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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 53

Le mardi 22 juin 2021
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 22 juin 2021

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’impact de la pandémie de COVID-19 sur les délibérations du Sénat

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, au cours des 18 derniers mois, de nombreux défis se sont présentés à notre institution et nous ont freinés dans notre tâche. Nous les avons relevés en grande partie avec patience, dans la camaraderie, et par l’application de technologies de pointe et d’une approche pragmatique, afin de faire adopter des projets de loi qui étaient nécessaires pour le Canada et ses citoyens au cours de la pandémie de COVID-19. Pas plus tard qu’hier, nous avons, par consentement unanime, enfreint nos propres règles immuables afin de traiter un projet de loi visant à offrir un soutien financier aux Canadiens.

Il est possible que l’on nous demande de faire de même au cours des prochains jours, et nous allons probablement accepter. Cependant, en cette période extraordinaire de gouvernance urgente liée à la COVID, on nous a demandé à quelques reprises de suspendre nos règles et de renoncer à nos droits de procéder pleinement à un second examen objectif sur des affaires qui n’étaient ni urgentes ni liées à la pandémie. En fait, plus tôt dans la session et au nom des membres du Groupe des sénateurs canadiens, j’ai présenté une motion afin d’indiquer notre réticence à traiter d’affaires qui ne sont pas urgentes.

Dans l’Ouest du Canada, il y a un vieux dicton qui se traduit à peu près comme ceci : votre mauvaise planification ne constitue pas une urgence pour moi. Au nom des membres du Groupe des sénateurs canadiens, je déclare qu’au cours des prochains jours, nous appliquerons ce principe de manière réfléchie au Sénat, et nous espérons que vous vous joindrez à nous. Merci, chers collègues.

La fin de l’année scolaire

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, la fin de l’année scolaire approche, et la saison des collations des grades du printemps est lancée. Je prends la parole pour exprimer mon admiration aux enseignants, aux professeurs, aux étudiants, aux parents et à tout le personnel de soutien du réseau de l’éducation, qui ont travaillé de bien des façons novatrices et importantes.

Ce fut une année mouvementée : les gens ont vécu de l’anxiété, de l’incertitude et de nouvelles réalités, et tout le monde a dû modifier sa façon de vivre du jour au lendemain. La dernière année scolaire a été vraiment difficile : la plupart des cours universitaires ont été donnés sur Zoom, les professeurs ont dû changer leur façon d’enseigner et les étudiants, eux, leur façon d’apprendre. Dans les écoles, les habitudes ont également changé considérablement. Forcément, la contribution des parents a été plus importante que jamais, et je ne peux qu’imaginer leur niveau de stress alors qu’ils jonglaient avec leur travail, leurs responsabilités parentales et leur nouveau rôle de tuteurs à la maison à temps plein.

Ainsi, je prends aujourd’hui la parole pour les remercier et les féliciter publiquement. Je dis à ceux qui obtiennent un diplôme universitaire de premier ou de deuxième cycle qu’ils ont fait preuve de ténacité pour leurs études parce qu’ils ont été mis à l’épreuve d’une nouvelle façon. Vous avez incontestablement fait preuve d’un esprit d’initiative, une compétence que de nombreux employeurs cherchent, alors je vous souhaite bonne chance alors que vous entamez ce nouveau chapitre de votre vie.

Je félicite aussi ceux qui obtiennent leur diplôme d’études secondaires. Bon nombre d’entre vous ont passé une grande partie de leur dernière année scolaire seuls à la maison, sur Zoom, privé de la vie sociale qui, je le sais, les soutiennent. Pour certains, l’accès à Internet et le manque de technologie ont posé d’autres problèmes.

Des étudiants de tous âges ont pu assister à leurs cours en personne tout au long de l’année à l’échelle du pays. Dans certaines régions cependant, ils ont été présents dans les salles de classe pendant de courtes périodes et ont utilisé Zoom pendant des semaines. Souvent, ces changements de plan survenaient du jour au lendemain.

Quant aux parents, je leur voue une grande admiration. Beaucoup d’entre vous ont travaillé à temps plein en plus de jouer les tuteurs à la maison, à un moment où vous ne pouviez même pas prévoir des rencontres de jeu pour les enfants et où de nombreux endroits qui leur auraient offert une distraction indispensable étaient fermés, comme les théâtres, les musées et les piscines.

Chers collègues, bon nombre de ces parents qui, en plus de travailler à temps plein ont tous les jours servi de tuteurs à leurs enfants, sont nos employés ou des employés du Sénat. Je les remercie de tout cœur de nous avoir accompagnés alors que nous apprenions à faire notre travail de façon différente, sans qu’il soit possible de les côtoyer. Nous sommes vraiment privilégiés d’avoir des équipes de professionnels aussi dévoués.

Puissions-nous tous nous rappeler cette année scolaire comme un moment aux nombreux apprentissages et aux multiples réalisations, malgré sa singularité et ses sources de stress. Je sais que nous espérons tous une année scolaire 2021-2022 plus normale. Entretemps, je remercie encore une fois les enseignants, les étudiants, le personnel et les parents, et je souhaite à tous un bel été. Merci.

La Journée nationale des peuples autochtones

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, je prends la parole pour commémorer la Journée nationale des peuples autochtones. Chaque année, au solstice d’été, nous célébrons la culture riche et diversifiée des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Les communautés autochtones perpétuent cette tradition depuis des temps immémoriaux.

En cette période de célébration, nous sommes tous choqués de la découverte épouvantable des restes de 215 enfants près du pensionnat autochtone de Kamloops. Nous devons comprendre qu’il ne s’agit que du début du dévoilement des vérités de notre histoire collective, que révèlent les voix courageuses du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation. Ces vérités doivent avoir la priorité et nous guider vers la responsabilité et les actions concrètes.

J’aimerais prendre un moment pour vous faire part d’un projet communautaire lancé dans ma région, Orillia, dans la biorégion du lac Couchiching de Gojijing, dans le territoire traditionnel des Anishinabes, dans la région métisse des traités Williams et de la baie Georgienne. Inspirée par mon expérience au Comité des peuples autochtones et suivant les conseils de l’ancien sénateur Murray Sinclair, j’ai réalisé l’importance de mon rôle de parlementaire et décidé de promouvoir la vérité et la réconciliation dans ma propre région.

Au cours des deux dernières années, grâce aux conseils et sous la direction des aînés autochtones locaux Lorraine McRae, Jeff Monague et John Rice, et avec des membres de la communauté, j’ai organisé régulièrement des réunions avec un nombre croissant de leaders communautaires autochtones et non autochtones de toute la région. La série initiale de tables rondes sur la vérité et la réconciliation s’est transformée, sous l’impulsion du groupe en un mouvement collectif à la source de nombreuses activités de collaboration, d’innovations et d’une vision communautaire.

Un événement prévu en juin 2020 a été reporté à cause de la pandémie, inévitablement, et nos réunions se sont alors mises à se dérouler en ligne, ce qui est toujours le cas aujourd’hui, bien que leur forme ait évolué. Au début de cette année, nous nous sommes décidés sur la direction à prendre et nous sommes accordés sur deux priorités : faire entendre la voix des jeunes autochtones pour qu’elle soit notre boussole et développer les ressources éducatives pour les familles, les écoles, les médias, les organisations et les entreprises de notre région.

À la suite des séances de planification en collaboration avec les gardiens du savoir et les éducateurs locaux, ce groupe a lancé un site Web, où l’on trouve une série de dialogues et un parcours en ligne ayant trait à la vérité et la réconciliation à travers des portails connus sous le nom de « choice boards ».

Les réactions ont été remarquables depuis la mise en ligne du site, le 1er juin. Je voudrais prendre un instant pour remercier nos aînés, notre jeunesse dynamique et les nombreux membres de la communauté qui ont participé à la table ronde et fait preuve d’un engagement inébranlable.

(1410)

Honorables sénateurs, ce fut un grand privilège pour moi de participer à la Table ronde sur la vérité et la réconciliation de Gojijing, avec des personnes vraiment résolues à faire respecter les principes et les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation. Veuillez vous joindre à moi pour les féliciter de ce qui est, manifestement, un beau début. Meegwetch. Merci.

[Français]

La fête nationale du Québec

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, dans deux jours, ce sera le 24 juin. Au Québec, nous célébrerons notre fête nationale alors qu’ailleurs au Canada, les francophones fêteront la Saint-Jean. Où que vous soyez — en Abitibi, à Bouctouche, à Timmins, à Saint-Boniface ou ailleurs au pays —, le 24 juin nous permet de mettre en valeur notre riche patrimoine francophone et de célébrer les nombreuses contributions des Québécois, des Canadiens français et des immigrants de la Francophonie au paysage culturel de notre pays.

Le français est la langue commune de plus de 10 millions de Canadiens, et elle est au cœur de nos célébrations du 24 juin. Cette langue est riche, elle est belle et elle fait partie intégrante de l’histoire du Québec et de la francophonie canadienne. Au-delà du fait français, cette grande célébration du 24 juin est aussi l’occasion parfaite pour célébrer les traditions, les réalisations et les valeurs qui font de nous — francophones d’Amérique du Nord — un peuple fort, résilient et manifestement fier de son héritage.

Le 24 juin nous rappelle à quel point notre histoire et notre culture ont servi à jeter des ponts entre nous et le reste du Canada, à traverser les générations et les époques, et à contribuer, à juste part, au dynamisme multiculturel de notre pays. D’ailleurs, le Canada se démarque à l’échelle mondiale pour son statut bilingue, son pluralisme inclusif et sa protection du patrimoine culturel et linguistique. Nous avons plusieurs raisons d’en être fiers.

Grandir à Montréal, travailler au Québec et vivre au Canada m’a permis d’apprendre, d’étudier, de fonder une famille et d’œuvrer autant en français qu’en anglais. C’est un privilège qui n’est pas accordé à tout le monde et j’en suis très reconnaissant. Depuis mon assermentation au Sénat, je reconnais davantage l’ampleur et l’importance du fait français au Canada; il nous incombe, à nous tous, d’en assurer la vitalité. En ce 24 juin, il est important pour nous de reconnaître l’apport historique du fait français au Canada et de célébrer cette langue qui, même avec ses divers accents et ses dialectes régionaux, réussit à nous unir.

Honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour souhaiter à tous les Québécois et Québécoises une excellente fête nationale et une bonne Saint-Jean à tous les francophones et francophiles du pays.

De plus, espérons-le, nous pourrons aussi célébrer une belle victoire du Canadien de Montréal ce soir. Merci.

La prévention de la violence faite aux femmes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénatrices et sénateurs, au Canada en 2020, 160 femmes ont été assassinées parce que dans bien des cas, notre système de justice n’a pas su les protéger.

C’est à mes yeux la grande contradiction du discours politique dont nous sommes un peu responsables. Nous invitons les femmes à dénoncer la violence dont elles sont victimes, mais elles paient de leur vie pour l’avoir fait.

Au cours des dernières années, j’ai assisté à plusieurs services funéraires de femmes assassinées. J’ai consolé les parents, les frères, les sœurs et les enfants de ces femmes. Tristement, je n’ai jamais pu répondre adéquatement à leur question : « Pourquoi notre système de justice ne les a-t-il pas protégées? » Selon vous, honorables collègues, quelle réponse aurais-je dû donner? Que nous avons du temps? Du temps pour quoi? Pour enterrer encore plus de femmes parce que notre système de justice ne les protège pas adéquatement? Si ces 13 Québécoises assassinées depuis le début de l’année l’avaient été le même jour, aurions-nous réagi différemment? Ma réponse est oui, parce qu’une femme assassinée au hasard du calendrier est rapidement oubliée, alors que les médias s’empressent de couvrir une autre nouvelle.

Mon collègue le député de la circonscription de Mégantic—L’Érable, Luc Berthold, a visité des centres de femmes violentées et, comme plusieurs d’entre nous — mais pas encore assez —, il est troublé par la vague de féminicides au Québec. Je tiens à vous communiquer sa déclaration, qu’il a faite à l’autre endroit et qui m’a touché, car c’est le même message que j’adresse aux jeunes lors de mes conférences dans les écoles secondaires. Ce poème a été écrit par Luc, et je vais le citer :

Ça commence à l’école

Avec une tirade de cheveux

Des propos grossiers

Un premier amour, sans amour, sans respect

Mais c’est pas grave, jeunesse se passe...

Et ça continue

Avec une autre relation, passionnée, mais malsaine

Où l’amour sert d’appât, mais n’a pas d’âme

Où la graine semée à l’adolescence prend de l’importance

Le respect part et revient, pour ne plus jamais revenir

Les mots doux deviennent durs

les paroles soufflées à l’oreille se transforment en cri

La complicité devient l’adversité

Les caresses ne sont plus que des souvenirs

Qui laissent des bleus sur le corps et dans le cœur

Il n’y a plus d’amour, que du contrôle

Qui isole et qui détruit

Jusqu’à la vie.

13 femmes ont été tuées au Québec,

13 vies ont été perdues pour un amour qui n’était que fumée

Je ne peux plus me taire et ne rien faire

Sur la violence qui se déroule sous mes yeux

J’invite mes collègues et tous les Canadiens

De ne plus faire semblant de rien

Les cris, les pleurs, les bruits et les bleus

Ne sont pas tous innocents

Ils sont peut-être le signal que quelqu’un a mal

Et ce n’est pas en fermant les yeux

Que l’on sauvera cette 14e femme

Qui en ce moment même souffre seule, et qui espère que son voisin, sa voisine

Réagira à ces signaux d’alarmes

Et mettra fin à ce cycle infernal.

De la violence conjuguale

Chers collègues, mon projet de loi se veut un message clair pour mettre fin au cycle infernal de la violence conjugale, en protégeant celles qui en sont victimes. Combien d’entre elles, qui n’ont plus de voix, devront payer de leur vie avant que nous cessions de faire la sourde oreille? Ici, chez nous, au Québec comme au Canada, la seule réponse acceptable est : aucune.

Au nom des 1 000 femmes et enfants assassinés au Québec depuis 1989, au nom de ma fille Julie, assassinée par un récidiviste il y a 19 ans aujourd’hui, merci d’appuyer mon projet de loi S-231, écrit par des femmes, pour des femmes, lesquelles sont de toutes les allégeances politiques et qui ont travaillé ensemble pour la même cause : sauver des vies au Canada.

[Traduction]

Le décès d’Audrey Joy Finlay, O.C.

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, Audrey Joy Finlay est décédée le 27 mai à Victoria, en Colombie-Britannique, à l’âge de 88 ans. Joy, de son prénom usuel, est née en Saskatchewan et a grandi dans les écoles rurales des Prairies, où sa mère enseignait. Son père est décédé lorsqu’elle avait 10 ans, laissant dans le deuil ses quatre enfants. Joy a rencontré celui qui partagerait sa vie pendant près de 66 ans, son époux Cam Finlay, alors qu’elle étudiait au collège Brandon.

Lorsque Cam et Joy ont déménagé à Edmonton, Joy est devenue une éminente monitrice de plein air qui inspirait étudiants et enseignants à explorer la nature et à apprécier ce qui les entoure. J’ai entendu parler de Mme Finlay pour la première fois lorsqu’elle a été choisie femme de l’année par le magazine Chatelaine en 1976. Plus tard, lorsque j’ai vécu à Edmonton pendant sept ans, j’étais fière de compter les Finlay parmi mes collègues et mes amis.

En effet, Cam était le directeur du John Jantzen Nature Centre, situé à côté du Fort Edmonton, et Joy siégeait avec moi au conseil d’administration de la Fédération canadienne de la nature, maintenant connue sous le nom de Nature Canada. Elle a dirigé une campagne nationale majeure intitulée Wildlife ’87 qui visait à célébrer 100 ans de conservation de la faune et de la flore au Canada. Joy et Cam ont rédigé des livres, des articles d’opinion et d’autre matériel afin de promouvoir l’amour de la nature et l’importance de la protéger. Tous deux défendaient activement cette cause et travaillaient au sein d’organismes naturalistes pour atteindre leurs objectifs. On pourrait certainement dire qu’ils formaient un duo dynamique.

Joy Finlay s’est vue décerner de nombreux prix de reconnaissance, dont une plaque qui lui a été remise par le prince Philip. En outre, elle a reçu l’Ordre du Canada. J’offre mes condoléances à Cam ainsi qu’à sa famille pour la perte de Joy, qui aura littéralement été une grande source de joie dans nos vies. Merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Projet de loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité

Dépôt du troisième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles sur la teneur du projet de loi

L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui porte sur l’examen de la teneur du projet de loi C-12, Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Massicotte, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

[Traduction]

La Loi sur la radiodiffusion

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La conférence virtuelle de l’Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue les 3 et 4 mai 2021—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant la conférence virtuelle de l’Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue par vidéoconférence, les 3 et 4 mai 2021.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’emploi et le développement social

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Dans le discours du Trône de septembre dernier, le gouvernement Trudeau a promis de créer une nouvelle prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap. Le gouvernement n’a pas cru bon d’inclure cette prestation dans le projet de loi C-30, la première loi d’exécution du budget en deux ans. Aujourd’hui, le gouvernement a finalement présenté une mesure législative pour la mise en œuvre de cette prestation, la veille de la dernière séance avant la relâche. Comme il ne reste pratiquement plus de temps pour faire une étude adéquate du projet de loi et qu’il risque d’y avoir bientôt des élections fédérales, cette mesure législative arrive bien trop tard, monsieur le leader, pour des millions de Canadiens et pour leur famille.

Monsieur le leader, doit-on comprendre de la présentation tardive de ce projet de loi que les enjeux concernant les personnes handicapées au Canada ne sont toujours qu’une considération secondaire pour le gouvernement Trudeau?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de la question. La réponse courte, c’est non. S’il a fallu autant de temps avant de présenter ce projet de loi au Parlement, c’est que la ministre et son personnel ont tenu des consultations auprès de la communauté des personnes handicapées partout au pays. Ces consultations n’ont pas été faciles et elles ont pris beaucoup de temps, ce qui est compréhensible, compte tenu de la diversité des enjeux et des points de vue des membres de cette communauté. Par conséquent, le gouvernement espère que, à la reprise des travaux après l’été, le projet de loi pourra cheminer à la Chambre avant d’être ultimement renvoyé au Sénat.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, en février dernier, sur la base de recherches menées au Royaume-Uni, le sénateur Munson et moi avons demandé à votre gouvernement de faire tout en son pouvoir pour donner la priorité aux Canadiens handicapés en ce qui concerne l’administration des vaccins contre la COVID-19. Cette demande est restée lettre morte.

La sénatrice Seidman et moi avons demandé au gouvernement combien il y a d’établissements au Canada pour les personnes handicapées qui connaissent une éclosion de COVID-19. En réalité, monsieur le leader, nous avons demandé cette information à trois reprises au cours de la dernière année. Combien de personnes handicapées au Canada sont décédées de la COVID-19? Aucune réponse n’a jamais été fournie. Le gouvernement Trudeau ne veut pas le dire.

Monsieur le leader, pourquoi les Canadiens handicapés devraient-ils croire que le gouvernement Trudeau se soucie de leurs besoins lorsqu’il existe tant de preuves du contraire?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je regrette que vous n’ayez pas encore reçu de réponse. Les données sont recueillies et compilées par les provinces, puis communiquées — lorsque les données sont partagées — au gouvernement fédéral. Je vais me renseigner. C’est une question légitime.

Les Canadiens, qu’ils soient handicapés ou non, devraient avoir l’assurance que le gouvernement fait de son mieux pour les aider à traverser cette période difficile. À cet égard, le gouvernement est fier de son bilan et de l’aide qu’il a apportée à tous les Canadiens, qu’ils aient toutes leurs capacités, un handicap ou autres.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le leader, je ne suis pas d’accord et ma question concerne également les Canadiens handicapés. Elle porte plus précisément sur une étude conjointe menée par l’Université de la Colombie–Britannique et l’Abilities Centre, établi en Ontario et fondé par notre regretté collègue Jim Flaherty. Parmi les conclusions de cette étude, mentionnons qu’une majorité de répondants à l’enquête sur les personnes handicapées et la COVID-19 ont indiqué que, durant la pandémie, leurs besoins n’ont pas été comblés notamment pour ce qui est du soutien du revenu, des soins de santé spécialisés, du soutien par les pairs, de l’accès à la nourriture, aux magasins et aux épiceries ainsi qu’au logement et au transport accessibles. En outre, 82 % des répondants ont déclaré que la pandémie avait nui à leur santé mentale.

Monsieur le leader, les gestes sont plus éloquents que les paroles. Tel qu’indiqué précédemment, il arrive souvent que nous n’obtenions pas de réponses aux questions que nous posons, et lorsque nous en avons, c’est au mieux six mois plus tard. Étant donné que les Canadiens handicapés continuent d’être aux prises avec de nombreux enjeux cruciaux, pourquoi le gouvernement a-t-il estimé approprié d’attendre le plus tard possible pour présenter un projet de loi sur les prestations d’invalidité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de vos questions et je vais y répondre de mon mieux. Concernant votre dernière question, j’ai déjà expliqué à nos honorables collègues que le projet de loi a été présenté après des consultations en bonne et due forme auprès de membres de la communauté des personnes handicapées et que c’est la raison du long délai.

Par ailleurs, honorable sénatrice, les problèmes dont vous parlez et que subissent les personnes handicapées sont bien réels et doivent être réglés rapidement. Je ne voudrais pas qu’on pense que je souhaite balayer ces problèmes du revers de la main ou nier l’importance des personnes et des familles touchées. Cependant, à quelques rares exceptions près, ce sont des problèmes qui relèvent exclusivement de la compétence des provinces.

Je regrette de dire cela parce que nous parlons de véritables drames humains, mais il n’en demeure pas moins que les soins de santé, les services médicaux et les mesures de soutien en santé mentale sont des responsabilités qui, aux termes de la Constitution, incombent exclusivement aux provinces. Le gouvernement fédéral joue son rôle, et les provinces font de leur mieux, mais malheureusement, ces efforts ne suffisent pas. On n’en fera peut-être jamais assez à ce chapitre, mais le gouvernement fédéral a apporté sa contribution et continue de le faire, et les faits sont éloquents.

La sénatrice Martin : Comme vous le dites, les gestes sont certes plus éloquents que les paroles, et tout geste ou mesure de soutien à l’égard des personnes handicapées se fait attendre depuis longtemps.

(1430)

Votre gouvernement a récemment tenté, pendant la pandémie, de sabrer le financement de documents accessibles pour les Canadiens ayant une déficience de lecture des imprimés. Je vous ai déjà posé une question à ce sujet. La mise en œuvre des prestations liées à la COVID pour les Canadiens qui bénéficient du crédit d’impôt pour personnes handicapées a été pour le moins chaotique, et a eu lieu très longtemps après que beaucoup d’autres groupes eurent reçu une aide d’urgence. De plus, le processus de demande de ce crédit d’impôt demeure difficile et bureaucratique sous le gouvernement actuel.

Monsieur le leader, comment le bilan, ou plutôt l’absence de bilan de votre gouvernement dans ce domaine, va-t-il contribuer à bâtir un pays plus inclusif pour les personnes en situation de handicap?

Le sénateur Gold : Madame la sénatrice, les problèmes liés à la mise en œuvre de certains programmes ont déjà été abordés à maintes reprises, et le gouvernement a admis, et continue d’admettre, qu’il faut en tirer des leçons, ce que nous faisons.

Le gouvernement est déterminé à protéger les particuliers et les organismes qui les représentent, et fait de son mieux pour aider les personnes en situation de handicap partout au pays. Je n’ai pas sous la main la liste des mesures qui ont été prises, mais je serai heureux de vous la fournir à un autre moment. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement est déterminé à agir dans l’intérêt supérieur des Canadiens en situation de handicap.

Les finances

La Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, le taux de chômage chez les jeunes s’élevait à 18 % au mois de mai, soit le plus haut taux depuis la première vague de la COVID-19. C’est presque 10 % de plus que la moyenne nationale.

Sénateur Gold, les jeunes dépendent largement des industries qui ont été le plus durement touchées par la pandémie, notamment le tourisme, le commerce au détail et autres emplois de débutants. Un grand nombre de ces emplois ne seront pas offerts en raison des restrictions concernant les voyages et des mesures de confinement. Qui plus est, un grand nombre d’employeurs sont réticents à donner une chance à de nouveaux talents étant donné l’incertitude économique actuelle.

L’année dernière, l’aide financière essentielle pour les jeunes bénévoles ne s’est pas concrétisée. Toutefois, certains jeunes touchés par la pandémie ont été admissibles à la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, ce qui les a aidés à passer au travers de l’été. La situation n’est pas si différente cette année — les taux de chômage chez les jeunes sont très similaires — alors pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas ramené la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants cet été?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Les jeunes occupent une place importante dans le plan de redressement du gouvernement. Ce dernier veut non seulement les aider aujourd’hui, mais aussi investir dans leur avenir et leur succès futur, tout comme celui du Canada et de notre économie.

Comme la sénatrice le sait, au début de la pandémie, le gouvernement a investi 7,4 milliards de dollars pour aider les jeunes Canadiens à trouver un emploi, à suivre de la formation et à obtenir du soutien financier. Bien que le programme de la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants ait pris fin — comme vous l’avez souligné —, le budget de 2021 prévoit une somme additionnelle de 5,7 milliards de dollars pour aider les jeunes Canadiens à poursuivre leurs études, à alléger leurs dettes d’études et à avoir accès à plus de 200 000 nouvelles possibilités d’emplois. En outre, le gouvernement aide les étudiants en renonçant jusqu’au 31 mars 2023 aux intérêts sur les prêts qu’il leur a accordés, en bonifiant le Programme d’aide au remboursement, en doublant les bourses d’études canadiennes pendant deux ans de plus, et en élargissant l’accès aux mesures de soutien aux personnes en situation de handicap.

Honorables sénateurs, en réalité, le gouvernement a misé sur plus d’un mécanisme pour investir dans l’avenir des jeunes. La réponse du gouvernement a une vaste portée, comme en font foi les 13,1 milliards de dollars investis dont je viens de vous parler en détail. Cette somme représente le plus grand investissement à ce jour dans la jeunesse canadienne.

La sénatrice McPhedran : Sénateur Gold, concernant la longue liste que vous venez de nous faire, qui est très encourageante, pourriez-vous nous donner plus de détails sur les 200 000 nouveaux emplois dont vous avez parlé?

Le sénateur Gold : Merci de votre question.

Je n’ai pas les détails, mais je peux dire une chose : le gouvernement s’est engagé à élargir le programme Emplois d’été Canada et, cette année, 150 000 emplois seront proposés dans le cadre de ce programme, ce qui est du jamais vu pour les Canadiens.

Je vais me renseigner, sénatrice, et si j’obtiens des détails additionnels, je vous en informerai.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.

Les ressources naturelles

La stratégie nationale de l’énergie

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, la Régie canadienne de l’énergie tient actuellement des audiences en réponse à une demande d’Enbridge de modifier son mode de tarification. Enbridge veut remplacer les contrats à court terme, dans lesquels le risque est assumé par le propriétaire du pipeline, par des contrats à long terme. Ainsi, lorsqu’un producteur n’enverra pas les volumes prévus dans son contrat, il devra quand même payer les frais de pipeline.

La plupart des producteurs de pétrole canadiens s’opposent à ce changement, mais Enbridge affirme que la plupart des raffineries y sont favorables et que c’est leur droit. Le problème, c’est que ces raffineries sont situées aux États-Unis et qu’elles appartiennent à des sociétés américaines. Elles veulent payer moins cher pour nos ressources, c’est aussi simple que cela.

Sénateur Gold, étant donné que nous sommes tous propriétaires malgré nous de l’oléoduc Trans Mountain, dont le projet d’expansion sera bientôt achevé, pouvez-vous indiquer quelle incidence le nouveau mode de tarification aura sur les recettes de l’État provenant de l’oléoduc?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice, je vous remercie de me poser cette question et de m’avoir prévenu, car cela m’a permis d’obtenir, de la part du gouvernement, plus d’informations que ce que j’aurais eu sous la main autrement.

Le gouvernement est bien conscient que le changement proposé au mode de tarification peut avoir des répercussions importantes sur de nombreuses parties. Dans le cadre de l’examen complet de la demande d’Enbridge par la Régie canadienne de l’énergie, toutes les parties intéressées sont invitées à lui fournir leurs observations, car il s’agit d’un organisme de réglementation indépendant.

En ce qui concerne les répercussions possibles sur les recettes de l’État, le gouvernement n’a pas l’intention d’être le propriétaire à long terme de la société Trans Mountain. On m’a informé qu’il a l’intention de lancer un processus de désinvestissement une fois que les risques associés au projet d’expansion auront été écartés et que le dialogue avec les groupes autochtones sera terminé.

Le gouvernement demeure convaincu que le projet est un investissement responsable qui aura des retombées bénéfiques pour les Canadiens. Je rappelle aux sénateurs que chaque dollar gagné sera investi dans des projets d’énergie propre.

La sénatrice Galvez : Ce mois-ci, un autre assureur a déclaré que l’oléoduc Trans Mountain était trop risqué pour être assurable. Le gouvernement a-t-il une idée de la date où le projet ne sera plus assuré par des fonds privés?

Le sénateur Gold : Merci de votre question, sénatrice. J’ai cru comprendre qu’un assureur a décidé de ne pas renouveler la police d’assurance conclue avec la société Trans Mountain, qui prendra fin en août. Comme nous le savons tous, les décisions en matière d’assurance sont prises par des assureurs du secteur privé, en fonction de leur perception des risques sur le marché.

Le gouvernement observe une mutation des marchés de l’énergie. À l’échelle mondiale, la nature du secteur de l’énergie est en train de changer, et les investisseurs placent leur argent dans des entreprises et des pays qui prennent au sérieux les changements climatiques. Comme nous le savons, les médias ont abondamment parlé de cette question au cours des dernières semaines.

Quant à votre question, la société Trans Mountain serait mieux placée que le gouvernement pour y répondre, et je vous invite à vous renseigner auprès d’elle.

Les affaires étrangères

Le plan national de réouverture

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, ma question s’adresse aussi au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, je veux d’abord revenir à l’annonce faite par le gouvernement hier. Il nous dit que les Canadiens entièrement vaccinés peuvent maintenant rentrer au Canada, passer un test de dépistage de la COVID-19 et reprendre une vie normale. Il s’agit là d’un pas dans la bonne direction. Cependant, les Canadiens attendent toujours un plan de réouverture des frontières clair, cohérent et fondé sur la science, plan que je réclame depuis le 18 mai, à l’instar de dirigeants canadiens. Des questions demeurent sans réponse, à un moment où les entreprises ont besoin de certitudes et d’éclaircissements pour prendre des décisions tournées vers l’avenir. Les Canadiens, et plus particulièrement les lignes aériennes canadiennes, ainsi que les touristes étrangers, ont besoin de clarté pour faire des projets de voyage. Les collectivités frontalières, elles, ont besoin de clarté pour se préparer à l’allégement des restrictions.

Nous savons maintenant que la frontière canado-américaine demeurera fermée pour tous les voyages non essentiels pendant encore au moins un mois. Cependant, nous ne savons toujours pas quels objectifs de vaccination il faudra atteindre pour entamer la réouverture ni même quelles seront les diverses phases de cette réouverture. L’incertitude plane aussi sur le programme de quarantaine à l’hôtel et le nombre d’aéroports où les voyages internationaux seront autorisés.

(1440)

Sénateur Gold, en somme, il n’y a pas de plan. Il semble n’y avoir qu’une série de réactions. Quand le gouvernement fédéral présentera-t-il enfin une feuille de route complète et transparente pour sortir les Canadiens de leur confinement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le gouvernement procède avec prudence lorsqu’il s’agit de commencer à rouvrir les frontières et à assouplir les mesures qui ont été mises en place pour protéger les Canadiens contre les infections. On commencera à lever les restrictions visant les voyageurs complètement vaccinés qui reviennent au pays, mais tous les voyageurs devront obtenir un résultat négatif à un test de dépistage avant leur départ. Ce sont des mesures importantes pour protéger les Canadiens.

Sénateur, le plan que le gouvernement met en œuvre est fondé sur les données probantes. Le gouvernement suit les recommandations des responsables de la santé publique à l’échelle nationale et provinciale, et il travaille avec ses partenaires et les intervenants d’autres États, y compris les transporteurs aériens et l’industrie du tourisme, ainsi qu’avec ses homologues des États-Unis, bien sûr. L’approche mesurée et progressive que le gouvernement a annoncée récemment est la bonne approche pour les Canadiens. Le gouvernement comprend le désir de certains d’avoir un plan complet que l’on peut suivre au fil des jours, des semaines et des mois.

Nous ne sommes pas encore tirés d’affaire. Les variants se propagent dans l’ensemble des provinces et des territoires du pays, et le gouvernement est déterminé à suivre une approche prudente pour s’assurer que les Canadiens sont protégés et ne sont pas en danger.

Le sénateur D. Black : Merci beaucoup pour cette réponse, sénateur Gold. Le problème, bien sûr, est que vos déclarations ne correspondent pas forcément à ce que je comprends concernant certains points.

Commençons par le fait que le Royaume-Uni, la France, l’Espagne et le Portugal disposent de plans de réouverture des frontières. Nous n’en avons pas. Il ne faut pas oublier que le groupe d’experts du gouvernement du Canada a donné des conseils pour la réouverture il y a plusieurs semaines, et que ces conseils n’ont pas été observés. En attendant, la reprise économique s’embourbe.

Une fois de plus, sénateur Gold, pouvez-vous confirmer que le gouvernement présentera un plan de réouverture global dans l’immédiat afin que nous puissions planifier la reprise ensemble?

Le sénateur Gold : Merci pour votre question. Si je ne me trompe pas, les pays que vous avez mentionnés sont tous des États unitaires et non des fédérations. Les mesures sanitaires et les mesures de reprise ou de restriction pour les secteurs économique, éducatif et autres relèvent de la compétence des provinces. C’est la réalité canadienne, comme nous le savons tous, nous qui parfois lorgnons avec envie ou avec soulagement du côté de la province voisine.

Concernant l’étude à laquelle vous faites référence, le gouvernement prend au sérieux tous les avis de la communauté scientifique et les étudie avec soin pour planifier la lutte contre la pandémie, le soutien aux Canadiens et leur avenir, mais cet avenir doit impérativement être sans danger pour eux, leur famille et le pays.

Le Bureau du Conseil privé

Le poste de gouverneur général

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Comme vous le savez, sénateur Gold, le poste de gouverneur général est vacant depuis la démission de Julie Payette en janvier dernier dans la foulée d’un rapport indépendant sur le milieu de travail toxique à Rideau Hall. Même si Richard Wagner, le juge en chef de la Cour suprême, s’acquitte des tâches du gouverneur général à titre d’administrateur, la situation n’est pas idéale, en particulier à la lumière des rumeurs concernant le déclenchement prochain d’une élection générale. Le juge Wagner lui-même a dit lors de sa conférence de presse annuelle qu’il lui était difficile d’assumer les deux rôles, comme en fait foi un article récent de la CBC intitulé « Le juge en chef cumule toujours deux emplois six mois après la démission de l’ex-gouverneure générale Julie Payette ».

Sénateur Gold, le gouvernement va-t-il confirmer la nomination d’un nouveau gouverneur général avant que le Parlement ne s’ajourne pour l’été?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question, chère collègue. Le gouvernement sait très bien que, si compétent soit-il, il n’est pas facile pour le juge en chef du Canada de remplacer le gouverneur général à long terme. Le ministre LeBlanc, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, a déclaré aux Canadiens que le gouvernement est sur le point de terminer le processus de sélection du prochain gouverneur général et qu’il est impatient de nommer un gouverneur général qui incarne ce qu’il y a de mieux au pays et dans le peuple canadien.

La sénatrice Bovey : Sénateur Gold, pouvez-vous confirmer la date de cette annonce?

Le sénateur Gold : Non, cela m’est impossible.

La sénatrice Bovey : Merci.

Le cabinet du premier ministre

L’utilisation de fonds parlementaires

L’honorable Linda Frum : Sénateur Gold, je suis certaine que vous l’avez déjà lu, mais voici le premier paragraphe d’un article publié dans le Globe and Mail hier :

Des députés libéraux ont utilisé des fonds du Parlement pour payer les services des entreprises qui mènent deux des plus importantes campagnes numériques du parti au pouvoir et qui administrent aussi sa puissante base de données de coordonnées des électeurs.

L’une des entreprises en question est Data Sciences Inc., qui a été fondée par Tom Pitfield, un ami proche du premier ministre Trudeau. Il est aussi président de Canada 2020, qui a fait l’objet d’un long article publié dans le magazine Maclean’s en 2017, dans lequel on indique que l’organisme est à la fois responsable de l’ascension de Justin Trudeau et du nouveau cœur du pouvoir au Canada.

Vous vous rappellerez aussi que M. Pitfield et sa femme, Anna Gainey, présidente du Parti libéral à l’époque, avaient accompagné M. Trudeau lors de son voyage sur l’île privée de l’Aga Khan, voyage qui est l’une des deux affaires au sujet desquelles le commissaire à l’éthique a conclu que le premier ministre avait enfreint la loi canadienne sur l’éthique.

Sénateur Gold, pouvez-vous assurer au Sénat aujourd’hui qu’aucune des sommes que 97 % des membres du caucus libéral ont versées à l’entreprise du bon ami du premier ministre n’a été utilisée pour des activités politiques ou une campagne électorale, ce qui, bien sûr, serait inapproprié et illégal?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Chère collègue, je suis sûr que c’était involontaire, mais les observations entourant la question semblent avoir pour but d’incriminer des gens par association par un autre procédé du genre, mais je tenterai de répondre à votre question.

Je crois comprendre — et un certain nombre de députés en ont parlé — que les sommes versées à cette entreprise et les services qu’elle a fournis étaient destinés à du travail de circonscription et non à du travail politique. À ce que je sache, cela est aussi approprié que légal.

La sénatrice Frum : Sénateur Gold, comment pouvez-vous en être aussi certain, étant donné que le député libéral John McKay, lorsqu’on lui a posé une question sur cette affaire, a déclaré qu’il ne savait pas à quoi servait l’argent dans son budget. Comment pouvez-vous être aussi certain que l’argent a été utilisé à bon escient?

Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit, d’après ce que je comprends, les fonds ont été utilisés à bon escient, et c’est là ma réponse.

Les finances

La Banque de l’infrastructure du Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, durant une période des questions en mars 2017, j’ai posé une question sur le rôle et le mandat de la Banque de l’infrastructure du Canada, que le gouvernement Trudeau s’apprêtait à créer. Depuis, des sénateurs conservateurs ont soulevé une dizaine de fois en période des questions des préoccupations au sujet de cette banque et chaque fois on leur a répondu que tout allait bien.

L’automne dernier, nous avons appris que la Banque de l’infrastructure a versé 3,8 millions de dollars de fonds public en indemnités de départ au cours du dernier exercice financier. Monsieur le leader, ce montant est supérieur à tous les salaires et avantages sociaux versés à tous les cadres supérieurs durant la même période. Nous avons aussi appris récemment que la Banque de l’infrastructure refuse d’obtempérer à un ordre d’un comité de l’autre endroit — cela vous rappelle quelque chose? — de divulguer combien elle a dépensé pour les primes accordées aux dirigeants.

Monsieur le leader, combien la Banque de l’infrastructure a-t-elle dépensé en 2017 pour les primes et les autres formes de rémunération? Votre gouvernement va-t-il enjoindre la banque à fournir ces renseignements au comité de la Chambre, ou considérez-vous les demandes des députés comme excessives dans ce cas-ci également?

(1450)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais m’informer sur tous les aspects de cette affaire et vous en rendrai compte avec plaisir.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, puisque nous allons certainement bientôt ajourner pour l’été, vous n’aurez pas à tergiverser trop longtemps. Toutefois, comme nous l’avons entendu tout à l’heure, il se peut que nous siégions un peu plus longtemps que prévu ou que vous le souhaitiez. On aura peut-être l’occasion de vous reposer la question la semaine prochaine.

Le directeur parlementaire du budget a déclaré que, quatre ans après sa création, la Banque de l’infrastructure du Canada n’est pas parvenue à attirer beaucoup d’investissements privés, alors que c’était un élément clé de son mandat. Il a aussi déclaré que la Banque a peu de chances d’atteindre ses objectifs si elle continue à perdre chaque année des milliards de dollars de l’argent des contribuables.

Monsieur le leader, depuis le début, à la Banque de l’infrastructure, on s’est montré très doué pour dépenser l’argent des contribuables tout en ne réalisant aucun projet, absolument aucun, monsieur le leader.

Allez-vous fermer la Banque de l’infrastructure?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ne dispose d’aucune information indiquant que le gouvernement envisage de fermer la Banque de l’infrastructure du Canada.

[Français]

La justice

La lutte contre l’exploitation sexuelle des jeunes en ligne

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Le réputé Centre canadien de protection de l’enfance vient de dénoncer, dans son dernier rapport, l’inaction du gouvernement fédéral et des provinces qui entrave la lutte contre la prolifération d’images d’agressions pédosexuelles sur Internet. De plus, un comité de l’autre endroit vient de recommander que l’âge et le consentement de tous les participants à des vidéos pornographiques soient vérifiés par les sites pornographiques avant la mise en ligne.

Le gouvernement compte-t-il agir dans ce dossier, puisque bien des sites Web ou propriétaires de serveurs ne le font pas?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, chère collègue, d’avoir soulevé cette question et cet enjeu important; je vous félicite de vos efforts dans ce dossier, y compris pour votre projet de loi déposé dans cette enceinte.

Le gouvernement prend au sérieux ce problème et l’étudie en profondeur. Toutefois, je ne peux pas vous donner d’échéancier exact, pour répondre à la question, en ce qui concerne les mesures que peut prendre le gouvernement.

La sénatrice Miville-Dechêne : En ce qui concerne un autre enjeu lié à celui que je viens de soulever, on a appris que le ministre Lametti s’apprête à déposer, demain, son fameux projet de loi, promis depuis six mois, obligeant le retrait, dans un délai de 24 heures, de tout discours haineux et matériel de pédopornographie en ligne. J’ai toutefois un peu de difficulté à suivre la logique du gouvernement, puisqu’il est trop tard pour qu’on puisse étudier ce projet de loi. Le gouvernement a-t-il déposé ce projet de loi uniquement, comme certains le pensent, pour se donner des atouts en prévision d’une éventuelle campagne électorale?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Le gouvernement comprend le scepticisme, voire le cynisme de plusieurs — et je mets de côté ceux et celles qui posent des questions pour des raisons politiques ou partisanes. Il faut dire qu’en période de pandémie, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, les choses n’avancent pas nécessairement aussi vite que prévu. Je puis toutefois assurer cette Chambre que le gouvernement prend au sérieux les projets de loi qui sont présentés.

[Traduction]

Réponses différées à des questions orales

(Le texte des réponses différées figure en annexe.)


ORDRE DU JOUR

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Julie Payette, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole en réponse au discours du Trône. Comme l’ont fait le sénateur Sinclair le 8 décembre et le sénateur Dean le 8 février, je vais concentrer mes observations sur le désir du gouvernement de faire progresser la réforme du Sénat ainsi que sur la voie de l’avenir.

Depuis 2016, d’importants changements ont été apportés au processus de nomination des sénateurs et à la composition du Sénat. La parité hommes-femmes a été atteinte, et nous avons la chance de travailler avec 10 sénateurs qui s’identifient comme étant membres des nations autochtones. Cela dit, le changement le plus frappant est que, à l’heure actuelle, 70 des 90 sénateurs nommés au Sénat par le premier ministre Trudeau ou ses prédécesseurs ont choisi de s’affilier à des groupes non liés à un parti politique de la Chambre des communes et de ne pas faire partie du caucus d’un parti de la Chambre des communes. L’ancienne dynamique à deux partis a été remplacée par quatre groupes énergiques ainsi que par une culture du pluralisme.

De plus, comme nous avons pu l’observer récemment à l’égard de projets de loi importants, les votes ne sont plus soumis à la discipline de parti. En réalité, les sénateurs de tous les groupes sont plus indépendants qu’ils ne l’ont jamais été de toute l’histoire du Sénat. En raison de ces changements, depuis 2016, le Sénat a renvoyé 34 projets de loi d’initiative ministérielle à l’autre endroit avec des amendements, et 31 projets de loi sont devenus lois à la suite d’amendements du Sénat acceptés par le gouvernement et la Chambre des communes.

De telles modifications ont permis de mettre en place un processus d’appel pour la révocation de la citoyenneté, de mettre fin à la discrimination historique fondée sur le sexe dans les dispositions de la Loi sur les Indiens, de protéger les compétences du Québec en matière de protection des consommateurs, d’améliorer le service ferroviaire pour les producteurs de soya dans l’Ouest canadien, de renforcer la liberté d’association des membres de la GRC dans le cadre des négociations collectives, d’interdire la vente de cigarettes au menthol, d’interdire l’importation de nageoires de requin, d’apporter des modifications d’envergure aux lois sur l’accès à l’information, d’offrir des services fédéraux dans des langues autochtones dans les régions où la capacité et la demande le permettent et d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir.

De plus, depuis que nous avons emménagé dans cette enceinte temporaire au début de 2019, nos débats sont désormais accessibles aux médias et au public en temps réel sur Internet. Des extraits des débats sont diffusés par les médias conventionnels de temps à autre. C’est particulièrement avantageux pour les débats prévus et thématiques qui ont permis aux Canadiens de suivre notre travail en leur nom.

En 2016, sous la direction des sénateurs Harder, Cowan et Carignan, ainsi que des sénateurs du nouveau Groupe des sénateurs indépendants, le Sénat a prévu des débats thématiques sur le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois, aide médicale à mourir.

[Français]

Dans la première partie de 2018, le sénateur Dean, avec l’appui des leaders de tous les groupes et des représentants du gouvernement, a mené l’étude du projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis, de sorte que le projet de loi a pu être débattu par thèmes, à la lumière des rapports déposés par plusieurs comités.

En novembre 2018, le Sénat a consacré deux jours à l’étude du projet de loi C-89 portant sur la reprise et le maintien des services postaux, y compris la tenue d’un comité plénier qui a duré plusieurs heures, au cours duquel ont témoigné des ministres et des représentants de l’employeur et du syndicat, ce qui n’avait pas été fait à la Chambre des communes.

Cette année, l’étude du projet de loi C-7 est un autre exemple de délibérations ciblées sur une mesure législative importante du gouvernement, soit l’aide médicale à mourir.

[Traduction]

Les Canadiens ont été davantage en mesure de constater les divers points de vue exprimés au Sénat, notamment des arguments sur un élargissement de l’accès, les voix de personnes racialisées ou autochtones, et la représentation de valeurs socialement conservatrices.

L’accessibilité a contribué à rendre plus pertinents les travaux du Sénat pour le dialogue national, en concourant à la politique solide du gouvernement et de la Chambre des communes.

(1500)

Je remercie le sénateur Gold et son équipe d’avoir présenté efficacement au gouvernement la perspective du Sénat.

Cette année, nous avons également assisté à des débats bien structurés sur le projet de loi C-29, portant sur la reprise des activités au port de Montréal, ainsi que sur des projets de loi visant à promouvoir la réconciliation.

L’autre jour, à la lecture de l’Ottawa Citizen, un passage m’a sauté aux yeux à propos des travaux du Sénat :

« La pratique courante du Sénat, qui consiste à s’ajourner et à répartir les débats portant sur divers sujets sur de nombreux jours, voire de nombreuses semaines ou de nombreux mois, tend à nuire à l’intérêt des questions abordées, et anéantit toute chance d’avoir des répercussions sur l’opinion publique quant aux enjeux dont il est question. »

Chers collègues, la date de cet article pourra vous étonner, puisqu’il s’agit du 8 mai 1946.

Avec des délais raisonnables, la programmation des débats sur les projets de loi d’initiative ministérielle sert mieux les Canadiens, le Sénat lui-même et le gouvernement au pouvoir.

Tous ces changements apportés depuis 2016 ont été remarqués. Lors d’une conférence à laquelle j’ai assisté, un expert des institutions politiques a affirmé que nous assistions à l’une des plus importantes transformations jamais entreprises au Parlement.

Les Canadiens ont remarqué ces changements, comme l’ont montré deux sondages commandés par la sénatrice Dasko au cours des trois dernières années. D’ailleurs, selon ces sondages, 76 % des Canadiens souhaitent que l’on continue à nommer des sénateurs indépendants. Il y avait deux fois plus de répondants croyant que ces réformes amélioreront le Sénat que de répondants estimant qu’elles ne changeront rien. Ces sondages montrent également que beaucoup de travail doit être fait pour gagner la confiance de la majorité des Canadiens. Je sais que nous sommes tous prêts à faire le nécessaire pour améliorer la confiance du public envers notre travail.

D’importantes réformes ont également pu être menées à l’interne grâce à la collaboration pendant la présente session parlementaire, malgré la pandémie. Grâce aux efforts du sénateur Wells, entre autres, le Sénat s’est doté d’un Comité de l’audit et de la surveillance formé de membres externes, et grâce au travail de la sénatrice Saint-Germain et de nombreux membres du Comité de la régie interne, le Sénat a maintenant une politique moderne sur le harcèlement. Il y a également eu la toute première élection par l’ensemble des sénateurs de la Présidente intérimaire.

Depuis 2017, le Règlement du Sénat reconnaît maintenant les groupes parlementaires formés d’au moins neuf sénateurs, ce qui met l’ancienne dynamique bipartite derrière nous. D’autres changements ont été proposés par le sénateur Woo et par le sénateur Tannas au sujet des pouvoirs de ces groupes en matière de procédure, mais nous n’en avons pas encore débattu. La nouvelle réalité est également reflétée dans le projet de loi S-4, le projet de loi du gouvernement proposant des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada. Grâce à la collaboration entre le sénateur Plett et les autres leaders, ce projet de loi a été adopté par le Sénat au début du mois. J’espère qu’il deviendra bientôt loi.

Au cours de la présente législature, nous avons aussi étudié des réformes possibles s’appliquant aux projets de loi qui ne viennent pas du gouvernement, au moyen d’une interpellation de l’ancien sénateur Sinclair et moi et d’un groupe de travail dirigé par les sénateurs Massicotte et Busson. Parmi les modèles que nous avons examinés, mentionnons le Règlement de la Chambre des communes et la proposition de 2014 présentée par l’ancien Président et sénateur Pierre Claude Nolin, l’ancien sénateur Joyal et le sénateur White. Je me réjouis à l’idée de poursuivre les discussions sur ces questions importantes. Les derniers jours ont montré le besoin d’exercer une diligence raisonnable et d’avoir la possibilité de prendre des décisions dans des délais raisonnables, tout en assumant pleinement notre tâche de second examen objectif.

Chose certaine, je me réjouis de l’entente de principe entre tous les groupes, y compris l’opposition officielle, visant à débattre pleinement du plus grand nombre possible de projets de loi d’initiative parlementaire et de projets de loi d’intérêt public du Sénat, pour ensuite les soumettre à un vote. Cela dit, pourquoi ces projets de loi devraient-ils faire l’objet d’une étude moins rigoureuse alors qu’ils ne bénéficient pas d’un examen du ministère?

C’est particulièrement le cas lorsque les projets de loi d’initiative parlementaire s’aventurent dans des questions financières ou d’autres domaines qui reviendraient plutôt au gouvernement. Nous pourrons y réfléchir à l’automne. Cependant, je vais revenir sur le principal avantage des changements aux règles concernant les projets de loi d’initiative parlementaire : les Canadiens et les députés élus pourront comprendre et suivre nos travaux.

Sur cette question, les sénateurs trouveront peut-être intéressant d’apprendre que deux présidents de caucus à la Chambre des communes m’ont indiqué, ainsi qu’au sénateur Sinclair, qu’ils appuient l’initiative. En effet, le député de Windsor-Ouest et président du caucus du NPD, Brian Masse, ainsi que le député de Lac-Saint-Louis et président du caucus du Parti libéral du Canada, Francis Scarpaleggia, appuient ces modifications. Cela témoigne de l’importance des projets de loi d’initiative parlementaire pour les caucus non ministériels et pour les députés d’arrière-ban de tout caucus ministériel.

Par ailleurs, nous devrions nous pencher de près sur les rôles des parrains et des porte-parole. Par exemple, lors de la législature précédente, deux présidents de comité, la sénatrice Andreychuk et le sénateur Runciman, ont temporairement quitté leurs fonctions de président lorsque des projets de loi qu’ils parrainaient étaient à l’étude au comité. En revanche, une sénatrice a récemment présidé l’étude d’un projet de loi qu’elle parrainait au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je crois en outre que les porte-parole devraient prendre la parole plus tôt dans le processus et non à la fin du débat. C’est pourquoi nous leur donnons plus de temps pour expliquer des positions afin d’éclairer et d’enrichir le débat.

Ces questions doivent être étudiées, et j’espère que nous trouverons le temps de le faire cet automne. Pour conclure, au moment de vous pencher sur des façons de réformer le Sénat, je vous invite à vous inspirer d’un grand sénateur de notre histoire qui représentait ma division sénatoriale, De Lorimier, soit l’honorable Raoul Dandurand, dont le buste se trouve à l’étage, dans le salon des sénateurs.

Nommé par l’ancien premier ministre sir Wilfrid Laurier en 1898, il a siégé au Sénat pendant 44 ans, dont 5 ans en tant que Président. Il a été leader du gouvernement à trois reprises, pour une durée totale de 18 ans — sénateur Gold, vous devriez peut-être voir cela comme un record à battre —, et leader de l’opposition trois fois. En 1925, il a aussi présidé l’Assemblée de la Société des Nations, ce qui est une grande responsabilité.

Voilà ce que dit la Bibliothèque du Parlement sur sa carrière au Sénat :

Dandurand était un ferme défenseur du caractère non partisan du Sénat, car il estimait que cela le distinguait de la Chambre des communes et assurait un meilleur examen des projets de loi. Le professeur Robert MacKay, de l’Université Cornell, a d’ailleurs déclaré, en 1926, que « peu de sénateurs, voire aucun, ont exercé, sur le caractère du Sénat, une influence aussi durable que celle du sénateur Dandurand ».

Honorables sénateurs, poursuivons la quête de l’ancien sénateur Dandurand. Nous sommes sur la bonne voie et nous pouvons nous en réjouir, mais il reste de la distance à parcourir. Je sais que de nombreux sénateurs sont prêts à avancer dans cette direction. En attendant, je vous souhaite un excellent été. Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)

(1510)

[Français]

Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Julie Miville-Dechêne propose que le projet de loi S-203, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénatrices et sénateurs, je serai brève.

Je tiens à remercier la sénatrice Linda Frum, la porte-parole du projet de loi, la sénatrice Mobina S. B. Jaffer, les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles — en fait, tous les parlementaires ainsi que les nombreux citoyens et organismes qui m’appuient depuis plus de huit mois pour faire connaître et parfaire ce projet de loi.

Le projet de loi S-203 n’a qu’un but : réduire — je dis bien réduire, et non éliminer — la facilité avec laquelle les enfants accèdent à des images pornographiques qui sont trop souvent violentes, qui donnent une représentation à la fois tordue et brutale de la sexualité, et qui viennent ainsi marquer l’esprit de nos jeunes. Pourquoi? Parce que cet accès sans aucune restriction aux sites pornographiques sur Internet peut avoir des effets néfastes sur les mineurs. C’est une question de santé publique et il est urgent de protéger les enfants au moyen d’une simple vérification de l’âge.

Le projet de loi S-203 a été amélioré grâce à une série d’amendements. Il demeure, et j’en conviens, perfectible. Il tente d’innover dans un domaine vaste et complexe, l’Internet, et je refuse de baisser les bras parce que la technologie ne serait supposément pas au point. En effet, les nombreuses parties prenantes consultées nous ont confirmé qu’il est tout à fait possible de vérifier l’âge, en minimisant les risques pour la vie privée. Notre intervention à titre de législateurs est essentielle afin de prévenir des préjudices graves et réels qui menacent nos enfants.

J’espère pouvoir compter sur votre appui lors de cette dernière étape du débat au Sénat. L’autre endroit pourra poursuivre le travail.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est maintenant 15 h 15 et, conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie retentira pendant 15 minutes pour convoquer les sénateurs au vote reporté sur la troisième lecture du projet de loi C-218.

Convoquez les sénateurs.

(1530)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénateur Plett, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Wells propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Plett :

Que le projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), soit lu pour la troisième fois.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Klyne
Bellemare LaBoucane-Benson
Bernard Lankin
Black (Alberta) Loffreda
Black (Ontario) Lovelace Nicholas
Boehm Manning
Boisvenu Marshall
Bovey Martin
Boyer Marwah
Brazeau Mercer
Busson Mockler
Carignan Munson
Cordy Ngo
Cormier Oh
Cotter Patterson
Dagenais Petitclerc
Dawson Plett
Deacon (Nouvelle-Écosse) Poirier
Deacon (Ontario) Ravalia
Duncan Richards
Forest Ringuette
Frum Saint-Germain
Gagné Smith
Gold Stewart Olsen
Greene Tannas
Griffin Wallin
Harder Wells
Housakos Wetston—57
Jaffer

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Hartling
Batters Kutcher
Boniface McCallum
Christmas McPhedran
Coyle Miville-Dechêne
Dean Moncion
Downe Pate
Forest-Niesing Simons
Francis White
Galvez Woo—20

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Dalphond MacDonald
Dasko Mégie—5
Dupuis

(1540)

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Griffin, appuyée par l’honorable sénateur Black (Alberta), tendant à la troisième lecture du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord souligner que je prends la parole depuis Mi’kma’ki, le territoire ancestral des Mi’kmaqs.

Chers collègues, j’interviens à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu concernant le transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale.

J’appuie l’objet du projet de loi C-208, et je reconnais que, dans sa forme actuelle, la Loi de l’impôt sur le revenu pénalise financièrement et injustement les propriétaires de petites entreprises et de sociétés agricoles ou de pêche familiales qui transfèrent leur entreprise à leurs enfants, au lieu de la transférer à une tierce partie.

Honorables sénateurs, je ne remets pas en question les objectifs du projet de loi. Je crois que les intentions du député Larry Maguire, qui a présenté le projet de loi, étaient louables.

Beaucoup de propriétaires de petites entreprises et de sociétés agricoles ou de pêche familiales espèrent pouvoir transférer leur entreprise à leurs enfants. Ils ne devraient pas en être pénalisés puisqu’il s’agit de leur héritage familial. Même le premier ministre a reconnu que la situation est problématique. C’est pourquoi il a ordonné à la ministre des Finances de « collaborer avec la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire à l’établissement de mesures fiscales visant à favoriser le transfert intergénérationnel de fermes ».

Bien que je souscrive au principe qui sous-tend le projet de loi C-208, je crains qu’il ne comporte pas de mesures de protection adéquates pour assurer que le transfert soit bel et bien réel et pas seulement sur papier. En fait, rien ne garantit que l’entreprise ne serait pas vendue uniquement sur papier pour bénéficier des allégements fiscaux prévus dans le projet de loi C-208. Une telle situation irait carrément à l’encontre de l’esprit du projet de loi.

Lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi C-208, je me suis notamment demandé si cette mesure n’avantagerait pas davantage les Canadiens bien nantis. Les projets de loi comme celui-ci doivent être examinés très attentivement. Nous avons entendu dire qu’il donnerait des avantages fiscaux non seulement aux petites entreprises, aux fermes familiales et aux entreprises de pêche familiales, mais aussi à plus de 1,6 million d’entreprises de toutes sortes, dont seulement une petite proportion sont des sociétés familiales, notamment dans le secteur des pêches. Le sénateur Woo a très clairement expliqué cela dans son discours sur le projet de loi C-208 lorsqu’il a fait mention du rapport du directeur parlementaire du budget sur un projet de loi identique présenté lors d’une législature précédente.

Les données qui suivent sont tirées du rapport du directeur parlementaire du budget, intitulé Estimation des coûts du projet de loi C-274, publié le 30 mars 2017. À titre de rappel, voici un extrait du discours du sénateur Woo :

[C]e projet de loi ne vise pas seulement les entreprises agricoles ou de pêche, mais bien toutes les entreprises admissibles. Selon le directeur parlementaire du budget, il y avait 1 674 310 entreprises admissibles en 2014, dont 50 000 étaient des entreprises agricoles et 4 000 des entreprises de pêche [...]

Quand on examine les chiffres, chers collègues, on constate que les sociétés agricoles ou de pêche ne représentent que 3 % des entreprises admissibles. Je suis aussi d’accord avec le sénateur Woo : ce pourcentage est probablement exagéré.

Honorables sénateurs, comme je l’ai mentionné, bien qu’il soit bien intentionné, le projet de loi soulève des préoccupations parce qu’il ne prévoit pas de mesures de sauvegarde pour garantir l’authenticité du transfert intergénérationnel. L’enfant peut « acheter » l’entreprise ou l’exploitation agricole, mais il n’a pas du tout à s’occuper de sa gestion. Les parents n’ont pas à céder le contrôle de l’entreprise qui a été vendue à leur enfant, mais ils évitent de payer de l’impôt. Comme le sénateur Gold l’a indiqué brièvement :

[...] il permettrait au parent de vendre des actions à la société de portefeuille d’un enfant puis d’acheter cette société de portefeuille, ce qui veut dire que l’enfant ne détiendrait aucun intérêt dans l’entreprise.

Chers collègues, le projet de loi C-208 créera trop d’échappatoires dans la Loi de l’impôt sur le revenu s’il est adopté sans amendement. Il a aussi le potentiel bien réel de réduire les recettes fiscales fédérales, ce qui nuirait à la capacité du gouvernement à fournir les programmes et les mesures de soutien nécessaires alors que nous sortons de la pandémie et que nous relançons l’économie. Dans son rapport, le directeur parlementaire du budget a estimé que les dispositions de ce projet de loi se chiffraient à 457 millions de dollars pour l’année 2018. Honorables sénateurs, j’hésite à vous faire part de mes observations, mais je m’en voudrais de ne pas le faire : je pense que le projet de loi C-208 dans sa forme actuelle crée un précédent dans la façon dont nous exécutons nos travaux. À mon avis, il est très inhabituel que le parrain du projet de loi assume la présidence du comité qui examine le projet de loi. À ma souvenance, il n’y a aucun autre exemple où cette situation s’est produite pour l’un ou l’autre des comités du Sénat auxquels j’ai siégé au fil des ans. Le Comité du Règlement voudra peut-être se pencher sur cette question à l’automne.

(1550)

Je me demande aussi pourquoi un projet de loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu a été soumis au Comité de l’agriculture et des forêts au lieu du Comité des finances ou du Comité des banques. Ces derniers sont beaucoup plus expérimentés pour comprendre les répercussions financières liées à la Loi de l’impôt sur le revenu.

Honorables sénateurs, le gouvernement a fait part de son soutien envers l’équité fiscale pour le transfert des exploitations agricoles familiales. Nous ne sommes pas en présence de divergences idéologiques : nous nous entendons tous sur le fait qu’il faut améliorer les choses. La question est de savoir comment bien faire les choses.

J’appuie entièrement les efforts déployés par le député Larry Maguire pour corriger une lacune dans le cadre fiscal du Canada. Cependant, dans sa forme actuelle, le projet de loi risque d’entraîner trop de conséquences nuisibles. Malheureusement, je ne peux pas appuyer ce projet de loi avant qu’il ne soit amendé.

Merci, chers collègues.

L’honorable Terry M. Mercer Honorables sénateurs, je tiens d’abord à souligner que je m’adresse au Sénat depuis le territoire ancestral et non cédé des Mi’kmaqs.

Je prends la parole au sujet du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale.

Je félicite le parrain, Larry McGuire, député de Brandon—Souris, au Manitoba, et la sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard Diane Griffin de leurs bonnes intentions et de leur promotion enthousiaste du projet de loi. Je crains toutefois que l’opportunisme et les conséquences imprévues de ce projet de loi réduisent à néant ses bonnes intentions.

Je suis tout à fait d’accord pour aider les pêcheurs et les agriculteurs à garder leur entreprise au sein de leur famille, un point c’est tout. J’appuie entièrement cette intention du projet de loi, mais les entreprises agricoles et de pêche ne sont pas les seules qui seraient admissibles. Comme l’ont fait remarquer les fonctionnaires du ministère des Finances, le projet de loi s’appliquerait à toutes les petites entreprises, ce qui en étendrait la portée et le coût. Le projet de loi pourrait créer une échappatoire sans garantie de transfert intergénérationnel authentique. Voilà ce qui m’inquiète.

D’ailleurs, nous pouvons nous demander s’il existe des moyens d’aider davantage les pêcheurs et les agriculteurs canadiens sans exposer le régime fiscal à des abus majeurs.

Le rapport d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, intitulé Principales statistiques relatives aux petites entreprises — 2020, définit une petite et moyenne entreprise comme un établissement commercial comptant entre 1 et 499 employés rémunérés. Plus précisément, une petite entreprise compte de 1 à 99 employés rémunérés, une moyenne entreprise, de 100 à 499 et une grande entreprise, 500 ou plus.

Le rapport poursuit en disant qu’en décembre 2019, l’économie canadienne comptait au total 1,23 million d’entreprises avec employés.

Écoutez bien ces statistiques et ce que représentent les entreprises. De ce total de 1,23 million d’entreprises avec employés, 1,2 million — soit 97,9 % — étaient des petites entreprises, 22 905 — soit 1,9 % — étaient des entreprises de taille moyenne et 2 978 — soit 0,2 % — étaient des grandes entreprises. En 2019, les petites entreprises employaient 8,4 millions de personnes au Canada, soit 68,8 % de l’ensemble de la main-d’œuvre du secteur privé. À titre de comparaison, les moyennes entreprises employaient 2,4 millions de personnes — soit 19,7 % de la main-d’œuvre du secteur privé — et les grandes entreprises, 1,4 million — soit 11,5 %.

Le projet de loi ne s’appliquerait pas seulement aux pêcheurs et aux agriculteurs; il s’appliquerait aux médecins, aux dentistes, aux électriciens, aux avocats, aux agents immobiliers, aux constructeurs, aux magasins de détail, aux comptables, aux courtiers d’assurance, et j’en passe.

Les petites entreprises sont essentielles à l’économie canadienne, et je suis tout à fait d’accord pour les aider à prospérer. Cependant, une modification financière aussi importante des lois fiscales devrait être promulguée par un projet de loi du gouvernement et non par un projet de loi d’initiative parlementaire. Une telle mesure législative devrait faire l’objet d’une étude approfondie pour veiller à ce qu’elle reflète fidèlement l’intention des législateurs.

Pour protéger l’intégrité du régime fiscal, des dispositions sont mises en place afin de prévenir les abus. Je pense que le projet de loi pourrait compromettre cette intégrité. Le parrain du projet de loi a dit qu’il y a une mesure de sauvegarde : une période d’attente de cinq ans pour garantir que la transaction est légitime. En cas de vente entre un parent et son enfant, la période d’attente de cinq ans vise à garantir la légitimité de la transaction. L’enfant doit rester le seul propriétaire de l’entreprise et ne pas la retransférer au parent, ce qui serait la façon d’en tirer un avantage fiscal injuste. Si des actions sont vendues par l’enfant dans les cinq ans, l’impôt s’applique. Cette période d’attente de cinq ans est-elle suffisante?

Honorables sénateurs, il est possible d’envisager des mesures de sauvegarde supplémentaires qui existent déjà dans d’autres administrations.

En 2016, le Québec a modifié sa Loi sur les impôts, en vue de faciliter le transfert de sociétés familiales des secteurs primaire et manufacturier à des membres de la famille. Un des fonctionnaires des Finances a indiqué ce qui suit au Comité de l’agriculture et des forêts à propos du projet de loi C-208 :

Il serait possible d’améliorer considérablement le projet de loi en imposant des conditions pour vérifier s’il y a bien eu un transfert d’entreprise. Les règles au Québec peuvent servir de modèle à cet égard. Une règle semblable existe sur les transferts intergénérationnels dans cette province, mais on exige la participation des parents dans l’entreprise avant le transfert — une participation significative —, une renonciation au contrôle de l’entreprise dans le cadre du transfert, et un certain niveau de participation de l’enfant au sein de l’entreprise.

De telles mesures de protection ne se retrouvent pas dans ce projet de loi.

Honorables sénateurs, comme on l’a fait remarquer lors de la dernière réunion du comité, personne ne se dirait opposé au projet de loi, à l’exception, bien sûr, des fonctionnaires du ministère des Finances. Pourquoi y serait-on opposé? Qui voudrait protester contre un projet de loi qui pourrait représenter des centaines de millions de dollars d’économies d’impôts? Personne, en effet. Les efforts visant à uniformiser les règles du jeu pour les pêcheurs et les agriculteurs seraient ainsi anéantis par les entreprises prospères qui en profiteraient. De cette façon, les riches deviendraient encore plus riches.

En 2017, le directeur parlementaire du budget a publié une estimation du coût d’un projet de loi antérieur semblable. Les recettes fiscales perdues auraient été de l’ordre de 163 à 273 millions de dollars en 2017, et de 178 à 279 millions de dollars en 2018. Ce rapport date toutefois de quatre ans et ne préjuge pas du comportement des Canadiens.

J’ai eu l’occasion d’examiner un rapport de recherche intéressant que l’on a porté à mon attention et qui s’intitule : L’influence des facteurs fiscaux sur les transferts de PME québécoises et canadiennes. Il a été publié en décembre 2020 par l’Institut de recherche sur les PME avec la participation des personnes suivantes : Marc Duhamel, Ph. D., Département de finances et économique et Louise Cadieux, Département de Management, tous deux de l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières; et François Brouard, Comptabilité et fiscalité, de l’école de commerce Sprott de l’Université Carleton. Les conclusions de ce rapport sont fascinantes. J’aimerais passer en revue certains faits. Le rapport est très détaillé, et je vous invite à le lire au complet. Voici ce qu’on peut y lire au sujet de la contribution économique du gain en capital généré par les transferts de PME :

Au Québec seulement, les gains en capital qui seraient réalisés par l’ensemble des intentions de transferts de PME pourraient atteindre jusqu’à 15,7 milliards $ sur une période de cinq ans (2017-2022). [...] Parallèlement, on observe que les transferts de PME dans les autres provinces canadiennes représentent annuellement un peu plus de 41 milliards $ de gains en capital sur une période de cinq ans [...] À l’échelle canadienne, la valeur des gains en capital anticipés des intentions de transferts de PME équivaut à un peu plus 11,4 milliards $ annuellement.

(1600)

Ce n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de petit poste budgétaire, honorables sénateurs. On peut aussi lire ceci dans le rapport :

Nos résultats suggèrent que la population des propriétaires de PME québécoises favorisant des repreneurs familiaux entre 2017 et 2022, pourrait épargner entre 245,6 millions $ et jusqu’à un peu plus de 1,04 milliard $, si elle était éligible à la même déduction du gain en capital que la population des propriétaires de PME québécoises qui pense à transférer à des repreneurs externes.

Ce projet de loi traite les transferts familiaux comme s’il s’agissait de transferts externes. Ces données ne concernent que le Québec, pas l’ensemble du pays. Je le répète, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un petit poste budgétaire, honorables sénateurs. On parle ici de 1 milliard de dollars. Quelle somme cela pourrait-il représenter pour le reste du pays?

Nous apprécions tous le fait que nos impôts financent nos programmes, c’est pourquoi ce coup dur potentiel à notre assiette fiscale est quelque peu inquiétant. Pourquoi allons-nous de l’avant avec ce projet de loi au lieu de nous assurer d’établir une méthode efficiente pour réduire les impôts des agriculteurs et des pêcheurs pour de tels transferts, et ce, sans nuire au Trésor public? Pourquoi n’avons-nous pas examiné comment nous pourrions améliorer le système fiscal pour toutes les petites entreprises sans porter un coup dur au budget?

Après avoir entendu le témoignage des représentants du ministère des Finances — qui ont avancé que le projet de loi pourrait ouvrir la voie à un évitement fiscal abusif —, j’ai demandé à ce que nous entendions un plus grand nombre de témoins. J’avais l’intention d’examiner le modèle québécois déjà mentionné, qui contribuerait à atténuer certaines conséquences involontaires de ce projet de loi. J’ai aussi essayé de joindre une observation au projet de loi : une simple recommandation qu’un comité parlementaire procède à un examen des conséquences du projet de loi après la première année pour produire un rapport avec des recommandations, le cas échéant. Cela me semble aller de soi. Ce serait une manière raisonnable de procéder. Malheureusement, ces idées n’ont pas été retenues. Certains nous ont suggéré que le gouvernement, des organismes ou des hauts fonctionnaires procèdent à un examen, ce que je trouve bizarre. Comment savoir s’ils le feraient vraiment?

En conclusion, je suis d’avis que la plupart des gens ne comprennent pas les conséquences de ce projet de loi. Le droit fiscal est extrêmement complexe. Ce fut assurément un apprentissage pour moi. Le projet de loi peut sembler simple, mais, comme on dit, tout est dans les détails. Alors, honorables sénateurs, quelle est notre position? Voulons-nous que les riches s’enrichissent ou voulons-nous mettre en place un système adéquat pour aider les pêcheurs et les agriculteurs sans exposer le régime fiscal à des abus majeurs?

Je suis tout à fait favorable à des mesures visant à uniformiser les règles du jeu pour les pêcheurs et les agriculteurs. En effet, j’appuierais tout à fait un projet de loi en ce sens. Mais je ne peux pas appuyer le projet de loi s’il crée une échappatoire qui menace l’intégrité du système. Avant de décider comment voter, je vous prie de prendre en considération certaines de ces questions et préoccupations, ainsi que les répercussions auxquelles le projet de loi exposerait le régime fiscal.

Son Honneur le Président : Sénateur Mercer, le sénateur Loffreda a une question. Acceptez-vous d’y répondre?

Le sénateur Mercer : Oui, s’il me reste du temps.

L’honorable Tony Loffreda : J’avais la main levée pour poser une question à la sénatrice Cordy, mais merci à tous les deux pour vos discours convaincants.

Personne ne veut d’échappatoires fiscales. Le problème de ce projet de loi, c’est que, pour commencer, il prévoit de dépouiller les gains aux taux d’imposition des gains en capital. Je reconnais que ce n’est pas un projet de loi parfait, mais êtes-vous d’accord avec moi — l’impôt intergénérationnel est de 48 %, si l’entreprise est achetée par une société canadienne, il est de 26 % et si elle est achetée par un non-résident, il est de 13 %.

Je crains que, s’il y a un amendement, ce projet de loi n’aille pas de l’avant. Nous attendons depuis si longtemps de corriger cette injustice. Vous citez des chiffres sur cinq ans, sénateur Mercer, et cela coûte de 178 à 300 millions de dollars par an, mais le projet de loi pourrait être amendé. Nous pourrions éventuellement modifier le projet de loi sur le budget, et l’Agence du revenu du Canada pourrait faire des interprétations pour la communauté comptable. Il y a des façons d’autoriser ce projet de loi, de l’approuver et de le corriger au fur et à mesure. J’ai toujours dit que ce n’est jamais statique, mais dynamique.

Pouvez-vous convenir qu’on a attendu beaucoup trop longtemps avant de corriger ces injustices et que, maintenant que nous avons l’occasion de le faire, nous devrions les corriger, puis veiller à ce qu’il n’y ait pas d’échappatoires? Cela n’a rien à voir avec les plus riches. En 2016, l’âge moyen des agriculteurs était de 55 ans. Environ 75 % des propriétaires de petite entreprise avaient déjà l’intention de quitter leur entreprise entre 2018 et 2028. Dans 50 % des cas, les propriétaires veulent transmettre leur entreprise à un membre de leur famille. De plus, l’Agence du revenu du Canada a dit que, selon ces propositions, le contribuable devra lui fournir une évaluation indépendante de la juste valeur marchande des parts visées ainsi qu’un affidavit signé par les parties.

Croyez-vous que le taux d’imposition actuel est juste, et ne croyez-vous pas que nous devrions l’ajuster maintenant et amender rapidement ce projet de loi pendant que nous en avons l’occasion, au lieu de courir le risque que les rumeurs d’élections se confirment et que le projet de loi meure au Feuilleton, ce qui nous obligerait à attendre encore trois, quatre ou cinq ans? Voilà ce qui m’inquiète.

Le sénateur Mercer : Non, je ne pense pas que nous devrions attendre aussi longtemps.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Mercer, mais votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Mercer : Eh bien, j’ai bien aimé le discours du sénateur Loffreda.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, d’entrée de jeu, je déclare que je partage l’opposition à ce projet de loi qu’a très éloquemment exprimée le sénateur Woo jeudi dernier. Je ne vais pas répéter ce qu’il a dit et je vais plutôt me concentrer sur quelques points qui, à mon avis, n’ont pas encore été abordés dans le cadre du présent débat.

Premièrement, le projet de loi C-208 ne s’appliquera pas à tous les transferts de petites entreprises, notamment des secteurs agricole et de la pêche. Cette mesure législative vise à créer une exception à une règle contre l’évitement fiscal qui s’applique uniquement au cas très précis que voici : l’entreprise familiale est constituée en société, mais n’appartient pas directement aux parents qui l’exploitent. Le vendeur vend les actions de cette entreprise, mais non les actifs. L’acheteur est une société et non un particulier et la société acquéreuse est dirigée par un enfant ou un petit-enfant du vendeur. Voilà le seul cas qui est envisagé dans le projet de loi.

Si la ferme familiale ou l’entreprise de pêche familiale qui fait l’objet de la vente n’est pas constituée en société, le traitement fiscal sera toujours le même que l’acheteur soit un enfant, un petit-enfant ou une tierce partie. Si l’entreprise est constituée en société et que les actions en sont vendues directement à une entité non constituée en société que ce soit un enfant, un petit-enfant ou une tierce partie sans lien de parenté, le traitement fiscal sera encore une fois exactement le même.

Selon le Recensement de l’agriculture de 2016 de Statistique Canada, à peine 25 % des fermes familiales étaient constituées en société. Et, 20 ans auparavant, cette proportion était de 12 %. En 2016, ce 25 % correspondait à environ 48 600 exploitations agricoles constituées en société d’un bout à l’autre du Canada. Le sénateur Woo a expliqué ce que cela représente pour l’ensemble des petites entreprises. Ce n’est que la pointe de l’iceberg puisque moins de 3 % des petites entreprises sont visées par cette mesure.

Deuxièmement, environ un tiers des propriétaires d’exploitations agricoles non constituées en société souhaitent vendre à leurs enfants ou petits-enfants.

(1610)

La question du transfert des entreprises familiales a fait l’objet d’un rapport complet et fort intéressant publié en 2020 par l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois-Rivières, rapport que mon collègue, le sénateur Mercer, a mentionné brièvement.

[Français]

Ces professeurs n’ont pas été appelés comme témoins devant le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, malgré la grande pertinence de leurs travaux.

Dans ce rapport, les professeurs ont indiqué, après avoir mené des études, des analyses et des entrevues, que 70 % des propriétaires d’entreprise familiale souhaitaient vendre à des tiers et non à leurs enfants ou petits-enfants pour toutes sortes de raisons qui ne sont pas nécessairement liées à la fiscalité.

Loin de moi l’idée de prétendre que l’aspect fiscal ne peut pas être important dans leur décision, mais là encore, il faut faire attention. En effet, ces professeurs ont établi que la grande majorité des entreprises familiales vendues donnent lieu à un gain en capital d’environ 100 000 $ — pas des millions de dollars, 100 000 $. L’impact fiscal du scénario que j’ai décrit plus haut se situe donc entre 0 $ et 53 000 $, tout dépendant du taux d’imposition du vendeur.

Aucun de ces chiffres n’a été mentionné au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. En d’autres mots, dans la majorité des entreprises familiales, même celles qui sont incorporées, la décision de vendre à un tiers plutôt qu’à la famille représente une perte pour le vendeur, variant de 0 $ à un maximum de 53 000 $. Le rapport de ces professeurs — qui ont consulté les statistiques de l’Agence du revenu du Canada, les données du recensement et conduit des entrevues — rapporte qu’en moyenne, on parle ici d’une perte fiscale de 29 000 $. Peut-on alors parler de compromettre le fonds de retraite de ces vendeurs avec un montant de 29 000 $? Je concède que j’aimerais mieux avoir le montant que de ne pas l’avoir, mais de dire que pour cette raison, la relève n’est pas possible et que le régime de retraite n’est plus possible, j’en doute.

[Traduction]

Troisièmement, comme l’a mentionné le sénateur Woo jeudi dernier, les sociétés agricoles ou de pêche ne représenteraient que 3 % des petites entreprises qui pourraient bénéficier de ce projet de loi. Autrement dit, le projet de loi ne cible pas le transfert des sociétés agricoles ou de pêches familiales situées à la campagne ou dans les collectivités éloignées, mais plutôt celui d’entreprises familiales situées n’importe où au Canada, et principalement en milieu urbain. Par exemple, dans le mémoire qu’elle a soumis à l’appui de ce projet de loi, l’Association des courtiers d’assurances du Canada déclare que, au Québec et en Ontario, 25 % de ses sociétés de courtage membres sont des entreprises familiales. Ces types d’entreprises, qui feront l’objet principal des manchettes concernant l’élimination proposée des règles visant à prévenir l’évitement fiscal, sont celles qui tireront avantage de ce relâchement proposé dans le projet de loi C-208.

Quatrièmement, pour justifier l’adoption rapide de ce projet de loi, nous avons entendu à maintes occasions qu’il s’agit de la quatrième version de ce projet de loi à être déposée au Parlement et que tous les partis de la Chambre des communes l’appuient. Cette affirmation m’oblige à exprimer plusieurs réserves importantes.

Chers collègues, la première version de ce projet de loi a été présentée le 26 mars 2015 par la députée néo-démocrate Francine Raynault. Son étude n’a jamais franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes et, surtout, la mesure ciblait uniquement les sociétés agricoles ou de pêche familiales, et non l’ensemble des petites entreprises.

Le deuxième projet de loi a été présenté par le député libéral Emmanuel Dubourg le 11 juin 2015. Le projet de loi a seulement été présenté et lu une fois à la Chambre des communes. Fait intéressant, il comportait un long préambule concernant ses objectifs et exigeait de l’acheteur qu’il garde le contrôle de l’entreprise achetée pendant seulement 24 mois.

Le troisième projet de loi a été présenté le 19 mai 2016 par le député du NPD Guy Caron. Ce projet de loi ne comprenait pas de préambule indiquant aux autorités fiscales et à la cour de l’impôt la façon d’interpréter l’intention réelle du Parlement. Il a été défait à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes lorsque l’ensemble du caucus libéral et 1 député indépendant ont voté contre son adoption.

Ce qui nous amène au projet de loi C-208, qui est identique à celui qui avait été présenté et rejeté en 2016. Il a été adopté à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes par 178 voies contre 146, dont 145 députés libéraux et 1 député indépendant.

À l’étape de la troisième lecture, le 12 mai 2021, il y a à peine un mois, le projet de loi a été adopté par 199 voies contre 128, dont 127 députés libéraux, y compris l’ensemble du Cabinet, et 1 députée indépendante.

Les membres du Cabinet ont voté non même si les lettres de mandat du premier ministre adressées à la ministre des Finances et à la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire leur demandaient de trouver une solution pour corriger l’iniquité fiscale dont vient de parler le sénateur Loffreda, surtout pour ceux qui ont des actifs substantiels de plus de 1 ou 2 millions de dollars selon le scénario que j’ai évoqué tout à l’heure.

Comme l’a expliqué la ministre de l’Agriculture au Congrès annuel de la Fédération de la relève agricole du Québec, qui s’est tenu le 5 mars 2021, le gouvernement est déterminé à corriger l’iniquité conformément à ce que j’ai indiqué au début de mon discours, mais il s’oppose au projet de loi C-208 parce qu’il n’est pas bien conçu.

Quelles sont les lacunes dans sa conception?

Chers collègues, quand on exploite soi-même une entreprise agricole ou de pêche, on produit une déclaration de revenus chaque année, qui comprend toutes les recettes provenant de l’entreprise, recettes dont sont déduites les dépenses afin d’obtenir le revenu net imposable cette année-là, selon notre niveau d’imposition, qui pourrait varier de 0 à 53 %.

Cependant, si vous créez une société pour exploiter l’entreprise, le revenu appartiendra à la société. Cette dernière utilisera le revenu net pour vous verser un salaire ou un salaire et des dividendes. Soit dit en passant, les dividendes sont imposés à un taux inférieur à celui du salaire. Les sociétés ont également la possibilité de garder les surplus d’exploitation dans un compte bancaire — d’où l’expression « surplus d’exploitation ». À la retraite, si le propriétaire veut vendre des actions à un tiers, le prix de vente ne sera pas calculé selon le montant des liquidités dans le compte bancaire. Le tiers acceptera de payer un prix qui correspond aux actifs de la société. En effet, un acheteur rationnel n’empruntera pas de l’argent à la banque pour acheter de l’argent au vendeur; cela n’aurait aucun sens. Ainsi, avant la transaction, le vendeur s’assurera que la société rachète certaines de ses actions ou qu’elle lui verse des dividendes pour qu’il puisse retirer les surplus d’exploitation accumulés à la banque. L’argent retiré sera imposé comme cela aurait été le cas s’il avait été retiré auparavant. Le propriétaire qui vend aura donc reporté l’impôt, mais il finira par devoir le payer.

Par contre, si le propriétaire possède une société et qu’il la vend à un acheteur amical, il lui est possible de s’organiser pour encaisser l’argent libre d’impôt en le transformant en avoir réalisé. Les transactions papillon sont des opérations complexes que j’avais l’habitude de faire lorsque j’étais un avocat de société avant d’être juge.

Voilà ce qu’il est possible de faire, mais on transfère alors des gains non imposés qui deviendront imposables. Cette règle contre l’évitement fiscal a été adoptée afin d’empêcher ce genre de choses, car on sait que la tierce partie ne paiera pas comptant normalement, mais qu’un acheteur amical — un fils ou un petit-fils, par exemple — pourrait être disposé à le faire. Il vous remettra un billet à ordre, puis utilisera l’argent de la société pour vous rembourser le billet à ordre et vous remettre le million de dollars — ou peu importe le montant — qui était à la banque et sur lequel aucun impôt n’avait été payé. Voilà ce que prévient la règle que nous souhaitons éliminer aujourd’hui. Ce sont les raisons pour lesquelles elle a été adoptée.

Nous devrions faire preuve de prudence avant de procéder au changement prévu dans le projet de loi. Bien franchement, il s’agit d’une mesure budgétaire qui devrait être du ressort du gouvernement.

[Français]

Finalement, j’aimerais parler d’une autre lacune du projet de loi, soit son manque d’harmonisation avec le régime québécois. Comme l’ont dit les spécialistes et les experts qui ont témoigné au comité, le seul autre gouvernement au Canada qui a légiféré pour corriger l’iniquité fiscale est le Québec. Au Québec, cette mesure a été présentée dans le budget de 2015 et est entrée en vigueur le 17 mars 2016. Personne n’a été pris par surprise. Revenu Québec a pu rédiger des bulletins d’interprétation, créer des formulaires et mettre en place un système adapté.

Au moment de l’annonce, en 2015, la mesure visait uniquement les actions du capital-actions d’une société agricole familiale, d’une société de pêche familiale et des petites entreprises des secteurs primaire et manufacturier.

(1620)

Dans le budget de 2016, en réponse aux critiques, on a annoncé que l’admissibilité à la mesure serait élargie à tous les secteurs d’activité. Le régime actuellement en place au Québec comprend sept exigences précises qui ne figurent pas dans le projet de loi C-208. En adoptant le projet de loi, nous aurons donc un régime non harmonisé et plus susceptible de subir des abus que le régime qui prévaut au Québec. Pourtant, comme l’ont indiqué les professeurs dans le rapport de l’Institut de recherche sur les PME auquel j’ai fait plus tôt référence, ainsi que certains fiscalistes du Québec, en cette matière, l’uniformité est des plus souhaitables.

Ce manque d’harmonie va créer des difficultés pour les contribuables québécois et pour Revenu Québec, qui devra expliquer que la transaction ne satisfait pas aux exigences québécoises et qu’elle est refusée, même si elle satisfait aux exigences fédérales.

En réalité, au lieu de viser l’harmonisation, ce projet de loi mettra de la pression sur le gouvernement du Québec pour qu’il change son approche fiscale. Voilà qui est tout à fait contraire aux principes du fédéralisme coopératif.

[Traduction]

Contrairement au cadre québécois, l’absence de mesures de protection appropriées rend encore plus préoccupante l’entrée en vigueur du projet de loi C-208 dès la sanction royale. Autrement dit, il n’y aura aucune période de transition pour permettre à l’Agence du revenu du Canada de s’adapter à la nouvelle réalité et d’émettre les formulaires nécessaires ou de former ses employés en conséquence.

En conclusion, même si je crois que le Sénat dispose d’un système juste et transparent pour traiter les projets de loi d’initiative parlementaire, je suis aussi d’avis qu’il devrait conserver les mêmes normes de qualité élevées que lorsqu’il examine les projets de loi gouvernementaux, surtout lorsqu’il s’agit, comme dans le cas présent, d’une mesure budgétaire. À mon avis, ces normes élevées que les Canadiens ont le droit d’attendre de la part du Sénat n’ont pas été respectées dans le cas du projet de loi C-208. Nous devrions à tout le moins amender ce projet de loi pour cette raison. En l’absence d’un amendement raisonnable, je propose que nous rejetions ce projet de loi.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-6, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Griffin, appuyée par l’honorable sénateur Black (Alberta), tendant à la troisième lecture du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, j’interviens dans le débat sur le projet de loi d’initiative parlementaire C-208, qui vise à faciliter le transfert intergénérationnel des entreprises familiales entre les membres d’une famille et à assurer une meilleure retraite aux parents et aux grands-parents qui les ont exploitées.

Il va sans dire que la contribution des pêcheurs et des agriculteurs canadiens est indispensable pour assurer la subsistance et la sécurité alimentaire de la population du pays, et ce fut particulièrement le cas pendant la pandémie, où leur contribution a eu une valeur inestimable pour que nous et les habitants d’autres pays puissions nous nourrir. Il est essentiel de soutenir ces personnes si nous voulons que la communauté des agriculteurs et des pêcheurs de notre pays puisse se renouveler.

Cependant, bien que les objectifs du projet de loi C-208 soient louables, il comporte des omissions qui auront des conséquences imprévues, notamment des possibilités d’évitement fiscal, une réduction des recettes fiscales de l’État et des avantages indus pour les Canadiens les plus riches, qu’il s’agisse de médecins, d’avocats, de dentistes, de comptables, d’entreprises de construction et même d’entreprises familiales de plomberie.

Je crois qu’un second examen objectif est nécessaire dans ce dossier afin que nos efforts visant à assurer la prospérité des fermes familiales et des entreprises de pêche familiales et à garantir des retraites stables pour ceux qui ont bâti ces entreprises n’aient pas des conséquences imprévues ayant été passées sous silence pendant le débat de deuxième lecture. Bref, en réduisant l’impôt à payer sur la vente d’une société contrôlée par un parent, le projet de loi crée une échappatoire susceptible de s’appliquer à des gens qui n’étaient pas censés profiter du projet de loi.

Puisque des pêcheurs, des agriculteurs, des petites entreprises, des politiciens et bien d’autres réclament le projet de loi depuis un certain temps, il y a peut-être lieu de faire rapidement un rappel des dispositions juridiques actuelles qui ont des ramifications avec le projet de loi.

À l’heure actuelle, la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada comprend des règles qui aident notamment les agriculteurs et les pêcheurs à accumuler des capitaux pour la retraite et qui facilitent le transfert intergénérationnel des biens utilisés dans l’entreprise agricole ou de pêche. Par exemple, grâce à l’exonération cumulative des gains en capital, on peut mettre à l’abri de l’impôt jusqu’à 1 million de dollars des gains en capital réalisés lors de la disposition d’actions admissibles de l’entreprise agricole ou de pêche. Cette exemption peut être doublée à 2 millions si l’agriculteur ou le pêcheur et son épouse sont tous les deux admissibles à l’exemption.

Les agriculteurs et les pêcheurs ont également le droit de transférer avec report d’impôt une entreprise agricole ou de pêche à leurs enfants, ce qui permet d’éviter l’impôt immédiat sur le gain en capital et de faciliter le transfert intergénérationnel. Un transfert peut être structuré de manière à maximiser le montant limite de l’exonération cumulative des gains en capital, tout en minimisant les répercussions fiscales du transfert par le recours aux roulements entre générations.

Enfin, les agriculteurs et les pêcheurs ont aussi droit au report des gains en capital au moyen d’une réserve des gains en capital de 10 ans, où le produit de disposition n’a pas été pleinement reçu et le bien a été transféré à un enfant.

Nous connaissons les effets bénéfiques que vise le projet de loi C-208, mais il ne faut pas oublier les conséquences néfastes que pourrait entraîner son adoption.

Premièrement, de bonnes raisons expliquent l’existence des règles anti-évitement applicables aux sociétés, que le projet de loi vise à modifier. Par exemple, les règles actuelles empêchent les compagnies de transférer des actions à des personnes ayant un lien de dépendance afin de convertir un dividende imposable en gain en capital. Les dividendes imposables sont taxés à un taux considérablement plus élevé que les gains en capital, ce qui explique qu’un propriétaire puisse vouloir opérer une telle conversion. Le projet de loi C-208 propose une exception à la règle, en permettant une forme de transfert interne entre frères et sœurs qui font l’acquisition de l’entreprise de leurs parents ou de leurs grands-parents.

Il est vrai qu’après la vente, le taux d’imposition applicable sera plus bas, ce qui permettra aux parents d’avoir un meilleur coussin financier pour leur retraite. Toutefois, selon les témoignages recueillis devant le Comité de l’agriculture et des forêts la semaine dernière, ce projet de loi est dépourvu des mesures de sauvegarde pertinentes pour garantir un transfert véritable entre les générations. Par exemple, le projet de loi ne contient aucune disposition — aucune — prévoyant qu’un parent cesse de participer à l’entreprise familiale après la vente à son enfant, pas plus que l’enfant soit tenu d’y participer après l’avoir acquise. Sans ce type de protection, les parents peuvent vendre leurs parts à une société de portefeuille mise sur pied par les enfants, évitant ainsi de payer des impôts sur la vente pour ensuite racheter les parts à une date ultérieure. Les couples mariés qui choisissent cette option économiseront jusqu’à 1,8 million de dollars en impôts au cours de leur vie s’ils décident de se prévaloir de l’exemption pour gains en capital au moment de la vente de l’entreprise.

Il faut se demander si l’objectif du projet de loi est réellement atteint si l’enfant n’est pas tenu d’exploiter l’entreprise après l’avoir acquise.

Par ailleurs, comme il a été mentionné précédemment, ces mesures s’appliquent à toutes les entreprises, pas seulement aux exploitations agricoles ou aux entreprises de pêche familiales. Elles s’appliqueraient aussi au commerce des valeurs mobilières de la même manière que pour les exploitations agricoles.

Pour finir, de graves possibilités d’évasion fiscale risquent de porter un dur coup au cadre fiscal que le gouvernement a soigneusement conçu pour le budget de 2021. En bref, cela procurera des avantages considérables à certains contribuables sous la forme de paiements exonérés d’impôt des excédents des entreprises sans garantir qu’un transfert intergénérationnel a véritablement eu lieu.

Étant donné ces complexités, il est essentiel de ne pas entreprendre de modification sans entamer une réflexion approfondie sur ce que cela représenterait d’un point de vue pratique, ainsi que pour éviter de créer des échappatoires qui avantageraient les riches de manière disproportionnée. Autrement dit, tout changement à ces sections de la loi doit être fait avec une extrême prudence, au risque d’entraîner des conséquences inattendues, comme je viens de le mentionner.

En résumé, il y a quatre bonnes raisons d’amender ce projet de loi.

Premièrement, le projet de loi est régressif. Il ouvrirait la porte à de nouvelles possibilités d’évasion fiscale qui bénéficieraient injustement aux riches, plutôt qu’aux travailleurs canadiens, et en fin de compte, il procurerait jusqu’à 900 000 $ libres d’impôt aux contribuables riches et jusqu’à 1,8 million de dollars aux couples.

(1630)

Deuxièmement, le projet de loi ne cible aucun groupe. Il ne s’applique donc pas seulement aux agriculteurs et aux sociétés de pêche, mais aussi à toutes les sociétés privées sous contrôle canadien, ce qui crée des possibilités de planification fiscale très vastes. Vous vous rappelez peut-être que l’économiste Kevin Milligan a découvert que les sociétés privées sous contrôle canadien sont l’apanage des particuliers à revenu élevé. Compte tenu de la valeur des transactions qui pourrait découler du projet de loi, nous pouvons nous attendre à ce que les personnes les plus fortunées constituées en société profitent de ces dispositions.

Troisièmement, le projet de loi ouvre sérieusement la porte à la fraude. Il permet que des transferts illégitimes d’entreprises soient utilisés pour se prévaloir d’avantages fiscaux. Le projet de loi n’exige pas que le parent cesse de contrôler l’entreprise ni que l’enfant soit intégré dans les affaires de l’entreprise. Cela permettrait aux parents de vendre des parts à une société de portefeuille appartenant à l’enfant, puis comme je l’ai dit, de racheter cette société.

Quatrièmement, le projet de loi représente un coût fiscal considérable pour le gouvernement du Canada. Il y a quatre ans, le directeur parlementaire du budget a évoqué des contributions antérieures, qu’il a estimées à un demi-milliard de dollars. Si l’on tient compte des réactions comportementales alors que de plus en plus d’entreprises de conseil fiscal proposeront ce produit, je ne peux qu’en déduire que ce chiffre sera largement dépassé si ce projet de loi est adopté.

Je vous remercie, chers collègues. Je vous demande de réfléchir à ces amendements pour éliminer ces échappatoires.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Peter Harder : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-208 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 2 :

a) à la page 1, par substitution, aux lignes 24 à 29, de ce qui suit :

« eux aucun lien de dépendance si, à la fois :

(i) l’acheteur est contrôlé par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants du contribuable alors que ceux-ci sont âgés de dix-huit ans ou plus,

(ii) au cours de la période de soixante mois suivant l’achat, l’acheteur ne dispose pas des actions concernées,

(iii) les conditions prévues par règlement sont remplies. »;

b) à la page 3, par adjonction, après la ligne 15, de ce qui suit :

« (3) Les paragraphes (1) et (2) s’appliquent relativement aux dispositions effectuées après le 1er  janvier 2022.

(4) Le ministre des Finances établit un rapport sur les répercussions de la présente loi sur l’intégrité du régime fiscal.

(5) Le ministre des Finances fait déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement dans la première année qui suit la date de sanction de la présente loi ou, si la chambre ne siège pas, dans les quinze premiers jours de séance ultérieurs. ».

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, j’ai écouté avec intérêt le débat sur le projet de loi C-208 et je remercie les sénateurs de l’attention qu’ils lui accordent. En ce qui concerne l’amendement proposé par le sénateur Harder, je voudrais souligner quelques points. Au cours du débat, on s’est interrogé sur le bien-fondé de faire étudier le projet de loi par le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

Honorables sénateurs, si seuls les comités des banques et des finances pouvaient étudier les projets de loi, je crois que nous aurions un problème de taille. En effet, ces comités sont déjà pleinement occupés par l’examen de mesures législatives et pourraient difficilement accepter d’augmenter leur charge de travail. Sommes-nous vraiment en train de laisser entendre que les comités comme le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans et le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles ne sont pas suffisamment outillés pour étudier des projets de loi importants, y compris sur des questions financières? J’espère bien que non. Cette enceinte regorge de sénateurs compétents qui peuvent étudier les projets de loi, écouter les témoins experts, poser des questions et faire des recommandations rationnelles.

Le gouvernement a déterminé que l’agriculture est un secteur névralgique pour la croissance économique dans les années à venir. Par conséquent, il est tout naturel que les préoccupations des agriculteurs soient prises en compte lorsque nous étudions des mesures législatives qui les touchent. De plus, la motion renvoyant le projet de loi au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts pouvait faire l’objet d’un débat et d’amendements, et le Sénat l’a adoptée.

Je précise que le projet de loi a été étudié par le Comité permanent des finances à l’autre endroit. Je pense qu’étudier la question sous l’angle financier dans une Chambre et sous l’angle des ressources naturelles dans l’autre Chambre est une bonne idée.

J’ai entendu certains collègues dire que nous aurions dû entendre plus de témoins qui s’opposent au projet de loi. J’en ai même parlé au président du Comité des finances de la Chambre des communes. Le sénateur Deacon m’a dit à plusieurs reprises qu’il voulait entendre tous les points de vue à ce sujet, en particulier celui des personnes qui s’opposent au projet de loi. Nous avons essayé d’en trouver, sans succès. Comme vous le savez, les intervenants concernés peuvent joindre le greffier du comité et demander à comparaître ou à soumettre des mémoires. Personne ne l’a fait, et aucun des témoins qui auraient pu être défavorables au projet de loi n’a demandé à comparaître devant le comité de la Chambre des communes.

Nous avons aussi entendu dire que les fonctionnaires auraient dû avoir plus de temps pour présenter leurs arguments. Je peux vous assurer que le comité n’a pas ménagé les efforts pour répondre aux besoins des témoins du gouvernement. Des fonctionnaires du ministère des Finances ont été invités à participer à des réunions plus tôt, mais aucun d’entre eux n’a été mis à notre disposition avant le 10 juin. Lors de cette réunion, nous avons fait témoigner les fonctionnaires plus longtemps pour qu’ils puissent répondre aux questions des sénateurs.

En passant, vous aurez entendu dire à maintes reprises que le comité a été bousculé, mais ce n’est pas la seule fois ce mois-ci que cela arrive à un comité. Nous sommes en juin. Tout le monde fait preuve de bonne volonté lors de l’étude des projets de loi, étant donné le peu de temps et de ressources disponibles, que ce soit au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts ou dans d’autres comités.

Je rejette l’idée que le ministère des Finances n’a pas eu le temps de se préparer au projet de loi. Emmanuel Dubourg a présenté une version de ce projet de loi le 11 juin 2015. Plusieurs projets de loi semblables ont été présentés depuis. Le ministère des Finances a donc eu de multiples occasions de proposer des amendements durant ces années, mais il a choisi de ne pas le faire.

Honorables sénateurs, c’est l’une des premières fois depuis la mise en place du nouveau processus de nomination des sénateurs indépendants que nous recevons un projet de loi de la Chambre des communes dans de telles circonstances. Comme vous le savez, il y a des tensions entre le gouvernement et la Chambre des communes élue en ce qui a trait à ce projet de loi.

Gardons à l’esprit que le gouvernement a décidé que le vote serait soumis à la discipline de parti. Malgré cela, 19 députés libéraux ont défié le whip et voté en faveur du projet de loi, y compris le président du Comité des finances de la Chambre des communes, Wayne Easter.

Je veux aussi aborder un enjeu plus personnel soulevé aujourd’hui. J’avais prévu de céder ma place en tant que présidente du comité quand son plus ancien membre m’a dit que je n’avais pas à le faire, me citant des cas semblables. Par exemple, l’ancien sénateur Oliver a présidé le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et était le parrain du projet de loi C-2, la Loi fédérale sur la responsabilité, en 2006.

(1640)

Comme vous le savez, en acceptant cet amendement, nous entérinons de facto la mort du projet de loi, car il mourra au Feuilleton. Je vous invite à voter, comme moi, contre cet amendement pour laisser le projet de loi initial aller de l’avant pour le vote final. Merci.

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole pour m’opposer à cet amendement et pour exprimer mon appui ferme au projet de loi C-208 dans sa forme actuelle. Cet important projet de loi règle enfin le problème de la disposition anti-évitement dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui — presque tout le monde s’accorde à le dire — génère un fardeau fiscal important et inéquitable pour ceux qui veulent véritablement transférer une entreprise familiale, une exploitation agricole ou une société de pêche à la génération suivante. Le projet de loi C-208 nous donne la possibilité d’éradiquer cette pénible réalité qui existe depuis trop longtemps.

Avant de répondre aux préoccupations du sénateur Harder et d’autres intervenants au Sénat, je commencerai par livrer un témoignage personnel pour justifier l’importance de ce projet de loi.

Comme vous pouvez l’imaginer, j’aborde ce problème du point de vue d’un exploitant de petite entreprise. Lorsque j’ai accepté la responsabilité de devenir sénateur, c’était la première fois en 40 ans de carrière que je n’étais pas entièrement responsable de chaque dollar qui m’était versé. C’est la première fois que j’avais un régime d’avantages sociaux ou accès à un régime de retraite. En outre, pendant 20 ans, j’ai été le PDG d’une jeune entreprise où j’étais non seulement responsable de gagner mon salaire, mais aussi de payer les employés qui m’aidaient à faire tourner cette entreprise. Si les revenus de l’entreprise étaient un peu justes pour payer les salariés, ma femme et mes enfants le savaient, car je ne me versais pas de salaire.

À cette époque, je me réveillais un nombre incalculable de fois, complètement paniqué à 3 h du matin, me demandant si j’allais être en mesure de payer les salaires ou de surmonter le nouvel obstacle qui se présentait sur ma route. Toute personne qui a une famille passe par ces hauts et ces bas.

Pour la première fois de ma vie, j’ai aujourd’hui un emploi et un revenu sûrs. Pourtant, je n’arrive pas à me détendre. Le sentiment d’urgence et la peur de l’échec ne s’en vont tout simplement pas.

Contrairement aux employés d’une entreprise, d’une université ou d’un gouvernement, les agriculteurs, les pêcheurs et les entrepreneurs n’ont aucune sécurité d’emploi, aucune sécurité de revenu, aucune prestation sociale et aucune pension. S’ils commettent une erreur, n’emportent pas une vente ou un contrat importants, ils en sont les premières victimes. Il n’y a absolument aucun filet de sécurité. Trop souvent, vous n’avez aucune marge de manœuvre ni dans votre entreprise ni dans vos finances personnelles. Votre entreprise est votre gagne-pain et votre fonds de pension.

Imaginez le choix angoissant que le ministère des Finances du Canada vous impose en ce moment si vos enfants ont la passion et le talent nécessaires pour reprendre les rênes de l’entreprise familiale que vous voulez leur transmettre. Soit vous payez jusqu’à 27 % de plus en impôts supplémentaires, ce qui porte un coup fatal au travail et aux économies de toute une vie, soit vous vendez l’entreprise à un étranger afin de pouvoir mieux financer votre retraite durement gagnée. C’est un choix déchirant.

Je vais maintenant répondre aux critiques dont fait l’objet le projet de loi. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui, comme le sénateur Woo la semaine dernière, soutiennent aujourd’hui que la portée du projet de loi C-208 est trop large, parce que, en plus des entreprises de pêche et des exploitations agricoles, elle inclut les petites entreprises. Le Canada a besoin de plus d’entrepreneurs et l’une des meilleures façons d’avoir plus d’entrepreneurs est de les former, notamment au moyen des transferts intergénérationnels.

J’ai la ferme conviction que la présence de petites entreprises diverses et dynamiques est au cœur de la vie des collectivités. Les petites entreprises donnent de la vitalité et de la personnalité aux villes, aux quartiers et aux villages. Sans elles, il n’y a que des structures sans âme.

Lorsque le Comité de l’agriculture et des forêts a étudié le projet de loi, il a pu profiter de l’avis réfléchi d’un représentant de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, entre autres. Selon les expériences personnelles qui nous ont été racontées, une des choses les plus difficiles pour les propriétaires d’une petite entreprise spécialisée est de trouver un acheteur. Plus l’entreprise est spécialisée, plus c’est difficile. C’est probablement pour cette raison que, selon un sondage récent de la fédération, 25 % des propriétaires espéraient pouvoir transférer leur entreprise à un membre de leur famille.

On a en outre fait valoir que le projet de loi C-208 crée une incohérence qui minerait l’intégrité du code fiscal. Personnellement, je ne crois pas que beaucoup de Canadiens considèrent que le code fiscal du pays soit bien cohérent. À mon avis, l’apparence d’une discrimination arbitraire semble beaucoup plus problématique.

Fait important, le haut fonctionnaire de la Direction de la politique de l’impôt de Finances Canada ne considère pas que cette incohérence est problématique. En réponse à l’une des questions que je lui ai posées au Comité de l’agriculture et des forêts, il a dit que d’un point de vue politique, l’essence du projet de loi C-208 se justifie pour des motifs de neutralité et que cette situation nécessite une exemption à l’application des règles touchant le dépouillement des surplus. Cela veut dire que Finances Canada comprend que la réduction estimée des recettes fiscales que ce projet de loi risque d’entraîner est uniquement attribuable à une iniquité qui existe à l’heure actuelle dans notre régime fiscal.

Le sénateur Woo et d’autres nous ont dit que, s’il est adopté, le projet de loi C-208 donnera lieu à une vague d’évitement fiscal par la voie du dépouillement des surplus. Le but de ce projet de loi consiste à cesser de désavantager de manière aussi incroyablement préjudiciable la vente de véritables entreprises intergénérationnelles, et non de créer des échappatoires ou des occasions d’évitement fiscal. Loin de moi l’idée de faire quoi que ce soit qui puisse favoriser l’évitement fiscal au Canada, et je suis prêt à parier que cela vaut pour tous les sénateurs.

C’est par crainte d’abus possibles que le Comité de l’agriculture et des forêts a cherché à trouver des experts autres que les deux fonctionnaires du ministère des Finances qui ont témoigné devant le Comité des finances de la Chambre. Nous voulions déterminer si les protections actuelles du projet de loi, qui exigent que des évaluations indépendantes soient effectuées et que l’acheteur possède l’entreprise pendant au moins cinq ans, étaient suffisantes. Ni le comité directeur, ni notre greffière, ni même le président du Comité des finances de la Chambre des communes n’ont pu trouver d’autres témoins pour contester le bien-fondé du projet de loi C-208.

En réponse à des questions très directes des membres du Comité des finances de la Chambre, les fonctionnaires du ministère des Finances ont simplement réitéré leur crainte que le projet de loi puisse éventuellement permettre des transferts intergénérationnels en nom seulement afin d’éviter les impôts. Ils ont déclaré qu’ils pensaient que le problème pouvait être résolu, mais n’ont fourni aucune précision sur la manière de le faire et n’ont proposé aucune modification au projet de loi. Ils n’ont même pas recommandé de retarder l’entrée en vigueur du projet de loi ou d’ajouter la capacité de créer des pouvoirs réglementaires spéciaux.

Si le projet de loi est tellement imparfait et les craintes d’abus potentiels sont vraiment justifiées, pourquoi les meilleurs experts en politiques fiscales de notre pays n’ont-ils pas aidé le président et les membres du Comité des finances de la Chambre à cerner et à débattre des amendements précis? J’ai trouvé cela étrange, car tous les experts fiscaux que j’ai rencontrés se complaisent à fournir des détails méticuleux. Pas un seul amendement n’a été présenté au comité ou à l’étape de la troisième lecture à l’autre endroit.

Au comité sénatorial, nous avons demandé aux mêmes fonctionnaires responsables de la politique fiscale s’il était possible d’inclure d’autres mesures de sauvegarde contre l’évitement fiscal. Cette fois-ci, ils ont parlé de la réglementation adoptée en 2016 au Québec et ils ont laissé entendre que le projet de loi pouvait maintenant être amendé, au Sénat, en juin, afin d’y inclure une disposition permettant au ministère des Finances Canada d’adopter des règlements.

Étant donné qu’on leur avait posé la même question à maintes reprises au Comité des finances de la Chambre des communes et qu’ils n’avaient offert aucune suggestion, nous leur avons demandé depuis quand ils connaissaient la réglementation du Québec. Après un long silence, ils ont répondu qu’ils la connaissaient depuis les consultations menées par le ministère auprès des petites entreprises en 2017. Soit dit en passant, c’est cette année-là que le Comité sénatorial des finances nationales a présenté le rapport intitulé Un régime fiscal équitable, simple et concurrentiel : La voie à suivre pour le Canada.

Dans leur rapport, les membres du comité ont indiqué ceci :

Le gouvernement a indiqué qu’il travaillera avec les entreprises familiales, notamment les entreprises agricoles et de pêche, afin de rendre plus efficient et moins difficile le transfert d’entreprises à la prochaine génération.

De plus, le rapport de 2017 ajoute que les règles déjà utilisées par le gouvernement du Québec devraient être adoptées afin de faciliter les transferts intergénérationnels.

Chers collègues, ni la solution ni le problème ne sont nouveaux pour le ministère des Finances, et le problème remonte à plusieurs décennies. Les gouvernements tant conservateurs que libéraux ne l’ont pas réglé. Avant aujourd’hui, personne n’avait rien fait pour abolir cette pénalité fiscale injuste, qui, je le répète, laisse un choix totalement injuste, inutile et douloureux aux propriétaires qui veulent transférer leur entreprise à leur enfant compétent.

On affirme que, en adoptant le projet de loi, le Sénat fera du transfert intergénérationnel de propriété une priorité de politique publique, et ce, de façon arbitraire, mais ce n’est pas le cas. Le projet de loi C-208 ne fait que corriger un déséquilibre injustifiable dans le régime fiscal actuel.

Cela dit, si des problèmes d’évitement fiscal surviennent après l’adoption du projet de loi, de nombreux recours sont à la disposition du gouvernement. Les fonctionnaires du ministère des Finances ont dit au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts que le gouvernement pourrait bientôt ajouter d’autres mesures de protection en vertu de son pouvoir de réglementation. Le ministère des Finances du Canada et le gouvernement pourraient proposer des corrections rapidement par l’entremise d’une motion de voies et moyens. Cette suggestion a aussi été faite par le très estimé président du Comité permanent des finances de la Chambre des Communes, Wayne Easter, un ancien ministre possédant 28 ans d’expérience parlementaire qui a été élu huit fois. Au cours de son discours à l’étape de la troisième lecture, il a rappelé à ses collègues que les agriculteurs, les pêcheurs et les petits entrepreneurs attendent sur la touche depuis des années.

(1650)

Pour ce qui est des options supplémentaires envisageables pour éviter les abus potentiels, plusieurs fiscalistes m’ont prévenu que l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu donnait des pouvoirs extraordinaires à l’Agence du revenu du Canada sous la forme de la règle générale anti-évitement. Cette dernière permet à l’ARC d’imposer des conséquences fiscales néfastes et de refuser tout avantage fiscal résultant directement ou indirectement d’une opération d’évitement. On m’a aussi fait remarquer que les futures modifications apportées au régime fiscal visant à combler des lacunes pourraient être appliquées rétroactivement, ce qui n’est pas problématique si c’est effectué au cours du même exercice fiscal.

Nous avons également entendu l’affirmation que les modifications proposées par le projet de loi C-208 sont, en quelque sorte, régressives. Les données de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante montrent clairement que la vaste majorité des propriétaires de petite entreprise du Canada ne sont pas riches. Les deux tiers gagnent moins de 73 000 $ par année et ont quatre employés ou moins, et près du tiers de ces propriétaires d’entreprise gagnent environ 15 $ l’heure ou moins — et ces données sont antérieures à la pandémie de COVID-19. Je soutiens qu’inclure toutes les petites entreprises ne permettra pas aux riches de s’enrichir, comme certains le prétendent. Les dispositions du projet de loi C-208 offrent une solution de rechange très abordable à la grande majorité des propriétaires de petite entreprise, en particulier si l’on compare cela au coût énorme associé à la situation actuelle.

En conclusion, permettez-moi de résumer les raisons pour lesquelles je vous demande d’adopter ce projet de loi sans amendement.

Premièrement, Finances Canada et les gouvernements libéraux et conservateurs qui se succèdent ne font rien. Ils avaient promis de remédier à cette iniquité en 2017, alors qu’ils étaient parfaitement au fait de la réglementation du Québec. Depuis, trois cycles budgétaires distincts se sont écoulés sans la moindre proposition de solution complète.

Deuxièmement, le projet de loi C-208 vise à remédier à une iniquité profondément injuste et problématique qui existe depuis longtemps dans la Loi de l’impôt sur le revenu et qu’on refuse de rectifier depuis trop longtemps. Le projet de loi C-208 est le produit d’un projet de loi d’initiative parlementaire qui remonte au début 2015. Il n’est pas apparu soudainement tel un projet de loi populiste juste avant une élection, comme certains le prétendent.

Quatre parlementaires de trois partis — le Parti libéral, le NPD et le Parti conservateur — lors de trois législatures différentes ont essayé de corriger cette inégalité. Le projet de loi a été renvoyé au Sénat avec l’appui de députés des cinq partis, dont 19 libéraux parmi lesquels seulement 2 avaient appuyé le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture.

Enfin, si le Sénat adopte le projet de loi et que des abus surviennent par la suite, il y a de nombreuses façons de régler ces problèmes. Ces solutions comprennent la modification de la loi — par exemple dans le cadre d’une motion de voies et moyens qui accorderaient davantage de pouvoirs réglementaires —, le recours à la disposition générale anti-évitement aux termes de l’article 245 et l’application des changements nécessaires de façon rétroactive.

Chers collègues, juste avant que j’accepte l’immense honneur et la responsabilité de ma nomination, le premier ministre Trudeau m’a fait une demande cruciale. Il m’a demandé, à titre de sénateur, de pousser le gouvernement à se dépasser. Je sais qu’il a eu la même conversation avec certains d’entre vous. J’ai répondu : « Absolument, monsieur le premier ministre, c’est pour cette raison que j’ai posé ma candidature. » Depuis, j’ai travaillé de façon collégiale et constructive autant que j’ai pu pour y arriver.

Les petites entreprises, les exploitations agricoles et les entreprises de pêche sont les moteurs d’un nombre incalculable de collectivités. Le transfert des entreprises de génération en génération contribue au patrimoine et à la personnalité de bien des collectivités au pays. Il faut donner aux propriétaires l’occasion de garder leur entreprise au sein de la famille. Nous pouvons maintenant régler ce problème pour de bon. Si vous n’appuyez pas le projet de loi — c’est votre droit le plus strict —, je vous demande de ne pas le torpiller en appuyant l’amendement. Votez simplement contre le projet de loi en tant que tel. Nous savons tous que l’adoption par le Sénat d’un amendement à ce moment-ci de la législature signifie la fin de ce projet de loi.

J’espère sincèrement que vous ferez comme moi et que vous rejetterez l’amendement avant d’appuyer l’adoption du projet de loi C-208 sans amendement. Beaucoup de familles comptent sur nous. Faisons-le pour elles. Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Downe, avez-vous une question? Il nous reste une minute.

Le sénateur Downe : Dans ce cas, reprenons le débat, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Loffreda, vous avez 45 secondes pour poser une question.

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Deacon, merci de votre discours. Il était très instructif. Dans quelle mesure le comité a-t-il discuté de la grande difficulté qu’ont actuellement les membres d’une famille à acheter l’entreprise de leurs parents? Le revenu net est imposé comme un salaire à un taux de 53,31 %, alors que, dans le cas d’une société, il est possible de procéder en fonction des gains futurs...

Le sénateur Mercer : Posez votre question.

Le sénateur C. Deacon : Merci de votre question, sénateur Loffreda. Je dirais que, l’un des plus grands problèmes, c’est que bien des entreprises ne peuvent pas profiter des 10 années auxquelles elles ont actuellement droit. Les parents doivent obtenir les ressources dès le départ; alors, ils sont placés devant cet horrible choix. La situation actuelle est profondément injuste. À l’étape du comité où nous avons entendu les différentes histoires...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénateur Deacon, mais votre temps de parole est écoulé.

[Français]

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je viens d’écouter les commentaires et les discours de mes collègues et j’irai tout de suite à ma conclusion. Je ne parlerai pas de toutes les règles fiscales qu’on a présentées ou énumérées ici. J’aimerais toutefois faire comprendre une chose à mes collègues, et je commencerai avec un commentaire que le sénateur Dalphond a fait. On a présenté l’historique des travaux qui ont été réalisés dans ce dossier. Des projets de loi ont été déposés à la Chambre des communes à trois reprises et aucun ne s’est rendu en comité.

En 2020, donc tout récemment, le projet de loi C-208 a été présenté à la Chambre des communes et y a été étudié pour la première fois. Même si on discute de ce projet de loi depuis 10 ans, ce n’est que depuis quelques mois qu’il est à l’étude.

Le projet de loi a été renvoyé au Sénat le 25 mai, et, le 3 juin, il a été renvoyé au comité pour étude. Il traite de lois fiscales importantes. Le Comité de l’agriculture n’a tenu que deux réunions. On nous dit pourtant que le sujet traîne depuis des années.

Nous n’avons pas examiné ce projet de loi adéquatement. En tant que sénatrice, je suis déçue et frustrée d’entendre de tels commentaires. On tente de passer au-dessus de moi pour me demander de voter sur un projet de loi qui a été mal étudié. Allons-nous accepter de voter sur un projet de loi qui a été mal présenté? Je trouve tout à fait perturbant que l’on agisse ainsi, surtout lorsqu’il est question d’impôts.

Les arguments qui ont été présentés par tout le monde sont excellents. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif, et vous ne me ferez pas croire que nous avons examiné objectivement ce projet de loi. Je regrette, mais je ne puis aller aussi loin, et pourtant, j’ai essayé.

Avant que le sénateur Woo nous dise, la semaine dernière, qu’il y a des problèmes réels en ce qui concerne ce projet de loi, tout le monde passait outre comme si nous étions devant un fait accompli. C’est ce genre de « fait accompli » qui me frustre comme sénatrice. On ne devrait pas accepter d’étudier des projets de loi pendant deux réunions, pour ensuite refuser de voter sur un élément ou accepter de voter sur un amendement. Ce n’est pas juste envers les fermiers, ni les pêcheurs, ni les PME; ce n’est pas juste envers les Canadiens.

Je regrette, chers collègues, mais je ne voterai pas en faveur de ce projet de loi. Je suis extrêmement déçue de voir que nous tenons un débat à ce sujet. Je trouve cela tout à fait insensé. J’ai l’impression qu’on essaie de faire passer quelque chose en vitesse sous notre nez, et je trouve cela vraiment problématique.

Vers la fin des années 1960 et au début des années 1970, l’honorable sénateur Salter Hayden siégeait dans cette Chambre.

[Traduction]

Le sénateur Hayden a été le fer de lance du comité sénatorial qui a étudié les propositions de réforme fiscale. La refonte complète du système fiscal qui s'est effectuée à l’époque a été une belle réussite pour le Sénat. Peut-être serait-il temps que le Sénat refasse l’exercice et règle le problème. Au lieu d’un code fiscal à la carte constitué de corrections ponctuelles, nous pourrions avoir un code fiscal actualisé et adapté aux besoins de notre temps.

(1700)

Je pense que c’est très important que nous nous penchions sur la question avant de partir pour l’été. Je vais m’arrêter là. J’ai beaucoup d’autres arguments, mais je pense en avoir dit assez, et j’espère que vous voterez contre l’amendement et contre le projet de loi, car cette mesure devrait mourir au Feuilleton. Je vous remercie, chers collègues.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une question à poser, sénateur Forest?

L’honorable Éric Forest : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Allez-y, mais vous voyez mon humeur.

Le sénateur Forest : Je vais vous donner le temps de vous calmer un peu. Effectivement, il y a longtemps que les choses traînent, mais nous n’avons pas dit que les choses traînaient depuis longtemps au Sénat. Il y a quand même eu trois tentatives auparavant.

Lorsque vous parlez d’une réponse fiscale, il est fort pertinent de l’évaluer. La première valeur que doit porter une fiscalité, c’est son équité; il faut être équitable dans tout ce qui concerne l’effort fiscal de l’ensemble des contribuables. Qu’il s’agisse d’impôt foncier, d’impôt provincial ou d’impôt fédéral, l’effort fiscal équitable est nécessaire. Nous reconnaissons tous foncièrement que ce projet de loi, en ce qui a trait aux transferts des commerces apparentés, est inéquitable. Il pourrait y avoir une évaluation fiscale à la hauteur de 279 millions de dollars parce qu’on irait chercher l’argent dans les poches des Canadiens et des Canadiennes dans le cadre d’une transaction apparentée qui est inéquitable. Ce serait encore plus gênant que de craindre de déséquilibrer la fiscalité fédérale si ce projet de loi était adopté, parce que je crois d’abord et avant tout à l’équité dans notre système fiscal; pourtant, dans ce cas-ci, le système est inéquitable. Est-ce que vous partagez cet avis?

La sénatrice Moncion : Comme je l’ai dit dans mon discours, la complexité et le temps qui nous a été alloué pour étudier le projet de loi ne me permettent pas d’en arriver à cette conclusion, sénateur Forest. Je suis persuadée qu’il y a des échappatoires et toutes sortes d’injustices dans le code. Nous n’avons pas fait cette étude. On nous demande de voter sur un projet de loi que nous n’avons pas eu le temps d’étudier comme il se doit.

J’ai travaillé avec des gens de tous les secteurs, sauf le secteur de la pêche. Dans une entreprise où j’ai travaillé, depuis 2010, on évaluait le nombre de transferts intergénérationnels qui auraient lieu. Les problèmes existent depuis longtemps. Mon problème ici, aujourd’hui, relève de la complexité associée à toutes ces règles et a trait au fait que l’étude du projet de loi s’est faite en deux réunions seulement.

En fait, le gouvernement nous demande de prendre des décisions sur un seul petit projet de loi, le projet de loi C-208. Cette frustration que je ressens à l’égard du projet de loi C-208, je la ressens également à l’égard du projet de loi C-218. C’est exactement la même chose. On nous glisse des choses sous le nez parce que nous sommes à la fin de la session, on nous demande de voter, de rendre des décisions et d’adopter des projets de loi pour qu’ils obtiennent la sanction royale. Cette façon de procéder ne fonctionne pas, sénateur Forest. Ce n’est pas le projet de loi lui-même qui est en cause. J’aimerais avoir l’occasion de l’étudier dans sa totalité et de proposer de vraies solutions adaptées aux PME, au secteur des pêches et au secteur agricole, après avoir entendu des témoins et avoir compris les vrais enjeux que doivent gérer ces entreprises, qu’il s’agisse de transfert d’entreprise, d’emprunts ou de planification.

Le sénateur Forest : Si je tiens compte de votre logique, pour être équitables, nous devrions bloquer le projet de loi C-208 et tous les projets de loi dont nous avons été saisis à la dernière minute?

La sénatrice Moncion : Ce n’est pas ce que je dis, sénateur Forest. Si nous voulons être équitables, nous devons faire le travail comme il faut, et pour ce faire, il faudra tenir plus de deux réunions et il faudra entendre d’autres témoins, en plus des comptables ou des experts en chiffres qui ne nous parlent qu’en faveur du projet de loi, pour être en mesure d’en faire une étude approfondie, et pas seulement un travail à la pièce pour être en mesure de corriger un seul petit problème qui en occasionnera peut-être cinq ou six autres.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Bellemare, vous avez une question à poser?

L’honorable Diane Bellemare : Est-ce que la sénatrice Moncion accepterait de répondre à une autre question?

La sénatrice Moncion : Oui, et je vais essayer de me calmer.

La sénatrice Bellemare : Je veux tout d’abord vous féliciter pour la passion avec laquelle vous avez traité cette question. Comme je le disais récemment à quelqu’un qui suivait les travaux du Sénat, nous nous trouvons dans une espèce d’orgie de projets de loi que nous devons adopter à toute vitesse.

J’ai également de gros problèmes avec cette façon de procéder. Lorsque nous devons adopter des projets de loi d’intérêt public du Sénat ou de la Chambre des communes, nous savons bien que ces projets de loi n’ont pas été étudiés avec la même rigueur.

Sénatrice Moncion, seriez-vous d’accord pour dire que nous devrions instaurer une façon de procéder qui nous permettrait de travailler avec rigueur à toutes les étapes qui doivent être franchies pour adopter un projet de loi? Dans cette optique, je suis d’accord avec vous pour dire que la procédure a peut-être été un peu négligée. Êtes-vous d’accord avec moi?

La sénatrice Moncion : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Votre question a réussi à me calmer.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Loffreda, avez-vous une question à poser?

Le sénateur Loffreda : Est-ce que la sénatrice Moncion accepterait de répondre à une autre question?

La sénatrice Moncion : Oui, sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Étant donné que vous êtes plus calme, je vais en profiter pour vous poser une question. Beaucoup d’études ont déjà été faites par des firmes comptables et des chambres de commerce. Plusieurs sont en faveur de ce projet de loi. Qu’est-ce qui nous empêche, comme sénateurs, de lire ces projets de loi et de mener des études? Je lis au sujet de ce projet de loi depuis quelques jours. Je n’ai pas prononcé de discours, parce que le sénateur Deacon a fait un discours exceptionnel et que je voulais contribuer d’une autre façon.

Qu’est-ce qui nous empêche de faire ces lectures et ces recherches sans que ce travail soit nécessairement toujours entrepris dans un comité? Avec votre expérience, vous pourrez peut-être répondre à ma question. Merci.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de cette question, sénateur. Les sénateurs ont des champs d’expertise très diversifiés. Certains étudient les questions fiscales, alors que d’autres étudient les questions financières ou sont, comme la sénatrice Galvez, des sommités dans leur domaine ou des experts de la Loi constitutionnelle. Lorsque l’on pense au travail que doit effectuer un sénateur, on constate qu’il ne s’agit pas d’un, deux ou trois sénateurs, mais bien d’un travail collectif. La beauté d’être au Sénat, c’est d’avoir accès à l’expertise de nos collègues au moment où nous en avons besoin. Nous l’avons vu au cours des dernières semaines.

J’ai lu sur ce projet de loi, mais je suis en train d’en préparer un autre. Je n’ai pas pu consacrer autant de temps que je l’aurais souhaité à celui-ci. J’en arrive même à me dire qu’en fin de compte, nous n’avons peut-être pas assez de temps pour arriver à ces conclusions. Si nous faisions un travail plus exhaustif, peut-être en arriverions-nous aux mêmes solutions ou à d’autres solutions mieux adaptées aux besoins de nos pêcheurs, de nos agriculteurs et de nos PME.

Il faut essayer. Quelqu’un m’a demandé comment ce projet de loi fonctionnait. Je lui ai répondu que, lorsque j’examinais la Loi de l’impôt sur le revenu, je voyais un vieux bateau qu’on est en train de colmater avec des morceaux, et qu’il y a bien longtemps que l’on essaie de réparer un bateau qui prend l’eau. Le bateau doit être reconstruit au complet pour que nous ayons un code des impôts adapté et beaucoup plus flexible que celui que nous avons maintenant.

Le sénateur Loffreda : Sénatrice Moncion, si je comprends bien, ce n’est pas que vous êtes en désaccord avec les firmes comptables, les experts, les études et les recherches ni que vous ne leur faites pas confiance. Ce que vous voulez, c’est plus de temps. Beaucoup d’études et de recherches vont dans le même sens que le projet de loi et bien des experts estiment qu’il faut corriger cette iniquité. Ai-je bien compris?

(1710)

La sénatrice Moncion : C’est exactement cela. Je ne mettrai pas en doute l’expertise des comptables. Par contre, je m’attends à ce que le Sénat puisse mener des études objectives, étant donné son rôle de Chambre de second examen objectif, responsable d’étudier tous les projets de loi qui sont présentés, qu’ils viennent du Sénat ou de la Chambre des communes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il ne reste que 15 secondes au temps de parole de la sénatrice Moncion. Il y a trois autres sénateurs qui veulent poser des questions.

[Traduction]

L’honorable Percy E. Downe : Chers collègues, j’avais l’intention de poser une question au sénateur C. Deacon à propos de son excellent discours, mais nous avons manqué de temps. J’aimerais par contre faire quelques observations sur cette mesure législative.

Le problème majeur concernant ce projet de loi réside dans le fait que le gouvernement s’y oppose, point final. Ce projet de loi est à l’étude depuis des années. Il ne suscite absolument aucune inquiétude sur les plans de l’évitement fiscal, de la répartition des recettes fiscales ou de la fraude fiscale. Comme le sénateur C. Deacon l’a correctement souligné dans son discours, l’Agence du revenu du Canada peut facilement remédier à ces problèmes au moyen de directives ou de règles comptables et des avis d’interprétation de ces dernières. L’Agence a tous les outils nécessaires.

Chers collègues, que le gouvernement s’inquiète soudainement de l’évasion fiscale est risible. À ce chapitre, nous avons été témoins de ce qu’il a fait — et de ce qu’il n’a pas fait — au fil des années. J’attire votre attention sur un article du National Newswatch où il est question de l’échec — qui se répète — du gouvernement à intenter des poursuites et à condamner les plus riches.

Ce projet de loi touche les agriculteurs et les pêcheurs. Ceux-ci ont désespérément besoin de notre aide, et ce, dès maintenant. Je suis d’accord avec le commentaire qui a été formulé : le régime fiscal devrait être revu. Le temps que ce processus soit complété, j’aurai toutefois pris ma retraite du Sénat. Or, l’aide est attendue maintenant, dès aujourd’hui.

J’ai pensé que la sénatrice Griffin a soulevé un point essentiel. Le gouvernement était tellement opposé au projet de loi qu’il a forcé un vote de parti. Je sais que la plupart des sénateurs comprennent ce que cela signifie, mais pour ceux qui l’ignorent, laissez-moi vous dire le prix que vous payez lorsque vous allez à l’encontre de la consigne du whip. Scott Simms est un député de Terre-Neuve-et-Labrador. Il a voté contre le gouvernement lors d’un vote de parti il y a quelques années et il a immédiatement perdu la présidence du Comité des pêches. On punit ceux qui votent contre la volonté du whip. Les députés sont forcés de voter de cette façon. Le fait que 19 libéraux aient voté sans tenir compte de la consigne du whip et du chef du parti est donc très révélateur. Ils savent que le projet de loi est nécessaire et c’est pourquoi ils ont voté contre la volonté du whip.

Le sénateur Deacon a également mentionné le président du Comité des finances, un président de longue date, l’ancien ministre Wayne Easter, qui a non seulement voté en faveur du projet de loi, mais qui l’appuie et qui essaie, par tous les moyens, de le faire adopter depuis des années.

Chers collègues, il existe toutes sortes de raisons d’appuyer le projet de loi, mais l’évitement fiscal et l’argument fiscal n’en font pas partie. En effet, rien n’indique du côté du gouvernement que les riches Canadiens qui utilisent des stratagèmes d’évitement fiscal sont punis alors que le gouvernement s’en prend soudainement aux agriculteurs et aux pêcheurs. Ce serait certainement la première fois que nous verrions de la part du gouvernement un intérêt à percevoir les impôts dus par des Canadiens. Le projet de loi est important pour une foule de raisons et j’ai l’intention de l’appuyer.

Je tiens à dire que je suis un partisan, un contributeur financier et un électeur de longue date du Parti libéral du Canada, mais cela ne signifie pas que le gouvernement libéral a toujours raison. Nous ne parlons pas ici de la Corée du Nord où il faut se prosterner devant le leader. Le gouvernement commet des erreurs. C’est l’une d’entre elles. Les libéraux auraient dû appuyer le projet de loi.

J’ai l’intention d’appuyer ce projet de loi, et par la même occasion les agriculteurs et les pêcheurs. Je n’appuie pas les représentants de Finances Canada qui sont venus témoigner et qui, découvrant soudainement ce qui se passe, s’opposent à cette mesure. Si je dois choisir entre les fonctionnaires du ministère des Finances et les agriculteurs, les pêcheurs et leur famille — qui tirent le diable par la queue pour toutes les raisons que le sénateur Deacon a énumérées au sujet de leurs maigres revenus et des luttes qu’ils mènent pour nourrir la population et contribuer à l’économie rurale —, le choix est facile à faire. J’espère que vous ferez comme moi et que vous appuierez ce projet de loi. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Pat Duncan : Sénateur Downe, j’ai déjà écouté vos discours et je respecte votre expérience en ce qui concerne l’évitement fiscal et la capacité — ou l’incapacité — du gouvernement, selon le point de vue, de s’attaquer à ce problème.

Je ne suis pas une experte dans ce genre de projet de loi, mais je ne crois pas avoir entendu parler dans ce débat du fait que le transfert intergénérationnel d’une entreprise est imposé à hauteur de 48 %, que celui d’une entreprise à une société canadienne est imposé à hauteur de 26 %, et que ce même transfert à un étranger est imposé à hauteur de 13 %.

Au Yukon, on parle souvent des entreprises d’exploitation des placers comme s’il s’agissait de fermes familiales. Si je comprends bien, si une exploitation de placers était vendue à une entité étrangère, la transaction serait imposée à un taux beaucoup moins élevé que si était vendue ou transférée à un membre de la famille. Je me demande si, lors de toutes les discussions qui ont eu lieu au sujet de ce projet de loi, quelqu’un a calculé le nombre de transferts à des entités étrangères et à des entités canadiennes, ainsi que le nombre de transferts intergénérationnels.

Le sénateur Downe : C’est une excellente question, sénatrice Duncan, et vous avez bien souligné les désavantages que le régime fiscal fait subir aux agriculteurs et aux pêcheurs. Je ne peux pas répondre à la question en détail, mais je crois que vous avez bien indiqué les divers taux d’imposition qui s’appliquent aux Canadiens et aux non-résidents, et les désavantages que subissent actuellement les pêcheurs et les agriculteurs en milieu rural ainsi que leur famille.

La sénatrice Duncan : Je remercie le sénateur Downe de sa réponse franche. J’invite les autres sénateurs qui pourraient avoir de l’information à m’en faire part. Sénateur Downe, êtes-vous favorable à ce que le Comité des finances nationales se penche sur le régime fiscal? Je félicite sincèrement la sénatrice Moncion d’avoir défendu cette idée avec ardeur.

Le sénateur Downe : Je pense que c’est une excellente proposition. Ma seule crainte ou réserve, c’est que cela puisse faire dérailler complètement l’étude de ce projet de loi et que les agriculteurs et les pêcheurs soient alors obligés d’attendre des années.

Comme le sénateur C. Deacon l’a indiqué, à juste titre, toute erreur ou lacune dans ce projet de loi pourrait être rapidement cernée par l’Agence du revenu du Canada et le ministère des Finances, et elle peut être corrigée très rapidement de différentes façons.

Pour ce qui est d’examiner le régime fiscal, se pencher sur les grandes questions d’ensemble est exactement le genre de travail que le Sénat devrait faire régulièrement. Nous ne devrions pas essayer de faire concurrence au travail des députés. L’étude des politiques d’ensemble est le genre de travail que le Sénat devrait être en mesure d’entreprendre avec brio.

La sénatrice Duncan : Merci, sénateur Downe. Je suis complètement d’accord avec vous.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur C. Deacon, avez-vous une question à poser?

Le sénateur C. Deacon : Oui. Sénateur Downe, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Downe : Oui, bien sûr.

Le sénateur C. Deacon : Je veux dire à quel point je souscris à vos propos, aux réflexions de la sénatrice Duncan et aux propositions faites par la sénatrice Moncion.

Depuis combien d’années vous penchez-vous, dans cette enceinte, sur les questions d’évitement fiscal et d’évasion fiscale à l’étranger? Quand avez-vous commencé ce travail? À mon avis, ce n’est pas un problème pour lequel on peut blâmer un gouvernement en particulier. Ils ont tous leur part du blâme. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le sénateur Downe : Vous avez raison. C’est un problème qui dure depuis au moins une décennie. Comme je l’ai dit récemment au Sénat, grâce à l’intervention personnelle de la ministre des Finances, il y a enfin des nouvelles importantes pour la lutte contre l’évasion fiscale, soit l’établissement d’un registre de la propriété effective. Le seul hic, c’est qu’il sera prêt dans quatre ans.

(1720)

Le sénateur Gold se renseigne pour savoir pourquoi cela prendra tant de temps et comment l’argent sera dépensé. Il a dit au Sénat qu’il reviendrait avec une réponse à ma question. L’établissement de ce registre prendrait toutefois quatre ans. Une telle initiative est néanmoins un bon début, et tout le mérite revient à la ministre des Finances. Diverses personnes à Ottawa m’ont dit qu’elle est intervenue personnellement. En fait, dans un article publié dans La Presse au cours des deux dernières semaines, on peut lire une entrevue avec l’actuelle ministre du Revenu où elle blâme essentiellement l’ancien ministre des Finances de n’avoir rien fait dans le dossier de l’évasion fiscale, ce que j’ai trouvé plutôt intéressant. Cela dit, la ministre Freeland mérite toutes nos félicitations.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie, sénateur Downe. Je suis tout à fait d’accord à propos des efforts de la ministre des Finances Freeland à cet égard. C’est un premier pas tout à fait fantastique.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je suis convaincu que le sénateur Plett est ravi de me voir prendre la parole pour faire un autre discours. J’avais préparé un long discours de 15 minutes, mais je ne vais pas le prononcer. Je vais plutôt me contenter d’une version abrégée. Je crois cependant que les réflexions que j’ai entendues durant ce débat intéressant méritent que je fasse quelques observations.

Si nous acceptons que le gouvernement corrige plus tard les lacunes du projet de loi, pourquoi accepterions-nous d’adopter un projet de loi truffé de lacunes, alors que nous savons que le gouvernement ne siégera pas avant l’automne? Le gouvernement n’a qu’à s’en occuper.

Des lacunes ont été soulevées et trois options ont été envisagées. Certains sénateurs suggèrent que le projet de loi soit amendé par le gouvernement, mais soyons réalistes : ce projet de loi ne contient aucune disposition d’entrée en vigueur. Autrement dit, à moins que l’amendement proposé par le sénateur Harder soit adopté, le projet de loi entrera en vigueur dès qu’il obtiendra la sanction royale. Cela pourrait se produire demain ou vendredi. Si c’est le cas, à partir de ce jour, les Canadiens pourront se prévaloir de la nouvelle option fiscale qui leur est offerte. Comme on nous l’a dit, de nombreuses personnes envisagent de prendre leur retraite. Cela constituerait donc une bonne occasion de le faire et d’établir sa planification fiscale en conséquence. Même si le gouvernement s’y oppose, nous savons qu’il existe une possibilité. C’est la première chose qu’il faut comprendre.

Le projet de loi entrerait en vigueur le jour où il recevra la sanction royale et, s’il faut l’amender pour le corriger, cela ne se produira pas avant la fin de cette semaine. Nous savons que cela se produira en quelques mois si nous reprenons nos travaux cet automne, ou après les élections, si elles ont lieu. L’échappatoire fiscale sera pleinement ouverte pendant quelques mois et n’importe qui pourra en profiter, avec les bons conseils d’un comptable.

Deuxièmement, certaines personnes affirment que l’on pourrait régler le problème en prenant règlement. Encore une fois, c’est possible si la loi permet au gouvernement d’adopter des règlements pour compléter la mesure législative. Il en a été ainsi avec les projets de loi spéciaux qui ont été adoptés durant la pandémie. L’un d’entre eux proposait de donner au gouvernement le pouvoir de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu et nous nous y sommes tous opposés. L’autre endroit n’était pas d’accord non plus. Pour mettre en place des restrictions et offrir une période appropriée pour détenir des actions avant de pouvoir les transférer à une autre partie, il faut être autorisé à compléter la loi en vertu d’une disposition de la loi indiquant que le gouverneur en conseil peut prendre règlement pour définir cela.

Un autre moyen de remédier aux lacunes a été suggéré. De nombreux sénateurs semblent reconnaître qu’il y a des lacunes. Ils disent que l’Agence du revenu du Canada peut régler la situation; elle peut adopter des directives ou publier un bulletin d’interprétation. Je répète toutefois que ce n’est pas ce que le texte de loi prévoit. Si la loi stipule qu’il est permis de le faire d’une certaine façon, l’Agence du revenu du Canada ne peut pas publier un bulletin d’interprétation ou adopter des méthodes internes qui contrediraient ce que le Parlement a décidé.

S’il est possible de le faire de cette façon et qu’il n’est pas nécessaire d’être à la tête de l’entreprise, la personne peut procéder à l’achat. Un étudiant installé à Vancouver pourrait acheter des parts de la société agricole de son père au Québec et prétendre qu’il ne l’utilise pas et qu’il n’exploite pas la ferme. L’Agence du revenu du Canada ne pourrait rien n’y faire. Elle n’a pas le pouvoir de modifier ces conditions. La loi s’applique et elle doit être interprétée telle qu’elle est rédigée. Les juges de la Cour de l’impôt réprimanderont l’Agence du revenu du Canada si elle ose modifier la loi que nous avons adoptée.

En toute honnêteté, si vous êtes d’avis que le projet de loi contient des lacunes, il est impossible de l’adopter sans l’amendement proposé par le sénateur Harder. C’est très important. C’est tout ce que je voulais dire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent. Je vois deux sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Le sénateur Plett : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente pour une sonnerie de 15 minutes?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vais reposer la question. Tout le monde est-il d’accord pour une sonnerie de 15 minutes?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’ai entendu un non. Alors ce sera une sonnerie d’une heure. Le vote aura lieu à 18 h 27. Convoquez les sénateurs.

(1830)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Harder, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Forest-Niesing
Bellemare Francis
Boehm Gagné
Boniface Gold
Bovey Harder
Boyer LaBoucane-Benson
Brazeau Lovelace Nicholas
Christmas Marwah
Cordy Mercer
Cotter Moncion
Coyle Munson
Dalphond Ringuette
Dasko Saint-Germain
Dawson Simons
Dean Woo—31
Duncan

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Black (Alberta) McCallum
Black (Ontario) McPhedran
Boisvenu Mégie
Busson Miville-Dechêne
Campbell Mockler
Carignan Moodie
Dagenais Ngo
Deacon (Nouvelle-Écosse) Oh
Deacon (Ontario) Pate
Downe Patterson
Forest Petitclerc
Galvez Plett
Greene Poirier
Griffin Ravalia
Hartling Richards
Housakos Seidman
Kutcher Smith
Lankin Stewart Olsen
Loffreda Wallin
MacDonald Wells—45
Manning

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bernard Klyne
Cormier Wetston—5
Dupuis

(1840)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures passées, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et aux ordres adoptés le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Des voix : Suspendre.

Son Honneur le Président : La séance est suspendue jusqu’à 19 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Griffin, appuyée par l’honorable sénateur Black (Alberta), tendant à la troisième lecture du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, par souci de clarté, l’amendement a été défait. Nous reprenons maintenant le débat sur la motion principale. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Harder : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi C-209, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter).

Chers collègues, j’ai suivi ce débat et je tiens à dire d’emblée que j’admire le dévouement de la sénatrice McPhedran à l’égard de cette cause. Je sais qu’elle y croit profondément et qu’elle n’a pas ménagé ses efforts pour faire valoir ses arguments au Sénat.

J’aimerais ajouter que, tout comme elle, je crois que nos jeunes ont beaucoup à offrir. Ils ne sont pas simplement les leaders de demain; ils peuvent grandement contribuer à la société dès aujourd’hui. Bon nombre d’entre eux ont déjà trouvé leur voie, participent à d’importantes discussions publiques et apportent une grande contribution aux débats publics. Les points de vue et les opinions des jeunes sont importants, et il faudrait écouter ce qu’ils ont à dire. Nous ne gagnons absolument rien à diminuer leur importance.

Je crois moi aussi que nos jeunes devraient participer à la vie politique et aux campagnes électorales. J’étais jeune lorsque je suis devenu membre du Parti conservateur, et je n’avais que 15 ans lorsque j’ai fait du bénévolat pour la première fois à titre d’agent électoral pour Jake Epp, qui a longtemps été député. Mon père m’a fait participer à cette campagne et à d’autres campagnes par la suite. J’y ai acquis de l’expérience qui m’a permis de développer un grand intérêt pour la politique et le service public.

Toutefois, chers collègues, bien que j’appuie les jeunes et que je reconnais clairement leurs contributions importantes, cela ne signifie pas que les jeunes devraient avoir tous les droits et toutes les responsabilités qui reviennent actuellement aux adultes ayant atteint l’âge de la majorité.

Beaucoup d’activités sont restreintes par l’âge et je tiens à souligner que toutes ces restrictions ont été déterminées par le processus démocratique, qui est contrôlé par les gens qui sont en âge de voter.

Si nous faisons passer l’âge de voter de 18 à 16 ans, comment pouvons-nous interdire aux jeunes de 16 ans d’acheter également de l’alcool, du tabac et du cannabis? Qu’en est-il des armes à feu et des jeux de hasard? Si vous êtes assez âgé pour décider qui devrait être le premier ministre du Canada, n’êtes-vous pas aussi assez âgé pour toutes ces activités?

Qu’en est-il du processus pour se porter candidat à une charge publique? Si vous pouvez voter à une élection, ne devriez-vous pas être en mesure de vous porter candidat à une élection? Croyons-nous que tous les jeunes de 16 ans sont prêts à assumer le poids et les responsabilités d’une charge publique?

Qu’en est-il d’aller voir un film réservé aux adultes ou de se marier sans l’autorisation des parents? Allons-nous permettre à des jeunes de 16 ans d’intenter des poursuites en leur nom ou d’être l’objet de poursuites? Allons-nous leur donner le droit de signer des contrats liant les parties? Voilà des responsabilités qui sont restreintes en fonction de l’âge, à très juste raison d’ailleurs. Si nous abaissons l’âge du vote à 16 ans, il n’y a aucune raison logique d’empêcher ces mêmes Canadiens de participer aux aspects de la société sur lesquelles leur nouveau droit de vote a une incidence.

Chers collègues, ma principale préoccupation à l’égard de ce projet de loi est son origine. Il est issu de la mauvaise Chambre. Le Sénat est nommé, et je crois fermement que nous ne sommes pas en position de proposer une mesure législative qui aura principalement une incidence sur la Chambre élue.

Le sénateur Wells a très bien éclairci ce point dans son discours et je suis entièrement d’accord avec lui. Je le cite : « Les décisions concernant les élections doivent être confiées à la Chambre élue. » Les élections servent à déterminer directement qui siégera à l’autre endroit. En tant qu’élus, ce sont les députés qui devraient proposer toutes les modifications requises dans ce processus, y compris déterminer qui peut se qualifier comme électeur.

Si les députés décidaient de proposer une telle mesure législative, il incomberait au Sénat de l’examiner et de recommander des amendements. Entretemps, je considère que nous violerions la procédure établie si un projet de loi de cette nature émanait d’ici.

Chers collègues, comme je l’ai dit à maintes reprises, même lorsque je ne suis pas en faveur d’un projet de loi en particulier, j’appuie quand même son renvoi au comité pour qu’il soit étudié davantage.

Chers collègues, le projet de loi est une exception, selon moi. Les mesures législatives qui modifient le processus électoral ne sont pas du ressort de cette Chambre. C’est l’assemblée élue démocratiquement qui devrait choisir de modifier le processus démocratique.

Je m’oppose au projet de loi en principe et, franchement, je crois qu’il ne devrait pas aller plus loin. Chers collègues, j’ai envisagé de demander un vote par appel nominal, tout simplement pour exprimer mes réserves envers le projet de loi. Cependant, j’estime avoir gaspillé assez de temps à voter ce soir. Je vais permettre le renvoi du projet de loi au comité. À mon avis, le projet de loi sera adopté avec dissidence. Certains souhaitent peut-être la tenue d’un vote par appel nominal, mais nous n’en demanderons pas une. Nous sommes prêts à laisser le projet de loi passer à l’étape de l’étude en comité.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? L’honorable sénatrice McPhedran propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Loffreda, que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice McPhedran, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(1910)

Projet de loi de Jane Goodall

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-218, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (grands singes, éléphants et certains autres animaux).

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, j’aimerais ajourner le débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénateur Plett, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Que les sénateurs qui s’y opposent veuillent bien dire non.

L’honorable Terry M. Mercer : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ».

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, j’ajourne le débat à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur une approche axée sur la santé en matière de consommation de substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénateur Woo, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-229, Loi concernant une stratégie nationale de décriminalisation des substances illégales et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et d’autres lois en conséquence.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Boniface d’avoir présenté ce projet de loi qui vise à rendre les collectivités plus sûres, plus saines et plus justes en modifiant l’approche du Canada en matière de politique sur les drogues.

Comme certains le savent, ma nomination au Sénat a été annoncée le même jour que celle de la sénatrice Boniface. Les manchettes des journaux se demandaient comment une sommité des milieux policiers et une militante des droits des détenus allaient collaborer en cette enceinte. Comme c’est souvent le cas, les manchettes ne parlaient pas des nombreux intérêts que nous avons en commun. La décriminalisation des drogues est l’un de ces intérêts. En raison de nos carrières professionnelles respectives, nous ne connaissons que trop bien les réalités des personnes qui se retrouvent à la rue, dans le système de justice pénale, le système carcéral et qui meurent pour des raisons évitables.

La sénatrice Boniface et d’autres collègues ont bien expliqué les multiples preuves démontrant que la soi-disant « guerre contre la drogue » et ses politiques en matière de droit pénal prônant la tolérance zéro ne fonctionnent tout simplement pas. Cette approche ne décourage pas la consommation de drogues et ne rend pas les collectivités plus sûres. En fait, elle les rend moins sûres en transformant en criminels et en stigmatisant des personnes qui ont besoin de mesures de soutien économiques, sociales et sanitaires, ce qui les pousse à vivre en marge de la société, à se retrouver dans la rue ou en prison et à éventuellement trouver la mort.

En effet, en 2020, l’Association canadienne des chefs de police s’est jointe au nombre croissant de spécialistes et de militants — et on a annoncé aujourd’hui que les maires des plus grandes villes de l’Ontario s’y sont joints également — pour réclamer la fin des sanctions pénales obligatoires pour la possession de drogue, et pour proposer plutôt de faciliter l’accès à d’autres mesures, y compris des traitements. Cet intérêt croissant du public pour la décriminalisation arrive au milieu d’une crise des opioïdes qui n’a fait que s’aggraver avec la pandémie de COVID-19.

Les Canadiens ont vu que d’autres pays, comme le Portugal, ont répondu aux crises liées à la consommation de drogue en adoptant des politiques de décriminalisation, semblables à celles envisagées dans le projet de loi S-229, qui ont amélioré l’accès aux soins de santé, l’accès au logement et le bien-être économique tout en réduisant les incarcérations, et ce, sans entraîner une hausse notable de la criminalité et de la consommation de drogues illicites.

Il est temps pour le Canada de faire preuve du même genre de leadership, notamment parce que ce sont surtout les plus marginalisés qui ont dû assumer les risques et qui ont dû vivre avec les conséquences du statu quo en matière de santé, de sécurité et de droit pénal. L’approche punitive du Canada par rapport aux politiques antidrogue a permis au racisme et aux inégalités de s’enraciner en criminalisant de façon démesurée les femmes, les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, les sans-abri, les personnes racisées et surtout les Autochtones.

Au Canada, les infractions liées aux drogues comptent parmi les trois types de condamnations qui envoient des femmes dans des pénitenciers fédéraux, et les chercheurs remarquent que la toxicomanie féminine se produit souvent dans un contexte sexospécifique. Près de 90 % des femmes associent leur consommation de drogues à une tentative d’oublier les expériences violentes ou les traumatismes qu’elles ont vécus. D’ailleurs, 87 % des femmes et 91 % des femmes autochtones dans les prisons fédérales ont déjà été victimes d’une agression physique ou d’une agression sexuelle.

L’éviscération des services publics de counseling en toxicomanie et de santé mentale dans les communautés a entraîné un abandon accru des personnes, qui se sont retrouvées en prison, à la rue ou à la morgue, essentiellement à cause d’ennuis de santé pour lesquels il n’y a pas de mesure d’aide appropriée ou dont l’accessibilité n’est pas véritablement équitable.

L’enquêteur correctionnel estime que plus de la moitié des femmes se trouvant dans les prisons fédérales sont toxicomanes ou l’ont déjà été. De plus, deux femmes toxicomanes sur trois ont aussi des problèmes de santé mentale.

Au moment où la possession simple de cannabis a été légalisée, les recherches indiquaient que l’usage du cannabis était semblable chez les divers groupes raciaux. Pourtant, les données de diverses villes partout au Canada montrent des différences majeures quant à ceux qui ont été condamnés pour possession simple de cannabis. À Halifax, les Canadiens d’ascendance africaine courent cinq fois plus de risques que les autres d’être arrêtés. À Regina, les Autochtones courent neuf fois plus de risques d’être arrêtés.

Des individus ont fini en prison, non pas parce qu’ils étaient les seuls à consommer des substances, mais plutôt parce qu’ils étaient plus faciles à capturer et avaient moins de soutien; je parle de ceux qui vivent dans des quartiers avec une forte présence policière, de ceux qui font l’objet d’un profilage racial et qui se font contrôler, de ceux qui n’ont pas accès au soutien juridique nécessaire pour accéder à des traitements au lieu d’aller en prison, et de ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir des traitements adéquats rapidement. Comme l’a si bien résumé le sénateur White, c’est un problème causé par un système à deux vitesses, où bien souvent, les riches se font traiter et les pauvres vont en prison.

Le projet de loi S-229 vise à éviter que des gens soient criminalisés pour simple possession de drogue et abandonnés dans des prisons, ce qui est la plus coûteuse et la moins efficace des solutions si l’on veut s’assurer que ces personnes disposent des soutiens dont elles ont besoin. Comme nous l’a rappelé l’administratrice en chef de la santé publique en Colombie-Britannique, les conséquences sont particulièrement désolantes pour les femmes :

Le fait d’incarcérer des femmes qui souffrent de dépendances et qui vendent de la drogue pour survivre a des répercussions bien plus négatives sur leur famille et leurs enfants que le fait d’incarcérer des hommes.

Elles sont nombreuses à être mères, et donc, par conséquent, un placement en établissement les sépare de leurs enfants et ces derniers sont alors souvent mis sous la tutelle de l’État. En plus de déstabiliser les enfants, les familles et les communautés, ce cercle vicieux ne fait que perpétuer les politiques coloniales qui ont arraché de force des enfants à leur famille, ce qui provoque des dommages permanents et incalculables, comme nous l’avons constaté avec les séquelles laissées par les pensionnats.

Le projet de loi S-229 vise aussi à prévenir des situations où le système de justice pénale oblige les gens à se soumettre à des conditions irréalistes ou dangereuses pour bénéficier de solutions de rechange à l’emprisonnement. Le respect des conditions imposées par les tribunaux consacrés en matière de drogue, les peines ou les condamnations avec sursis et la possibilité de trouver un logement ou un emploi et d’obtenir des traitements dans le cadre du processus de libération conditionnelle peuvent dépendre de la capacité d’une personne d’avoir accès à des ressources qui ne sont tout simplement pas disponibles ou pour lesquelles l’attente est extrêmement longue.

De plus, le projet de loi S-229 cherche à éviter que les personnes aient à supporter le fardeau et la stigmatisation liés à l’imposition d’un casier judiciaire pour simple possession. Comme l’a fait remarquer la Commission mondiale sur les politiques en matière de drogue et comme le ministre de la Sécurité publique l’a souligné en présentant récemment le projet de loi C-31, trop souvent, ces casiers appauvrissent et marginalisent encore plus les gens parce que leur vérification est une pratique répandue, ce qui crée des obstacles à l’emploi, à la location d’appartements, à la formation, au bénévolat, et même à la prestation de soins aux aînés, en plus de compromettre des aspects vitaux de l’intégration sociale et des déterminants sociaux de la santé.

Le projet de loi S-229 constitue un pas dans la bonne direction. Il exige que nous procédions urgemment à des réformes supplémentaires du système de justice pénale pour atteindre les objectifs essentiels de décriminalisation, de décarcération et de décolonisation fixés dans le projet de loi. Nous devons le faire plus particulièrement pour les personnes possédant déjà des casiers judiciaires pour simple possession et celles qui ont été condamnées pour une infraction différente de la simple possession.

Malgré des mesures visant à rendre le processus plus convivial, un nombre étonnamment bas de gens ont pu se libérer du fardeau de leurs antécédents judiciaires après que nous avons adopté le projet de loi C-93. Dans la première année, seulement 257 personnes — soit moins de 3 % des 10 000 personnes qui, selon le gouvernement, allaient profiter de cette mesure — ont obtenu une suspension de leur casier judiciaire. L’expiration ou la suppression des casiers judiciaires sans que la personne concernée ait à faire une demande sont essentielles pour éviter de perpétuer les injustices liées à judiciarisation.

Le projet de loi S-229 vise à décriminaliser la possession et il convient de souligner que la prohibition du trafic peut, elle aussi, souvent entraîner les effets liés à la judiciarisation des personnes qui ont le plus besoin d’aide. Selon l’enquêteur correctionnel, plus de la moitié des femmes noires dans les prisons fédérales y sont en raison de peines liées à la drogue, au trafic dans la plupart des cas, dont un nombre important de femmes qui ont accepté de transporter de la drogue d’un pays à l’autre parce qu’elles voulaient sortir leur famille de la pauvreté et avoir de l’argent pour payer l’essentiel, comme le loyer, l’épicerie et les vêtements.

(1920)

Pour beaucoup trop d’autres femmes, la criminalisation et la toxicomanie sont liées à la violence qu’elles subissent. Le manque d’aide sanitaire, sociale et économique vitale signifie que trop de femmes victimes de violence sont isolées et en déduisent qu’il leur appartient de se protéger elles-mêmes. Certaines le font, que ce soit en consommant des substances pour s’insensibiliser ou en réagissant avec force à leur agresseur. Or, ces solutions peuvent mener à diverses condamnations et à des peines punitives.

Cette criminalisation des femmes ayant des antécédents de toxicomanie, de problèmes de santé et de violence subie met en relief, encore une fois, la nécessité d’instaurer un mécanisme efficace d’élimination du casier judiciaire afin d’éviter que celui-ci amplifie et perpétue la marginalisation. Comme l’ont souligné la Commission de vérité et réconciliation, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et le Caucus des parlementaires noirs, cela signifie également que les juges doivent avoir le pouvoir discrétionnaire d’envisager des solutions de rechange aux peines d’emprisonnement dans les cas où l’imposition d’une peine minimale obligatoire renforcerait l’inégalité et le racisme systémiques ou serait injuste ou inappropriée, notamment en raison des problèmes de toxicomanie de la personne.

Nous devons également envisager des mesures telles que le revenu minimum garanti qui peuvent aider à remédier aux causes premières de la pauvreté et des inégalités, augmenter les possibilités d’accès à de l’aide sanitaire et sociale et empêcher que les gens soient criminalisés en premier lieu.

Le Canada se présente sur la scène internationale comme un pays qui valorise les droits de la personne et l’égalité réelle et en fait la promotion. Le projet de loi S-229 nous invite à faire en sorte que la politique canadienne en matière de drogues reflète ces valeurs en mettant l’accent sur la santé et le bien-être des gens et en abandonnant les approches punitives et qui sont contenues dans le droit pénal qui ne fonctionnent pas, comme on a pu le constater. C’est une obligation que le Canada a envers les communautés racialisées, dont les communautés noires et autochtones, qui continuent d’être ciblées de manière disproportionnée par des approches impitoyables en matière de lutte contre la drogue, ce qui constitue un legs du colonialisme encore présent de nos jours.

ll est temps de donner un véritable accès et un accès équitable à la santé, aux services sociaux, au logement et à des mesures d’aide économique aux gens afin de leur permettre de guérir et de réintégrer la société, au lieu d’en faire des criminels. Agissons, chers collègues. Il est plus que temps.

Meegwetch. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierrette Ringuette propose que le projet de loi S-233, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je présente le projet de loi S-233, visant à abaisser le taux d’intérêt criminel. J’estime que le moment est bien choisi pour présenter ce projet de loi. Il l’était aussi lorsque j’ai déposé des versions semblables du projet de loi par le passé. Toutefois, il est encore plus urgent maintenant, compte tenu du fardeau de la dette qui pèse sur les Canadiens en raison de la pandémie et en raison des efforts entrepris pour relancer l’économie.

J’ai déposé à deux reprises un projet de loi visant à abaisser le taux d’intérêt criminel. La première fois, il s’est rendu à l’étape de l’étude en comité, mais est mort au Feuilleton lorsque des élections ont été déclenchées. La deuxième fois, il a franchi l’étape de l’étude en comité avec une proposition d’amendement. Je n’étais pas d’accord avec l’amendement, mais le projet de loi n’a pas franchi d’autres étapes avant la tenue d’autres élections.

Nous voilà donc encore une fois, et je crois que le projet de loi est plus crucial que jamais. Il modifie l’article 347 du Code criminel, qui fixe le taux d’intérêt criminel à 60 % à l’heure actuelle. Le projet de loi fixera ce taux d’intérêt à 20 % de plus que celui de la Banque du Canada, qui est actuellement de 0,25 %. Pourquoi fixer le taux d’intérêt à 20 % de plus que celui de la Banque du Canada? En faisant évoluer le taux au même rythme que celui de la Banque du Canada, la limite suivra le rythme des taux d’intérêt généraux. Ainsi, il représentera toujours adéquatement la situation du marché.

Lorsque le taux d’intérêt criminel a été mis en place pour la première fois en 1981, soit il y a 40 ans, le taux de la Banque du Canada était d’environ 21 %. Aujourd’hui, il est de 0,25 %. Le taux de la Banque du Canada a chuté de 99 %, mais le taux d’intérêt criminel est resté le même. Il est grand temps que le taux d’intérêt criminel change.

Un taux d’intérêt de 20 %, compte tenu du taux en vigueur de la Banque du Canada, est supérieur à celui de la majorité des cartes de crédit. Il est aussi bien au-dessus de n’importe quel taux hypothécaire ou du taux de la plupart des prêts bancaires courants. Cette mesure n’aura aucune incidence sur la grande majorité des opérations financières courantes. Qui plus est, il est très peu probable que le taux de la Banque du Canada descende à un niveau inférieur à ce qu’il est actuellement. Il n’y a donc aucun risque de voir le taux descendre à un taux inférieur à la plupart des taux de transaction courants. Bien que ces taux puissent augmenter à l’avenir, ils évolueraient avec le taux de la banque, et ces augmentations seraient donc intégrées au système. Cependant, il y aura des répercussions sur les valeurs aberrantes, les taux excessifs sur les frais de retard des entreprises de téléphonie et de câblodistribution, les prêts à tempérament et les cartes de crédit à taux d’intérêt élevés, entre autres.

À l’heure actuelle, le gouvernement utilise sa capacité d’emprunter à des taux extrêmement bas pour couvrir ses dépenses — et je ne lui en tiens nullement rigueur. Toutefois, pourquoi les Canadiens devraient-ils tolérer que des taux d’intérêt frôlent les 60 %? Je précise ma pensée. Les taux des prêts automobiles, des marges de crédit et des prêts hypothécaires des grandes banques sont nettement inférieurs à ce seuil de 60 %. Les cartes de crédit de presque toutes les grandes banques ont un taux d’intérêt qui s’élève à 19,99 % ou moins. Les cartes de crédit, pour leur part, comme celle de la Banque Scotia, ont un taux d’intérêt de 20,99 %, ce qui représente un petit ajustement.

Le projet de loi aurait un effet sur d’autres cartes de crédit. La carte Home Depot, par exemple, a un taux d’intérêt qui s’élève à 28,8 %, comme les cartes d’autres magasins. Il aurait aussi un effet sur les frais de retard facturés par de nombreuses entreprises, comme Rogers et Bell, qui exigent un taux d’intérêt de 42,58 %.

[Traduction]

Après 31 jours, l’Alberta Utilities Commission applique un taux d’intérêt de 30 % supérieur au taux d’intérêt préférentiel pour les entreprises indiqué sur le site Web de la Banque du Canada.

Cette mesure aura une incidence sur les prêts à tempérament et les marges de crédit offerts par de nombreuses entreprises, dont certains se démarquent des prêts sur salaire traditionnels.

Fairstone annonce des prêts à tempérament allant de 26,99 à 39,99 % et Easy Financial des taux de prêts à tempérament non garantis à partir de 29,99 %. Money Mart annonce des taux allant de 29,9 à 46,9 % et Loans Canada, de 2,99 à 46,96 %. Le taux des prêts de Capital Cash est de 59 %.

Comme vous le voyez, il y a beaucoup d’endroits qui appliquent des taux d’intérêt que beaucoup considèrent comme excessifs.

(1930)

Bon nombre de ces entreprises diront qu’elles ne sont pas prédatrices et qu’elles ne recherchent pas les membres les plus vulnérables de la société sur le plan financier, mais voyez où se trouvent leurs locaux. Elles prolifèrent aussi en ligne et leurs publicités sont éloquentes. Aucune vérification de solvabilité! Mauvaise cote de crédit? Pas de problème! De l’argent facile!

Si vous cherchez « prêts sur salaire » dans Google, vous trouverez 24 pages Web sur le sujet. Ces entreprises ciblent les personnes financièrement vulnérables et se présentent non pas comme des prêteurs de dernier ressort, mais comme un moyen d’obtenir de l’argent facilement, et elles minimisent les coûts.

Tout cela m’amène aux prêts sur salaire. Ce projet de loi, tout comme le taux d’intérêt criminel en général, n’a pas d’effet sur les prêts sur salaire. En 2006, on a ajouté une exception à l’article 347 du Code criminel, intitulé « Taux d’intérêt criminel », qui confie aux provinces la réglementation des petits prêts à court terme, c’est-à-dire les prêts de moins de 1 500 $ d’une durée de moins de 62 jours. C’est un sujet auquel je reviendrai un autre jour. Ils n’ont donc pas à offrir de prêts inférieurs à cette limite, reconnaissant que les prêts à court terme nécessitent des frais plus élevés par rapport au taux d’intérêt annualisé.

La réglementation varie d’une province à l’autre. Généralement, il est question d’environ 15 $ par tranche de 100 $ empruntés. Au Québec, on n’autorise pas les prêteurs qui facturent plus que 35 %. Cela a pour effet d’interdire les prêts sur salaire.

Maintenant, quand je dis que cela n’aura pas d’effet sur les prêts sur salaire, cela ne s’applique qu’à la condition précise énoncée au paragraphe 347(1), soit les prêts de moins de 1 500 $ d’une durée de moins de 62 jours. Cela dit, bon nombre de ces prêteurs sur salaire ont étendu leurs services à des prêts plus importants et à des périodes plus longues. Ces mesures devraient actuellement être visées par les dispositions relatives au taux d’intérêt criminel, mais il y a des lacunes en matière d’application. En abaissant le taux, nous envoyons un signal aux prêteurs de tous les types sur ce que notre société juge acceptable.

Certains seront préoccupés par les restrictions de l’accès au crédit. Voulons-nous que les personnes les plus financièrement vulnérables de notre société accumulent des prêts assortis de taux d’intérêt excessifs, ces personnes qui sont les plus susceptibles de se retrouver prises dans un cycle d’endettement?

Est-il vrai que les entreprises ne peuvent se permettre d’offrir à ces Canadiens des prêts à des taux d’intérêt raisonnables? Il y a des entreprises en activité aujourd’hui qui offrent des prêts à faible taux d’intérêt. Par exemple, Borrowell, une société à but lucratif, offre des prêts à un taux annuel moyen d’environ 11 % ou 12 %.

Permettez-moi de prendre un moment pour vous expliquer le choix du seuil de 20 %. J’ai choisi ce pourcentage parce qu’il englobe la grande majorité des options existantes, qu’il s’agisse de prêts hypothécaires, de cartes de crédit, de marges de crédit ou de taux gouvernementaux. Le fait que la grande majorité de ces instruments financiers puissent fonctionner à ces taux et, dans de nombreux cas, bien en dessous, montre qu’il s’agit d’un taux fondamentalement raisonnable. Il convient également de noter que la plupart de ces taux étaient également en place lorsque les taux de la Banque du Canada étaient beaucoup plus élevés.

L’objectif de ce projet de loi n’est pas de criminaliser l’activité financière légitime, mais puisque c’est à l’article 347 du Code criminel que l’on a fixé une limite à l’intérêt, c’est aussi le meilleur endroit pour y abaisser les taux d’intérêt. Les dispositions actuelles n’ont été invoquées que dans des litiges contractuels civils; elles ne l’ont pas été au pénal. On peut s’attendre à ce que le taux réduit ait un effet dissuasif en ce qui concerne les taux d’intérêt, sans qu’il soit nécessaire de criminaliser la pratique.

Malgré le ralentissement de cette année, attribuable à la pandémie, l’endettement des ménages canadiens est de nouveau à la hausse. En pourcentage du revenu disponible, il s’établissait à 170,7 % à la fin de 2020, comparativement à 162,8 % au deuxième trimestre, selon Statistique Canada. Le ratio d’endettement des ménages est passé de 12,36 à 13,22 % au cours de la même période. Dans l’ensemble, la dette des ménages canadiens s’élève à 2,041 billions de dollars, en hausse de 3,8 % par rapport à l’année dernière. Les faillites personnelles ont atteint leur plus haut niveau en 10 ans à la fin de 2019.

L’indice des dettes à la consommation de MNP, qui permet d’évaluer le comportement des Canadiens à l’égard de leurs dettes et leur capacité à effectuer leurs paiements mensuels, a atteint son plus faible niveau jamais enregistré. MNP constate aussi que trois Canadiens sur dix se sont endettés davantage pendant la pandémie.

L’endettement des ménages était préoccupant avant la pandémie, mais il s’est davantage alourdi pour certains Canadiens. Il s’agit d’une crise imminente qui aura des répercussions sur la reprise économique.

La COVID-19 a poussé le gouvernement fédéral à engager des dépenses de programme historiquement élevées, mais il soutient que le déficit est « maîtrisable » puisque l’emprunt est également à un niveau historiquement bas.

Compte tenu de ce qui précède et de l’article 347 du Code criminel, qui fixe le taux d’intérêt criminel à 60 %, pourquoi de nombreux Canadiens paient-ils des taux d’intérêt allant jusqu’à 59 %? Pourquoi les Canadiens sont-ils désavantagés sur le plan financier alors que les taux d’intérêt ont atteint un niveau historiquement bas? Pourquoi acceptons-nous deux normes d’intérêt, l’une pour le gouvernement et l’autre pour les citoyens, en particulier les ménages à faible revenu?

Le gouvernement canadien emprunte actuellement à des taux d’intérêt historiquement bas. Le coût élevé des mesures contre la pandémie est atténué par ces bas taux, mais les Canadiens qui alimentent l’État avec leurs impôts doivent-ils payer des taux extrêmes?

Cette mesure serait un moyen parfait d’aider les Canadiens pendant la présente crise. Corriger l’article 347 en abaissant le taux d’intérêt criminel n’augmente pas les dépenses du gouvernement; cela ne lui coûte rien. Cela aidera les Canadiens qui ressentent la pression d’une dette croissante, particulièrement pendant la pandémie actuelle. Il s’agit d’une question d’équité qui permet le remboursement efficace des prêts par les plus marginalisés.

Honorables sénateurs, le trésorier de Victoria, Tim Pallas, a appelé en avril dernier à une révision des taux d’intérêt des cartes de crédit, les qualifiant de déraisonnables à 20 %. L’Australie plafonne les taux d’intérêt à 48 %.

Chers collègues, vous verrez de plus en plus de pays revoir leurs taux d’intérêt au cours des prochaines années. Nous avons créé un système qui fonctionne grâce au crédit, à l’endettement. Très peu d’entre nous peuvent s’en passer, en particulier ceux qui sont en marge de la société. Il ne s’agit pas de leur faire la charité. Il s’agit de les aider à éliminer leurs dettes.

Comment pouvons-nous laisser la vie d’une personne s’effondrer parce qu’elle doit contracter un prêt pour réparer une voiture dont elle a besoin pour se rendre au travail, pour faire garder ses enfants pendant qu’elle cherche un emploi ou suit une formation?

Nous disons que nous souhaitons toutes ces mesures pour les Canadiens afin qu’ils aient la possibilité d’améliorer leur situation et celle de leur pays, mais nous permettons la mise en place de ces obstacles. Comment pouvons-nous rester les bras croisés et laisser les personnes les plus vulnérables financièrement payer les taux d’intérêt les plus élevés alors que les riches non seulement bénéficient de taux faibles, mais ils en sont récompensés?

(1940)

J’ai récemment participé à l’émission Marketplace de la CBC où l’on décrit un certain nombre de taux d’intérêt excessifs. Je vous recommande de la regarder pour voir par vous-même les répercussions sur les gens. Il ne s’agit pas d’un concept financier abstrait. Il ne s’agit pas seulement de chiffres dans un grand livre. Ce sont de vraies personnes qui subissent de véritables répercussions qui touchent leur famille et leur collectivité.

Honorables sénateurs, il est temps d’agir. C’est ma troisième tentative. S’il vous plaît, lorsque nous reviendrons à l’automne, donnons à la population canadienne le taux d’intérêt qu’elle mérite. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-233 de la sénatrice Ringuette. Des Canadiens dans le besoin se font exploiter par des prêteurs depuis trop longtemps.

Abaisser le taux d’intérêt criminel est une mesure essentielle pour aider ceux qui se retrouvent inévitablement pris au piège de l’endettement à cause de prêts qui sont présentés comme étant le contraire de ce qu’ils sont en réalité. Comme le révèlent de récentes publicités télévisées, ces entreprises exploitent les gens en profitant du désespoir de ceux qui s’enfoncent dans la pauvreté et la marginalisation économique.

Cela me rappelle mon tout premier emploi au gouvernement, au sein de ce qu’on appelait le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales. Pendant les mois où j’y ai travaillé, j’ai vu l’équipe responsable des « prêteurs parallèles » prendre de l’expansion en passant de deux personnes dans un bureau à un personnel occupant un étage en entier. En peu de temps, les pratiques de prêts abusives ont pris une telle ampleur que les fonctionnaires n’avaient pas suffisamment de ressources pour les surveiller, et encore moins les contrôler.

Je tiens à remercier la sénatrice Ringuette de son travail pour ce projet de loi et du leadership dont elle a fait preuve en nous rappelant que l’économie canadienne peut fonctionner et prendre son essor sans que les pauvres se fassent imposer un taux d’intérêt de 60 %.

L’engagement, dans le cadre du budget de 2021, à entamer des consultations en vue d’abaisser le taux d’intérêt criminel a souligné l’urgence d’agir pour prévenir cette forme d’exploitation. Le projet de loi S-233 pourrait nous permettre de prendre cette mesure essentielle dès maintenant.

Comme dans tant d’autres secteurs où il y avait de la marginalisation et de la discrimination, la pandémie de COVID-19 a exacerbé les effets néfastes des taux d’intérêt usuraires. La sénatrice Ringuette vient de parler de l’enquête de l’émission Marketplace de la CBC, réalisée en janvier 2021, qui a révélé que les prêteurs marginaux imposaient un taux d’intérêt annuel de presque 50 % sur certains prêts pluriannuels.

Le taux d’intérêt criminel courant a été difficile à justifier au moment où il a été établi dans les années 1980, alors que le taux d’intérêt de la Banque du Canada était de 21 %, comme la sénatrice Ringuette l’a également souligné. Cette année, il est inférieur à 1 %. Comment expliquer un tel écart? Les prêteurs, qui se présentent comme un service essentiel pour les Canadiens que les institutions financières traditionnelles ont refusés, exploitent ce créneau.

Des personnes comme Patricia Edwards, une mère de Toronto, ont été forcées d’emprunter à un prêteur marginal. Comme elle l’a dit à la CBC, elle voudrait bien obtenir un prêt bancaire, mais puisqu’elle ne possède ni véhicule ni résidence et qu’elle n’a donc aucun actif, elle n’arrive pas à y être admissible. Elle doit donc payer un intérêt de 47 % à un prêteur marginal, envers qui elle a encore une dette de 5 000 $ pour un prêt de 1 500 $.

Alors que les riches ont accès à de bas taux d’intérêt, quelque 9 millions de Canadiens dont la cote de crédit est faible ou qui vivent dans la pauvreté font face à de l’exclusion financière, puisque les institutions financières courantes refusent de leur prêter de l’argent.

Personnellement, je ne sais plus combien de fois j’ai remboursé de telles dettes ou garanti des prêts, notamment en les cosignant, pour éviter, parfois en vain, que de trop nombreuses personnes se retrouvent sans-abri, soient judiciarisées et plongent dans la pauvreté abjecte.

Pour les personnes vivant de l’aide sociale, ces dettes sont comptabilisées dans leur revenu au moment de l’emprunt. Or, les coûts réels ne sont jamais crédités, pas plus que le montant du capital, et les taux d’intérêt le sont encore moins.

Imaginons un instant le tollé qui s’élèverait si, chaque fois que vous et moi empruntions de l’argent pour acheter une maison, une voiture ou un meuble, ou encore pour prendre soin d’un être cher — peu importe la raison —, Revenu Canada le calculait comme un revenu et qu’il récupérait la somme au dollar près. Qu’en serait-il si les défauts de paiement étaient considérés comme des infractions criminelles?

Comme nous le savons, les tentatives des gens pour échapper à la pauvreté peuvent trop facilement conduire à leur judiciarisation, à leur incarcération et à la séparation d’avec les membres de leur famille qu’ils s’efforcent de faire vivre. Ils doivent ensuite composer avec les préjugés et les défis supplémentaires associés à un casier judiciaire.

La majorité des prêts usuraires à tempérament sont contractés pour prendre soin de la famille. Les études révèlent que la plupart des emprunteurs utilisent l’argent pour payer le loyer, le compte d’électricité et l’épicerie, et qu’ils demandent de tels prêts après avoir essuyé un refus des banques traditionnelles en raison de leur faible cote de crédit. Beaucoup plus de gens ont été plongés dans cette réalité lorsqu’ils ont appris qu’ils étaient inadmissibles à la PCU alors qu’ils pensaient l’avoir reçue en toute légitimité pendant la pandémie.

Le projet de loi S-233 est nécessaire pour prévenir l’oppression économique des personnes les plus marginalisées. Cependant, aussi important que puisse être ce projet de loi, il est loin d’être suffisant pour éradiquer l’exclusion financière.

Comme le directeur parlementaire du budget et beaucoup d’autres personnes nous l’ont rappelé, le Canada pourrait, en quelques mois, réduire de moitié le nombre de gens vivant dans la pauvreté s’il instaurait le revenu minimum garanti pour que les Canadiens dans le besoin aient suffisamment d’argent pour se nourrir, se loger et combler leurs autres besoins fondamentaux. Cela empêcherait aussi les gens de devoir se tourner vers des institutions financières marginales, en plus de garantir que toutes les personnes ont les moyens financiers d’avoir accès au crédit à un taux légal, raisonnable et abordable.

La Prestation canadienne d’urgence a montré qu’il est possible d’offrir des mesures d’aide économique directement aux personnes dans le besoin, et ce dans les plus brefs délais, lorsqu’il existe une volonté politique et publique. Nous serions tous avantagés si nous vivions dans des localités où tout le monde est en sécurité, en bonne santé et se porte bien.

Nous disposons des moyens nécessaires et de l’appui de la population. De plus, l’instauration d’un revenu minimum garanti est considérée comme une priorité dans le récent Plan d’action national 2021 pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées. Si on ajoute à cela le fait que des provinces et des territoires comme l’Île-du-Prince-Édouard, le Yukon et Terre-Neuve-et-Labrador portent intérêt à une telle mesure, il ne nous reste plus qu’à procéder à sa planification et à son exécution pour réduire considérablement la pauvreté au Canada.

Chers collègues, le taux d’intérêt criminel actuel permet d’exploiter les Canadiens les plus pauvres et les plus vulnérables. À quelle fin? Pour faire prospérer les prêteurs marginaux?

Le projet de loi S-233 de la sénatrice Ringuette abaissera le taux d’intérêt criminel et réduira les injustices des prêts abusifs dont sont victimes les plus démunis. Il est urgent et important d’adopter ce projet de loi pour réduire l’inégalité des revenus. Concertons nos efforts pour soutenir ce projet de loi ainsi que les futures mesures qui luttent contre la pauvreté et qui favorisent l’équité.

Meegwetch. Merci.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je veux saluer le travail de la sénatrice Ringuette, qui a défendu ce dossier pendant de très nombreuses années et qui a tenté de trouver une solution. Nous avons une occasion que nous continuerons d’explorer à l’automne. Cette démarche me semble extrêmement importante. Je la remercie et j’appuie complètement ce projet de loi.

Je remercie aussi la sénatrice Pate d’avoir contribué au débat ce soir. Leur expérience leur a permis de parler des répercussions réelles sur la vie des Canadiens. J’ai travaillé plusieurs années pour Centraide et cela m’a permis de travailler aux côtés de personnes ayant ce vécu. Nous avions alors effectué une étude qui est devenue un rapport historique pour nous à Toronto. Il nous a permis de répartir nos investissements communautaires et d’organiser nos efforts de renforcement des capacités. Ce rapport était intitulé Poverty by Postal Code. Nous avions élaboré une carte démographique de tous les quartiers de Toronto — en fonction de la race, du revenu et de l’éducation — et nous avions constaté très clairement la présence de poches de pauvreté dans une large partie de la ville de Toronto.

Bien sûr, je ne vous surprendrai pas en disant qu’une majorité de la population vivant dans les quartiers concernés est racialisée. Ils sont nombreux à être de nouveaux arrivants. Pour autant, ils sont aussi nombreux à venir de familles établies depuis longtemps qui viennent des Caraïbes ou d’autres endroits, et qui ont vécu à la fois le racisme systémique, mais aussi le manque d’opportunités et les difficultés liées au fait d’avoir grandi dans ces communautés pauvres.

(1950)

Nous avons lancé en collaboration un projet appelé Action for Neighbourhood Change dont l’objectif était de donner les moyens aux habitants de prendre contact avec des entreprises ou des gouvernements pour leur présenter des solutions en matière de politiques aux problèmes auxquels ils étaient confrontés.

On nous a dit un certain nombre de choses. Par exemple, il n’y a pas de supermarchés dans ces quartiers. C’est ce qu’on appelle un « désert alimentaire » dans le jargon des services sociaux. Les gens, dans ces quartiers, n’ont pas accès au transport ou doivent prendre plusieurs bus pour aller faire leurs courses, leurs enfants à la remorque dans des poussettes, ce qui veut dire qu’ils font leurs courses, dans bien des cas, dans des magasins de proximité, où les prix sont plus élevés et les produits de moins bonne qualité nutritionnelle.

Nous avons découvert que le désert alimentaire va de pair avec une prolifération de magasins de location-vente, de meubles, d’appareils électroménagers et de bien d’autres choses. C’est logique. C’est là que se trouve leur marché, car les personnes qui ont un pouvoir d’achat peuvent avoir recours à des plans de crédit ou à des services de vente à la livraison différée, mais ils utilisent rarement la location avec option d’achat. Je l’ai utilisée à une époque de ma vie, en raison de ma situation économique et de celle de ma famille.

L’exercice était intéressant. Nous avons parlé aux gens de littératie économique, de mettre sur pied des programmes et de soutenir la Fondation canadienne d’éducation économique dans ses démarches auprès du gouvernement provincial en vue d’intégrer la littératie économique dans nos écoles élémentaires et secondaires de manière à préparer les gens au monde qui les attend et de leur inculquer toutes ces connaissances qui font défaut à tant d’entre nous en matière de fiscalité, de taux d’imposition, de taux d’intérêt et de questions financières.

Évidemment, nous étions conscients du problème d’insécurité économique, mais en échangeant avec les gens, nous avons rapidement constaté que beaucoup dépendent, par exemple, de prêteurs parallèles, de prêteurs marginaux et d’usuriers. Dans bien des cas, c’était leur dernier recours. Nous nous sommes mis à examiner l’emplacement de ces prêteurs. Nous avons repéré tous les emplacements sur une carte de la ville de Toronto. Encore une fois, ils convergent autour des voisinages les plus pauvres. C’est peu étonnant, puisque c’est là que leur marché est situé.

Je ne vais pas parler en détail des taux exigés. Vous les avez entendus de la bouche des deux intervenants précédents, qui ont fait un excellent travail d’examen des preuves. Les taux étaient peut-être compréhensibles étant donné l’absence de précision dans le Code criminel pour faire un lien avec tout autre point de repère économique, mais ils étaient usuraires; s’ils ne sont pas définis ainsi dans le Code criminel, ils sont tout de même usuraires sur le plan de la pratique, de l’effet et des conséquences.

Il y a longtemps, à mon avis, que cette question aurait dû être réglée. Les gouvernements provinciaux ont tenté de le faire à plusieurs reprises. Dans certains cas, les provinces ont obtenu de bons résultats dans les secteurs qu’elles peuvent réglementer. Il y a eu de bons résultats, mais il n’y a vraiment pas d’uniformité. Comme certains l’ont souligné, alors que les taux sont à des niveaux historiquement bas — du moins, historiquement bas de mon vivant —, le taux d’intérêt criminel n’a pas été ajusté.

C’est un vol pur et simple. Ce sont les personnes qui vivent dans la pauvreté et les familles qui en paient le prix. Cette mesure bien simple est un pas vers la solution. Je ne saurais exagérer mon appui à cette mesure législative. D’après toute mon expérience de travail communautaire auprès des gens des quartiers défavorisés, je peux vous dire qu’il s’agit d’une occasion sans pareille de rétablir un tant soit peu l’équilibre. Il y a encore beaucoup de travail à accomplir, comme l’a souligné la sénatrice Pate, en matière de sécurité économique et de sécurité d’emploi au pays. Je suis donc impatiente que le Sénat étudie la question de l’avenir des travailleurs de l’économie à la demande, parce que nous savons que ce sont surtout des personnes qui ont un faible revenu qui sont touchées par ces enjeux et par les problèmes qui ont été constatés concernant les travailleurs essentiels pendant la pandémie.

J’ajoute ma voix à celles de ceux qui appuient ce projet de loi, et je vous demande à tous de songer à en faire autant pour que nous puissions l’étudier au comité puis le renvoyer ici afin qu’il puisse faire une grande différence dans l’économie canadienne et dans la vie des Canadiens à faible revenu. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur Investissement Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Thanh Hai Ngo propose que le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada (examen obligatoire relatif à la sécurité nationale des investissements par des entreprises d’État étrangères), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, c’est un grand honneur pour moi de prendre la parole au sujet de mon projet de loi d’intérêt public intitulé Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada (examen obligatoire relatif à la sécurité nationale des investissements par des entreprises d’État étrangères).

Chers collègues, vous vous souviendrez peut-être que c’est la deuxième fois que je présente ce projet de loi. Le projet de loi S-234 est la reprise du projet de loi S-257 que j’avais présenté en décembre 2018, mais qui était mort au Feuilleton au moment du déclenchement des élections fédérales de 2019.

Je présente à nouveau ce projet de loi en raison de la hausse des investissements mondiaux au Canada par des entreprises d’État étrangères et parce que je m’inquiète toujours autant de la menace réelle et grandissante que cette hausse représente pour notre sécurité nationale, nos infrastructures essentielles, nos technologies de nature délicate et émergentes, ainsi que pour nos principaux secteurs des ressources.

La participation accrue des intérêts étrangers dans nos entreprises et leurs actifs et ses conséquences sur la sécurité nous amènent à envisager de rendre obligatoire la réalisation d’examens de sécurité complets des propositions d’investissement au Canada par des entreprises d’État étrangères, ainsi qu’à nous demander si les pays étrangers devraient être parties prenantes de notre croissance économique.

Ces menaces grandissantes, en particulier à notre sécurité nationale, sont devenues si urgentes ces dernières années qu’il faudrait s’y attaquer adéquatement, ce qui est devenu encore plus évident dans la foulée de la pandémie de COVID-19, qui a exposé et, dans certains cas, aggravé, les vulnérabilités de notre pays.

Même si, conformément à la Loi sur Investissement Canada, le gouvernement évalue tous les investissements étrangers en fonction du critère de l’avantage net et d’une perspective générale de sécurité, y compris ceux qui n’entraînent pas de changement de direction, le contrôle de sécurité le plus approfondi, appelé examen de la sécurité nationale, demeure exclusivement assujetti au pouvoir discrétionnaire du Cabinet et demeure rarement appliqué aux entreprises d’État. Cette situation expose donc dangereusement le gouvernement à une panoplie de risques pour la sécurité, car il ne fait pas toujours preuve de diligence raisonnable.

À l’heure actuelle, lorsqu’une entreprise d’État étrangère propose un investissement au titre de l’ensemble de règles établi par la loi, les Canadiens doivent attendre que le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique consulte le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile pour décider si l’investissement étranger potentiellement nuisible doit être renvoyé au gouverneur en conseil avant qu’un décret n’ordonne l’examen de la proposition du point de vue de la sécurité nationale.

À la suite de l’examen, que j’expliquerai sous peu, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique consulte de nouveau le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, puis il renvoie la question au gouverneur en conseil en lui présentant ses conclusions et ses recommandations ou, s’il est convaincu que l’investissement ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale, il avise l’investisseur étranger qu’aucune mesure supplémentaire ne sera prise.

Selon les recommandations et les conclusions de l’examen approfondi, le gouverneur en conseil est habilité, en vertu de l’article 25.4(1), à autoriser l’investissement avec ou sans conditions, à rejeter l’investissement ou à exiger que l’investisseur étranger se départisse du contrôle de l’entreprise canadienne ou de son investissement dans l’entité.

(2000)

Honorables sénateurs, le projet de loi S-234 propose d’apporter à la Loi sur Investissement Canada une modification qui ferait en sorte que le gouverneur en conseil aurait non pas le pouvoir, mais le devoir, d’examiner tous les investissements d’entreprises d’État étrangères du point de vue de la sécurité nationale avant qu’une décision ne soit prise.

De plus, le projet de loi serait un outil efficace pour contrer d’emblée les menaces. Le cas échéant, il permettrait au gouvernement de cerner à l’avance les problèmes potentiels et de les aborder de façon proactive, ce qui contribuerait à tirer au clair toutes les questions et à éviter les retards.

En vertu de la loi, les examens incluraient les facteurs suivants, entre autres, en ce qui concerne la sécurité nationale, qui sont décrits au point 8 des lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements :

i. Les effets potentiels de l’investissement sur les capacités et les intérêts en matière de défense du Canada, y compris, mais sans s’y limiter, l’assise industrielle dans le domaine de la défense et les établissements de défense;

ii. Les effets potentiels de l’investissement sur le transfert de technologies ou de savoir-faire sensible à l’extérieur du Canada [...]

iii. La participation à la recherche, à la fabrication ou à la vente de biens ou de technologies visés par l’article 35 de la Loi sur la production de défense;

iv. L’incidence possible de l’investissement sur l’approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens, ou l’approvisionnement de biens et de services au gouvernement du Canada;

v. L’incidence possible de l’investissement sur les minéraux critiques et les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques [...]

vi. L’incidence possible de l’investissement sur la sécurité des infrastructures essentielles du Canada. On entend par infrastructures essentielles l’ensemble des processus, des systèmes, des installations, des technologies, des réseaux, des biens et des services nécessaires pour assurer la santé, la sûreté, la sécurité ou le bien-être économique des Canadiens et des Canadiennes ainsi que l’efficacité du gouvernement [...]

vii. La mesure dans laquelle l’investissement risque de permettre la surveillance ou l’espionnage par des intervenants étrangers;

viii. La mesure dans laquelle l’investissement pourrait compromettre des activités actuelles ou à venir de représentants du renseignement ou des forces de l’ordre;

ix. La mesure dans laquelle l’investissement pourrait influer sur les intérêts internationaux du Canada, y compris les relations internationales;

x. La mesure dans laquelle l’investissement pourrait mettre en jeu ou faciliter les activités d’acteurs illicites, tels que des terroristes, des organisations terroristes, le crime organisé ou des représentants étrangers corrompus;

xi. La mesure dans laquelle l’investissement pourrait permettre d’accéder à des données personnelles sensibles qui seraient susceptibles d’être utilisées pour nuire à la sécurité nationale du Canada par leur exploitation, y compris, mais sans s’y limiter :

a. renseignements de santé ou de génétique qui permettent d’identifier une personne (p. ex. maladies ou résultats de tests génétiques);

b. données biométriques (p. ex. empreintes digitales);

c. données financières (p. ex. renseignements confidentiels sur les comptes, comme les dépenses et les dettes);

d. communications (p. ex. communications privées);

e. géolocalisation;

f. données personnelles concernant des représentants gouvernementaux, y compris des membres de l’armée ou du milieu du renseignement.

À ce stade-ci, permettez-moi de dire que les facteurs de risque énoncés dans les lignes directrices sur la sécurité nationale ne se limitent pas à ceux que j’ai décrits puisqu’il existe également une liste non exhaustive de domaines technologiques sensibles à l’annexe A des lignes directrices. Au besoin, cette liste est régulièrement mise à jour.

Certains de ces facteurs de risque peuvent être interprétés de manière très large, notamment le concept d’infrastructures essentielles, qui est défini de manière à inclure tant des secteurs évidents comme les transports, l’énergie et les services publics, la sécurité, l’administration et l’eau, que des secteurs plus vastes comme les finances, la fabrication, l’alimentation, la santé et les technologies de l’information et de la communication. Ces secteurs florissants sont de plus en plus considérés comme des questions de sécurité nationale.

Nous pouvons et devons vraiment aussi débattre de la définition de technologies sensibles. Cependant, je limiterai mes observations en deuxième lecture au principe du projet de loi, qui recommande un changement réaliste pour renforcer notre processus d’examen des investissements contre les menaces posées par les entreprises d’État, sans pour autant retirer le pouvoir de décision finale du gouverneur en conseil.

Le projet de loi propose d’évaluer tous les nouveaux investissements prévus par une entreprise d’État aux termes de l’article de la loi qui porte sur la sécurité nationale afin de garantir que la nature des actifs ou bien les activités commerciales et les parties prenantes à une transaction, y compris les tiers pouvant exercer une influence, fassent l’objet de l’examen obligatoire afin de s’assurer que les gouvernements étrangers ne se servent pas d’un accord d’investissements, sous le couvert d’une entreprise d’État, pour miner notre sécurité. Cet article garantirait que seules les entreprises d’État seraient obligatoirement vérifiées dans le cadre de notre processus d’examen de la sécurité nationale, avec l’appui de Sécurité publique Canada, les services de renseignements et d’autres organismes d’enquête établis dans la réglementation, avant que le gouverneur en conseil ne puisse prendre une décision éclairée.

En conséquence, ce projet de loi imposerait de façon obligatoire les freins et contrepoids nécessaires pour protéger notre économie d’investissements susceptibles d’être menaçants.

[Français]

Honorables sénateurs, comme je l’ai mentionné plus tôt, ce projet de loi s’avérera un outil important pour le gouvernement puisqu’il lui permettra de cerner à l’avance les problèmes potentiels et, le cas échéant, de les aborder en amont.

Le projet de loi S-234 permettra au gouvernement de résoudre les problèmes et d’éviter les retards, plus particulièrement en ce qui concerne les investissements faits par les entreprises d’État étrangères, qui, entre autres, peuvent entraîner les risques suivants : donner lieu au transfert de technologie à double usage de nature délicate, de données de nature délicate ou encore de savoir-faire; avoir une incidence négative sur l’offre de services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement; permettre la surveillance ou l’espionnage par un pays étranger.

La Loi sur Investissement Canada comporte déjà une excellente définition de ce qu’est une entreprise d’État, qui est la suivante :

a) le gouvernement d’un État étranger ou celui d’un de ses États ou d’une de ses administrations locales, ou tout organisme d’un tel gouvernement;

b) une unité contrôlée ou influencée, directement ou indirectement, par un gouvernement ou un organisme visés à l’alinéa a);

c) un individu qui agit sous l’autorité d’un gouvernement ou d’un organisme visés à l’alinéa a) ou sous leur influence, directe ou indirecte.

Honorables sénateurs, malheureusement, dans sa forme actuelle, le libellé de la loi que j’ai citée impose plusieurs étapes administratives successives pour les enjeux de sécurité nationale avant que le Cabinet puisse décider si, oui ou non, un investissement proposé par une entreprise d’État étrangère dans un secteur clé de notre économie devra faire l’objet d’une vérification de sécurité approfondie. Il est grand temps que la politique du Canada en matière d’investissements étrangers tienne compte de principes rigoureux reposant sur la sécurité nationale.

Le projet de loi S-234 propose ainsi une mesure de contrôle précise et efficace qui permettrait de voir à ce que les investissements étrangers directs des entreprises d’État continuent de faire partie de notre richesse nationale.

Ici, je souhaite réitérer ce que je viens de mentionner, et ce, afin d’être bien compris : les investissements étrangers directs, y compris ceux réalisés par les entreprises d’État étrangères, jouent un rôle important dans la richesse nationale du Canada et pour la prospérité économique de notre pays. Toutefois, chers collègues, nous devons nous rappeler que notre prospérité économique fait partie intégrante de notre sécurité nationale.

[Traduction]

C’est pour cette raison que ce projet de loi vise à ce que les prochains gouvernements disposent de bons outils pour garantir la sécurité de notre climat d’investissement. Par conséquent, le projet de loi mettrait en œuvre un examen obligatoire, non discriminatoire et prévisible relatif à la sécurité des investissements faits par des entreprises d’État étrangères au Canada.

Honorables sénateurs, les gouvernements étrangers développent et déploient de plus en plus de capacités pour exploiter, manipuler et faire progresser leurs installations au profit de leurs intérêts en matière de sécurité nationale. Ils le font en se servant de leurs entreprises d’État, surtout dans le contexte de la pandémie actuelle. Par exemple, certains pays se servent de leurs entreprises d’État pour promouvoir leurs intérêts économiques, idéologiques et géopolitiques par différentes méthodes, comme voler la propriété intellectuelle, influencer la politique intérieure d’autres pays, faire du cyberespionnage et mettre au point des cyberarmes.

Si ces entités commerciales légales au Canada ne font pas l’objet de vérifications adéquates, elles peuvent fournir aux gouvernements étrangers un avantage stratégique pour causer des dommages à nos infrastructures essentielles, voler nos données sensibles et même exercer une influence sur notre processus démocratique.

Comme je l’ai mentionné, les efforts et l’approche d’atténuation des risques du gouvernement actuel pour encourager les investissements étrangers représentent un changement considérable par rapport aux gouvernements précédents.

(2010)

Plusieurs leçons tirées de l’expérience avec des entreprises d’État chinoises indiquent clairement que notre politique d’investissement doit être mise à jour et améliorée pour le monde d’aujourd’hui et de demain.

Je vais maintenant donner quelques exemples notoires pour mieux faire comprendre l’approche du Canada à l’égard des investissements chinois.

En 2017, le gouvernement canadien a revu et approuvé certaines transactions controversées émanant d’investisseurs chinois. Parmi ces transactions, on retrouve la prise de contrôle par le géant chinois des télécommunications Hytera de l’entreprise de Vancouver Norsat International, une entreprise canadienne de communications par satellite qui produisait et vendait de l’équipement pour les satellites et des émetteurs-récepteurs. La technologie de Norsat était utilisée par le fournisseur de services de navigation aérienne du Canada NAV CANADA, par l’armée américaine, par le département américain de la Défense, par le Corps des Marines des États-Unis, ainsi que par de nombreux autres clients de premier plan comme l’OTAN et Boeing.

Cette prise de contrôle controversée a suscité les critiques d’experts en sécurité, mais aussi d’un de nos principaux alliés : les États-Unis. À la mi-juin 2017, le commissaire Michael Wessel de la U.S.-China Economic and Security Review Commission a dit au journal The Globe and Mail :

L’approbation par le Canada de la vente de Norsat à une entité chinoise soulève de graves préoccupations de sécurité nationale pour les États-Unis, puisque l’entreprise est un fournisseur de ses forces armées.

Le Canada semble disposé à négliger ses propres intérêts dans le domaine de la sécurité pour s’attirer les faveurs de la Chine.

Malgré des préoccupations légitimes soulevées par les experts en sécurité et par les États-Unis, la transaction a été approuvée par le gouvernement canadien. Cette approbation a été donnée sans qu’un examen relatif à la sécurité nationale exhaustif ait été mené.

Il faut souligner que la décision du gouvernement de ne pas mener d’examen relatif à la sécurité nationale en bonne et due forme était très inquiétante et dangereuse, puisque les conséquences concrètes de la transaction n’ont pas été évaluées, pas plus que les importants risques en matière de sécurité du transfert d’une technologie brevetée à une entreprise d’un État autoritaire sans merci.

L’acquisition de Norsat a montré que, même si l’approche du gouvernement concernant les investissements de la Chine évolue constamment — et que nous pouvons nous attendre à ce que certains types d’investissements soient scrutés de plus près —, la désinvolture dont a fait preuve le gouvernement dans ce dossier met en lumière à quel point il est à l’aise avec un niveau de risque extraordinairement élevé concernant les investissements chinois dans des secteurs critiques et sensibles d’une importance capitale, pas seulement pour la sécurité nationale du Canada, mais aussi pour celle de ses alliés.

D’autres transactions fort médiatisées et controversées incluent la prise de contrôle par la compagnie d’assurance Anbang de la société vancouvéroise Retirement Concepts, le plus grand fournisseur de soins de longue durée de la Colombie-Britannique, qui exerce ses activités dans cette province, à Calgary et à Montréal. En l’occurrence, la transaction a été approuvée par le gouvernement sans examen en bonne et due forme, même si les États-Unis avaient soulevé des questions importantes sur la structure de propriété nébuleuse d’Anbang, ainsi que sur ses liens avec le gouvernement communiste chinois. Or, au lieu de mener un examen relatif à la sécurité nationale de la transaction, le gouvernement l’a tout simplement approuvée, sous prétexte qu’elle présenterait un avantage net pour l’économie du Canada.

En 2018, le gouvernement communiste chinois a pris le contrôle d’Anbang et, en 2019, il a créé le groupe d’​assurance Dajia, une entreprise d’État, pour prendre le contrôle des principales activités d’assurance d’Anbang. Le gouvernement a si mal géré la situation que Retirement Concepts, la plus grande entreprise de maisons de retraite en Colombie-Britannique, appartient désormais à une entreprise d’État chinoise.

Puis, il y a l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements chinois dans des industries névralgiques canadiennes. Malgré la décision du gouvernement conservateur précédent de rejeter la demande de prise de contrôle de l’entreprise montréalaise ITF Technologies par l’entreprise hongkongaise O-Net Communications, en 2015, le gouvernement libéral a réévalué la demande d’investissement et a ensuite approuvé la transaction en 2017.

Il est ahurissant qu’elle ait été approuvée, étant donné qu’une entreprise d’État notoire, la China Electronics Corporation, détient 25 % des parts de l’entreprise O-Net.

Heureusement, dans un autre cas, l’acquisition d’Aecon par l’entreprise d’État chinoise China Communications Construction Company International Limited a été bloquée en mai 2018, après un examen approfondi relatif à la sécurité nationale.

Plus récemment, à la fin de décembre 2020, le gouvernement a bloqué une autre prise de contrôle chinoise après qu’elle a fait l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale. La proposition de vente des actions de TMAC Resources et de son projet d’exploitation aurifère de Hope Bay, au Nunavut, à l’entreprise d’État Shandong Gold Mining Co., Ltd a été rejetée.

Une autre transaction controversée et fort risquée a eu lieu en juillet 2020, lors de l’attribution, par le gouvernement d’une offre à commandes à Nuctech — une entreprise publique chinoise qui entretient des liens étroits avec les échelons les plus élevés du Parti communiste chinois et de l’Armée populaire de libération, décrite comme une menace pour la sécurité occidentale par le Conseil national de sécurité des États-Unis — en vue d’obtenir des équipements de sécurité sensibles pour l’ensemble de nos 170 ambassades, consulats et hauts-commissariats dans le monde.

La semaine dernière, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a publié son rapport sur l’acquisition par le gouvernement d’appareils de détection pour la sécurité destinés aux ambassades du Canada à travers le monde. Le Comité avait axé son étude sur l’offre à commandes attribuée à Nuctech — aussi connue sous le nom de « Huawei des aéroports » — et soulevait dans son rapport des préoccupations quant à l’équité du marché et la sécurité des biens du gouvernement fédéral.

Le fiasco de l’entreprise Nuctech illustre parfaitement la façon dont le gouvernement continue d’échouer lamentablement lorsqu’il est question d’entreprises d’État chinoises, car il exclut imprudemment les considérations de sécurité nationale et octroie exclusivement les contrats au plus bas soumissionnaire. Miraculeusement, en novembre 2020, le gouvernement est finalement revenu à la raison et a rejeté l’offre à commandes. À ce jour, il est assez étonnant que l’offre ait même été accordée en premier lieu. Cependant, le gouvernement n’a pas encore décidé s’il bannira ou non Huawei de notre réseau 5G.

Alors que le gouvernement étudie toujours l’offre de Huawei pour construire la prochaine génération de réseaux de télécommunications au Canada, tous les membres du Groupe des cinq — les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande — ont exprimé leurs préoccupations. Ils ont tous interdit à Huawei de mettre en œuvre sa technologie dans leurs réseaux pour des raisons de sécurité nationale, car cette entreprise chinoise représente une menace réelle et importante.

D’autres pays, notamment le Japon, Taïwan, l’Allemagne, la France, la Pologne et la République tchèque, ont conclu que l’expansion de Huawei mettrait en danger leurs prochaines générations d’infrastructures de communication. Certains ont carrément banni l’entreprise, tandis que d’autres ont renforcé leurs mesures de sécurité afin de resserrer les contrôles du réseau 5G.

Ce ne sont pas seulement les membres du Groupe des cinq qui ont alerté le gouvernement fédéral. Les directeurs actuels et ex-directeurs du SCRS, des experts de la sécurité nationale et de hauts responsables militaires ont tous déclaré qu’on ne peut pas et ne doit pas faire confiance à l’entreprise Huawei et qu’il est nécessaire de l’interdire. Ce n’est un secret pour personne que Huawei entretient des liens étroits avec le Parti communiste chinois, se livre à de l’espionnage et est complice du génocide contre les Ouïghours.

Qui plus est, la loi chinoise sur le renseignement national de 2017 donne à Pékin le pouvoir d’obliger des particuliers et des entreprises, tant publiques que privées et celles qui font des affaires à l’étranger, à coopérer avec les agents des services de renseignement chinois, au risque d’être poursuivis.

Honorables sénateurs, l’actuel gouvernement — et tout futur gouvernement d’ailleurs — devrait procéder à des examens de la sécurité nationale complets lorsqu’un gouvernement étranger investit dans des secteurs clés et des technologies critiques qui sont liés de près à notre sécurité nationale — les semiconducteurs, la biotechnologie, l’informatique quantique et les nanotechnologies, entre autres — surtout lorsqu’il s’agit de pays où il y a un taux élevé de corruption, des normes de transparence qui laissent à désirer et des violations flagrantes des droits de la personne, qui font de l’ingérence et de l’espionnage à l’étranger, qui ont recours à la prise d’otages diplomatiques et qui ne cessent de menacer l’ordre international fondé sur des règles.

Par conséquent, le projet de loi garantirait que le Canada ne se contente pas d’un examen de routine en matière de sécurité nationale lorsque l’acquisition de nos entreprises est envisagée par des entreprises d’État étrangères de la Chine, de l’Iran, de la Russie ou d’un autre pays aux antécédents douteux, au bilan désastreux en matière des droits de la personne, où la reddition de comptes est inexistante, où règnent une culture d’impunité et il y a des taux élevés de corruption.

À l’ère des technologies de pointe et de l’intelligence artificielle, une ère où des entreprises multinationales appartenant à des États émergents continuent d’occuper une place importante sur les marchés mondiaux et régionaux qui peut nuire à notre économie, à notre sécurité, au bien-être et à la sécurité des Canadiens et qui, ultimement, peut mettre en danger la souveraineté de notre sécurité nationale, la question revêt une importance capitale.

(2020)

Honorables sénateurs, la question de l’examen des investissements concerne non seulement notre économie, notre sécurité nationale et la sécurité des Canadiens, mais aussi nos relations internationales.

C’est extrêmement important, surtout maintenant, dans la foulée de la pandémie de COVID-19, puisque celle-ci a révélé les vulnérabilités de la plupart des pays du monde, ceux-ci ayant vu leurs entreprises dévaluées et exposées à un risque élevé de faire l’objet d’une prise de contrôle par une entreprise d’État étrangère qui souhaite uniquement exercer ses intérêts économiques, idéologiques et géopolitiques, ce qui nuirait à l’économie et à la sécurité nationale de ces pays.

Voilà pourquoi, en mars dernier, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a mis à jour les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements présentées en vertu de la Loi sur Investissement Canada.

Cette mise à jour des lignes directrices faisait suite à la publication, en avril 2020, de l’Énoncé de politique sur l’examen des investissements étrangers et le COVID-19, afin de tenir compte du contexte de la pandémie. L’énoncé de politique d’avril 2020 dit notamment que le gouvernement examinera avec une attention particulière les investissements étrangers dans des entreprises canadiennes qui sont liées à la santé publique ou qui participent à l’approvisionnement en biens et en services essentiels. En outre, il y est précisé que ce contrôle renforcé de certains investissements étrangers s’appliquera jusqu’à ce que l’économie se remette des effets de la pandémie.

Par ailleurs, les lignes directrices présentées par le ministre au titre de l’article 38 de la Loi sur Investissement Canada stipulent, à l’article 7 :

Plus particulièrement, certains investissements au Canada par des entreprises d’État peuvent être motivés par des impératifs non commerciaux qui pourraient nuire à la sécurité nationale du Canada. Le gouvernement examinera de plus près, en vertu de la partie IV.1, tous les investissements étrangers effectués par des investisseurs d’État ou des investisseurs privés considérés comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers ou soumis à leurs directives, quelle que soit la valeur de l’investissement.

Il s’agit d’un changement souhaitable et d’un pas dans la bonne direction, mais c’est insuffisant.

Tout d’abord, ces lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes. Enfin, l’énoncé de politique ne sera en vigueur que temporairement.

En revanche, la modification législative que je propose dans mon projet de loi permettrait de soumettre tous les investissements par des entreprises d’État étrangères à un examen relatif à la sécurité nationale. Ainsi, la modification législative aurait préséance sur toute ligne directrice ou tout bulletin d’application publié par le ministre.

Qui plus est, le projet de loi S-234 ne mentionne pas la Chine, la Russie, l’Iran ou tout autre pays préoccupant. Or, il est évident que cette disposition est cohérente si nous tournons notre attention vers les pays qui présentent un risque pour notre sécurité nationale.

De nombreux autres pays savent que de telles mesures de sauvegarde sont tout à fait justifiables compte tenu de la menace croissante que posent les entreprises d’État, qui ciblent tous les types de technologies et de données, dont certaines ont des usages militaires et civils qui se chevauchent, ce qui fait que nos préoccupations en matière de sécurité et de surveillance entourant de tels investissements concernent le monde entier.

En particulier maintenant, étant donné le contexte actuel de la pandémie, de nombreux pays dans le monde ont mis en place des procédures rigoureuses d’examen des investissements par des entreprises d’État, qui imposent des limites et des restrictions accrues.

Depuis 2017, et encore plus depuis 2020, le gouvernement de l’Allemagne resserre ses règles concernant les prises de contrôle par des intérêts étrangers, afin d’augmenter ses pouvoirs lui permettant de bloquer les investissements étrangers directs. Parmi les changements concernant les transactions susceptibles d’avoir une incidence sur la sécurité du pays, mentionnons la suspension temporaire d’une entente jusqu’à la prise d’une décision définitive. En outre, il n’est plus nécessaire qu’il y ait un danger véritable à l’ordre public ou à la sécurité publique pour entreprendre l’examen d’une transaction envisagée. On a plutôt abaissé le seuil de risque et l’examen peut être déclenché dès que l’entente possible présente une menace probable.

Au fil des ans, le régime allemand en matière d’investissement étranger direct a été élargi afin d’inclure de nombreux secteurs, groupes et activités commerciales qui sont désormais assujettis à une exigence d’avis obligatoire et jugés essentiels au système public et à la sécurité du pays. Ces secteurs, groupes et activités commerciales incluent les infrastructures essentielles; le cryptage et d’autres services liés à la défense; les soins de santé et les sciences de la vie; les secteurs de nature sensible, comme l’agriculture, les brevets secrets et les technologies essentielles, pour ne nommer que ceux-là. Les dernières modifications ont été apportées le 1er mai 2021 et 16 secteurs, groupes et activités commerciales ont été ajoutés au régime.

La Chine, pour des raisons de sécurité nationale, ne permet à aucun investisseur étranger d’acquérir ses ressources naturelles. Pourquoi le ferions-nous?

Aux termes de la loi australienne de 1975 sur les acquisitions et les prises de contrôle étrangères, le Trésorier de l’Australie, sous la direction de l’Agence d’examen de l’investissement étranger, est autorisé à examiner les investissements étrangers proposés et à soit les interdire, soit les soumettre à des conditions, s’ils sont jugés préjudiciables à l’intérêt national.

En 2015, le Parlement de l’Australie a adopté trois projets de loi qui modifient et renforcent davantage la loi sur les acquisitions et les prises de contrôle étrangères. Toutes les dispositions de fond ont été abrogées et remplacées.

À cause des graves répercussions que la pandémie de COVID-19 a eues sur des secteurs névralgiques et l’ensemble de l’économie australienne, le trésorier a annoncé le 29 mars 2020 que, pendant toute la durée de la pandémie, tous les investissements étrangers feront l’objet d’un examen, peu importe leur valeur ou leur nature. La réglementation de 2020 sur les acquisitions et les prises de contrôle étrangères établit, comme critère, la valeur à partir de laquelle un examen doit être effectué dans le cas de la location d’un terrain à usage commercial. Cette réglementation est fondée sur les modifications législatives de 2015.

Aux États-Unis, les investissements étrangers sont régis par la loi de 2007 sur les investissements étrangers et la sécurité nationale, loi qui confère au président des États-Unis — après que le comité américain chargé d’examiner les investissements étrangers a examiné le dossier et formulé ses suggestions — le pouvoir de suspendre ou d’interdire des investissements étrangers proposés, s’il y a suffisamment de preuves que ces investissements menacent la sécurité nationale.

Le 13 août 2018, les États-Unis ont adopté une loi plus robuste visant à élargir, dans le but de renforcer davantage et de moderniser son processus d’examen, la portée du Committee on Foreign Investment in the United States, l’organisme intergouvernemental capable de bloquer les transactions pouvant menacer la sécurité nationale et, au bout du compte, de protéger le pays de tout nouveau cas de fraude bancaire, de vol de technologie, d’entrave à la justice et de blanchiment d’argent. Ce régime de réglementation a été considérablement réformé l’an dernier par la promulgation de la John S. McCain National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2019, laquelle inclut la Foreign Investment Risk Review Modernization Act of 2018 afin de mieux remédier aux préoccupations relatives à la sécurité nationale. Pour des raisons de sécurité nationale, cette nouvelle loi étend les attributions du président et du Committee on Foreign Investment in the United States afin de tenir compte des risques à la sécurité nationale liés aux investissements étrangers proposés.

En mars 2021, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes a publié son rapport sur l’examen de la Loi sur Investissement Canada, intitulé Loi sur Investissement Canada : Réagir à la pandémie de COVID-19 et faciliter la relance au Canada. En ce qui a trait aux risques des investissements étrangers pour la sécurité nationale, la plupart des témoins ont mis l’accent sur la Chine et ses sociétés d’État. Certains témoins ont souligné les liens forts qui unissent les entreprises chinoises et le Parti communiste chinois.

En fin de compte, le comité a conclu que le Canada doit trouver un juste équilibre entre le maintien d’une politique ouverte aux investissements étrangers et l’assurance que ces investissements servent les intérêts du pays et ne minent pas la sécurité nationale. Au total, le comité a formulé neuf recommandations. Deux d’entre elles portent précisément sur les sociétés d’État étrangères, mais l’une se rapporte à mon projet de loi. Elle va comme suit :

Que le gouvernement du Canada dépose un projet de loi modifiant la Loi sur Investissement Canada afin de ramener à zéro le seuil d’évaluation actuel pour la prise de contrôle potentielle par des entreprises contrôlées ou détenues par un État étranger, de façon à ce que chaque transaction fasse l’objet d’un examen, tant en ce qui a trait au critère de l’avantage net qu’à celui de la sécurité nationale.

Ainsi, il est temps pour le Canada d’adopter une approche plus ferme afin de protéger notre sécurité nationale et de réagir aux situations qui deviennent de plus en plus difficiles en ce qui concerne notre immobilier, nos banques, notre infrastructure essentielle, nos universités et, surtout, nos nouvelles technologies et nos données confidentielles.

(2030)

Par conséquent, grâce à mon projet de loi, tous les investissements des entreprises d’État seraient soumis à l’examen relatif à la sécurité nationale. Il propose en outre un processus d’examen plus approfondi des investissements pour faire face au contexte de menaces possibles pour la sécurité nationale que représentent les technologies nouvelles et émergentes, une plus grande vigilance à l’égard des motivations derrière les investissements étrangers faits par des concurrents stratégiques et un environnement économique mondial caractérisé par des tensions accrues et la loi du talion.

Honorables sénateurs, nous devons bien comprendre ce qui est en jeu dans ce projet de loi, dont l’objectif demeure de promouvoir le libre-échange et les investissements étrangers directs, y compris ceux des entreprises d’État, pour stimuler notre croissance économique. Le gouvernement doit tenir son engagement de stimuler la croissance économique et d’attirer les investissements étrangers tout en restant vigilant et actif, en ce qui concerne notre sécurité nationale, face aux investissements risqués des entreprises d’État.

Selon Statistique Canada, les investissements directs étrangers au Canada en 2020 ont augmenté de près de 2,75 % par rapport à l’année précédente. Selon le rapport Investment Monitor 2021 Report de la Fondation Asie Pacifique du Canada :

[...] les entreprises d’État représentent 18 % de toutes les activités d’investissement de l’Asie-Pacifique au Canada, depuis 2003. Cependant, ces transactions ont généré plus de 51 % de la valeur totale des investissements de l’étranger, avec 107,5 milliards de dollars canadiens investis au Canada au cours des 18 dernières années. Cette asymétrie entre le nombre de transactions et la valeur des investissements souligne le fait que les entreprises d’État sont beaucoup plus susceptibles que les autres entreprises de faire des investissements de grande valeur.

La plupart des investissements que font au Canada des entreprises d’État asiatiques sont destinés au secteur des ressources naturelles. Au cours des 18 dernières années, 72 % de ces investissements ont été faits dans la production pétrolière et gazière.

Comme je l’ai déjà dit, une « entreprise d’État » peut être un individu qui agit sous l’autorité du gouvernement d’un État étranger ou d’un organisme d’un tel gouvernement. Il peut s’agir aussi d’un individu ou d’une entreprise influencés, directement ou indirectement, par le gouvernement ou un organisme d’un État étranger.

Une étude menée par l’institut de la Chine de l’Université de l’Alberta cite les secteurs industriels suivants comme étant ceux qui bénéficient le plus d’investissements directs chinois : l’énergie, les métaux et les minéraux, le divertissement, l’immobilier, les produits de consommation ainsi que les services liés aux infrastructures essentielles. On estime que les deux tiers des investissements d’entreprises d’État chinoises sont effectués principalement en Colombie-Britannique, puis en Ontario et en Alberta.

Honorables sénateurs, ce qui semble inoffensif aujourd’hui, comme bon nombre de ces investissements qui ne sont soumis à aucun examen, peut facilement se transformer en risque et nous rendre vulnérables. Prenons l’exemple de l’interdiction imposée par la Chine visant les exportations de canola, de porc, de bœuf et de fruits de mer.

Un rapport de conférence publié par le Service canadien du renseignement de sécurité en mai 2018 et intitulé Repenser la sécurité : La Chine à l’ère de la rivalité stratégique nous avertit qu’il importe peu qu’une entreprise chinoise faisant affaire avec un partenaire canadien soit une entreprise d’État ou non. Le rapport dit ceci :

Qu’il s’agisse d’une société d’État ou d’une entreprise privée, un partenaire chinois entretiendra des liens étroits et de plus en plus explicites avec le [Parti communiste chinois].

Le rapport dit également :

À moins que les ententes commerciales aient été soigneusement passées au crible afin de déceler toute répercussion sur la sécurité nationale, Beijing se servira de sa position commerciale pour obtenir accès aux entreprises, aux technologies et aux infrastructures qu’il lui sera possible d’exploiter pour atteindre ses objectifs sur le plan du renseignement ou, éventuellement, pour compromettre la sécurité d’un partenaire.

Bien que la majorité des investissements étrangers réalisés au Canada se fassent de façon ouverte et transparente, un certain nombre de sociétés d’État et d’entreprises privées entretenant des liens étroits avec leur gouvernement ou les services de renseignement peuvent faire des offres d’acquisition au Canada ou poursuivre d’autres activités économiques. L’acquisition d’entreprises par ces entités constitue un risque à l’égard de la vulnérabilité des infrastructures essentielles, du contrôle des secteurs stratégiques, de l’espionnage et des activités influencées par l’étranger, ainsi que du transfert illégal de technologie et d’expertise. Le SCRS prévoit que les menaces pour la sécurité nationale liées aux investissements étrangers ou à d’autres activités économiques au Canada vont se poursuivre.

Selon moi, ces conclusions trouvent certainement un écho dans les conséquences des conflits diplomatiques actuels avec la Chine, surtout à un moment où les investissements chinois directs au Canada ont augmenté de 100,5 % entre 2010 et 2020. Il ne faut pas s’en étonner. L’économie chinoise repose sur une planification centralisée et elle est dirigée par quelque 150 000 entreprises d’État qui appartiennent tant au gouvernement central qu’aux gouvernements locaux et qui sont sous la houlette du Parti communiste chinois, qui exploite toutes sortes de technologies et de données et qui les utilise tant à des fins militaires que civiles, ce qui fait grandir nos inquiétudes en matière de sécurité nationale et publique relativement à ces investissements.

Malgré des recherches continues, je suis toujours incapable d’obtenir des renseignements sur le montant total des investissements faits au Canada par des entreprises d’État étrangères non chinoises. Cependant, je suis en mesure de donner plusieurs exemples importants. En 2007, la société d’État norvégienne ASA a acheté la North American Oil Sands Corporation. En 2008, l’Abu Dhabi National Energy Corporation, ou TAQA, a pris le contrôle de PrimeWest Energy Trust. En 2009, la Korean National Oil Corp a acheté Harvest Energy Trust. En 2011, la société thaïlandaise PTT Exploration and Production PLC a entrepris l’achat de 40 % de la société Statoil. En 2012, Petronas, une entreprise malaisienne, a acheté la Progress Energy Resource Corporation. Le Global Grain Group — une coentreprise de Bunge Canada, entreprise américaine du secteur alimentaire, et d’une filiale de la Saudi Agriculture and Livestock Investment Corporation — a acheté 50,1 % de la Commission canadienne du blé.

[Français]

Honorables sénateurs, la croissance nationale de la Chine et son expansion sur la scène mondiale dépendent maintenant des progrès de son initiative appelée « la nouvelle route de la soie », ou « La Ceinture et la Route », que l’on appelle en anglais la Belt and Road Initiative. Cette immense stratégie de développement croît à un rythme sans précédent, car d’énormes investissements ont été faits dans des industries stratégiques dans plus de 130 pays, notamment dans l’infrastructure, la construction, l’exploitation minière, l’intelligence artificielle, l’agriculture, les technologies de nature délicate, les télécommunications, les soins de santé, la culture, les services bancaires et l’énergie, pour ne nommer que ceux-là. Il n’est donc pas étonnant qu’on fasse un parallèle entre ces investissements et les propositions précédentes de sociétés d’État étrangères qui ont été approuvées sans vérification ni examen de sécurité rigoureux au cours des dernières années.

[Traduction]

Des membres de la communauté internationale, particulièrement en Occident, commencent à voir la politique étrangère de Pékin pour ce qu’elle est réellement : une politique expansionniste.

Le 21 avril 2021, le gouvernement de l’Australie a annulé le protocole d’entente sur le projet La Ceinture et la Route, entre le gouvernement chinois et celui de l’État de Victoria. C’était la seule entente du genre dans tout le pays. Ce mois-ci, dans la foulée du sommet du G7, on nous a annoncé qu’un projet de relance verte et propre était en préparation. Il sera axé sur les énergies vertes et propres et servira à contrer le projet chinois La Ceinture et la Route. Il établira un cadre pour soutenir le développement durable et l’économie verte. On constate un changement dans la perception qu’ont les pays de la stratégie expansionniste de la Chine. Ce n’est pas une question de protectionnisme, mais plutôt de prudence.

[Français]

Cela étant dit, même si le Canada évalue avec soin tous les investissements proposés du point de vue de la sécurité, y compris ceux qui ne donnent pas lieu à un changement de propriété, le pouvoir d’examen relatif à la sécurité nationale demeure encore bien peu utilisé.

[Traduction]

Je tiens à être très clair sur ce point : le projet de loi S-234 a été rédigé dans un esprit de prudence et non de protectionnisme. Il contribuerait à dissiper les inquiétudes grandissantes à l’égard de la sécurité en ce qui concerne les investissements faits par des entreprises d’État étrangères.

En terminant, honorables sénateurs, certains d’entre vous se rappelleront probablement qu’au mois de mars 2017, l’ancien ambassadeur de la Chine au Canada, Lu Shaye, avait posé des conditions strictes pour qu’un accord bilatéral de libre-échange puisse être conclu entre les deux pays. Il a affirmé au Globe and Mail que, dans le cadre de ses négociations avec Ottawa au sujet d’un accord de libre-échange, Beijing cherchait à obtenir pour les entreprises d’État chinoises un libre accès à tous les principaux secteurs de l’économie canadienne, y compris l’élimination des restrictions qui empêchent ces entreprises d’investir dans les sables bitumineux.

(2040)

Le Canada doit pouvoir compter sur un climat favorable aux investissements, mais pas au prix de la sécurité nationale. Il s’agit clairement d’accorder une attention particulière aux investissements faits par des entreprises d’État dans le contexte de l’application des critères de sécurité nationale et d’intérêt national, aux termes de nos lois en matière d’investissement. C’est pourquoi le projet de loi empêcherait les changements de politique tolérants aux risques de mettre la sécurité des Canadiens en danger.

Étant donné les menaces que de tels investissements pourraient représenter pour la sécurité nationale, il incombe au Canada d’établir un cadre juridique qui s’applique à ces propositions d’investissements d’une façon réaliste.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Frum, appuyée par l’honorable sénatrice Martin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-204, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques).

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je reprends mes observations à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-204, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques).

Chers collègues, le monde est confronté à un problème de gestion responsable des déchets plastiques. Les difficultés liées à la gestion nationale de grands volumes de déchets plastiques se traduisent souvent par des décharges ou des enfouissements dans l’environnement, ce qui pose un grave problème environnemental mondial et représente une occasion économique perdue. Il est tout simplement impossible de nier ce fait.

Cependant, la question de savoir si le projet de loi C-204 est l’instrument approprié pour régler ces problèmes ou même pour aider à les régler est importante, et le Sénat doit l’étudier attentivement. Respectueusement, le gouvernement est d’avis que le projet de loi n’est pas l’instrument approprié, et je vais vous expliquer pourquoi.

La politique du Canada en ce qui concerne la circulation transnationale des déchets plastiques nuisibles est axée sur les solutions multilatérales. Plus précisément, le Canada et ses alliés ont réussi à cibler ce problème dans le cadre de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination.

La Convention de Bâle a été adoptée le 22 mars 1989, en réponse au tollé suscité par la découverte de dépôts de déchets toxiques importés de l’étranger en Afrique et dans d’autres régions du monde en développement. À titre d’information, dans les années 1980, le resserrement de la réglementation environnementale dans les pays industrialisés a entraîné une hausse considérable du coût de l’élimination des déchets toxiques. Il s’en est suivi une augmentation de ce qu’on qualifie de « commerce des produits toxiques » dans le cadre duquel des déchets dangereux ont commencé à être expédiés aux pays en développement et à l’Europe de l’Est. Lorsque cette pratique odieuse a été révélée, l’indignation internationale a mené à la conclusion de la Convention de Bâle.

La Convention de Bâle a pour objectif de protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets nocifs graves des déchets dangereux. Le fait qu’elle lie 188 pays en fait un instrument crucial dans les efforts mondiaux visant à réduire les dommages causés par les déchets dangereux dans les pays en développement. Elle est également une plateforme efficace pour s’attaquer efficacement aux problèmes émergents de concert avec la communauté internationale.

En mai 2019, les parties à la Convention de Bâle ont accepté des modifications en réponse au problème mondial des déchets plastiques et elles les ont ratifiées. Ces modifications portaient à la fois sur l’exportation de déchets plastiques destinés à l’élimination définitive, qui est l’objet du projet de loi C-204, et sur l’exportation de déchets plastiques destinés au recyclage. Fait important, ces contrôles exigent le consentement préalable en connaissance de cause d’un pays importateur qui est partie à la Convention de Bâle avant que l’exportation de déchets plastiques puisse avoir lieu.

Les amendements sont mis en œuvre dans le droit canadien en vertu du Règlement sur l’exportation et l’importation de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses, qui a été adopté aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. En termes simples, au titre des nouvelles règles, depuis le 1er janvier 2021, il faut un permis d’exportation pour pouvoir exporter des déchets plastiques assujettis à la Convention de Bâle lorsque ceux-ci sont destinés à un État partie à la convention. Avant de délivrer un permis, il faut obtenir le consentement des pays de transit et d’importation. En somme, cela signifie que le Canada a pris des mesures importantes pour améliorer le contrôle des exportations de déchets plastiques, de concert avec la communauté internationale.

Chers collègues, je signale également que le projet de loi C-204 a été présenté à l’autre endroit avant que ces mesures soient mises en place au pays. On peut se demander ce que le projet de loi C-204 peut faire pour s’attaquer au problème des déchets plastiques, s’il est redondant ou s’il peut créer de la confusion dans l’application des lois et des règlements.

Comme on l’a dit, les modifications à la Convention de Bâle concernant les déchets plastiques imposent des contrôles sur les déchets plastiques destinés à l’élimination définitive et au recyclage. Ce point est important, car comme l’ont fait remarquer certains de nos collègues de l’autre endroit au cours de leurs délibérations sur le projet de loi, on suppose que la majorité des déchets plastiques exportés sont destinés à une certaine forme de recyclage plutôt qu’à l’élimination définitive — ce qui est l’objet du projet de loi C-204 —, car il y a peu d’incitatifs économiques à exporter des déchets plastiques sur de longues distances si c’est pour une élimination définitive.

Cependant, le Canada exporte des déchets solides municipaux qui contiennent des déchets plastiques vers les États-Unis en vue de leur élimination définitive. Le projet de loi C-204 interdirait le commerce de déchets plastiques aux États-Unis en vue de leur élimination définitive. L’arrêt du commerce des déchets solides municipaux vers les États-Unis aura des répercussions économiques et environnementales au Canada. Voilà, chers collègues, un aspect du projet de loi que le Sénat devrait examiner attentivement en faisant son second examen objectif.

Certains députés à l’autre endroit ont également fait valoir que le projet de loi C-204 était trop restrictif à l’égard de l’élimination définitive. La question a également été évoquée au Comité permanent de l’environnement et du développement durable en mars de cette année. La question du recyclage a été abordée par des organisations environnementales et non gouvernementales ainsi que par l’industrie, quoique sous différents angles. M. James Puckett, du Basel Action Network, qui a témoigné devant le comité, a déclaré ce qui suit :

[...] le projet de loi ne résout pas le plus grand problème d’envergure mondiale que M. Davidson et d’autres tentent de régler au moyen de cette mesure législative puisqu’il porte uniquement sur l’exportation à des fins d’élimination définitive, c’est-à-dire l’enfouissement ou l’incinération. La version actuelle du projet de loi ne s’attaque pas au fond du problème, à savoir l’exportation à des fins de recyclage.

Cependant, l’industrie canadienne a envoyé des mémoires au comité sur l’importance du commerce des plastiques recyclés et les effets négatifs que le projet de loi C-204 pourrait avoir sur les efforts de recyclage en Amérique du Nord.

Honorables sénateurs, les modifications à la Convention de Bâle concernant les déchets plastiques mettent en place de nouvelles mesures de contrôle à l’égard de certains déchets plastiques destinés à l’élimination définitive et au recyclage, afin de permettre uniquement le libre-échange de déchets plastiques précieux, moins polluants et faciles à recycler. Ces mesures de contrôle ne sont en place que depuis janvier dernier, et les efforts se poursuivent pour veiller à ce que les parties concernées par ce commerce aient accordé leur consentement.

En tout respect, je dirais que c’est pour cette raison que le projet de loi C-204 rate la cible, car de nouvelles mesures de contrôle ont été mises en place à la suite de la présentation du projet de loi, et elles sont conçues pour résoudre les problèmes causés par les exportations de déchets plastiques à l’échelle mondiale.

De plus, la liste proposée à l’annexe 7 du projet de loi présente aussi certains problèmes de nature plus technique dont nous devrons tenir compte. Selon la définition du terme « déchets plastiques » fournie dans le projet de loi C-204, ce terme « s’entend des types de plastiques énumérés à l’annexe 7 ». L’annexe comprend 32 éléments, soit 31 qui ont été proposés par le parrain du projet de loi et un autre qui a été adopté à l’autre endroit, à l’étape du comité.

J’aimerais souligner quelques problèmes associés à la liste qui est proposée à l’annexe 7, dont certains ont été soulevés lors de l’étude du projet de loi au Comité permanent de l’environnement et du développement durable.

Premièrement, les modifications à la Convention de Bâle concernant les déchets plastiques visent probablement un plus vaste ensemble de « déchets plastiques » que ceux qui se trouvent à l’annexe 7. De plus, le projet de loi C-204 propose un contrôle plus strict seulement pour les exportations destinées à l’élimination définitive. La différence entre les déchets plastiques assujettis à la Convention de Bâle et les déchets plastiques énoncés à l’annexe 7 créerait de la confusion pour les entreprises. Des réglementations distinctes se superposeraient, et engendreraient des difficultés pour les exportateurs.

(2050)

Deuxièmement, quatre substances énumérées à l’annexe 7 ne sont pas habituellement considérées comme des plastiques. L’éthylène, par exemple, est un gaz à la température ambiante et il est utilisé comme matière première. J’ai l’impression qu’il faudrait rédiger adéquatement l’annexe si l’on veut que le projet de loi C-204 soit efficace. Le texte actuel de l’annexe serait une source de confusion et de difficultés opérationnelles. Bien que le projet de loi propose que le gouverneur en conseil puisse modifier cette annexe, je crois que nous devrions examiner attentivement sa version actuelle ainsi que les difficultés associées à sa mise en œuvre.

J’aimerais aussi attirer votre attention sur d’autres difficultés relatives au projet de loi C-204. Premièrement, si des agents responsables de l’application de la loi veulent inspecter une cargaison, des analyses en laboratoire pourraient être nécessaires afin de déterminer si un objet contient des substances figurant dans l’annexe. Les analyses en laboratoire coûtent cher, en argent et en temps, et elles causeraient des problèmes d’organisation à l’Agence des services frontaliers du Canada et aux autorités portuaires parce que les conteneurs ne peuvent pas rester au port pendant des périodes prolongées.

En plus des difficultés associées à l’application de l’interdiction proposée par le projet de loi, il pourrait y avoir des répercussions sur les systèmes de gestion des déchets des provinces et des territoires. Le projet de loi pourrait entraîner des tensions dans les relations intergouvernementales, car une interdiction immédiate de l’exportation des déchets plastiques est contraire à l’approche collaborative que le gouvernement fédéral prône avec les provinces et les territoires en vue de réduire à zéro les déchets plastiques et opérer la transition vers une économie circulaire pour les plastiques. Une action unilatérale du fédéral sans consultation suffisante pourrait avoir des conséquences imprévues sur ces initiatives, comme la complication des efforts pour atteindre l’objectif zéro de déchets de plastique. Par exemple, elle pourrait nuire à la transition vers des régimes meilleurs et plus vastes de responsabilité élargie des producteurs.

En outre, honorables sénateurs, le gouvernement du Canada travaille étroitement avec les provinces et les territoires par l’intermédiaire du Conseil canadien des ministres de l’Environnement. En 2018, le Conseil a approuvé une stratégie visant l’atteinte de zéro déchet de plastique, puis un plan d’action en deux phases mis en œuvre conjointement. Le plan consiste à faciliter la mise en place de programmes cohérents et étendus de responsabilité des producteurs dans tout le pays, afin de rendre les entreprises responsables de la collecte et du recyclage des produits et des emballages qu’elles mettent sur le marché.

Avant d’adopter les mesures proposées dans le projet de loi C-204, il faudrait mener des consultations auprès des provinces et des territoires pour comprendre les conséquences possibles sur leur système de gestion des déchets. Le projet de loi C-204 vise à contribuer à surmonter un défi mondial complexe. Tout problème de nature environnementale qui est transnational et complexe et qui touche de nombreux joueurs doit être considéré sous des angles multiples.

En résumé, le gouvernement a déjà commencé à agir pour s’attaquer aux problèmes causés par l’exportation de déchets plastiques : il a fortement appuyé l’adoption des amendements sur les déchets plastiques à la Convention de Bâle, les a ratifiés en 2020 et procède maintenant à leur mise en œuvre par l’entremise de ses règlements. Le projet de loi C-204 se limite à l’élimination définitive alors que notre régime national actuel englobe le recyclage et l’élimination définitive. De plus, l’annexe 7 proposée contient des produits posant des difficultés techniques et des produits qui ne sont pas généralement considérés comme du plastique.

Enfin, le projet de loi présente des défis de mise en œuvre dans la pratique. L’un d’entre eux est de taille. L’interdiction prévue par le projet de loi C-204 aurait probablement comme effet d’interdire l’exportation de tous les déchets solides des municipalités destinés à l’élimination définitive vers les États-Unis s’ils contiennent des éléments visés par l’annexe 7. Ce changement aurait des répercussions sur les provinces, les territoires et les municipalités en augmentant la pression et les coûts pour les systèmes de gestion des déchets en raison des volumes accrus de déchets solides des municipalités qui devraient être enfouis au Canada.

Honorables sénateurs, ce ne sont là que quelques-uns des problèmes que je voulais soulever, j’espère qu’ils feront l’objet d’une étude rigoureuse et approfondie du Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.)

L’étude des questions concernant les droits de la personne en général

Adoption du troisième rapport du Comité des droits de la personne et de la demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l’étude du troisième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada, déposé au Sénat le 3 juin 2021.

L’honorable Salma Ataullahjan propose :

Que le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui a été déposé le 3 juin 2021, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Santé étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Services aux Autochtones et le ministre des Femmes et de l’Égalité des genres.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Quatrième rapport du Comité des droits de la personne et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du quatrième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, déposé au Sénat le 16 juin 2021.

L’honorable Salma Ataullahjan propose :

Que le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui a été déposé le 16 juin 2021, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada, le vice-premier ministre et ministre des Finances, le ministre des Services aux Autochtones, le ministre des Relations Couronne-Autochtones, le ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et du Développement économique rural, ainsi que le ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Souhaitiez-vous invoquer le Règlement, sénatrice Martin?

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Non. J’allais demander l’ajournement.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Batters, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d’ajournement et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.

(2100)

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. L’agente de liaison du gouvernement et la whip de l’opposition se sont-elles entendues sur la durée de la sonnerie?

La sénatrice Seidman : Maintenant.

L’honorable Jane Cordy : Votre Honneur, pourriez-vous préciser la motion?

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Batters, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Batters Gold
Black (Ontario) Griffin
Boehm Harder
Boisvenu Klyne
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Loffreda
Boyer MacDonald
Busson Manning
Cotter Martin
Deacon (Nouvelle-Écosse) Marwah
Deacon (Ontario) Mockler
Dean Ngo
Dupuis Patterson
Forest Seidman
Francis Smith
Gagné Wallin
Galvez White—34

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bernard McPhedran
Campbell Moodie
Cordy Pate
Coyle Ravalia
Duncan Saint-Germain
Forest-Niesing Tannas
Lankin Wetston
McCallum Woo—16

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Mégie
Bellemare Simons—5
Cormier

(À 21 h 13, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

ANNEXE

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

Les affaires étrangères

Les droits de la personne au Sri Lanka—La politique en matière de crémation

(Réponse à la question posée le 9 février 2021 par l’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia)

Depuis longtemps, le Canada plaide en faveur de la protection de la liberté de religion et de croyance.

En tant que membre du groupe central du Conseil des droits de l’homme des Nations unies chargé des résolutions sur le Sri Lanka, le Canada exprime régulièrement ses préoccupations à propos de la stigmatisation de groupes minoritaires. À l’occasion de la 44e session du conseil (en juin 2020), le groupe central a réitéré que les mesures prises exceptionnellement pour lutter contre la COVID 19 ne doivent pas servir à supprimer les droits de la personne.

Pendant la 46e session du conseil (février — mars 2021), le ministre canadien des Affaires étrangères a attiré l’attention sur la détérioration des droits de la personne au Sri Lanka, et son secrétaire parlementaire a déclaré que la politique de crémation obligatoire imposée par ce pays y aggraverait les divisions. Grâce aux efforts déployés par le groupe central, le conseil a adopté une nouvelle résolution qui permet de renforcer la responsabilisation, d’améliorer la surveillance de la situation des droits de la personne par les Nations unies, et d’exhorter le Sri Lanka à favoriser la liberté de religion et de croyance.

Bien que le Sri Lanka ait fini par révoquer la politique de crémation obligatoire des personnes décédées de la COVID 19, le Canada surveillera la mise en œuvre de nouvelles mesures d’inhumation afin de s’assurer que les droits des minorités religieuses sont respectés, tout en demeurant conformes aux lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé.

L’emploi et le développement social

Le financement de l’accès équitable aux bibliothèques

(Réponse à la question posée le 16 mars 2021 par l’honorable Pamela Wallin)

Le gouvernement appuie le principe que tout le monde devrait avoir accès à l’information et aux imprimés. Donc, il a signé le Traité de Marrakech et créé un groupe de travail composé de représentants de l’industrie de l’édition et d’organismes de personnes en situation de handicap, dont le CAEB et le RNSEB, pour élaborer une stratégie à long terme sur la production de documents en médias substituts au Canada.

La Stratégie de transition vers la production de livres en médias substituts prévoit des mesures pour élargir l’accès et des fonds pour renforcer les capacités des éditeurs et des innovations technologiques ainsi qu’un financement transitoire pour les organismes sans but lucratif. Le budget de 2019 prévoit 22,8 M$ à l’appui de la Stratégie pour rendre les livres accessibles « par nature ».

L’Énoncé économique de l’automne 2020 prévoit 10 M$ pour faciliter cette transition et appuyer le CAEB et le RNSEB sur une période de quatre ans pendant que l’industrie de l’édition participe plus activement à la publication de documents en formats accessibles. Une somme additionnelle de 1 M$ a été octroyée aux deux organismes pour 2021-2022 pour pallier les effets de la pandémie et répondre au besoin d’accès aux imprimés des gens qui sont plus isolés.

(Réponse à la question posée le 16 mars 2021 par l’honorable Judith G. Seidman)

Le gouvernement appuie le principe que tout le monde devrait avoir accès à l’information et aux imprimés. Donc, il a signé le Traité de Marrakech et créé un groupe de travail composé de représentants de l’industrie de l’édition et d’organismes de personnes en situation de handicap, dont le CAEB et le RNSEB, pour élaborer une stratégie à long terme sur la production de documents en médias substituts au Canada.

La Stratégie de transition vers la production de livres en médias substituts prévoit des mesures pour élargir l’accès et des fonds pour renforcer les capacités des éditeurs et des innovations technologiques ainsi qu’un financement transitoire pour les organismes sans but lucratif. Le budget de 2019 prévoit 22,8 M$ à l’appui de la Stratégie pour rendre les livres accessibles « par nature ».

L’Énoncé économique de l’automne 2020 prévoit 10 M$ pour faciliter cette transition et appuyer le CAEB et le RNSEB sur une période de quatre ans pendant que l’industrie de l’édition participe plus activement à la publication de documents en formats accessibles. Une somme additionnelle de 1 M$ a été octroyée aux deux organismes pour 2021-2022 pour pallier les effets de la pandémie et répondre au besoin d’accès aux imprimés des gens qui sont plus isolés.

(Réponse à la question posée le 17 mars 2021 par l’honorable Patricia Bovey)

Le gouvernement appuie le principe que tout le monde devrait avoir accès à l’information et aux imprimés. Donc, il a signé le Traité de Marrakech et créé un groupe de travail composé de représentants de l’industrie de l’édition et d’organismes de personnes en situation de handicap, dont le CAEB et le RNSEB, pour élaborer une stratégie à long terme sur la production de documents en médias substituts au Canada.

La Stratégie de transition vers la production de livres en médias substituts prévoit des mesures pour élargir l’accès et des fonds pour renforcer les capacités des éditeurs et des innovations technologiques ainsi qu’un financement transitoire pour les organismes sans but lucratif. Le budget de 2019 prévoit 22,8 M$ à l’appui de la Stratégie pour rendre les livres accessibles « par nature ».

L’Énoncé économique de l’automne 2020 prévoit 10 M$ pour faciliter cette transition et appuyer le CAEB et le RNSEB sur une période de quatre ans pendant que l’industrie de l’édition participe plus activement à la publication de documents en formats accessibles. Une somme additionnelle de 1 M$ a été octroyée aux deux organismes pour 2021-2022 pour pallier les effets de la pandémie et répondre au besoin d’accès aux imprimés des gens qui sont plus isolés.

Les transports

Le rétablissement des services aériens

(Réponse à la question posée le 17 mars 2021 par l’honorable Judith Keating)

Transports Canada

Le gouvernement est conscient des effets dévastateurs de la COVID-19 sur le secteur aérien canadien et Transports Canada est déterminé à travailler avec les partenaires du secteur aérien pour soutenir son rétablissement. Comme il l’a annoncé le 8 novembre 2020, le gouvernement du Canada élabore un programme d’aide pour les compagnies aériennes canadiennes, assorti de modalités strictes visant à protéger les Canadiens et l’intérêt public.

L’entente avec Air Canada annoncée le 12 avril 2021 est une étape clé pour assurer l’existence d’un secteur canadien du transport aérien robuste qui relie les communautés canadiennes. Grâce à cette entente, l’accès au réseau d’Air Canada sera rétabli dans toutes les collectivités régionales où le service a été suspendu en raison de la COVID-19, notamment à Bathurst, Fredericton et Saint-Jean.

Le 24 mars 2021, WestJet a annoncé qu’elle prévoyait rétablir les services en juin aux deux aéroports du Nouveau-Brunswick qui ont perdu le service, soit Fredericton et Moncton.

De plus, comme l’indique l’Énoncé économique de l’automne, le gouvernement s’efforcera de garantir que les Canadiens disposent de services aériens régionaux fiables et abordables qui contribuent à l’équité, à l’emploi et au développement économique. Le 18 mars 2021, l’Initiative du transport aérien régional (ITAR) a été lancée dans le but de fournir un soutien sur deux ans pour aider à assurer le maintien de la connectivité aérienne régionale.

La santé

Le financement des centres de traitement

(Réponse à la question posée le 26 mars 2021 par l’honorable Dennis Glen Patterson)

Le 14 août 2019, le gouvernement du Canada a reconnu les conclusions de la Commission de vérité du Qikiqtani et s’est excusé auprès des Inuits du Qikiqtani pour les torts du passé.

Le Canada s’est également engagé à verser 20 millions de dollars à la Qikiqtani Inuit Association pour soutenir la prestation de programmes visant à promouvoir la culture, la guérison et le bien-être des Inuits. Ce financement comprenait 5 millions de dollars sur deux ans (2019-2020 et 2020-2021) pour la conception et l’exécution des premiers programmes, ainsi que 15 millions de dollars en subventions à titre d’investissement dans le fonds d’investissement de la Qikiqtani Inuit Association pour soutenir la prestation continue des programmes. Tout ce financement a été remis à l’organisation.

Ces programmes sont offerts de manière autodéterminée par l’association des Inuits de Qikiqtani directement aux Inuits de Qikiqtani.

De plus, au moment des excuses, un protocole d’entente a été signé par la ministre des Relations Couronne-Autochtones et le président de la Qikiqtani Inuit Association, s’engageant à poursuivre leur collaboration pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission de vérité du Qikiqtani.

Les discussions productives entre Relations Couronne-Autochtones et l’association inuite de Qikiqtani se poursuivent.

Les affaires étrangères

Le budget de 2021

(Réponse à la question posée le 20 avril 2021 par l’honorable Marilou McPhedran)

Le Canada est profondément préoccupé par la situation au Yémen, notamment par la détérioration des modestes gains réalisés au cours des dernières années, et par l’impact humanitaire sur les civils, en particulier les femmes et les enfants.

Le Canada a fourni plus de 295 millions de dollars en financement humanitaire depuis le début du conflit en 2015 pour soutenir l’assistance alimentaire, l’eau potable et l’assainissement, les abris, la protection et les soins de santé, y compris les services de santé sexuelle et reproductive. Ce montant comprend 69,9 millions de dollars en 2021.

Par exemple, en 2020, le soutien du Canada a aidé le Programme alimentaire mondial des Nations unies à fournir une aide alimentaire et nutritionnelle à 14,8 millions de personnes parmi les plus vulnérables au Yémen, incluant les enfants, soit près de la moitié de la population yéménite.

Le Canada a également fourni plus de 22 millions de dollars en aide à la paix et à la sécurité au Yémen pour soutenir le processus de paix dirigé par l’ONU. Nous appelons les parties à s’engager dans des négociations pour trouver une solution pacifique au conflit.

Bien que le budget de 2021 ne comprenne pas de financement spécifique au Yémen, il inclut 165 millions de dollars supplémentaires en aide humanitaire, qui seront utilisés pour répondre aux crises humanitaires en fonction des besoins dans le monde entier, y compris au Yémen.

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