Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 29

Le mardi 29 mars 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 29 mars 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les droits de la personne

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet de la guerre qui persiste au Darfour. Ce conflit qui a commencé il y a près de 20 ans afflige encore la population, particulièrement les femmes et les jeunes filles.

Malheureusement, le conflit au Darfour figure parmi les nombreux conflits dont nous avons été témoins au cours des 20 dernières années, notamment au Yémen, en Irak, en Syrie, en Afghanistan et maintenant, en Ukraine. Chaque jour, on lit la tristesse dans les yeux des femmes et des enfants qu’on voit sur les écrans.

Rien n’est pire que la guerre. Elle bouleverse des vies à tout jamais. Chaque conflit, peu importe où il se produit dans le monde, érode le tissu social.

En 2002, à titre de sénatrice, j’ai été nommée envoyée spéciale du Canada pour le processus de paix au Soudan par l’ancien premier ministre Chrétien. Malheureusement, en 2003, les combats ont éclaté dans la région du Darfour, au Soudan. Le Canada a été le premier à intervenir.

À mon arrivée à El Fasher, des femmes se sont rassemblées près de l’avion des Nations unies et m’ont chaleureusement remerciée. J’ai été extrêmement troublée de ce que j’ai vu. Pour tout abri, ces femmes ne disposaient que de morceaux de plastique et elles n’avaient que très peu de nourriture. Pourtant, elles m’ont remerciée. Elles m’ont dit que le Canada avait donné de l’argent à l’UNICEF, et que ce don qui avait permis de scolariser leurs enfants avait été une source d’espoir pour l’avenir.

Je suis allée au camp de réfugiés de Nyala et j’ai demandé aux mères pourquoi elles avaient décidé d’envoyer leurs filles ramasser du bois de chauffage et pas leurs fils. Elles m’ont regardé droit dans les yeux et m’ont répondu : « Si nous envoyons nos garçons, la milice les tuera. Si nous envoyons nos filles, elles risquent d’être violées, mais elles ne seront pas tuées. »

Plus tard, j’ai vu quelques jeunes filles avec une brouette. Dans la brouette se trouvait une jeune fille. Elle avait été violée par huit miliciens. Elle était battue et couverte de sang. On aurait dit que tous les os de son corps avaient été brisés. Je n’oublierai jamais son regard — sa douleur, sa tristesse, sa peur. Ses larmes ont peut-être séché, mais sa peur et sa douleur ne seront jamais oubliées. Je ne l’oublierai jamais.

Honorables sénateurs, je sais que nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que d’autres jeunes filles ne continuent pas à subir un sort similaire. En tant que Canadiens, nous devons soutenir les habitants du Darfour, du Yémen, de l’Irak, de la Syrie, de l’Afghanistan et de l’Ukraine. Nous avons l’occasion, à titre de parlementaires et de Canadiens, d’être là pour tous les peuples lorsqu’ils en ont besoin.

Les Canadiens sont les champions des droits de la personne et je suis convaincue que nous défendrons toutes les personnes vulnérables dans le monde.

Merci.

[Français]

La prévention de la violence faite aux femmes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui afin de souligner l’adoption récente du projet de loi no 24 par l’Assemblée nationale du Québec, qui permettra à un juge de la Commission québécoise des libérations conditionnelles ainsi qu’aux directeurs d’établissements de détention provinciaux d’imposer le port d’un bracelet électronique aux délinquants reconnus coupables de violence conjugale lors de leur remise en liberté.

J’aimerais saluer cette nouvelle loi qui fait du Québec un précurseur au Canada dans la lutte contre la violence conjugale et la septième juridiction au monde à se doter de ce type de programme de surveillance électronique. Il est à noter que déjà, 26 États américains appliquent depuis des années ce moyen de surveillance des hommes violents. Le bracelet électronique est un dispositif de plus en plus privilégié pour briser le cycle malsain et répétitif de la violence conjugale. Il permet de dresser un périmètre de sécurité entre un conjoint ou un ex-conjoint et sa victime. Si le conjoint ou l’ex-conjoint ne respecte pas le périmètre déterminé, un signal d’alerte de sécurité est envoyé simultanément à la victime et au corps policier. Cette approche présente deux avantages : éviter les homicides et prouver le non-respect des conditions.

Chers collègues, comme je l’ai déjà dit à de nombreuses occasions dans cette Chambre, la violence conjugale est un drame qui touche des milliers de femmes au Canada, et le nombre record de féminicides que nous enregistrons depuis des années fait du Canada l’un des pays les plus touchés par ce fléau. Malgré les rapports que Statistique Canada produit annuellement sur la violence conjugale, malgré les mémoires de l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation et malgré les témoignages des victimes que nous lisons régulièrement dans les médias, pourquoi est-ce si difficile pour notre gouvernement et pour ce Parlement de proposer et d’adopter cette mesure moderne et efficace sur le plan technique — le bracelet électronique — pour empêcher ces meurtres?

Il est grand temps que nous adoptions, comme le Québec, des mesures concrètes pour protéger ces femmes et ces enfants qui doivent fuir leur domicile, quitter leur emploi et se cacher dans des centres d’hébergement pour échapper à la mort. En tant que parlementaires, nous avons un devoir et une responsabilité morale et collective envers nos concitoyennes d’agir aujourd’hui pour mettre un terme aux tentatives de meurtre qui se produisent quotidiennement au Canada et aux meurtres commis tous les deux jours.

(1410)

Avec les bracelets électroniques, les féminicides au Canada pourraient être réduits de moitié. C’est pour cette raison que j’ai demandé au Sénat d’envoyer mon projet de loi S-205 au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, afin de sauver le plus de vies possible.

Au moment où je vous livre ce message, une femme a été assassinée au Canada.

Merci.

[Traduction]

L’Union interparlementaire

La Déclaration de Nusa Dua

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, la semaine dernière, l’Union interparlementaire a tenu sa 144e Assemblée à Nusa Dua, en Indonésie, qui a réuni 110 parlements nationaux autour du thème « Objectif zéro : mobiliser les parlements pour agir face aux changements climatiques. »

D’une seule voix, l’Union interparlementaire a adopté la Déclaration de Nusa Dua reconnaissant le besoin urgent de résoudre la crise climatique. La déclaration souligne les mesures à prendre par les Parlements au niveau national pour respecter l’Accord de Paris, notamment l’accélération de la transition vers les énergies propres, en veillant à l’inclusion des groupes marginalisés de la société et en promouvant la coopération autour de solutions climatiques conjointes.

Je cite M. Duarte Pacheco, député du Parlement du Portugal et président de l’Union interparlementaire :

Nous devons agir sans attendre. Le temps presse. Des scientifiques et des chercheurs du monde entier ont recueilli des données sur ce qui a été qualifié de recueil de la souffrance humaine et d’accusation accablante envers l’échec des dirigeants dans la lutte contre les changements climatiques. La 144e Assemblée doit mobiliser chacun et chacune d’entre nous. Nous devons montrer l’exemple et prendre des mesures fortes avant qu’il ne soit trop tard. Chers collègues, ne décevons pas nos citoyens et la jeune génération qui nous ont accordé leur confiance.

Chers collègues, je fais écho à cet appel. Comment pouvons-nous entendre les scientifiques, les citoyens et les vrais leaders partout dans le monde qui nous mettent en garde d’une seule voix contre les catastrophes imminentes et irréversibles et faire si peu, ou pire, faire obstacle à des mesures efficaces et nécessaires pour lutter contre le changement climatique et protéger les Canadiens?

Le Sénat a entrepris d’importantes initiatives pour contrer la crise climatique et réduire sa propre empreinte carbone. Je vous invite tous à vous joindre à l’Union interparlementaire, dont vous faites certainement partie, et à vos collègues parlementaires du reste de la planète afin de non seulement promouvoir, mais aussi mettre en œuvre des mesures concrètes de lutte aux changements climatiques par l’entremise de ces initiatives et de bien d’autres.

Les Canadiens implorent le Parlement d’être un vecteur de changement, de vraiment faire preuve de leadership et de servir de modèle.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Salma Ataullahjan

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour féliciter ma collègue et bonne amie la sénatrice Salma Ataullahjan, qui a reçu un des prix du mérite civique les plus prestigieux du Pakistan, le prix Sitara-e-Pakistan. Les lauréats de ce prix sont reconnus pour leur contribution à la société et à la culture pakistanaises, ainsi qu’à la promotion de la paix dans le monde.

La sénatrice Ataullahjan a collaboré à des programmes sur la polio, les réfugiés et les femmes parlementaires. Elle s’est aussi rendue sur place lorsque des inondations ont ravagé sa province d’origine. Le Canada a participé au programme de rétablissement.

On a décerné le prestigieux prix Sitara-e-Pakistan à la sénatrice Ataullahjan le 14 août 2020, mais, à cause de la pandémie, elle n’a pu se rendre en personne au Pakistan pour le recevoir le Jour de la résolution du Pakistan.

Le matin du 23 mars dernier, le sénateur Ravalia et moi nous sommes fièrement joints à elle au Haut-Commissariat du Pakistan à Ottawa pour la cérémonie de remise de ce prix. C’était un honneur d’être présent pour féliciter la sénatrice Ataullahjan de ses importantes contributions en matière de diplomatie internationale, de secours à la suite de catastrophes naturelles, d’aide humanitaire et de promotion des relations canado-pakistanaises.

Chers collègues, veuillez vous joindre à moi pour féliciter la sénatrice Ataullahjan de ses réalisations dignes de mention en Asie du Sud.

Merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Règlement, procédure et droits du Parlement

Présentation du premier rapport du comité

L’honorable Diane Bellemare, présidente du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, présente le rapport suivant :

Le mardi 29 mars 2022

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a l’honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Conformément à l’article 12-7(2)a) du Règlement, votre comité recommande que le Règlement du Sénat soit modifié :

1.par modification de la désignation numérique actuelle des articles 2-4(1) à 2-4(3) du Règlement pour les articles 2-4(5) à 2-4(7), et par adjonction des nouveaux articles 2-4(1) à 2-4(4) suivants :

« Élection du Président intérimaire

2-4. (1) À l’ouverture de la première session d’une législature et chaque fois que le poste devient vacant durant les sessions de cette même législature, un scrutin secret est tenu en vue d’élire le Président intérimaire; si plus de deux sénateurs se portent candidats, le mode de scrutin préférentiel est appliqué.

Processus d’élection

2-4. (2) Dans les cinq premiers jours de séance d’une législature et, ensuite, dans les cinq premiers jours de séance après que le poste de Président intérimaire devient vacant durant la législature, le Président, après consultation du leader du gouvernement, du leader de l’opposition et du leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, informe le Sénat du processus à suivre pour se porter candidat et pour la tenue du scrutin.

Durée du mandat du Président intérimaire

2-4. (3) Une fois qu’il a été élu par le Sénat, le Président intérimaire occupe sa charge pour la durée de la session.

Sessions subséquentes

2-4. (4) À l’ouverture d’une session subséquente de la même législature, si le sénateur qui assumait la présidence intérimaire au moment de la prorogation de la session précédente est toujours en fonction, une motion portant nomination de celui-ci au poste de Président intérimaire est proposée, appuyée et adoptée d’office, sans débat ni vote, immédiatement après le compte rendu du discours du Trône par le Président et les travaux qui en découlent. »;

2.par suppression de l’article 12-2(1) du Règlement, et par modification de la désignation numérique actuelle des articles 12-2(2) à 12-2(6) du Règlement en conséquence;

3.en mettant à jour tous les renvois dans le Règlement, y compris les listes de dispositions contraires.

Votre comité note également que tout système établi en vertu de ces nouveaux articles du Règlement doit garantir que la confidentialité de tous les bulletins de vote des sénateurs, tel que prévu dans le nouvel article 2-4(1) du Règlement, est pleinement respectée.

Respectueusement soumis,

La présidente,

DIANE BELLEMARE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée nationale de la jupe à rubans

Présentation du deuxième rapport du Comité des peuples autochtones

L’honorable Brian Francis, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le mardi 29 mars 2022

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l’honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-219, Loi concernant la Journée nationale de la jupe à rubans, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 9 décembre 2021, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

BRIAN FRANCIS

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 390-1.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice McCallum, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

L’Association parlementaire Canada-Europe

La première partie de la session ordinaire de 2022 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue du 24 au 28 janvier 2022—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la première partie de la Session ordinaire de 2022 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue par vidéoconférence, du 24 au 28 janvier 2022.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

La taxe d’accise sur l’alcool

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

En 2017, le gouvernement Trudeau a imposé une taxe annuelle automatique avec indexation sur la bière, le vin et les spiritueux. Ainsi, le gouvernement voit ses recettes fiscales augmenter année après année sans examen parlementaire ni reddition de comptes ministérielle. Les représentants du ministère des Finances de l’époque avaient avoué au Comité sénatorial des finances nationales que le gouvernement Trudeau n’avait pas chiffré l’incidence de la nouvelle taxe, sous prétexte que le changement serait trop peu important pour qu’il y ait un impact.

La réponse à une question inscrite au Feuilleton du Sénat nous permet de savoir que, durant les trois premières années suivant son entrée en vigueur, cette taxe a généré des recettes supérieures à 5,5 milliards de dollars, y compris plus de 1,8 milliard de dollars seulement pour l’exercice 2019-2020, monsieur le leader du gouvernement.

La prochaine augmentation de cette taxe d’accise entrera en vigueur le vendredi 1er avril, et ce n’est pas un poisson d’avril. Monsieur le leader, votre gouvernement abolira-t-il cette taxe?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas de réponse à vous fournir pour l’instant, mais j’imagine que nous connaîtrons la réponse la semaine prochaine. Si j’obtiens l’information plus tôt, je vous en ferai part avec empressement.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, la hausse annuelle de la taxe avec indexation sur l’alcool est liée à l’indice des prix à la consommation et, comme le savent les Canadiens, le taux d’inflation atteint des sommets depuis un an. En février, l’inflation annuelle était de 5,7 %, le taux le plus élevé au Canada depuis plus de 30 ans.

Pour les producteurs de raisins, de houblon et de céréales, les vignobles, les brasseurs, les distilleries artisanales, les bars, les restaurants et l’ensemble du secteur du tourisme et de l’hôtellerie, les deux dernières années ont été difficiles. Ils ont traversé une crise existentielle. En quoi la hausse de la taxe avec indexation sur l’alcool le 1er avril les aidera-t-elle à survivre et à demeurer concurrentiels dans ce contexte difficile? En quoi aide-t-elle les Canadiens qui doivent payer toujours plus cher pour tenter de survivre? À qui profite cette hausse de taxe, mis à part la coalition néo-démocrate—libérale qui aime taxer et dépenser?

Le sénateur Gold : Les taxes et impôts que nous payons en tant que Canadiens profitent à l’ensemble de la collectivité. Ils ont notamment permis au gouvernement, avec l’appui de tous les partis à la Chambre et au Sénat, d’aider les Canadiens à traverser ces deux années très difficiles, une aide dont ont aussi bénéficié le secteur de l’hôtellerie et les autres secteurs que vous avez mentionnés.

[Français]

La justice

Le jugement de la Cour d’appel fédérale en matière de langues officielles

L’honorable Rose-May Poirier : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, en janvier dernier, la Cour d’appel fédérale a rendu un jugement historique en appuyant les francophones de la Colombie-Britannique pour redonner toute sa force à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Cependant, le gouvernement n’appuie pas ce jugement et demande que la décision soit suspendue. Au lieu, le gouvernement libéral veut traîner les francophones en cour pour contester la décision. Ce jugement sur la partie VII touche tous les francophones en situation minoritaire au Canada.

Pourquoi le gouvernement a-t-il l’intention d’abandonner les francophones au lieu de les appuyer dans le cadre de ce gain historique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question qui vise à souligner l’importance de la Loi sur les langues officielles.

Avec respect, chère collègue, il ne s’agit pas du tout d’abandonner des francophones hors Québec ou même au Québec. Le fait saillant à souligner, c’est que cette décision de la Cour d’appel fédérale a potentiellement un effet sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il est tout à fait normal que le gouvernement réfléchisse à sa position face à ce jugement.

La sénatrice Poirier : Sénateur Gold, non seulement le gouvernement fédéral veut-il amener des francophones en cour, mais il veut également suspendre le jugement rendu en janvier dernier. Les francophones doivent remercier le juge Noël d’avoir protégé une partie de leurs gains en refusant la demande de suspension. C’est là un autre exemple d’un gouvernement qui dit de belles paroles, mais qui ne les tient pas lorsqu’il est temps d’agir.

Le projet de loi C-13 prévoit l’adoption de plusieurs règlements. Que le gouvernement interjette appel de la décision ou non, comment les francophones peuvent-ils faire confiance au gouvernement pour qu’il agisse de bonne foi?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Le projet de loi C-13 que nous attendons avec intérêt, voire avec impatience, ici au Sénat, représente un très grand pas en avant pour tous ceux et celles qui se trouvent en situation minoritaire, les francophones hors Québec comme les anglophones au Québec. Nous attendons avec intérêt l’étude approfondie que les sénateurs en feront. À ce moment-là, toutes les questions seront examinées.

L’honorable René Cormier : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle fait suite aux questions de la sénatrice Poirier, que je remercie pour son engagement à l’égard des langues officielles.

Sénateur Gold, pour reprendre les mots de la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Mme Liane Roy, je suis absolument abasourdi d’apprendre que le gouvernement fédéral compte faire appel, devant la Cour suprême du Canada, de la décision Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social) que la Cour d’appel fédérale a rendue le 28 janvier dernier.

Le commissaire aux langues officielles, M. Raymond Théberge, avait notamment qualifié cette décision de la Cour d’appel fédérale d’historique, car elle redonnait fondamentalement, et je cite :

[…] toute sa force à la partie VII de la Loi sur les langues officielles et permettait de favoriser concrètement l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et d’appuyer leur développement de façon continue.

Or, comme l’a rappelé la sénatrice Poirier, vendredi dernier le ministre Lametti a confirmé que le gouvernement n’était pas d’accord avec certains aspects de la décision de la Cour d’appel fédérale tout en réaffirmant l’engagement de renforcer la Loi sur les langues officielles grâce au projet de loi C-13.

En guise de clarification, pouvez-vous énumérer dans cette enceinte, pour nous tous et pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les aspects de la décision de la Cour d’appel fédérale qui posent problème au gouvernement du Canada?

Le sénateur Gold : Je vous remercie, cher collègue, de votre question.

Comme vous le savez, le gouvernement a songé à l’effet qu’aura cette décision sur l’importante modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il s’agit d’une pratique cohérente avec le pouvoir législatif qui incombe au gouvernement.

On m’a informé que le ministre de la Justice a pris connaissance de l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale rendue vendredi dernier et qu’il prend le temps de la réviser afin d’évaluer les prochaines étapes.

(1430)

Le sénateur Cormier : Merci de votre réponse, sénateur Gold, même si je ne suis pas certain d’en saisir le sens.

Les efforts pour interjeter appel de la décision de la Cour d’appel fédérale devant la Cour suprême du Canada ne risquent-ils pas d’avoir une incidence très négative sur le développement et l’épanouissement de la communauté francophone de la Colombie-Britannique, qui n’a plus de centre de services d’aide à l’emploi pour les francophones depuis 11 ans, et pour les autres communautés linguistiques en situation minoritaire, et de contrecarrer les étapes du processus législatif entourant le projet de loi C-13?

Comment le gouvernement entend-il rassurer les communautés et les parlementaires que nous sommes face à une décision qui semble manifestement révéler un manque de concertation entre la ministre responsable de la Loi sur les langues officielles, le ministre de la Justice et la ministre de l’Emploi et du Développement de la main‑d’œuvre? Veuillez excuser mon impatience.

Le sénateur Gold : Je comprends votre passion et votre engagement. Je ne peux pas commenter la question de la concertation entre les ministres. Par contre, je peux dire que le gouvernement du Canada est fermement engagé envers la promotion et la protection des langues officielles. Le gouvernement sait très bien que les mesures positives en cause dans cet enjeu sont essentielles à la vitalité de nos communautés francophones en situation minoritaire.

On m’assure que le gouvernement demeure engagé dans la réforme visant à moderniser la Loi sur les langues officielles et ses instruments connexes, notamment les règlements qui donneront suite aux consultations que la ministre entend entamer dans les plus brefs délais, lorsque la loi aura reçu, espérons-le, la sanction royale.

Le développement international

Le budget accordé à l’aide au développement

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, dernièrement, beaucoup d’attention a été portée à l’engagement des pays de l’OTAN de consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. Cependant, il semblerait que personne ne soulève notre engagement humanitaire à l’ONU, soit de verser 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement.

La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement avait d’ailleurs proposé, en 1968, l’objectif de 1 % des revenus des pays donateurs. Bref, il s’agissait de 1 % du revenu national brut pour la section humanitaire et de 2 % du PIB pour le volet militaire.

En 2020, le Canada atteignait 46 % de son objectif d’aide au développement et 71 % de son objectif en matière de défense.

Alors que les civils continuent d’être les premières victimes en surnombre des conflits armés, le Canada ne devrait-il pas revoir à la hausse et peut-être même viser la parité entre ses dépenses militaires et ses dépenses humanitaires?

Sinon, est-ce que le gouvernement peut au moins respecter ses engagements actuels en matière d’aide au développement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le gouvernement s’est engagé à améliorer l’efficacité de l’aide afin de générer les meilleurs résultats possible pour les plus pauvres et les plus vulnérables tout en mobilisant des fonds supplémentaires pour le développement durable.

Le Canada, chers collègues, est le huitième plus grand donateur au monde, et le gouvernement s’est engagé à continuer d’investir davantage dans le développement international.

Dans le budget de 2021, le gouvernement du Canada a annoncé plus de 1 milliard de dollars en fonds nouveaux et renouvelés pour l’aide internationale, dont 375 millions de dollars pour répondre à la COVID-19.

Depuis 2020, le Canada a consacré plus de 2,7 milliards de dollars à l’aide internationale, dont près de 1 milliard de dollars aux nouvelles ressources. Le ratio de l’aide publique au développement et du revenu national brut du Canada a augmenté de 8 %, atteignant le niveau le plus élevé depuis près d’une décennie.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

L’accueil d’étudiants ukrainiens

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Merci, sénateur Gold. L’objet de ma première question était que, au moyen de sommes plus importantes allouées à l’aide au développement, nous pourrions avoir les moyens d’aller chercher la majorité des civils fuyant la guerre. Ottawa a convenu de prolonger la durée des séjours d’urgence à trois ans pour les Ukrainiens fuyant la guerre et de faciliter leur employabilité au Canada.

Grâce aux efforts de l’Association afro-canadienne d’Ottawa, plus de 1 200 étudiants sont maintenant en position de poursuivre leurs études. Selon M. Boulou Ebanda de B’béri, professeur et conseiller spécial, antiracisme et excellence en matière d’inclusion de l’Université d’Ottawa, le plus gros défi consiste à les faire accepter par Immigration Canada. Il a écrit au premier ministre Justin Trudeau pour que les étudiants noirs venant de l’Ukraine puissent profiter de programmes d’accueil accélérés mis en œuvre pour les Ukrainiens.

Est-ce que le gouvernement compte acquiescer à cette demande?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question.

On m’avise que le gouvernement se penche actuellement sur les détails de ces programmes, incluant les critères d’admissibilité pour les résidants de l’Ukraine, en plus des détenteurs d’un passeport ukrainien.

[Traduction]

La santé

La preuve de vaccination—Les voyages à l’étranger

L’honorable Jane Cordy : Sénateur Gold, la semaine dernière, j’ai reçu votre réponse — ou je suppose, la réponse du ministre — aux questions que j’avais posées le 25 novembre et le 15 décembre pour obtenir des éclaircissements sur les exigences de vaccination pour les voyages à l’étranger. Nous savons, et vous l’avez répété dans votre réponse à mes questions, que le gouvernement du Canada a fait passer ses conseils de santé aux voyageurs du niveau 3 au niveau 2. Cela signifie que le gouvernement ne recommandera plus aux Canadiens d’éviter les voyages à des fins non essentielles.

Maintenant que le gouvernement lève ses recommandations et que le temps chaud arrive, les Canadiens recommencent à planifier des voyages. Toutefois, les inquiétudes et incertitudes que j’ai soulevées dans mes questions antérieures subsistent, à savoir quelles sont les exigences vaccinales et quels types de vaccins seront acceptés dans d’autres pays. Je m’interrogeais tout particulièrement sur les vaccins mixtes.

Je comprends parfaitement que, tel qu’il a été énoncé dans la réponse que le ministre ou vous avez fournie la semaine dernière, chaque pays a le droit souverain de déterminer les restrictions d’entrée qu’il imposera et les mesures frontalières qu’il adoptera. Toutefois, dans la même réponse, on m’a dit de manière assez vague que le « Canada a réussi à persuader d’autres pays de reconnaître les Canadiens qui ont reçu des calendriers de vaccination mixtes comme étant pleinement vaccinés ».

Sénateur Gold, quels sont ces pays que le Canada à réussi à persuader? Le gouvernement du Canada mettra-t-il cette information à la portée du public?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. C’est une question légitime. Je ne sais pas avec quels pays le gouvernement du Canada a dialogué ou lesquels il a réussi à persuader. Franchement, je ne sais pas non plus si cette liste sera publiée, mise à jour ou les deux. Je me renseignerai, et j’espère pouvoir vous fournir une réponse le plus rapidement possible.

La sénatrice Cordy : Merci, sénateur Gold. Je citerai une ou deux autres phrases provenant des réponses différées :

Le gouvernement du Canada respecte le droit souverain des autres pays de décider de leurs restrictions de voyage et de leurs mesures frontalières et continuera de surveiller la situation et de fournir aux Canadiens des conseils de voyage à jour.

Nous reconnaissons tous que chaque pays a la responsabilité et le droit de prendre ses propres décisions, mais il est un peu facile de demander aux Canadiens de contacter le pays où ils se rendent, car ils cherchent d’abord une réponse auprès de leur propre gouvernement. Si je devais voyager, j’irais sur le site du gouvernement du Canada avant de me rendre sur le site du pays où je me rends.

Si le gouvernement avance qu’il est parvenu à des négociations avec d’autres pays, il devrait être en mesure de rendre ces informations publiques.

J’aimerais vous demander de bien vouloir rappeler au gouvernement que les renseignements sur les déplacements et les exigences vaccinales doivent être faciles à comprendre et à trouver sur le site Web du gouvernement du Canada.

Le sénateur Gold : Je le ferai très certainement. Merci.

Le Conseil privé

La politique sur l’embauche des anciens combattants libérés pour des raisons médicales

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, il y a un certain nombre d’années, comme vous le savez, le gouvernement du Canada a mis en place une politique visant à accorder la priorité d’embauche dans la fonction publique aux anciens combattants qualifiés libérés pour des raisons médicales. Il s’agit des hommes et des femmes qui ont été blessés durant leur service dans les Forces armées canadiennes et qui ne peuvent plus rester dans l’armée en raison de leurs blessures.

On nous a rapporté un problème. En dehors du ministère de la Défense nationale et celui des Anciens Combattants, très peu de ministères embauchent ces vétérans qualifiés.

(1440)

Les groupes d’anciens combattants voulaient savoir si la situation s’améliore et si un plus grand nombre de ministères embauchent ces anciens combattants qualifiés pour que ces derniers puissent continuer de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Or, la question écrite que j’ai soumise en leur nom figure au Feuilleton depuis plus de deux ans et toujours aucune réponse n’a été fournie. Le sénateur Gold pourrait-il me dire quand les anciens combattants obtiendront réponse à leur question?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Au risque de susciter une autre série de réactions enthousiastes, je vais certainement me renseigner, sénateur, et tenter de vous donner une réponse dans les plus brefs délais.

Le sénateur Downe : Je vous en remercie, sénateur Gold, mais étant donné que le gouvernement a déclaré publiquement que « les renseignements du gouvernement devraient être accessibles par défaut », que croyez-vous que je devrais dire à ces groupes d’anciens combattants concernant le refus du gouvernement de divulguer le moindre renseignement en réponse à une question écrite qui est inscrite au Feuilleton du Sénat depuis février 2020?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Sénateur Downe, vous avez à cœur ce dossier, et nous nous attendons à ce que vous n’en démordiez pas.

[Français]

La sécurité publique

Les services de santé mentale

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Sénateur Gold, le 15 mars dernier, à Pointe-aux-Trembles, une fillette de 10 ans a été violemment agressée par un homme souffrant de troubles de santé mentale. Cette jeune fille sortait de l’école et un agresseur l’a jetée par terre et l’a rouée de coups de poing et de coups de pied. Elle est toujours hospitalisée et souffre d’un sévère choc nerveux.

La nuit, à Montréal, deux interpellations sur trois touchent des personnes qui souffrent de maladie mentale. Depuis 20 ans, je milite pour faire en sorte que ces gens ne soient ni incarcérés ni hospitalisés, mais qu’ils soient pris en charge par leur milieu au moyen d’un financement adéquat.

Par exemple, en 2008, le gouvernement conservateur avait créé le programme At Home/Chez Soi , qui a donné de très bons résultats. En 2019, le gouvernement Trudeau a créé un programme semblable qui s’adresse strictement aux sans-abri. Depuis 2015, quels programmes et quel financement le gouvernement de Justin Trudeau a-t-il mis en place pour s’occuper des gens qui souffrent de problèmes de santé mentale et qui errent dans les rues des grandes villes canadiennes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette question. Pour le moment, je n’ai pas de détails, mais je ferai les recherches et je vous reviendrai avec une réponse.

J’aimerais ajouter que le gouvernement du Canada travaille en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et participe au financement dans le domaine de la santé mentale, et qu’il continuera de le faire.

Le sénateur Boisvenu : Vous savez que la pandémie a amplifié les problèmes de santé mentale. Il y a 9 millions de Canadiens qui vont souffrir de troubles mentaux au cours de leur vie et en 2017, tout près de 5,5 millions de Canadiens ont obtenu des services en matière de santé mentale; en 2020, ce nombre atteignait 6 millions.

Le gouvernement du Canada envisage-t-il de remettre en place des programmes comme At Home/Chez Soi, qui a permis d’éliminer 90 % de la réincarcération des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale et qui s’autofinançait à même ces réductions? Le gouvernement va-t-il s’engager à remettre en place ce programme qui donnait de très bons résultats?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question et de souligner l’importance de cet enjeu que vous avez bien décrit.

Comme je l’ai dit, le gouvernement va continuer à travailler avec les provinces et les territoires qui ont compétence exclusive sur ces questions et il continuera à financer et à mettre en place les programmes nécessaires pour apporter de l’aide et des soins aux personnes qui souffrent de maladie mentale.

La défense nationale

Les achats d’aéronefs

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, il y a bientôt 12 ans, le gouvernement Harper décidait d’aller de l’avant avec l’achat d’avions de chasse F-35, alors que l’actuel premier ministre — libéral ou néo-démocrate, on ne sait trop — avait dit qu’il n’achèterait pas ces avions de chasse. Il a dit aux Canadiens et Canadiennes qu’ils ne fonctionnaient pas et qu’ils étaient loin de pouvoir fonctionner.

Or, hier, le premier ministre libéral ou néo-démocrate a finalement annoncé son intention de s’engager non pas à en faire l’achat, mais à une négociation avec Lockheed Martin visant l’acquisition du F-35. Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, le gouvernement allemand a immédiatement pris des mesures pour bonifier son budget consacré à la défense et faire l’acquisition de chasseurs F-35 pour sa force aérienne.

D’autres pays l’ont fait également : les Britanniques, les Américains, les Belges, les Norvégiens, les Italiens, les Japonais, les Polonais et les Danois. Encore une fois, notre premier ministre n’a pas décidé de les acheter, il a plutôt choisi de négocier pour les acheter.

Monsieur le leader, alors que la guerre fait rage en Europe depuis plus d’un mois, pourquoi votre gouvernement ne peut-il pas confirmer qu’il a fait une erreur en suspendant l’achat, en attendant 12 ans avant de commencer à négocier l’achat des F-35? On entend de plus en plus une blague que je déteste, à savoir que nous n’avons pas de forces armées, nous avons des forces désarmées.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement du Canada est heureux d’en être arrivé à cette étape. Au bénéfice de ceux et celles qui n’ont pas suivi de près l’histoire du F-35, vous avez oublié de mentionner que, lorsque la décision a été prise en 2010 par le gouvernement minoritaire dirigé par Stephen Harper, cela avait été fait sans appel d’offres. Par la suite, il y a eu une motion de censure au Parlement pour le manque de transparence de ce gouvernement relativement à cette question, et ce, même à la suite de l’élection du gouvernement majoritaire; le projet a été abandonné.

Le gouvernement du Canada a mis en place un processus ouvert et transparent et une recommandation a été faite pour poursuivre les discussions avec la compagnie Lockheed Martin. Je crois qu’aujourd’hui, nous avons un processus approprié et transparent pour faire en sorte que nos militaires auront les outils nécessaires non seulement pour protéger notre souveraineté, ici et dans le Nord, mais aussi pour contribuer à la défense des intérêts des pays démocratiques autour du monde.

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, sept ans plus tard, avec un processus supposément transparent, on arrive aux mêmes achats, mais avec sept ans de retard et une augmentation substantielle des coûts, et avec un déficit d’utilisation, au point d’être obligés d’acheter des F-18 usagés de l’Australie, qui n’étaient plus bons pour les Australiens, mais que nous avons rafistolés pour les utiliser.

Après la réponse que vous nous avez donnée, pouvez-vous nous dire pourquoi le gouvernement décide de continuer à négocier avec Lockheed Martin et pourquoi il ne passe pas la commande immédiatement pour essayer de sauver les meubles et de minimiser les dommages qui ont été occasionnés par votre gouvernement?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je remercie mon collègue de la question. Je répète que le processus qui a été mis en place, soit un processus ouvert, transparent et approprié dans un tel contexte, comprend des étapes; nous en sommes arrivés à une certaine étape et nous allons continuer le processus jusqu’à la fin.

(1450)

[Traduction]

Les affaires étrangères

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires des Nations unies

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, ma question est complémentaire à une question posée précédemment et vise à savoir si le Canada entend continuer de refuser l’invitation permanente qui lui a été faite pour l’envoi d’observateurs à la première réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires des Nations unies, qui se déroulera en Autriche en juin prochain. Sénateur Gold, la semaine dernière, Bob Rae, l’ambassadeur du Canada aux Nations unies à New York, a écrit au sujet de la guerre du président Poutine contre l’Ukraine qu’il existait :

[...] un droit de veto encore plus important, celui détenu par le nombre restreint de pays qui possèdent des armes de destruction massive, ce qui a un effet sur la façon dont les choses se déroulent dans « le vrai monde ».

Il a ajouté :

La fin de l’hégémonie nucléaire a engendré une impasse bien plus significative qu’un vote au Conseil de sécurité et cette impasse est au cœur de la difficulté actuelle de répondre à l’agression menée présentement par le président russe Vladimir Poutine.

Sénateur Gold, pourriez-vous faire un suivi auprès du gouvernement et demander si le Canada se joindra à d’autres pays de l’OTAN, dont la Norvège, pour l’envoi d’observateurs à Vienne dans le cadre de la première réunion des États parties au traité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. J’ai déjà posé des questions à ce sujet, mais je ferai assurément un suivi afin de vous revenir rapidement, je l’espère, avec une réponse.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Marco E. L. Mendicino, c.p., député, ministre de la Sécurité publique, aura lieu le mercredi 30 mars 2022, à la fin des affaires courantes ou à 14 h 30, selon la dernière éventualité.

[Français]

Projet de loi de crédits no 5 pour 2021-2022

Deuxième lecture

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-15, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour vous présenter la loi de crédits liée au Budget supplémentaire des dépenses (C).

Je vous communiquerai l’essentiel de mes remarques lorsque je prendrai la parole sur ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture.

[Traduction]

Entre temps, je voudrais remercier les membres du Comité des finances nationales pour leur important travail d’examen du Budget supplémentaire des dépenses (C) pour 2021-2022.

[Français]

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi de crédits no 1 pour 2022-2023

Deuxième lecture

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-16, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de vous présenter la Loi de crédits nº 1 pour 2022-2023, le projet de loi de crédits provisoires du gouvernement.

[Traduction]

Je m’exprimerai longuement sur ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture.

L’honorable Denise Batters : Merci, sénatrice Gagné. Je vous aurais posé la question avant, mais les choses se sont déroulées un peu trop vite. À combien s’élèvent les montants prévus dans ces deux projets de loi de crédits, les projets de loi C-15 et C-16?

La sénatrice Gagné : Permettez-moi de consulter mes notes. Je ne m’attendais pas à des questions à ce stade-ci.

Je n’ai pas tous les chiffres en tête. Le Budget supplémentaire des dépenses (C) comprend 13,2 milliards de dollars de dépenses votées pour 70 organisations, et 3,9 milliards de dollars de dépenses législatives. C’était le Budget supplémentaire des dépenses.

Pour ce qui est des crédits provisoires, le Budget principal des dépenses renfermait des renseignements sur 397,6 milliards de dollars de dépenses proposées pour 126 organisations, dont 190,3 milliards de dollars de dépenses votées et 207,3 milliards de dollars de dépenses législatives.

Dans le cadre de ce projet de loi de crédits provisoires, nous demandons au Parlement d’approuver 75,5 milliards de dollars de dépenses budgétaires.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Motion tendant à autoriser les séances hybrides jusqu’au 30 avril 2022—Ajournement du débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 24 mars 2022, propose :

Que les dispositions de l’ordre du 25 novembre 2021 concernant les séances hybrides du Sénat et des comités, et d’autres questions, soient prolongées jusqu’à la fin de la journée le 30 avril 2022;

Que le Sénat s’engage à considérer une transition vers un retour aux séances en personne dès que possible à la lumière de tous les facteurs pertinents, y compris les lignes directrices en matière de santé publique, ainsi que la sécurité et le bien‑être de tout le personnel parlementaire;

Que toute prolongation ultérieure de cet ordre ne soit effectuée qu’après consultation avec les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi concernant la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi concernant la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada.

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui, à titre de porte-parole, au sujet du projet de loi S-208, Loi concernant la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada. D’entrée de jeu, je félicite la sénatrice Bovey d’avoir présenté une mesure législative si complète et si ambitieuse.

Comme certains d’entre vous le savent peut-être, la peinture est l’un de mes passe-temps. C’est une activité qui me tient à cœur car elle me permet d’exprimer ma créativité tout en m’apportant la sérénité dont j’ai grandement besoin en cette période très chaotique.

(1500)

Compte tenu de la conjoncture économique, où les familles canadiennes peinent à joindre les deux bouts à cause de l’augmentation des prix, je ne peux m’empêcher de me préoccuper pour les esprits créatifs du pays. Comment les artistes peuvent-ils s’épanouir, alors qu’il semble que nous n’avons fait que survivre depuis deux ans? Le bureau de la sénatrice Bovey a rencontré plus de 600 artistes de tout le pays pour mieux comprendre leur réalité. Les groupes de réflexion formés de jeunes ont révélé que les jeunes Canadiens ne considèrent pas les arts comme un avenir viable et qu’ils ont abandonné les moyens traditionnels de financer leur travail.

Les artistes ont toujours compté sur le travail à la demande et les subventions pour joindre les deux bouts. Cela veut dire, par exemple, qu’un violoniste de formation classique qui peaufine son art depuis l’âge de quatre ans au prix de grands sacrifices et qui a obtenu un diplôme en musique d’une université reconnue divise normalement son temps entre les concerts donnés par un orchestre professionnel local, les cours particuliers offerts pendant la semaine et les contrats avec son ensemble pour des mariages, la fin de semaine. Encore faut-il qu’il ait de la chance. L’équilibre travail-vie privée est pour ainsi dire inexistant, et beaucoup d’artistes cumulent les emplois au salaire minimum pour joindre les deux bouts. Ils peuvent aussi passer des mois à préparer des demandes de subvention au Conseil des arts du Canada, mais le rendement du temps investi n’est jamais assuré. Il va sans dire que beaucoup changent de carrière en cours de route.

Ceux qui n’ont pas eu le privilège de recevoir une éducation formelle sont souvent ignorés, car le domaine des arts, comme beaucoup d’autres domaines de la société, a ses défenseurs qui cherchent à promouvoir l’excellence. Cela me rappelle la quête des artistes naïfs — connus pour ne pas accepter ou posséder l’expertise conventionnelle dans la représentation d’objets réels — qui peuvent ne pas maîtriser les méthodes formelles reconnues.

De nos jours, les esprits créatifs se tournent vers les médias sociaux pour gagner en visibilité et peut-être obtenir du financement de la part d’admirateurs ou de parrains. Certains créateurs canadiens ont véritablement réussi à briller en ligne au plus fort de la pandémie. C’est le cas de l’interprète de chant guttural Shina Novalinga, qui se sert de TikTok pour faire connaître des aspects de sa vie et de sa culture autochtone, grâce à des duos de chant guttural avec sa mère, au tressage traditionnel des cheveux et à la cuisine. Malheureusement, les plateformes de médias sociaux comme YouTube et TikTok peuvent diffuser le contenu des utilisateurs sans leur en attribuer le mérite ou les rémunérer. Selon moi, cela prouve que le gouvernement néglige les artistes canadiens.

Avant le congé d’hiver, j’ai parlé de la crise en Afghanistan et de la disparition de nombreuses formes d’art et de culture. J’ai encore un pincement au cœur quand je pense à des musiciens qui ont enterré leurs instruments, à des artistes qui ont abandonné leurs œuvres avant de fuir le pays, et à la persécution que vivront les gens qui sont restés, simplement parce qu’ils ne peuvent pas s’empêcher d’exprimer les mélodies qui sont le fondement de leur culture. Les vidéos montrant des talibans fracassant des instruments de musique devant des artistes étaient bien difficiles à regarder.

Au Canada, nous avons la chance d’avoir la liberté d’expression, mais notre société n’est pas bâtie pour prendre soin de ceux qui ont continué à nous faire rire pendant la pandémie, à nous faire danser dans nos cuisines, ou à nous permettre de nous évader dans un autre monde quand la réalité était trop dure. Certains artisans du milieu des arts de la scène tentent toujours tant bien que mal de gagner leur vie après la dernière flambée des cas causée par le variant Omicron. Comme l’a affirmé Arden R. Ryshpan, la directrice générale de la Canadian Actors’ Equity Association :

Juste au moment où nous pensions voir la lumière au bout du tunnel, il se trouve que cette lumière était un train qui fonçait sur nous.

Cela a mené à un exode de nombreuses personnes talentueuses du milieu artistique qui doivent occuper un emploi à temps partiel ou retourner aux études pour se recycler. À première vue, le projet de loi S-208 peut sembler trop ambitieux ou idéaliste. Cependant, l’essentiel de ce projet de loi consiste simplement à exiger du gouvernement qu’il tienne compte du milieu artistique dans le cadre de ses activités. Nous avons déjà parlé de l’importance de se fonder sur une analyse comparative entre les sexes plus pour que nos travaux tiennent compte de l’équité entre les sexes et de la diversité. D’ailleurs, en 1995, le gouvernement du Canada s’est engagé à se fonder sur cette analyse pour promouvoir l’équité entre les sexes au Canada, mais il n’y a pas de mesures législatives pour obliger le recours à ce genre d’analyse lors de l’élaboration de politiques.

Contrairement à ce qu’on a fait à l’égard de l’analyse comparative entre les sexes plus, le projet de loi S-208 obligerait les législateurs à tenir compte du milieu artistique en exigeant que le ministre du Patrimoine établisse un plan d’action pour que la déclaration soit appliquée de manière à ce que l’on puisse reconnaître le rôle essentiel des arts dans la société, accroître l’accès aux manifestations artistiques, favoriser la participation à des activités artistiques, faire en sorte que les artistes au Canada puissent bénéficier davantage de leur art et qu’ils soient protégés contre l’appropriation culturelle, éliminer les obstacles pour les personnes handicapées et encourager les investissements.

Pour ce faire, le ministre du Patrimoine sera appelé à consulter des intervenants clés, dont les ministres responsables du Travail, des Relations Couronne-Autochtones, de la Justice et de la Santé, ainsi que d’autres organismes et artistes concernés. Le ministre devra aussi tenir une conférence avec des intervenants et des ministres pour établir un plan d’action.

Le projet de loi S-208 concerne aussi la reddition de comptes et la transparence du gouvernement. À la fin de chaque exercice, le ministre doit produire un rapport expliquant la mise en œuvre du plan d’action et les activités entreprises par le ministère pour atteindre les objectifs de la déclaration, qui sont définis dans le projet de loi. Cela assure une évolution constante du plan d’action en identifiant ses progrès et ses lacunes.

Je crois que le projet de loi S-208 a de la valeur, notamment parce qu’il invite les ministres à travailler ensemble, puisque, comme chacun le sait, le gouvernement est reconnu pour travailler en vase clos. J’ai hâte qu’on étudie le projet de loi au comité pour mieux comprendre la large portée attribuée au ministre du Patrimoine, ainsi que la manière dont il sera mis en œuvre.

La Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada porte sur des questions spécifiques qui nécessiteront à coup sûr une étude plus approfondie, comme l’appropriation culturelle. Je crois que cela accélérera la mise en œuvre de l’article 11 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et j’espère que cette protection sera accordée à tous les artistes canadiens marginalisés. En outre, je me préoccupe de la consultation constante des artistes, qui sont déjà confrontés à la sous-évaluation de leur travail et de leur temps. À ce jour, certains mécènes continuent d’offrir de l’exposition plutôt qu’une rémunération adéquate aux artistes émergents.

Honorables sénateurs, bien que nous puissions ne pas tous parler la même langue, célébrer les mêmes fêtes ou partager les mêmes expériences, les arts transcendent ces différences. Je considère que le projet de loi S-208 est important pour notre avenir collectif. Les décisions que nous prenons aujourd’hui auront des répercussions sur notre manière de rebâtir le pays après la pandémie. Merci.

(Sur la motion du sénateur Cormier, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l’honorable sénateur Boisvenu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes).

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer, à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi S-224, dont ma collègue la sénatrice Salma Ataullahjan est marraine. La sénatrice m’a demandé d’être porte-parole de ce projet de loi qui vise à modifier le Code criminel en matière de traite des personnes, et j’ai accepté sans hésitation.

La traite des personnes au Canada est un crime très grave où le trafiquant recrute, transporte, dissimule et menace de violence une victime, sur laquelle il exerce souvent un contrôle coercitif dans le but de l’exploiter. En 2019, 95 % des victimes canadiennes de traite des personnes étaient des femmes et des filles. Dans 71 % des cas, il s’agissait d’exploitation sexuelle, mais le crime vise toute forme de travail forcé s’apparentant à de l’esclavage.

La traite des personnes est un crime plus grave que le proxénétisme, en raison du comportement du trafiquant qui menace, contraint et trompe sa victime ou abuse de son pouvoir. Malheureusement, c’est aussi un crime à la hausse — on a compté plus de 500 cas en 2019 —, dont la preuve est difficile à faire.

La traite des personnes est une infraction qui a été ajoutée au Code criminel en 2005. Dans un rapport publié en 2018 par Sécurité publique Canada, on résume bien les difficultés liées à son application. Les victimes sont souvent réticentes à signaler leur situation, car elles ont tendance à croire que le taux de réussite des poursuites est très faible. De leur côté, les procureurs jugent difficile d’atteindre le seuil nécessaire en matière de preuves pour parler de traite. Les statistiques sont frappantes. En 2019, 89 % des accusations de traite de personnes se sont soldées par un arrêt, un retrait, un rejet ou une absolution. Moins de une accusation sur dix a donné lieu à un verdict de culpabilité.

(1510)

Étant donné que ce crime a été identifié il y a seulement une quinzaine d’années, le système judiciaire a encore de la difficulté à bien comprendre l’étendue des traumatismes vécus par les victimes, notamment le fait que certaines victimes développent un attachement envers le trafiquant. Les traumatismes, la dépendance aux drogues et les problèmes mentaux affectent leur mémoire, ce qui rend leur témoignage particulièrement difficile. Pour survivre, les victimes peuvent également s’inventer une histoire, ce qui complique la recherche de la vérité.

Pour toutes ces raisons, il est impératif que le procès ne repose pas sur la performance de la victime lors de son témoignage ni sur son état d’esprit au moment des situations d’exploitation.

Cela fait plusieurs années que des groupes d’aide aux survivantes critiquent l’article du Code criminel que le projet de loi S-224 propose de changer. Pourquoi? Parce qu’en vertu du paragraphe 279.04(1) actuel, la Couronne doit démontrer que la victime pouvait raisonnablement s’attendre — compte tenu du contexte — à être en danger si elle refusait de se laisser exploiter.

Or, ce libellé représente un lourd fardeau pour les survivantes, qui n’ont pas toujours conscience des mécanismes de contrôle coercitif. Ce genre de contrôle peut s’exercer sans perception de danger par la victime, qu’il vise plutôt à humilier, isoler, exploiter ou dominer. De plus, plusieurs femmes ne réalisent même pas qu’elles font l’objet de traite, car dans la grande majorité des cas les exploiteurs sont des amis, des connaissances, des amants actuels ou passés, c’est-à-dire des relations où le chantage émotif est souvent présent.

Ce n’est pas qu’une affaire d’opinion. Comme l’a déjà mentionné la sénatrice Ataullahjan, le libellé de l’article 279.04 actuel du Code criminel ne respecte pas la définition de traite de personnes contenue dans le Protocole de Palerme, qui constitue la référence internationale en la matière. Contrairement à l’article 279.04 actuel, ce protocole met l’accent sur le comportement de celui qui exploite, et non sur la perception d’un danger par la victime. Le gouvernement canadien a ratifié ce protocole en 2002, et nous avons donc l’obligation de protéger les victimes de traite.

[Traduction]

Selon le centre international de justice et des droits de la personne de la Faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique, demander aux victimes de démontrer qu’elles ont des motifs raisonnables de craindre pour leur sécurité peut faire obstacle à la condamnation pour traite de personnes. Les éléments constitutifs de l’infraction relative à la traite des personnes sont plus difficiles à démontrer que ceux d’autres infractions de nature similaire. Par exemple, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui interdit la traite des personnes, n’oblige pas à démontrer que la personne concernée pense que sa sécurité est menacée. Cette norme est plus appropriée.

La nouvelle disposition proposée par la sénatrice Ataullahjan a le grand mérite de reprendre la terminologie du Protocole de Palerme et de se concentrer, par le fait même, sur les actes du trafiquant et non pas sur la crainte ressentie par ses victimes.

Les changements terminologiques proposés dans le projet de loi S-224 s’avèrent encore plus nécessaires vu les effets disproportionnés de ce crime sur les femmes et les filles autochtones, qui courent 10 fois plus de risques que les femmes et les filles non autochtones d’être victime de traite des personnes et d’exploitation sexuelle à des fins commerciales.

Certains des groupes que j’ai consultés ont suggéré d’autres changements. Par exemple, la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, au Québec, propose d’ajouter l’idée que le trafiquant tente de profiter de la situation de vulnérabilité de la victime. Cet élément est au cœur de la définition d’exploitation sexuelle des Nations unies. La fédération souhaiterait également que l’article proposé renferme la notion de contrôle coercitif.

Pour sa part, le Conseil canadien pour les réfugiés propose d’élargir la définition de ce qui constitue la traite en y ajoutant la notion de menace générale, pas seulement la menace de violence, afin de mieux refléter la réalité de la traite des migrants ou des réfugiés contre qui les menaces de dénonciation ou de déportation sont le plus souvent proférées.

Cependant, la principale priorité est que le comité sénatorial étudie, d’abord et avant tout, la modification considérable du Code criminel que propose la sénatrice Ataullahjan. Je crois fermement qu’il est grand temps que nous adaptions le Code criminel à la réalité des femmes et des filles qui sont victimes de la traite de personnes.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi favorisant l’identification de criminels par l’ADN

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Claude Carignan propose que le projet de loi S-231, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur la défense nationale et la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-231, dont le titre abrégé est Loi favorisant l’identification de criminels par l’ADN.

Il s’agit de la nouvelle version du projet de loi S-236, dont l’étude a cessé au déclenchement des élections et qui est mort au Feuilleton. Je précise que mon discours du 23 juin 2021, que j’ai prononcé à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-236, est utile pour bien comprendre le projet de loi S-231. En effet, ces deux projets de loi sont semblables et reposent sur le même objectif.

[Traduction]

Le projet de loi S-231 renforcera la sécurité publique et facilitera la recherche de la vérité, ce qui est l’objectif des procès criminels. Il permettra de conclure plus rapidement et plus efficacement les enquêtes policières et les litiges criminels au moyen de l’identification par les empreintes génétiques.

[Français]

En fait, les développements scientifiques ayant trait à l’ADN permettent de distinguer une personne d’une autre avec une très grande précision. L’usage de cette technologie, qui est bien implantée au Canada, a permis d’accroître l’exactitude de la preuve d’identification de personnes ayant commis des crimes. Cela a aussi l’avantage de prévenir des erreurs judiciaires en disculpant des suspects innocents.

Pour vous donner une idée de la précision d’une preuve d’identification par l’ADN, je vous donne un exemple provenant de l’arrêt R. c. Cartier de 2015, de la Cour d’appel du Québec. Il s’agissait d’une affaire de double meurtre. Une preuve avait démontré que le profil génétique du délinquant avait été retrouvé à l’intérieur d’une cagoule dans un véhicule utilisé par les assaillants. Cette preuve établissait que la probabilité de retrouver un tel profil chez une autre personne que le délinquant était de l’ordre de une sur 300 milliards.

Avant de vous décrire les dispositions du projet de loi S-231, je vais vous expliquer le processus qui permet aux policiers d’identifier un individu par son ADN, pour montrer l’efficacité du projet de loi et les solides protections qu’il offre sur le plan de la vie privée.

Le processus d’identification par l’ADN est très bien expliqué dans le rapport annuel de 2020-2021 de la Gendarmerie royale du Canada sur les activités de la Banque nationale de données génétiques.

Depuis 2000, cette banque étatique a recueilli et gère des centaines de milliers de profils d’ADN provenant notamment de scènes de crime et de personnes qui ont été condamnées. En effet, au 31 décembre 2021, la banque contenait 422 067 profils dans son fichier des condamnés et 193 053 profils dans le fichier criminalistique contenant des profils provenant de scènes de crime.

Le fonctionnement et la gestion des données de cette banque sont régis par la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, tandis que le Code criminel prévoit dans quels cas un individu doit se soumettre à une ordonnance de prélèvement d’ADN. Il s’agit de deux des lois que propose de modifier le projet de loi S-231.

Le rôle que joue la banque est inestimable, comme l’a mentionné la Cour d’appel de l’Ontario au paragraphe 82 de l’arrêt R. c. K.M., et je cite :

(1520)

[Traduction]

[...] l’importance de l’objectif de l’État en mettant en œuvre le régime législatif de la banque de données génétiques, en ce qui concerne les jeunes contrevenants et les adultes, peut difficilement être mise en doute. En effet, je dirais que sa valeur est inestimable dans les cas où la [Banque nationale de données génétiques] facilite l’arrestation d’un prédateur sexuel en série ou la disculpation d’une personne qui a été accusée à tort.

[Français]

La banque, qui contient des profils de contrevenants adultes ou adolescents, fonctionne de cette façon. Chaque nouveau profil d’ADN qui est ajouté à la banque est comparé aux autres profils qui y figurent déjà. Ces comparaisons permettent de trouver des correspondances entre les profils afin d’identifier l’auteur d’une infraction criminelle. Il peut y avoir une correspondance lorsque le profil d’ADN issu de deux scènes de crimes différentes concorde, ou encore lorsque le profil d’une scène de crime correspond au profil d’une personne qui est condamnée et fichée.

Lorsqu’une comparaison des profils de la banque révèle une correspondance, cela donne une piste précieuse aux forces policières, qui peuvent alors poursuivre leur enquête. Dans de nombreuses affaires criminelles graves, cela peut permettre de relancer une enquête qui était non résolue depuis plusieurs années.

Il faut savoir qu’il existe au Canada des centaines de meurtres non élucidés. À elle seule, la Sûreté du Québec compte 750 dossiers de ce type, selon un article du journaliste Daniel Renaud publié le 13 novembre dernier. De son côté, la GRC a, dans un rapport de 2015, recensé 204 affaires connues et non résolues d’homicides ou de disparitions de femmes et de jeunes filles autochtones, pour un total de 106 homicides et 98 disparitions.

Toutefois, ce nombre pourrait être beaucoup plus élevé, selon le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Imaginez le nombre de familles qui pourraient trouver un certain sentiment de justice ou cheminer dans leur deuil si le meurtrier était enfin identifié et traduit devant les tribunaux. C’est exactement ce que le projet de loi permettrait de faire, en donnant plus de moyens aux forces policières de trouver des correspondances dans la banque.

Concrètement, l’usage de la banque a contribué à résoudre des milliers d’enquêtes. Selon son rapport annuel, la banque a obtenu 66 539 correspondances entre une personne condamnée et une scène de crime et 7 211 correspondances entre deux scènes de crimes. Des milliers de ces correspondances ont été établies pour des affaires d’homicides, en fait, plus de 4 000, et d’infractions sexuelles, soit près de 7 000. Il s’agit donc de crimes sérieux qui mettent à risque la sécurité du public et des individus.

[Traduction]

La banque sera encore plus efficace si le Code criminel est modifié pour faire en sorte que plus d’infractions entraînent l’obligation pour les personnes reconnues coupables de fournir des profils d’identification génétique, ce que le projet de loi S-231 propose.

La logique est la suivante : si une personne est obligée de fournir un échantillon d’ADN à la suite d’une infraction criminelle, même s’il s’agit d’une infraction moins grave, cet échantillon pourrait contribuer à résoudre des enquêtes précédentes ou subséquentes pour des crimes plus graves commis par la personne.

[Français]

Voici deux statistiques du rapport annuel de la banque qui le prouvent. D’abord, l’infraction de voies de fait simple a mené à près de 600 correspondances dans des affaires de meurtres et à près de 1 400 dans des affaires d’agressions sexuelles. Puis, les infractions de manquement à des conditions de libération provisoire ou d’omission à comparaître à la cour et d’autres infractions prévues à l’article 145 du Code criminel ont mené à 247 correspondances dans des affaires de meurtres ou d’agressions sexuelles.

Cela dit, étant donné que l’ADN contient beaucoup d’informations personnelles, l’identification d’une personne par son ADN est très encadrée par la Banque nationale de données génétiques. Par exemple, le profil d’une personne dans la banque est établi uniquement à partir d’une fraction de l’ADN, ce qui signifie qu’aucun renseignement de nature médicale ou physique n’est alors révélé sur la personne, à part le sexe biologique.

Pour illustrer mon propos, je pourrais résumer en disant qu’une fraction d’ADN dans la banque, c’est comme si je vous demandais de noter, sur une feuille de papier, uniquement la première lettre de chaque paragraphe d’un livre. Cette très longue série de lettres constituerait, en soi, une information anonyme qui ne permettrait pas de savoir qui est l’auteur du livre ou de comprendre l’histoire que le livre contient. Toutefois, cette série de lettres représenterait une identification unique au livre, car un livre différent aurait une série de lettres complètement différente.

De plus, le fonctionnement de la banque fait en sorte que ses employés ignorent le nom des personnes condamnées dont un échantillon d’ADN se trouve dans la banque. Par ailleurs, les policiers n’ont pas non plus accès aux échantillons d’ADN qui s’y trouvent. Autrement dit, le nom de la personne et son échantillon d’ADN sont séparés de la création de son profil génétique dans la banque.

Comme l’a indiqué la Cour d’appel de l’Ontario au paragraphe 46 de l’arrêt R. c. K.M. :

La trousse de prélèvement d’ADN contient deux parties, l’une avec l’échantillon d’ADN et l’autre avec les informations d’identification du contrevenant. Les deux parties de la trousse portent le même numéro de code à barres unique [...]. Lorsque le kit arrive à la banque de données, les deux formulaires sont séparés : l’échantillon est conservé par la banque de données et le formulaire d’identification est envoyé au service des archives de la Gendarmerie royale du Canada. À partir de ce moment, le traitement de l’échantillon à la banque de données est anonyme. L’identité du donneur reste inconnue et aucune information personnelle n’est conservée ou saisie dans une base de données génétiques.

Dans ses arrêts, la Cour suprême du Canada a donné d’autres exemples de mesures de protection de la vie privée des personnes qui ont un échantillon d’ADN dans la banque. La cour a expliqué que, lorsqu’il y a une correspondance dans la banque entre une personne condamnée et une scène de crime, les policiers ne peuvent pas avoir accès et mettre en preuve l’échantillon d’ADN provenant de la banque au procès. Ils doivent plutôt obtenir un nouvel échantillon auprès de la personne, en récupérant par exemple un article abandonné contenant son ADN ou en demandant à un juge de délivrer un mandat pour faire un prélèvement corporel sur cette personne. Les conditions d’obtention de ce mandat, qui sont énoncées à l’article 487.05 du Code criminel, sont rigoureuses.

Dans ce contexte, la cour a conclu, dans l’arrêt R. c. S.A.B., que le prélèvement corporel obtenu en vertu de ce mandat représente une atteinte relativement faible à l’intégrité de la personne.

Dans la même veine, la cour a conclu, dans l’arrêt R. c. Rodgers, que les protections légales liées à la banque font en sorte que la perte, sur le plan de la vie privée, d’une personne condamnée qui doit fournir un échantillon d’ADN se compare à celle de la personne qui doit fournir ses empreintes digitales aux policiers lors de son arrestation.

Comme l’explique le rapport annuel de la banque, la collecte des échantillons corporels pour obtenir l’ADN s’effectue par des méthodes très peu intrusives. Il existe trois types de trousses de prélèvement conçues spécialement pour la banque. La première trousse, qui est utilisée dans 98 % des cas, permet de prélever quelques gouttelettes de sang par une piqûre au bout du doigt. Les deux autres trousses permettent le frottis à l’intérieur de la bouche ou le prélèvement de six à huit cheveux.

On peut trouver une autre protection pour ce qui est des informations contenues dans la banque à l’article 487.08 du Code criminel et à l’article 11 de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques. Ces articles rendent passibles d’accusations criminelles des policiers ou des fonctionnaires qui feraient un usage non autorisé des informations et des échantillons d’ADN de la banque.

Comme vous pouvez le constater, les échantillons d’ADN et les renseignements personnels sont bien protégés dans la banque. Le projet de loi S-231 ne modifie pas ces protections qui sont importantes pour le respect de la vie privée : il vise plutôt et surtout à augmenter les possibilités d’obtenir des correspondances.

Pour ce faire, le projet de loi propose d’augmenter le nombre d’infractions qui obligent le tribunal à ordonner à la personne condamnée de fournir un échantillon d’ADN à la banque. Cette disposition du projet de loi a reçu l’appui du comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques.

En conséquence, le projet de loi S-231 vise à augmenter le nombre d’infractions criminelles pour lesquelles on pourra prélever un échantillon d’ADN et à le limiter, et ce, afin d’éviter les cas où il n’y a que des poursuites par exposé sommaire. En conséquence, je vous demande d’appuyer le projet de loi S-231.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Dagenais, le débat est ajourné.)

(1530)

[Traduction]

Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Dean, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant, ou plutôt au sujet de la désinformation et de la mésinformation virales concernant ce projet de loi afin de confronter certaines des paranoïas quasi délirantes qui circulent sur les médias sociaux à son propos.

Depuis des semaines, les boîtes aux lettres électroniques et vocales du Sénat sont submergées par des milliers de messages de Canadiens furieux, effrayés et indignés par le projet de loi S-233 ou du moins par les mensonges qu’on leur a racontés à son sujet. Nous avons reçu tant de lettres désespérées de la part de Canadiens qui ont été manipulés et terrifiés au point de croire à des théories du complot aberrantes. Nous avons reçu des lettres de gens qui croient que le projet de loi S-233 est un complot fasciste, un complot communiste, un complot maçonnique, un complot eugénique, un complot juif, un complot du Forum économique mondial ou de l’Organisation mondiale de la santé, ou un plan sinistre orchestré par Klaus Schwab, George Soros, Bill Gates ou les toujours populaires Illuminati, à vous de choisir. Beaucoup de gens pensent que le projet de loi S-233 est la première étape d’un plan visant à établir un gouvernement mondial, un nouvel ordre mondial ou un système de surveillance sociale étatique, tel que le système de crédit social du gouvernement chinois. D’autres personnes sont convaincues que le projet de loi contient des dispositions relatives à l’identification numérique ou à la monnaie numérique qui permettront au gouvernement de suivre et de contrôler tous les Canadiens.

Ce n’est pas un hasard, mes amis. Je crois qu’il y a une campagne organisée pour diffuser de la propagande destructrice au sujet du projet de loi S-233, des propos alarmistes ciblés publiés en ligne et visant expressément à terroriser les personnes âgées et les personnes handicapées et à faire peur aux Canadiens vulnérables en leur faisant croire que leurs pensions et leurs prestations d’invalidité sont sur le point de disparaître. Il s’agit d’une campagne expressément conçue pour éroder la confiance du public non seulement envers le gouvernement, mais aussi envers la démocratie canadienne.

Prenez ce gazouillis publié le 11 mars par Peter Taras, un ancien candidat de l’Ontario pour le Parti populaire du Canada :

Le projet de loi S-233 en est à l’étape de la troisième lecture au SÉNAT. S’il est adopté, il deviendra une loi. Cela signifie que si vous n’êtes pas vacciné, vous ne recevrez pas les prestations de l’AE, du RPC et de la SST, les services sociaux ou la pension que VOUS AVEZ PAYÉS.

Ce gazouillis à lui seul a été retransmis presque mille fois, même si presque chacun des mots qui le composent est faux.

Le projet de loi S-233 n’est pas un projet de loi émanant du gouvernement. Il n’en est pas à la troisième lecture. De plus, même si nous l’adoptions, nous savons tous qu’il ne deviendrait pas immédiatement une loi. Il serait envoyé à l’autre endroit où on en débattrait et l’étudierait davantage.

Il est totalement faux de prétendre que le versement d’un revenu de base garanti serait conditionnel au statut vaccinal. En effet, selon le projet de loi de la sénatrice Pate, il n’y aurait aucune forme de qualification ou de vérification des vertus sociales préalable à l’obtention d’un tel revenu. De plus, le revenu de base ne remplacerait pas l’assurance-emploi, l’assurance contre les accidents du travail, le Régime de pensions du Canada ou toute autre forme de pension d’entreprise ou privée.

Même s’il est adopté, le projet de loi S-233 n’instaurera pas de revenu de base garanti. Tout ce que ce projet de loi fera, c’est demander au gouvernement d’étudier comment il pourrait créer un cadre visant à déterminer le fonctionnement d’un éventuel programme de revenu de base garanti. Malgré cela, Twitter, Facebook, Reddit et YouTube sont remplis de publications répétant mot pour mot les mêmes faussetés que le gazouillis que je viens de vous lire.

Bon nombre des lettres et des appels téléphoniques que nous avons reçus vont bien au-delà des craintes concernant les pensions. Certains s’inquiètent du fait que lorsque les Canadiens dépendront d’un revenu de base garanti, le gouvernement pourra profiter de cette dépendance pour les obliger à se conformer. À titre d’exemple, voici un long extrait d’un courriel que j’ai reçu le 16 mars :

Je soupçonne qu’un « revenu de base garanti suffisant » crée une dépendance envers le gouvernement et installe les bases pour la création d’identités numériques liées à nos comptes bancaires et à tous les autres organismes gouvernementaux, au fédéral comme au provincial. Au fil du temps, le gouvernement accaparerait et invoquerait, en utilisant des méthodes dictatoriales, des pouvoirs abusifs qui viseraient à contrôler la population. On nous emprisonnerait ensuite dans un système de crédit social fasciste, communiste et totalitaire, effaçant du même coup nos normes démocratiques, notre Constitution, la primauté du droit et les droits et libertés qui nous sont garantis.

Dans la même veine, voici ce que disait un courriel du 23 mars :

Il y aura d’autres vaccins à recevoir et d’autres procédures médicales que le gouv[ernement] voudra vous faire subir! Si vous refusez d’obtempérer même une seule fois, on fermera votre compte et vous ne pourrez plus acheter de quoi manger! Vous ne pourrez plus rien faire! Même pas travailler.

Un récent courriel soutenait que le projet de loi S-233 faisait partie, soi-disant :

[...] du sinistre dessein pour l’humanité sous l’égide d’un nouvel ordre mondial et d’un gouvernement mondial unique, qui a ses racines dans le credo maçonnique de John D. Rockefeller.

Plus loin, la lettre fait un lien entre le projet de loi S-233 et un complot mondial à long terme qui aurait supervisé les assassinats de Martin Luther King et de John F. Kennedy.

D’autres messages associent le projet de loi S-233 avec le transhumanisme, un concept qui n’est pas lié à l’identité de genre, comme je l’ai cru au départ. Ce serait plutôt un complot visant à nous transformer tous en cyborgs bioniques. Dans un message, on disait :

La guerre transhumaniste est déclenchée [...] Nous vivons maintenant la planification tant attendue de l’élite sociopathe, tandis que Klaus Schwab met en marche un plan de domination du monde avec l’intention de changer le visage de l’humanité à jamais.

Un autre correspondant écrit :

Le projet de loi S-233 n’est que le début. Nous sommes en train de perdre nos libertés au profit de l’élite, qui veut dépeupler et contrôler l’humanité, nous asservir au transhumanisme expérimental, et supprimer toute dévotion chrétienne et divine.

Un thème commun à de nombreuses lettres est une paranoïa persistante au sujet du Forum économique mondial, la conviction que Justin Trudeau et Chrystia Freeland sont soumis au contrôle de l’économiste suisse allemand Klaus Schwab. Beaucoup semblent croire que les agents de Schwab ont infiltré le gouvernement et que Schwab, qui est surtout connu pour organiser des fêtes pour les ploutocrates à Davos, est en quelque sorte à la fois communiste et nazi.

Le passage suivant tiré d’une lettre reçue le 10 mars est assez typique :

Personne n’a voté pour le nazi Klaus Schwab. Personne ne savait même qu’il existait il y a deux ans. Il n’a RIEN à voir avec le Canada ou tout autre pays. Schwab tient une statue de Lénine dans son bureau! Le CANADA, ce n’est PAS cela. Nous ne revivrons PAS l’ALLEMAGNE NAZIE. Veuillez consulter le CODE ET LES PROCÈS DE NUREMBERG.

Dans d’autres lettres, on accuse les sénateurs et le Sénat de trahison pure et simple. Dans un courriel reçu le 6 mars, on déclare :

Nous sommes le CANADA [...] pas la Corée du Nord ou la Russie. Vous êtes des employés du peuple! PAS DES EMPLOYÉS DU FORUM ÉCONOMIQUE MONDIAL OU DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ.

Cet après-midi seulement — nous avons probablement tous reçu le même courriel —, quelqu’un a soutenu dans une lettre que l’adoption d’un revenu de base garanti mènerait à la stérilisation forcée des Canadiennes en âge de procréer et au massacre des personnes âgées et handicapées.

Je dois dire que beaucoup d’autres lettres ne viennent pas du tout de complotistes ou d’antivaccins. Elles sont simplement des notes tragiquement sincères de la part d’aînés canadiens ordinaires et de parents d’aînés qui croient vraiment que ce projet de loi les privera de leurs prestations du Régime de pensions du Canada et de leur régime de retraite privé.

En tant que sénateurs, nous sommes tous habitués à recevoir des lettres ou des appels de personnes en colère, mais cette campagne a un caractère différent. Il y a trois ans, ma boîte de réception était pleine de courriels de gens furieux à cause des projets de loi C-69 et C-48, mais, même si leurs préoccupations étaient hyperboliques et exagérées, elles étaient fondées sur des faits et sur le contenu des projets de loi. La campagne contre le projet de loi S-233 est tout à fait différente. Il s’agit d’une guerre des ombres concoctée et orchestrée pour contester quelque chose qui n’existe même pas.

Certains d’entre vous craignent peut-être qu’en lisant ces lettres, qui apparaîtront ensuite dans le hansard, je donne une attention non méritée à ces théories, mais nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Nous devons dénoncer ces mythes et ces mensonges. Que ce soit bien clair : il n’y a rien dans le projet de loi S-233 qui obligerait les Canadiens à se faire vacciner ou à prendre des médicaments. Aucune des dispositions prévues dans le projet de loi S-233 ne porte sur l’identité numérique, le pistage numérique ou la monnaie numérique. Le projet de loi S-233 ne contient aucune mesure qui se rapproche, de près ou de loin, du modèle de surveillance du crédit social en Chine.

La sénatrice Kim Pate, qui a passé toute sa vie d’adulte à défendre les droits civils des personnes vulnérables, marginalisées et oubliées, n’est pas un agent de M. Klaus Schwab. Elle ne fait pas partie des élites mondialistes ni des clubs mondains de Davos. Comme en fait foi sa longue expérience dans la fonction publique, elle est la dernière personne qui voudrait que l’un de ses concitoyens perde ses prestations de retraite ou son emploi. C’est pourquoi son projet de loi ne fait rien de la sorte.

Je peux garantir personnellement que la sénatrice Pate n’a pas pour mission de tous nous transformer en transhumains cybernétiques.

(1540)

Bon nombre des préoccupations exprimées par nos nombreux correspondants sont tout à fait valides et fondées sur des faits. Certains soutiennent qu’un revenu de base garanti aurait pour effet de miner la productivité et de récompenser les fainéants qui ne font rien, ou encore d’entraîner des pénuries de main-d’œuvre. On peut ne pas être d’accord avec ces critiques, mais elles sont parfaitement rationnelles.

Certains soutiennent que le Canada ne pourrait pas se permettre un tel programme parce que l’économie canadienne a été durement malmenée par la COVID. Je rétorquerais qu’il est tout à fait possible qu’un programme bien conçu permette de faire des économies en réduisant le nombre de programmes d’aide et de bien‑être social qui existent au pays. Cela dit, les arguments fondés sur les coûts potentiels sont tout à fait raisonnables.

Certains correspondants soulèvent, à propos du projet de loi, des questions légitimes qui rejoignent les miennes. Le projet de loi propose de fournir un revenu de base garanti aux personnes de 17 ans et plus. Bien que je comprenne qu’il soit nécessaire de soutenir les adolescents émancipés et ceux qui fuient une famille violente, la plupart des jeunes de 17 ans n’ont pas besoin d’un revenu de base. Il m’est aussi impossible d’appuyer la proposition de la sénatrice Pate selon laquelle on verserait un revenu de base garanti à des non-Canadiens, par exemple à des travailleurs étrangers temporaires. En tant qu’Albertaine, j’ai aussi des préoccupations d’ordre constitutionnel quant à la possibilité d’établir un tel programme de prestation fédéral sans la pleine coopération, le soutien et l’approbation des provinces, des territoires et des Premières Nations.

Il faut aussi tenir compte des pressions inflationnistes qu’un programme de revenu de base pourrait créer, particulièrement dans les marchés locatifs en surchauffe comme ceux de Vancouver et de Toronto.

Il est donc tout à fait possible de tenir un débat rationnel et de bonne foi sur les avantages et les inconvénients de la mise en place d’un revenu de base universel, et plus particulièrement les avantages et les inconvénients du modèle proposé par la sénatrice Pate. Cependant, il est presque impossible de tenir ce débat pendant que des Canadiens, et plus particulièrement des aînés et des personnes handicapées, sont la cible d’une campagne acharnée de terreur psychologique en ligne.

J’ai tenté d’utiliser Twitter et Facebook pour dissiper les mythes sur ce projet de loi. Je me suis efforcée de répondre à des lettres de gens qui semblent franchement déroutés. Une femme, que j’appellerai Missy, était tellement effrayée par ce qu’elle avait entendu sur le projet de loi S-233 qu’elle m’a dit qu’elle songeait à quitter le Canada. Lorsque je lui ai expliqué la teneur du projet de loi S-233, elle m’a remerciée.

Elle m’a répondu ceci par écrit :

Vous m’avez vraiment aidée. Je vais faire de mon mieux pour transmettre l’information que vous m’avez fournie. Il est effrayant de constater à quel point ces discours peuvent être convaincants. J’admets être tombée dans le panneau et avoir parfois contribué à la propagation de ces discours.

Elle a ajouté ceci : « Il est effrayant de vivre dans la peur tous les jours. »

Bien sûr, voilà l’objectif de toute cette campagne de désinformation : entraîner la peur et la méfiance, garder les gens dans un état de peur et de vulnérabilité et éroder notre contrat social, le tissu social et notre confiance envers nos concitoyens canadiens pour la remplacer par une suspicion voisine de la paranoïa.

Le but de cette stratégie n’est pas de contrer le projet de loi S-233, qui n’a que très peu de chances d’être adopté de toute manière. C’est plutôt de déclencher une frénésie hystérique pour convaincre les Canadiens ordinaires — les Canadiens honnêtes et bienveillants comme Missy — que leurs dirigeants et leurs institutions politiques ne sont pas dignes de confiance, puis de leurrer les personnes ordinaires et bienveillantes comme Missy pour les inciter à partager cette fausse information avec leur famille, leurs groupes confessionnels ou leurs amis sur Facebook.

Il n’est pas simple de réfuter de telles campagnes insidieuses. Bien que j’aie communiqué avec Missy, j’ai eu moins de chance récemment avec une autre correspondante. Elle m’a écrit en fin de semaine pour me dire qu’elle n’arrivait pas à dormir par crainte que les aînés canadiens perdent leur pension. Quand j’ai tenté de lui expliquer que le projet de loi S-233 ne prévoyait rien de la sorte, elle m’a accusée de chercher à la manipuler et m’a demandé de ne plus jamais la contacter.

Dans son excellent article publié sur le site The Line, la stratège conservatrice Melanie Paradis forge un terme qui décrit parfaitement bien ces campagnes de désinformation corrosives, qu’elle appelle « thought scams », ou arnaques manipulatrices. Elle fait un lien entre ce stratagème et les lettres que de soi-disant princes nigériens nous envoient pour nous extorquer de l’argent. Ce que souhaitent d’abord ceux qui véhiculent ces arnaques, ce n’est pas de s’enrichir, mais plutôt de briser notre confiance et d’usurper notre pays.

Si, nous aussi, nous tombons dans le piège et que nous succombons à la tentation de démoniser nos adversaires politiques et de les dépeindre comme des traîtres et des corrompus, nous renonçons à notre mission, à titre de sénateurs, de tenir en toute bonne foi des débats sur des questions vitales de politiques publiques.

Aujourd’hui, mes amis, je vous demande de tenir tête, avec moi, à ces arnaqueurs manipulateurs. Lorsque vous voyez une de ces arnaques se répandre, je vous demande de ne pas diffuser de clin d’œil, de haussement d’épaules ou de sourire en pensant que cela aidera votre équipe ou votre parti à court terme. Je vous demande de rester unis aujourd’hui et d’appuyer pleinement le projet de loi S-233. Ensemble, soutenons la vérité, la raison et la démocratie canadienne. Le Sénat du Canada doit servir de rempart contre le raz-de-marée de mensonges. C’est ce que nous pouvons et devons faire, mes amis.

Merci, hiy hiy.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il reste 25 secondes. Nous avons pratiquement écoulé le temps de parole prévu, mais quelques sénateurs voudraient poser des questions.

Y a-t-il consentement pour accorder plus de temps? D’accord.

L’honorable Stan Kutcher : Sénatrice Simons, merci beaucoup de votre discours très passionné, éloquent et mûrement réfléchi sur le sujet.

Il semble certainement y avoir une campagne coordonnée de désinformation ciblant le projet de loi S-233, mais elle n’est pas la seule. Il y en a une autre au sujet du projet de loi C-67, lequel ne relève même pas du Parlement fédéral.

Cela dit, en plus des théories du complot qui se sont répandues un peu partout, il y a un aspect qui soulève de plus en plus d’inquiétudes, même s’il existe depuis déjà quelque temps. Je parle du rôle d’acteurs étatiques malicieux — en particulier la Russie — qui lancent une grande partie des campagnes de ce type ou qui amplifient celles qui sont déjà en cours dans l’intention claire de déstabiliser les institutions démocratiques.

Vous avez parlé de certaines approches auxquelles nous devrions participer, en tant que parlementaires, pour contrer cette situation. Avez-vous des exemples précis à nous donner de ce que les parlementaires devraient faire pour contrer les campagnes de désinformation de ce genre?

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, sénateur Kutcher. Ayant grandi durant la guerre froide, il me semble étrange de parler de complots russes au Sénat du Canada. Cela me semble sortir tout droit d’un film sur la guerre froide. Je n’aurais pas cru cela plausible jusqu’à ce que nous voyons des reportages aux États-Unis sur des acteurs russes manipulant Facebook pour instaurer une mentalité de meute, créant des fausses pages républicaines et démocrates, puis dressant leurs usagers les uns contre les autres.

En tant que citoyens, il nous incombe donc à nous tous — et pas juste aux sénateurs — d’adopter ce que je qualifie de « saines pratiques sur les médias sociaux ». Ne partagez pas du contenu tant que vous n’en connaissez pas la provenance ou la nature. Plus une publication est scandaleuse et irritante, plus il y a de chances qu’elle ne soit pas vraie.

Je vois parfois des gens partager des gazouillis qu’ils savent être absurdes pour s’en moquer ou les dénoncer. C’est quelque chose qu’il faut éviter de faire. En effet, quand vous partagez du contenu et que vous interagissez avec les auteurs des algorithmes, ces derniers ne savent pas que vous détestez ce que vous partagez. Ils pensent seulement que c’est le type de contenu que les gens veulent voir. Vous devez donc faire preuve de prudence sur les médias sociaux. On dit aux gens d’adopter des pratiques sexuelles sécuritaires. Eh bien, ils doivent aussi adopter des pratiques sécuritaires quand ils gazouillent.

À une époque où tellement de gens filtrent leurs informations sur les réseaux sociaux, il nous incombe de penser aux responsabilités qui devraient revenir à ces plateformes, et à notre responsabilité en tant que législateurs de nous assurer que ces informations sont en quelque sorte filtrées — sans être censurées — afin que les informations mensongères ne soient pas les plus partagées à cause des algorithmes.

Il serait juste de demander aux principales plateformes — Twitter, Facebook, YouTube et toutes les nouvelles qui apparaissent — de nous expliquer les protocoles qu’elles ont mis en place pour se protéger des campagnes malveillantes orchestrées par des acteurs étrangers qui visent à nuire au débat démocratique dans les démocraties occidentales.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Deux autres sénateurs souhaitent vous poser des questions, sénatrice Simons.

L’honorable Frances Lankin : Je vous remercie, sénatrice Simons. Une fois de plus, vous avez fait preuve d’une grande éloquence, et je vous en remercie.

J’ai particulièrement aimé l’expression que vous avez tirée de la stratège conservatrice à propos des « arnaques manipulatrices ». Je m’en inspirerai à l’avenir, car j’appelais cela une arnaque numérique automatisée.

Très franchement, cela ne touche pas seulement le projet de loi S-233, ce phénomène a pris de l’ampleur juste après l’occupation d’Ottawa. Les mesures législatives sur les télécommunications, comme vous venez de le mentionner, et d’autres encore ont été touchées.

(1550)

Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’une grande partie de ces messages ont été générés électroniquement. Lorsqu’ils sont envoyés par milliers et qu’ils portent sur des thèmes très semblables, on sait qu’ils ne viennent pas de personnes en chair et en os.

Dans les cas où j’ai cru qu’il s’agissait de véritables personnes, j’ai communiqué avec elles pour leur expliquer mon point de vue et leur dire ce que je considère comme la réalité. Pour ce qui est des autres messages, toutes les fois où j’ai tenté de communiquer avec l’auteur, j’ai constaté que c’était impossible parce que personne ne se trouvait de l’autre côté. Il est fondamentalement question d’atteinte à la démocratie.

Sénatrice Simons, pensez-vous que, au-delà de nos actions individuelles, le Sénat devrait prendre une mesure collective? Les leaders des différents groupes au Sénat, dont certains...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Lankin, je suis désolée. Le temps est écoulé.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) propose que le projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il est particulièrement opportun que, après toutes les questions concernant l’influence étrangère dans le cadre du débat sur le projet de loi S-233 et les questions pertinentes du sénateur Kutcher, j’aborde un peu plus à fond le problème en mettant l’accent sur l’influence étrangère au sein de nos institutions. Il existe bien des façons dont les entités étrangères peuvent influencer nos institutions et notre pays.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-237, qui modifierait le Code criminel du Canada et établirait un registre des entités et des particuliers étrangers qui cherchent à influer sur les politiques du Canada ainsi que sur les processus et les institutions démocratiques du Canada au nom de régimes étrangers connus.

L’ingérence et l’influence étrangères n’ont rien de nouveau. Toutefois, grâce aux progrès en matière de technologies et de communication de renseignements, ils sont devenus omniprésents et risquent fort d’être utilisés par les régimes autoritaires. D’ailleurs, cela se produit de plus en plus, ce qui en fait une menace croissante. Cela fait longtemps que les agences du renseignement du Canada nous préviennent de la menace que représente l’influence étrangère pernicieuse pour notre démocratie et notre société. Plusieurs rapports reprennent ces avertissements, y compris le rapport public du SCRS publié le 20 mai 2020 ainsi que le rapport annuel de 2019 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Le rapport de 2019 du SCRS affirme que des activités d’espionnage et d’ingérence étrangères ciblent des entités canadiennes au pays et à l’étranger et constituent une menace directe pour la sécurité nationale et les intérêts stratégiques du Canada.

Le rapport donne également un avertissement au sujet de la vulnérabilité des institutions et des processus démocratiques du Canada, notamment des élections. En outre, on peut lire ceci dans une note préparée en vue de la comparution devant le comité, le 24 mars 2021, du ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair :

Dans le cadre de son mandat qui consiste à enquêter sur les menaces à la sécurité du Canada, le SCRS a vu de multiples cas d’États ciblant des institutions et collectivités canadiennes. La portée des activités potentielles d’ingérence étrangère peut être vaste et englober toute une gamme de techniques que connaissent bien les organismes du renseignement. Ces techniques comprennent les opérations de renseignement humain, le recours à des médias financés par l’État ou influencés par l’étranger, et l’utilisation d’outils numériques perfectionnés.

Honorables sénateurs, nous avons tous été témoins des impacts de l’ingérence et de l’influence étrangères sur la démocratie canadienne ainsi que sur les politiques intérieures et étrangères au Canada. Nous sommes d’ailleurs nombreux à avoir manifesté notre inquiétude à ce sujet. Il ne s’agit pas d’un enjeu partisan, bien au contraire. La vérité, c’est que, si nous ne commençons pas à nous attaquer à ce problème de façon sérieuse, la confiance du public envers les élus, les processus et les institutions du pays s’effritera complètement.

Je sais que nous avons beaucoup entendu parler d’ingérence étrangère lors du récent épisode du « convoi pour la liberté », notamment en matière de financement, mais cela n’a pas été confirmé lors des audiences du comité à l’autre endroit.

Certains ont également exprimé leur inquiétude quant au financement et à l’ingérence par des entités étrangères à l’occasion d’autres manifestations, notamment toutes sortes de barrages illégaux organisés au Canada. Faisons abstraction des programmes politiques des différents groupes militants. Je sais, d’après les gazouillis et les déclarations publiques de bon nombre de mes collègues, que les questions d’ingérence et d’influence étrangères vous préoccupent autant que nous de ce côté-ci de la Chambre. J’espère que cela signifie qu’en plus de vos réflexions toujours approfondies sur tous les projets de loi présentés au Sénat, je peux également compter sur votre soutien pour ce projet de loi précis, qui vise à remédier à un problème qui nous préoccupe tous.

L’ingérence et l’influence étrangères sont réelles, et elles existent bel et bien ici même, au Canada. Elles sont souvent de nature financière, ou encore elles prennent la forme de désinformation; parfois, il s’agit des deux. Dans les cas extrêmes, ceux qui agissent au nom de régimes étrangers intimident et même menacent des Canadiens et d’autres ressortissants en sol canadien, ou menacent leurs proches restés au pays, afin de les réduire au silence ou d’influencer leurs actions, y compris leur vote pendant nos élections. Bien que le Canada dispose déjà de lois permettant de traiter certains aspects de ces actions coercitives, comme le renvoi de personnes par l’Agence des services frontaliers du Canada et les sanctions prévues par la Loi électorale du Canada, nous pouvons et devons faire bien davantage.

De plus, la solution ne réside pas dans l’érosion de nos libertés et de nos processus et institutions démocratiques. La dernière chose que nous devons faire pour lutter contre la désinformation étrangère est, par exemple, de limiter la liberté d’expression. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas rejeter la diffusion de propagande étrangère sur nos ondes, comme nous l’avons fait récemment avec RT, un radiodiffuseur russe contrôlé par l’État anciennement connu sous le nom de Russia Today. Cependant, il s’agit là d’une chose très différente de la censure de nos propres citoyens. Nous ne devons pas chercher à imiter les régimes tyranniques contre lesquels nous tentons de nous prémunir en réduisant au silence nos propres citoyens.

C’est pourquoi j’ai été troublé d’apprendre que Mélanie Joly, la ministre des Affaires étrangères, a fait les commentaires suivants lors d’une réunion de comité de la Chambre des communes qui a eu lieu la semaine dernière, où elle a témoigné au sujet de la propagande étrangère :

En tant que ministre des Affaires étrangères, j’ai vraiment pour mandat de contrer la propagande en ligne. Les entreprises de médias sociaux doivent en faire davantage. Elles doivent reconnaître qu’elles relèvent de la compétence des États et qu’elles ne sont pas des plateformes technologiques, mais des productrices de contenu. C’est ainsi que nous pouvons veiller collectivement à renforcer vraiment les démocraties de demain, car cette guerre est menée avec des outils du XXIe siècle, notamment les médias sociaux.

Chers collègues, même si je suis heureux d’entendre le gouvernement exprimer sa préoccupation au sujet de l’ingérence étrangère, je suis moins rassuré par les observations de la ministre Joly. La responsabilité première de tout ministre des Affaires étrangères est de défendre les intérêts nationaux et les valeurs qui sont chères aux Canadiens, notamment la liberté d’expression. Je répète donc : la solution pour combattre l’ingérence étrangère ne consiste pas à censurer nos propres citoyens. La Loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers imposera plutôt une plus grande transparence en exposant ceux qui cherchent à influencer, au nom de régimes étrangers, les politiques, le débat public ou la prise de décisions au Canada.

En identifiant ceux qui agissent dans l’intérêt d’une entité étrangère au lieu de celui du Canada, nous imposons une certaine forme de reddition de comptes tant aux agents étrangers qu’aux fonctionnaires qui les reçoivent. Pourquoi ne devrions-nous pas avoir un tel registre? Les Canadiens ne méritent-ils pas de savoir qui fait du lobbying au nom d’entités étrangères auprès de leurs titulaires de charges publiques?

Cela n’est pas vraiment différent du registre des lobbyistes. La Loi sur le lobbying reconnaît que la liberté d’accès aux institutions de l’État présente un important intérêt public et que le lobbying auprès du titulaire d’une charge publique constitue une activité légitime. Le registre proposé par ce projet de loi n’est pas différent. Il reconnaît que le lobbying par des entités et des particuliers étrangers présente un intérêt public et un avantage pour Canada, et que c’est une activité légitime. Toutefois, la Loi sur le lobbying reconnaît également que les Canadiens et même le titulaire d’une charge publique devraient être en mesure de savoir qui participe à ces activités de lobbying. Il en va de même de ceux qui font du lobbying auprès du titulaire d’une charge publique au nom d’entités étrangères.

Je dirais qu’à lui seul, ce principe justifie l’adoption sans hésitation de ce projet de loi. Chers collègues, la transparence, l’ouverture et la responsabilité publique sont des éléments essentiels du processus démocratique au Canada. Nous ne devons pas abandonner ces principes dans nos efforts visant à lutter contre l’ingérence étrangère dans nos affaires.

C’est ce dont il est question avec ce projet de loi. À ceux d’entre vous qui ne sont pas convaincus de la nécessité d’un tel registre, et à d’autres qui soutiendront que cette mesure législative et un tel registre cibleraient ou visent à cibler une entité particulière ou un groupe de personnes en particulier, permettez-moi de faire valoir d’autres arguments.

La citation suivante provient du site Web du gouvernement du Canada, plus précisément des notes thématiques préparées pour la comparution devant le comité du ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair :

Les menaces à la sécurité nationale du Canada, comme l’ingérence étrangère et l’espionnage, peuvent nuire à divers secteurs de notre société. Elles peuvent ébranler nos processus démocratiques, notre prospérité économique, nos infrastructures essentielles et même les membres de nos collectivités.

(1600)

On peut y lire aussi ceci :

Depuis des années maintenant, le [Service canadien du renseignement de sécurité] observe des menaces persistantes et complexes parrainées par des États, et il en constate toujours une augmentation de la fréquence et de la complexité.

Cette note, qui se trouve sur le site Web du ministère de la Sécurité publique du Canada, décrit également ainsi la nature de ces activités :

Le Canada a constaté la manipulation d’informations parrainées par des États et utilisées par certains régimes pour remodeler ou saper l’ordre international fondé sur des règles. Ces États manipulent l’information et ont notamment recours à la désinformation pour semer le doute [...] ils discréditent les réponses démocratiques [...] et érodent la confiance dans les valeurs de la démocratie et des droits de la personne.

Il importe de signaler que la désinformation, qui provient de partout dans le monde, peut avoir de graves conséquences, comme menacer la sécurité des Canadiens, éroder la confiance dans nos institutions démocratiques et embrouiller les politiques et avis du gouvernement [...] Les campagnes de désinformation parrainées par des États fournissent un exemple d’ingérence étrangère.

Honorables sénateurs, les dernières citations font en partie référence à notre réponse à la COVID-19, mais l’avertissement du Service canadien du renseignement de sécurité portait aussi sur une menace plus vaste. Afin de contrer l’ingérence étrangère dans les élections fédérales de 2019, le gouvernement a d’ailleurs mis sur pied le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Le gouvernement était si préoccupé par l’ingérence étrangère qu’il a créé ce groupe.

Quand vous craignez qu’une telle menace puisse influencer négativement le résultat voulu, il faut que les inquiétudes s’accompagnent d’actions concrètes. Nous avons beaucoup entendu parler des allégations de collusion entre la Russie et Donald Trump — ou en faveur de ce dernier — aux États-Unis, mais le problème de l’ingérence étrangère est bien plus vaste. À mon avis, l’ingérence étrangère par les États autoritaires est liée à un problème systémique plus profond auquel fait face le Canada.

Il suffit de regarder ce qui s’est passé au Canada pendant la dernière campagne électorale fédérale, notamment ce qui est arrivé à l’auteur du projet de loi à l’étude et de son prédécesseur, l’ancien député Kenny Chiu. M. Chiu a perdu son siège à l’élection de 2021 en grande partie à cause d’une campagne de désinformation à propos de son projet de loi, campagne à laquelle était clairement mêlé un pouvoir étranger. Dans un article publié dans Options politiques en janvier, Sze-Fung Lee et Benjamin Fung soulignent que les tactiques employées contre M. Chiu dénotent une ingérence étrangère : « [...] de telles tactiques pourraient être déployées contre n’importe quel groupe dans le cadre d’une campagne de désinformation et de guerre psychologique. » Imaginez un peu : M. Chiu a été victime du phénomène qu’il souhaitait freiner grâce à son projet de loi.

Toujours dans leur article, Mme Lee et M. Fung expliquent davantage ce qu’ils ont découvert et notent que des applications comme WeChat et WhatsApp servent à propager la désinformation dans les communautés de la diaspora. Ils rappellent que, selon certaines recherches, les gens ont tendance à considérer la désinformation comme une information factuelle lorsqu’elle provient d’une source crédible et fiable, et que ce sentiment de « confiance » peut être fondé sur une impression de familiarité. Comme le disent Mme Lee et M. Fung :

La dépendance à l’égard des informations sur Internet entraîne souvent la création d’une « chambre d’écho » qu’exacerbe l’effet de filtre de l’algorithme en ligne. Des fonctionnalités comme « WeChat Moment » de l’application WeChat, largement utilisée par la communauté chinoise et similaire à Facebook et Instagram, permettent aux individus de voir les histoires des autres. Ainsi, la communauté chinoise est prise au piège dans le cercle vicieux de modes renforcés de consommation d’informations.

Les auteurs de l’article soulignent que Pékin a été en mesure de se servir du militantisme prodémocratie et anticommuniste de M. Chiu et de sa critique virulente du bilan atroce de Pékin au chapitre des droits de la personne pour dépeindre l’ancien député et son projet de loi comme radicalement discriminatoires envers les Chinois. Pékin a réussi à faire croire que l’objectif principal du projet de loi consistait à réprimer l’opinion pro-Chine et — ce qui est peut-être encore plus troublant pour beaucoup de membres de la diaspora chinoise — à surveiller les organismes et les particuliers de la communauté ici, au Canada.

Honorables sénateurs, nous ne saurons jamais si cette campagne de désinformation à elle seule est ce qui a coûté à M. Chiu son siège dans la région du Grand Vancouver, mais il est indéniable qu’elle a existé et que, dans une certaine mesure, potentiellement ou réellement, elle a joué un rôle dans la perte de son siège. Il y a lieu de s’inquiéter. Que cette campagne ait été la principale cause de la défaite de M. Chiu ou non, cela ne change rien au fait qu’il faut prendre des mesures pour nous assurer qu’une telle situation ne se reproduira pas, pour M. Chiu ni pour n’importe qui d’autre.

Notre collègue le sénateur Woo s’indignera sans doute autant de ce projet de loi qu’il s’est indigné du projet de loi proposé par M. Chiu. Le sénateur Woo s’est montré très critique de la validité de l’argument de l’ingérence étrangère. Il a soutenu que les attaques envers M. Chiu pouvaient simplement être le résultat d’un débat au sein de la communauté chinoise. Dans son article d’opinion publié dans Policy Options en janvier dernier, notre collègue le sénateur Woo s’inscrit en faux contre l’idée maîtresse du projet de loi de M. Chiu, car « de nombreuses entités chinoises [...] pourraient théoriquement recevoir des directives de l’État chinois » parce qu’elles fonctionnent depuis le territoire d’un État autoritaire. Eh bien oui, sénateur Woo; c’est justement cela le problème. En réalité, dans un système autoritaire, toute entité basée dans un État pourrait potentiellement agir comme un instrument de l’État.

Selon moi, ce n’est pas parce qu’il est plus difficile de faire enquête et de gérer ce problème à cause du réseau d’influence et de contrôle que possède un État totalitaire que nous ne devrions pas prendre des mesures pour nous protéger. Je dirais que, peu importe les difficultés, il est urgent que nous agissions. Cela ne veut pas dire que le projet de loi de M. Chiu ou le mien est une tentative de cibler un groupe de personnes en particulier. Je pense qu’une telle affirmation est très irresponsable et dangereuse de la part de quiconque, et surtout de la part de toute personne qui exerce une charge publique importante.

On trouve un exemple de la campagne de désinformation qui a été menée contre M. Chiu dans une publication sur WeChat laissant entendre que la version précédente de ce projet de loi aurait eu des conséquences extrêmement graves pour les immigrants en provenance de la Chine continentale. On y soutenait — à tort, bien évidemment — que le projet de loi nuirait forcément aux échanges économiques, culturels et technologiques entre le Canada et la Chine. On y a ajouté que c’était parce que le projet de loi ciblait de toute évidence les associations de la Chine continentale. La plus grave des affirmations est probablement celle voulant que ce projet de loi vise à contrôler et surveiller les discours et les comportements en Chine continentale. Honorables sénateurs, cette affirmation est tout simplement insensée et ridicule. Je pense que nous savons tous à quel point cette affirmation est absurde.

Malheureusement, le sénateur Woo a répété sa tentative de légitimer davantage ce faux discours dans son article d’opinion, allant même jusqu’à suggérer que des échanges entre un membre canadien d’un groupe culturel chinois et un sénateur pourraient être consignés dans un registre. Honorables sénateurs, voilà une déformation de l’objectif de ce projet de loi et une déformation de ce que serait un registre dans la pratique.

Ce projet de loi ne cherche pas à cibler ou à isoler la Chine ni la diaspora chinoise au Canada. Loin de là. Il cherche plutôt à comprendre la nature de l’implication étrangère et de l’ingérence potentielle de régimes autoritaires au Canada. Je crois que nous devons prendre les mesures nécessaires pour essayer de mieux cerner les enjeux que de telles entités posent à notre nation. Personne, à commencer par moi, ne suggère que l’ingérence étrangère dans nos institutions, nos politiques et nos processus démocratiques se limite à un seul acteur. Loin de là.

Le régime communiste de la Chine n’est qu’un exemple d’un État qui s’adonne très certainement à de telles pratiques. C’est bien connu et entendu. C’est reconnu et accepté. J’ai également parlé de la Russie. Nous ne pouvons pas avoir observé ce qui s’est produit aux États-Unis, puis affirmer qu’en quelque sorte nous sommes immunisés contre une influence et une ingérence de la sorte.

Juste avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la guerre de l’information a sans conteste joué un rôle clé dans la stratégie de l’État russe. Cette campagne consistait en partie à manipuler et à façonner l’opinion internationale. À cet égard, il est important de comprendre que l’intervention de la Russie en Ukraine a commencé bien avant 2022, et que la campagne de désinformation menée en parallèle par la Russie constitue un élément intégral de la stratégie de l’État russe.

Si nous parlons de la Russie, nous devons parler aussi de l’Iran. Selon une étude réalisée à la Faculté de communication de l’Université Simon Fraser, la Russie et l’Iran sont les pays qui semblent avoir été les plus grands diffuseurs de désinformation au Canada.

Ahmed Al-Rawi, professeur à Simon Fraser, fonde ses constatations sur une analyse des gazouillis diffusés entre 2010 et 2019 qui provenaient, selon Twitter, d’acteurs étatiques russes et iraniens. Le professeur Al-Rawi qualifie la campagne de désinformation de récurrente et de systématique.

Dans un article sur son étude publié l’an dernier dans le Toronto Star, le professeur Al-Rawi dit avoir vu, avant la campagne électorale de 2019, des gazouillis de trolls iraniens rédigés en français qui établissaient faussement un lien entre l’ancien premier ministre Stephen Harper et le groupe État islamique. Il avait aussi vu des trolls russes rapporter faussement que l’homme ayant tué six personnes dans une mosquée à Québec en 2017 était innocent. Puis, toujours selon le même article du Toronto Star, il y a des centaines de mèmes de Justin Trudeau qui sont décrits par l’auteur comme étant sexistes et incluent des images du premier ministre portant un foulard, des images modifiées à l’aide de Photoshop et accompagnées de messages islamophobes.

(1610)

Le professeur Al-Rawi qualifie cela de « microciblage ». Cette pratique vise à semer la division dans la société canadienne et à mobiliser certains groupes. Dans certains cas, ces gazouillis ont promu certains points de vue sur des événements se produisant à l’extérieur du Canada, y compris l’annexion de la Crimée par la Russie qui remonte aussi loin qu’en 2014. On voit maintenant des campagnes de désinformation semblables sur l’invasion de l’Ukraine.

Honorables sénateurs, cette question n’est pas partisane. C’est quelque chose qui devrait nous préoccuper tous gravement, tant comme parlementaires que comme Canadiens. Cependant, nous ne devons pas seulement nous inquiéter de la désinformation véhiculée. Des membres de diverses diasporas ici, au Canada, ont témoigné de menaces explicites et de tentatives d’intimidation qu’ils ont observées au sein de leur communauté et qui visaient à empêcher les gens de voter, de critiquer un régime ou de faire du militantisme, choses que nous tenons pour acquises dans notre démocratie.

Des Canadiens font souvent l’objet de menaces, non seulement envers leur propre sécurité, mais également envers celle de leurs proches qui se trouvent dans leur pays d’origine afin d’obtenir l’effet escompté. On dit aux militants des droits de la personne que, s’ils continuent de se faire entendre, leurs parents, leur frère ou leur sœur en paieront le prix. Il ne s’agit pas de vaines menaces, chers collègues. Souvent, le message est envoyé ou renforcé au moyen d’un appel téléphonique aux proches qui viennent parfois de recevoir une visite des autorités.

Rukiye Turdush, une militante canadienne d’origine ouïghoure, a expliqué que les services policiers chinois filment les visites aux membres de la famille pour pouvoir les montrer aux proches canadiens.

Les responsables ne se donnent même plus la peine d’agir dans l’ombre. Ils procèdent ouvertement comme nous l’ont montré récemment les menaces contre le directeur général de Hong Kong Watch, Benedict Rogers. Au moyen de la loi draconienne sur la sécurité nationale, les autorités chinoises ont menacé M. Rogers de lui imposer une lourde amende et une peine d’emprisonnement en raison de son militantisme contre le régime communiste et de sa défense de la population de Hong Kong. Si les autorités osent aller aussi loin avec une personnalité très connue, chers collègues, imaginez les tactiques et les menaces qu’elles emploient contre d’autres personnes.

D’autres pays se livrent à des activités semblables. Prenons le cas de Javad Soleimani. Son épouse faisait partie des 85 citoyens et résidents permanents du Canada qui ont été assassinés le 8 janvier 2020 par le Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou IRGC, lorsque ce dernier a abattu au hasard et sans la moindre excuse le vol PS752 d’Ukraine International Airlines. Après avoir parlé du meurtre de sa femme et de bien d’autres personnes par l’IRGC, M. Soleimani a commencé à recevoir des messages le menaçant que l’IRGC était au courant de ses déclarations, qu’il pouvait le prendre pour cible où qu’il soit, et qu’il ferait mieux de faire attention. Imaginez-vous être confrontés à ces menaces et à cette intimidation sur le territoire canadien. M. Soleimani a signalé ces incidents à la police, mais il a indiqué que peu de choses avaient été entreprises pour atténuer les peurs grandissantes des Canadiens d’origine iranienne.

À la fin de l’année 2020, M. Soleimani a déclaré dans une conférence de presse :

À une époque, le Canada était le pays le plus sûr où nous puissions vivre, mais aujourd’hui il ne l’est plus.

Pendant la même conférence de presse, La Presse canadienne a raconté l’histoire de Chemi Lhamo, une étudiante de l’Université de Toronto qui a fait un récit poignant du harcèlement qu’elle a subi lorsqu’elle s’est présentée aux élections pour faire partie de l’association étudiante en 2019. Mme Lhamo a dit avoir reçu des milliers de messages, dont des menaces de viol et de meurtre adressées à son endroit ainsi qu’à l’endroit de ses proches. Mme Lhamo a signalé les messages et les occasions où elle a été suivie sur le campus à diverses forces de l’ordre, à savoir le service de protection du campus, le Service de police de Toronto, la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité. Comme l’a déclaré Mme Lhamo :

Au bout du compte, je n’ai toujours aucun document physique qui me confirme les mesures qui ont été prises ou les renseignements qui ont été obtenus concernant les personnes qui menacent de me tuer en sol canadien.

Honorables sénateurs, cela se produit ici, en territoire canadien, contre des citoyens canadiens, dans nos collectivités, dans nos campus universitaires et dans l’ensemble de nos institutions. Nous devons y remédier.

Chers collègues, je ne prétends pas que ce projet de loi est une panacée. Toutefois, j’estime qu’il pourrait constituer un premier pas important pour mieux répertorier les efforts déployés par des entités étrangères pour influencer nos dirigeants politiques et nos institutions. Il s’inspire de ce qu’a proposé l’ancien député Chiu et incorpore une modification du Code criminel qui renforcerait également notre capacité d’exiger des comptes auprès des personnes qui ne respectent pas nos lois et notre système démocratique.

Ce que ce projet de loi ne fait pas, chers collègues, c’est cibler un groupe de gens ou les nouveaux arrivants canadiens. Les néo‑Canadiens viennent chercher une vie meilleure. Dans bien des cas, ils ont fui l’oppression endémique de leur pays d’origine. Ils veulent tout faire pour empêcher que l’oppression qu’ils ont fuie les rattrape jusqu’ici. Le projet de loi vise donc à garantir que tout le monde au Canada puisse réaliser ses rêves et vivre sans être menacé ou intimidé.

Ce projet de loi a l’appui d’une majorité de Canadiens. Un sondage Nanos Research mené l’année dernière indiquait que 88 % des Canadiens appuient l’adoption d’une loi sur l’enregistrement des agents étrangers visant à lutter contre l’influence étrangère. Les appels pour la création d’un registre des agents étrangers viennent également de différents groupes de la société civile et groupes communautaires, notamment Canada-Hong Kong Link, le Central and Eastern European Council of Canada, Saskatchewan Stands with Hong Kong, le Uyghur Rights Advocacy Project, la Vancouver Society in Support of Democratic Movement et le conseil des Canadiens d’origine iranienne.

Honorables sénateurs, alors que toutes les démocraties de la planète doivent faire face à une menace sans précédent, le Canada doit adopter des mesures législatives fortes semblables à celles adoptée et mise en œuvre par bon nombre de ses alliés démocratiques comme l’Australie et les États-Unis. Ce projet de loi apporte de la transparence et nous donne un outil important pour mieux protéger la démocratie canadienne contre les tentatives potentielles pour la renverser.

Je vous exhorte à appuyer ce projet de loi afin de renforcer et de protéger la démocratie, les institutions et la liberté au Canada. Merci.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je pense que cet enjeu pourrait susciter la controverse. J’ai beaucoup aimé votre discours, sénateur. Avec le discours de tout à l’heure de la sénatrice Simons, qui braquait lui aussi les projecteurs sur un enjeu précis, nous vivons un moment important au Sénat. J’aimerais vous poser trois questions.

Premièrement, vous avez dit que vous ne considériez pas que le registre était une solution miracle. Pourriez-vous nous expliquer comment le registre fonctionnerait et dans quelle mesure il serait utile? Ce registre reposerait sur la compréhension de la manière d’opérer de ces influences étrangères, que les acteurs ne sont pas toujours faciles à identifier et qu’il pourrait être difficile de trouver un nom aux fins du registre.

Deuxièmement, si votre projet de loi était l’objet de critiques, de quelle nature seraient-elles à votre avis? Comment le projet de loi pourrait-il être amélioré?

Troisièmement, outre adopter ou amender ce projet de loi, quelles autres mesures le Sénat pourrait-il prendre pour attirer l’attention sur cet enjeu? Existe-t-il un projet commun auquel nous devrions collaborer? Je vous remercie.

Le sénateur Housakos : Merci, sénatrice Lankin. Le principal objectif de ce projet de loi est simple. Il existe des organisations — parrainées par l’État ou liées à certains de ces régimes tyranniques et autoritaires dans le monde — qui exercent leurs activités au Canada, et bon nombre d’entre elles sont subventionnées directement et indirectement. Elles se font passer pour des institutions intellectuelles ou des centres de recherche, mais bien souvent, elles n’en prennent même pas la peine. Ce sont des sociétés multinationales gérées par l’État qui sont directement affiliées à certains de ces régimes autoritaires. Le registre ne ferait que déclarer qu’à chaque fois que l’une de ces organisations, entités ou sociétés agit pour influencer des représentants du gouvernement — des députés, des sénateurs ou des hauts fonctionnaires — afin d’influencer la politique publique ou d’intimider, directement ou indirectement, des titulaires de charges publiques ou des citoyens canadiens, elle se heurterait à toute la rigueur de la loi.

Évidemment, ce projet de loi modifie également le Code criminel, ajoutant des pénalités financières et des peines d’emprisonnement sévères pour ceux qui sont reconnus coupables d’avoir enfreint la loi à ce chapitre.

Ce projet de loi comporte-t-il des lacunes? Je ne crois pas. Comme nous le savons tous, les lois évoluent dans notre pays. Nous les proposons avec les meilleures intentions qui soient, et je crois qu’il s’agira d’un premier grand pas en avant. Nous gagnerons en vigilance, car le défi numéro un auquel se heurtent toutes les démocraties, notamment le Canada, est la montée de l’autoritarisme dans le monde. Malheureusement, nous avons des preuves que des pays comme la Chine, l’Iran et la Russie sont actuellement très actifs sur notre territoire au sein de diverses institutions et, selon les rapports, nous devons agir.

(1620)

Bien franchement, je pense qu’il s’agit du premier grand pas en avant. Nous en avons grandement besoin et c’est la bonne chose à faire à ce stade.

L’honorable Peter M. Boehm : Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Absolument.

Le sénateur Boehm : Monsieur le sénateur, merci beaucoup de vos commentaires. Vers la fin de vos commentaires, vous avez dit que les États-Unis et l’Australie avaient une loi qui établissait un registre des agents étrangers.

Dans le cas des États-Unis, elle remonte à 1938. C’était certainement avant Internet, les tracts, les journaux et ce genre de médias. En Australie, la loi a été adoptée en 2018. Elle est donc beaucoup plus récente. La loi australienne comporte des dispositions qui obligeraient tout ancien ministre qui agit au nom d’une entité étrangère à s’enregistrer ou à s’exposer à des sanctions. Dans les deux cas, des sanctions sont prévues dans la loi.

Étant donné que vous avez présenté le projet de loi, je me demande dans quelle mesure vous avez été influencé par ces deux lois étrangères puisque d’autres pays, surtout l’Union européenne à l’heure actuelle, étudient sérieusement des mesures.

Le sénateur Housakos : J’ai regardé le modèle australien. Je trouve qu’il est beaucoup plus rigide que ce que nous proposons ici. Encore une fois, je souhaitais m’en tenir aux titulaires de charge publique et aux fonctionnaires. Je suis très conscient qu’il n’est pas convenable de compromettre les renseignements confidentiels des sociétés et d’autres entités au Canada. Il y a toujours une ligne mince. Est-ce quelque chose que nous pouvons examiner? Voulons-nous renforcer la loi au point de tenir les gens responsables après leur départ de la fonction publique? Je ne suis pas contre ces types de suggestions, d’amendements et de modifications au fur et à mesure que nous avançons.

Il est clair que nous avons un problème, selon les rapports que nous avons reçus du Service canadien du renseignement de sécurité, de la Gendarmerie royale du Canada et de nos services de renseignement. Nous sommes actuellement infiltrés jusqu’aux échelons les plus élevés de nos institutions. Je pense donc que l’adoption du projet de loi serait la première étape et que nous devons continuer d’être vigilants. En outre, le projet de loi ne traite pas de l’influence du Web ni des réseaux sociaux, qui est très puissante.

Je pense que le projet de loi est très concret et précis. Il vise les entités affiliées aux régimes totalitaires qui essaient très souvent d’influencer nos institutions publiques et nos sociétés d’État dans divers secteurs.

L’honorable Yuen Pau Woo : Merci, sénateur Housakos, d’avoir attiré l’attention du Sénat sur ma lettre d’opinion. J’invite tous les sénateurs à la lire eux-mêmes, plutôt que de se fier à la caricature que vous avez offerte.

Sénateur Housakos, vous avez clairement indiqué que la Chine est un État autoritaire, ce avec quoi je suis tout à fait d’accord. Vous l’avez aussi décrite comme étant « tyrannique ». Je ne suis pas certain que j’irais aussi loin, mais il s’agit certainement d’un État léniniste.

Je pense que vous avez dit qu’en Chine, toutes les entités sont sous le contrôle direct ou indirect de l’État chinois.

Permettez que je pose ma question à l’envers. Pouvez-vous nommer des entités légalement constituées en République populaire de Chine qui ne correspondent pas à la définition d’entités qui sont directement ou indirectement sous le contrôle ou l’influence de l’État chinois, et qui ne seraient donc pas obligées de s’inscrire au registre prévu dans le projet de loi?

Le sénateur Housakos : Sénateur Woo, je peux vous dire que votre lettre d’opinion et vos commentaires récents ont attiré suffisamment l’attention sans que j’aie à en rajouter.

Dans ce débat, nos opinions divergent fondamentalement sur le fait que la Chine est un État tyrannique. Il est malheureux qu’un membre de la Chambre haute ne le reconnaisse pas. Nous ne considérons pas que ce qui s’est passé sur la place Tiananmen était un accident. C’était de la tyrannie. Le peuple ouïghour est victime de tyrannie. On le reconnaît partout dans le monde, y compris dans notre propre Parlement, et il est honteux qu’on ne l’ait pas reconnu au Sénat.

Je trouve scandaleux que vous soyez indigné par mes commentaires voulant que l’administration et le régime chinois soient tyranniques.

Le Front uni n’est qu’un exemple d’organisation œuvrant au Canada qui bénéficie d’un financement direct visant à faire respecter les principes de ce régime tyrannique. Des organisations comme Huawei sont financées par l’État. Ce sont des multinationales internationales qui, selon des organismes tels que le SCRS et la GRC, font de l’espionnage ici même au Canada.

Nous avons démasqué ces organisations. Nos services de sécurité disent aux comités parlementaires que nous devons prendre des mesures concrètes en conséquence. Je trouve révoltant qu’un parlementaire remette en question la véracité de cette information et notre position à l’égard d’une démocratie et de la République de Chine.

Le sénateur Woo : J’en conclus par votre absence de réponse que, selon vous, toutes les entités légalement constituées en Chine sont assujetties, directement ou indirectement, au contrôle de l’État chinois. Dans ce cas, pouvez-vous me dire pourquoi on ne pourrait pas inscrire au registre une organisation culturelle située en Chine dont l’objectif est de promouvoir les liens culturels avec le Canada, par l’entremise d’un agent en sol canadien, à Toronto ou à Montréal, qui veut s’entretenir avec moi au sujet d’un concert à Calgary ou dans une autre ville? Pourquoi le représentant de cette organisation située en Chine — un État « tyrannique » — et assujettie au contrôle direct ou indirect du Parti communiste chinois ne pourrait-il pas être inscrit au registre et peut-être puni s’il s’entretient avec moi ou avec n’importe quel autre sénateur, y compris — bien entendu — nos collègues qui appuient les arts? Plus tôt aujourd’hui, nous avons justement entendu parler du projet de loi qui vise à accroître la sensibilisation à l’égard de l’importance des arts dans notre pays. Pourquoi une personne qui représente cette organisation culturelle ne pourrait-elle pas être visée par le registre?

Le sénateur Housakos : Vous utilisez un exemple extrême, sénateur Woo. Nous ne parlons pas de demander des comptes à des personnes qui font la promotion d’échanges culturels. Je peux vous assurer que la communauté chinoise du Canada n’a pas besoin de l’aide de la République de Chine pour promouvoir la culture chinoise et la culture sino-canadienne. Elle peut très bien le faire elle-même.

Ce n’est pas du tout l’essence de ce projet de loi. L’essence de ce projet de loi est très simple. On pense aux organisations qui sont directement financées par Pékin, qui sont ici pour promouvoir le programme tyrannique du régime auprès de nos organismes gouvernementaux et de nos institutions, surtout dans les secteurs du commerce, des échanges internationaux, de la science, de la technologie et de l’énergie. Voilà quelles sont les organisations qui soulèvent de sérieuses inquiétudes à l’égard de cet enjeu, sénateur Woo.

Il n’est ni juste ni approprié d’essayer de brouiller les cartes et de justifier l’injustifiable.

Le sénateur Woo : Je me permets un autre suivi. Votre pseudo‑réponse semble laisser entendre que l’organisation culturelle serait, en fait, visée par le registre, alors que votre discours disait le contraire. On peut supposer que d’autres organisations, comme des associations d’anciens étudiants, des groupes sportifs et des municipalités, placés sous le contrôle direct ou indirect de l’État, devraient aussi figurer au registre si l’un de leurs représentants devait s’entretenir avec un parlementaire ou un haut fonctionnaire.

Dans un contexte où la mesure législative proposée obligerait essentiellement toutes les entités légalement constituées en République populaire de Chine à figurer au registre, ne diriez-vous pas que les auteurs de l’article avaient, en fait, raison pour ce qui est de l’affirmation qu’ils ont faite au sujet de la « désinformation » propagée dans des messages textes et des publications WeChat, selon laquelle un très grand nombre d’entités et de personnes associées avec la Chine seraient ciblées par le projet de loi de M. Kenny Chiu, qui a été rejeté?

Le sénateur Housakos : Sénateur Woo, ma réponse sera très claire. Toutes les organisations financées par Pékin qui mènent des activités en sol canadien seront tenues de figurer au registre. C’est une obligation absolue. C’est ce que dit le projet de loi. Je ne suis pas contre cette idée. C’est réellement l’objectif que poursuit le projet de loi. Cela dit, il ne cible pas les organisations culturelles canado-chinoises qui mènent leurs activités au Canada.

C’est exactement là où je veux en venir. Nous ne voulons pas que Pékin et son argent s’infiltrent dans les organisations culturelles canado-chinoises. C’est précisément une partie de la question qui nous occupe et de l’exercice que nous menons. Pékin devrait s’occuper de promouvoir ses propres activités culturelles sur son territoire, comme nous veillons à promouvoir nos propres activités culturelles et multiculturelles au Canada avec les citoyens canadiens. C’est là le véritable objectif du projet de loi. Je ne vois pas pourquoi vous estimez ne pas avoir reçu de réponse à votre question.

(1630)

Le sénateur Woo : Je vais donc la présenter encore plus directement. Selon vous, est-ce que tout Canadien, ayant récemment immigré de Chine ou n’importe qui d’autre, qui représente un établissement ou une entité ou un organisme établi en Chine — une école, une municipalité, un club de badminton, une association de mah-jong, tous légalement approuvés en Chine et vraisemblablement sous le contrôle direct ou indirect de l’État — et qui souhaite s’adresser à un parlementaire ou à un haut fonctionnaire serait visé par le projet de loi? Aux termes du projet de loi de M. Chiu, il le serait. Cette personne serait-elle visée par votre projet de loi et serait-elle tenue de s’inscrire au registre?

Le sénateur Housakos : Toute entité liée au régime tyrannique de Pékin serait visée, en effet. La réponse est oui. Je ne m’en cache pas. Tout établissement appartenant à l’État chinois et exploité par l’État chinois au Canada serait visé par le projet de loi, comme il se doit.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Housakos, je vois d’autres sénateurs se lever. En tant que leader suppléant, votre temps de parole est illimité. Voulez-vous continuer à répondre à des questions?

Le sénateur Housakos : Absolument.

L’honorable Victor Oh : Merci, sénateur Housakos. Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Tout à fait.

Le sénateur Oh : Vous avec parlé de l’ancien député Kenny Chiu. Je pense qu’il y a beaucoup de désinformation. J’aimerais corriger cela. Je connais très bien Kenny Chiu. Je me suis rendu à Vancouver pour l’appuyer pendant les élections. Quand il a été élu, j’ai vu qu’il devenait bizarre, qu’il agissait différemment. Il a commencé à se prendre pour le ministre des Affaires étrangères. J’ai dit à Kenny Chiu qu’il devait travailler pour sa communauté, pour les gens de sa circonscription, qu’il avait été élu par les Canadiens et qu’il devait travailler pour les Canadiens, pas aux Affaires étrangères. Je l’ai averti à maintes reprises; notamment, mon stagiaire est allé l’aider et je lui ai dit de transmettre mon message jusqu’à Vancouver.

Je lui ai dit : « maintenant tu prétends que des agents d’influence chinois t’ont saboté. » Je lui ai dit que c’était faux, que Mme Meng Wanzhou avait été arrêtée à Vancouver par le gouvernement et qu’il avait de bonnes chances d’être réélu. Toutefois, il a choisi de procéder autrement et je l’ai averti, mais, au bout du compte, c’était assez. Quel a été le résultat?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Oh, avez-vous une question pour le sénateur Housakos?

Le sénateur Oh : Oui. Sénateur Housakos, avez-vous parlé à Kenny Chiu au sujet de ce qui lui est vraiment arrivé?

Le sénateur Housakos : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Oh?

Le sénateur Oh : Il vous ment. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Adoption de la motion modifiée concernant l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy,

Que le Sénat :

1.rappelle que, malgré l’engagement d’avoir une Constitution entièrement bilingue contenu à l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982, des 31 textes formant la Constitution canadienne, à ce jour, 22 ne sont officiels que dans leur version anglaise, dont la quasi-totalité de la Loi constitutionnelle de 1867;

2.demande au gouvernement de considérer, dans le contexte de la révision de la Loi sur les langues officielles, l’ajout d’une exigence voulant qu’un rapport soit soumis aux 12 mois détaillant les efforts déployés pour assurer le respect de l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je propose que la motion inscrite à mon nom soit mise aux voix.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

[Traduction]

Motion concernant les minimums applicables aux projets de loi du gouvernement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénateur Black,

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.sauf disposition contraire du présent ordre, la motion d’adoption à l’étape de la troisième lecture d’un projet de loi du gouvernement ne soit pas mise aux voix à moins que les ordres pour la reprise du débat aux étapes des deuxième et troisième lectures aient été appelés au moins trois fois au total, exclusion faite des séances au cours desquelles ont été proposées les motions d’adoption à ces étapes;

2.après la première lecture d’un projet de loi du gouvernement, et avant que soit proposée la motion fixant la date de la deuxième lecture, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat puisse proposer, sans préavis, que le projet de loi soit réputé une affaire urgente et que les dispositions du paragraphe 1 du présent ordre ne s’appliquent pas aux délibérations le concernant;

3.les dispositions ci-après s’appliquent à une motion proposée conformément au paragraphe 2 du présent ordre :

a)le débat doit uniquement porter sur la question de savoir si le projet de loi devrait être considéré comme une question urgente ou non;

b)le débat ne peut être ajourné;

c)le débat dure un maximum de 20 minutes;

d)le temps de parole de chaque sénateur est limité à 5 minutes;

e)les sénateurs ne peuvent prendre la parole qu’une seule fois;

f)le débat ne peut être interrompu pour quelque raison que ce soit, sauf pour la lecture d’un message de la Couronne ou le déroulement d’un événement annoncé dans un tel message;

g)si nécessaire, le débat peut continuer au-delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance jusqu’à ce qu’il soit terminé et que soient terminés également les travaux qui en découlent;

h)le temps consacré au débat et à tout vote n’est pas compris dans la durée des affaires courantes;

i)sont irrecevables les amendements et autres motions, sauf la motion visant à donner la parole à tel sénateur;

j)la motion est mise aux voix à la fin du débat ou à l’expiration du temps alloué pour celui-ci;

k)si le vote par appel nominal est demandé, il ne peut être reporté et la sonnerie ne se fait entendre que pendant 15 minutes.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, on dit que tout est dans le choix du moment. Je ne sais pas comment réagir après la discussion cruciale que nous avons eue et à laquelle ont participé la sénatrice Simons, le sénateur Housakos et d’autres intervenants au sujet du Règlement du Sénat, aussi important soit-il, mais je vais tenter de présenter brièvement mes réflexions à ce sujet.

Cette motion a été présentée par le sénateur Tannas et le Groupe des sénateurs canadiens. Je tiens à les remercier du travail qu’ils ont fait pour déterminer comment se pencher sur cette question. C’est une question qui suscite chez nous beaucoup de discussions et de plaintes, et que le public en général ne connaît pas en détail ou considère comme faisant partie des procédures internes. Il est difficile de prendre le temps de trouver des solutions à ce problème auquel le Sénat doit faire face lorsque la Chambre des communes lui renvoie des projets de loi et le presse d’en disposer dans les plus brefs délais.

Lorsque cette question a été mise à l’étude pour la première fois, je siégeais sur place, au Sénat, et non à distance, et en commençant mon intervention, j’ai vu la réaction de plusieurs lorsque j’ai dit que j’appuyais essentiellement l’objet de la motion et l’approche proposée. Je présente mes excuses à mes honorables collègues du bureau du représentant du gouvernement au Sénat. Ils m’ont tous regardée avec stupéfaction, et je comprends pourquoi. Ils ont un travail à faire, et je sais à quel point ils travaillent fort avec leur équipe pour expliquer au gouvernement l’importance de changer la façon de réagir et de planifier, et de donner suffisamment de temps — pas trop de temps, mais suffisamment de temps — au Sénat pour qu’il puisse étudier les questions en détail et réaliser comme il se doit le travail qu’ils doivent faire au nom et aux frais des contribuables canadiens. Je comprends la situation et je les remercie de ce travail.

(1640)

Je veux aussi préciser que les doléances du Sénat quant à la gestion des projets de loi ne concernent pas uniquement le gouvernement actuel, mais aussi bon nombre des derniers gouvernements qui se sont succédé. D’ailleurs, à ce stade-ci, je reconnais que nous traitons avec un gouvernement minoritaire et que les autres partis ont tout autant leur mot à dire que le gouvernement sur le calendrier de ce qui est renvoyé au Sénat. Toutefois, je tiens à dire que je suis d’accord avec l’intention de cette motion.

De nombreuses opinions circulent au Sénat sur la question de savoir si la motion à l’étude et les changements proposés au Règlement constituent la bonne façon d’atteindre notre objectif. Je suis convaincue que nous entendrons divers points de vue à ce sujet.

Une majorité de sénateurs n’ont pas exprimé de désaccord avec la préoccupation soulevée par le sénateur Tannas. Il sera important d’en tenir compte pour la suite des choses. Autrement, quelles sont les options?

Certains diront que l’on pourrait se servir des dispositions actuelles prévues au Règlement. Bien que certaines dispositions existent déjà, il y a des moyens de refuser les demandes visant à accélérer l’étude ou l’adoption des mesures législatives. Il existe aussi d’autres façons de passer le message et d’obtenir une réponse différente, peut-être du point de vue du moment choisi; d’autres sénateurs nous en parleront.

Toutefois, aucune de ces options ne répond à la préoccupation soulevée par le sénateur Tannas et par le groupe de sénateurs conservateurs au sujet de la pression constante exercée sur les groupes ou les caucus au Sénat pour qu’ils répondent au sentiment d’urgence que nous communique le gouvernement.

J’estime que nous devons tenir cette discussion importante. Cette discussion découle des frustrations liées à ce problème, qui touche cette institution depuis des années, et que ressentent également les sénateurs qui ont siégé lors des dernières sessions parlementaires.

La frustration est exacerbée par toutes les conditions et le stress vécus pendant la pandémie, tous les événements survenus dans le monde et, disons-le carrément, par l’opposition au Sénat qui lance souvent des signaux d’alarme inutiles et qui utilise les règles de façon dilatoire. Je le répète : je comprends les raisons de cette frustration.

Tous ces éléments nuisent au fonctionnement efficace et productif du Sénat et ne prennent pas la pleine mesure des capacités que consacre le Sénat à l’étude des mesures législatives du gouvernement dont il est saisi dans diverses circonstances.

La réponse selon laquelle il suffit d’utiliser les règles actuelles soulève une préoccupation chez moi : toutes ces discussions ont généralement lieu avant que la question soit soulevée au Sénat, le moment où nous pourrions utiliser ces règles. Toutes ces discussions ont lieu lors de rencontres entre les leaders. Je respecte pleinement la direction au sein du Sénat, les leaders et les facilitateurs. Je respecte le travail qu’ils font et les propositions qu’ils présentent. Cependant, compte tenu de la nécessité de comprendre l’urgence, les conséquences sur le reste du programme, le fait que l’étude sera écourtée ou, lorsqu’il ne s’agit pas de projets de loi de finances, qu’il y aura une étude préalable durant laquelle nous n’examinons pas la version finale du projet de loi envoyé par la Chambre des communes, je trouve inquiétant que l’ensemble du Sénat ne soit pas appelé à en discuter en toute transparence ou à participer à la prise de décision — pour nous prononcer sur l’adoption de ce type d’approche pour gérer l’urgence ou le traitement urgent et la mise aux voix des projets de loi au Sénat. Comme je l’ai dit plus tôt, en me faisant l’écho des propos du sénateur Tannas, cette façon de faire exerce aussi des pressions sur des personnes ou des groupes en particulier.

Je ne crois pas qu’il serait déraisonnable que le gouvernement demande que, au titre de ces modifications au Règlement, une discussion de 20 minutes soit automatiquement prévue à l’étape de la première lecture sur la nature de l’urgence et mène à des échanges entre les divers groupes. Cela pourrait donner lieu à un vote avec une sonnerie de seulement 15 minutes. En tout, la procédure prendrait à peine un peu plus d’une demi-heure. La plupart du temps, on fait retentir la sonnerie inutilement, à des fins dilatoires, pendant une heure ou, parfois même, plusieurs fois pendant plusieurs heures. Je ne vois donc pas ce qui est déraisonnable dans cette proposition.

Nous pourrions effectivement utiliser d’autres règles, mais elles ne seraient pas forcément aussi efficaces. Les raisons ont été énoncées. C’est un processus transparent. Le Sénat tient un vote, et les raisons sont comprises et acceptées. Je pense que, dans la majorité des cas, le Sénat réagit de façon raisonnable, et qu’il réagirait de manière appropriée s’y a réellement une urgence. Cependant, cette façon de procéder confère de la transparence à la procédure. C’est une décision qui est prise par l’ensemble du Sénat. C’est une approche efficace en raison de la structure des règles et du calendrier, ainsi que du droit automatique du représentant du gouvernement et du bureau du représentant du gouvernement de déclarer immédiatement qu’une question est une urgence et de tenir un débat à son sujet.

Si d’autres personnes ont des idées, je voudrais les inviter à se rassembler en petit groupe pour en parler et voir s’ils peuvent arriver à un consensus qu’ils nous présenteraient afin que nous puissions en débattre au Sénat. Par ailleurs, je pense que ce que je vous ai présenté constitue une proposition constructive, une solution qui tente d’attaquer le cœur du problème sans toutefois ralentir les choses, et cela mérite d’être souligné.

Je sais que les collègues qui seront en désaccord avec cette approche, mais qui partagent le raisonnement à l’origine de cette préoccupation pour le Sénat, apporteront de l’eau au moulin pour proposer d’autres solutions efficaces. Au bout du compte, il ne nous restera plus qu’à voter à ce sujet.

Pour finir, je resterai plus brève qu’à l’habitude dans mes commentaires et je m’arrêterai là. Merci beaucoup.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Lankin : De la part de mon cher collègue du bureau du représentant du gouvernement au Sénat, avec plaisir.

Le sénateur Gold : Je remercie ma chère collègue du Sénat de ses observations, qui étaient bien réfléchies, comme toujours.

Sénatrice Lankin, vous avez l’avantage de siéger au Sénat depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel. Vous vous souvenez sans doute que, au cours des six ou sept dernières années, le Sénat a consacré beaucoup de temps et déployé des efforts considérables pour étudier de nombreuses mesures législatives cruciales, notamment le projet de loi sur le cannabis, le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, le projet de loi sur la réconciliation avec les peuples autochtones et le projet de loi sur l’aide médicale à mourir.

Le traitement de ces questions par le Sénat, leur étude et les débats rigoureux dont elles ont fait l’objet, sont bien documentés et, j’oserais dire, se sont déroulés avec peu de pressions de la part du gouvernement, dans la collégialité et sans motion d’attribution de temps. On n’a eu recours à aucune motion du genre jusqu’à présent.

Nous savons également à quel point il est fréquent — comme on peut le constater ces jours-ci d’ailleurs — que des points émanant du gouvernement demeurent au Feuilleton pendant des semaines sans être débattus le moindrement et passent de nombreux jours consécutifs, voire plus longtemps, sans que quiconque intervienne à leur sujet. Il y a peu de choses que le gouvernement puisse faire pour prévenir de telles circonstances.

J’arrive à ma question.

Si vous examinez le bilan du gouvernement dans son ensemble, en tenant compte, tout particulièrement, comme vous l’avez mentionné, du caractère unique de la pandémie que nous connaissons depuis deux ans, en votre for intérieur, croyez-vous réellement que le gouvernement soit coupable d’avoir précipité inutilement ou de manière irresponsable les travaux du Sénat?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Lankin, le temps qui vous était imparti est écoulé. Deux autres sénateurs souhaiteraient poser des questions. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Lankin : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement n’est pas accordé, sénatrice Lankin.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre du débat sur une question que je considère comme essentielle pour la capacité du Sénat à remplir son devoir constitutionnel de second examen objectif. Je tiens à remercier le sénateur Tannas d’avoir lancé cette discussion. J’y participe à titre de sénatrice indépendante et non à titre de facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants. Il s’agit d’un avertissement, d’une démarche préventive. Je tiens à vous faire part de mon point de vue sur cette question, sachant très bien que certains de mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants seront d’accord avec moi, et d’autres non. C’est cette diversité d’opinions et d’expertise combinée au respect mutuel qui fait, je crois, la force de notre groupe.

(1650)

Permettez-moi d’abord de m’exprimer sur le contexte de cette motion et sur les outils dont nous disposons actuellement. Je vous ferai également part de mes réflexions plus détaillées sur le contenu de la motion qui vise à résoudre les problèmes auxquels nous nous heurtons souvent vers la fin d’une session ou avant les pauses hivernale et estivale, à savoir, la précipitation et l’incapacité d’étudier et d’améliorer correctement les projets de loi qui arrivent tardivement au Sénat. Je crois que nous pouvons tous convenir que le Sénat est maître de son destin. Nous ne devrions pas céder aux pressions du gouvernement ou de la Chambre des communes lorsque cela nous empêche de nous acquitter de notre rôle de sénateurs. Sur ce point, je suis d’accord avec le sénateur Tannas. Cependant, je crois que nous avons maintenant, dans le Règlement, le pouvoir et la capacité d’exercer un second examen objectif tout en travaillant de façon complémentaire avec la Chambre élue, comme les Canadiens s’attendent à ce que nous le fassions.

Permettez-moi de poursuivre en citant certains des outils dont nous disposons. Conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, nous pouvons faire des études préalables des projets de loi qui, nous savons, nous serons envoyés en retard aux fins d’étude. Cette pratique est avantageuse, car elle nous permet d’être prêts à débattre des projets de loi et à finalement proposer des amendements lorsque les projets de loi nous sont présentés dans des circonstances qui exigent une réponse diligente et opportune.

Dans des circonstances exceptionnelles, nous disposons également d’une option simple, mais efficace : siéger plus longtemps. Au bout du compte, c’est à nous que revient la responsabilité d’étudier correctement un projet de loi. Il n’y a notamment pas de règles qui disent que nous devons ajourner trois jours après l’autre endroit. Pourquoi ne siégerions-nous pas pendant une semaine, deux semaines ou toute période de temps nécessaire pour accomplir le travail que les Canadiens attendent de nous? Somme toute, les projets de loi ne sont pas envoyés au Sénat avec une date d’expiration. Je sais que certains de mes collègues diront que le fait de siéger plus longtemps ne réglera pas le problème et que nous ne pourrions pas modifier les projets de loi pendant que la Chambre est ajournée. Je vois toutefois les choses différemment. N’oublions pas que le Sénat est maître de son destin. Rien ne nous empêche de modifier les projets de loi qui arrivent en retard et de les renvoyer à l’autre endroit.

En fait, je suis plutôt d’accord avec l’idée qu’une mauvaise planification de la part de la Chambre ne devient pas nécessairement une urgence au Sénat, comme l’a dit le leader du Groupe des sénateurs canadiens. Il revient toutefois aux sénateurs d’exprimer leur volonté individuelle et collective de siéger lorsqu’ils ne le veulent pas et de siéger plus longtemps que prévu les jours de séances proposés afin de réussir à examiner en profondeur les mesures législatives du gouvernement.

J’aimerais parler de l’idée de renvoyer un amendement du Sénat concernant un projet de loi du gouvernement à une Chambre des communes qui ne siège plus. Ce n’est pas le problème du Groupe des sénateurs indépendants, des sénateurs conservateurs, du Groupe des sénateurs canadiens ou du Groupe progressiste du Sénat, ni même du Sénat. C’est le problème du gouvernement du moment et de la Chambre des communes. C’est leur problème, et c’est à eux de le régler si la situation se produit.

Il faut garder à l’esprit que le Président de la Chambre des communes a le pouvoir de rappeler les députés pendant les relâches parlementaires, conformément à l’article 28(3) du Règlement de la Chambre des communes. En ce qui nous concerne, nous ne ferions que remplir notre devoir constitutionnel et franchement, chers collègues, je ne crois pas que nous devrions ensuite nous excuser d’avoir fait notre travail collectif qui consiste à demander des comptes au gouvernement.

Par conséquent, je souhaite revenir sur la déclaration faite par le sénateur Tannas le 8 février, selon laquelle « les membres du Groupe des sénateurs canadiens ne consentiront plus à faciliter l’adoption de mesures législatives, notamment en renonçant à appliquer le Règlement ».

Je reconnais, certes, que la possibilité de renoncer au consentement du Sénat est l’un des outils importants dont nous disposons et que le Sénat a beaucoup donné son consentement, peut-être trop, depuis le début de la pandémie, mais je n’approuve vraiment pas ce réflexe pavlovien qui nous pousserait maintenant à refuser notre consentement. Ce n’est pas parce qu’il y a eu quelques abus par le passé qu’il serait désormais inapproprié d’accorder notre consentement dans le cas d’un enjeu urgent, lorsque les Canadiens bénéficieraient grandement d’une mesure législative adoptée promptement. À titre d’exemple, y a-t-il un seul sénateur soucieux de l’intérêt public qui serait à l’aise de refuser son consentement s’il s’agit d’un projet de loi de crédits urgent, surtout s’il a été examiné en profondeur par nos propres experts membres du Comité des finances nationales? J’en doute.

Prenons l’exemple du projet de loi C-10, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2020. Il a été adopté en une seule journée pendant la 43e législature, le 13 mars 2020, au début de la pandémie de COVID-19. Nous avons adopté le projet de loi C-10, avec le consentement du Sénat, afin de fournir aux citoyens et aux entreprises du Canada des prestations cruciales pour la période difficile qui s’amorçait.

À ce moment, c’était nécessaire pour satisfaire aux besoins des Canadiens, et il n’est pas exclu que cela redevienne nécessaire à l’avenir. Durant l’un des pires moments de cette pandémie, notre devoir était d’agir rapidement et dans l’intérêt de la population. Je n’essaie pas de jouer sur les nuances, chers collègues. C’était la realpolitik dans laquelle nous baignions. Nous espérons tous que le pire de la pandémie de COVID-19 est passé, mais nous ne sommes pas à l’abri des tragédies ou des catastrophes naturelles qui nous pousseraient à agir de façon urgente pour approuver des mesures.

Afin de souligner encore plus les effets néfastes de cette approche dogmatique — que je qualifierais même de sophisme irréfléchi —, j’aimerais prendre l’exemple de nos récents débats sur la Loi sur les mesures d’urgence. Le choix de certains de nos collègues de refuser la permission de lever le préavis d’une journée afin d’accélérer le débat — ce qui est tout à fait en accord avec nos règles —, a eu comme conséquence de retarder nos travaux et d’empêcher de nombreux sénateurs — un total de 16 sénateurs juste pour le Groupe des sénateurs indépendants — de prendre la parole pour aborder cet enjeu crucial. Si cette permission avait été accordée, nous aurions pu débattre le vendredi et le lundi suivant.

Et que dire du projet de loi C-6, qui modifiait le Code criminel afin d’interdire les thérapies de conversion? Il a été déposé fin juin 2021 au Sénat, mais nous n’avons pas pu l’adopter parce que l’on n’a pas consenti à la réalisation d’une étude préalable. Ce projet de loi a reçu un appui quasi unanime de la Chambre et était réclamé de toute urgence par des experts indépendants et la communauté LGBTQ2+. En outre, il a été adopté avec le consentement du Sénat au cours de la présente législature. Pourquoi alors bloquer inutilement l’étude préalable l’été dernier?

Je dois dire que, d’après moi, ces exemples prouvent le caractère contre-productif de cette pratique et ne sont pas conformes à l’idéal de légiférer dans l’intérêt du public.

C’est, par ailleurs, la preuve que la motion no 30 est superflue. Depuis l’ouverture de la 44e législature, le sénateur Tannas a lui‑même recouru presque systématiquement à nos règles pour refuser le consentement et empêcher ainsi le Sénat d’être bousculé par le gouvernement ou l’autre endroit.

Je ne suis pas d’accord avec la formulation des termes du débat dans le troisième point de la motion. Limiter le temps de débat à 20 minutes et à 5 minutes par sénateur signifierait que seuls quatre d’entre eux pourraient prendre la parole pendant les débats. En plus d’être superficielle, cette approche serait grandement injuste.

Entre les groupes reconnus, le caucus conservateur, les sénateurs non affiliés et les représentants du gouvernement, il est certain que quelqu’un ne sera pas représenté.

(1700)

Pour mon groupe, le Groupe des sénateurs indépendants, l’option ne serait pas viable. Même dans le cas où un de nos membres prendrait la parole sur l’urgence d’adopter un projet de loi, il serait impossible pour le sénateur de le faire comme porte-parole ou représentant du groupe. Les autres sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants pourraient ne pas être en accord et ils pourraient ne pas se sentir représentés dans le débat.

Je suis certaine que nombre de mes collègues des autres groupes du Sénat ont la même impression. Cette approche ne s’aligne tout simplement pas sur les réalités du Sénat contemporain.

Cependant, je dois remercier le sénateur Tannas de son ouverture aux suggestions et aux améliorations. Cela montre son engagement indéfectible de longue date envers l’efficacité du Sénat.

Chers collègues, la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui est une déclaration politique. C’est une bravade née de la frustration face au dédain perçu de l’autre endroit, frustration que je partage. Cependant, en examinant de plus près le Règlement et en ayant le courage collectif de l’appliquer correctement, de concert avec un bon programme pour nos travaux parlementaires, nous verrons qu’elle n’est pas nécessaire ni justifiée.

De plus, ce n’est qu’une solution temporaire, car il s’agit d’un ordre sessionnel et non d’une modification de notre Règlement. La motion est sans fondement; par exemple, lors de la législature précédente et pendant la législature actuelle, le représentant du gouvernement au Sénat n’a jamais utilisé l’attribution de temps comme outil de pression. Il a plutôt cherché à établir un consensus entre les sénateurs. Nous devons continuer à travailler dans la collégialité.

Je vais maintenant conclure, en espérant que le sénateur Tannas sera encore mon ami, en citant les sages paroles d’un ancien sénateur, le regretté Michael Pitfield, tirées de la préface du livre Protéger la démocratie canadienne : Le Sénat, en vérité :

Ma longue expérience de l’administration publique m’a appris que l’on se doit d’aborder un sujet aussi exigeant que la réforme du Sénat avec prudence et une bonne dose d’humilité.

J’espère que ces mots empreints de sagesse nous inspireront à prendre nos distances des étiquettes et de la fanfaronnade politique. Plutôt que de protéger le rôle de second examen objectif du Sénat, cette motion nous mènerait à rejeter les diverses options qui s’offrent déjà à nous dans notre Règlement et dans celui de l’autre endroit. À vrai dire, elle ne ferait que retarder les travaux parlementaires ici et dans les comités, au détriment de la rapidité nécessaire, en cas de besoin.

Voilà pourquoi je voterai contre cette motion.

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : La sénatrice Saint-Germain accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Saint-Germain : Oui.

Le sénateur Housakos : Je vous remercie de ce discours bien réfléchi. Encore une fois, vous avez été fort éloquente.

Sénateur Tannas, j’espère que nous serons encore amis lorsque j’aurai posé ma question, mais il y a eu passablement de nombrilisme dans cette enceinte. Nous examinons constamment le Règlement. Évidemment, je ne suis pas contre l’idée d’apporter constamment des améliorations. Rien n’est immuable. Nous devrions revoir le Règlement.

Cependant, je suis ici depuis un certain nombre d’années, et au bout du compte, j’estime que le Règlement accorde certains avantages au gouvernement tout en protégeant le rôle de l’opposition. Quand je pense aux dernières législatures, je me demande s’il y a un exemple de situation où nous ne sommes pas parvenus à une entente pour veiller à ce que les membres de l’opposition puissent se faire entendre, et s’il y a un exemple de situation où cette Chambre n’a pas respecté le programme et l’échéancier du gouvernement en ce qui a trait à des dossiers importants, qu’il s’agisse de la pandémie de COVID-19 ou de quoi que ce soit d’autre.

Il me semble que, chaque fois que nous débattons dans cette enceinte, nous avons un problème à résoudre. J’ai écouté votre discours attentivement, et il me semble que la proposition dont nous sommes saisis ne réglerait rien. Est-ce vraiment une solution à un problème qui existe?

Deuxièmement, il y a aussi l’attribution de temps. Le gouvernement s’est évidemment vanté de n’y avoir jamais eu recours, à tort, car cela indique aussi qu’il y a eu entente entre les leaders même si de nombreux groupes ont été créés.

Êtes-vous d’accord pour dire que cette motion ne règle vraiment rien à ce moment précis?

La sénatrice Saint-Germain : Merci de la question, sénateur Housakos. Comme elle comprend un piège, je vais d’abord répondre à la question, puis au piège.

D’abord, la question. Je conviens que la motion n° 30 ne résout pas le problème qu’elle prétend régler. Au contraire, je crois que cette motion est contre-productive, car elle prévoit certains retards qui ne sont pas compatibles avec une mesure d’urgence ou une mesure que le gouvernement prétend être urgente.

Quant au piège, je suis d’accord avec vous. Si nous utilisons le Règlement judicieusement, car il a été écrit judicieusement, d’un point de vue objectif, je dirais que la majeure partie de son texte est on ne peut plus sensée et n’a pas besoin d’être modifiée. Cependant, je crois toujours que, compte tenu du fonctionnement du Sénat moderne, certaines règles doivent être mises à jour afin d’assurer une plus grande équité à tous les sénateurs et à tous les groupes, et aussi — et je vais rester polie — de « dépoussiérer » certaines pratiques qui prennent beaucoup de temps et qui n’ont pas d’incidence positive sur notre efficacité, bien au contraire.

C’est ma réponse.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénatrice Saint-Germain, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Saint-Germain : Avec plaisir.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis d’accord avec votre discours. Toutefois, je voulais vous poser une question sur un point particulier, qui m’a toujours semblé très simple, mais qui, en même temps, semble poser d’énormes problèmes : la question de notre horaire.

Pour moi, la difficulté de la motion du sénateur Tannas, c’est qu’on ne considère pas ce que nous pouvons faire afin d’avoir plus de temps pour étudier des projets de loi. Je dois vous dire que je suis tout à fait stupéfaite de constater que, dans les premiers mois d’une session parlementaire, nous sommes toujours pressés en raison des semaines de relâche qui arrivent. Nous avons très peu de temps en raison des semaines de relâche et de notre horaire de trois jours à la Chambre. Cela dit, notre horaire de sénateurs est certainement notre première arme pour travailler de plus longues heures afin d’étudier plus en profondeur les projets de loi du gouvernement et les projets de loi d’intérêt privé.

Depuis que je suis ici, je ne vois pas comment nous pouvons attirer la moindre sympathie de la part du public si nous disons que nous n’avons pas suffisamment de temps pour étudier les projets de loi, surtout si l’on regarde bien notre horaire. Je sais que je tiens des propos un peu durs, mais il me semble que nous aurions un grand pouvoir si nous nous entendions tous pour modifier ledit horaire.

La sénatrice Saint-Germain : Je vous remercie de la question. Je comprends donc que celle-ci porte sur la pertinence d’organiser nos travaux au sein des comités et éventuellement à la Chambre d’une manière permettant d’éviter de devoir travailler en mode accéléré — parfois même en mode trop accéléré — à la fin des semaines de relâche, soit durant l’été et durant les Fêtes. Je pense que c’est un bon exemple de règles et d’éléments d’organisation du travail qui pourraient faire l’objet d’une étude au Comité du Règlement et au Comité de sélection. Donc, il s’agirait d’organiser nos travaux avec plus d’efficacité tout en tenant compte des contraintes liées à notre travail, notamment l’interprétation et la présence d’un quatrième groupe de sénateurs. Je suis d’accord avec vous. Cela dépend de nous et c’est à nous d’y voir. Merci.

[Traduction]

L’honorable Marty Deacon : Je vous remercie de votre intervention.

Je crois que nous nous pensons tous à notre façon de faire notre travail et d’être efficaces ainsi qu’à la façon dont nous pouvons faire mieux. Je ressens beaucoup d’empathie et de respect lorsque je me remémore le débat du 17 décembre, avant Noël, qui a beaucoup été guidé par le sénateur Tannas. Je pense que cette journée supplémentaire a été très importante. Je suis sûre que pour certaines personnes, cela a été un facteur de stress à l’approche de Noël, mais ça a été profitable, et nous avons été en mesure de prendre du recul.

(1710)

Je maintiens ma question — et je remercie aussi la sénatrice Lankin — sur le problème que nous tentons de résoudre. Je déteste me montrer aussi simpliste, mais je considère qu’il le faut, parce que nous avons un ensemble de normes ou de règles à respecter. Nous avons connu un problème à la fin de juin et avant Noël, que nous ne voulons jamais revivre. Nous voulons nous éloigner de cette façon de faire.

Le problème est-il que nous manquons collectivement de courage et que nous ne comprenons pas comment appliquer les règles du jeu dans ce carré de sable géant? Je le dis le plus gentiment du monde, mais c’est le cas... Nous ne comprenons pas comment faire en sorte de ne pas nous retrouver à siéger à nouveau... Nous ressentons peut‑être un faux sentiment de sécurité, parce que nous avons entendu dire que nous pourrions nous trouver dans une position plus stable jusqu’en 2025. Je ne sais pas si c’est vrai, mais nous l’avons entendu dire. Des personnes pourraient donc se dire : « rien ne presse, nous avons encore le temps ».

À votre avis, quel courage collectif nous faut-il pour bien appliquer les règles du jeu dans ce carré de sable?

La sénatrice Saint-Germain : Merci de la question. Vous avez mentionné le courage, comme je l’ai fait dans mon discours. Mais le courage, c’est entre autres de se rappeler, jour après jour, la raison pour laquelle nous sommes ici. Notre mission consiste d’abord et avant tout à procéder à un second examen objectif des projets de loi du gouvernement et à l’analyse des projets de loi présentés par la Chambre élue. Nous devons aussi nous assurer que les peuples autochtones, les personnes vulnérables, les régions et les personnes qui n’ont d’autres voix que la nôtre soient dûment représentés. Avoir du courage, c’est prendre le temps nécessaire pour s’acquitter de cette mission, et non pas interpréter le Règlement et en tirer profit pour atteindre d’autres objectifs.

Nous sommes également responsables de notre propre organisation. Si nous n’interprétons pas le Règlement conformément à l’esprit du second examen objectif que nous devons mener, nous devons en rendre compte aux Canadiens.

Personnellement, je n’aime pas être bousculée à la fin d’une session. Cela dit, qu’arriverait-il si nous n’apportions jamais les amendements à point nommé aux projets de loi qui, selon nous, doivent vraiment être modifiés à la fin de la session? Aurions-nous le courage de renvoyer à l’autre endroit des projets de loi ou des messages accompagnant des amendements? À mon avis, cela fait partie du problème parce que nous porterons l’odieux de ne pas avoir fait notre travail en temps opportun.

Mais la première condition, je crois, ou notre premier objectif devrait être de mieux organiser notre travail. Franchement, c’est nécessaire et je pense que nous sommes tous d’accord là-dessus.

Aussi, je félicite le Comité du Règlement de son travail et du dynamisme dont il fait montre actuellement. Je sais que le Comité de sélection agira lui aussi en temps et lieu.

L’honorable Larry W. Campbell : Madame la sénatrice, j’ai une question. Il semblerait que l’on pense que nous devrions siéger plus longtemps, peut-être les lundis et les vendredis. Évidemment, si j’habitais dans la bulle — de Québec à, disons, Hamilton — je pourrais me rendre ici tous les jours en voiture. Mais, malheureusement, certains d’entre nous vivent à l’autre bout du Canada, et il leur faut deux jours ou un jour et demi pour venir ici. Pensez-vous qu’une solution possible serait de modifier nos heures de séance afin que nous puissions siéger cinq jours par semaine?

La sénatrice Saint-Germain : Merci, monsieur le sénateur. Vous constatez le même problème que moi. Même à partir de la ville de Québec, il me faut six heures pour me rendre ici. Nous ne sommes toutefois pas du même avis sur la solution à adopter.

Je pense que nous pourrions organiser notre temps de façon à maintenir nos semaines habituelles de trois jours, mais que nous devons réorganiser notre horaire et repenser notre approche. En même temps, je pense aussi que si nous avons le courage d’envoyer un message avec des amendements à l’autre endroit et que le Président doit alors rappeler la Chambre des communes, les députés pourraient bien vouloir réorganiser leur travail.

L’honorable David Richards : Sénatrice Saint-Germain, merci de votre discours. Le problème avec le Budget supplémentaire des dépenses (C), c’est que nous avions deux jours. Il nous fallait avoir accès à des services de traduction. Nous devions faire l’étude article par article. Dans trois ou quatre jours, le Budget principal des dépenses sera renvoyé au Sénat; nous en serons saisis sous peu.

Nous disposions de vraiment très peu de temps pour le Budget supplémentaire des dépenses (C). Je ne pense pas que nous l’avons étudié aussi bien que nous l’aurions pu. C’est un projet de loi de finances fondamentale; il doit être adopté. Or, il contient de nombreuses dispositions et prévoit l’octroi de sommes importantes. Nous n’avons pas pu obtenir autant de précisions de la part des témoins que nous l’aurions souhaité parce que l’étude a été précipitée. Je pense que c’est en partie le problème que le sénateur Tannas essayait d’expliquer pour en venir à une forme de solution. Je me demande si vous pourriez aborder cet aspect.

La sénatrice Saint-Germain : Sénateur, je suis d’accord que les budgets des dépenses et les projets de loi de crédits sont complexes, surtout que, cette année, ils ont été présentés tardivement. Cependant, il est avantageux de recourir aux études préalables qui ont été effectuées, comme vous le savez, par les membres du Comité des finances nationales.

Un sénateur ne peut pas étudier article par article tous les projets de loi. C’est le rôle et la responsabilité des comités sénatoriaux d’examiner minutieusement les projets de loi et d’en faire rapport au Sénat, avec ou sans recommandations d’amendements.

En ce qui a trait aux budgets des dépenses, il existe une importante tradition selon laquelle nous nous fions et nous nous en remettons à l’autre endroit et au gouvernement. Comme vous le savez, le gouvernement peut être défait en raison d’un projet de loi de finances, ou de crédits, alors il y a une nuance importante.

Bref, les comités sénatoriaux ont besoin de temps pour effectuer leur travail, mais nous devons aussi prendre en considération le fait que les membres de ces comités sont des experts. Ils doivent nous donner conseil et, au besoin, nous recommander des amendements, que nous devrons étudier avec soin en tant que Chambre haute.

Le sénateur Housakos : Si l’honorable sénatrice accepte de répondre à une autre question, je serai bref. Je semble percevoir, en particulier chez la sénatrice Miville-Dechêne — en fait je sais que c’est le cas — une certaine frustration quant à la vitesse à laquelle les choses se déroulent ici.

Or, la réalité — vous l’admettrez, sénatrice Saint-Germain —, c’est que c’est nous qui décidons de siéger du mardi au jeudi. Le calendrier du Parlement permet des séances du lundi au vendredi. Comme la Chambre des communes, nous pourrions sans problème siéger du lundi au vendredi.

Ne croyez-vous pas que nous pourrions siéger au-delà du mois de juin pour débattre de différents enjeux? Ce sont les leaders des différents groupes qui choisissent le moment où le Sénat fait relâche.

Encore une fois, si on revient à mon argument, je ne crois pas que cette question sera réglée au moyen du Règlement. Le Règlement permet au Sénat de siéger autant qu’il veut. Dieu merci, en 2022 au Canada, venir à Ottawa ne prend pas deux jours, sauf si vous décidez de venir en carriole. La vérité, c’est que si nous voulions siéger davantage, nous pourrions le faire.

La sénatrice Saint-Germain : Sénateur Housakos, je n’admettrai rien du tout, mais je conviens que c’est à nous que revient la responsabilité d’organiser nos travaux pendant ces trois jours de séances. Nous pourrions être plus efficaces dans nos travaux, j’en suis certaine. Au besoin, nous tenons des séances intensives pour lesquelles nous devons être présents pendant plus de trois jours, soit quatre ou cinq jours, et c’est la même chose lorsqu’il y a des situations d’urgence. Alors, oui, nous avons la responsabilité de mieux organiser nos travaux.

L’honorable Scott Tannas : Merci, sénateur, de votre intervention. Nous sommes encore amis.

Sénatrice, je voulais savoir ce que vous pensez de différentes choses. D’abord, je dois dire que je suis entièrement d’accord avec vous. Je sais que le sénateur Mercer en a parlé à la relâche de Noël.

(1720)

Nous devons être assez courageux et faire preuve de suffisamment d’objectivité pour rejeter tout argument selon lequel nous ne devrions pas amender les projets de loi parce que la Chambre des communes ne siège plus. Je suis d’accord avec vous. Si nous nous engageons collectivement à agir ainsi, je ne verrais aucun inconvénient à siéger aussi longtemps qu’il le faudra pour étudier en profondeur les projets de loi en fin de session. Cependant, il est exaspérant qu’on nous demande d’adopter à toute vapeur des mesures sans les étudier convenablement ou pouvoir y proposer des amendements.

Je souscris à cette partie de votre discours.

Je pense avoir dit que je ne crois pas que la motion no 30 résoudra tous nos problèmes. Cependant, dans certains scénarios, et vous en avez mentionnés dans votre intervention, elle serait utile.

Nous savons que, aux termes de notre Règlement, il faut deux jours pour passer de la première lecture à la deuxième et un jour, pour passer de la deuxième à la troisième lecture d’une mesure législative. La présente motion éliminerait cela. À l’étape de la deuxième lecture, le leader pourrait plutôt intervenir pour dire qu’il s’agit d’une urgence et demander d’éliminer ces trois jours de débat parce que le temps presse. Nous pourrions ensuite prendre le relais. Nous pourrions réclamer que la mesure fasse l’objet d’une étude de deux jours. Nous pourrions agir comme bon nous semble, sans perdre notre temps à cause de ces jours prescrits.

Je voulais aussi parler du scénario qui a failli survenir dans cette enceinte la semaine passée. Je parle d’une mesure législative de retour au travail pour laquelle il aurait fallu demander le consentement. Cela aurait mis au moins un sénateur dans la position extrêmement inconfortable d’accorder le consentement pour accélérer la procédure. Si nous avions disposé de l’outil que je propose, cette personne et d’autres sénateurs auraient pu exercer leur droit d’objection sans incident.

Je me demande quelle partie du Règlement vous pensez que nous pourrions utiliser pour reproduire cela tout en respectant le Règlement. En d’autres termes, je me demande comment nous pouvons suspendre les travaux sans demander le consentement, avec tous les sénateurs tenus de se taire et de se tenir les bras croisés, alors qu’ils pourraient être en désaccord pour des raisons religieuses ou parce qu’ils s’opposent avec véhémence à des dispositions clés dans une mesure sociale. Nous avons déjà connu ce genre de situation, une situation d’urgence que nous devons régler pour une raison ou une autre. C’est ce qu’on a bien voulu nous faire croire à Noël pour le projet de loi C-6.

Qu’en pensez-vous? Je ne détiens peut-être pas la solution idéale, mais je serais heureux de savoir ce que vous pensez de certaines situations auxquelles nous avons été — ou failli être — confrontés.

La sénatrice Saint-Germain : Pour répondre à la première partie de votre question concernant le délai de préavis d’un ou de deux jours, je crois que nous pouvons décider collectivement de lever cette exigence s’il y a urgence. Ainsi, nous pouvons convenir d’omettre le préavis et de passer à la prochaine étape sur-le-champ.

Je passe maintenant à votre troisième question, puisqu’elle est liée. Si un seul sénateur refuse d’accorder son consentement, il incombe à ce sénateur de se justifier. Si le consentement est refusé seulement pour ce qui est d’omettre le délai de préavis d’un ou de deux jours, dans la mesure où il n’y a pas urgence, nous pouvons composer avec cela.

Vous avez parlé de projet de loi de retour au travail. En général, nous savons que ce genre de situation se présente lorsque les négociations avec un syndicat n’ont pas été concluantes. Nous sommes alors appelés à étudier le projet de loi de toute urgence. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne parviendrons pas à mettre aux voix rapidement le projet de loi, pourvu que nous ayons suffisamment de temps pour organiser nos travaux et l’étudier. Ce dernier ne s’accompagne pas d’une attribution de temps. Chaque fois que nous avons été appelés à étudier une telle mesure — et je me souviens que nous l’avons fait trois fois depuis 2016 —, nous avons pris le temps voulu pour l’étudier.

Pour revenir à la première question, lorsqu’un seul sénateur refuse son consentement, il a la responsabilité d’avoir une très bonne raison de le faire. Je suis convaincue que tous mes collègues agissent de manière responsable à cet égard. Honnêtement, en temps normal, dans l’intérêt public, c’est une chose que nous ne devons faire qu’exceptionnellement.

Si nous constatons des abus, renvoyons la question à notre Comité du Règlement pour tenter de trouver un différent moyen de régler le problème. Merci.

Le sénateur Gold : Je vous prie de m’excuser, honorable collègue, mais laissez-moi vous poser une question. Je pense que vous avez soulevé un excellent point concernant notre calendrier, comme d’autres l’ont fait également. Si nous remontons dans le temps — et ceux qui ont davantage d’expérience que moi le confirmeront — le calendrier du Sénat était organisé différemment pour mieux concilier les travaux de la Chambre et les travaux correspondants du Sénat.

Pensez-vous qu’une solution possible au problème soulevé consisterait à demander au Comité du Règlement d’examiner notre calendrier et peut-être de siéger pendant quelques semaines en juillet ou, du moins, après l’ajournement de la Chambre? Nous pourrions retirer quelques semaines ou procéder à des changements dans le calendrier de façon à ce que, si jamais, comme l’expérience le montre, des projets de loi nous parviennent en juin, nous puissions les examiner. Parfois, parce qu’ils revêtent une importance particulière, nous prenons le temps, comme vous l’avez indiqué, de les étudier et de faire notre travail comme il se doit, et non pas simplement de dire — quoi qu’en disent la Chambre ou le gouvernement — « tant pis, nous partons en vacances d’été pour deux mois et demi ».

La sénatrice Saint-Germain : Je pense que le Comité du Règlement et le Comité de sélection pourraient se pencher sur la question et, parallèlement, sur le site de MétéoMédia afin que nous puissions profiter des meilleures périodes de l’été.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à adopter l’Énoncé de politique en matière d’environnement et de durabilité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), appuyée par l’honorable sénateur Kutcher,

Que le Sénat du Canada adopte l’Énoncé de politique en matière d’environnement et de durabilité qui suit, pour remplacer la Politique environnementale du Sénat de 1993, qui avait été adoptée par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration :

« ÉNONCÉ DE POLITIQUE DU SÉNAT DU CANADA EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT ET DE DURABILITÉ

OBJECTIF

Le Sénat du Canada est résolu à atteindre la carboneutralité d’ici 2030 et à mettre en œuvre des pratiques durables dans ses opérations. L’atteinte de cet objectif nécessite l’adoption, à l’échelle de l’organisation, d’une approche priorisant la réduction de la production et utilisant un système de compensation répondant aux plus hautes normes. Sur la voie de la carboneutralité, des rapports périodiques présentant des données quantifiables sur la progression vers la cible devront être produits. Ces mesures visent à faire preuve de leadership en matière d’action climatique en tant qu’institution, à encourager la reddition de compte des institutions fédérales et à contribuer au processus législatif.

PRINCIPES

Le Sénat est résolu à atteindre ses objectifs en respectant les principes suivants :

1.Être un modèle de leadership environnemental conformément aux pratiques exemplaires des lois, réglementations, normes et directives internationales, fédérales, provinciales et municipales ambitieuses en matière d’environnement, le cas échéant;

2.Intégrer un cadre de responsabilisation rigoureuse au cycle de planification opérationnelle. Cela comprend l’analyse comparative, le suivi et l’application d’une gestion axée sur les résultats afin de parvenir à une amélioration continue des performances environnementales, conformément aux pratiques exemplaires des cadres de responsabilité des normes internationalement reconnues. Les progrès doivent être communiqués régulièrement et publiquement au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration (CIBA).

3.Exiger une acquisition de biens et de services respectueuse de l’environnement qui tienne compte de ce qui suit : l’achat de produits et de services respectueux de l’environnement; la sélection de fournisseurs novateurs démontrant des pratiques commerciales respectueuses de l’environnement; et l’établissement d’exigences environnementales dans les demandes de propositions.

4.Réduire l’impact des activités pour l’environnement en utilisant les ressources plus efficacement, en mettant l’accent sur la réduction des résultats dans l’ensemble des opérations du Sénat.

5.Encourager et renforcer la sensibilisation à l’environnement dans l’ensemble du Sénat par l’éducation et le soutien, tout en reconnaissant et en intégrant les actions environnementales entreprises par les employés du Sénat et les sénateurs.

6.Exploiter les installations et mener les activités du Sénat de façon durable en vue de prévenir la pollution et de réduire les déchets. Tenir compte des impacts et des implications pour l’environnement dans la planification des projets et des activités.

7.Élaborer et mettre en œuvre des outils qui favorisent et intègrent les considérations environnementales dans les activités quotidiennes du Sénat afin d’encourager les sénateurs et les employés du Sénat à prendre des décisions respectueuses de l’environnement dans le cadre de leurs activités et de leurs tâches. »;

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration examine la faisabilité de la mise en œuvre de programmes visant à établir :

a)un cadre de responsabilisation et un cycle de rapports annuels;

b)la promotion de politiques de transport écologiques et de la réduction des déplacements;

c)l’optimisation du recyclage et la réduction du gaspillage;

d)une approche mettant l’accent sur le virage numérique et la réduction des impressions;

e)l’appui des organismes centraux pour permettre au Sénat d’acheter des droits d’émissions de carbone dans le cadre d’un Sénat durable;

f)un processus permettant aux sénateurs et à leurs bureaux de formuler des recommandations favorisant l’environnement et le développement durable;

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration acquière les biens et services nécessaires pour examiner la faisabilité ou pour mettre en œuvre ces recommandations.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Finances nationales

Autorisation au comité d’étudier toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières

L’honorable Percy Mockler, conformément au préavis donné le 22 mars 2022, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières, tel que précisé à l’article 12-7(5) du Règlement;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 14 avril 2024 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 17 h 30, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Haut de page