Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 47
Le mardi 31 mai 2022
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation
- Dépôt du deuxième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
- Dépôt du troisième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
- Dépôt du septième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
- Le Budget des dépenses de 2022-2023
- La Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski)
- Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 31 mai 2022
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Les victimes de tragédies
Uvalde, au Texas et Buffalo, dans l’État de New York—Minute de silence
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons tous été choqués d’apprendre l’attaque tragique et insensée qui a eu lieu à l’école primaire Robb d’Uvalde, au Texas, le 24 mai 2022, et qui a coûté la vie à 21 victimes, soit 19 enfants et 2 de leurs enseignants, et qui a fait 18 blessés.
Cette tragédie fait suite à d’autres fusillades, dont une commise à Buffalo, dans l’État de New York, où les Afro-Américains ont été expressément visés et qui a fait 10 morts et 3 blessés.
Je sais que tous les sénateurs se joindront à moi pour offrir nos plus sincères condoléances aux familles et aux proches de ceux qui sont décédés et pour souhaiter un prompt rétablissement aux personnes blessées lors de ces atrocités.
J’invite maintenant les honorables sénateurs à se lever pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes.
(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Semaine nationale du tourisme
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je souligne aujourd’hui que l’Association de l’industrie touristique du Canada a lancé la Semaine nationale du tourisme qui se tient cette année du 29 mai au 4 juin. Je profite également de l’occasion pour saluer le travail de ma collègue la sénatrice Sorensen pour soutenir cet important secteur.
Comme nous le savons, l’industrie touristique a été frappée de plein fouet par la pandémie de COVID-19. Il est également clair que ce sera l’un des derniers secteurs à se remettre de la crise en dépit de l’augmentation des voyages au cours des dernières semaines. Au Canada, en 2019, 1 travailleur sur 10 occupait un emploi lié au tourisme. Cependant, en 2020, la situation avait considérablement changé : le nombre d’emplois directs dans ce secteur avait diminué de près de 30 %, et le total des emplois qui y étaient liés avait chuté de 23 %.
Le tourisme joue un rôle important d’un océan à l’autre, y compris dans les collectivités rurales. Les régions rurales du Canada proposent aux touristes de nombreuses expériences uniques qui souvent ne sont offertes nulle part ailleurs dans le monde, notamment les foires que les sociétés agricoles présentent depuis des décennies partout au pays.
L’arrivée de l’été coïncide également avec le début de la saison des foires. Les foires ont une longue histoire au Canada et dans le monde entier. Cependant, elles ont un peu changé depuis leur création. Les premières foires ressemblaient davantage à des marchés qui permettaient aux agriculteurs de vendre leurs produits, tandis que d’autres foires organisaient des compétitions de bétail, de grains et d’autres produits agricoles ou artisanaux. De nos jours, les foires sont l’épine dorsale de nos collectivités rurales; elles racontent l’histoire de la vie rurale et donnent aux gens l’occasion de renouer avec l’agriculture et d’en apprendre davantage sur ce domaine.
(1410)
En réalité, plusieurs foires sont plus anciennes que le Canada lui-même, notamment l’exposition du comté de Hants en Nouvelle-Écosse, la foire de Williamstown juste au sud d’Ottawa et l’Expo Lachute au Québec. Honorables sénateurs, si vous en avez l’occasion cette année, je vous encourage à visiter et à appuyer une foire dans votre collectivité locale.
Pour le moment, j’aimerais également remercier l’Association de l’industrie touristique du Canada de toute l’ardeur qu’elle met à servir les entreprises touristiques canadiennes et à promouvoir des mesures positives visant à aider l’industrie à croître et à prospérer. J’aimerais aussi remercier les nombreuses sociétés agricoles qui organisent des foires partout au pays de leur dévouement continu envers les collectivités rurales.
Honorables sénateurs, j’ai eu l’occasion d’assister et de participer à un certain nombre de foires dans l’ensemble du Canada. Je comprends donc l’importance des foires et des expositions pour les collectivités. J’espère que vous et tous les Canadiens profiterez de l’occasion pour continuer à appuyer l’industrie touristique nationale, que ce soit en visitant une foire, en prenant des « vacances sédentaires » ou en visitant les régions rurales d’une nouvelle province. Merci, meegwetch.
Des voix : Bravo!
L’honorable Karen Sorensen : Honorables sénateurs, en tant que sénatrice de l’Alberta — et des Rocheuses albertaines — et coprésidente du caucus parlementaire du tourisme, je suis moi aussi heureuse de prendre la parole au Sénat pour parler de la Semaine nationale du tourisme. En matière de tourisme, le Canada a tout pour plaire. Notre pays abrite des merveilles naturelles, des sites historiques importants, des musées de classe mondiale, des salles de spectacles ainsi que d’autres attractions qui ont emballé des légions de visiteurs et qui ont créé des souvenirs pour d’innombrables familles.
Des Rocheuses de l’Alberta et de la Colombie-Britannique aux plages et aux phares emblématiques de l’Atlantique, de l’incroyable toundra des territoires aux parcs nationaux immaculés du Manitoba et de la Saskatchewan, de l’architecture historique du Québec aux villes dynamiques et aux escapades éloignées de l’Ontario, le Canada offre des paysages et des expériences qui attirent des visiteurs du monde entier.
Nous proposons des expériences écotouristiques novatrices qui favorisent la conservation et le respect de notre environnement, ainsi qu’un nombre croissant de possibilités de tourisme autochtone authentique et d’événements multiculturels dynamiques qui permettent aux gens de toutes origines de se réunir dans la paix et la compréhension.
Que vous aimiez faire un tour de montagnes russes en pleine ville ou pêcher sur un lac isolé, le Canada a quelque chose à offrir à tout le monde. Chaque région de ce pays, chaque province ou territoire que vous représentez, bénéficie du tourisme.
Le tourisme est une question qui me touche littéralement de près. Je vis dans le parc national Banff et j’ai eu une longue carrière dans le secteur de l’hôtellerie avant de devenir mairesse de Banff. C’est toujours une fierté de faire découvrir nos sentiers et nos pentes d’exception, ainsi que de parler aux gens de l’accueil chaleureux auquel ils peuvent s’attendre en visitant notre ville.
C’est pourquoi il a été incroyablement difficile, il y a deux ans, de devoir demander aux gens de rester à la maison — de ne pas venir nous visiter — pour protéger notre petite collectivité.
Le tourisme a toujours été vulnérable aux facteurs extérieurs, que l’on pense aux ralentissements économiques, aux crises sanitaires, à l’instabilité politique, aux menaces d’attaques terroristes ou aux répercussions des catastrophes naturelles.
Cela dit, la COVID-19 a secoué ce secteur comme jamais auparavant. Beaucoup d’exploitants ont perdu leur entreprise touristique, et beaucoup d’autres se sont battus bec et ongles pour tenir le coup jusqu’à aujourd’hui. Des magasins, des restaurants et d’autres entreprises de villes touristiques ont également souffert de l’absence de leurs visiteurs habituels. Je pense pouvoir parler au nom de tous en disant que nous sommes ravis de passer à la réouverture et de pouvoir accueillir à nouveau le monde au Canada.
La prochaine saison touristique pourrait être différente des précédentes — nous pourrions devoir travailler un peu plus fort pour nous protéger et protéger les gens qui nous entourent —, mais certaines choses demeurent inchangées : notre hospitalité, notre goût de l’aventure et la multitude d’expériences qui nous attendent.
Je suis fière de prendre la parole aujourd’hui au Sénat pour promouvoir le tourisme et célébrer tout ce que notre pays a à offrir. En ce début de la Semaine nationale du tourisme, j’espère que mes collègues se joindront à moi dans cette entreprise.
J’ai deux mots à transmettre aux voyageurs potentiels des quatre coins du Canada et du monde : bon retour. Merci, ishniyes.
Les artistes canadiens handicapés
L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour attirer votre attention sur les artistes canadiens handicapés ou sourds et leur rendre hommage. Leur importante contribution dans tous les domaines artistiques est trop souvent oubliée ou passée sous silence.
Les trois langages internationaux — le mouvement, la musique et les arts visuels — sont particulièrement importants pour les créateurs ayant un handicap. Des associations et des organismes spéciaux offrent des services ou des programmes artistiques aux personnes handicapées, comme le H’Art Centre de Kingston, dont j’ai déjà parlé auparavant. Sa programmation multidisciplinaire englobe les arts visuels, la musique et le théâtre. Des musiciens handicapés jouent aux côtés de membres de l’orchestre symphonique de Kingston, on y produit des pièces dans lesquelles jouent des acteurs ayant divers handicaps, et la richesse de ses arts visuels est bien connue.
Arts AccessAbility Network Manitoba, la voix des artistes et du public handicapés de cette province, se consacre à l’inclusion complète des artistes et du public handicapés dans tous les domaines artistiques. Cet organisme aide les artistes à développer tout leur potentiel artistique et à gagner en notoriété. Il encourage aussi les politiques et les pratiques qui visent à rendre les arts plus accessibles à tous les Manitobains. Cet organisme rassemble les artistes handicapés et les parties prenantes en offrant un accès aux ressources. Il procède actuellement à une vérification des zones publiques et des coulisses des salles de concert et des théâtres selon le point de vue des personnes handicapées, ce qui permettra de créer une base de données des lieux accessibles.
L’organisme Vancouver Adapted Music Society appuie les musiciens ayant un handicap physique et fait la promotion de leurs talents dans la région du Grand Vancouver. Cet organisme a été fondé en 1988 par deux musiciens ayant d’importantes incapacités physiques. Par l’entremise de l’organisme, ils ont exploité un studio d’enregistrement entièrement accessible, démontrant par le fait même que les handicaps ne sont pas un obstacle à la créativité.
Les artistes ayant un handicap et ceux qui sont sourds ont eu une incidence indéniable sur la culture au Canada et à l’étranger. Prenons l’exemple de l’actrice sourde Elizabeth Morris, qui a montré son talent sur les planches du Festival international d’Édimbourg. Les œuvres de l’autrice dramatique Debbie Patterson, qui sont empreintes d’authenticité et de sensibilité, ont été acclamées d’un bout à l’autre du Canada. De son côté, Frank Hull est un danseur et chorégraphe en fauteuil roulant qui jouit d’une grande célébrité grâce à son style inspirant malgré sa paralysie cérébrale. Le talent de Ted Howorth, de Winnipeg, a fait l’objet d’expositions à l’échelle internationale durant des décennies. Il n’a jamais laissé son fauteuil roulant être un obstacle pour créer ses œuvres imprimées innovatrices et complexes ni devenir un excellent professeur des beaux-arts.
En terminant, j’aimerais souligner les merveilleux coussins tissés par la fille du sénateur Cotter et ses collègues. Personne ne peut dire que les créations artistiques des artistes handicapés, peu importe la discipline, sont dépourvues de créativité ou d’excellence.
Chers collègues, d’un bout à l’autre du pays, les Canadiens ayant un handicap, qu’ils soient artistes ou spectateurs, ont des besoins importants à combler pour s’épanouir avec leurs handicaps ou leur surdité. Nous devons les écouter, agir et célébrer leurs talents et faire en sorte qu’ils aient tous la possibilité de contribuer à la société selon leurs désirs et leurs aptitudes. Merci.
[Français]
La Médaille Premiers Peuples du lieutenant-gouverneur du Québec
L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs et sénatrices, à la veille du début du Mois national de l’histoire autochtone, je désire attirer votre attention sur les récipiendaires de la Médaille Premiers Peuples (Premières Nations), une des distinctions honorifiques créées par le lieutenant-gouverneur du Québec, l’honorable J. Michel Doyon, qui vient d’être attribuée pour la deuxième fois le 19 mai dernier à des membres des Premières Nations du Québec pour leur contribution exceptionnelle comme citoyennes et citoyens membres des Premières Nations du Québec.
L’attribution d’une médaille pour les membres des Premières Nations et d’une médaille pour les membres de la nation inuite s’inscrit dans la tradition de la remise de médailles par le lieutenant-gouverneur qui remonte à 1884. Le lieutenant-gouverneur Doyon considère ces deux médailles comme étant un symbole particulier de l’apport exceptionnel de membres des Premières Nations et de la nation inuite à la société dans son ensemble, et un geste pour favoriser le rapprochement et la réconciliation entre les membres des Premières Nations et de la nation inuite et les Québécoises et les Québécois. Cette reconnaissance institutionnelle est significative.
Lors de la création de cette distinction, la première cérémonie tenue le 16 décembre 2019 a honoré Mme Anne Archambault, de la nation malécite; le Dr Kenneth Atsenhaienton Deer, de la nation mohawk; Mme Viviane Gray, de la nation mi’kmaq; la Dre Darlene Kitty, de la nation crie; Mme Kim O’Bomsawin, de la nation abénaquise; Mme Eva Ottawa, de la nation atikamekw; le major-général Jocelyn Paul, de la nation huronne-wendate; M. Dominique Rankin, de la nation algonquine; Mme Glenda Sandy, de la nation naskapie; le Dr Stanley Vollant, de la nation innue; Mme Édith Cloutier, de la nation algonquine.
Quant à la Médaille Premiers Peuples pour la nation inuite, elle a été remise pour la première fois le 12 octobre 2021, à Kuujjuaq, aux personnes suivantes : Mme Lolly Annahatak, de la municipalité de Kangirsuk; M. Zebedee Nungak, de la municipalité de Kangirsuk; M. Tommy Palliser, de la municipalité d’Inukjuak; Mme Aani Palliser Tulugak, de la municipalité de Puvirnituq; M. Eliyasi Sallualuk, de la municipalité de Puvirnituq.
(1420)
La deuxième cérémonie de remise de la Médaille Premiers Peuples (Premières Nations), qui s’est tenue le 19 mai dernier à l’hôtel du Parlement, à Québec, a honoré les personnes suivantes : Mme Lise Bastien, de la nation huronne-wendate; M. Denys Bernard, de la nation abénaquise; M. Daniel Brière, de la nation malécite; Mme Pénélope Guay, de la nation innue; la Dre Ojistoh Horn, de la nation mohawk; M. Robert Kanatewat, de la nation crie; M. Oscar Kistabish, de la nation algonquine; Mme Loretta Robinson, de la nation naskapie.
Ces personnes sont engagées dans les domaines les plus variés de l’activité humaine et professionnelle, dont le cinéma, la culture et la spiritualité autochtones, la médecine, les médias, le soutien aux femmes victimes de violence, l’éducation, la politique, l’administration, la santé communautaire et les sports. Leur contribution est inestimable.
Chers collègues, en tant que témoin honoraire de la Commission de vérité et réconciliation, je lance un appel à tous et à toutes à la réflexion et à l’action pour que le Sénat, en tant qu’institution, fasse sa part dans ce nécessaire travail de réconciliation et de rapprochement.
[Traduction]
La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant
L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, les 17 et 18 mai, la performance du Canada dans le domaine des droits de l’enfant a été évaluée par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, qui surveille la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Ce précieux traité consacré aux droits de la personne dresse une liste des droits de tous les enfants et de tous les jeunes. Parmi les traités liés aux droits de la personne, c’est, à juste titre, celui qui a été le plus largement ratifié. Il contribue à transformer le bien-être des enfants au Canada et ailleurs dans le monde.
Lorsque le Canada a ratifié la convention en 1991, il s’est engagé à protéger et à promouvoir les droits des enfants et des jeunes, et il a accepté que sa performance soit évaluée par un groupe d’experts indépendants tous les cinq ans. L’évaluation récente était à la fois notre cinquième et notre sixième. Comment nous en sommes-nous tirés?
Le comité a souligné avec plaisir les progrès survenus depuis 2012, notamment en ce qui concerne les stratégies nationales axées sur le logement et la pauvreté et, dans les provinces, les soins de santé et la prévention du suicide. Les résultats sont toutefois mitigés en ce qui touche le respect des droits des enfants autochtones.
Si la Commission de vérité et réconciliation et la mise en œuvre du principe de Jordan font partie des progrès accomplis, le comité a signalé de nombreux points préoccupants, dont l’effet de la pauvreté sur les enfants autochtones et les ratés du système de protection de l’enfance.
Malheureusement, on peut dire que, dans l’ensemble, le Canada fait du sur-place. Il a déjà été un modèle dans le dossier des droits de l’enfant, mais aujourd’hui, il traîne la patte. Comment est-ce possible? Chers collègues, le comité onusien a constaté que c’est la mauvaise collaboration avec les provinces qui empêche le Canada de mettre la convention en œuvre. Je signale au passage que l’Ontario n’a pas participé à l’étude et n’y a même pas envoyé de délégation.
Autre problème : les grandes politiques ne tiennent pas assez compte des besoins des enfants et des jeunes. L’ONU a par exemple constaté que, proportionnellement, la Stratégie nationale sur le logement ne consacre pas autant de ressources aux familles à faible revenu et ne dispose pas des cibles, des échéanciers et des mécanismes nécessaires pour que ces familles en bénéficient concrètement.
Enfin, le Canada n’a pas ratifié le troisième protocole facultatif, qui porte sur les communications. Ce texte donnerait aux enfants du Canada et à leurs alliés les moyens de s’adresser directement à l’ONU pour signaler les possibles violations des droits des enfants. Quand on lui a posé la question, le délégué du Canada a été incapable d’expliquer concrètement pourquoi le Canada n’a toujours pas ratifié ce protocole.
Honorables sénateurs, au lieu de célébrer nos bons coups, comme nous aurions normalement dû le faire, nous voilà à décortiquer les éléments qui méritent d’être améliorés. Il est temps que les dirigeants politiques, tous autant qu’ils sont, choisissent d’unir leurs efforts pour le bien des enfants. Le Canada doit redevenir le chef de file mondial qu’il a déjà été. En terminant, je remercie de leur dévouement et de leur dynamisme les organismes, les centaines de bénévoles et les employés qui ont préparé les différentes versions du rapport. Merci, meegwetch.
La Journée nationale de la santé et de la condition physique
L’honorable Marty Deacon : Bon après-midi, honorables sénateurs. Le soleil brille et, assurément, on a une vive impression d’énergie renouvelée ici à Ottawa et dans tout ce beau pays. Ce week-end, Ottawa a accueilli toute une variété d’événements et d’activités liés aux arts de la scène dans le centre-ville. Diverses activités liées aux arts de la scène ont eu lieu, notamment dans des chambres d’hôtel, avec de jeunes interprètes. Ils ont été une source d’inspiration. Ils étaient formidables à voir et à entendre. Pour ce qui est des activités extérieures, à Ottawa, c’était ce qu’on appelle la fin de semaine des courses. On en a confirmé la tenue que tard dans la nuit de mercredi à jeudi. Les débris de la tempête et les dommages causés ont sérieusement remis en question la tenue de l’événement après une interruption de deux ans. Mais finalement, grâce à la ville, au maire, au personnel de la ville et à Ottawa Hydro, on a désencombré autant que possible l’itinéraire de la course, de sorte que même les personnes un peu plus âgées que la moyenne ont pu se frayer un chemin pendant le week-end.
On sentait les rues reprendre vie et on sentait que les gens d’Ottawa étaient tout simplement ravis d’être ensemble, qu’il s’agisse de familles ou de gens devant leur maison. Les affiches que les gens ont peintes pour la collectivité étaient absolument encourageantes, engageantes et formidables, et aussi parfois très drôles.
C’est là un excellent prélude à la Journée nationale de la santé et de la condition physique, qui aura lieu le samedi 4 juin. Nous sommes dans la semaine qui précède cette journée.
Honorables sénateurs, je vous supplie de prendre soin de vous en premier lieu et de trouver un point d’équilibre pour préserver votre santé physique, émotionnelle et mentale. Je vous encourage à sortir, à être actifs et à trouver ce qui vous convient le mieux.
Quand nous avons adopté le projet de loi visant à établir la Journée nationale de la santé et de la condition physique, c’était avec l’intention de travailler avec la Chambre et avec les collectivités canadiennes, en tant que parlementaires, afin de faire de notre mieux pour veiller à ce que les soutiens, les infrastructures et les choses nécessaires soient en place pour que chaque Canadien — chaque Canadien — puisse faire de l’activité physique.
Ensuite, pour vous montrer des exemples de ce dont je parle, nous aurons demain un groupe de visiteuses bien spécial au Sénat. Je suis ravie de pouvoir les accueillir et elles vous seront assurément présentées.
Ces visiteuses illustrent un cas où l’on a pris les devants pour trouver une activité qui fonctionnait le mieux pour les jeunes. Nous avons, ici à Ottawa, dans notre communauté, la première équipe féminine de football. Oui, c’est vraiment la première, et cela fait réfléchir. Composée d’athlètes des écoles secondaires St. Mark et St. Joseph, sous la supervision des entraîneurs Blaine et Andy, cette équipe fait quelque chose de très spécial. Ces filles pratiquent le dernier sport à devenir accessible pour tous les genres en Ontario. Elles sont très enthousiastes à l’idée de nous rendre visite. Elles sont un excellent exemple de la façon dont on peut intégrer avec succès la pratique d’une activité physique dans son mode de vie. Je leur souhaite d’avance la bienvenue, mais je voulais aussi vous rappeler à tous la Journée nationale de la santé et de la condition physique. Merci, meegwetch.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’invités de l’honorable sénateur Greene : sa femme, Shami Netonze, et son beau-fils, Shabram Ali.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Garry et de Margo Cranford, propriétaires de la prestigieuse maison d’édition Flanker Press, de St. John’s. Ils sont accompagnés de leur fils Justin Cranford, d’Ottawa.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation
Dépôt du deuxième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 28 avril 2022, le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a déposé auprès du greffier du Sénat, le 20 mai 2022, son deuxième rapport, qui porte sur la teneur des éléments des parties 2 et 3 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
(1430)
[Traduction]
Dépôt du troisième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 28 avril 2022, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a déposé auprès du greffier du Sénat, le 20 mai 2022, son troisième rapport, qui porte sur la teneur des éléments des parties 4, 5 et 6 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
Dépôt du septième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 28 avril 2022, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a déposé auprès du greffier du Sénat, le 27 mai 2022, son septième rapport, qui porte sur la teneur des éléments de la partie 8 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
[Français]
Le Budget des dépenses de 2022-2023
Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
La Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski)
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Leo Housakos dépose le projet de loi S-247, Loi modifiant la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Housakos, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires étrangères
Les relations Canada-Iran
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, la question que je souhaite poser aujourd’hui au leader du gouvernement porte sur un match de soccer entre le Canada et l’Iran qui devait avoir lieu à Vancouver et qui est maintenant annulé. Au lieu de faire preuve de leadership et de condamner l’organisation de ce match dès le départ, le premier ministre a commencé par dire que c’était aux organisateurs d’expliquer la situation. Quelques jours plus tard, il a déclaré que des agents des services frontaliers allaient déterminer si l’équipe de l’Iran serait autorisée à venir au Canada.
Monsieur le leader, le gouvernement néo-démocrate—libéral a manqué toutes les occasions de soutenir les familles des passagers du vol PS752. Quelques semaines seulement après l’écrasement de cet avion abattu par le Corps des Gardiens de la révolution islamique, le premier ministre s’est incliné devant le ministre des Affaires étrangères de l’Iran et lui a serré la main.
L’année dernière, un avocat qui représente les familles a dit que le gouvernement Trudeau n’avait été d’aucune aide dans le cadre de leur poursuite au civil, et nous devons maintenant faire face à cette nouvelle situation.
Monsieur le leader, seriez-vous en mesure de confirmer que, avant l’annulation de ce match, le gouvernement avait approuvé les visas et les permis de travail des membres de l’équipe iranienne pour qu’ils puissent venir au Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je vais devoir m’informer à ce sujet et en faire rapport.
Le sénateur Plett : Merci, monsieur le leader. Nous attendrons la réponse, qui ne tardera pas, espérons-le.
Monsieur le leader, bien que le premier ministre ait affirmé que le gouvernement libéral—néo-démocrate n’avait octroyé aucun financement pour le match contre l’Iran, Canada Soccer a récemment obtenu des millions de dollars provenant de l’argent des contribuables et a offert 400 000 $ à l’Iran pour participer à ce match prétendument amical. Ainsi, 400 000 $ provenant de l’argent des contribuables ont presque été redirigés vers l’Iran. Monsieur le leader, cette opération a heureusement avorté à la suite de l’indignation publique, mais nous devons faire en sorte que l’Iran n’obtienne pas un sou de cette somme.
Monsieur le leader, que fait le gouvernement pour s’assurer que les Canadiens, y compris les familles des victimes du vol PS752, ne voient pas l’argent de leurs impôts s’envoler pour payer des frais d’annulation à l’Iran ni pour renflouer Canada Soccer pour les sommes consacrées à l’organisation et à la promotion de ce match?
Monsieur le leader, je vous saurais gré de faire en sorte de nous fournir cette réponse, car je sais que vous ne l’aurez pas aujourd’hui.
Le sénateur Gold : J’y veillerai. Merci.
Le patrimoine canadien
La Loi sur les langues officielles
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement.
Le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, se trouve maintenant à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes. Au Sénat, une motion a été présentée pour que le Comité des langues officielles effectue une étude préalable.
Le projet de loi C-13 est une mesure législative complexe. Il réoriente nettement la politique fédérale en matière de langues officielles qui existe depuis 50 ans et a une grande incidence sur les droits linguistiques constitutionnels qui s’avèrent essentiels et fondamentaux pour le Canada. Il est possible que ce projet de loi soit amendé au comité ou à l’étape de la troisième lecture à l’autre endroit, ce qui pose problème si une étude préalable est menée au Sénat.
En conséquence, le leader du gouvernement au Sénat retirera-t-il la motion demandant l’étude préalable pour que la Chambre de second examen objectif et ses comités puissent effectuer une étude éclairée de ce projet de loi une fois que le Sénat en sera saisi?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse est non. Comme je l’ai dit dans cette enceinte, le gouvernement est d’avis que cette motion, qui fera l’objet d’un vote plus tard aujourd’hui, offre au Sénat l’occasion de commencer son travail sur ce projet de loi important. Comme vous, sénatrice, je reconnais l’importance de cette mesure législative. C’est une raison de plus pour que le Sénat, qui a une longue expérience dans le domaine des langues officielles et un engagement à cet égard, prenne tout le temps dont il dispose pour s’assurer de comprendre tous les aspects de ce projet de loi crucial. C’est le travail que nous sommes appelés à faire. Par conséquent, j’espère que je peux compter sur l’appui d’au moins une majorité de sénateurs pour permettre au comité sénatorial de commencer ses travaux le plus tôt possible.
La sénatrice Seidman : Le projet de loi C-13 inclut l’approbation de mentions de la Charte de la langue française du Québec, la loi 101, qui est la seule loi provinciale mentionnée dans le projet de loi fédéral.
Je rappelle à mes honorables collègues que la Charte de la langue française du Québec a récemment été modifiée par la loi 96 du Québec et qu’elle s’applique maintenant nonobstant la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. J’insiste sur le fait que le projet de loi C-13 est une mesure complexe qui aborde d’autres enjeux que les langues officielles et contient certains éléments soulevant de graves questions constitutionnelles.
Le leader du gouvernement s’assurera-t-il que le projet de loi C-13 est renvoyé, comme il se doit, au Comité des langues officielles et au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles une fois que le Sénat sera prêt à mener une étude?
(1440)
Le sénateur Gold : Merci de votre question. Une fois que le projet de loi sera renvoyé au Sénat et qu’il aura été débattu à l’étape de la deuxième lecture, il sera temps pour le Sénat de décider si le projet de loi doit être renvoyé à un ou plusieurs comités.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
La crise en Afghanistan
L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, ma question porte une fois de plus sur l’Afghanistan.
Nous savons tous à quel point le régime de ce pays est brutal. Par exemple, il y a quelques semaines, Yama Naseemi, un jeune homme de 24 ans qui avait demandé l’asile au Canada, a été sauvagement abattu à Kaboul alors qu’il sortait de chez lui. Sa demande d’asile avait été appuyée par l’Opération Abraham, dirigée par l’ancien ministre de la Justice Irwin Cotler.
Nous savons que nous avons promis d’accueillir 40 000 réfugiés afghans. Nous savons qu’environ 13 000 ont demandé à venir, mais l’objectif lorsqu’il s’agit de protéger des réfugiés vulnérables, c’est d’agir sans délai et de toute urgence. Cela devrait être notre modus operandi dans un tel cas. Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire quelles nouvelles mesures ont été prises par le gouvernement pour évacuer les personnes les plus vulnérables en Afghanistan afin de les mettre à l’abri?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Si c’était uniquement une question de volonté, il y aurait déjà au moins 40 000 réfugiés afghans au Canada. Toutefois, la réalité, c’est que, à chaque étape du processus, le gouvernement se heurte à des embûches qui n’existaient pas dans le cadre des autres efforts de réinstallation à grande échelle auxquels le Canada a participé. Il y a un nombre considérable de facteurs sur lesquels le gouvernement du Canada n’exerce aucun contrôle, dont le passage sûr hors de l’Afghanistan et la capacité des Afghans que le gouvernement souhaite réinstaller ici de quitter le pays. Le gouvernement poursuit les efforts jour après jour.
Comme le savent mes collègues, le gouvernement du Canada n’a aucune présence militaire ou diplomatique en Afghanistan, ce qui rend les déplacements difficiles, voire dangereux. Étant donné que l’Afghanistan est actuellement sous l’emprise des talibans, que le gouvernement du Canada refuse de reconnaître en tant que gouvernement légitime, cela empêche tout échange ou négociation diplomatique concernant la sortie de ressortissants afghans de l’Afghanistan. De plus, chers collègues, les pays tiers déterminent quels sont les documents d’entrée et de sortie requis pour transiter par leur pays, ce qui peut notamment comprendre un visa ou un passeport afghan.
Malgré ces difficultés, le Canada a maintenant accueilli plus de 15 000 réfugiés afghans. Le gouvernement continue de traiter jour et nuit les demandes d’immigration des réfugiés afghans. Il a mobilisé l’intégralité de son réseau mondial pour traiter les demandes de visa et délivrer ces derniers de toute urgence.
La sénatrice Omidvar : Merci, sénateur Gold. Votre réponse était complète; je vous en suis reconnaissante.
Même si l’Afghanistan, ce n’est pas la Syrie — le contexte est extrêmement différent — je veux également féliciter le gouvernement des efforts herculéens qu’il a déployés il y a six ans. Je crois que nous avons encore cette situation en mémoire.
Le gouvernement a jusqu’à maintenant produit trois rapports sur les leçons apprises de cette expérience. Ce que je crains, c’est que ces leçons n’aient pas été retenues, parce que nous ne les mettons pas en pratique. Pouvez-vous me dire ce que fait le gouvernement en matière de formation des employés d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada afin de mieux les préparer à ce genre de crises, qui surviendront assurément de nouveau, notamment celle qui sévit en Afghanistan présentement?
Le sénateur Gold : Je n’ai pas de réponse précise au sujet de la formation donnée en réponse à cette situation en particulier, mais, encore une fois, votre question me donne l’occasion de souligner cette triste différence. Les deux situations sont tragiques, c’est certain, mais la situation à laquelle nous devions faire face en Syrie est différente de celle que nous connaissons en Afghanistan.
Dans le cas de la Syrie, nous recevions des gens qui se trouvaient dans les camps au Liban et en Jordanie. Leur dossier avait déjà été traité par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Une partie du travail était déjà faite. Ce n’est malheureusement pas le cas en ce qui concerne l’Afghanistan. Il est difficile de mener un processus de sélection rigoureux lorsqu’un pays est dans un tel état.
Le gouvernement entend poursuivre ses efforts. Je m’informerai au sujet des formations supplémentaires qui sont peut-être données et je vous reviendrai avec les réponses dès que je le pourrai.
L’emploi et le développement social
Le taux de pauvreté au Canada
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, ma question, aujourd’hui, s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold. En qualité d’avocate spécialisée dans le droit des pauvres et de fière membre du Groupe canado-africain du Sénat, j’ai suivi avec un vif intérêt les progrès que le Canada a réalisés pour faire baisser la pauvreté au pays, particulièrement au sein des communautés racisées. Par conséquent, j’étais ravie de constater que, dans I’Enquête canadienne sur le revenu de 2020, les taux de pauvreté des minorités visibles étaient indiqués pour la première fois.
Cependant, en examinant les données de plus près, les divergences entre les taux de pauvreté des communautés racisées et le reste de la population ont suscité chez moi certaines préoccupations. En 2020, le taux moyen de pauvreté au pays se situait à 3,6 %. Or, chez les personnes racisées, ce taux était de 8 %, ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale. Au sein de ce dernier groupe, les Canadiens de race noire affichaient un taux de pauvreté de 7,5 %.
Voici donc mes questions, sénateur Gold. Comment le gouvernement a-t-il réagi à ces données pour s’attaquer à la disparité entre les taux de pauvreté des minorités visibles et ceux des minorités non visibles? Quels mécanismes, approches ou stratégies le gouvernement utilise-t-il depuis la publication de l’enquête pour faire baisser les taux de pauvreté au sein des communautés racialisées, notamment les Canadiens noirs?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. C’est une question importante. Comme vous le savez, en 2018, le gouvernement a pris l’engagement sans précédent de réduire la pauvreté et a fixé des objectifs concrets, soit une réduction de 20 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2015.
Pendant la pandémie, le gouvernement a mis en place toute une série de mesures pour atténuer les effets de la pandémie et pour donner aux Canadiens les moyens de continuer à vivre. Ces mesures ont permis d’aider des millions de Canadiens. Toutefois, le gouvernement reconnaît que toutes ces mesures, qui ont entraîné une importante réduction de la pauvreté en 2020, ont masqué les inégalités systémiques qui perpétuent la pauvreté au Canada chez les personnes les plus marginalisées. Les Afro-Canadiens ne sont pas les seuls à être touchés de manière disproportionnée; les personnes 2SLGBTQ, les Autochtones et les personnes handicapées le sont également.
On me dit que le gouvernement a récemment pris un certain nombre d’engagements qui contribueront à résoudre le problème de la pauvreté. Cela comprend la collaboration avec des partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones pour donner à toutes les familles canadiennes l’accès à des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de grande qualité, abordables, souples et inclusifs, grâce à des investissements de 30 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et des investissements antérieurs jusqu’à 9,2 milliards de dollars, au minimum, par an en financement permanent à partir de 2025-2026. Cette mesure s’ajoute à la mise en place des allocations pour enfants et pour le logement, à l’élargissement des prestations des travailleurs et des prestations d’invalidité, à l’augmentation du Supplément de revenu garanti et à l’élaboration d’une politique nationale sur l’alimentation en milieu scolaire.
Le gouvernement reste déterminé à travailler sur ces mesures et il espère et prévoit que cela permettra non seulement de réduire la pauvreté en général, mais aussi de commencer à combler l’écart que vous avez souligné, à juste titre d’ailleurs, dans votre question.
[Français]
La justice
Les efforts déployés pour rendre la Constitution bilingue
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. En 1982, il a été promis aux francophones du pays que le Canada se doterait enfin d’une Constitution entièrement bilingue. En décembre 1990, la traduction des textes a été déposée au Sénat et à la Chambre des communes. Aujourd’hui, plus de 30 ans plus tard, ces textes ne sont toujours pas officialisés dans la Constitution.
Le 29 mars dernier, cette assemblée a adopté une motion à l’unanimité demandant au gouvernement d’amender le projet de loi C-13 pour y ajouter une obligation pour le gouvernement de faire rapport annuellement des efforts déployés afin de remplir la promesse qui a été faite aux francophones en 1982. Pourriez-vous nous indiquer, en votre qualité de représentant du gouvernement au Sénat, les démarches que vous avez effectuées auprès du gouvernement pour donner suite à cette motion? J’aimerais aussi savoir quels sont les résultats à ce jour.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, honorable sénateur. Le gouvernement est toujours soucieux de respecter les deux langues officielles, car les Canadiens méritent d’avoir accès aux textes constitutionnels canadiens en anglais et en français. Le ministre de la Justice est au courant de la motion qui a été adoptée par le Sénat et de l’intérêt que porte le sénateur à cette question en particulier. On m’assure que le gouvernement examinera attentivement cette question, tout comme il l’a fait pour les questions relatives aux langues officielles et pour le projet de loi C-13. Je tiendrai le Sénat informé de tout développement.
Le sénateur Dalphond : La réceptivité du gouvernement peut-elle être démontrée de façon concrète? Faudrait-il faire une étude préalable pour répéter encore une fois que la Chambre a demandé à ce que le projet de loi C-13 soit amendé pour qu’enfin il soit en effet amendé ou que l’on nous indique qu’il sera amendé?
(1450)
Le sénateur Gold : Merci pour la question. J’espère que d’ici la fin de la journée, si le Sénat en autorise l’étude préalable, le comité pourra commencer à examiner cette question et toutes les autres qui sont liées à ce projet de loi.
[Traduction]
Les transports
L’île Campobello
L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold. C’est la quatrième fois en deux ans que je pose cette question. Comme la Semaine du tourisme approche, je vais parler un peu de l’île Campobello. Le ministre des Anciens Combattants, Lawrence MacAulay, a parlé en août dernier de l’engagement du gouvernement à l’égard du service de traversier dans le Canada atlantique. Il a dit que c’était d’une importance vitale. Cependant, il n’a pas mentionné Campobello, qui n’a pas de service de traversier pendant les trois quarts de l’année, qui n’a plus de banque ni d’hôpital, et dont le seul lien avec le continent passe par un pays étranger, ce qui cause toutes sortes de perturbations, surtout en hiver.
Pour se rendre au Canada, les habitants de l’île doivent se rendre chez leur plus proche voisin. Leur plus proche voisin est le pays de Franklin Delano Roosevelt, qui a habité Campobello quand il était enfant, où il a malheureusement contracté la polio à l’âge de 14 ans. C’est une île historique, que devrait protéger le gouvernement canadien.
Est-ce que le gouvernement resterait complètement interloqué si les habitants restants de Campobello — je pense que leur nombre a diminué environ du tiers — quittaient le Canada et se joignaient au pays auquel ils sont déjà liés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, monsieur le sénateur, de continuer de soulever cette question et de signaler les problèmes auxquels sont confrontés les habitants de l’île. Je suis malheureusement incapable de dire quelle serait la position du gouvernement du Canada si ceux-ci décidaient de quitter l’île ou de chercher à devenir citoyens d’un autre pays.
Le sénateur Richards : En raison du désintérêt du Canada, l’île est pour ainsi dire à vendre. Des gens achètent des terrains, notamment sur le front de mer. Je suppose que la plupart d’entre eux sont des Américains. Je crains fort que cette partie du pays soit victime de trahison par négligence, monsieur, et j’ai le devoir d’attirer l’attention du Sénat sur ce fait.
Le sénateur Gold : Merci d’avoir porté cela à notre attention, monsieur le sénateur.
La santé
La pandémie de COVID-19 — Les exigences liées à la vaccination
L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, selon un article récent, un rapport de l’agence de la santé publique du Royaume-Uni a démontré que 25 semaines après une deuxième dose de vaccin Pfizer ou Moderna contre la COVID, le taux d’efficacité est passé de 65 % à 70 % à aussi peu que 15 %. La majorité des Canadiens ont reçu leur deuxième dose il y a un an.
De plus, le rapport indique qu’après la troisième dose de rappel, que de nombreux Canadiens ont reçu en décembre dernier, le vaccin n’avait plus aucune efficacité après 20 semaines. Les Canadiens vaccinés et non vaccinés sont donc essentiellement sur un pied d’égalité, mais le gouvernement Trudeau continue d’essayer de nous diviser avec des exigences fédérales liées à la vaccination qui n’ont plus aucun fondement scientifique. Sénateur Gold, quand le premier ministre va-t-il mettre fin à ses exigences inutiles liées à la COVID et libérer les Canadiens de toutes ces contraintes?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Comme mes collègues le savent sans doute, certaines exigences liées aux voyages ont été prolongées d’un mois. La réponse est donc : pas pour l’instant.
La sénatrice Batters : Sénateur Gold, il est aberrant que le gouvernement Trudeau ait divisé les Canadiens en deux catégories selon leur statut vaccinal. À l’heure actuelle, des millions de Canadiens ne peuvent pas se déplacer en avion, même à l’intérieur de leur propre pays. Un grand nombre de Canadiens ont été congédiés ou se sont retrouvés en congé sans solde uniquement parce qu’ils ont pris une décision personnelle à l’égard de leur santé. Maintenant que l’efficacité des vaccins s’est affaiblie à un point où il n’y a pratiquement pas de différence entre les personnes « pleinement vaccinées » — c’est-à-dire qui ont reçu deux doses il y a environ un an — et non vaccinées, les personnes vaccinées sont pratiquement autant à risque d’attraper la COVID-19 que les personnes non vaccinées qu’elles croisent.
Les données scientifiques portent à croire qu’il n’y a plus d’utilité à rendre la vaccination obligatoire, sauf, peut-être, de punir les Canadiens. Est-ce l’intention du premier ministre? Sinon, pourquoi ne fait-il pas la bonne chose en mettant un terme aux exigences liées à la vaccination?
Le sénateur Gold : Le gouvernement ne cherche pas à punir les Canadiens; il veut plutôt les protéger. Les gouvernements, tant à l’échelon fédéral que — je présume — provincial, encouragent les Canadiens à se faire pleinement vacciner, soit avec une troisième ou une quatrième dose de rappel, comme j’ai eu la chance de le faire. Le gouvernement du Canada va continuer de suivre les conseils de Santé Canada et de divers experts en la matière afin d’agir dans l’intérêt des Canadiens.
La pandémie de COVID-19—Les restrictions concernant les voyages
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement. Sénateur Gold, hier, le gouvernement libéral—néo-démocrate a voté contre l’abandon ou même l’allégement des lourdes restrictions entourant les voyages au Canada, des restrictions désastreuses pour les compagnies aériennes, les aéroports et l’industrie du tourisme, dont dépendent beaucoup de Canadiens. Pire encore, aujourd’hui, votre gouvernement, le gouvernement Trudeau, donne un autre coup aux Canadiens en annonçant qu’il maintiendra les restrictions concernant les voyages pendant encore au moins un mois.
Sénateur Gold, le gouvernement du Canada et le Canada s’inscrivent de plus en plus en marge du reste du monde, puisqu’une grande majorité de pays éliminent ces restrictions vindicatives, y compris nos amis et nos alliés, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie.
Je poserai une question simple au nom des Canadiens. J’aimerais avoir une réponse simple, et non le genre de discours politique qu’on entend habituellement dans cette enceinte. Pouvez-vous nous dire, de la part du gouvernement Trudeau, quelles sont les données scientifiques sur lesquelles le gouvernement et vous-même vous fondez, mais que le reste de la planète ne connaît pas?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement se fonde sur les conseils qu’il reçoit de Santé Canada et d’autres sources qu’il consulte. Il s’occupe du dossier. Il est conscient des perturbations qui se produisent dans les aéroports du pays. Il a pris plusieurs mesures, parmi lesquelles l’embauche de centaines d’employés supplémentaires qui sont actuellement en formation, et il continuera de s’employer à ce que les Canadiens puissent voyager en toute sécurité.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, comme je l’ai dit, deux des pays qui se sont le plus isolés dans le monde pendant la pandémie, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, ont levé les exigences vaccinales pour les voyageurs internationaux. D’autres pays vont encore plus loin. Certains pays, comme nos alliés du Royaume-Uni, ont levé toutes les restrictions, y compris le port du masque à bord des avions.
Vous venez de mentionner, sénateur Gold, quelque chose qui ne me semble pas exact. Nulle part je n’ai vu une déclaration de l’Agence de la santé publique du Canada indiquant que les mesures du gouvernement s’appuyaient sur la science. En outre, si vous le pouvez, je vous remercierais de m’indiquer n’importe quelle revue médicale dans le monde qui justifierait les mesures prises par le gouvernement. Si vous disposez d’une quelconque preuve justifiant les mesures du gouvernement — qui sont tout simplement vindicatives —, je vous demanderais de la présenter au Sénat officiellement par écrit.
Fournirez-vous au Sénat cette justification, qui est manifestement ignorée par le reste du monde et tous nos alliés? Pourquoi ces restrictions sont-elles encore en vigueur?
Le sénateur Gold : Il me semble avoir répondu à cette question à de nombreuses reprises. Le gouvernement s’appuie sur les conseils qu’on lui donne. Il n’attend pas forcément les communiqués de presse. Dans cette optique, le gouvernement continuera d’agir dans l’intérêt des Canadiens. Lorsque la politique changera, le gouvernement l’annoncera.
[Français]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les services de passeport
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, avec la levée de certaines mesures de santé publique et une certaine accalmie qui semble se profiler en ce qui a trait à la pandémie, les Canadiens aimeraient reprendre leurs habitudes de voyage. Cependant, qui dit voyage dit également obtention d’un passeport canadien.
En mars et avril derniers, plus de 500 000 demandes de passeport ou de renouvellement de passeport ont été déposées pour l’ensemble du pays. À l’instar du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, où la lenteur du traitement s’est institutionnalisée, nous observons que le même phénomène semble vouloir s’installer aux différents bureaux de Passeport Canada. Les citoyens qui souhaitent obtenir ou renouveler leur passeport se trouvent confrontés à des délais insoutenables et, pire encore, le ministère responsable de l’émission des passeports n’a donné aux citoyens aucune indication du délai auquel ils peuvent s’attendre. Cela prend des semaines, voire des mois, monsieur le leader. À Montréal, les plus mal pris arrivent à l’aube au Complexe Guy-Favreau pour tenter d’obtenir un passeport à la dernière minute.
Qu’entend faire le gouvernement, concrètement, pour remédier à cette situation inacceptable?
(1500)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et d’avoir soulevé cet enjeu important. Le gouvernement est au courant des défis et il est à l’écoute du personnel sur le terrain. On m’a avisé que le gouvernement a créé de nouveaux centres pour faire en sorte d’augmenter la capacité de production. Il a embauché environ 500 nouveaux employés et créé un nouvel outil en ligne pour informer les personnes qui font une demande de passeport afin de les diriger vers la meilleure option pour soumettre leur demande. Le gouvernement continuera de se pencher sur cet enjeu pour réduire le temps d’attente auquel font face les Canadiens.
Le sénateur Carignan : Merci, monsieur le leader. Je vous cite un citoyen qui m’a écrit ce qui suit :
Bonjour sénateur. Je suis censé partir au Maroc avec mon fils ce jeudi. Il a fait sa demande de passeport le 13 avril dernier et il devait le recevoir le 20 mai; j’ai appelé il y a deux semaines pour obtenir un statut. Après avoir attendu deux heures pour parler à quelqu’un, on m’a dit que le dossier était transféré au bureau de Laval et que nous aurions des nouvelles d’ici le 20 mai. Pas de nouvelles le 20 mai. Ce matin, je suis au bureau de Saint-Laurent, à 48 heures de notre départ; il est 6 h 21 du matin, regardez la file d’attente, qui est inacceptable. Pouvez-vous faire quelque chose?
Je lui ai répondu : « Wow! » Il m’a écrit ce qui suit :
Monsieur le sénateur, c’est le chaos. Après huit heures d’attente et parce que je suis débrouillard, oui, j’ai réussi à obtenir un passeport quelques heures avant mon départ.
Qu’entend faire le gouvernement pour indemniser les personnes qui, comme ce citoyen, ont subi un stress complètement inacceptable, mais pire, pour certains qui ont manqué complètement leur voyage et leur départ?
Le sénateur Gold : Le gouvernement est au courant de la situation difficile causée par ces délais et travaille d’arrache-pied à résoudre le problème.
[Traduction]
La santé
Le financement des soins de santé primaires
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question porte sur la pénurie d’omnipraticiens qui frappe ma province — et le reste du Canada aussi, si je ne m’abuse. Monsieur le leader, pendant la campagne électorale de l’année dernière, le gouvernement a promis 3,2 milliards de dollars aux provinces et aux territoires afin qu’ils embauchent 7 500 médecins de famille, infirmières et infirmières praticiennes de plus, et ce, dès cette année. Pourtant, cette promesse ne figurait nulle part dans le dernier budget libéral—néo-démocrate. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le financement de la santé fait perpétuellement l’objet de négociations et de discussions entre le gouvernement fédéral et ses partenaires provinciaux et territoriaux. Ce n’est pas moi qui apprendrai aux sénateurs, qu’ils soient de nouveaux venus ou de vieux routiers, que les tractations entre les provinces et le fédéral, y compris les exigences des premières et la réponse du second, font intrinsèquement partie du fédéralisme canadien et que ce n’est pas près de changer.
Le gouvernement a haussé les transferts aux provinces comme personne auparavant, et celles-ci peuvent s’attendre à ce que le gouvernement fédéral continue d’être un partenaire de confiance pour elles et à ce qu’il les aide à surmonter les problèmes qui se dressent sur leur chemin dans le dossier de la santé.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite informer le Sénat que la période des questions avec l’honorable Marie-Claude Bibeau, c.p., députée, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, aura lieu le jeudi 2 juin 2022, à 16 heures.
Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada
Projet de loi modificatif—Autorisation au Comité des langues officielles d’étudier la teneur du projet de loi
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p.,
Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, déposé à la Chambre des communes le 1er mars 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler de la motion 41. Comme vous le savez, cette motion est très semblable à la motion 42, dont nous débattrons également plus tard aujourd’hui.
Je m’oppose à ces deux motions pour les mêmes raisons et je ferai donc la plupart de mes remarques sur la motion qui nous occupe maintenant, bien que mes arguments s’appliquent également aux deux motions.
La motion dont nous sommes saisis demande :
Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, déposé à la Chambre des communes le 1er mars 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.
Chers collègues, l’étude préalable est un outil légitime que le Sénat peut utiliser à sa discrétion. Elle a été utilisée à maintes reprises dans le passé et le sera sans aucun doute à nouveau. Cependant, lorsque le Sénat envisage d’autoriser ou non une étude préalable, il est impératif qu’il considère si la demande constitue une utilisation légitime de cet outil.
Le Règlement du Sénat n’indique aucun critère pour le moment où il faudrait effectuer des études préalables. L’article 10-11(1) énonce simplement :
Le Sénat peut saisir un comité permanent de la teneur d’un projet de loi qui a pris naissance à la Chambre des communes, avant que celle-ci lui transmette ce projet de loi.
Cela signifie, chers collègues, que, pour déterminer ce qui constitue un recours légitime à une étude préalable, nous devons jeter un coup d’œil aux pratiques historiques du Sénat; ensuite, nous devons envisager pour quelle raison on nous demande de procéder ainsi dans ce contexte.
Ces 150 dernières années, 193 études préalables ont été approuvées par le Sénat. C’est moins de quatre projets de loi par année. De ces derniers, 103 concernaient des projets de loi étudiés par le Comité des finances nationales ou le Comité des banques, et la majorité visaient à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur les banques et la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
En d’autres mots, ces études préalables concernaient habituellement la teneur de projets de loi budgétaires ou d’autres mesures politiques bénéficiant d’un fort appui. L’enjeu à considérer lors des études préalables était rarement si la mesure devait être appliquée, mais plutôt de quelle façon elle devrait l’être.
Ces études préalables ont été lancées à des fins procédurales ou stratégiques. Voilà une utilisation légitime des études préalables au Sénat.
Les études préalables autorisées à des fins procédurales se divisent grossièrement en trois catégories. Premièrement, elles peuvent être entreprises avec l’objectif de demander des amendements à un projet de loi avant son adoption par la Chambre des communes. Cela sert à empêcher que les deux chambres se renvoient sans cesse la balle en proposant des amendements.
Pour éviter cela, le gouvernement demande alors au Sénat d’étudier un projet de loi à l’avance pour que tout amendement proposé puisse être incorporé au projet de loi du côté de la Chambre des communes. La dernière fois qu’une étude préalable a été utilisée à cette fin, c’était pour le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois, en 2014. Le 24 mars 2015, le sénateur Grant Mitchell a dit que, selon lui, c’était une excellente raison de faire une étude préalable. Je vais citer le sénateur Mitchell. Je ne vais pas imiter sa voix, même si j’aimerais essayer de le faire :
(1510)
Il n’y a pas si longtemps, dans le cas de la Loi sur l’intégrité des élections, nous avons vu qu’une étude préalable du Sénat pouvait mener à des amendements qui ont été acceptés par la Chambre des communes avant que le projet de loi ne nous soit renvoyé, à la condition que les travaux se fassent en parallèle. Étant donné cette expérience et le fait que le ministre affiche une certaine ouverture, j’estime que nous avons un argument de bonne tenue pour demander une étude préalable.
Je n’ai pas été très souvent d’accord avec le sénateur Grant Mitchell, mais je le suis dans ce cas-ci. C’est un exemple de situation où une étude préalable est justifiée. Cependant, honorables collègues, nous ne sommes pas dans ce genre de situation aujourd’hui.
Le deuxième motif légitime pour que la Chambre des communes demande au Sénat de faire une étude préalable, c’est lorsqu’elle veut tirer parti de l’expertise du Sénat. Si le gouvernement estime qu’un projet de loi sera mieux étudié au Sénat qu’à la Chambre — et c’est souvent le cas —, parce qu’il s’agit d’un projet de loi de nature très technique et parce que le Sénat a une expertise en la matière, alors il est logique de faire une étude préalable.
En 2019, nous avons constaté la même chose avec le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, et le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Chers collègues, dans ces deux cas, le Sénat disposait d’une expertise à laquelle la Chambre s’est fiée pour améliorer la mesure législative. Le Comité des peuples autochtones a apporté de multiples amendements, dont beaucoup ont été acceptés par la Chambre et incorporés aux projets de loi.
À de nombreuses autres occasions, le gouvernement a puisé dans l’expertise du Sénat dans le cadre d’une étude préalable approfondie effectuée sur des projets de loi concernant la Loi sur les banques, des mesures législatives antitrust et d’autres encore. Il existe donc des exemples d’une utilisation légitime des études préalables.
Cependant, en ce qui concerne les deux projets de loi dont nous parlons aujourd’hui, rien n’indique que c’est l’intention du gouvernement. Au contraire, le Sénat semble être perçu un peu comme un élément perturbateur que le gouvernement espère pouvoir écarter le plus rapidement possible.
Le troisième motif légitime pour entreprendre une étude préalable consiste à accélérer l’adoption d’un projet de loi une fois que le Sénat en est saisi. Nous l’avons constaté lors du recours aux études préalables pour des mesures budgétaires, pour des projets de loi liés à la COVID et pour des projets de loi découlant d’une décision de la Cour suprême, qui sont assortis d’une échéance.
Par exemple, le Sénat a mené une étude préalable en 2014 sur le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Procureur général du Canada c. Bedford et apportant des modifications à d’autres lois en conséquence. La Cour suprême avait invalidé une partie du Code criminel et donné une date limite au Parlement pour reformuler les mesures législatives. Une étude préalable était nécessaire et légitime pour assurer le respect de cette date limite.
Il s’est passé la même chose dans le cas du projet de loi C-14 sur le suicide assisté. Le Parlement avait une courte période pour donner suite à la décision de la cour. Le Sénat a pris cette obligation au sérieux et a mené une étude préalable.
La situation s’est répétée avec le projet de loi C-7, lorsque la mesure législative sur le suicide assisté a dû être modifiée en raison d’une autre décision de la cour. Tous ces cas sont d’excellents exemples du recours légitime à une étude préalable dans le but de répondre à l’urgent besoin d’adopter un projet de loi. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas le cas du projet de loi C-11 ou du projet de loi C-13.
Aucun mandat imposé par la cour ni aucune date d’échéance imminente ne nous poussent à nous dépêcher. Au contraire, chers collègues, il nous faut suffisamment de temps pour mettre en lumière tout le contenu de ces projets de loi. Il n’y a pas de consensus sur ces questions, et les inquiétudes sont nombreuses.
Lorsque le gouvernement est à la recherche d’amendements de façon anticipée ou qu’il prévoit de s’en remettre intentionnellement à l’expertise du Sénat, ou encore lorsqu’il est nécessaire d’accélérer l’adoption d’un important projet de loi urgent, le recours aux études préalables est légitime.
C’est ce que nous avons vu pendant les années du gouvernement Harper.
Entre 2006 et 2013, des études préalables ont été menées pour sept projets de loi budgétaires, deux projets de loi modifiant le Code criminel et deux projets de loi sur l’assurance-emploi.
Entre 2013 et 2015, pendant la deuxième session de la 41e législature, des études préalables ont été menées pour quatre projets de loi budgétaires en vue d’accélérer leur mise en œuvre : deux projets de loi sur les affaires autochtones ou du Nord parce que le Sénat possédait une expertise en la matière; ainsi qu’un projet de loi sur la Loi électorale du Canada parce que beaucoup de sénateurs qui siégeaient à l’époque étaient ou avaient été des représentants de leur parti et possédaient donc une grande expertise en matière électorale.
Par ailleurs, la Chambre des communes a attendu que le comité sénatorial suggère des modifications à la Loi électorale du Canada pour pouvoir les intégrer dans la mesure législative sur cette loi.
De plus, on a réalisé l’étude préalable d’un projet de loi modifiant le Code criminel. Ce projet de loi, que j’ai mentionné plus tôt, proposait ces modifications en réponse à une décision de la Cour suprême sur la prostitution. On a également effectué une étude préalable sur la citoyenneté et une autre sur la sécurité nationale.
Par conséquent, en 9 ans, des études préalables ont été menées pour 11 projets de loi budgétaires. En outre, 10 projets de loi non budgétaires ont fait l’objet d’une telle étude, pour une moyenne d’un par année, y compris des mesures législatives de nature urgente ou portant sur des sujets dans lesquels le Sénat se spécialisait.
C’est tout à fait différent de ce que le leader du gouvernement au Sénat propose aujourd’hui.
Même s’il existe des raisons procédurales et stratégiques légitimes d’entreprendre des études préalables, les études préalables que l’on nous demande d’approuver aujourd’hui ne sont motivées que par des fins politiques. Au lieu de chercher à améliorer le projet de loi, le gouvernement semble déterminé lui faire éviter le second examen objectif afin d’en accélérer inutilement l’adoption. Chers collègues, cela ne correspond pas au rôle du Sénat.
Or, ce n’est pas la première fois que le gouvernement tente de recourir à des études préalables pour compenser son incompétence.
En 2017, l’ancien sénateur Joseph Day avait déclaré :
La Chambre des communes ne devrait pas tenir pour acquis que nous allons contourner nos pratiques habituelles et traditionnelles afin de pallier sa difficulté à gérer son programme.
Notre collègue récemment retraité, le sénateur Mercer, avait alors ajouté :
Cette étude préalable continuera de permettre aux députés à la Chambre des communes de traiter les sénateurs avec peu ou pas de respect. Elle continuera de leur permettre d’être trop paresseux pour faire leur travail avec diligence. Les Canadiens s’attendent à mieux. Les électeurs s’attendent à mieux [...]
J’ai un message pour les députés : arrêtez de nous faire perdre notre temps, relevez-vous les manches et faites votre travail. La population s’attend à ce que les députés fassent leur travail. Nous nous attendons à la même chose, parce que tout le monde sait que nous sommes prêts à faire le nôtre et que nous n’appuierons pas une étude préalable.
Ainsi soit-il, sénateur Mercer.
Quel que soit le parti au pouvoir, recourir à une étude préalable pour tenter de rattraper le temps perdu est considéré comme une mauvaise idée depuis longtemps.
En 2015, encore une fois, mon ami le sénateur Grant Mitchell a dit :
Le fait de permettre des études préalables ou de se montrer d’accord avec de telles études suscite des préoccupations, en particulier pour l’opposition. On évoque souvent de bonnes raisons. L’une des raisons évoquées est la contrainte temporelle. C’est la raison la moins bonne et, dans bien des cas, on y recourt parce que la Chambre des communes n’a pas accordé au Sénat le respect qu’elle lui doit et s’est contentée de lui balancer le projet de loi à la dernière minute.
Chers collègues, je ne suis pas contre l’idée que le Sénat autorise la tenue d’études préalables pour des raisons légitimes. Toutefois, ce n’est pas le cas ici.
(1520)
La Chambre ne cherche pas à obtenir des amendements de façon préventive et proactive et elle n’a pas l’intention de demander l’avis du Sénat par déférence pour notre expertise; il n’y a pas non plus de projets de loi critiques et urgents à adopter. Le gouvernement veut seulement que nous nous dépêchions.
Le gouvernement et son représentant au Sénat veulent normaliser le recours aux études préalables parce que, d’après eux, elles permettent au Sénat d’« avoir suffisamment de temps pour bien étudier et débattre les projets de loi, peu importe qu’ils arrivent rapidement ou tardivement ».
Je vais, une fois de plus, citer le sénateur Gold :
[...] l’examen préalable de projets de loi est en notre pouvoir, et cela nous laisse le temps d’étudier minutieusement les mesures législatives sans les contraintes de temps [...]
Chers collègues, en tout respect, c’est absurde. Il n’est pas nécessaire que le Sénat effectue des études préalables pour que nous ayons assez de temps pour faire notre travail correctement. Nous sommes maîtres de notre échéancier; le gouvernement n’a pas à y mettre son nez.
L’argument absurde présenté par le sénateur Gold est qu’il faudrait précipiter l’étude des projets de loi maintenant afin de ne pas avoir à la précipiter plus tard. D’après moi, nous ne devrions jamais la précipiter.
La mesure législative dont parle le sénateur Gold ne fait pas partie d’une loi d’exécution du budget. Elle ne modifie pas la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle ne met pas non plus en œuvre une politique déjà examinée et approuvée par l’autre endroit. En fait, il y a tout lieu de croire qu’avant que le Sénat ne reçoive l’un ou l’autre de ces projets de loi, ils auront été amendés à l’autre endroit, ce qui rendra possiblement notre travail inutile et se soldera par une perte de temps.
Le député Chris Bittle, qui est secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, a reconnu il y a quelques mois que le projet de loi C-11 pourrait fort bien faire l’objet d’amendements. Il avait en effet déclaré à ce moment-là :
Nous avons hâte que le projet de loi soit renvoyé au comité et que nous discutions des moyens de l’améliorer tout en veillant à ce que ses principes et ceux que nous et le ministre avons énoncés soient respectés. Il y a de la place pour les modifications et la discussion, et c’est au comité qu’il revient d’intervenir.
Le Sénat a pour tâche d’effectuer un second examen objectif, mais c’est plutôt difficile à faire s’il n’a même pas reçu la version définitive du projet de loi à examiner.
Ce problème n’est pas nouveau. Notre ancienne collègue, la sénatrice Joan Fraser, l’avait soulevé en 2014 dans les termes suivants :
Comme le leader de l’opposition vient de le demander, quel sera exactement l’objet de l’étude? Nous ne savons pas ce que va nous soumettre la Chambre des communes. Après avoir écouté en fin de semaine diverses entrevues avec le ministre responsable, M. Poilievre, j’ai cru comprendre que le comité de la Chambre des communes sera saisi du projet de loi pendant un mois. Est-ce que le projet de loi sera le même quand le comité aura complété son étude? Si la réponse est non, pourquoi faisons-nous cet examen préalable?
Le sénateur Mercer a formulé une observation semblable en 2017 :
J’ai une question fondamentale. Imaginons que nous ayons le temps d’effectuer l’étude préalable et qu’entre-temps, au bout du couloir, les députés apportent un changement au budget, parce qu’ils ont repéré et corrigé une erreur. Alors quoi? Nous serions en train de perdre notre temps à étudier un budget qui n’est pas le bon? Nous voulons étudier le budget qui nous sera présenté.
La semaine dernière, la ministre Petitpas Taylor a lancé des consultations pour préparer le plan d’action 2023-2028 pour les langues officielles. Cette série de consultations est d’une importance cruciale cette année, car elles serviront d’assises aux travaux des parlementaires sur le projet de loi C-13. Par conséquent, pourquoi le gouvernement est-il si pressé de voir le projet de loi C-13 franchir l’étape de l’étude en comité alors qu’il lance des consultations auprès de la population canadienne sur les améliorations à apporter à ces mesures législatives en vue de leur application? Chers collègues, ne serait-il pas plus logique que le Sénat attende le résultat des consultations avant d’examiner le projet de loi?
Chers collègues, la seule raison qui justifierait que le Sénat accélère son examen d’un projet de loi serait de faciliter la mise en œuvre du programme politique du gouvernement en prévision d’une motion d’adoption dans l’autre endroit. Cette tentative est un affront au rôle des sénateurs, surtout quand le premier ministre souhaite que le Sénat soit apolitique.
Voici ce qu’a dit le sénateur Gold :
En ma qualité de représentant du gouvernement, je vous dis que je ne sais pas quand ce projet de loi nous sera renvoyé. Il s’agit néanmoins d’une priorité absolue pour le gouvernement qui fait tout en son pouvoir pour qu’il franchisse la ligne d’arrivée.
Ainsi, parce que ce projet de loi est « une priorité absolue pour le gouvernement », nous devrions, semble-t-il, tout simplement rentrer dans le rang et accélérer son entrée en vigueur.
Je rappelle au sénateur Gold que la majorité suffisante que le gouvernement a réussi à négocier dans le cadre de l’entente de soutien et de confiance ne lui donne pas une véritable majorité aux yeux du public. Du point de vue politique, les libéraux ont obtenu une minorité au Parlement. Il est donc absurde de prétendre que ce qui est une priorité pour eux devient immédiatement une priorité pour tous les Canadiens, et que le Sénat devrait traiter le gouvernement comme s’il était majoritaire.
Si le gouvernement néo-démocrate—libéral souhaite accélérer les travaux, il dispose d’outils pour le faire. Il a la majorité des votes à l’autre endroit. Il n’a pas besoin de notre aide pour accomplir son travail.
Je constate que, bien que le gouvernement ait une majorité suffisante à la Chambre des communes, il n’arrive toujours pas à traiter les dossiers dans des délais raisonnables. Ce n’est toutefois pas à nous, chers collègues, de régler ce problème.
Chers collègues, il est légitime de procéder à des études préalables quand il existe de bonnes raisons de le faire. Le gouvernement actuel cherche toutefois à se servir de cet outil pour pallier sa propre incompétence. Je dirais aussi que lorsqu’un gouvernement s’empresse soudainement de faire adopter un projet de loi alors que ni les procédures ni les politiques ne justifient clairement cette hâte, nous avons tout intérêt à prendre le temps de regarder attentivement de quoi il retourne.
Contrairement à ce que le gouvernement aimerait nous faire croire, le temps est un ingrédient essentiel au processus démocratique, surtout quand il s’agit de mesures aussi controversées que les deux projets de loi dont il est question.
Avec du temps, on peut mieux informer le public, on peut débattre davantage et on peut rallier les Canadiens à sa cause. Chers collègues, il n’y a pas que les sénateurs qui doivent être convaincus du bien-fondé des mesures législatives, les Canadiens aussi; mais pour cela, il faut du temps.
C’est une bien mauvaise façon de créer des politiques publiques que de les faire étudier concurremment par la Chambre des communes et le Sénat, car tout le monde a alors l’impression qu’on les fait passer par le Parlement à toute vitesse, ce qui peut seulement alimenter le cynisme et la méfiance des Canadiens.
Dans le contexte actuel, j’estime que c’est la dernière chose dont nous ayons besoin. Nous devons rétablir la confiance du public dans nos institutions, et nous devons prendre le temps nécessaire pour y parvenir. Autrement, nous ne faisons que jeter de l’huile sur le feu de la désinformation et du conspirationnisme.
La sénatrice Dasko a résumé le sentiment de bon nombre d’entre nous lorsqu’elle a dit :
On doit aussi nous rassurer que le comité aura le temps nécessaire pour faire son travail. Quand j’entends parler de l’urgence d’adopter un projet de loi, je ne peux m’empêcher de me demander si nous aurons vraiment le temps de l’examiner. Si on ne cesse pas de nous répéter qu’il est urgent de l’adopter, cela nous amène certes à nous demander si nous aurons le temps voulu.
Il y a effectivement de quoi s’interroger, chers collègues. D’un côté, on nous répète que personne ne nous pousse dans le dos, mais de l’autre, la motion à l’étude demande que les comités puissent siéger en même temps que le Sénat, et même quand celui-ci est ajourné. « C’est urgent, mais prenez votre temps. Mais pas trop, quand même, parce qu’il s’agit d’un dossier prioritaire. »
Rien ne justifie ces études préalables, alors il est de notre devoir de rejeter les motions qui les proposent.
Honorables sénateurs, le second examen objectif que caractérise le Sénat est capital, car cela signifie que nous jetons un œil attentif et minutieux aux mesures législatives que l’autre endroit nous renvoie. Nous devons avoir recours aux études préalables avec parcimonie et ne les autoriser qu’en présence de motifs légitimes et clairement expliqués.
(1530)
Encore une fois, en 2017, le sénateur Day a dit ceci :
Je me méfie généralement de l’étude préalable. Je sais qu’elle est prévue dans le Règlement. Je sais qu’elle peut être un outil utile de temps à autre. Cependant, j’estime qu’elle nous empêche de jouer notre rôle de Chambre de second examen objectif. Elle nous impose un rôle parallèle à celui de la Chambre des communes, ce qui m’a toujours préoccupé [...]
Les études préliminaires détournent notre attention de notre rôle traditionnel de second examen objectif.
C’est pourquoi, comme le dit le sénateur Harder, ces études doivent seulement être menées à l’occasion. Voici ce qu’a affirmé le sénateur Harder en mai 2018 :
[…] cette Chambre mène à l’occasion des études préalables lorsque les circonstances s’y prêtent. Évidemment, le Sénat l’a fait plus régulièrement à l’égard des questions budgétaires.
La sénatrice Raynell Andreychuk a fait la même remarque en 2011 — lorsque les conservateurs étaient au pouvoir, soit dit en passant — lorsqu’elle a dit que « l’étude préliminaire ne fait pas partie de la procédure normale de renvoi aux comités ».
Au lieu de nous permettre de mieux travailler, les études préalables — qui n’ont pas de fondement légitime — entravent nos travaux. Elles ne nous permettent pas d’examiner les mesures législatives en bonne et due forme et nous empêchent de jouer notre rôle de Chambre de second examen objectif.
Chers collègues, j’ai beaucoup de mal à comprendre la raison pour laquelle cette motion a été présentée. D’ici à ce que nous entamions les études préalables pour ces projets de loi, il ne nous restera que deux ou trois semaines avant la pause estivale. Je ne sais pas comment interpréter cela. Le gouvernement s’attend-il à ce que nous bouclions en deux ou trois semaines des études préliminaires sur des projets de loi extrêmement controversés? En général, les comités ne peuvent se réunir qu’une fois par semaine.
Que se passera-t-il si la Chambre des communes réussit à nous renvoyer les projets de loi avant le mois de juillet? Le gouvernement s’attend-il à ce que nous débattions de ces projets de loi avant l’ajournement d’été? Dans ce cas, le gouvernement prévoit-il de faire siéger la Chambre des communes durant l’été afin d’étudier nos amendements? C’est peu probable. Sénateurs, nous savons tous que le gouvernement ne le fera pas. Il serait bien content que nous adoptions ces projets de loi à toute vitesse au Sénat et même que nous siégions en juillet, mais en aucun cas il ne serait en mesure d’étudier les amendements avant fin septembre, au plus tôt. Le seul objectif de ces études préalables est de nous inciter à précipiter notre travail au lieu de prendre le temps nécessaire pour bien le faire.
À ce stade, je ne peux pas m’empêcher d’être en parfait accord avec les mots prononcés par mon amie la sénatrice Jane Cordy en avril 2014 :
Honorables sénateurs, si je pensais que la tenue d’une étude préalable pouvait changer quoi que ce soit, je serais la première à en réclamer une, mais je crois plutôt qu’elle ne changera absolument rien. Si je pensais que les Canadiens pourraient mieux se faire entendre si nous tenions une étude préalable, je serais la première à dire que c’est la voie à suivre, mais je ne crois pas que ce sera le cas. Si je pensais que la tenue d’une étude préalable donnerait le temps au comité de sillonner le pays pour donner la chance à tous les Canadiens d’exprimer leur point de vue, je serais la première à me déclarer en faveur d’une étude préalable mais [...] ce serait étonnant.
Chers collègues, l’étude préalable doit être utilisée lorsqu’il y a urgence, ce qui n’est le cas d’aucun des projets de loi concernés. Le gouvernement a attendu des années avant de les déposer et il a même retardé leur adoption en prorogeant le Parlement et en déclenchant des élections inutiles dont aucun Canadien ne voulait.
Le sénateur Gold essaie de justifier l’injustifiable. Nous devrions voter contre ces motions, chers collègues, et revenir aux bons et importants travaux du Sénat.
Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Aviez-vous une question?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Plett : Certainement.
Le sénateur Gold : Comme je ne participe pas au débat, je n’essaierai même pas de glisser des références et des contre-arguments à une grande partie de ce que vous avez dit. Je vous remercie de votre discours, sénateur, mais certaines de vos hypothèses, surtout en ce qui concerne les intentions du gouvernement à l’égard du projet de loi, sont tout simplement fausses. Je l’ai dit officiellement, mais je vais passer à ma question.
Vous avez très bien expliqué, sénateur, comment les études préalables des projets de loi C-91 et C-92 qui ont été menées par le Sénat étaient légitimes, dans votre taxonomie, parce qu’elles ont permis d’améliorer les projets de loi. Vous avez cité, à juste titre, l’expertise du Comité des peuples autochtones.
Ne convenez-vous pas que la même logique s’applique au projet de loi C-13 dont nous sommes saisis? Le Comité des langues officielles a une expertise particulière et une composition particulière — en fait, le Sénat est particulier parce que des membres des minorités linguistiques y sont nommés et les minorités linguistiques y sont très bien représentées.
Comme tout le monde au Sénat le sait ou devrait le savoir, le Comité des langues officielles a consacré des années, voire des décennies, à cette question et veut examiner ce projet de loi en profondeur, comme il l’a fait pour les projets de loi C-91 et C-92. Ne devrions-nous donc pas leur donner l’occasion de le faire, sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Comme vous me posez la question, je vais vous répondre comme vous le faites parfois — mais pas toujours —, avec un seul mot : non.
Le sénateur Gold : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Plett : Certainement.
Le sénateur Gold : Comme je l’ai déjà dit, nous apprécions tous, je crois, la façon dont vous avez présenté l’historique des études préalables menées au cours des législatures précédentes, ainsi que votre taxonomie sur le sujet. Toutefois, il m’est difficile, selon mon analyse de la 41e législature, où vous formiez le gouvernement, de déterminer ce qui motivait les études préalables de certains projets de loi amorcées par le gouvernement conservateur. Je pourrais en nommer quelques-uns, mais je vais me concentrer sur un seul : le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, une importante mesure législative qui a entraîné d’importants changements à notre système de sécurité nationale et de défense, changements qui ont eux-mêmes été modifiés dans le cadre de lois subséquentes. Vous vous souviendrez qu’une étude préalable avait été autorisée pour ce projet de loi. Pouvez-vous s’il vous plaît nous expliquer comment cela s’inscrit dans votre logique et votre taxonomie?
Pendant que vous y êtes, car je ne veux pas prendre trop de temps, vous pourriez peut-être en faire autant au sujet du projet de loi C-15, Loi sur le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, et des modifications à la Loi sur la citoyenneté.
Le sénateur Plett : Non, sénateur Gold, je ne peux pas vous donner d’explication, car c’était il y a longtemps. De toute évidence, comme vous venez de le dire, vous ne vous êtes pas renseigné à ce sujet, et je ne l’ai pas fait non plus. Si je me rappelle bien, nous étions en situation de gouvernement minoritaire au moment où ces projets de loi ont été présentés. Voilà une explication.
Le gouvernement néo-démocrate—libéral n’est pas dans une situation minoritaire à l’autre endroit. Il peut nous renvoyer les projets de loi d’initiative ministérielle à sa convenance. Par conséquent, je dirais que ce n’est pas la même chose.
J’ai fait mention de certaines mesures législatives devant être renvoyées au Comité de la sécurité nationale et de la défense dont nous avions consenti à faire une étude préalable. Dans certains cas, de telles études sont nécessaires, mais dans le cas présent, sénateur Gold, vous nous demandez de faire une étude préalable de projets de loi que nous n’aurons même pas le temps d’examiner comme il se doit, car la session parlementaire tire à sa fin.
Prenons par exemple le projet C-11 — j’ai parlé davantage du projet de loi C-13 ou mon intervention portait sur cette mesure —, mais mon observation s’applique à ces deux projets de loi. Le Comité des transports et des communications se réunit généralement le mercredi; il est probablement trop tard pour qu’il tienne une séance pour demain. En fait, le Comité de l’énergie a pris sa place pour examiner un autre projet de loi d’initiative ministérielle. Bref, le Comité des transports ne siégera pas demain. Il pourrait, au plus tôt, se réunir mercredi prochain. Il ne pourrait vraisemblablement pas entendre des témoignages avant la semaine suivante.
Sénateur Gold, je vous ai posé la question : quand pensez-vous que nous partirons d’ici? Si vous vous attendez à ce que nous restions ici jusqu’à la fin août, dites-le-nous, et nous ajusterons notre calendrier. Sommes-nous censés rester ici jusqu’à la fin du mois de juin — la Chambre des communes ajourne le 21 juin? Vous nous demandez de faire quelque chose que nous ne pouvons en aucun cas raisonnablement accomplir, d’adopter à la hâte quelque chose qui n’a aucune raison de l’être, alors que le gouvernement a lui-même prorogé le Parlement et déclenché des élections lorsqu’il promettait ces projets de loi.
(1540)
Les projets de loi sont actuellement bloqués à l’autre endroit et vous semblez être le seul à penser qu’il y a urgence. Ils ne semblent pas penser qu’il y a une urgence. Vous semblez penser qu’il y a urgence, mais vous nous dites de prendre tout le temps que nous vous voulons. Eh bien, si nous pouvons prendre tout le temps que nous voulons, alors quelle est l’urgence? Pourquoi mener une étude préalable? Si vous pensez qu’avec une étude préalable, nous aurons plus de créneaux en comité, vous avez tort. Il n’y a plus de créneaux disponibles. Si on avait fait ce que nous avions demandé au Sénat et au gouvernement de faire, c’est-à-dire revenir aux heures et aux séances normales du Sénat, nous n’aurions pas autant de problèmes.
Ces problèmes existent à cause de votre gouvernement, Sénateur Gold, pas à cause de nous. Vous privez le Sénat de son temps et voilà que vous nous demandez de faire adopter quelque chose de toute urgence parce que — ce sont les mots que vous utilisez toujours — c’est la priorité du gouvernement. S’il s’agit d’une priorité, où sont les projets de loi?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la réponse, sénateur Plett, mais je me permets de dire respectueusement que j’ai fait les recherches nécessaires. Tous les projets de loi que j’ai mentionnés, y compris les projets de loi C-15, C-23, C-33, C-24, C-36 et C-51, ainsi que d’autres projets de loi, ont fait l’objet d’une étude préalable alors que votre parti était majoritaire à la Chambre et au Sénat.
Le fait est que le gouvernement est encore minoritaire à la Chambre des communes. Il y a de l’obstruction à toutes les étapes du processus, et les personnes concernées le savent bien. Il est aussi vrai que, à la Chambre des communes, le gouvernement a prévu 14 heures d’audiences sur le projet de loi C-11 cette semaine seulement. Si le comité sénatorial est prêt à travailler pendant plus d’une séance par semaine, il peut mettre à profit le temps mis à sa disposition dans le cadre de la motion sur le processus hybride modifié. Nous ne sommes pas d’accord pour dire que le Sénat a assez de temps pour faire des progrès sur le projet de loi C-13 et entreprendre une étude sur ce projet de loi. Il sera saisi de cette question lorsque le projet de loi lui sera renvoyé, et nous ferions notre devoir en nous penchant alors sur cette question. Ne convenez-vous pas que nous ferions bon usage du temps du Sénat et des ressources des contribuables en étudiant ces importantes questions de politique publique?
Le sénateur Plett : Non, je ne le pense pas, sénateur Gold. Plus ils tiennent des réunions de comité à l’autre endroit, moins nos comités peuvent se réunir ici. Comment pourraient-ils nous aider s’ils se réunissent encore plus? Vous dites que de nouveaux créneaux leur ont été offerts. À quels comités ont-ils été pris?
Si ce n’est pas ce que vous avez dit, je vous ai mal compris. Vous avez dit qu’on avait ouvert davantage de créneaux pour les réunions et que si les autres partis — encore une fois, on rejette le blâme sur les autres — voulaient bien collaborer avec le gouvernement néo‑démocrate—libéral majoritaire, ils seraient en mesure de tenir davantage de réunions de comités. Le gouvernement a tous les outils pour faire son travail. Le NPD lui a promis. Vous le savez comme tout le monde le sait dans cette enceinte. Le gouvernement est parfaitement habilité à nous renvoyer ses projets de loi.
Ainsi, non, sénateur Gold, nous n’avons aucun créneau disponible pour nous réunir au comité. On nous demande chaque jour s’il est possible pour un comité de se réunir ici ou là. Nous n’avons pas de place à leur donner. Bref, avant de nous demander de faire quelque chose d’impossible, commencez par nous trouver des places libres.
[Français]
L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, c’est en tant que sénateur acadien du Nouveau-Brunswick que je prends brièvement la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 41, qui permettrait de réaliser une étude préalable du projet de loi C-13, un projet de loi visant à moderniser la Loi sur les langues officielles.
Depuis l’adoption de cette loi quasi constitutionnelle en 1969, et grâce aux modifications qui y ont été apportées depuis, le peuple acadien a grandement bénéficié de sa mise en œuvre, qui a contribué au développement et à l’épanouissement de nombreux secteurs de la société acadienne. La présence d’institutions économiques, éducatives, culturelles et sociales fortes en Acadie n’est pas étrangère à la mise en œuvre de cette loi.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je me permets de vous rappeler l’objet de la Loi sur les langues officielles, qui est :
[...] d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l’égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l’administration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en œuvre des objectifs de ces institutions[...]
Elle vise aussi à soutenir le développement des minorités francophones et anglophones et, d’une façon générale, à favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais. Enfin, elle définit les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.
La Cour suprême a réaffirmé sa nature quasi constitutionnelle, notamment dans le jugement Thibodeau c. Air Canada, comme suit :
[...] la LLO a un statut spécial : « . . . elle fait partie de cette catégorie privilégiée de lois dites quasi constitutionnelles qui expriment “certains objectifs fondamentaux de notre société” [...] »
[Français]
De 2017 à 2019, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a réalisé une importante étude portant sur la modernisation de cette loi, qui a mené à la publication de plusieurs rapports qui ont eu un impact majeur sur le projet de loi que la Chambre des communes examine en ce moment. Le comité a alors fait 20 recommandations visant à corriger les problèmes associés à la mise en œuvre de la loi sous quatre thèmes : le leadership, la collaboration, la conformité, les principes d’application et le bilinguisme judiciaire.
Cette étude, tout en alimentant la réflexion et les discussions sur les travaux à l’autre endroit, a manifestement mis en lumière l’ampleur et la complexité de la Loi sur les langues officielles, de même que la nécessité de se donner suffisamment de temps pour effectuer un examen approfondi et rigoureux d’un nouveau projet de loi visant à la modifier.
Chers collègues, une étude préalable nous donnerait le temps nécessaire et l’occasion de mieux cerner l’ensemble des dispositions du projet de loi C-13 et les enjeux y afférents recensés par divers experts et témoins.
Par ailleurs, elle permettrait indirectement d’atteindre un objectif pédagogique important, soit celui de permettre aux Canadiennes et Canadiens qui suivent nos travaux, ici au Sénat, de se familiariser et d’en saisir le contenu avant son dépôt dans cette Chambre.
À l’heure actuelle, et même s’il vient d’être renvoyé à un comité de l’autre endroit, nous ne connaissons guère le moment où le projet de loi C-13 sera présenté dans cette enceinte. Aussi, profitons donc de ce temps qui nous est offert pour amorcer notre travail de législateurs en réalisant une étude préalable.
D’ailleurs, comme je l’ai déjà précédemment souligné dans cette Chambre et comme on l’a indiqué aujourd’hui, le Règlement du Sénat nous permet d’examiner la teneur d’un projet de loi avant que ce texte ait été adopté par la Chambre des communes.
[Traduction]
Honorables sénateurs, compte tenu de la fragilité grandissante de la langue française au Canada, compte tenu des défis auxquels sont confrontés toutes les minorités linguistiques et, enfin, compte tenu de l’implication extraordinaire de tous les intervenants dans le processus de modernisation de la Loi sur les langues officielles, ainsi que de son importance pour l’avenir de notre pays, je crois sincèrement qu’une étude préalable nous permettrait de faire un examen approfondi de certaines questions qui ont été posées et de nous préparer à l’importante étude de ce projet de loi lorsque le Sénat en sera saisi.
[Français]
Chers collègues, mon plaidoyer en faveur d’une étude préalable est simple : profitons de tout le temps dont nous disposons pour pleinement exercer notre rôle de législateurs en amorçant, au moyen d’une étude préalable, un examen rigoureux du projet de loi C-13. La population canadienne mérite que la Loi sur les langues officielles soit adéquatement modifiée afin de répondre aux besoins et aux aspirations actuelles et futures de tous les Canadiennes et Canadiens. Amorçons donc le travail dès maintenant en adoptant cette motion.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Merci, sénateur Cormier. Vous affirmez qu’une étude préalable serait utile, mais vous n’avez pas expliqué pourquoi. Pourquoi n’arriverions-nous pas à faire tout ce que vous suggérez dans le cadre d’une étude régulière si la Chambre finit par s’organiser et par nous saisir du projet de loi? Les réunions du comité n’ont même pas encore commencé à la Chambre.
(1550)
Je ne pense pas que qui que ce soit dans cette assemblée croie que le projet de loi sera renvoyé au Sénat sous sa forme actuelle. Nous serons donc saisis d’une mesure législative différente de ce qu’elle est aujourd’hui.
Nous sommes maintenant le 31 mai. Si le Comité des langues officielles se réunit les lundis, il disposerait d’un maximum de trois réunions pour mener cette étude, à condition qu’il puisse commencer à se réunir lundi prochain, ce qui n’est pas vraiment réaliste. Il y aurait donc deux réunions. Je ne sais pas ce que le comité peut accomplir en deux réunions quand il doit étudier un projet de loi dont il ne connaît même pas le contenu.
Mis à part le fait que vous souhaitez vraiment appuyer le gouvernement, ce que je peux comprendre, pourquoi croyez-vous qu’il serait préférable de réaliser une étude préalable plutôt que de mener une étude après avoir reçu le projet de loi? Pourquoi estimez-vous qu’une étude préalable est préférable?
Le sénateur Cormier : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. Je ne veux pas appuyer le gouvernement; je veux appuyer les Canadiens. Nous attendions ce projet de loi. Nous avons mené une importante étude sur ce sujet pendant deux ans. Elle a eu un impact, car le travail du Sénat a eu des répercussions sur la mesure législative à l’autre endroit.
Le fait de mener une étude préalable nous permettrait d’examiner plus en profondeur certaines questions qui sont vraiment importantes. Le projet de loi est complexe. Je ne crois pas qu’on puisse raisonnablement s’attendre à ce que nous fassions le travail en deux ou trois semaines, mais il est important de nous y mettre maintenant.
La raison d’être d’une étude préalable n’est pas de terminer le travail d’ici la fin de juin. Il s’agit plutôt de commencer le processus, ce qui est très important. De plus, la Chambre des communes peut entendre ce que nous avons à dire sur le sujet lorsque nous rencontrons des gens dans le cadre de l’étude préalable.
À mon avis, il n’est pas question d’accélérer l’adoption du projet de loi. Ce n’est pas mon objectif. Je souhaite plutôt entamer la conversation dès maintenant au lieu d’attendre à l’automne. Commençons dès maintenant. Il ne s’agit pas d’accélérer l’adoption du projet de loi, mais de veiller à ce que les Canadiens puissent entendre ce que le comité peut faire au moyen d’une étude préalable.
Voilà mon objectif, monsieur le sénateur.
Je le répète : je ne suis pas ici pour appuyer le gouvernement. Je suis ici pour appuyer les Canadiens, en particulier les minorités linguistiques du pays qui attendent ce projet de loi et qui y travaillent depuis très longtemps. À mon avis, ils le méritent. Ils méritent une étude préalable. Merci.
[Français]
L’honorable Claude Carignan : Le sénateur Cormier accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Cormier : Absolument.
Le sénateur Carignan : Sénateur Cormier, vous comprenez, bien sûr, l’importance de défendre les deux langues officielles. La Chambre des communes devrait adopter, d’une minute à l’autre, le renvoi du projet de loi à un comité à la suite de l’étape de la deuxième lecture.
Au cours des prochains jours, le comité de la Chambre des communes devrait commencer à étudier les dispositions du projet de loi visant à moderniser la Loi sur les langues officielles; le débat aura donc d’abord lieu à la Chambre des communes, pour ensuite se tenir au Sénat.
Le comité n’a-t-il pas d’autres sujets importants à étudier en matière de langues officielles, pour faire en sorte que le gouvernement respecte nos deux langues officielles?
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup de votre question. Effectivement, il y a d’autres sujets à étudier. D’ailleurs, le Comité sénatorial permanent des langues officielles mène actuellement une étude qui porte sur l’immigration francophone.
Le projet de loi C-13 aborde, par exemple, cette question de l’immigration et propose que le ministre de l’Immigration adopte une politique nationale en ce qui a trait à l’immigration francophone. Dans le contexte d’une étude préalable, il s’agirait d’une occasion d’approfondir certains aspects comme celui de l’immigration francophone, par exemple. Ce serait, bien sûr, utile pour ce qui est de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, mais il faut dire aussi — et je suis d’accord avec vous là-dessus — que la question de l’immigration francophone est un thème extrêmement important pour l’avenir des communautés de langue officielle en situation minoritaire, ainsi que pour tous les Canadiens.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Sénateur Cormier, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Cormier : Bien sûr.
Le sénateur Gold : Je remarque qu’une motion est inscrite au Feuilleton à votre nom pour autoriser le comité à se réunir aux heures prévues chaque lundi qui précède une séance du mardi, conformément aux recommandations du comité de sélection. Cela ne permettrait-il pas de mieux gérer la charge de travail?
Aussi, ai-je raison de croire que vous espériez tenir une réunion du comité lundi dernier? Pouvez-vous expliquer pourquoi le comité n’a pas pu se réunir?
[Français]
Le sénateur Cormier : Le fait que le Comité sénatorial permanent des langues officielles n’ait pas été en mesure de siéger ce lundi ne dépendait pas du président du comité ni des membres du comité.
Je ne parlerai pas au nom des membres du comité, mais bien en mon nom personnel; le Comité sénatorial permanent des langues officielles a montré une réelle volonté et est déterminé à faire un travail rigoureux et sérieux sur le plan de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Nous espérons nous réunir le plus souvent possible pour faire ce travail et, effectivement, certaines décisions qui ont été prises ne nous ont pas permis de nous réunir aussi souvent que nous l’aurions voulu.
Personnellement, je crois qu’il faut entreprendre ce travail si important pour tous les Canadiens dès que possible.
[Traduction]
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je tiens à m’exprimer dans le cadre de cet important débat. Je ne souhaite pas parler des mérites des projets de loi C-13 et C-11, mais plutôt des deux motions inscrites au Feuilleton, celle dont nous débattons actuellement et la suivante.
Chers collègues, manifestement, aucune urgence n’exige la tenue d’une étude préalable. Je pense que quiconque tenterait d’affirmer que l’étude préalable a un caractère d’urgence ne ferait qu’aller dans le sens de ce qui pourrait être les intentions du gouvernement, pour des raisons politiques.
Le sénateur Plett a présenté des arguments très convaincants dans son discours en citant tous les exemples où des études préalables ont été menées. Il s’agit d’un outil que nous utilisons pour des questions urgentes d’intérêt public en vue de régler un problème. Il a été employé à maintes reprises. Toutefois, il arrive plus fréquemment qu’on nous demande d’y avoir recours vers la fin d’une session parlementaire, car le gouvernement souhaite qu’un projet de loi soit adopté avant la pause estivale ou celle de Noël. À ma connaissance, il n’est jamais arrivé qu’un gouvernement — quelle que soit sa couleur politique — demande qu’on fasse une étude préalable parce qu’il veut que le Parlement prenne tout le temps nécessaire pour étudier et analyser en profondeur un projet de loi qu’il considère comme extrêmement important.
C’est pourtant l’impression donnée par mon honorable collègue, le sénateur Cormier.
Ainsi, si les projets de loi C-13 et C-11 sont des dossiers si urgents et si pressants, pourquoi le gouvernement a-t-il traîné sept ans avant de les présenter? Manifestement, s’ils étaient si urgents, leur absence aurait soulevé tout un tollé.
De toute évidence, en ce qui concerne les projets de loi C-13 et C-11, l’objectif du gouvernement est de leur faire franchir les étapes à la Chambre et au Sénat aussi rapidement que possible avant la relâche estivale. Or, s’ils ne sont pas adoptés avant la fin juin, que se passera-t-il?
Nous avons fonctionné longtemps avec la version actuelle de la Loi sur les langues officielles avant qu’on nous présente un projet de loi pour la moderniser. Cela fait des décennies que les gouvernements négligent la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion, et leur modernisation n’était pas une priorité pour le gouvernement actuel non plus puisqu’il a essayé de présenter un projet de loi en ce sens au Sénat à la même période l’an dernier, alors qu’il s’apprêtait à proroger le Parlement et à déclencher des élections.
J’en déduis que cette étude préalable est une tentative de faire ce que les gouvernements font depuis toujours pour traiter les dossiers publics non urgents : on essaie de les soumettre à une étude préalable, puis de leur faire franchir les étapes à toute vapeur au Parlement parce qu’ils sont controversés. Ils ne font pas l’objet d’un consensus. L’opinion à leur égard est divisée en deux camps impossibles à concilier. Par conséquent, les gouvernements n’aiment pas voir de tels projets de loi être étudiés trop longtemps, ni à la Chambre ni au Sénat.
Eh bien, je suis désolé pour l’organe exécutif du gouvernement, mais dans le cas du projet de loi C-11 — qui s’appelait C-10 à la législature précédente — nous avons tous compris ce que le gouvernement faisait à l’approche de la dernière prorogation et, en tant que parlementaires, nous étions tous unanimes pour dire que ce projet de loi devait faire l’objet d’un débat approfondi. J’étais content d’entendre le sénateur Cormier, qui soudainement approuve les études préalables, dire qu’un débat prolongé s’impose à l’égard de ce projet de loi.
(1600)
Passons maintenant aux principes fondamentaux de la réalité, sénateur Gold. Considérons la durée de la présente session avant l’ajournement pour l’été, qui devrait normalement avoir lieu à la fin du mois de juin. Le sénateur Plett a correctement souligné les difficultés que les comités éprouvent actuellement à se réunir le temps nécessaire pour faire leur travail qui épuise déjà toutes nos ressources, sans parler d’ajouter l’exigence d’effectuer des études préalables au programme du gouvernement. Comme la Chambre ajoute plus de ressources, le Sénat est également touché par cette réalité.
Je me permets de rappeler aux gens une autre motion du gouvernement, et nous devrions d’ailleurs commencer à examiner ces motions avec un peu plus de diligence lorsqu’elles sont déposées. Lorsque nous avons accepté la dernière motion du gouvernement tendant à autoriser la tenue de séances hybrides jusqu’à la fin du mois de juin, on nous a promis que cela servirait de catalyseur et permettrait aux comités de recommencer à tenir deux réunions par semaine, car nous nous sommes tous rendu compte que nous ne produisons pas le travail que nous avions l’habitude de produire au Sénat.
On nous a promis que, si nous appuyions la motion du gouvernement, les comités pourraient se réunir deux fois par semaine et que nous pourrions recommencer à faire avancer les choses au Sénat et à faire notre travail.
Non seulement le gouvernement n’a pas tenu sa promesse, mais il veut que nous ajoutions une étude préalable à deux projets de loi qu’aucun d’entre nous ne voit l’urgence de faire adopter avant juin. Nous voyons tous qu’il s’agit de projets de loi controversés qui nécessitent une étude approfondie. Nous savons que de très nombreux témoins ont exprimé le désir de comparaître devant des comités afin d’aborder ces questions. Pourtant, le gouvernement continue d’insister sur la nécessité de procéder à une étude préalable.
En outre — et je ne veux pas répéter tout ce que le sénateur Plett a dit, car son discours était remarquable — la vérité est que ces deux enceintes sont indépendantes selon notre modèle de Westminster. Si les comités font leur travail de manière diligente, ils ont aussi le droit d’amender les projets de loi, n’est-ce pas?
Nous ne devrions pas tenir pour acquis que ces projets de loi seront étudiés rapidement par un comité de la Chambre, sans amendements, puis par le Sénat et un comité du Sénat, sans amendements, en particulier alors que nous savons qu’ils sont controversés et que de nombreux intervenants ont des préoccupations à leur égard.
Nous avons l’obligation d’entendre de manière indépendante les comités des deux Chambres. Nous avons l’obligation d’entendre le débat aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture. Nous avons particulièrement l’obligation, au Sénat, d’évacuer la politique de tous les projets de loi, y compris ceux du gouvernement, alors que cela se produira par inadvertance à l’autre endroit. C’est pour cela qu’on l’appelle la Chambre des communes.
À mon avis, nous devrions autoriser la tenue d’études préalables dans des circonstances particulières, seulement lorsque c’est absolument nécessaire. Nous en avons par exemple réalisé beaucoup lorsqu’il y avait un besoin réel, ou lorsque le pays traversait une crise existentielle nécessitant des fonds d’urgence et que la question faisait l’objet d’un consensus généralisé, c’est‑à‑dire que nous savions alors que le public s’entendait pour dire que les projets de loi débloquant les fonds requis devaient être adoptés sans délai. Nous l’avons fait très souvent pendant la pandémie de COVID. Nous sommes conscients qu’en cas de crise ou d’urgence, il faut faire des exceptions et adapter les règles parlementaires traditionnelles dans l’intérêt du public.
Or, monsieur le leader du gouvernement, dans les deux cas qui nous intéressent, il n’y a pas d’urgence — nous le savons et vous le savez aussi bien que nous —, si ce n’est que le gouvernement ne veut surtout pas que des sujets aussi chauds traînent trop longtemps dans une Chambre ou dans l’autre, car comme n’importe quel gouvernement, il n’aime pas quand son programme fait les manchettes parce que d’aucuns le critiquent.
Je dois aussi dire, chers collègues, que le gouvernement Trudeau a de la difficulté à déterminer ce qui constitue une urgence. Vous vous souviendrez que la dernière fois qu’il a demandé au Sénat de débattre d’une situation d’urgence, il s’agissait de la Loi sur les mesures d’urgence. Alors même que certains d’entre nous remettaient en question la pertinence de cette urgence tandis que d’autres y croyaient dur comme fer, le premier ministre s’est précipité à la tribune de la presse pour dire « Désolé, j’annule tout. L’urgence n’est plus aussi importante qu’elle l’était hier. »
Monsieur le leader, votre gouvernement a déjà démontré qu’il a de la difficulté à déterminer ce qui constitue une urgence et à y faire face.
J’ai déjà posé la question la semaine dernière au moment du dépôt de cette motion, et je n’ai jamais reçu de réponse adéquate de la part du leader du gouvernement. Compte tenu des ressources limitées à la disposition du Sénat et du Parlement, et du fait que personne n’a réussi à démontrer que les projets de loi C-11 ou C-13 suscitent suffisamment de passion au sein de la population canadienne pour qu’on les adopte à toute vapeur sans procéder à des débats approfondis, le fait est que même si on accepte cette étude préalable, le gouvernement n’a toujours pas répondu à la question suivante : en quoi consisterait un échéancier convenable pour que ce projet de loi, monsieur le leader du gouvernement, soit adopté?
Compte tenu du programme des trois ou quatre prochaines semaines, tant à la Chambre qu’au Sénat, il est très irréaliste de penser que le projet de loi puisse être adopté. Même s’il y a une étude préalable, même si une majorité de sénateurs se lèvent pour appuyer la motion du gouvernement, j’ai encore du mal à croire que ce soit réaliste. À moins que le gouvernement pense qu’il y a une telle urgence qu’il est prêt à garder le Parlement ici au-delà du mois de juin, en juillet et en août, ce que, soit dit en passant, vous aviez le droit de faire l’an dernier également et avez choisi de ne pas faire, n’est-ce pas? Nous avons besoin de clarté sur toutes ces choses, monsieur le leader du gouvernement, et nous ne l’avons pas eue jusqu’à présent.
Pour toutes les raisons que j’ai énoncées et expliquées, je ne crois pas, chers collègues, qu’il s’agisse d’un cas convaincant pour une étude préalable, ni pour le projet de loi C-13, ni pour le projet de loi C-11. Bien sûr, nous laisserons au bon jugement du Sénat le soin de décider. Merci beaucoup.
[Français]
L’honorable Lucie Moncion : Je ne suis pas certaine que mes commentaires vont contribuer à la discussion, mais nous verrons.
Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion de la sénatrice Gagné, qui propose que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
En tant que membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles, y compris dans le cadre de l’étude portant sur la modernisation de cette loi, je suis persuadée qu’une telle étude permettra d’enrichir le débat à la Chambre des communes et au Sénat. Cette étude préalable n’empêchera pas le Sénat de mener une étude en bonne et due forme, une fois que le projet de loi arrivera dans cette enceinte. Croyez-moi, nous attendons ce projet de loi depuis trop longtemps pour vouloir l’adopter à la hâte.
Au cours des dernières séances, les sénateurs ont débattu de la pertinence de mener une étude préalable au sujet du projet de loi C-11. Cette discussion était également pertinente pour les fins du débat portant sur l’étude préalable du projet de loi C-13. Notamment, plusieurs sénateurs ont mis en évidence les bienfaits d’un dialogue entre les deux Chambres pour arriver à un produit final plus raffiné et représentatif de ce que recherchent les parties prenantes et les Canadiens. Je partage cet avis également.
[Traduction]
Dans le contexte de la pandémie et des séances en mode hybride, il est difficile de suivre l’horaire habituel des réunions des comités. Qui plus est, l’incertitude concernant l’horaire des comités et la pénurie de personnel qui touche aussi le Sénat sont d’autres raisons qui justifient que le Comité des langues officielles entame l’étude préalable du projet de loi C-13. À mon avis, il serait déplorable de ne pas optimiser le précieux temps à notre disposition dans le cadre des réunions prévues au cours des prochaines semaines afin d’étudier la nature du projet de loi et de prendre un peu d’avance. Dans un contexte si incertain, notre priorité devrait être de nous donner du temps pour bien faire notre travail.
Comme la sénatrice Saint-Germain l’a souligné dans son discours sur l’étude préalable du projet de loi C-11, de nombreuses études préalables pour des projets de loi non budgétaires ont été menées lors des législatures précédentes, y compris quand un autre parti était au pouvoir. Par conséquent, nous ne ferions que poursuivre une pratique déjà bien établie. Je remercie la sénatrice d’avoir fait l’historique de la question au Sénat.
Par ailleurs, l’environnement politique actuel suggère qu’il y aura suffisamment de temps pour mener une étude adéquate de ce projet de loi, en plus de procéder à l’étude préalable. C’est un projet de loi que les communautés de langue officielle en situation minoritaire attendent depuis plus de 30 ans. J’estime qu’il est de notre devoir de prendre tout le temps nécessaire pour examiner de manière appropriée ces mesures législatives quasi constitutionnelles, car les enjeux qu’elles touchent sont au cœur du contrat social du Canada.
[Français]
Je crois sincèrement qu’en proposant une étude préalable sans contraintes liées aux échanges et à la procédure dans le contexte de la fin de session actuelle, cette motion nous propose une avenue raisonnable et judicieuse pour entamer nos travaux.
Plusieurs des parties prenantes qui attendent depuis très longtemps ce moment ont déjà fait valoir leurs inquiétudes relativement à certains éléments du projet de loi. Ils sont prêts et nous sommes prêts, alors pourquoi attendre?
Notamment, une étude préalable nous permettrait d’être proactifs quant à l’étude des éléments suivants.
Les parties prenantes réclament que le Conseil du Trésor soit désigné comme une agence centrale chargée de mettre en œuvre l’intégralité de la loi. Pourtant, le projet de loi attribue le « rôle de premier plan » et de coordination de toute la loi à Patrimoine canadien. Nous devons nous pencher sur la question complexe de l’agence centrale.
(1610)
Ensuite, la disposition portant sur la politique en matière d’immigration francophone ne précise pas de manière explicite que la politique devrait avoir pour effet d’augmenter le poids démographique du Canada français. Cette disposition devrait-elle être modifiée afin de clarifier son objet réparateur?
L’absence dans le projet de loi d’une disposition obligeant le gouvernement à inclure des dispositions linguistiques dans les ententes avec les provinces et les territoires pose problème pour plusieurs parties prenantes. Quels sont les enjeux juridictionnels qui empêchent le gouvernement d’inclure une disposition obligeant les clauses linguistiques? Y a-t-il des solutions de rechange viables qui pourraient satisfaire les parties prenantes?
[Traduction]
Par ailleurs, le projet de loi ne contient aucune disposition sur la liquidation d’immeubles fédéraux, alors que les parties prenantes font depuis longtemps des demandes en ce sens afin que les commissions scolaires de langue française puissent facilement acheter ces immeubles si elles n’ont pas l’infrastructure requise pour répondre aux besoins de leur communauté.
Enfin, il faut aussi se demander quel sera l’effet du projet de loi sur la minorité anglophone du Québec. Soulignons que le Quebec Community Groups Network est préoccupé par divers enjeux qui méritent notre attention.
Le Comité des langues officielles détient une expertise en ce qui concerne la réforme de la Loi sur les langues officielles, puisqu’il a mené une étude approfondie à ce sujet pendant la 42e législature. Nous devrions mettre à profit cette expertise et lancer une étude préalable dès que possible, pendant que le Comité permanent des langues officielles de l’autre endroit étudie le projet de loi. L’autre endroit pourrait ainsi bénéficier de nos connaissances. L’existence d’un dialogue productif entre ces deux comités serait un atout pour les parties prenantes et pour les Canadiens.
[Français]
Ce projet de loi s’est fait attendre, et nous devons lui rendre justice. Chers collègues, je vous encourage à appuyer cette motion afin que nous puissions commencer l’étude de la teneur du projet de loi C-13 le plus tôt possible.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
L’honorable Pamela Wallin : Sénatrice Moncion, je suis curieuse. Vous semblez dire que, si les deux comités s’assoyaient et examinaient ces projets de loi, la Chambre des communes serait réceptive. Avez-vous l’assurance que c’est bien le cas?
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre question. Non, nous n’avons pas de garantie à ce sujet. Au cours des dernières années, nous avons toutefois étudié la Loi sur les langues officielles et les réformes que nous aimerions y voir. Le gouvernement a pris note de l’ampleur du travail que nous avons consacré à ce dossier et du nombre de recommandations que nous lui avons faites. Pendant l’élaboration de la nouvelle mesure législative, il s’est inspiré du travail du Comité des langues officielles. Six rapports ont été fournis à la ministre des Langues officielles, Mme Joly, et le gouvernement en a pris note. Il est vrai que la ministre a mené de vastes consultations auprès des parties prenantes, mais un travail rigoureux a aussi été fait à l’intérieur même du Sénat.
La sénatrice Wallin : Je comprends que les comités sénatoriaux étudient des enjeux et produisent des rapports pour le gouvernement en espérant que celui-ci en prendra acte et répondra. C’est parfois le cas et parfois non, comme nous l’avons vu dans le contexte de l’aide médicale à mourir.
Cependant, voulez-vous dire que, durant la brève période d’étude préalable qui pourrait avoir lieu — une journée entre maintenant et la fin de la session —, le gouvernement s’arrêtera et attendra que nous terminions notre étude avant de nous renvoyer le projet de loi adopté?
La sénatrice Moncion : Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre argument. En ce qui concerne l’étude préalable, nous savons qu’en proposant cette motion et en acceptant de réaliser une étude préalable maintenant, le travail se poursuivra jusqu’à l’automne et nous pourrons revenir et poursuivre notre étude préalable. Il n’y a aucun échéancier qui nous impose de terminer notre étude d’ici la fin de juin. Nous travaillerons avec nos collègues au Comité des langues officielles.
Je ne suis pas certaine de bien avoir répondu à votre question.
La sénatrice Wallin : Je vais essayer de nouveau.
Si vous pensez que ces travaux sont terriblement importants, que le gouvernement nous écoutera et que les études se poursuivront à l’automne, vous tenez donc pour acquis que le gouvernement n’essaie pas de faire adopter cette mesure à toute vapeur. Si nous effectuons une étude préalable, comme par magie, nous recevrons les projets de loi et on nous demandera de les adopter avant la fin de la session actuelle.
La sénatrice Moncion : En ce qui concerne le projet de loi C-13, je peux affirmer qu’il ne sera pas adopté d’ici le mois de juin. Cependant, nous pouvons faire beaucoup de travail dès maintenant.
L’honorable Jim Quinn : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question? Merci.
Ce débat est très important pour moi. Je dirais que nous avons affaire à une situation non urgente qu’on présente comme une urgence. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick. La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick m’a dit qu’elle préfère que nous ne fassions pas les choses à la hâte. On a dit qu’on n’allait pas précipiter les choses. Cependant, ces intervenants m’ont dit qu’ils préféreraient qu’on ne fasse pas d’étude préalable en raison de l’incidence du projet de loi C-13 sur les langues officielles et de la façon dont ce qui se passe au Québec peut avoir une incidence sur la situation des langues officielles au Nouveau-Brunswick. Ils veulent avoir du temps et une certaine marge de manœuvre pour laisser les choses évoluer sans précipitation.
Je suis dans la position délicate de devoir tenir compte de l’avis des intervenants en faveur d’une étude préalable tout en m’efforçant de défendre les intérêts d’une région où se trouve une association directement concernée qui m’a exhorté à ne pas appuyer la tenue d’une telle étude.
Que répondriez-vous à cela? Je me sens l’obligation de défendre les intérêts d’une partie importante de notre province — la seule province bilingue du Canada —, en collaboration avec d’autres collègues du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Moncion : Merci de votre question, elle est importante. Je pense que les gens croient qu’une étude préalable serait menée séance tenante et qu’elle nous permettrait d’approuver le projet de loi avant la fin du mois de juin. Ce n’est pas l’objectif d’une étude préalable.
Que les gens de votre province se préoccupent des enjeux linguistiques est important et le fait que vous les écoutiez est également important. Je comprends la loyauté dont vous faites preuve envers les gens de votre province et je suis tout aussi loyale envers les gens de ma province.
Il est important de comprendre que cette étude préalable ne vise pas à forcer l’adoption du projet de loi d’ici la fin juin. Nous voulons commencer à étudier certaines questions précises qui sont très controversées présentement. Nous voulons travailler avec nos collègues francophones qui représentent les Canadiens d’un bout à l’autre du pays afin de trouver des solutions dans ce qui nous est présenté pour arriver au meilleur projet de loi possible pour les minorités linguistiques au Canada.
Ce projet de loi est le fruit de l’expérience des 50 dernières années. Le dernier projet de loi a été présenté il y a 50 ans. La loi a ensuite été modifiée, mais la situation actuelle ne convient pas aux minorités du pays, qu’elles soient au Québec ou ailleurs au pays.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Quinn, je suis désolée, mais le temps imparti à la sénatrice Moncion est écoulé.
[Français]
Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre du débat sur la motion no 41, une motion visant à autoriser l’étude préalable du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
Encore une fois, le gouvernement nous demande de faire l’étude préalable d’un projet de loi qui n’a peut-être pas assez cheminé à la Chambre des communes.
(1620)
Lors de nos derniers débats sur la motion du sénateur Gold, il a été beaucoup question du fait que le Sénat était maître de son temps. Effectivement, chers collègues, le Sénat est une Chambre législative indépendante qui administre ses affaires selon ses règles, ses usages, ses coutumes et ses traditions.
Bien que le Sénat, tel que l’ont conçu les Pères de la Confédération, soit une Chambre de second examen, de seconde réflexion, il a également le devoir de mener des enquêtes afin de tenir le gouvernement responsable de ses décisions. Ces enquêtes, nous les faisons grâce à notre libre arbitre et sous notre propre gouverne. De plus, comme vous le savez aussi bien que moi, le Sénat a lui-même le pouvoir de légiférer, sauf en ce qui a trait aux projets de loi de crédits.
Revenons au premier rôle du Sénat, qui est de procéder à un deuxième examen des projets de loi gouvernementaux et, plus généralement, de la Chambre des communes.
Cette fonction, nous devons l’accomplir en tenant en compte de notre spécificité, qui est de représenter les régions et de protéger les minorités. Le Sénat a été créé comme un contrepoids à une Chambre élue qui représente la population, mais où la majorité anglophone pouvait submerger la minorité francophone. Une représentation égale entre les régions devenait ainsi un ancrage et assurait une plus grande protection aux provinces les moins peuplées.
C’est d’ailleurs en raison de cet engagement envers un Sénat faisant contrepoids au gouvernement et s’appuyant de façon équitable sur la représentation des régions que le pacte confédératif de 1867 a pu être conclu.
Ainsi donc, le Sénat est l’une des trois parties fondamentales du système démocratique qu’est le Parlement du Canada. Il est un acteur pivot dans l’édification de notre corpus législatif, et son rôle ne peut être banalisé ou relégué à une simple instance consultative. Lorsque les lois sont adoptées à la Chambre des communes, elles nous sont renvoyées afin que nous procédions à un deuxième examen réfléchi et, idéalement, exempt des joutes partisanes.
Le Sénat est reconnu et réputé pour procéder de façon minutieuse et studieuse à l’examen des projets de loi. De la même manière, les études menées par le Sénat finissent régulièrement, en raison de leur qualité, à influencer l’adoption de projets de loi d’intérêt public.
L’ancêtre du projet de loi C-13 est le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Il a été présenté à l’étape de la première lecture le 15 juin 2021, soit quelques jours avant la relâche d’été et quelques semaines avant la prorogation du Parlement, qui est survenue en août 2021, ce qui ne fut une surprise pour personne. Lorsqu’on regarde l’historique du projet de loi C-32, nous pouvons voir qu’il a suivi les étapes suivantes : la première lecture a eu lieu le 15 juin 2021; les étapes de la deuxième lecture, de l’examen au sein d’un comité et de la troisième lecture n’ont pas été complétées.
Le gouvernement de M. Trudeau a attendu cinq ans et huit mois pour déposer son projet de loi sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, avec pour seul résultat que ledit projet de loi a été étudié à la Chambre des communes à l’étape de la première lecture, sans qu’aucun débat n’ait lieu par la suite.
Donc oui, lorsque j’ai constaté que nous étions saisis d’une motion visant à faire une étude préalable du projet de loi C-13, j’ai été assez surpris. Ce gouvernement s’est tellement traîné les pieds dans ce dossier qu’il y a comme un anachronisme à l’idée qu’il nous demande maintenant de faire une étude préalable du projet de loi.
Je le rappelle, il n’est pas d’usage que le Sénat se saisisse d’un projet de loi avant que la Chambre des communes en ait terminé l’étude. Le projet de loi C-13 est encore à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes en ce moment. Après quatre séances où la Chambre des communes a débattu de ce projet de loi, le gouvernement a fait adopter, le 20 mai dernier, une motion d’attribution de temps, ce qui signifie que le projet de loi sera renvoyé au Comité des langues officielles aujourd’hui même.
Outre le fait que le gouvernement, pour d’obscures raisons, semble soudainement vouloir accélérer le pas pour étudier ce projet de loi, rien, absolument rien ne vient justifier que le Sénat se subordonne à la volonté du gouvernement et mette de côté ses pratiques coutumières et constitutionnelles de procéder à un second examen du projet de loi, après que celui-ci a été adopté à l’autre endroit.
Lors des débats sur la motion no 41, le sénateur Gold et la sénatrice Saint-Germain ont cité certaines déclarations que j’ai faites quand j’étais leader du gouvernement et que j’ai appuyé l’étude préalable de certains projets de loi. Effectivement, comme je l’ai mentionné précédemment, je reconnais l’utilité des études préalables dans certains contextes particuliers. Toutefois, cela ne doit pas devenir pratique courante, car cela éloignerait le Sénat de son rôle fondamental de Chambre de second examen. Surtout, une deuxième étude effectuée au Sénat ne doit pas se substituer aux travaux des comités de la Chambre des communes.
En ce sens, il faut donc que le projet de loi pour lequel on demande une étude préalable ait, minimalement, cheminé à l’autre endroit, que l’étude du comité soit idéalement terminée et que les amendements aient été présentés. Il faut qu’il y ait une certaine urgence à faire progresser le projet de loi, soit en raison d’une fin de session imminente ou d’une obligation juridique ou encore, il faut qu’il soit tellement circonscrit dans son application, mais néanmoins important, qu’il importe d’en disposer dans les meilleurs délais. Ce sont là certains éléments qu’il faut considérer. Toutefois, le Sénat est maître de son emploi du temps et peut tenir compte de toute autre considération afin de juger de la pertinence d’une étude préalable pour un projet de loi. J’insiste : les études préalables ne doivent pas devenir la norme, mais bien l’exception.
En ce sens, le professeur Paul G. Thomas, dans l’ouvrage dirigé par notre ex-collègue le sénateur Joyal, intitulé Protéger la démocratie canadienne : le Sénat en vérité ... rappelle ce qui suit avec justesse, et je cite :
Le Sénat devait à l’origine compléter la Chambre des communes, qui était considérée comme le cœur de la vie politique du pays [...]
Outre les études préalables sur les projets de loi de crédits qu’il est d’usage de faire au Sénat, il y a eu six études préalables effectuées sous mon leadership, et ce, en deux ans, soit en 2013 et en 2014. Sauf pour deux exceptions, soit les études préalables sur les projets de loi C-15 et C-23, toutes ces études préalables se sont tenues après l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, et surtout après les audiences des comités chargés de les étudier.
Dans le cas du projet de loi C-15, il s’agissait d’un projet de loi visant à mettre en œuvre certaines dispositions de l’Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest, un projet de loi très spécifique et circonscrit à une région. En ce qui a trait au projet de loi C-23 sur la réforme de la Loi électorale, le comité de la Chambre des communes a commencé ses réunions avant celles du Sénat, mais nous avions convenu avec le gouvernement que nous ferions une étude en parallèle, afin de faire bénéficier le gouvernement de la longue expérience électorale de plusieurs sénateurs. Ce fut d’ailleurs concluant, car plusieurs amendements qui ont été apportés à la Chambre des communes émanaient du Sénat.
Si vous le voulez bien, examinons quelques exemples d’études préalables que nous avons faites au Sénat au moment où j’étais leader du gouvernement.
Le comité a terminé l’étude du projet de loi C-24 sur la citoyenneté le 3 juin 2014 et l’étude préalable effectuée par le Sénat a commencé le 10 juin 2014. L’étude du projet de loi C-36, visant à modifier le Code criminel afin de donner suite à une décision de la Cour suprême, a été complétée par le comité de la Chambre des communes le 15 juillet 2014 et l’étude préalable au Sénat a commencé le 9 septembre 2014.
Enfin, l’étude du projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, a pris fin au comité de la Chambre des communes le 31 mars 2015 et l’étude préalable au Sénat a commencé le 30 mars 2015.
Honorables sénateurs, je ne crois pas que l’on puisse m’accuser d’avoir utilisé à outrance et de façon inappropriée les études préalables au Sénat. Dans la quasi-totalité des cas, l’étude du comité du Sénat était subséquente à celle du comité de la Chambre des communes, qui avait préalablement entendu les témoins et effectué des amendements avant l’étude préalable au Sénat.
J’ai relu la déclaration que la sénatrice Gagné a faite quand elle a présenté sa motion, et honnêtement, je n’y pas vu le début du commencement d’une explication pour justifier la tenue d’une étude préalable sur le projet de loi C-13.
En fait, honorables sénateurs, des raisons militent davantage en faveur de refuser cette étude préalable que de l’autoriser. La première, et la plus importante des raisons est que cette étude préalable va directement à l’encontre de la raison d’être du Sénat. Nous sommes plusieurs à le souligner occasionnellement : nous sommes une Chambre de deuxième réflexion, et c’est à la base même de notre raison d’être. Il devient de plus en plus inquiétant de voir le gouvernement utiliser le Sénat pour faire avancer son programme législatif, soit en faisant des études préalables ou carrément en présentant des projets de loi gouvernementaux au Sénat. Ce faisant, le gouvernement alourdit le fardeau du Sénat et l’empêche de jouer son rôle quant à la seconde réflexion qu’il doit faire en s’appuyant sur la sagesse et la longue expérience de ses membres.
(1630)
Puis, je l’ai amplement démontré précédemment, on ne nous a certainement pas fait la démonstration qu’il y a urgence en la demeure pour justifier une étude préalable, bien au contraire. Sans nier l’importance de moderniser la Loi sur les langues officielles, je crois justement que cette démarche doit se faire dans l’ordre, de façon minutieuse, en prenant le temps de bien faire les choses et sans mettre la charrue devant les bœufs.
En réponse à une question du sénateur Plett, la sénatrice Gagné a répondu ceci pour justifier l’étude préalable du projet de loi C-13 :
Je crois que c’est une raison de plus pour effectuer une étude préalable, justement dans le but de guider le gouvernement et de l’orienter dans son analyse.
Vous voyez, chers collègues, sauf le respect que j’ai pour la sénatrice Gagné, je crois que cette affirmation illustre bien le fait que les représentants du gouvernement au Sénat comprennent mal les fonctions de notre institution. Si nous voulons guider le gouvernement et l’orienter dans ses analyses, notre outil de prédilection est notre pouvoir d’enquête. C’est de cette manière que nous devons orienter, autant que faire se peut, l’action gouvernementale. Utiliser les études préalables pour guider et orienter le gouvernement, c’est travestir notre action, c’est nous transformer en comité consultatif, c’est nier le rôle que nous jouons dans la fédération depuis 1867.
À la décharge du sénateur Gold, ce dernier pouvait au moins prétendre à un historique un peu plus charnu de l’ancêtre du projet de loi C-11, soit le projet de loi C-10, pour tenter de justifier une étude préalable du projet de loi C-11. Il ne nous a certes pas convaincus, mais au moins, il pouvait s’accrocher à quelques arguments un tant soit peu substantiels.
Dans le cas du projet de loi C-13, outre le texte du projet de loi en tant que tel, nous sommes devant un vide en matière d’analyses, de débats, de témoignages et de réflexions le moindrement soutenues à l’autre endroit. Nous demander de procéder à l’étude préalable du projet de loi C-13, c’est carrément nous demander de nous substituer à la Chambre des communes, ce qui n’est assurément pas notre rôle. Je le répète et le répéterai ad nauseam, nous sommes une Chambre de deuxième réflexion qui a pour objectif d’enrichir le travail de la Chambre des communes et de bonifier les projets de loi, et non pas de faire le travail à sa place.
Si nous nous éloignons sans cesse de notre raison d’être et que nous nous laissons entraîner dans les coquetteries législatives du gouvernement, nous perdrons notre essence même et nous nous égarerons assurément dans une confusion des genres, pour ne pas dire dans la confusion des Chambres.
Comme je l’ai souligné rapidement plus tôt, en préparant cette allocution, j’ai parcouru rapidement l’ouvrage dirigé par notre ex‑collègue le sénateur Joyal, qui traite de l’histoire et des fonctions du Sénat. L’ouvrage s’intitule Protéger la démocratie canadienne : le Sénat en vérité ..., et je vous en recommande très chaleureusement la lecture.
Afin d’expliquer l’importance du second examen, j’ai retenu un passage du professeur C.E.S. Franks qui relatait une situation s’étant produite au Sénat, et je cite :
Le projet de loi dit du « Fils de Sam ». En octobre 1997, en l’espace d’une journée, avec consentement unanime et sans amendement, la Chambre des communes adoptait le projet de loi C-220 à l’étape de la deuxième et de la troisième lecture et du comité et le soumettait au Sénat. Cette mesure, un projet de loi privé portant amendement du Code criminel et de la Loi sur le droit d’auteur dans le but d’éviter que des personnes condamnées ne puissent tirer profit d’ouvrages relatant leurs crimes, était pratiquement identique à un projet de loi mort au feuilleton au cours de la législature précédente. Elle avait été sanctionnée en troisième lecture à la Chambre des communes malgré les graves réserves qu’avait exprimées le comité des Communes chargé de l’examiner : le comité craignait que cette mesure n’outrepasse les pouvoirs que confère le Code criminel, que ses conséquences ne s’étendent au-delà de la période d’incarcération, et qu’il ne se mette en travers de la solution intergouvernementale qui était en train d’être négociée.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Excusez-moi de vous interrompre, sénateur Carignan. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Carignan : Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé?
Des voix : Oui.
Le sénateur Carignan : Je poursuis la lecture de la citation.
Lors du débat en deuxième lecture, plusieurs sénateurs se dirent inquiets du fait que le projet de loi, dans sa nouvelle mouture, ait reçu si peu d’attention aux Communes. Pour ses partisans, le projet de loi précédent avait déjà été étudié par un comité des Communes et, malgré les réserves qui avaient été exprimées, avait été adopté à l’unanimité. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles décida de tenir 13 séances, en fit un examen extrêmement approfondi et entendit près de 30 témoins, dont, entre autres, des représentants de l’Association du Barreau canadien, de la Writers’ Union of Canada, du ministère de la Justice et de la Société Elizabeth Fry.
À la suite de cette étude et face aux nombreuses inquiétudes présentées dans le cadre des audiences publiques :
[…] le comité recommanda l’abandon du projet de loi, recommandation que le Sénat avalisa sans la moindre dissidence en séance plénière.
La décision du Sénat relativement à ce projet de loi était fondée sur une analyse bien plus approfondie que celle des Communes […]
Que nous révèle cette anecdote? Elle nous révèle que si le Sénat assume pleinement et méticuleusement son rôle, il est, à n’en pas douter, un pivot essentiel pour notre démocratie. J’invite donc les honorables sénateurs à ne pas se laisser entraîner dans des chemins de traverse et à maintenir le cap sur le rôle fondamental que nous jouons, soit celui d’être une Chambre complémentaire à la Chambre des communes.
Je voterai donc contre la motion no 41. Merci.
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Carignan?
Le sénateur Carignan : Bien sûr.
La sénatrice Gagné : Voici ma question. Je note qu’en 2019, le Sénat a entamé des études préalables dans le cadre du projet de loi C-15, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et du projet de loi C-91, la Loi sur les langues autochtones. Lorsqu’on regarde la séquence du dépôt des projets de loi et de leur renvoi en comité, si je comprends bien, le projet de loi C-91 a été renvoyé à un comité à l’autre endroit le 20 février 2019. Le comité a commencé à recevoir ou à entendre des témoins le 21 février 2019, tandis qu’au Sénat, on a accepté d’entamer une étude préalable environ une semaine plus tard. Alors, il y a là un bel exemple d’une décision prise par le Sénat sur une loi sur les langues autochtones qui était extrêmement importante pour le pays. Seriez-vous en mesure de commenter la raison pour laquelle on aurait décidé de mener une étude préalable sur cette loi, mais qu’aujourd’hui, ce ne soit pas une bonne raison de tenir une étude préalable sur les langues officielles?
Le sénateur Carignan : Je ne voudrais pas répéter mon discours dans ma réponse, car je manquerais de temps. Ce qui est important, c’est d’éviter la dérive qui ferait en sorte que, graduellement, nous cessions de jouer notre rôle de Chambre de deuxième examen objectif. Ce matin, je faisais la réflexion suivante : au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, on étudie un projet de loi pour lequel on propose environ 75 amendements. Je nous écoutais, et je me suis dit que nous sommes très compétents lorsqu’il s’agit de porter un second regard sur les projets de loi, mais peut-être pas aussi efficaces dans le cadre du premier examen.
Nous avons prévu sept ou huit rencontres et il y a plusieurs éléments techniques d’orientation gouvernementale à traiter également. Je me dis que j’aimerais pouvoir profiter des discussions des députés et des orientations qu’ils entendent prendre d’un point de vue politique à la Chambre des communes sur un projet de loi de cette nature, de façon à nous permettre de tirer parti de ces discussions et des témoins. Les sénateurs pourraient ainsi compléter leur étude grâce à des témoignages qu’ils n’auront pas entendus, y compris de la part de groupes de pression qui n’auront pas été entendus à l’autre endroit, et les examiner avec un certain recul. Je pense que c’est la règle au Sénat et celle que nous devrions maintenir, sauf dans le cas de situations exceptionnelles.
(1640)
Comme je l’ai déjà mentionné, quand j’étais leader du gouvernement, pour la plupart des études préalables que nous avons faites, le travail avait déjà été fait de l’autre côté. Le comité avait terminé l’étude, les témoignages avaient été présentés et à peu près tous les amendements avaient été déposés, car comme vous le savez, à la Chambre des communes, les amendements sont surtout présentés au sein des comités.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Gagné, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, propose... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Oui.
Le sénateur Plett : Non.
Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Gagné, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, propose :
Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, déposé à la Chambre des communes le 1er mars 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Une voix : Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Convoquez les sénateurs pour un vote à 17 h 42.
(1740)
La motion, mise aux voix, est adoptée :
POUR
Les honorables sénateurs
Arnot | Harder |
Boehm | Hartling |
Boniface | Jaffer |
Bovey | Klyne |
Boyer | LaBoucane-Benson |
Busson | Lankin |
Clement | Loffreda |
Cormier | Marwah |
Cotter | Mégie |
Coyle | Miville-Dechêne |
Dasko | Moncion |
Dawson | Moodie |
Deacon (Ontario) | Omidvar |
Dean | Pate |
Duncan | Petitclerc |
Dupuis | Ringuette |
Forest | Saint-Germain |
Gagné | Simons |
Gerba | Sorensen |
Gignac | Woo |
Gold | Yussuff—42 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Anderson | Mockler |
Ataullahjan | Oh |
Batters | Patterson |
Black | Plett |
Campbell | Poirier |
Carignan | Quinn |
Dalphond | Richards |
Downe | Seidman |
Housakos | Smith |
Manning | Tannas |
Marshall | Wallin |
Martin | Wells |
McCallum | White—26 |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Greene | Kutcher—2 |
(1750)
Projet de loi sur la diffusion continue en ligne
Projet de loi modificatif—Motion tendant à autoriser le Comité des transports et des communications à étudier la teneur du projet de loi—Débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné,
Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, déposé à la Chambre des communes le 2 février 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suppose que je pourrais prendre 30 minutes pour tout simplement relire le discours que j’ai prononcé aujourd’hui afin d’insister sur ce que j’ai dit plus tôt, mais je ne le ferai pas. Je serai assez bref et je pourrais même avoir terminé avant 18 heures, à moins que je parle très lentement.
Une voix : Faites-le, Don.
Le sénateur Plett : Comme je l’ai mentionné plus tôt, je m’oppose à cette motion et à la précédente pour les mêmes raisons. Je trouve étrange que des gens affirment une journée que nous ne devrions pas le faire ou que nous devrions procéder ainsi seulement dans certaines circonstances, puis, quand vient le temps d’exprimer vraiment leur opinion, ils votent tout à fait à l’encontre de ce qu’ils ont dit auparavant.
Permettez-moi toutefois de revenir brièvement sur ce qui s’est passé. Comme je l’ai dit plus tôt, chers collègues, les études préalables sont un outil légitime du Sénat lorsqu’on y a recours pour les bonnes raisons. Nous ne venons pas de voter sur le projet de loi C-13. Nous nous sommes prononcés sur la possibilité de gaspiller le précieux temps du Sénat pour faire quelque chose qui n’aura absolument aucune incidence sur l’adoption du projet de loi.
J’ai discuté avec quelques collègues pendant la pause, et il est évident que certains pensaient qu’ils votaient en faveur du projet de loi C-13 en votant contre l’étude préalable. Ce n’est absolument pas le cas. Comme je l’ai dit, les études préalables sont un outil légitime du Sénat lorsqu’on y a recours pour les bonnes raisons. Or, cette motion tendant à autoriser une étude préalable du projet de loi C-11 ne répond pas à ce critère pour trois raisons.
Le gouvernement ne sollicite pas une étude préalable afin d’obtenir notre avis sur les amendements, car son idée est déjà faite. Le gouvernement ne sollicite pas une étude préalable afin d’obtenir des conseils d’experts de la part des sénateurs, car les députés de l’autre endroit pensent qu’ils sont les seuls à pouvoir offrir cette expertise. Le gouvernement ne sollicite pas une étude préalable afin de respecter une échéance imposée par les tribunaux ou de répondre à une situation d’urgence. Ce projet de loi ne correspond à aucune de ces conditions.
Chers collègues, nous avons la responsabilité envers le Sénat de voter en fonction des critères à satisfaire. Ce n’est pas ce que nous avons fait il y a cinq minutes. Ce projet de loi ne remplit aucune des conditions, qui représentent pourtant la norme pour mener une étude préalable. Au contraire, le gouvernement à l’autre endroit et le représentant du gouvernement dans cette enceinte semblent déterminés à passer outre le second examen objectif pour faire adopter les projets de loi à toute vapeur, alors que cela n’est pas nécessaire. Le leader du gouvernement ne cesse de répéter : « Voilà quelles sont les priorités du gouvernement et nous devons agir le plus rapidement possible. » Puis, il ajoute : « Procédons à une étude préalable. Prenons le temps nécessaire, mais il faut avoir terminé pour telle date. »
Chers collègues, je dois avouer que je considère que le message du sénateur Gold prête à confusion. D’un côté, il nous dit que les études préalables non rien à voir avec le fait de précipiter l’adoption d’un projet de loi et que le Sénat peut prendre tout le temps dont il a besoin, puis il ajoute ceci :
Soyons clairs, c’est le Sénat qui a le dernier mot sur le nombre de jours et de semaines qu’il choisit de consacrer à la deuxième lecture, à l’étude en comité et à la troisième lecture d’un projet de loi d’initiative ministérielle.
Nous voici à la veille du 1er juin. Au mieux, nous disposons d’encore 30 jours au cours du mois, et nous ne siégerons pas durant ces 30 jours, puisque nous ne siégeons que quatre jours par semaine au maximum. Il nous reste donc 28 jours.
Puis, du même souffle, le sénateur Gold nous dit :
[...] il est important de comprendre que, si l’adoption du projet de loi C-11 était retardée, des centaines de millions de dollars devant être affectés au contenu canadien et aux créateurs de contenu canadien seraient perdus.
C’est une déformation des faits. Cet argent ne serait pas perdu. Il n’y est peut-être pas encore.
Un retard prolongerait le vide juridique de la Loi sur la radiodiffusion en ce qui concerne les communautés minoritaires et marginalisées.
Ensuite :
Quant à ceux qui diront qu’il n’est pas urgent d’adopter le projet de loi C-11 et que le temps ne presse pas, encore une fois, je suis respectueusement en désaccord avec eux. Selon moi, étant donné que des artistes canadiens sont privés d’une source de revenus qu’ils méritent, et qu’on accepte de façon tacite que du contenu canadien ne soit pas accessible, je considère que ce dossier est urgent et que le temps presse. C’est aussi une priorité pour le gouvernement.
Dans l’océan des 100 autres priorités du gouvernement.
Chers collègues, c’est justement pourquoi nous nous méfions du gouvernement. Est-ce que le projet de loi est urgent ou non? Comment le gouvernement peut-il dire « Oh, prenez tout le temps que vous voulez, mais n’oubliez pas que des gens sont en train de mourir de faim pendant que vous cherchez la petite bête dans le projet de loi »?
(1800)
Honorables collègues, j’étais d’accord avec la sénatrice Dasko — et nous avons vu comment elle a voté il y a quelques minutes à peine — quand elle a dit ceci :
En ce qui concerne le projet de loi C-11, je crains que nous soyons condamnés à suivre ce processus inadéquat avec ses lacunes et que nous ne menions pas l’étude nécessaire pour cette mesure législative. Nous n’avons aucune garantie qu’une étude en bonne et due forme du comité suivra l’étude préalable. Avec le projet de loi C-11, le processus idéal, selon moi, serait de nous appuyer sur tous les renseignements accumulés par le comité de la Chambre des communes, ses travaux et son rapport.
Chers collègues, voilà exactement ce que nous devrions faire. Comme je l’ai affirmé plus tôt, nous aurions dû rejeter la motion d’étude préalable du projet de loi C-13. Nous devrions rejeter la présente motion et recommencer à faire le travail important du Sénat. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».
Des voix : Suspendre.
Son Honneur le Président : La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(2000)
Projet de loi modificatif—Autorisation au Comité des transports et des communications d’étudier la teneur du projet de loi
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné,
Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, déposé à la Chambre des communes le 2 février 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.
L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, j’aimerais formuler quelques observations.
Tout d’abord, j’aimerais dire que le débat a été intéressant. Je suis impatient d’entendre les dernières interventions avant de passer au vote sur le projet de loi C-11.
J’ai écouté attentivement le débat. Je pense qu’il y a eu de bons arguments des deux côtés. Pour autant, je note une certaine lassitude, voire de la frustration, chez certains sénateurs qui ont l’impression que nous passons plus de temps à débattre de la façon dont nous devrions travailler plutôt que de travailler.
Cependant, il me semble qu’il est important de prendre le temps de réfléchir avant de foncer. Si, comme moi, vous pensez que nous entrons dans une nouvelle ère d’indépendance, alors nous sommes en train d’établir des précédents pour l’avenir.
Je vais maintenant passer en revue certaines de mes impressions.
Je suis peu convaincu par les arguments du genre un tel ou une telle a dit en 1990, en 2017 ou je ne sais quand invoqués par le gouvernement et l’opposition. Le travail du gouvernement consiste à faire adopter les projets de loi par le Sénat aussi rapidement que possible. Un point c’est tout. Le travail de l’opposition consiste à rejeter les projets de loi ou, à tout le moins, à en retarder aussi longtemps que possible l’adoption. Un point c’est tout. Ainsi, même si les discours étaient intéressants et que d’excellents arguments convaincants ont été fournis par les deux camps, le reste des sénateurs, ceux d’entre nous qui sont indépendants et qui tentent de prendre une décision doivent, en tout temps, peser l’intérêt des autres.
À mon avis, nous devons parvenir à une décision par rapport à ce genre de question sans égard à nos sentiments personnels à savoir si nous aimons le projet de loi en question ou le gouvernement de l’heure. Car, la même question se posera sans doute un jour sous un gouvernement différent, et ceux d’entre nous qui aiment le gouvernement d’aujourd’hui n’aimeront peut-être pas le gouvernement de demain.
Si nous exerçons réellement notre indépendance, alors nous devons être cohérents, n’est-ce pas? Dans l’éventualité où un tel scénario se présentait de nouveau dans cinq ans — sous le gouvernement de Pierre Poilievre, le sénateur Plett faisant valoir l’importance que le Sénat prenne le temps d’étudier à fond une politique que beaucoup d’entre nous considèrent comme étant épouvantable —, nous devrons faire preuve de cohérence si nous sommes indépendants, n’est-ce pas?
Je pense que c’est en partie ce qui est en jeu dans ce genre de détours que nous prenons dans le processus, car il y a des précédents. Cela n’a rien à voir avec la possibilité que quelqu’un nous dénonce dans cinq ans. Il s’agit de se regarder dans le miroir et de dire : « Oui, j’étais vraiment indépendant. J’ai pris la même décision il y a cinq ans que celle que je vais prendre aujourd’hui et pour les mêmes raisons. » Cette cohérence est une chose à laquelle j’ai réfléchi. Quelle position cohérente puis-je appuyer aujourd’hui que je sais pouvoir appuyer sous un autre gouvernement? Pour ma part, je suis convaincu que c’est ce que je fais dans ce cas-ci.
Cela ne veut pas dire que je n’appuierai jamais les études préalables. Nous en avons tous parlé. Il y a des moments où les études préalables constituent un outil important. Je ne crois simplement pas que ces deux éléments particuliers répondent aux critères nécessaires pour que nous acceptions de le faire.
Je pense également au rôle du Sénat. Certains débats qui ont eu lieu avant la Confédération portaient sur le rôle du Sénat lorsqu’il s’agit d’adopter, de rejeter et d’amender des projets de loi et de s’attarder sur le second examen objectif. Dans le cas qui nous occupe, je crois que tous ces éléments sont à considérer, surtout en ce qui a trait au projet de loi C-11. Lorsqu’il nous sera renvoyé, je crois qu’il suscitera un débat houleux. Bien des gens y seront soit vivement favorables, soit farouchement opposés. Je crois que c’est le sénateur Plett qui a souligné cela aujourd’hui. Dans ce dossier, il y aura des gagnants et des perdants.
Mon intuition me dit que nous ne devrions pas nous lancer là‑dedans avec empressement. C’est nous qui devrions calmer le jeu. C’est nous qui devrions dire que nous allons nous donner le temps et la marge de manœuvre nécessaires pour bien étudier cette question. Qu’il y ait ou non des manœuvres dilatoires, lorsque ce projet de loi nous sera renvoyé, on aura eu recours à l’attribution de temps, et on aura coupé court au débat et aux activités des comités. On pourrait se retrouver dans la même situation que dans le temps des Fêtes et en juin dernier, avec des ententes de dernière minute et l’ajout de sections entières. Tout cela m’amène à croire que, dans ce cas-ci, il ne serait pas judicieux de nous lancer dans une étude préalable.
Cependant, je tiens à être clair. Mon vote n’a rien à voir avec le projet de loi. Il n’a rien à voir avec son contenu. Je ne sais pas si je voterai pour ou contre le projet de loi. La façon dont je travaille, ici, c’est que je n’accorde pas beaucoup d’attention aux mesures tant qu’elles ne sont pas à l’étude ici, au Sénat, et que je dois me concentrer sur celles-ci. Je sais que nous ne travaillons pas tous de la même manière.
Par contre, honnêtement, je n’ai vraiment aucune idée de la façon dont je voterai. Pour moi, il s’agit uniquement de décider si c’est une bonne idée de nous lancer dans une étude préalable. Je sais que plusieurs de mes collègues se sentent comme moi. Il n’est pas question du projet de loi et de son contenu.
Voilà tout ce que je voulais dire. Pour conclure, je dirai qu’en protégeant l’espace et le temps que nous consacrerons au projet de loi C-11, nous faisons preuve d’une prudence tout à fait justifiée et que cela renforcera d’autant plus la crédibilité de la décision que nous prendrons au bout du compte.
Je vous encourage à réfléchir à mes observations, bien qu’elles soient brèves, maintenant que nous nous apprêtons à voter. Merci.
Des voix : Bravo!
(2010)
L’honorable Patti LaBoucane-Benson : À votre avis, avons-nous toujours la latitude d’examiner un projet de loi et d’entreprendre une étude préalable? Est-ce que l’un exclut l’autre? Le gouvernement nous demande d’entreprendre une étude — sans échéancier et sans contrainte autre que le fait de nous demander de procéder à une étude. Avons-nous assez de temps?
Le sénateur Tannas : Je crois que oui. En toute franchise, je crois que nous devons être confiants dans le fait que nous ne finirons pas par croire qu’une étude préalable signifie que nous savons tout ce qu’il y a à savoir au sujet du projet de loi et que si nous tenons un court débat au Sénat, tout sera réglé avant la relâche estivale.
Je sais tout ce que cette demande sous-entend et je sais que le sénateur Gold a été clair, tant en privé qu’en public, sur le fait qu’il n’en sera rien, mais je crois que nous allons faire augmenter la pression, car cela va finir par devenir une version des faits et peut-être nuire à notre travail et ajouter à l’émoi à l’autre endroit. Je crois que dans une situation controversée comme celle-ci, nous et notre réputation risquons d’être entraînés dans le petit jeu qui se trame là-bas, avec toutes les manœuvres et les combines.
Je crois qu’une étude préalable peut avoir lieu à plusieurs moments et qu’il est valable de dire que la question est suffisamment compliquée ou que le moment est opportun — en raison d’une échéance, d’une décision des tribunaux ou pour un motif financier — pour justifier une étude préalable.
Je ne sais tout simplement pas pourquoi, si nous disons que nous allons prendre tout le temps nécessaire... Par ailleurs, il n’a jamais été dit explicitement que le mois de juin n’est pas une option. Dans l’état actuel des choses, je pense que nous risquons d’envoyer le message que nous sommes pressés d’adopter ce texte, et je ne pense pas que ce soit approprié.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je suis heureux que vous ayez parlé de la complexité du projet de loi. La question que j’ai à vous poser est la suivante : croyez-vous que les comités sont maîtres de leurs propres travaux et qu’ils détermineront la portée de l’étude et le nombre de témoins qu’ils entendront? C’est le comité qui décidera de la portée de l’étude du projet de loi. Si cela nous amène en septembre, qu’il en soit ainsi. Une fois que nous aurons commencé l’étude préalable, le comité en sera responsable.
Le sénateur Tannas : Vous avez évoqué la possibilité que l’étude se poursuive jusqu’en septembre, ce qui signifie que cela pourrait ne pas être le cas. Selon notre façon d’écouter les choses et notre sensibilité au contexte, nous pouvons interpréter cela de plusieurs façons différentes.
Ce n’est pas ce que je ressens. Il s’agit d’un projet de loi très controversé, pour autant que je sache. Je ne sais pas pourquoi on fait tant d’histoires, mais il suscite beaucoup de controverse. Pourquoi nous précipiterions-nous dans l’environnement politiquement chargé de la Chambre des communes alors que nous n’avons pas à le faire? Le gouvernement a dit que nous pouvions prendre tout le temps que nous voulions pour faire les choses correctement. Pourquoi alors nous précipiter et potentiellement déprécier le travail que nous ferons ensuite, en étant associés au spectacle qui se déroule à l’autre endroit?
L’honorable Marty Deacon : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Tannas : Bien sûr.
La sénatrice M. Deacon : Je considère que vous avez bien expliqué un facteur avec lequel nous essayons tous de composer afin de prendre la meilleure décision possible dans les circonstances quant à une étude préalable. Les études préalables offrent une série d’informations additionnelles, notamment grâce aux témoignages des personnes convoquées et parce qu’elles permettent de s’atteler aux problèmes du projet de loi. Quelqu’un lance : « Pouvons-nous faire une étude préalable? »
L’autre facteur dont vous avez parlé est, à mon avis, plus clair : vous estimez que ce n’est pas le bon moment de procéder à une étude préalable, surtout pour ce projet de loi.
J’essaie de bien vous comprendre. Ma question est la suivante : Si nous étions le 1er mars ou le 1er octobre, votre opinion se fonderait-elle sur des critères différents ou est-ce que vous arriveriez à la même conclusion? Je pense que la période de l’année est un facteur qui entre en ligne de compte et qui ajoute de la « pression », comme vous l’avez mentionné.
Le sénateur Tannas : L’un des facteurs, je crois, c’est que nous sommes ici, qu’il y a encore des gens qui entretiennent une lueur d’espoir, et qu’il serait possible de régler tout cela avant la fin de la session et l’ajournement du Sénat.
Pour ma part, je pense à la controverse et au fait que j’ai été convaincu par mes réflexions sur... En ce moment même, certains d’entre nous — dont je ne suis pas — sont aux premières loges pour voir comment un comité de la Chambre des communes se compare au Comité mixte sur l’aide médicale à mourir ou au comité qui s’occupe de la Loi sur les mesures d’urgence. Je crois qu’il est préférable de ne pas être trop près de tout cela lorsqu’il faut prendre une décision dans un dossier controversé.
Je crois aussi que, dans ce forum, personne n’écouterait nos possibles conseils d’une façon qui mènerait à des avis pertinents et valables qui pourraient guider les décisions prises par le comité en question.
La question du temps ne m’inquiéterait pas autant qu’elle m’inquiète maintenant, mais je continuerais de me demander si nous devrions nous mêler de cela et si nous avons besoin de le faire, alors que, dans les faits, ce n’est pas nécessaire et ce serait contraire à nos traditions.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Tannas : Volontiers.
Le sénateur Gold : Je m’abstiendrai — je vous sais gré de reconnaître ce que j’ai dit publiquement et ce que j’ai dit en privé. Ce que j’ai dit, c’est qu’une étude préalable n’est pas un cheval de Troie pour évincer toutes les autres étapes de l’étude, au sujet desquelles il appartient au Sénat de trancher. J’ai deux collègues, et j’espère pouvoir compter sur leurs votes. J’ai la responsabilité de citer Spider-Man, mais pas le pouvoir : une grande responsabilité ne s’accompagne d’aucun pouvoir, si ce n’est le pouvoir de persuasion et le pouvoir de ma propre intégrité et réputation.
Je prendrai la liberté de mentionner que c’est très bien de se faire dire : « Bien sûr, nous pensons que vous êtes une personne formidable, mais le gouvernement peut toujours changer d’avis. Qu’est-ce qui l’en empêchera? On ne nous a pas dit ceci et on ne nous a pas dit cela. »
Au risque de révéler plus que je le souhaite, je dirai qu’il est offensant qu’en dépit des nombreuses déclarations que j’ai faites en privé et en public, et du respect que je manifeste à l’égard de cette enceinte, nous continuions de juger pertinent, dans ce débat, d’exploiter les soupçons.
Je ne peux rien y faire, honorables collègues, si ce n’est vous demander de m’expliquer deux choses. Premièrement, pourquoi, selon vous, le Sénat, dont nous avons tous vanté la réputation, à juste titre, serait-il entraîné dans la politique partisane de l’autre endroit? Si nous choisissons de ne pas nous laisser entraîner là‑dedans, alors nous pourrons sûrement y résister. Cependant, si nous choisissons de nous livrer à des jeux politiques, comme certains le font dans cette enceinte, alors soit, c’est la vie.
Deuxièmement, pourquoi présumez-vous que le gouvernement ou plus précisément les partis à l’autre endroit ne tiendront pas compte...
Une voix : Le vote!
Le sénateur Gold : ... de l’avis du Sénat, alors que, dans le cas des quatre études préalables mentionnées — et qui ont porté sur les projets de loi C-14, C-91, C-92 et, plus récemment, C-7 —, les interventions du Sénat ont eu une incidence considérable sur les amendements qui ont été adoptés à l’autre endroit? Nous avons contribué de façon importante à améliorer ces projets de loi. Pourquoi ne ferions-nous pas de même dans ce cas-ci?
Le sénateur Tannas : Vous avez mis ma capacité de concentration à rude épreuve avec vos questions. Laissez-moi commencer par la première question. Je ne crois pas que les projets de loi que vous avez mentionnés avaient un tant soit peu le potentiel d’animosité de ces deux projets de loi.
(2020)
Nous devrons peut-être revenir en arrière. Cela créera peut-être un débat pour plus tard et l’histoire pourra rendre son jugement sur le temps qui aura été nécessaire à la Chambre des communes, sur le fait que le gouvernement a utilisé la clôture, et sur le fait que nous n’avons toujours pas reçu le projet de loi. Nous ne savons pas quels amendements y seront apportés.
Pour ce qui est des études préalables que vous avez mentionnées, il est vrai que nous avons bien travaillé ensemble. Dans le cas des projets de loi C-91et C-92, dont vous avez parlé, il n’y a pas eu de rancœur ni de cinéma. Pas de gagnants ni de perdants. Nous avons tous désigné le résultat que nous souhaitions obtenir et nous avons tenté de créer le meilleur produit possible.
Sénateur Gold, je dois dire que je suis désolé que mes observations aient suscité votre colère. Cela dit, nous avons déjà eu des surprises à la dernière minute et je n’invente rien. Des ministres nous ont déjà mis de la pression publiquement dans les médias; des ministres et d’autres agents nous ont déjà téléphoné pour nous dire de nous dépêcher, pour toutes sortes de raisons, à la dernière minute, alors que le projet de loi en question venait tout juste d’arriver au Sénat ou venait de subir des changements au dernier moment. Tout cela est vrai.
Je vous crois sur parole lorsque vous dites que cela ne se produira pas cette fois-ci. Peut-être que la prochaine fois ce ne sera qu’un lointain souvenir, puisque cela ne se sera pas produit en juin. Je sais que c’est frustrant, mais c’est vrai. Selon moi et selon d’autres sénateurs également, il est arrivé que nous n’ayons pas pu examiner adéquatement un projet de loi du gouvernement en raison de prétendues échéances.
Cela me dérange. J’y pense sans cesse. J’ai toujours dit ce que je pensais dans cette enceinte et j’ai toujours cru que je pouvais faire confiance aux sénateurs à ce sujet. Je n’ai aucune arrière-pensée. C’est ainsi que je me sens. Je crois que d’autres se sentent également ainsi. Nous nous en trouvons tous meurtris, et vous aussi.
Il est important que nous puissions tous nous exprimer durant ce débat. Maintenant que je l’ai fait, je vous remercie et je suis prêt à répondre aux questions.
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je pense pouvoir dire sans me tromper qu’il y a un large consensus au Sénat voulant que le projet de loi C-11 nécessite une étude approfondie et complète. La question qui se pose est la suivante : quelle est la meilleure façon de mener cette étude?
Le projet de loi est compliqué, et ses dispositions mettent en jeu de nombreux intérêts divergents de la part d’un large éventail de parties prenantes. Il n’est pas ici question d’entendre les gens de deux camps. Ce n’est pas un débat à deux côtés, mais plutôt à multiples facettes. Les intérêts des créateurs de vidéos numériques ne sont pas les mêmes que ceux des cinéastes établis utilisant une forme de média traditionnel. Les intérêts des jeunes musiciens qui tentent de se faire connaître au moyen de YouTube sont bien différents de ceux des grandes maisons de disques représentées par Music Canada. Les intérêts de Netflix, Prime Video, Apple et Disney diffèrent grandement de ceux de Global Television, Rogers ou Bell.
Le projet de loi met en lumière de nombreux clivages culturels. Le fait d’être anglophone ou francophone, de vivre à la ville ou à la campagne, d’habiter au Nord ou au Sud du pays ou de venir de l’Ouest ou du Centre influe sur l’interprétation du projet de loi C-11. Le fossé générationnel est peut-être encore plus grand. Il y a ceux qui regardent la télévision, ceux qui écoutent Netflix avec leur partenaire et ceux qui ont grandi en utilisant Twitch et Discord. Le projet de loi redéfinit en profondeur l’écosystème du divertissement et de l’information au Canada. Il nécessite un examen rigoureux, équitable, indépendant et non partisan, et le Sénat est particulièrement bien placé pour s’en occuper.
Le projet de loi C-11 est-il inconstitutionnel? C’est ce que laissent entendre certains de ses détracteurs, mais ce n’est pas ce que je crois. Toutefois, il ne fait aucun doute qu’il soulève des questions constitutionnelles importantes. Est-ce que le projet de loi est une mesure de censure? Non. Je pense que c’est un faux débat, mais il s’agit d’une mesure législative extrêmement ambitieuse qui cherche à modifier radicalement la façon dont nous consommons la culture en ligne.
Certains estiment que c’est une mesure législative problématique et protectionniste qui n’est pas forcément compatible avec la façon dont les gens créent ou consomment des médias numériques de nos jours. Que vous appuyiez le projet de loi ou non, j’espère que nous pouvons tous convenir qu’il doit faire l’objet d’un second examen objectif, comme le Sénat peut l’effectuer quand il est à son meilleur. Cependant, il est difficile de procéder à un second examen objectif quand le premier examen est encore en cours.
Les travaux du comité de la Chambre des communes ont commencé il y a une semaine à peine, mais ils avancent très vite. Contrairement au projet de loi parallèle C-10, qui a passé quatre mois au comité, le projet de loi C-11 progresse rapidement. Au départ, on a apporté un nombre extraordinaire d’amendements — 134 en tout — au projet de loi C-10, y compris certains qui semblaient contradictoires, menant à sa refonte. Je ne pense pas qu’il soit injuste ou déraisonnable de ma part de m’inquiéter du facteur temps. En effet, il est possible que si nous entamons notre étude préalable avant que la Chambre ait fini son travail, cela représente une perte de temps pour nous parce que nous n’aurions aucune idée de la forme que prendra le projet de loi quand il nous sera enfin renvoyé.
Or, étant donné le rythme de travail du comité de la Chambre, il est aussi possible qu’une étude préalable soit inutile et que nous recevions le projet de loi si rapidement que nous n’aurons même pas le temps de commencer l’étude en question. Qui plus est, je crains que si nous recevons effectivement le projet de loi à la mi‑juin — et je dis cela avec le plus grand respect pour le représentant du gouvernement que je respecte vraiment beaucoup —, on puisse néanmoins exercer des pressions sur nous pour que nous terminions rapidement l’étude définitive de la mesure législative sans avoir d’abord le temps de bien faire notre travail, du moins c’est ce que j’entends dire à l’extérieur de cette assemblée.
Je m’inquiète encore davantage à ce sujet aujourd’hui, alors que nous entamons le débat sur cette motion, en raison de ce qui se passe avec le projet de loi C-18. Le gouvernement a eu recours à l’attribution de temps pour le projet de loi C-18 et, cet après-midi, il a renvoyé le projet de loi au comité après la deuxième lecture. Je crains beaucoup que nous nous retrouvions avec les deux projets de loi devant le comité en même temps, et il ne faut également pas que le projet de loi C-18, qui est beaucoup plus radical et problématique que le projet de loi C-11, soit étudié à la hâte.
Soyons clairs. Je ne veux pas traîner les pieds ou retarder cette étude pour le simple plaisir de le faire. Je ne cherche pas à promouvoir une position partisane ou idéologique. Je parle pour des raisons de bon sens. Je veux aller de l’avant. Je veux commencer l’étude du projet de loi C-11 dès que possible. Cela fait maintenant deux ans que j’ai des rencontres avec des intervenants et des lobbyistes, des artistes et des universitaires, ainsi que des avocats et des experts techniques. J’ai hâte d’entamer une étude appropriée du projet de loi C-11. Ce projet de loi est tout aussi important pour les industries et les économies qu’il cherche à réglementer que le projet de loi C-69 l’était pour le secteur de l’énergie, et il mérite une étude sérieuse et mesurée.
J’apprécie le fondement des arguments du sénateur Gold et je partage sa frustration quant au temps que cela a pris pour renvoyer ce projet de loi au Sénat. Toute ma vie, j’ai défendu avec passion la cause des arts et de la culture au Canada. Pour avoir été dramaturge et auteure, il m’est arrivé d’apporter mon humble contribution à l’économie culturelle. Toutefois, je voudrais clarifier certains points de confusion.
Il y a deux semaines, le représentant du gouvernement a dit dans cette enceinte que si le projet de loi C-11 était repoussé à l’automne,
[...] des centaines de millions de dollars devant être affectés au contenu canadien et aux créateurs de contenu canadien seraient perdus.
J’aimerais que mes collègues comprennent la chose suivante. Cela ne signifie en aucun cas que des centaines de millions de dollars destinés au secteur culturel seront perdus si ce projet de loi n’est pas adopté avant octobre. En effet, le projet de loi C-11 ne prévoit pas l’affectation ou l’octroi de fonds. Par contre, ce projet de loi donne au CRTC de nouveaux et vastes pouvoirs pour qu’il puisse parvenir à des accords avec les plus grands fournisseurs de services de diffusion continue et les plateformes des réseaux sociaux. Le CRTC devra conclure des ententes financières avec chacun et cela pourrait prendre des années. Une fois ce projet de loi adopté, il n’y aura pas de changements immédiats concernant le financement de l’industrie du film, de la télévision et de la musique au Canada.
Le projet de loi à l’étude n’est pas un projet de loi fiscale; c’est un cadre réglementaire. Il n’impose aucune taxe. Il n’applique aucun prélèvement. Il ne crée pas de fonds de production, et ne transfère ni n’attribue un seul cent à qui que ce soit. Il renvoie la question au CRTC. Quand le projet de loi C-11 sera adopté, le cas échéant, il s’agira d’une ouverture, pas d’une finale. Il permettra des négociations complexes avec les principaux acteurs de l’économie numérique, mais il ne mettra pas, comme par magie, de l’argent dans les poches des producteurs canadiens de musique, de films ou de produits numériques.
Le sénateur Gold nous a mis en garde : retarder l’adoption du projet de loi reviendrait à priver les artistes canadiens d’un revenu gagné qu’ils méritent, mais le texte du projet de loi C-11 ne prévoit aucune rémunération pour les artistes, créateurs et détenteurs de droits d’auteur canadiens. Là n’est pas l’intention du projet de loi. Il s’agit, comme je l’ai dit, d’un cadre réglementaire.
(2030)
Par contre, le projet de loi C‑18, que nous recevrons également sous peu, imposerait à Facebook et à Google un arbitrage exécutoire et les obligerait à subventionner les nouvelles en ligne. Le projet de loi C‑11 ne comporte aucune disposition comparable. Je le répète, le cadre de réglementation est un premier pas qui pourrait s’avérer nécessaire pour mettre en place un nouveau système d’indexation et de mise en valeur du contenu canadien visant à en accroître la visibilité en ligne. Toutefois, il ne s’agit pas, du moins pas directement, d’un nouveau moyen de rémunérer ou d’indemniser les scénaristes, les cinéastes, les compositeurs ou les artistes canadiens.
Donc, pour emprunter une métaphore au sénateur Tannas, peut-être pourrions-nous calmer le jeu un peu. Je suis prête à étudier le projet de loi C‑11 dès que possible. Je ne souhaite nullement me traîner les pieds ou glander. Mon bureau a déjà préparé une liste de témoins potentiels. Je suis impatiente d’entendre leur témoignage et d’entendre leurs réponses à nos questions. Vu les malentendus qui persistent au sujet de ce projet de loi, Dieu sait que nous avons besoin d’audiences publiques pour renseigner la population et peut-être même les parlementaires.
Je ne veux tout simplement pas qu’on nous pousse à respecter une date butoir artificielle arbitraire. Je ne veux pas qu’une étude préalable vite faite remplace l’analyse en bonne et dure forme et le débat de bonne foi qui s’imposent à l’égard de ce projet de loi. Par conséquent, je suis fière d’appuyer ce soir ma collègue, la sénatrice Dasko, et de demander aux sénateurs de soumettre cette motion à un second examen objectif. Merci beaucoup. Hiy hiy.
[Français]
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Comme vous le savez, la sénatrice Simons et moi sommes toutes deux membres du Comité des transports et des communications. Nous avons beaucoup discuté de ce projet de loi. Nous avons reçu des témoins ensemble — ou devrais-je dire plutôt des lobbyistes — pour essayer de comprendre un peu mieux la situation. Donc, je souscris à votre analyse et je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est compliqué, qu’il n’y a pas que deux parties, mais beaucoup de parties. Je crois toutefois que les enjeux sont très importants. Il y va, sans doute en partie, de la survie de la culture canadienne telle qu’on l’a connue. Oui, il faut changer les choses; oui, il faut innover, mais nous avons quand même le devoir de protéger cette culture canadienne. Comment peut-on le faire dans un environnement qui est complètement différent?
En quoi le fait d’amorcer la semaine prochaine une étude préalable où l’on commencerait à recevoir des témoins qui nous donneraient une vue d’ensemble et des gens qui connaissent bien la technologie nous empêcherait-il de poursuivre une étude qui ne serait plus une étude préalable quand le projet de loi arrivera au Sénat? Je ne vois pas en quoi cela change quoi que ce soit. Nous sommes assis dans une salle, nous recevons des témoins, nous les écoutons, nous posons des questions. En quoi une étude préalable et une étude que nous pourrions faire à ce stade-ci et qui serait un prolongement de l’autre sont-elles différentes?
La sénatrice Simons : C’est une bonne question. Même si j’ai bien compris, c’est plus facile pour moi d’y répondre en anglais, si vous me le permettez.
[Traduction]
C’est une question tout à fait légitime. Je crois que si nous étions dans une situation différente et que nous avions la certitude que le contenu de l’étude préalable pourrait s’arrimer à une étude qui en serait le prolongement, je serais moins inquiète.
Je dirais que le problème, ce sont les voix que j’entends à l’extérieur du Sénat et qui me disent que l’intention est de faire adopter ce projet de loi d’ici un mois. C’est pour cette raison que je n’ai rien contre l’idée de commencer l’étude aussi rapidement que possible. Je veux simplement faire connaître mes inquiétudes. Nous ne devons pas nous retrouver dans la même situation que lorsqu’il a été question d’une possible prorogation ou élection. Ce n’est pas justifié.
L’honorable Patti LaBoucane-Benson : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
La sénatrice Simons : Bien sûr, j’accepte.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Saviez-vous que, pour le projet de loi C‑92, dont j’étais la marraine il y a quelques législatures, ainsi que pour le projet de loi C‑15 de la législature précédente, des études préalables robustes ont mené à des études sur ces projets de loi? Je crois que tout s’était très bien déroulé. Nous avions tout à fait confiance en l’utilité de ces études. C’est ma première question.
Deuxièmement, pourriez-vous nous dire quelles sont les voix que vous avez entendues dans votre tête ou peut-être en dehors du Sénat? Qui affirme qu’une étude sera menée? Le sénateur Gold a affirmé que nous n’étions pas des « arnaqueurs », nous ne cherchons pas à forcer la note ou quoi que ce soit du genre. Le bureau du représentant du gouvernement au Sénat veut également une étude très robuste.
La sénatrice Simons : Je vous remercie, ma chère amie. Oui, évidemment, je suis au courant de l’excellent travail effectué par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Il s’agit du projet de loi sur les langues maternelles et du projet de loi sur les services d’aide aux enfants, n’est-ce pas?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Oui.
La sénatrice Simons : De toute évidence, il y a déjà eu d’excellentes études préalables. Le problème, c’est que j’ai des échos du cabinet du ministre et de nombreux intervenants de l’industrie, à qui l’on a dit que ce projet de loi doit être adopté avant la fin du mois de juin.
Le sénateur Gold vient de faire le même haussement d’épaules que mon père avait l’habitude de faire. C’est un geste très juif. Il m’est très familier. J’ai grandi avec ce haussement d’épaules et je peux même le faire moi-même.
Cependant, comme je l’ai déjà dit, j’ai des inquiétudes à propos des travaux du comité, malgré tout le respect que j’ai envers les membres qui en font partie. La dernière fois, le comité de l’autre endroit avait disposé de quatre mois pour mener son étude. Cette fois-ci, peut-être est-ce correct qu’il accélère le processus, puisqu’il s’est déjà penché sur la question auparavant. Toutefois, notre comité n’a jamais eu cette chance l’an dernier. Nous étions impatients de nous y mettre, mais nous n’avons jamais eu la possibilité de mener notre étude. J’ai très hâte de commencer cette étude.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Sénatrice, j’aimerais poser une question rapide. Le ministre est-il présent dans cette enceinte? Au bout du compte, qui est responsable de cette assemblée? Nous ou la Chambre des communes?
La sénatrice Simons : J’espère bien que c’est nous.
L’honorable Dennis Dawson : Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Avec plaisir.
Le sénateur Dawson : J’avais promis de ne pas intervenir, car il s’est dit beaucoup de choses, mais j’aimerais clarifier certains points. Comme vous le savez, je suis le parrain de ce projet de loi. Vous devez me faire confiance, cela fait 17 ans que je siège comme sénateur, et le leader du gouvernement ne m’a jamais dit que nous devrions adopter ce projet de loi avant la fin du mois de juin. Le gouvernement ne m’a pas non plus fourni d’échéancier.
Nous arriverons bientôt à la date du premier anniversaire du projet de loi C-10 et je me souviens que l’an dernier, à peu près à pareille date, le projet de loi C-10 avait été étudié pendant trois mois, comme vous l’avez rappelé. Nous avions entendu plusieurs centaines de témoignages. Le projet de loi nous avait été renvoyé après la troisième lecture à la Chambre des communes et nous étions prêts à en poursuivre l’étude. Certains sénateurs — que je ne nommerai pas — avaient préconisé une étude préalable. Nous n’en avons pas fait. L’an dernier, je souhaitais déjà cette étude préalable et je la souhaite encore aujourd’hui, de toute évidence.
Qu’est-il arrivé depuis l’an dernier pour que cette année, certaines personnes rejettent maintenant la tenue d’une étude préalable? Une étude s’impose. Je sais que vous avez rencontré beaucoup de gens, mais pourquoi ne les invitez-vous pas à des rencontres publiques pour que nous ayons la chance de dialoguer avec eux, de découvrir ce qui les intéresse, ce qui selon eux devrait être intégré dans le projet de loi ou en être retranché, ou encore les éléments dont l’autre endroit ne s’occupe pas? Qu’est-ce que l’autre Chambre n’a pas fait l’an dernier? Pourquoi ne pas procéder avec transparence? Voilà le rôle du Sénat.
Je dois reconnaître que je suis ici depuis assez longtemps — j’ai un peu d’ancienneté — pour savoir que c’est ce que nous faisons : nous écoutons. Nous ne nous contentons pas de parler seulement à quelques personnes. Cette idée froissera peut-être certains sénateurs, mais nous écoutons les gens. Notre tâche consiste, entre autres choses, à faire comparaître des gens, des intervenants, devant nos comités et à les écouter. Qu’est-ce qui fait que, contrairement à l’an dernier, nous ne souhaitons pas écouter les gens en public, d’une façon très organisée, au lieu que certains viennent dans notre bureau ou qu’on nous dise ce qu’il en est? Je vous le répète : jamais, jamais.
Une voix : Y a-t-il une question?
Le sénateur Dawson : Il y a une question, sénateur. Elle ne s’adresse pas à vous, car je sais que vous me donneriez une longue réponse. Qu’est-ce qui fait que, contrairement à l’an dernier, nous ne souhaitons pas écouter les gens parler d’un sujet très important?
Son Honneur le Président : Sénatrice Simons, je suis désolé de vous interrompre avant que vous puissiez répondre, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?
Le sénateur Plett : Seulement pour répondre à cette question.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé pour répondre à la question?
Des voix : Oui.
La sénatrice Simons : En toute justice, sénateur Dawson, je me suis également opposée à une étude préalable l’année dernière et pour les mêmes raisons.
Je pense que nous devons simplement faire preuve de pragmatisme dans ce cas-ci. Comme je l’ai dit, je ne prends pas cette position pour des raisons philosophiques. Ce n’est pas à cause d’années de précédents parlementaires. Ce n’est pas pour des raisons partisanes. Le projet de loi sera étudié en comité six fois cette semaine à la Chambre des communes. Il pourrait faire l’objet d’une étude article par article d’ici la semaine prochaine et nous être renvoyé très bientôt. Je ne vois tout simplement pas l’intérêt d’enclencher le processus d’une étude préalable alors que, si nous attendions 48 heures, nous pourrions commencer une étude pour de vrai.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de donner la parole au prochain sénateur, je tiens à souligner que nous débattons de la motion no 42, qui vise à déterminer s’il y a lieu ou non de procéder à une étude préalable du projet de loi C‑11. Nous ne débattons pas du fond du projet de loi C‑11. Nous avons une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne les interventions, les questions et les réponses, mais, s’il vous plaît, nous débattons de la motion no 42.
(2040)
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, pour reprendre les mots de l’ancien sénateur George Baker, je serai bref. J’essaierai de ne pas répéter les mêmes arguments, bien sûr, que ceux que j’ai formulés pour la motion précédente concernant le projet de loi C-13.
Je tiens à souligner que je n’ai toujours pas entendu, ni du représentant du gouvernement ni du parrain de ce projet de loi, quelle est l’urgence, quel est l’intérêt public du projet de loi C-11, pour que nous fassions ce qui est vraiment inhabituel dans ces circonstances. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif. Il est un organe complémentaire de la Chambre des communes, pas un organe parallèle. Je suis tout à fait d’accord avec la sénatrice Simons et le sénateur Tannas lorsqu’ils disent que nous ne devons pas nous laisser entraîner dans le contexte partisan des études et des votes qui ont lieu à la Chambre des communes.
Je sais que cela peut sembler étrange de ma part, moi qui suis si manifestement partisan, mais je suis aussi le président de ce comité et j’ai une certaine expérience au Sénat. Je crois qu’il est important de poser des questions lorsque le gouvernement semble aussi déterminé à parvenir à ses fins. Je ne veux pas prêter d’intentions à quiconque, mais, sénateur Gold, même si vous dites que le gouvernement n’a aucune idée derrière la tête lorsqu’il tente de nous faire adopter cette mesure à toute vitesse avant la fin des travaux dans quelques semaines, bien franchement, à voir la vigueur et l’intensité avec lesquelles les membres du bureau du représentant du gouvernement au Sénat débattent de la question et tentent de nous convaincre, l’intention du gouvernement est très claire.
Je tiens aussi à souligner quelque chose de très important : à titre de président du Comité des transports et des communications, je trouve très difficile de procéder à l’étude préalable d’un projet de loi aussi important lorsque les opinions sont aussi tranchées. Ce projet de loi suscite la controverse partout au pays et, si j’ai bien compris, le gouvernement a jusqu’à présent refusé d’en déposer ou d’en divulguer les directives politiques et le cadre réglementaire, qui sont des éléments essentiels de ce projet de loi.
Ne hochez pas la tête ainsi. Vous vous souviendrez que, l’été dernier, nous avons eu la même discussion sur ce même parquet. Le gouvernement a finalement rendu public le cadre réglementaire, en juin dernier, à minuit moins cinq, je crois, du côté de la Chambre des communes. Maintenant, vous voulez que nous fassions une étude préalable sur ce projet de loi important et, encore une fois, controversé. À ma connaissance, le gouvernement a refusé jusqu’à maintenant de rendre public le cadre réglementaire à la Chambre des communes.
Le cadre réglementaire de projets de loi de ce genre, comme vous le savez, fait partie intégrante du projet de loi. Il détermine véritablement certains des éléments clés du projet de loi qui doivent être étudiés et examinés.
Tout ce que je souhaite, c’est un engagement ferme de la part du représentant du gouvernement avant que nous ne nous engagions même à envisager la tenue d’une étude préalable. Vous engagerez-vous à ce que le gouvernement rende public le cadre réglementaire, nous permettant ainsi d’en disposer une fois l’étude entamée? Je sais que le gouvernement imposera sa volonté et que nous allons commencer l’étude. Pouvez-vous au moins vous engager à ce que le cadre réglementaire soit rendu public, afin qu’il soit disponible pour les comités de la Chambre et du Sénat? Selon moi, c’est essentiel. Sans cela, nous ne pouvons pas faire notre travail. Merci, chers collègues.
L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’aimerais aussi intervenir dans cette discussion sur la motion visant à nous obliger à mener une étude préalable sur le projet de loi C-11, un projet de loi d’initiative ministérielle très controversé qui n’est pas urgent.
J’irai droit au but. Cette motion sur l’étude préalable vise à assurer l’adoption de projets de loi qui n’ont pas fait l’objet d’une étude ni d’un débat en bonne et due forme, ni même d’un premier ou second examen objectif. Ce que nous avons vu à l’autre endroit dans la dernière semaine est honteux.
L’étude préalable de tout projet de loi est surtout quelque chose de commode pour le gouvernement, mais ce n’est pas bénéfique pour le public. Dans le cas du projet de loi C-11, il s’agit d’un projet de loi très controversé. J’ai eu carrément des centaines d’échanges de courriels et de discussions avec des intervenants et des Canadiens qui ont tenté à maintes reprises de défendre leur point de vue en s’appuyant sur des faits, mais, à l’autre endroit, on ne les a pas écoutés ou on n’a pas tenu compte de leur avis.
Le gouvernement a déjà été informé des lacunes et des données probantes qui indiquent que, dans l’ensemble, son approche et ses tentatives de contrôler le secteur de la haute technologie sont malavisées. Même ses fonctionnaires l’ont publiquement contredit en ce qui concerne la censure visant le contenu généré par les utilisateurs. Les lacunes vont au-delà de simples virgules ou adjectifs mal employés. C’est une approche boiteuse et mal ficelée qui comporte des lacunes essentielles et qui touche des droits fondamentaux.
Le 18 mai dernier, dans son discours sur la motion portant sur l’étude préalable, le sénateur Gold a affirmé qu’il est possible que le projet de loi soit amendé à la Chambre des communes et il a ajouté ceci : « [...] je ne sais pas si ce sera le cas et personne ici ne le sait. » Je suis d’accord. C’est justement la question. Laissons les députés faire leur travail, puis nous ferons le nôtre. Le projet de loi ne porte pas sur un budget ou des dépenses liées à la pandémie. Aucune vie n’est en jeu. Il n’y a pas de crise. Par ailleurs, les gouvernements ne peuvent pas toujours obtenir ce qu’ils souhaitent. C’est pourquoi nous avons un système de freins et de contrepoids.
Compte tenu de toute la saga entourant les travaux du comité de l’autre endroit sur le projet de loi C-10 l’été dernier — les amendements secrets qui ont été jugés irrecevables par la présidence —, le tout a été une source d’embarras, et la situation se répète aujourd’hui. Non seulement le projet de loi était boiteux, mais le processus l’était également.
Bien sûr, le gouvernement veut que ce projet de loi et tous les autres soient adoptés rapidement et, habituellement, en faisant l’objet d’un examen aussi bref que possible. Ce n’est toutefois pas ce que nous faisons ici. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. Notre travail est d’examiner les projets de loi du gouvernement, de les corriger, de les améliorer et de les mettre à l’abri de contestations fondées sur la Charte, le tout en veillant à ce que les droits des Canadiens soient protégés.
Comme on le sait, il n’est pas possible d’apporter des amendements pendant une étude préalable, et rien ne garantit que le comité mènera une étude ordinaire des projets de loi lorsqu’ils auront été renvoyés au Sénat. Pourtant, nous avons besoin, pour ce projet de loi comme pour tous les autres, d’audiences et de témoins et, plus important encore, de débats honnêtes.
Je crains que si nous acceptons de mener un nombre croissant d’études préalables préventives, nous ouvrirons la voie, ici au Sénat, à une nouvelle culture, une culture de complaisance dans laquelle le gouvernement n’aura plus besoin de respecter la procédure parlementaire ni de tenir compte du capital politique qu’il doit investir. Il n’aura plus besoin de voir à ce qu’il y ait de réels débats, un échange équitable ou divers points de vue, ni de gagner grâce à de solides arguments appuyés sur des faits, ni de montrer qu’il a consulté les gens et les a écoutés.
Le Sénat a pour rôle de défendre les intérêts des gens que nous représentons, et je crains que ce rôle devienne un rituel désuet, démodé. Si tous les projets de loi du gouvernement sont considérés comme urgents ou essentiels, aucun ne le sera vraiment.
Depuis le début de la pandémie de COVID, nous avons autorisé des dépenses et des nouveaux programmes de plusieurs milliards de dollars sans les soumettre à un examen en bonne et due forme. Nous avons accepté que les circonstances étaient extraordinaires et qu’il était urgent d’agir, mais c’est fini. C’est devenu une tendance croissante et commode. Des modifications complexes sont dissimulées dans les projets de loi budgétaires. On limite les débats. Si nous ne pouvons pas proposer des amendements, que nous n’avons pas la garantie d’une étude complète de la part du comité et que nous n’attendons pas de voir si le projet de loi sera modifié à l’autre endroit, je crains que nous devenions quelque chose qui m’offusque profondément, à savoir une assemblée qui se contente d’approuver automatiquement les mesures législatives qui lui sont renvoyées.
Les électeurs ont été appelés à se prononcer sur le gouvernement l’automne dernier et, dans leur sagesse, ils lui ont seulement donné un mandat minoritaire afin de limiter son pouvoir. C’était là un message de la part des électeurs : ils veulent que les libéraux se soumettent à un système de freins et de contrepoids. Or, grâce à un accord parallèle, le gouvernement s’est maintenant créé une fausse majorité. Compte tenu de cela, nous devons plus que jamais mettre en place des freins et des contrepoids dans le processus.
Nos comités sont en mesure de faire de l’excellent travail. Nous attendons de pouvoir reprendre notre véritable travail parce que nos efforts ont été entravés par la technologie, le manque d’installations et de traducteurs et par le fait que nous sommes traités comme des citoyens de deuxième classe pour ce qui est de l’accès aux ressources. Nous désirons les outils et le temps nécessaires pour accomplir notre travail.
Les sénateurs membres du Comité des transports, dont je fais partie — bien que je sois privée de mon droit de participer en raison des restrictions d’horaire liées au mode hybride — et tous ceux qui restent, apportent une vaste expérience et une vaste expertise à l’étude des dossiers, quels qu’ils soient. Je suis impatiente que le projet de loi C-11 fasse l’objet d’un examen minutieux. Toutefois, étant donné que le calendrier est déjà chargé et les ressources, très limitées, ce qui fait que les comités ne se réunissent qu’une fois par semaine, la tâche ne sera pas facile.
(2050)
Le Comité des banques a été chargé d’examiner les principaux éléments d’un projet de loi d’exécution du budget et le projet de loi S-6, deux projets de loi qui proposent d’apporter des modifications radicales à tout un éventail de lois importantes au pays. Manifestement, nous disposons, encore une fois, de trop peu de temps pour traiter de projets de loi de plus en plus complexes. Les modifications à la Loi sur le droit d’auteur et à la Loi sur la concurrence qui ont été insérées en douce dans le projet de loi d’exécution du budget doivent être examinées à fond et méritent qu’on y consacre le temps voulu. Or, on nous prive de ce droit en raison d’une déclaration d’urgence tirée par les cheveux et, à mon avis, fondée sur des motifs purement politiques. Cette tendance est inquiétante.
Les comités consacrent de moins en moins de temps aux projets de loi d’initiative ministérielle. Trop souvent, nous entendons le témoignage de représentants du ministère ou du ministre responsable, puis il reste peu de temps pour les détracteurs, les parties intéressées ou les personnes qui souhaitent simplement savoir pourquoi, quand, et comment.
S’agit-il, en l’occurrence, de l’examen complet d’une mesure aussi complexe qu’un projet de loi d’exécution du budget, de la modification d’un régime de réglementation ou d’un projet de loi qui modifie fondamentalement la façon dont les Canadiens communiquent entre eux et interagissent avec Internet?
Il y a une dernière observation que je voudrais faire au sujet de ce processus. Le débat sur la motion au sujet de l’étude préalable représente exactement le type de dialogue sain dont le Sénat a besoin. Tenons ce débat; allons au fond des choses. Pourquoi? Parce qu’il est beaucoup plus difficile d’abroger de mauvaises mesures législatives que de les peaufiner dès le départ. Autrement, les tribunaux se retrouvent engorgés et ce sont les contribuables et les consommateurs qui assument des coûts qui auraient pu être évités.
Chers collègues, je crois qu’il est important de nous rappeler le rôle unique que nous sommes appelés à jouer, de nous rappeler pourquoi nous sommes ici non seulement dans le contexte parlementaire, mais aussi dans la sphère politique. En faisant preuve de toute l’indépendance que nous estimons avoir, nous devons nous prononcer sur les mesures prises par le gouvernement en place. Croire que la motion pour la tenue d’une étude préalable ne viserait qu’à donner plus de temps au comité, qu’il s’agirait d’un beau geste envers nous serait au mieux naïf, et je ne crois pas que personne ici soit naïf.
Je trouve également insultant qu’une personne de l’autre endroit ait cru que le Sénat pouvait être trompé par une proposition aussi évidente.
En outre, prétendre que débattre de cette motion n’est qu’une perte de temps est une insulte à mon intelligence et à la vôtre et cela mine l’engagement que nous avons pris lorsque nous avons juré dans notre serment de faire le travail nécessaire et de préserver la réputation de la Chambre haute du Parlement.
Je vous demande donc, chers collègues, de ne pas sombrer avec complaisance dans des digressions. Il ne faut pas oublier les répercussions politiques ou économiques de notre travail. Il ne faut pas renoncer à notre droit fondamental de nous exprimer. Nous devons nous jeter dans l’arène des idées et de la différence et ne pas être réduits au silence par la rectitude politique, la pression ou la peur. Laissons le gouvernement faire ses devoirs avant de faire les nôtres. C’est son travail. Il faut en discuter de manière approfondie. Il ne faut pas faire taire les opposants, ni empêcher les comités de faire leur travail, ni tourner les coins ronds.
Attendons de voir ce que contiendra le projet de loi quand la bataille dans l’arène des idées politiques sera terminée.
Résistons aux manœuvres procédurales du gouvernement, peu importe lequel. Chers collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour voter contre cette motion. Il en va de l’intérêt du Sénat d’aujourd’hui, de la prochaine génération de sénateurs et du serment que nous avons prêté. Il est surprenant de découvrir ce qui se cache dans un coin sombre quand on y projette de la lumière. Merci.
L’honorable Marty Deacon : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Wallin : Bien sûr.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. Il se dit décidément beaucoup de choses au Sénat aujourd’hui, que ce soit de façon directe ou indirecte ou au moyen d’allusions, mais il s’agit d’un débat vraiment important. J’aimerais en quelque sorte aborder un sujet dont personne n’ose parler. Nous connaissons tous, je crois, l’ancien gouverneur général David Johnston, qui a écrit un livre sur la confiance et sur 20 façons d’améliorer le Canada.
Voici donc la question que je vous pose : notre débat porte-t-il sur la tenue d’une étude préalable ou plutôt sur la confiance, c’est‑à‑dire sur la conviction que nous aurons bel et bien la possibilité, plus tard, de suivre le processus habituel et d’exercer la diligence qui doivent être les nôtres au Sénat?
La sénatrice Wallin : Ils sont inextricablement liés. C’est une chose que l’on nous demande d’effectuer une étude préalable en nous promettant que nous aurons tout le temps du monde, mais de nombreux autres sénateurs, dont moi-même, ont entendu d’autres propos à l’égard de la véritable intention. Bien sûr, la confiance se trouve au cœur de toute cette affaire. Je crois que cela faisait partie de l’argument du sénateur Tannas.
La relation que nous entretenons les uns avec les autres au Sénat diffère de celle que nous voyons trop souvent à l’autre endroit. Je siège à un comité parlementaire mixte, où le processus est frustrant. J’essaie de rester polie, puisque nous sommes au Sénat.
Nous devons préserver cette différence de même que l’approche différente que nous adoptons. C’est difficile, étant donné qu’il s’agit d’un projet de loi du gouvernement. Comme je l’ai déjà dit, c’est notre travail. Nous devons nous prononcer, peu importe le gouvernement au pouvoir et peu importe ce que nous pouvons penser des projets de loi.
En ce qui concerne la nécessité de mener une étude préalable — et je pense que le moment choisi est significatif —, nous aurions peut-être une impression différente si nous en parlions alors que des mois de séance nous attendaient. Toutefois, lorsqu’on parle d’une crise imminente si nous ne menons pas cette étude préalable dès l’aurore demain matin, une alerte sonne dans mon esprit. Depuis des dizaines d’années, je viens régulièrement dans cette ville pour couvrir la politique et participer au processus de différentes façons, et mon instinct me dit qu’il faut se méfier. Lorsque quelqu’un veut absolument quelque chose et qu’il le veut maintenant, examinons de quoi il en retourne exactement. Penchons-nous sur la question. Demandons-nous les raisons derrière cette démarche. Cherchons à savoir quelles pourraient être les motivations potentielles — je ne dis pas que ce sont d’horribles personnes. Les gouvernements décident ce qu’ils veulent faire. Nous décidons ce que nous voulons faire.
Je dis simplement que nous devrions faire preuve d’intelligence et d’esprit critique. Prenons en compte ces intuitions.
Le sénateur Plett : J’aimerais poser une question à la sénatrice si elle le veut bien.
Son Honneur le Président : Vous disposez d’une minute.
Le sénateur Plett : Ma question ne prendra pas une minute. Sénatrice Wallin, après l’intervention du sénateur Tannas — pour laquelle je suis malheureusement arrivé un peu en retard — la sénatrice LaBoucane-Benson a posé la question suivante :
Le gouvernement nous demande d’entreprendre une étude — sans échéancier et sans contrainte autre que le fait de nous demander de procéder à une étude. Avons-nous assez de temps?
Je pars du principe que vous ne parlez pas des représentants du gouvernement, mais bien du gouvernement lui-même. Ce sont les gens de l’autre endroit qui nous demandent simplement d’étudier un sujet sans contrainte aucune.
Quelle serait votre réaction si cette demande venait du Sénat?
La sénatrice Wallin : Eh bien, je veux dire que c’est à ce genre de demande que nous avons affaire. Nous avons en quelque sorte fusionné les deux questions : on nous demande d’effectuer une étude préalable de la mesure législative, mais on nous dit ensuite que nous pouvons intégrer cette étude dans un autre type de processus à long terme. Ce n’est pas ainsi que nous travaillons. Soit nous procédons à une étude préalable, comme nous venons de le faire pour le budget, soit nous procédons à une étude en bonne et due forme au comité, où nous choisissons notre échéancier, nos témoins et tout cela.
Ce sont deux choses distinctes qui ne se combinent tout simplement pas.
[Français]
L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 42, qui a été déposée le 18 mai dernier par le représentant du gouvernement au Sénat et qui porte sur une étude préalable du projet de loi C-11, visant à modifier la Loi sur la radiodiffusion, qui est actuellement à l’étude à la Chambre des communes. Depuis ma nomination au Sénat comme sénatrice indépendante en novembre 2016, j’ai eu l’occasion de participer à quelques études préalables sur des projets de loi qui portaient sur toutes sortes de sujets.
(2100)
Je retiens notamment de ces expériences l’étude préalable du projet de loi sur l’aide médicale à mourir, à laquelle j’ai participé comme membre du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Dans ce cas précis, l’étude des principes et objectifs du projet de loi a permis d’élargir la consultation menée par le comité. Ce faisant, le comité a pu approfondir les véritables enjeux liés à une question très sensible au sein de la population. Si vous avez suivi les débats à cette étape, vous avez sans doute constaté que le comité a pu entendre de nombreux témoins dont les points de vue étaient très contrastés, quand ils n’étaient pas clairement opposés. Ils ont aidé le comité à cerner les principaux enjeux que posait le projet de loi.
Le travail de second examen attentif du Sénat n’est pas inscrit dans un cycle de procédure rigide.
J’aimerais rappeler que l’article 10-11 de notre Règlement dit ce qui suit :
Le Sénat peut saisir un comité permanent de la teneur d’un projet de loi qui a pris naissance à la Chambre des communes, avant que celle-ci lui transmette le projet de loi.
Le Sénat n’est pas obligé d’attendre qu’un projet de loi ait été adopté par la Chambre des communes avant de commencer à réfléchir. Ce n’est pas le sens de notre rôle qui consiste à porter un second examen attentif sur les projets de loi. Nous avons l’autorité nécessaire pour définir notre cycle de travail face aux projets de loi que le gouvernement dépose.
Honorables sénateurs et sénatrices, nous avons la responsabilité de favoriser l’étude la plus large possible des enjeux sous-jacents soulevés par un projet de loi. Nous devons donner des indications claires pour montrer que nous souhaitons élargir la participation citoyenne à nos débats. Une étude préalable d’un projet de loi permet d’entendre un plus grand nombre de citoyens et d’organismes sur les enjeux de société que nous étudions.
Force est de constater que nous sommes toujours régis selon des critères définis au siècle dernier, même si l’instruction de la population a beaucoup évolué. Il y a désormais autant d’expertise au sein de la population qu’il y en a au sein du gouvernement et du Parlement, y compris ici, au Sénat. Il nous appartient d’en prendre acte et d’ajuster nos façons de faire en conséquence.
Les citoyens et les citoyennes que nous sommes réclament d’être engagés directement dans la délibération démocratique et la prise de décision démocratique. Nous l’entendons.
Une étude préalable est un exercice pédagogique qui nous concerne au premier chef, nous, les sénatrices et sénateurs, ne serait-ce que pour nous donner les moyens de comprendre les tenants et aboutissants d’un projet de loi, surtout quand il semble complexe de prime abord. De plus, une étude préalable est une occasion de permettre au plus grand nombre de personnes et groupes intéressés de se faire entendre, mais aussi d’éclairer, par le fait même, la réflexion de l’ensemble de la population.
À mon avis, les études préalables pourraient être intégrées aux activités des comités chaque fois qu’un projet de loi répond à certains critères, notamment s’il porte sur un élément structurant de politique publique qui n’a pas fait l’objet d’une révision récente; s’il porte sur un élément de politique publique qui implique un changement important de régime législatif ou de régime administratif; s’il porte sur une question sociale controversée sur laquelle un consensus est difficile à cerner de prime abord.
Rien ne nous empêche de définir des critères qui nous aideraient à décider des cas où une étude préalable serait appropriée, quand la question nous est posée.
Honorables sénatrices et sénateurs, je suis d’avis que le projet de loi C-11, dont l’objectif déclaré par le gouvernement est une mise à jour majeure de la Loi sur la radiodiffusion, notamment pour la rendre plus inclusive, répond aux critères que je viens d’énoncer.
Premièrement, il représente une mise à jour majeure de la politique canadienne de radiodiffusion et il entend garantir que les services de diffusion continue contribuent à la création et à l’offre de musique et d’œuvres littéraires canadiennes. La culture est ce qui constitue le fondement d’une société. Les moyens de diffuser la culture constituent un service essentiel et ils doivent être mis à jour pour les adapter au monde numérique.
Toutefois, à l’origine de la culture réside l’expression du travail des créateurs, sans qui on ne peut pas parler de culture. Il est important de le rappeler et de s’assurer que le travail des créateurs est reconnu à sa juste valeur, y compris le fait qu’il permet à toute une chaîne d’exploitation de ces œuvres de tirer des bénéfices dérivés de leur travail. Encore faut-il s’assurer que leur droit d’auteur sur leurs créations est respecté et rémunéré en conséquence.
Chers collègues, le projet de loi C-11 doit être examiné de près, notamment de ce point de vue.
Deuxièmement, le projet de loi élargit l’application de la loi actuelle aux entreprises de diffusion en ligne, mais il les exempte de l’obligation d’obtenir une licence. Quel est l’effet de cette exception sur les créateurs? Quel avantage ces entreprises retirent-elles de cette exemption par rapport aux entreprises qui sont obligées de détenir une licence?
Troisièmement, le projet de loi C-11 propose un nouveau régime d’ordonnances selon lequel le CRTC pourra imposer différentes conditions aux entreprises de radiodiffusion, notamment en matière de contenu des émissions. Par contre, le CRTC pourra décider que ses ordonnances vont s’appliquer à une seule, à quelques-unes ou à toutes les entreprises qui ont une licence. Est-ce que cette discrétion accordée au CRTC aura pour effet de favoriser une seule ou plusieurs catégories d’entreprises?
De plus, le projet de loi modifie le pouvoir du Conseil des ministres de donner des directives au CRTC et il donne plus de temps au gouvernement pour demander au CRTC de réviser ses décisions ou de les annuler.
Par ailleurs, quel est le point de vue des créateurs canadiens et québécois, anglophones et francophones, de toutes les catégories d’œuvres sur le respect des droits d’auteur et des droits des interprètes dans le nouveau régime prévu par le projet de loi? Qu’en pensent les groupes identifiés dans le projet de loi C-11, soit les minorités de langue officielle, les Autochtones et les personnes vivant en situation de handicap? Est-ce que le point de vue de la population sur le nouveau régime a été sollicité, considéré et documenté?
Honorables sénatrices et sénateurs, pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de la motion no 42, qui propose de faire une étude préalable du projet de loi C-11.
[Traduction]
L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, en guise d’introduction aux observations que j’ai préparées, je ferai quelques commentaires sur ce que j’ai vu cet après-midi et ce soir.
Je pense qu’il est juste de dire que le présent débat sur l’étude préalable est un peu houleux. Nous avons entendu des interventions de plus en plus enflammées, et je pense qu’il est juste de dire que les intentions et les mots du sénateur Gold et de ses collègues ont été injustement dénaturés à plusieurs reprises.
Une voix : Oh, désolé.
Le sénateur Dean : Mes collègues dans cette enceinte, qui nous font la leçon sur l’efficacité des procédures du Sénat alors qu’ils ont vu le gouvernement précédent avoir régulièrement recours à l’attribution de temps, parfois une seule journée pour un projet de loi, ne sont pas parvenus à me convaincre.
Ma dernière observation préliminaire est la suivante : je regarde dans cette salle, dans toutes les directions, je regarde les sénateurs de tous les groupes et de tous partis et je ne vois que des collègues impressionnants, à la fois des sénateurs expérimentés et des sénateurs récemment nommés, qui ne permettront pas à cette institution de sombrer dans des digressions, pour reprendre un commentaire que j’ai entendu plus tôt. Je suis fier de me tenir parmi vous tous pour cette raison.
Revenons maintenant à la motion.
Le sénateur Plett : Oh, oh!
Le sénateur Dean : Avez-vous terminé?
Le sénateur Plett : Je ne sais pas. Et vous?
Le sénateur Dean : Alors, avez-vous terminé?
Chers collègues, j’aimerais dire quelques mots en faveur de l’étude préalable du projet de loi C-11. Je vais commencer par un très court survol des complexités entourant ce projet de loi. Je n’ai que trois pages de remarques.
Comme vous le savez, le projet de loi C-11 vise à moderniser la réglementation sur la radiodiffusion à la suite des changements révolutionnaires découlant de la création et de la consommation de contenu en ligne dans un contexte qui est pour ainsi dire sans frontière.
Le projet de loi C-11 vise aussi à inclure davantage des personnes qui ont été quelque peu marginalisées dans le paysage de la radiodiffusion. De vastes pans de ce paysage ne sont soumis à aucune réglementation concernant l’obligation de créer du contenu canadien ou de contribuer à sa création.
(2110)
Il est multidimensionnel, comme l’a souligné la sénatrice Simons, et certains opposants farouches au projet de loi C-11 veulent qu’il en demeure ainsi ou, à tout le moins, ils préféreraient ne pas être contraints par un cadre réglementaire élaboré précédemment pour ce qu’ils pourraient appeler les « radiodiffuseurs traditionnels ».
Chers collègues, il n’y a rien d’inhabituel à cela dans le monde de la réglementation — absolument rien. Cela n’a rien d’unique. Au fond, chers collègues, dans la sphère réglementaire, les personnes non réglementées sont rarement favorables à la réglementation, quel que soit le domaine. Il ne s’agit pas d’un problème numérique, mais d’un problème de réglementation.
Comme vous le savez, le premier effort pour réglementer le domaine de la création et de la consommation de contenu numérique, lequel est en constante évolution et en constante expansion, a été le projet de loi C-10, qui a été mis de côté pour faire place au projet de loi C-11. Le gouvernement soutient quant à lui qu’il a répondu dans le projet de loi C-11 à certaines des préoccupations soulevées par les opposants au projet de loi C-10.
Honorables collègues, il y a une foule d’avis différents sur le projet de loi C-11, et des arguments convaincants ont été présentés par les services de diffusion en continu, les radiodiffuseurs traditionnels, les artistes et les créateurs canadiens et les consommateurs de leur contenu. Ces intervenants ont tous soulevé des questions importantes et complexes qui prennent beaucoup de temps à étudier. Nous ne pourrons pas nous pencher sur toutes ces questions, mais une étude préalable nous permettrait d’étudier quatre ou cinq grandes questions pour qu’on puisse les analyser un peu et commencer à expliquer ces enjeux aux sénateurs. Ce sera un processus graduel, et il est logique de procéder ainsi. Je crois que personne ne veut faire les choses à la hâte. Il ne s’agit pas de se presser, mais de s’informer.
Dans ce cas-ci, l’étude préalable rendrait service. Elle nous permettrait de commencer tous au même point. Comme nombre d’entre nous l’ont dit dans cette enceinte, il nous faut suffisamment de temps pour commencer à analyser le projet de loi et pour acquérir progressivement plus de connaissances sur le sujet.
Puisque le projet de loi révisé qui sera renvoyé au Sénat comporte des aspects complexes, pourquoi ne commencerions-nous pas à analyser attentivement le projet de loi ainsi que les enjeux et les questions qui s’y rattachent? On pourrait commencer à évaluer la question, à faire avancer le processus et à voir si on peut concilier différents aspects, ce qui allégerait le fardeau et nous éviterait de devoir partir de zéro.
Chers collègues, une étude préalable nous permettrait de passer outre les difficultés, d’examiner à fond les problèmes et de faire avancer le dossier au-delà de la polémique actuelle. Dans le cadre de son étude de l’ancien projet de loi C-10, le comité de la Chambre des communes a entendu 128 témoins en 28 réunions. On nous dit maintenant que le projet de loi C-11 remédie à certaines des préoccupations qui avaient alors été soulevées par les témoins. Pourquoi ne pas se pencher là-dessus? Pourquoi ne pas entendre à nouveau quelques-uns de ces témoins? Ce serait un bon début.
Chers collègues, je vois cela comme le début d’un processus linéaire, et non d’une course contre la montre. Pour faire un lien avec une observation entendue plus tôt, je ne vois aucun arnaqueur dans la salle.
Par ailleurs, de nombreux collègues au Sénat ont mentionné des problèmes concernant l’ancien projet de loi C-10 au cours du débat à l’étape de sa deuxième lecture. L’étude préalable serait l’occasion pour eux d’évaluer les changements apportés au projet de loi C-11 par rapport à son prédécesseur. Nous bénéficierions tous d’une telle analyse.
C’est ce que nous avons fait de différentes manières dans le cadre du projet de loi sur l’aide médicale à mourir. C’est aussi ce que nous avons fait pour la réforme concernant le cannabis, quoique de façon plus informelle. Nous avons entrepris des recherches rigoureuses et amorcé un débat parmi les personnes intéressées à en savoir plus sur ce projet de loi, ce qui comprenait à la fois des partisans et des détracteurs. Je peux vous dire que les détracteurs étaient plus nombreux que les partisans à cet endroit lorsque nous avons entamé le débat sur le projet de loi C-45.
Cela nous a permis d’être mieux préparés pour les débats au sujet de ces projets de loi et des amendements proposés. Cela s’est avéré dans de nombreuses études préalables menées par le Sénat, y compris dans le cas de projets de loi qui venaient d’être renvoyés à un comité de la Chambre des communes. Je ne vais pas répéter l’historique des projets de loi C-91 et C-92, qui avaient été étudiés en même temps qu’un comité de la Chambre des communes les étudiait.
Par conséquent, chers collègues, je n’ai pas l’impression que nous sortions des sentiers battus. Il n’y a rien de révolutionnaire là‑dedans ni de radical. Le Sénat l’a déjà fait dans des circonstances similaires et cela avait mené à des résultats positifs.
Je ne sens pas de pression. Je n’ai pas l’impression qu’il y a une perte de contrôle. J’entends cependant beaucoup de gens parler de perte de contrôle.
Il s’agit précisément de ce que nous devrions faire et de ce que plusieurs d’entre nous, je crois, voudraient faire, parce que cela correspond à notre mandat et à nos responsabilités constitutionnels : étudier les projets de loi. Personne n’a dit qu’il était question d’expédier cette tâche, hormis ceux qui s’opposent à la tenue d’une étude préalable. Il ne s’agit pas d’une situation d’urgence.
Si j’appuie la tenue d’une étude préalable, ce n’est pas parce qu’elle permettrait d’accélérer quoi que ce soit; si je l’appuie, c’est parce c’est important et que je crois que cela amènera une valeur ajoutée. Tout ce que je dis, c’est : « Passons à l’action. »
Contribuons à la mesure législative proposée par le gouvernement et ajoutons-y de la valeur. Relevons nos manches, chers collègues, et apportons le meilleur de nos conseils et de notre expérience. Voilà ce que nous devons faire. C’est pour cela que nous sommes ici. C’est notre responsabilité. Je dis : « Passons à l’action. »
Merci.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Le sénateur Dean accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Dean : Bien sûr.
Le sénateur Plett : Merci, sénateur Dean.
Laissez-moi commencer par une citation : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. »
Sénateur Dean, j’espère que vous en feriez de même; dans votre préambule, vous avez plutôt choisi encore une fois de diviser, en disant ou en laissant entendre que ceux qui ne sont pas d’accord avec vous n’ont pas le droit à leurs croyances.
Dans cette enceinte, nous faisons de la politique. Je n’ai aucun problème à me quereller avec quelqu’un au Sénat, puis à aller prendre un verre avec cette personne une fois la séance levée. Nous sommes ici pour débattre et exprimer différentes opinions.
Sénateur Dean, premièrement, je suis d’accord avec peut-être 85 % de votre discours. Vous avez dit : « Relevons nos manches, passons à l’action. » Je suis bien d’accord. Selon moi, aucun sénateur ayant voté contre l’étude préalable du projet de loi C-13 ne peut être accusé de ne pas vouloir faire son travail. Il se trouve que nous ne sommes pas d’accord avec vous sur ce qui est important et sur la façon de procéder. Voilà pourquoi nous votons. Voilà pourquoi nous appelons les sénateurs au vote. Voilà pourquoi nous nous rassemblons et, une fois le vote effectué, c’est terminé. J’ai entièrement accepté le résultat du vote que nous avons effectué il y a quelques heures.
Ensuite, vous croyez devoir vous présenter ici pour nous réprimander en raison de nos croyances. Sénateur Dean, croyez-vous au système démocratique? Croyez-vous que j’ai le droit? Défendriez-vous jusqu’à la mort mon droit d’avoir des opinions?
Le sénateur Dean : Bien sûr que je défendrais votre droit d’avoir des opinions, ainsi que celui des autres personnes dans cette enceinte. Tout à fait. Voilà pourquoi je me trouve ici. Cela fait partie de mes responsabilités. Cela fait partie de qui je suis.
Si mes remarques vous ont porté à croire que je tentais de faire taire les opinions de quiconque, alors je pense que vous m’avez bien mal compris, ce que je déplore.
J’ai commenté la nature du débat et son caractère clivant. J’ai indiqué qu’à mon avis, on utilisait trop d’effets de rhétorique et que certains commentaires émis par nos collègues du bureau du représentant du gouvernement avaient été déformés.
(2120)
Je maintiens tout ce que j’ai dit, tout en niant catégoriquement que j’ai tenté de retirer à quiconque ici le droit de parler et d’exprimer leurs opinions. Ce n’est pas ce que je veux. Je suis resté assis dans cette enceinte, sans la quitter, et j’ai écouté tout ce que tout le monde avait à dire.
Je parlais de la teneur de notre débat, de son caractère enflammé et des arguments qui y ont été avancés. Ce débat porte sur la réalisation d’une étude préalable et sur le processus qui l’entoure. En toute honnêteté, je dirais que je pensais que les intentions et les paroles de mes collègues au sein du bureau du représentant du gouvernement au Sénat avaient été mal interprétées. C’est ce que je ressentais, et c’est encore ce que je ressens.
En ce sens, j’exprimais mon opinion librement, comme tout le monde dans cette enceinte aujourd’hui. Je suis désolé que cela vous ait déplu, mais c’est un droit dont bénéficient tous les sénateurs. Nous avons gagné ce droit. Nous le gagnons chaque jour, inlassablement.
Il est parfois important de parler de la nature et de l’atmosphère du débat, et c’est tout ce que je faisais. Si j’ai offensé quiconque en agissant ainsi, je serai heureux de m’excuser. Je ne crois pas que ce soit le cas. Ce n’était pas là mon intention. Je suis d’avis que la vaste majorité des personnes dans cette enceinte le comprennent.
Merci, sénateur Plett. Je prends note de vos observations. Je n’ai rien à ajouter. Comme tous les autres sénateurs, je n’ai fait que donner mon avis, et je ne m’excuserai pas de l’avoir fait.
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Plett, mais le temps du sénateur Dean est écoulé.
Sénateur Dean, demandez-vous plus de temps?
Le sénateur Plett : Moi, oui.
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Gold, avec l’appui de la sénatrice Gagné, propose que, conformément à l’article 10-11(1)... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t‑il entente au sujet de la sonnerie?
Des voix : Non.
La sénatrice Seidman : Quarante minutes.
Son Honneur le Président : Quarante minutes. Le vote aura lieu à 22 h 2. Convoquez les sénateurs.
(2200)
La motion, mise aux voix, est adoptée :
POUR
Les honorables sénateurs
Arnot | Harder |
Boniface | Hartling |
Bovey | Jaffer |
Busson | Klyne |
Clement | LaBoucane-Benson |
Cormier | Lankin |
Cotter | Loffreda |
Dawson | Marwah |
Deacon (Ontario) | Mégie |
Dean | Miville-Dechêne |
Duncan | Moncion |
Dupuis | Omidvar |
Forest | Petitclerc |
Gagné | Ringuette |
Galvez | Saint-Germain |
Gerba | Sorensen |
Gignac | Woo |
Gold | Yussuff—36 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Anderson | Moodie |
Ataullahjan | Oh |
Batters | Pate |
Black | Plett |
Campbell | Poirier |
Carignan | Quinn |
Dagenais | Ravalia |
Dasko | Richards |
Downe | Seidman |
Housakos | Simons |
Manning | Smith |
Marshall | Tannas |
Martin | Verner |
McCallum | Wallin |
McPhedran | Wells—31 |
Mockler |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun
(À 22 h 13, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 5 mai 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)