l’international, le fait de parler de nombreuses langues m’a permis de resserrer les liens entre le Canada et de nombreux pays. Être multilingue est un atout, autant au Canada qu’à l’étranger.
Le fait de pouvoir communiquer dans notre langue maternelle a eu une influence positive sur la vie de filles et la mienne, ce qui vaut la peine d’être célébré chaque année, le 21 février. C’est quelque chose qu’il faut encourager, car il arrive souvent que la langue maternelle soit perdue à partir de la troisième génération. D’ailleurs, selon les Nations unies, une langue disparaît toutes les deux semaines.
Évidemment, nous ne pouvons pas parler de l’importance de préserver les langues maternelles au Canada sans penser aux populations autochtones, dont beaucoup ont été dépouillées de leur langue maternelle. En 2016, seulement 16 % de la population autochtone, par rapport à 21 % en 2006, affirmaient être en mesure d’avoir une conversation dans une langue autochtone. Des plus de 60 langues autochtones au Canada, seulement 3 — le cri, l’inuktitut et l’ojibwé — sont considérées comme stables.
Pour autant, il y a de l’espoir. Hier encore, l’Université de la Colombie-Britannique annonçait la création du tout premier programme de baccalauréat en langue autochtone au Canada. La revitalisation des langues est toujours possible et ce doit être notre objectif.
(1750)
Honorables sénateurs, on ne peut sous-estimer l’importance des langues maternelles, car nous savons que lorsqu’une langue meurt, le savoir et le patrimoine qu’elle contient meurent avec elle, dévalorisant à jamais notre société dans son ensemble. En tant que parlementaires, nous devons encourager les Canadiens à célébrer et à préserver notre diversité linguistique. Le projet de loi S-211 concrétise ces aspirations en sensibilisant la population à l’importance des langues maternelles et en faisant la promotion de leur enseignement.
En conclusion, je demande aux honorables sénateurs de tenir compte des questions posées par le professeur Wade Davis :
Toutefois, qu’en est-il de la poésie, des chansons et du savoir encodé dans les autres voix, ces cultures qui sont les gardiens et les intendants de 98,8 % de la diversité linguistique du monde? La sagesse d’un aîné autochtone est-elle moins importante simplement parce que celui-ci la communique à un auditoire composé d’une seule personne?
Sénatrice Jaffer, merci de votre travail infatigable à l’égard de ce projet de loi ou, comme nous le disons dans notre langue maternelle, manana.
Honorables sénateurs, merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi S-211 de la sénatrice Jaffer qui vise à désigner le 21 février Journée internationale de la langue maternelle.
Aux commentaires des sénatrices Jaffer et Ataullahjan, j’ajouterai que la langue est après tout l’âme d’une culture et d’un peuple. Notre âme canadienne est mue par le multilinguisme. Nous sommes nombreux à parler plus d’une langue. Au Sénat, nous passons souvent de l’une à l’autre des deux langues officielles du Canada, le français et l’anglais. Mais, comme nous l’ont dit d’autres intervenants, le français et l’anglais ne sont pas les seules langues parlées au Canada. Il existe en effet plus de 70 langues autochtones, mais bon nombre d’entre elles risquent malheureusement de sombrer dans l’oubli.
Par ailleurs, la langue maternelle de près du quart des Canadiens n’est pas le français ou l’anglais. Après l’anglais et le français, les six langues les plus couramment parlées au Canada sont le mandarin, le cantonais, le pendjabi, l’espagnol, le tagalog et l’arabe. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les Canadiens parleraient en tout 215 différentes langues maternelles. Cette variété représente bien l’incroyable diversité des Canadiens, car le Canada est une nation aux nombreuses cultures qui ont essaimé ici des quatre coins du monde.
Étant moi-même une immigrante, je peux témoigner du rôle important que les langues ont joué tout au long de ma vie. Je suis née en Inde, un autre pays multiculturel, où j’ai naturellement appris le pendjabi, l’anglais, l’hindi et un peu d’ourdou. J’ai aussi appris d’autres langues, comme l’allemand, en suivant des cours. J’ai également appris d’autres langues sur le tas, en en glanant des bribes ça et là pour survivre dans un nouveau pays, comme pour le farsi en Iran. À mon arrivée au Canada, il était normal pour moi de m’exprimer dans une langue et de réfléchir dans une autre.
J’ai compris que selon la langue qu’elle choisit d’utiliser, une personne exprime un aspect différent de sa personnalité. Par exemple, lorsque je parle ourdou, mon discours devient automatiquement plus soigné, plus respectueux et plus courtois, à cause de la nature de cette langue. Lorsque je parle allemand — de moins en moins couramment, je dois le reconnaître — je dois m’efforcer d’être précise. Quand je parle persan, je me rappelle que certaines langues expriment une tradition d’hospitalité profondément ancrée et je sais qu’on m’offrira incessamment une tasse de thé. Malheureusement, et je le regrette fort, je ne parle pas français, mais je sais que si c’était le cas, j’y trouverais une élégance de style que je note lorsque les sénateurs Gagné, Cormier et d’autres collègues du Sénat s’expriment. Quoi qu’il en soit, c’est lorsque je parle hindi à la maison avec ma mère que je redeviens enfant et que je retrouve mes origines, notamment lorsqu’elle corrige les nombreuses erreurs que je fais.
Alors que de plus en plus d’entre nous parlons une langue autre que notre langue maternelle, j’estime que c’est une idée formidable d’instaurer une journée pour réfléchir à l’identité, aux racines et à la culture véhiculée par la langue maternelle. Qu’on soit arrivé au Canada l’an dernier ou que nos ancêtres vivent sur ce territoire depuis des temps immémoriaux, il est essentiel de reconnaître que la langue maternelle est au cœur de l’identité de chacun.
Que nous soyons aussi nombreux à parler plus d’une langue est effectivement un sujet de célébration. Je vous remercie, sénatrice Jaffer, de tout ce que vous faites pour défendre la diversité linguistique dans notre pays. Je presse tous les honorables sénateurs de renvoyer ce projet de loi au comité le plus rapidement possible. Je vous remercie.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur l’esclavage moderne
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi édictant la Loi sur l’esclavage moderne et modifiant le Tarif des douanes.
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi S-216, Loi édictant la Loi sur l’esclavage moderne et modifiant le Tarif des douanes.
Je remercie la sénatrice Miville-Dechêne d’en avoir saisi de nouveau le Sénat. Je tiens aussi à saluer l’excellent travail des membres du Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes.
La Loi sur l’esclavage moderne permet de constater à quel point l’esclavage est présent partout sur la planète. On estime en effet que ce phénomène touche environ 40 millions de personnes, dont 71 % sont des femmes et des jeunes filles, mais ces chiffres sont considérés comme conservateurs, car les femmes et les jeunes filles sont moins susceptibles de dénoncer leur situation, que ce soit par crainte de représailles ou parce qu’elles ne font pas confiance aux autorités.
Avant d’aller plus loin, je tiens à définir la notion d’esclavage moderne. Ce terme désigne l’exploitation d’autrui pour son propre bénéfice ou dans un but lucratif. Cette exploitation peut prendre de nombreuses formes, comme la traite des personnes, l’esclavage héréditaire, le mariage précoce et forcé ainsi que le travail forcé et le travail des enfants. Ce dernier phénomène est particulièrement révoltant, car il s’agit ici de tâches mentalement, physiquement, socialement et moralement néfastes pour les enfants, qui sont également dans l’impossibilité de s’instruire. Pourtant, une victime d’esclavage moderne sur quatre est un enfant.
Le travail des enfants se transforme souvent en esclavage moderne chez l’adulte, c’est pourquoi nous devons nous attaquer à ses causes profondes. Des études montrent que le travail des enfants peut être limité en luttant contre la pauvreté et les déplacements et en changeant les normes sociales. Toutefois, le principal facteur est la pauvreté, étant donné que les enfants travaillent pour leur survie et celle de leur famille. Le travail des enfants fait partie d’un cercle vicieux où l’éducation est jugée secondaire au fait de gagner un revenu, ce qui finit par empêcher les enfants qui travaillent d’échapper à la pauvreté arrivés à l’âge adulte.
Bien sûr, à lui seul, le projet de loi ne peut pas éliminer ces causes profondes, mais il peut obliger les grandes entreprises à prendre des mesures pour empêcher l’exploitation des plus vulnérables. L’une des principales mesures soulignées dans le projet de loi pour limiter l’esclavage moderne est le fait d’obliger les grandes entités à présenter un rapport annuel. Le rapport précise les mesures prises pour prévenir et atténuer le recours au travail forcé ou au travail des enfants et les mesures prises pour éliminer tout recours à l’esclavage moderne. De plus, il indique la formation donnée aux employés sur la prévention de l’esclavage moderne à l’une ou l’autre des étapes de la production de marchandises.
La sensibilisation est une étape essentielle parce que bon nombre d’entre nous sont beaucoup trop éloignés de la production des biens que nous achetons et consommons. Personnellement, j’ai eu l’occasion unique de visiter le Rana Plaza, au Bangladesh, après son effondrement en 2013. Je suis arrivée seulement trois mois après que l’immeuble de huit étages se fut effondré, causant la mort de plus de 1 100 personnes ainsi qu’un nombre incalculable de blessés. J’ai vu de mes propres yeux le coût de la mode jetable bon marché. On avait forcé ces travailleurs mal rémunérés de continuer à produire des vêtements même après que la police eut ordonné l’évacuation de l’édifice en raison des fissures profondes visibles dans les murs.
(1800)
Son Honneur le Président : Sénatrice Ataullahjan, je suis désolé de vous interrompre, mais il est maintenant 18 heures. Vous disposerez du reste de votre temps de parole lorsque nous reprendrons le débat.
Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 27 octobre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1900)
[Français]
La sanction royale
Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 30 mars 2021
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous aviser que le très honorable Richard Wagner, administrateur du gouvernement du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 30 mars 2021 à 18 h 2.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.
Le secrétaire du gouverneur général,
Ian McCowan
L’honorable
Le Président du Sénat
Ottawa
Projets de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 30 mars 2021 :
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021 (projet de loi C-26, chapitre 4, 2021)
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022 (projet de loi C-27, chapitre 5, 2021)
[Traduction]
Projet de loi sur l’esclavage moderne
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi édictant la Loi sur l’esclavage moderne et modifiant le Tarif des douanes.
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je parlais de ma visite au Rana Plaza, au Bangladesh.
Dès que je suis sortie de la voiture, une foule s’est précipitée vers moi, les gens brandissant des photos de jeunes adultes. J’ai été horrifiée d’apprendre qu’il s’agissait de parents qui attendaient qu’on retrouve leurs enfants. Ils venaient chaque matin, mais ils repartaient chaque soir les mains vides. En voyant le bâtiment effondré, il était clair qu’il n’y avait rien d’autre que des décombres après la pluie de mousson. En tant que mère, je ressentais profondément leur douleur, et l’absence de toute lueur d’espoir était presque insupportable.
Ils étaient assis là, serrant contre eux les photos de leurs enfants disparus, nous suppliant de les retrouver. Non seulement ils avaient perdu leurs enfants, mais ils ne pouvaient pas vraiment faire leur deuil ou accomplir leurs cérémonies d’enterrement religieuses.
Les survivants, quant à eux, ont souvent un trouble de santé débilitant et vivent sans indemnité ni possibilité d’emploi, ce qui pousse certains d’entre eux à s’enlever la vie.
Comme je l’ai déjà dit, les femmes sont largement surreprésentées dans le contexte de l’esclavage moderne. Elles sont traditionnellement limitées à des postes mal rémunérés, car elles sont perçues comme ayant très peu de compétences. En plus d’être soumises aux agressions verbales et physiques habituelles, les femmes rapportent que la violence sexuelle est normalisée.
En plus d’être victimes de harcèlement, les femmes de tout âge ont de la difficulté à obtenir la sécurité d’emploi. Les femmes plus âgées et celles que le travail a rendues handicapées sont prises pour cibles et progressivement chassées du milieu de travail par l’intimidation, des objectifs de travail inatteignables et des réductions de salaire. Les femmes en âge de procréer sont surveillées. Il est courant de se faire demander de subir un test de grossesse à l’embauche ou, aléatoirement, une fois engagée. On s’attend à ce que les travailleuses vivent sur les lieux de travail, ce qui force beaucoup d’entre elles à vivre séparées de leur famille, ce qui rend des conditions de vie déjà insupportables encore plus pénibles mentalement.
Il est plus que temps de lutter contre les violations des droits de la personne que subissent ces groupes vulnérables, en particulier les femmes, dans le processus de production de marchandises. Le projet de loi S-216 cible la chaîne d’approvisionnement et oblige les compagnies à la transparence, en prévoyant des pénalités concrètes pour celles qui ne se conforment pas. Cela signifie que les sociétés qui exerce des activités au Canada devront faire rapport des mesures prises pour prévenir et réduire le recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de leurs marchandises, ce qui restreindra l’exploitation des travailleurs par les sous-traitants.
Ce genre de transparence est nécessaire, d’après de récentes enquêtes qui ont révélé que des entreprises canadiennes continuent d’importer des marchandises provenant d’usines chinoises accusées de graves violations des droits de la personne, en particulier envers des travailleurs ouïghours. Parmi ces entreprises, mentionnons, sans nous y limiter, The Brick, Danby, Costco, Best Buy et Home Depot. Cette dernière a rompu depuis ses liens avec ses fournisseurs, mais il faut faire plus.
En ciblant les grandes entreprises, ce projet de loi évite ainsi de faire porter un fardeau aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux petits commerces locaux. De plus, il modifierait le Tarif des douanes afin de permettre l’interdiction d’importer des marchandises fabriquées ou produites par recours au travail forcé ou au travail des enfants.
Selon un rapport Consumer Insights publié en 2019, le tiers des répondants canadiens sont prêts à payer plus cher pour des articles non alimentaires qui sont durables et produits de façon éthique. Les clients exigent de plus en plus que les entreprises soient en mesure de démontrer la traçabilité des produits et de faire preuve d’une plus grande transparence. C’est particulièrement vrai pour la génération Z, qui se montre largement disposée, par ses achats, à défendre des causes sociales et environnementales. Parallèlement, 86 % des entreprises canadiennes sondées reconnaissent que l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement est un problème plus ou moins pertinent ou très pertinent.
Les entreprises qui omettront de se conformer aux obligations de rendre public leur rapport ou qui feront sciemment des déclarations fausses ou trompeuses commettraient une infraction et pourraient encourir, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 250 000 $. De plus, les directeurs ou les administrateurs des entreprises seraient considérés comme des coauteurs de l’infraction; par conséquent, en vertu de ce projet de loi, les personnes aux plus hauts échelons devront rendre compte de leurs décisions.
Le comité devra également se pencher sur certains aspects du projet de loi S-216, par exemple les vastes pouvoirs accordés au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, les vastes pouvoirs de perquisition et de saisie accordés à des personnes désignées, et la responsabilité automatique de personnes pertinentes. Il faudra aussi examiner ce qu’il en coûtera pour mettre en œuvre la Loi sur l’esclavage moderne et la faire respecter, et prendre note des répercussions juridiques qui pourraient survenir quand de grandes entreprises qui ne sont pas nécessairement favorables à cette mesure seront tenues de s’y conformer.
Quoi qu’il en soit, nous devons continuer d’avancer vers notre but commun, celui d’éliminer l’esclavage moderne au Canada et à l’étranger.
Certaines personnes auront peut-être du mal à croire que l’esclavage moderne existe bel et bien chez nous, dans l’un des pays les plus libres du monde. Il est tout simplement faux de croire que l’esclavage moderne ne survient que dans des pays pauvres ou des pays injustes et corrompus, comme le veut le stéréotype. Selon l’Indice mondial de l’esclavage de 2016, quelque 17 000 personnes vivent en situation d’esclavage moderne dans notre propre pays. On ne peut pas jouer à l’autruche et refuser de voir la réalité.
Le projet de loi sur l’esclavage moderne fera en sorte que les entreprises canadiennes donnent priorité à des fabricants éthiques, qu’ils soient canadiens ou étrangers, au lieu de chercher à réduire les coûts en ayant recours au travail forcé ou au travail des enfants.
En 2019, la Police provinciale de l’Ontario a libéré 43 victimes de l’esclavage moderne. Des gens avaient fait venir ces personnes au Canada en leur demandant un paiement et en leur promettant des visas de travail et un statut de résident permanent. Elles se sont plutôt retrouvées à vivre dans des conditions sordides, à aller travailler chaque jour dans des hôtels et des résidences de vacances de l’Ontario, et à gagner moins de 50 $ par mois. Une des victimes a dit à un policier que la veille, elle s’était couchée une esclave, mais le matin, elle s’était réveillée une personne libre.
(1910)
Malheureusement, ce ne sont pas des cas isolés, puisque les secteurs de l’agriculture, de la construction, de l’hôtellerie et des services domestiques sont des secteurs où le risque d’esclavage est élevé. Par exemple, des dizaines de milliers de travailleurs agricoles migrants des Caraïbes, du Mexique, du Guatemala, des Philippines et de la Thaïlande travaillent dans les champs canadiens sans avoir la possibilité de faire une demande de résidence permanente, d’obtenir des soins de santé ou de bénéficier des droits fondamentaux des travailleurs. Ces travailleurs agricoles doivent partager de minuscules appartements avec leurs collègues et travailler sept jours sur sept. Il est scandaleux que nous nous protégions pendant une pandémie mondiale, alors que nous mettons en danger des travailleurs migrants vulnérables.
La pandémie continue de mettre en lumière beaucoup de questions, comme la provenance des produits essentiels. Les masques sont devenus un accessoire essentiel pour les Canadiens, et la demande mondiale pour l’équipement de protection individuelle est montée en flèche. Une enquête a révélé que certains équipements essentiels utilisés par les travailleurs canadiens de la santé sont fabriqués dans des usines en Malaisie où les travailleurs sont terriblement exploités. En 2020, des fabricants de gants en Malaisie ont fabriqué près de 220 milliards de gants, ce qui représente environ 70 % de l’offre mondiale. En plus de forcer ses employés à travailler dans des conditions dangereuses et à vivre dans des logements insalubres, l’entreprise ne respecte pas ses protocoles de sécurité en période de COVID-19.
La COVID-19 ne fait pas de distinction, et nous ne devrons pas en faire non plus.
Le projet de loi donnerait au Canada la législation la plus efficace et la plus proactive de tout le Commonwealth. Le Royaume-Uni a adopté une loi sur l’esclavage moderne en 2015, mais elle n’est pas assortie de peines concrètes. La loi du Royaume-Uni fait en sorte que les entreprises ont simplement à mentionner qu’aucun effort n’a été déployé pour lutter contre le travail forcé dans leur rapport annuel et elle n’exige rien des entreprises concernant les risques cernés. L’Australie a adopté une loi sur la transparence en 2018 qui impose des obligations aux sociétés, ainsi qu’au gouvernement fédéral et à ses agences. Dans ce cas-ci, une liste des entreprises qui n’ont pas présenté de rapport est publiée. Nommer et dénoncer les entreprises est un bon point de départ, mais cela ne donne pas de pouvoirs qui permettraient d’assurer le respect de la loi.
Se limiter à augmenter la transparence ne risque pas d’améliorer les conditions de travail ou d’endiguer l’esclavage moderne. Les données empiriques montrent que la réglementation du Royaume-Uni en matière de transparence est trop faible pour entraîner les changements requis afin de mettre fin à l’exploitation des travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et qu’elle sert davantage à répondre aux intérêts des multinationales qu’à protéger les travailleurs vulnérables. C’est pour cette raison qu’il faut adopter une loi qui va plus loin.
Alors que s’achève mon discours, je veux vous rappeler que le projet de loi concerne les droits de la personne fondamentaux et notre obligation, en tant que parlementaires, à en assurer le respect.
Comme l’a si justement souligné la sénatrice Miville-Dechêne dans le passé, ce projet de loi va au-delà des lignes partisanes et il relève de notre humanité. J’appuie le projet de loi S-216, parce que les Canadiens comptent sur nous pour veiller à ce que des produits importants ne soient pas obtenus par l’entremise du travail forcé ou du travail des enfants et ce projet de loi nous aidera à atteindre cet objectif. J’espère que le projet de loi sera renvoyé au comité concerné pour qu’il l’étudie en détail. Merci.
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-216, Loi édictant la Loi sur l’esclavage moderne et modifiant le Tarif des douanes.
Je tiens à remercier l’honorable sénatrice Julie Miville-Dechêne de parrainer ce projet de loi important, et je vous rappelle, tout comme la sénatrice Miville-Dechêne l’a fait à plusieurs reprises, que ce projet de loi n’est qu’une première étape.
Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord parler des conditions des enfants qui travaillent dans des usines partout dans le monde, et en particulier au Bangladesh, ainsi que des conditions que nous observons au Canada, notamment les conditions de vie déplorables que les travailleurs étrangers temporaires doivent encore endurer.
Lors de mon arrivée au Bangladesh, en 2013, l’effondrement du Rana Plaza, qui a fait 1 400 morts et 2 500 blessés, venait de se produire. Je n’oublierai jamais ce que j’ai vu à l’extérieur de l’édifice. On voyait des blessés assis un peu partout, des parents qui cherchaient leurs enfants et qui n’obtenaient aucune réponse. Personne ne faisait quoi que ce soit pour les aider.
C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Bithi, une fille de 15 ans qui, dans les circonstances, était obligée de travailler dans un autre édifice qui, selon moi, pouvait très bien s’effondrer du jour au lendemain.
Je suis entrée dans cet édifice et j’ai vu que les issues de secours étaient verrouillées. On leur avait mis de gros cadenas et il était impossible de les ouvrir de l’intérieur. J’étais sidérée de voir les issues de secours de cet édifice ainsi verrouillées après que l’édifice voisin se soit effondré.
En réfléchissant à l’importance de ce projet de loi, j’ai pensé à l’histoire déchirante de Bithi.
Bithi travaillait avec des milliers d’enfants bangladais à l’assemblage de jeans griffés qui étaient envoyés à des magasins au Canada et dans d’autres pays développés. Elle m’a raconté qu’elle se souvenait de sa première journée de travail à l’usine de vêtements il y a trois ans, alors qu’elle avait 12 ans : « La première journée, je me sentais mal. J’ai trouvé que ce n’était pas bien. Cette première journée, j’ai pleuré. »
Bithi a déjà caressé le rêve de faire des études pour devenir médecin, et elle admet :
Lorsque je vois les autres filles habillées de leur uniforme scolaire à carreaux bleu et blanc, mon cœur se brise. Cela dit, maintenant, je rêve seulement de pouvoir me tenir debout sans me blesser.
Bithi a travaillé dans des conditions épouvantables pour qu’ici, au Canada, nous puissions continuer à acheter des vêtements à bas prix. Nous profitons aux dépens des droits fondamentaux de Bithi et de tant d’autres comme elle.
En 2014, plus de 406 entreprises ont importé au Canada des textiles et des vêtements semblables à ce que fabrique Bithi. Des filles désespérées comme Bithi sont poussées à travailler des heures interminables, jour après jour, pour un salaire de crève-faim. De nombreux travailleurs sont attirés dans ces industries par de fausses promesses de salaire décent, de repas fournis, de formation et d’éducation. Au lieu de cela, à bien des endroits, les propriétaires de manufacture renvoient les travailleuses enceintes ou leur refusent un congé de maternité, usent de représailles contre les travailleurs qui se joignent à un syndicat ou qui forment un syndicat, forcent les travailleurs à travailler des heures supplémentaires sans quoi ils risquent de perdre leur emploi, et ferment les yeux lorsque des gestionnaires ou des travailleurs de sexe masculin harcèlent les travailleuses.
L’Organisation internationale du travail estime qu’il existe plus de 150 millions d’enfants ouvriers et 25 millions de victimes de travail forcé dans le monde. Les femmes et les filles représentent 71 % de ces victimes. Une étude publiée par Vision mondiale révèle que 1 200 entreprises au Canada ont importé des biens risquant d’avoir été produits par des enfants ouvriers ou des victimes du travail forcé.
En 2018, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes a entrepris une étude sur le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Dans le rapport, on peut lire :
Pratiquement aucun progrès n’a été réalisé dans le monde entre 2012 et 2016 dans la lutte au travail des enfants [...] Par ailleurs, on n’a observé aucun changement dans le nombre d’enfants vivant en situation d’esclavage moderne.
Non seulement ces enfants n’ont pas accès à l’éducation et ne peuvent pas réaliser leur potentiel ou profiter de leur enfance, ils sont aussi réduits à l’esclavage et maltraités et beaucoup d’entre eux travaillent dans des conditions dangereuses et malsaines pour pouvoir fournir des biens de première nécessité, comme de la nourriture, à leur famille.
Honorables sénateurs, je nous exhorte tous à remettre en question nos propres pratiques d’achat et les produits que nous utilisons, portons et consommons chaque jour. Nous devrions nous demander combien de ces produits ont été fabriqués par des enfants.
Le projet de loi sur l’esclavage moderne s’attaque au travail des enfants et au travail forcé dans le but de mettre fin à de telles pratiques. Il exige des grandes sociétés canadiennes qu’elles s’assurent de la transparence de leurs chaînes d’approvisionnement et qu’elles cessent d’avoir recours au travail des enfants ou à toute autre forme d’exploitation. Il exige également qu’elles rendent des comptes concernant les mesures prises pour empêcher le travail des enfants et le travail forcé. Je suis bien contente que le projet de loi propose également la modification du Tarif des douanes afin d’interdire les biens produits au moyen du travail des enfants ou du travail forcé.
(1920)
Je crois fermement que ce projet de loi est un premier pas important dans l’amélioration plus que nécessaire des droits des travailleurs et des enfants. Cependant, sénateurs, vous n’avez pas à vous rendre loin de chez moi pour voir ce qui se passe dans notre propre pays. J’ai été stupéfaite quand nous avons tous soudainement commencé à accorder de l’importance aux travailleurs étrangers temporaires quand la pandémie nous a frappés parce que nous nous demandions avec inquiétude qui allait cueillir nos fruits ou s’occuper de nos fermes. Or, au cours des 20 dernières années que j’ai travaillé avec eux, je n’ai vu que de la négligence à leur égard.
En 2017, nous avons approuvé l’appel à l’action du Royaume-Uni pour mettre fin au travail forcé, à l’esclavage moderne et à la traite des personnes. En 2018, nous avons appuyé la stratégie du G20 pour éradiquer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des personnes et l’esclavage moderne dans le monde du travail. Nous avons pris le même genre d’engagements dans le cadre de la présidence canadienne du G7.
De nombreux pays ont pris des mesures législatives semblables à celle du Royaume-Uni, notamment les Pays-Bas et la France. Il est grand temps que le Canada leur emboîte le pas.
En 2015, j’étais présidente du Comité sénatorial permanent sur les droits de la personne, qui a enquêté sur l’industrie du vêtement et la responsabilité sociale des entreprises au Bangladesh. Nous avons eu plusieurs réunions au cours desquelles nous avons entendu des témoins, parmi lesquels des experts. Ce qu’ils ont dit alors est encore vrai aujourd’hui. Les témoignages des représentants du gouvernement canadien et des organisations de la société civile nous ont amenés à la conclusion que, même si le gouvernement canadien et les entreprises canadiennes ont pris un certain nombre de mesures pour faire respecter les droits des travailleurs de l’industrie du vêtement, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Le travail des enfants et le travail forcé sont des pratiques courantes, et il est de notre devoir d’agir pour y mettre fin, et ce, d’autant plus qu’un nombre croissant de Canadiens élèvent la voix pour condamner ces pratiques.
Honorables sénateurs, en ce qui concerne le projet de loi S-216, nous ne pouvons pas nous contenter de critiquer ce qui se passe ailleurs; nous devons impérativement nous pencher sur les réalités inhumaines et cruelles de l’exploitation qui existent chez nous. Le Canada reçoit souvent des éloges pour son bilan en matière de droits de la personne et la manière dont les gens y sont traités. Il est facile d’oublier que cet idéal ambitieux est difficile à atteindre dans certains cas. Je sais que ce projet de loi porte sur le travail des enfants et les droits de ces enfants, mais nous ne pouvons pas oublier les droits des travailleurs chez nous.
Honorables sénateurs, en 2017, le Canada comptait environ 550 000 travailleurs étrangers temporaires. Le Canada ne peut absolument pas justifier le maintien d’un système qui déprécie la vie humaine pour que les Canadiens aient des aliments frais à manger.
Honorables sénateurs, les travailleurs étrangers temporaires soutiennent les exploitations agricoles du Canada depuis d’innombrables années. Ces travailleurs sont amenés au pays pour nous aider à cultiver nos aliments. En effet, une grande partie des aliments frais qui se retrouvent sur les tables des Canadiens d’un océan à l’autre sont cultivés grâce au labeur des travailleurs étrangers temporaires, qui viennent surtout du Mexique et de la Thaïlande.
Lorsque nous examinons le pour et le contre de l’adoption du projet de loi S-216, il est important de penser aux droits qui ont été retirés à Bithi, une fille de 12 ans, et aux conditions épouvantables endurées par les gens au Canada dont le travail nous profite directement et considérablement ainsi qu’à nos familles.
Honorables sénateurs, permettez-moi de vous décrire ce que vivent les travailleurs étrangers temporaires. Ils viennent au Canada principalement pour la saison des récoltes et la plupart d’entre eux doivent retourner chez eux lorsqu’elle se termine. Pendant qu’ils se trouvent au Canada, les travailleurs sont contraints de vivre dans des logements insalubres et n’ont pas accès à des installations sanitaires et à des produits d’hygiène adéquats. Les chambres sont surpeuplées et les travailleurs sont obligés de vivre en occupation double. En plus de faire face à ces insuffisances, les travailleurs sont contraints de rester seuls, loin de leur famille et de leurs proches. Les membres de leur famille ne sont pas autorisés à les rejoindre.
Comme les travailleurs étrangers temporaires ont un accès inadéquat aux services fondamentaux de santé et d’hébergement, quand ils tombent inévitablement malades et ont besoin de soins médicaux, ils sont trop souvent laissés à eux-mêmes et souffrent en silence, alors que le reste du pays fait preuve d’une indifférence honteuse face à leur souffrance. À la fin de la saison des récoltes, les travailleurs sont obligés de retourner chez eux. Or, à cause de la pandémie actuelle, de nombreux travailleurs n’ont pas pu venir ici ou retourner chez eux. Cette année, quand les travailleurs ont fini par rentrer chez eux, après avoir vécu dans des conditions épouvantables, beaucoup de Canadiens ont compris — certains pour la première fois — que c’est grâce à leur travail acharné que nous avons la chance de pouvoir mettre des aliments frais sur notre table.
Honorables sénateurs, vous m’entendrez encore parler du sort des travailleurs étrangers temporaires, mais, aujourd’hui, je tiens à vous dire que, alors que nous critiquons d’autres pays pour le sort de leurs travailleurs, et surtout les mauvais traitements infligés aux enfants qui travaillent, nous aussi nous faisons venir des travailleurs d’autres pays au Canada et que nous ne les traitons pas bien. De toute évidence, en tant que Canadiens, nous devons faire savoir au gouvernement que ces pratiques sont inacceptables.
L’adoption du projet de loi S-216 est la première étape pour corriger les conditions inacceptables dans lesquelles vivent des millions de personnes à l’étranger et dans notre propre pays. Nous pouvons montrer notre engagement à cet égard en appuyant l’objectif principal du projet de loi, soit la protection des droits des travailleurs de tous les âges, y compris les enfants, et l’éradication du travail forcé dans le monde entier.
Nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire. Honorables sénateurs, je vous demande d’appuyer le projet de loi. La sénatrice Miville-Dechêne a répété plusieurs fois dans son discours qu’il s’agit de la première étape. Sénateurs, franchissons cette première étape. Merci beaucoup.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Une voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Français]
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Miville-Dechêne, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)
(1930)
[Traduction]
Projet de loi sur la Journée nationale
de la jupe à rubans
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Mary Jane McCallum propose que le projet de loi S-227, Loi concernant la Journée nationale de la jupe à rubans, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-227, qui vise à désigner le 4 janvier de chaque année Journée nationale de la jupe à rubans.
Avec l’adoption de ce projet de loi, les Canadiens auraient l’occasion d’approfondir leurs connaissances sur la culture et le patrimoine autochtones, plus particulièrement sur la jupe à rubans, un vêtement traditionnel qui a une valeur symbolique pour les Autochones.
Je tiens à remercier le chef George Cote, de la Première Nation Cote, en Saskatchewan, et Isabella Kulak ainsi que sa famille pour la force et la détermination dont ils ont fait preuve dans leur façon d’être et de tirer profit de leur savoir.
Honorables collègues, ce projet de loi porte sur une initiative très importante pour bon nombre de personnes et de communautés autochtones de l’ensemble du pays. Le chef Cote de la Première Nation Cote, dont fait partie Isabella Kulak, a envoyé cette déclaration à mon bureau :
Au nom de la Première Nation Cote, nous avons l’honneur de pouvoir célébrer, le 4 janvier, la Journée nationale de la jupe à rubans partout dans notre grand pays. Bella Kulak a démontré l’importance de faire découvrir notre culture aux autres nations. Les femmes des Premières Nations et des communautés métisses et inuites symbolisent le don de vie, et la résilience avec laquelle elles s’occupent de leur foyer nous donne la force de persévérer. Nous remercions la sénatrice McCallum d’avoir mis de l’avant cette forme de reconnaissance, et nous encourageons tous les parlementaires à appuyer ce projet de loi en cette année de vérité et de réconciliation. Nous vous disons meegwetch au nom des Premières Nations Saulteaux du territoire visé par le Traité no 4.
Honorables sénateurs, je vais maintenant lire une déclaration qui a été envoyée à mon bureau par Isabella Kulak elle-même, la jeune fille de 10 ans dont le courage et la détermination ont transformé un incident malheureux en vecteur de changement grâce à la compréhension et à la sensibilisation. Voici ce qu’a dit Mlle Kulak :
Chère sénatrice McCallum...
— et, par extension, elle s’adresse aussi à tous les sénateurs —
... Je m’appelle Isabella Susanne Kulak et je voudrais d’abord vous expliquer ce que signifie la jupe à rubans pour moi. Elle symbolise la force, la résilience, l’identité culturelle et la féminité. Lorsque je porte ma jupe à rubans, je me sens sûre de moi et fière d’être une jeune fille autochtone.
Lorsque j’avais 8 ans, ma tante Farrah Sanderson m’a offert ma propre jupe à rubans en cadeau. Je l’ai portée avec fierté et honneur lors des cérémonies traditionnelles et des pow-wow. Le 18 décembre 2020, une journée de tenues habillées était organisée à mon école, le Kamsack Comprehensive Institute. J’ai donc choisi de porter ma jupe à rubans, tout comme ma sœur aînée Gerri. À mon arrivée à l’école, une aide-éducatrice a dit que ma jupe n’était même pas assortie et que, à la prochaine journée de tenues habillées, je devrais peut-être porter une autre tenue, comme celle que portait une fille qu’elle a pointée du doigt. À cause de ces mots, j’ai eu l’impression qu’on me poussait à être quelqu’un que je ne suis pas. J’ai fini par enlever ma jupe parce que je me sentais humiliée.
Aujourd’hui, je n’ai plus honte. Je me sens fière et assez forte pour déplacer des montagnes, parce que je sais qu’il y a des gens dans le monde entier pour m’appuyer. Je suis très reconnaissante d’être Canadienne, d’être Autochtone et de représenter mon peuple en portant fièrement ma jupe à rubans! Je remercie la sénatrice McCallum et toutes les personnes qui m’ont appuyée dans le monde entier, au Canada et dans toutes les Premières Nations de tous les pays.
Amicalement, Isabella.
Je veux remercier Isabella d’avoir pris le temps de rédiger une déclaration aussi profonde, afin que sa voix puisse être entendue publiquement. Je tiens à ce qu’Isabella sache que c’est en son honneur que je porte ma jupe à rubans aujourd’hui.
Je souhaite également remercier le chef John Dorion, de la nation crie Kaministikominahiko-skak, en Saskatchewan, qui a écrit à mon bureau pour appuyer la demande visant à désigner le 4 janvier comme « Journée nationale de la jupe à rubans ».
Chers collègues, le projet de loi S-227, bien qu’il constitue un autre pas vers la réconciliation, découle d’un incident qui s’est produit en décembre dernier. Comme le chef John Dorion l’a affirmé :
En 2020, juste avant Noël, une école de Kamsack, en Saskatchewan, a fait l’objet de plaintes parce qu’une élève de 10 ans, Isabella Kulak, avait été humiliée en raison de la jupe à rubans qu’elle portait à l’école. Se sentant honteuse et blessée dans son amour propre, elle est rentrée chez elle, a enlevé sa jupe et s’est refermée sur elle-même. Après avoir fait la une de l’actualité sur le sujet, la jeune fille de 10 ans a reçu un soutien massif, et des jupes du monde entier. La jeune fille est retournée à l’école accompagnée de membres de sa famille portant des jupes à rubans et a fait son entrée dans l’école au son des tam-tams. Le directeur de l’enseignement de la division scolaire Good Spirit a admis qu’il s’agissait d’une erreur monumentale et a dit assumer l’entière responsabilité de ce qui s’était passé. Depuis, la division scolaire a présenté ses excuses pour ce qui est considéré comme un acte à caractère raciste.
Le chef Dorion poursuit en ces termes :
Selon des travaux de recherche, la jupe à rubans est un symbole de féminité et elle reflète notre identité et celle d’autres nations de l’île de la Tortue. La jupe a aussi une dimension sacrée, spirituelle et politique. Elle donne de la force à nos jeunes, nous rappelle que nous ne sommes pas seuls et que nous sommes rattachés à nos communautés et à des générations d’ancêtres qui sont avec nous en tout temps.
Chers collègues, Kelly Anne Smith a interviewé pour son article The Ribbon Skirt: Symbol of surviving cultural genocide Tala Tootoosis, une femme mohawk membre des nations sioux des Nakota et crie des Plaines, sur son cheminement vers la guérison. Mme Tootoosis est une travailleuse sociale, une conseillère en toxicomanie, une conférencière motivante, une partenaire, une fille et une mère. Elle affirme ceci :
Nous ne sommes pas soumises. Nous ne gardons pas le silence. Nous n’attendons pas que notre guerrier indien ni notre prince vienne nous sauver. Nous prenons conscience. Nous nous relevons. Nous prenons soin de nos enfants. Nous obtenons des diplômes. Nous adoptons la sobriété. Nous apprenons tout de nouveau : la couture, les perles, les courtepointes, la peinture, le chant, la danse et j’en passe.
Nous apprenons à guérir. Nous sommes des avocates, des médecins, des juges. En même temps, nous sommes des femmes. Nous sommes capables de porter la vie et de créer la vie, avec ou sans le concours d’un homme, sans toutefois oublier l’équilibre. L’homme a un but et, ensemble, nous créons un équilibre.
Mme Tootoosis poursuit en disant :
Les enseignements de la jupe à rubans n’ont rien à voir avec apprendre aux femmes à ne pas se faire violer. La jupe à rubans leur enseigne l’autonomisation. Elle leur enseigne qu’elles sont déjà résilientes. Les femmes ont déjà du pouvoir. La protection d’une femme, c’est d’être une femme. Lorsque l’on comprend cela, on apprend les limites à respecter.
Selon Mme Tootoosis, la jupe à rubans équivaut presque à déclarer que l’on a survécu à une tentative de génocide. Elle dit :
Ils ont tenté de tuer ma grand-mère. Ils ont coupé ses cheveux. Ils ont tenté de lui enlever sa langue maternelle en la battant et en la violant. Malgré cela, elle m’a tout de même enseigné qu’il est correct de porter une jupe. Elle m’a dit qu’elle était très fière de moi. Elle a pu le dire de sa propre bouche. Voilà, ce qu’est la résilience. Voilà ce qu’est le pouvoir.
Mme Tootoosis poursuit en disant que le pouvoir réside dans la jupe à rubans. Elle dit :
Vous pouvez en être à votre première journée de sobriété et, si vous portez une jupe à rubans, vous vous souvenez que votre identité ne se résume pas à ce qui vous est arrivé.
(1940)
Honorables sénateurs, ce projet de loi vise à assurer la justice sociale pour Bella et d’autres jeunes Autochtones qui, au quotidien, sont confrontés au racisme, au colonialisme et à la violence fondée sur le sexe. En respectant le cadre inspiré et proposé par la Première Nation de Cote pour instaurer cette journée nationale de reconnaissance, on veille à la préservation de la tradition familiale et communautaire et du savoir intergénérationnel en dépit des luttes modernes des Autochtones. Ce projet de loi aiderait à déboulonner l’image coloniale qu’on se fait des femmes, des filles et des personnes transgenres autochtones.
Les gestes de résistance des femmes, notamment les mères, les tantes, les grands-mères, les sœurs et les amies, contre la violence et le colonialisme qui perdurent sont très importants, car ils constituent des modèles pour les jeunes filles autochtones. Ce sont des gestes qui dénoncent le génocide culturel. Isabella et sa mère n’acceptent plus de laisser leurs esprits à la porte et sont prêtes à porter la lutte à un niveau différent, soit en intégrant la cérémonie à la vie quotidienne, pas uniquement à la maison, mais aussi dans la sphère publique.
Dans le document intitulé Red Intersectionality and Violence-Informed Witnessing Praxis with Indigenous Girls, Natalie Clark cite les propos que Madeline Dion Stout tient dans un mémoire percutant sur les pensionnats indiens. L’auteure y explique comment la résilience de ses parents l’inspire aujourd’hui et comment même les défis l’animent. Elle a dit :
Leur résilience est devenue la mienne. Cette résilience leur venait de leurs mères et de leurs pères et elle doit maintenant être transmise à mes petits-enfants et aux générations qui les suivront.
Ce transfert de connaissances aux jeunes en matière de résistance et de militantisme est crucial et continu.
Toujours dans son ouvrage, Natalie Clark déclare :
Zitkala-Sa et d’autres féministes autochtones nous rappellent constamment dans leurs écrits que la violence a toujours été liée au sexe, à l’âge et à l’accès aux terres.
Honorables sénateurs, les actes de résistance orientent la lutte des Autochtones pour l’autodétermination. Même si Bella ne savait peut-être pas qu’elle était une militante, elle menait déjà des activités anticolonialistes et axées sur la transformation et la libération et visant à exprimer son patrimoine culturel et à faire savoir au monde entier qu’elle contribuait à transformer l’image colonialiste des jeunes Autochtones.
Pour reprendre les paroles de l’universitaire autochtone Linda Tuhwai Smith :
Les récits narratifs, les traditions orales, les points de vue des aînés et ceux des femmes font maintenant partie intégrante de toutes les recherches autochtones. L’histoire de chaque personne est puissante. Ce qu’il y a d’important au sujet de ces histoires, toutefois, c’est qu’elles ne racontent pas simplement une histoire, ou qu’elles ne la racontent pas d’une manière simple. Ces nouvelles histoires contribuent à raconter une histoire collective dans laquelle chaque Autochtone a sa place.
L’histoire de Bella offre un espace qui permet de voir les filles dans le cercle, et qui permet au monde de mieux comprendre son expérience face à la violence. Son acte de résistance et son éducation constituent un remède pour elle et d’autres jeunes, et leur permettent de pratiquer en toute sécurité.
Natalie Clark poursuit ainsi :
[...] ma belle-mère [et moi] discutions des filles autochtones qui sont de jeunes femmes fortes et résilientes malgré la violence, les abus et les séquelles permanentes laissées par le colonialisme. Ensemble, nous nous sommes demandé ce qui distinguait les adolescentes qui parvenaient à s’élever au-dessus du paysage colonial de celles qui avaient du mal à le faire. Nous avons toutes deux constaté que le lien avec la culture et la langue, ainsi que les modèles féminins positifs, notamment les aînées, jouaient un rôle clé dans la santé des filles que nous connaissions.
Honorables sénateurs, il faut louer Bella d’avoir encouragé un militantisme et une stratégie de résistance judicieux en portant sa jupe à rubans. Je tiens également à féliciter ses parents, Chris et Lana Kulak, qui ont encouragé ces valeurs admirables, non seulement chez Bella, mais chez toutes leurs filles. Chris et Lana Kulak ont également envoyé à mon bureau une déclaration concernant l’épreuve que leur fille Bella a endurée. Je voudrais maintenant lire cette déclaration :
Madame la sénatrice McCallum, c’est avec beaucoup d’humilité et d’honneur que ma famille réagit aux événements entourant l’humiliation de ma fille Isabella Susanne Kulak de la Première Nation de Cote, en Saskatchewan.
La route a été longue pour les membres des Premières Nations du Canada depuis le débarquement des Européens sur nos magnifiques littoraux. Depuis, de nombreux Canadiens d’origine autochtone n’ont cessé de subir des affronts, surtout pour des enjeux relatifs à la race et à l’interprétation de ce que cela signifie d’être Canadien et Autochtone.
L’incident à l’origine de l’attention dont ma fille a fait l’objet sur la scène nationale et internationale parce qu’elle portait sa parure traditionnelle, sa jupe à ruban, à l’école et que son aide-enseignante l’a humiliée doit nous amener à reconnaître que le Canada est à une importante croisée des chemins que nous tous Canadiens devons reconnaître et accepter, comme la grande nation que nous sommes. Nous devons unir nos forces pour combattre ces redoutables ennemis appelés racisme et intolérance. Le moment présent est toujours le bon moment pour susciter le changement qui changera le cours de l’histoire de la relation du Canada avec les propriétaires originaux de ses terres, le peuple des Premières Nations d’un bout à l’autre du pays.
Nous espérons que, dans toute cette affaire, les Canadiens voient la pertinence de ce qui est advenu et que cela définisse pour toujours ce qui est véritablement inacceptable dans les institutions publiques et dans l’ensemble de la société. Nous, en tant que famille, ressentons vivement que nous avons une responsabilité envers tous les Canadiens, tant autochtones que non autochtones, de créer un lieu sûr et de nouer un dialogue qui se poursuivra dans un respect mutuel entre les nations, et ce, pendant des générations. La rédaction du projet de loi S-227 et la discussion qu’il suscite laissent espérer que ces discussions feront naître un sentiment accru de fierté pour tous les peuples autochtones du pays et, surtout, un sentiment accru d’urgence en ce qui concerne le processus de réconciliation et la décolonisation du Canada.
Pour reprendre les paroles d’Alex Janvier, un grand artiste de ma province, l’Alberta, qui incarne véritablement l’espoir, la persévérance et la résilience des peuples autochtones du Canada, « Les premiers propriétaires de ces terres sont revenus pour en reprendre le contrôle. La Terre est nous et nous sommes la Terre. »
En tant que survivant des pensionnats autochtones et véritable guerrier du combat pour l’égalité, Alex a montré par son art ce qui est possible quand on refuse d’abandonner, même si on nous dit que certaines choses sont impossibles. Alex et Bella ont montré qu’en fait, tout est possible.
Tous ceux qui, dans ce pays, ont vécu l’intolérance raciale et se sont battus pour les droits inhérents des peuples autochtones ont les remerciements de notre famille et de notre Première Nation. Je suis fier que ma Bella ait l’appui d’autant de gens d’ici et d’ailleurs, et nous avons bon espoir que cela entraîne les changements nécessaires pour qu’un véritable respect s’installe entre les peuples et les nations qui habitent ici, au Canada.
« Bella la brave », voilà comment j’appelle ma fille, ce qui a suffi pour insuffler une détermination à toute épreuve à mes autres filles ainsi qu’à mon adorable épouse Lana, que j’aime et que je respecte par-dessus tout. Ma famille m’a appris énormément de choses sur l’art d’être un père et un mari, et je dois dire qu’avec ses enseignements culturels et spirituels sacrés, la jupe à rubans nous a donné le courage de changer le cours des choses, dans notre entourage autant que dans le Canada au grand complet. Je remercie toutes les Premières Nations, tous les Métis et tous les membres de la famille inuite qui se battent depuis aussi longtemps avec l’énergie du désespoir afin de préserver et de maintenir nos traditions culturelles et notre identité. Sans le sacrifice de nos ancêtres, la jupe à rubans aurait disparu depuis longtemps et la Journée nationale de la jupe à rubans n’est pas qu’un hommage à « Bella la brave », c’est un hommage à tous les braves guerriers qui ont été là avant elle et dont les exploits ne cessent de nous ébahir lorsque nous lisons les récits concernant les nombreux obstacles qu’ils ont dû surmonter au quotidien dans leur vie parce qu’ils étaient Indiens. N’oublions jamais que la Journée nationale de la jupe à rubans commémore l’identité culturelle et spirituelle tissée à même ce vêtement par les mains sacrées qui l’ont confectionné.
Kici Meegwetch — Merci beaucoup,
Christopher et Lana Kulak.
Première Nation de Cote, Kamsack, Saskatchewan, Canada.
(1950)
Honorables sénateurs, les histoires sacrées nous touchent profondément. Elles nous transforment et nous rapprochent. Ces histoires comptent deux éléments essentiels : elles sont des moyens puissants de révéler des choses à notre sujet et de nous transformer et elles nous permettent d’être rattachés à d’autres êtres humains. Nous réalisons qu’un enseignement profond a été transmis. Dans notre recherche de moyens pour nous guérir, pour guérir les autres et pour guérir la Terre mère, les histoires et ceux qui les racontent continueront d’occuper une place de choix.
Chers collègues, en tant qu’auditeurs de l’histoire sacrée d’Isabella Kulak, nous, les sénateurs, sommes des partenaires essentiels de sa résistance contre la représentation des filles autochtones par le régime colonial.
Chers collègues, ce projet de loi est très court et simple. Même si elle est reconnue à l’échelle fédérale, la Journée nationale de la jupe à rubans ne serait pas une fête légale ni un jour non juridique. J’estime qu’en plus d’être une initiative de réconciliation utile et importante, le projet de loi aurait une nature, une portée et des visées non conflictuelles. J’espère que le débat sur cette mesure législative pourra être rapide et que, le moment venu, nous pourrons idéalement nous entendre pour procéder successivement aux votes aux étapes de la deuxième et de la troisième lectures, dans un proche avenir, sans compromettre l’adoption du projet de loi en le renvoyant au comité où les délais d’attente pourraient être excessifs. J’ai hâte d’avoir les conversations qui s’imposent sur cette possibilité dans les jours à venir.
Honorables sénateurs, j’exhorte tous les parlementaires à se joindre à moi pour appuyer le projet de loi afin de montrer que nous soutenons collectivement les jeunes dans leur passage sain à l’âge adulte.
[...] Nous devons [...] les aider à résister aux stéréotypes et à remplacer ceux-ci par des images et des messages forts et valorisants d’eux-mêmes. Cela inclut la détermination et la contestation des messages culturels négatifs et des abus de pouvoir dans la société.
Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Forest-Niesing, le débat est ajourné.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Motion tendant à autoriser le comité à étudier l’avenir des travailleurs—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario), au nom de l’honorable sénatrice Lankin, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Pate,
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dès que le comité sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’avenir des travailleurs pour évaluer :
a)comment sont recueillies les données et l’information sur l’économie à la demande au Canada ainsi que les lacunes potentielles sur le plan des connaissances;
b)l’efficacité de la protection des travailleurs accordée actuellement aux gens qui travaillent par l’entremise de plateformes numériques et de programmes de travailleurs étrangers temporaires;
c)les effets néfastes du travail précaire et de l’économie à la demande sur les avantages sociaux, les pensions et d’autres services gouvernementaux liés à l’emploi;
d)l’accessibilité des programmes de recyclage professionnel et de perfectionnement des compétences pour les travailleurs;
Que, ce faisant, le comité porte une attention particulière au fait que les effets néfastes de la précarité de l’emploi sont particulièrement ressentis par les travailleurs de couleur, les nouveaux immigrants et les travailleurs autochtones;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 septembre 2022.
L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour appuyer la motion présentée par la sénatrice Lankin demandant que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie étudie l’économie à la demande.
La motion demande que le comité étudie l’avenir des travailleurs pour évaluer plus précisément comment sont recueillies les données et l’information sur l’économie à la demande au Canada ainsi que les lacunes potentielles sur le plan des connaissances; l’efficacité de la protection des travailleurs accordée actuellement aux gens qui travaillent par l’entremise de plateformes numériques et de programmes de travailleurs étrangers temporaires; les effets néfastes du travail précaire et de l’économie à la demande sur les avantages sociaux, les pensions et d’autres services gouvernementaux liés à l’emploi; l’accessibilité des programmes de recyclage professionnel et de perfectionnement des compétences pour les travailleurs.
La motion demande que le comité porte une attention particulière au fait que les effets néfastes de la précarité de l’emploi sont particulièrement ressentis par les travailleurs de couleur, les nouveaux immigrants et les travailleurs autochtones.
À titre de membre du Comité des affaires sociales, j’accueille favorablement une telle étude et je suis ravie de dire pourquoi j’estime que le Sénat devrait consacrer du temps et des ressources pour mieux comprendre ce secteur de l’économie.
Comme certains sénateurs qui sont intervenus avant moi l’ont indiqué, Statistique Canada définit l’économie à la demande comme suit :
[...] des travailleurs autonomes non constitués en société qui concluent divers contrats avec des entreprises ou des particuliers pour mener à bien une tâche précise ou travailler pendant une période précise.
Lorsqu’on parle d’économie à la demande et de travailleurs à la demande, on fait référence au travail à la pige, à des emplois temporaires et au travail à la journée. On fait référence à des personnes à qui nous faisons appel quotidiennement, comme les travailleurs en ligne à la demande, les chauffeurs d’Uber ou les livreurs. On fait référence aux fournisseurs de soins personnels, aux musiciens, aux artistes et à tant d’autres personnes dans de nombreux autres domaines.
Le travail à la demande n’a rien de nouveau. Récemment, la sénatrice Simons nous a appris qu’en anglais, « gig economy », l’équivalent d’économie à la demande, a déjà représenté une activité amusante, temporaire. Je suppose que nous sommes nombreux à avoir déjà effectué un tel travail, amusant ou non, à un moment donné, qu’il s’agisse par exemple de travail de rédaction à la pige, ou encore de livraison de journaux ou d’épicerie. Mon travail à la demande le plus mémorable a été un emploi d’été, il y a bien des années, lorsque ma cousine Verna et moi avons décidé d’aller travailler dans une exploitation de pommes de terre à East Selkirk, au Manitoba. Nous en avons reparlé pendant des années par la suite.
Ce qu’il y a de nouveau, au sujet du travail à la demande, c’est le nombre incroyable de Canadiens qui doivent se tourner vers ces emplois précaires pour tenter de joindre les deux bouts.
Nous savons que l’économie à la demande du Canada croît plus rapidement que jamais. Des experts attribuent cette croissance à une augmentation des emplois faciles d’accès grâce à des applications en ligne et des services sur demande qui permettent à quiconque possède un téléphone intelligent et un accès à Internet de décrocher ce genre d’emplois précaires.
De 2005 à 2016, les emplois de l’économie à la demande ont augmenté de 70 %. Cela veut dire que, durant cette période, le nombre de Canadiens occupant un emploi précaire a augmenté de 700 000, pour un total de 1,7 million de Canadiens.
Ce que nous savons du travail précaire nous laisse croire que les emplois offerts en ligne ne sont pas ce que l’on appelle de « bons emplois ». D’après les recherches menées jusqu’à présent, ces emplois se distinguent par l’insécurité, un faible salaire, une absence de possibilités d’avancement et des avantages sociaux limités. Par exemple, en 2016, le revenu net médian pour un emploi à la demande se chiffrait à environ 4 300 $. Environ la moitié des travailleurs à la demande dépendaient seulement du travail à la demande, tandis que les autres travailleurs ont recours au travail à la demande pour arrondir leur revenu. Toutefois, même avec un revenu additionnel, environ 50 % des hommes et 45 % des femmes qui travaillent à la demande font partie des deux derniers quintiles de la répartition du revenu.
(2000)
Qu’est-ce que le travail à la demande? On le retrouve dans beaucoup d’industries et de professions. Pensons au domaine des arts, de la culture, du divertissement et du sport, où 25 % des hommes et 26,6 % des femmes sont des travailleurs à la demande. Selon Statistique Canada, ces champs de professions affichent une proportion de travailleurs à la demande plus élevée que dans tout autre domaine au Canada. Mais on s’étonne de trouver aussi du travail précaire dans d’autres domaines.
Une étude menée par le Centre canadien de politiques alternatives dresse un portrait fascinant des emplois de professionnels, qui se distinguent par du travail exigeant des diplômes ou des titres de compétence spécialisés, un niveau élevé de compétence ou de jugement, ou des tâches de nature plus intellectuelle. On a constaté que 22 % de toutes les professions présentent ce qui est défini dans l’étude comme un emploi précaire. Soixante pour cent de ces travailleurs sont des femmes et leur revenu est inférieur à celui que gagnent les titulaires d’un emploi stable, ce qui n’est pas étonnant. Autre caractéristique importante des emplois précaires dans ces champs professionnels : la plus grande proportion de travailleurs est âgée de 55 à 64 ans, ce qui nous indique que le travail précaire n’est pas le triste apanage des jeunes travailleurs.
Les nombreuses études que j’ai examinées, celles-ci notamment, dressent un portrait de certains éléments de l’économie à la demande, mais je dois dire que leur lecture m’a laissée plutôt insatisfaite, non pas en raison de la qualité des données, qui semble assez bonne, mais parce que de nombreuses questions restent sans réponse. Certains liens n’ont pas été complètement établis.
Par exemple, prenons la terminologie utilisée pour décrire les emplois : travail à la demande, travail précaire, travail à forfait, travail temporaire, travail à temps partiel, travail à la pige, etc. Lorsque j’entends ces termes, j’imagine un diagramme de Venn interminable avec des cercles qui se chevauchent, et le terme « travail à la demande » se trouve quelque part au milieu de ce dernier. Quel est le lien entre ces emplois, ces caractéristiques? C’est l’une des questions.
Puis, il y a la vue d’ensemble : quelle est la place de ces emplois dans l’économie globale? L’économie se dirige-t-elle à toute vitesse vers ce type de structure d’emploi, ou créons-nous encore un grand nombre d’emplois traditionnels à temps plein? Les emplois à la demande constituent-ils un développement parallèle ou un développement de substitution?
Le Comité permanent des ressources humaines de la Chambre des communes a pris des mesures pour comprendre ces nouvelles préoccupations dans son étude de 2019 sur l’emploi précaire. Cependant, l’étude du comité nous a laissés avec plus de questions que de réponses. Dans son rapport final, le comité a fini par demander plus de clarté et de meilleures données afin de comprendre l’emploi précaire et d’agir face à celui-ci, notamment en ce qui concerne la rémunération, la sécurité d’emploi, les conditions de travail et les possibilités de perfectionnement professionnel.
Le comité peut se pencher sur plusieurs changements. Nous pouvons décortiquer les concepts et les caractéristiques des emplois dans le monde de l’économie à la demande et comprendre ce qui les lie les uns aux autres. Nous pouvons examiner de plus près les données démographiques concernant les travailleurs qui participent à cette économie pour déterminer comment les femmes et les hommes, les divers groupes d’âges et les groupes racialisés sont représentés et se recoupent. Nous devons examiner les conditions de travail, les possibilités d’emploi, la sécurité d’emploi, les avantages sociaux et le salaire de ces travailleurs. Nous pouvons nous pencher sur le rôle que peuvent jouer les mesures d’aide et les politiques publiques plus vastes, telles que l’assurance-emploi, les paiements de transfert, le revenu garanti, le salaire minimum et le recyclage professionnel. Nous pouvons aussi nous pencher sur la place qu’occupe l’économie à la demande, d’un point de vue macroéconomique et déterminer quelle proportion de tous les nouveaux emplois font partie de cette économie.
Enfin, nous devons examiner l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’économie à la demande. Statistique Canada a récemment noté que les pertes de revenus attribuables à la COVID sont susceptibles d’être plus graves chez les jeunes travailleurs qui vivent de petits boulots et qui en dépendent plus souvent comme seule source de revenus.
Le Sénat peut contribuer à cette discussion. Nous disposons des outils nécessaires pour faire une étude approfondie, examiner les micro-développements et les macro-développements, entendre des témoignages et en apprendre plus sur la situation dans son ensemble.
Dans le cadre de ce travail, je proposerais que le comité entreprenne une étude auprès de groupes cibles afin d’obtenir directement des informations sur les défis du travail à la demande et, oui, même sur les possibilités qu’il offre. L’étude comprendrait des travailleurs de différentes professions et de différents secteurs industriels, tels que des artistes, des professionnels, des travailleurs qui se servent de plateformes numériques, des travailleurs journaliers, entre autres. Je pense que cet exercice sera une occasion d’apprentissage essentielle pour le comité et pour le Sénat.
Honorables sénateurs, en conclusion, bien que beaucoup d’entre nous aient fait du travail à la demande à un moment ou à un autre, notre carrière ne s’est pas résumée à cela. Cependant, de plus en plus, si la tendance se maintient, cela pourrait être le cas pour de nombreux Canadiens.
Cette étude promet d’être fructueuse, et j’encourage tous les sénateurs à appuyer la motion. Je pense que nous pouvons accomplir beaucoup de choses. Passons à l’action. Merci, sénatrice Lankin, et merci à vous, honorables sénateurs.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion tendant à exhorter le gouvernement à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice McPhedran,
Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement fédéral à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé, en vue d’interdire toute discrimination basée sur le racisme et d’offrir à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.
L’honorable Marilou McPhedran Honorables sénateurs, je prends encore une fois la parole pour appuyer la motion de la sénatrice McCallum, soit que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement fédéral à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé, en vue d’interdire toute discrimination basée sur le racisme et d’offrir à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.
Les faits à notre disposition prouvent actuellement que les patients d’origine autochtone sont aux prises avec un fardeau de racisme disproportionnellement plus élevé dans le réseau de la santé par rapport à la population générale. Si l’on prend seulement les derniers mois, plus de 9 000 personnes ont participé à une enquête sur le racisme envers les Autochtones dans le réseau de la santé en Colombie-Britannique, et plus de 600 cas ont été examinés.
Madame Mary Ellen Turpel-Lafond, la présidente de cette enquête provinciale, a déclaré que les constatations sont troublantes. Par exemple, 85 % des Autochtones ont dit qu’ils avaient été la cible de racisme et de discrimination au point de service. Le tiers des travailleurs non autochtones dans le secteur de la santé ont fourni des renseignements sur un incident raciste dont ils avaient personnellement été témoins. Au total, 52 % des travailleurs d’origine autochtone dans le secteur de la santé ont affirmé avoir été directement la cible d’actes de racisme de la part de leurs collègues.
Les cinq principes actuels de la Loi canadienne sur la santé sont la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité. Bien qu’ils soient importants et essentiels, ils semblent abstraits et insuffisants quand des Canadiens risquent d’être laissés pour compte jusqu’à en mourir à cause des préjugés liés à leur identité, comme ce fut le cas de Brian Sinclair au Manitoba.
(2010)
Voici un extrait de la lettre ouverte qu’ont reçue les sénateurs au sujet du décès de Brian Sinclair :
Il y a deux histoires centrales mais contradictoires sur les soins de santé au Canada qui dominent l’histoire de notre pays: la première est l’augmentation de l’accès garanti aux soins de santé pour tous les Canadiens et la seconde est le déclin de la santé et l’écart persistant dans les services de santé entre les Autochtones et les autres Canadiens.
Cet écart est bien documenté. Selon des recherches sur l’expérience des peuples autochtones de diverses régions du Canada, plus de 40 % des Autochtones ont été traités de manière injuste à cause du racisme. Dans l’une des études, les patients autochtones ont expliqué que le racisme était tellement marqué qu’ils planifiaient comment le gérer avant d’avoir recours à des soins médicaux d’urgence.
Le 17 mars dernier, la sénatrice Yvonne Boyer est intervenue au Sénat pour y porter la voix des femmes racisées qui ont été stérilisées sans leur consentement. La sénatrice Boyer nous a rappelé que cette pratique horrible a marqué plusieurs générations de femmes et de filles autochtones et que cette réalité tragique existe toujours, puisque des cas ont été signalés encore récemment, en 2018. Elle nous a aussi rappelé que des femmes noires, des femmes handicapées et des personnes intersexuées ont déclaré avoir été stérilisées sans leur consentement.
Le taux de mortalité infantile, l’un des indicateurs les plus révélateurs de la santé d’une population, est deux fois plus élevé chez les groupes autochtones que dans la population non autochtone.
Ces chiffres désespérants s’expliquent par de nombreux facteurs, mais on ne peut faire fi de l’intersectionnalité. On doit aussi tenir compte de la perpétuation de la violence historique et systémique dont les peuples autochtones et les différents groupes racisés du Canada ont toujours été victimes et dont ils le sont encore de nos jours dans le réseau de la santé.
Selon le rapport du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, qui a été publié en 2016 et qui portait plus particulièrement sur les jeunes et les enfants, le droit à la santé est un élément indispensable de l’existence même des peuples autochtones et il est au cœur même de leur droit à l’autodétermination.
Chers collègues, c’est à nous de faire en sorte que les services de santé offerts aux patients autochtones soient aussi efficaces et aussi empreints d’empathie que ceux qui sont offerts aux autres patients et que, quand ces mêmes patients autochtones sont à leur plus vulnérable, ils ne soient plus sous le joug du racisme colonial qui, consciemment ou non, caractérise encore aujourd’hui le réseau de la santé.
Au-delà des soins eux-mêmes, nous devons réfléchir aux déterminants sociaux qui influent de manière plus pernicieuse et intersectionnelle sur la santé, comme l’histoire de la colonisation, l’oppression culturelle et les disparités socioéconomiques. La plupart des gens ont une telle confiance dans la Loi canadienne sur la santé qu’ils en viennent à croire que l’antiracisme est profondément ancré dans la tête des professionnels de la santé et que cela se traduit dans la manière même dont ils comprennent et appliquent les cinq piliers qui en constituent le fondement actuel.
Cependant, bien qu’il soit logique que les principes de l’intégralité et de l’universalité excluent automatiquement le traitement et la conduite discriminatoires, je suis véritablement attristée de devoir affirmer que les faits contredisent ces hypothèses réconfortantes. À preuve, les statistiques nous indiquent que ce que l’on retrouve à l’heure actuelle dans la Loi canadienne sur la santé ne suffit pas, étant donné que cette loi se trouve au cœur de notre système de santé national.
L’officialisation de la lutte contre le racisme en tant que pilier de la loi constituerait une reconnaissance explicite de l’existence du racisme systémique dans notre système de santé, ainsi qu’une invitation à la conception de politiques et de pratiques visant à réduire la prévalence et les répercussions du racisme dans les soins de santé, en plus d’offrir une plateforme à des règles déterminantes pour un accès équitable et universel aux services de santé.
Comme élément de cette réponse, on pourrait retrouver l’obligation d’une formation sur la compétence et la sécurité culturelles, comme celle qui sera offerte par la Provincial Health Services Authority en Colombie-Britannique. Cela comprend des programmes offrant de la formation sur la terminologie, la diversité, les divers aspects de l’histoire coloniale, ainsi que l’examen des stéréotypes et la culture d’outils permettant de communiquer et d’établir des relations avec les patients autochtones comme moyens de rendre les services de santé plus pertinents, plus respectueux et plus efficaces.
Honorables collègues, une personne qui vient chercher de l’aide dans un établissement médical, au moment où elle est entourée de membres du personnel médical, ne devrait jamais subir la négligence et les mauvais traitements que Joyce Echaquan a enregistrés alors qu’elle se mourait dans un hôpital du Québec. Une vérification du bien-être ne devrait pas non plus pouvoir se solder par la mort de la personne qui avait besoin d’aide. Pourtant, dans les derniers mois, c’est exactement ce type de comportement dangereux, voire mortel, que nous avons observé. Pour nous attaquer aux inégalités systémiques, nous devons d’abord reconnaître qu’elles existent et examiner leurs répercussions sur les Autochtones et les autres personnes racialisées, leurs familles et leur collectivité.
Les Canadiens choisissent régulièrement le système national de santé comme la grande priorité, comme un élément essentiel pour que le Canada demeure une démocratie forte. La Loi canadienne sur la santé est l’incarnation dans l’appareil législatif fédéral de ces valeurs canadiennes et de ce Canada plus fort et plus sain auquel nous aspirons. En soutenant cette motion, les sénateurs feraient clairement preuve de leadership dans l’adoption d’une approche antiraciste en recommandant l’ajout d’un sixième pilier à la Loi canadienne sur la santé qui interdirait la discrimination basée sur la race et offrirait à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.
Saisissons cette occasion de montrer la voie à suivre. Démontrons que nous allons au-delà des mots et que nous passons à l’action en recommandant l’ajout d’un sixième pilier à la Loi canadienne sur la santé qui jette les bases pour éliminer le racisme dans notre système national de santé. Après tout, nous pouvons parfois être la Chambre du premier examen novateur et objectif.
Meegwetch à vous, sénatrice McCallum, d’avoir pris l’initiative de présenter cette motion et, par le fait même, de nous encourager à ne pas nous contenter de nommer le problème, mais plutôt de chercher une façon d’apporter des changements essentiels. Merci. Meegwetch.
(Sur la motion de la sénatrice Pate, le débat est ajourné.)
Le système de soins de longue durée
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Seidman, attirant l’attention du Sénat sur les faiblesses du système canadien de soins de longue durée, qui ont été révélées par la pandémie de la COVID-19.
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir pour ajouter ma voix à l’interpellation de la sénatrice Seidman sur le système de soins de longue durée du Canada. Je remercie la sénatrice Seidman du leadership dont elle a fait preuve en lançant un dialogue fort nécessaire sur l’état des établissements de soins de longue durée au Canada.
C’est un dossier qui me tient vraiment à cœur. Mes propres parents, qui ont eu la chance de pouvoir rester chez eux, ont récemment déménagé dans une résidence de soins de longue durée avec aide à la vie autonome. Étant père d’un fils autiste qui vit dans un foyer de groupe, je comprends la crainte qui accompagne le fait de confier le soin d’un être cher, qu’il s’agisse d’un aîné ou d’une personne handicapée, à autrui, en l’occurrence, au système de soins de longue durée. Je pense à ce parallèle parce que beaucoup de résidants d’établissements de soins de longue durée, en particulier les personnes âgées, ont des déficiences cognitives.
Chers collègues, le dialogue déclenché par cette interpellation se fait attendre depuis longtemps. La pandémie et ses résultats ne font qu’en souligner l’urgence.
Comme nous venons de l’entendre de la sénatrice McPhedran, l’année 1984 a été un moment décisif de l’histoire des soins de santé au Canada. Non seulement la Loi canadienne sur la santé est devenue l’instrument législatif pour notre régime public d’assurance-maladie, elle est également devenue une source de fierté nationale. Elle inscrit dans la loi l’objectif principal de la politique canadienne de la santé, soit « [...] de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada [...]. » Les soins de longue durée offerts en établissement font partie de cette loi.
(2020)
En effet, en 1984, le Canada s’est engagé à fournir aux aînés un environnement sûr où ils pourraient être soignés. Cependant, pour beaucoup d’entre eux, cet engagement n’a pas été respecté. Depuis longtemps, les conditions dans les établissements de soins de longue durée ne s’alignent pas parfaitement sur le principe directeur de la politique nationale en matière de soins de santé. Comme nous le savons tous, chers collègues, il existe effectivement certains exemples positifs, dont nous avons entendu parler au Sénat, mais, pour beaucoup de personnes, la réalité est bien différente.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, nous n’avons pas veillé à la sécurité de nos aînés dans les établissements de soins de longue durée. Je vais laisser les chiffres parler d’eux-mêmes. Les aînés qui vivent dans des centres de soins infirmiers et des résidences pour personnes âgées sont 77 fois plus susceptibles de mourir du virus que ceux qui vivent dans leur propre maison. En fait, un rapport du National Institute on Aging montre que 80 % des personnes décédées de la COVID-19 au Canada étaient des résidants d’établissements de soins de longue durée, et que 28 % de ces établissements ont connu des éclosions au Canada.
La situation dans les établissements de soins de longue durée est inégale d’une province et d’un territoire à l’autre. Elle est particulièrement préoccupante dans ma province. En Ontario, 43 % des établissements de soins de longue durée et des résidences pour personnes âgées ont connu des éclosions. Lorsque les Forces armées canadiennes ont été appelées en renfort, en avril dernier, de nombreux résidents étaient dans une situation précaire. Certains souffraient de malnutrition et de déshydratation et ils étaient laissés dans leurs sous-vêtements souillés, alors que d’autres avaient des plaies de pression et des infections non traitées. Nombreuses sont les personnes qui sont décédées des complications de la COVID-19 en étant seules et désespérées, sans la dignité à laquelle tous les humains ont droit. Pourtant, les problèmes du système de soins de longue durée ne sont pas nouveaux.
Comme l’ont si justement souligné la sénatrice Seidman et d’autres collègues, la pandémie n’a fait que mettre en lumière les vulnérabilités existantes du système de soins de longue durée. Avant la COVID-19, il y avait sept fois plus d’éclosions de maladies infectieuses dans les établissements de soins de longue durée que dans les hôpitaux en Ontario. Chers collègues, la confiance des Canadiens envers le système de soins de longue durée s’effrite depuis de nombreuses années. D’ailleurs, plus des trois quarts des Ontariens aimeraient mieux ne pas avoir à séjourner dans un établissement de soins de longue durée. La pandémie ne fait que montrer à quel point ignorer un problème de longue date peut avoir des effets dévastateurs sur le bien-être de la société.
Une réforme du système de soins de longue durée est requise depuis longtemps. Je n’ai pas le temps de passer en revue tous les problèmes du système de soins de longue durée au Canada, mais je vais en décrire quelques-uns.
Les préposés aux bénéficiaires constituent le plus grand groupe d’employés dans le secteur ontarien des soins de longue durée. Ils nourrissent, vêtissent, baignent et toilettent nos êtres chers, et ils font tout cela avec compassion, empathie et patience. Ils offrent aussi leurs services dans des résidences personnelles, notamment à mes parents âgés de 92 ans. Toutefois, à cause des conditions de travail inadéquates, il est difficile pour la province de maintenir en poste ces préposés. Même si les services fournis sont d’excellente qualité, on observe souvent de la confusion et des dysfonctionnements bureaucratiques dans leur administration.
Mes parents ont pu le constater personnellement dans le cadre des services qu’ils reçoivent à domicile : une trop grande rotation des préposés aux bénéficiaires, une coordination inégale des délais de service et un manque évident de formation. En effet, le quart des préposés quittent chaque année le secteur des soins de longue durée, alors que presque tous les établissements de soins de longue durée de l’Ontario ont du mal à combler les plages horaires et à recruter des employés.
Honorables collègues, la rémunération au salaire minimum et l’absence de congés de maladie payés ne favorisent pas beaucoup le maintien en poste des employés. Or, à cause de la pénurie chronique de personnel, les préposés aux bénéficiaires travaillent dans des conditions stressantes. Bon nombre d’entre eux sont de nouveaux arrivants au Canada et peuvent naturellement avoir de la difficulté à s’adapter. Même s’ils sont déterminés à offrir aux aînés les soins dignes et respectueux qu’ils méritent, la surcharge de travail peut parfois les empêcher de le faire. C’est particulièrement inquiétant compte tenu de la stratégie Vieillir chez soi de l’Ontario, lancée en 2010, qui a fixé des critères d’admission plus rigoureux.
Depuis, les centres de soins de longue durée n’accueillent que des aînés qui ont besoin d’un niveau de soins très élevé. C’est donc dire que les résidents de ces centres ont besoin de beaucoup de soins médicaux et de soins personnels. La triste réalité, c’est que de nombreux préposés aux bénéficiaires subissent de la violence physique et verbale de la part des résidents. En cette époque d’isolement, chers collègues, les résidents n’ont souvent pour seule compagnie que les préposés aux bénéficiaires.
Le manque de personnel est particulièrement criant dans les résidences de soins de longue durée à but lucratif. En Ontario, les centres à but lucratif emploient 17 % moins d’employés que les établissements à but non lucratif. Cette situation a indéniablement des conséquences. Ainsi, les résidences de soins de longue durée les plus durement touchées par la pandémie étaient toutes des résidences à but lucratif. Selon une étude publiée dans le Canadian Medical Association Journal, le statut d’organisation à but lucratif a une incidence sur l’ampleur que risque de prendre une éclosion de COVID-19. En effet, quand des éclosions se produisaient dans des résidences à but lucratif, on constatait « deux fois plus de résidents infectés [...] et 78 % plus de décès parmi les résidents [...] comparativement aux résidences à but non lucratif. »
Fait encore plus préoccupant, étant donné le manque de surveillance de la part du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario, beaucoup d’exploitants de résidences de soins de longue durée n’ont pas vraiment de comptes à rendre bien qu’ils n’aient pas pris de mesures adéquates pour protéger la santé et la sécurité des résidents.
Entre mars et octobre 2020, seulement 11 des 626 résidences de soins de longue durée de l’Ontario ont fait l’objet d’inspections proactives, alors que les résidents de ces établissements étaient les plus durement touchés par la pandémie.
Chers collègues, on dirait que le bien-être et la sécurité des aînés ont été sacrifiés sur l’autel des marges de profit. On n’investit pas suffisamment dans les maisons d’hébergement pour répondre à la demande sans cesse croissante de la population vieillissante, et elle est là, la triste réalité.
En Ontario, seulement 7 % des dépenses totales en santé sont consacrées aux soins de longue durée. Pour tout dire, le Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario a calculé que, de 2011 à 2018, le nombre de lits de longue durée a crû de seulement 0,8 % dans toute la province, alors que le nombre de personnes âgées a augmenté de 20 % pendant la même période. Voilà pourquoi, en 2018-2019, près de 35 000 aînés de l’Ontario attendaient qu’on leur trouve une place dans une maison de soins de longue durée, un chiffre qui, selon le cabinet du premier ministre de l’Ontario, est passé à 38 000 en juillet de l’année dernière.
Le sous-financement des maisons de soins de longue durée a un effet sur l’ensemble du réseau de la santé. La médecine de couloir qui fait la marque des hôpitaux est particulièrement inquiétante. Le quart des personnes qui vivent dans un établissement de longue durée arrivent directement de l’hôpital, où ils ont passé en moyenne 54 jours, alors qu’ils n’avaient plus besoin de soins hospitaliers; ils attendaient simplement qu’on les transfère dans leur nouvelle demeure.
Le problème était devenu si criant que le gouvernement de l’Ontario a mis sur pied le Conseil du premier ministre pour l’amélioration des soins de santé et l’élimination de la médecine de couloir. Dans la lettre qu’il a fait parvenir au premier ministre de l’Ontario, à la ministre de la Santé et à la ministre des Soins de longue durée, en janvier 2019, le conseil dénonçait le fait que l’attente pour un lit de longue durée était de 146 jours. Elle est aujourd’hui de 161 jours.
Par rapport aux autres pays de l’OCDE, le Canada investit près d’un tiers de moins dans les soins de longue durée financés par l’État. En Ontario, du budget annuel de la santé de 63,5 milliards de dollars, un peu plus de 3 milliards de dollars sont consacrés aux soins à domicile, dont environ 2 milliards de dollars aux services directs et 1 milliard de dollars à l’administration.
Le Canada a beaucoup à apprendre de ses amis européens, dont les gouvernements ont obtenu de bien meilleurs résultats relatifs au bien-être des aînés pendant la pandémie. Dans son excellent nouveau livre, intitulé Neglect No More, André Picard, un journaliste du Globe and Mail spécialisé dans la santé, donne des exemples d’autres pays qui pourraient servir de leçons au Canada. La tendance écrasante dans les pays nordiques ainsi qu’aux Pays-Bas, en Allemagne et en France est d’offrir davantage de services à domicile aux personnes qui en ont besoin, et ce, le plus longtemps possible. Pourquoi nos aînés devraient-ils payer jusqu’à 10 000 $ ou plus de leurs économies par mois alors qu’ils pourraient recevoir des services dans le confort de leur propre maison?
Depuis le début de la pandémie, les Canadiens ont été choqués par les conséquences de l’incapacité à prodiguer des soins de grande qualité dans les établissements de soins de longue durée. Pourtant, des rapports ont été produits, des appels à l’action ont été lancés et des avertissements ont été donnés pendant des années. Tous étaient axés sur la même chose : le besoin crucial de réformer les conditions des établissements de soins de longue durée.
Chers collègues, en tant que parlementaires, les décisions que nous prenons ou ne prenons pas ont une incidence sur la vie des Canadiens. À titre de sénateurs, nous avons notamment le rôle d’examiner les questions qui nécessitent une attention particulière. La pandémie a jeté une lumière crue sur le sort des aînés au Canada.
Les gouvernements de tout le pays devraient tirer des leçons de cette expérience et élaborer des politiques et des normes qui ne restent pas sur les tablettes, mais qui sont appliquées. Nous avons besoin d’un groupe de travail actif, pas seulement d’une autre étude. Pour ce faire, il faudra un budget et de l’initiative. Nous devons répondre à la demande de la Canadian Association for Long Term Care pour faire en sorte que les établissements de soins de longue durée disposent des ressources dont ils ont besoin pour fournir le niveau et le type de soins que les aînés méritent. Établir des normes nationales devrait faire partie de cette mesure.
Je tiens à remercier une fois de plus la sénatrice Seidman de l’initiative dont elle a fait preuve dans ce dossier au Sénat. Je tiens également à remercier tous les sénateurs qui ont pris la parole. Il s’agit d’un sujet extrêmement difficile. Il faut absolument agir dans le secteur des soins de longue durée. Les soins aux aînés sont l’un des enjeux de politique sociale les plus urgents de la société, peu importe où nous vivons dans ce beau et grand pays. Cela exige de l’ordre, du bon sens et du financement. Comme les derniers mois l’ont montré, les vies des aînés — et nos propres vies à l’avenir — en dépendent. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)
(2030)
Le lien entre la prospérité et l’immigration
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Omidvar, attirant l’attention du Sénat sur le lien entre la prospérité antérieure, actuelle et future du Canada et sa connexion profonde à l’immigration.
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui dans le cadre du débat sur l’interpellation no 10, un sujet qui me tient à cœur : le lien profond qui existe entre l’immigration et la prospérité du Canada. Le présent discours devait initialement être mon premier prononcé en cette enceinte. Je remercie la sénatrice Omidvar d’avoir présenté son interpellation de nouveau et le groupe de travail sénatorial sur l’immigration de son engagement envers la question.
Je n’oublierai jamais la fierté que j’ai ressentie, moi, fils de parents immigrants, lorsque j’ai prêté serment d’allégeance à la Chambre haute du Canada. Je n’oublierai jamais le moment où j’ai vu les membres de ma famille assis à la tribune ce jour-là. Il s’est passé beaucoup de choses depuis ma cérémonie d’assermentation il y a plus d’un an. Nous avons été plongés dans une crise sanitaire mondiale qui a eu des répercussions dévastatrices sur l’économie et la société, ici et à l’étranger. Je m’en voudrais de ne pas offrir mes sincères condoléances à tous ceux qui ont été touchés par la pandémie et en particulier à ceux qui ont perdu un être cher.
Jusqu’à présent, mon séjour au Sénat a été singulier à bien des égards, mais le fait de servir les Canadiens dans cette Chambre demeure le plus grand honneur de ma carrière. Je ne tiendrai pas ce privilège pour acquis.
[Français]
En effet, je m’engage de tout cœur à représenter la province de Québec au mieux de mes habiletés. Je suis fier d’être le fils d’immigrants qui ont choisi Montréal pour y faire leur vie. Je remercie mes parents d’avoir fait ce choix.
[Traduction]
En tant que sénateurs, nous sommes ici pour servir tous les Canadiens et pour travailler pour eux, mais aussi pour représenter les minorités et défendre leurs droits. Grazie per il vostro sostegno. E a tutti gli italo-canadesi, la mia porta è sempre aperta.
L’histoire de ma famille est comme celle de milliers d’autres familles qui ont vu le Canada comme une terre d’espoir et de possibilités. Mes parents ont quitté l’Italie et sont arrivés par bateau à Ellis Island, à New York, au printemps 1962. Ils ont tout de suite traversé la frontière pour venir au Canada. Ma mère, enceinte de moi, était en fin de grossesse. Je suis né au Canada. Je suis très fier d’être Canadien et je suis reconnaissant de ce double patrimoine.
Mes parents ont travaillé dans des usines toute leur vie. Ma mère était une excellente couturière. J’ai de vifs souvenirs de ma mère faisant de la couture pour nous confectionner des vêtements. Quant à mon père, il travaillait dans une usine de matelas. Il recevait 27 cents pour chaque matelas qu’il fabriquait. Dans notre foyer, les dimanches soirs étaient angoissants. Je comptais les bons de travail avec mon père pour savoir combien il avait gagné cette semaine-là. Il y avait des dimanches où je pouvais voir l’inquiétude dans les yeux de mon père pendant qu’il faisait le calcul et qu’il se demandait s’il aurait assez d’argent pour la semaine suivante. Habituellement, mon père faisait des heures supplémentaires jusqu’à 21 heures, et ma mère a fait des quarts de soir à partir de 17 heures pendant de nombreuses années. La vie n’était pas facile. Je me souviens que je gardais mon frère Nick au retour de l’école jusqu’à l’arrivée de mes parents en soirée. J’avais 10 ans, et mon petit frère, 1 an. Ma sœur Vera est venue compléter la famille Loffreda trois ans plus tard, en 1975.
Il n’était pas rare que des familles d’immigrants comme la nôtre aient de la difficulté à joindre les deux bouts. S’il y a une chose que j’ai apprise, c’est que la résilience est une qualité que bien des familles d’immigrants ont en commun. Nos expériences de vie peuvent être difficiles, mais elles peuvent être tout aussi valorisantes, et nous pouvons en tirer des leçons importantes, des leçons de courage et de détermination. Les réussites personnelles et professionnelles des immigrants sont souvent attribuables en partie aux principes et aux valeurs qui leur sont chers.
Dans ma propre vie, en tant que Canadien d’origine italienne de première génération, je considère comme primordial les principes fondamentaux suivants. L’intégrité ne se négocie pas. Ce principe m’a guidé tout au long de ma carrière de 35 ans dans le secteur financier et il me guidera toujours tout comme la collaboration et le service, le fait de travailler ensemble et de se soutenir les uns les autres pour le bien de nos communautés et de nos familles. L’altruisme — une valeur commune à mes parents et à beaucoup de religions et de cultures — s’est avéré essentiel dans ma vie. J’ajoute à cela la responsabilité et l’imputabilité, parce que, quand il s’agissait de nous occuper de nos frères et sœurs et de notre famille, nous avions tous un rôle à jouer.
S’agissant de la force de notre communauté, et, plus tard, de ma propre conception d’un bon leadership, nul doute que la passion et l’ambition étaient aussi au premier plan. J’apprends à mes enfants que l’on se souviendra de nous non seulement pour nos paroles, mais aussi nos actions et nos façons de faire.
Bien que plusieurs histoires que racontent les immigrants se ressemblent, je reconnais que l’expérience de l’immigration est vaste. Parmi les fils conducteurs de notre histoire, on sait que les immigrants se sont largement intégrés à notre économie, et qu’ils y ont grandement contribué, de même qu’à notre pays. Je sais qu’ils continueront à le faire, à partir des côtes du Portugal, à partir des plaines de la Syrie, ou à partir d’une petite ville en Italie appelée Dragone, où mon père est né.
[Français]
L’immigration a fait partie intégrante de la réussite du Canada dès le début de son histoire et, plus important encore, elle sera essentielle à notre croissance continue. Malgré tout, les Canadiens sont toujours divisés sur la question. Au cours de la dernière année seulement, certains sondages nous ont démontré un mélange d’opinions sur les objectifs du Canada en matière d’immigration.
Quelques semaines avant que la pandémie nous frappe, la firme Abacus Data avait mené une enquête d’opinion sur l’immigration, selon laquelle 55 % des répondants estimaient que la meilleure façon de faire croître l’économie était de réduire l’immigration. Cependant, 72 % ont convenu que notre histoire démontre que la croissance de l’économie et l’augmentation du taux d’immigration allaient de pair.
Un récent sondage réalisé par Léger Opinion et l’Association d’études canadiennes (AEC) montre que 52 % des Canadiens ne souhaitent pas une augmentation de l’immigration en raison de la pandémie et qu’ils préfèrent que les faibles taux actuels soient maintenus pendant au moins un an.
Heureusement, une enquête menée à la mi-septembre pour Focus Canada présente des résultats encourageants, soit que deux tiers des Canadiens rejettent désormais l’idée que les niveaux d’immigration sont trop élevés, et que plus de huit personnes sur dix sont d’accord pour dire que l’immigration a un impact positif sur l’économie canadienne. Enfin, une proportion de gens à peu près identique rejette l’idée que les immigrants enlèvent des emplois aux autres Canadiens.
Au contraire, chers collègues, les immigrants continuent de contribuer à notre économie en nombres impressionnants. Les immigrés ne volent pas d’emplois, ils en créent.
Je sais que la pandémie a ralenti l’immigration en 2020, mais je pense sincèrement que nous devons continuer à favoriser des taux d’immigration élevés une fois que nous serons sortis de cette crise.
En tant qu’ancien banquier, je ne surprendrai personne en prenant un moment pour souligner à quel point les immigrants contribuent à notre économie et, naturellement, à la prospérité de notre pays.
Le Conseil canadien des affaires nous a dit ce qui suit il y a quelques mois :
Il existe un large consensus entre les partis politiques qui confirme que l’immigration est essentielle à notre croissance économique à long terme. Les nouveaux arrivants apportent de l’énergie, des compétences, de nouvelles idées et un esprit d’entreprise. Ils créent des entreprises, comblent les pénuries de compétences […] et paient des impôts.
[Traduction]
Honorables sénateurs, considérez ceci : dans un récent discours, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco Mendicino, a souligné qu’une entreprise sur trois appartenait à des immigrants, créant ainsi de nombreux emplois, et que les immigrants représentaient environ la moitié des travailleurs du secteur de l’hôtellerie, le tiers des travailleurs de la santé et le tiers des travailleurs des services de transport. Autrement dit, trois secteurs importants de l’économie sont portés en grande partie par des immigrants.
Tout récemment, Anil Arora, le statisticien en chef du Canada, s’est adressé à notre groupe de travail sur l’immigration et il nous a fourni des données révélatrices. Par exemple, il a souligné que les entreprises dirigées par des immigrants étaient plus susceptibles d’exporter et de percer de nouveaux marchés, et qu’elles étaient également plus susceptibles d’étendre leurs activités en 2021. Les faits sont incontestables : les immigrants sont la clé de la prospérité d’aujourd’hui et de demain.
En mars 2016, Statistique Canada a également publié un rapport qui montrait « que les taux de propriété d’entreprises privées et de travailleurs autonomes non constitués en société étaient plus élevés chez les immigrants qu’au sein de la population née au Canada ». Cela prouve que les immigrants créent des emplois, stimulent la croissance et paient leur part d’impôt.
(2040)
Comme Bruce Anderson, de l’entreprise Abacus, a écrit :
Quand l’immigration est à la hausse, notre PIB est plus élevé; quand les niveaux sont plus bas, c’est le contraire qui se produit.
Qu’est-ce que cela signifie? L’immigration est probablement le choix économique et financier le plus judicieux — et le plus crucial — que le Canada peut faire. Ce n’est pas la « bonne » chose à faire, c’est la « seule » chose à faire.
Or, les courbes démographiques du Canada sont en pleine transition. Le taux de fécondité est en chute libre. Oui, j’attends toujours de devenir grand-père. Les baby-boomers se retirent du marché du travail à un rythme précipité, tandis que l’espérance de vie est à la hausse. M. Anderson a d’ailleurs ajouté :
Nous approchons très rapidement du point de bascule où il y aura plus de personnes âgées qui ont besoin de soutien, et moins de travailleurs pour se partager ce fardeau.
Le ministre Mendicino s’est justement prononcé sur cet enjeu récemment. Il a précisé que notre population active comptait sept travailleurs pour chaque retraité en 1971; aujourd’hui, il n’y a que quatre travailleurs par retraité. Selon les prévisions, cette proportion baissera à deux travailleurs par retraité en 2035. Il faut réfléchir à ce que cela signifie réellement pour le Canada. Pour être clair, cela signifie que nous avons besoin des immigrants. Nous avons besoin d’augmenter le nombre de travailleurs au sein de la population active pour qu’ils contribuent à notre économie et qu’ils paient des impôts. Les immigrants aident à soutenir nos programmes sociaux et notre population vieillissante.
Les contributions des immigrants à notre société vont bien au-delà du marché du travail. J’espère que d’autres sénateurs participant à cette interpellation contribueront à faire avancer la discussion et à explorer d’autres aspects, tels que la diversité culturelle globale, nos établissements postsecondaires multiculturels, notre réputation mondiale, notre commerce extérieur et notre capital intellectuel.
Il ne fait aucun doute que notre système d’immigration et nos politiques d’intégration ne sont pas parfaits, mais ils nous ont bien servis depuis des décennies. En analysant les données, nous nous rendons rapidement compte que les immigrants ont très bien réussi à intégrer le marché du travail. Par exemple, en 2019, quand le taux de chômage s’élevait à 5,7 %, celui des immigrants admis était de 6 %, soit juste un peu plus élevé. Si nous examinons les statistiques relatives aux immigrants étant arrivés ici il y a cinq ans ou moins, ce taux s’élevait à 9,5 %. Toutefois, il convient de souligner que le taux de chômage des immigrants étant arrivés au Canada il y a 10 ans ou plus n’était que de 5 %, ce qui est inférieur à la moyenne nationale de l’ensemble de la population, qui s’élevait à 5,7 % en 2019.
Par conséquent, au fil du temps, les immigrants s’intègrent très bien au marché du travail canadien. La question est donc la suivante : que peut-on faire pour accélérer l’intégration et réduire l’écart entre les immigrants récents et les immigrants de longue date?
Je sais que le gouvernement est déterminé à trouver des solutions et à améliorer le système global alors qu’il continue à accueillir les néo-Canadiens en suivant un processus sûr et ordonné, même dans des circonstances difficiles. Je crois aussi que le Sénat est l’endroit tout indiqué pour étudier cette question — peut-être au moyen d’un de ses comités permanents — et fournir au gouvernement une feuille de route pour améliorer ses politiques d’immigration et ses stratégies d’intégration.
En 2019, l’OCDE a publié un rapport dans lequel il félicitait le Canada de disposer du système d’immigration de main-d’œuvre qualifiée le plus élaboré et le plus ancien de l’OCDE », en précisant que notre système « est largement perçu comme une référence pour d’autres, et son succès est attesté par ses bons résultats en matière d’intégration ».
Chers collègues, nous avons l’occasion aujourd’hui de faire en sorte que le Canada demeure un pôle d’attraction pour les esprits les plus brillants de partout sur la planète, tout en continuant à se concentrer sur la réunification des familles et la réinstallation des réfugiés. Nous devons tirer parti de notre réputation mondiale et accélérer l’immigration lorsque cette crise sera terminée.
Heureusement, le gouvernement est d’accord. Il a récemment annoncé son plan d’immigration pour les trois prochaines années. Son plan définit la voie à suivre pour accroître les niveaux d’immigration de façon responsable afin d’aider l’économie canadienne à se remettre de la COVID-19, de stimuler la croissance future et de créer des emplois.
Le gouvernement est résolu à rattraper le temps perdu à cause de la pandémie. De 2021 à 2023, il espère accueillir 1,2 million d’immigrants.
Aux ressortissants étrangers qui deviendront un jour des Canadiens, je dis, « Bienvenue chez vous. » Plus important encore, je leur dis, « Merci. Merci de nous avoir choisis. »
[Français]
Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que le Canada est le meilleur pays au monde où vivre, et je crois sincèrement que la générosité et l’ouverture d’esprit des Canadiens expliquent pourquoi tant d’étrangers veulent rejoindre notre grande famille canadienne. Cette initiative de la sénatrice Omidvar est pour nous une occasion en or de célébrer l’immigration dans toute sa splendeur et de plaider en faveur de meilleures politiques et de meilleurs programmes de soutien.
[Traduction]
Pour conclure, j’aimerais dire merci. Merci au Canada d’être un symbole d’espoir et de réussite pour beaucoup d’immigrants. Je remercie les Canadiens d’avoir accueilli ma famille et tous les immigrants, de leur avoir permis de réussir et surtout de se sentir chez eux dans ce pays nordique, mais bien chaleureux.
Nous avons une très riche histoire de politiques d’immigration réussies. Je suis sûr que notre réputation de merveilleux pays d’accueil se maintiendra encore longtemps.
Chers collègues, je vous remercie de votre attention. C’est un honneur de travailler en cette enceinte avec vous. Je suis impatient de continuer à lutter encore plus fort, ensemble, au service d’un avenir toujours meilleur. Merci. Meegwetch.
(Sur la motion du sénateur Woo, le débat est ajourné.)
L’honorable Lillian Eva Dyck
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Cordy, attirant l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Lillian Eva Dyck, ancienne sénatrice.
L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour rendre hommage à une sénatrice exceptionnelle — qui a fait cadeau au Sénat de sa passion, de son calme et de sa rigueur —, et une femme remarquable — qui a fait montre d’intelligence et de courage dans son travail parlementaire.
Comme beaucoup l’ont dit avant moi, Lillian Dyck était une pionnière au Sénat. Universitaire et neuroscientifique accomplie, elle a apporté au Parlement la science et les politiques fondées sur des données probantes. Elle a aussi donné le ton, pour que le Sénat soit plus inclusif et respectueux. Elle n’a cessé de mettre l’accent sur les questions autochtones, relatives aux femmes en particulier, et elle s’est battue vaillamment pour les droits des peuples autochtones.
Jusqu’au moment où elle a quitté la Chambre rouge, la sénatrice Dyck a travaillé sans relâche pour en faire un espace respectueux, sans harcèlement et vraiment honorable, notamment lors de sa dernière interpellation, qu’elle a lancé après le rejet, par la Direction des ressources humaines, sur les conseils du légiste et conseiller parlementaire du Sénat, de sa plainte pour harcèlement contre un sénateur, parce que le privilège parlementaire l’emportait sur la politique anti-harcèlement de 2009, même si cette politique était, en fait, muette sur la question.
Chers collègues, cela est tout à fait pertinent, car la nouvelle politique proposée par le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration va encore plus loin dans ce sens en ne prévoyant aucun recours particulier en cas de harcèlement, même pour les employés qui ne sont pas sénateurs, lorsque le harcèlement se produit au cours des délibérations, qui sont « largement définies ».
En février dernier, la sénatrice Dyck a expliqué qu’il n’y a aucun recours adéquat permettant à un sénateur de porter plainte pour du harcèlement de la part d’un autre sénateur dans le cadre des travaux du Sénat et que, selon la politique de prévention du harcèlement en vigueur, qui a déjà été abrogée auparavant, la protection du privilège parlementaire était loin d’être égale pour tous. Je me permets de citer les propos suivants :
[...] le privilège dont il est question dans la politique du Sénat contre le harcèlement est unilatéral. Alors que le privilège parlementaire de l’auteur du harcèlement est pris en compte pour le protéger, celui de la victime est négligé. Le privilège de la victime devrait aussi être pris en compte afin que cette dernière puisse remplir ses fonctions parlementaires sans ingérence ou obstruction injustifiée causée par le harcèlement.
(2050)
Le harcèlement inacceptable que la sénatrice Dyck a dû endurer dans le cadre des travaux parlementaires ainsi que la façon dont sa plainte a été traitée soulèvent des questions sur les plans éthique, procédural et administratif, et surtout des questions d’ordre parlementaire sur lesquelles cette Chambre doit se pencher.
[Français]
Chers collègues, les problèmes de harcèlement et de violence contre les femmes, surtout en politique, ne sont pas nouveaux. Les femmes ont été, historiquement, victimes de harcèlement dans toutes les sphères de leur vie, y compris en milieu professionnel. Depuis plusieurs années déjà, des mouvements comme le mouvement #MeToo exposent le harcèlement vécu par les femmes. Encore tout récemment, des allégations sérieuses et inquiétantes de harcèlement auquel s’est livré un sénateur ont fait les manchettes à travers le Canada. Le Sénat n’est pas à l’abri du harcèlement, et ce, même de la part de ses propres pairs.
On nous a confirmé dans cette Chambre il y a quelques mois que la Direction des ressources humaines a bloqué plus d’une plainte de harcèlement en 2019; chacune d’elles s’est conclue avec l’invocation de ce tristement célèbre privilège parlementaire qui semble excuser les sénateurs de tout comportement qui serait inacceptable ailleurs.
Pourtant les parlements du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie ont réussi à moderniser leur définition du privilège parlementaire pour l’harmoniser avec une vision plus contemporaine.
Sommes-nous satisfaits de vivre dans une telle complaisance face au harcèlement auquel nos collègues sénatrices et sénateurs font face? Est-il acceptable que, dans cette Chambre haute, lieu de révision législative et de réflexion d’importance nationale, nous acquiescions à une atmosphère professionnelle d’inégalités et de violence verbale et psychologique?
En 2019, l’Union interparlementaire, dont le Canada est membre, a présenté ses lignes directrices pour l’élimination du sexisme, du harcèlement et de la violence contre les femmes parlementaires. Dans cette publication, on notait que 82 % des femmes parlementaires qui avaient répondu au sondage avaient déclaré avoir souffert de violence psychologique au cours de leur mandat. Pire encore, seulement 21 % de ces parlements s’étaient dotés d’une politique contre le harcèlement entre parlementaires, même si le Sénat du Canada est la preuve même que l’existence d’une politique n’assure pas la protection des employés ni des sénateurs et sénatrices.
[Traduction]
Dans son étude exhaustive de la question, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a montré la chose suivante :
[La] sécurité physique, psychologique, économique, sociale et culturelle des femmes, des filles [...] autochtones est presque constamment menacée.
Il faut non seulement éradiquer cette situation à l’échelle du pays, mais également s’assurer qu’elle ne puisse survenir dans l’une de ses institutions les plus prestigieuses. Ce sera un hommage à Lillian Dyck si le Sénat adopte des mesures énergiques pour faire cesser tout type de violence à l’endroit des femmes. Je crois que la majorité d’entre nous, chers collègues, souhaitent accroître le respect, la collaboration, la confiance et le décorum au Sénat. Je sais que c’est une priorité du Groupe des sénateurs indépendants, comme le révélait un vote récent.
Pendant une certaine période cette année, la parité était encore une fois parfaite au Sénat, une première pour une institution canadienne d’envergure. Cela survient alors que nous célébrons le 50e anniversaire du rapport sur l’égalité entre les sexes de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada.
Plus que jamais, nous avons ce qu’il faut pour comprendre les enjeux liés au harcèlement et y répondre au moyen d’outils pertinents et efficaces, notamment un changement de culture et une robuste politique contre le harcèlement.
Le rapport de février 2019 du Sous-comité sur les ressources humaines du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration qui porte sur la modernisation de la politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence reconnaît, à quatre différents endroits, la nécessité de modifier la politique pour tenir compte du privilège parlementaire. Toutefois, il ne précise pas de quelle manière. Les sources fournies ne précisent pas non plus comment s’y prendre. Je remarque avec inquiétude que, contrairement aux politiques antérieures du Sénat sur la prévention du harcèlement et à la toute nouvelle politique sur la prévention du harcèlement et de la violence approuvée aujourd’hui, nous ne faisons pas mention du privilège parlementaire. Pourtant, c’est notre choix collectif de lever le privilège parlementaire en cas de harcèlement. C’est notre choix collectif d’intégrer la prévention du harcèlement dans notre code d’éthique, puisque le harcèlement est une question d’éthique.
La nouvelle politique propose explicitement d’exclure toutes les délibérations parlementaires du processus en raison du privilège parlementaire. Chers collègues, comme le dirait Lillian Dyck, si nous sommes tenus à l’écart du processus décisionnel, alors il y a atteinte à notre privilège parlementaire.
Comment pouvons-nous expliquer cela à la population? Les deux Chambres du Parlement doivent mettre en œuvre le projet de loi C-65. L’une l’a fait au moyen d’une politique qui ne soustrait pas explicitement les délibérations parlementaires à son application tandis que la nôtre laisse explicitement les victimes de harcèlement perpétré dans le cadre des délibérations parlementaires sans autre recours que de dénoncer les harceleurs en direct au Sénat si elles ont la chance d’être des sénateurs.
Aller de l’avant sans procéder à des changements ne rendrait pas justice à notre ancienne collègue. Pour vraiment honorer l’héritage de pionnière de la sénatrice Dyck, nous devons agir dans cet important dossier qu’elle a eu le courage de porter à notre attention.
Chers collègues, la sénatrice Dyck a fait figure de pionnière. Enseignante, mentor et amie, elle mérite tous les éloges qui lui sont faits pour sa contribution exceptionnelle au Canada. Sa perspicacité, son intelligence et son professionnalisme me manquent déjà beaucoup. Merci pour tout ce que vous avez fait, Lillian. Maintenant que vous nous avez passé le relais, profitez de votre retraite bien méritée du Sénat. Merci. Meegwetch.
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)
[Français]
Langues officielles
Motion tendant à autoriser le comité à étudier l’application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, et à recevoir les documents reçus et les témoignages entendus depuis le début de la première session de la quarante-deuxième législature—Débat
L’honorable René Cormier, conformément au préavis donné le 19 novembre 2020, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi;
Que le comité soit aussi autorisé à étudier les rapports et documents produits par le ministre du Patrimoine canadien, la ministre du Développement économique et des Langues officielles, le président du Conseil du Trésor et le commissaire aux langues officielles, ainsi que toute autre matière concernant les langues officielles;
Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis sur la question par le comité depuis le début de la première session de la quarante-deuxième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 17 décembre 2021, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
— Honorables sénateurs, étant donné la motion que nous avons adoptée précédemment, qui autorise les comités à se réunir, je ne suis pas sûr d’avoir besoin de faire adopter cette motion, mais je la propose tout de même, pour plus de certitude.
(2100)
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Cormier, il est maintenant 21 heures. Je dois donc ajourner la séance. Vous pourrez poursuivre le débat sur votre motion lors de la prochaine séance.
(À 21 heures, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 20 avril 2021, à 14 heures.)