Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 48
Le jeudi 10 juin 2021
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- ANNEXE
- RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES
LE SÉNAT
Le jeudi 10 juin 2021
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de Maurice Chaput
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à un ami, Maurice Chaput, de Ste. Anne, au Manitoba, qui est décédé plus tôt cette année après une courageuse bataille contre le cancer.
Maurice était une icône dans sa ville natale, mais pour moi, il était à la fois un ami et un adversaire de hockey. J’ai rencontré Maurice pour la première fois sur la glace en jouant au hockey. Il était un capitaine de 22 ans des Aces de Ste. Anne alors que j’avais 18 ans et que je jouais pour les Dutchmen de Landmark. Bien que je ne me souvienne pas du moment précis de notre rencontre, je soupçonne que j’ai eu affaire à ses coudes en premier.
Maurice était connu pour ses talents de hockeyeur, mais aussi pour être un joueur rude et coriace. Aujourd’hui, ses tactiques sont peut-être désapprouvées, mais à l’époque, on le respectait comme un joueur agressif et accompli.
Maurice était grand et intimidant et il avait quatre ans de plus que moi, mais j’étais petit, rapide et déterminé. Nous étions tous deux des compétiteurs acharnés et nous nous retrouvions souvent dans les coins où les bâtons s’entrechoquaient et les corps se cognaient contre la bande, se disputant la rondelle. J’attribue bon nombre des maux de cou et de dos que j’ai aujourd’hui à ces affrontements avec Maurice Chaput.
Même si nous étions de fiers compétiteurs, nous étions aussi de très bons amis, ce qui surprenait beaucoup de gens. Un grand nombre de personnes sont demeurées bouche bée quand, des années plus tard, je suis arrivé sur la glace pour le début de la saison de curling, accompagné de Maurice et de son frère André. Cette saison-là, ils ont tous les deux joué avec moi, alors que j’étais le capitaine de notre équipe masculine au club de curling de Ste. Anne.
Par la suite, j’ai travaillé avec Maurice quand il était président de la ligne de hockey midget AAA du Manitoba. Quand Maurice a décidé de quitter son poste de président des Eastman Selects, l’équipe locale de hockey de calibre AAA, il m’a demandé si je voulais le remplacer. J’ai été honoré d’accepter.
Maurice était très engagé dans sa communauté, où il était considéré comme un héros. Il a joué plusieurs rôles, y compris celui de chef des pompiers, de préfet de la municipalité rurale de Ste. Anne, de président de l’Association de hockey mineur de Ste. Anne et de président de la ligue de hockey junior Hanover Tache. De plus, il a participé activement à la construction du premier aréna de Ste. Anne et, plus tard, à l’installation du système de glace artificielle de cet aréna.
Maurice était franco-manitobain et fier de l’être, tout comme sa sœur aînée, l’honorable Maria Chaput, ancienne sénatrice dont beaucoup de sénateurs se souviendront. En 1994, il est devenu le premier directeur du transport et de l’entretien de la Division scolaire franco-manitobaine, où il a ensuite occupé divers postes et travaillé avec ardeur pendant 20 ans. Après son décès, la Ville de Sainte-Anne a donné à l’aréna de la ville le nom de « Complexe sportif Maurice Chaput » pour rendre hommage à Maurice et souligner ses réalisations.
Chers collègues, je me souviendrai toujours de mon bon ami Maurice Chaput, de son amitié chaleureuse, de son tempérament bon enfant et de sa loyauté indéfectible envers les personnes et les causes auxquelles il tenait. Je n’aurai pas le temps de dresser la liste de tout ce qu’il a apporté à sa communauté et à sa province, mais Maurice Chaput était décidément quelqu’un qu’on souhaitait toujours avoir de son côté.
Je prie aujourd’hui pour que le souvenir de Maurice apporte de la joie aux personnes endeuillées par son décès et pour que celles-ci soient réconfortées par la présence de Dieu dans leur vie. Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
La Journée mondiale contre le travail des enfants
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour marquer la Journée mondiale contre le travail des enfants, qui aura lieu ce samedi. Alors que ce fléau connaissait un recul de près de 40 % de 2000 à 2016, le travail des enfants a recommencé à augmenter et la pandémie accélère la tendance.
Cent soixante millions d’enfants sont forcés de travailler partout sur la planète, et près de la moitié d’entre eux le font dans des conditions dangereuses. En raison du confinement et de la perturbation des chaînes d’approvisionnements, les écoles ont fermé et des parents ont perdu leur gagne-pain, ce qui a poussé plus d’enfants à mettre leur sécurité, leur dignité et leur développement en péril pour aider leur famille.
Human Rights Watch vient de tracer un portrait saisissant dans son rapport intitulé Je dois travailler pour manger, et pour lequel les témoignages de 80 enfants du Ghana, de l’Ouganda et du Népal ont été recueillis. Avant la pandémie, des milliers d’enfants travaillaient déjà dans les mines d’or du Ghana, même si la loi l’interdit. Il y a pire : les enfants expliquent qu’ils concassent l’or, s’étouffent avec la poussière, et manipulent du mercure toxique. Solomon, âgé de 14 ans, dit qu’il a mal partout, car il transporte des poches de minerai du fond de la mine à la surface, 12 heures par jour.
Les enfants ont faim. En Ouganda, Florence, âgée de 13 ans, a commencé à travailler, car la faim la tenaillait, sa famille survivant de porridge et de thé. Florence et ses huit frères et sœurs ont cessé d’avoir accès aux repas offerts par l’école, qui a fermé.
Au Népal, durant le confinement, plusieurs enfants ont confié avoir commencé à travailler au moins 10 heures par jour dans des manufactures de tapis. Dans le rapport, Gita, âgée de 14 ans, explique la difficulté du tissage : ses doigts brûlent à force de nouer des fils, ses yeux lui font mal, car elle doit suivre un patron, et elle a vraiment mal aux jambes à force d’être assise.
La lecture de ce rapport m’a rendue honteuse. Comment peut-on, en tant que Canadiens, être au courant et profiter du travail des enfants, et même l’accepter sans tout faire pour combattre ce fléau lié notamment à la pauvreté?
La pandémie s’avère aussi dramatique pour les filles en Asie du Sud. Les mariages précoces et forcés ont plus que doublé l’an dernier en Indonésie, augmentant ainsi les risques pour les filles de vivre dans la pauvreté, la violence, et la maladie, car elles tombent enceintes trop jeune. Les parents, eux-mêmes appauvris, disent aux petites filles : « Ton travail, c’est d’être une épouse et une mère. »
(1410)
Il n’y a pas de solution simple à cette réalité tragique. Le Canada a les moyens de contribuer davantage à l’aide directe aux familles pauvres. Notre gouvernement et nos entreprises doivent également faire preuve de diligence dans leur chaîne d’approvisionnement pour débusquer le travail des enfants et les aider à retourner à l’école.
[Traduction]
La Journée commémorative du mineur William Davis
L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, demain, nous soulignons la Journée Davis, aussi appelée la Journée commémorative du mineur William Davis. Cette journée annuelle de commémoration est observée le 11 juin dans l’ensemble des anciennes localités houillères de la Nouvelle-Écosse.
Chaque année, les gens se réunissent pour se souvenir des sacrifices que les houilleurs ont faits dans les puits. William Davis est l’un des travailleurs qui, le 11 juin 1925, se sont joints aux mineurs en grève. Ils tentaient d’obliger la société charbonnière, la British Empire Steel Corporation, ou Besco, à négocier une nouvelle convention.
La société avait fermé ses magasins, notamment l’épicerie et la quincaillerie. Les mineurs ont chassé les hommes de la société qui avaient pris le contrôle de la centrale électrique. C’est à ce moment, le 11 juin, que la police et les mineurs en grève se sont affrontés violemment. William Davis a été abattu par la police de la société ce jour-là.
Honorables sénateurs, de nombreuses industries d’hier et d’aujourd’hui nécessitent un dur labeur. Travailler dans les mines de charbon était difficile et salissant. Si elles n’occupent plus une place prépondérante dans le secteur industriel de la Nouvelle-Écosse, elles ont marqué notre histoire. Les mines de charbon ont aidé le Canada à traverser de nombreuses périodes difficiles.
Lors de la Journée Davis, nous reconnaissons cette fière histoire tout en prenant le temps d’honorer les sacrifices consentis par les mineurs et leurs familles.
Le vice-président de Besco est bien connu pour avoir dit : « C’est nous qui détenons toutes les cartes [...] un jour ou l’autre, ils seront obligés de venir à nous [...] ils ne pourront pas “tenir le coup”. »
Il se trompait royalement.
La force de caractère de ces mineurs subsiste aujourd’hui dans le cœur et l’esprit de tous les habitants de la Nouvelle-Écosse. Ils ont bel et bien tenu le coup. Merci, honorables sénateurs.
Des voix : Bravo!
L’Allocation canadienne pour enfants
L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour saluer les efforts du gouvernement libéral en vue de réduire la pauvreté parmi les enfants. Je salue particulièrement la mise en place du meilleur programme social depuis une décennie: l’Allocation canadienne pour enfants. Il s’agit d’un programme financièrement responsable et viable, qui a apporté des changements bénéfiques au pays.
Il a été démontré qu’une politique sociale ciblée peut améliorer considérablement la vie des Canadiens. On n’a qu’à penser à l’énorme réduction de la pauvreté parmi les aînés au Canada au cours des dernières décennies. Conjugués, le Régime de pensions du Canada, la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti ont fait passer le taux de pauvreté des aînés au Canada de 29 %, en 1976, à 3,9 %, en 2019.
On tente maintenant de réduire pareillement la pauvreté parmi les enfants. Depuis son instauration en 2016, l’Allocation canadienne pour enfants a permis de fournir aux familles de ma province, l’Île-du-Prince-Édouard, plus de 100 millions de dollars par an en prestations non imposables, pour une somme totale de plus d’un demi-milliard de dollars sur quatre ans. Cela a aidé plus de 26 000 enfants et 15 000 familles de la province. Imaginons comment cet argent a amélioré la vie de ces enfants et de leur famille.
Les résultats ont été tout aussi impressionnants à l’échelle nationale. En effet, Statistique Canada nous apprend que, lors de sa première année en vigueur seulement, l’allocation a permis de réduire le nombre d’enfants pauvres d’environ 278 000.
De tels programmes sont responsables sur le plan financier, tout en offrant un soutien tangible et durable aux enfants canadiens et à leur famille. Ils mettent en évidence le rôle crucial que le gouvernement du Canada peut jouer dans l’amélioration de la vie des Canadiens.
Des voix : Bravo!
L’extrémisme antimusulman
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’avais initialement prévu de donner une déclaration aujourd’hui sur la fête du Canada dans laquelle j’aurais fait le bilan de ma 20e année au Sénat et souligné le fait que le pluralisme et le multiculturalisme sont au cœur même de l’identité canadienne. J’allais partager l’histoire remarquable de mes 20 ans au Sénat. Au lieu de cela, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la famille Afzaal qui a quitté sa maison de London, en Ontario, le dimanche soir pour faire une marche. Ils ont été assassinés de façon insensée pour la simple raison qu’ils étaient musulmans.
Une grand-mère, une mère, un père et une fille ont été assassinés lors d’une attaque horrible motivée par la haine qui a envoyé un garçon de 9 ans à l’hôpital et a fait de lui un orphelin.
Honorables sénateurs, tout juste une semaine après les événements du 11 septembre, j’ai été assermentée en tant que première sénatrice musulmane du Canada. Je suis la première à admettre que les semaines et les mois qui ont suivi le 11 septembre ont été incroyablement difficiles pour les Canadiens musulmans. Je me souviens que le premier ministre Chrétien m’a demandé de l’accompagner à une mosquée d’Ottawa, où il a livré à tous les musulmans canadiens le message qu’ils n’étaient pas responsables des actes de quelques membres de leur foi.
Bien que beaucoup d’entre nous ont été réconfortés par les propos du premier ministre Chrétien, la vérité est que l’islamophobie était un problème bien réel le 11 septembre 2001 et qu’elle continue de l’être aujourd’hui.
Honorables sénateurs, l’islamophobie existe au Canada. Le racisme existe au Canada. La haine existe au Canada. La peur d’être attaqué en raison de la couleur de sa peau existe au Canada. Cette réalité nous est revenue à la mémoire lorsque six hommes ont été abattus dans une mosquée de Québec, lorsqu’un homme a été poignardé à mort devant une mosquée de Rexdale et, dimanche dernier, lorsque la famille Afzaal a été tuée dans ce que le premier ministre Trudeau a qualifié d’attaque terroriste motivée par la haine.
Honorables sénateurs, lorsque j’ai été mise au courant de l’attaque, je suis immédiatement entrée en contact avec mes collègues musulmans du Sénat. Durant notre échange, le sénateur Ravalia a fait l’observation suivante :
Nous sommes bouleversés et nous ressentons une douleur profonde pour le jeune garçon et sa famille élargie, qui vivent une lourde perte.
La montée des crimes haineux est en effet troublante. Toute notre communauté est en deuil. Nous sommes heureux de voir que vous et tant d’autres nous tendez la main.
Honorables sénateurs, je suis extrêmement fière d’être une musulmane canadienne. Je crois sincèrement que nous vivons dans le meilleur pays du monde. Nous avons toutefois beaucoup de travail à faire. Nous devons mettre un terme à l’islamophobie et à la xénophobie. Nous avons ce devoir envers nous-mêmes, envers nos enfants et envers le jeune garçon de neuf ans, Fayez Afzaal.
Honorables sénateurs, ma petite-fille de sept ans vient de me confier qu’elle cachera à ses amis sa foi musulmane parce qu’elle est effrayée. Ce n’est pas le Canada que nous voulons bâtir, vous et moi. Merci.
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Présentation du troisième rapport du Comité des peuples autochtones
L’honorable Dan Christmas, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :
Le jeudi 10 juin 2021
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l’honneur de présenter son
TROISIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 3 juin 2021, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
DAN CHRISTMAS
(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 698.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)
(1420)
La Loi de l’impôt sur le revenu
Projet de loi modificatif—Présentation du deuxième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts
L’honorable Diane F. Griffin, présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :
Le jeudi 10 juin 2021
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a l’honneur de présenter son
DEUXIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale), a, conformément à l’ordre de renvoi du 27 mai 2021, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
La présidente,
DIANE F. GRIFFIN
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Griffin, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
L’Association parlementaire Canada-Europe
La Conférence des parlementaires de la région arctique, tenue les 13 et 14 avril 2021—Dépôt du rapport
L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 14e Conférence des parlementaires de la région arctique, tenue par vidéoconférence à Oslo, en Norvège, les 13 et 14 avril 2021.
Régie interne, budgets et administration
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Sabi Marwah : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, nonobstant l’article 12-18(2) du Règlement, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration soit autorisé à se réunir pendant un ajournement du Sénat;
Que, compte tenu des circonstances exceptionnelles de la pandémie actuelle de la COVID-19, le comité soit autorisé à se réunir entièrement par vidéoconférence, avec les dispositions des recommandations 3 à 6 du sixième rapport du Comité de sélection, adopté par le Sénat le 30 mars 2021, s’appliquant à toute réunion tenue par vidéoconférence.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La justice
La nomination des juges
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Encore une fois, ma question s’adresse au leader du gouvernement. Monsieur le leader, nous apprenions aujourd’hui dans les médias que le gouvernement Trudeau a cessé d’utiliser la Libéraliste, la base de données contenant le nom de donateurs et des partisans du Parti libéral servant à l’examen des candidatures à la magistrature. La Libéraliste était utilisée non seulement pour vérifier si les candidats à la magistrature avaient donné au parti, mais aussi pour savoir à quelles activités du parti ils avaient pris part, par exemple, et pour savoir s’ils avaient installé des affiches électorales du Parti libéral.
L’automne dernier, un ex-conseiller du bureau du ministre Lametti a fait une sortie publique pour soulever des inquiétudes concernant l’ampleur de l’ingérence partisane du gouvernement Trudeau dans le processus de nomination des juges et le risque d’un scandale. L’Association du Barreau canadien a affirmé que le gouvernement minait la confiance du public envers l’impartialité du système de justice.
Monsieur le leader, quand exactement votre gouvernement a-t-il cessé d’utiliser la Libéraliste pour vérifier les allégeances des candidats à la magistrature? Comme votre gouvernement a défendu bec et ongles cette pratique lorsqu’on a appris son existence, pourquoi avez-vous décidé de ne plus y avoir recours?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je ne connais pas la date exacte à laquelle cette pratique a cessé. Il est bien connu qu’elle a beaucoup attiré l’attention des médias. Le gouvernement reste déterminé à faire en sorte que les nominations soient fondées sur le mérite sans tenir compte de facteurs superflus. Comme le gouvernement l’a déjà expliqué, on procède à diverses vérifications des candidats. Étant donné que le gouvernement doit, à juste titre, examiner attentivement les dossiers des candidats à la magistrature ou à d’autres postes, des vérifications sont faites de manière à ce que le gouvernement soit en mesure de poser des questions le moment venu. Comme nous l’avons déjà dit, le gouvernement est fier du processus de nomination qu’il a instauré et grâce auquel quelque 400 grands juristes ont été nommés.
Le sénateur Plett : En mai 2019, le Cabinet du premier ministre a confirmé qu’il se servait de la base de données de la Libéraliste pour sélectionner des candidats potentiels en vue des nominations au Sénat du Canada.
Soyons clairs : le gouvernement peut très bien nommer des sénateurs qui favoriseront son programme, mais il doit expliquer honnêtement aux Canadiens comment il procède. C’est tout sauf honnête de déclarer publiquement que les nominations au Sénat sont faites de manière indépendante, alors qu’en fait, on vérifie secrètement la base de données d’un parti pour s’assurer que la personne concernée appuiera le programme du gouvernement.
Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau se sert-il encore de la Libéraliste pour confirmer les nominations au Sénat? Si c’est le cas, pourquoi cette pratique existe-t-elle toujours alors qu’elle a cessé pour les nominations à la magistrature? Si les nominations au Sénat ne sont plus vérifiées avec la base de données de la Libéraliste, quand cela a-t-il cessé?
Le sénateur Gold : Je ne connais pas la réponse à votre question. Cela dit, je ne peux accepter la prémisse qui la sous-tend. L’approche du gouvernement est claire. Elle est ouverte et transparente, et ce, beaucoup plus que les processus de nomination précédents.
Je sais que, dans au moins un cas, le gouvernement a nommé un sénateur sans égard au fait qu’il avait fait un don au Parti conservateur, au Bloc québécois et au NPD en plus du Parti libéral. C’est ainsi pour les nominations au Sénat et c’est ainsi pour les nominations à la magistrature. Le gouvernement est fier de la diversité des personnes chevronnées et talentueuses nommées au Sénat et défend le processus qu’il a mis en place.
Les anciens combattants
Les services de santé mentale
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Cette année, nous avons appris que les anciens combattants attendent plus longtemps pour accéder à du soutien en santé mentale aux 10 cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel réparties au Canada. Il y avait déjà une période d’attente avant la pandémie de COVID-19. Or, depuis le début de la pandémie, il est encore plus difficile, non seulement pour les anciens combattants, mais pour de nombreux Canadiens, d’accéder à des soins de santé mentale.
Selon le rapport, certains anciens combattants ont dû attendre plus de sept mois avant d’obtenir un premier rendez-vous avec le psychiatre ou même d’amorcer leur programme de traitement. Le rapport signale également que les délais ont augmenté depuis 2017.
Monsieur le leader, pourquoi les anciens combattants continuent-ils d’attendre aussi longtemps pour obtenir des services de santé mentale sous le gouvernement libéral?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de soulever cette question, sénatrice. C’est une question importante qui porte sur le bien-être de ceux qui ont bien servi le pays et qui continuent de le faire.
D’après la lettre de mandat supplémentaire publiée par le premier ministre, le gouvernement révise les programmes et les services de santé mentale afin que les anciens combattants, leurs familles et leurs principaux dispensateurs de soins reçoivent le meilleur soutien en santé mentale possible, y compris un accès aux services en temps opportun.
Cela dit, honorable collègue, n’oublions pas que, même si le ministère des Anciens Combattants les finance, les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel sont administrées par les autorités provinciales de la santé. Pour remédier au temps d’attente de ces centres, qui découlent d’une hausse malheureuse de la demande et d’une pénurie tout aussi regrettable de professionnels de la santé mentale, du moins dans certaines régions du pays, le gouvernement a augmenté le financement pour le recrutement et la formation spécialisée.
(1430)
La sénatrice Martin : On ne cesse de nous parler de ces lettres de mandat. Il est vrai que les mots sont importants, mais les comportements subséquents le sont encore plus. Ce que nous savons, c’est qu’il y a une période d’attente de sept mois juste pour le premier rendez-vous, monsieur le leader.
Dans le budget de 2021, le premier budget fédéral en plus de deux ans, on a proposé un nouveau programme du ministère des Anciens Combattants qui couvrirait les coûts des services de santé mentale fournis aux anciens combattants atteints du trouble de stress post-traumatique ou de troubles dépressifs ou anxieux, pendant qu’on traite leur demande de prestations d’invalidité, et bien sûr, il y a un temps d’attente pour cela également.
Monsieur le leader, quand le gouvernement prévoit-il mettre en œuvre ce programme?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et d’avoir parlé de ce programme important. Je devrai me renseigner au sujet de la date d’entrée en vigueur du programme, puis je communiquerai la réponse au Sénat.
Les affaires étrangères
Les institutions démocratiques
L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Sénateur Gold, ma question porte sur le rôle du Canada en Ukraine. L’intensification de l’activité russe dans l’Est de l’Ukraine a incité les autorités ukrainiennes à renouveler leur demande pour faire partie de l’OTAN, un objectif de politique étrangère inscrit dans la Constitution de l’Ukraine depuis 2017.
Nos médias ont tendance à faire état des opérations militaires du Canada en Ukraine, en particulier l’opération Unifier, qui vise à aider les forces de sécurité ukrainiennes. L’état de préparation et la coopération militaires sont importants, mais nous savons que l’interopérabilité militaire est l’une des nombreuses normes qu’un pays doit respecter pour se joindre à l’OTAN. L’une des exigences les plus importantes pour se joindre à l’OTAN est probablement le fait de disposer d’un régime politique démocratique fonctionnel.
Sénateur Gold, la fin de semaine dernière, dans le Globe and Mail, les professeurs Roland Paris et Jennifer Welsh ont exhorté le Canada à en faire davantage pour aider les démocraties qui risquent de glisser vers une forme d’autoritarisme, notamment l’Ukraine, qu’ils ont expressément mentionnée.
Quelles mesures le Canada a-t-il prises pour renforcer les institutions démocratiques ukrainiennes?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette importante question, sénatrice. Le Canada appuie fermement les efforts de réforme de l’Ukraine, tant dans ses rapports bilatéraux avec ce pays qu’à titre de membre du Groupe de soutien à l’Ukraine des ambassadeurs du G7 à Kiev.
Chers collègues, la réforme est essentielle pour la stabilisation, la résilience et la prospérité de l’Ukraine en dépit de la campagne de déstabilisation soutenue que mène la Russie.
C’est aussi un élément central pour permettre à l’Ukraine de concrétiser ses aspirations euro-atlantiques et d’obtenir davantage d’aide financière du FMI.
Le Canada a mis en place de nombreux programmes dont plusieurs répondent aux besoins de l’Ukraine dans le domaine de la sécurité, parce qu’à défaut de sécurité, l’ensemble des efforts de réforme sont menacés. Je ne donne aucune précision sur ces programmes et ces mesures de financement.
Pour répondre à votre question, je précise que nos mesures d’aide internationale font également la promotion d’une gouvernance inclusive pour soutenir la participation citoyenne, particulièrement des femmes, à la vie publique et aux processus décisionnaires, y compris à un système électoral libre, juste et inclusif. Nous soutenons également les efforts de l’Ukraine pour accroître l’efficacité, la transparence et la reddition de comptes dans le secteur judiciaire.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie, sénateur. En guise de suivi, j’aimerais me pencher sur la résolution 1325 de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité, qui est la première résolution à reconnaître les effets uniques et disproportionnés des conflits armés sur les femmes et les filles.
Le gouvernement du Canada a réitéré son engagement à l’égard de l’application de cette résolution à l’Ukraine. Cependant, cet engagement donne peu de détails et l’information est rare.
Je me demande si vous pourriez éclairer les sénateurs sur le travail que fait le gouvernement pour promouvoir la participation des femmes aux efforts pour instaurer la paix et la sécurité en Ukraine. Merci.
Le sénateur Gold : Merci de cette importante question.
J’aimerais établir quatre points. Premièrement, le Canada prône l’égalité entre les sexes ainsi que l’autonomisation des femmes et des filles. En Ukraine, le Canada appuie l’application de la résolution 1325 de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité, et mène des initiatives visant à accroître le rôle des femmes dans les secteurs de la sécurité et de la défense.
Deuxièmement, en vertu de l’Arrangement sur la police civile canadienne, le Canada envoie des agents de police en Ukraine afin de former la police nationale de ce pays et d’accroître sa capacité dans des domaines tels que la prévention de la violence fondée sur le sexe et la façon d’y réagir.
Troisièmement, le Canada contribue aussi à soutenir les organismes de femmes ukrainiens qui œuvrent dans des domaines tels que la violence sexuelle et fondée sur le sexe, la violence contre les femmes et les filles, et la participation des femmes en politique par l’entremise du Fonds canadien d’initiatives locales.
Quatrièmement, en Ukraine, le Canada finance Alinea International, qui appuie la réforme de la police. Cet organisme s’attaque à la pandémie de COVID-19 et à la hausse des problèmes de violence domestique qui en découlent en finançant une ligne téléphonique sur la violence domestique, en fournissant des trousses d’urgence aux victimes et en menant des campagnes de sensibilisation au sujet de la violence sexuelle et fondée sur le sexe.
La défense nationale
L’opération Unifier
L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, l’opération Unifier est une initiative canadienne qui comprend le déploiement de troupes en Ukraine dans « [l]’intention [...] d’aider l’Ukraine à demeurer souverain[e], sécuritaire et stable ».
Même si la mission vise l’entraînement des forces de sécurité, nos troupes sont néanmoins vulnérables à des attaques ennemies. Des mesures prises récemment par la Russie n’ont rien fait pour rassurer le reste de la planète qu’il n’y aura pas d’interventions hostiles en Ukraine.
Malheureusement, nos troupes là-bas ont récemment été frappées par une éclosion de COVID-19, et l’Ukraine elle-même est aux prises avec la pandémie.
Sénateur Gold, comment protégeons-nous la santé et la sécurité des membres de nos forces armées en Ukraine, et que prévoit faire le gouvernement pour protéger leur santé et leur sécurité en cas de déclenchement des hostilités?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question. En tant que petit-fils d’immigrant ukrainien au Canada, je suis heureux de répondre à deux questions consécutives sur l’Ukraine.
Le soutien du gouvernement à l’Ukraine est inébranlable, tout comme notre engagement à protéger la santé et la sécurité de nos troupes, où qu’elles se trouvent. C’est pourquoi, pour aider l’Ukraine, le gouvernement a prolongé l’opération Unifier, notre mission de formation des Forces de sécurité de l’Ukraine, jusqu’en mars 2022, opération qui avait été lancée en réponse à une demande du gouvernement ukrainien.
Comme les sénateurs le savent peut-être, à cause de la pandémie de COVID-19, le nombre de membres des Forces armées canadiennes déployés a été réduit pendant un certain temps, mais d’autres membres sont en train d’être déployés, ce qui porte à 149 le nombre total de membres des Forces armées canadiennes en Ukraine.
Du point de vue de la santé et la sécurité, le gouvernement est extrêmement fier du personnel militaire déployé à l’étranger et fait confiance à ses membres pour prendre les mesures nécessaires pour se protéger et il prend aussi des mesures pour protéger leur santé et leur sécurité quand ils sont déployés à l’étranger.
Le sénateur Kutcher : Merci, sénateur Gold.
Le Canada a fourni à l’Ukraine du matériel militaire non létal, notamment un hôpital de campagne mobile, des trousses de premiers soins, des lunettes de vision nocturne, etc. Est-il prévu de continuer à fournir cet équipement et d’autres équipements similaires dans un avenir proche, ou est-il prévu de fournir d’autres types d’équipement?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ne sais pas si une modification a été apportée au plan relatif à notre soutien aux forces de sécurité ukrainiennes. Je vais certainement m’informer à ce sujet et en ferai rapport au Sénat.
La justice
Les lois constitutionnelles de 1867 et de 1982
L’honorable Scott Tannas : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. On a récemment beaucoup entendu parler de l’intention de la Province du Québec d’apporter des changements à la Constitution.
Lundi, le gouvernement de l’Alberta a annoncé son intention de tenir un référendum en octobre afin de consulter les Albertains sur le retrait du programme de péréquation de la Constitution.
C’est le premier pas pour montrer au Canada et aux Canadiens que les Albertains sont sérieux dans leur démarche, après des années de discussions et de demandes de rencontres en vue d’apporter des changements en profondeur au programme de péréquation. La pandémie et les prix découlant du choc pétrolier de ces dernières années ont mis en évidence l’injustice du programme actuel.
(1440)
Une question sera posée aux Albertains en octobre. Que diriez-vous et que dirait votre gouvernement pour défendre cette question? Que diriez-vous aux Albertains sur les mesures prises par le gouvernement au cours des cinq dernières années pour répondre aux préoccupations que l’Alberta ne cesse de soulever sur le sujet?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le gouvernement de l’Alberta a la prérogative de mener des sondages et de poser des questions à la population sur le sujet. Le gouvernement en examinera avec intérêt les résultats.
Des représentants du gouvernement du Canada, en particulier la ministre des Finances, travaillent et communiquent régulièrement avec leurs homologues pour régler les questions relatives aux arrangements financiers complexes conclus entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. La péréquation en est un élément important, mais il y en a bien d’autres. Il s’agit d’ailleurs d’un sujet qui vise à faire l’objet d’une interpellation au Sénat.
Le gouvernement du Canada a soutenu les Albertains tout au long de la pandémie et continue de le faire, comme il le fait d’ailleurs pour tous les Canadiens. Il est ouvert et engagé dans des discussions avec les provinces, dont l’Alberta, pour déterminer les changements à apporter à la formule de péréquation dans le contexte des arrangements fiscaux généraux qui lient notre pays.
Le sénateur Tannas : Si la proposition de référendum est adoptée par l’Assemblée législative de l’Alberta, prévoyez-vous que le Canada s’emploiera à bien informer les Albertains des merveilles de la péréquation et des avantages qu’elle présente pour la province et, partant, pour le pays? Le cas échéant, savez-vous si le gouvernement a réagi à la question référendaire?
Le sénateur Gold : Pour répondre à la dernière partie de votre question, non, je ne sais pas comment le gouvernement a réagi à la question, et on ne m’en a pas informé.
On en dit trop et trop peu en parlant des merveilles de la péréquation. En réalité, le programme de péréquation est l’une des pièces maîtresses du Canada, qui montre aux Canadiens qu’ils sont tous dans le même bateau.
L’idée initiale — qui mérite, je crois, d’être encore défendue — est que les Canadiens, peu importe où ils vivent — en milieu urbain, en milieu rural, dans une province riche ou dans une province pauvre — et les circonstances dans lesquelles ils se trouvent, ont le droit de recevoir un niveau décent de services publics de leur gouvernement provincial, en dépit du fait que les gouvernements provinciaux prennent des décisions qui ont d’énormes conséquences sur leur capacité à fournir des services publics à leurs citoyens, qu’il s’agisse du seuil d’imposition, de l’absence d’impôt provincial ou de dépenses accrues pour certains services sociaux.
Quoiqu’il en soit, le gouvernement fédéral utilise les fruits de son plein pouvoir d’imposition et redistribue les fonds aux provinces pour qu’elles puissent offrir de meilleurs services à leurs citoyens. Les détails sont importants et fondamentaux, mais le principe est encore plus important. Il s’agit d’un principe auquel, selon moi, tous les Canadiens devraient adhérer, en dépit des différends concernant la façon dont la formule peut s’appliquer à eux, en particulier les cycles de l’économie ou la conjoncture économique.
[Français]
La reconstitution de la Commission de réforme du droit
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold. J’étais heureux de constater que dans le budget de 2021, l’on proposait de refinancer — enfin — la Commission de réforme du droit du Canada en lui accordant 18 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, dès cette année. L’importance des travaux de la commission n’est plus à démontrer, la preuve est là. Pourriez-vous nous indiquer où en est le gouvernement à l’égard de ce projet de reconstitution de la commission?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur, et de souligner l’importance de la décision de réintroduire et d’appuyer le travail de la commission. La Commission de réforme du droit du Canada fournira des conseils sur les défis juridiques d’aujourd’hui et de demain, comme elle l’a fait par le passé. Le cadre de la commission appuiera, entre autres, le travail visant à éliminer les obstacles systémiques dans le système de justice, y compris les obstacles à la justice auxquels font face les peuples autochtones et les Canadiens racialisés.
Votre préavis m’a permis de me renseigner auprès du gouvernement, mais je n’ai pas encore reçu les précisions que vous demandez. Cependant, je présume qu’il est encore tôt dans le processus et je note que la Loi no 1 d’exécution du budget de 2021 n’a pas encore été adoptée. Cela étant dit, le gouvernement est heureux de prendre cette avance pour qu’on puisse bénéficier du travail de la commission bientôt, je l’espère.
Le sénateur Dalphond : Si je comprends bien, le cadre légal qui s’appliquera à la commission est déjà en place depuis 1996 grâce à la Loi sur la Commission de réforme du droit du Canada. Dois-je comprendre que, dès que le budget sera adopté, les processus seront mis en place pour nommer un président et quatre commissaires?
Le sénateur Gold : Je vais m’informer des étapes à suivre aussitôt que le budget sera approuvé, et je vais informer la Chambre dès que j’obtiendrai des réponses.
[Traduction]
L’Agence de la santé publique du Canada
La Réserve nationale stratégique d’urgence
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’aimerais poser une question au leader du gouvernement au Sénat.
En octobre dernier, le premier ministre Trudeau a reconnu que les capacités scientifiques et de financement de l’Agence de la santé publique du Canada avaient eu quelques ratés. Fidèle à son habitude, il a bien sûr jeté le blâme sur Stephen Harper — qui n’est plus premier ministre depuis près de six ans, honorables collègues.
Le premier ministre Trudeau prétend que, durant les années où le gouvernement conservateur qui a précédé le gouvernement actuel était au pouvoir, les voix scientifiques ont été marginalisées. Cependant, ce n’est pas Stephen Harper, honorables collègues, qui a fermé trois des neuf entrepôts de la Réserve nationale stratégique d’urgence et jeté à la poubelle des millions de masques N95 et autres pièces d’équipement de protection individuelle. C’est le gouvernement Trudeau qui l’a décidé.
Sénateur Gold, ma question est simple : pouvez-vous nous dire quelles voix scientifiques, le cas échéant, le gouvernement a-t-il écoutées pour prendre la décision de fermer ces entrepôts et de jeter les pièces d’équipement de protection individuelle plutôt que de les remplacer?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : J’aurais besoin de m’informer pour connaître quels conseils précis ont été formulés à l’intention du gouvernement dans ce dossier, et je n’y manquerai pas.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, le gouvernement Trudeau a fait passer l’efficacité de la gestion avant la science pour économiser 900 000 $. En raison de ce choix, des milliers de Canadiens sont décédés et il a fallu faire des commandes urgentes de 1 milliard de dollars pour remplacer l’équipement de protection individuelle que le gouvernement Trudeau avait jeté.
Un courriel envoyé par un employé de l’Agence de la santé publique le 20 mars 2020 illustre clairement le désastre qu’a entraîné la décision du gouvernement Trudeau. Il dit ceci :
Nous recevons des demandes urgentes d’équipement de protection individuelle, principalement de masques N95. Nos réserves sont loin de suffire pour répondre aux demandes, particulièrement aux demandes de masques N95. L’équipe tente d’établir des priorités. Nous attendons de petites livraisons de matériel, mais elles arriveront trop tard.
Sénateur Gold, votre gouvernement finira-t-il — pour une fois — par accepter la responsabilité de ses gestes, ou continuera-t-il de se défiler?
Le sénateur Gold : Cher collègue, je tiens à préciser que, bien que vous ayez choisi un angle partisan pour parler de ces enjeux, ce n’est pas le choix que je fais. Le gouvernement libéral a accepté la responsabilité de ce qu’il a fait pour répondre à la pandémie. Il a reconnu que des erreurs avaient été commises. Il a rappelé les circonstances qui expliquent, dans certains cas, pourquoi le Canada était moins préparé que d’autres pays; on peut penser, par exemple, à la capacité de produire des vaccins. Le gouvernement a assumé sa propre responsabilité. Comme la vérificatrice générale l’indique dans son rapport, quand le pays a été frappé par la pandémie, le gouvernement a réagi rapidement et efficacement.
Je dois donc dire encore une fois, très respectueusement, que la prémisse de votre question est fausse, monsieur le sénateur. Il est faux de dire que le gouvernement n’a pas accepté la responsabilité de ses gestes. Il y a des leçons à tirer de tout cela. Notre comité sénatorial est saisi de cette question. Nous pouvons tous nous améliorer. Cela dit, le gouvernement est résolu à continuer d’œuvrer pour assurer la santé et la sécurité des Canadiens.
(1450)
Le Réseau mondial d’information de santé publique
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, en mars dernier, la vérificatrice générale a publié un rapport cinglant sur l’état de préparation du gouvernement Trudeau en cas de pandémie, et elle a particulièrement critiqué la décision prise juste avant la pandémie de fermer le système d’alerte précoce des maladies infectieuses, l’un des systèmes les plus efficaces du genre dans le monde. La vérificatrice générale a récemment publié un autre rapport selon lequel l’Agence de la santé publique n’était pas aussi bien préparée qu’elle aurait pu l’être pour répondre à l’augmentation des besoins provinciaux et territoriaux en équipement de protection individuelle et en matériel médical provoquée par la pandémie.
Comme l’a mentionné le sénateur Housakos, le gouvernement Trudeau a jeté quelque 9 millions d’articles de protection individuelle de la Réserve nationale stratégique d’urgence qui auraient pu aider les Canadiens, et il a fermé trois entrepôts de la réserve.
Monsieur le leader, le gouvernement assumera-t-il un jour la responsabilité de cet échec?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, tout de suite après celle du sénateur Housakos, ce qui me permet de répéter ce que j’ai dit. Le gouvernement prend ses responsabilités. Vous avez cité correctement des aspects du rapport de la vérificatrice générale. Le gouvernement du Canada respecte le travail de la vérificatrice générale et il accepte ses recommandations. Comme tout gouvernement responsable, il comprend qu’il peut faire mieux et c’est ce qu’il fera.
Le sénateur Plett : En 2008, après la crise du SRAS, David Butler-Jones, alors administrateur en chef de la santé publique du Canada, a déclaré ceci devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense :
Nous devons poursuivre sur notre lancée et continuer de susciter l’intérêt pour la planification, de façon à éviter d’être pris au dépourvu et à être capables d’intervenir.
Et pourtant, la vérificatrice générale a récemment indiqué ceci :
Certains des stocks de la Réserve fédérale étaient périmés ou désuets, et l’Agence de la santé publique du Canada ne faisait pas le suivi de l’âge ou de la date de péremption de certains articles.
Comment les responsables de cette situation devront-ils répondre de leurs actes? Ce sont les propos de la vérificatrice générale, monsieur le leader. Si personne n’est tenu responsable, comment croyez-vous que nous serons capables de nous préparer à une autre pandémie?
Le sénateur Gold : Au risque de me répéter, je répondrai ceci : le gouvernement — ainsi que les futurs gouvernements, selon moi — tiendra compte des leçons que nous aurons tirées de la pandémie, des conseils et des observations de la vérificatrice générale, entre autres, et, espérons-le, des leçons apprises par le Sénat et des travaux ultérieurs accomplis par le comité sénatorial, de sorte que nous serons mieux préparés lorsque surviendra une autre crise du genre.
La sécurité publique
La réforme visant les casiers judiciaires
L’honorable Kim Pate : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, aujourd’hui, le gouvernement a présenté le projet de loi C-31, qui vise à réformer les dispositions concernant les casiers judiciaires. Bien que cette mesure arrive 11 ans après l’engagement pris par les libéraux, c’est un pas dans la bonne direction. Le gouvernement a aussi annoncé son intention de tenir des consultations sur l’expiration automatique du casier judiciaire. Or, à la suite des consultations déjà tenues par le ministère de la Sécurité publique sur le système des casiers judiciaires et de l’étude déjà menée sur cette question par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, on a déjà conclu que c’est une bonne idée qui est largement appuyée par la population.
La question est donc la suivante. Si on suppose que c’est plus qu’un effort symbolique, étant donné qu’il ne reste que quelques jours avant la pause estivale prévue par le Parlement, quels sont l’échéancier et le plan du gouvernement pour assurer la mise en œuvre des mesures du projet de loi C-31?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : En tout respect, sénatrice, que ce soit dans cette Chambre ou à l’autre endroit, je crois qu’on ne devrait pas réduire la présentation d’un projet de loi à un effort symbolique. C’est une mesure qui répond à l’engagement du gouvernement à faire avancer ce dossier au moyen de mesures législatives et de politiques publiques. Pour ce qui est de savoir jusqu’où se rendra l’étude de ce projet de loi pendant le peu de temps qu’il reste avant l’ajournement de la Chambre, évidemment, pour l’instant, cette mesure a seulement été présentée.
Une fois que la Chambre aura terminé son travail et que nous aurons reçu le projet de loi, si on suppose qu’il sera adopté, je suis sûr que nous aurons l’occasion de débattre de son bien-fondé en bonne et due forme, comme nous avons l’habitude de le faire dans cette enceinte.
Réponses différées à des questions orales
(Le texte des réponses différées figure en annexe.)
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le mardi 8 juin 2021, je quitte maintenant le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier sur la teneur du projet de loi C-8 et d’autres questions. Le comité sera présidé par la Présidente intérimaire, l’honorable sénatrice Ringuette. Afin de faciliter la distanciation appropriée, elle présidera le comité à partir du fauteuil du Président.
[Français]
La Loi sur la citoyenneté
Projet de loi modificatif—Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier
L’ordre du jour appelle :
Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable Marco Mendicino, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, accompagné d’au plus quatre fonctionnaires afin d’étudier la teneur du projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l’action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada), ainsi que d’autres questions liées aux responsabilités du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)
La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l’action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada), ainsi que d’autres questions liées aux responsabilités du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Marco Mendicino et les fonctionnaires qui l’accompagnent se joignent à la séance par vidéoconférence.)
La présidente : Nous accueillons aujourd’hui l’honorable Marco Mendicino, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
Monsieur le ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.
[Traduction]
L’honorable Marco Mendicino, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Je tiens à signaler que je me joins à vous depuis le territoire traditionnel des Mississaugas de Credit et des Haudenosaunee.
Honorables sénateurs, c’est pour moi un honneur de m’adresser à vous au sujet du projet de loi C-8, qui vise à modifier le serment de citoyenneté afin de tenir compte des Autochtones et de donner suite à l’appel à l’action no 94 de la Commission de vérité et réconciliation.
Avant de poursuivre, je tiens à exprimer ma gratitude aux parrains de ce projet de loi, soit le sénateur Anderson et son prédécesseur, l’ancien sénateur Murray Sinclair, pour leur appui, leurs conseils et leur encouragement. Du même souffle, je remercie les nombreux sénateurs avec lesquels j’ai eu l’occasion d’interagir, non seulement au sujet du projet de loi C-8, mais également à l’égard de divers autres dossiers prioritaires qui nous tiennent à cœur en matière d’immigration.
Il y a maintenant un peu plus de six ans, soit le 15 décembre 2015, la Commission de vérité et réconciliation présentait son rapport final. La commission y fait état des horreurs des pensionnats autochtones et énonce 94 appels à l’action, que nous demeurons résolument déterminés à mettre en œuvre.
Par ailleurs, comme vous, je suis conscient que les délibérations d’aujourd’hui s’inscrivent dans un contexte de douleur, d’anxiété et de colère au lendemain de la découverte des restes d’enfants autochtones au pensionnat autochtone de Kamloops.
Cette triste découverte est un dur rappel que les conséquences dévastatrices ne représentent pas uniquement un sombre chapitre de notre histoire, mais demeurent un élément profondément douloureux de notre présent.
(1500)
Ce fut une prise de conscience pour les Canadiens. Cela a fait ressortir le travail qu’il reste à faire pour comprendre notre histoire — les répercussions qu’elle a eues à ce moment-là et celles qu’elle a maintenant — et pour en modifier le cours.
Ce travail doit inclure les nouveaux citoyens. C’est pourquoi il est si important que les parlementaires s’unissent pour répondre aux appels à l’action de la commission.
[Français]
Une mesure que nous pouvons, et que nous devons prendre, se trouve dans le projet de loi C-8 dont nous sommes saisis aujourd’hui. En réponse à l’appel à l’action numéro 94, le projet de loi C-8 prévoit un ajout crucial au libellé du serment de citoyenneté. Le serment qui invite les nouveaux Canadiens à observer fidèlement les lois du Canada est maintenant plus précis grâce à l’ajout suivant :
[...] y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits — ancestraux ou issus de traités — des Premières Nations, des Inuits et des Métis [...]
Il s’agit d’un changement profondément significatif, car il souligne le fait que les droits autochtones sont des droits collectifs protégés par la Constitution en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ces droits sont fondés sur l’occupation et l’utilisation historiques des terres ancestrales par les peuples autochtones sur le territoire maintenant désigné comme le Canada.
Outre le changement de la formulation du serment, le gouvernement poursuit ses démarches afin de répondre à l’appel à l’action numéro 93 qui recommande que, dans le guide d’étude de la citoyenneté et l’examen des connaissances pour la citoyenneté, « l’histoire relatée reflète davantage la diversité des peuples autochtones du Canada. »
Les fonctionnaires d’IRCC travaillent à réviser le guide d’étude pour y inclure ces pans de notre histoire qui ont trop longtemps été occultés, afin que les nouveaux Canadiens connaissent l’histoire des peuples autochtones et leurs droits issus de traités, alors qu’ils entreprennent leur cheminement en tant que nouveaux citoyens informés.
En modifiant le serment, le gouvernement redéfinit le concept même du Canada comme ayant commencé par la présence des Premières Nations sur ces vastes terres ancestrales.
[Traduction]
Le projet de loi C-8 n’est pas qu’une simple modification du libellé du serment de citoyenneté. C’est une déclaration publique d’intégration de notre pays et de tous ceux qui y vivent, y compris les Autochtones. C’est un engagement envers le Canada, aussi bien pour le passé, pour le présent que pour l’avenir. Je sais qu’on posera des questions sur le libellé du projet de loi, sur la manière de dialoguer avec les communautés autochtones et les divers intervenants, ainsi que sur la prochaine mise à jour du guide sur la citoyenneté. Je tâcherai de répondre aux questions du mieux possible, et je souligne que ce projet de loi constitue le point culminant d’une collaboration soutenue. J’espère que le projet de loi en arrivera à devenir une loi.
Encore une fois, le Canada évolue, madame la présidente. Cette évolution reconnaît les répercussions durables du colonialisme et elle invite tous les Canadiens sur la voie de la réconciliation. La réconciliation est un projet national qui exige la participation de tous. Grâce au projet de loi C-8, les nouveaux membres de la famille canadienne comprendront maintenant mieux le rôle unique qu’ils y jouent. J’invite tous les sénateurs à appuyer ce projet de loi. Merci. Meegwetch.
Le sénateur Plett : Bienvenue, monsieur le ministre. C’est bon de vous voir.
Monsieur le ministre, vous en avez déjà parlé, mais l’ajout de la recommandation visant à respecter les traités conclus avec les peuples autochtones était l’un des 94 appels à l’action formulés par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Cette recommandation visait à remplacer le serment de citoyenneté par ce qui suit :
Je jure (ou affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j’observerai fidèlement les lois du Canada, y compris les traités conclus avec les peuples autochtones, et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Monsieur le ministre, j’ai devant moi le projet de loi et l’appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, et ce que je viens de lire ne correspond pas à ce qui est inscrit dans le projet de loi C-8. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez refusé de suivre la recommandation? Vous dites que le libellé du projet de loi découle de cette recommandation, mais vous avez refusé de suivre les conseils de la Commission de vérité et réconciliation et décidé de modifier le libellé proposé.
M. Mendicino : D’abord, sénateur, merci de la question. Je crois qu’il est important de commencer par remercier la Commission de vérité et réconciliation pour le travail qu’elle a accompli. Dans la foulée de son étude minutieuse et déchirante de la tragédie entourant les pensionnats autochtones, la commission a émis des appels à l’action, dont, comme vous l’avez indiqué, l’appel à l’action numéro 94, qui propose une modification au serment de citoyenneté.
Je dirais que le gouvernement a retenu cet appel à l’action et a entrepris ses propres consultations afin de s’assurer de bien comprendre les dirigeants et les communautés autochtones du pays ainsi que les différents intervenants concernés. Le texte que vous avez devant vous est le fruit de l’examen des appels à l’action de la commission et des efforts de collaboration du gouvernement avec les dirigeants autochtones et les parlementaires.
Le sénateur Plett : Vous êtes de la même trempe que le sénateur Gold pour ce qui est de répondre aux questions, parce que vous n’avez pas vraiment répondu à ma question. Je voulais savoir pourquoi et vous ne m’avez pas dit pourquoi.
Votre décision d’élargir la portée de la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation a été mise en doute par certains et vous avez déjà parlé des consultations. L’Assemblée des Premières Nations, par exemple, affirme qu’il aurait été préférable d’ajouter une mention concernant la reconnaissance des droits inhérents, des titres, des traités et des ententes, puisque cela aurait souligné les obligations juridiques du Canada envers les Premières Nations.
Je me demande pourquoi vous n’avez pas suivi cette recommandation. Avez-vous consulté l’Assemblée des Premières Nations ou d’autres groupes? Pourquoi avez-vous refusé cette formulation au profit de celle que vous avez choisie?
M. Mendicino : Nous avons bien consulté l’Assemblée des Premières Nations. J’ai eu un certain nombre de discussions avec le chef national. Évidemment, il ne s’agit que d’une partie des discussions que nous avons eues pendant une certaine période.
Ce que je peux vous dire, sénateur, c’est que le libellé qui a été soumis à l’étude rigoureuse du Sénat reflète les engagements, les consultations et les efforts de communication et qu’il correspond le mieux à la diversité des opinions reçues par le gouvernement dans l’ensemble du processus.
Le sénateur Plett : Vous avez choisi d’inclure dans le serment de citoyenneté une référence à la Constitution, qui ne figurait pas dans l’appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, et vous avez choisi de mentionner seulement les droits constitutionnels des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Vous avez décidé de ne pas faire référence à d’autres droits constitutionnels, comme le droit à l’égalité des sexes. J’aimerais savoir pourquoi vous avez pris ces décisions. Pourquoi avez-vous inclus une référence à la Constitution, et pourquoi avez-vous exclu d’autres droits du serment?
M. Mendicino : Je dirais d’abord, sénateur, que la référence à la Constitution nous permet de répondre à cet appel à l’action en ancrant les peuples autochtones et les principes de l’article 35 de la Charte, sur lequel nous nous sommes aussi fondés pour le libellé du projet de loi à l’étude.
J’ajouterais, sénateur, qu’en incluant une référence expresse à la Constitution — ce qui, je le répète, visait à ancrer les peuples autochtones et les principes de l’article 35 de la Charte — je n’avais nullement l’intention d’exclure d’autres droits garantis par la Constitution et la Charte.
(1510)
Le projet de loi dont vous êtes saisis contribuera en fait à répondre à la demande de la commission, qui souhaite que le serment de citoyenneté tienne mieux compte des peuples autochtones. Nous croyons que son libellé reflète les conversations que nous avons eues et nous rapproche de cet objectif.
Le sénateur Plett : Bien sûr, le serment que nous avons en ce moment est très clair et il inclut tout le monde, monsieur le ministre. Il demande aux nouveaux citoyens de prêter allégeance à la Couronne, d’observer les lois et de remplir leurs obligations en tant que citoyens — on parle de l’ensemble des citoyens. C’est inclusif. Lorsque les citoyens s’engagent à respecter les lois du Canada, la Constitution et les traités sont inclus. Ne craignez-vous pas qu’après avoir reconnu un seul groupe, il y ait de fortes pressions pour étendre le serment de façon considérable? Comment peut-on refuser d’offrir le même traitement à d’autres groupes qui le demanderaient? Êtes-vous disposé à envisager d’autres modifications? Si vous l’êtes, pourquoi? Si vous ne l’êtes pas, pourquoi?
M. Mendicino : Je commencerai par souligner, monsieur le sénateur, que notre relation avec les peuples autochtones est unique. En effet, cette notion revient souvent dans l’ensemble du travail de la commission. Les appels à l’action soulignent vraiment la nature unique et sui generis de notre relation avec les peuples autochtones. Le projet de loi dont vous êtes saisis est le résultat de tous les efforts du gouvernement pour donner suite à cet appel à l’action, c’est-à-dire d’ajouter du texte à un serment de citoyenneté révisé pour mieux refléter les peuples autochtones afin que les néo-Canadiens soient mieux informés de cette réalité.
Cela dit, il ne s’agit pas seulement d’informer les néo-Canadiens alors qu’ils prêtent serment. C’est aussi pour notre éducation à tous. Je pense en avoir parlé dans le cadre de mes remarques préliminaires.
Le sénateur Plett : C’est ma dernière question. Vous ne me donnez pas nécessairement les réponses que je souhaite. Cependant, au moins vous le faites brièvement; c’est toujours ça. Cela me permet de poser toutes mes questions.
Monsieur le ministre, quelle est la pénalité si un nouveau citoyen ne respecte pas son serment de citoyenneté?
M. Mendicino : Sénateur, j’ai assisté à un grand nombre de cérémonies de citoyenneté. Je dois vous dire que, de toutes les fonctions que j’ai le privilège d’exercer dans le cadre de mon ministère, il y en a peu de comparables. En fait, je pense qu’il n’y a rien de comparable au fait de pouvoir non seulement présider une cérémonie de citoyenneté, mais aussi d’y participer, de pouvoir regarder de nouveaux arrivants qui ont surmonté de grandes difficultés pour venir au Canada et qui ont satisfait à toutes les exigences que nous leur avons imposées pour arriver à cette étape importante où ils peuvent prêter serment et devenir officiellement membres de notre famille.
Dans toutes mes interactions, j’ai toujours été profondément bouleversé par le sentiment de gratitude des nouveaux arrivés envers le Canada, mais aussi par l’espoir teinté d’optimisme, lors de la prestation du serment de citoyenneté, de pouvoir contribuer à la vie de leur nouveau pays.
C’est dans le droit fil de mon expérience en tant que ministre de l’Immigration et en tant que fils d’une famille d’immigrants. En fait, c’est l’une des choses les plus inspirantes que je fais, comme vous pouvez probablement le constater au ton de ma voix. Ce projet de loi est un pas dans la bonne direction.
Le sénateur Plett : Nous n’avons pas besoin de modifier le serment, n’est-ce pas?
La présidente : Merci, sénateur Plett. Nous passons maintenant à la prochaine période de 10 minutes, qui sera partagée également entre la sénatrice Omidvar et le sénateur Loffreda.
La sénatrice Omidvar : Merci, monsieur le ministre, d’être ici avec nous aujourd’hui. Le projet de loi porte sur le Canada. Il porte sur la place qui revient aux Autochtones dans notre pays et dans notre serment. Il porte également sur les néo-Canadiens qui prêtent ce serment. J’aimerais vous demander quelles consultations vous avez effectuées auprès des communautés d’immigrants. Que vous ont-elles dit à propos de cette modification?
M. Mendicino : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je vous remercie également de votre travail. Je dois dire que j’ai toujours l’impression que nos échanges m’aident dans mon travail. Cela s’applique certainement dans le cas de ce projet de loi.
Dans mes observations d’aujourd’hui, de même que lors d’échanges précédents, j’ai dit que, avant de présenter le projet de loi au Sénat, nous avons entrepris diverses démarches en vue de consulter les dirigeants autochtones partout au pays ainsi que des défenseurs des intérêts des immigrants.
Comme nous l’avons déjà expliqué, nous avons collaboré avec des fournisseurs de services d’établissement et des organismes qui représentent les réfugiés et les demandeurs d’asile ou qui défendent leurs intérêts afin de comprendre les meilleurs moyens d’éduquer les nouveaux arrivants au Canada au sujet des Autochtones. Comme vous l’avez fait remarquer, comprendre notre histoire et notre présent, dont les Autochtones font, évidemment, partie intégrante, est un pas essentiel pour devenir Canadien.
La sénatrice Omidvar : Merci. Je suis heureuse d’entendre que vous les avez consultés. Puisque vous avez parlé d’éducation, restons sur le sujet. J’espère que vous conviendrez que beaucoup de temps aura peut-être été perdu si on attend qu’un immigrant devienne un citoyen — il faut normalement quatre ans pour que tout se fasse. Seriez-vous donc d’accord pour dire que l’intégration, qui commence dès le premier jour, irait de pair avec la réconciliation? Que pouvez-vous me dire de vos plans visant à restructurer les services d’intégration afin que l’éducation commence dès le premier jour et non quatre ans plus tard?
M. Mendicino : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je pense que vous avez abordé des questions très importantes en ce qui concerne le travail de réconciliation et le fait que l’adoption du projet de loi C-8 pourrait représenter une étape importante vers la réconciliation avec les peuples autochtones, ainsi que le rôle du système d’immigration dans ce travail.
Vous avez mentionné à plusieurs reprises le mot « intégration », qui est effectivement l’un des principaux objectifs que nous essayons d’atteindre lorsque nous accueillons de nouveaux arrivants.
Je suis très fier du travail accompli par le gouvernement, les fonctionnaires et nos partenaires dans le milieu des services d’établissement ainsi que du travail que nous avons l’occasion de faire avec vous dans le domaine de l’intégration. C’est un travail pour lequel nous sommes vénérés par de nombreux autres pays du monde aux vues similaires. Je pense que nous pouvons restructurer cette partie précise de notre travail en adoptant le projet de loi — parce que, comme nous l’avons dit, un serment modifié qui tient compte des peuples autochtones contribuera à l’éducation des nouveaux Canadiens — et en mettant à jour le guide sur la citoyenneté, ce qui, nous l’espérons, se fera sous peu, afin qu’il ne soit pas nécessaire d’attendre la prestation de serment pour l’obtenir. Comme vous l’avez dit, les personnes qui souhaitent obtenir la citoyenneté pourront obtenir le guide dès le premier jour et l’utiliser de manière générale et en apprendre davantage sur l’histoire du Canada, y compris les peuples autochtones.
La sénatrice Omidvar : En réalité, j’espère que vous me dites que l’histoire des Autochtones du Canada et nos efforts de réconciliation feront partie des cours de langue. C’est là où de nombreux immigrants apprennent l’anglais. Dès le premier jour, nous dépensons beaucoup d’argent à cette fin. Je vous exhorte à viser un objectif triple plutôt qu’un objectif double.
Cela dit, vous avez parlé des cérémonies de citoyenneté. J’ai moi aussi participé et pris la parole à de nombreuses cérémonies de citoyenneté, et il s’agit vraiment de l’expérience la plus édifiante que j’ai vécue dans ce domaine.
Toutefois, les cérémonies de citoyenneté où vous et moi sommes invités à prendre la parole sont...
La présidente : Je suis désolée, sénatrice Omidvar, mais vos cinq minutes sont écoulées. Nous passons maintenant au sénateur Loffreda, qui a cinq minutes.
Le sénateur Loffreda : Merci d’être ici, monsieur le ministre.
Je précise d’emblée que j’appuie le projet de loi C-8. Je me félicite qu’il ait été largement soutenu à l’autre endroit, signe certain que ce changement au serment de citoyenneté s’imposait depuis longtemps.
(1520)
Ma question concerne le guide sur la citoyenneté. Je sais que le ministère a travaillé à la révision du guide et de l’examen des connaissances afin de mieux refléter notre histoire et les peuples autochtones du Canada. Au cas où le projet de loi C-8 recevrait la sanction royale et deviendrait loi, en quoi la nouvelle version du guide reflétera le rôle, l’influence, les droits et la réalité des peuples autochtones? Quels autres outils pédagogiques pourraient appuyer cet objectif — si vous avez autre chose à ajouter, puisque nous en avons déjà parlé — et quand pouvons-nous nous attendre à ce que le nouveau guide soit publié? Je sais que sa révision est en cours depuis de nombreuses années déjà. J’ai une deuxième question rapide; si vous souhaitez répondre à la première, je serai heureux d’écouter et de poser ensuite ma deuxième question. Je vous remercie.
M. Mendicino : Merci de la question, sénateur. J’ai moi aussi trouvé très encourageant l’appui unanime de la Chambre, grâce auquel nous avons pu faire passer le projet de loi à l’étape de la troisième lecture et à en saisir le Sénat. S’agissant de la mise à jour du guide sur la citoyenneté, elle est en cours. Nous avons contacté de nombreux groupes et communautés autochtones, ainsi que d’autres défenseurs de la cause afin d’inclure davantage dans le guide l’histoire, les cultures et les valeurs autochtones. En effet, comme vient de le dire la sénatrice Omidvar, il faut réorganiser la façon dont nous éduquons non seulement les néo-Canadiens, mais aussi chacun d’entre nous en ce qui concerne notre passé, notre présent et notre avenir. Il va sans dire que cela doit se faire de concert avec les peuples autochtones. Cela nous aidera à nous rapprocher de notre objectif de réconciliation.
Ces conversations sont en cours, mais je pense avoir abordé quelques aspects qui, nous l’espérons, permettront au guide révisé de mieux refléter notre relation avec les peuples autochtones.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.
Dimanche dernier, vous avez annoncé une exemption de voyage pour les séries éliminatoires de la LNH, ce qui permettra aux équipes de franchir la frontière pour la prochaine ronde sans avoir à se soumettre à une quarantaine de 14 jours. Évidemment, c’est une très bonne nouvelle pour les membres de l’équipe de la Sainte-Flanelle, les rois du Nord — je ne tournerai pas le fer dans la plaie en disant quelles équipes ils ont éliminées —, mais je sais qu’il y aura plusieurs protocoles en place, y compris le respect des bulles, le dépistage quotidien, des périodes strictes de quarantaine, des hôtels et des arénas préapprouvés, sans parler du respect de toutes les directives sanitaires locales et des règles de la santé publique.
Pouvez-vous nous dire quels sont les facteurs qui vous ont mené à annoncer cette exemption pour des motifs d’intérêt national? Pouvons-nous espérer sous peu la même exemption pour les équipes de la Ligne majeure de baseball et de la MLS? J’ai parlé à notre équipe locale et je sais que certaines de nos équipes canadiennes ont très hâte de revenir à la maison. Quand pouvons-nous nous attendre à recevoir une annonce sur l’allégement des restrictions à la frontière pour ces équipes sportives dont les membres, pour la plupart, ont reçu toutes leurs doses de vaccins? En outre, je sais que les médias laissent une grande place aux théories sur la réouverture de la frontière pour les voyageurs internationaux ayant reçu eux aussi toutes leurs doses de vaccin.
M. Mendicino : Je vous remercie, monsieur le sénateur. À titre de ministre de la Couronne, je promets de ne pas rester aveuglément fidèle à l’équipe de ma ville. De toute évidence, maintenant que les Canadiens passent en demi-finale, nous pouvons tous nous rallier derrière eux et les encourager.
Pour ce qui est de la décision que nous avons prise récemment, je tiens à dire que nous l’avons prise avec beaucoup d’attention. Elle est fondée sur les conseils que nous avons reçus des responsables de la santé publique de tous les ordres de gouvernement, donc des échelons fédéral, provincial et municipal. C’était un préalable essentiel avant d’exercer la discrétion permettant d’accorder une exemption liée à l’intérêt national.
Je tiens aussi à dire que les fonctionnaires de mon ministère et toutes les personnes concernées ont analysé avec beaucoup de soin la proposition de la LNH. Il s’agissait, selon notre évaluation, d’un plan rigoureux et très responsable, qui abordait la question d’une quarantaine modifiée concernant seulement le travail, et qui prévoyait des règles rigoureuses à propos des déplacements entre l’aréna et l’hôtel que fait l’équipe de l’extérieur.
La présidente : Je vous remercie, monsieur le ministre.
Le sénateur Tannas : Merci d’être parmi nous, monsieur le ministre. J’aurais quelques questions rapides pour commencer. Quand devrait-on commencer à utiliser la nouvelle version du serment de citoyenneté?
M. Mendicino : C’est une excellente question, monsieur le sénateur. J’espère sincèrement que nous pourrons commencer à utiliser la nouvelle version aussitôt que possible après l’entrée en vigueur de la loi.
Le sénateur Tannas : Quand la nouvelle version du guide devrait-elle être prête?
M. Mendicino : Tout comme pour le serment, nous espérons publier la version révisée du guide sur la citoyenneté aussitôt que possible après l’entrée en vigueur du projet de loi C-8, pour qu’il soit utilisé comme outil d’éducation.
Le sénateur Tannas : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que les fonctionnaires de votre ministère travaillaient d’arrache-pied pour que le guide soit prêt. Je présume que l’objectif consiste à faire en sorte que les nouveaux citoyens prêtent serment à quelque chose qu’ils comprennent et dont ils ont pris connaissance dans le guide. Ne croyez-vous pas que les deux vont de pair?
M. Mendicino : Je ne dirais pas qu’ils vont nécessairement de pair. Oui, sénateur, notre objectif est de publier le guide aussitôt que possible. Je précise que d’importantes discussions sont toujours en cours avec des parlementaires, des dirigeants autochtones et la collectivité en général pour que le guide reflète bien notre relation avec les peuples autochtones et qu’il réponde aux appels à l’action.
Le sénateur Tannas : À ce sujet — les appels à l’action, etc. —, on a posé des questions concernant l’intention du gouvernement de soutenir ses mesures avec des engagements et des programmes éducatifs substantiels et financés. Pouvez-vous nous donner une idée du financement prévu relativement à cette mesure législative, une fois qu’elle aura été adoptée?
M. Mendicino : Je pourrais demander aux fonctionnaires de mon ministère de me fournir des données plus détaillées à ce sujet, mais dans le cadre de nos efforts constants pour assurer la croissance du pays grâce à l’immigration, nous avons fait des investissements à la hauteur de nos objectifs ambitieux. Par ailleurs, nous accorderons du financement et des ressources supplémentaires aux fournisseurs de services d’établissement ainsi qu’aux partenaires dans ce domaine. Nous espérons vivement que ces efforts comprendront des mesures de sensibilisation à l’égard du serment ainsi que la distribution d’un guide de citoyenneté révisé pour que le plus grand nombre de personnes possible puissent en apprendre davantage sur notre relation avec les peuples autochtones, d’une manière qui soit plus inclusive et représentative de la véritable nature de cette relation.
Le sénateur Tannas : Merci. Vous avez dit que les cérémonies elles-mêmes sont des événements importants dans votre carrière de député et de ministre. Je suis ici depuis huit ans, et on ne m’a jamais invité à l’une de ces cérémonies.
M. Mendicino : Nous devrons y remédier.
Le sénateur Tannas : Je pense que vous pourriez obtenir bien des appuis, non seulement de ma part, mais aussi de la part de nombreux sénateurs, si vous pouviez demander aux gens de votre ministère de nous inclure dans le processus. Nous représentons aussi ces nouveaux citoyens, et même si nous n’avons pas à solliciter leurs votes, nous aimerions pouvoir prendre part aux célébrations et ainsi leur témoigner notre respect. Si vous pouviez considérer cela et peut-être fournir des instructions en ce sens, je crois que nombre d’entre nous vous en seraient reconnaissants. Merci.
M. Mendicino : Je pense que cette demande est très raisonnable.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Tannas : Le gouvernement a annoncé qu’il allait bientôt alléger les restrictions à la frontière. Comment votre ministère se prépare-t-il en vue de la réouverture de la frontière et du refoulement qui pourrait s’y produire avec l’arrivée de demandeurs d’asile aux frontières terrestres?
M. Mendicino : Je vous remercie de cette question, sénateur. Elle me permet de faire la lumière sur deux éléments. D’abord, nous prenons très au sérieux les décisions relatives à notre frontière. Comme vous le savez, nous avons mis en place d’importantes restrictions concernant les voyages, ainsi que des protocoles sanitaires rigoureux, qui se sont avérés très efficaces, à mon avis, pour réduire les risques de propagation du virus. Bien que nous en soyons maintenant à un autre stade, le contexte épidémiologique s’améliore au Canada. Nous nous assurerons de toujours obtenir les meilleurs conseils de santé publique qui soient.
(1530)
En ce qui concerne nos efforts visant à octroyer l’asile aux plus vulnérables de ce monde, je suis très fier que nous ayons réussi à poursuivre ce travail, en dépit des perturbations causées par la pandémie. Cela nous a permis de résoudre certains des cas les plus urgents, d’accorder un statut à des personnes protégées se trouvant déjà au Canada, et de créer de nouvelles voies légales à l’intention de certains demandeurs d’asile travaillant dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. Nous devrions tous être fiers du travail que le Canada accomplit pour défendre les droits de la personne dans le cadre de son système d’octroi de l’asile.
Le sénateur Tannas : Merci, monsieur le ministre.
J’ai une dernière question sur les retards concernant les demandes d’accès à l’information qui, d’après ce que j’ai cru comprendre, sont mentionnés dans votre mémoire.
La commissaire à l’information a déposé les résultats d’une enquête sur les retards systématiques concernant les demandes d’accès à l’information et la façon dont votre ministère traite ces demandes. Elle a constaté que la vaste majorité des demandes portent sur l’état des dossiers d’immigration. Vous avez élaboré un plan ambitieux en réponse aux recommandations de la commissaire pour vous attaquer à cette culture du retard.
Si ma mémoire est bonne, vous vous êtes fixé comme objectif d’obtenir des ressources humaines et financières à court terme d’ici le deuxième trimestre de l’exercice en cours afin d’éliminer l’arriéré. Combien de personnes avez-vous embauchées jusqu’à présent, et êtes-vous en voie de disposer de toute la main-d’œuvre nécessaire d’ici la fin du deuxième trimestre, c’est-à-dire la fin de septembre?
M. Mendicino : Merci, monsieur le sénateur. Je tiens à souligner à tous les sénateurs présents aujourd’hui, ainsi qu’à tout le monde, que la transparence et la reddition de comptes revêtent une grande importance pour le gouvernement et mon ministère. C’est pourquoi nous avons collaboré très étroitement avec la commissaire à l’information pour améliorer nos processus d’accès à l’information.
Je me contenterai de signaler que mon ministère est celui qui reçoit, de loin, le plus de demandes d’accès à l’information et que nous espérons améliorer la qualité de ce service, en collaborant avec la commissaire à l’information.
Entretemps, nous prenons des mesures à court terme pour atténuer les retards, y compris en améliorant l’accès à notre site Web et en faisant preuve d’une plus grande transparence dans notre processus décisionnel. Tout cela fait partie intégrante de nos efforts pour rassurer les gens que nous prenons l’immigration très au sérieux, que nous voulons obtenir des résultats et que nous ferons preuve de transparence à ce chapitre.
Quant au nombre précis d’employés embauchés, nous avons récemment embauché 62 nouveaux employés à temps plein dans le Canada atlantique, qui s’occupent surtout du traitement des demandes de résidence permanente. Cependant, au besoin, on affectera des ressources supplémentaires pour traiter aussi les demandes d’accès à l’information.
Le sénateur Tannas : J’ai peut-être mal compris. Je pensais que vous vous étiez engagé à obtenir les ressources et à embaucher le personnel, mais je me trompe peut-être. Vous avez mentionné que 62 employés ont été embauchés pour le traitement des demandes de résidence permanente, mais que personne ne l’a encore été pour le traitement des demandes d’accès à l’information. Est-ce exact?
M. Mendicino : Je vais faire appel à l’un des fonctionnaires qui sont présents dans l’espoir que nous pourrons donner un chiffre précis au sénateur.
[Français]
Daniel Mills, sous-ministre adjoint, Opérations, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Pour répondre à la question du sénateur, nous sommes en voie d’embaucher du personnel additionnel pour l’accès à l’information. Je n’ai pas le nombre exact, mais soyez assuré que nous sommes actuellement en campagne pour doter ces postes additionnels.
Nous sommes également en train de revoir nos différents processus. Comme le ministre l’a mentionné, nous avons lancé différentes initiatives au cours des dernières semaines et des derniers mois. Par exemple, les personnes demandant la citoyenneté peuvent aller sur notre site Internet pour consulter leur demande et connaître son état d’avancement. On appelle cela un outil de suivi. C’est une application qui leur permet de suivre, étape après étape, leur demande de citoyenneté. Cette initiative, qui a été lancée le 6 mai dernier, devrait permettre de répondre aux besoins des demandeurs.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Bienvenue, monsieur le ministre. Je vous remercie d’être ici aujourd’hui.
Monsieur le ministre, le projet de loi C-8 donne suite à l’appel à l’action no 94 de la Commission de vérité et réconciliation, qui demande de changer le serment de citoyenneté pour les nouveaux arrivants au Canada. Pour expliquer la raison justifiant une telle mesure, le rapport de la commission indique ce qui suit :
Pour les nouveaux Canadiens, dont beaucoup gardent des souvenirs traumatisants de la violence, du racisme et de l’oppression coloniaux, l[a] recherche d’un terrain d’entente entre peuples visés par des traités passe par l’apprentissage de l’histoire des Autochtones et le renforcement des liens de solidarité. La [c]ommission croit qu’il est urgent d’accroître le dialogue entre les peuples autochtones et les nouveaux Canadiens.
Monsieur le ministre, en fonction de votre expérience et de votre vision à titre de ministre de l’Immigration, veuillez nous dire quel est votre plan pour faire progresser l’éducation et le dialogue par rapport à l’histoire et à la culture autochtones chez les néo‑Canadiens.
M. Mendicino : Monsieur le sénateur, j’aimerais d’abord vous remercier de la question et d’avoir résumé avec beaucoup d’éloquence la justification fournie par la commission concernant le caractère urgent de l’appel à l’action no 94.
Comme vous l’avez mentionné, selon la commission, cette démarche est importante notamment parce qu’un serment de citoyenneté qui reflète mieux les Autochtones et notre relation avec eux donnera aux nouveaux arrivants l’occasion d’établir un lien avec leur propre expérience et l’adversité à laquelle ils ont eux-mêmes dû composer avant de venir au Canada ou même une fois ici.
Vous avez parlé de colonialisme. C’est une chose à laquelle nous, parlementaires, et l’ensemble des Canadiens devons nous attaquer. Les façons dont notre passé colonial continue de se répercuter et de se manifester de manière très négative par l’entremise de diverses institutions font qu’il est nécessaire que nous poursuivions ce travail. Cela comprend la façon dont nous accueillons les nouveaux arrivants parmi nous à titre de citoyens.
D’après mon expérience et mes interactions avec de nouveaux arrivants, le serment modifié sera une occasion de mieux les éduquer sur les moyens dont ils peuvent contribuer eux-mêmes au travail de réconciliation en entrelaçant leur propre vécu avec notre histoire, notre présent et notre avenir avec les Autochtones.
Encore une fois, j’insiste pour dire que c’est l’une des nombreuses raisons qui font que cette démarche est si importante.
Le sénateur Klyne : Merci.
Monsieur le ministre, une chose que j’aime beaucoup dans ce projet de loi, c’est la place qu’occupe ce serment dans la cérémonie de citoyenneté. Lors de ces cérémonies, de nouveaux arrivants deviennent officiellement des citoyens canadiens en prêtant le serment de citoyenneté et en chantant l’hymne national. Pour de nombreux nouveaux Canadiens, cette cérémonie, où ils seront entourés de leurs familles et de leurs proches, y compris leurs enfants et éventuellement leurs petits-enfants, représentera un moment important de leur vie.
En plus d’entendre parler des droits ancestraux et issus de traités lors de ces cérémonies mémorables et symboliques, il est essentiel que les jeunes nouveaux Canadiens découvrent la véritable tragédie, provoquée par des générations antérieures, dont ont été victimes les Autochtones ainsi que la véritable richesse des histoires et des cultures des nations autochtones.
Les événements et les commémorations publics autour de la vérité et de la réconciliation joueront un rôle majeur dans l’éducation des nouveaux jeunes Canadiens. Par exemple, il y a désormais la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation et une nouvelle approche en ce qui concerne les cérémonies de citoyenneté.
J’espère que le gouvernement mettra aussi en œuvre l’appel à l’action no 81, qui demande l’édification d’un monument national à Ottawa, tout comme la Saskatchewan a répondu à l’appel à l’action no 82 visant l’édification d’un monument dans chaque capitale provinciale. J’espère également que les choses bougeront en ce qui concerne l’appel à l’action no 79 afin que les Autochtones soient représentés à la Commission des lieux et monuments historiques du Canada.
Pourriez-vous nous parler de l’importance des événements et des commémorations publics et faire le point sur les plans du gouvernement à ce sujet et relativement aux appels à l’action nos 81 et 79?
M. Mendicino : Merci de votre question.
Je commencerai en réitérant l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre tous les appels à l’action, notamment ceux que vous avez cités concernant une meilleure représentation des peuples autochtones et la création de monuments qui incarnent les peuples autochtones. Évidemment, l’engagement à établir une journée nationale pour commémorer la Commission de vérité et réconciliation est une mesure importante, tout comme le projet de loi C-8.
(1540)
Je vais cependant revenir à l’élément le plus important de votre première question à mon avis, soit de savoir comment ces cérémonies de citoyenneté contribuent à l’important objectif de réconciliation. Cela me permet de parler brièvement de la grande valeur de l’inclusion des aînés dans l’ouverture de ces cérémonies de citoyenneté, de l’affirmation de la reconnaissance de la terre, qui libère notre esprit — faute d’une meilleure expression — pour entreprendre la cérémonie du bon pied, de l’échange de cadeaux, le cas échéant, et de la volonté de laisser cet esprit imprégner ce moment d’une grande solennité pour les nouveaux arrivants, comme je l’ai expliqué plus tôt.
Vous avez raison de vouloir vous informer au sujet des cérémonies comme telles. Elles ajoutent à ce moment très important pour les nouveaux arrivants. C’est difficile de bien l’expliquer, sénateur, mais je crois que j’ai fait de mon mieux.
Le sénateur Klyne : J’espère qu’un monument sera installé à Ottawa et j’espère que les Premières Nations seront représentées au sein de la commission. Merci.
M. Mendicino : Merci, sénateur.
Le sénateur Patterson : Monsieur le ministre, comme je vous l’ai dit aujourd’hui à midi, lorsque nous avons eu l’occasion de parler brièvement, pour la première fois, du projet de loi dont je suis le porte-parole, j’étais désolé de ne pas avoir eu l’occasion de poser mes questions à l’avance, lors d’une séance d’information pour les porte-parole ou d’une séance d’information technique comme le veut la pratique habituelle. Cependant, je suis heureux d’avoir l’occasion de vous poser des questions aujourd’hui. J’en ai au moins trois, alors je vous demanderais de continuer à être bref dans vos réponses étant donné le peu de temps dont nous disposons.
Tout d’abord, pourriez-vous énumérer rapidement l’ensemble des groupes et organisations autochtones que vous avez consultés avant de produire la version du projet de loi qui a été déposée?
M. Mendicino : Bien sûr, sénateur. Avant de répondre, je comprends ce que vous dites au sujet des séances d’information. Comme je l’ai dit, nous nous engageons à travailler avec vous et votre personnel pour que vous disposiez de toute l’information nécessaire concernant le projet de loi C-8 et tout autre travail que nous faisons ensemble.
Pour le projet de loi C-8, nous avons consulté l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis. Nous avons également consulté la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, qui représente les organismes signataires des traités modernes au nom des Inuits, des Métis et des Premières Nations. Nous avons eu des activités de sensibilisation avec l’Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des peuples autochtones. Le ministère a également mené des consultations avec d’autres intéressés et d’autres défenseurs de divers intérêts, mais si je comprends bien, votre question portait sur les groupes et les organisations autochtones consultés.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre réponse. Je la trouve intéressante parce que la réponse écrite que votre ministère a fournie au bureau de la députée néo-démocrate Jenny Kwan et que mon bureau a été en mesure d’obtenir ne mentionnait pas le Congrès des peuples autochtones et l’Association des femmes autochtones du Canada, ou l’AFAC, mais vous avez aujourd’hui inclus les deux organisations sur la liste. Je dois vous demander franchement, monsieur le ministre, quelle est votre définition de consultation. C’est important, puisque vous venez de dire que ces organisations ont participé à la finalisation du guide sur la citoyenneté.
L’AFAC a informé le comité des Communes qu’elle n’avait reçu des informations sur le contenu du projet de loi C-8 qu’une semaine avant sa comparution. Lorsque vous présentez une ébauche à des organisations autochtones comme l’AFAC sans les avoir consultées dès le début, il est clair que vous ne respectez pas le processus visant à obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, qui est prévu dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et qui est mentionné dans de nombreuses lois et dans le projet de loi C-15 du gouvernement. Le Congrès des peuples autochtones a même qualifié votre processus de consultation sur le projet de loi de raciste et a déclaré qu’il n’a pas été consulté.
Pourriez-vous expliquer ce que votre ministère considère comme une consultation? Pensez-vous avoir obtenu le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, des organisations autochtones sur ce projet de loi?
M. Mendicino : Sénateur, je prends vos observations au sérieux. Nous avons entretenu le dialogue avec les chefs autochtones et nous continuerons de le faire d’un bout à l’autre du pays dans le but d’établir une collaboration qui fera progresser la réconciliation avec l’adoption de ce projet de loi. Voilà ce à quoi je m’engage devant vous. Voilà mon engagement à l’égard de tous les chefs autochtones et leurs communautés d’un bout à l’autre du pays.
Comme je l’ai dit dans mes observations, j’ai bon espoir que ce projet de loi est le résultat d’une collaboration continue et de notre volonté d’agir ensemble.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre réponse. J’espère que le processus sera amélioré pour les prochaines étapes.
Dans un autre ordre d’idées, monsieur le ministre, le Bloc québécois s’est opposé ouvertement à ce que le nouveau serment affirme les droits énoncés dans la Constitution. Vous êtes probablement trop jeune pour vous en souvenir, mais c’est dans cette enceinte que les débats ont eu lieu pour exclure le Québec de la Constitution rapatriée, comme vous le savez sans doute.
Si j’ai bien compris, Éric Cardinal, un juriste autochtone du Québec, a souligné que le libellé actuel réclame l’affirmation de la Loi constitutionnelle de 1982, qui n’est pas reconnue par le Québec. Toutefois, ce qui est plus important encore, certains titulaires de droits issus de traités disent qu’ils en sont exclus. Votre lettre de mandat, comme toutes les lettres de mandat, inclut une exigence de collaborer avec les gouvernements provinciaux et les chefs autochtones.
J’aimerais savoir ceci : pourquoi votre ministère a-t-il inclus cette référence à la Constitution? Pourquoi les députés qui siègent au comité de la Chambre des communes ont-ils rejeté un amendement qui aurait enlevé cette référence dans le serment, qui, selon moi, est très controversé pour le Québec et qui exclut certains titulaires de droits issus de traités?
M. Mendicino : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Je crois que je peux donner certaines précisions sur l’inclusion du mot « Constitution » dans le libellé du projet de loi C-8, dont vous êtes saisis et qui est le fruit d’un certain nombre de discussions et de consultations ainsi que de nos efforts en vue de refléter le mieux possible l’appel à l’action et les commentaires que nous avons reçus ces derniers temps pour en arriver là où nous en sommes maintenant.
Après l’opposition initiale du comité au libellé du projet de loi C-8, dont vous êtes saisis, j’ai été effectivement très encouragé de voir le Bloc lui donner son appui unanime, ce qui nous a permis de vous le renvoyer. À mon avis, le libellé du projet de loi pourrait varier en fonction des différents points de vue, mais j’espère que, quand on l’examine dans son ensemble, on constate qu’il constitue vraiment un pas dans la bonne direction pour mieux refléter notre relation avec les Autochtones et, par conséquent, la réconciliation.
Le sénateur Patterson : D’accord. Merci de cette réponse. Le serment de citoyenneté actuel est bref et va droit au but, comme cela devrait être le cas dans les cérémonies de citoyenneté. Toutefois, je crois comprendre que cela s’explique en partie parce que la langue maternelle des nouveaux Canadiens n’est peut-être pas l’anglais ou le français, alors il est important d’utiliser des termes simples dans les deux langues officielles. Compte tenu de l’éventail complexe de nouveaux concepts liés aux droits et à l’histoire des Autochtones, y compris les traités, il y a des nuances et des complexités que beaucoup de Canadiens doivent mieux comprendre.
Je crois que nous devons prendre bien soin de faire en sorte que le serment soit significatif et facile à comprendre pour les nouveaux Canadiens. Dans cette optique, je dirais que le nouveau guide sur la citoyenneté, qui fait aussi l’objet de l’appel à l’action numéro 93 de la Commission de vérité et réconciliation, est absolument essentiel pour fournir le contexte indispensable au serment.
J’ai trouvé la réponse que vous venez de donner au sénateur Tannas un peu évasive. Voici ce que je vous propose : si nous adoptons le projet de loi, accepterez-vous de ne pas le faire entrer en vigueur avant que le guide sur la citoyenneté soit terminé et approuvé?
(1550)
M. Mendicino : Avant toute chose, sénateur, je vous remercie de poser cette question à propos du guide sur la citoyenneté et de parler de consultation et de communication. Cela me donne l’occasion de vous dire que c’est un aspect du guide auquel nous consacrons actuellement beaucoup d’efforts. Nous avons consulté plusieurs dirigeants et communautés autochtones, de même que des parlementaires, et ce travail se poursuit.
Notre but, c’est que le guide reflète mieux les principes, les valeurs et l’histoire des Autochtones, pour que les nouveaux arrivants et les Canadiens puissent se familiariser avec eux. Comme je vous l’ai dit plus tôt, monsieur le sénateur, je suis résolu à accomplir ce travail avec vous et avec tous les sénateurs — avec tous les Canadiens, en fait — puisque c’est ainsi que nous pourrons mieux renseigner tous les Canadiens et arriver à la réconciliation, comme la Commission de vérité et réconciliation nous a invités à le faire.
Le sénateur Patterson : La meilleure façon de procéder ne serait-elle pas de terminer la mise à jour du guide sur la citoyenneté puis de promulguer le projet de loi, au lieu de n’avoir qu’un document en chantier pour soutenir les quelques nouveaux mots du serment qui ont été approuvés par le Parlement?
M. Mendicino : C’est assurément une question d’opinion et de perspective, monsieur le sénateur, mais nous avons démontré, je crois, qu’il est possible de poursuivre ces deux objectifs en parallèle. Comme je l’ai dit plus tôt, le serment de citoyenneté et le guide n’entreront peut-être pas en vigueur le même jour, avec un synchronisme parfait, mais...
La présidente : Veuillez m’excuser, monsieur le ministre. Nous devons passer au prochain bloc de 10 minutes.
[Français]
Le sénateur Cormier : Bonjour, monsieur le ministre. Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui et je remercie la marraine de ce projet de loi, la sénatrice Anderson.
Ma question concerne les dimensions culturelles des cérémonies de prestation du serment. Nous savons qu’il y a beaucoup à faire pour que les Canadiens et les nouveaux arrivants comprennent et apprécient toute la richesse et la diversité des cultures et des traditions autochtones.
Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, comment les cérémonies refléteront concrètement les diverses cultures et traditions autochtones, et comment vous comptez vous assurer que le contenu de ces cérémonies est établi en concertation avec ces peuples?
M. Mendicino : Je vous remercie, sénateur. C’est une question très importante. Comme je l’ai déjà dit, les cérémonies de citoyenneté jouent un rôle essentiel et très important dans le processus qui, ultimement, permet de devenir un membre de la grande famille canadienne. Je peux vous donner quelques exemples de cérémonies au cours desquelles nous avons intégré les traditions des peuples autochtones. Par exemple, nous avons à quelques reprises accueilli les aînés et il y a eu un échange de cadeaux. Il y a eu d’autres exemples où les traditions des peuples autochtones composaient une grande partie de la cérémonie, et ce, dans l’esprit du processus permettant de devenir un nouveau citoyen. Pour moi, c’est très important et c’est un des moyens qui permettent de faire progresser le travail de réconciliation.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie, monsieur le ministre. Évidemment, je reconnais comme vous que ces cérémonies sont assez émouvantes. Étant donné qu’elles se déroulent à différents endroits sur le territoire canadien, où vivent différents peuples autochtones, comment l’intégration des traditions et des cultures autochtones aux cérémonies tenues lors du serment de citoyenneté sera-t-elle faite pour qu’elles représentent le mieux possible les peuples autochtones et les lieux où elles se déroulent?
M. Mendicino : C’est une bonne question, sénateur, et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous continuons de nous engager auprès de toutes les communautés autochtones partout au pays, afin de mieux comprendre leurs traditions respectives. J’espère que le nouveau guide de citoyenneté que nous allons publier bientôt, à très court terme, je l’espère, donnera des explications sur ces traditions et ces principes qui appartiennent aux peuples autochtones. Il s’agit là d’une façon de tous nous éduquer, non seulement les nouveaux arrivants et les nouveaux citoyens, mais aussi tous les Canadiens et les Canadiennes.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie, monsieur le ministre. Je me permettrais d’ajouter, en terminant, que ce guide servira aux nouveaux arrivants, mais qu’il servira également aux organisateurs de ces événements et de ces cérémonies, pour qu’ils puissent, eux et elles aussi, être pleinement conscients de la diversité et de la richesse des cultures autochtones. Je vous remercie et je cède la parole à la sénatrice McPhedran.
[Traduction]
La sénatrice McPhedran : Je suis heureuse de vous voir, monsieur le ministre. Je vous remercie de vous joindre à nous pour cette conversation importante, qui a été rendue possible grâce à la sénatrice Anderson, marraine du projet de loi à l’étude.
Ma question porte sur les droits inhérents. Monsieur le ministre, vous nous avez fourni de l’information sur les consultations du gouvernement, et ma question est plutôt pointue.
La chef régionale de l’Assemblée des Premières Nations, Marlene Poitras, a récemment présenté sa position sur ce projet de loi au Groupe des sénateurs indépendants. Elle a indiqué que l’Assemblée des Premières Nations avait recommandé que la modification du serment de citoyenneté comprenne le libellé suivant : « en respectant les lois, y compris les droits inhérents, les titres, les traités et les accords avec les Autochtones ».
Cela n’a pas été fait. Selon la chef Poitras :
Les traités ne constituaient pas l’accord des Autochtones pour renoncer à leurs droits, ce qui se reflète dans l’utilisation du mot « inhérents » dans la modification proposée.
Le gouvernement a montré son engagement à mettre en œuvre l’appel à l’action no 94. Avec le projet de loi C-99 en 2019 et le projet de loi C-6 en 2020, cela fait trois occasions d’utiliser le libellé proposé par l’Assemblée des Premières Nations, afin de mieux représenter les droits des Autochtones.
Monsieur le ministre, pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de ne pas incorporer ce libellé dans le serment?
M. Mendicino : Je vous remercie beaucoup de votre question, sénatrice. Comme je l’ai dit plus tôt lors d’un échange avec l’un de vos collègues, nous avons eu plusieurs conversations avec l’Assemblée des Premières Nations, et j’ai eu un certain nombre de discussions avec le chef national. Je pense que cela montre sans aucun doute qu’il existe divers points de vue sur la meilleure façon de rédiger le nouveau serment de citoyenneté pour favoriser la réconciliation. Certains de vos collègues ont proposé un libellé différent.
Je dirai que nous avons tenté de choisir un libellé qui, à notre avis, reflète le mieux la diversité de ces points de vue. J’ajouterai simplement aux réponses que j’ai fournies plus tôt que cela ne minimise aucunement le travail que le gouvernement fait dans d’autres domaines, où nous faisons référence expressément au droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. De toute évidence, notre projet de loi de mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — un autre projet de loi étudié actuellement par le Sénat — est un parfait exemple de la façon dont nous tentons d’avancer concrètement sur la voie de la réconciliation.
La sénatrice McPhedran : Merci. Ma deuxième question porte sur l’appel à l’action no 93 de la Commission de vérité et réconciliation, qui recommande au gouvernement d’examiner la trousse d’information pour les nouveaux arrivants au Canada et l’examen de citoyenneté afin que l’histoire relatée reflète davantage la diversité des peuples autochtones du Canada. On peut ainsi s’assurer que les modifications au serment proposées dans le projet de loi C-8 ne soient pas que de vaines paroles pour les nouveaux arrivants, mais que cela les amène plutôt à respecter l’histoire des peuples autochtones, puisqu’ils auront appris à connaître cette histoire pour se préparer à cette importante cérémonie.
Cependant, selon des consultations auprès des dirigeants autochtones, dont celles menées plus récemment par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones au sujet du projet de loi C-15, on se préoccupe de plus en plus de l’approche panautochtone adoptée par le gouvernement pour la mise en œuvre des appels à l’action. On fait valoir que cette approche ne reflète pas l’autonomie et la diversité des groupes autochtones du Canada.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous veiller à ce que la mise en œuvre de l’appel à l’action no 93 ne se fasse pas selon cette approche panautochtone après l’adoption du projet de loi C-8?
M. Mendicino : Encore une fois, je vous remercie de la question, sénatrice. Comme je l’ai déjà dit, nous continuons de faire le travail nécessaire pour mettre à jour le guide de citoyenneté.
(1600)
Je suis entièrement d’accord avec vous sur ce point : le nouveau guide devrait mieux représenter l’histoire des Autochtones. Je vous dirais que nous devons mieux éduquer les nouveaux Canadiens et tout le reste de la population sur l’histoire des pensionnats autochtones, pour donner un exemple évident.
En ce qui concerne le point que vous avez soulevé dans votre question, je réitère mon engagement à collaborer avec vous, vos collègues et les chefs autochtones pour nous assurer de bien éduquer les gens à l’aide de ce nouveau guide de façon à mieux représenter la diversité des traditions, des principes et de la culture des Autochtones d’un bout à l’autre du pays.
La sénatrice McPhedran : Je vous remercie, monsieur le ministre.
La sénatrice Martin : Merci d’être parmi nous aujourd’hui et de répondre à nos questions.
Je sais qu’un grand nombre de questions ont déjà été posées. Dans une certaine mesure, elles semblent répétitives. Cependant, plus vous entendez la question, plus vous entendez ce que nous essayons de bien comprendre. Ma question porte aussi sur le libellé. J’ai écouté ce qui a été dit précédemment et j’essaie de décortiquer ce projet de loi très simple, essentiellement. Il est court, mais le serment et chacun des mots ont leur importance. Je vais y revenir un peu plus tard.
Monsieur le ministre, ma première question porte sur le changement dans le serment de citoyenneté, qui correspond à l’un des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Pourtant, cinq ans après le rapport de la Commission, un grand nombre d’appels à l’action n’ont pas été mis en œuvre.
Pouvez-vous nous expliquer plus en détail pourquoi vous avez choisi de centrer vos efforts sur cet appel à l’action et pas les autres? Votre ministère se penche-t-il sur les autres appels à l’action? J’aimerais comprendre la raison de votre choix.
M. Mendicino : Merci beaucoup de la question, sénatrice. Ce que j’ai essayé de faire tout au long de mon témoignage devant vous aujourd’hui, c’est de faire la lumière sur les secteurs dont mon ministère et moi-même sommes responsables, conformément au mandat qui nous a été confié par le premier ministre, pour contribuer à la réconciliation, et cette attention concerne évidemment les appels à l’action numéros 93 et 94. Comme j’ai essayé de le dire très honnêtement au début de mes observations, il ne fait aucun doute que l’urgence de la situation a été intensifiée par les découvertes et les développements récents au pensionnat autochtone de Kamloops, qui nous rappellent brutalement les conséquences dévastatrices subies par des enfants autochtones, non seulement dans l’histoire, mais aussi aujourd’hui.
Je pense que cela correspond au sentiment d’urgence de la Commission de vérité et réconciliation en ce qui concerne la mise en œuvre des appels à l’action. Il s’agit donc de quelque chose sur lequel nous travaillons depuis un certain temps, mais je pense que, compte tenu des récents événements, cela ne fait que souligner davantage le fait que nous poursuivons le travail assidu de réconciliation. Le projet de loi est devant vous pour que vous l’examiniez attentivement dans l’espoir que nous puissions l’adopter afin de franchir cette nouvelle étape vers la réconciliation.
La sénatrice Martin : Oui, je pense que nous pouvons tous appuyer cet objectif. Cependant, j’ai examiné cette version révisée du serment de citoyenneté ou de l’affirmation solennelle. L’anglais étant une langue seconde pour la plupart des personnes qui prêtent le serment de citoyenneté, je me demande vraiment dans quelle mesure les mots qu’elles prononceront auront du sens pour elles. Le sénateur Patterson s’est interrogé sur les moyens de rendre beaucoup plus efficaces les moyens à la disposition de ces gens pour les aider à étudier et à se préparer en vue de prononcer le serment.
Même lorsqu’on ne considère que la formulation du serment elle-même, on voit qu’on parle des droits ancestraux ou issus de traités, et il arrive souvent qu’on emploie les termes « Autochtones » et « Premières Nations » de façon interchangeable, même parmi les Canadiens qui ont étudié cette question. Ensuite on parle des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Je me demande si les candidats à la citoyenneté seront en mesure de comprendre vraiment la signification des mots qu’ils prononceront. On parle des droits ancestraux ou issus de traités, et il y a toute une liste de termes, mais on parle aussi des Autochtones, et le terme « Autochtone » ne se trouve pas dans le texte de ce serment. J’essaie de comprendre le choix des mots, et je me demande si les candidats à la citoyenneté qui réciteront ces mots en comprendront vraiment la signification.
Je m’interroge sur le moment choisi pour faire ce changement, tandis qu’il serait important de s’assurer que tout est prêt.
M. Mendicino : Vous soulevez un excellent point, sénatrice. Selon mon expérience, le libellé est très important pour les Autochtones. Je crois que le sénateur Sinclair, votre ancien collègue, a dit à quelques reprises qu’une grande partie du travail de réconciliation porte sur le libellé. Vous faites donc bien de poser des questions à propos du libellé. Je comprends votre point de vue.
Je peux vous dire que le libellé provient de l’histoire et des cultures autochtones, qui se reflètent assurément dans bon nombre de nos lois, dont la Charte. Cela constitue la source d’inspiration de ce projet de loi, de même que les consultations que nous avons poursuivies.
Je veux aussi vous assurer, sénatrice, parce que je crois qu’il est vraiment important que vous saisissiez l’étendue de mon expérience, qu’à chacune des cérémonies auxquelles j’ai participé, j’ai constaté beaucoup de bonne volonté. Les gens comprennent la signification de ces mots quand ils prononcent le serment. Ils la comprennent vraiment. J’ai donc vraiment confiance, et j’espère qu’il en va de même pour vous tous aussi, qu’ils y voient non seulement un test ou un jalon, mais aussi une partie de la voie à suivre pour devenir Canadien.
Selon moi, voilà ce que devrait comprendre la réconciliation. Elle doit comprendre les Autochtones. Le véritable objectif de ce projet de loi, c’est qu’en prononçant ces mots, les gens en comprennent bien la signification. Non que cela soit simple. C’est souvent très complexe, voire douloureux et long, mais...
La sénatrice Martin : Monsieur le ministre, ce n’est effectivement pas simple. Il est difficile, même pour les Canadiens, de comprendre ce que ces mots signifient réellement. Les appels à l’action numéros 71 à 76 concernent les enfants disparus et les renseignements sur l’inhumation. Comme nous l’avons vu au cours des derniers jours, découvrir la vérité sur ce qui est arrivé à ces enfants fait partie intégrante de notre démarche de réconciliation. Le gouvernement libéral n’a pas du tout donné suite à ces appels à l’action. Il a plutôt décidé de mettre l’accent sur le serment de citoyenneté, qui touche uniquement les nouveaux citoyens, et non les Canadiens. Encore une fois, je suis très curieuse de savoir comment cette décision a été prise et comment elle permettra d’établir efficacement des liens avec le reste des citoyens du pays.
M. Mendicino : Je ferai deux remarques très brèves. Premièrement, sans vouloir vous manquer de respect, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites que le nouveau serment de citoyenneté toucherait uniquement les néo-Canadiens. Deuxièmement, comme je m’apprêtais à le dire dans ma dernière réponse, malgré ces difficultés, je crois sincèrement que les nouveaux arrivants comprennent l’importance des mots du serment, y compris du nouveau serment que nous espérons pouvoir leur présenter.
En ce qui concerne votre question sur les enfants disparus et les renseignements sur l’inhumation, mes collègues ministériels continuent de faire ce travail vital avec des communautés autochtones. Je sais certainement que cela s’inscrit dans notre engagement à mettre en œuvre tous les appels à l’action et à favoriser la réconciliation.
La sénatrice Martin : Puisque vous êtes là, monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question sur la Loi sur la citoyenneté qui, à mon avis, a besoin d’être modifiée et améliorée en différents endroits.
Vous avez décidé d’utiliser votre précieux temps réservé à l’étude des projets de loi pour vous occuper de cette modification-là de la loi, que nous appuyons tous ici, je pense. Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur cette modification de la Loi sur la citoyenneté et pas sur d’autres? Est-ce quelque chose que vous allez faire? Il y a de nombreux aspects de la Loi sur la citoyenneté que nous devons corriger et améliorer.
(1610)
M. Mendicino : Je vous remercie pour cette autre question sur l’objet du projet de loi C-8. Comme j’ai tenté de l’expliquer, notre travail est grandement orienté par les appels à l’action et le mandat qui m’a été confié ainsi qu’à mon ministère. C’est pourquoi nous nous sommes concentrés sur la modification du serment de citoyenneté et la modernisation du guide sur la citoyenneté.
Je dirai simplement, madame la sénatrice, que cette initiative n’empêche pas de faire d’autres travaux importants en ce qui concerne la citoyenneté. Pendant la pandémie et malgré tous les défis qu’elle présente, nous avons accueilli des dizaines de milliers de néo-Canadiens grâce à l’innovation et aux nouvelles technologies. Nous organisons maintenant des cérémonies en ligne. J’espère que nous pourrons vous inviter, ainsi que vos collègues, à y participer. Je suis convaincu que l’expérience s’en trouverait enrichie pour vous et pour les nouveaux membres de la famille canadienne.
Chose certaine, je ne voudrais pas vous laisser l’impression que les efforts déployés pour que la famille canadienne continue de grandir de la bonne façon se limitent à cet aspect.
La sénatrice Martin : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
La sénatrice Moodie : Monsieur le ministre Mendicino, merci de vous joindre à nous cet après-midi. Avant de poser mes deux questions, je tiens à déclarer mon appui à l’égard du projet de loi C-8.
Ma première question porte sur les pénuries de main-d’œuvre, en particulier dans le domaine de la santé.
Au début de la pandémie, les éclosions survenues dans les établissements de soins de longue durée et la modification des règles pour contraindre les travailleurs à ne travailler qu’à un seul établissement ont exposé ce que nous savions déjà: nous connaissons une grave pénurie de travailleurs de la santé qualifiés, en particulier de travailleurs de la santé peu spécialisés et peu rémunérés. Bien entendu, la santé relève de la compétence des provinces. Nous le savons. Cependant, beaucoup considèrent l’immigration comme étant une stratégie importante, voire centrale pour accroître le bassin de travailleurs disponibles dans ce domaine ainsi que dans d’autres secteurs.
Grâce au Conference Board du Canada, nous savons également que, au cours des 15 prochaines années, le nombre de lits dans les établissements de soins de longue durée devra être plus de deux fois supérieur afin de répondre à la demande, ce qui signifie que nous devrons trouver du personnel pour assurer la prestation de soins aux personnes qui occuperont ces lits.
Nous sommes aux prises avec une situation urgente qui ne fera que s’aggraver au cours des prochaines années.
Comment vos collègues du Cabinet et vous prévoyez-vous remédier à cette pénurie de main-d’œuvre en sachant que l’immigration peut aider et que les nouveaux arrivants et les demandeurs d’asile pourraient peut-être augmenter considérablement le bassin de travailleurs disponibles? Le gouvernement collabore-t-il avec les provinces pour combler les besoins dans les secteurs sous réglementation provinciale? Selon vous, les politiques actuelles sont-elles suffisantes ou croyez-vous que nous devons prendre des mesures plus énergiques?
M. Mendicino : Merci de ces deux questions, sénatrice. Elles me permettent de souligner ce qui, selon moi, constitue les principaux impératifs économiques sous-jacents à un ambitieux programme d’immigration, qui a bien servi le pays tout au long de son évolution.
Sénatrice, vous mentionnez les pénuries de main-d’œuvre, notamment dans le secteur de la santé, où les manques au pays sont particulièrement criants. Juste pour préciser, j’ajoute qu’environ le tiers des médecins, infirmières et pharmaciens qui travaillent aux premières lignes de notre système de soins de santé sont des immigrants. Imaginez un instant qu’on enlève le tiers de la main-d’œuvre. Cela rendrait la situation encore plus éprouvante pour le secteur canadien de la santé à un moment où les besoins sont flagrants en raison de la pandémie.
Dans notre stratégie de réponse à la pandémie de COVID-19, nous avons tenté de mettre en lumière la contribution des nouveaux arrivants qui sont déjà ici, pour leur offrir une voie d’accès légale pour demeurer au Canada. C’est ce que nous avons fait pour plus de 90 000 travailleurs essentiels. La participation a été considérable.
Par ailleurs, afin de poursuivre notre ambitieux programme d’immigration, nous nous sommes donné pour objectif d’accueillir 401 000 nouveaux Canadiens. Nous sommes d’avis — et nous croyons que cela est très bien appuyé par des données probantes — qu’en faisant grandir le pays par l’immigration, nous allons créer des emplois et favoriser la croissance et la prospérité.
En créant ces voies d’accès — que nous croyons être en mesure de nous aligner sur les secteurs où il y a pénurie, y compris le secteur de la santé —, nous pourrons combler les manques et créer la croissance à long terme que nous souhaitons tous.
La sénatrice Moodie : Monsieur le ministre, j’aimerais passer à ma deuxième question. S’agissant du point que vous venez de soulever, à savoir l’accueil de plus de 400 000 immigrants, je tiens à vous dire que j’applaudis cette initiative, qui constitue évidemment une stratégie nécessaire.
En tant que coprésidente du Groupe d’amitié Canada-CARICOM, j’ai entendu dire à maintes reprises qu’en raison de la pandémie, l’accès aux consulats du Canada et les services qu’ils offrent dans de nombreux pays membres de la CARICOM ont été restreints. Compte tenu de ces restrictions, il est très difficile pour les gens de commencer à traiter les demandes d’immigration au Canada.
Monsieur le ministre, malgré les obstacles nombreux pour les candidats actuels à l’immigration, vous semblez convaincu que le Canada atteindra ses objectifs en matière d’immigration pour 2021.
À votre connaissance, quelle est l’ampleur du problème d’accès restreint aux consulats? Est-ce un problème propre à la CARICOM ou est-il présent dans d’autres pays en raison de la COVID-19? Quelles sont les ressources supplémentaires, les innovations et les stratégies que vous avez mises en place pour surmonter ce problème?
La présidente : Je suis désolé, sénatrice Moodie, mais vos cinq minutes sont écoulées.
Sénatrice Duncan, vous avez la parole.
La sénatrice Duncan : Merci, monsieur le ministre, d’être présent aujourd’hui. J’apprécie vraiment que vous soyez là.
Nous avons abordé la question du nouveau serment de citoyenneté dans le projet de loi C-8. J’aimerais dire combien la rédaction juridique est difficile, étant donné l’énorme diversité qu’il y a, au pays, en matière de négociations, de traités et de traités modernes reconnus dans la Constitution.
J’aimerais également exprimer ma reconnaissance à mes collègues pour avoir soulevé la question de la cérémonie de citoyenneté et à vous, monsieur le ministre, pour y avoir répondu.
J’aimerais également remercier notre député, Larry Bagnell, et le personnel de son bureau pour leur aide, car ils ne cessent de répondre à des questions relatives à l’immigration. Les services consulaires n’étant pas très élaborés au Yukon, nous travaillons avec les bureaux d’immigration de Vancouver.
Le bureau de Vancouver nous a informés qu’en ce qui concerne la cérémonie de citoyenneté, le protocole veut que le discours soit adressé au député fédéral et au député provincial où la cérémonie a lieu, c’est-à-dire généralement à Whitehorse. Le sénateur n’est pas invité et j’aimerais en savoir plus à ce sujet. Le commissaire, qui est l’équivalent du lieutenant-gouverneur, est habituellement présent.
Monsieur le ministre, j’aimerais vous recommander fortement de ne pas seulement approuver ce nouveau serment de citoyenneté, mais de lui donner vie et sens, et d’élargir le protocole encadrant les invitations à la cérémonie afin d’inclure le chef de la Première Nation autonome où se déroule la cérémonie, ou le grand chef, dans notre cas, du Conseil des Premières Nations du Yukon. Je crois que ce changement au protocole permettra de reconnaître véritablement le nouveau serment de citoyenneté et de lui donner vie et sens si nous veillons à ce que, dans notre cas, les Premières Nations du Yukon soient reconnues.
M. Mendicino : Merci beaucoup, sénatrice. Je vous suis reconnaissant d’avoir nommé le député de Yukon, car c’est un collègue et un bon ami. J’espère pouvoir aller vous rendre de nouveau visite bientôt, aussitôt que les restrictions relatives aux déplacements seront levées.
Je suis également d’accord avec vous au sujet des protocoles et des invitations. S’il y a une chose qu’il faut retenir de cet échange aujourd’hui, je crois que c’est que les sénateurs souhaitent vraiment participer aux cérémonies de citoyenneté. Je m’engage à travailler avec le ministère pour que ce soit possible plus souvent et également à travailler avec vous et avec les dirigeants autochtones locaux afin que les cérémonies reflètent l’esprit des appels à l’action et que, lorsque nous accueillions de nouveaux citoyens, ils aient vraiment l’occasion de s’imprégner de cette réalité au moment de prêter serment. Je vous remercie de vos deux questions.
(1620)
La sénatrice Duncan : Merci. Je veux souligner qu’inviter le grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon est plus important que d’inviter une sénatrice, même si je serais ravie de l’invitation.
En tant que sénatrice du Yukon, je veux également souligner que les enjeux liés aux frontières sont d’une extrême importance au Yukon, en particulier pour les Premières Nations de Champagne et de Aishihik et pour la Première Nation de White River, qui se trouvent à la frontière avec l’Alaska. Il peut arriver, monsieur le ministre, qu’une Première Nation détentrice de droits soit par exemple membre des Premières Nations de Champagne et de Aishihik, mais qu’elle soit composée de citoyens américains qui sont membres d’une Première Nation du Yukon. Comme dans bien des collectivités au Canada, à White River, des familles sont réparties des deux côtés de la frontière.
Cela amène des problèmes particuliers pour les Premières Nations qui étaient ici bien avant que les frontières soient établies.
Le ministre serait-il prêt à envisager, peut-être dans l’esprit de la vérité et de la réconciliation, qu’il puisse y avoir un conseiller politique et du personnel dédiés à la situation particulière des Autochtones qui traversent les frontières et qui sont un cas unique devant être pris en compte?
La présidente : Je suis désolée, mais je dois vous interrompre. Vos cinq minutes sont écoulées. Nous passons maintenant à la prochaine période de 10 minutes.
La sénatrice Bovey : Bienvenue, monsieur le ministre. Je tiens à remercier le Groupe des sénateurs canadiens de m’avoir accordé ce temps de parole.
Monsieur le ministre, je suis pour le projet de loi C-8 et le nouveau serment. J’ai parlé avec une personne qui préside des cérémonies de citoyenneté au Sénat, et elle se réjouit, elle aussi, de ce changement.
Vous avez parlé du libellé, qui diffère de celui de l’appel à l’action numéro 94, ainsi que ce qui ressort des consultations que vous avez menées. J’aimerais que nous parlions maintenant du guide sur la citoyenneté, qui est un outil éducatif important pour les programmes scolaires ainsi que pour l’examen pour la citoyenneté.
Pouvez-vous assurer au Sénat que le guide expliquera en détail les riches cultures autochtones ainsi que leurs expressions artistiques? Comment ce nouveau guide sera-t-il acheminé aux écoles et incorporé à leurs programmes? Comment sera-t-il acheminé aux candidats à la citoyenneté et aux Canadiens en général? Ma question porte sur le contenu du guide et sur la façon de l’acheminer aux gens.
M. Mendicino : Je vous remercie de ces excellentes questions, sénatrice. Pour ce qui est du contenu, comme je l’ai mentionné à maintes reprises, des discussions et des efforts de collaboration sont toujours en cours pour mettre à jour le guide, afin qu’il reflète mieux la relation du Canada avec les peuples autochtones et, bien entendu, qu’il réponde à l’appel à l’action numéro 93. Ces travaux se poursuivent.
Pour ce qui est de la distribution du guide, vous avez indiqué à quel point il est important, une fois le matériel conçu et publié, de le faire circuler à grande échelle, aussi largement que possible. Assurément, j’ai constaté au cours de la dernière année que nous exploitons de mieux en mieux la technologie et les plateformes des médias sociaux pour diffuser des informations. Nous pourrons procéder ainsi avec le guide.
J’ajoute par ailleurs qu’en ce qui concerne les programmes scolaires, il est important de collaborer avec nos partenaires provinciaux, qui sont responsables de l’administration courante en matière d’éducation.
Assurément, il s’agit d’un domaine qui exige de la planification, pour faire en sorte que le guide soit une ressource accessible aux écoles. Je considère votre question comme une suggestion constructive.
La sénatrice Bovey : Merci. C’est vraiment important, tant pour les Canadiens que pour les candidats à la citoyenneté.
J’aimerais insister sur une chose relativement au contenu. Honnêtement, les œuvres des artistes autochtones canadiens comptent parmi les meilleures du Canada. Elles sont reconnues internationalement. Il est crucial qu’elles soient incluses dans le guide.
Je renonce au reste de mon temps de parole, madame la présidente.
M. Mendicino : C’est noté. Merci, madame la sénatrice.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui. Ma question concerne votre pouvoir discrétionnaire. La semaine dernière, le Sénat a adopté à l’unanimité une motion vous demandant d’accorder la citoyenneté canadienne à Raif Badawi, qui est actuellement détenu en Arabie saoudite. Cette motion du Sénat faisait suite à une motion semblable qui a été adoptée à la Chambre des communes. Avez-vous l’intention de poser un geste en ce qui a trait à cette motion?
M. Mendicino : Je vous remercie de la question, sénateur. La motion adoptée par le Sénat a été étudiée avec beaucoup d’attention par mon ministère et moi. Il s’agit d’un enjeu très important pour tout le monde.
De notre côté, nous sommes en train d’examiner toutes les obligations en vertu des lois; c’est un cas très délicat, comme vous le savez.
Je suis fort préoccupé par la sécurité de M. Badawi et de sa famille. Nous restons en contact avec nos homologues; je m’engage d’ailleurs à rester en contact avec tous les députés et les sénateurs pour mener ce travail à bien.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Monsieur le ministre, ma prochaine question porte sur les travailleurs temporaires qui viennent au Canada. L’Université Dalhousie, l’Université St. Thomas et l’Institut Cooper ont publié un rapport sur la situation des travailleurs étrangers qui vont à l’Île-du-Prince-Édouard. Nous avons aussi entendu parler dernièrement de la situation des travailleurs temporaires du Québec, qui est semblable. Ces gens se retrouvent dans des conditions épouvantables.
Les entreprises doivent obtenir une autorisation pour pouvoir faire venir des travailleurs étrangers au Canada. Envisagez-vous d’associer à ces autorisations l’obligation de fournir aux travailleurs un logement acceptable et des conditions de vie acceptables?
M. Mendicino : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je partage vos préoccupations à propos des conditions de vie qu’ont connues les travailleurs migrants pendant la pandémie.
La pandémie a donné lieu à de nombreux cas au sein de cette communauté. Je tiens simplement à dire que vous-même et tous les sénateurs pouvez avoir l’assurance que le gouvernement est très sensible à leur situation. C’est pourquoi nous avons prévu plus de 100 millions de dollars afin d’aider directement les travailleurs migrants et d’améliorer leurs conditions de vie. Nous examinons d’autres façons de donner de meilleures assurances aux travailleurs migrants, par exemple en permettant aux travailleurs essentiels d’obtenir la résidence permanente, ce qui est possible pour certaines personnes qui travaillent dans les entreprises agricoles et les usines de transformation alimentaire.
Il y a des défis à relever, nous en sommes conscients, mais nous sommes vraiment déterminés à collaborer avec vous, avec les employeurs de ce secteur et avec les travailleurs migrants eux-mêmes. Quand les gens viennent au Canada, que ce soit pour y travailler temporairement ou pour y commencer un nouveau chapitre de leur vie, le gouvernement s’attend à ce qu’ils puissent travailler dans un milieu sain et sécuritaire. Nous sommes résolus à faire le nécessaire pour que cela se concrétise.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous sommes impatients de voir des résultats concrets. Merci.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, le ministre est avec nous depuis maintenant 95 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis maintenant obligée d’interrompre les délibérations.
Monsieur le ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi, et d’avoir traité des questions liées à vos domaines de responsabilité. Je tiens également à remercier vos fonctionnaires.
Des voix : Bravo!
La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?
Des voix : D’accord.
(1630)
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
[Français]
Rapport du comité plénier
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, autorisé à étudier la teneur du projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l’action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada), ainsi que d’autres questions liées aux responsabilités du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, signale qu’il a entendu lesdits témoins.
Les travaux du Sénat
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-15, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
[Traduction]
Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Troisième lecture—Débat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson propose que le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je suis une Ukrainienne métisse. Je suis née, j’ai grandi et je vis sur le territoire du Traité no 6. C’est pour moi un insigne honneur de prendre encore une fois la parole au Sénat en tant que marraine du projet de loi C‑15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui donne suite aux appels à l’action nos 43 et 44 de la Commission de vérité et réconciliation. Honorables sénateurs, il est enfin temps d’agir.
Chers collègues, vous vous souviendrez que le projet de loi comprend sept articles et un objet à deux volets. D’abord, il confirme que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones trouve application en droit canadien. Ensuite, il encadre la mise en œuvre de la déclaration par le gouvernement du Canada.
Vous vous souviendrez également que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a mené une étude exhaustive du projet de loi C‑15. Notre étude a inclus 20 groupes, des dizaines de témoins et une vaste gamme d’opinions et d’expertise qui ont souligné les avantages et les défis du projet de loi.
Nous avons également entendu des points de vue similaires de multiples témoins. Pour ce qui est de la collecte de données, la répétition indique que nous avons atteint un point de saturation et que nous avons probablement entendu tous les points de vue. Le processus a été systématique et bien planifié. Je remercie tous les membres du comité de leurs questions réfléchies et de leur étude respectueuse du projet de loi.
Chers collègues, il est important de discuter des craintes qui ont été exprimées concernant ce que le projet de loi C‑15 fera et ne fera pas et de les dissiper. D’une part, des témoins ont dit craindre que le projet de loi C‑15 intègre immédiatement les 46 articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien, créant ainsi un chaos juridique. Un témoin craignait également que cela entraîne des répercussions pour les lois provinciales.
Chers collègues, c’est inexact. La déclaration est et demeurera un instrument d’interprétation. En fait, depuis que le gouvernement Harper y a donné son appui en 2010, les cours canadiennes peuvent avoir recours à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour interpréter les lois canadiennes. Si le projet de loi reçoit la sanction royale, cela ne changera pas.
D’autre part, certains Autochtones estiment par conséquent que le projet de loi C‑15 ne sert à rien, voire diminue les droits ancestraux et issus de traités existants.
Chers collègues, je comprends le cynisme des Autochtones et de leurs dirigeants, qui doutent qu’un gouvernement s’investisse pour instaurer un véritable changement. Cependant, au comité, le ministre Lametti a déclaré :
En intégrant la déclaration dans une loi de mise en œuvre particulière, nous avons renforcé son rôle interprétatif et lui avons donné plus de poids en tant que document. La déclaration elle-même et les droits contenus dans le préambule ont une fonction d’interprétation dans le droit canadien.
Le ministre a poursuivi en disant :
Il y a aussi une force contraignante à cela. Dans cette optique, il s’agit de mesures législatives d’application.
C’est vraiment important, chers collègues, parce que nous ne débattons pas ici d’une politique ou d’un programme qui est annoncé. Le projet de loi C‑15 obligera le gouvernement actuel et ceux qui le suivront à mener un examen des lois pour s’assurer qu’elles respectent les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à concevoir et mettre en place un plan d’action. Le projet de loi obligera le gouvernement canadien à tenir des consultations et à collaborer avec les peuples autochtones, au sens large, pour accomplir ces tâches.
Autre point important, le projet de loi C‑15 comprend l’exigence de produire des rapports annuels, rapports qui seront systématiquement renvoyés aux comités concernés de chacune des Chambres pour qu’ils les étudient et qu’ils fassent des rapports de progression. Le projet de loi exige du gouvernement fédéral qu’il rende des comptes au public et ce genre de transparence aura assurément un effet sur la réussite des consultations.
Pour être précise, cela signifie que le Sénat continuera d’avoir un rôle à jouer en matière de surveillance parlementaire et le rapport annuel favorisera la reddition de comptes quant à la progression de la mise en œuvre de la déclaration.
D’ailleurs, Mme Sheryl Lightfoot a affirmé au comité que le projet de loi C‑15 établissait une nouvelle norme quant à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il y a une combinaison d’éléments pour l’expliquer : premièrement, il s’agit d’une mesure législative pour l’établissement d’un cadre systématique et méthodique; deuxièmement, il y a des dispositions précises pour l’établissement d’un plan d’action national; troisièmement, le cadre de responsabilisation et de reddition de comptes que présente le projet de loi C‑15 n’existe nulle part ailleurs dans le monde et constitue un précédent.
De plus, de nombreux avocats et universitaires autochtones ont parlé de la capacité du projet de loi C‑15 à contribuer à la résolution de certains des problèmes les plus difficiles et les plus complexes qui affligent les Premières Nations depuis des décennies. Mary Ellen Turpel‑Lafond a dit ceci :
Le projet de loi C‑15 est notamment important parce que nous traversons une période cruciale où un travail se fait avec les Premières Nations, et ce travail doit être appuyé par la mise en œuvre de la Déclaration des Nations [u]nies sur les droits des peuples autochtones. Je ne vois pas ce projet de loi comme une mesure législative qui prive les Autochtones de leurs droits; je le vois comme une mesure législative qui confirme les droits […]
Elle a ajouté ceci :
[…] les Premières Nations tiennent des débats, notamment à propos du rôle qui revient aux personnes qui les représentent, du rôle continu de la Loi sur les Indiens et de l’importance du renforcement de la position des Premières Nations signataires d’un traité. Je pense que le projet de loi C‑15 nous aidera à mettre de l’ordre là-dedans.
Autrement dit, en sa qualité d’experte, Mme Turpel‑Lafond est d’avis que le projet de loi C‑15 est un outil important qui nous aidera à régler ces problèmes de longue date. Cet avis est également partagé par de nombreux juristes et experts autochtones.
De plus, chers collègues, on a beaucoup parlé des consultations que le gouvernement a menées pour élaborer le projet de loi C‑15. Il est vrai que l’ancien député Romeo Saganash a consulté des Autochtones des quatre coins du Canada pour élaborer son projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C‑262, et il est aussi vrai que le gouvernement a utilisé ce dernier comme point de départ pour élaborer le projet de loi C‑15. Subséquemment, le gouvernement a tenu 70 réunions de consultation à l’échelle nationale et il a discuté avec des centaines d’Autochtones. Or, il n’en demeure pas moins que certains dirigeants autochtones ne sont pas satisfaits de la façon avec laquelle ils ont été consultés et, par conséquent, ils n’appuient pas le projet de loi C‑15.
Il est aussi vrai que les Autochtones ont différentes attentes concernant la portée et la profondeur des consultations menées par un député autochtone seul et celles menées par le gouvernement quand il s’agit d’un projet de loi gouvernemental qui porte sur les droits fondamentaux des Autochtones. Toutefois, il y a aussi beaucoup de points de vue sur le déroulement des consultations et l’appui accordé au projet de loi.
Par exemple, prenons les dirigeants du magnifique territoire visé par le Traité no 6, où j’habite. D’une part, le grand chef Okimaw Watchmaker et d’autres chefs ont indiqué qu’ils n’appuyaient pas le projet de loi. Notons que le chef Arcand de la Première Nation d’Alexander a donné une présentation éloquente et réfléchie pour indiquer qu’il préférerait relancer les négociations de 1995 entourant le traité plutôt que de se laisser distraire par des consultations sur un plan d’action.
D’autre part, nous avons reçu un mémoire écrit de quatre chefs titulaires de droits issus d’un traité, dont les deux derniers grands chefs du Traité no 6, ainsi que de chefs actuels de nations cries et de chefs régionaux de l’Alberta, qui appuient le projet de loi C‑15 :
Les processus envisagés dans le projet de loi C‑15 sont suffisamment souples pour permettre la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies à la table de négociations des traités et dans le cadre d’une relation continue fondée sur des traités. À notre avis, il sera essentiel que les Premières Nations prennent les devants dans les processus prévus par le projet de loi C‑15 [...]
Honorables sénateurs, il ne faut pas s’alarmer du fait que les quelque 600 Premières Nations aient différentes opinions au sujet du projet de loi. De la même manière que nous ne nous attendons pas à ce que tous les acteurs d’un autre ordre de gouvernement soient d’accord sur une question, nous ne devrions pas non plus nous attendre à un consensus parmi les dirigeants autochtones. Les communautés des Premières Nations, des Métis et des Autochtones sont diverses sur le plan culturel, politique et géographique et elles ont des opinions variées et valables.
(1640)
Cependant, chers collègues, cela reviendrait à faire fi de tous les éléments probants que nous avons accumulés que d’omettre le fait que la majorité des dirigeants autochtones appuient le projet de loi C-15. Cela comprend les dirigeants nationaux de l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami.
Nous avons aussi reçu des lettres, des mémoires et des témoignages de nombreux représentants d’organismes communautaires détenteurs de droits qui appuient le projet de loi C-15, notamment : la conseillère en chef de la nation Haisla, le chef national de la nation dénée, le grand chef du Grand conseil des Cris, le grand chef du Conseil tribal des Gwich’in, le chef de la Première Nation de Pasqua, la chef de la nation crie de Chisasibi, la nation crie de Nemaska, le chef de la nation crie de Samson, la nation crie d’Eastmain, la nation crie de Wemindji, la Première Nation de Tzeachten, la nation crie d’Oujé-Bougoumou, la chef de la Première Nation de Lennox Island, la chef de la nation crie de Washaw Sibi, le chef de la Première Nation de Whapmagoostui, le chef de la nation crie d’Enoch et le chef de la tribu de Louis Bull.
Des chefs d’entreprise autochtones nous ont également expliqué comment le projet de loi C-15 pouvait faciliter la réconciliation économique, ainsi que le rôle que le développement économique durable peut et doit jouer dans la correction du désavantage socioéconomique. Parmi ces témoins, on retrouve : le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, le Conseil national de développement économique des Autochtones, l’Association nationale des sociétés autochtones de financement et la First Nations Major Projects Coalition.
De plus, un grand nombre d’avocats et d’universitaires issus des Premières Nations et des nations métisses et inuites sont en faveur de l’adoption du projet de loi, bien qu’ils aient suggéré des façons de l’améliorer. Parmi ceux-ci figurent Mary Ellen Turpel-Lafond et Ellen Gabriel, de même que les professeures Noami Metallic, Sheryl Lightfoot, Val Napoleon, Brenda Gunn et Pam Palmater.
Prenons un instant, chers collègues, pour remercier ce groupe remarquable de femmes autochtones de premier plan, des femmes brillantes, avisées, vouées à la pleine réalisation des droits fondamentaux des Autochtones. Leur voix est d’une importance cruciale et le demeurera pendant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Bref, divers éléments permettent d’affirmer que le projet de loi C-15 bénéficie d’un vaste appui.
Finalement, je tiens à être très claire, honorables sénateurs. Bien que je sois très reconnaissante au gouvernement d’avoir tenu la promesse qu’il avait faite au Sénat en 2019, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne se concentre pas sur le gouvernement et sur ses réalisations. Bien que je sois reconnaissante à nos collègues du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, ainsi qu’aux greffiers, aux traducteurs et autres employés pour tout le travail qui a été fait pendant l’étude du projet de loi, l’adoption du projet de loi C-15 doit mener à autre chose qu’à féliciter le Sénat et la marraine du projet de loi.
En adoptant le projet de loi C-15, nous honorons les dirigeants des années 1970 qui ont entrepris les démarches pour faire respecter les droits fondamentaux des peuples autochtones. Il s’agit de la prochaine étape à franchir après plus de deux décennies de travail qu’ont fait les peuples autochtones à l’ONU pour rédiger, négocier et adopter la déclaration.
Il s’agit de respecter tous les militants, les juristes et les universitaires autochtones qui ont travaillé pour que la déclaration s’applique au pays depuis 2007. Il s’agit de reconnaître chacun des plus de 7 000 survivants des pensionnats autochtones, qui ont raconté leurs expériences après avoir été privés de leurs droits et les traumatismes portés par eux et leurs familles. Il s’agit des milliers d’enfants qui sont morts dans l’anonymat alors qu’ils fréquentaient les pensionnats et des familles qui sont toujours en deuil.
Il s’agit de toutes les femmes et les filles autochtones assassinées ou portées disparues. Il s’agit des enfants qui grandissent en ce moment dans des communautés autochtones en étant privés d’un logement adéquat, d’eau potable et de soins de santé appropriés, et sans avoir accès au même soutien éducatif que les autres enfants canadiens.
Il s’agit de l’accès aux terres et aux eaux, aux aliments et aux remèdes traditionnels, et à la capacité d’exprimer sa culture traditionnelle et d’organiser des cérémonies spirituelles en toute liberté et avec fierté. Il s’agit de toutes les pipes qui ont été soulevées et de toutes les prières qui ont été offertes pour la guérison des peuples, des familles et des communautés autochtones.
Alors que nous avançons dans le processus et concluons nos discussions sur le projet de loi C-15, nous devons nous souvenir que la déclaration affirme les droits fondamentaux et le droit à l’autodétermination des peuples autochtones. La déclaration vise le respect d’une gamme complète de droits économiques, sociaux, culturels, politiques et civils qui sont essentiels à la dignité et au bien-être des peuples autochtones.
Il s’agit de s’attaquer aux nombreuses preuves du racisme et de la discrimination systémiques que vivent les peuples autochtones et de l’héritage du colonialisme. À ce jour, les preuves continuent de s’accumuler sous la forme d’innombrables rapports et enquêtes révélant des pratiques discriminatoires, que l’on pense à la santé, aux services de police, au système de justice ou à la prestation des services publics.
Honorables sénateurs, il s’agit d’une autre étape — une étape importante — dans la mise en œuvre des droits fondamentaux des peuples autochtones au Canada.
N’échappons pas le ballon avant de franchir la ligne d’arrivée. Adoptons ce projet de loi. Nos ancêtres et nos arrière-petits-enfants comptent sur nous. Kinanaskomitin. Hiy hiy.
Son Honneur le Président : Sénatrice LaBoucane-Benson, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Oui.
[Français]
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Je vous remercie, sénatrice LaBoucane-Benson, de votre intervention. Vous avez beaucoup parlé des consultations effectuées auprès des différents peuples autochtones du Canada et de leurs réactions, tant positives que négatives.
Ma question porte sur les consultations qui ont été menées avec les premiers ministres des provinces et des territoires. J’ai devant moi une lettre datée du 29 mars dernier. Elle a été rédigée par les premiers ministres du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, qui sont d’avis qu’ils n’ont pas été suffisamment consultés ni entendus.
Je les cite :
Le Canada dispose déjà d’un cadre juridique et politique unique, comme en témoignent notre Constitution, les traités et la common law, qui affirment et protègent les droits des peuples autochtones. Ce cadre a été minutieusement éclairci par des décennies de décisions politiques et de litiges et porte l’empreinte du contexte unique de notre pays.
Le projet de loi C-15 remplacera ce cadre juridique déjà connu par des décennies d’incertitudes à venir, ce qui posera une menace pour les investissements et la progression future de la réconciliation.
Évidemment, j’ajouterai à leurs préoccupations la nécessité de reconnaître le contexte tout à fait particulier des peuples autochtones du Canada, qui est très différent de celui d’autres pays également signataires de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Ma question est donc la suivante. Dans ce contexte, croyez-vous que toutes les adaptations nécessaires ont été effectuées dans le projet de loi C-15 afin de bien tenir compte de la spécificité canadienne dans son ensemble? Si oui, comment?
[Traduction]
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie de cette question.
Je rappelle à nos collègues que la consultation se poursuit et que rien ne changerait au cas où le projet de loi serait adopté et recevrait la sanction royale. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un instrument d’interprétation qui est employé au Canada depuis 2010, et ce sera encore le cas après la sanction royale. On établira un plan d’action qui contribuera à mieux promouvoir les droits de la personne des Autochtones. Merci.
La sénatrice Saint-Germain : Dois-je comprendre de votre réponse que ma province, le Québec, qui emploie déjà son propre processus de consultation efficace, fondé sur les pourparlers de nation à nation, ne se verra pas imposer un nouveau processus d’évaluation fédéral qui pourrait compliquer la mise en œuvre de projets au Québec ou dans toute autre province?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie de cette question. Je dirais que les peuples autochtones du Québec ont déjà des droits garantis par l’article 35. Ces droits ont été étudiés à maintes reprises. Des décisions ont été rendues par la Cour suprême du Canada, et toute cette jurisprudence continuerait de s’appliquer.
On se sert déjà de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme instrument d’interprétation. De ce point de vue, rien ne changerait dans l’immédiat. Pour ce qui est de la mise en œuvre du plan d’action, de l’établissement de principes et de la définition du concept de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, tout cela sera élaboré au fil du temps.
L’honorable Dennis Glen Patterson : Je suis heureux de pouvoir poser une question.
Sénatrice LaBoucane-Benson, en juin dernier, le gouvernement a entamé des consultations auprès d’organismes autochtones nationaux, et des organismes communautaires n’ont été inclus dans ce processus qu’à l’automne, et ce, après la production d’une ébauche.
La liste des intervenants consultés que le gouvernement a soumise comprend des personnes qui ont clairement dit n’avoir jamais été consultées.
(1650)
Le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause implique, dit-on, une consultation ab initio — « dès le début » —, avant que des projets ne soient élaborés par le gouvernement ou les organisations inuites nationales. J’aimerais savoir si vous êtes d’accord pour dire que cette approche descendante dont nous avons entendu parler dans notre étude est un mauvais modèle et contraire au principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause tel qu’il est envisagé dans la Déclaration des Nations unies.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci à mon collègue pour sa question. Ce que je dirais, c’est que nous avons beaucoup parlé de consultation au sein de notre comité. Le ministre nous a dit qu’il promettait de faire un meilleur travail de consultation à l’avenir. Je vous remercie.
Le sénateur Patterson : Vous avez parlé du plan d’action, sénatrice, et nous nous sommes occupés récemment d’un plan d’action, qui n’était certainement pas aussi important que celui correspondant aux 46 articles de la Déclaration des Nations unies. Il s’agit du plan d’action découlant des recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Après deux ans, et un an après la date butoir, ce qu’on a obtenu de mieux du plan d’action dans le cadre de cette enquête, c’est un rapport en vue de faire un plan — un plan pour faire un plan — sans aucune action ni aucun engagement financier clair.
Dans la foulée de cette expérience toute récente, j’aimerais vous demander — et peut-être que dans deux ans, nous pourrons comparer nos notes — dans quelle mesure il est réaliste, selon vous — surtout que notre comité recommande que le plan d’action aborde des questions complexes comme le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, pour n’en nommer qu’une —, d’avoir approuvé à l’autre endroit un amendement au projet de loi qui réduit le délai d’exécution du plan d’action de trois à deux ans? Vous croyez vraiment cela faisable?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie de votre question. Je dirais que ce plan d’action me donne beaucoup d’espoir parce qu’il est assorti d’un cadre de reddition de comptes enchâssé dans la loi. J’espère sincèrement qu’il sera terminé d’ici deux ans et que le cadre de reddition de comptes nous permettra de demander des comptes au gouvernement, que ce soit le gouvernement actuel ou tout futur gouvernement, et de voir à ce que le plan d’action soit mis en œuvre.
Le sénateur Patterson : J’espérais vous entendre, sénatrice LaBoucane-Benson. Vous dites que vous espérez sincèrement. N’est-ce pas le souhait de chacun de nous?
J’aimerais vous demander, est-ce réaliste? Prédisez-vous que le plan d’action aura été complètement mis en œuvre d’ici deux ans, comme il est prévu? Comme vous l’avez souligné, il ne s’agit pas d’une politique. C’est une mesure législative sans conséquence si elle n’est pas respectée.
Croyez-vous que l’engagement ferme indiqué uniquement dans la mesure législative sera respecté? Est-ce votre prédiction?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je remercie mon honorable collègue pour cette question. Comme il le sait, je n’ai pas de boule de cristal devant moi. Je n’ai aucun moyen de prédire comment les consultations vont se dérouler. Il y a de nombreux facteurs qui entrent en jeu.
Je crois réellement que ce plan d’action peut être réalisé. Je me rappelle qu’à notre première réunion de comité, j’avais demandé au gouvernement — c’était peut-être dans une autre réunion — s’il serait prêt à régler les questions les plus faciles en premier et de s’occuper des plus complexes plus tard. Je n’avais aucune prise sur cette décision et je n’ai pas de boule de cristal.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Avec plaisir.
Le sénateur Gold : C’est une question facile à laquelle elle pourra répondre simplement par oui ou par non.
Concernant la crainte que le projet de loi ait une incidence sur les autorités provinciales responsables, notamment celles de ma province, le Québec, ne croyez-vous pas que le projet de loi précise très clairement qu’il ne s’applique qu’aux lois du Parlement du Canada, c’est-à-dire aux lois fédérales, et ne s’applique donc pas aux lois provinciales et aux autorités de réglementation dont le pouvoir découle de ces lois provinciales?
Ne convenez-vous pas que certaines provinces, telles que la Colombie-Britannique, où j’ai eu le privilège d’étudier, ont amorcé leurs propres démarches en vue d’utiliser la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de l’adopter pour l’appliquer aux domaines relevant de leur compétence?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie de la question. Je suis désolée si je n’ai pas été claire la première fois. Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous.
L’honorable Pat Duncan : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Volontiers.
La sénatrice Duncan : Merci, sénatrice LaBoucane-Benson. Le sénateur Gold ayant posé une question sur l’applicabilité du projet de loi C-15 dans les champs de compétence des provinces, pourrais-je poser une question comparable au sujet des territoires? Notre situation est différente de celle des provinces en ce sens que, par exemple, la Loi sur le Yukon et la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon sont toutes deux des lois fédérales.
Comment se propose-t-on d’appliquer les dispositions prévues dans le projet de loi C-15 aux lois fédérales régissant le gouvernement territorial du Yukon?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie de cette excellente question, sénatrice Duncan.
D’après ce que je comprends, le projet de loi ne vise que les lois fédérales, c’est-à-dire les lois du Canada, et je crois qu’il ne touche pas les lois du Yukon ou la Loi sur le Yukon.
La sénatrice Duncan : Dans le même ordre d’idées, la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon est une loi fédérale et le projet de loi C-15 est censé s’y appliquer. Je comprends votre réponse au sujet de la Loi sur le Yukon. Il s’agit aussi d’une loi fédérale. La sénatrice voudrait-elle revoir sa réponse à la question?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, sénatrice Duncan. J’admets que je m’y connais moins que vous au sujet de l’application de cette loi au Yukon. Donc, pour l’instant, je n’ai pas de réponse à votre question. Je m’en excuse.
La sénatrice Duncan : Merci, sénatrice. Je veux que l’on comprenne que, d’après moi, la plupart des Yukonnais appuient pleinement le projet de loi C-15 et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En effet, celle-ci a fait l’objet d’une motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée législative du Yukon il y a déjà quelque temps.
Le plan d’action sera crucial, en particulier dans son harmonisation avec le projet de loi. Ce sera très important pour les Yukonnais. Je pense pouvoir me fier à l’engagement de la sénatrice envers le plan d’action et la confiance qu’elle y met pour dire qu’il sera élaboré de concert avec les Premières Nations du Yukon, dans le respect des traités qui sont déjà reconnus par la Constitution. Merci.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je remercie la sénatrice Duncan de ses questions et de sa déclaration. J’attends avec impatience que le plan d’action soit prêt et je sais qu’on est en train de l’élaborer de façon très inclusive et de manière à comprendre le Yukon.
L’honorable David Richards : J’ai une brève question, sénatrice. Êtes-vous bien en train de nous dire qu’aucun goulot d’étranglement ne sera créé dans l’adoption des projets de loi et qu’aucun droit de veto n’est accordé? Je vous le demande parce que beaucoup de gens craignent qu’il y ait encore plus de stagnation dans les relations entre les Premières Nations et le reste du Canada qu’il n’y en a actuellement.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie de votre question. Quelques-uns des plus brillants juristes du Canada qui s’intéressent à la manière dont la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sera mise en œuvre dans le contexte canadien se sont exprimés à ce sujet et ils ont très clairement indiqué qu’aucun droit de veto n’est accordé. Nous avons entendu des témoins nous expliquer de façon très détaillée comment les négociations axées sur le consentement, notamment les négociations d’un cadre, sont peut-être le seul moyen d’obtenir l’assentiment permettant de réaliser de bons projets au Canada.
(1700)
Dans le cadre de négociations axées sur le consentement, on consulte les peuples autochtones dès qu’un projet est proposé. Ils participent au processus décisionnel, ce qui permet à d’excellents projets d’aller de l’avant.
Alors non, il ne s’agit pas d’un veto. C’est plutôt une chance pour les Autochtones de s’intégrer pleinement au paysage économique du Canada.
Son Honneur le Président : Sénateur Patterson, je vois que votre main est encore levée. Voulez-vous poser une autre question?
Le sénateur Patterson : Si vous le permettez, Votre Honneur.
Sénatrice, avec tout le respect que je dois au sénateur Gold, l’absence de risque d’intrusion fédérale dans les champs de compétence des provinces n’est pas aussi évidente qu’il le prétend. Au Canada, il existe de nombreuses compétences partagées — par exemple, la santé, l’environnement et la protection de l’enfance — et le gouvernement fédéral se sert du prétexte que, selon la Constitution, les peuples autochtones relèvent de sa compétence pour s’ingérer dans des champs qui relèvent des provinces et des territoires, en particulier dans ces domaines.
La protection de l’enfance en est le meilleur exemple. Vous savez peut-être que le Québec poursuit le Canada parce qu’il empiète sur ses compétences en matière de services de protection de l’enfance destinés aux communautés autochtones. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles le gouvernement fédéral serait en train de préparer une loi sur la santé qui, sous le couvert d’une mesure législative à l’intention des Autochtones, empiète sur ce qui, de toute évidence, constitue un champ de compétence provinciale dans ce domaine.
J’aimerais donc poser la question suivante à la sénatrice LaBoucane-Benson : comment pouvons-nous prévenir une intrusion fédérale dans les champs de compétence des provinces et les domaines à compétences partagées? Comment pouvons-nous avoir l’assurance que cette sorte d’ingérence dans les compétences provinciales ne se poursuivra pas, sous prétexte de protéger les droits des Autochtones, ce que redoutent vraiment les premiers ministres de six provinces représentant la majorité de la population canadienne?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci de votre question. Avant tout, comme je l’ai dit plus tôt, ce projet de loi ne concerne que les lois fédérales.
Je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites qu’on invoquerait les droits des Autochtones comme prétexte, mais qu’en fait, la responsabilité des enfants autochtones — à la garde et au contrôle de ces enfants — reviendrait aux provinces. Je crois que c’est une question dont nous avons débattu dans le cadre du projet de loi C-92, lors de la législature précédente, et que la majorité des sénateurs étaient d’accord pour dire que la responsabilité relative aux enfants autochtones devrait revenir aux familles, aux nations et aux organisations autochtones.
Alors je ne crois pas que les droits des Autochtones puissent servir de prétexte pour quoi que ce soit. La réconciliation implique notamment qu’on établisse à qui reviennent les responsabilités relatives aux peuples autochtones en vue de leur accès à l’autodétermination. Ce n’est pas un prétexte. C’est la réconciliation. Le Canada fait ce qu’il faut pour que les peuples autochtones soient aux commandes de leur destinée et qu’ils accèdent à l’autodétermination. Merci.
Le sénateur Patterson : Avec la réponse que vous venez de donner, sénatrice LaBoucane-Benson, ne croyez-vous pas que le gouvernement fédéral devrait ouvrir le dialogue avec les provinces et les territoires et en faire plus pour leur assurer que, dans les domaines de compétence partagée, leurs compétences seront respectées?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, sénateur. Je crois savoir que le gouvernement fédéral a tendu la main aux provinces et qu’il a eu de nombreuses conversations avec elles. Je ne peux donc pas me prononcer sur ce qui serait une meilleure façon de faire. Je vous remercie.
L’honorable Scott Tannas : Sénatrice LaBoucane-Benson, je veux juste revenir à la question du sénateur Gold parce que vous vous souviendrez que, lors de l’analyse article par article, nous avons découvert un petit problème dans le libellé concernant les lois du Canada — le droit canadien et la traduction française — qui était « lois fédérales », si je ne me trompe pas. C’est la vaillante sénatrice Forest-Niesing qui a souligné que les versions francaise et anglaise ne disaient pas la même chose. Une partie de nos observations, qui ont été annexées au rapport, aborde la question.
À part les préoccupations de la sénatrice Duncan, s’il était possible de présenter un document au Sénat qui précise que cela ne concerne que les lois fédérales, cela contribuerait grandement à répondre aux préoccupations du sénateur Patterson et des autres premiers ministres provinciaux, et à éclaircir la question de savoir s’il y a une différence entre la version française, pour ceux qui lisent le français et qui considèrent qu’elle s’applique à eux, et la version anglaise, qui serait naturellement sujette à l’interprétation d’autres personnes. Je vous remercie.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, sénateur, de la question. Les témoignages de fonctionnaires ont montré très clairement qu’il n’y avait aucune ambiguïté. Les versions française et anglaise veulent dire la même chose. Il arrive souvent dans le droit canadien que ces termes soient utilisés de manière interchangeable. Bien que les anglophones puissent avoir l’impression que le sens n’est pas le même, les fonctionnaires m’ont assuré que c’est le cas.
L’honorable Patrick Brazeau : La sénatrice LaBoucane-Benson accepterait-elle de répondre à une autre question?
La sénatrice LaBoucane-Benson : J’en serais ravie. Merci.
Le sénateur Brazeau : Je vous remercie. En ce qui concerne la division des champs de compétence entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, l’article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 est plutôt clair : il indique que les pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral comprennent ce qui touche « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ».
De toute évidence, quand ce point a été rédigé à l’origine, beaucoup de termes et d’étiquettes n’étaient pas encore utilisés, par exemple « Indiens inscrits », « Indiens non inscrits », « Métis », « Indiens visés par un traité » ou « Indiens non soumis aux traités ». L’un de mes prédécesseurs, Harry Daniels, était président du Conseil des autochtones du Canada, qui est devenu ensuite le Congrès des peuples autochtones. Il a intenté une action en justice qui s’est rendue jusqu’à la Cour suprême. La question à régler : comme le gouvernement fédéral avait inventé toutes sortes de catégories d’« Indiens » au fil des ans, les demandeurs voulaient vérifier si le pouvoir du gouvernement s’étendait à toutes ces catégories. La Cour suprême a dit que oui.
Bref, pour revenir aux questions que vous aviez plus tôt et au partage des compétences, ne croyez-vous pas que, si le gouvernement fédéral mettait vraiment en œuvre la décision, très claire, de la Cour suprême et la respectait, les Premières Nations pourraient peut-être un jour ne plus être mêlées aux querelles sur le partage des compétences fédérales et provinciales, comme elles le sont actuellement?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je remercie mon collègue de ses commentaires. Je pense que la question que vous avez soulevée fait partie de la révision des lois prévue à l’article 5 du projet de loi C-15 qui est si importante. Nous devons examiner sérieusement les lois du Canada, nous pencher sur les décisions de la Cour suprême et les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et apporter des modifications à nos lois qui sont importantes pour les peuples autochtones et qui mettent au premier plan la capacité des peuples autochtones à s’autodéterminer et à jouir de leurs droits fondamentaux. Merci.
Son Honneur le Président : Sénateur Brazeau, avez-vous une autre question?
Le sénateur Brazeau : Je tiens à faire une brève observation. Je remercie la sénatrice de sa réponse. C’est incroyable; lorsque j’étais chef national, un ancien ministre des Affaires indiennes m’a demandé d’abandonner l’affaire Daniels. Je suis donc très heureux d’avoir tenu bon, d’avoir défendu mes principes et d’avoir dit « non ».
(1710)
[Français]
L’honorable Renée Dupuis : J’ai une question à poser à la marraine du projet de loi C-15, la sénatrice LaBoucane-Benson.
J’ai devant moi le projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes le 25 mai 2021.
À l’article 4, on mentionne que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un instrument international universel qui trouve application en droit canadien.
Je vais lire l’article.
[Traduction]
Il dit ceci : « […] qui trouve application en droit canadien […] ».
[Français]
Il n’y a aucune référence aux lois fédérales dans ce texte — à tout le moins dans la version que j’ai, vous en avez peut-être une version plus récente.
Pouvons-nous obtenir une réponse claire de la part du gouvernement, à travers vous, sénatrice LaBoucane-Benson, pour savoir quelle est la référence précise? Quand on parle du droit canadien, on parle du droit qui régit l’État canadien dans ses deux composantes, fédérale et provinciale. Si on parle des lois fédérales, en principe, on parle du Parlement canadien, et si on parle des juridictions provinciales, on parle des lois provinciales.
Est-ce que vous, ou quelqu’un d’autre, par votre intermédiaire, pourriez apporter des précisions sur cette question?
[Traduction]
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je serais heureuse de le faire. Je vous remercie de votre question.
Comme vous, bien des gens ont fait remarquer que l’article 4a) inclut l’expression « qui trouve application en droit canadien ». Cela signifie qu’elle s’applique expressément et uniquement au droit fédéral. Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : À la suite d’une question qui a été posée précédemment, le représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, a lui-même posé une question dans laquelle il a fait référence aux lois fédérales.
Est-ce possible — et ce n’est pas ce qui a été dit jusqu’ici — d’avoir des précisions sur cette question en particulier?
Que veut dire « droit canadien »? Normalement, si on veut être très, très précis quand on parle de droit canadien, on ajoute une définition. Je veux juste savoir s’il est possible d’obtenir ces précisions.
[Traduction]
La sénatrice LaBoucane-Benson : Honorable sénatrice, je vous remercie pour votre question. Je ne peux pas donner plus de précisions que celles que j’ai déjà données. Merci.
L’honorable Howard Wetston : Sénatrice LaBoucane-Benson, accepteriez-vous de répondre à une autre question, s’il vous plaît?
La sénatrice LaBoucane-Benson : J’en serais heureuse.
Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre travail et d’être la marraine du projet de loi.
Je me pose une question. Où sont les promoteurs de projets? Quelle place ont-ils dans ce cadre, en tant qu’instrument interprétatif? Vous vous souvenez sans doute de l’excellent travail réalisé pour le projet de loi C-69, par vous-mêmes et d’autres membres du comité. À cette occasion, il a fallu évaluer de nombreux critères à prendre en compte dans le cadre des évaluations d’impact. C’est une question importante, car, vous en conviendrez, la réalisation de projets est indispensable à la croissance économique, et il faut trouver un juste équilibre entre toutes les parties prenantes dans un tel contexte.
Si nous revenons au projet de loi C-15, ma question est la suivante : que faire si on n’obtient pas le consentement? Existe-t-il des circonstances dans lesquelles, en l’absence de consentement lors du déroulement des consultations, un projet peut tout de même aller de l’avant? Quelles seraient ces circonstances?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je rappelle à mon collègue que, lorsque le projet de loi obtiendra la sanction royale, le consentement libre, préalable et éclairé ne sera pas inscrit dans le droit canadien. Les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones serviront à interpréter les lois canadiennes. La jurisprudence relative à l’article 35, qui figure en fait dans la Loi sur l’évaluation d’impact, serait appliquée.
Si vous voulez parler de la façon dont fonctionnent les articles, il y a une question d’équilibre, même dans les articles eux-mêmes. Il y a un article qui parle du consentement libre, préalable et éclairé, et un autre dans lequel on parle de l’équilibre. Le consentement ne signifie pas le consensus. Il faut trouver un juste équilibre entre tous les points de vue.
Lorsque je parle de tables de négociation axées sur le consentement, ce que les personnes qui ont réussi à le faire dans le cadre de projets importants disent, c’est que si les peuples autochtones sont conviés à la table dès le début, s’ils font partie du processus décisionnel du début à la fin, il est bien plus aisé de trouver une solution avantageuse pour tout le monde. Il est bien plus facile d’obtenir le consentement de toutes les parties. Si on s’assoit autour d’une table axée sur le consentement et qu’on parvient à un accord, le Canada est gagnant, l’industrie est gagnante et les Premières Nations sont gagnantes. C’est là que réside l’essence du consentement libre, préalable et éclairé. Il ne s’agit pas d’avoir un droit de veto, il s’agit de se retrouver gagnant.
Le sénateur Wetston : Selon moi, la question est que l’on constate, lorsqu’on examine cet équilibre, qu’il ne s’agit pas d’un veto, et je crois que vous êtes d’accord avec moi. Bien sûr, je n’y vois aucun problème. Il s’agit d’un instrument d’interprétation. La loi, c’est bien connu, dispose de documents d’interprétation. Il ne s’agit pas du seul instrument d’interprétation. Les instruments d’interprétation peuvent parfois prendre la forme de documents de fond d’un point de vue juridique.
Comment passe-t-on d’un document d’interprétation à quelque chose qui a une incidence plus importante? Je n’essaie pas d’obtenir de conseils juridiques sur le fonctionnement de ces documents. Je pense que ce qui importe le plus, quand on n’arrive pas à obtenir le consentement, c’est de constater que le projet pourrait ou ne pourrait pas aller de l’avant. Personnellement, quand je pense à un instrument d’interprétation, j’estime qu’il faut prendre du recul et se demander si, dans une société démocratique, un projet peut tout de même aller de l’avant pourvu que l’on protège les droits et que l’on inclue des mesures d’atténuation. Selon moi, il s’agit de concepts importants. Croyez-vous que cet instrument pourrait fonctionner ainsi?
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice LaBoucane-Benson, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénatrice LaBoucane-Benson.
L’honorable Dan Christmas : Honorables sénateurs, c’est avec humilité que j’interviens pour parler brièvement du projet de loi C-15. Je veux vous expliquer la voie que nous avons suivie pour nous rendre jusqu’ici, c’est-à-dire à l’étape de la troisième lecture, à la suite de l’étude préalable et de l’étude qui s’en est suivie au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je peux affirmer, honorables sénateurs, que cela a été un parcours du combattant, parcours parsemé d’une myriade de défis que nous avons pourtant relevés pour obtenir de bons résultats grâce à la sagesse des experts juristes et autochtones qui ont témoigné, et aux récits passionnés des détenteurs de droits et de ceux qui sont touchés directement par les dispositions du projet de loi.
Quand on nous a appris ce printemps que le projet de loi allait être renvoyé à notre comité, j’ai ressenti un mélange d’exaltation et d’appréhension. Après tout, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fait partie de la société civile et des politiques publiques en tant qu’instrument international, du moins depuis son adoption par les Nations unies le 13 septembre 2007, et durant de nombreuses années auparavant. Honorables sénateurs, nous avons été motivés par le sentiment de devoir réussir. Nous avions lutté avec son précurseur, le projet de loi C-262, dans ce qui est devenu une expérience très difficile et éprouvante pour diverses raisons. Nous savons tous que cette version du projet de loi n’a pas abouti il y a deux ans. Tout de même, nous en avons tiré de bonnes leçons et le comité a fait de son mieux pour les appliquer.
Nous étions déterminés à mener une étude juste, équilibrée, transparente et pragmatique. Nous avions décidé d’entendre un nombre égal de partisans et d’opposants au projet de loi. Nous étions fermement résolus à faire en sorte que nous disposerions du temps et des moyens nécessaires pour mener une étude aussi complète que possible, et ce, en pleine pandémie et malgré les contraintes liées aux séances à distance et hybrides. Toutefois, honorables sénateurs, je peux affirmer humblement que nous avons atteint notre objectif, d’une manière qui a certainement dépassé mes propres attentes.
Du 7 mai au 7 juin, nous avons tenu 24 heures de séances sur six jours de réunions. Nous avons reçu 52 mémoires et 23 lettres de gens désireux de faire connaître leur opinion. Pendant cette période, nous avons également réussi à organiser deux groupes d’étude dans le cadre de l’examen du projet de loi C-30 mené par le Sénat.
(1720)
En ce qui a trait au projet de loi C-15, nous avons reçu 52 témoins, des organisations et des particuliers. Ce nombre passe à 81 si on inclut les conseillers techniques qui étaient présents. Les audiences du comité ont impliqué de longues journées de réunion et de nombreux groupes de témoins qui avaient des opinions diverses et parfois opposées et à qui nous avons posé des questions.
Je veux remercier de tout cœur les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et leur exprimer ma gratitude. Vous avez merveilleusement bien travaillé ensemble dans un esprit de collaboration et de collégialité. Votre dévouement et votre patience face à cette tâche colossale ont été incroyables. Je veux saluer plus particulièrement les trois sénateurs qui sont membres du comité directeur avec moi, l’honorable Dennis Patterson, l’honorable Brian Francis et l’honorable Scott Tannas. Vous avez tout fait en votre pouvoir pour abattre cette tâche et vous aviez tous des motivations uniques. Vous avez été l’exemple parfait de ce qu’il faut faire pour mener à bien les travaux du Sénat. Je vous remercie beaucoup pour votre travail de collaboration.
J’espère que nous aurons défini la nouvelle pratique exemplaire qui servira de modèle aux comités quand viendra le temps de s’élever au-dessus des considérations partisanes pour informer le Sénat sur les projets de loi complexes qui sont à l’étude, comme le projet de loi actuel.
Nous n’aurions pas pu y arriver sans l’incroyable contribution de l’équipe de la Direction des comités : notre greffière, Andrea Mugny, son assistante, Nathalie Boutros, et, bien sûr, la greffière principale des comités, Shaila Anwar.
L’excellent travail et le dévouement des analystes de la Bibliothèque du Parlement Sarah Fryer et Brittany Collier ont été tout aussi essentiels à la réussite de cette entreprise. Nous apprécions la contribution des gens qui sont nombreux à travailler dans l’ombre : les traducteurs, les sténographes, les techniciens de diffusion et le personnel administratif. Nous tenons souvent pour acquis leurs efforts, mais sans eux, nous n’aurions pas pu y arriver.
Nous remercions en particulier ceux qui se sont retrouvés en première ligne parce qu’ils ne pouvaient pas travailler à partir de la maison. Ils ont donc dû se rendre au Sénat en risquant leur santé afin que nous puissions mener cette étude. Ce travail remarquable n’aurait pu avoir lieu sans votre dévouement et votre professionnalisme. Nous vous sommes redevables et nous vous remercions de ne jamais manquer à votre devoir.
Enfin, voici mon dernier remerciement, qui n’est en aucun cas le moindre. Nous devons tous exprimer notre gratitude à l’ancien député Romeo Saganash, dont le projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-262, a ouvert la voie à l’adoption éventuelle du projet de loi C-15.
Honorables sénateurs, au cours des prochains jours, nos collègues vous parleront beaucoup de la profondeur et de la portée de notre étude de ce projet de loi et des principaux thèmes que notre analyse a permis de dégager. Alors que vous réfléchissez aux différents points de vue et que vous vous informez pour décider comment vous allez voter, je voudrais vous demander une seule chose. Que vous soyez pour ou contre, je vous encourage humblement et respectueusement à voter et à éviter de vous abstenir.
Je ne tente aucunement d’influencer votre choix. S’il y a un vote par appel nominal au lieu d’un vote oral, les Autochtones ont besoin de savoir clairement ce qu’en pensent les parlementaires. C’est pour cette raison que je vous encourage, honorables sénateurs, à bien vouloir voter pour ou contre.
Cette question, chers collègues, a une grande importance pour les Premières Nations, les Métis, les Inuits, les détenteurs de droits, les nations visées par des traités et, plus encore, pour l’établissement de véritables relations de nation à nation. C’est d’une importance cruciale pour le Canada alors qu’il cherche à trouver les façons d’avancer sur la voie de la paix et de l’amitié avec les peuples autochtones.
Wela’lioq. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Merci, sénateur Christmas, de cette reconnaissance très gracieuse d’un comité qui a accompli une tâche difficile. J’ai été vraiment impressionnée par la gentillesse et la collaboration de personnes ayant des opinions opposées. C’était vraiment un plaisir, en fait, de participer et de travailler au sein du comité. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
L’objectif du projet de loi, comme vous pouvez le deviner d’après le titre, est de garantir l’intégration de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est appuyée par le Canada depuis que le gouvernement Harper l’a avalisée en 2010. Dans une déclaration de l’Assemblée des Premières Nations, on peut lire ce qui suit :
Le moment est venu de travailler ensemble à l’avènement d’une nouvelle ère d’équité et de justice pour les Premières Nations et d’un Canada plus fort pour tous les Canadiens, inspirés par les principes fondamentaux de la déclaration que sont le respect, le partenariat et la réconciliation.
Promouvoir la réconciliation est louable. Je ne pense pas que quiconque au Canada puisse raisonnablement s’y opposer. Cependant, pour y arriver, la réconciliation doit avoir une base sincère. Une loi qui vise à atteindre cet objectif — qui est louable, comme je l’ai dit — doit être crédible.
Nous devons donc nous demander si le projet de loi C-15 est effectivement crédible. Reflète-t-il les aspirations des peuples autochtones du Canada?
En tant que membre du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, j’ai entendu de nombreuses personnes et communautés, notamment des détenteurs de droits, qui sont venues témoigner devant nous pour nous dire ce que signifie le projet de loi C-15 pour elles. Beaucoup de personnes appuient sans réserve le projet de loi, mais bien des gens nous ont dit ne pas être prêts à lui donner le même sceau d’approbation.
On nous a expressément indiqué que le libellé est nébuleux et insuffisant et que le processus de consultation était incomplet et qu’il ne reflétait pas le point de vue de beaucoup de grandes communautés.
Dans une lettre adressée au premier ministre Trudeau, Stephen Buffalo, président et chef de la direction du Conseil des ressources indiennes, a déclaré ceci :
Quel paradoxe de présenter un projet de loi qui vise à accorder à des groupes non définis d’Autochtones un droit non défini au « plein consentement donné en connaissance de cause » sans mener de consultations ni tenter d’obtenir le « plein consentement donné en connaissance de cause » des Autochtones.
Dans la même lettre, il a déclaré ceci :
À part nous, la Coalition nationale des chefs, les dirigeants des Premières Nations visées par les Traités nos 6, 7 et 8 de l’Alberta et une dizaine d’autres Premières Nations au Canada ont exprimé des inquiétudes quant au fonctionnement du projet de loi en pratique et ils ont demandé des amendements importants.
L’Association des Iroquois et des Indiens alliés, qui représente sept Premières Nations en Ontario seulement, a d’autres choses à dire à ce sujet.
La grande chef adjointe Stacia Loft a souligné publiquement que :
Pour de nombreuses nations, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne pose aucun problème, mais beaucoup critiquent la version canadienne de la déclaration, car le processus de mise en œuvre comporte des lacunes depuis le début.
En décrivant le processus de consultation, la grande cheffe adjointe a indiqué ceci :
Des limites ont été imposées quant aux réunions, leur durée était déterminée et les périodes d’échanges ne permettaient pas de faire bon usage du temps alloué et des informations communiquées.
Peut-on parler du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause exigé dans la déclaration?
Nos collègues de l’autre endroit ont demandé à la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, de définir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans le contexte du projet de loi. Elle a dit que, pour que ce soit possible, il faudrait qu’il y ait consensus entre les différents partenaires autochtones. Ce consensus n’a assurément pas été obtenu et on ne peut présumer qu’il le sera.
Lors d’une réunion d’information au sujet du projet de loi d’initiative parlementaire qui a précédé le projet de loi C-15, Ross Pattee, sous-ministre adjoint, Secteur de la mise en œuvre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, a affirmé qu’« il n’existe aucun accord international ou national sur la signification du principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause ».
Pour trouver une définition plus utile, nous pouvons nous en remettre à notre ancien collègue le sénateur Murray Sinclair, qui avait défini le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de façon simple. Il a dit :
Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause [se résume à] avant de toucher à mes terres, vous devez me parler et vous devez avoir ma permission.
Pour qu’on puisse parler de consultation, il faut plus que l’opinion des lobbyistes et des organismes politiquement proches du parti au pouvoir.
Comme l’a souligné l’Association des Iroquois et des Indiens alliés :
Le Canada n’a pas adéquatement consulté les peuples autochtones et, dans les six semaines prévues pour le faire, seules quelques organisations et provinces ont été consultées.
Je crois également que quelques réunions menées à la va-vite en pleine pandémie ne constituent pas des consultations.
Comme l’a souligné Russ Diabo, représentant de Defenders of the Land, de Idle No More et du Truth Before Reconciliation Network :
Comment justifiez-vous la tenue d’une consultation à l’égard d’une loi fédérale qui aura des répercussions intergénérationnelles durables pendant une pandémie, alors que de nombreuses communautés et nations autochtones n’ont même pas la capacité d’intervenir ou d’analyser comme il se doit les répercussions sur leurs droits? Beaucoup n’ont même pas accès au WiFi.
(1730)
Le grand chef okimaw de la Confédération des Premières nations du Traité no 6 est même allé plus loin. Il a ainsi affirmé :
Honnêtement, il n’y a rien eu de louable en ce qui concerne la consultation sur ce projet de loi. Il n’y a eu ni discussion, ni processus de participation, ni aucune ébauche soumise. La première fois que nous avons entendu parler d’un projet de loi, c’était en décembre 2020, pendant la pandémie.
Une consultation approfondie suppose de prendre contact avec toutes les communautés et tous les détenteurs de droits. Il ne s’agit pas d’un processus pro forma avec des résultats prédéfinis.
Consulter, cela signifie en particulier qu’il faut parler aux femmes autochtones, aux jeunes autochtones et à d’autres groupes comme les Autochtones trans et bispirituels.
Dans le budget fédéral de 2019, le gouvernement fédéral a indiqué que Canada Roots Exchange était une organisation de jeunes autochtones de premier plan. Le point de vue de ses membres sur le projet de loi C-15 est développé dans un mémoire qu’ils ont présenté à notre comité. Ils affirment ce qui suit :
Les jeunes à qui nous avons parlé ont été clairs : la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en tant que cadre canadien pour la réconciliation actuelle et future ne reflétera pas les besoins et les valeurs de leur communauté, à moins qu’on ne s’y prenne de la bonne façon. Cela signifie qu’il y ait un engagement substantiel, accessible, significatif et continu sur la mise en œuvre; que les communautés soient habilitées à mettre en œuvre la Déclaration à leur manière; et que la responsabilisation et la surveillance soient dirigées par les Autochtones [...]
Cet appel au leadership autochtone reflète les sentiments de M. Buffalo, dont j’ai présenté les commentaires au début de mon intervention. Plus loin dans sa lettre, il note que :
Les peuples autochtones en ont assez : nous ne voulons pas qu’Ottawa nous dise, du bout des lèvres et avec une tape paternaliste sur l’épaule, ce qui est bon pour nous. L’attitude et l’approche d’Ottawa, qui laissent entendre que cette nouvelle loi va nous être utile et nous ôter tous nos soucis, sont un exemple parfait de paternalisme et de colonialisme [...]
Plus loin, M. Buffalo poursuit sur le sujet des consultations :
Le fait qu’Ottawa n’ait pas mené de consultations dignes de ce nom et n’ait pas obtenu le consentement des Premières Nations sur un sujet aussi fondamental défie presque l’imagination [...]
Puis, il va droit au but : « Il est temps que le gouvernement cesse de nous ignorer. »
Compte tenu de ces graves lacunes dans le processus de consultation, il n’est peut-être pas surprenant que certains disent de ce projet de loi, ou du moins de son prédécesseur C-262, qu’il aurait pu s’intituler « Le moins qu’on puisse faire pour encore pouvoir prétendre appuyer la Déclaration de l’ONU ».
Le Parti libéral fédéral a fait campagne en promettant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en 2015 et en 2019. De plus, il n’a pas su garder le soutien de la femme autochtone occupant le poste le plus important de son caucus, non seulement de façon générale, mais également pour ce projet de loi en particulier.
Jody Wilson Raybould, ancienne ministre fédérale de la Justice et procureure générale, a dit ce qui suit dans le Globe and Mail :
[...] cela fait six ans que le gouvernement nous sert de grandes promesses relativement aux droits ancestraux et cela a donné bien peu de résultats concrets à long terme. À la lumière de cela, qui peut reprocher aux voix autochtones de s’opposer aussi fermement au projet de loi? Qui peut reprocher à d’autres voix autochtones de l’appuyer avec circonspection, voire, au mieux, tièdement?
En effet, les voix autochtones qui, initialement, ont applaudi le gouvernement libéral du Canada pour son appui de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ont depuis changé de position. Dans un communiqué concernant le projet de loi C-218, le Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke demande, en parlant du Canada : « [...] comment peut-on lui faire confiance pour promulguer une loi qui met véritablement en œuvre les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones? »
Chers collègues, les Autochtones disent ces choses parce qu’ils ne font pas confiance aux promesses du gouvernement.
Si c’est ça le résultat des consultations, il n’est pas étonnant que les gouvernements provinciaux aient également des réserves. Eux aussi ont été peu consultés.
Arlene Dunn, ministre des Affaires autochtones du Nouveau-Brunswick, a parlé au comité de divers facteurs qui préoccupent les provinces :
L’un d’eux est le peu de consultation effectuée [...] nous avons tenu trois réunions et avons peu discuté de ce problème.
Le problème dont parlait la ministre est l’ambiguïté du projet de loi concernant sa signification pour tout ce qui relève des provinces, un problème si préoccupant que six premiers ministres provinciaux ont signé une lettre priant le premier ministre de reporter la mise en œuvre du projet de loi.
Dans la lettre, les premiers ministres soulignent : « Ce projet de loi a fait l’objet de consultations insuffisantes et ne tient pas compte des préoccupations exprimées par les provinces. »
J’ai soulevé les mêmes préoccupations en comité auprès du ministre de la Justice et lui ai demandé simplement de s’engager à intensifier le dialogue avec les gouvernements provinciaux. Il a écarté ces préoccupations, se plaignant que l’un des ministres ne lui avait pas prêté attention. C’est sa description de la rencontre.
J’ai écouté, chers collègues, et ce que j’ai entendu m’indique que le projet de loi comporte des lacunes fondamentales qu’il faut régler. En tant que représentante régionale et défenseure des intérêts constitutionnels de ma province, je me joins au Nouveau-Brunswick pour m’opposer à ce qu’il considère comme une usurpation des compétences provinciales par le gouvernement fédéral.
Je suis également solidaire des communautés autochtones qui ont affirmé haut et fort, et à maintes reprises, aux Canadiens qu’ils n’accordent pas leur consentement — préalable, libre et éclairé, ou non — à ce projet de loi inadéquat et conçu à la hâte.
Comme je l’ai dit en début d’intervention, la réconciliation est un objectif louable que tous les gouvernements du Canada devraient viser.
Lorsqu’en 2010, le gouvernement Harper a entériné la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le communiqué indiquait :
[...] le Canada croit que la Déclaration est susceptible de contribuer positivement à la promotion et au respect des droits des peuples autochtones partout dans le monde.
L’opposition au projet de loi ne revient pas à rejeter ses objectifs, mais à faire valoir qu’il est possible de faire mieux.
Nous aurions intérêt à nous rappeler que la réconciliation n’aura jamais lieu avec une approche descendante. Une véritable réconciliation sera définie par les peuples autochtones et leurs communautés. Il nous incombe, en particulier au Sénat, d’écouter.
Comme l’a dit Mme Wilson-Raybould dans son article que j’ai cité, si le gouvernement Trudeau souhaite une véritable réconciliation, il doit « laisser le champ libre aux nations autochtones tandis qu’elles déterminent et façonnent leur avenir ».
Tant que nous n’aurons pas de véritable consensus sur ce que cela signifie, nous ne pouvons pas prétendre avoir mené les consultations substantielles qui sont nécessaires pour un projet de loi de cette nature. Par conséquent, le projet de loi ne devrait pas aller de l’avant dans sa forme actuelle.
Merci, chers collègues.
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole depuis Regina, en Saskatchewan, sur le territoire visé par le Traité no 4, au cœur de la nation métisse.
Chers collègues, récemment, j’ai regardé l’émission Your Morning à CTV pendant laquelle on interviewait Randell Adjei, le premier poète officiel de l’Ontario, qui a été nommé ce printemps. Cet artiste et poète de renom a publié son premier recueil de poésie, intitulé I Am Not My Struggles, en 2018.
Pendant l’entrevue, M. Adjei a parlé d’un des vers de son poème intitulé Brokenness :
Un des vers se lit comme suit : « Si vous ne savez pas ce que c’est que d’être brisé, comment saurez-vous reconnaître la plénitude? Si vous n’avez jamais été brisé, comment saurez-vous mesurer votre croissance? »
J’ai trouvé le poème et je l’ai lu au complet et il m’a touché. Il m’a fait penser au projet de loi C-15 et à la défense des droits des peuples autochtones. Pendant l’entrevue en question, M. Adjei a affirmé que ce poème était :
[...] réellement un rappel pour tous que, peu importe ce que nous vivons [...] les difficultés nous définissent. [Il a dit croire] que les difficultés ont pour objectif de nous préparer à ce que nous vivrons plus tard et qu’elles bâtissent notre résilience.
Honorables sénateurs, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones améliore le sort de nombreux peuples opprimés dans le monde. Les injustices du colonialisme et du racisme et les conséquences intergénérationnelles qu’ils entraînent ont été vécues par de nombreux peuples. À mon sens, les mots de M. Adjei s’appliquent aux difficultés vécues par trop de peuples autochtones au Canada et nous montrent que les choses doivent changer.
Le poème me rappelle également que le projet de loi C-15 n’est pas l’œuvre de la bienveillance du gouvernement. La mesure législative est plutôt le fruit de décennies de luttes populaires et d’efforts de la part des Autochtones, d’une organisation politique, de poursuites judiciaires, de manifestations, de commissions, d’enquêtes, de témoignages de survivants et de gains progressifs.
(1740)
De cet héritage, le projet de loi C-15 incarne une longue et difficile campagne pacifique de pression morale menée par les Autochtones et leurs alliés pour faire respecter nos droits de la personne au Canada, comme ils auraient toujours dû l’être.
Plus récemment, le projet de loi C-15 découle de la détermination d’un député et législateur cri, M. Romeo Saganash, qui a présenté le projet de loi C-262. Ses efforts ont permis de former une coalition de dirigeants, de groupes confessionnels, d’universitaires, de citoyens et de parlementaires anciens et actuels, notamment l’honorable Murray Sinclair et l’honorable Lillian Dyck.
Maintenant, grâce au leadership de la sénatrice LaBoucane-Benson, le temps est venu de terminer cette partie du parcours historique que représentent les dispositions du projet de loi. Le temps est venu d’entreprendre la tâche ardue de bâtir un Canada où la réconciliation n’est pas un rêve, mais une réalité.
La question dont nous sommes saisis, honorables sénateurs, est de savoir si le Sénat dit oui à la réconciliation en adoptant le projet de loi C-15.
Pour certains sénateurs, dire oui à la réconciliation peut signifier reconnaître le droit des Autochtones à l’autodétermination, à la participation et aux terres et aux ressources ancestrales.
Pour d’autres, dire oui à la réconciliation peut signifier admettre le bilan historique et actuel du Canada en matière de violation des droits, y compris le non-respect de traités fondamentaux pour le Canada, la répression de la spiritualité autochtone et les atrocités commises partout au Canada, comme celles à Kamloops.
Pour certains sénateurs ayant des points de vue différents, dire oui à la réconciliation pourrait signifier prendre la décision difficile d’accorder une certaine confiance au gouvernement concernant le plan d’action élaboré conjointement prévu dans le projet de loi C-15, compte tenu de l’historique de violations des droits et de la méfiance permanente.
Bien entendu, j’entends et je respecte les divers points de vue, mais, honorables sénateurs, je vous recommande vivement de dire oui à la réconciliation en appuyant le projet de loi C-15.
Le moment est venu pour l’ensemble des Canadiens d’avancer ensemble en tant que fédération restaurée par les relations de nation à nation, une fédération renouvelée par l’espoir en l’avenir. Le moment est venu, grâce au projet de loi, de donner aux jeunes générations le pouvoir de bâtir un Canada meilleur. Qui plus est, le moment est venu pour nous, sénateurs, de nous montrer à la hauteur de la situation et d’utiliser notre position de parlementaires indépendants pour contribuer à la réussite du plan d’action.
Le Canada ne peut se permettre de laisser passer cette occasion. La nécessité et l’urgence de la réconciliation nous obligent à agir. C’est le moment de le faire.
Compte tenu de l’importance du projet de loi C-15 et du peu de temps qu’il nous reste avant la sanction royale, je vais vous faire part, chers collègues, de trois réflexions sur la voie à suivre.
À mon avis, le Sénat devrait adopter le projet de loi rapidement et sans amendement afin d’éviter tout risque pour le projet de loi. Tout problème peut être résolu au moyen du plan d’action élaboré conjointement et fondé sur les distinctions, avec un examen et un soutien continus du Sénat, surtout au sein du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Pour répondre aux allégations du sénateur Patterson et aux autres personnes qui s’opposent à ce projet de loi, je précise que le projet de loi C-15 n’empêchera pas les nations titulaires de droits d’interagir directement avec le gouvernement si elles le souhaitent, par exemple aux tables de négociation de traités, plutôt que de s’en remettre au plan d’action. Le projet de loi C-15 n’impose aucune obligation aux nations de participer au plan d’action. La participation à ce dernier est volontaire.
Même si des nations pourraient être réticentes par rapport à l’approche du projet de loi C-15, ce n’est pas une raison pour freiner les autres nations qui voudraient y recourir pour faire valoir leurs droits. À mon avis, ce projet de loi est prometteur et utile.
Deuxièmement, au chapitre de la réputation du Sénat, cette institution doit penser aux conséquences de ne pas adopter le projet de loi C-15 ou de nuire indûment à son adoption. Après l’expérience du projet de loi C-262, et maintenant que les Canadiens ont voté en faveur de ce projet de loi dans le cadre des élections fédérales de 2019, le Sénat ne doit pas faire obstacle à la réconciliation. En effet, en appuyant les efforts pour mener à bien le plan d’action, le Sénat devrait travailler encore plus fort pour apporter une contribution positive et de grande valeur.
Troisièmement, le Sénat devrait tenir compte du fait que le projet de loi C-15 aidera à inclure davantage les Autochtones dans l’économie, contrairement à ce que les opposants au projet de loi allèguent. Comme je l’ai mentionné il y a plus de deux ans concernant le projet de loi C-262, j’appuie pleinement l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je ne pourrais penser autrement à la lumière des décennies que j’ai passé à collaborer avec les peuples autochtones du Canada, qui cherchent à améliorer leur avenir en misant sur l’autodétermination tout en conservant, protégeant et, parfois, rétablissant leur héritage culturel et leurs valeurs communautaires.
De nombreuses communautés connaissent un succès considérable qui peut être reproduit ailleurs, notamment au moyen de l’excellent travail des associations nationales d’entreprises autochtones et des organismes nationaux de développement économique des Autochtones.
Sur ce point, je me reporte aux témoignages présentés à la Chambre des communes et au Sénat — plus récemment au Comité des peuples autochtones. Le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, le Conseil national de développement économique des Autochtones et l’Association nationale des sociétés autochtones de financement ont indiqué qu’ils étaient fortement en faveur de l’adoption sans délai du projet de loi C-15.
Fait important, les dirigeants de ces organisations, soit Tabatha Bull, Dawn Madahbee Leach et Shannin Metatawabin, ont souligné la nécessité d’inclure la réconciliation économique dans le plan d’action. Selon eux, la prospérité et la reconnaissance des droits des Autochtones sont inextricablement liées. Ils estiment que l’adoption du projet de loi C-15 enverra un puissant message aux entreprises canadiennes, ce qui contribuera à établir des normes culturelles qui défendent les droits des Autochtones et l’inclusion économique et encouragera le secteur privé à répondre à l’appel à l’action numéro 92 de la Commission de vérité et réconciliation, qui porte sur les entreprises et la réconciliation.
Les mesures concrètes que peuvent prendre le secteur privé incluent l’accès équitable des Autochtones aux emplois, des possibilités de formation et d’éducation supplémentaires en vue d’obtenir une main-d’œuvre représentative qui reflète la démographie du Canada et des formations pour la direction et le personnel des entreprises sur les compétences interculturelles, la résolution des conflits, les droits de la personne et la lutte contre le racisme.
Alors que la responsabilité des entreprises comprend, de plus en plus souvent, des volets consacrés à l’environnement, aux responsabilités sociales et à la gouvernance, et que ces aspects ont de l’importance dans de nombreux marchés boursiers, les connaissances autochtones devraient aussi être reconnues à leur juste valeur et combinées à la science et à la gouvernance d’entreprise de manière à produire des résultats inclusifs et holistiques. Les entreprises devraient acquérir une sensibilité aux attentes de la société et du marché du travail, participer à la réconciliation et faire du Canada un meilleur pays.
Les organismes de développement économique et les entreprises autochtones ont aussi souligné l’importance de la reconnaissance des droits pour la création de réels partenariats d’affaires avec les nations autochtones dans le contexte du développement des ressources, ce qui passe notamment par un rôle de propriétaire, un rôle de gestionnaire, de la formation professionnelle et des engagements en matière d’emploi. Les approches de ce genre peuvent procurer plus de certitude aux investisseurs et réduire les risques de poursuites.
Les organisations en question ont aussi mentionné que le Canada a l’habitude de faire délibérément subir aux peuples autochtones une discrimination économique, ce qu’il a fait notamment en détruisant les économies traditionnelles dans un esprit de colonisation; en empêchant les nations autochtones d’avoir accès aux terres et aux ressources qui leur revient; en imposant des restrictions économiques racistes aux personnes et aux communautés au moyen de la Loi sur les Indiens; en excluant politiquement les Autochtones de l’élaboration des politiques économiques publiques; en adoptant des politiques qui laissent des séquelles, comme celles qui concernent les pensionnats autochtones et les autres programmes d’assimilation, que le Sénat avait l’habitude d’approuver; en sous-finançant les éléments essentiels à un niveau de vie de base, les services communautaires et l’infrastructure; et en laissant aux Autochtones peu d’occasions d’avoir accès à une éducation de qualité, au développement des compétences et au capital.
Beaucoup de gens sont d’avis que, si les traités étaient respectés et concrétisés, les peuples autochtones contribueraient grandement à l’économie canadienne. L’autonomie et l’indépendance de ces peuples leur permettraient de tenir leurs cérémonies, de pratiquer leurs cultures, de s’exprimer dans leurs langues et d’afficher fièrement leur identité comme nations pouvant apporter leur contribution au sein de la fédération. Au lieu de cela, ils doivent mener des campagnes et entamer des poursuites pour faire respecter les traités. Il n’y a pas un traité numéroté qui ne fait pas mention de l’éducation, mais ce n’est que récemment que l’on s’emploie à combler l’écart par rapport au reste du pays en ce qui a trait au financement par élève et à l’accès à l’éducation.
(1750)
Les politiques précédentes ont créé des obstacles permanents qui empêchent les autochtones de participer pleinement à l’économie canadienne. Je peux très bien comprendre que cela ait empêché ce pays de réaliser son plein potentiel, et je ne parle même pas des injustices que cette situation a créées.
Le gouvernement devrait prendre des mesures concrètes, y compris fournir des ressources et renforcer les capacités, permettre à toutes les nations d’exercer leur droit à l’autodétermination, et leur donner les moyens d’être concurrentielles et de saisir les possibilités qui s’offriront à elles. Sinon, on maintiendra le statu quo; il n’y aura pas d’accès à des services de formation et de perfectionnement de qualité, et les difficultés d’accès au capital continueront de faire obstacle à l’autonomie et à l’indépendance des nations.
Le plan d’action sera essentiel à la réconciliation économique. J’encourage le gouvernement et tous les sénateurs à ne jamais oublier d’inclure les organisations d’affaires autochtones dans la conception des politiques et à étudier les questions économiques en tenant compte du point de vue des Autochtones. On pourra ainsi promouvoir la prospérité des communautés autochtones et de l’ensemble du pays.
En terminant, chers sénateurs, pour garder l’œil sur l’objectif, je vais citer la déclaration de l’honorable Murray Sinclair, qu’il a faite lors de la présentation du projet de loi C-15 en décembre dernier. En tant qu’érudit de l’histoire canadienne et source d’inspiration pour de nombreux sénateurs, moi le premier, le sénateur Sinclair a dit :
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est au cœur même des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. [...] À divers égards, l’adoption de ce projet de loi marquera seulement le début du difficile travail de réconciliation, car il faudra rendre de nombreuses lois fédérales conformes aux droits inhérents des peuples autochtones. Tout dépendra de la mise en œuvre. Ce projet de loi représente toutefois un engagement au plus haut niveau de bâtir le Canada qui aurait toujours dû exister et que nous bâtirons maintenant ensemble. [...]
Le dépôt par le gouvernement du projet de loi C-15 représente un pas profondément émouvant et encourageant vers la réconciliation. Je suis convaincu que notre pays est désormais engagé dans la bonne voie, et je me réjouis à la perspective de l’adoption de ces mesures législatives. Ce jour qui se dessine aujourd’hui à l’horizon sera une occasion de célébrer.
Honorables sénateurs, le mot « célébrer » est bien choisi. Après la pandémie, nous le mériterons bien. Cette année, après l’adoption du projet de loi C-15, la 154e fête du Canada sera la plus belle à ce jour, quoique sombre et propice à la réflexion à plusieurs égards, à la lumière du poids de la véritable histoire de notre pays. Quoi qu’il en soit, avec cette loi, le Parlement et les Canadiens que nous représentons auront accepté la vérité et accueilli la réconciliation. Chers collègues, cela n’est pas une mince affaire.
J’exhorte les sénateurs d’adopter le projet de loi C-15 dès que possible. Merci. Hiy kitatamîhin.
Son Honneur le Président : Sénatrice McCallum, souhaitez-vous poser une question?
La sénatrice McCallum : Oui.
Son Honneur le Président : Sénateur Klyne, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à des questions?
Le sénateur Klyne : Oui, s’il vous plaît.
Une voix : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénateur Klyne, mais votre temps de parole est écoulé.
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
J’aimerais d’abord citer Wendy Lynn Lerat, qui a dit ceci :
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fait espérer un avenir plus juste, durable et décolonisé, à un moment de l’histoire où les écosystèmes s’effondrent à cause de la surexploitation mondiale de la Création. Certains parlent de « développement », mais, en réalité, nous vivons à une période où les changements climatiques d’origine humaine sont d’une ampleur et d’une portée sans précédent.
Chers collègues, je veux être bien claire : le conflit sous-jacent a toujours été lié aux terres et aux ressources, y compris l’interprétation de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par l’État. Mme Lerat a ajouté ceci :
Le Canada a entamé le processus de mise en œuvre unilatérale et paternaliste de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, s’assurant que sa version, contenant sa propre définition de l’autodétermination, est consacrée par la loi, par l’intermédiaire du projet de loi C-15 […]
Par ailleurs, le néo-colonialisme est omniprésent parmi les personnes en position de pouvoir, d’autorité et de contrôle au sein du système colonial de gouvernance autochtone du Canada […]. Nous nous faisons maintenant coloniser, cette fois-ci par certains de nos propres frères et sœurs autochtones. Je crains que, à cause de leurs bêtises, nous ne soyons plus considérés comme des peuples distincts.
La vérité avant tout. C’est tout ce que les Premières Nations ont demandé au gouvernement. Or, la vérité n’a pas été dite dans les processus de négociation des traités et de consultation.
Silence — décourager les Canadiens de promouvoir des amendements qui renforceraient ce projet de loi, puis vilipender ceux qui les proposent, ce sont des comportements de colonisateurs et pas d’alliés.
Ces actions n’ont rien à voir avec un second examen objectif ni avec nos devoirs parlementaires. Ce qui devrait être un moment fort de collaboration avec le gouvernement pour mettre en œuvre les droits de la personne pour les signataires des traités n’est qu’un autre visage de l’oppression.
Je crois qu’il y a beaucoup de travail à faire sur ce projet de loi et je suis prête à siéger jusqu’en juillet pour l’étudier de façon responsable.
Honorables sénateurs, l’amendement que je présente aujourd’hui — que je lirai à la fin de mon temps de parole — propose cinq angles différents en matière d’amélioration. Je voudrais expliquer cet amendement maintenant.
Le premier angle, ce serait...
Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénatrice McCallum.
Sénateur Plett?
Recours au Règlement—Débat
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, je vais demander cela avec beaucoup de réticence, mais nous avons des règles dans cette chambre, et l’une d’elles est de ne pas permettre le recours à des accessoires. Je considère que ce que la sénatrice McCallum a là est un accessoire et j’aimerais que vous vous prononciez là-dessus.
L’honorable Pierre J. Dalphond : Votre Honneur, je ne m’attendais pas à un tel recours au Règlement. Je dois préciser que notre collègue tient une plume d’aigle dans sa main. Ce n’est pas un accessoire ni du matériel promotionnel. Ce n’est le symbole de rien d’autre que de sa propre culture et de sa propre identité. Nous avons des collègues qui portent un turban sur leur tête ou dont la tenue vestimentaire reflète leur culture et leur tradition. Votre Honneur, je ne crois pas que le recours au Règlement soit justifié.
Son Honneur le Président : Y a-t-il d’autres sénateurs qui souhaitent intervenir?
L’honorable Mary Jane McCallum : J’aimerais faire une observation. J’ai communiqué avec des aînés autochtones et des gardiens du savoir à propos de ce sujet profond qui concerne l’essence même de notre existence. J’ai avec moi un éventail en plumes d’aigle. Ce n’est pas un accessoire. Il s’agit d’un objet cérémonial qui m’a été donné pour m’honorer. Lorsque j’ai parlé à ces personnes hier soir, elles m’ont dit de garder l’éventail avec moi lorsque je prends la parole et que ce que j’ai à exprimer revêt une telle importance que je dois faire appel aux ancêtres ainsi qu’aux gens qui souhaitent que mon propos soit entendu dans cette enceinte. Voilà pourquoi j’ai cet éventail avec moi aujourd’hui. Il fait partie de mon identité, qui m’a déjà été enlevée et à laquelle je ne renoncerai pas encore une fois.
(1800)
L’honorable Pat Duncan : J’aimerais prendre la parole pour appuyer les observations de mes collègues les sénateurs McCallum et Dalphond. Je crois également, Votre Honneur, que des assemblées législatives provinciales et territoriales se sont prononcées sur d’autres cas où une personne tenait une plume d’aigle. Je crois comprendre que, sur le plan culturel, tenir la plume d’aigle signifie que la personne dit la vérité, ce que nous sommes appelés à faire chaque jour au Sénat et dans les autres assemblées législatives. Je crois qu’il y a eu des décisions où la plume a été acceptée comme un élément de la personne qui parle. Merci.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 27 avril 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.
Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre »
Des voix : Suspendre.
Son Honneur le Président : Nous poursuivrons le débat sur le recours au Règlement à notre retour. La séance est suspendue jusqu’à 19 heures.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1900)
Retrait du recours au Règlement
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, j’ai invoqué le Règlement, et je crois que c’était justifié. Or, cela étant dit, je crois aussi que, à la lumière des présentes — je ne sais pas si je veux utiliser le terme « circonstances » —, mais en raison de ce qui s’est produit récemment, mon recours au Règlement a manifestement été jugé indélicat, ce qui n’était pas mon intention. J’ai tenté de peser mes mots, mais ils ont été jugés indélicats. Je prie la sénatrice McCallum d’être indulgente à mon égard parce que ce n’était pas mon intention.
Je crois que nous avons des règles très claires au Sénat. Malheureusement, le mot que nous devons utiliser est « accessoire ». De toute évidence, la sénatrice McCallum ne considérait pas que ce qu’elle tenait est un accessoire, et je partage probablement son avis, mais c’est un objet que le Sénat estimerait être un accessoire, dans bien des cas.
Néanmoins, je demande l’indulgence de la sénatrice McCallum. Je m’excuse si je l’ai offensée de quelque façon que ce soit parce que ce n’était pas mon intention.
Je vais d’abord retirer mon recours au Règlement, Votre Honneur. Cela dit, je vous demande de prendre la question en délibéré pendant un certain temps pour que nous puissions créer des règles déterminant ce qui est approprié ou non. Je crois que nous avons des règles à ce sujet. Je crois que ce que j’ai demandé respectait ces règles. J’espère que la sénatrice McCallum verra ce geste comme un signe que je ne voulais aucunement la blesser, à la lumière de la situation actuelle.
Je demande simplement qu’on retire le recours au Règlement et que la sénatrice McCallum poursuive son discours. Vous corrigerez la situation en temps opportun, Votre Honneur. Je vous remercie.
Troisième lecture—Ajournement du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
L’honorable Mary Jane McCallum : Je souhaite tout d’abord remercier le sénateur Dalphond et la sénatrice Duncan de leur appui. Je remercie aussi le sénateur Plett d’avoir présenté des excuses. Je comprends tout à fait les règles, et je sais que les choses doivent changer et qu’elles changeront. Merci.
La première partie vise à modifier le titre et le préambule du projet de loi pour y ajouter les termes « mise en œuvre » et « mettre en œuvre ». On souhaite ainsi mettre l’accent sur le but du projet de loi et l’exprimer plus clairement : il s’agit de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Même si le projet de loi ne mène pas à la mise en œuvre immédiate de la déclaration, il vise manifestement à produire un résultat, c’est-à-dire l’application de la déclaration en droit canadien. Cette partie de l’amendement établit clairement cet objectif.
La formulation « atteindre les objectifs de la Déclaration » qui figure actuellement dans le préambule n’oblige aucunement le gouvernement à mettre en œuvre les articles de la déclaration. Le terme proposé, « mettre en œuvre », requiert qu’on donne force de loi aux articles de la déclaration.
D’après le ministre Lametti, ce projet de loi « reconnaît que les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, comme la déclaration, peuvent être utilisés comme outils d’interprétation du droit canadien ». Cet objectif doit donc se refléter dans le titre et le préambule.
La deuxième partie de mon amendement consiste à ajouter une disposition qui indique que cette loi lie Sa Majesté du chef du Canada. Autrement dit, la Couronne doit respecter les mots et les normes qu’elle inscrit dans la loi. Conformément à l’article 17 de la Loi d’interprétation :
Sauf indication contraire y figurant, nul texte ne lie Sa Majesté ni n’a d’effet sur ses droits et prérogatives.
Bien que l’on puisse penser que le projet de loi C-15 lie implicitement ou nécessairement la Couronne parce que sa raison d’être serait compromise dans le cas contraire, les tribunaux sont loin d’être clairs ou cohérents dans leur interprétation. Les lois fédérales sont tout aussi incohérentes. Au vu de cette incohérence et de cette ambiguïté, il faut absolument clarifier l’intention du législateur.
De plus, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones énonce les normes minimales pour veiller à la survie et à la dignité des Autochtones. La responsabilité de régler les problèmes associés à ces enjeux ne relève pas d’un ministère unique ni seulement du gouvernement fédéral. Si ce dernier a l’intention de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies, les répercussions dépasseront le rôle de Services aux Autochtones Canada ou de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Tous les ministères et organismes fédéraux seraient concernés. Voilà pourquoi il faut à tout le moins que la loi lie Sa Majesté du chef du Canada pour éviter toute ambiguïté potentielle.
La troisième partie de mon amendement vise à inclure les mots « force de loi » dans la section qui porte sur l’objet de la loi. C’est particulièrement important, car, sans cela, le projet de loi C-15 ne donnera pas force de loi, en droit canadien, à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n’ajoute rien de nouveau au cadre juridique canadien, puisque les tribunaux se fondent déjà sur la Déclaration des Nations unies pour résoudre les ambiguïtés législatives, comme ils le font avec d’autres instruments internationaux en matière de droits de la personne.
Cette partie de l’amendement indique de façon claire et sans équivoque que les tribunaux doivent se fonder sur la Déclaration pour interpréter les droits constitutionnels des peuples autochtones et les obligations du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones. De plus, ma proposition d’ajouter le paragraphe c) à l’article 4 vise à établir l’obligation du Canada d’utiliser la déclaration pour interpréter les droits et obligations constitutionnels prévus à l’article 35. Par le passé, des tribunaux ont indiqué qu’ils n’allaient pas invoquer la déclaration pour donner plus de vigueur à l’article 35, à moins que des dispositions législatives explicites soient adoptées en ce sens. Ainsi, cette partie de l’amendement donne aux tribunaux des lignes directrices claires à cet égard.
La quatrième partie de mon amendement vise à ajouter l’obligation de tenir des consultations et de collaborer avec des conseils, des gouvernements et d’autres entités autorisés à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaire de droits, ainsi que d’adopter une approche spécifique à chaque groupe.
Sans cette partie de l’amendement, le projet de loi C-15 reconnaît, certes, la diversité, mais ne s’engage pas à ce que celle-ci guide ou motive les actions des organes politiques et juridiques canadiens. Le Canada a déjà déclaré son engagement à adopter une approche fondée sur les différences, dans la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les communautés autochtones du Canada ont une grande variété de cultures, de traditions, de spiritualités, de langues et de besoins. Si le projet de loi ne s’engage pas à utiliser cette diversité pour éclairer la mise en œuvre de la déclaration, il ne pourra pas remplir l’objectif et la responsabilité uniques qu’il a envers les différentes nations.
Cette partie de l’amendement garantit que la consultation se fera directement auprès des titulaires de droits prévus à l’article 35 et en collaboration directe avec eux. Pour dire les choses clairement, les organisations politiques autochtones ou les organismes de défense des droits des Autochtones comme l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami ne sont pas des titulaires de droits en vertu de l’article 35.
La cinquième et dernière partie de mon amendement reconnaît la nécessité pour le ministre, dans les 60 jours suivant la sanction royale, de rendre public un processus de participation des Autochtones à l’élaboration du plan d’action ainsi qu’à sa mise en œuvre par des groupes et des personnes titulaires de droits en vertu de l’article 35.
Comme cela a été dit de nombreuses fois, les Autochtones n’ont vraiment pas été inclus dans la rédaction et l’élaboration de ce projet de loi. Alors que le gouvernement a manqué — une fois encore — à sa responsabilité fiduciaire dans la rédaction du projet de loi, cette partie de mon amendement garantirait que le processus prévu par le gouvernement pour la participation des titulaires de droits soit rendu public en ce qui concerne leur participation au plan d’action. Ce genre de garanties et de transparence ont fait cruellement défaut jusqu’à présent.
(1910)
Honorables sénateurs, j’espère que ces détails sur mon amendement ont été utiles. Même si le projet de loi reste imparfait, il est évident que ces amendements contribueraient à l’améliorer. J’espère que les préoccupations des peuples qui seront directement touchés par ce projet de loi seront prises en considération, et que nous pourrons briser le cycle des lois coloniales prescriptives qui sont au cœur des différends qui minent la relation du Canada avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis qui cohabitent sur ce territoire.
Rejet de la motion d’amendement
L’honorable Mary Jane McCallum : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-15 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :
a) à la page 1, par substitution, au titre intégral, de ce qui suit :
« Loi de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones »;
b) au préambule, à la page 3 :
(i) par substitution, à la ligne 3, de ce qui suit :
« de mettre en œuvre la Déclaration; »,
(ii) par substitution, à la ligne 25, de ce qui suit :
« mettre en œuvre la Déclaration; »;
c) à la page 4, par adjonction, après la ligne 25, de ce qui suit :
« Application à Sa Majesté
2.1 La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada. »;
d) à l’article 4, à la page 5 :
(i) par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :
« droits de la personne qui a force de loi en droit »,
(ii) par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit :
« b) d’encadrer la mise en œuvre, en droit canadien, de la Déclaration par »,
(iii) par adjonction, après la ligne 7, de ce qui suit :
« c) de prévoir que la Déclaration doit servir de base à l’interprétation extensive et téléologique qui doit être faite des droits et liberté des peuples autochtones du Canada d’une part, y compris ceux énoncés aux articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et des engagements pris à l’égard de ces peuples d’autre part. »;
e) à l’article 6, à la page 5, par substitution, à la ligne 15, de ce qui suit :
« de mettre en œuvre la Déclaration.
(1.1) Les consultations et la collaboration avec les peuples autochtones doivent être significatives et, dans le cadre de leur mise en œuvre, le ministre et les autres ministres fédéraux doivent :
a) tenir des consultations et collaborer avec des conseils, des gouvernements et d’autres entités autorisés à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaire des droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;
b) adopter une approche spécifique à chaque groupe, collectivité ou peuple autochtones qui soit respectueuse de ses lois, traditions et méthodes. »;
f) à la page 6, par adjonction, après la ligne 11, de ce qui suit :
« Participation
6.1 Afin de garantir que les intéressés puissent participer efficacement et en temps voulu à l’élaboration du plan d’action prévu à l’article 6, le ministre doit, au plus tard soixante jours après la date de sanction de la présente loi, rendre public le processus par lequel il entend faire participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du plan d’action certains groupes et personnes, notamment :
a) des conseils, des gouvernements et d’autres entités autorisés à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaire des droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;
b) des organisations et des collectivités autochtones. ».
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour débattre des amendements proposés par la sénatrice McCallum.
Tout d’abord, je tiens à la féliciter du travail qu’elle a fait et qu’elle continue de faire pour le compte des Autochtones. Sénatrice McCallum, je sais que nous ne nous entendons pas toujours sur les politiques, mais je respecte votre détermination à faire valoir les préoccupations des dirigeants autochtones et des détenteurs de droits, plus particulièrement ceux de la région que vous représentez.
Je sais que la sénatrice McCallum connaît mon point de vue sur ses amendements. Je conviens que des amendements importants doivent être apportés au projet de loi pour qu’il puisse faire ce qu’il est censé faire. Je pense que, dans la Chambre de second examen objectif, nous avons ce devoir, celui de poser des questions et de formuler des critiques constructives sur les projets de loi que la Chambre des communes nous demande d’étudier. Cependant, je pense que la sénatrice McCallum sait aussi que ma principale réserve à l’égard du projet de loi est qu’il est loin d’avoir fait l’objet de consultations appropriées et sérieuses. À mon avis, ce n’est pas quelque chose que nous pouvons ignorer.
Il est donc difficile pour moi d’appuyer des changements de fond au projet de loi sans d’abord avoir entendu l’opinion de gens comme les signataires des Traités nos 6, 7 et 8, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador et le Conseil des Mohawks de Kahnawake sur cet amendement important, surtout que nous n’aurons pas l’occasion de leur demander leur opinion parce que nous sommes pressés de faire adopter le projet de loi, à cause du calendrier qui nous est imposé.
S’il m’est impossible d’appuyer l’amendement pour cette raison, j’appuie les efforts de la sénatrice McCallum pour mettre en lumière les immenses lacunes de ce projet de loi et permettre aux nombreuses personnes mécontentes qu’on tasse du revers de la main dans le but de forcer l’adoption rapide de ce projet de loi sans amendement de se faire entendre. Il est déconcertant de constater qu’on ignore l’avis de peuples et de leaders autochtones de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l’Ontario, du Québec et du Labrador, entre autres.
À cet égard, je voudrais lire un passage d’une lettre que les sénateurs ont reçue cette semaine. Elle a été envoyée au premier ministre par le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Arlen Dumas. Voici ce qu’il a écrit :
Je vous écris pour vous demander de suspendre tous les travaux parlementaires concernant le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, afin que le gouvernement fédéral et le Parlement puisse, de toute urgence, accorder la priorité à la réponse à donner face à la découverte, par la Première Nation Tk’emlups te Secwepemc, des restes de 215 enfants sur les lieux de l’ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique, et offrent des ressources et de l’aide aux Premières Nations qui mènent des enquêtes concernant tous les autres pensionnats.
Le projet de loi C-15 du gouvernement a été annoncé avec tambours et trompettes auprès de l’Assemblée des Premières Nations et d’autres groupes non membres des Premières Nations. L’appui des Premières Nations a été atténué, c’est le moins qu’on puisse dire, par l’opposition farouche de certaines nations. Bien que l’Assemblée des chefs du Manitoba ait tenu un forum des dirigeants sur le projet de loi C-15, elle n’a toujours pas pris position officiellement, car elle continue de se concentrer sur les mesures locales en réponse à la pandémie de COVID-19.
Ce n’est pas le moment pour le gouvernement du Canada de faire adopter un projet de loi controversé concernant les droits des Premières Nations, étant donné la découverte récente et accablante de restes d’enfants autochtones dans une fosse commune et anonyme.
Les dirigeants des Premières Nations du Manitoba demandent au Canada de contribuer aux recherches de tous les enfants perdus qui ont fréquenté les pensionnats du Manitoba et de fournir des soutiens appropriés aux survivants des pensionnats. Ce n’est pas ce que prévoit le projet de loi C-15.
Le projet de loi C-15 ne fait que répondre à un seul appel à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation :
Article 44 : Nous demandons au gouvernement du Canada d’élaborer un plan d’action et des stratégies de portée nationale de même que d’autres mesures concrètes pour atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Le chef Dumas poursuit ainsi :
Le fait qu’il est question de génocide et de restes humains dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne passe pas inaperçu. Le projet de loi C-15 ne traite pas de l’horreur de la récente découverte faite au pensionnat de Kamloops :
Paragraphe 7(2) : Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de vivre dans la liberté, la paix et la sécurité en tant que peuples distincts et ne font l’objet d’aucun acte de génocide ou autre acte de violence, y compris le transfert forcé d’enfants autochtones d’un groupe à un autre.
Paragraphe 12(2): Les États veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés.
Bien que le projet de loi C-15 n’est qu’un plan pour élaborer un plan, il ne répond pas à l’appel à l’action no 43 de la Commission de vérité et réconciliation :
Nous demandons au gouvernement fédéral, aux provinces et aux territoires de même qu’aux administrations municipales d’adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réconciliation.
Pour situer les choses dans leur contexte, la Commission de vérité et réconciliation a fait six appels à l’action concernant les enfants disparus et les renseignements sur l’inhumation, soit les appels à l’action nos 71 à 76, mais le Canada n’y a pas du tout donné suite. Le projet de loi C-15 ne s’attaque pas à la situation actuelle.
Au nom des dirigeants des Premières Nations au Manitoba, je vous demande de collaborer avec vos collègues chefs de parti à la Chambre de façon non partisane, de suspendre toutes les activités entourant le projet de loi C-15 et de consacrer ce temps à travailler avec les Premières Nations au Manitoba et celles de tout le Canada pour enquêter sur l’ensemble des sites des pensionnats.
La réponse du Canada à la récente découverte du génocide perpétré dans les pensionnats pourrait avoir des répercussions durables sur les générations à venir. Je vous demande de faire ce qui s’impose pour les Premières Nations et les Canadiens.
(1920)
Honorables sénateurs, je terminerai par une lettre, datée du 4 juin 2021, qui a été envoyée au premier ministre par le grand chef Okimaw Vernon Watchmaker du Traité no 6 :
Nous vous demandons de suspendre immédiatement toutes les activités parlementaires et législatives liées au projet de loi C-15 afin de nous accorder le temps et l’espace nécessaires pour nous concentrer sur les questions urgentes découlant de la découverte troublante des restes non signalés de 215 enfants dans l’ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique. Ce projet de loi est très controversé et il serait prudent de le mettre en veilleuse en cette période horrible.
Comme vous le savez sans doute, le processus entourant le projet de loi C-15 était fondamentalement inadéquat. Le projet de loi ne prévoit pas l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ni ne légifère de quelque façon que ce soit sur les principes que la déclaration cherche à respecter. Le Canada a informé la communauté internationale qu’il appuierait pleinement le projet de loi, ce qui n’a pas été le cas. De plus, les titulaires de droits n’ont pas été consultés, le Canada a plutôt fait appel à des organisations nationales sans mandat. Les principes de bonne gouvernance ne sont pas non plus respectés dans le projet de loi C-15. Le Sénat a été invité à effectuer une étude préalable sur le projet de loi et il ne sera probablement pas en mesure de publier un rapport à temps pour permettre un véritable débat. Le Sénat a également été informé que les amendements ne sont pas acceptés pour le moment, ce qui constitue une ingérence dans le processus du Sénat. De plus, le juge en chef de la Cour suprême donnera la sanction royale au projet de loi, qui sera probablement contesté à un moment donné devant la Cour suprême. La Confédération des Premières Nations du Traité no 6 ainsi que les Premières Nations du Traité no 7 et du Traité no 8 ont rejeté le projet de loi. Les Premières Nations sont confrontées à une pandémie qui suscite des préoccupations très réelles en matière de santé et de mortalité dans les communautés. Ces raisons à elles seules devraient suffire pour arrêter le processus et réévaluer les enjeux du projet de loi. Cependant, une question plus importante et plus récente doit avoir la priorité.
Nous demandons que vous donniez instruction à vos ministères de consacrer leurs efforts non pas à l’adoption de ce projet de loi boiteux, mais à la production de résultats tangibles qui aideront la communauté de Tk’emlups te Secwepemc à surmonter le traumatisme réel et profond qu’engendre une découverte de cette nature. Il s’agit de faire face à un génocide, au deuil, à la perte et à des crimes qui demeurent impunis. Cela aidera à tracer la voie à suivre en cas d’autres découvertes de cette nature. D’après notre histoire orale et nos enseignements, nous, Premières Nations, savons que ce n’est que la pointe d’un énorme iceberg. Nous sommes tous en deuil en ce moment et nous nous efforçons de faire face à cette découverte horrible qui a rouvert les blessures du génocide avec lesquelles nous vivons depuis la négociation des Traités. Je vous rappelle les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et le fait que celle-ci a proposé au gouvernement un plan à suivre pour ce genre de situations. Les appels à l’action 71 à 76 traitent de questions directement liées aux enfants disparus et aux renseignements sur l’inhumation, aux enfants assassinés et aux cimetières. Les appels à l’action ont été publiés en 2015 et on n’a toujours pas commencé à les mettre en œuvre.
Vos réponses et vos actions dans ces affaires passeront à la postérité. Je vous demande de collaborer avec la Confédération des Premières Nations visées par le Traité 6 afin de faire ce qui s’impose et de véritablement consacrer votre temps et vos ressources à ces questions.
Je conclus mon intervention sur ce conseil provenant de détenteurs de droits respectés. Merci, honorables sénateurs. Qujannamiik.
L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, je veux remercier la sénatrice McCallum du travail acharné qu’elle a accompli pour ce projet de loi. Je sais qu’elle propose des amendements avec de bonnes intentions et avec le désir profond de créer une vie meilleure pour les Autochtones. Je l’en remercie. Je veux également la remercier d’avoir apporté son éventail en plumes d’aigle. En tant que danseuse du soleil, je connais très bien le pouvoir de l’éventail en plumes d’aigle et l’énergie qu’il apporte à ce débat. Il nous rappelle que nous sommes tous ici pour le bien de la population.
[Note de la rédaction : La sénatrice LaBoucane-Benson s’exprime dans une langue autochtone.]
Nous devons nous y mettre avec humilité, compassion et respect. Je l’en remercie.
Je veux parler de la partie de l’amendement voulant ajouter la « mise en œuvre » au projet de loi. Je soulignerais que l’article 38 de la déclaration dit :
Les États prennent, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, les mesures appropriées, y compris législatives, pour atteindre les buts de la présente Déclaration.
Cet article reconnaît que les pays disposent de nombreux outils pour mettre en œuvre des instruments internationaux pour les droits de la personne, y compris un éventail de processus, de politiques et de mesures législatives. Le projet de loi C-15 propose un cadre législatif de mise en œuvre de la déclaration, mais il ne propose pas de mise en œuvre complète de la déclaration elle-même. La description de ce projet de loi comme une mise en œuvre complète de la déclaration pourrait s’avérer trompeuse et amenuiser toutes les autres initiatives, qui contribuent elles-mêmes à la mise en œuvre de la déclaration, y compris la négociation de traités et d’autres accords, des mesures législatives sectorielles, et des politiques et directives nouvelles ou révisées. La transformation intégrale de traités internationaux en lois canadiennes ne constitue pas l’objectif du projet de loi.
Comme je l’ai mentionné, concernant la partie de l’amendement qui lierait la Couronne, les dispositions de fond du projet de loi énoncent clairement les objectifs du gouvernement du Canada et du ministre fédéral. Par conséquent, le projet de loi C-15 lie effectivement le gouvernement aux trois obligations suivantes : premièrement, prendre des mesures pour veiller à ce que les lois soient compatibles avec la déclaration; deuxièmement, élaborer et mettre en œuvre un plan d’action; troisièmement, présenter un rapport sur les progrès accomplis chaque année au Parlement. Donc, il n’est pas nécessaire d’inclure une disposition distincte pour lier la Couronne.
Finalement, concernant la partie de l’amendement qui porte sur la force exécutoire de la déclaration ou son intégration au droit canadien, je souligne avoir déjà dissipé toute confusion exprimée par certains témoins à l’égard de l’objet du projet de loi.
(1930)
Je répète que le ministre Lametti a confirmé au comité qu’il s’agit d’une mesure législative de mise en œuvre comme il est décrit à l’article 4b). L’objet du projet de loi est d’encadrer la mise en œuvre de la déclaration, et non de l’incorporer directement dans le droit canadien. Les amendements proposés modifieraient fondamentalement l’objet du projet de loi pour l’étendre au-delà de ce qui a été discuté avec les partenaires autochtones, les provinces, les territoires et d’autres intervenants. Merci.
L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je veux d’abord remercier la sénatrice McCallum de son discours.
En tant qu’Autochtone et porteur d’un bâton à exploits, je suis personnellement offusqué et consterné par le rappel au Règlement qui a été fait plus tôt. À mon avis, le fait de qualifier la plume d’aigle, qui est traitée avec le plus grand respect par toutes les Premières Nations, d’accessoire en dit long sur le besoin d’offrir sans délai une formation à tous les parlementaires sur la richesse et la diversité des philosophies, des histoires, des traditions et des cultures des Premières Nations, des Métis et des Inuits au Canada.
Je crois aussi que ce rappel au Règlement en dit long sur l’importance cruciale du projet de loi. Il vise à ce que le Canada respecte les normes minimales — et non maximales — nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones qui, pendant des générations, ont subi des campagnes d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture, de leur langue et de leur existence même.
Nous sommes en droit de nous attendre, comme n’importe quel autre Canadien, que nos croyances et nos pratiques soient respectées et acceptées, à l’intérieur et à l’extérieur du Sénat. S’excuser est une preuve de leadership; je remercie donc le sénateur Plett. Cependant, il nous faut maintenant apporter des changements pour que ces situations ne se répètent plus à l’intérieur ou à l’extérieur du Sénat. Une fois est une fois de trop.
Maintenant que je me suis vidé le cœur, nous sommes ici aujourd’hui pour parler de l’amendement présenté par la sénatrice McCallum, pour qui j’ai le plus grand respect et la plus grande admiration. Je la félicite pour l’énorme travail qu’elle a accompli sur ce projet de loi. Je la félicite aussi au nom des Autochtones.
Comme elle, je partage les sentiments de méfiance, de scepticisme, voire de peur à l’égard des gouvernements fédéraux consécutifs, tant libéraux que conservateurs, qui nous ont laissé tomber à maintes reprises. Il est difficile pour beaucoup de gens de croire que le Canada et les parlementaires agiront honorablement envers les Autochtones, mais j’ai espoir que nous avons entamé une introspection nationale et que le Canada et les Canadiens feront mieux. Comme le sénateur Klyne l’a mentionné tout à l’heure, il est temps de devenir le Canada que nous voulons être.
Pour déterminer le pouvoir et la portée du projet de loi C-15 et pour savoir s’il met vraiment en œuvre la déclaration des Nations unies, les tribunaux examineront le libellé de ce dernier pour analyser son objet et son intention. Comme le précise l’article 4, les objectifs du projet de loi C-15 sont les suivants :
a) de confirmer que la [d]éclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien;
b) d’encadrer la mise en œuvre de la [d]éclaration par le gouvernement du Canada.
Bon nombre des amendements proposés par la sénatrice McCallum portent sur des préoccupations relatives à la mise en œuvre de la déclaration, y compris la modification de l’objet du projet de loi en remplaçant le mot « confirmer » par « mettre en œuvre » pour plus de clarté. Cependant, le paragraphe 4b) indique clairement que l’objet du projet de loi est de mettre en œuvre la déclaration. Par conséquent, je maintiens que cet amendement n’est pas nécessaire.
Le libellé de l’article 4b) indique que le projet de loi a pour objet d’encadrer la mise en œuvre de la Déclaration par le gouvernement du Canada. Cette position a été appuyée par le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord dans son témoignage devant le comité le 7 mai dernier, où il a indiqué que le projet de loi C-15 sera utilisé dans l’interprétation du droit canadien. Le projet de loi a pour but d’encadrer la façon dont cela se produira et de confirmer que la Déclaration est une source d’interprétation du droit canadien.
De plus, la ministre Bennett a également confirmé que le dépôt du projet de loi C-15 respecte l’engagement du gouvernement à présenter un projet de loi et à mettre en œuvre la déclaration, faisant du projet de loi C-262 le minimum plutôt que le maximum.
En plus du libellé dans la section sur l’objet de la loi, l’alinéa 4a) est une affirmation du Canada que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones s’applique dans la législation canadienne. Cependant, cet énoncé n’est pas nouveau puisque, comme vous le savez, la Déclaration s’applique réellement au Canada. À l’heure actuelle, elle est utilisée comme outil d’interprétation par les tribunaux, mais les tribunaux ont un grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer comment appliquer la Déclaration des Nations unies. Cette situation a donné lieu à des jugements qui ne vont pas dans le sens des droits fondamentaux des Autochtones.
Ce projet de loi nous aidera à corriger le tir. La ratification de la loi donne plus de poids à la Déclaration des Nations unies et à la manière dont les tribunaux peuvent l’utiliser, non seulement pour l’interpréter, mais aussi pour trouver des obligations et des droits fondamentaux.
Si l’on examine l’alinéa 4b), ce libellé peut facilement convaincre un tribunal que le Canada vise à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies par l’entremise du projet de loi C-15. Les tribunaux examineraient ensuite les autres dispositions du projet de loi C-15 pour déterminer quelle forme prendra la mise en œuvre. Voilà le plan d’action. Il est donc important que le plan d’action, tel qu’il est inclus dans le projet de loi C-15, soit bien révisé, car les tribunaux s’y référeront pour interpréter l’engagement du Canada à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies.
Ce projet de loi n’est pas parfait. Aucun ne l’est. Je suis toutefois convaincu que nous devons adopter le projet de loi C-15 sans tarder. Il serait honteux pour cette institution de répéter ce qui s’est produit avec le projet de loi C-262.
Au Comité des peuples autochtones, nous avons entendu de nombreux témoins, dans le cadre de l’étude préliminaire du projet de loi C-15, qui nous ont exhortés à adopter le projet de loi sans amendement de crainte qu’il soit rejeté. Parmi ces témoins, il y avait des dirigeants et des titulaires de droits autochtones, notamment l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, l’Inuit Tapiriit Kanatami, Nunavut Tunngavik Inc, le Grand conseil des Cris, la nation dénée et le Conseil des leaders des Premières Nations de la Colombie-Britannique, ainsi que des universitaires autochtones, dont Brenda Gunn, Val Napoleon, Pamela Palmater, Sheryl Lightfoot, Naiomi Mettalic et Wilton Littlechild, ancien commissaire de la Commission de vérité et réconciliation. En tant que titulaire de droits, j’appuie ce point de vue. C’est une occasion historique d’avancer dans la bonne direction. Ce changement ne se fera pas sans problèmes, mais il se fait attendre depuis longtemps.
Je ne m’attarderai pas davantage sur les raisons pour lesquelles je n’appuie pas les amendements. Les Autochtones, à l’instar des non-Autochtones, ne partagent pas toujours le même avis au sujet des politiques et d’autres questions. Cet amendement en est un exemple. Il existe diverses opinions. Nous pouvons respectueusement convenir que nous ne sommes pas d’accord au sujet de l’amendement. Merci. Wela’lioq.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent. Je vois un sénateur se lever. Non?
Parmi ceux qui participent à la séance à distance, y a-t-il un sénateur qui demande un vote par appel nominal?
La sénatrice McCallum : Oui.
Son Honneur le Président : Il faut deux sénateurs, un dans cette Chambre et un qui participe à distance. Je vois un sénateur se lever.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Quinze minutes.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, il faut que deux sénateurs présents à la Chambre s’entendent sur la durée de la sonnerie.
Son Honneur le Président : Il faut le consentement du Sénat pour réduire la durée de la sonnerie à 15 minutes. Que ceux qui s’opposent à ce que la sonnerie retentisse pendant 15 minutes veuillent bien dire non.
La sonnerie retentira pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 19 h 53. Convoquez les sénateurs.
(1950)
La motion d’amendement de l’honorable sénatrice McCallum, mise aux voix, est rejetée :
POUR
Les honorables sénateurs
Greene | Ngo |
McCallum | Oh—4 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Anderson | Gold |
Batters | Griffin |
Bernard | Harder |
Black (Alberta) | Hartling |
Black (Ontario) | Housakos |
Boisvenu | Klyne |
Boniface | Kutcher |
Bovey | LaBoucane-Benson |
Busson | Loffreda |
Campbell | Manning |
Carignan | Marshall |
Christmas | Martin |
Cordy | Mégie |
Cormier | Mercer |
Cotter | Miville-Dechêne |
Coyle | Mockler |
Dagenais | Moncion |
Dalphond | Moodie |
Dasko | Munson |
Dawson | Omidvar |
Deacon (Nouvelle-Écosse) | Ravalia |
Deacon (Ontario) | Richards |
Dean | Ringuette |
Downe | Seidman |
Duncan | Simons |
Dupuis | Smith |
Forest | Tannas |
Forest-Niesing | Wetston |
Francis | White |
Gagné | Woo—60 |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Brazeau | Patterson |
MacDonald | Stewart Olsen—5 |
McPhedran |
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous reprenons le débat sur la motion principale.
L’honorable Pat Duncan : Je propose l’ajournement du débat.
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)
(2000)
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la séance d’aujourd’hui
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :
Que l’article no 59 sous la rubrique Motions, sous les Affaires du gouvernement, soit avancé et appelé maintenant;
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur, la séance continue jusqu’à la fin des délibérations sur le projet de loi C-8 pour aujourd’hui.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 9 juin 2021, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 15 juin 2021, à 14 heures.
— Honorables sénateurs, je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
La Loi sur la citoyenneté
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’honorable Margaret Dawn Anderson propose que le projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l’action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l’honorable sénatrice Anderson, avec l’appui de l’honorable sénatrice Duncan, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
La sénatrice Simons a la parole.
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je suis ravie d’avoir l’occasion de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l’action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada).
Je veux commencer par vous raconter un des épisodes les plus canadiens, les plus albertains, que j’aie vécus.
Cela s’est produit en avril 2016, alors que le Canada était en train d’accueillir des centaines de réfugiés syriens. L’Edmonton Mennonite Centre for Newcomers, qui aide beaucoup les réfugiés à s’établir en Alberta, organisait un repas en l’honneur des familles et des groupes communautaires qui parrainaient des réfugiés, ainsi que pour accueillir certaines familles de réfugiés syriens réinstallées à Edmonton.
Ce repas était servi au centre culturel lusitano-canadien et comprenait de la nourriture halal donnée par des chefs cuisiniers locaux. On y trouvait des plats italiens, sud-asiatiques et français, de même que des shawarmas, des fatayers et des baklavas. Une chorale multiculturelle a chanté en anglais, en swahili, en tagalog et en arabe.
(2010)
Le clou de la soirée, ça a été un chant d’honneur et une série de numéros par les chanteurs, batteurs et danseurs du groupe Thundering Spirit Drum.
Lonny Potts, l’un des leaders de Thundering Spirit, s’est adressé aux nouveaux arrivants en cri et en anglais et leur a dit ceci tandis qu’un interprète traduisait son propos en arabe :
Écoutez et laissez-vous porter par la chanson. Nous savons que vous avez traversé des épreuves. Puissiez-vous trouver réconfort et apaisement au milieu de notre peuple.
Ce fut l’un des instants les plus remarquables de ma vie. Beaucoup de membres de la communauté visée par le Traité no 6 s’étaient rassemblés autour de chefs et d’artistes des Premières Nations pour accueillir officiellement et dans la joie des réfugiés qui venaient d’arriver. Le symbole était puissant et a eu un effet déterminant. Les nouveaux arrivants syriens avaient la chance de comprendre les racines profondes et l’histoire du pays dans lequel ils étaient sur le point de s’installer. Les artistes autochtones, eux, avaient la chance non seulement d’être mis en valeur et de susciter le respect, mais aussi de faire partie intégrante du processus d’installation des réfugiés.
J’ai pris le temps de parler à M. Potts à la fin de la représentation de son groupe. Il m’a dit qu’il se sentait en phase avec les Syriens déplacés. Il a fait des parallèles entre l’expérience de sa propre communauté et celle des réfugiés. L’accueil qu’il leur a réservé était sincère et ancré dans un profond sentiment d’empathie.
Plus tard, j’ai discuté avec l’un des réfugiés syriens, un jeune homme qui s’appelle Basel Abou Mamrah. C’est un druze qui s’est enfui avec sa famille lorsque leur maison, près de Damas, a été détruite lors d’un bombardement. Il a été profondément touché par la prestation du groupe Thundering Spirit. Il m’a dit : « Lorsque je les écoute, ils m’amènent dans un autre monde. C’est formidable. »
Je me dis encore qu’il est très important que la première impression que ce réfugié et tous ces nouveaux arrivants ont eu des peuples autochtones ait été aussi favorable, festive, joyeuse et spirituelle.
Je pense que c’est pour la même raison que ce projet est très important.
Cette semaine, la sénatrice Omidvar a indiqué qu’il peut souvent y avoir un fossé entre les néo-Canadiens et les premiers occupants du territoire canadien. Si nous voulons dire les choses franchement, même si c’est inconfortable, nous devons reconnaître qu’il est trop facile pour les nouveaux immigrants et les réfugiés d’assimiler les préjugés racistes et les craintes qui sont propagés dans la société au sujet de leurs concitoyens autochtones, et pour les peuples autochtones de se méfier tout autant des nouveaux arrivants. Cela peut être particulièrement vrai dans les quartiers défavorisés où les deux communautés peuvent se faire concurrence pour les emplois et les ressources sociales.
Inclure la reconnaissance des traités et des droits constitutionnels des Autochtones dans le serment de citoyenneté est une mesure importante. C’est un geste symbolique extrêmement important qui souligne adéquatement que les traités sont essentiels au développement de ce pays et qui engage tous les nouveaux citoyens non seulement à prêter serment d’allégeance à la Couronne, mais aussi à préserver l’honneur de la Couronne
Cela nous rappelle vivement que la plupart d’entre nous sommes des colons du Canada, que notre famille soit arrivée ici en 1815, en 1915 ou en 2015, et que les traités sont des documents dynamiques, aussi pertinents aujourd’hui et demain qu’au moment où ils ont été signés, que cela remonte à 100 ans ou à 10 ans. Grâce à la version révisée du serment de citoyenneté, les prochaines générations de néo-Canadiens seront encouragées à découvrir les droits que la Constitution confère aux Autochtones et à apprendre pourquoi ils concernent aussi les néo-Canadiens; en fait, ils seront tenus d’acquérir ces connaissances.
La modification du serment de citoyenneté est un premier pas. J’aimerais suggérer aux organisateurs des cérémonies de citoyenneté de poursuivre dans l’élan de cette inspiration et d’aller un peu plus loin.
J’ai eu le plaisir et le privilège d’assister à de nombreuses cérémonies de citoyenneté, parfois comme journaliste, plus souvent en tant qu’amie, et d’accueillir ainsi, dans la grande famille canadienne, des gens auxquels je tiens.
Je dois dire que, bien que l’assermentation soit un moment important pour les personnes qui sont assermentées et leurs proches, c’est un événement plutôt ennuyant et bureaucratique. Il n’y a ni musique, ni poésie, ni qualité spirituelle dans ce moment. Ce n’est pas une cérémonie de transformation, alors qu’elle marque pourtant une transformation solennelle.
Mon collègue le sénateur Cormier, un homme de théâtre, a soutenu qu’il pourrait être bon d’ajouter quelque chose à la cérémonie, par exemple de demander à des aînés ou à des joueurs de tambour de la région d’y participer. Au lieu de faire ce genre d’ajout seulement à l’occasion, comme ce que le ministre Mendicino a décrit aujourd’hui, il pourrait devenir normal et même obligatoire de commencer et de clore la cérémonie de citoyenneté avec quelque chose de beau ou d’important dans la culture des communautés autochtones de la région, par exemple une prière, une danse, une chanson ou un rituel de purification. Ce n’est pas le genre de chose qu’on ajouterait à un projet de loi, mais c’est une inspiration que je souhaite glisser à l’oreille des organisateurs de ces cérémonies.
Cela dit, ce n’est vraiment pas suffisant d’ajouter quelques mots au serment de citoyenneté, ni même d’ajouter quelques éléments de culture autochtone à la cérémonie.
Il faut que des chefs de file des communautés et des cultures tissent des liens entre les Premières Nations et les néo-Canadiens.
Je suis fière de pouvoir dire que ma ville, Edmonton, excelle dans ce domaine. Par exemple, je peux faire l’éloge les partenariats uniques que la Bent Arrow Traditional Healing Society, l’un des principaux groupes de soutien communautaire autochtones de la ville, a établis avec le Edmonton Mennonite Centre for Newcomers ainsi qu’avec l’organisme Islamic Relief Canada, la Muslim Association of Canada, à Edmonton, et l’Islamic Family & Social Services Association. Ensemble, ils offrent des programmes conjoints aux communautés qu’ils servent et des cérémonies d’accueil pour les nouveaux immigrants. Avant la COVID-19, ils envoyaient parfois des joueurs de tambour, des danseurs et des chanteurs à l’aéroport d’Edmonton pour accueillir les nouveaux arrivants. Pendant la COVID-19, le personnel de Bent Arrow a plutôt enregistré des prières et des chansons de bienvenue en cri à leur intention.
Jusqu’à maintenant, les gens n’ont fait que semer. Comme tout jardinier ou agriculteur vous le dira, il faut commencer par semer avant de récolter. Développer des relations significatives et durables prend du temps. C’est néanmoins les relations que nous devons établir et nourrir.
Malheureusement, ce qui relie les communautés immigrantes et autochtones, c’est surtout l’expérience du racisme cru et des injustices économiques et sociales.
Dimanche dernier, quatre membres de la famille Afzaal, de London, en Ontario, ont été tués par une camionnette-bélier alors qu’ils faisaient une promenade en soirée. La police a porté des accusations contre un homme de 20 ans, Nathaniel Veltman, et allègue qu’il a agi par fanatisme religieux et racial. En fait, elle soutient qu’il s’agit d’un crime haineux ciblé.
Dès le lendemain, c’est-à-dire le jour où nous avons appris la tragédie qui venait de se produire à London, Brayden Bushby, un homme de 22 ans de Thunder Bay, a reçu une peine de huit ans d’emprisonnement pour homicide involontaire dans l’affaire du meurtre de Barbara Kentner, une Autochtone de 34 ans. Elle est décédée après que Bushby ait dirigé un lourd attelage de remorque vers elle au moment où elle marchait en bordure de route. Comme il est terrible et surréel que, au Canada, le simple fait de se promener à pied suffise à provoquer une attaque mortelle, une agression empreinte de méchanceté et de lâcheté commise par un homme assis en sécurité dans son véhicule.
Que les Autochtones et les immigrants au Canada se sentent unis en tant que victimes de racisme est une véritable mise en cause du pays que nous aimons.
Une alliance fondée sur la discrimination ne peut servir de fondement pour l’établissement des relations saines, bénéfiques et tournées vers l’avenir que nous appelons de tous nos vœux.
Ce que nous devons réellement favoriser, ce sont les alliances solides fondées sur les perspectives politiques, sociales et économiques, alliances au sein desquelles les néo-Canadiens, les Premières Nations, les Métis et les Inuits pourront unir leurs talents, leurs motivations entrepreneuriales, leurs dons artistiques, leurs capacités stratégiques et leurs compétences professionnelles et techniques pour trouver des occasions d’affaires, réaliser des créations artistiques et des inventions, mener des projets de recherche et fonder des mouvements politiques qui propulseront le Canada vers un avenir meilleur.
De telles alliances fondées sur le respect et la compréhension mutuels devraient être les fondements du Canada que nous voulons pour tous.
Alors, non. Les mots d’un serment de citoyenneté ne sont pas une incantation magique. Ils ne nous transporteront pas instantanément dans un meilleur endroit. Cependant, un serment est toujours une promesse, et c’est un pacte. C’est un vœu qu’il fait exaucer, au risque de perdre tout honneur. Si seulement nous pouvions tous prêter serment, en tant que Canadiens, d’honorer nos obligations constitutionnelles et découlant de traités.
Si vous me le permettez, je vais terminer mon intervention en vous racontant une dernière histoire ce soir.
Il y a presque 10 ans de cela, j’ai eu la joie et l’honneur de passer une journée à l’école élémentaire Saint-François-d’Assise, dans le Nord d’Edmonton. L’école servait une population démographique particulière. En effet, à l’époque, environ 40 % des enfants qui fréquentaient l’école étaient des réfugiés ou des enfants de réfugiés du Soudan du Sud, dont les familles avaient fui un pays ravagé par une guerre civile.
Environ 55 % étaient des enfants des Premières Nations, qui participaient au populaire programme bilingue en cri de l’école. Cependant, la directrice se trouvait devant un dilemme. La population étudiante était si divisée. Il y avait deux groupes distincts d’élèves à l’école. Les élèves du programme bilingue en cri suivaient très peu de cours avec les élèves sud-soudanais. On observait des tensions dans les couloirs et la cour de récréation. La directrice, Katherine Dekker, a donc pris une décision plutôt radicale. Elle a décidé de rassembler les enfants. La journée de ma visite, l’une des membres d’Asani, un groupe primé de chanteuses autochtones, était présente à l’école pour offrir un cours spécial de musique à tous les élèves de quatrième et cinquième années. Tous les enfants étaient ensemble, et ils apprenaient à battre le tambour et à chanter une chanson en cri. Ils apprenaient tous et célébraient tous la riche histoire de leurs communautés.
(2020)
Un garçon de 9 ans m’a dit :
Nous admettons tous les enfants à cette école, quelle que soit leur culture. Être ami avec tout le monde est une bonne action; on se sent bien dans son for intérieur.
Ces élèves de 4e et de 5e années que j’ai rencontrés ce jour-là ont environ 18 ans aujourd’hui. Ils arrivent à maturité et s’apprêtent à devenir des chefs de file dans un pays qui n’a toujours pas appris à tenir ses propres promesses. Nous n’avons pas encore tout à fait trouvé le courage d’être amis avec tout le monde.
Lorsque nous le ferons, nous nous sentirons peut-être bien nous aussi dans notre for intérieur. Merci, hiy hiy.
Des voix : Bravo!
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté concernant l’appel à l’action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
En guise de préambule, j’aimerais souligné que, à titre de vice-président du Comité des peuples autochtones, j’ai échangé avec le ministre Hussen au sujet de la version antérieure du projet de loi C-8 le 6 décembre 2017, en compagnie de la sénatrice Omidvar, du sénateur Christmas et des anciens sénateurs Dyck, Sinclair et Watt. C’était une réunion constructive. Toutefois, je n’ai pas été autrement consulté au sujet de projet de loi C-8 ou de ses prédécesseurs, les projets de loi C-99 et C-6.
En fait, chers collègues, je dois vous répéter, comme je l’ai mentionné au ministre Mendicino en comité plénier aujourd’hui, que je n’ai assisté à aucune séance d’information et je n’ai reçu aucun matériel d’information concernant ce projet de loi. Mon bureau a reçu une communication au sujet du projet de loi tard hier soir, et j’ai réussi à m’entretenir brièvement avec le ministre à midi aujourd’hui, entre deux réunions de comité. Certains attribueront cela aux délais serrés, mais je ferai remarquer que l’étude article par article du projet de loi à l’autre endroit s’est terminée le 4 février dernier et que le comité en a fait rapport à la Chambre des communes le 5 février.
Inexplicablement, alors que le gouvernement vante constamment son engagement à l’égard d’une « relation renouvelée de nation à nation », l’étape du rapport à la Chambre basse ne s’est conclue que le 1er juin, et celle de la troisième lecture a débuté et pris fin le même jour, le 3 juin.
Je tiens aussi à souligner qu’un autre projet de loi récemment adopté par le Sénat, soit le projet de loi C-5, a également été rapidement adopté à l’autre endroit après avoir langui pendant des mois au Feuilleton. Ce projet de loi a été renvoyé sans amendement le 25 novembre 2020 et a seulement franchi l’étape du rapport le 28 mai et l’étape de la troisième lecture le 6 juin 2021.
Nous n’avons pas eu le temps de l’étudier au Sénat après l’étape de la deuxième lecture au comité.
Au cours de tous ces débats, qui ont été limités par une motion de débat d’urgence, presque tous les intervenants ont parlé de la tragédie de Kamloops. J’ai moi-même parlé de la tragédie dans cette enceinte et j’ai raconté des histoires personnelles dont je parle très rarement en public. La tragédie de Kamloops, qui est, à juste titre, à l’avant-plan des pensées de tout le monde, a clairement incité le gouvernement à finalement reprendre l’examen des projets de loi liés aux Autochtones.
Je me demande toutefois ouvertement pourquoi il a fallu une tragédie nationale pour que le gouvernement fasse avancer un projet de loi qui, selon lui, est une priorité. Il dit qu’« aucune relation n’est plus importante ».
Le projet de loi C-8 a eu deux versions antérieures. Tout d’abord, il y a eu le projet de loi C-99, qui a été présenté dans les derniers jours d’un gouvernement majoritaire, juste avant les élections. Il n’a pas franchi l’étape de la première lecture le 28 mai, mais je suppose que les libéraux peuvent techniquement faire valoir qu’ils l’ont présenté au cours de leur premier mandat.
Ensuite, il y a eu le projet de loi C-6, qui s’est au moins rendu à l’étape de la deuxième lecture en février de l’année dernière, mais qui est mort au Feuilleton à l’autre endroit lorsque le gouvernement a brusquement prorogé le Parlement, le 18 août 2020, apparemment en raison du scandale de l’organisme UNIS.
Cela dit, je tiens à revenir à mon point précédent. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas daigné solliciter l’appui du Sénat en utilisant les méthodes habituelles, comme une séance d’information technique, une séance d’information pour le porte-parole ou un dossier d’information, même après que le projet de loi a franchi l’étape de l’étude en comité à l’autre endroit?
Est-ce parce que le gouvernement connaît mal le processus législatif? Pire encore, est-ce parce qu’il méprise le Sénat et le rôle constitutionnel qu’il joue dans l’examen des projets de loi? Est-ce parce qu’il a encore oublié? Je ne suis pas satisfait de voir que le rôle de l’opposition officielle, qui, selon moi, est un élément important de notre fonction de Chambre de second examen objectif, soit relégué aux oubliettes.
Permettez-moi de dire respectueusement que je crois qu’il est du devoir du bureau du représentant du gouvernement au Sénat de coordonner ce genre de choses et de s’assurer que nous recevons le respect que nous méritons en tant que parlementaires. Nous ne pouvons pas permettre à un tel précédent d’être créé. Les sénateurs ont besoin d’informations et de réponses pour pouvoir s’acquitter de leur tâche de second examen objectif.
En raison de l’incapacité du gouvernement à gérer son calendrier législatif, nous nous retrouvons à étudier à la hâte un autre projet de loi, un projet de loi qui, à première vue, ne nécessite aucune réflexion. Après tout, il a été adopté par la Chambre des communes avec l’appui de tous, sauf du Bloc québécois. Ce que le projet de loi tente de faire est une étape importante pour la réconciliation. Il permet à tous les néo-Canadiens de reconnaître et d’affirmer que les droits des Autochtones font partie intégrante de la citoyenneté canadienne.
Cependant, chers collègues, je vous demande de penser à ceci : lorsqu’un projet de loi demande l’inclusion des peuples autochtones dans quelque chose dont ils ont historiquement été exclus, comme le serment solennel de citoyenneté, il me semble logique que les peuples autochtones soient consultés.
Dans leurs réponses écrites au comité de l’autre endroit, les fonctionnaires d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ont énuméré 10 organisations qu’ils ont consultées, et seulement quatre d’entre elles étaient autochtones : l’Assemblée des Premières Nations, la Nation métisse, l’Inuit Tapiriit Kanatami et la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales. Une fois de plus, nous constatons qu’aucune tentative n’a été faite pour inclure les représentants des 11 traités numérotés. Leur inclusion est vitale, car la modification du serment de citoyenneté tente de saisir la manière dont les peuples autochtones souhaitent que les néo‑Canadiens soient initiés aux relations complexes entre la Couronne, les Canadiens non autochtones et les Canadiens autochtones, y compris, bien sûr, la relation sacrée entre la Couronne et les Autochtones inscrite dans les traités historiques.
Au lieu de mener de vastes consultations auprès des peuples autochtones — il y avait suffisamment de temps pour en faire —, l’actuel gouvernement a encore une fois limité ses efforts à trois organismes autochtones nationaux et à une organisation qui se consacre à la mise en œuvre de traités modernes. Je m’empresse d’ajouter que l’un des organismes autochtones nationaux en particulier, l’Assemblée des Premières Nations, a été désigné par des dirigeants autochtones, durant l’étude du projet de loi C-15, comme un groupe de lobbying et de défense d’intérêts qui n’a pas le droit de parler au nom de certains, notamment les signataires des traités nos 6, 7 et 8. J’ai entendu Perry Bellegarde, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, l’admettre lui-même.
Toutefois, les signataires de traités n’ont pas été les seuls à être écartés. J’ai été attristé à la lecture de témoignages comme celui d’Elmer St. Pierre, le chef national du Congrès des peuples autochtones, qui a clairement affirmé devant le comité de l’autre endroit qu’il n’avait pas été consulté. Au cours de son témoignage, il a déclaré :
L’un de nos plus gros problèmes — aussi bien le dire —, c’est le racisme et la discrimination qui nous empêchent parfois de participer à ce genre de réunion. Parfois, c’est une invitation de dernière minute. La plupart du temps, nous n’avons même pas la chance de parler, et lorsque nous pouvons le faire, on ne nous prévient qu’une demi-heure ou une heure à l’avance, en nous jetant en passant, « Très bien, vous aurez l’occasion de parler. » Ce qui ne nous laisse pas vraiment le temps de nous préparer.
(2030)
Lorraine Whitman, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, a fait écho à cette récrimination générale concernant le manque de consultation au sujet du projet de loi. Elle a dit :
[...] je vais m’exprimer devant vous dans le cadre d’une invitation que je ne peux qualifier que de dernière minute. J’espère que les députés qui sont ici réunis excuseront le fait que l’Association des femmes autochtones semble offrir son opinion si tard dans le processus. La vérité, c’est que nous n’avons été informés que la semaine dernière du contenu du projet de loi C-8 et des travaux de votre comité.
Si vous prévoyez adopter d’autres lois qui auront une incidence sur la vie des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones au Canada, nous nous ferons un plaisir de participer aux discussions dès le début, en même temps que vous entendrez les organisations autochtones dirigées par des hommes. Je vous prie instamment de garder à l’esprit que l’AFAC, qui existe depuis 1974, est la plus grande organisation représentant les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones au Canada. Lorsque vous nous consultez, ce sont les femmes des Premières Nations, Métis et Inuites de toutes les régions du Canada que vous consultez.
Chers collègues, Mme Whitman était d’accord avec la division en groupes distinctifs utilisée pour parler des droits, mais elle a demandé que les réalités des personnes de diverses identités de genre soient reflétées dans le serment de citoyenneté.
J’ai été déçu de voir le gouvernement rater encore une fois des possibilités de consultation, puisqu’il a passé plus de temps à parler de la modification du serment de citoyenneté avec des organismes axés sur les nouveaux arrivants qu’avec des Autochtones, alors que ces changements concernent les Autochtones. De plus, il n’a pas tenu compte de tous les commentaires fournis par les organismes autochtones nationaux et la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales.
Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, a dit au comité de l’autre endroit que son organisation avait proposé une autre version du serment de citoyenneté, qui se lit comme suit :
Je jure (ou j’affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j’observerai fidèlement les lois du Canada, y compris les traités, les accords et les arrangements constructifs conclus avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits, et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Par ailleurs, Marlene Poitras, chef régionale de l’Assemblée des Premières Nations en Alberta, a soumis une formulation proposée par le conseil d’administration de l’Assemblée des Premières Nations, qui voulait inclure expressément les « droits inhérents » dans le serment.
Pour les sénateurs qui s’intéresse à la concordance entre la version anglaise et la version française des projets de loi, je précise que, selon la version anglaise du serment proposé dans le projet de loi C-8, le nouvel arrivant au Canada « reconnaît et confirme les droits autochtones et issus de traités des Premières Nations, des Inuits et des Métis », et selon la version française, le nouvel arrivant peut reconnaître ou confirmer « les droits — ancestraux ou issus de traités — des Premières Nations, des Inuits et des Métis ».
Ce genre de différence, que nous avons aussi observée dans le projet de loi C-15, me semble considérable. Pourquoi ne pas reconnaître expressément les droits ancestraux, ou inhérents, dans la version anglaise, comme l’a demandé la chef Poitras, ou alors pourquoi ne pas simplement parler des « droits autochtones » dans la version française?
Chers collègues, nous n’avons pas eu l’occasion d’examiner cette question importante au comité, en raison du calendrier qui nous est imposé. Ainsi, deux des quatre points de vue autochtones pris en compte ne se reflètent pas dans le libellé dont nous sommes saisis. Le comité n’a pas entendu les Métis ni la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales à propos de ce projet de loi, et on n’a pas accordé au Sénat l’occasion de faire son propre examen. Je n’ai donc aucun moyen de savoir s’ils sont d’accord avec le libellé ou pas.
Chers collègues, je suis aussi préoccupé, parce que le Sénat vise à défendre les régions. Cependant, aux termes de ce projet de loi, les néo-Canadiens doivent proclamer leur adhésion à la Loi constitutionnelle de 1982 puisque c’est l’article 35 de cette loi qui définit les droits des peuples autochtones.
Comme nous le savons, beaucoup de Québécois trouveraient cela inacceptable, puisque les néo-Canadiens devraient reconnaître quelque chose qu’aucun politicien québécois n’a reconnu. Comme la députée de Saint-Jean l’a expliqué lors de l’étude article par article de ce projet de loi dans l’autre endroit :
Le libellé actuel du serment de citoyenneté qui figure dans le projet de loi fait en sorte qu’on leur demandera de reconnaître quelque chose que le Québec n’a jamais reconnu, à savoir la Constitution — je devrais plutôt dire la Loi constitutionnelle de 1982. Dans son témoignage, le professeur Cardinal avait bien expliqué la différence entre la Constitution canadienne et la Loi constitutionnelle. La Constitution est l’ensemble des règles et des décisions des tribunaux qui régissent le droit canadien. Dans le serment de citoyenneté, il est question plus précisément de la Loi constitutionnelle de 1982 [...]
On va demander à de futurs citoyens canadiens et aussi québécois de reconnaître la Constitution canadienne alors qu’aucun gouvernement québécois, qu’il soit souverainiste ou fédéraliste, n’a signé la Constitution dans l’honneur et l’enthousiasme. Une question se pose. La mention de la Constitution est-elle nécessaire dans le serment de citoyenneté?
Le témoin cité par la députée est Éric Cardinal, un enseignant de droit autochtone, qui a dit ce qui suit au comité de l’autre endroit :
[...] les nouvelles formules de déclarations proposées tant pour le serment que pour l’affirmation solennelle n’amènent pas la personne à promettre le respect des droits autochtones, mais plutôt le respect de la Constitution.
Honorables sénateurs, malheureusement, le gouvernement a encore une fois fait la preuve qu’il n’applique pas avec succès une approche pangouvernementale à l’égard de la réconciliation, comme l’avait promis le premier ministre. La mise en œuvre des appels à l’action continue d’avancer à pas de tortue. Toutes les lettres de mandat comprennent la section suivante :
Bon nombre de nos engagements les plus importants nécessitent un partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales ainsi qu’avec les partenaires, les communautés et les gouvernements autochtones. Même en cas de désaccord, nous garderons à l’esprit que notre mandat nous a été confié par les citoyens qui sont servis par tous les ordres de gouvernement et qu’il est dans l’intérêt de tous de travailler ensemble pour trouver un terrain d’entente.
Le premier ministre poursuit ces lettres de mandat en répétant : « Il n’y a pas de relation plus importante pour moi et pour le Canada que celle que nous entretenons avec les peuples autochtones. » Pourtant, nous avons une mention de la Loi constitutionnelle à laquelle le Québec s’oppose et des preuves d’une consultation médiocre des Autochtones.
Pendant ce temps, la formule proposée dans les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation est fondée sur six années de travail et a été rédigée par des Autochtones. Je suis également conscient qu’il ressort nettement du peu de consultations effectuées que les Autochtones ne se considèrent pas tous comme étant visés par les traités, que les trois groupes autochtones du Canada désirent que l’on fasse la distinction entre eux, tout en mentionnant explicitement leurs droits inhérents. D’autres explications sur ce que sont ces droits inhérents et ce que signifie ce terme seront incluses, nous l’espérons, dans la prochaine version du guide sur la citoyenneté, qui devrait — et j’insiste sur le mot « devrait » — être publiée après l’adoption du projet de loi. Cela concorderait avec l’appel à l’action numéro 93, mais, je suis désolé de le dire, tout le monde sait que le bilan du gouvernement en matière de délais, qu’ils soient imposés par les tribunaux ou par ce dernier, n’est pas bon.
(2040)
L’intention de l’appel à l’action numéro 94 a été expliquée par Marie Wilson, ancienne commissaire de la Commission de vérité et réconciliation, qui a déclaré que nous devons aider les nouveaux arrivants au Canada :
Il faut donc trouver des façons de les aider à comprendre, dès le départ, qu’il existe un contexte au Canada, que nous avons un beau et grand pays et que, peu importe où on se trouve, on est sur les terres ancestrales de quelqu’un. Nous devons nous doter de meilleurs outils didactiques et sociétaux pour connaître ce contexte et pour comprendre qu’il s’agit du fondement même de la réconciliation en cours.
Chers collègues, si ce serment représente la première fois où les nouveaux arrivants entendent parler des peuples autochtones et de leur importance pour le Canada, je crois qu’il faudrait nous assurer qu’ils apprennent qu’il y a trois groupes principaux qui ont des droits inhérents à titre de Premières Nations du Canada, tel qu’affirmé et reconnu dans la jurisprudence canadienne et dans les traités traditionnels conclus avec la Couronne. La production du guide sur la citoyenneté avant l’entrée en vigueur du projet de loi à l’étude serait un élément important favorisant l’éducation et la compréhension, en particulier auprès des néo-Canadiens.
Encore une fois, je suis déçu par l’incapacité du gouvernement à mener des consultations significatives et par sa volonté de faire adopter le projet de loi à la va-vite. Encore une fois, on nous demande d’étudier à la hâte un projet de loi qui comporte des lacunes évidentes sans nous permettre d’étudier des amendements réfléchis ou de faire des observations. Au moins, en tant que porte-parole, j’ai l’occasion de faire un discours et de consigner au compte rendu certains arguments. Je ne voterai pas contre cette mesure de réconciliation, mais je veux souligner que je dénonce le processus, le manque de consultations et le fait qu’on n’ait pas tenu compte des préoccupations du Québec concernant le libellé proposé. Merci. Qujannamik. Taima.
[Français]
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Le sénateur Patterson accepterait-il de répondre à une question?
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Oui.
La sénatrice Gagné : Sénateur Patterson, vous avez dit qu’aucune séance d’information et qu’aucun renseignement n’ont été donnés au sujet du projet de loi et que l’étude de ce dernier est menée à la va-vite.
Saviez-vous que le projet de loi C-8 a été déposé à la Chambre des communes le 22 octobre 2020, que le bureau du représentant du gouvernement a tenu une séance d’information technique pour tous les sénateurs au sujet de ce projet de loi le 19 novembre, à 11 heures, et qu’un résumé législatif et un document d’information étaient joints à l’invitation envoyée à tous les sénateurs?
Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre question, sénatrice Gagné. J’ai été porte-parole de plus de 10 projets de loi pendant la dernière législature et de 3 projets de loi depuis le début de la législature actuelle. Il existe une bonne pratique et une tradition bien établie selon laquelle le gouvernement — ou l’agent des relations gouvernementales au Sénat — offre une séance d’information au porte-parole de l’opposition officielle. Je le précise parce que cette séance d’information est différente de celle qui est offerte à tous les sénateurs. Elle permet au porte-parole d’avoir une rencontre individuelle avec des fonctionnaires du ministère, ce qui comporte deux avantages.
Premier avantage : les fonctionnaires et le personnel politique ont ainsi une idée des enjeux qui seront soulevés pendant les débats ou lors de l’étude en comité et qu’ils gagneraient à régler. Deuxième avantage : ces séances peuvent permettre au porte-parole de parler des enjeux avec les personnes qui présentent la séance d’information. C’est ce qui arrive à l’occasion, et ces discussions peuvent s’avérer utiles et éclairantes pour le sénateur.
Les séances destinées à l’ensemble des sénateurs sont utiles, mais dans ce vaste groupe, une personne n’a parfois qu’une seule occasion de poser une question. J’ai assisté à certaines de ces séances. J’ai probablement reçu l’invitation à la séance sur le projet de loi C-8 que vous avez mentionnée, à l’intention de tous les sénateurs. Je dois toutefois dire qu’à mon avis, il est dans l’intérêt du gouvernement d’aller à la rencontre des porte-parole pour les projets de loi de ce genre.
Au mois d’octobre dernier, je n’avais pas encore été nommé porte-parole pour le projet de loi. Je ne savais même pas encore que j’allais être si investi dans ce projet de loi.
J’espère que cela répond à votre question. Merci.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
(À 20 h 47, conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 15 juin 2021, à 14 heures.)
ANNEXE
RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES
La sécurité publique
Le projet de loi C-71—La réglementation sur les armes à feu
(Réponse à la question posée le 17 février 2021 par l’honorable Pierre J. Dalphond)
Sécurité publique Canada (SP)
L’adoption du projet de loi C-71 mettra en vigueur certaines réglementations : (i) la vérification des antécédents de toute la vie d’une personne; (ii) la vérification des permis pour la vente des armes à feu sans restriction; (iii) l’obligation pour les vendeurs de tenir un registre des armes à feu sans restriction.
Le gouvernement travaille à diverses initiatives en parallèle pour veiller à l’instauration de ces changements, y compris ce qui suit : (i) le financement des nouvelles exigences opérationnelles (p. ex. système de vérification des permis); (ii) la mise en œuvre des exigences opérationnelles et relatives au système; (iii) l’élaboration d’un dossier de présentation au Conseil du Trésor concernant les dispositions réglementaires, qui doit être déposé aux deux Chambres du Parlement pendant jusqu’à 30 jours de séance.
Le gouvernement souhaite faire entrer en vigueur d’importantes dispositions cet été, notamment les vérifications renforcées des antécédents couvrant toute la vie des demandeurs. Le gouvernement a l’intention de faire entrer en vigueur les autres dispositions de manière séquentielle, l’ensemble du processus devant être achevé vers l’automne 2021.
Pour plus d’informations, veuillez consulter le https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/cts-rgltns/frwrd-rgltr-pln/tfow-vcaa-fr.aspx.
Les relations Couronne-Autochtones
Les services de santé offerts aux Autochtones
(Réponse à la question posée le 5 mai 2021 par l’honorable Paula Simons)
Service aux Autochtones Canada (SAC), en partenariat avec les services de santé provinciaux, continue de surveiller l’évolution de la situation de la COVID-19 en Alberta et de travailler en étroite collaboration avec les communautés, notamment la municipalité régionale de Wood Buffalo. À partir du 14 mai 2021, Fort McMurray comptait 1 526 cas actifs, soit un taux de 1 921,4 cas actifs pour 100 000 habitants.
Les dirigeants autochtones des nations environnantes continuent de plaider au nom de leurs communautés en ce qui concerne la gestion des cas et la vaccination. Les Albertains âgés de 12 ans et plus sont désormais admissibles à la vaccination. SAC continue de travailler avec les nations sur le déploiement et l’utilisation des vaccins.
Les nations environnantes ont exprimé des inquiétudes quant au fait que l’hôpital local ne sera bientôt pas en mesure de répondre aux besoins de leurs membres qui résident dans et autour de la ville de Fort McMurray. Les dirigeants régionaux de SAC participent à des réunions continues avec le Conseil tribal de l’Athabasca, les Services de santé de l’Alberta et d’autres intervenants pour discuter de la demande du Conseil concernant un centre de soutien dans la région de Fort McMurray qui fournirait un soutien supplémentaire aux clients autochtones qui ont reçu ou recherché des soins à l’hôpital Northern Lights et se remettent de la COVID-19.
SAC reste déterminé à apporter une réponse globale à la COVID-19 et à améliorer les services de santé et les services sociaux pour toutes les Premières Nations de l’Alberta.