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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 11

Le mardi 14 décembre 2021
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 14 décembre 2021

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine de la PME

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, permettez-moi de vous raconter l’histoire de Louise, une entrepreneure québécoise. Louise a un commerce au centre-ville de Montréal. Elle emploie une trentaine de personnes. Grâce à son esprit d’entreprise, à son leadership et à sa vision innovatrice, l’entreprise a vu son chiffre d’affaires doubler depuis quelques années.

Des histoires comme celle de Louise, il y en a partout au Québec et à l’échelle du pays. Non seulement Louise aide-t-elle à faire rouler l’économie, mais elle réussit aussi à répondre aux besoins de sa famille et contribue au bien-être financier de ses employés.

Il est important qu’on célèbre et reconnaisse les contributions de Louise, surtout dans le contexte actuel de la pandémie. C’est justement pour Louise et tous les autres entrepreneurs que la Banque de développement du Canada célèbre, depuis plus de 40 ans, la Semaine de la PME.

[Traduction]

La Banque du développement du Canada a déjà tenu la semaine de la PME de cette année. Il est toujours important de reconnaître et de célébrer les gens qui bâtissent des entreprises, qui emploient des millions de Canadiens et assurent que le pouls de l’économie est régulier et fort. J’ai toujours cru que les petites entreprises sont le cœur et l’âme de toute économie et qu’elles sont les piliers des collectivités.

Le plus récent rapport Principales statistiques relatives aux petites entreprises publié par Innovation, Sciences et Développement économique Canada en 2020 indiquait que l’économie canadienne comptait au total 1,23 million d’entreprises avec employés, dont 97,9 % sont des petites entreprises avec moins de 100 employés. Ces chiffres ont certainement fluctué en raison de la pandémie des 18 derniers mois. Sachons toutefois qu’en 2019, 8,4 millions de Canadiens étaient employés par une petite entreprise, ce qui représente 68,8 % de la main-d’œuvre du secteur privé.

La pandémie en cours, avec son lot de confinements et de restrictions sanitaires, a fait vivre des jours difficiles aux petites entreprises. À preuve, le 4 novembre, on avait approuvé environ 900 000 demandes de prêt à des entreprises au titre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes et le gouvernement avait approuvé des fonds à hauteur de presque 50 milliards de dollars afin d’offrir une bouée de sauvetage aux entreprises en difficulté.

Les gouvernements ont mis en place de nombreux programmes pour aider les entreprises durant la pandémie. Il est maintenant crucial de passer des investissements pour la survie des entreprises à des investissements pour leur relance et leur croissance. La pandémie rend encore plus urgente la nécessité pour les petites entreprises d’adopter de nouvelles technologies. Les gouvernements doivent offrir de l’aide supplémentaire dans ce domaine, ce qui pourrait aider les entreprises à percer de nouveaux marchés, à augmenter leurs revenus et à améliorer leur compétitivité en général.

Nous devrions tous continuer à soutenir les entrepreneurs du coin et les commerces locaux. Je sais qu’ils dépendent de nous tous pour se rétablir et émerger de la crise plus résilients que jamais.

Merci.

Des voix : Bravo!

Les relations entre le Canada et la Bulgarie

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est pour moi un honneur que de parler de l’importance de l’année 2021, qui marque le 55e anniversaire des relations diplomatiques entre le Canada et la Bulgarie. Nos deux pays partagent une longue histoire qui remonte au XIXe siècle et qui est fondée sur le respect mutuel et la valeur accordée aux liens entre les peuples, sur les échanges culturels et académiques, sur les valeurs politiques et diplomatiques, et sur l’engagement envers la démocratie et les droits de la personne.

Aujourd’hui, les plus de 80 000 Canadiens d’origine bulgare qui considèrent le Canada comme leur pays ont bâti de solides communautés partout au pays et contribué à la florissante mosaïque multiculturelle du pays ainsi qu’au renforcement de notre économie.

Je suis fière d’être coprésidente du Groupe d’amitié interparlementaire Canada-Bulgarie avec le coprésident pour la Chambre, le député Shaun Chen, et de travailler avec des collègues des deux Chambres du Parlement canadien et nos homologues bulgares au développement et au renforcement des relations entre le Canada et la Bulgarie.

Le 55e anniversaire historique des relations bilatérales entre le Canada et la Bulgarie a eu lieu le 30 juin dernier. Nos pays jouissent de relations commerciales mutuellement bénéfiques qui comprennent échanges, investissements et coopération en matière d’innovation, de sciences et de technologies, pour ne nommer que ces domaines.

En 2014, Svetlana Stoycheva-Etropolski, l’ambassadrice de Bulgarie au Canada, a débuté son affectation diplomatique à Ottawa à titre de chef de la section politique et chef de mission adjointe à l’ambassade. Nous avons créé le Groupe d’amitié interparlementaire Canada-Bulgarie en 2017. L’ambassadrice Stoycheva-Etropolski était alors chargée d’affaires, et elle est chef de mission depuis ce temps. Je félicite Son Excellence Svetlana Stoycheva-Etropolski pour son leadership sans faille et pour le rôle important qu’elle ne cesse de jouer en tant que pont entre nos deux pays.

J’ai eu l’honneur et le plaisir de travailler en étroite collaboration avec l’ambassadrice Stoycheva-Etropolski, dont les nombreuses expériences, tant à titre personnel que diplomatique — dont une longue liste de réalisations sur la scène internationale — lui ont permis de servir son pays et nos relations bilatérales avec brio.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour souligner l’importance de ce 55e anniversaire historique des relations entre le Canada et la Bulgarie. Merci.

Des voix : Bravo!

Le décès de David Stuart Barber

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, il nous arrive périodiquement de lire un grand titre dans un journal qui nous ramène plusieurs décennies en arrière, qui évoque en nous des souvenirs de notre jeunesse et des différents stades de notre vie adulte. C’est ce qui m’est arrivé quand j’ai lu la manchette du 28 juillet dans le Winnipeg Free Press intitulée « One of the good ones », ou « Un vrai de vrai ».

Ce « vrai de vrai », c’était nul autre que David Barber, un brillant visionnaire du milieu du cinéma de Winnipeg. Son décès soudain laisse un grand vide dans les groupes artistiques et cinématographiques de la région.

En effet, David a eu une influence considérable sur l’industrie cinématographique du Canada et d’ailleurs, comme en témoignent les nombreux hommages qui lui ont été rendus immédiatement après son décès. On l’a qualifié de « créateur de cinéastes » et de « champion du cinéma local et canadien ».

David était un programmeur au sein du Winnipeg Film Group, ainsi que le pilier de cette organisation de 1983 jusqu’à sa mort. De nombreuses personnes le voyaient comme un mentor, et encore plus de gens le considéraient comme un bon ami. David savait quels films étaient en train d’être créés, quels festivals avaient lieu et quels films connaîtraient du succès, peu importe l’endroit. C’était un grand partenaire qui appuyait les artistes du cinéma, un infatigable défenseur du cinéma canadien ainsi qu’un véritable bâtisseur du milieu cinématographique de Winnipeg. Il a toujours su reconnaître l’excellence, il a appuyé sans réserve le cinéma indépendant et il a toujours entretenu sa passion pour sa vocation. Modeste, il était bien connu pour sa gentillesse et il avait un grand sens de l’humour.

(1410)

Déjà en bas âge, il avait un sens aigu de l’observation. Je l’ai connu quand il était très jeune. Sa famille habitait à quelques rues de la mienne. J’allais à l’école avec son frère aîné, et nos parents étaient de bons amis. David et moi avions repris contact quand j’ai déménagé à Winnipeg. Il s’imposait déjà comme la force du Winnipeg Film Group. J’ai été ravie quand il a reçu le tout premier prix Making a Difference du Winnipeg Arts Council en 2007, qu’il avait bien mérité, à l’instar de sa Médaille du jubilé de diamant.

Nous nous rencontrions souvent lors d’activités artistiques et à l’épicerie du coin et nous avions toujours le temps de prendre des nouvelles l’un de l’autre. Son sens de l’humour, son amitié et sa compréhension profonde de nombreux enjeux politiques teintaient chaque conversation. C’était vraiment une personne calme, grave, déterminée et bien informée.

La salle de cinéma de la cinémathèque de Winnipeg a déjà été nommée la salle Dave Barber, et aucune désignation n’a jamais été aussi indiquée.

David, la collectivité souffre, mais elle est ô combien reconnaissante de tes nombreuses réalisations et de ton dévouement inébranlable. Je tiens à exprimer mes condoléances les plus sincères à tes frères et à leur famille.

Merci, mon ami, d’avoir fait œuvre de pionnier et d’avoir constamment apporté ton appui à tant de personnes.

Des voix : Bravo!

La conservation au Canada

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, la conservation au Canada, surtout la conservation des terres, a toujours revêtu une grande importance pour moi depuis le début de ma vie professionnelle, que ce soit lorsque j’étais coordonnatrice des aires naturelles pour la province de l’Alberta — ce qui, en passant, était un excellent emploi —, que je travaillais avec l’Island Nature Trust, que je travaillais avec Conservation de la nature Canada ou que j’étais sous-ministre de l’Environnement.

Par ailleurs, mon travail au sein d’organismes bénévoles s’est fait essentiellement dans le domaine de la conservation des terres. La conservation ne cible pas uniquement les projets réalisés dans les parcs et d’autres aires naturelles parce qu’ils peuvent, bien sûr, être justifiés en tant que refuges et sources de conservation de la biodiversité. Elle vise aussi les projets réalisés sur le territoire en général, c’est-à-dire le 85 % des terres ne se trouvant pas dans des parcs ou dans des aires protégées. La façon dont ces terres sont gérées est d’une importance cruciale pour nous tous et pour le monde entier, pas juste le Canada. Nous sommes chanceux d’avoir de grands espaces au Canada, mais nous contribuons à la conservation mondiale, que ce soit en séquestrant le carbone, en produisant des aliments pour notre population ou en fournissant ce que les forestiers appellent des « fibres ligneuses ».

Nous avons tellement de chance dans notre pays à cet égard. J’ai parlé des terres qui se trouvent dans des parcs et d’autres petites parcelles de notre territoire. La superficie de ces aires protégées est relativement modeste au Canada. L’objectif est d’en protéger bien plus en travaillant sur des projets de conservation avec les gouvernements — fédéral, provinciaux et même municipaux — mais aussi avec de nombreux organismes environnementaux qui jouent un rôle de plus en plus actif au fil des ans.

J’ai siégé au conseil d’administration du groupe Conservation de la nature Canada. Je pense y retourner à un moment donné. Ces organismes ont largement contribué à définir des objectifs qui ont été adoptés par divers gouvernements au pays. Ils protègent les forêts et les espèces sauvages comme la chevêche des terriers en Saskatchewan. Certains des sénateurs assis derrière moi et en face de moi viennent de la Saskatchewan. Je suis certaine qu’ils ont entendu parler de la chevêche des terriers, et certains en ont peut-être déjà observé une.

Par ailleurs, la plupart des espèces menacées se trouvent dans le sud du Canada, à moins de 100 milles de la frontière avec les États-Unis. Cette partie du Canada est celle qui est la plus peuplée et la plus touchée par le développement.

J’aimerais consacrer les derniers mois qui me restent au sein du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts à m’assurer que la conservation reste toujours au centre de nos réflexions.

Des voix : Bravo!

Les athlètes canadiens

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, on a beaucoup entendu parler des athlètes canadiens ces derniers temps. Ils servent d’exemple jour après jour. Cependant, on parle moins des histoires à l’extérieur de la compétition qui illustrent leur résilience et qui sont parfois plus émouvantes que leurs performances athlétiques. Aujourd’hui, mon but n’est pas de vanter les mérites sportifs des athlètes mais plutôt de mettre en lumière le leadership dont ils font preuve en dehors de la compétition.

Vous vous rappelez certainement que peu de temps avant l’ouverture des Jeux paralympiques à Tokyo, Kaboul est tombée aux mains des talibans. De nombreux Afghans se sont alors inquiétés de ce que leur réservait l’avenir. Seraient-ils confrontés à des répercussions? Et leur famille? Comme vous pouvez l’imaginer, pour ceux qui participaient aux compétitions athlétiques par pur plaisir — particulièrement les femmes — ces craintes étaient omniprésentes.

Depuis 2012, j’ai le privilège d’encadrer et de soutenir des femmes en Afghanistan. J’ai également participé au marathon secret et j’en ai appuyé l’organisation. Initiative lancée par un groupe de jeunes Afghanes pleines d’espoir, cet événement annuel incroyable se tient dans le cadre de la Journée internationale des femmes. J’ai tiré une leçon d’humilité en observant la croissance de ces femmes ainsi que leur désir d’apprendre et de devenir des chefs de file.

Plusieurs athlètes, entraîneurs, représentants du monde sportif et dirigeants de la communauté LGBTQ2+ ont communiqué avec moi et avec d’autres intervenants du monde des sports et de l’éducation au Canada pour demander qu’on les aide à quitter l’Afghanistan.

Leurs histoires étaient toutes déchirantes. Elles m’ont brisé le cœur et je savais que nous devions faire tout notre possible pour les aider. Je frémis encore à l’idée que certains des athlètes qui ont défilé à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques en juillet fuient maintenant pour sauver leur vie alors que leurs maisons sont envahies et leurs biens personnels détruits.

Dans les heures, les jours et les semaines qui ont suivi la chute de Kaboul, nous avons utilisé collectivement tous nos contacts avec les gouvernements, les ONG et les organisations sportives et éducatives pour les aider à fuir l’Afghanistan. Je suis fière de dire que ces contacts, qui ont été établis grâce à l’amour, l’humanité et l’unité du sport, ont permis à des dizaines d’athlètes et d’entraîneurs afghans de quitter le pays.

En septembre, grâce à ces efforts et au travail du Comité international olympique et du Comité olympique canadien, en particulier la Solidarité olympique, tous les athlètes qui ont participé aux Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo ont quitté l’Afghanistan avec en main un visa qui a été délivré pour des raisons humanitaires. La semaine dernière, j’ai reçu une photo qui a été prise d’une famille quelques instants après qu’elle ait pu quitter l’Afghanistan et il n’y a pas grand-chose de plus puissant que cela.

Comme nous le savons, ils sont encore nombreux à chercher à obtenir du soutien et à fuir le régime taliban. Nous continuons d’exercer des pressions et de travailler avec d’autres pays pour les aider, faciliter leur fuite et user de notre influence dans la mesure du possible. Je sais qu’un certain nombre de dirigeants nationaux et internationaux travaillent sur le terrain pour faciliter le passage au Canada ou dans un autre pays et pour soutenir les réfugiés à leur arrivée. Le degré de soutien à l’échelle nationale et internationale ne manque jamais de me donner de l’espoir. Notre communauté sportive nationale s’est mobilisée, comme bien d’autres, pour illustrer les valeurs canadiennes dans sa réponse à la crise en Afghanistan.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

Son Altesse l’Aga Khan

Félicitations à l’occasion de son quatre-vingt-cinquième anniversaire de naissance

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, hier, les musulmans ismaéliens répartis dans 25 pays ont célébré le 85e anniversaire de naissance de Son Altesse l’Aga Khan.

Née en 1936 à Genève, en Suisse, Son Altesse a succédé à son grand-père à titre de 49e chef spirituel des musulmans ismaéliens alors qu’elle n’était âgée que de 20 ans.

Pendant plus des trois quarts de sa vie, Son Altesse a fait d’énormes sacrifices personnels pour améliorer la vie des musulmans ismaéliens. Aujourd’hui, elle continue de travailler inlassablement pour améliorer la qualité de vie de tous les gens, en particulier ceux qui vivent dans les régions du monde moins développées.

L’éducation, en particulier celle des filles, a toujours influencé une grande partie du travail de Son Altesse. En fait, le Réseau Aga Khan de développement travaille fort pour que les étudiants de tous âges aient accès à des occasions d’apprentissage de qualité.

Son Altesse a consacré une bonne partie de sa vie à améliorer les résultats en santé des personnes vivant dans les régions vulnérables du monde.

Les hôpitaux de l’Aga Khan constituent un réseau d’établissements internationaux situés à Dar es-Salaam, à Bombay, à Kisumu, à Mombasa, à Nairobi et au Pakistan.

Les hôpitaux sont gérés par les Services de santé Aga Khan, l’un des systèmes de santé sans but lucratif les plus complets du monde en développement.

Enfin, tandis que le monde composait avec les difficultés entraînées par la COVID-19, Son Altesse nous a rappelé de garder notre cœur ouvert et de nous entraider.

Le réseau d’organismes de l’Aga Khan a adapté ses activités pour répondre à la pandémie, mettant l’accent sur les régions en développement aux besoins les plus criants. En outre, l’Aga Khan fait valoir haut et fort l’importance de la vaccination.

(1420)

Honorables sénateurs, en règle générale, une personne qui fête son anniversaire reçoit des cadeaux de ses proches. Je pense souvent à ce que je pourrais bien offrir à quelqu’un qui m’a tant donné.

Sans les conseils de Son Altesse et de son grand-père avant elle, je n’aurais peut-être jamais reçu une éducation de qualité et je ne serais certainement pas devenue avocate ou sénatrice. Sans le soutien de Son Altesse, je n’aurais pas pu me réfugier au Canada. Son amour fidèle et son soutien inébranlable ont vraiment façonné la personne que je suis aujourd’hui.

À l’occasion du 85e anniversaire de Son Altesse le prince Karim Aga Khan, je réaffirme mon engagement d’utiliser mon temps, mes connaissances et mon rôle de sénatrice canadienne pour aider les plus vulnérables de la société et pour contribuer à préparer les générations futures de dirigeants.

Joyeux anniversaire, Votre Altesse, du plus profond de mon cœur. Je vous remercie de tout ce que vous faites pour faire du monde un endroit plus pacifique et plus sûr pour tous.

Salgirah Mubarak.

Merci, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Dépôt des rapports de l’automne 2021

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports de l’automne 2021 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985, ch. A-17,par. 7(3).

[Traduction]

Pêches et océans

Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 159.)

[Français]

Finances nationales

Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 160.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-2

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.le Sénat se forme en comité plénier à 17 heures le jeudi 16 décembre 2021, afin d’étudier la teneur du projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin du comité plénier;

2.si la sonnerie d’appel pour un vote retentit au moment où le comité doit se réunir, elle cesse de se faire entendre pendant le comité plénier et retentisse de nouveau une fois les travaux du comité terminés pour le temps qu’il reste;

3.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-2 reçoive l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, accompagnée d’au plus quatre fonctionnaires;

4.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-2 lève sa séance au plus tard 95 minutes après le début de ses travaux;

5.les remarques introductives de la témoin durent un total maximal de cinq minutes;

6.si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-32(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur;

7.le début de la suspension du soir soit retardé jusqu’à ce que le comité plénier ait fait rapport, et soit d’une durée d’une heure, à condition que si un événement doit avoir lieu à 19 heures, conformément au paragraphe 13 de l’ordre du 25 novembre 2021, il ait plutôt lieu une fois la séance reprise après la pause du soir.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

L’Association parlementaire du Commonwealth

Le Forum virtuel sur les changements climatiques de l’Association parlementaire du Commonwealth du Royaume-Uni, tenu du 22 au 24 mars 2021

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire du Commonwealth concernant le Forum virtuel sur les changements climatiques de l’Association parlementaire du Commonwealth du Royaume-Uni, tenu par vidéoconférence, du 22 au 24 mars 2021.

[Français]

Langues officielles

Autorisation au comité d’étudier l’application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, et d’être saisi des documents reçus et des témoignages entendus depuis le début de la première session de la quarante-troisième législature

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi;

Que le comité soit aussi autorisé à étudier les rapports et documents produits par le ministre du Patrimoine canadien, le ministre des Langues officielles, le président du Conseil du Trésor et le commissaire aux langues officielles, ainsi que toute autre matière concernant les langues officielles;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis sur la question par le comité depuis le début de la première session de la quarante-troisième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 15 juin 2023, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada, incluant la sécurité maritime;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2025.

(1430)

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la mise en œuvre des pêches fondées sur les droits autochtones au Canada et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la mise en œuvre des pêches fondées sur les droits autochtones au Canada, y compris la mise en œuvre des droits des Mi’kmaqs et des Malécites, au Canada atlantique, de pêcher à des fins de subsistance convenable;

Que le comité étudie la façon dont les pêches fondées sur les droits autochtones ont été mises en œuvre par le gouvernement fédéral jusqu’à ce jour, et qu’il trouve les moyens les plus adéquats et efficaces de garantir la reconnaissance et la mise en œuvre des pêches fondées sur les droits autochtones dans l’avenir;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature dans le cadre de son étude de toute question relevant de son mandat tel qu’énoncé dans le paragraphe pertinent de l’article 12-7 du Règlement soient renvoyés au comité aux fins de ses travaux;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2022 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Autorisation au comité d’être saisi des documents reçus au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature et des documents produits par l’autorité intersessionnelle

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que les documents reçus du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ou produits par lui au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature et de l’autorité intersessionnelle soient renvoyés au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à se réunir en même temps que le Sénat et à tenir des réunions hybrides ou entièrement virtuelles

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour la durée de la présente session parlementaire, le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs soit autorisé à :

a)se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

b)tenir des réunions hybrides ou des réunions entièrement par vidéoconférence;

Qu’il soit entendu que les dispositions des alinéas 20 à 22 de l’ordre adopté par le Sénat le 25 novembre 2021 concernant les séances hybrides s’appliquent aux réunions du comité, y compris pour les réunions du comité qui sont entièrement par vidéoconférence.

Audit et surveillance

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à être saisi des documents reçus au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature et des documents produits par l’autorité intersessionnelle

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les documents reçus et les travaux accomplis ou produits par le Comité permanent de l’audit et de la surveillance au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature et de l’autorité intersessionnelle soient renvoyés au Comité permanent de l’audit et de la surveillance.

Le Sénat

Préavis de motion concernant les minimums applicables aux projets de loi du gouvernement

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.sauf disposition contraire du présent ordre, la motion d’adoption à l’étape de la troisième lecture d’un projet de loi du gouvernement ne soit pas mise aux voix à moins que les ordres pour la reprise du débat aux étapes des deuxième et troisième lectures aient été appelés au moins trois fois au total, exclusion faite des séances au cours desquelles ont été proposées les motions d’adoption à ces étapes;

2.après la première lecture d’un projet de loi du gouvernement, et avant que soit proposée la motion fixant la date de la deuxième lecture, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat puisse proposer, sans préavis, que le projet de loi soit réputé une affaire urgente et que les dispositions du paragraphe 1 du présent ordre ne s’appliquent pas aux délibérations le concernant;

3.les dispositions ci-après s’appliquent à une motion proposée conformément au paragraphe 2 du présent ordre :

a)le débat doit uniquement porter sur la question de savoir si le projet de loi devrait être considéré comme une question urgente ou non;

b)le débat ne peut être ajourné;

c)le débat dure un maximum de 20 minutes;

d)le temps de parole de chaque sénateur est limité à 5 minutes;

e)les sénateurs ne peuvent prendre la parole qu’une seule fois;

f)le débat ne peut être interrompu pour quelque raison que ce soit, sauf pour la lecture d’un message de la Couronne ou le déroulement d’un événement annoncé dans un tel message;

g)si nécessaire, le débat peut continuer au-delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance jusqu’à ce qu’il soit terminé et que soient terminés également les travaux qui en découlent;

h)le temps consacré au débat et à tout vote n’est pas compris dans la durée des affaires courantes;

i)sont irrecevables les amendements et autres motions, sauf la motion visant à donner la parole à tel sénateur;

j)la motion est mise aux voix à la fin du débat ou à l’expiration du temps alloué pour celui-ci;

k)si le vote par appel nominal est demandé, il ne peut être reporté et la sonnerie ne se fait entendre que pendant 15 minutes.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

La morosité au ministère des Finances relatée dans les médias

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, alors que nous attendons de connaître les détails de la mise à jour économique et budgétaire qui sera présentée plus tard cet après-midi, j’aimerais attirer votre attention sur un article publié hier par le Globe and Mail sur le ministère des Finances.

Selon cet article, un climat de morosité aurait envahi le ministère des Finances, le taux de roulement du personnel y serait élevé et le sous-ministre serait incapable de contrôler les dépenses ou de présenter un plan de croissance économique. Quant à la ministre, elle prendrait rarement le temps de participer aux séances d’information ministérielles, elle ne se serait pas entretenue avec les sous-ministres adjoints depuis plusieurs mois et elle se consacrerait surtout à la sensibilisation politique.

Monsieur le leader, est-ce exact? Dans l’affirmative, le gouvernement Trudeau s’inquiète-t-il de la situation chaotique au sein de l’important ministère qu’est celui des Finances?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement du Canada a confiance non seulement en la ministre des Finances, mais aussi en tous les fonctionnaires qui accomplissent leurs tâches avec diligence et honneur.

[Français]

Le sénateur Housakos : J’ai une question complémentaire pour le leader du gouvernement.

On peut difficilement comprendre pourquoi le gouvernement Trudeau accorde si peu d’importance au reportage du Globe and Mail alors que les politiques et les opérations du ministère des Finances ont une incidence directe sur la vie quotidienne des Canadiens et des Canadiennes, qui ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts.

Nous avons un premier ministre qui dit ne pas se préoccuper de la politique monétaire, un gouvernement qui a pris plus de deux ans avant de présenter un budget, un gouvernement qui n’a pas mentionné l’inflation dans le discours du Trône et un ministère des Finances qui n’a pas encore présenté les comptes publics ni le Rapport sur la gestion de la dette pour l’année en cours.

Sénateur Gold, voici une autre question bien simple : est-ce que vous contestez ces faits, oui ou non?

Le sénateur Gold : Oui.

(1440)

[Traduction]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

L’arriéré de traitement des demandes d’immigration

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada connaît des retards de traitement depuis le début de la pandémie, ce qui laisse dans l’incertitude presque 1,8 million de candidats à l’immigration.

Ces obstacles bureaucratiques ont de véritables conséquences dans la vie de ces candidats. Pendant qu’ils attendent la réponse du gouvernement, beaucoup d’entre eux doivent vivre éloignés de leur famille et, dans certains cas, ils patientent depuis de nombreuses années. Ils ont donc raté des moments importants, comme les premiers pas d’un enfant ou la mort d’un être cher. En outre, ces retards ont imposé un fardeau financier considérable aux candidats.

Sénateur Gold, pour venir au Canada, des familles font des sacrifices qui ont des répercussions profondes sur leur vie. Le manque de transparence du processus d’immigration est devenu nuisible et injuste.

Quand Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada annoncera-t-il des mesures concrètes visant à s’attaquer à l’arriéré de 1,8 million demandes d’immigration?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice, ainsi que d’avoir souligné l’importance pour tous ceux qui cherchent à immigrer au Canada que leur dossier soit traité rapidement. On m’a informé qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada continuait d’adapter, d’optimiser et de repenser son mode de fonctionnement depuis le début de la pandémie. On m’a aussi informé que le gouvernement est en voie d’atteindre son objectif visant à accueillir 401 000 nouveaux résidents permanents cette année, ce qui constituerait l’arrivée annuelle la plus considérable des 100 dernières années. D’ailleurs, au début de novembre, le Canada avait déjà accueilli 325 000 nouveaux résidents permanents uniquement durant l’année en cours.

Le gouvernement continue de réaffecter des ressources afin de mettre l’accent sur les priorités et d’augmenter la numérisation des demandes d’immigration de diverses façons, par exemple en permettant la saisie numérique des données par l’entremise du Portail de résidence permanente, en rationalisant ses processus, dans la mesure du possible, et en reprenant les services offerts en personne dans le respect des directives de santé et de sécurité publiques.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, près de deux ans après le début de la pandémie, très peu de progrès ont été réalisés pour accélérer le traitement des demandes d’immigration.

La plupart des bureaux de service en personne du ministère demeurent fermés, et des demandeurs disent qu’ils ne parviennent pas à communiquer avec des agents à moins d’engager un consultant en immigration à grands frais.

Sénateur Gold, quelles mesures ont été adoptées pour moderniser le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté afin qu’il puisse maintenir ses activités dans un contexte où les choses se font plus souvent à distance?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question, sénatrice. Comme je l’ai mentionné dans ma réponse précédente, le gouvernement a fait des progrès dans la numérisation du processus et la création d’un portail afin de faciliter le traitement des demandes. Selon l’information que j’ai reçue, le Canada est le premier pays du monde à offrir des tests de citoyenneté en ligne, et le gouvernement reste déterminé à accélérer le traitement grâce aux investissements réservés à la modernisation dans le cadre du budget de 2021.

[Français]

L’environnement et le changement climatique

Les émissions de gaz à effet de serre

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

Sénateur Gold, un rapport produit récemment par Nature Canada et trois organisations environnementales cerne les lacunes de l’approche du Canada en matière de mesure et de production de rapport sur les émissions de dioxyde de carbone dans le secteur forestier. Selon le rapport, l’approche canadienne omettrait plus de 80 millions de tonnes de CO2 associées à l’exploitation forestière dans le total annuel des émissions. C’est l’équivalent des émissions pour le chauffage de tous les édifices au Canada.

Cette sous-estimation dans la comptabilisation de l’impact climatique de l’exploitation forestière met en péril la capacité du Canada à atteindre ses cibles climatiques, ainsi que la protection des forêts canadiennes. Le gouvernement accepterait-il de nommer un groupe d’experts indépendants dont l’objectif serait de passer en revue l’approche du Canada en matière de comptabilisation des émissions de carbone du secteur forestier et de produire des recommandations afin que cette comptabilisation soit plus précise?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénatrice, de votre question et du leadership dont vous faites preuve dans ce domaine. Le rapport de Nature Canada dont vous parlez est bien accueilli par le gouvernement. Le gouvernement a pris connaissance des avancées concernant les émissions de gaz à effet de serre et il se réjouit de ces avancées. On m’a informé que le gouvernement allait étudier le rapport de Nature Canada. Le gouvernement a toujours la ferme intention de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de relever tout écart et toute lacune dans la comptabilisation des émissions afin de continuellement améliorer son travail.

La sénatrice Galvez : Comme le Canada ne communique pas avec exactitude les répercussions climatiques réelles du secteur canadien de l’exploitation forestière, il perpétue le mythe selon lequel l’exploitation forestière industrielle ne produirait qu’une quantité minime d’émissions de CO2 alors qu’elle produit, en fait, plus de carbone que l’ensemble du secteur agricole du pays. Le gouvernement réévaluera-t-il ses pratiques de comptabilisation du carbone forestier et établira-t-il des pratiques plus efficaces avant de présenter son cinquième rapport biennal sur les changements climatiques aux Nations unies en 2022?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Comme je l’ai dit, le gouvernement est résolu à améliorer les démarches qu’il fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce qui comprend notamment une exploration des faiblesses possibles en matière de données. Le gouvernement est aussi résolu à améliorer constamment ses pratiques et il verra à produire des rapports de qualité à l’intention des organisations internationales, comme dans le cas que vous mentionnez.

[Français]

Les services aux Autochtones

L’accès à l’eau potable

L’honorable Renée Dupuis : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, le 17 mars dernier, je vous ai demandé quel échéancier le gouvernement s’était fixé pour revoir la politique et la formule de financement des frais de fonctionnement et d’entretien des systèmes publics d’accès à l’eau potable dans les réserves autochtones. Vous n’aviez pas de réponse à ce moment-là.

J’ai donc demandé au directeur parlementaire du budget de calculer les montants nécessaires pour éliminer l’écart entre les services d’eau potable et d’égouts dans les communautés autochtones et ceux que reçoivent les communautés non autochtones qui sont dans une situation comparable dans le reste du Canada.

Dans son rapport publié le 1er décembre dernier, le directeur parlementaire du budget détermine que les fonds prévus par le gouvernement pour les années 2016 à 2026 afin de couvrir les frais de fonctionnement et d’entretien des 1 298 systèmes publics dans 550 Premières Nations sont déficitaires; en fait, il manque 1,4 milliard de dollars pour réaliser les travaux prévus.

La nouvelle ministre des Services aux Autochtones a déclaré à La Presse, le 11 novembre dernier, qu’elle réfléchit à ce que serait un échéancier réaliste pour éliminer les 119 avis d’interdiction à long terme de consommation de l’eau qui sont actuellement en vigueur. Selon la ministre, elle n’a pas pu définir un échéancier parce qu’elle examine les obstacles à l’élimination de ces avis.

Sénateur Gold, pourriez-vous vérifier auprès de la ministre quels sont les obstacles qui l’empêchent de fixer un échéancier pour régler cette question?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question et pour avoir soulevé l’enjeu inacceptable du manque d’eau potable à plusieurs endroits dans les territoires autochtones.

Le gouvernement y a déjà investi des milliards de dollars et s’engage à continuer d’investir pour que les Premières Nations disposent d’une infrastructure fiable en ce qui concerne l’eau et le traitement des eaux usées dans les réserves à long terme.

De plus, le gouvernement s’engage également à financer 100 % des frais de fonctionnement et d’entretien selon la formule de financement. Il s’efforcera de combler toute lacune dans ce domaine.

On m’a informé que le nombre de systèmes à haut risque continue de diminuer et que de plus en plus d’avis d’interdiction à long terme de consommation de l’eau potable sont levés. Cependant, le gouvernement sait très bien qu’il reste encore beaucoup de travail à faire et il s’engage à combler ces lacunes inacceptables.

La sénatrice Dupuis : Sénateur Gold, pourriez-vous transmettre ma question à la ministre? J’ai posé des questions quant aux obstacles à l’établissement d’un échéancier.

J’aurais une question complémentaire pour vous. Il y a un accord qui est intervenu entre le gouvernement fédéral et un certain nombre de Premières Nations en juillet 2021. C’est un règlement de 8 milliards de dollars. En fait, il y a eu des poursuites engagées par un certain nombre de Premières Nations qui demandaient d’être indemnisées pour avoir été, à partir de 1995 et jusqu’à présent, soumises à un avis d’interdiction de consommation de l’eau pendant plus d’un an.

(1450)

Mes questions sont les suivantes. Tout d’abord, pouvez-vous détailler les éléments de chacun des montants prévus dans l’enveloppe de 8 milliards de dollars? Combien de Premières Nations ce règlement vise-t-il? Le montant sera-t-il versé en parts égales entre chacune des Premières Nations visées par le règlement? Est-ce que les travaux nécessaires pour corriger ces problèmes seront réalisés plus rapidement qu’ils le seront dans les autres Premières Nations qui ne seront pas visées par le règlement? Combien d’autres Premières Nations qui ne sont pas couvertes par le règlement sont-elles visées? Est-ce que le gouvernement indemnisera toutes les autres Premières Nations qui ont subi cette interdiction de consommation d’eau pendant plus d’un an, depuis 1995, mais qui ne font pas partie de cette action judiciaire collective?

Le sénateur Gold : En ce qui concerne toutes ces questions, je vais m’informer auprès du gouvernement et m’efforcerai d’y répondre le plus rapidement possible.

[Traduction]

Les ressources naturelles

La stratégie de captage, d’utilisation et de stockage du carbone

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le budget de 2021 souligne que la technologie de captage, d’utilisation et de stockage du carbone est un outil important pour réduire les émissions dans les secteurs aux émissions les plus importantes, et que l’Alberta et la Saskatchewan ont le plus fort potentiel à court terme pour devenir des chefs de file mondiaux de cette technologie. Le printemps dernier, la vice-première ministre a tenu des propos positifs au sujet du captage du carbone devant le Comité des finances nationales. En septembre, le Groupe d’action sénatorial pour la prospérité a recommandé que le gouvernement envisage de coinvestir avec le secteur du capital-risque dans les possibilités de commercialisation. Par ailleurs, j’ai vu que Ressources naturelles Canada avait reçu, cet automne, des déclarations d’intérêt pour des études initiales d’ingénierie et de conception concernant des installations de captage du carbone. Quels sont les plans du gouvernement en ce qui touche le rôle du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone pour l’atteinte de la carboneutralité, quelle est l’échelle visée et qu’en est-il des différentes régions?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur Klyne. Conscient que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ce qu’on appelle le CUSC, peut jouer un rôle essentiel dans la transition vers une économie nette zéro prospère, le gouvernement est à la tête de l’élaboration d’une stratégie de CUSC fédérale qui permettra à l’industrie canadienne de réaliser son potentiel de production et son potentiel commercial et d’être concurrentielle dans ce secteur en pleine croissance. Il s’agit d’un outil important, qui nous aidera à relever le défi que vous avez mentionné. Ce n’est toutefois que l’une des solutions, et elle ne suffira pas, à elle seule, à régler le problème. Il ne faudrait pas non plus la considérer comme un plan exhaustif de lutte contre les changements climatiques.

Le gouvernement est résolu à collaborer avec des intervenants importants et des partenaires à l’élaboration d’une stratégie qui présentera une vision et des champs d’action qui aideront l’industrie de CUSC à réaliser son plein potentiel. Le gouvernement continuera de faire des investissements judicieux pour nous aider à réduire nos émissions et à faire croître l’économie canadienne.

Pour ce qui est de la façon dont les emplois en question seront répartis dans le pays et dans les régions, je n’ai pas de réponse précise. Je devrai me renseigner et vous revenir avec une réponse.

L’agriculture et l’agroalimentaire

L’agriculture durable

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, comme vous le savez, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture ont tenu leur rencontre annuelle au début novembre. Au cours de leurs discussions, les ministres ont convenu d’une vision visant à positionner les producteurs, les transformateurs et d’autres intervenants du secteur agricole afin de leur assurer une réussite continue en tant que chefs de file mondiaux en matière d’agriculture durable et de permettre au secteur de soutenir la concurrence mondiale.

Il s’agit apparemment d’un premier pas dans la bonne direction. Cependant, l’agriculture a trop souvent été reléguée au second plan. Tout récemment, dans le discours du Trône présenté en novembre, le gouvernement n’a pas fait mention une seule fois de l’agriculture. En dépit de cette omission, les collectivités agricoles et agroalimentaires ont continué de faire preuve d’une force et d’une résilience remarquables, en dépit des différends politiques et commerciaux et des crises provoquées par les changements climatiques. Même dans les moments les plus difficiles, les agriculteurs canadiens continuent de nourrir les familles du Canada et d’ailleurs dans le monde. Ils sont les gardiens de l’environnement et la pierre angulaire de la nation.

Sénateur Gold et honorables collègues, j’ai bon espoir que l’agriculture sera un moteur clé de la reprise du Canada après la pandémie. Pour y arriver, il faut cependant soutenir les agriculteurs non seulement en paroles, mais également au moyen de mesures concrètes, notamment en termes de financement. Sénateur Gold, le gouvernement est-il disposé à enfin fournir un soutien adéquat pour que le secteur agricole canadien croisse et innove et continue à nourrir non seulement les familles canadiennes, mais aussi des familles dans le monde entier?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur, pour votre question et vos efforts soutenus dans ce dossier. Le gouvernement comprend et convient qu’un secteur agricole financièrement sain est important pour le bien-être économique du Canada.

En réponse aux difficultés que le secteur éprouve actuellement, notamment les impacts découlant de la pandémie, j’ai été informé que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre des programmes pour appuyer l’agriculture. Je fais remarquer qu’au cours de la dernière année, le gouvernement s’est engagé à verser jusqu’à 550 millions de dollars pour aider les agriculteurs à lutter contre les changements climatiques. Ce financement était notamment pour le programme Solutions agricoles pour le climat, le Programme des technologies propres en agriculture et les Fonds d’action à la ferme pour le climat. On m’a également avisé que l’actuel Partenariat canadien pour l’agriculture fournit un soutien considérable au secteur agricole et agroalimentaire et que le prochain cadre stratégique pour l’agriculture s’appuiera sur le succès du partenariat pour aider les producteurs et les transformateurs à relever les défis et, surtout, à saisir les occasions qui se présentent à eux.

La sécurité publique

Le Centre canadien pour la cybersécurité

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, nous avons de la difficulté à accéder à certains sites Web du gouvernement. Les sites qui nous intéressent sont ceux de l’Agence du revenu du Canada et de Statistique Canada, mais je sais que le problème ne se limite pas à ces deux ministères. Sur le site Web du gouvernement du Canada, il y a un message disant qu’il y a des menaces à la cybersécurité.

Nous aimerions plus d’information sur ce qui se passe et sur la gravité de la situation, et surtout, sur le temps qu’il faudra pour résoudre le problème, étant donné que nous allons bientôt ajourner pour six semaines.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous dire dans combien de temps le problème sera complètement résolu. Comme les sénateurs le savent — et, sénatrice Marshall, vous l’avez abordé dans votre question —, la cyberinfrastructure du gouvernement est menacée à grande échelle par une faille dans un programme qui est largement utilisé dans de nombreux secteurs.

Par souci de sécurité et de respect de la vie privée, ainsi que pour d’autres raisons, un certain nombre de sites Web gouvernementaux et non gouvernementaux ont été mis hors ligne pour veiller à ce que les données qu’ils contiennent ne soient pas compromises davantage. Je vais me renseigner. Je suis convaincu que le Centre de la sécurité des télécommunications et les autres institutions responsables de la sécurité de la cyberinfrastructure du gouvernement s’affairent à résoudre le problème. Je vous tiendrai au courant si j’obtiens plus d’informations.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, sénateur Gold. Pouvez-vous aussi vérifier s’il y a des informations sur l’ampleur du travail et sur les coûts? Je crois que le Budget supplémentaire des dépenses (B) prévoit environ 60 millions de dollars à ce chapitre, mais, selon ce que j’entends dans les médias, le problème est d’une ampleur considérable, alors j’ai l’impression que 60 millions de dollars, ce n’est pas beaucoup d’argent. Je vous serais reconnaissante si vous pouviez trouver d’autres informations à ce sujet. Pouvez-vous faire cela?

Le sénateur Gold : Je le ferai certainement.

Les finances

Le remboursement de l’aide financière pour la COVID-19 demandée indûment

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, j’aimerais vous poser une question au sujet des mesures de prévention de la fraude liée à la COVID prises par l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada et au sujet de la mise en œuvre de leur plan opérationnel de quatre ans pour les activités d’intégrité après paiement. L’énoncé économique de l’automne 2020 a alloué des fonds supplémentaires à ces ministères pour accroître leur capacité de détection, d’enquête et de traitement des cas de fraude ou de fausse déclaration.

Lors d’un discours prononcé le mois dernier, Sarah Paquet, directrice et présidente-directrice générale du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, a parlé du problème des demandes suspectes ou frauduleuses présentées pour les programmes liés à la COVID. Heureusement, Mme Paquet a déclaré ceci :

Les activités frauduleuses ciblant les prestations canadiennes d’urgence et les comptes d’urgence pour les entreprises canadiennes ont été peu nombreuses comparativement aux millions de Canadiens et Canadiennes auxquels ces programmes ont apporté une aide grandement nécessaire.

C’est certainement rassurant.

(1500)

Pouvez-vous nous dire où en sont les vérifications après paiement menées par l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada? Je crois comprendre qu’il est prévu de réviser régulièrement le plan d’Emploi et Développement social Canada à mesure que, grâce à ses enquêtes, le ministère en saura plus et acquerra de l’expérience .

Je rappelle également qu’il y a trois mois, l’Agence du revenu du Canada a déclaré qu’elle allait amorcer le travail de suivi. Est-ce que ce travail est en cours? Les ministères ont-ils rationalisé leurs efforts pour récupérer le plus d’argent possible? Peut-on déjà mettre à profit des leçons ou des constatations afin d’aider les ministères à mieux distribuer l’aide financière à l’avenir?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Comme vous le savez, le gouvernement a investi des sommes majeures pour soutenir l’économie afin d’atténuer les répercussions de la pandémie à une vitesse record.

En ce qui concerne la protection contre la fraude, la Prestation canadienne d’urgence était assortie de contrôles préalables au paiement et de contrôles après paiement. On a pu ainsi verser rapidement les paiements aux travailleurs, mais aussi détecter les cas de fraude et de fausses déclarations. L’Agence du revenu du Canada et Service Canada ont été proactifs pour repérer et surveiller les cas de fraude. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé des investissements échelonnés sur plusieurs années pour augmenter la capacité de détection, d’enquête et de traitement des cas de fraude délibérée.

Tandis que la reprise économique se poursuit, le gouvernement continuera de faire les vérifications après paiement et il sera là pour soutenir les Canadiens.

Pour ce qui est de vos autres questions, je vais m’informer auprès du gouvernement et je communiquerai la réponse au Sénat.

Le sénateur Loffreda : Merci de votre réponse. Cela m’encourage d’entendre que les ministères collaborent activement à s’attaquer à ces activités frauduleuses liées à la pandémie. Je suis d’accord, et comme je l’ai toujours dit, le gouvernement a agi avec rapidité, agilité et concentration lorsqu’il a mis en œuvre ses divers programmes de soutien d’urgence. Nous savons toutefois tous qu’il y a eu des activités frauduleuses, et que certaines auraient pu être évitées.

Je vous suis reconnaissant de chercher à obtenir des réponses à mes autres questions, et je sais qu’il s’agit d’un exercice permanent.

Pourriez-vous nous fournir une mise à jour écrite indiquant le nombre de cas détectés et la ventilation entre les cas de fraude provenant de particuliers et ceux provenant d’entreprises? Par ailleurs, à votre connaissance, combien d’argent a été décaissé à cause de fraudes et combien a été récupéré depuis? Je vous saurais gré de nous en dire plus à ce sujet maintenant.

Le sénateur Gold : Sénateur, je peux vous fournir certaines réponses dès maintenant.

À ce jour, les mesures d’intégrité mises en place par Emploi et Développement social Canada ont permis de repérer plus de 30 000 cas possibles de fraude nécessitant un arrêt immédiat des paiements et le lancement d’enquêtes d’intégrité. En mettant fin à ces paiements, environ 319 millions de dollars de paiements potentiellement erronés ont été évités.

En ce qui concerne la ventilation des cas, je vais devoir m’informer auprès du gouvernement. Je vais ajouter ce point à mes questions et je vous ferai rapport en temps opportun.

La sécurité publique

L’Agence des services frontaliers du Canada—Les restrictions de voyage découlant de la pandémie

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, l’application ArriveCAN du gouvernement peut être un excellent outil pour les Canadiens qui sont en mesure de l’utiliser et qui choisissent de le faire. Toutefois, en rendant son utilisation obligatoire pour tous les Canadiens qui reviennent au pays, le gouvernement fait preuve de discrimination envers les aînés qui ne se déplacent pas toujours avec un téléphone intelligent et les personnes qui n’ont pas de forfait de données, lesquels sont coûteux. Comme vous le savez, les forfaits de données au Canada comptent parmi les plus chers au monde.

De plus, on n’a pas prévu ce que les gens doivent faire si l’application ne fonctionne pas ou devient inopérable sur leur téléphone.

Il semble maintenant que les Canadiens ont l’option de présenter leurs renseignements en personne à un agent des services frontaliers, ce qui aurait peut-être toujours dû être le cas. Je dis « il semble », parce que je ne sais pas encore au juste si ce sont des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de l’Agence de la santé publique du Canada à la frontière ou les transporteurs aériens qui refusent de laisser les passagers monter à bord.

Monsieur le leader, pouvez-vous nous assurer que les Canadiens qui n’utilisent pas l’application ne seront plus mis en quarantaine à la frontière et que les transporteurs aériens ont reçu la consigne de ne plus leur refuser l’embarquement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je ne suis pas en mesure d’y répondre. Je vais me renseigner et revenir avec une réponse.

Le sénateur Wells : Merci, sénateur Gold. Comme vous le savez, de nombreux Canadiens voyageront dans les jours et les semaines qui viennent. Certains sont encore en quarantaine, alors que ce n’est peut-être pas nécessaire. J’aimerais donc avoir une réponse à cette question dans les plus brefs délais, soit aujourd’hui ou demain, car vous comprendrez que le temps presse.

Qu’arrivera-t-il aux Canadiens, dont un grand nombre sont des aînés, qui devaient déjà se soumettre à une quarantaine avant la volte-face du gouvernement? Devront-ils demeurer en quarantaine?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie de votre question et d’avoir souligné les difficultés éprouvées par certains Canadiens en raison de l’évolution de la réglementation et des protocoles, qui visent à protéger les Canadiens contre une nouvelle vague de la pandémie qui semble prendre de l’ampleur rapidement.

Je devrai m’informer, sénateur, puis vous transmettre l’information.

Les finances

Le Régime de pensions du Canada

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au leader du gouvernement. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a récemment déclaré ceci :

La FCEI exhorte le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’ils imposent de nouveaux coûts aux PME, alors que la majorité d’entre elles n’ont pas encore retrouvé un niveau de ventes normal et qu’elles sont lourdement endettées.

Le 1er janvier, le gouvernement Trudeau haussera de nouveau les cotisations des entreprises au Régime de pensions du Canada. Cela fera augmenter le coût de la main-d’œuvre pour les petites entreprises qui sont encore en difficulté à cause de l’inflation, des problèmes qui touchent la chaîne d’approvisionnement et de la pandémie.

En 2016, l’ancien ministre Morneau a promis que la hausse des cotisations au Régime de pensions du Canada allait être « relativement sans douleur ». Ce n’est manifestement pas le cas aujourd’hui, monsieur le leader. Pourquoi le gouvernement ira-t-il de l’avant avec la hausse des cotisations au Régime de pensions du Canada dans moins de trois semaines?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement du Canada travaille fort pour que les Canadiens soient bien traités dans le cadre des programmes dont ils ont besoin. En ce qui concerne cette mesure en particulier, je n’ai pas la réponse à votre question, mais je vais certainement m’informer.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi de crédits no 4 pour 2021-2022

Deuxième lecture

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-6, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole pour présenter le projet de loi de crédits no 4 pour l’exercice 2021-2022, qui contient les demandes de crédits pour le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022.

Le projet de loi de crédits sert à autoriser les paiements du Trésor pour les programmes et les services gouvernementaux. Les crédits votés représentent des plafonds ou des budgets maximaux qui pourraient ne pas être dépensés complètement au cours de l’année. Les dépenses réelles se trouveront dans les comptes publics après la fin de l’exercice.

Dans le cadre de ce projet de loi de crédits, le gouvernement demande au Parlement d’approuver les dépenses prévues qui sont établies dans le Budget principal des dépenses (B).

Les budgets des dépenses, qui comprennent le Budget principal des dépenses, les budgets supplémentaires des dépenses, les plans ministériels et les rapports sur les résultats ministériels, jumelés aux comptes publics, aident les parlementaires à examiner les dépenses gouvernementales.

[Français]

Chers collègues, nous savons tous à quel point cette information est importante pour le fonctionnement de notre système de gouvernance.

La responsabilité, qui est au cœur de notre système, repose sur le fait que les parlementaires ainsi que les électeurs qu’ils servent doivent savoir comment les fonds publics sont dépensés afin de pouvoir demander des comptes au gouvernement.

(1510)

C’est pourquoi le gouvernement s’assure que les parlementaires ont accès à des informations précises, opportunes et compréhensibles sur les dépenses du gouvernement.

Par exemple, j’attire l’attention des honorables sénateurs sur l’InfoBase du gouvernement du Canada, un outil interactif en ligne qui présente de manière visuelle une multitude de données fédérales. Il contient le budget des dépenses, ainsi que d’autres données relatives aux finances, aux personnes et aux résultats du gouvernement.

La publication de données sur les dépenses au moyen d’outils numériques comme celui-ci est essentielle pour fournir aux parlementaires et aux Canadiens davantage d’informations sur la destination des fonds publics et la manière dont ils sont investis.

[Traduction]

Honorables sénateurs, parlons maintenant du Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022, sur lequel repose ce projet de loi de crédits.

Le Budget supplémentaire des dépenses fournit au Parlement de l’information sur les dépenses qui n’étaient pas suffisamment précises au moment de la présentation du Budget principal des dépenses ou qui ont été mises à jour pour tenir compte des nouveaux développements dans des programmes et services. Avec le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2021-2022, le gouvernement demande au Parlement d’approuver des dépenses dans des dossiers importants pour les Canadiens. Il s’agit notamment de la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 ainsi que des infrastructures et des services pour répondre aux besoins particuliers des communautés autochtones.

Le Budget supplémentaire des dépenses donne de l’information sur les 8,7 milliards de dollars en dépenses budgétaires votées pour 60 organismes fédéraux. Ce budget inclut également, à titre d’information, les dépenses législatives prévues de 4,7 milliards de dollars, qui s’expliquent principalement par le prolongement de la Prestation canadienne de relance économique et les ressources requises prévues pour la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants et la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Ces prestations ont été très importantes pour aider les Canadiens à traverser le pire de la pandémie.

Parmi les dépenses budgétaires votées, 1,2 milliard de dollars concernent la réponse à la pandémie de COVID-19, et une portion de ces fonds est réservée à aider les gens dans le besoin à l’étranger. En plus de fournir des mesures nationales de soutien, nous ne devons pas oublier que nous vivons dans une communauté de nations. C’est pourquoi le Canada a la ferme intention de contribuer aux efforts mondiaux pour endiguer la COVID-19 et remédier aux effets dévastateurs qu’elle a causés sur la santé, les conditions sociales, l’économie et la sécurité des populations du monde entier.

Honorables collègues, le Canada est un membre fondateur du Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19, l’accélérateur ACT, un partenariat mondial visant à garantir que, partout dans le monde, les gens ont accès de manière équitable et à un prix abordable aux tests de dépistage, aux traitements et aux vaccins contre la COVID-19. De plus, le Canada est un ardent défenseur du mécanisme COVAX, le Mécanisme pour un accès mondial aux vaccins contre la COVID-19, qui soutient l’achat, la distribution et la livraison de vaccins contre la COVID-19.

Pour que nous puissions continuer à offrir ce type d’aide, le budget de 2021 a prévu des fonds pour aider certains des pays les plus pauvres à obtenir les outils dont ils ont besoin pour contenir la propagation de la COVID-19. Dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), le gouvernement demande 375 millions de dollars pour donner suite à cet engagement de soutenir l’accès des pays en développement aux vaccins, aux traitements et aux diagnostics.

[Français]

Honorables sénateurs, j’ai mentionné plus tôt que le Budget supplémentaire des dépenses vise à faire approuver par le Parlement le financement nécessaire pour répondre aux besoins des communautés autochtones.

Bien que le gouvernement ait fait des progrès pour réparer les torts historiques causés par le Canada dans sa relation avec les peuples autochtones, il reste encore beaucoup de travail à faire. Il est essentiel que nous investissions pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant dans les communautés autochtones et leur créer de nouvelles possibilités.

Dans le cadre de la collaboration avec les partenaires autochtones, ces investissements permettront de combler les écarts entre les peuples autochtones et non autochtones, de favoriser la santé, la sécurité et la prospérité des communautés autochtones, et de faire progresser la réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

C’est pourquoi le Budget supplémentaire des dépenses (B) prévoit un total de 1 milliard de dollars pour le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et de 2,1 milliards de dollars pour le ministère des Services aux Autochtones.

Je voudrais souligner certains des principaux postes votés demandés par ces deux ministères. Dans le budget de 2021, on a annoncé un financement permettant au gouvernement d’accélérer son travail pour combler les lacunes en matière d’infrastructure dans les communautés autochtones, et créer ainsi de bons emplois tout en bâtissant des communautés autochtones plus saines, plus sûres et plus prospères à long terme.

Le Budget supplémentaire des dépenses (B) respecte cet engagement en prévoyant un peu plus de 725 millions de dollars pour la construction, la rénovation, l’exploitation et l’entretien de logements, d’écoles, d’établissements de santé, d’installations d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées, et d’autres infrastructures communautaires.

Ces fonds permettront également de transférer des infrastructures à des organisations dirigées par des Autochtones et de financer l’exploitation et l’entretien d’infrastructures leur appartenant.

[Traduction]

Le budget des dépenses vise aussi à demander un peu plus de 412 millions de dollars pour le Fonds de règlement des revendications particulières, qui sert à verser des indemnités aux Premières Nations en fonction des ententes négociées. Les revendications particulières sont des réclamations d’une Première Nation contre le gouvernement fédéral qui portent sur l’administration des terres ou d’autres biens des Premières Nations et sur le respect de traités historiques et d’autres accords. L’objectif principal de la politique des revendications particulières est de permettre au gouvernement fédéral de s’acquitter de ses obligations statutaires en suspens par l’entremise d’ententes de règlements négociés.

Le gouvernement demande aussi un peu plus de 361 millions de dollars pour le financement de services de prévention et de protection qui permettront d’assurer la sécurité et le bien-être des enfants et des familles des Premières Nations vivant dans des réserves. Ces services incluent l’intervention précoce et des solutions de rechange au placement habituel en établissement ou en famille d’accueil, par exemple le placement des enfants auprès de membres de leur famille, au sein d’une communauté.

Pour garantir que les Autochtones ont accès à des soins de santé de haute qualité, le budget de 2021 a annoncé plusieurs mesures, notamment l’une prévue dans le budget des dépenses, soit un peu plus de 332 millions de dollars pour assurer le maintien de soins de grande qualité dans le cadre du Programme des services de santé non assurés. Ce programme aide les Premières Nations et les Inuits à obtenir des services médicaux nécessaires qui ne sont pas couverts autrement, comme des services en santé mentale, du transport médical, des médicaments et plus encore.

Une autre initiative présentée dans ce budget est un financement pour aider les personnes vivant dans les réserves et les Indiens inscrits du Yukon à faire la transition de l’aide au revenu vers l’emploi et l’éducation. Plus précisément, on demande près de 309 millions de dollars pour aider les personnes et les familles admissibles en leur proposant une prise en charge de cas ainsi que des initiatives de préparation à l’emploi de base ou adaptées à des besoins spéciaux dont l’objectif est de développer l’autonomie, d’améliorer les aptitudes à la vie quotidienne et de renforcer le sentiment d’appartenance au marché du travail.

Ce budget prévoit aussi un peu plus de 212 millions de dollars pour le règlement partiel du recours collectif Gottfriedson intenté par d’anciens élèves autochtones qui ont fréquenté les pensionnats en tant qu’externes et pour aider à gérer les litiges relatifs aux réclamations concernant les enfants autochtones. Ce financement servira à indemniser environ 13 500 survivants des externats et la première génération de leurs descendants. Il servira aussi à créer le Fonds de revitalisation pour les élèves externes, destiné aux efforts de guérison et de bien-être des survivants et des descendants, ainsi qu’à la revitalisation et à la protection des langues, des cultures et des patrimoines autochtones, sans oublier des activités liées à l’éducation et à la commémoration.

Ce financement pourra aussi servir à payer les frais juridiques, les coûts administratifs externes, les frais de gestion courante et les frais afférents aux litiges relatifs aux réclamations pour les expériences vécues dans l’enfance par les Autochtones.

[Français]

Chers collègues, nous avons la chance d’avoir une fonction publique professionnelle qui fournit une multitude de services touchant concrètement la vie des Canadiens.

(1520)

Cela va de l’inspection des aliments à la réglementation de la sécurité et de l’efficacité des médicaments, en passant par le maintien de la sécurité de nos frontières et l’utilisation de brise-glaces dans le passage du Nord-Ouest.

Lorsqu’il y a une crise, la fonction publique est là pour relever le défi. Il y a six ans, des fonctionnaires ont travaillé sans relâche pour réinstaller plus de 25 000 réfugiés syriens. C’était un effort titanesque.

Aussi, il y a plus d’un an et demi, des fonctionnaires ont été appelés à faire face à une autre crise : une pandémie. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’ils ont fait un travail formidable.

Le Budget supplémentaire des dépenses comprend 1,5 milliard de dollars pour indemniser les organisations fédérales en ce qui a trait aux ajustements salariaux découlant des conventions collectives récemment négociées, ainsi qu’aux modifications apportées aux conditions d’emploi. Le gouvernement reste déterminé à conclure, avec tous les agents négociateurs, des ententes qui sont équitables pour les employés, qui tiennent compte du contexte économique et financier actuel et qui sont raisonnables pour les Canadiens.

Ces fonds serviront également à indemniser les employés pour les dommages causés par le système de paie Phénix et pour les délais de mise en œuvre prolongés des conventions collectives conclues au cours du cycle des négociations collectives de 2018.

[Traduction]

Honorables sénateurs, lorsqu’il s’agit de répondre à une crise, nous sommes heureux de pouvoir compter sur le personnel dévoué des Forces armées canadiennes. Nous leur adressons nos remerciements pour leurs interventions dans le cadre de la pandémie mondiale et des terribles inondations en Colombie-Britannique.

Ce budget prévoit aussi presque 328 millions de dollars pour l’augmentation des salaires du personnel des Forces armées canadiennes afin que ceux-ci s’alignent sur les conventions collectives de l’administration publique centrale. Ces fonds serviront également à payer la restructuration des salaires et des indemnités de certains postes au sein des forces armées, ainsi que la prolongation des indemnités versées au personnel déployé pour aider les Canadiens pendant la pandémie.

Le dernier élément sur lequel je voudrais attirer votre attention est le financement d’un peu plus de 253 millions de dollars qui est destiné aux ministères de la Défense nationale et des Anciens Combattants afin de financer l’entente de règlement pour le recours collectif Heyder et Beattie. Cette somme permettra de continuer à évaluer et à régler les réclamations qui figureront dans l’entente définitive.

[Français]

Chers collègues, le gouvernement continue d’accorder la priorité à la façon dont ses budgets des dépenses sont présentés, c’est-à-dire avec une documentation explicative détaillée facilement accessible en ligne pour les parlementaires et pour la population canadienne.

Le gouvernement a également pris plusieurs mesures pour veiller à ce qu’ils aient accès à encore plus d’informations. Par exemple, les ministères rendent régulièrement compte de leurs dépenses au moyen de rapports financiers trimestriels.

En outre, le ministère des Finances fournit des mises à jour mensuelles sur la situation financière du gouvernement dans La revue financière.

De plus, en raison des circonstances extraordinaires et des niveaux de dépenses engendrés par la pandémie, le gouvernement a fait état des autorisations de dépenses liées à sa réponse à la pandémie de la COVID-19 dans le Budget supplémentaire des dépenses. Il a également rendu compte des autorisations de dépenser et des dépenses engagées pour chaque mesure prise contre la COVID-19 au moyen de l’InfoBase du gouvernement du Canada et du Portail du gouvernement ouvert.

Ces outils de rapport permettent aux Canadiens de voir facilement les autorisations approuvées par le Parlement, ainsi que l’argent dépensé pour mettre en œuvre la réponse du gouvernement à la pandémie.

Enfin, pour assurer une plus grande clarté quant à la relation entre les chiffres présentés dans les documents du budget des dépenses et du budget, le gouvernement présente également un rapprochement entre ces deux documents de prévision des dépenses.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui est important en ce qu’il permettra de respecter l’engagement du gouvernement à l’égard des priorités des Canadiens.

En résumé, le gouvernement demande au Parlement d’autoriser 8,7 milliards de dollars de nouvelles dépenses votées pour ceux qui en ont le plus besoin : les Canadiens à faible revenu qui ont des besoins en matière de santé, d’éducation et d’aide au revenu; les Canadiens autochtones qui ont besoin de services à l’enfance et à la famille et de projets de logement et d’infrastructure; les fonctionnaires, y compris les membres des Forces armées canadiennes; les groupes autochtones ayant conclu des règlements de revendications; les pays en développement qui assument la grande part du fardeau en cette période de pandémie et qui ont besoin d’aide sur les plans médical et économique.

[Français]

La pandémie de COVID-19 a une incidence marquée sur plusieurs aspects de la vie des Canadiennes et des Canadiens. Nous avons tous et toutes été appelés à nous serrer les coudes.

Je profite de l’occasion pour vous remercier tous et toutes, chers collègues, de votre collaboration. Je souhaite aussi souligner l’important travail effectué par les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, sous l’habile direction du sénateur Percy Mockler.

[Traduction]

J’aimerais souligner le travail de la sénatrice Marshall comme porte-parole pour le projet de loi. Nous avons la chance, au Sénat, de pouvoir profiter des connaissances vastes et approfondies des sénateurs. Votre capacité à évaluer la performance du gouvernement est le bienvenu et sera importante à l’avenir. Il y a toujours place à l’amélioration pour le bien de tous les Canadiens. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Elizabeth Marshall : Merci, sénatrice Gagné, de vos observations au sujet du projet de loi C-6 et du budget supplémentaire des dépenses (B).

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 demande l’autorisation de dépenser 8,7 milliards de dollars. Pour aider le Parlement dans son examen de ces 8,7 milliards de dollars, la présidente du Conseil du Trésor a déposé le budget supplémentaire des dépenses (B), lequel fournit des renseignements et des détails sur les autorisations de dépenses demandées.

Si le projet de loi C-6 est approuvé par le Parlement, ces 8,7 milliards de dollars porteront à 176 milliards de dollars le total des dépenses approuvées cette année par la voie de projets de loi de crédits.

En plus des 176 milliards de dollars approuvés par la voie de projets de loi de crédits, le gouvernement est déjà autorisé à dépenser 230 milliards de dollars supplémentaires cette année, dépenses qui ont été approuvées par la voie de projets de loi autres que des projets de loi de crédits. Ces 230 milliards de dollars s’appellent des dépenses législatives et ont été autorisés dans le cadre de diverses mesures législatives, dont la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2021 et la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique.

Ces dépenses législatives sont incluses dans le budget supplémentaire des dépenses (B) uniquement à titre d’information. Dans un rapport récent, le directeur parlementaire du budget a dit qu’il n’existe actuellement aucun mécanisme parlementaire permanent d’examen des dépenses législatives.

L’autorisation de dépenses par la voie de mesures législatives autres que des projets de loi de crédits fait en sorte que le gouvernement n’est pas tenu de demander annuellement l’approbation du Parlement pour ces dépenses, puisque l’approbation parlementaire a déjà été fournie pour ces dernières.

Il est également intéressant de noter que, au cours des dernières années, les dépenses « législatives » approuvées dans différents projets de loi dépassent les dépenses approuvées annuellement dans le cadre des projets de loi de crédits. Par exemple, si le projet de loi C-6 est approuvé par le Sénat cette semaine, des dépenses de 175 milliards de dollars auront été approuvées dans le cadre de projets de loi de crédits cette année, alors qu’on parle de 230 milliards de dollars approuvés dans des projets de loi autres que les projets de loi de crédits.

Ce qui est encore plus intéressant, c’est que les dépenses législatives sont incluses dans le budget des dépenses à titre d’information seulement, comme je l’ai mentionné. Il n’existe aucun mécanisme parlementaire permanent pour passer en revue ces dépenses législatives. Par conséquent, lorsqu’on dit que nous étudions le budget des dépenses, nous étudions en fait moins de la moitié des dépenses présentées dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), puisque 58 % des dépenses ont déjà été approuvées par le Parlement.

Honorables sénateurs, j’ai parlé à plusieurs reprises — autant au Sénat qu’à l’extérieur de celui-ci — de la difficulté de suivre les dépenses gouvernementales. Un des problèmes réside dans le fait que l’information contenue dans le budget des dépenses ne correspond pas à l’information présentée dans le budget.

Par exemple, le budget prévoit cette année des dépenses de 497 milliards de dollars, alors que le Budget supplémentaire des dépenses (B), lui, indique seulement 405 milliards de dollars. Différentes raisons expliquent cet écart. Par exemple, le Budget supplémentaire des dépenses (B) que nous étudions ne comprend pas toutes les nouvelles initiatives budgétaires.

Dans d’autres cas, le Budget supplémentaire des dépenses (B) n’inclut pas certaines dépenses autorisées dans le cadre de la Loi de l’impôt sur le revenu, comme celles liées à la COVID.

(1530)

Quelles que soient les raisons de cet écart, il est difficile de faire le suivi des dépenses du gouvernement. Le gouvernement a tenté de faire concorder le budget de 497 milliards de dollars avec le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 405 milliards de dollars en fournissant un tableau de rapprochement pour expliquer l’écart observé. La sénatrice Gagné en a parlé dans son discours. Bien que le tableau soit quelque peu utile, il est déroutant puisqu’il ne tient pas compte des dépenses supplémentaires prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), qui devrait être déposé en mars.

De plus, le tableau résume de nombreuses transactions et elles doivent toutes être passées en revue pour comprendre pourquoi le budget prévoit des dépenses de 497 milliards de dollars alors que le document budgétaire ne prévoit que 405 milliards de dollars en dépenses. Essentiellement, un tableau dans l’introduction du Budget supplémentaire des dépenses (B) ne remplace pas un document budgétaire qui est correctement aligné au budget.

En 2017-2018, l’ancien président du Conseil du Trésor, Scott Brison, a entrepris avec enthousiasme un projet de réforme des budgets des dépenses et a mis à l’essai plusieurs changements aux documents budgétaires. Il a comparu devant le Comité des finances à plusieurs reprises pour discuter du projet. Les parlementaires ont eu l’occasion de participer et de fournir de la rétroaction.

Malheureusement, les présidents successifs du Conseil du Trésor n’ont pas appuyé l’initiative et, d’après ce que la ministre actuelle a dit la semaine dernière, le projet de réforme des budgets des dépenses a été abandonné et nous sommes de retour aux anciennes méthodes de préparation des documents budgétaires.

Les dépenses liées à la COVID, en particulier, compliquent davantage notre examen des dépenses du gouvernement, étant donné que le gouvernement n’a pas fourni aux parlementaires l’information dont ils avaient besoin. On a commencé à transmettre les rapports sur les dépenses liées à la COVID en avril 2020. On a cessé de les transmettre en août 2020, puis on a recommencé en avril 2021. On a de nouveau cessé en juillet 2021.

Le gouvernement admet lui-même avoir un problème. Sur son site Web, il pose en effet la question suivante : « Comprenez-vous le processus que le gouvernement utilise pour dépenser votre argent? » Puis, il fournit aussi la réponse suivante : « Si vous êtes un peu confus à ce sujet, vous n’êtes pas seul. » C’est ainsi quand on examine les dépenses du gouvernement.

Pour compliquer davantage notre examen du Budget supplémentaire des dépenses (B), le gouvernement n’a pas encore publié les comptes publics du dernier exercice. En fait, je crois qu’ils ont été publiés il y a environ deux heures, maintenant que nous avons terminé notre examen du Budget supplémentaire des dépenses (B).

Les comptes publics sont les états financiers du gouvernement, qui ont fait l’objet d’une vérification par la vérificatrice générale du Canada. Ils comprennent des informations sur les dépenses, les recettes, la dette, le passif éventuel et d’autres données financières utiles pour examiner le projet de loi de crédits, soit le projet de loi C-6, et le Budget supplémentaire des dépenses, qui appuie le projet de loi.

Historiquement, les comptes publics présentent des données financières et d’autres renseignements au 31 mars d’un exercice et sont habituellement déposés au Parlement pendant la session d’automne. Ces 11 dernières années, les comptes publics ont été déposés sept fois en octobre, deux fois en novembre et trois fois en décembre. Les trois dépôts en décembre ont eu lieu depuis les élections de 2015, soit depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, ce même gouvernement qui ne cesse de prôner l’ouverture, la transparence et la reddition de comptes.

Le précédent directeur parlementaire du budget a récemment déclaré que les comptes publics auraient dû être déposés au début de la période actuelle de quatre semaines. Il a ajouté que le fait de savoir comment l’argent a été dépensé l’an dernier aidera à orienter le débat concernant les demandes de fonds supplémentaires.

Cette date tardive pour le dépôt des comptes publics soulève une autre question. Dès que la ministre a déposé les comptes publics, elle doit déposer le Rapport sur la gestion de la dette pour l’exercice précédent dans les 30 jours de séance suivants.

En reportant le dépôt des comptes publics à aujourd’hui, le gouvernement parvient à reporter l’échéance pour le dépôt du Rapport sur la gestion de la dette. Parce que les comptes publics ont été divulgués aujourd’hui, l’échéance pour déposer le Rapport sur la gestion de la dette est la fin du mois de mars. Pouvez-vous y croire? Le Rapport sur la gestion de la dette pour l’année de la pandémie — année où la dette a atteint des sommets inégalés — risque de ne pas être divulgué avant mars 2022, soit une année complète après la fin de l’exercice.

En plus de retarder le dépôt des comptes publics pour 2021, le gouvernement n’a pas encore divulgué les Rapports ministériels sur le rendement. Pourtant, ces derniers sont habituellement publiés à l’automne et nous aurions normalement pu les consulter pour effectuer notre examen du projet de loi C-6 et du Budget supplémentaire des dépenses (B). Si ma mémoire est bonne, le Conseil du Trésor les avait publiés le 7 décembre l’année dernière.

Cependant, les représentants du Conseil du Trésor nous ont annoncé que le gouvernement ne prévoit pas déposer les Rapports ministériels sur le rendement avant le mois de janvier. Parce que nous ne les recevrons pas avant le 30 ou le 31 janvier, nous devrons attendre jusqu’à ce moment. Sans l’information qu’ils contiennent, nous ne pouvons pas terminer l’examen du projet de loi C-6 et du Budget supplémentaire des dépenses (B). D’un côté, le gouvernement insiste pour que nous adoptions sans tarder le projet de loi de crédits C-6 afin de lui permettre de dépenser plus d’argent, mais, de l’autre, il refuse de nous fournir l’information essentielle pour faire notre travail de parlementaires.

Le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et le ministère des Services aux Autochtones ont été créés en 2019. Si on tient compte des dépenses proposées dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), les dépenses de ces deux ministères s’élèvent actuellement à 28 milliards de dollars pour l’exercice en cours. D’après le rapport produit par le directeur parlementaire du budget à propos du Budget supplémentaire des dépenses (B), en 2017-2018, les dépenses liées aux Autochtones correspondaient à près de 14 milliards de dollars; elles ont donc augmenté de 93 %, c’est-à-dire presque doublé, depuis cinq ans.

Les membres du comité souhaitaient savoir comment ces fonds sont affectés : à quelles Premières Nations sont-ils distribués? La répartition est-elle équitable? Atteint-on les objectifs visés? Si le gouvernement avait publié les comptes publics couvrant la dernière année et les Rapports sur les résultats ministériels, ils auraient répondu en partie à nos questions.

Comme les dépenses de ces deux ministères ont augmenté considérablement depuis cinq ans, les membres du comité souhaitaient également en apprendre davantage sur le travail de surveillance accompli par le Conseil du Trésor. Des fonctionnaires ont expliqué leur travail de surveillance; ils ont expliqué comment ils évaluent les propositions de dépenses et ont souligné que les ministères doivent préciser quels seront les indicateurs de rendement utilisés pour évaluer les résultats de chaque programme. Cela dit, quelle est l’utilité des indicateurs de rendement s’ils ne sont pas fournis aux parlementaires en temps opportun?

Le comité s’intéressait particulièrement à la somme de 624 millions de dollars que demande le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord pour le Fonds de règlement des revendications particulières et le litige concernant les élèves externes des pensionnats indiens.

Les honorables sénateurs se souviennent peut-être que le Budget supplémentaire des dépenses (A) présenté en juin prévoyait 610 millions de dollars pour la Convention de règlement relative aux externats indiens fédéraux, 256 millions de dollars pour l’entente ayant trait à la rafle des années 1960 et 1,2 milliard de dollars pour les règlements à l’amiable.

Lorsque j’ai parlé au Sénat du Budget supplémentaire des dépenses (A), j’ai indiqué que les fonctionnaires du ministère n’étaient pas en mesure de fournir au Comité des finances les détails de la somme de 1,2 milliard de dollars demandée pour les règlements à l’amiable, pour des motifs de confidentialité à l’égard des discussions tenues au cours du processus judiciaire. Cette somme de 1,2 milliard de dollars était demandée afin d’assurer la disponibilité des fonds en cas de règlements à l’amiable.

Le projet de loi C-6 demande 624 millions de dollars afin d’assurer la disponibilité des fonds une fois ces règlements finalisés. Les fonctionnaires ont également indiqué que ces règlements avaient été inscrits en tant que passif éventuel dans les comptes publics de 2021, auxquels nous n’avions pas accès.

Puisque le gouvernement retenait les comptes publics de 2021, il a été impossible de faire l’étude de la somme de 624 millions de dollars et du passif éventuel. Voilà donc un exemple qui démontre la nécessité d’avoir accès aux comptes publics de 2021 et aux Rapports ministériels sur le rendement de 2021 pour procéder à l’étude du projet de loi C-6 et du Budget supplémentaire des dépenses (B).

Le Budget supplémentaire des dépenses (B) comprend un paiement législatif de 2,35 milliards de dollars pour la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada. Étant donné que le Budget supplémentaire des dépenses (B) prévoit des dépenses totales de 16 milliards de dollars, cette somme de 2,35 milliards de dollars est passablement importante.

Les fonds destinés à la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada sont de nature législative. Autrement dit, ils ont déjà été approuvés en application de la Loi sur la gestion des finances publiques et ils ne font pas partie du projet de loi C-6. Néanmoins, ces fonds sont présentés dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) à titre informatif.

La Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada a été créée en 2020 en tant que filiale à part entière de la Corporation de développement du Canada. Il s’agit essentiellement d’une société d’État créée par le gouvernement pour offrir un programme de soutien au crédit aux grandes entreprises canadiennes en réponse à la pandémie de COVID-19. Je songe notamment à des compagnies comme Air Canada. Par l’achat d’actions, le gouvernement fournit un financement à la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada pour qu’elle mette en place un programme de soutien au crédit. À ce jour, le gouvernement a acheté des actions de cette corporation à hauteur de 2,89 milliards de dollars et cet argent sert à administrer le programme et à l’offrir à de grands employeurs.

(1540)

Plus tôt au cours de l’exercice, des fonctionnaires du ministère des Finances nous ont indiqué que la corporation avait nommé des vérificateurs, qu’elle ne s’était pas servie de son pouvoir discrétionnaire pour nommer un observateur au conseil d’administration des emprunteurs et que des renseignements sur les termes uniformisés du programme figurent sur le site Web de la corporation. Toutefois, les modalités et les clauses des conventions de prêt étant considérées comme des renseignements commerciaux confidentiels, elles ne sont pas publiées.

La corporation fournit également des renseignements substantiels sur son site Web, notamment ses états financiers trimestriels et le détail de l’aide financière fournie à diverses entreprises canadiennes. Au 30 septembre 2021, la contribution du gouvernement se chiffrait à 2,89 milliards de dollars et correspond à des actions privilégiées de la société d’État, émises au nom du gouvernement du Canada. À la fin septembre, les prêts aux emprunteurs totalisaient 2,581 milliards de dollars. Des renseignements sur l’aide financière versée à chaque entreprise sont publiés sur les sites Web de la corporation.

Les entreprises qui reçoivent du financement par l’intermédiaire de ce programme doivent accepter de poursuivre leurs activités au Canada, faire des efforts commerciaux pour maintenir les pertes d’emplois au minimum et présenter un plan clair de retour à la stabilité financière. Elles doivent aussi accepter d’imposer des restrictions à la rémunération des cadres. Cette question a été soulevée au Comité des finances. Les entreprises doivent accepter d’imposer des restrictions à la rémunération des cadres, y compris sur les dividendes et les rachats d’actions. Elles doivent aussi publier annuellement des rapports de divulgation de l’information liée au climat, qui indiquent la façon dont leurs opérations futures appuieront la durabilité environnementale et les objectifs nationaux en matière de climat.

La corporation a divulgué — et il s’agit d’un renseignement très important pour le Comité des finances — qu’il y a un risque de crédit substantiel lié à ces prêts, étant donné les modalités et les critères d’admissibilité du programme. À l’heure actuelle, le montant de 2,89 milliards de dollars avancé par le gouvernement est inscrit comme un investissement ou un prêt et, par conséquent, est considéré comme non budgétaire. Toutefois, s’il y a des pertes, celles-ci feront augmenter le déficit du gouvernement. Les fonctionnaires du ministère n’ont pas été en mesure d’indiquer au comité la date limite des demandes ou la date de fin du programme, et de dire quelle est la « stratégie de sortie », non seulement pour le programme, mais aussi pour la corporation.

Honorables sénateurs, dans le cadre du projet de loi C-6, le ministère de la Défense nationale demande 644 milliards de dollars. De cette somme, 327 millions de dollars serviront à couvrir les augmentations salariales de certaines catégories d’employés au sein du ministère. La sénatrice Gagné en a parlé dans son discours. Ces augmentations sont conformes à la Loi sur la défense nationale. En effet, certaines dispositions de cette loi accordent au Conseil du Trésor le pouvoir de fixer les taux et modalités de versement de la solde des membres des Forces armées canadiennes appartenant à certaines catégories. Ces hausses, qui s’accordent avec les augmentations salariales accordées dans le cadre du processus de négociation collective concernant les employés de la fonction publique fédérale, s’étalent sur trois exercices financiers, de 2018 à 2021.

Le ministère demande aussi 250 millions de dollars pour l’entente de règlement définitive concernant les recours collectifs Heyder et Beattie. Ces recours collectifs que nous connaissons bien, et qui ont été lancés en 2016 et 2017, visaient à obtenir des dommages-intérêts pour des cas de discrimination fondée sur le sexe, d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel. Les fonds seront utilisés pour remplir les obligations et verser les paiements au titre de l’entente définitive, notamment en ce qui concerne l’évaluation des revendications, le versement des paiements aux demandeurs, l’administration et la gestion de cas. On demande aussi 2,5 millions de dollars pour payer des dépenses liées à la technologie de l’information et à l’équipement de gestion de l’information employés dans le cadre de l’entente de règlement.

Le ministère demande également 64 millions de dollars pour les programmes de l’OTAN. Les sénateurs se sont intéressés à l’engagement du Canada envers l’OTAN et ont posé des questions sur l’âge de nos appareils, l’absence de protection du Nord et le nombre insuffisant de navires dans la Marine canadienne. Les sénateurs se sont aussi penchés sur l’exploitation et la maintenance du Système d’alerte du Nord et ont voulu savoir si une part des 64 millions de dollars servirait à la mise à niveau du système ou au soutien de la présence du Canada dans l’Arctique, compte tenu de la présence accrue d’autres pays.

Les fonctionnaires ont parlé des 252 millions de dollars inclus dans le budget pour soutenir la modernisation du NORAD et maintenir les capacités de défense actuelles du continent et de l’Arctique pour les cinq prochaines années. Des 252 millions de dollars — cette somme est prévue sur cinq ans —, 45 millions de dollars ont été réservés pour cet exercice, mais ils n’ont pas encore été demandés au moyen d’un projet de loi de crédits. Voici donc où nous en sommes : alors que la fin de décembre approche, je n’ai toujours pas vu ces 45 millions de dollars dans un projet de loi de crédits et je ne pense pas qu’il s’agit de dépenses législatives.

Le Budget principal des dépenses du ministère de la Défense nationale prévoit aussi 5,7 milliards de dollars pour des projets d’immobilisations. Lors de réunions précédentes du Comité des finances, il a été très difficile d’obtenir de l’information sur les projets de ce type.

Le budget de 2021 prévoit 267 millions de dollars sur trois ans pour moderniser les systèmes d’information du ministère, plus précisément les systèmes dont il a besoin pour gérer ses biens, ses finances et ses ressources humaines. Ces améliorations permettront de s’assurer que les Forces armées canadiennes ont accès à l’équipement dont elles ont besoin, au moment et à l’endroit requis. Des 267 millions de dollars prévus pour les cinq prochaines années, 89 millions ont été réservés pour cet exercice. Cependant, comme je l’ai déjà dit, la fin de décembre approche, et je n’ai pas encore vu le ministère demander ces 89 millions.

Voilà qui met un terme à mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-6. J’aimerais remercier le président de notre comité, le sénateur Mockler, et son vice-président, le sénateur Forest, d’avoir apporté leur aide pour l’organisation des réunions de la semaine dernière. J’ai trouvé très difficile de participer à toutes ces réunions, en l’espace d’une semaine, surtout compte tenu du fait que le gouvernement ne nous a pas fourni toute l’information dont nous avions besoin.

Je remercie également tous les membres du Comité des finances de leurs excellentes questions durant nos réunions et tout le personnel qui a participé et l’organisation des réunions et a assuré leur bon déroulement. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Marshall, accepteriez-vous de répondre à une question de la sénatrice Galvez?

La sénatrice Marshall : Oui, bien sûr.

L’honorable Rosa Galvez : Merci, sénatrice Marshall. J’apprends beaucoup de choses chaque fois que vous parlez de budgets ou de projets de loi de finances. Vous faites un travail incroyable. Il est vrai qu’il est fastidieux de passer à travers le cycle budgétaire, d’examiner les dépenses budgétaires et de surveiller les dépenses du gouvernement. J’ai un diplôme en génie, donc les mathématiques ne me gênent pas. Je n’ai pas peur de passer les chiffres au peigne fin, mais je dois avouer qu’il est parfois difficile de tirer des conclusions claires.

Nous avons entendu ce qu’a dit le directeur parlementaire du budget. Il nous a recommandé de présenter des demandes toutes simples au gouvernement afin que nous soyons mieux en mesure d’effectuer notre travail. Parmi les recommandations du directeur parlementaire du budget, est-ce qu’il y en a une que vous privilégieriez pour demander au gouvernement de mettre de l’ordre dans la façon dont il nous présente l’information? Merci.

La sénatrice Marshall : Oui. Merci beaucoup de la question, sénatrice Galvez. Selon moi, il faudrait demander au gouvernement de relancer le projet sur la réforme des budgets des dépenses. Lorsque le ministre Brison était aux commandes, il a tenté de mettre en œuvre deux solutions au cours de deux années consécutives. Les solutions n’étaient pas parfaites, mais elles étaient utiles. Alors que nous nous efforçons de bien comprendre budget des dépenses, je dois dire que j’ai trouvé cela très motivant d’essayer des choses différentes pendant ces deux années. Le ministre Brison était très à l’écoute; il a témoigné de nombreuses fois au Comité des finances et il y participait activement. Je dirais que c’est la priorité numéro un.

J’aimerais parler rapidement de la priorité numéro deux. Je pense que le gouvernement devrait déployer plus d’efforts pour nous fournir les renseignements financiers. J’ai parfois l’impression qu’il nous les cache intentionnellement. Nous ne pouvons donc pas les vérifier. Si le gouvernement ne nous donne pas l’information, tout ce que je peux dire, c’est qu’il me manque de l’information. S’il me donnait les comptes publics, je pourrais probablement poser 500 questions, mais pour le moment, tout ce que je peux demander, c’est : « Où sont les comptes publics? » Nous les avons maintenant, mais notre examen est terminé. Nous allons discuter de notre rapport demain. Ce n’est vraiment pas idéal comme situation.

(1550)

Sénatrice Galvez, j’ai l’habitude de manier les chiffres, alors je ne suis pas intimidée par les documents gouvernementaux. Comme je le disais à la présidente du Conseil du Trésor l’autre jour, pour étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B), j’ai presque besoin d’une calculatrice, d’une feuille et d’un crayon pour prendre des notes et vérifier des choses, car le gouvernement ne nous donne pas d’information.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question?

L’honorable Renée Dupuis : La sénatrice Marshall accepterait-elle de répondre à une autre question?

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Oui.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, sénatrice Marshall, pour vos commentaires. Vous avez parlé de toutes les dépenses qui sont autorisées par d’autres lois que les lois de crédits. Des dépenses législatives sont prévues cette année, y compris 233 milliards de dollars.

Quand vous avez mentionné qu’il n’y avait pas de mécanisme parlementaire pour réviser ces dépenses, qu’est-ce que vous suggérez comme mécanisme de révision parlementaire pour que les législateurs que nous sommes puissent remplir leur mandat de rendre le gouvernement responsable de ses dépenses?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Dupuis, nous avons des problèmes audio, donc l’interprétation n’a pas pu se faire. Nous sommes vraiment désolés de ce problème technique, mais il semble que les interprètes ne peuvent vous entendre et interpréter vos propos en anglais. Ainsi, la sénatrice Marshall ne peut répondre à votre question.

Par contre, il vous sera possible de poser votre question à l’étape de la troisième lecture, si vous le désirez. Le problème technique sera peut-être réglé à ce moment-là.

La sénatrice Dupuis : Est-ce que vous souhaitez que j’inscrive ma question dans le clavardage de la séance hybride du Sénat?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il semble, sénatrice Dupuis, que ce ne sera pas possible.

La sénatrice Dupuis : Merci.

[Traduction]

L’honorable Kim Pate : Je vous remercie, sénatrice Gagné et sénatrice Marshall, de vos commentaires. Comme plusieurs autres, je remercie également tous les membres du Comité des finances et tout le personnel de soutien.

Honorables sénateurs, le gouvernement s’est engagé à faire en sorte que tout le monde profite de la relance, que la réponse à la COVID-19 ne laisse tomber personne pendant ou après la pandémie. La vérité jusqu’à présent, c’est que, bien honnêtement, nous sommes bien loin du compte.

Une part importante du Budget supplémentaire des dépenses (B) concerne la réponse à la pandémie. Des millions de Canadiens se trouvent toujours sous le seuil de la pauvreté et, pourtant, pendant presque deux années, les personnes dans le besoin n’ont pas eu accès aux importantes mesures d’aide financière. Les données s’accumulent quant aux coûts humains, sociaux et financiers évitables liés au nombre disproportionné — on parle de plusieurs millions — de femmes, d’Autochtones, d’Afro-Canadiens et d’autres personnes racisées et de personnes handicapées qui sont exclus.

Nous avons l’occasion, et le devoir, d’exhorter le gouvernement à faire preuve de courage. L’ère post-pandémique ne devrait pas être un simple retour à la normale, mais l’occasion de travailler à accroître l’égalité.

Les programmes comme la Prestation canadienne d’urgence et la Prestation canadienne de relance économique ont montré ce que les mesures de soutien direct du revenu peuvent faire pour les personnes dans le besoin. Pour de nombreuses personnes qui ont perdu leur travail ou leur revenu à cause de la pandémie, recevoir 2 000 $ par mois signifiait qu’elles pouvaient prioriser leur santé et leur bien-être, ceux de leur famille et de leur collectivité sans craindre de ne pas pouvoir nourrir leur famille ou de se faire évincer de leur logement.

Dans le cas des personnes non admissibles aux programmes tels que la Prestation canadienne d’urgence en raison d’un revenu trop faible, de nouvelles données réaffirment l’insuffisance des mesures de soutien de rechange offertes. Aux prestations d’aide sociale déjà inadéquates se sont ajoutées des mesures de soutien d’urgence inadéquates pendant la pandémie. Dans certaines provinces, une personne seule ne disposait que de 660 $ par mois. Ce montant devait couvrir non seulement les nécessités quotidiennes, telles que le logement, la nourriture et les vêtements, mais également les nombreux coûts supplémentaires liés aux mesures prises pour tenter de sortir sain et sauf de la pandémie.

Dans bien des provinces et des territoires, les prestations d’urgence provinciales ou territoriales liées à la pandémie pour les assistés sociaux représentaient seulement de 1 à 2 % du montant touché par les bénéficiaires de la Prestation canadienne d’urgence. On parle de 24 $ par mois, ou moins d’un dollar par jour.

Partout au Canada, des gens ont été laissés dans une situation de pauvreté à un moment où il est devenu impossible d’ignorer le lien entre la stabilité économique, la santé et le bien-être. Aucune province et aucun territoire n’a offert une aide suffisante pour sortir les gens de l’extrême pauvreté, et encore moins pour les hisser au-dessus du seuil de la pauvreté.

Même chez les personnes ayant pu accéder à des programmes tels que la Prestation canadienne d’urgence, on relève de nettes différences de résultats entre les plus démunies et les mieux nanties.

Selon le directeur parlementaire du budget, cette année, environ 88 222 aînés à faible revenu au Canada ont perdu une partie ou la totalité des paiements qu’ils reçoivent dans le cadre du programme de Supplément de revenu garanti, un programme de revenu de base non lié à la pandémie sur lequel ils comptent pour joindre les deux bouts. Pourquoi? C’est parce qu’ils ont demandé la PCU l’an dernier et que l’État a inclus ces versements dans leur revenu de l’an dernier lorsqu’il a calculé leur nouveau Supplément de revenu garanti cet été.

La situation est pire pour les nombreuses personnes qui ont demandé la PCU de bonne foi et qui ont ensuite découvert qu’elles n’étaient pas admissibles à la recevoir. On leur demande de rembourser la PCU au gouvernement. Or, leur Supplément de revenu garanti a été réduit. Où trouveront-ils l’argent nécessaire pour rembourser le gouvernement? Comment pourront-ils survivre à cette situation, voire vivre?

Des familles ont également vu leur Allocation canadienne pour enfants être réduite pour la même raison. Depuis au moins le mois de mai, les fonctionnaires fédéraux reconnaissent qu’il existe un problème avec la PCU et d’autres mesures de soutien semblables liées à la pandémie, comme la Prestation canadienne de relance économique et la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement qui a récemment été proposée. Cependant, ils n’ont pris aucune mesure corrective. C’est pour les prestataires à faible revenu que l’impact a été le pire.

Si la PCU a donné les résultats escomptés pour de nombreux prestataires à revenu élevé, les programmes n’ont pas réussi à empêcher les difficultés économiques des moins fortunés, ils les ont seulement retardées. Dans ce contexte, au cours de la première année de la pandémie de COVID-19, la fortune de 47 milliardaires canadiens a augmenté de 78 milliards de dollars.

Les inégalités sur le plan de la richesse s’accroissent au Canada depuis des décennies. En 2019, un quart de la richesse nette des ménages canadiens appartenait à 1 % des ménages. Les 40 % de Canadiens ayant le moins de ressources financières ne détenaient que 1,1 % de la richesse totale du pays.

(1600)

Jusqu’à maintenant, les politiques économiques liées à la pandémie ont renforcé ou, pire encore, accentué les inégalités.

Honorables sénateurs, nous n’avons pas encore assuré la reprise économique pour tous et nous avons l’obligation de n’exiger rien de moins.

À l’aube de la pandémie, dans plus de la moitié des ménages où les gens souffraient de la faim, les membres de la famille travaillaient, mais ils ne gagnaient pas assez d’argent pour se procurer des biens de première nécessité. Les inégalités économiques nuisent aux conditions sanitaires et sociales. Elles contribuent aussi à des situations scandaleuses et inacceptables, comme l’augmentation constante de la dépendance aux banques alimentaires. Beaucoup trop de personnes obligées d’avoir recours aux banques alimentaires sont des aînés et des personnes handicapées. Un grand nombre de banques alimentaires signalent aussi qu’une part importante de leur clientèle est composée de travailleurs, qui sont trop nombreux à vivre aussi dans des refuges pour sans-abri. Les banques alimentaires ont été créées comme des mesures temporaires. Elles sont devenues des solutions permanentes très coûteuses qui traitent les symptômes, mais qui ne s’attaquent pas aux causes profondes de la pauvreté, des salaires insuffisants et des mesures de soutien du revenu.

Les inégalités économiques grandissantes entraînent des coûts accrus liés à l’itinérance, aux refuges, au système de justice pénale et aux soins de santé d’urgence. Elles nuisent aussi énormément à la croissance économique.

En 2014, l’Organisation de coopération et de développement économiques a découvert que les inégalités grandissantes dans les pays riches nuisaient considérablement au produit intérieur brut.

Par ailleurs, le World Social Report 2020 de l’ONU souligne qu’on associe une croissance économique plus lente à une inégalité des revenus, en particulier à cause des disparités en matière de soins de santé et d’éducation.

Aujourd’hui, le Conseil consultatif national sur la pauvreté a indiqué qu’en 2020 le gouvernement avait réduit la pauvreté de 30 % par rapport aux niveaux de 2015, mais a prévenu que les chiffres dissimulaient de profondes inégalités qui persistent au Canada. Le conseil recommande une approche pansociétale afin de créer des systèmes équitables qui permettront d’éliminer la pauvreté.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales attend toujours une réponse complète de la part du ministère des Finances aux questions concernant la façon dont le gouvernement évalue si les mesures qu’il propose dans le Budget supplémentaire des dépenses sont censées permettre de réaliser la relance pour tous.

Malheureusement, jusqu’à présent, on rate la cible. Honorables sénateurs, cela fait longtemps qu’on aurait dû instaurer des mesures telles qu’un revenu minimum garanti afin que personne ne soit laissé pour compte. La pauvreté met la santé, le bien-être et la vie des gens à risque. Atténuer cette pauvreté est une question de droits de la personne que le Canada ne peut se permettre d’ignorer plus longtemps.

Merci, honorables sénateurs. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en réponse au discours du Trône. J’ai l’honneur d’être le premier de mes collègues à le faire, mais je suis certain que je ne serai pas le dernier.

J’aimerais débuter en reconnaissant que nous sommes aujourd’hui réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. Comme la gouverneure générale l’a mentionné dans l’introduction du discours, qui est, historiquement, de son cru, cette reconnaissance n’est pas une simple déclaration symbolique. En la faisant, je veux signaler un fait important de notre véritable histoire que l’on n’a pas enseigné aux gens de ma génération, à savoir que, dans beaucoup de cas, nos ancêtres se sont approprié les terres de ceux et celles qui étaient là bien avant nous.

J’espère que, comme l’a suggéré la Commission de vérité et réconciliation, alors présidée par l’honorable juge Murray Sinclair, cette omission est en voie d’être corrigée dans toutes les provinces et dans les territoires. En effet, sans une bonne compréhension du passé colonialiste et assimilateur de notre pays, nous ne pouvons bâtir une route viable vers la réconciliation.

[Traduction]

Cela dit, j’aimerais aborder l’autre segment du discours : celui rédigé par le gouvernement et intitulé Bâtir une économie résiliente : un avenir plus propre et plus sain pour nos enfants.

En plus de la réconciliation, le gouvernement a indiqué qu’il centrera ses efforts sur notre santé et notre bien-être collectifs alors que nous subissons les nombreuses répercussions de la pandémie et que nous devons rebâtir une économie qui profite à tous. Il a également annoncé que le logement et les services de garde d’enfants font partie de ses priorités. Comme la plupart d’entre vous, je suis d’accord avec ces plans.

Par ailleurs, le gouvernement est déterminé à agir contre les changements climatiques mondiaux. En effet, comme il a été souligné dans le discours du Trône, notre planète est en danger, et certaines régions sont davantage touchées, notamment le Nord canadien.

La situation exige que nous transformions en profondeur notre économie et notre mode de vie. Cette transformation devra possiblement prendre appui sur des mesures législatives. Par exemple, le gouvernement n’a toujours pas démontré comment il réussira à plafonner et à réduire drastiquement les émissions de l’industrie pétrolière et gazière. Comme il l’a reconnu dans le discours du Trône, la crise climatique exige que nous agissions de façon vigoureuse pour prévenir et prévoir les inondations, les feux de forêt, les sécheresses, l’érosion des côtes et les autres conditions météorologiques extrêmes exacerbées par les changements climatiques.

[Français]

Comme bien des Québécois et Québécoises, à l’initiative d’une bonne amie, j’ai récemment découvert les merveilleuses îles de la Madeleine. Malheureusement, cet écosystème est fragile. Le réchauffement des eaux du golfe du Saint-Laurent entraîne la perte de la glace maritime hivernale, et l’augmentation du niveau de la mer augmente l’érosion des îles. J’ai bien hâte d’entendre les propositions concrètes qui seront mises de l’avant par le gouvernement fédéral, en collaboration avec le gouvernement du Québec et les habitants des îles, pour sauver ce trésor du golfe du Saint-Laurent.

[Traduction]

Le gouvernement s’est aussi montré prêt à défendre la diversité et l’inclusion grâce à des investissements conçus pour renforcer l’autonomie des personnes noires et autochtones et des autres personnes racisées, sans oublier la lutte contre le contenu préjudiciable en ligne et le renforcement du français au Québec et ailleurs au pays. Le Sénat devrait soutenir ces mesures et les examiner attentivement.

J’ai aussi été heureux de voir que le gouvernement s’attaquera à la violence armée, un problème grandissant dans plusieurs grandes villes du pays, dont Montréal, où j’habite. Le gouvernement s’est engagé à mettre en place le rachat obligatoire des armes à feu de style arme d’assaut, ce qui est une bonne nouvelle. Cela dit, le fait que les membres des gangs de rue — essentiellement des jeunes hommes — puissent facilement se procurer des armes de poing entraîne un nombre croissant de décès et de blessures, y compris parmi les jeunes qui ne sont pas membres des gangs.

Je crois, moi aussi, que la meilleure façon de régler ce problème consiste à investir dans la prévention et à soutenir le travail des policiers. Je salue d’ailleurs le plan de 52 millions de dollars annoncé récemment par le gouvernement du Québec, qui va dans ce sens. Cela dit, il faut aussi adopter d’autres mesures pour restreindre davantage l’accès aux armes, par exemple consacrer plus de ressources pour freiner les importations illégales d’armes de poing au Canada et le recours à des hommes de paille qui servent d’acheteurs au Canada.

(1610)

Notre réponse collective à la violence armée doit aussi comprendre un renforcement des mesures législatives encadrant les armes de poing, comme l’ont répété divers groupes dont Médecins canadiens pour un meilleur contrôle des armes à feu, Familles de Danforth pour des communautés sécuritaires et PolySeSouvient. Le gouvernement se montre malheureusement plutôt timide sur ce point pour le moment.

[Français]

Avant les dernières élections générales, le gouvernement a proposé d’adopter une loi qui permettrait aux municipalités canadiennes d’interdire les armes de poing sur leur territoire. Les maires des plus grandes villes du Québec, la Fédération québécoise des municipalités, le maire de Toronto et les maires de plusieurs autres grandes villes canadiennes se sont tous prononcés contre une telle approche semée d’embûches.

Depuis son élection, le gouvernement jongle désormais avec la possibilité de déléguer aux provinces le soin d’interdire les armes de poing sur leur territoire respectif. Cette deuxième approche semble motivée, comme la première, par le désir du gouvernement fédéral de ne pas faire face à ses responsabilités directement, en refilant aux gouvernements provinciaux la décision de prohiber les armes de poing.

Chers collègues, comment peut-on, d’une part, reconnaître que l’une des sources de la prolifération des armes de poing dans les rues de nos grandes villes est l’importation illégale en provenance des États-Unis, malgré des contrôles frontaliers et, d’autre part, favoriser des interdictions provinciales, alors que les gouvernements provinciaux ne contrôlent pas, en général, l’accès à leur province?

[Traduction]

Autrement dit, le gouvernement envisage pour le Canada la même approche que celle des États-Unis en matière de contrôle des armes de poing, une solution confuse dont l’inefficacité a été confirmée. Je presse le gouvernement d’assumer ses responsabilités et de promulguer une interdiction efficace des armes à feu partout au Canada.

Enfin, il convient de souligner que le discours est muet à propos de la transformation du Sénat, malgré le fait que nous formons la seule Chambre haute du modèle de Westminster constituée essentiellement de groupes non affiliés à des partis politiques, où l’indépendance des individus est le principe central à la sélection et à la nomination des sénateurs. Cette réforme exige des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada qui vont au-delà de l’ajout de postes de direction rémunérés. Pour cela, il faudra peut-être attendre des initiatives plus audacieuses de la part du gouvernement.

La réforme du Sénat exige également des modifications à notre Règlement, un domaine où nous avons toute l’autorité nécessaire pour assurer une transparence, une égalité et une indépendance accrues. Dans cette tâche, le Comité du Règlement ne devrait pas hésiter à prendre le temps d’étudier les 12 rapports du Comité sur la modernisation, qui est maintenant dissous, de même que les idées soulevées par les sénateurs au cours de la 43e législature et les rapports d’autres législatures où la Chambre haute était constituée de plus de deux groupes reconnus.

Au Sénat français, où 348 sénateurs sont élus indirectement, il y a huit groupes reconnus. À la Chambre des lords, où il y a actuellement 783 pairs à vie et héréditaires, il y a six groupes d’au moins 25 membres, dont 192 crossbenchers, des pairs indépendants qui ne sont affiliés à aucun parti politique. Fait intéressant, comme le Sénat du Canada, ces deux institutions cherchent des façons de contribuer plus efficacement au gouvernement démocratique de leur pays.

En apportant des changements progressifs, nous pouvons réformer le Sénat pour mieux complémenter la Chambre des communes et améliorer plus efficacement les lois du pays en devenant de plus en plus indépendants des partis politiques. Grâce à ces réformes internes, les sénateurs peuvent maintenant choisir entre quatre groupes reconnus ou décider de ne pas s’affilier ou de créer un nouveau groupe. Les sénateurs ont une plus grande mobilité, comme ils l’ont montré à maintes occasions depuis 2019, notamment avec la création du Groupe des sénateurs canadiens et la renaissance du Groupe progressiste du Sénat, qui s’inspire en grande partie du groupe des crossbenchers de la Chambre des lords du Royaume-Uni. De plus, nous avons élu notre Présidente intérimaire par scrutin secret au lieu d’attribuer ce poste au terme d’une négociation, comme nous le faisions auparavant.

La prochaine étape logique du processus de modernisation devrait être de faire élire le président et le vice-président de la plupart des comités par scrutin secret, d’une façon qui pourrait permettre de répartir ces postes entre les différents groupes. Avec la démocratisation accrue de ce processus, l’attribution de ces postes reflétera davantage la confiance accordée par les autres sénateurs. Par exemple, nous pourrions nous inspirer de la Chambre des lords, où certains présidents de comité sont élus par l’ensemble de la Chambre. Comme l’indique le rapport de 2009 du comité de la réforme de la Chambre des communes du Royaume-Uni, il est temps de réduire l’influence des leaders et de démocratiser le processus de nomination aux comités et de gouvernance de la Chambre.

À la Chambre des communes, des changements ont été apportés aux règles au fil des ans pour élargir la capacité des députés à débattre des projets de loi d’initiative parlementaire et à les adopter. L’influence des chefs de parti a été réduite au profit des votes libres. De plus, on a ajouté une nouvelle section à la Loi sur le Parlement du Canada en 2015. La loi instituant des réformes, présentée par le député Michael Chong, accordait aux membres d’un caucus reconnu à la Chambre des communes le pouvoir de rappeler leur leader et leur président de caucus pour le remplacer au moyen d’un scrutin secret, ainsi que le pouvoir d’expulser un député du caucus ou de l’y réadmettre au moyen d’un scrutin secret. À l’époque, le premier ministre Harper a appuyé ces changements. Comme M. Chong l’a indiqué à ce moment-là, la loi instituant des réformes représentait « une occasion qui ne se présente qu’une fois par génération permettant aux députés de récupérer leur influence au caucus et, par extension, au Parlement ».

À n’en pas douter, chers collègues, ces changements reflètent le souhait des Canadiens et des citoyens d’autres pays démocratiques à l’égard d’un nouveau style de gouvernance — qui ressemble moins à une pyramide — par lequel les députés d’arrière-ban ont des droits. Bien sûr, les partis politiques cherchent toujours à gagner des sièges et à former le gouvernement, ce qui demande une structure bien organisée et une grande discipline.

En revanche, les sénateurs siègent au sein d’une enceinte dont les membres ont un mandat les menant jusqu’à 75 ans et où l’influence partisane directe se limite à un seul groupe. Avec un tel cadre, nous ne devrions pas hésiter à favoriser une indépendance maximale pour chacun de nous afin de nous acquitter de nos fonctions constitutionnelles en tant que Chambre de second examen objectif.

[Français]

En conclusion, chers collègues, nous avons devant nous un défi intéressant, celui de redéfinir cette Chambre en 2022.

Dans cette poursuite excitante, j’espère que nous serons tous guidés par l’objectif d’un Sénat plus indépendant, mais aussi conscient de son rôle complémentaire à celui de la Chambre des communes. Nous ne sommes pas ici pour usurper le rôle clé de la Chambre des élus, mais pour donner une valeur ajoutée aux travaux parlementaires à titre de Chambre de second regard objectif.

Je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année, et j’ai hâte de travailler avec vous l’an prochain sur ces réformes.

Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)

(1620)

[Traduction]

Projet de loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes.

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-211, dont le titre abrégé est « Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement ».

Je remercie la sénatrice Miville-Dechêne d’avoir présenté de nouveau cet important projet de loi touchant les droits de la personne. Je tiens aussi à saluer l’excellent travail des membres du Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes.

Ce projet de loi permet de constater à quel point l’esclavage est présent partout sur la planète. On estime en effet que ce phénomène touche au moins 90 millions d’enfants et d’adultes.

Le Canada accuse un retard important en ce qui concerne les mesures législatives contre le travail forcé. Pour conserver notre réputation de défenseur des droits de la personne, nous devons évoluer au même rythme que les pays comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni qui ont déjà adopté une loi exigeant que les entreprises enquêtent et fassent rapport sur le risque de travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Avec ce projet de loi, nous respecterions les engagements internationaux du Canada en matière de lutte contre le travail forcé et le travail des enfants.

La notion d’esclavage moderne désigne l’exploitation d’autrui pour son propre bénéfice ou dans un but lucratif. Cette exploitation peut prendre de nombreuses formes, comme la traite des personnes, l’esclavage héréditaire, le mariage précoce et forcé ainsi que le travail forcé et le travail des enfants.

Ce dernier phénomène est particulièrement révoltant, car il s’agit ici de tâches mentalement, physiquement, socialement et moralement néfastes pour les enfants, qui sont également dans l’impossibilité de s’instruire. Pourtant, une victime d’esclavage moderne sur quatre est un enfant.

Nous savons que le principal facteur motivant le travail des enfants est la pauvreté, étant donné que les enfants travaillent pour leur survie et celle de leur famille. Le travail des enfants fait partie d’un cercle vicieux où l’éducation est considérée comme étant moins importante que le fait de gagner un revenu, ce qui finit par empêcher les enfants qui travaillent d’échapper à la pauvreté, arrivés à l’âge adulte.

Bien sûr, à lui seul, le projet de loi ne peut pas éliminer ces causes profondes, mais il peut obliger les grandes entreprises et les institutions gouvernementales à prendre des mesures pour empêcher l’exploitation des plus vulnérables.

Une des principales mesures de ce projet de loi consiste à demander aux grandes entreprises et aux institutions gouvernementales de soumettre un rapport annuel expliquant les mesures prises pour prévenir et atténuer le recours au travail forcé ou au travail des enfants. De plus, il doit indiquer les formations données aux employés sur la prévention de l’esclavage moderne à toutes les étapes de la production, de l’achat ou de la distribution des marchandises.

La sensibilisation est une étape essentielle parce que bon nombre d’entre nous sont beaucoup trop éloignés de la production des biens que nous achetons et consommons. Personnellement, j’ai eu l’occasion unique de visiter le Rana Plaza, au Bangladesh, après son effondrement en 2013. Je suis arrivée seulement trois mois après que l’immeuble de huit étages se fut effondré, causant la mort de plus de 1 100 personnes ainsi qu’un nombre incalculable de blessés. J’ai vu de mes propres yeux le coût de la mode jetable bon marché. On avait forcé ces travailleurs mal rémunérés de continuer à produire des vêtements même après que la police eut ordonné l’évacuation de l’édifice en raison des fissures profondes visibles dans les murs.

Il est temps que le Canada légifère pour endiguer le travail forcé et le travail des enfants dans le monde.

En tant que porte-parole pour le projet de loi, je dois souligner quelques préoccupations qui devraient faire l’objet d’un examen en comité. Certains d’entre vous ont posé d’excellentes questions la semaine dernière. Le sénateur Black a remis en question la définition élargie de « travail des enfants », et la sénatrice Omidvar s’est inquiétée des conséquences de la mesure sur les enfants qui ont besoin d’un emploi pour survivre. Ce projet de loi n’est pas simple, et il ne s’attaque pas à tous les aspects du travail forcé.

Des discussions devront avoir lieu concernant les responsabilités supplémentaires accordées au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, les pouvoirs étendus attribués aux personnes désignées pour faire respecter les mandats décrits dans le projet de loi et les considérations juridiques liées à la responsabilisation des membres de la direction, des employés ou des agents pour toute incohérence dans le rapport annuel.

De plus, il sera important de faire venir des témoins au comité afin que le projet de loi soit aussi solide que possible.

À force d’informations et de transparence, nous serons en mesure d’éliminer la corruption et d’attirer l’attention sur le travail forcé. J’espère que les sénateurs appuieront le renvoi du projet de loi S-211 au comité afin que ce dernier puisse faire l’objet d’un examen approfondi. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Miville-Dechêne, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.)

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (gouverneur général).

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je veux féliciter le premier ministre Trudeau d’avoir nommé Mary May Simon comme gouverneure générale, même s’il savait que sa décision ferait l’objet de critiques.

Le premier ministre Trudeau a reconnu que, dans le cadre de notre quête commune de compréhension, il était temps de nommer une personne canadienne d’origine autochtone à ce poste. Mary May Simon n’est pas une Canadienne comme les autres. C’est une femme hautement qualifiée, une chef de file dans sa communauté depuis des décennies, une ancienne ambassadrice du Canada au Danemark, une experte reconnue des questions liées à l’Arctique; la liste de ses réalisations est très longue.

Pour ce qui est de la question linguistique, je pense que nous devons nous demander si la politique des deux langues officielles est un héritage de notre passé colonialiste. Avant que les francophones et les anglophones arrivent dans cette partie de l’Amérique du Nord, beaucoup de langues autochtones y étaient déjà parlées.

Chers collègues, n’est-il pas préférable de tenir compte de la véritable histoire du Canada et de reconnaître que de nombreuses langues autochtones comptent peut-être parmi ses langues fondatrices? Le Sénat pourrait-il jouer un rôle important en saisissant cette occasion historique d’appuyer la première gouverneure générale autochtone et faire preuve de leadership en donnant à son Comité des langues le mandat officiel de protéger ces nombreuses langues autochtones et en lui demandant d’accorder une importance toute particulière à cette tâche? On pourrait peut-être demander au Comité sénatorial des langues officielles de mettre l’accent tant sur les langues fondatrices que sur les langues officielles, et le renommer en conséquence.

Chers collègues, embrassons le nouveau Canada. Embrassons l’avenir plutôt que de résister au changement et de lutter pour le statu quo.

En tant que Canadien anglophone, je ne m’opposerais pas à ce que l’on nomme à un poste de haut niveau une personne francophone qui parle une langue autochtone et qui promet d’apprendre l’anglais. Chers collègues, c’est le prix à payer pour aider à rectifier les torts du passé.

Nous devons à la communauté autochtone d’embrasser ce nouveau Canada que nous bâtissons ensemble. L’ancienne école de pensée du Canada qui se reflète dans ce projet de loi découle en partie de l’histoire déformée que l’on nous a enseignée à l’école et des lacunes massives dans notre connaissance de la communauté autochtone, de ses coutumes et de sa société.

Tandis que je m’éduque personnellement sur la vraie histoire du Canada, je me souviens des traités que j’ai étudiés, mais jamais il n’a été question dans mes livres d’histoire de l’Île-du-Prince-Édouard des traités signés par les Mi’kmaqs du Canada atlantique et la Couronne ou du Traité de paix et d’amitié. Jamais ils n’ont été mentionnés.

Ce manque de connaissance de la société canadienne à propos de l’histoire autochtone s’estompe tranquillement, et la nomination de Mary May Simon à titre de gouverneure générale est importante à la fois pour sa signification symbolique et pour son mérite.

(1630)

Chers collègues, Mary May Simon est la gouverneure générale et elle est autochtone, ce qui est extraordinaire à mon avis. J’espère qu’il y aura davantage de nominations pour lesquelles on considérera les langues autochtones comme étant sur un pied d’égalité avec le français et l’anglais. Merci, chers collègues.

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Claude Carignan propose que le projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi S-229, que j’ai déposé le 1er décembre dernier et qui a pour titre Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick). Il s’agit essentiellement d’un projet de loi identique à mon projet de loi S-220, qui a trait au bilinguisme de la gouverneure générale, mais ce projet de loi concerne le bilinguisme du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.

Lorsque j’ai déposé le projet de loi S-220 le 24 novembre dernier, il y a eu une couverture médiatique importante. La journée même, un citoyen m’a fait parvenir un article de journal qui traitait d’un problème semblable relativement à la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, Mme Brenda Louise Murphy.

En 2019, sur la recommandation du premier ministre du Canada, le comité du Conseil privé a recommandé que soit émise, sous le grand sceau du Canada, une commission nommant Mme Brenda Louise Murphy lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick. Le lendemain, le premier ministre a annoncé sa nomination à titre de 32e lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick. Ce même jour, pendant une entrevue, la lieutenante-gouverneure a admis qu’elle était incapable de parler et de comprendre clairement les deux langues officielles du Nouveau-Brunswick.

Cette nomination est quelque peu passée sous le radar, ce qui a eu également pour effet que l’information est passée à peu près inaperçue au Sénat. Si j’avais eu cette information plus tôt, j’aurais probablement déposé un projet de loi afin de proposer que ces deux postes, ceux de gouverneur général et de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, soient ajoutés à la liste des hauts dirigeants qui doivent être obligatoirement bilingues, conformément à la Loi sur les compétences linguistiques.

Avec le recul, je crois maintenant qu’il est préférable d’en faire deux projets de loi distincts. Bien sûr, il y a de grandes similitudes quant aux enjeux de fond, eu égard au respect des langues officielles, mais puisque le Nouveau-Brunswick est la seule province du Canada qui est officiellement bilingue, des enjeux particuliers se dressent en ce qui a trait à la nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue pour cette province.

Tout d’abord, voyons ce que la Constitution nous dit sur le Nouveau-Brunswick. Dans le préambule de la Constitution de 1867, on indique que le Nouveau-Brunswick est partie prenante de ce nouveau pacte confédératif. Ainsi, le premier « considérant » se lit comme suit, et je cite :

Considérant que les provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont exprimé le désir de contracter une Union Fédérale pour ne former qu’une seule et même Puissance (Dominion) sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni […]

Par la suite, tout au long du texte constitutionnel, notamment dans la Charte des droits et libertés, on trouve des passages particuliers qui sont relatifs au Nouveau-Brunswick. Je crois qu’il n’est pas inutile d’énumérer les principaux.

[Traduction]

(2) Le français et l’anglais sont les langues officielles du Nouveau-Brunswick; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions de la Législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick.

Communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau-Brunswick

16.1(1) La communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick ont un statut et des droits et privilèges égaux, notamment le droit à des institutions d’enseignement distinctes et aux institutions culturelles distinctes nécessaires à leur protection et à leur promotion.

Ensuite, à l’article 18 :

Documents de la Législature du Nouveau-Brunswick

(2) Les lois, les archives, les comptes rendus et les procès-verbaux de la Législature du Nouveau-Brunswick sont imprimés et publiés en français et en anglais, les deux versions des lois ayant également force de loi et celles des autres documents ayant même valeur.

L’article 20 :

Communications entre les administrés et les institutions du Nouveau-Brunswick

(2) Le public a, au Nouveau-Brunswick, droit à l’emploi du français ou de l’anglais pour communiquer avec tout bureau des institutions de la législature ou du gouvernement ou pour en recevoir les services.

[Français]

La Loi constitutionnelle de 1867 prévoit également que la reine est la détentrice des pouvoirs exécutifs du Canada. La reine est représentée au Canada par le gouverneur général et les lieutenants-gouverneurs de chaque province. Les lieutenants-gouverneurs provinciaux sont nommés par le gouverneur général en conseil.

Le gouverneur général « en conseil » est une expression référant au gouverneur général agissant sur l’avis du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Selon les conventions constitutionnelles découlant des principes de la monarchie constitutionnelle et du gouvernement responsable, l’avis du Conseil privé de la Reine pour le Canada est, dans les faits, l’avis du premier ministre du Canada. Même si le terme « avis » est utilisé dans la Loi constitutionnelle de 1867, la convention constitutionnelle veut que le gouverneur général, détenteur du pouvoir formel, l’exerce conformément à l’avis des députés élus.

Selon la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, la nomination de Mme Brenda Louise Murphy est inconstitutionnelle. Je cite :

Dans le cas présent, l’avis du premier ministre recommandant à la gouverneure générale de nommer Mme Murphy à titre de lieutenante-gouverneure pour la province du Nouveau-Brunswick est incompatible avec les droits linguistiques constitutionnels protégés aux paragraphes 16(2), 18(2) et 20(2) et à l’article 16.1 de la Charte. Ni cet avis ni la nomination qui en résulte ne respectent la Constitution. Cette nomination est donc illégale.

Le Nouveau-Brunswick possède un régime constitutionnel en matière de droits linguistiques qui est tout à fait particulier et unique au pays. Les paragraphes 16(2), 17(2), 18(2), 19(2), 20(2) et l’article 16.1 de la Charte sont exclusivement consacrés aux droits linguistiques du Nouveau-Brunswick. L’ensemble de ces dispositions visent à protéger les droits des communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau-Brunswick.

Ces dispositions et les droits linguistiques qu’elles confèrent doivent être considérés dans leur ensemble, mais aussi dans le contexte historique dans lequel ils ont été promulgués. Bien que le français soit parlé sur le territoire des provinces de l’Atlantique depuis 1604, les locuteurs francophones n’ont reçu aucune protection juridique de leur langue et de leur culture lors de la création du Nouveau-Brunswick en 1784. Aucun droit relatif à l’usage de la langue française dans les institutions étatiques du Nouveau-Brunswick n’a été consacré dans la Loi constitutionnelle de 1867, comme cela a été le cas pour l’anglais au Québec. La communauté linguistique française du Nouveau-Brunswick n’a pas eu cette chance. C’est plus de 100 ans après son union avec le Canada, lors du rapatriement de la Constitution en 1982, que le Nouveau-Brunswick a modifié cet état de fait. En 1982, le Nouveau-Brunswick a dû se soumettre à des obligations linguistiques qui surpassaient toutes celles qui existent pour les autres provinces canadiennes et même pour l’État fédéral.

Ces obligations ont été expressément promulguées afin de remédier au statu quo qui, en réalité, représentait une « situation de diglossie avancée » et une « dégradation culturelle » progressive pour la communauté linguistique française du Nouveau-Brunswick. Pour celles et ceux qui se poseraient la question, le mot « diglossie » désigne une situation de bilinguisme où l’une des deux langues parlées par un individu ou une communauté a un statut sociopolitique inférieur.

(1640)

[Traduction]

En 1982, la simple protection des droits acquis ou la défense des droits des minorités linguistiques n’aurait pas été suffisante pour réparer des centaines d’années de dommages. Cela aurait été trop peu, trop tard. C’est pourquoi la Constitution confère des protections visant à corriger une situation.

[Français]

Lors du rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, le Nouveau-Brunswick a assujetti ses institutions étatiques à une série d’obligations consacrant le bilinguisme institutionnel. Ces obligations sont de même nature que celles qui instituent le bilinguisme institutionnel à l’échelon fédéral, mais certaines sont plus robustes et confèrent une meilleure garantie de bilinguisme au Nouveau-Brunswick.

Il ressort de la Constitution que le lieutenant-gouverneur est le seul individu de l’État néo-brunswickois à constituer une partie unique, essentielle, irremplaçable et irréductible à la fois de l’exécutif et de la législature provinciale. L’exécutif et la législature du Nouveau-Brunswick sont soumis à plusieurs obligations en matière de bilinguisme prévues par la Charte canadienne des droits et libertés. Par ailleurs, ces deux institutions sont les deux seules institutions auxquelles la Charte confie expressément le rôle de promouvoir l’égalité des deux communautés linguistiques officielles du Nouveau-Brunswick.

Je l’ai mentionné la semaine dernière, le gouvernement reconnaît que le français recule au pays. Dans son document de présentation de la nouvelle loi sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, la ministre Joly, qui était alors responsable des langues officielles, a affirmé ceci, et je cite :

Le gouvernement fédéral doit agir dans ses champs de compétence afin de répondre aux préoccupations des francophones au Québec et au pays, de protéger et promouvoir la langue française et de renforcer le sentiment de sécurité linguistique. […]

L’État fédéral doit jouer un rôle de premier plan en matière de bilinguisme. Les juges nommés à la Cour suprême doivent être bilingues, le rôle de CBC/Radio-Canada en tant qu’institution culturelle doit être consolidé et les pouvoirs du commissaire aux langues officielles doivent être renforcés. La fonction publique, point de contact privilégié des Canadiens avec leur gouvernement fédéral, doit aussi donner l’exemple.

La ministre soulignait que le gouvernement doit agir en fonction de ses champs de compétences pour protéger et promouvoir la langue française, ainsi que renforcer le sentiment de sécurité linguistique. Or, la nomination d’un lieutenant-gouverneur pour le Nouveau-Brunswick correspond entièrement au champ de compétences du gouvernement fédéral. Alors, comment expliquer qu’il ait décidé de nommer une personne qui éprouve beaucoup de difficultés à s’exprimer en français au poste de lieutenant-gouverneur pour la seule province du Canada qui soit officiellement bilingue?

En définitive, je crois que la solution pour éviter qu’une telle dérive ne se reproduise est de modifier la Loi sur les compétences linguistiques afin d’y ajouter le poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick à titre de haut dirigeant qui doit obligatoirement être bilingue.

Lorsque j’ai prononcé mon allocution à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-220 sur le gouverneur général, j’ai longuement épilogué sur les arguments qui militent pour que le gouverneur général du Canada soit bilingue et sur la logique d’utiliser la Loi sur les compétences linguistique afin de baliser les nominations de gouverneurs généraux dans un contexte de bilinguisme. Je ne reprendrai pas un à un mes arguments dans le cas du poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, mais je tiens à affirmer qu’ils s’y appliquent également sans la moindre distinction.

De plus, les exigences constitutionnelles spécifiques au Nouveau-Brunswick en ce qui a trait à son bilinguisme institutionnel militent à plus forte raison pour une inclusion du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick dans la liste des hauts dirigeants qui doivent être bilingues lors de leur nomination dans la Loi sur les compétences linguistiques.

D’ailleurs, à la suite de la nomination de Mme Brenda Murphy au poste de lieutenante-gouverneure, plusieurs plaintes ont été présentées au commissaire aux langues officielles. Ce dernier, dans son rapport d’enquête qui a été rendu public par Radio-Canada la semaine dernière, concluait qu’il n’y avait pas eu de contravention à la Loi sur les langues officielles, car le Bureau du Conseil privé, institution fédérale soumise aux dispositions de la Loi sur les langues officielles, n’avait pas eu à intervenir dans le choix de la nouvelle lieutenante-gouverneure. Cette décision a été recommandée au premier ministre par le Cabinet du premier ministre qui, lui, n’est pas reconnu comme une institution fédérale au sens de la Loi sur les langues officielles et n’est donc pas soumis à ses dispositions.

Néanmoins, dans son rapport, le commissaire aux langues officielles formule ce constat et cette recommandation. Je le cite :

L’enjeu de la connaissance des deux langues officielles n’a manifestement pas été un prérequis au moment de la nomination, bien qu’il s’agisse d’un facteur habituellement pris en considération lors du processus de nomination, tout comme celui de la diversité et des antécédents professionnels. Si cet enjeu de la connaissance des deux langues officielles a été discuté, comme le confirme le Bureau du Conseil Privé, force est de constater qu’il n’a pas été retenu. La question de la connaissance des deux langues officielles a été abordée lorsque le BCP a communiqué avec la candidate désignée. Cette dernière se serait alors engagée à parfaire ses connaissances en français […]

Fort de cette collaboration étroite qui existe entre le Bureau du Conseil Privé et le Cabinet du premier ministre, j’encourage fortement le BCP à profiter pleinement de cette relation de travail avec le CPM et à tirer parti de son rôle d’appui, d’orientation et de prestation de conseils au premier ministre afin d’insister sur le caractère particulier et unique du Nouveau-Brunswick au chapitre de la dualité linguistique et de le défendre lors de futures nominations de ce genre dans la province. Le paragraphe 16(2) de la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît que le français et l’anglais sont les langues officielles du Nouveau-Brunswick et cette reconnaissance fut inscrite dans cette dernière à la demande expresse de la province.

Toujours lors de mon discours sur le projet de loi S-220 concernant le bilinguisme du gouverneur général, je soulignais l’article 12 de la Constitution canadienne qui donne clairement le pouvoir au Parlement de modifier, par une simple loi, les pouvoirs de nomination du gouverneur général. Cet article se lit ainsi, et je cite :

Tous les pouvoirs, attributions et fonctions qui, […] sont conférés aux gouverneurs ou lieutenants-gouverneurs […] seront […] conférés au gouverneur-général et pourront être par lui exercés, […] mais ils pourront, néanmoins […] être révoqués ou modifiés par le parlement du Canada.

À la suite du dépôt de mes deux projets de loi visant à modifier la Loi sur les compétences linguistiques afin d’y ajouter le gouverneur général et le lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, l’éminent professeur Benoît Pelletier, grand juriste, constitutionnaliste et professeur au département de droit de l’Université d’Ottawa, a fait paraître un texte très intéressant dans le journal Le Droit du 11 décembre dernier.

J’attire votre attention sur ce passage du texte du professeur Pelletier, et je cite :

Il n’empêche que la nomination de Mary Simon en dit long sur le peu d’importance qu’accordent souvent les autorités fédérales à la langue française, bien que tout le monde se réjouisse qu’une Autochtone devienne, pour la première fois, cheffe de l’État canadien.

Parlant justement de Mary Simon, c’est sa méconnaissance de l’une des deux langues officielles du Canada qui a motivé le sénateur Claude Carignan à proposer des modifications à la Loi sur les compétences linguistiques — une loi datant de 2013 — afin d’obliger quiconque qui aspire à devenir gouverneur général du Canada ou lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick à parler et comprendre clairement le français et l’anglais. Nous ne pouvons que saluer cette initiative. Par ces modifications à une loi, on pourrait effectivement limiter la discrétion ou la prérogative du premier ministre canadien […]

Honorables sénateurs, j’attire particulièrement votre attention sur ce passage de l’article du professeur Pelletier, et je cite :

Si cette discrétion ou prérogative est bel et bien de nature constitutionnelle, il n’en reste pas moins qu’elle découle de conventions, lesquelles ne sont pas des règles de droit à proprement parler. Une loi, bien qu’ordinaire, peut très bien déroger à pareilles conventions constitutionnelles, ces dernières n’étant pas sanctionnables par les cours de justice.

Essentiellement, le projet de loi S-229 comprend deux dispositions. La première vise à apporter une modification à la Loi sur les compétences linguistiques afin d’ajouter le poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick à la liste des hauts dirigeants du pays qui doivent obligatoirement être bilingues au moment de leur nomination, et la seconde disposition est une mesure de coordination. Elle tient compte du fait qu’un autre projet de loi, le projet de loi S-220, vise également à modifier la Loi sur les compétences linguistiques et elle donne des instructions quant à la marche à suivre dans le cas où l’un de ces projets de loi serait adopté avant l’autre.

[Traduction]

En conclusion, honorables sénateurs, je répète que nous avons la responsabilité constitutionnelle de protéger les minorités au Canada. Aujourd’hui, nous sommes devant une situation qui nous demande certainement d’assumer cette responsabilité constitutionnelle.

(1650)

[Français]

Je vous invite donc, honorables sénateurs, à appuyer le projet de loi S-229 à l’étape de la deuxième lecture afin qu’il soit étudié en comité.

Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Comité de sélection

Adoption du deuxième rapport du comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur MacDonald, appuyée par l’honorable sénateur Smith, tendant à l’adoption du deuxième rapport (provisoire) du Comité de sélection, intitulé Durée de la composition des comités, présenté au Sénat le 2 décembre 2021.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur MacDonald, avec l’appui de l’honorable sénateur Smith, propose que le rapport soit adopté maintenant.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. L’agente de liaison du gouvernement et la whip de l’opposition se sont-elles entendues sur la durée de la sonnerie?

Une voix : Trente minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sur place consentent-ils à la durée proposée de la sonnerie?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 17 h 22.

Convoquez les sénateurs.

(1720)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le rapport est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Manning
Ataullahjan Martin
Boehm Marwah
Boisvenu Mégie
Boniface Mockler
Boyer Moncion
Busson Ngo
Carignan Oh
Christmas Omidvar
Clement Pate
Coyle Patterson
Dasko Petitclerc
Deacon (Ontario) Poirier
Dean Ravalia
Duncan Richards
Dupuis Saint-Germain
Forest Simons
Griffin Sorensen
Housakos Wells
Jaffer Wetston
Loffreda Woo
MacDonald Yussuff—44

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Klyne
Batters Kutcher
Bellemare Lankin
Bovey Lovelace Nicholas
Cordy Marshall
Dalphond Massicotte
Dawson McCallum
Deacon (Nouvelle-Écosse) McPhedran
Francis Mercer
Gerba Miville-Dechêne
Gignac Quinn—23
Harder

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Audette Gold
Cormier LaBoucane-Benson
Cotter Tannas
Gagné Wallin—9
Galvez

(1730)

[Français]

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’aimerais expliquer la raison pour laquelle je me suis abstenue. Étant donné que chaque groupe pourvoit les postes à chaque comité de façon différente, que certains comités traitent de la gouvernance du Sénat et que d’autres traitent des enjeux de société canadiens, je suis d’avis qu’une règle unique qui s’applique à l’ensemble des comités va à l’encontre d’un Sénat plus indépendant. Je demeure donc dans le doute.

[Traduction]

Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, j’invoque le Règlement.

Je sais que les explications pour les abstentions ont été plutôt fréquentes à la législature précédente. Je voulais simplement vous demander d’expliquer qu’une abstention parle d’elle-même et que, souvent, si une explication est donnée, c’est pour mentionner la présence d’un conflit d’intérêts. Les sénateurs peuvent expliquer leur intention de vote ou d’abstention au cours du débat, mais une fois que le vote est terminé, les explications ne sont pas vraiment permises. Du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre à la législature précédente. Autrement, cela ne fait que prolonger le débat.

J’interviens maintenant parce que c’est la première fois que cela se produit à la présente législature. Je voulais simplement vous demander des précisions à ce sujet. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Merci, sénatrice Martin. En effet, je crois que le Sénat a des antécédents en ce qui a trait aux abstentions. Je vais discuter de ce recours au Règlement avec Son Honneur et nous rendrons une décision au Sénat.

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à reconnaître que les changements climatiques constituent une urgence—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Galvez, appuyée par l’honorable sénateur Forest,

Que le Sénat du Canada reconnaisse que :

a)les changements climatiques constituent une urgence qui exige une réponse immédiate et ambitieuse;

b)l’activité humaine est, sans équivoque, responsable du réchauffement de l’atmosphère, de l’océan et de la terre à un rythme sans précédent, et est en train de provoquer des extrêmes météorologiques et climatiques dans toutes les régions du globe, incluant l’Arctique, qui se réchauffe à un rythme plus de deux fois supérieur au taux global;

c)l’incapacité de répondre aux changements climatiques a des conséquences catastrophiques, surtout pour les jeunes Canadiens, les peuples autochtones et les générations futures;

d)les changements climatiques ont un effet négatif sur la santé et la sécurité des Canadiens et la stabilité financière du Canada;

Que le Sénat déclare que le Canada est en période d’urgence climatique nationale, qui requiert que le Canada maintienne ses obligations internationales par rapport aux changements climatiques et augmente ses actions climatiques conformément à l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de deux degrés Celsius et de poursuivre les efforts afin de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré Celsius;

Que le Sénat s’engage à prendre des mesures d’atténuation et d’adaptation en réponse à l’urgence climatique et qu’il tienne compte de cette urgence d’agir dans le cadre de ses travaux parlementaires.

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole au sujet de la motion no 7, proposée par la sénatrice Galvez.

Cette motion invite le Sénat du Canada à reconnaître que le changement climatique constitue une crise urgente qui exige une réponse immédiate et ambitieuse. Chers collègues, comme vous le savez, l’honorable Catherine McKenna, à l’époque où elle était ministre de l’Environnement et du Changement climatique, a présenté une motion semblable à l’autre endroit le 16 mai 2019.

À l’époque, la motion de la ministre soulignait les effets du changement climatique, comme les inondations, les incendies de forêt, les vagues de chaleur et autres phénomènes météorologiques extrêmes, et, entre autres préoccupations, les répercussions du changement climatique sur les collectivités partout au Canada, notamment les communautés côtières, nordiques et autochtones, qui sont particulièrement vulnérables à ces effets.

Les inondations catastrophiques en Colombie-Britannique nous rappellent que les changements climatiques sont bien réels et que les gouvernements du monde entier doivent agir rapidement et de façon décisive. L’inaction est désormais inacceptable.

Comme l’a expliqué le nouveau ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, le Canada fait sa part et il a pris les mesures suivantes.

Dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement a fixé un prix sur la pollution par le carbone et a tracé une trajectoire de prix jusqu’en 2030, qui est l’une des plus ambitieuses au monde.

Le gouvernement fournit également du soutien aux propriétaires de maisons et de véhicules afin qu’ils puissent améliorer l’efficacité énergétique de leur foyer et acheter des véhicules à zéro émission nette.

Le gouvernement accélère ses plans d’élimination progressive de la production traditionnelle d’électricité à partir du charbon et offre des incitatifs aux industries afin qu’elles se décarbonisent et qu’elles développent des technologies propres. De plus, le gouvernement a instauré une réglementation qui vise à réduire les émissions de méthane provenant des secteurs pétrolier et gazier, et il s’est engagé à faire de même pour l’ensemble de l’économie canadienne.

Parallèlement, le gouvernement s’engage à protéger 25 % de nos terres et de nos océans d’ici 2025. C’est pourquoi il a consacré 4 milliards de dollars en vue d’appuyer des solutions climatiques naturelles, ce qui inclut une initiative visant à planter 2 milliards d’arbres au cours des 10 prochaines années.

[Traduction]

Honorables sénateurs, trouver des moyens d’accélérer la lutte contre les changements climatiques peut être une expérience frustrante pour beaucoup d’entre nous.

(1740)

** Dès 1973, alors que beaucoup d’entre nous découvraient les problèmes écologiques, E.F. Schumacher écrivait dans son ouvrage classique Small is beautiful : une société à la mesure de l’homme :

Une philosophie qui cherche l’accomplissement de l’homme dans la seule poursuite de la richesse — en bref, le matérialisme — ne cadre pas avec ce monde, car une telle attitude ne connaît aucun principe de limitation, alors que l’environnement dans lequel elle s’inscrit est, lui, strictement limité. Déjà, cet environnement cherche à nous avertir que certaines tensions deviennent excessives.

Près de 50 ans plus tard, ces tensions environnementales n’ont fait qu’augmenter. Comme nous le rappelle constamment le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et, plus récemment, la COP26, nous atteignons un point d’épuisement écologique dans plusieurs domaines.

Avant de conclure, je veux féliciter la sénatrice Galvez d’avoir présenté la motion et de servir sans cesse la cause climatique.

Au Sénat, comme ailleurs, nous devons nous devons mener la lutte contre les changements climatiques sur plusieurs fronts. Nous faisons face à un problème aux proportions titanesques qui exige que tous mettent l’épaule à la roue afin d’éviter le fameux iceberg qui est maintenant bien en vue.

La motion de la sénatrice Galvez constitue un geste important, mais, bien entendu, il faut faire plus. Dans cette enceinte, en comités et individuellement, nous devons faire preuve de créativité et d’innovation afin d’envisager des mesures plus ambitieuses de lutte contre les changements climatiques, pour aujourd’hui et demain.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer la motion n° 7 déposée par la sénatrice Galvez, qui vise à reconnaître l’urgence d’agir face aux changements climatiques.

La responsabilité est entre nos mains, chers collègues, et nous devons prendre les devants pour que toutes nos actions législatives puissent contribuer à trouver des solutions appropriées.

Il y a quelques années, en tant que citoyenne, ma compréhension de la protection de l’environnement se limitait à la réduction de l’utilisation des sacs et des bouteilles de plastique, à réduire les émissions polluantes provenant des véhicules et de l’industrie, ainsi qu’à renverser les effets des trous dans la couche d’ozone causés par les CFC, les chlorofluorocarbures. Ce concept a évolué au fil du temps, avec les publications dans les médias et les discours des politiciens sur le sujet. Au Sénat, mes conversations avec la sénatrice Galvez et la lecture de son livre blanc m’ont convaincue de l’urgence d’agir.

En médecine, nous avons recours au mot « urgence » lorsque la vie d’un patient est en danger et qu’il requiert des soins immédiats. Aujourd’hui, il en est ainsi pour la planète, qui soutient la vie. Elle ne peut attendre nos actions plus longtemps. On doit la traiter aux soins intensifs sans plus de délais.

Honorables sénateurs, j’aimerais mettre plus particulièrement l’importance sur la partie d) de la motion, qui se lit comme suit : « les changements climatiques ont un effet négatif sur la santé et la sécurité des Canadiens ».

Dans la pratique médicale, le questionnaire concernant l’environnement des patients inclut notamment des questions sur leur habitat et leur milieu de travail.

Par exemple, si une personne souffre de problèmes pulmonaires chroniques et si l’on se pose des questions sur ses hospitalisations répétées malgré une médication adéquate, une visite à son domicile peut parfois permettre de découvrir un sous-sol humide et des signes de moisissure.

Dans son milieu de travail, si une personne fait une crise d’asthme ou présente des lésions cutanées et des démangeaisons dès qu’elle met le pied dans son bureau, cela peut être le résultat de la présence de moisissures dans les murs ou un signe de mauvaise qualité de l’air.

Deux mises à jour ont été publiées par l’American Heart Association en 2004 et 2010. Elles ont établi clairement que la pollution aérienne est un facteur de risque et qu’elle est une cause d’infarctus du myocarde et d’AVC.

Dans son article sur les impacts de la pollution atmosphérique sur la santé des Québécois et des Canadiens, le Dr François Reeves, cardiologue d’intervention et professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal, a souligné ce qui suit :

L’usage massif des combustibles fossiles a deux impacts sur la santé : par toxicité directe et par événements climatiques. L’impact environnemental sur notre santé est hautement significatif : la pollution de l’air est la première cause de mortalité au monde [...]

Ceci cause annuellement plus de 8 millions de décès excédentaires, soit plus que le tabac ou la COVID-19.

Les données de 2019 de l’Agence de la santé publique du Canada rapportaient que la pollution atmosphérique engendre des coûts de santé et d’invalidité de 114 milliards de dollars canadiens par année.

Le chercheur Hussein Wazneh, du Centre de recherche et d’innovation en sécurité civile du Québec, souligne que :

Au Québec comme ailleurs dans le monde, les vagues de chaleur ont des conséquences sanitaires importantes. Par exemple, une vague de chaleur de 5 jours en 2010 a causé la mort de 106 personnes à Montréal. Lors de cet épisode, les excès de décès se sont élevés à 280 [...]

Quand on parle de décès excédentaires ou prématurés, on parle de décès qui ne seraient pas survenus si le facteur nocif en question n’avait pas existé.

Dans le contexte des changements climatiques, il est largement accepté que les canicules augmenteront en sévérité, en durée et en fréquence au cours des prochaines décennies. Le nombre de journées de 30 degrés Celsius pourrait tripler dès 2080 dans plusieurs villes canadiennes.

Derrière ces chiffres se cachent des inégalités importantes sur le plan des déterminants de la santé. Les personnes qui sont en situation de précarité socioéconomique vivent souvent à proximité des autoroutes et des îlots de chaleur urbains.

Selon le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, les polluants routiers représentent 62 % des polluants composés de particules fines, de dioxyde de soufre, de dioxyde d’azote et d’ozone. La différence entre le verdissement de certains arrondissements bien nantis et l’asphaltage de chaque pouce carré dans les arrondissements ouvriers traduit les disparités sociosanitaires. L’Institut canadien pour des choix climatiques, dans son rapport intitulé Les coûts des changements climatiques pour la santé, souligne que :

Les groupes défavorisés sont davantage touchés par les maladies et les décès liés à la chaleur

Certains des problèmes de santé préexistants qui peuvent exacerber les risques liés à la chaleur sont davantage présents au sein des groupes défavorisés.

Dans une synthèse des connaissances publiée en mars 2021 par l’Institut national de santé publique du Québec, l’INSPQ, on brosse un tableau des nombreux phénomènes climatiques affectant la santé des populations, des vagues de chaleur aux vagues de froid, des tempêtes aux inondations, de la pollution de l’air aux épisodes de smog, des sécheresses aux feux de forêt, de l’empiétement humain des milieux naturels aux zoonoses, etc.

Comme nous l’avons observé dans l’Ouest du Canada, les conséquences catastrophiques de la déforestation appauvrissant les sols, conjuguées aux feux de forêt et aux pluies diluviennes, ont causé des inondations dévastatrices. Il n’est donc pas surprenant que nous mobilisions encore l’armée canadienne pour pallier les phénomènes météorologiques désastreux.

Les perturbations climatiques provoquent des effets en cascade que l’on observe au Canada d’un océan à l’autre. Le Canada est le pays qui a la plus longue ligne côtière au monde; environ un habitant sur cinq y habite. L’incidence du changement climatique est une question que l’on considère généralement à long terme, soit pour une période de 10, 20, voire 50 ans. Dans l’Arctique, l’érosion des côtes est observable quotidiennement. Selon Ressources naturelles Canada, on estime que chaque année, dans l’Arctique, de 30 à 40 mètres de côte sont engloutis.

Au cours des 10 à 15 dernières années, les changements provoqués par l’érosion nuisent à l’approvisionnement alimentaire des populations inuites. L’insécurité alimentaire des gens du Nord doit aujourd’hui justifier les moyens extraordinaires et urgents que nous devons prendre pour contrer l’impact de la déstabilisation du climat.

Bien que les effets de la pollution sur la santé soient évidents, comme je l’ai mentionné précédemment, certains effets des changements climatiques sur la santé des populations sont plus insidieux.

Prenons l’exemple des zoonoses, ces maladies ou infections qui passent naturellement d’une espèce animale à l’espèce humaine. La maladie de Lyme fait les manchettes chaque été depuis quelques années. La migration des tiques sur les populations de cerfs de Virginie est responsable de l’arrivée de cette maladie au nord du 45e parallèle.

(1750)

Les risques de zoonose s’accroissent avec l’empiétement que réalisent les humains dans les espaces fauniques.

Dans un livre intitulé Brève histoire des épidémies au Québec, on évoque l’avertissement qu’avait fait le virologue Patrick Berche en 2015 :

Avec l’accroissement actuel de la population, de la pauvreté, les contacts de plus en plus fréquents avec les animaux, il est hautement probable que d’autres épidémies apparaîtront, de grippe ou de coronavirus […]

Il est donc impératif de prendre soin de nos écosystèmes. En intervenant ainsi, on contribuera à prévenir l’apparition de prochaines épidémies ou même d’autres pandémies.

Chers collègues, les actions que nous devons prendre sont bien connues. Plusieurs mesures concrètes proposées par le gouvernement du Canada visent à améliorer nos chances de renverser les effets dévastateurs des changements climatiques, par exemple en construisant des bâtiments viables et carboneutres, en effectuant une transition énergétique accélérée vers des sources renouvelables, en se libérant de notre dépendance aux énergies fossiles polluantes par l’électrification des véhicules et en purifiant l’air en plantant 2 milliards d’arbres au Canada.

Sous l’onglet « Initiatives » du site Web de la sénatrice Galvez, vous trouverez d’autres mesures : améliorer la santé des sols, bonifier le Code national du bâtiment et créer une économie circulaire.

La motion no 7 fait écho aux observations de l’INSPQ : même si nous réduisons substantiellement la production canadienne des gaz à effet de serre au cours des prochaines années, les effets du réchauffement climatique se font déjà sentir et continueront d’affecter nos communautés au cours des prochaines décennies.

C’est pourquoi il est essentiel de redoubler d’efforts afin de combattre, maintenant plus que jamais, les causes de la crise climatique.

C’est l’unique façon de garantir une meilleure espérance de vie, en bonne santé, aux générations actuelles et futures.

Je vous remercie.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Pate, il sera 18 heures dans huit minutes.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole pour appuyer la motion de la sénatrice Galvez. Cette urgence est réelle même si, au Canada comme ailleurs dans le monde, la façon dont nous en ressentons les effets varie en grande partie en fonction de notre classe, de notre race, de notre sexe et de notre accès aux ressources — bref, en fonction de nos privilèges.

Les inégalités systémiques ont provoqué la dégradation de l’environnement, qui les a aussi amplifiées. Nous ne remporterons pas la lutte contre les changements climatiques si nous continuons à laisser pour compte les plus marginalisés. Les prochaines générations seront façonnées par notre travail collectif. Nous devons respecter les engagements internationaux à l’égard de la réconciliation, éradiquer les inégalités et agir de toute urgence afin de mettre fin à la destruction de l’environnement.

Le premier des objectifs de développement durable de l’ONU consiste à éliminer la pauvreté sous toutes ses formes. Des millions de Canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Ils subissent de façon disproportionnée les conséquences de notre incapacité à gérer les émissions de carbone et d’autres émissions, qu’il s’agisse d’inondations, de sécheresses ou d’incendies de plus en plus nombreux, ou d’événements météorologiques catastrophiques comme les ouragans ou les tornades. Un trop grand nombre de familles et de collectivités ne disposent pas des ressources nécessaires pour se protéger des conséquences des changements climatiques.

L’argent permet de se payer la climatisation lorsque les températures augmentent; l’argent permet de remplir le panier d’épicerie lorsque l’insécurité alimentaire augmente; l’argent permet de payer une réinstallation loin des catastrophes naturelles, comme des inondations, des glissements de terrain et des ouragans.

Ceux qui vivent dans la pauvreté ont moins les moyens de se préparer aux catastrophes naturelles, de se protéger contre elles et de quitter les régions qui y sont sujettes. Les décisions stratégiques les laissent tomber et les abandonnent intentionnellement.

En 2020, en raison des faiblesses catastrophiques des programmes d’aide sociale, les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées ont dû traverser la pandémie avec un revenu qui se situait entre 34 % et 63 % du seuil de pauvreté, alors que bon nombre de services et de programmes de soutien communautaires n’étaient pas accessibles.

Je tiens à dire très clairement, chers collègues, que le revenu dont on parle ici est même inférieur au seuil de pauvreté extrême au Canada. Dans certaines provinces, plus de 50 % des gens se trouvaient sous ce seuil.

Alors que les conséquences les plus lourdes pèsent sur les personnes les plus pauvres d’entre toutes, ce sont les gens extrêmement riches qui accélèrent les changements climatiques. Selon les données d’Oxfam, les 1 % les plus riches de la planète sont à l’origine de deux fois plus d’émissions de carbone que les 50 % les plus pauvres depuis 25 ans.

La COVID-19 a encore exacerbé cette inégalité. Seulement entre le 18 mars et le 31 décembre 2020, les milliardaires ont vu leur fortune augmenter de 3 900 milliards de dollars, alors qu’on estime que le nombre de personnes vivant avec moins de 5,50 $ par jour pourrait avoir augmenté de 500 millions en 2020.

Quand la pandémie a cloué au sol les avions commerciaux, la vente de jets privés a grimpé en flèche partout sur la planète. Ce sont les jets et les yachts des milliardaires qui contribuent le plus à leur empreinte carbone, une empreinte énorme et injuste, qui ne peut pas durer.

Selon Oxfam :

[...] les plus riches sont les personnes les moins affectées par la pandémie, et celles qui reconstituent le plus vite leur fortune. Ce sont également les principaux émetteurs et émettrices de carbone et les principaux acteurs du dérèglement climatique.

Ce rapport conclut que les gouvernements à l’échelle mondiale doivent placer au haut de leurs priorités l’élimination du fossé entre ceux qui récoltent les profits des activités qui génèrent du carbone et ceux qui en paient le prix : « Il n’y a pas de distinction à faire entre la lutte contre les inégalités et la lutte pour la justice climatique [...] »

Ce sont les femmes qui paient le prix de cette crise, car, en moyenne, leurs revenus sont inférieurs à ceux des hommes et elles sont plus à risque de vivre dans la pauvreté. Ce sont les femmes noires et autochtones qui connaissent les pires degrés de pauvreté. De plus, partout dans le monde, ce sont les femmes qui sont traditionnellement responsables de nourrir la famille et de trouver de l’eau potable, et la crise climatique rend ces tâches encore plus ardues.

En 2017, le Programme des Nations unies pour le développement rapportait qu’à l’échelle mondiale, les femmes représentaient approximativement 80 % des personnes déplacées en raison des changements climatiques.

Quand des catastrophes naturelles liées aux changements climatiques surviennent au Canada, on constate une augmentation des incidents de violence contre les femmes.

Les inégalités raciales systémiques contribuent de façon démesurée aux problèmes de santé, mais aussi à la surreprésentation dans des emplois à l’extérieur. Les gens se trouvent ainsi exposés de manière disproportionnée à la chaleur extrême et à la pollution atmosphérique. Les peuples des Premières Nations qui habitent dans les réserves sont 33 fois plus à risque d’être évacués en raison des incendies de forêt. Les communautés racialisées et à faible revenu au Canada sont en péril à cause de notre inaction.

Les femmes et les filles jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les changements climatiques. Les sondages montrent régulièrement que les femmes sont plus informées que les hommes au sujet de la dégradation de l’environnement et des conséquences de ce phénomène, veulent que le gouvernement prenne de toute urgence des mesures dans ce dossier et votent en fonction des questions liées aux changements climatiques.

Les actions visant à arrêter, à atténuer et à prévenir les changements climatiques et la dégradation de l’environnement constituent un élément fondamental pour maintenir le droit des femmes et des filles à l’égalité. Les politiques sur les changements climatiques ne dureront pas si elles ne tiennent pas compte du féminisme et de l’intersectionnalité. Notre succès dépend de notre capacité à cerner les vulnérabilités, à créer des politiques climatiques plus inclusives et à améliorer l’égalité et l’inclusion économiques.

Comme la sénatrice Galvez l’a souligné dans son livre blanc, la mise en place d’initiatives axées sur le revenu minimum garanti favoriserait la résilience climatique. Avec des programmes de la sorte, tout le monde aurait l’occasion de participer à la lutte contre les changements climatiques.

La crise climatique :

[...] nécessite une mobilisation urgente de toute la société pour offrir aux enfants nés aujourd’hui l’environnement vivable et les systèmes de santé solides dont ils et elles auront besoin pour s’épanouir dans un monde où le climat aura changé.

La pandémie de la COVID-19 nous a montré ce que les gouvernements peuvent accomplir pour lutter efficacement contre une crise mondiale. La crise des changements climatiques nécessite le même genre d’intervention. Nous avons besoin de politiques qui réduisent la demande d’énergie et qui mettent fin aux subventions accordées aux industries des combustibles fossiles. De plus, les banques doivent cesser d’investir dans les combustibles fossiles et augmenter leurs investissements dans les énergies durables et renouvelables. Nous devons mettre fin aux avantages fiscaux dont bénéficient les sociétés productrices de combustibles fossiles qui, selon le rapport du directeur parlementaire du budget de la semaine dernière, coûtent 1,8 milliard de dollars par année, ce qui représente environ 9,2 milliards de dollars entre 2015 et 2019.

(1800)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Madame la sénatrice Pate, je suis désolée de vous interrompre, mais comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 25 novembre 2021, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Nous poursuivons donc la séance.

La sénatrice Pate : Comme nous l’avons vu avec la Prestation canadienne d’urgence pendant la pandémie, le soutien du revenu peut aider les familles et les collectivités à surmonter les difficultés liées à une telle mobilisation, allant de la perte d’emploi à la garantie que tout le monde dispose des moyens nécessaires pour se protéger contre les dangers pour la santé. Ce type de soutien pourrait s’avérer particulièrement important à mesure que l’économie se transforme pour favoriser le bien-être humain, social et environnemental.

À l’avenir, en plus de réduire la pauvreté, il est important de reconnaître et d’appuyer les connaissances traditionnelles et le leadership des Autochtones dans les plans d’action contre les changements climatiques. Bien qu’ils soient touchés de manière différente par les changements climatiques et qu’ils disposent de moins de ressources pour s’adapter en raison d’inégalités systémiques, les peuples autochtones continuent de prendre l’initiative de protéger les terres et l’eau d’une manière qui profite à tous. En dépit de leurs efforts louables, trop souvent, les Autochtones se font reprocher d’avoir causé des « inconvénients » et on les dépeint comme des contrevenants à la primauté du droit. Ensuite, on les judiciarise et on va jusqu’à les emprisonner lorsqu’ils prennent des mesures pour protéger les eaux et les terres.

Les systèmes juridiques canadiens ont trop souvent échoué à protéger et à faire respecter les droits conférés par les ordonnances juridiques autochtones et internationales, comme celles que les protecteurs des terres et des eaux wet’suwet’en ont fait valoir. En revanche, le Canada n’a pas fait preuve de la même hésitation lorsqu’il a été question de judiciariser et d’emprisonner les peuples autochtones qui avaient pris des mesures pour se protéger, protéger leurs familles ou protéger l’environnement.

Tandis que nous luttons contre les changements climatiques et la dégradation de l’environnement, il est évident que le Canada doit mieux reconnaître et respecter les lois et les droits autochtones. Il doit notamment donner suite à l’engagement qu’il a pris de mettre pleinement en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Judiciariser des personnes parce qu’elles protègent leur environnement et font valoir leurs droits ne fera qu’aggraver et mettre en évidence les injustices historiques.

Honorables sénateurs, c’est à nous, en tant que personnes en position d’autorité, de montrer la voie en matière de lutte contre les changements climatiques. Nous ne devons pas oublier que les dommages infligés par les changements climatiques ne sont pas ressentis de manière égale et qu’il faut accorder une attention immédiate aux populations les plus marginalisées. J’exhorte tous les sénateurs à agir dès maintenant, à appuyer la motion à l’étude et le travail de la sénatrice Galvez et de beaucoup d’autres, et à contribuer à la construction d’une société plus viable, plus équitable et plus saine pour les générations à venir. Meegwetch. Merci.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je parle au nom de la Wa Ni Ska Tan Alliance of Hydro-Impacted Communities du Manitoba.

Nous sommes heureux de pouvoir parler de cette motion et de donner notre avis sur les situations d’urgence et les risques en émergence, dont les changements climatiques, et de faire une mise en garde contre les dangers que représente le fait d’approuver aveuglément les grands projets hydroélectriques comme solution en vue de répondre aux besoins futurs en énergie renouvelable. Bien que la crise climatique représente un véritable danger pour tous les peuples du monde, les solutions proposées doivent s’appuyer sur des principes de justice et ne pas profiter à certaines collectivités au détriment des autres.

Notre partenariat de recherche se compose de gens de la collectivité qui font partie de divers peuples des Premières Nations du Nord du Manitoba qui sont touchés par les répercussions de l’hydroélectricité et qui ont exprimé des préoccupations par rapport à l’histoire et au développement de l’hydroélectricité sur leurs territoires respectifs. Notre alliance comprend également des chercheurs et des universitaires de neuf universités ainsi que des membres de plusieurs organisations non gouvernementales.

On trouve dans le Nord du Manitoba de nombreux lacs et affluents d’eau douce, dont certains ont été essentiels aux premiers échanges et aux activités commerciales qui ont eu une incidence sur la colonisation du Canada. Des universitaires ont clairement documenté l’importance historique de plusieurs anciens affluents comme la rivière Churchill, le fleuve Nelson et la rivière Saskatchewan. Selon les Ithiniwuk, c’est-à-dire les Cris, ces affluents ont assuré la subsistance de leurs ancêtres et leurs communautés pendant des millénaires. Cependant, au milieu des années 1960, l’arrivée d’une nouvelle industrie allait changer le paysage et le cours des rivières de façon irréversible.

Pendant ce temps, le Manitoba, de concert avec le gouvernement fédéral, a entrepris une étude conjointe visant en partie à étudier la faisabilité de l’exploitation à grande échelle de l’énergie hydraulique dans le Nord. Peu après la fin de cette étude, les services publics du Manitoba ont entrepris l’ambitieux projet consistant à exploiter la puissance des eaux dans la région. Des mégaprojets s’en sont suivis et, dans le cadre de ce qui allait devenir la dérivation de la rivière Churchill et l’aménagement du lac Winnipeg, de gigantesques chenaux de dérivation ont été excavés afin de réacheminer les débits d’eau. À l’origine, les barrages érigés le long du fleuve Nelson visait à réaliser des économies sur la production d’électricité pour Winnipeg et d’autres collectivités du Sud du Manitoba, et ils n’avaient rien à voir avec des motifs environnementaux. Le discours public sur les changements climatiques et sur leur lien avec les combustibles fossiles n’est arrivé que beaucoup plus tard.

La dérivation de la rivière Churchill modifie l’écoulement de la rivière Churchill, qui se déverse naturellement dans la baie d’Hudson. Au milieu des années 1970, cette rivière a été intentionnellement et artificiellement déviée par le barrage de régulation aux chutes Missi vers la décharge naturelle du lac South Indian. Son nouveau tracé coule dans la rivière aux Rats et la rivière Burntwood pour atteindre le bassin du fleuve Nelson. La province du Manitoba indique que « la dérivation de la rivière Churchill sert aux centrales du fleuve Nelson, qui comptent pour environ 75 % de la production d’énergie au Manitoba ».

Les projets hydroélectriques d’envergure comme le projet de dérivation de la rivière Churchill au Manitoba ont été rendus possibles grâce à différentes ententes et accords conclus sur une période de plus de 30 ans, qui ont touché quatre générations jusqu’à maintenant dans de nombreuses communautés autochtones. La construction de barrages à des fins commerciales, notamment pour l’exportation, a débuté avec l’établissement de la Convention sur l’inondation des terres du Nord en 1977. Cette entente regroupait la province du Manitoba, le conseil de Manitoba Hydro, le gouvernement fédéral et cinq Premières Nations représentées par le Comité des inondations dans le Nord, mais elle a été rendue nécessaire par la résistance des Cris dont les terres de réserve allaient être inondées par le projet de dérivation de la rivière Churchill de Manitoba Hydro et par le projet d’aménagement du lac Winnipeg. L’entente, reconnue en tant que traité, visait à atténuer les nombreux différents impacts négatifs, dont l’ampleur n’était pas tout à fait connue au moment de la signature.

Le projet de dérivation de la rivière Churchill a eu un impact direct sur plus de 8 000 kilomètres de rivages. Il s’agit d’une estimation conservatrice fondée sur les données de publications concernant les berges du lac Southern Indian, mais il est difficile d’avoir une idée précise en raison de l’impossibilité d’obtenir des renseignements qualifiés de publics [...] Autant le gouvernement du Manitoba que la population sont contraints de se fier à l’information produite par Manitoba Hydro, parce que c’est la société qui finance la majorité des études scientifiques concernant ses projets et elle se sert de stratégies pour diviser afin de mieux régner lorsqu’elle doit conclure des ententes avec les différentes communautés.

La communauté de South Indian Lake et sa population étaient autosuffisantes, florissantes et même prospères avant l’achèvement du projet de dérivation de la rivière Churchill; elles n’avaient pas besoin de l’intervention ou de l’aide du gouvernement. La pêche commerciale menée dans le lac Southern Indian était la troisième pêche de grand corégone en importance en Amérique du Nord. Le revenu annuel moyen à South Indian Lake était environ sept fois supérieur à celui dans les autres communautés du Nord, parce que l’économie de la communauté dépendait en grande partie de la pêche et de la trappe. Les rapports scientifiques sur les impacts négatifs potentiels du projet ont été ignorés par les autorités et des permis ont été accordés à la société d’État pour qu’elle lance légalement son projet.

(1810)

L’hydroélectricité produite par ces mégabarrages jouit depuis longtemps d’une réputation non méritée d’énergie « propre » et « renouvelable ». Dans le cadre des efforts pour lutter contre les changements climatiques par l’entremise de l’électrification, l’« écoblanchiment » de l’hydroélectricité représente une nouvelle menace aux proportions idéologiques. Les structures coloniales dysfonctionnelles et profondément ancrées, y compris les problèmes de compétences, contribuent également à accentuer les déséquilibres de pouvoir dans la région. L’empreinte écologique de ce type d’énergie a entraîné des répercussions qui n’ont pas encore fait l’objet d’un examen environnemental digne de ce nom. Des îles entières ont été englouties. Des pêches traditionnelles et commerciales ont été annihilées. Des milliers de personnes et des communautés entières ont subi des inondations; elles ont été déplacées et dépossédées.

Les émissions des barrages hydroélectriques sont produites en inondant des rives et des forêts, ce qui entraîne le relâchement de matières organiques dans l’eau, lesquelles se décomposent et produisent du dioxyde de carbone, de l’oxyde nitreux et du méthane. Les inondations du Nord du Manitoba ne se sont pas limitées à un seul projet ou à un seul événement. Dans les régions touchées par les activités de production d’hydroélectricité, le niveau et le débit des eaux sont augmentés ou réduits selon la demande en énergie. Ces pratiques entraînent des cycles d’inondation et d’assèchement des affluents, ce qui produit des émissions de gaz à effet de serre de façon continue. Les réservoirs d’hydroélectricité sont une source de gaz à effet de serre et, dans certains cas, ils peuvent produire autant d’émissions que les centrales thermiques. Des études scientifiques indépendantes ont montré que les émissions associées à l’hydroélectricité sont grandement sous-estimées. Une surveillance rigoureuse des réservoirs est absolument indispensable afin de s’assurer qu’ils ne contribuent pas de manière substantielle aux changements climatiques.

Les rives de plusieurs affluents historiques qui sillonnent cette région renferment deux histoires aux discours antagonistes : l’une raconte celle d’avant l’arrivée de l’hydroélectricité et l’autre raconte ce qui se passe après son arrivée. Dans la première, on raconte l’histoire des gens qui se déplaçaient selon les flux et reflux des terres et des eaux, l’histoire d’un peuple indépendant, vivant de ces terres et de ces eaux qui sont devenues si indispensables pour assurer le fonctionnement des installations hydroélectriques. Avant l’arrivée de l’hydroélectricité, les terres et les eaux étaient intactes, à l’état sauvage. Aujourd’hui, ces mêmes terres — et les communautés qui en vivent — portent les stigmates culturels, sociaux, environnementaux et économiques de cette relation coloniale assez récente qui persiste aujourd’hui. Il faut éviter à tout prix qu’on fasse la promotion de l’hydroélectricité comme une source d’énergie responsable, écologique et propre. Celle-ci a des répercussions et il nous faut encore prendre toute la mesure de son empreinte environnementale, que ce soit pour ses émissions de gaz à effet de serre, ses effets environnementaux cumulatifs ou la façon dont elle accélère la crise climatique.

Dans ce contexte climatique, il est indispensable de trouver des projets d’exploitation des énergies renouvelables, mais il faut les entreprendre en évitant de reproduire les erreurs du passé. Au Manitoba, les barrages hydroélectriques ont été construits dans un esprit colonial qui ne mettait pas au centre des priorités la collaboration avec les peuples autochtones ou l’atténuation des dommages causés à l’environnement. Les futurs projets énergétiques doivent se concentrer sur les énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire, qui peuvent être construits à proximité des centres urbains comme Winnipeg, ce qui permet de réduire la quantité d’infrastructures et de carburants nécessaires à leur bon fonctionnement. Ces énergies seront moins vulnérables aux futurs changements climatiques, contrairement à l’hydroélectricité, qui pourrait être touchée en cas de sécheresse, un phénomène que nous vivons actuellement au Manitoba. On estime également que le Nord du Canada se réchauffera davantage que d’autres régions du monde; raison de plus pour concentrer nos efforts sur des solutions résilientes. Nous exhortons les gouvernements et l’industrie à profiter de cette occasion de développer des solutions innovantes qui ne contribueront pas à empirer la situation environnementale, socioéconomique et culturelle.

Aujourd’hui, partout au pays, nous observons un changement dans la façon dont la population perçoit les projets de mégabarrage. Qu’il s’agisse du Site C en Colombie-Britannique, du chantier de Keeyask au Manitoba ou du projet de Muskrat Falls au Labrador, les gens veulent savoir s’il vaut la peine de réaliser de tels projets pour produire de l’électricité supposément bon marché, étant donné les dépassements de coûts qu’ils engendrent et les dommages environnementaux inutiles qu’ils causent. Les communautés autochtones ont toujours exprimé leur opposition à ces projets, et les non-Autochtones commencent enfin à les écouter. Nous recommandons que tous les services publics et les gouvernements provinciaux au Canada collaborent de manière constructive et de bonne foi avec les communautés touchées par les projets hydroélectriques en vue d’obtenir leur consentement pour tous les projets énergétiques existants et prévus. Nous recommandons aussi d’imposer immédiatement un moratoire sur la construction de tout mégabarrage. Il faudrait maintenir ce moratoire jusqu’à ce qu’on ait mené des recherches en bonne et due forme sur toutes les répercussions de l’hydroélectricité sur les changements climatiques, y compris la production de gaz à effet de serre, la libération du carbone séquestré et tout autre effet aggravant les changements climatiques.

De nos jours, les terres et les sources d’eau qui ont donné vie et sens à cette région et aux premiers habitants du territoire ont été perturbées et détruites, ce qui a entraîné le déplacement de nombreuses communautés autochtones. En cette ère de réconciliation, nous vous parlerons brièvement d’un secteur où il faudra favoriser la reddition de comptes et la réparation: le secteur hydroélectrique manitobain. Quatre générations ont déjà été touchées par des projets hydroélectriques d’envergure. La crise climatique évolue rapidement, mais on peut en tirer de nombreuses leçons et elle offre de nombreuses occasions à saisir. Nous devons assurer un avenir plus juste et durable aux prochaines générations.

Nous remercions la sénatrice Galvez d’avoir soulevé cet enjeu crucial, de même que le Sénat. Merci.

(Sur la motion du sénateur Tannas, au nom du sénateur Black, le débat est ajourné.)

Motion concernant le système des pensionnats indiens—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Dean,

Que le Sénat du Canada :

a)reconnaisse que le racisme, sous toutes ses formes, a servi de fondement à la création du système des pensionnats indiens;

b)reconnaisse que le racisme, la discrimination et la maltraitance étaient répandus au sein du système des pensionnats indiens;

c)reconnaisse que le système des pensionnats indiens, créé dans un but malveillant d’assimilation, a eu des répercussions profondes et permanentes sur la vie, les cultures et les langues des Autochtones;

d)présente des excuses sincères pour le rôle joué par le Canada dans l’établissement du système des pensionnats indiens et ses répercussions, qui se font encore sentir aujourd’hui chez bon nombre d’Autochtones et de communautés.

L’honorable Yvonne Boyer : Je suis honorée de pouvoir m’exprimer au sujet de la motion de la sénatrice McCallum, et je la remercie pour son travail acharné à la défense des Premières Nations, des Métis et des Inuits du Canada.

J’appuie sans réserve cette importante motion, qui va certainement contribuer à la réconciliation partout au pays. Pendant que je préparais mon discours, je me suis demandé comment faire pour que celui-ci aient un impact. Comment faire entendre la voix des personnes qui ont tant souffert et qui souffrent encore en raison des décisions prises par le gouvernement?

En y réfléchissant, la réponse m’est apparue très clairement. J’ai voulu faire entendre une voix qui a été longtemps bafouée et même bannie de cette enceinte.

Aujourd’hui, je prête ma voix à un ami cher, un aîné autochtone très respecté et un survivant des pensionnats autochtones : Garnet Angeconeb.

Garnet Angeconeb est un Anishinabe qui a survécu à un long périple. Il a grandi sur les terres ancestrales de sa famille jusqu’à l’âge de sept ans, quand il a été forcé par le gouvernement du Canada d’entrer au pensionnat autochtone de Pelican Lake. Dans les décennies qui ont suivi, Garnet a souffert des nombreuses séquelles découlant des politiques gouvernementales. Malgré ses difficultés personnelles, il est devenu journaliste, un leader au sein de sa communauté et un aîné respecté tant chez les Autochtones que chez les non-Autochtones.

Honorables sénateurs, je suis honorée de vous transmettre le message de Garnet.

(1820)

Chers sénateurs, je suis très heureux de pouvoir vous parler par l’entremise de la sénatrice Yvonne Boyer à l’intérieur de cette enceinte d’honneur et de privilège. Je reconnais le peuple algonquin anishinaabe et le fait que le Sénat est situé sur leurs terres traditionnelles.

Aujourd’hui, je vous parle dans un esprit de vérité. Les aînés nous apprennent à dire la vérité, c’est donc avec cet enseignement sacré que je vous raconterai personnellement des expériences vécues dans les pensionnats autochtones.

Je vis actuellement à Sioux Lookout, dans le Nord-Ouest de l’Ontario, et je suis fier d’être membre de la Première Nation de Lac Seul. Nous vivons sur le territoire traditionnel visé par le Traité no 3, une région d’une superficie de 55 000 milles carrés bordée de lacs magnifiques et de forêts.

Le Traité no 3 est un document évolutif qui est le fondement de notre relation avec le Canada. Qui plus est, le Traité no 3 unit politiquement, économiquement et socialement la région avec le peuple anishinaabe.

Le Traité no 3 a été signé en 1873. Toutefois, la Première Nation de Lac Seul a adhéré au traité en 1874. Notre peuple continue d’honorer le traité, qui est considéré comme un pacte sacré de coexistence.

Après avoir adhéré au Traité no 3 en 1874 au nom des Anishinaabes du Lac Seul, le chef Sakatcheway a déclaré avec éloquence : « Si vous me donnez ce que je demande, le jour viendra où je vous demanderai d’envoyer l’une de vos filles et l’un de vos fils vivre avec nous. En échange, je vous enverrai l’une de mes filles et l’un de mes fils pour que vous leur enseigniez ce qui est bon, puis, après leur apprentissage, ils pourront nous transmettre leurs connaissances. Si vous nous accordez ce que je demande, je vous serrerai la main, même si je ne vous connais pas. »

Vous pouvez donc constater qu’avec la signature du traité a débuté une longue relation de coexistence, une relation qui perdure à ce jour et qui est reconnue dans la Loi constitutionnelle de 1982 du Canada.

Toutefois, cette relation a parfois connu des hauts et des bas et des moments difficiles. La vision de coexistence du chef Saskatcheway, qui consistait à « enseigner » et « apprendre » mutuellement, n’a pas toujours été mise en pratique ou respectée.

Peu importe le problème, nous pouvons continuer de marcher ensemble sur le sentier de l’apprentissage. En apprendre davantage sur les pensionnats autochtones ne fait pas exception à la règle. En tant que survivant du système des pensionnats autochtones, je continue d’en apprendre à son sujet. Il y a tellement à apprendre au sujet de l’ère qui a suivi celle des pensionnats : les conséquences, les traumatismes historiques, la colère transgénérationnelle, la guérison, la réconciliation et tant d’autres choses.

Je vais essayer d’expliquer ce que cela signifie afin que nous puissions tous apprendre l’un de l’autre.

En mars 2017, une sénatrice a tenu dans la Chambre rouge des propos malheureux sur les « bienfaits » du système des pensionnats autochtones et sur le personnel « bien intentionné » qui y travaillait. Ses propos contredisent le témoignage des survivants sur leurs expériences vécues ainsi que les conclusions de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Pour un survivant du système des pensionnats autochtones comme moi, ainsi que pour ma famille et ma communauté, les propos odieux de la sénatrice et les gestes qu’elle a posés par la suite sont encore blessants et profondément offensants. Je vous dirais également que ses gestes et son discours négatifs nuisent à la progression du Canada sur le chemin de la véritable réconciliation. Bien des gens, autochtones et non autochtones, en sont encore offensés.

Une fois libéré du système des pensionnats autochtones, l’esprit meurtri, je ne voulais plus écouter personne — personne —, tellement ce système m’avait rendu furieux.

J’étais amer, très amer. J’étais fâché contre moi-même. J’étais fâché contre mes parents parce qu’ils avaient permis que je fréquente ce pensionnat, mais je ne me doutais pas que c’était à cause de la loi du pays et du rôle qu’avaient joué les églises que j’avais été séparé de ma famille. J’ose dire que j’étais même fâché contre Dieu mon Créateur. Pour dire les choses simplement, j’étais un jeune homme perdu qui en voulait au monde entier.

Un aspect positif, toutefois : j’ai amorcé un processus de guérison, où j’ai appris à affronter et à maîtriser ma colère. J’ai trouvé la force pour l’empêcher de contrôler ma vie.

Vous vous demandez peut-être pourquoi je vous raconte cela.

Eh bien, ça s’est passé ainsi.

Lorsque j’ai entendu parler pour la première fois des commentaires épousés par la sénatrice, j’ai été perplexe. J’ai ressenti le besoin d’affronter le défi qui se présentait à nous, collectivement : nous avions encore beaucoup de travail à faire pour nous éduquer les uns et les autres à propos de notre histoire commune.

Toutefois, comme les nouvelles d’autres commentaires et d’autres gestes se répandaient, j’ai senti la vieille colère envers les pensionnats autochtones se manifester dans toute sa laideur.

Nous avons essayé : en juillet 2017, un groupe de survivants a rencontré la sénatrice en personne pour tenter de lui faire comprendre les conséquences des pensionnats autochtones. La rencontre fut un échec. Par la suite, il nous est paru évident que la rencontre n’était qu’une opportunité pour la sénatrice de faire comme si tout allait pour le mieux. En fait, les choses ont empiré : la sénatrice a été exclue de son parti politique et a été suspendue à deux reprises du Sénat.

Sans vouloir être malveillant, je dirai que j’ai trouvé condescendantes les réponses et les actions de la sénatrice. Certes, elle nous a écoutés raconter nos histoires, mais il semble qu’elle n’ait pas entendu notre message. Je soutiens qu’elle ne s’est pas engagée dans la conversation avec l’objectif véritable de guérir nos relations.

Étant donné la situation, j’espère que vous comprenez pourquoi il peut s’avérer facile de rouvrir certaines vieilles blessures. Voilà pourquoi je parle de la colère qui émane de traumatismes historiques, dont les effets sont malheureusement transgénérationnels. Cette colère — qui a un effet persistant sur le système — a sans doute ressurgi dans cette situation.

Le racisme

À l’instar des vieilles blessures infligées par le système des pensionnats, le vernis est si mince que les braises du racisme peuvent facilement être ravivées. De toute évidence, les paroles et les actions de cette sénatrice ont ravivé les flammes du racisme au pays.

Durant les années 1960 et 1970, quand j’étais un jeune homme anishinaabe vivant dans le Nord-Ouest de l’Ontario, j’ai traversé des périodes de turbulences en subissant du racisme manifeste, notamment les effets négatifs du racisme systémique. Les habitants du Nord de l’Ontario comprennent la menace que représentent les feux de forêt dévastateurs. À l’époque dont je parle, le racisme dans le Nord était embrasé. Bien que certains incendies se soient estompés, des braises demeurent, prêtes à raviver le racisme.

Au moins, il est possible d’éteindre les feux de forêt dévastateurs en déployant beaucoup d’efforts et d’équipement de lutte contre les incendies. Par contre, les feux dévastateurs du racisme ne s’éteignent pas aussi facilement. Le racisme est à la hausse au pays, et le Nord-Ouest de l’Ontario n’est pas épargné. Il nous faut encore un effort collectif et des outils adéquats pour lutter contre le racisme.

Le mouvement vers la guérison et la réconciliation

Sénateurs, j’ai la conviction qu’il faut guérir nos relations brisées. Une démarche de guérison fondée sur le dialogue nous mènera à une véritable réconciliation. Je le dis en sachant que la guérison est nécessaire avant que le travail de réconciliation puisse prendre forme.

En conclusion, avançons ensemble dans un esprit de réconciliation. Ayons de bonnes conversations. Parlons ensemble d’une manière responsable jusqu’à ce que la dernière once de souffrance causée par le système des pensionnats autochtones se soit dissipée.

Mes amis, le moment est venu. Il est temps d’écouter la sagesse des leaders du passé, car leurs conseils vivent encore en chacun de nous. Laissons-nous guider par l’esprit de leaders comme le chef Sakatcheway.

Pourquoi faut-il le faire? Il faut le faire pour nos enfants, nos petits-enfants et ceux qui naîtront un jour. Chaque fois que je plonge mon regard dans celui de mes splendides enfants, je ne peux m’empêcher de leur dire : « C’est pour vous et pour l’avenir de notre pays. »

J’ai dit la vérité. La vérité mènera à la compréhension. La compréhension mènera à l’espoir. L’espoir mènera à la guérison. La guérison mènera à la réconciliation. La réconciliation mènera au pardon. Le pardon mènera à la paix.

Miigwetch pour votre écoute.

Je vous remercie, Garnet, cher ami, pour ces paroles très fortes, et merci, chers collègues, d’avoir écouté avec votre cœur.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Rejet de la motion exhortant le gouvernement à inviter les parties actuelles à l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam à réunir de nouveau la Conférence internationale sur le Vietnam

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Ngo, appuyée par l’honorable sénateur Patterson,

Que le Sénat observe que, en adoptant la Loi sur la Journée du Parcours vers la liberté, le 23 avril 2015, et compte tenu des deux premiers éléments du préambule de ladite loi, le Parlement du Canada a reconnu sans équivoque les violations :

a)de l’Accord sur la cessation de la guerre et le rétablissement de la paix au Vietnam et de ses protocoles (Accords de paix de Paris),

b)de l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam;

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à inviter au moins six des parties actuelles à l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam — qui comprennent notamment le Canada, la France, la Hongrie, l’Indonésie, la Pologne, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis — à réunir de nouveau la Conférence internationale sur le Vietnam, conformément à l’Article 7b) de l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam, afin de régler des différends entre les parties signataires provenant de violations des dispositions des Accords de paix de Paris et de l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam.

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Ngo d’avoir présenté cette motion. Notre collègue est très préoccupé par cette question, tant dans le contexte de la Loi sur la Journée du Parcours vers la liberté de 2015 que dans celui de l’application de l’accord sur la cessation de la guerre et le rétablissement de la paix au Vietnam et de ses protocoles, connu sous le nom d’Accords de paix de Paris de 1975. C’est d’ailleurs le cas de nombreux Canadiens d’origine vietnamienne, comme il se doit.

(1830)

En effet, d’innombrables personnes comme le sénateur Ngo et des milliers de Vietnamiens sont venus au Canada parce qu’ils fuyaient les conflits et la persécution. Leurs raisons de quitter le Vietnam étaient déjà assez traumatisantes, sans parler du voyage vers un nouveau pays et de l’arrivée dans un nouvel endroit étrange où vivre, où les réfugiés sont confrontés à de nouvelles difficultés.

Mes parents ont connu une situation similaire. Ils ont perdu leurs terres, leurs biens et leurs possessions pendant la Seconde Guerre mondiale, après quoi ils sont venus au Canada en tant que réfugiés. Nous sommes tous touchés par de telles histoires; elles font partie intégrante du tissu et de la mémoire populaire de tant de Canadiens.

Néanmoins, bien que je comprenne l’esprit de la motion, je m’oppose à son adoption. Je vais vous expliquer pourquoi.

Chers collègues, cette motion demande au gouvernement du Canada de convoquer de nouveau une réunion de la Conférence internationale sur le Vietnam pour discuter d’événements qui ont eu lieu il y a 45 ans dans le cadre de ce traité et de cette conférence, qui est tout aussi vieille. De plus, certains membres avec qui le Canada a collaboré à l’époque, comme la Hongrie et la Pologne, faisaient alors partie du bloc soviétique. Les choses ont quelque peu changé depuis 45 ans, notamment avec la chute de l’URSS, qui, entre autres, a permis à ces pays de changer complètement leurs constitutions et leurs systèmes de gouvernement.

Je ne comprends pas pourquoi le Canada devrait dépenser beaucoup d’énergie — sans parler du capital politique international — pour relancer une discussion qui, à mon avis, ne susciterait pas beaucoup d’intérêt de la part des autres parties. De plus, je ne sais pas ce qui sera inclus dans la prochaine stratégie du gouvernement sur la région indopacifique, mais je suis prêt à parier qu’elle n’inclura pas le relancement de la Conférence internationale sur le Vietnam, et je n’ai pas l’habitude de parier.

En termes bilatéraux, c’est-à-dire au niveau de la relation entre le Canada et le Vietnam, je suis convaincu que cette motion serait perçue négativement par le Vietnam, un pays avec lequel le Canada entretient des liens d’amitié et coopère depuis des décennies. Ce n’est pas une mince affaire, chers collègues. Le Vietnam est membre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, l’ANASE, avec laquelle le gouvernement du premier ministre Harper et le gouvernement actuel ont tous deux tenté de nouer des liens plus étroits. Le Vietnam, tout comme le Canada, est partie à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, lequel produit déjà des résultats positifs pour les deux pays et, en fait, pour l’ensemble des parties. L’an dernier, la valeur de nos échanges bilatéraux a atteint près de 9 milliards de dollars, ce qui fait du Vietnam notre plus important partenaire commercial parmi les pays membres de l’ANASE.

Ne vaudrait-il pas mieux pour le Canada de se concentrer sur le renforcement de notre relation positive avec le Vietnam dans le cadre du partenariat Canada-Vietnam, ce qui permettrait de discuter d’un programme complet, notamment de réformes économiques et politiques?

Les gestes symboliques, car c’est ce que cette motion représente, peuvent avoir des conséquences négatives. Je l’ai déjà expliqué au Sénat, chers collègues.

Je signale également que notre dialogue avec le gouvernement du Vietnam comprend des questions géostratégiques plus larges, la coopération militaire ayant une incidence sur le Vietnam, la coopération scientifique et universitaire, les technologies propres et la coopération à l’égard du Fonds vert pour le climat. Il comprend également des discussions sur les pays de l’ANASE, les grands pays avoisinants et la région pacifique élargie.

Nous devons collaborer avec nos amis et nos alliés partout dans le monde, et ceux de la région indo-pacifique ne font pas exception, surtout lorsque nous sommes lésés ou traités injustement par d’autres pays. Le Canada en a récemment fait l’expérience.

Dans le discours qu’il a prononcé à l’appui de la motion, le sénateur Patterson a fait référence à l’ordre international fondé sur des règles. Cet ordre existe depuis 1945 par l’entremise des Nations unies et des institutions de Bretton Woods, et il a évolué et a pris de l’ampleur au fil des ans en raison de la décolonisation, de la formation d’alliances et de regroupements régionaux — dont le Canada est membre dans bien des cas —, de l’effondrement de l’Union soviétique, du développement de l’Union européenne, de sommets mondiaux et régionaux tenus régulièrement, et j’en passe.

Il en va de même pour la fin de la guerre du Vietnam.

Il existe des normes et des règles internationales qui doivent être respectées par tous les pays, mais nous savons que ce n’est pas toujours le cas.

Je comprends que les préoccupations exprimées par le sénateur Ngo et le sénateur Patterson sont liées aux droits de la personne et au développement du Vietnam depuis la signature du traité de paix. Divers gouvernements canadiens ont, dans l’intervalle, soulevé ces questions auprès du gouvernement vietnamien depuis 1975 dans le cadre de discussions bilatérales. Je considère toutefois comme très important l’aspect multilatéral. C’est ce que montre l’examen périodique universel que le Canada avait lancé, dans le système des Nations unies, pour évaluer les efforts du Vietnam en ce qui concerne les droits de la personne et l’harmonisation de ses lois avec les normes internationales. Ce sont aussi les progrès qui ont eu lieu dans le cadre des Nations unies depuis 1975, lorsque les traités de paix ont été signés.

Dans la dernière ronde en 2019, le Canada a recommandé au Vietnam de réviser son code pénal et ses lois sur la cybersécurité pour les harmoniser avec les normes internationales relatives à la liberté d’expression, d’association et de réunion; d’assurer l’application régulière de la loi et de garantir le droit à un procès équitable; de permettre aux groupes religieux de pratiquer librement; de permettre la création de syndicats indépendants et de tenir compte des questions d’égalité hommes-femmes.

C’est l’approche à adopter pour réaliser des progrès, chers collègues : un examen par les pairs et une coopération multilatérale, et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste qui incite aujourd’hui toutes les parties à agir et à poursuivre le dialogue bilatéral. La solution n’est pas de retourner à un instrument datant de 45 ans, peu importe sa valeur symbolique perçue ou la confiance et l’espoir qu’il pourrait offrir à la communauté respectée et appréciée des Canadiens d’origine vietnamienne, dont notre cher collègue est un illustre membre.

Honorables sénateurs, les chances de convaincre les six parties à l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam de réunir de nouveau la conférence sont pratiquement nulles.

Comme je l’ai déjà dit au sujet des motions présentées au Sénat qui concernent les affaires étrangères, il ne faut pas oublier que la gestion des affaires étrangères du pays relève de la prérogative royale. Si le Sénat et la Chambre des communes peuvent assurément donner leur avis sur ce qui devrait être fait, les décisions appartiennent entièrement au gouvernement en place.

Les motions que nous adoptons doivent être réalistes et faire honneur à notre institution, le Sénat du Canada. Je ne crois pas que ce soit le cas de la motion à l’étude.

À mon avis, le gouvernement devrait y réfléchir à deux fois avant de déployer des efforts en politique étrangère pour rouvrir un dossier qui, pour bien des gens et bien des pays, est réglé depuis longtemps.

C’est pour ces raisons que, en tout respect pour le sénateur Ngo, je suis contre cette motion.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole au sujet de la motion présentée par notre collègue le sénateur Ngo.

Au fil des ans, le sénateur Ngo s’est fait le défenseur de causes qui lui sont chères et il l’a fait avec honnêteté et passion. C’est une fois de plus le cas quant à cette motion. Je remercie personnellement le sénateur — et je crois que je parle au nom de tous les sénateurs — de la contribution qu’il a apportée au fil des ans. Nous nous ennuierons de ses interventions.

Le gouvernement est d’accord avec le sénateur Ngo au sujet de l’intérêt pour le Canada d’assurer le maintien de la stabilité, de la paix et de la démocratie en Asie. Par contre, le gouvernement n’appuie pas les moyens proposés par le sénateur dans la motion no 13.

[Français]

Les relations du Canada avec le Vietnam se sont beaucoup développées au fil des ans. Le Vietnam est un partenaire bilatéral, régional et multilatéral important pour le Canada. Les relations entre nos deux pays se sont récemment affermies, notamment grâce à l’établissement d’un partenariat global lors de la visite du premier ministre au Vietnam en 2017.

[Traduction]

Le partenariat global consolide la coopération dans plusieurs domaines clés, notamment les relations politiques et diplomatiques; le commerce et l’investissement; l’aide au développement; la défense et la sécurité; les échanges culturels et universitaires; la science, les technologies et l’innovation; les liens entre les deux peuples. Ce partenariat vise à répondre aux priorités des deux pays, à contribuer au maintien de la primauté du droit et à maintenir la paix et la stabilité en Asie du Sud-Est et dans la région indo-pacifique.

[Français]

Le gouvernement estime qu’il serait plus constructif pour le Canada de mettre l’accent sur le partenariat global de 2017 avec le Vietnam. À l’approche du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre le Canada et le Vietnam en 2023, il est essentiel que l’on maintienne un élan positif avec le Vietnam. Le gouvernement du Canada continuera d’appuyer les progrès du Vietnam et de prôner l’amélioration des droits de la personne et de la démocratie grâce à ce partenariat.

(1840)

[Traduction]

Le Canada continuera également d’appuyer la stabilité, la paix et la démocratie par tous les moyens existants et croissants dont il dispose. Cela consiste notamment à tirer parti de notre partenariat global avec le Vietnam et de notre relation avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ou l’ANASE.

Le Canada est un partenaire de l’ANASE depuis 1977. Il est l’un des 10 pays à avoir obtenu cette désignation. Le Canada coopère sur des questions de politique et de sécurité, d’intégration régionale et d’intérêts économiques. Il fournit aussi de l’aide en matière de sécurité aux États membres de l’ANASE, ce qui contribue à la paix et à la sécurité régionales et favorise l’atteinte des objectifs du Canada en matière de politique étrangère en Asie du Sud-Est.

De plus, le Canada appuie les priorités de développement régional de l’ANASE. Notre aide sert à promouvoir et à protéger les droits de la personne, la gouvernance inclusive et le pluralisme pacifique.

Pour soutenir son travail avec l’ANASE, le Canada a une mission permanente et une ambassadrice auprès de l’ANASE. À titre d’exemple, le gouvernement est heureux de constater que les membres de l’ANASE et la Chine ont repris les négociations en vue d’élaborer un code de conduite pour la mer de Chine méridionale. Le Canada encourage la transparence dans ces négociations et réitère que l’accord ne doit pas déroger aux droits dont jouissent les parties en vertu du droit international ni porter atteinte aux droits des tiers.

[Français]

Le gouvernement n’est pas favorable à l’idée que l’Acte de la Conférence internationale demeure un outil diplomatique viable pour la résolution de différends ou un mécanisme efficace pour lancer des négociations sur des questions géopolitiques urgentes, comme l’élaboration d’un code de conduite pour la mer de Chine méridionale.

[Traduction]

De l’avis du Canada, réunir la conférence internationale n’est pas une façon appropriée de soutenir la stabilité, la paix et la démocratie en Asie en ce moment. Par ailleurs, le gouvernement ne voit pas de raison impérieuse de songer à réunir la conférence après tant d’années, comme l’a déjà souligné le sénateur Boehm dans ses observations. Nous sommes passés à autre chose et, bien franchement, une telle motion pourrait très bien miner la relation bilatérale entre le Canada et le Vietnam.

De plus, nous devrons tenir compte des effets d’une telle motion sur les relations bilatérales entre le Vietnam et les autres parties à l’Acte. Réunir la conférence risquerait, en fait, d’avoir un impact négatif sur des décennies d’amitié et de coopération entre le Canada et le Vietnam. Le Canada continuera d’améliorer ses rapports avec le Vietnam et de défendre la paix, la stabilité, la diplomatie et le respect des obligations internationales.

Pour toutes les raisons qui ont été présentées, et avec tout le respect qu’il doit, le gouvernement ne peut pas appuyer la motion no 13. Cependant, le Sénat devrait avoir l’assurance que le Canada accorde une grande importance à sa relation avec le Vietnam et le considère comme un ami et un partenaire dans la région. Nos deux pays continueront de collaborer étroitement au sein des tribunes multilatérales. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole pour appuyer mon collègue le sénateur Thanh Hai Ngo et sa motion visant à exhorter le gouvernement du Canada à inviter au moins six des parties actuelles à l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam — qui comprennent notamment le Canada, la France, la Hongrie, l’Indonésie, la Pologne, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis — à réunir de nouveau la Conférence internationale sur le Vietnam, conformément à l’alinéa 7b) de l’acte, afin de régler des différends entre les parties signataires provenant de violations des dispositions des Accords de paix de Paris et de l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam.

Quand la Seconde Guerre mondiale a pris fin, le monde entier était en liesse. La guerre la plus horrible de l’histoire du monde venait de se terminer, les tyrans de l’Axe étaient vaincus et beaucoup de pays précédemment occupés, comme la Corée — mon pays natal —, et de possessions coloniales, comme l’Inde, voyaient leurs espoirs de liberté renaître.

Pourtant, le conflit qui a complètement ravagé le monde pendant près d’une décennie n’a jamais vraiment pris fin en Asie. Dans les 75 années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu 63 affrontements militaires en Asie, dont de grandes guerres en Chine, en Corée, en Inde, au Pakistan et au Vietnam, soit presque un par année.

En tant que Canadienne d’origine coréenne, je peux vous parler en connaissance de cause des conséquences de la guerre sur un pays et son peuple — la douleur lancinante de la perte de toute une génération, la culpabilité des survivants lorsque parents et amis périssent, les conséquences de la souffrance sur les enfants de la guerre et l’héritage de cette agonie transmis aux générations subséquentes.

Des traités de paix sont signés; certains sont respectés, tandis que d’autres, comme les Accords de paix de Paris, ne le sont pas. Ces accords ont été signés par les gouvernements du peuple démocratique du Vietnam — le Nord-Vietnam, la République du Vietnam et le Vietnam du Sud — et les États-Unis, ainsi que la République du Vietnam du Sud — ou gouvernement révolutionnaire provisoire —, qui représentait les communistes du Vietnam du Sud. Ces accords visaient à mettre fin au conflit et à ramener la paix dans la région. Les dispositions des Accords de paix de Paris ont été immédiatement et fréquemment enfreintes sans que les États-Unis réagissent officiellement.

En mars 1973, les combats ont repris et les offensives menées par le Nord-Vietnam lui ont permis d’étendre son contrôle à la fin de l’année. En 1975, une offensive massive du Nord-Vietnam a finalement permis de conquérir le Vietnam du Sud. Le 2 juillet 1976, les deux pays — séparés depuis 1954 — ont cessé d’exister pour faire place à la République socialiste du Vietnam.

Les conflits continuent de s’intensifier dans la région de la mer de Chine méridionale, notamment de la part de certains signataires de l’accord. Comme l’a si bien indiqué le sénateur Ngo dans son discours au Sénat le 25 novembre, les Accords de paix de Paris demeurent un outil diplomatique valable pour le règlement des différends entre les parties signataires. Les paroles du sénateur Ngo méritent d’être répétées :

Ultimement, s’il y a consensus entre les parties concernant l’applicabilité des Accords de paix de Paris, ces derniers pourraient être rouverts et renégociés. C’est la même chose dans le cas de l’acte; il pourrait servir à permettre à la conférence internationale d’être réunie de nouveau en accord avec l’alinéa 7b).

Convoquer de nouveau la conférence internationale pourrait s’avérer un mécanisme fort utile pour lancer des négociations sur certains des enjeux géopolitiques les plus pressants en Asie, comme le conflit territorial en mer de Chine méridionale.

Le Canada, en tant que signataire, a la possibilité de relancer cet important débat. Le Canada s’est toujours enorgueilli de ses engagements pour maintenir la paix et de son expertise pour apaiser les tensions.

Honorables sénateurs, afin d’épargner à une autre génération d’enfants les atrocités de la guerre, leur éviter d’être enlevés de leur famille et de transmettre sans le vouloir leurs souffrances à leurs enfants, j’appuie de tout cœur la motion du sénateur Ngo. Il est depuis longtemps un champion des droits de la personne, de la liberté et de la démocratie. En tant que premier sénateur canadien de descendance vietnamienne, le sénateur Ngo est un leader respecté au pays. Profitons de l’occasion qui se présente à nous — au Canada et à la Chambre de second examen objectif — d’adopter l’importante motion à l’étude, qui est proposée par notre collègue dont la distinguée carrière de sénateur tire à sa fin. Le courage incommensurable qui a impulsé son parcours vers la liberté au Canada, après la chute de Saigon en 1975, et sa détermination à faire adopter son projet de loi d’intérêt public du Sénat, le projet de loi S-219 sur la Journée du Parcours vers la liberté qui a été promulgué en 2015, n’est surpassé que par l’espoir qu’il ressent et l’engagement qu’il a envers les droits de la personne, la liberté et la démocratie pour tous les peuples.

Là-dessus, j’espère que les honorables sénateurs appuieront la motion proposée par notre collègue le sénateur Thanh Hai Ngo.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

(La motion est rejetée avec dissidence.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le Cadre fédéral de prévention du suicide—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Boehm,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dès qu’il sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, le Cadre fédéral de prévention du suicide, y compris :

a)à déterminer si le cadre a permis de faire diminuer les taux de suicide de façon importante, fondamentale et durable depuis son adoption;

b)à examiner les taux de suicide chez la population canadienne et des groupes particuliers au Canada comme les Autochtones, les personnes racialisées et les jeunes;

c)à faire rapport sur la somme des subventions fédérales accordées aux initiatives et aux programmes de prévention du suicide de 2000 à 2020, et à déterminer quels critères fondés sur des données probantes en matière de prévention du suicide ont orienté les choix;

d)à déterminer, pour chaque initiative ou programme mentionné au paragraphe c), s’il y a eu une baisse importante, fondamentale, durable et démontrable des taux de suicide chez la ou les populations ciblées;

e)à formuler des recommandations pour que le Cadre fédéral de prévention du suicide du Canada et les subventions fédérales destinées aux activités de prévention du suicide soient fondés sur les meilleures données probantes disponibles concernant les causes de la baisse des taux de suicide;

Que le comité soumette au Sénat le rapport final sur son étude au plus tard le 16 décembre 2022.

L’honorable Dan Christmas : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer fermement la motion du sénateur Kutcher tendant à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier le Cadre fédéral de prévention du suicide.

(1850)

Aujourd’hui, mon intervention sera brève, mais j’espère qu’elle saura vous toucher, car je vais parler des effets du suicide en racontant l’histoire d’un jeune homme mi’kmaq qui semblait voué à un avenir des plus prometteurs, mais dont la vie s’est malheureusement terminée beaucoup trop tôt.

J’en parle aujourd’hui parce que je me sens le devoir de le faire, étant donné que le taux de suicide chez les Premières Nations, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves, chez les Métis et chez les Inuits est plus élevé que chez les non-Autochtones. J’ai vu comment le suicide représente une perte incommensurable non seulement pour la famille et les amis du disparu, mais aussi pour sa communauté et pour le tissu social, surtout lorsque la victime est une jeune personne.

Comme je l’ai mentionné, j’ai connu un jeune homme dans cette situation. C’était un membre d’une famille de la communauté de Millbrook, en Nouvelle-Écosse. J’aimerais maintenant vous raconter son histoire, honorables sénateurs.

Il s’appelait Cody Glode. Cody a grandi dans une famille chaleureuse et aimante. Ses parents, Matthew et Lisa, ont dit du jeune Cody qu’il était un enfant doté d’une exubérance et d’un sens de l’humour formidable qu’il a conservés tout au long de son adolescence et de sa vie de jeune adulte. L’enthousiasme de cet homme était carrément contagieux.

Cody était par ailleurs un homme talentueux; certains iraient jusqu’à dire qu’il était surdoué. À 19 ans, il est devenu le plus jeune pompier à temps plein du service d’incendie de Truro et le seul Mi’kmaq au sein de ce service.

Il était aussi une étoile montante sur la scène locale des arts martiaux mixtes, et berçait le rêve d’atteindre le sommet dans son sport.

Il avait une saine obsession pour les arts martiaux, grâce à laquelle son passe-temps est devenu une passion. Sa grande passion et sa détermination ont caché son combat personnel, car, voyez-vous, Cody était une personne dépressive ultra-performante.

Finalement, à 20 ans, après en avoir souffert pendant huit années, les symptômes de Cody étaient tels qu’il a eu recours au service téléphonique local d’aide en santé mentale. Lorsqu’il n’a pas reçu une assistance immédiate, il s’est présenté à l’urgence d’un hôpital, où on lui a dit de demander un suivi à son médecin de famille, qui lui a ensuite conseillé de consulter un psychologue.

Devant un temps d’attente de deux mois qui lui semblait être une éternité, sa lueur d’espoir a immédiatement vacillé. Trois semaines plus tard, le 2 mars 2016, se sentant complètement défait, il s’est enlevé la vie.

Trois ans plus tard, on a demandé à sa mère si elle souhaiterait pouvoir ramener son fils. Elle a répondu non, en soulignant que ce serait égoïste parce qu’il souffrait tellement.

Pourtant, indirectement, Cody Glode a laissé un héritage qui a permis d’illuminer une voie à suivre pour que les vies comme la sienne puissent être sauvées et qu’un système en mauvais état soit réparé.

En 2017, le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord a entrepris une étude sur la crise des suicides dans les communautés des Premières Nations et a publié un rapport, Point de rupture : la crise de suicides dans les communautés autochtones.

Les membres de la famille Glode ont courageusement comparu devant le comité en tant que témoins. Je laisserai leurs mots exprimer l’héritage laissé par leur fils et neveu, Cody Glode.

Son père, Matthew, a parlé de la détresse de Cody dans sa quête de soins pour l’aider à traiter sa maladie mentale.

Pour beaucoup de gens qui souffrent de maladie mentale, qui sont au fond du trou du désespoir, faire un appel téléphonique, c’est comme escalader le mont Everest. Si Cody était entré dans le cabinet du médecin avec une bosse sur la tête, un taux de glycémie élevé, une douleur à la poitrine ou même un pied cassé, l’aide aurait été immédiate. Les problèmes de santé mentale doivent entraîner la prise de mesures immédiates. « Santé mentale » est un terme avec lequel les gens doivent se sentir à l’aise. Notre fils n’était pas fou. Il n’avait pas les nerfs fragiles. Il n’était pas seul. Il souffrait tous les jours de la maladie mentale. Si cela avait été le cancer, toutes sortes de services d’aide auraient été offerts.

Il a ensuite décrit les répercussions du suicide et de la maladie mentale et nous a donné son avis à ce sujet :

La santé mentale isole et invalide. Elle tue ses victimes. En tant que pays, nous devons faire de la santé mentale un terme courant. Nous devons mettre en place un système qui sauve des vies, qui, au besoin, tient la main de la personne jusqu’à ce qu’elle reçoive l’aide dont elle a besoin. Nous avons besoin que les gens soient là pour continuer à prendre soin de la personne, même après que l’aide a été donnée et reçue, qu’il s’agisse d’une simple visite ou d’un appel téléphonique, ou d’une personne en place qui donne un câlin, adresse des mots d’encouragement ou tend une oreille attentive. C’est parfois tellement simple, mais pourtant, c’est crucial pour la personne qui est sur la voie sombre et solitaire de la maladie mentale.

La tante de Cody, Pam, est directrice exécutive du Mi’kmaw Native Friendship Centre, à Halifax. Elle a offert du contexte et des précisions au comité concernant les problèmes de santé mentale au sein de la communauté autochtone. Elle a dit :

Je viens juste d’écouter le témoignage d’une jeune fille qui disait qu’elle était brisée, et cela m’offusque grandement. Je suis outrée par le fait que cette jeune fille ou n’importe laquelle de nos enfants ait l’impression d’être brisée. En tant que peuple, nous ne sommes pas brisés. Les systèmes sont brisés, ainsi que les politiques, et voilà ce qui doit changer. Dans notre collectivité, que ce soit dans la réserve ou dans un contexte urbain, nous ne sommes pas brisés. Les systèmes sont brisés. Cela ne date pas d’hier. Ils ont été conçus pour nous laisser tomber encore et encore. J’ai vu cette situation se produire à maintes reprises.

Je crois très sincèrement qu’il y a moyen de faire avancer les choses. Nous parlons de réconciliation — tout le monde brandit ce mot à tort et à travers, maintenant —, et c’est dans cette direction que nous devons aller. Je crois vraiment qu’on peut y arriver. Je crois qu’il faudra beaucoup de temps pour y arriver. Je crois qu’il faudra que nous fassions les choses ensemble, pas que le gouvernement fasse des choses à notre communauté, mais avec nous, à nos côtés, pas devant nous, et pas derrière nous. Je crois que ces politiques doivent être conjointes et qu’elles doivent être faites ensemble.

Je crois sincèrement que notre communauté peut se rétablir. Je crois que, quand la société dans son ensemble reconnaîtra... [que] nous devons faire en sorte que les gens comprennent pourquoi les choses sont comme elles sont. Ne nous en voulez pas parce que nos familles ont été envoyées dans les pensionnats ou parce qu’il y a eu la rafle des années 1960, ou bien là cause du passé et de toutes les choses qui ont créé cette situation, comme la Loi sur les Indiens. Elles ont toutes été créées pour assimiler les Indiens et pour éradiquer le problème qu’ils présentaient, et ce sont des choses réelles.

Les gens ont besoin d’être traités avec respect. Cela me brise le cœur que de savoir que, malgré tout ce que nous faisons, nous n’avons même pas pu aider mon propre neveu. J’ai remis mon travail en question pour cette raison. Cependant, je crois également que ce qui est arrivé à Cody, à mes yeux, c’est le point tournant, même dans ma vie. Je crois que quelque chose de bon ressortira du décès de Cody.

[...] nous devons, au sein de l’organisation, du centre d’amitié et de notre communauté, commencer à faire les choses ensemble, pas en vase clos, pas séparément, et pas à Ottawa, mais ensemble. Nous parlons d’une stratégie nationale. Nous parlons de toutes ces choses. La réalité, c’est que nous devons commencer à faire les choses ensemble. Je ne veux pas dire faire des choses aux autres. Je veux dire ensemble. Nous devons tenir cette conversation honnête et sincère, et l’humilité doit jouer un rôle à cet égard.

Honorables sénateurs, s’il fallait une sonnette d’alarme, la voilà. Comment pouvons-nous envisager aller de l’avant sans appuyer cette motion après avoir entendu un témoignage si criant de vérité?

Un adage d’origine inconnue dit ceci : « Le suicide n’empêche pas ta vie de devenir pire. Il élimine la possibilité qu’elle s’améliore un jour. »

Honorables sénateurs, appuyer l’adoption de cette motion équivaut à améliorer de façon tangible les chances de réduire le nombre de morts tragiques par suicide et leurs répercussions dévastatrices. On a déjà dit de notre vénérable institution que certains de ses meilleurs travaux se font en comité.

J’appuie sans réserve la position du sénateur Kutcher selon laquelle les comités sénatoriaux peuvent orienter leurs travaux sur les priorités ciblées par cette Chambre. J’espère sincèrement qu’en réponse à cette motion, nous renverrons d’une seule voix le Cadre fédéral de prévention du suicide au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie parce qu’il est important qu’on se penche sur celui-ci.

Cody Glode souffrait. De nombreuses autres personnes ont souffert et tant d’autres souffrent, mais ces dernières sont heureusement encore parmi nous. On dit que l’aube met fin à toutes les tempêtes. Pourtant, la noirceur du suicide assombrit encore notre société.

Adoptons sans tarder cette motion dans l’espoir d’accélérer l’arrivée de l’aube en soumettant cet enjeu vital à un comité.

Wela’lin. Merci.

L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Christmas, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Christmas : Oui. J’y répondrai avec plaisir.

(1900)

Le sénateur Kutcher : Merci, monsieur le sénateur Christmas, de nous avoir raconté l’histoire tragique de Cody et de nous avoir fait savoir, dans les mots de la famille, qu’on ne prend pas les mesures qui doivent être prises. Selon vous, dans cette situation, est-ce qu’il y a des solutions qui ont été ignorées?

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur le sénateur. J’ai souvent réfléchi à cet événement. Lorsque Cody s’est présenté aux urgences et a demandé de l’aide, l’urgentologue l’a aiguillé vers un psychologue, mais il y avait deux mois d’attente. Idéalement, il aurait fallu que le médecin procède à un triage des cas de santé mentale, qu’au cours des 24 heures suivant la visite de Cody à l’hôpital, un professionnel de la santé mentale communique avec lui — idéalement en personne, mais un appel téléphonique aurait fait l’affaire — et que ce professionnel évalue son état mental pour déterminer de quels services il avait besoin. Je pense que si quelqu’un avait tenté de communiquer avec Cody dans les 24 heures, cela aurait pu faire toute la différence.

Malheureusement, comme vous le savez, monsieur le sénateur, le système de santé n’est pas en mesure de réagir aussi rapidement. J’espère que le jour viendra où nous aurons un système qui fonctionne bien et qui permettra de communiquer rapidement avec les jeunes ou avec toute personne souffrant d’un problème de santé mentale pour que ces personnes puissent être prises en charge.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, je sais qu’il s’agit d’un débat important, mais je vais ajourner le débat. J’espère avoir l’occasion d’en reparler bientôt. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les contributions et l’impact des Premières Nations, des Métis et des Inuits

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Yvonne Boyer, ayant donné préavis le 24 novembre 2021 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les contributions et les retombées positives réalisées par les Métis, les Inuits et les Premières Nations au Canada, et dans le monde.

 —Honorables sénateurs, j’interviens au Sénat aujourd’hui dans le cadre de mon interpellation sur ce que les peuples autochtones du Canada ont apporté au Canada et au monde entier.

J’aborde cette interpellation dans l’espoir de fournir des renseignements qui sont peut-être méconnus, mais qui mettent en évidence les forces des Métis, des Premières Nations et des Inuits et ce qu’ils ont apporté à la construction de la nation.

Comme vous le savez, je parle souvent, au Sénat, de mes sœurs autochtones. Nous avons ainsi abordé des sujets comme la stérilisation forcée, la paralysie cérébrale, les femmes et les filles disparues ou assassinées, les mauvais traitements infligés dans les pensionnats, et les sévices physiques et sexuels subis par les femmes et les filles autochtones. Bien que ce soit des enjeux réels et troublants, il faut aussi parler de la résilience et des forces de nos sœurs autochtones, qui réussissent à s’épanouir malgré les immenses torts causés par le système colonial. En célébrant leurs réussites, nous montrons que leur vie est beaucoup plus que la somme des injustices subies. Nous montrons leur beauté, leur force, leur intelligence et leur amour.

Je compte rendre hommage à toutes les femmes autochtones en parlant de quelques femmes brillantes qui sont inuites, métisses ou des Premières Nations. J’espère que ce sera le premier de nombreux hommages rendus, au Sénat, à la résilience de ces femmes et à ce que nous sommes, nous les femmes autochtones, et nous, les peuples autochtones.

Aujourd’hui, je tiens à commémorer Gail Guthrie Valaskakis et à lui rendre hommage. En commençant à penser à rendre hommage aux femmes autochtones, le magnifique visage de Mme Valaskakis est presque instantanément apparu devant moi, moqueur, souriant et resplendissant d’une douce gaité, comme si, pour un instant, sa force vitale et sa belle énergie étaient revenues du monde des esprits.

Gail Guthrie Valaskakis est née le 8 mai 1939 à la réserve du lac du Flambeau, au Wisconsin, soit à environ 300 kilomètres au sud de Thunder Bay à vol d’oiseau, et ses parents sont Miriam Van Buskirk et Benedict Guthrie.

Mme Valaskakis a obtenu son diplôme de l’Université de Wisconsin-Madison, elle a obtenu une maîtrise de l’Université Cornell, puis un doctorat à l’Université McGill. Elle était une sommité des médias et des communications nordiques et autochtones au Canada. Elle n’a jamais cessé d’attirer l’attention sur les médias et les communications autochtones dans les milieux universitaires et gouvernementaux et elle a contribué à ce qu’ils obtiennent une reconnaissance académique essentielle, un soutien stratégique et des ressources.

Je dois m’interrompre pour raconter une petite histoire au sujet de ses recherches et du sérieux qu’elle y accordait. Comme c’était une conteuse, voici une histoire qu’elle m’a racontée au sujet de ses recherches et de sa vie dans le Nord.

À la fin des années 1960, Mme Valaskakis entama son travail sur le terrain pour sa thèse de doctorat : elle étudiait l’incidence que le système de satellites aurait sur les habitants du Nord canadien. Ce travail l’a amené dans l’Est de l’Arctique, où elle a étudié le rôle et l’utilité des technologies de communication et est devenue une sommité des médias et des communications nordiques et autochtones au Canada.

Pendant cette période, Mme Valaskakis se rendait fréquemment dans l’Extrême-Arctique. Lorsqu’elle se trouvait dans la région, elle demeurait souvent avec la famille d’un cher Inuk du nom de Killiktee. Pendant les tempêtes de neige qui duraient une semaine et qui l’obligeaient à rester enfermée, elle a dû faire preuve d’une grande force de caractère et d’une patience extrême pour trouver des moyens de se divertir sans embêter sa famille d’accueil.

Lorsque le voile blanc se levait finalement sur un ciel bleu, Mme Valaskakis pouvait passer du temps à l’extérieur et participer aux coutumes inuites saisonnières. À une occasion, lors d’un dégel printanier, elle a accompagné Killiktee dans sa chasse au phoque en motoneige sur la glace ouverte et avec des harpons. Ils se sont aventurés à bien des kilomètres de la maison de Killiktee et Mme Valaskakis était confortablement installée à l’arrière de sa motoneige. Au fil des ans, Killiktee était devenu un motoneigiste expert. Il pouvait sauter adroitement d’une banquise à l’autre au printemps grâce à des mouvements audacieux qui lui permettaient de traverser de vastes distances de glace fondante à la recherche de phoques. Lors d’un saut de banquise particulièrement raide et périlleux, Mme Valaskakis a perdu prise sur la taille de Killiktee, est tombée de la motoneige et a passé à travers la glace. Toutefois, au lieu de hurler d’horreur, elle a commencé à rire de façon hystérique, ce qui était sa façon de faire face à cette situation terrifiante.

Killiktee a été très impressionné de sa réaction, car il ne s’attendait pas à ce que Gail agisse de façon si surprenante. En éclatant de rire, elle avait tourné en dérision une situation potentiellement traumatisante. Killiktee a réussi à la sortir de la glace et à la ramener chez lui, où il lui a remis des vêtements secs et l’a enveloppée dans d’épaisses couvertures. Je me souviens qu’elle m’avait raconté n’avoir jamais eu si froid de toute sa vie et qu’il lui avait fallu une semaine pour se réchauffer. Toutefois, en racontant cette anecdote au fil des années, elle a souvent précisé que sa réaction inhabituelle lors d’une situation tragique avait créé un solide lien de confiance avec Killiktee, et leur amitié s’est enrichie durant les 10 années qui suivirent.

Comme vous pouvez le constater, Gail a été une vraie pionnière avec son approche axée sur la collaboration et l’innovation pour effectuer de la recherche, faire des évaluations et développer de nouvelles politiques. D’autres chercheurs qui ont adopté ses méthodes de recherche communautaire reconnaissent aujourd’hui son rôle de précurseure. De nos jours, la recherche au sein de la communauté est tout à fait normale, mais Gail a été la première à le faire, ce qui était particulièrement important pour collaborer avec les peuples autochtones au Canada. Il n’est pas impossible que l’adage « Le rire est le meilleur des remèdes » ait été inventé par Gail.

Gail a aussi été l’une des fondatrices du Centre d’amitié autochtone de Montréal, du Native North American Studies Institute et du Manitou College — la première institution d’enseignement postsecondaire pour les Autochtones dans l’Est du Canada. De plus, elle a travaillé comme membre fondateur et a joué un rôle essentiel pour mettre sur pied une maison de transition au nord de Montréal et pour transformer la Maison Waseskun en pavillon de ressourcement pour les hommes. Elle a rédigé un rapport pour la Commission royale sur les peuples autochtones, intitulé The Role and Future of Aboriginal Communications, et a reçu le prix Indspire dans la catégorie Médias et communications.

Pendant 30 ans, Gail a enseigné au département de communication à l’Université Concordia, où elle a créé le Native Education Centre et participé à la création du programme interuniversitaire conjoint de doctorat en communication. Son expertise a été reconnue à l’échelle internationale, et elle a donné des cours en Chine, en Russie, en Israël, aux États-Unis et dans diverses universités canadiennes.

(1910)

En 1998, elle a quitté Concordia et son poste de doyenne de la Faculté des arts et des sciences pour écrire le livre Indian Country: Essays on Contemporary Native Culture, et pour se joindre à la Fondation autochtone de guérison à titre de directrice de la recherche. C’est à cette époque que nous sommes devenues amies, et notre amitié a transformé ma vie à tout jamais.

J’aimerais maintenant que vous rencontriez vraiment la personne qu’était Gail. Gail était pour moi une amie très chère et une sœur. Nous avons passé beaucoup, beaucoup d’heures et de journées ensemble. Nous avons été embauchées en même temps à la Fondation autochtone de guérison, ici, à Ottawa. C’était en 1999. La fondation était une fiducie établie par le gouvernement fédéral pour financer les communautés et les organisations autochtones qui prenaient elles-mêmes des mesures pour répondre aux besoins de guérison liés aux sévices physiques et sexuels infligés par les prêtres et les religieuses dans les pensionnats autochtones du Canada.

La fondation était dirigée et gérée par des Autochtones et la plupart, voire la totalité d’entre eux avaient une expérience personnelle ou familiale des pensionnats. Gail avait été embauchée comme directrice de la recherche et j’étais directrice des programmes. Le courant passait vraiment entre nous.

Gail avait de nombreux dons dont elle me faisait profiter. L’un d’eux était sa capacité à s’exprimer à l’oral et à l’écrit avec une clarté illuminante. Quand on l’écoutait, on avait l’impression d’être happé et transporté dans son univers.

Ce sont ses réalisations énormes qui l’ont rendue comparable aux plus grandes héroïnes de l’histoire, mais son plus grand don était sa capacité à faire connaître le monde dans lequel elle a grandi. C’est vraiment comme si j’avais grandi en sa compagnie.

Voyez-vous, Gail était une jolie blonde aux yeux bleus qui a grandi dans une réserve indienne du Lac du Flambeau — tout le contraire des idées reçues — et qui vivait un problème auquel je m’identifie également. Voici deux anecdotes personnelles dont elle m’a fait cadeau :

« Gail la pas belle », a-t-elle crié, au-dessus des rires. « Hé, Nez de cochon! Où est donc ton frère, Tête d’œuf? Ceux qui disent que les blondes ont tout pour elles ne sont jamais allés dans une école autochtone. »

La deuxième vignette est la suivante :

Le champ derrière la compagnie Simpsons Electric était comme un no man’s land d’herbes où circulaient constamment de petits bataillons d’écoliers aux alliances changeantes. Je sentais la fièvre de la contagion monter, sachant que je serais la prochaine cible. « Hé, Chomoqamon, la blanche, où crois-tu t’en aller comme ça? » Prise dans le vortex en bordure d’une tornade, je me trouvais grosse et lente, à peine capable de produire l’habituel regard terrassant, le sourire déviant, la phrase assassine. La claque derrière la tête était un trophée — ce n’était PAS un appel à la guerre. Demain, je serais peut-être à leur côté pour taquiner quelqu’un d’autre. Ma situation s’améliorait ou se détériorait, selon que je répondais aux questions des professeurs blancs — attirés vers moi comme des aimants —, que je frappais la balle assez loin pour me rendre au premier but, que je fumais toute une cigarette sans tousser, que je gardais mes distances dans les querelles des autres ou que réussissais à m’en sortir dans la multitude de tests qui parsèment le quotidien d’une enfant et qui déterminaient ma place au sein de la communauté autochtone.

La réserve du Lac du Flambeau faisait partie du cœur et de l’âme de Gail. Elle parlait de l’attachement profond de ses grands-parents envers ce territoire, un attachement qui lui a été transmis ainsi qu’à son frère Greg. Elle a entendu les histoires des batailles de l’île Strawberry, des esprits du Medicine Rock et des mystères du shaman Anewabe. À l’aide de photographies et d’artefacts, le père de Gail lui a enseigné sa vie et celle de ses ancêtres, une vie remplie de commerçants, de barons du bois d’œuvre et d’administrateurs du gouvernement. Elle a vécu dans le passé et dans le présent en refusant obstinément d’oublier l’héritage laissé par l’homme qui portait le même nom que son père, Kinistano, et qui a signé le traité de 1854 de La Pointe attribuant des terres au Chippewa du Lac du Flambeau.

Même si ses études et l’amour l’ont amenée à déménager, Gail n’a jamais vraiment quitté le Lac du Flambeau parce que son esprit et son cœur s’y trouvaient toujours. Elle n’a jamais perdu sa passion pour son peuple et sa terre d’origine, où elle est retournée fréquemment, jusqu’à la fin de sa vie.

Universitaire sérieuse et minutieuse, elle était aussi une personne débordante de vie et toujours prête à rire, qui était à la fois réservée et extravertie, élégante et sans prétention. Si Gail faisait partie de votre équipe, vous saviez que vous alliez obtenir des résultats. Vous saviez aussi que vous le feriez avec beaucoup de plaisir.

En effet, elle a vécu sa vie comme son père l’avait prédit : « à califourchon sur la limite du territoire autochtone, chaussée d’un mocassin à un pied et d’un soulier à l’autre ». Gail Guthrie Valaskakis est décédée à Ottawa le 19 juillet 2007. Elle est profondément aimée et manque à beaucoup de personnes qui se souviennent d’elle comme une collègue, une mentore, une érudite et une amie.

Elle demeure avec nous en esprit, en tant que modèle autochtone qui suscite une grande inspiration. Je sais qu’elle sourit, sachant que j’ai raconté ses histoires au Sénat du Canada.

Merci, marsee, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 19 h 15, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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