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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 129

Le jeudi 1er juin 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 1er juin 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois national de l’histoire autochtone

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, pour commencer, j’aimerais reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe dont la présence ici remonte à des temps immémoriaux. J’exprime ma sincère gratitude et mon respect à ce peuple ainsi qu’à l’ensemble des Premières Nations, des Inuits et des Métis qui sont les gardiens de ces terres.

Je suis ravie d’intervenir aujourd’hui pour vous parler de l’une des façons dont le Groupe progressiste du Sénat a décidé de souligner le début du Mois national de l’histoire autochtone.

Hier, les sénateurs du Groupe progressiste du Sénat et leur personnel ont participé à un exercice des couvertures, un atelier interactif créé à la suite de la publication du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996. En nous servant des couvertures comme représentation visuelle, nous avons été témoins du récit des nombreuses injustices qu’ont subi des générations d’Autochtones, notamment par la dépossession agressive et souvent meurtrière de leurs terres, par la décimation des familles et des collectivités et par l’anéantissement des langues, des cultures et de tout un mode de vie.

Cet exercice nous a permis de mieux comprendre les réalités passées et présentes des peuples autochtones sur le territoire aujourd’hui désigné « Canada ».

Je sais que je ne suis pas la seule à avoir trouvé l’expérience extrêmement marquante. Les trois animateurs autochtones de l’activité, John, Francine et Jesse, ont gentiment accepté de nous parler de ce qu’ils ont eux-mêmes vécu pour nous faire connaître une histoire qui n’a jamais été enseignée à la plupart d’entre nous, y compris en ce qui concerne les séquelles durables qui découlent de l’enlèvement continuel des enfants autochtones par les services d’aide à l’enfance. Devant les vérités dérangeantes de notre histoire commune, nous avons versé des larmes et partagé aussi des rires. Nous retirons tous de cette activité une meilleure compréhension de l’injustice profonde que les peuples autochtones ont subie. Nous en retirons surtout la volonté ferme de faire avancer la réconciliation, que ce soit dans le cadre de notre institution ou à l’extérieur de celle-ci.

Je vous invite tous à trouver votre façon de souligner le Mois national de l’histoire autochtone. Il faut reconnaître ce que les peuples autochtones ont vécu, et pour cela, il faut ouvrir grand son cœur et son esprit.

Je remercie le sénateur Francis et tous les membres de son équipe d’avoir organisé cette belle activité. Merci aussi aux sénateurs et aux employés qui y ont participé. Je n’oublierai pas de sitôt l’exercice des couvertures et je vous encourage tous vivement à y participer si vous en avez l’occasion. Merci. Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’épouse du sénateur Shugart, Mme Linda Shugart, et sa fille, Robin Shugart.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’innovation agricole

L’honorable Robert Black : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour saluer le travail novateur et progressiste des secteurs canadiens de l’agriculture et de la transformation, et pour mettre en évidence les formalités administratives qui limitent les innovations de l’industrie.

J’ai récemment rencontré des représentants de Dairy Distillery, les producteurs de Vodkow. Beaucoup d’entre vous connaissent peut-être cette vodka étonnante et savoureuse produite à partir de sous-produits de la transformation laitière. Cette entreprise d’Almonte, en Ontario, est bien connue partout au Canada pour ses excellents spiritueux, de même que pour sa décision de passer de la production de Vodkow pendant la pandémie de COVID-19 à la production de désinfectant pour les mains, dont elle a donné une grande quantité dans toute la région et la province.

Cette entreprise a adopté une stratégie de réduction des déchets novatrice en utilisant le surplus de perméat laitier pour produire de l’éthanol. Il s’agit d’une approche novatrice et progressiste et d’une excellente contribution à l’économie canadienne. Toutefois, chers collègues, le manque de soutien gouvernemental à l’innovation est évident pour Dairy Distillery et de nombreuses autres entreprises canadiennes. En raison du manque d’engagement envers les petites entreprises et du nombre croissant de changements, de règles et de règlements imposés aux entreprises canadiennes, connus sous le nom de formalités administratives, Dairy Distillery a été forcée de déménager ses activités de production d’éthanol aux États-Unis et utilise du surplus de perméat laitier américain pour produire cet éthanol.

L’administration américaine actuelle a offert d’importantes subventions prévues par l’Inflation Reduction Act, ce qui occasionne maintenant la perte de l’innovation et l’ingéniosité canadiennes. Bien que Dairy Distillery ait reconnu qu’il existe des débouchés canadiens pour de l’éthanol produit au Canada, l’entreprise ne peut tout simplement pas trouver comment mener ses activités de manière concurrentielle ici. Elle s’est donc installée dans le Michigan.

Sénateurs, je suis préoccupé par les pratiques actuelles du gouvernement. Des entreprises précieuses comme la Dairy Distillery, qui a produit du désinfectant pour les mains pour nous, se sont efforcées de soutenir les Canadiens en temps de crise. Aujourd’hui, alors que sévit la crise climatique, Dairy Distillery produit chaque année 2,2 millions de gallons d’éthanol plus propre en partenariat avec une coopérative laitière, ce qui devrait permettre de déplacer 14 000 tonnes de carbone et de réduire de 5 % la quantité de carbone produite par cette coopérative. L’usine sera également alimentée par le méthane produit lors de la production de l’éthanol.

Ce processus écologique correspond aux ambitions vertes de notre pays et du gouvernement, mais Dairy Distillery est obligée de traverser la frontière et ce sont les États-Unis qui récolteront les bénéfices des 2,2 millions de gallons d’éthanol.

Chers collègues, nous devons continuer à promouvoir les intérêts des entreprises vertes. Le changement climatique est réel, et le gouvernement canadien doit prendre des mesures prioritaires afin d’encourager les entreprises à s’établir dans notre pays.

Je remercie l’entreprise Dairy Distillery de son travail acharné au service des Canadiens et j’espère qu’elle aura bientôt les mêmes possibilités d’innover ici au Canada. Je vous remercie. Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr Ibrahima Socé Fall, du Dr Anthony Solomon et d’Alison Krentel. Ils sont les invités des honorables sénateurs Boehm et Kutcher.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les maladies tropicales négligées

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, en février 2022, j’ai parlé des maladies tropicales négligées. Il s’agit d’un groupe de 20 maladies et conditions qui affectent 1,7 milliard de personnes dans le monde. Cela représente une personne sur cinq sur la planète.

Il est possible que vous ayez entendu parler de certaines de ces maladies. Je songe notamment à la lèpre, à la cécité des rivières, à la dengue ou aux vers intestinaux parasitaires. Ce sont des maladies anciennes qui affectent la vie de personnes vivant dans certaines des communautés les plus désavantagées et les plus vulnérables au monde, et même ici, au Canada.

Alors que nous sortons de la pandémie de COVID-19, la communauté mondiale a réalisé une fois de plus toute la dévastation que les maladies infectieuses peuvent causer dans la vie des gens et l’importance d’avoir des systèmes de santé solides pour offrir des soins à tous, sans laisser pour compte qui que ce soit.

Nous devons monter d’un cran la lutte contre les maladies tropicales négligées, car c’est la bonne chose à faire et que c’est en contrôlant, en éliminant et en éradiquant les maladies tropicales négligées que nous pourrons grandement améliorer la santé mondiale en général, notamment grâce à un système universel de soins de santé et à la préparation aux pandémies.

Les investissements dans les maladies tropicales négligées vont bien au-delà du simple traitement de ces maladies. La présence de ces maladies dans un ménage peut perpétuer un cycle générationnel de pauvreté. En nous attaquant aux maladies tropicales négligées, nous améliorons la santé des collectivités, les perspectives pour les enfants et le rendement économique des ménages, et nous réduisons l’incidence de handicaps ou de défigurations permanents.

Ce serait irresponsable de notre part d’avoir déployé tous ces efforts pour aider les gens à survivre à la COVID-19 pour ensuite les laisser à eux-mêmes alors qu’ils sont vulnérables à ces maladies que l’on peut éviter et traiter. Le temps est venu d’accélérer les progrès.

Les changements climatiques ont — et continueront d’avoir — des répercussions directes et indirectes sur l’incidence des maladies tropicales négligées, par exemple une augmentation du nombre de foyers de maladies tropicales négligées comme la dengue, ainsi que des déplacements des populations vers les endroits où ces maladies persistent.

(1410)

Comme on l’a souvent entendu durant la pandémie de COVID-19, personne ne sera en sécurité tant que tout le monde ne le sera pas. Il faut passer à l’action maintenant — l’inaction n’est pas une option.

Il y a un an, le Canada a signé la Déclaration de Kigali, s’engageant ainsi à participer aux efforts mondiaux pour éradiquer les maladies tropicales négligées. Les sénateurs Boehm et Ravalia se sont joints à moi pour demander au gouvernement d’accélérer ses efforts. Nous félicitons le gouvernement d’avoir fait les premiers pas vers des mesures concrètes. Toutefois, nous continuons à encourager le gouvernement à en faire plus, notamment en investissant les ressources requises pour contribuer à ce que les maladies tropicales négligées ne soient plus mises de côté. Les habitants de tous les pays ont le droit à la santé. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants de POSCO Chemical Canada et de POSCO America. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les relations entre le Canada et la Corée

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner une année historique pour le Canada et la Corée, le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre ces deux pays.

Le Canada et la Corée entretiennent depuis longtemps de solides liens diplomatiques et commerciaux. Si le partenariat commercial qui unit nos deux pays est aussi vigoureux, c’est entre autres grâce aux activités structurantes d’entreprises comme POSCO, qui s’appelait auparavant la Pohang Iron and Steel Company. Il s’agit de la plus grande aciérie de la Corée du Sud et la cinquième du monde en importance.

POSCO a été fondée le 1er avril 1968. Dans les années 1960, l’autosuffisance dans le secteur de l’acier était indispensable au développement économique. Le gouvernement de la République de Corée a alors décidé d’investir dans cette industrie, et c’est sous la direction de Park Tae-joon que POSCO a ainsi vu le jour.

Au début, il s’agissait d’une toute petite entreprise. En 1972, quand la production a commencé, l’entreprise comptait 39 employés. Aujourd’hui, comme je l’ai déjà dit, il s’agit de la cinquième du monde en importance. POSCO a deux aciéries intégrées en Corée du Sud, une à Gwangyang et une autre à son siège social, Pohang. Cette entreprise a aussi étendu ses activités au Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays. Elle déploie divers projets novateurs et investit dans les technologies et les énergies vertes. Ses activités sont donc loin de se limiter à la production d’acier.

J’ai donc le plaisir de signaler la présence parmi nous aujourd’hui du président de POSCO America, Han Eui Do, du président de POSCO Chemical Canada, Chigyu Cha, et du directeur général des ressources humaines de POSCO America, Kun Youp Kim.

Le Canada, la Corée et les États-Unis continuent de miser sur leur amitié et leur histoire partagée — une histoire forgée sur les champs de bataille de la guerre de Corée, lorsque les États-Unis, le Canada et d’autres pays alliés des Nations unies sont venus en aide à la Corée. Cette année marque également le 70e anniversaire historique de l’armistice de la guerre de Corée, et rend hommage au service et au sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la liberté et la démocratie.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour féliciter POSCO du leadership, de l’expertise et des contributions qu’elle a apportés à l’économie et au commerce de la Corée du Sud, ainsi que de ses partenariats au Canada, aux États-Unis et partout dans le monde. Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du chef Wilbert Marshall, de la Première Nation de Potlotek, en Nouvelle-Écosse. Il est l’invité de l’honorable sénateur Francis.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée nationale de la santé et de la condition physique

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, aujourd’hui, le 1er juin, il se passe beaucoup de choses importantes. Alors que nous célébrons le Mois national de l’histoire autochtone et le Mois de la fierté, je souhaite également parler de la Journée nationale de la santé et de la condition physique, qui aura lieu samedi prochain.

La Loi sur la Journée nationale de la santé et de la condition physique a été créée par nous, ici et à l’autre endroit, afin de travailler avec les collectivités et faire de notre mieux pour garantir le soutien, l’infrastructure et le nécessaire pour que chaque Canadien ait la possibilité d’être actif.

Cette année, à l’approche de la journée de samedi et en reconnaissance du Mois national de l’histoire autochtone, j’aimerais vous lire un poème rédigé par l’ancienne poète lauréate du Parlement, Louise Bernice Halfe — son nom cri est Sky Dancer —, alors qu’elle réfléchissait à l’objectif de la Journée nationale de la santé et de la condition physique. Le poème s’intitule Plus de 65 ans.

L’esprit du corps

boude le mouvement, parfois.

Au terme d’une course à contrecœur,

pourtant,

l’eau fraîche sur les pieds endoloris

ravive la volonté.

Le cœur affolé,

le souffle erratique,

attisent

cette vacillante exaltation.

Dans le canot,

la pagaie caresse l’eau, falaises

et forêts défilent,

les doigts fendent le courant.

Ce paisible élan met

l’esprit et le corps en mouvement.

Mon mari et moi, chaque matin,

soulevons des poids.

Nous nous étirons vers le ciel,

plions nos corps à la taille,

battons des bras tels des papillons.

À la presse à cuisses, il devient si facile

de s’agenouiller.

Nous contractons

nos triceps mollassons,

faisons la planche.

Nous avons plus de 65 ans.

Depuis trois ans,

nos pieds ont parcouru

plus de trois cents kilomètres

dans les prairies de la Saskatchewan.

Des plaines

jusqu’aux monts rocheux des anges

des Mystery Rocks,

jusqu’aux sites assassinés

où nous avons rendu hommage

aux tribus des origines.

Nous dépassons

nos vacillements.

Égards et respect pour le corps, l’âme et l’esprit.

En nos veines

bouillonnent ces dons

 — vent, soleil terre et eau.

Chers collègues, je vous encourage à réfléchir à ces mots ce week-end. Je tiens également à vous remercier pour les messages que vous avez publiés sur les médias sociaux ces dernières années, pour votre énergie et votre désir de partager ce qui vous motive à bouger. Continuez à les publier et utilisez les mots-clics qui ont été envoyés à chacun d’entre vous aujourd’hui.

J’invite également tous les sénateurs qui sont à Ottawa ce week-end à se joindre à nous à 10 heures samedi matin à l’entrée principale du bâtiment du Sénat du Canada pour une marche facile dans quelques beaux quartiers d’Ottawa. N’hésitez pas à vous joindre à nous si vous le pouvez.

Merci, meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Linda Thompson et de Wendy Milne. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Hartling.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La bibliothécaire du Parlement

Dépôt du certificat de nomination et des notes biographiques

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination et notes biographiques concernant la proposition de renouvellement du mandat de Heather Powell Lank à titre de bibliothécaire parlementaire.

Agriculture et forêts

Budget—L’étude sur l’état de la santé des sols—Présentation du onzième rapport du comité

L’honorable Robert Black, président du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

jeudi le 1er juin 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a l’honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 26 avril 2022 à examiner pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada, demande respectueusement des fonds supplémentaires pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2024.

Le budget initial présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et le rapport de ce comité ont été imprimés dans les Journaux du Sénat le 16 février 2023. Le 16 février 2023, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 36 220 $ au comité et le 16 mai 2023, le Sénat a approuvé un déblocage additionnel de 128 620 $ au comité.

Conformément au chapitre 3:05, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

ROBERT BLACK

(Le texte du budget figure à l’annexe A des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1758.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Black, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023

Dépôt du cinquième rapport du Comité des transports et des communications sur la teneur du projet de loi

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui porte sur la teneur des éléments de la section 2 de la partie 3, et des sections 22 et 23 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

(Conformément à l’ordre adopté le 27 avril 2023, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

[Traduction]

Dépôt du septième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie sur la teneur du projet de loi

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, qui porte sur la teneur des éléments des articles 118 à 122 concernant le minage de cryptoactifs dans la partie 2, et des sections 1, 2, 6, 7, 26, 33 et 37 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

(Conformément à l’ordre adopté le 27 avril 2023, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Dépôt du onzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international sur la teneur du projet de loi

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le onzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui porte sur la teneur des éléments des sections 4, 5, 10 et 11 de la partie 4, et de la sous-section A de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

(Conformément à l’ordre adopté le 27 avril 2023, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Budget—L’étude sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général—Présentation du treizième rapport du comité

L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 1er juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 10 février 2022 à examiner pour en faire rapport sur les questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2024 et demande qu’il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a)voyager à l’intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:05, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

RATNA OMIDVAR

(Le texte du budget figure à l’annexe B des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1766.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des droits de la personne à étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-41, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence, déposé à la Chambre des communes le 9 mars 2023, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

La bibliothécaire du Parlement

Préavis de motion tendant à renvoyer le certificat de nomination au Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le certificat de nomination concernant la proposition de renouvellement du mandat de Heather Powell Lank à titre de bibliothécaire parlementaire, déposé au Sénat le 1er juin 2023, soit renvoyé au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement pour étude et rapport;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’Association parlementaire Canada-Europe

La réunion d’automne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 24 au 26 novembre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 20e Réunion d’automne de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Varsovie, Pologne, du 24 au 26 novembre 2022.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Bureau du Conseil privé

Le rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Ma question aujourd’hui s’adresse encore une fois au leader du gouvernement libéral au Sénat.

Monsieur le leader, vous semblez vraiment vous inscrire en faux contre les questions de l’opposition officielle, comme si nous n’avions pas le droit de faire notre travail. Vous remettez en question notre intégrité et notre professionnalisme lorsque nous vous posons des questions. Je pose des questions à titre de leader du caucus conservateur, au nom des Winnipégois, de mes concitoyens manitobains et, bien sûr, de l’ensemble des Canadiens. Je fais mon travail, monsieur le leader. J’ajoute que je le fais au meilleur de mes capacités et que vous remettez en question notre droit de vous poser des questions.

Monsieur le leader, dans le cadre de votre travail, vous évoquez souvent l’importance de se plier à la volonté de l’autre endroit. Or, les députés ont voté et nous ont fait parvenir quelque chose.

Hier, monsieur le leader, une nette majorité de députés de la Chambre des communes ont voté pour démettre de ses fonctions le titulaire du poste de rapporteur spécial qui a été créé de toutes pièces par le premier ministre. Seuls les députés libéraux ont voté pour le maintenir en fonctions. Pourtant, peu après le vote, le rapporteur spécial a diffusé un communiqué dans lequel il conteste le résultat du vote et affirme qu’il ne démissionnera pas.

Monsieur le leader, n’est-il pas légèrement hypocrite de demander aux sénateurs d’accepter la volonté de la Chambre alors que le gouvernement refuse de le faire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse est non. Le gouvernement estime que dans son rapport, le rapporteur spécial a fourni de précieux renseignements aux Canadiens et que le processus public qu’il prévoit piloter, ainsi que le travail de nombreuses institutions, dont celui de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, constituent l’approche la plus appropriée pour s’attaquer à l’ingérence étrangère.

Le sénateur Plett : Serait-ce que dans une société démocratique, le gouvernement n’a pas à respecter la démocratie?

Le sénateur Housakos : Non, pas ce gouvernement-là.

Le sénateur Plett : Dans sa déclaration, le rapporteur spécial, qui occupe un poste créé de toutes pièces, défie l’autorité même de la Chambre. Cette déclaration a manifestement été rédigée avant le vote, tout comme le rapport a été envoyé à la traduction avant même la rencontre du rapporteur avec Erin O’Toole, dont le SCRS dit qu’il a été la cible de l’ingérence de Pékin. Le rapporteur spécial a déclaré hier que son mandat lui a été confié par le gouvernement. Voilà. C’est précisément ce que je dis depuis le début, monsieur le leader. C’est ce que nous disons. Il n’est pas indépendant. Il s’agit d’un vieil ami de la famille Trudeau et d’un membre de la fondation Trudeau. Il a été embauché à un poste créé de toutes pièces pour aider le premier ministre et son gouvernement. C’est le Bureau du Conseil privé qui s’occupe des demandes de renseignements des médias. Il n’est pas indépendant.

(1430)

« Notre démocratie est fondée sur la confiance »; voilà, monsieur le leader, comment débutait la mascarade du rapporteur spécial la semaine dernière. Si ce dernier et le premier ministre peuvent aussi facilement faire fi des résultats du vote démocratique des élus, pourquoi les Canadiens devraient-ils croire le gouvernement Trudeau quand il parle d’ingérence de Pékin, ou de quoi que ce soit d’autre, quand on y pense?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises et comme je m’apprête à le répéter encore aujourd’hui, le gouvernement est d’avis que le rapporteur spécial s’est acquitté de son mandat de façon exemplaire dans son rapport. Le travail qui se poursuivra dans la foulée de ce rapport sera dans l’intérêt de la population canadienne et servira à la protéger contre l’ingérence étrangère.

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement, le sénateur Gold. Il est étonnant de constater à quel point le gouvernement Trudeau n’a pas fait grand-chose en matière d’ingérence étrangère. Hier, le ministre de la Sécurité publique a comparu au Sénat et, ce qui est encore plus étonnant, il n’a pas pu répondre à deux questions simples : quand les postes de police illégaux de Pékin seront-ils fermés et quand un registre des agents étrangers sera-t-il mis en place? C’est incroyable, monsieur le leader du gouvernement.

Je vais simplifier la question pour vous, car je sais que le gouvernement éprouve de la difficulté avec les objectifs. Je vous permettrai de répondre de manière générale. Pourriez-vous dire au Sénat quand le gouvernement fera fermer les postes de police illégaux de Pékin et quand il mettra en place un registre des agents étrangers? Vous n’êtes pas obligé de me donner une date précise, mais pourriez-vous indiquer au Sénat du Canada le mois et l’année?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Comme le ministre l’a dit hier, la GRC, qui agit de manière indépendante du gouvernement, mène des enquêtes sur les activités présumées liées à ces postes de police dans notre pays. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de vous dire quels seront les résultats de ces enquêtes ni quelles mesures seront prises après leur conclusion, lorsque l’information sera transmise.

Ensuite, en ce qui concerne le registre des agents étrangers, comme le ministre l’a dit hier, des progrès considérables ont été réalisés et d’autres sont en cours. Le gouvernement a l’intention de présenter une mesure législative à ce sujet. Je pense que le ministre a dit publiquement que ce sera à l’automne. Il tient à consulter toutes les parties prenantes au sujet du projet de loi parce qu’il est essentiel de veiller à ce que l’établissement d’un tel registre n’entraîne pas par inadvertance de nouvelles contraintes pour les membres des diasporas qui sont touchées.

J’en profite aussi, en tout respect, pour corriger votre affirmation selon laquelle le gouvernement n’a rien fait pour contrer l’ingérence étrangère. Encore une fois, le rapport du rapporteur spécial l’explique très clairement.

Il y a eu l’établissement du mandat de la ministre des Institutions démocratiques et d’un cadre stratégique, la création du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections et du Protocole public en cas d’incident électoral majeur, l’établissement du Mécanisme de réponse rapide avec le G7 et la création de l’Initiative de citoyenneté numérique. Nous avons aussi mis sur pied le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement ainsi que défini leurs mandats respectifs. Il y a également le cadre politique en 2022 et les initiatives de 2023, y compris celles qui sont en cours. Le gouvernement prend la situation très au sérieux et fait le travail nécessaire au nom des Canadiens pour nous protéger de l’ingérence étrangère.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader, tout ce que vous venez de souligner n’est rien d’autre que du nombrilisme. Lors de sa comparution ici, hier, le ministre a bel et bien confirmé que la GRC mène actuellement des enquêtes sur les postes de police illégaux contrôlés par Pékin. C’est le même ministre qui est intervenu à la Chambre des communes il y a de nombreuses semaines de cela pour dire aux parlementaires et aux Canadiens qu’on avait fermé tous ces postes. Il s’agit là d’un outrage au Parlement. Soit il a induit les Canadiens en erreur lorsqu’il a dit qu’ils étaient tous fermés, soit il a menti intentionnellement. Je ne voudrais pas croire qu’il s’agisse de la seconde hypothèse.

Monsieur le leader du gouvernement, le gouvernement n’a pas agi. Il s’est contenté d’avoir des discussions sur la question. C’est cela, la vérité. Maintenant, le ministre se présente au Parlement et n’arrive pas à répondre à une simple question. Il s’est fait prendre à véhiculer des faussetés. Il a prétendu que tous les postes avaient été fermés, et nous apprenons maintenant que ce n’est pas le cas. Puis, il y a eu un vote au Parlement du Canada réclamant au faux rapporteur de démissionner, mais ce dernier et le gouvernement refusent de respecter la volonté démocratique de la Chambre des communes. Est-ce que vous appelez cela de la démocratie, est-ce que vous appelez cela du respect pour nos institutions parlementaires?

Le sénateur Gold : Encore une fois, la réponse courte à votre question est que le gouvernement est d’avis, nonobstant la motion, qui n’est pas contraignante pour le gouvernement, que la meilleure façon d’avancer reste celle qui est décrite dans le rapport du rapporteur spécial et les mesures qui vont être prises.

En ce qui concerne votre question — qui comportait un certain nombre de remarques préliminaires —, vous n’êtes certainement pas en train de suggérer, sénateur Housakos, que les institutions culturelles telles que celle mentionnée hier par notre collègue le sénateur Woo sont des postes de police illégaux jusque dans leurs plus profonds recoins, simplement parce qu’il y a des allégations selon lesquelles certaines activités au sein de cette grande organisation qui sert la communauté depuis 50 ans auraient été illégales. C’est justement ce qui a fait l’objet d’une enquête.

Même si je n’ai aucune information à ce sujet étant donné que la GRC ne partage pas ce type d’information avec le gouvernement lors d’une enquête en cours, il se peut très bien que certaines activités aient effectivement été stoppées et qu’elles aient pu ressurgir ailleurs. Nous ne le saurons pas tant que les enquêtes ne seront pas terminées. Encore une fois, avec tout le respect que je vous dois, je pense qu’il est irresponsable de qualifier ces informations de contre-vérités ou de faussetés, quel que soit le terme que vous avez utilisé — le hansard nous le confirmera — ou de mensonges, comme votre chef vient de le dire dans cette enceinte. Je pense qu’il est plus juste et plus responsable d’attendre les résultats des enquêtes indépendantes de la GRC sur cette affaire très sérieuse.

L’emploi et le développement social

Le congé parental—L’assurance-emploi

L’honorable Colin Deacon : Votre Honneur, je tiens à vous remercier d’assumer les fonctions de Présidente; c’est formidable de vous voir occuper ce fauteuil.

Ma question s’adresse au représentant du gouvernement, le sénateur Gold. L’entrepreneuriat est truffé de difficultés, dont certaines sont particulièrement ardues à surmonter pour les groupes sous-représentés, dont les femmes.

Pensons à Sampler, une plateforme technologique qui aide les entreprises à lancer de nouveaux produits. Cette plateforme collabore avec 1 000 entreprises et compte 45 employés. Elle est en voie d’atteindre un chiffre d’affaires de 10 millions de dollars et vient de se porter acquéreuse d’une société new-yorkaise pour étendre ses activités aux États-Unis et en Europe. Voilà le genre de succès dont nous voulons voir de nombreux exemples. Imaginez-vous la surprise de la présidente-directrice générale et fondatrice de Sampler lorsqu’elle a appris, pendant son congé de maternité, que sa demande de prestations parentales avait été refusée, alors qu’elle cotise à l’assurance-emploi depuis des années.

J’ai appris avec stupéfaction que l’Agence du revenu du Canada a refusé sa demande parce qu’elle croyait qu’à titre de cheffe d’entreprise, Mme Chevrier ne pourrait pas vraiment prendre de congé de maternité. Cette dernière n’a pas pu obtenir d’aide financière du gouvernement au moment où elle en avait le plus besoin. Je crois d’ailleurs comprendre qu’elle est loin d’être la seule dans ce cas.

Sénateur Gold, qu’est-ce qui explique cette politique qu’on pourrait qualifier d’antiféministe? Est-il prévu de la revoir très prochainement afin de permettre aux entrepreneurs, et surtout aux entrepreneuses, de fonder une famille sans craindre l’incertitude financière?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette importante question. Le gouvernement comprend et croit que les prestations de maternité et les prestations parentales doivent être à la fois plus justes et plus souples.

À l’heure actuelle, le gouvernement est en train d’analyser les commentaires de parents, de travailleurs, d’employeurs, de syndicats et d’autres partenaires, y compris des entrepreneurs, pour s’assurer que les modifications à notre régime d’assurance-emploi sont apportées en tenant compte des personnes les plus touchées. En ce qui concerne les entrepreneurs, je vais transmettre vos préoccupations au ministre pertinent, mais je peux vous assurer, honorable collègue, que le gouvernement demeure attentif aux préoccupations de ce genre, qui remettent en question le féminisme de ses politiques. Les femmes sont responsables des portefeuilles ministériels les plus importants au sein du Cabinet actuel, et je peux vous assurer que toutes les préoccupations soulevées sont examinées dans une optique qui tient compte des réalités et des besoins des femmes.

Le sénateur C. Deacon : Le gouvernement affirme que l’autonomisation des femmes est une grande priorité pour lui. Je reconnais que l’atteinte de l’égalité hommes-femmes au Sénat et au sein du Cabinet est tout à son honneur, tout comme la création d’une stratégie fédérale pour les femmes en entrepreneuriat.

(1440)

Les politiques des ministères, comme cette décision de l’Agence du revenu du Canada, contredisent souvent les valeurs défendues par le gouvernement. Les femmes en entrepreneuriat sont une priorité absolue pour le gouvernement. Comment fera-t-on pour donner suite à ces priorités dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental? Dans bien des domaines, il ne semble pas y avoir d’approche horizontale. Des initiatives sont prises ici et là, mais les priorités ne sont pas omniprésentes dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Je constate que c’est un problème constant. Selon vous, que pourraient faire le Sénat ou le gouvernement pour régler ce problème d’horizontalité?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. C’est difficile, dans l’appareil gouvernemental, de faire en sorte que tous les ministères soient sur la même longueur d’onde. Selon mon expérience depuis trois ans et demi, je peux dire qu’il arrive souvent qu’un même dossier soit confié à trois ou quatre ministres, sinon plus, justement dans le but d’éviter le cloisonnement. Le gouvernement en est conscient et, selon ce que j’en sais, il agit en conséquence. Je vais porter cette question à l’attention de mes collègues de l’autre endroit pour insister sur l’argument que vous avez fait valoir, qui est tout à fait justifié.

Pour ce qui est du Sénat, nous pouvons faire bien des choses. Nous sommes les maîtres de nos travaux. Nous pouvons donc, si nous en décidons ainsi, lancer une étude là-dessus. Les suggestions, commentaires et réflexions qui en ressortiront pourront alors guider le gouvernement actuel et ceux qui lui succéderont.

L’avancement des travaux législatifs

L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, ma question s’adresse à vous. Le projet de loi C-22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, est arrivé au Sénat. Avant que nous en soyons saisis, nous recevions des appels, des courriels et des messages nous exhortant à adopter cette mesure rapidement en dépit de ses lacunes. Le message était clair : la pauvreté des personnes handicapées constitue un enjeu urgent et pressant. La ministre Qualtrough a elle-même déclaré ceci :

Le projet de loi C-22 nous donne une occasion unique, en une génération, de créer une nouvelle prestation qui aidera un grand nombre de Canadiens handicapés en âge de travailler à sortir de la pauvreté. J’ai hâte de travailler avec mes collègues au Sénat pour garder le cap; aucune personne en situation de handicap ne devrait vivre dans la pauvreté au Canada.

Nous avons examiné attentivement le projet de loi et y avons apporté des amendements pour l’améliorer.

En dépit des affirmations selon lesquelles le projet de loi C-22 constitue une priorité pour le gouvernement et étant donné qu’il est possible d’en adopter rapidement une version améliorée, comment se fait-il qu’il ne soit pas encore inscrit à l’ordre projeté des travaux de l’autre endroit?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, ainsi que d’avoir souligné l’importance de faire avancer le projet de loi C-22 et de veiller à ce qu’il reçoive la sanction royale afin que nos concitoyens qui devraient toucher les prestations puissent les recevoir et que le cadre stratégique — une fois en place — permette de créer les programmes nécessaires.

Ce projet de loi demeure une priorité du gouvernement. Cependant, en situation minoritaire, il y a des jours où les travaux ne portent pas sur les affaires du gouvernement. Néanmoins, les sénateurs peuvent avoir l’assurance que le gouvernement a pris le temps d’examiner les amendements proposés par le Sénat, qu’il y accorde toute la considération voulue, et qu’il collabore avec les autres partis à la Chambre pour que cette mesure franchisse les étapes finales du processus législatif et reçoive la sanction royale.

La sénatrice Pate : Je vous remercie de cette réponse, sénateur Gold.

Avez-vous de l’information à nous communiquer ou pouvez-vous nous dire quand exactement le projet de loi C-22 reviendra au Sénat afin qu’on puisse sortir les personnes handicapées de la pauvreté?

Le sénateur Gold : Je n’ai aucune information à ce moment-ci. Lorsque j’en aurai, je vais communiquer avec les leaders et, comme j’en ai l’habitude, avec les sénateurs intéressés pour qu’on sache quand — et si — nous recevrons le projet de loi, car, soit dit en passant, les amendements sont toujours à l’étude. Je vais résister à la tentation de dire que le projet de loi aurait déjà reçu la sanction royale si nous ne l’avions pas amendé, mais le Sénat a fait son travail et maintenant, nous devons attendre de voir comment la Chambre des communes, le gouvernement et les autres partis de l’opposition répondront à nos amendements. Aussitôt que j’en saurai plus, j’en informerai certainement le Sénat.

[Français]

L’innovation, les sciences et le développement économique

L’innovation canadienne

L’honorable Robert Black : Ma question s’adresse à l’honorable sénateur Gold, le représentant du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

Sénateur Gold, plus tôt aujourd’hui, j’ai parlé de l’entrepreneuriat et de l’esprit charitable d’entreprises comme la Dairy Distillery, qui soutient et stimule l’économie canadienne tout en redonnant pendant les périodes difficiles et qui participe à l’écologisation du Canada. Malgré son travail acharné, cette entreprise demeure empêtrée dans les tracasseries administratives et est freinée dans son expansion par le manque d’appui de la part du gouvernement.

La Dairy Distillery a entrepris la construction d’une installation de production d’éthanol qui utilisera le perméat laitier pour produire un des éthanols les plus écologiques d’Amérique du Nord. Chaque tonne de perméat transformé en éthanol permet de déplacer 1,2 tonne de carbone. L’entreprise a localisé 50 000 tonnes de perméat dans l’Est du pays. La conversion de cette quantité en éthanol permettrait de compenser 60 000 tonnes de carbone par année.

[Français]

Pourtant, ils construiront leur usine dans l’État du Michigan.

[Traduction]

Cette entreprise canadienne n’a reçu que peu de soutien de la part du gouvernement ou d’assistance en matière de réglementation, et elle ne peut réussir sur le plan financier qu’aux États-Unis grâce à l’aide de programmes comme l’Inflation Reduction Act.

[Français]

Si le Canada n’est pas compétitif pour ses petites entreprises, nous perdrons des entreprises canadiennes au profit des États-Unis.

[Traduction]

Ma question pour le sénateur Gold est la suivante : comment le gouvernement du Canada pourra-t-il continuer de soutenir les entreprises canadiennes qui sont en concurrence avec les entreprises américaines, alors que ces dernières sont appuyées par l’Inflation Reduction Act — la loi sur la réduction de l’inflation aux États-Unis —, et que fera-t-il pour alléger le fardeau administratif qui force les entreprises canadiennes à quitter notre pays, emportant par le fait même les progrès de l’innovation et d’innombrables emplois? Merci, meegwetch.

[Français]

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, cher collègue, et je vous félicite pour votre français. C’est une bonne chose et un exemple à suivre pour tous. J’en profite donc pour répondre à la question comme un bon Montréalais, dans les deux langues officielles.

[Traduction]

Le gouvernement continue de travailler sans relâche pour soutenir les entreprises d’un bout à l’autre de notre pays, tout comme le font les provinces, les territoires et, dans certains cas, les municipalités, afin d’aider les entreprises canadiennes à tirer profit des changements en cours, dans le contexte de la transition vers une économie plus verte et plus durable.

Dans l’énoncé économique de l’automne, le gouvernement a prévu des mesures en réponse aux changements occasionnés par la loi américaine sur la réduction de l’inflation. À titre d’exemple, la ministre Freeland a instauré des crédits d’impôt dans divers secteurs pour l’énergie propre, le coût en capital et la production d’hydrogène.

Le gouvernement fédéral apporte sa contribution, mais — comme je l’ai mentionné — d’autres instances gouvernementales le font aussi. Je sais que le gouvernement du Canada continue d’examiner les solutions pour aider les entreprises canadiennes, comme celle dont vous avez parlé, de manière à tirer profit des changements dans l’environnement économique. Nous savons tous que ceux-ci découlent clairement de l’entrée en vigueur de l’Inflation Reduction Act aux États-Unis.

[Français]

Cela a changé la donne en ce qui a trait au niveau d’appui que doivent considérer les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il y a une différence de taille en matière de puissance économique. Cela dit, pour ce qui est de Volkswagen et d’autres enjeux qui sont devant le Parlement et dans la presse, le gouvernement doit mettre la main à la pâte pour faire en sorte que les entreprises canadiennes bénéficient d’un appui accru de la part gouvernement fédéral.

[Traduction]

La sécurité publique

Le système d’alerte robe rouge

L’honorable Jane Cordy : Sénateur Gold, les femmes autochtones sont quatre fois plus susceptibles que les autres femmes d’être victimes de violence. Les femmes autochtones représentent 16 % des victimes féminines d’homicide et 11 % des femmes disparues, alors que les peuples autochtones représentent 4,3 % de la population du Canada.

Le mois dernier, une motion déclarant que la perte constante de femmes, de filles et de personnes bispirituelles autochtones est une situation d’urgence pancanadienne a été adoptée à l’unanimité à l’autre endroit. La motion demandait également au gouvernement fédéral de fournir des investissements immédiats et substantiels, y compris dans un système d’alerte robe rouge pour aider à alerter le public lorsqu’une femme, une fille ou une personne bispirituelle autochtone est portée disparue.

Sénateur Gold, cette motion a été adoptée à l’unanimité à la Chambre des communes, ce qui inclut le soutien du gouvernement.

Ma question sera directe : le gouvernement a-t-il l’intention de donner suite à la motion et élaborera-t-il un système d’alerte pour les femmes autochtones portées disparues?

(1450)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.

Le gouvernement demeure déterminé à mettre fin à la crise des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones assassinées ou portées disparues.

Comme nous le savons tous, les conditions de la plupart des alertes publiques relèvent des provinces et des territoires, et la décision d’établir un nouveau système d’alarme leur appartient aussi. Néanmoins, le gouvernement s’est engagé, à l’échelle pangouvernementale, à contribuer à mettre fin à la crise de la violence contre les femmes et les filles autochtones. Il se doit d’envisager toutes les avenues pour y arriver et il le fera.

C’est pourquoi on m’informe que le gouvernement investit 2,5 millions de dollars pour créer une table fédérale-provinciale-territoriale-autochtone permanente sur les femmes et les filles autochtones assassinées ou portées disparues et pour faciliter la prise de mesures à tous les ordres de gouvernement, y compris la mise en œuvre d’un système d’alerte robe rouge.

La sénatrice Cordy : Merci, sénateur Gold. C’est très encourageant.

Nous savons qu’une motion adoptée par l’autre endroit — ou par le Sénat — n’oblige pas nécessairement le gouvernement à agir. Cependant, vous avez dit qu’il le ferait, ce qui est positif.

Comme vous l’avez indiqué, les systèmes d’alerte relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Voici ma question : le gouvernement fédéral assumera-t-il un rôle de chef de file pour que ce ne soit pas uniquement une province ou un territoire qui agisse, mais, en fait, tout le pays? Le gouvernement fédéral prendra-t-il le dossier en main pour que le système d’alerte devienne une réalité et offrira-t-il du financement pour aider les provinces et les territoires à le mettre en place?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

Même si je ne sais pas dans le détail à quoi les 2,5 millions de dollars vont être affectés, cette somme servira, comme je l’ai dit, à mettre sur pied une table ronde autochtone permanente sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi qu’un système d’alerte robe rouge.

Je vais porter cette question à l’attention des ministres concernés, mais il s’agit d’un très bon début, par lequel le gouvernement fédéral donne l’exemple.

[Français]

Le patrimoine canadien

Le respect des langues officielles

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Monsieur le leader, le bilan du gouvernement en matière de langues officielles est un désastre. On en a encore eu la preuve lors du dépôt, dans les derniers jours, du Rapport annuel 2022-2023 du commissaire aux langues officielles.

On y apprend qu’en ce qui concerne seulement les plaintes recevables visant les institutions qui offrent des services publics aux voyageurs, entre 2013-2014 et 2022-2023, il y a eu une d’augmentation de plus de 300 %. Si on compare à l’année précédente, c’est une augmentation de 500 %.

Ce n’est pas seulement attribuable au fait que pour Air Canada, les plaintes ont été multipliées. C’est le cas pour tous les autres services, que ce soit l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, les aéroports, VIA Rail ou l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Comment pouvez-vous expliquer que ce gouvernement est aussi mauvais, aussi désastreux en ce qui concerne le respect de la Loi sur les langues officielles?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je n’accepte pas la prémisse de la dernière partie de votre question.

Je partage entièrement votre déception, car depuis si longtemps, il y a toujours un écart entre ce que nous souhaitons comme pays et la réalité sur le terrain. Vous avez cité plusieurs exemples. Dans le cadre du projet de loi C-13, cher collègue, le gouvernement a mis en place des modifications et améliorations, une modernisation, même, du régime des deux langues officielles, qui fait en sorte que le gouvernement a davantage l’obligation de veiller à ce que l’égalité réelle des deux langues soit respectée.

On souhaite qu’à la suite de la sanction royale de ce projet de loi, il y ait des améliorations sur le terrain en ce qui concerne le respect des deux langues officielles dans tous les domaines de compétence fédérale.

Le sénateur Carignan : L’écart, je le vois entre le discours et les actions de ce gouvernement. Encore une fois, une des recommandations du commissaire aux langues officielles est un plan triennal pour le Conseil du Trésor, pour corriger le tir d’ici juin 2025.

Comment se fait-il qu’on ait besoin du commissaire aux langues officielles pour concevoir un plan triennal? Est-ce qu’on a un gouvernement qui n’est pas capable de se gouverner lui-même et de faire ses propres plans pour corriger un rapport désastreux en matière de langues officielles?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Le gouvernement du Canada a beaucoup de respect pour les recommandations du commissaire, c’est son travail et il le fait avec brio, et le gouvernement prendra en considération toutes ses recommandations pour faire en sorte que la situation s’améliore.

Cependant, encore une fois, le projet de loi C-13 contient des modifications et des améliorations très pertinentes qui rejoignent votre question, et j’espère que le projet de loi recevra la sanction royale le plus tôt possible.

[Traduction]

La sécurité publique

La détention sous garde—La réforme du cautionnement

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, vous accusez souvent l’opposition au Sénat de poser des questions en exagérant les faits. Je vais vous lire des extraits d’un article paru dans le Prince George Citizen d’hier :

Ce que l’on soupçonne être une quantité particulièrement mortelle de fentanyl, ainsi que de la cocaïne, de la méthamphétamine, des accessoires de consommation de drogues et de l’argent liquide, ont été saisis dans une maison du quartier Hart il y a deux semaines.

« La police a désigné le fentanyl saisi comme étant extrêmement puissant et possiblement responsable de plusieurs décès par surdose à Prince George au cours du mois dernier », a déclaré la caporale Jennifer Cooper dans un communiqué publié mercredi.

Un suspect a été arrêté puis relâché dans l’attente de l’approbation d’accusation.

Monsieur le leader, c’est exactement ce qui a été écrit dans le journal : un trafiquant de drogue, considéré comme responsable de plusieurs décès par surdose, a été arrêté puis relâché. N’est-ce pas là la définition même d’une politique d’arrestation et de remise en liberté? En quoi cette politique aide-t-elle la collectivité de Prince George?

Une voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Notre système juridique, qui prévoit l’exercice d’un pouvoir judiciaire discrétionnaire conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, est tel que la décision d’incarcérer ou non une personne accusée d’une infraction est examinée par un juge qui soupèse toutes les considérations pertinentes, à la fois constitutionnelles et juridiques.

À moins que je n’aie mal compris votre question, sénatrice Martin, je ne pense pas que quiconque dans cette enceinte puisse penser qu’il serait approprié, dans une société libre et démocratique dotée d’un régime constitutionnel de droit, de simplement prendre toutes les personnes accusées d’un délit et de les enfermer jusqu’à ce qu’elles soient jugées.

Ce n’est guère un exemple d’une politique d’arrestation et de remise en liberté. Il s’agit d’un exemple où le système judiciaire fait son travail correctement, comme il se doit.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
Les affaires étrangères—Les consuls honoraires

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 120, en date du 8 février 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant les consuls honoraires.

Les anciens combattants—Le Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 158, en date du 5 mai 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le monument national en hommage à la mission du Canada en Afghanistan — Anciens Combattants Canada.

Le patrimoine canadien—Le Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 158, en date du 5 mai 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le monument national en hommage à la mission du Canada en Afghanistan — Patrimoine canadien.

Le patrimoine canadien—Bibliothèque et Archives

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 205, en date du 2 février 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Bibliothèque et Archives Canada.

Les services publics et l’approvisionnement—La Commission de la capitale nationale

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 216, en date du 8 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Commission de la capitale nationale.

Le Conseil du Trésor—Le Secrétariat du Conseil du Trésor

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 226, en date du 30 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 1er décembre 2021 par l’honorable sénatrice Wallin, concernant le contenu préjudiciable en ligne.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 16 décembre 2021 par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, concernant le contenu préjudiciable en ligne.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 septembre 2022 par l’honorable sénateur Klyne, concernant le Centre du patrimoine de la GRC.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 17 novembre 2022 par l’honorable sénateur Black, concernant l’Association canadienne des foires et expositions.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 7 février 2023 par l’honorable sénatrice Cordy, concernant les emplois de la fonction publique fédérale — Statistique Canada.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 7 février 2023 par l’honorable sénatrice Cordy, concernant les emplois de la fonction publique fédérale — Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

La justice

Le contenu préjudiciable en ligne

(Réponse à la question posée le 1er décembre 2021 par l’honorable Pamela Wallin)

Le gouvernement du Canada s’est engagé à poursuivre ses efforts pour élaborer et présenter dès que possible une loi visant à lutter contre les formes graves de contenu en ligne préjudiciable afin de protéger les Canadiens et de tenir les plateformes de médias sociaux et autres services en ligne responsables du contenu qu’ils hébergent. Selon la lettre de mandat du ministre du Patrimoine canadien, cette législation tiendra compte des commentaires reçus lors des récentes consultations.

Le gouvernement a conçu cette consultation pour permettre aux parties prenantes et à l’industrie de soumettre des informations commerciales en toute confidentialité et pour permettre aux groupes de victimes, aux communautés méritant l’équité et à d’autres parties de partager en privé leur expérience des contenus préjudiciables en ligne. Ainsi, les soumissions n’ont pas été rendues publiques.

(Réponse à la question posée le 16 décembre 2021 par l’honorable Julie Miville-Dechêne)

Le gouvernement reste déterminé à prendre des mesures importantes pour lutter contre les contenus liés à l’exploitation sexuelle des enfants et les autres contenus préjudiciables en ligne. Dans l’ensemble, les contenus préjudiciables empêchent certains groupes de prendre la parole et de faire entendre leurs précieux points de vue et va à l’encontre de nos valeurs démocratiques. L’exploitation et la violence sexuelles à l’égard des enfants, en particulier, ont des conséquences qui durent toute la vie et font partie des préjudices les plus flagrants que nous voyons en ligne.

Le 29 juillet 2021, le gouvernement a lancé une consultation publique afin de recueillir l’avis des Canadiens sur un document de travail technique détaillé, qui présentait une proposition visant à réglementer les plateformes en ligne et à lutter contre certains types de contenus préjudiciables. La consultation du gouvernement a constitué une étape importante dans l’établissement d’un cadre réglementaire qui permettra aux Canadiens d’utiliser les médias sociaux en toute sécurité. Nous poursuivrons notre travail d’élaboration et de présentation d’une loi dès que possible afin de protéger les Canadiens, y compris les mineurs et les victimes d’exploitation sexuelle d’enfants en ligne, et de tenir les plateformes de médias sociaux et autres services en ligne responsables du contenu qu’ils hébergent.

Le patrimoine canadien

Le Centre du patrimoine de la GRC

(Réponse à la question posée le 28 septembre 2022 par l’honorable Marty Klyne)

Le dossier du Centre du patrimoine de la GRC est du ressort du ministre du Patrimoine canadien. En septembre dernier, le Centre du patrimoine de la GRC a lancé une série d’engagements nationaux afin de recueillir les points de vue des Canadiens au sujet d’un éventuel musée national de la GRC. Le Centre du patrimoine de la GRC obtiendra ainsi de précieuses informations sur la façon dont les Canadiens, en particulier les peuples autochtones et les membres de groupes méritant l’équité, se positionnent face au centre et à l’égard de son avenir. Le gouvernement attend avec impatience d’en apprendre davantage sur ces points de vue et sur la façon dont ils seront abordés à l’avenir, en particulier lorsque le gouvernement envisage l’avenir du Centre du patrimoine comme un musée national possible.

Le Bureau du Conseil privé

L’Association canadienne des foires et expositions

(Réponse à la question posée le 17 novembre 2022 par l’honorable Robert Black)

Le programme Développement des communautés par le biais des arts et du patrimoine (DCAP) de Patrimoine canadien (PCH) finance des festivals axés sur les arts et le patrimoine, des événements pour les personnes lesbiennes, gaies, bisexuels/les, transgenres, en questionnement, intersexes et bispirituels/les (LGBTQI2S+) et des célébrations culturelles autochtones telles que les pow-wow.

Le volet Festivals locaux du DCAP soutient les événements admissibles qui comptent un nombre suffisant d’activités artistiques et patrimoniales et qui présentent des artistes locaux, des porteurs culturels, le travail de créateurs locaux ou des aspects du patrimoine local comme éléments principaux. Les foires et expositions agricoles demeurent admissibles au financement si elles satisfont à tous les critères d’admissibilité.

Les activités non admissibles sont les événements de nature commerciale, y compris les marchés et les foires commerciales, les activités sportives ou récréatives et les activités dont le but principal est la collecte de fonds ou la compétition.

En 2019-2020, le programme a soutenu 29 foires agricoles et, en 2020-2021, il en a soutenu 28 qui ont démontré que les activités artistiques et patrimoniales étaient suffisantes pour répondre aux critères.

Bien que certains membres de l’Association canadienne des foires et expositions puissent ne pas être admissibles au soutien du DCAP, il est possible qu’ils puissent faire appel aux programmes d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor

Les emplois de la fonction publique fédérale

(Réponse à la question posée le 7 février 2023 par l’honorable Jane Cordy)

Statistique Canada rend compte de l’expérience sur le marché du travail des Canadiens noirs à l’aide des données de l’Enquête sur la population active et du recensement de la population. Les données sont accessibles au public dans les tableaux suivants :

Enquête sur la population active — Tableau 14-10-0373-01 Caractéristiques de la population active selon le groupe de minorités visibles, moyennes mobiles de trois mois, Canada, provinces et territoires

Recensement de la population de 2021 — Tableau 98-10-0446-01 Situation d’activité selon les minorités visibles, le statut d’immigrant et la période d’immigration, le plus haut niveau de scolarité, l’âge et le genre : Canada, provinces et territoires

Les données de l’Enquête sur la population active peuvent être désagrégées pour mesurer le nombre total d’employés noirs dans l’administration publique fédérale.

(Réponse à la question posée le 7 février 2023 par l’honorable Jane Cordy)

Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) :

Le gouvernement a lancé une série d’initiatives pour aider les ministères à améliorer la diversité, l’équité et l’inclusion et pour aider les employés en quête d’équité, y compris les employés noirs, à progresser vers des rôles de direction. Chaque ministère gère ses propres ressources humaines, ses programmes et ses propres initiatives. À l’échelle centrale, le Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines (BDPRH) recueille et publie des données qualitatives et quantitatives afin de mieux comprendre les lacunes en matière de représentation de l’équité en matière d’emploi et les perceptions des employés à la recherche d’équité par le biais de l’Enquête auprès des employés de la fonction publique. Ces niveaux sans précédent de données désagrégées des entreprises sur la composition de 21 sous-groupes d’équité en matière d’emploi, y compris les employés noirs, métis et inuits, permettent de faire une analyse plus granulaire et constituent une base pour suivre les progrès. BDPRH a également développé des outils tels que le modèle de maturité sur la diversité et l’inclusion pour aider les ministères à mesurer leur niveau d’avancement en matière de diversité et d’inclusion et à mesurer les progrès par la suite.

Le cadre de responsabilisation de gestion de 2021-2022 comprenait trois questions concernant les objectifs d’embauche et les initiatives pour les groupes d’équité en matière d’emploi. Deux questions ont spécifiquement été posées aux 34 ministères évalués pour inclure tous les objectifs d’embauche pour les candidats noirs, pour la main-d’œuvre générale et les cadres EX. Au cours de ce cycle, certains ministères ont également commencé à élaborer des initiatives visant à supprimer les obstacles à l’emploi pour les groupes en quête d’équité, y compris les employés noirs.


(1500)

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-13, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-9, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Français]

Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture, comme porte-parole du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, connue comme la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Finalement, chers collègues, après un processus qui a commencé au Sénat en 2017 par le début de l’étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles effectuée par le Comité sénatorial des langues officielles, après maintes promesses du gouvernement fédéral faites depuis cinq ans, un projet de loi est déposé, quelques mois avant une élection et sa mort au Feuilleton. Nous voilà avec un projet de loi visant la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Je ne pourrais commencer mon discours en deuxième lecture sans reconnaître le travail que notre comité a fait depuis 2017 sur ce sujet. Comme comité, nous avons rencontré plus de 300 témoins, visité le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. Nous avons de plus accueilli de jeunes Canadiens afin de prendre en compte leur perspective sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, car comme nous sommes dans l’âge mûr de nos vies, chers collègues, les changements à la loi profiteront aux générations futures.

Enfin, je me réserve quelques mots pour mon cher collègue le sénateur René Cormier, qui comme président du comité, nous a obligés à collaborer de façon régulière. Enfin, je ne pourrais pas demander mieux comme président du comité, pour diriger le travail que nous faisons. Merci.

Chers collègues, comme vous le savez sans doute, la Loi sur les langues officielles a été mise en place en 1969 et a un statut quasi constitutionnel. Sa dernière mise à jour majeure a eu lieu en 1988, et le besoin d’un renouvellement était criant.

Depuis que je suis membre du Comité permanent des langues officielles, en 2012, les commentaires ont toujours été semblables : la loi ne répond pas aux réalités des années 2000, elle manque de mordant, les pouvoirs du commissaire aux langues officielles sont trop limités, et j’en passe. L’étude du comité a peut-être seulement débuté en 2017, mais elle a été inspirée par toutes les études des années précédentes.

[Traduction]

Permettez-moi de donner quelques exemples, honorables sénateurs. Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a présenté un rapport le 31 mai 2017 intitulé Horizon 2018 : Vers un appui renforcé à l’apprentissage du français en Colombie-Britannique. Une des principales recommandations du rapport demandait que les institutions fédérales tiennent compte des besoins des communautés linguistiques minoritaires lors de la vente de biens immobiliers. Si le projet de loi C-13 est adopté, cette demande sera mise en œuvre dans la Loi sur les langues officielles modernisée. Plus tôt cette année, j’ai rencontré des représentants de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones et ils ont mentionné qu’il s’agissait d’un besoin important. Heureusement, les amendements adoptés par le comité à l’autre endroit ont permis d’ajouter cette mesure.

C’est l’une des nombreuses modifications proposées dans le projet de loi C-13 qui sont inspirées des demandes du milieu et des groupes de pression faites auprès du gouvernement et des comités parlementaires. Cela témoigne de la valeur des études spéciales que font nos comités permanents. Elles nous donnent la capacité et la flexibilité voulue pour nous investir à fond dans l’étude d’une question pendant plusieurs mois, voire des années, en vue de proposer des recommandations au gouvernement. Ces recommandations peuvent être utilisées comme fondement des décisions stratégiques du gouvernement en place et de celles des gouvernements qui le suivront.

Le paysage linguistique du Canada a beaucoup évolué. Chaque année, depuis 52 ans, le poids démographique des francophones diminue au Québec ainsi qu’à l’extérieur de celui-ci. En 1971 — l’année où le recensement a commencé à recueillir des données sur les langues —, 27,5 % des Canadiens ont déclaré avoir le français comme langue maternelle, alors qu’ils n’étaient que 6,1 % à l’extérieur du Québec. Cinquante ans plus tard, lors du dernier recensement, en 2021, la proportion de Canadiens ayant indiqué avoir le français comme langue maternelle était de 21,4 %, et de 3,3 % à l’extérieur du Québec.

[Français]

Dans un rapport publié le 17 août 2022, Statistique Canada indique ce qui suit :

Depuis 1971, soit la première année de recensement pour laquelle des renseignements sont recueillis sur la première langue officielle parlée, le nombre et la proportion de Canadiens dont la première langue officielle parlée est l’anglais sont en croissance.

Évidemment, l’anglais étant prédominant non seulement au Canada, mais à l’international, il est compréhensible que cette langue prenne de l’ampleur dans notre pays en raison de l’immigration. L’immigration demeure la raison principale de la perte du poids démographique des francophones au pays.

Cependant, le bilinguisme et la dualité linguistique demeurent des valeurs phares au pays, et le gouvernement se doit de protéger le français d’un océan à l’autre. C’est pour cette raison qu’il nous faut une politique d’immigration francophone ambitieuse qui donne aux communautés francophones hors Québec la chance d’évoluer au même rythme. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, comme partout au Canada, nous avons une pénurie de main-d’œuvre dans le domaine de la santé.

Il est important qu’une politique d’immigration francophone prenne en compte les différents besoins des communautés francophones en situation minoritaire, comme celui de la main-d’œuvre dans le domaine de la santé.

Statistique Canada cite deux autres facteurs pour expliquer le déclin démographique : celui d’une population en moyenne plus âgée, car une population plus âgée compte généralement plus de décès, et la transmission incomplète du français d’une génération à la suivante.

Le gouvernement fédéral a un rôle clé à jouer pour que le français se transmette de génération en génération, en subissant un minimum de perte. Des initiatives comme le Plan d’action pour les langues officielles sont essentielles pour la transmission générationnelle du français, d’autant plus dans le contexte actuel, où le français est en déclin partout au pays.

[Traduction]

C’est pour cette raison que la partie VII de la Loi sur les langues officielles doit être modifiée. La partie VII indique l’engagement du gouvernement du Canada à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones au moyen de mesures positives. Depuis plusieurs années, les intervenants demandent au gouvernement d’améliorer la mise en œuvre de la partie VII. Aujourd’hui, dans le cadre du projet de loi C-13, on espère que les responsabilités du gouvernement seront clairement établies et que les droits des minorités francophones et anglophones seront respectés par le gouvernement.

[Français]

Par exemple, c’est également dans la partie VII que le projet de loi C-13 propose d’ajouter une modification concernant le dénombrement des ayants droit. Selon la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, le réseau scolaire francophone de neuf provinces et trois territoires, on comptait près de 173 000 élèves pour l’année scolaire 2021-2022.

Cependant, le potentiel est encore plus grand. Selon le recensement de 2021, 897 000 enfants de moins de 18 ans au 31 décembre 2020 étaient admissibles à l’instruction au primaire et au secondaire dans la langue officielle minoritaire, c’est-à-dire 304 000 enfants admissibles à l’instruction en anglais au Québec et 593 000 à l’instruction en français à l’extérieur du Québec. Statistique Canada rapporte également ce qui suit :

Au Canada hors Québec, 292 000 enfants d’âge scolaire ont pris part à un programme régulier d’instruction en français dans une école de langue française au Canada au primaire ou au secondaire, ce qui représentait 64,7 % des enfants admissibles âgés de 5 à 17 ans. [...] Au Québec, 175 000 enfants d’âge scolaire ont fréquenté une école de langue anglaise au Canada, que ce soit au primaire ou au secondaire, ce qui représentait 76,2 % des enfants admissibles âgés de 5 à 17 ans de cette province.

(1510)

Il est donc impératif, pour la survie du français et de l’anglais en contexte minoritaire, que ces enfants puissent recevoir leur éducation dans leur langue afin d’augmenter les chances que le français et l’anglais en contexte minoritaire soient transmis de génération en génération. Pour les communautés linguistiques en situation minoritaire, il est primordial pour notre survie et notre plein épanouissement que la transmission de la langue et de la culture débute dans la salle de classe. Dès leur enfance, les enfants tissent des liens avec des amis qui parlent comme eux et baignent dans leur culture tout au long de leur parcours scolaire.

[Traduction]

J’aimerais prendre un moment pour souligner ce que le Comité des langues officielles a entendu dans le cadre de son premier rapport de l’étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, c’est-à-dire le point de vue des jeunes Canadiens. Les changements proposés par le projet de loi C-13 sont essentiellement pour eux et un peu moins pour nous, à notre âge. Ces changements sont pour nos enfants, et plus probablement pour nos petits-enfants. Lorsque nous avons rencontré les représentants de la jeunesse, ce qui m’a frappé, c’est leur détermination à apprendre les deux langues. Le bilinguisme et la dualité linguistique sont des valeurs claires qu’ils soutiennent et respectent. Nous faisons ce travail pour eux. Voici quelques-uns des témoignages qui ont été entendus, à commencer par celui de Thomas Haslam :

Ce sont ces possibilités, offertes et appuyées par le gouvernement fédéral, qui motivent les jeunes Canadiens à devenir bilingues et à exprimer leur identité culturelle auprès des autres. Dans le cadre de ces expériences, les jeunes Canadiens font une expérience plus intensive du français que ce à quoi ils sont peut-être habitués. Lorsqu’ils retournent dans leurs collectivités riches de nouvelles compétences et plus motivés que jamais, les participants à ces concours oratoires, à ces échanges d’étudiants, à ces jeux francophones et à ces assemblées de jeunes peuvent embrasser davantage la culture de leur région et contribuer à promouvoir la croissance de la langue française dans leurs collectivités.

Le témoignage suivant est celui de Gabriela Quintanilla :

Nous avons besoin de l’aide de la loi fédérale pour faire valoriser la dualité linguistique. Je ne veux plus faire face à un fonctionnaire ou un gérant provincial et me faire ridiculiser parce que j’ai osé lui demander s’il y avait des cours de conduite en français. Je ne veux plus entrer dans un aéroport où je me sens comme un mal de tête parce que je leur ai répondu en français lorsqu’ils m’ont saluée en disant « Hello, bonjour ». Je ne veux plus être intimidée dans une place publique parce que je choisis de m’exprimer en français avec mes amis. Je ne veux plus entendre les jeunes dans les programmes d’immersion française dire qu’ils ne parlent plus le français à cause de leur insécurité linguistique.

[Français]

Comme ces citations le démontrent, ce sont de vrais cris du cœur que le comité a entendus de la part de jeunes Canadiens en ce qui concerne la dualité linguistique et le bilinguisme.

Selon un sondage mené en 2021 par le commissaire aux langues officielles, l’appui aux langues officielles reste solide et une forte majorité continue d’appuyer l’enseignement de l’autre langue officielle comme langue seconde. L’appui net à la Loi sur les langues officielles se chiffrait à 81 % pour les répondants en ligne et à 87 % pour les répondants téléphoniques. À l’énoncé « On devrait continuer à enseigner le français et l’anglais dans les écoles primaires au Canada. », l’accord atteignait 91 % au téléphone et 86 % sur Internet. Manifestement, les Canadiens de partout au pays appuient ces valeurs.

[Traduction]

De plus, en ce qui concerne la Loi sur les langues officielles, les intervenants ont maintes fois réclamé que le gouvernement fédéral exerce un meilleur leadership. Depuis 1988, la responsabilité de la coordination des efforts et de l’application de la loi devient un problème de plus en plus marqué. Il s’agissait surtout, alors, d’une approche décentralisée. Le ministre du Patrimoine canadien avait un rôle à jouer, mais le Conseil du Trésor veillait aussi à l’application de certaines dispositions. Tout était embrouillé, c’est le moins qu’on puisse dire, et il pouvait être difficile d’appliquer la loi. Les intervenants réclamaient une coordination centralisée des questions relatives aux langues officielles. L’une des questions qui revenaient le plus souvent pendant notre étude et notre étude préalable, c’était de savoir qui devrait coordonner la loi : Patrimoine canadien ou le Conseil du Trésor? Plus l’étude avançait, plus cette tâche revenait au Conseil du Trésor. C’est la position qu’avait notre comité en 2019, et heureusement, le comité de la Chambre des communes a amendé le projet de loi C-13 de façon à confier ce rôle au Conseil du Trésor. Les intervenants ont bon espoir que la loi sera mieux appliquée au sein de la fonction publique de cette façon, et que le Cabinet s’emploiera à faire respecter la Loi sur les langues officielles.

[Français]

Prenez, par exemple, la cause de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique qui s’est plainte que le gouvernement fédéral manquait à ses obligations linguistiques dans la mise en œuvre d’une entente sur le développement du marché du travail. Après une dizaine d’années devant les tribunaux, la Cour d’appel fédérale a reconnu, en janvier 2022, que le gouvernement fédéral n’avait pas favorisé l’épanouissement des communautés francophones de cette province et lui a imposé de s’adapter.

Or, en mars 2022, pendant le même mois où le gouvernement a déposé le projet de loi C-13 pour protéger les communautés linguistiques en situation minoritaire, il a d’abord déclaré vouloir faire appel de la décision avant de décider, à la toute dernière minute, de ne pas amener les francophones en situation minoritaire devant la Cour suprême.

Ce n’est qu’une situation parmi tant d’autres qui illustre pourquoi nous avons besoin d’un leadership fort au sein du Cabinet pour garantir le respect des droits linguistiques des minorités francophones hors Québec et des anglophones au Québec. D’un côté, le gouvernement fédéral se disait le défenseur des droits linguistiques des communautés linguistiques en situation minoritaire et de l’autre côté, il voulait contester le gain de ces communautés.

Un leadership fort et centralisé est donc essentiel à la pleine reconnaissance des droits des minorités linguistiques. Que se passe-t-il lorsque les droits ne sont pas protégés? Nous avons un agent du Parlement, le commissaire aux langues officielles, qui, depuis 1970, veille à la reconnaissance du statut de chacune des langues officielles et au respect de l’esprit de la présente loi.

Il joue plusieurs rôles : ombudsman, promoteur, éducateur, rapporteur, et j’en passe. Dans sa boîte à outils, il dispose de plusieurs moyens pour inciter le gouvernement fédéral et les organismes assujettis à la loi à la respecter. Cependant, force est de constater que ces pouvoirs doivent désormais être modernisés à leur tour.

Vous vous souvenez peut-être, chers collègues, de l’ancien commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, qui, au terme de ses 10 années de mandat, concluait dans un rapport qu’il avait fait tout ce qu’il pouvait afin qu’Air Canada s’acquitte de ses obligations linguistiques. Un passage du rapport indique ce qui suit :

Tout comme mes prédécesseurs, j’ai utilisé, sans succès, divers pouvoirs que la Loi me confère afin de tenter d’obliger Air Canada à mieux respecter ses obligations linguistiques à l’égard du public voyageur. Après des centaines d’enquêtes et de recommandations, après une vérification exhaustive et après deux recours, dont l’un jusqu’à la Cour suprême du Canada, force est de constater que mes multiples interventions, à l’instar de celles de mes prédécesseurs, n’ont pas donné les résultats souhaités.

On peut également lire ce qui suit un peu plus loin :

Malgré des améliorations sporadiques et des plans d’action parfois prometteurs, le temps est venu de constater que les pouvoirs que je possède en vertu de la Loi sont insuffisants à l’égard d’Air Canada. Mes prédécesseurs et moi-même avons utilisé tous nos pouvoirs et avons fait des centaines de recommandations afin d’amener Air Canada à mieux respecter ses obligations linguistiques à l’égard du public voyageur, mais tous ces efforts n’ont pas été suffisants.

Comme vous pouvez le constater, chers collègues, le commissaire a utilisé tous les outils possibles. Je ne veux pas me concentrer uniquement sur Air Canada, mais c’est l’exemple qui revient depuis le premier jour de l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles. Les droits linguistiques de tous les Canadiens doivent être respectés et le commissaire a besoin de plus d’outils que de simples recommandations pour s’assurer que la loi soit bien respectée par tous.

[Traduction]

Le leadership au sein du gouvernement ne se limite pas au Cabinet. Dans la fonction publique, certains postes de haut niveau dans divers ministères exigent la maîtrise des deux langues. Il incombe aux institutions, notamment aux tribunaux, de faire progresser l’égalité quant à l’accès à la justice dans la langue officielle du choix du citoyen, et de veiller à ce que davantage de décisions soient traduites sans délai.

Toutes ces valeurs nous sont chères et sont essentielles au progrès du français et de l’anglais au Canada. Comme la loi n’a pas été remaniée de façon substantielle depuis 1988 — époque où le téléphone se limitait à une ligne terrestre alors qu’aujourd’hui, nous le transportons dans nos poches et qu’il nous donne accès au monde entier —, il était grand temps de revoir la loi et d’y apporter les modifications nécessaires pour assurer la survie et l’avancement de l’anglais et du français au Canada.

(1520)

Le projet de loi C-13 est-il parfait? Je ne le crois pas. J’estime que le gouvernement a raté quelques belles occasions. Par exemple, nous avons été saisis du projet de loi le 18 mai 2023, soit 14 mois après la première lecture à l’autre endroit. Le gouvernement établit toujours l’ordre du jour, qu’il soit majoritaire ou minoritaire sans l’appui d’un autre parti ou avec un tel appui, comme c’est le cas au cours de la présente législature.

Un gouvernement ne peut uniquement blâmer l’opposition pour le retard dans l’étude d’un projet de loi, particulièrement lorsque l’opposition a voté pour la mesure en question à toutes les étapes du processus. Maintenant, on nous demande d’adopter le projet de loi à toute vapeur avant l’été. Il y a un an, le gouvernement nous a demandé d’en faire une étude préalable. Nous devons avoir battu un record, soit le plus long délai entre le début d’une étude préalable et la fin de la deuxième lecture d’un projet de loi. De plus, le projet de loi nous est renvoyé avec près de 50 amendements. Or, ce n’est pas ainsi que le Parlement est censé fonctionner. Cette approche n’est pas dans l’intérêt des Canadiens.

La modernisation de la Loi sur les langues officielles aurait dû être l’occasion de vivre un moment historique et de réaffirmer notre engagement envers le bilinguisme et la dualité linguistique, mais les résultats sèment plutôt la discorde. Les Anglo-Québécois ont encore des réserves au sujet du projet de loi C-13, et les garanties données par le gouvernement ne les ont pas encore rassurés. De leur côté, les francophones hors Québec sont épuisés d’attendre. Le report du projet de loi ne fait que les rendre de plus en plus anxieux. Où qu’elles soient, les communautés linguistiques ne devraient pas se diviser à l’idée que le gouvernement fédéral fasse valoir leurs droits, mais s’en réjouir.

Honorables sénateurs, j’ai du mal à concevoir comment le gouvernement peut défendre le projet de loi C-13 alors qu’il fait encore l’objet d’autant de critiques et attendre autant avant de le soumettre au second examen objectif de notre assemblée. En 2019, la préface du rapport du comité découlant de l’étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles se terminait ainsi :

Le gouvernement fédéral a donc tout en main pour actualiser cette Loi, qui est au cœur du contrat social du Canada. Ensemble, unissons-nous pour faire de l’égalité des deux langues officielles une réalité que chaque Canadien et Canadienne pourra vivre au quotidien, de façon concrète et réelle, d’un bout à l’autre du pays.

Je comprends tout à fait que la pandémie de COVID-19 ait fait en sorte que le dépôt du projet de loi a été repoussé. Toutefois, il m’est encore difficile de saisir comment, après tout le travail accompli par le Comité sénatorial permanent des langues officielles en 2017, le Commissariat aux langues officielles et tous les intervenants, par exemple la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et le Quebec Community Groups Network, qui ont soumis des documents d’information exhaustifs, les propres consultations du gouvernement, le dépôt d’un livre blanc et du projet de loi C-32 lors de la législature précédente, le Comité des langues officielles de l’autre endroit a quand même examiné plus de 200 amendements, pour en adopter 50 au bout du compte. Aujourd’hui, il est minuit moins quart et nous devons nous empresser de faire franchir toutes les étapes à un projet de loi parce que le gouvernement n’a pas mis de l’ordre dans ses affaires.

[Français]

En revanche, est-ce que le projet de loi C-13 est bénéfique pour les droits linguistiques des communautés en situation minoritaire? Il représente un pas dans la bonne direction.

Grâce à certains amendements apportés par le Comité des langues officielles de la Chambre des communes, la modernisation de la Loi sur les langues officielles répond davantage aux besoins des communautés en situation minoritaire.

Comme les statistiques l’ont montré, le fait français est précaire au Canada et l’effet de tout changement apporté à la loi se fera ressentir au cours des années à venir. L’accès à l’éducation est à la base de la vitalité de toutes les communautés linguistiques en situation minoritaire. En effet, plus de 35 % des francophones en situation minoritaire ne sont pas inscrits dans une école francophone, et près de 24 % des anglophones ne le sont pas non plus.

L’évaluation du projet de loi C-13 se fera en grande partie grâce aux progrès en matière d’accès à l’éducation des ayants droit et au poids démographique des francophones au prochain recensement. Ces progrès dépendront du leadership du gouvernement fédéral.

En conclusion, honorables sénateurs, selon moi, le gouvernement aurait dû laisser au Sénat la latitude nécessaire pour porter un second examen attentif sur le projet de loi C-13, surtout dans le contexte des nombreux amendements qui ont été présentés à la suite de notre étude préalable.

Après tout, notre comité possède une expertise particulière, en raison de la composition des membres du comité qui ont étudié cette question, qui est restée intacte.

Pourquoi ne pas nous donner le temps de bien étudier le projet de loi plutôt que de nous imposer de l’étudier à la va-vite? Un second examen attentif aurait été bénéfique non seulement pour améliorer le projet de loi, s’il y a lieu, mais aussi pour faire des commentaires et des observations qui seraient utiles pour un éventuel suivi de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Je reste toutefois en faveur de la modernisation de la Loi sur les langues officielles et je voterai en faveur du projet de loi C-13, tout comme mes collègues de l’autre endroit l’ont fait. Le projet de loi représente un pas en avant pour les droits linguistiques au pays.

C’est indéniable : le bilinguisme et la dualité linguistique demeurent des valeurs fortes de notre pays, comme le prouve le fait que la quasi-totalité des députés a voté en faveur du projet de loi. C’est indéniable : le gouvernement fédéral doit en faire plus en assumant un plus grand rôle de leader et de champion des langues officielles.

En effet, ce leadership demeure essentiel à la réussite de la Loi sur les langues officielles, peu importe comment elle est modifiée. Le respect total des droits des communautés anglophones et francophones et le plein épanouissement des communautés linguistiques en situation minoritaire dépendent du leadership dont fera preuve le gouvernement fédéral.

Merci de m’avoir écoutée, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cormier, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des langues officielles, avec dissidence.)

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

— Chers collègues, à titre de parrain, j’ai aujourd’hui le privilège d’amorcer le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges.

Je rappelle qu’on y propose une modernisation du processus applicable à l’égard des plaintes reçues contre les juges de nomination fédérale.

Comme je l’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, la Loi sur les juges prévoit depuis 1971 que le Conseil canadien de la magistrature a le mandat de recevoir les plaintes contre les juges nommés par le gouvernement fédéral et de les traiter adéquatement.

Au passage, je rappelle qu’il y a au Canada près de 1 200 juges de nomination fédérale et plus de 1 000 juges nommés par les provinces, sans oublier les juges de paix et les juges administratifs, tant fédéraux que provinciaux. Ces milliers de personnes représentent le visage humain de la justice que rencontrent quotidiennement des dizaines de milliers de justiciables à travers le pays.

Contrairement aux États-Unis, tous les juges de nomination fédérale, y compris ceux qui siègent à la Cour suprême du Canada, peuvent faire l’objet d’une plainte et sont assujettis à la juridiction exclusive du conseil en matière de conduite. Quant aux juges provinciaux et administratifs, ils sont assujettis, en matière de conduite et de plaintes, à divers organismes provinciaux.

Le projet de loi C-9 a pour objectif de mettre en place un nouveau processus disciplinaire applicable uniquement aux 1 200 juges fédéraux.

Mon discours aura cinq parties : le principe constitutionnel de l’indépendance judiciaire et ce que cela implique; la nature particulière du projet de loi C-9 et notre rôle; le processus disciplinaire actuel et ses limites; les principaux éléments du processus proposé et leurs objectifs; en dernier lieu, les amendements proposés par le comité et leur impact sur les éléments et objectifs du projet de loi C-9.

[Traduction]

L’indépendance judiciaire est cruciale dans une démocratie solide. Au Canada, l’indépendance des juges nommés à l’échelon fédéral est un principe clairement inscrit à la première phrase du préambule, et à la partie VII de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce principe est dérivé de la longue et parfois sinueuse évolution de la tradition au Royaume-Uni. L’indépendance est bénéfique non seulement pour les juges, mais aussi pour les gens qui doivent être jugés, c’est-à-dire les citoyens.

(1530)

L’indépendance permet au juge d’agir comme un arbitre impartial qui applique les lois sans être influencé par le gouvernement en place, y compris le ministre de la Justice, ni par les institutions religieuses, les entreprises, les syndicats, les lobbyistes, les médias et les autres influenceurs.

Le droit d’être jugé par un juge indépendant est également inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés, qui, à l’alinéa 11d), confère ce droit à tout inculpé qui comparaît devant un juge, qu’il s’agisse d’un juge d’une cour fédérale ou d’un juge d’une cour provinciale.

Par ailleurs, dans nombre d’instruments internationaux et d’arrêts de la Cour suprême du Canada, il est bien établi que l’indépendance des juges doit reposer sur trois éléments essentiels, soit la sécurité de mandat, la sécurité financière et l’indépendance administrative.

J’aimerais expliquer en quoi consiste chacun de ces éléments essentiels dans l’ordre inverse. L’indépendance administrative exige que le système judiciaire soit conçu de manière à ce que ce soit le juge lui-même qui rende la décision dans une affaire et qui gère les procédures judiciaires, et à ce qu’il reçoive suffisamment de ressources pour s’acquitter de ses fonctions.

Par ailleurs, le tribunal auquel un juge appartient doit jouir de la même indépendance par rapport au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif, au public ou à toute autre source d’influence. C’est ce qu’on appelle l’indépendance institutionnelle. Ce principe s’applique à l’attribution des causes aux juges, à l’accès aux palais de justice et à la gestion des dossiers.

Cette indépendance institutionnelle s’applique au Conseil canadien de la magistrature dans l’exercice de ses fonctions, notamment pour le traitement des plaintes et la formation des juges fédéraux.

La sécurité financière signifie que les juges fédéraux ont le droit d’être rémunérés par le Trésor fédéral. L’article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit expressément que les traitements, les indemnités et les pensions des juges des cours supérieures sont fixés et assurés par le Parlement du Canada.

La sécurité financière signifie que les juges fédéraux ont droit à une rémunération fixée par le Parlement tant qu’ils sont juges.

Pour cette raison, si un juge fait l’objet d’une plainte, il n’a pas à payer l’avocat engagé pour l’assister dans le processus de révision de sa conduite, y compris pour toute procédure devant la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale ou la Cour suprême du Canada.

En outre, de nombreux juges et juristes sont d’avis qu’une suspension sans traitement n’est pas possible puisque la seule façon constitutionnelle de mettre fin au paiement de la rémunération garantie est de démettre le juge de ses fonctions.

Il est vrai que, dans certaines provinces, une sanction intermédiaire possible est la suspension sans solde. Par exemple, la loi ontarienne régissant les juges de nomination provinciale prévoit la possibilité d’une suspension sans solde d’au plus 30 jours. La constitutionnalité d’une telle sanction n’a jamais été contestée en Ontario, où elle est rarement imposée. En fait, on y a eu recours moins dans moins de cinq cas. Toutefois, je peux vous assurer que l’inclusion d’une telle disposition dans la loi fédérale sur les juges donnera lieu à une contestation de la constitutionnalité.

J’ajouterais que depuis le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Valente, il est bien établi que les juges des cours provinciales ne jouissent pas des mêmes garanties constitutionnelles en matière de salaire et de pension que les juges des cours supérieures. Par conséquent, nous devons éviter de comparer ce qui est prévu pour les juges de nomination provinciale à ce qui est prévu pour les juges de nomination fédérale.

De plus, la Cour suprême a décidé que la rémunération prescrite par la loi doit être adéquate, conformément à ce que détermine une commission indépendante et non le ministre de la Justice, le gouvernement ou le Parlement.

La Cour suprême a également conclu que ni le gouvernement ni le Parlement ne peuvent se servir de leur contrôle du Trésor public pour réduire arbitrairement cette rémunération. En fait, toute réduction de rémunération envisagée doit s’appliquer à l’ensemble de la magistrature, et non à un seul juge, et doit être approuvée par la commission indépendante avant d’entrer en vigueur.

Le troisième élément est l’inamovibilité. Cela signifie qu’un juge ne peut être révoqué qu’en cas d’inconduite grave, comme le prévoit l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867.

La Cour suprême du Canada, guidée par des principes internationaux, a conclu que la détermination d’une inconduite grave doit être le résultat d’un processus contrôlé par les juges et non par l’exécutif. Cela est nécessaire pour éviter toute forme d’ingérence politique ou de pression publique, et pour éviter toute atteinte à l’indépendance judiciaire.

Pour cette raison, la détermination de l’inconduite et de la sanction appropriée doit être faite par un système composé uniquement de juges ou, du moins, d’une majorité de juges.

Dans les cas où ce processus aboutit à la conclusion que la révocation est la sanction appropriée, la décision du Conseil canadien de la magistrature n’est pas considérée comme suffisante.

En effet, l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que les juges nommés par le gouvernement fédéral ne peuvent être révoqués que par le gouverneur général sur une adresse commune de la Chambre des communes et du Sénat. Il est clair que les auteurs de la Constitution voulaient que les juges nommés par le gouvernement fédéral jouissent de la plus grande inamovibilité possible au Canada.

Je passe maintenant au second point : la nature particulière du projet de loi C-9 et le rôle du Sénat à l’égard de cette mesure législative. Il faut se rappeler que le processus d’examen de la conduite des juges ne peut faire l’objet d’une modification constitutionnelle et que toute modification doit respecter les trois principes fondamentaux de l’indépendance judiciaire dont je viens de parler. Comme le processus d’examen de la conduite des juges relève du pouvoir judiciaire et non du pouvoir exécutif ou du Parlement, toute proposition législative visant à modifier le système actuel doit, en pratique, faire suite à une demande du pouvoir judiciaire.

Voilà ce qui différencie le projet de loi C-9 d’autres mesures législatives d’initiative ministérielle. Généralement, lorsque le gouvernement présente un projet de loi c’est pour mettre en place une nouvelle politique qu’il considère dans l’intérêt des Canadiens. En pratique, le gouvernement peut élaborer le projet de loi à sa guise, à condition de respecter la Charte canadienne des droits et libertés et la division des pouvoirs prévue dans la Constitution.

Le ministre, le représentant du Conseil canadien de la magistrature et d’autres témoins ont indiqué au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que le projet de loi C-9 fait suite à de vastes consultations entreprises par le Conseil canadien de la magistrature, que présidait alors la juge en chef Beverley McLaughlin. Il n’est donc pas étonnant que le projet de loi C-9 jouisse de l’appui du Conseil canadien de la magistrature, notamment de l’ensemble des juges en chef et des juges en chef adjoints nommés par le gouvernement fédéral. Le Conseil canadien de la magistrature est l’entité au cœur même du processus d’examen de la conduite des juges.

Le projet de loi C-9 bénéficie également de l’appui de l’Association canadienne des juges des cours supérieures, qui représente la presque totalité des 1 200 juges des cours supérieures visés par ce processus. J’ai eu le plaisir de présider cette association pendant de nombreuses années.

[Français]

Dans ce contexte, il est compréhensible que les membres du comité aient pu se poser des questions et rechercher des précisions. C’est pourquoi j’ai contacté le représentant du Conseil canadien de la magistrature pour demander s’ils accepteraient de revenir devant le comité plutôt que le ministre. Ils ont accepté de venir et de répondre aux questions des membres du comité.

Face à un tel projet de loi, en tant que législateurs, nous sommes appelés à veiller à ce que le cadre législatif qui permet à la magistrature des cours supérieures du Canada de surveiller la conduite de ses membres soit à la hauteur de la tâche et respectueux des principes constitutionnels que je viens d’expliquer, dont l’indépendance judiciaire, un élément fondamental au maintien de la confiance des Canadiens dans notre système de justice. Il faut notamment résister à toute tentative de miner l’indépendance judiciaire, qu’elle vienne du gouvernement ou de groupes de pression.

(1540)

Comme le disait souvent le sénateur Joyal, ancien président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et bien d’autres sénateurs qui siègent encore ici aujourd’hui, nous sommes les gardiens de la Constitution et de ses institutions, et nous devons rester vigilants. Sur ce point, permettez-moi de citer la Société des plaideurs, que l’on appelle en anglais The Advocates’ Society, qui a dit ce qui suit dans une publication récente :

[Traduction]

Comme les autres fondements de la démocratie, l’indépendance judiciaire est vulnérable aux menaces. La société en général et le milieu juridique doivent se prémunir contre toute atteinte à ce principe, aussi minime soit-elle.

[Français]

À ce titre, je suis particulièrement fier du travail qu’a accompli le Sénat à l’égard du projet de loi Ambrose, il y a déjà plus de quatre ans. En effet, dans une première version adoptée par l’autre endroit, bien que l’objectif poursuivi ait été très louable, le projet de loi omettait de respecter l’indépendance judiciaire, en tentant de dicter le contenu de la formation à donner aux juges, de contrôler les assignations des juges par les juges en chef en matière de dossiers d’infractions sexuelles, d’exiger la communication de diverses informations relatives au traitement des dossiers dans les palais de justice et d’imposer d’autres mesures qui montraient une méconnaissance ou une mécompréhension de l’indépendance judiciaire.

C’est grâce au Sénat et à la quinzaine d’amendements qu’il a proposés que le gouvernement a repris ensuite le projet de loi Ambrose et en a fait un projet de loi du gouvernement en y incorporant tous les changements qui avaient été proposés par le Sénat. Aujourd’hui, cette loi est en vigueur, et ce, dans le plus grand respect de l’indépendance judiciaire.

De même, lorsque le gouvernement a proposé une loi qui aurait traité les juges comme les députés et les sénateurs en matière de communication publique des dépenses individuelles, c’est le Sénat qui a fait reculer le gouvernement en proposant des amendements qui permettaient d’assurer une transparence en matière d’utilisation des fonds publics tout en respectant l’autonomie administrative des juges et des tribunaux. Notre message a été accepté par le gouvernement et appuyé par l’autre endroit.

[Traduction]

J’en arrive à mon troisième point, le processus disciplinaire et ses limites.

L’indépendance judiciaire ne veut pas dire que les juges ne sont pas responsables de leurs décisions et de leur conduite dans les palais de justice ou ailleurs. Leurs décisions peuvent donc être révisées en appel et leurs écarts de conduite peuvent donner lieu à une plainte, puis à une enquête du Conseil canadien de la magistrature.

Le régime actuel, qui est modifié de temps à autre, est essentiellement régi par les règles adoptées par le Conseil de la magistrature. Ces règles prévoient une analyse préalable de la plainte par le directeur général. C’est à cette étape que la grande majorité des plaintes sont rejetées parce qu’elles dépassent le mandat du Conseil. De nombreuses plaintes concernent, par exemple, un juge provincial, un procureur de la Couronne, un policier, un auxiliaire de justice, et cetera. Une bonne partie des plaintes portent sur l’interprétation de la loi ou des faits par le juge, ce qui relève des tribunaux d’appel.

Si la plainte cadre avec le mandat du conseil, elle est alors soumise à un premier examen par un membre du conseil. Ce juge en chef peut alors rejeter la plainte ou, si elle est suffisamment grave pour justifier la révocation d’un juge, la renvoyer au comité chargé de l’étudier en profondeur. Si l’inconduite est de moindre gravité, une mesure corrective peut être négociée avec le juge.

Si le comité d’examen conclut que la gravité de l’inconduite est suffisante pour justifier une révocation, une enquête publique sera menée par un comité de trois ou cinq personnes, dont la plupart seront des juges et un ou deux seront des juristes nommés par le ministre de la Justice. Le rapport de ce comité devra être présenté au conseil aux fins de décision par au moins 17 juges en chef ou simples juges.

Dans le système actuel, beaucoup de ces décisions peuvent être contestées devant la Cour fédérale au moyen d’une demande de contrôle judiciaire. Le juge en cause peut interjeter appel de plein droit du jugement de la Cour fédérale devant la Cour d’appel fédérale et ensuite, sur autorisation, devant la Cour suprême du Canada.

Le processus, lorsqu’il est poursuivi jusqu’au bout, peut durer de nombreuses années et s’avérer extrêmement coûteux. Par exemple, une affaire a duré plus de sept ans et a coûté plus de 5,5 millions de dollars aux contribuables en frais juridiques.

Le juge en chef du Canada et de nombreux autres juges en chef se disent préoccupés par la tendance à entreprendre des procédures plus longues et plus coûteuses. Ils craignent que le public ne perde confiance dans la procédure et ils se soucient de l’utilisation des fonds publics.

Je passe maintenant à mon quatrième point, le projet de loi C-9 et les principales caractéristiques du nouveau processus relatif à la conduite qui est proposé, sous la forme adoptée à l’unanimité par l’autre endroit.

[Français]

L’objectif du projet de loi est de mettre en place une nouvelle procédure qui comprend des représentants du public et des juges autres que des juges en chef — que je pourrais appeler des juges non en autorité — aux étapes critiques, réduit le nombre d’étapes possibles et assure un meilleur contrôle des coûts de défense du juge visé, le tout dans le but de réduire les délais et les coûts et de maintenir, au bout du compte, la confiance du public envers la magistrature et son système de discipline.

Plus spécifiquement, le projet de loi propose les principales mesures suivantes : la création d’agents de contrôle pour effectuer l’examen préalable des plaintes, qui seront, dans les faits, des avocats engagés à cette fin et donc spécialisés, plutôt que le directeur général du conseil; l’ajout d’un représentant du public au comité d’audience qui entend la preuve et décide de la destitution ou non du juge, l’étape la plus importante du processus pouvant mener à une destitution, alors que jusqu’à maintenant on n’y trouvait que des juges et des juristes; l’ajout de juges non en autorité à toutes les étapes; la possibilité d’ordonner au juge des mesures correctives intermédiaires lorsque la méconduite ne justifie pas un renvoi, alors qu’elle repose actuellement sur une entente avec le juge; le caractère définitif de la décision du comité d’audience, qui devient le rapport final du conseil, sans la nécessité d’obtenir une décision par au moins 17 juges en chef membres du conseil — donc l’abolition d’une étape assez lourde; plus de transparence dans le processus, notamment au moyen d’un rapport annuel et de la communication d’informations aux plaignants à toutes les étapes; des règles strictes applicables aux honoraires des avocats des juges faisant l’objet de plaintes ou agissant en poursuite; le remplacement de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale par un comité d’appel composé de cinq juges — donc, une autre étape de moins dans le processus, ce qui signifie une seule étape plutôt que deux; enfin, le maintien de la possibilité d’un dernier appel sur permission à la Cour suprême du Canada.

En résumé, le projet de loi propose d’assurer une plus grande participation de non-juristes et de juges non en autorité et donne la possibilité d’imposer des sanctions intermédiaires avec ou sans l’accord du juge concerné, le tout dans des délais moindres et à des coûts plus contrôlés.

Je passe au cinquième et avant-dernier point de mon discours, soit les six amendements proposés dans le rapport du comité et leurs conséquences sur les objectifs du projet de loi.

Comme vous l’avez peut-être remarqué hier, le rapport du comité n’a pas fait l’objet d’un long débat, puis il a été adopté avec dissidence. Je vais expliquer, dans quelques minutes, pourquoi je ne peux me rallier à ces amendements, à l’exception de deux d’entre eux.

D’abord, je tiens à souligner le travail et le grand intérêt des sept membres du comité qui ont assisté aux neuf heures de réunions que le comité a consacrées aux témoignages et des deux autres sénateurs qui ont participé à la plupart de ces réunions. À mes neuf collègues, je dis merci.

Ensuite, je crois utile de préciser que, au moment de l’étude article par article, qui a duré pratiquement cinq heures, pour le premier vote, la composition du comité est passée à 13 membres, dont 4 nouvelles figures. Si l’on peut se réjouir de ce regain d’intérêt pour les travaux du comité, il reste que nous nous retrouvons maintenant avec des amendements qui ont été adoptés sans hésitation avec l’appui de nos nouvelles recrues, dont l’objectif, pour certains, semblait de renvoyer le projet de loi à l’autre endroit.

Les deux amendements que j’appuie sont les suivants : l’un vise à préciser qu’un agent de contrôle ne peut rejeter une plainte lorsqu’elle contient une allégation d’inconduite sexuelle.

(1550)

Le projet de loi prévoit déjà qu’une plainte contenant une allégation de harcèlement sexuel ne peut être rejetée par un agent de contrôle. À l’origine, notre collègue la sénatrice Clement proposait de remplacer les mots « harcèlement sexuel » par les mots « inconduite sexuelle ». Il est ressorti des discussions au sein du comité que l’on proposait de substituer à un terme bien défini en droit un autre concept plutôt vague.

Dans ce contexte, la sénatrice a accepté de modifier sa proposition pour en faire un cas additionnel d’exclusion de possibilité de rejet. À mon avis, cela respecte l’objectif de la disposition et me semble tout à fait acceptable.

L’autre amendement consiste à supprimer les mots « dans la mesure du possible » à l’égard de l’obligation du conseil de préparer une liste de non-juristes et une liste de juges puînés qui reflètent la diversité canadienne. Il faut comprendre ici que les non-juristes doivent répondre à un appel de candidatures, satisfaire aux critères énoncés et être prêtes à servir plutôt bénévolement le comité d’examen et le comité d’audience publique, qui sont les deux instances qui évaluent le comportement des juges faisant l’objet de plaintes et qui peuvent leur imposer soit une sanction intermédiaire, soit la destitution. Quant aux juges non en autorité, ils sont proposés par l’Association canadienne des juges des cours supérieures, que j’ai eu l’honneur de présider quelques années, et non sélectionnés librement par le conseil, au sein de toute la magistrature fédérale.

Les rédacteurs du projet de loi ont donc cru bon d’ajouter les mots « dans la mesure du possible », car les bassins limités d’où sont tirées les listes pourraient empêcher le conseil d’y faire refléter adéquatement la diversité canadienne. Toutefois, puisqu’en droit nul n’est jamais tenu à l’impossible et que, d’autre part, la sénatrice Clement a su me convaincre que le message politique est beaucoup plus fort si l’on supprime ces mots, cet amendement me semble tout à fait acceptable et conforme aux objectifs du projet de loi en matière de diversité.

[Traduction]

Je partage également la philosophie de la sénatrice Pate dans son amendement en ce qui concerne la collecte de données et je suis d’accord avec l’objectif qu’elle poursuit. Toutefois, je crains que la formulation ne soit trop prescriptive. Comme je l’ai mentionné précédemment, le conseil jouit d’un degré élevé d’indépendance administrative. Dans le respect total de cette indépendance, je préfère m’appuyer sur les engagements pris par le conseil devant le comité en ce qui concerne l’amélioration de la collecte et de la divulgation des données, y compris des données désagrégées. Je ne vois pas l’intérêt de codifier ces obligations de manière aussi rigide dans la législation, même si je conviens que le résultat est d’une importance vitale.

Malheureusement, certains des autres amendements présentés au comité semblent soulever des questions similaires en raison de leur nature trop normative concernant l’indépendance judiciaire, y compris en ce qui concerne la gestion des agents de contrôle.

Ces personnes sont des employés du conseil mandatés pour exécuter une tâche purement administrative et ne sont pas autorisées à se prononcer sur le bien-fondé de ce qui apparaît de prime abord comme une plainte concernant la conduite d’un juge.

En ce qui concerne la divulgation de détails relatifs au traitement précoce des plaintes par les agents de contrôle et le comité d’examen ou l’un de ses membres, le processus doit tenir compte de la possibilité qu’un préjudice injuste soit porté à la réputation d’un juge à un stade aussi précoce de la procédure et de la manière dont cela peut affecter sa capacité à exercer ses fonctions, ainsi que la réputation générale de la magistrature.

De plus, j’attire votre attention sur le point no 17 des Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature des Nations unies, qui se lit comme suit :

17. Toute accusation ou plainte portée contre un juge dans l’exercice de ses fonctions judiciaires et professionnelles doit être entendue rapidement et équitablement selon la procédure appropriée. Le juge a le droit de répondre, sa cause doit être entendue équitablement. La phase initiale de l’affaire doit rester confidentielle, à moins que le juge ne demande qu’il en soit autrement.

Passons maintenant aux deux amendements restants.

Tout d’abord, le comité a cherché à inclure une personne non-juriste dans le comité d’appel. Dans le cadre de la nouvelle procédure, le comité d’appel serait chargé d’exercer des fonctions qui incombent normalement à un tribunal d’appel intermédiaire comme la Cour d’appel de l’Ontario ou la Cour d’appel fédérale. Le projet de loi confère à ce comité d’appel les pouvoirs d’une cour d’appel. Autrement dit, le rôle du comité d’appel serait de s’assurer que le comité d’audience a bien appliqué la loi et de corriger au besoin toute erreur pouvant faire l’objet d’un examen. C’est pourquoi il devait être composé de cinq juges en exercice, soit trois juges en chef, et deux juges.

Aux termes de l’amendement, ce seraient plutôt deux juges en chef, un juge, un avocat et un non-juriste. Légalement, un non-juriste est une personne qui n’a aucune formation en droit. En tout respect, cela serait contraire à ce que le projet de loi vise à accomplir à cette étape-ci, soit de s’assurer que la composition et les pouvoirs du comité d’appel sont comparables à ceux d’une cour d’appel en vue d’une efficience similaire. Je ne peux donc pas appuyer l’amendement.

Je rappelle que le projet de loi prévoit l’inclusion de non-juristes dans les deux principales étapes d’enquête — le comité d’examen et le comité d’audience plénier — lors desquelles on cherche à savoir : Le juge a-t-il commis une inconduite? Le cas échéant, quelles sanctions seraient justifiées? Ce n’est pas la même chose au moment du processus d’appel, qui doit remplacer la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale.

Le dernier amendement, également proposé par la sénatrice Batters, a pour objectif d’ajouter un droit d’appel à la Cour d’appel fédérale concernant toutes les décisions du comité d’appel. Il faut savoir que les décisions de ce comité pourront être interlocutoires ou finales.

Il est intéressant de souligner qu’un amendement semblable a été proposé au comité de l’autre endroit et que la présidence a jugé qu’il dépassait la portée du projet de loi — décision qui a été contestée par les députés conservateurs, mais qui a été validée par la majorité des membres du comité.

Surtout, nous devons réaliser que l’ajout d’un appel devant la Cour d’appel fédérale au processus simplifié prévu signifie que la durée des procédures judiciaires devant la Cour d’appel fédérale ajoutera au moins un an ou un an et demi aux procédures pour chaque appel interjeté devant cette cour. Cela se produirait chaque fois qu’une décision du comité d’appel est portée en appel. Comme je l’ai dit, il est possible de faire appel de plus d’une décision du comité d’appel dans un même dossier.

Pendant ces années, les honoraires de l’avocat du juge seront entièrement payés par les contribuables, le salaire du juge continuera d’être versé et de nombreux juges de la Cour d’appel fédérale devront participer au processus. Je soutiens qu’il ne s’agit pas d’un bon usage de l’argent des contribuables, compte tenu du fait que le comité d’appel accomplit le travail d’une cour d’appel composée de cinq juges.

L’objectif du projet de loi C-9 est de réduire les délais et les coûts inacceptables tout en respectant l’indépendance judiciaire et en assurant un processus équitable pour le juge qui fait l’objet de la plainte. L’amendement va à l’encontre de cet objectif.

La révocation d’un juge est une affaire grave et l’inamovibilité d’un juge est quelque chose qui requiert d’importantes mesures de protection. Toutefois, les protections prévues dans ce projet de loi tel qu’il nous a été présenté à l’origine sont suffisantes. Elles sont justes et équilibrées, et elles garantissent au juge — après un contrôle et un examen interne — l’équivalent d’un procès juste et transparent, suivi d’un appel de plein droit et de la possibilité de demander l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada.

Autrement dit, on a garanti aux juges accusés d’inconduite grave l’accès au même processus équitable que tous les autres Canadiens, et même plus, et tout cela gratuitement. Ajouter au processus un autre tribunal et un autre comité de juges était totalement injustifié et fait preuve d’un grave manque de confiance dans les capacités de la Cour suprême du Canada, la plus haute instance de notre pays et un pilier fondamental de notre société démocratique.

Au comité, on a appris que la Cour suprême n’accède pas à beaucoup de demandes d’appel, et qu’elle rejette en fait entre 95 % et 99 % d’entre elles. Lorsqu’on examine les documents sur le site Web de la Cour suprême, on constate qu’il y a de temps à autre des décisions disciplinaires ou liées au salaire des juges. Lorsque la Cour suprême estime devoir se prononcer au sujet des juges, elle le fait.

Pour ces raisons, je crois que l’autre endroit doit rejeter les deux derniers amendements. Il devrait procéder au second examen objectif qui, peut-être, n’a pas eu lieu.

(1600)

Merci, chers collègues, de votre attention. Maintenant, je vous demande respectueusement de renvoyer le projet de loi à l’autre endroit pour un examen plus approfondi, en gardant à l’esprit qu’il nous reste très peu de temps avant la pause estivale pour adopter un message de l’autre endroit et rendre ensuite notre décision. Merci, meegwetch.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Je m’attendais à avoir une question de votre part et une autre de la sénatrice Batters.

Le sénateur Plett : Merci. Je ne suis pas sûr de ce que le sénateur Dalphond a dit, mais je suppose que je peux lui poser une question.

Sénateur Dalphond, hier, lorsque nous avons voté sur une motion à l’étape du rapport, vous, en tant que parrain du projet de loi, de même que le gouvernement, étiez vraiment contre la motion. Vous avez dit « avec dissidence ». Or cela veut dire que vous n’êtes pas d’accord. Pouvons-nous nous attendre à ce que vous votiez de nouveau contre le projet de loi, ou à ce que vous l’appuyiez avec dissidence tout à l’heure?

Vous n’avez peut-être pas obtenu tout ce que vous vouliez, mais vous avez quand même eu le projet de loi que vous vouliez. Je trouve étrange que le parrain et même le gouvernement appuient avec dissidence leur propre projet de loi. Pourriez-vous nous en expliquer la raison?

Le sénateur Dalphond : Comme je l’ai dit, je vais certainement demander le vote ce soir. Je vais rester coi, et le projet de loi sera adopté avec dissidence.

Son Honneur la Présidente : Avez-vous une autre question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Eh bien, je trouve très étrange que le parrain ou le gouvernement veuille qu’on tienne un vote et que son projet de loi soit adopté avec dissidence. Je ne vais pas poser de question à ce sujet, mais je trouve simplement extrêmement étrange que le gouvernement s’oppose à son propre projet de loi.

Le sénateur Dalphond : Ce n’est pas une question. C’est une observation. Je n’y répondrai pas, mais j’ajouterai une autre observation.

Il ne s’agit pas d’un projet de loi du gouvernement ordinaire. Il s’agit d’un projet de loi proposé par la magistrature pour mettre en place un nouveau processus. Il a été présenté après plus de quatre ans de consultations en bonne et due forme auprès de parties prenantes, de juges et de juges en chef à l’échelle du pays. Le ministère de la Justice a ensuite été invité à rédiger un projet de loi reflétant le consensus.

Plus tôt dans mon discours — et je pense que vous n’avez pas entendu cette partie, peut-être parce que vous étiez engagé dans une autre conversation —, j’ai expliqué l’origine du projet de loi, la façon dont nous en avons été saisis et le rôle que nous avons à jouer en ce qui a trait à ce projet de loi si spécial.

Le sénateur Plett : Votre Honneur, je ne veux pas m’éterniser sur le sujet, mais je tiens à rectifier les faits. Il s’agit bel et bien d’un projet de loi du gouvernement. C’est un projet de loi qui a été présenté par le gouvernement et vous, sénateur Dalphond, êtes le parrain d’un projet de loi qui a été renvoyé ici par le gouvernement. Ne brouillons donc pas les pistes. Vous n’aimez pas le rapport à son sujet, tout comme le leader du gouvernement d’ailleurs, mais il s’agit effectivement d’un projet de loi du gouvernement. Je tiens à le préciser, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente : Êtes-vous en train de poser une question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Non.

Son Honneur la Présidente : Donc vous interveniez dans le cadre du débat.

Le sénateur Dalphond : Si je puis, j’aurais une autre observation à formuler. Le sénateur n’a pas posé de question, mais il a...

Le sénateur Plett : J’intervenais dans le cadre du débat, Votre Honneur.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges.

Il s’agit de la troisième tentative du gouvernement libéral de faire adopter ce projet de loi visant à moderniser le processus disciplinaire pour les juges nommés par le gouvernement fédéral, le processus actuel ayant été instauré en 1971, c’est-à-dire il y a 52 ans.

Bien que les gouvernements provinciaux nomment les juges des instances inférieures, le gouvernement fédéral est responsable de nommer de nombreux autres juges, notamment ceux de la Cour fédérale, de la Cour d’appel fédérale, des cours d’appel provinciales, de la Cour suprême du Canada et d’un nombre important de tribunaux de première instance, tels que les juges de la Cour supérieure de justice de l’Ontario ou, dans ma province, la Saskatchewan, ceux de la Cour du Banc du Roi.

Comme je l’ai mentionné, le projet de loi C-9 s’appliquera à tous les juges nommés par le gouvernement fédéral. Les gouvernements provinciaux possèdent leur propre régime de déontologie pour les juges qu’ils nomment.

La première tentative du gouvernement Trudeau en vue de moderniser le processus disciplinaire de la magistrature fédérale était le projet de loi S-5, présenté au Sénat en mai 2021. Ce projet de loi est mort au Feuilleton avant les élections de 2021, puis a été présenté de nouveau en décembre de la même année en tant que projet de loi S-3. Le projet de loi S-3 a été retiré à peine quelques semaines plus tard, puis présenté de nouveau à la Chambre des communes en tant que projet de loi C-9. Le projet de loi C-9, tel qu’il a été présenté au Sénat, est presque identique au projet de loi S-3.

Le projet de loi C-9 a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes, car il était largement considéré comme non controversé. Lorsque le projet de loi a été présenté au Sénat, j’ai prononcé un discours en deuxième lecture dans lequel j’ai soulevé certaines questions que je souhaitais, en tant que porte-parole de l’opposition pour ce projet de loi, étudier au Comité sénatorial des affaires juridiques.

Lorsque nous avons examiné le projet de loi C-9 au Comité des affaires juridiques, il est devenu de plus en plus évident que ce projet de loi nécessiterait un travail important. Alors que le Comité de la justice de la Chambre des communes l’avait étudié pendant trois réunions et avait tenu une séance d’étude article par article, le Comité sénatorial des affaires juridiques a consacré sept réunions complètes à l’audition de témoins et a ensuite tenu trois séances d’étude article par article.

Je voudrais juste prendre un moment pour remercier tous les témoins qui ont comparu devant le Comité des affaires juridiques afin que nous puissions mener cette étude approfondie, ainsi que mes collègues du comité pour leur travail acharné et leur débat animé sur cette question.

Après 50 ans sans mise à jour législative, et à la troisième tentative parlementaire d’adopter un projet de loi, il était logique que notre comité sénatorial procède de manière délibérée et réfléchie pour rendre ce projet de loi le meilleur possible.

Les consultations du gouvernement pour le projet de loi étaient un peu obsolètes. La majorité d’entre elles s’étaient déroulées sept ans auparavant, en 2016. Or, même à cette époque, les consultations publiques du gouvernement étaient dérisoires. Il s’agissait en fait d’un sondage en ligne qui n’avait récolté que 74 réponses des Canadiens, en plus d’un examen des lettres pertinentes acheminées à la section de la correspondance du ministère. Qui plus est, un grand nombre des gouvernements provinciaux que le gouvernement Trudeau avait consultés au départ avaient été remplacés par des élus n’ayant plus les mêmes allégeances qu’en 2016.

L’un des principaux objectifs de ce projet de loi est de préserver la confiance du public envers le système de justice. C’était la première préoccupation de tous les membres du Comité sénatorial des affaires juridiques tout au long des délibérations au sujet du projet de loi. Le comité a accompli un travail remarquable et exhaustif, et il a entendu le témoignage d’intervenants très crédibles, comme l’Association du Barreau canadien, la Société des plaideurs et l’Association canadienne pour l’éthique juridique. Plusieurs membres du comité ont proposé des amendements à la lumière des judicieux conseils de ces témoins.

Quand il est devenu évident que le projet de loi C-9 comportait de sérieuses lacunes, les sénateurs indépendants ont soulevé la possibilité que le ministre de la Justice apporte ses propres amendements pour corriger le tir. Par la suite, on nous a dit que le gouvernement — sans doute au courant des préoccupations des membres du comité à l’étape où en étaient les choses — n’avait pas l’intention de proposer quelque amendement que ce soit.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques a ensuite adopté une motion demandant au ministre de la Justice, M. Lametti, de revenir témoigner et de répondre aux questions en suspens du comité. Le ministre de la Justice a refusé, alors que cela aurait été l’occasion d’expliquer la position du gouvernement et le projet de loi qu’il a tenté de faire adopter sous diverses formes au cours des dernières années. Sans autre intervention de sa part, le comité a ensuite procédé à l’adoption de six amendements pleins de bon sens — dont certains importants — pour tenter d’améliorer le projet de loi.

Nous avons réalisé une longue étude sur cette question au comité, et nous avons proposé des amendements réfléchis et raisonnés, fondés sur les témoignages de témoins importants. Le gouvernement ne devrait pas rejeter le résultat du second examen objectif de notre comité. J’espère qu’il acceptera ces amendements comme une amélioration supplémentaire d’un système de conduite judiciaire qui n’a pas été révisé de manière substantielle depuis 50 ans.

À titre d’information, il serait utile que les sénateurs examinent de plus près les amendements adoptés par le comité. Trois d’entre eux ont été proposés par la sénatrice Clement. Son premier amendement consiste à corriger une formulation mal rédigée dans la partie sur la diversité concernant la sélection des juges et des non-juristes pour former les comités d’audience dans le cadre du nouveau processus de discipline des juges. Le projet de loi C-9 contenait un article énonçant que, « [d]ans la mesure du possible », ces personnes devraient refléter la diversité du Canada. L’amendement de la sénatrice Clement consiste à supprimer ce libellé condescendant et imprécis du projet de loi.

Un autre des amendements de la sénatrice Clement a inséré les mots « inconduite sexuelle et harcèlement sexuel » là où, auparavant, le projet de loi C-9 parlait seulement de « harcèlement sexuel ». Bien sûr, l’objectif en est de viser un plus grand nombre de comportements que ce qu’entend la définition plus étroite du terme « harcèlement sexuel ».

Le troisième amendement de la sénatrice Clement a fait un ajout pour rendre le processus d’examen de la conduite des juges plus transparent, surtout dans le cas des plaintes rejetées. Cet amendement stipule qu’il faut fournir une justification aux plaignants qui se trouvent dans cette situation. Cette obligation de rendre des comptes est importante pour accroître la confiance du public dans l’équité du système.

La sénatrice Pate a proposé un amendement par l’entremise de la sénatrice Simons qui améliorerait la collection des données sur les plaintes portées contre des juges dans le cadre de ce nouveau processus d’examen de la conduite des juges.

(1610)

Comme l’a dit la sénatrice Pate :

L’importance des données désagrégées est cruciale pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le système de justice pénale. À l’heure actuelle, nous disposons de très peu de données sur les personnes qui déposent des plaintes et qui sont les plus insatisfaites du système judiciaire, à part des données empiriques.

En offrant cette option, nous sommes mieux à même de comprendre quelles personnes sont les plus insatisfaites, lesquelles ont les moyens de déposer des plaintes contre des juges et lesquelles sont touchées de manière disproportionnée, de sorte que nous puissions créer une meilleure formation pour les juges et les avocats et mettre en place un système de justice équitable.

J’ai également proposé trois amendements au projet de loi C-9. Deux d’entre eux ont été adoptés en comité et le troisième a été rejeté de justesse par un seul vote. Le premier de mes amendements qui a été adopté incorpore des « non-juristes », c’est-à-dire des Canadiens qui ne sont ni avocats ni juges, à presque toutes les étapes du processus de discipline judiciaire. Cette mesure correspond à l’objectif législatif visant à rehausser la confiance du public dans le système de justice et à améliorer la reddition de comptes.

Notre comité a entendu des preuves substantielles à l’appui de cette idée. Le professeur Richard Devlin, de l’Association canadienne pour l’éthique juridique, a reconnu la nécessité d’une représentation accrue des non-juristes, affirmant que les valeurs d’impartialité, d’indépendance et de représentation sont compromises en l’absence d’une représentation suffisante des non-juristes.

Il s’est aussi dit inquiet que l’article 115 proposé laisse entendre que les audiences du comité restreint pourraient ne pas être publiques. Le professeur Devlin a dit qu’un juge pourrait choisir d’éviter toute participation de non-juristes à cette étape du processus et profiter d’une audience privée.

La registraire du Conseil de la magistrature de l’Ontario, Alison Warner, nous a parlé de l’avantage d’inclure des non-juristes dans le régime disciplinaire provincial. Elle a dit que les non-juristes apportent « une perspective inestimable dans le processus de délibérations ».

La représentante du Conseil canadien de la magistrature n’était pas du même avis. Elle a dit ce qui suit :

Je ne pense pas qu’il est nécessaire d’inclure des non-juristes à chaque étape du processus, car on ne voit pas cela dans d’autres tribunaux administratifs, que ce soit à l’étape du contrôle ou à d’autres étapes.

En réponse, j’ai souligné que le processus fédéral se rapproche davantage des systèmes provinciaux semblables, y compris celui du Conseil de la magistrature de l’Ontario, que des différents tribunaux administratifs. Étant donné la mesure dans laquelle les juges entendent des cas très importants qui touchent le public, sans oublier les ramifications de ces affaires, il est important que les Canadiens sentent qu’ils sont représentés et qu’ils peuvent faire confiance à ces processus. Ce sont là d’importantes raisons d’inclure des non-juristes à toutes les étapes.

Certains pourraient se demander si les non-juristes ont la formation juridique nécessaire pour siéger à une quasi commission d’appel. Premièrement, les non-juristes auxquels ferait appel le conseil seraient des personnes qualifiées, qui recevraient la formation nécessaire pour s’acquitter de leurs tâches.

Deuxièmement, contrairement à ce que croient certains — et, chers collègues, je dis cela en tant qu’avocate — les avocats ne savent pas tout, et les non-juristes peuvent apporter une perspective précieuse et pleine de bon sens aux questions disciplinaires.

Troisièmement, si vous n’êtes pas à l’aise avec le fait qu’un non-juriste s’occupe de questions juridiques, je dirais que la composition du comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles serait très différente si seuls les avocats et les juges étaient autorisés à en être membres.

Les personnes qui ne sont ni avocats ni juges ont un point de vue différent sur les questions juridiques, et, lorsque les questions de discipline judiciaire peuvent avoir un impact sur la confiance du public dans ce système, il est important que des profanes soient impliqués dans le processus.

La sénatrice Clement a cité un exemple de sa propre expérience au comité. Elle a déclaré :

Permettez-moi de prendre un exemple en droit administratif. Lorsque je suis convoquée devant le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail et qu’il y a un comité composé de trois personnes, le président de ce comité est un avocat, puis il y a un représentant de l’employeur et un représentant de l’employé ou du syndicat. Selon mon expérience, ces intervenants font office de juges des faits, mais ils rendent aussi des décisions en matière de droit. Ce tribunal a une excellente réputation […]

Les non-juristes qui participent à ces comités ont été dûment formés. Ils sont encadrés et soutenus. À mon avis, ils rendent des décisions d’une grande qualité.

De plus, après l’adoption de l’amendement que j’ai proposé plus tard au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le projet de loi C-9 prévoit maintenant la possibilité d’interjeter appel devant la Cour d’appel fédérale. Ce tribunal pourrait donc se charger d’examiner les points de droit plus subtils, au besoin. Au bout du compte, mon amendement demandant l’inclusion de non-juristes à toutes les étapes du système disciplinaire de la magistrature a facilement été adopté au comité avec huit voies pour, quatre voies contre et une abstention.

Plusieurs experts venus témoigner au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles demandaient l’inclusion de la Cour d’appel fédérale, notamment l’Association du Barreau canadien, la Société des plaideurs et Caroline Dick, professeure de sciences politiques. L’Association canadienne des juges des cours supérieures — qui, comme l’a souligné aujourd’hui le sénateur Dalphond, compte 1 200 membres — a également envoyé une lettre aux membres du comité pour souligner que, après la fin de la période de consultation du gouvernement, elle n’appuyait pas la position du Conseil canadien de la magistrature en ce qui a trait aux examens externes. L’association affirme être :

[...] en faveur d’un appel de plein droit devant un tribunal à l’issue du processus sur l’examen de la conduite.

Il convient de souligner que l’Association du Barreau canadien, la plus grande association juridique du Canada, qui représente 37 000 avocats, figurait parmi les témoins favorables à l’inclusion de la Cour d’appel fédérale. Bien que cela fasse 10 ans que je siège au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, je ne me souviens pas d’une autre occasion où le président de l’Association du Barreau canadien a comparu devant le comité. L’Association du Barreau canadien propose parfois des amendements, mais il est rare qu’elle propose des modifications importantes aux projets de loi émanant du gouvernement. Cependant, lors de sa comparution devant le comité sur le projet de loi C-9, le président de l’Association du Barreau canadien, Steeves Bujold, a présenté deux raisons importantes pour justifier l’inclusion de la Cour d’appel fédérale dans la liste des tribunaux devant lesquels il serait possible d’interjeter appel avant de recourir à la Cour suprême du Canada.

Premièrement, eu égard à la justice naturelle, il garantirait une surveillance externe du processus. Deuxièmement, la magistrature est tellement importante pour la démocratie canadienne que la population doit pouvoir voir que la discipline judiciaire est exercée de façon ouverte et responsable et qu’elle comporte des voies d’appel et de recours claires. Un autre avantage du droit d’appel est que la Cour d’appel fédérale fournira probablement des motifs détaillés qui permettront au juge accusé d’inconduite et à la population de savoir pourquoi un tribunal indépendant a conclu comme il l’a fait. Cela rehausse la crédibilité du Conseil canadien de la magistrature grâce à l’examen transparent de ses procédures et de son processus décisionnel.

M. Bujold a également déclaré ce qui suit :

En conclusion, la magistrature est un pilier de notre démocratie et elle doit rendre des comptes à la population et être acceptée par elle. Grâce à un processus de discipline judiciaire clair et ouvert, où les mesures prises par le Conseil canadien de la magistrature peuvent être contestées devant une cour d’appel, et grâce au déroulement des procédures d’examen en audience publique, la population continuera d’avoir confiance dans l’intégrité du système disciplinaire judiciaire. On aura le sentiment que justice aura été rendue.

Encore aujourd’hui, avec l’ajout de la Cour d’appel fédérale, le projet de loi C-9 amendé constitue une rationalisation majeure du processus. Le processus actuel peut comprendre une étape qui consiste à interjeter appel d’une décision du comité devant la Cour fédérale, puis la Cour d’appel fédérale et enfin la Cour suprême du Canada, avec autorisation ou permission. Le projet de loi amendé éliminera quand même une instance complète, ce qui permettra d’économiser du temps et de l’argent, mais il conservera les principes d’équité, de transparence et de reddition de comptes.

Il est important de souligner qu’avec le projet de loi, le gouvernement Trudeau a délibérément choisi d’accroître la capacité d’interjeter appel avec autorisation plutôt que de plein droit devant la Cour suprême du Canada. À l’heure actuelle, la Cour suprême du Canada n’approuve que 7 ou 8 % des demandes d’autorisation d’interjeter appel qu’elle examine. En outre, elle doit estimer qu’une affaire satisfait à ce qu’elle considère comme étant le critère de l’intérêt national. Il n’y a certainement aucune raison de croire qu’une question concernant le processus disciplinaire de la magistrature répondrait à ce critère.

Même Patrick Xavier, haut fonctionnaire au ministère de la Justice, a admis quatre fois pendant son témoignage que le ministère ne sait pas si la Cour suprême du Canada accéderait à ce genre d’appel en matière de procédures disciplinaires. Comme M. Xavier l’a déclaré : « Nous ne savons pas encore ce que le tribunal fera. C’est une question ouverte. »

Une couche de complexité s’ajoute lorsque le juge qui face à une enquête pour inconduite est un juge de la Cour suprême du Canada. Voici ce que Steeves Bujold, président de l’Association du Barreau canadien, a déclaré à ce sujet :

Il reste que si la plainte, si le juge visé par l’enquête est un juge de la Cour suprême, il s’agit d’une question de droit complexe. Est-ce que le reste de la cour peut siéger pour juger un appel d’un collègue, et est-ce qu’on peut rassembler un nombre suffisant de juges pour avoir un quorum qui n’ont pas déjà une connaissance des faits? C’est une question assez complexe, qui se poserait peut-être moins à la Cour d’appel fédérale, puisque le nombre de juges est suffisamment important pour que l’on puisse constituer un banc de trois juges.

La Société des plaideurs a aussi proposé de réintégrer la Cour d’appel fédérale dans le processus disciplinaire de la magistrature. Sheree Conlon, membre exécutive de la Société des plaideurs, a déclaré ceci :

La Société des plaideurs est préoccupée par le fait que le projet de loi C-9 crée un régime législatif dans lequel le Conseil canadien de la magistrature est l’enquêteur, le décideur et l’autorité d’appel en ce qui concerne les allégations d’inconduite judiciaire. En fin de compte, le contrôle judiciaire externe des décisions et des actions du CCM est pratiquement éliminé.

Le processus proposé est préoccupant, car il est essentiel que les tribunaux contrôlent les mesures administratives afin de garantir leur légalité et leur équité. L’absence de contrôle du processus du CCM par les tribunaux porte atteinte à l’inamovibilité des magistrats, laquelle est une composante essentielle de l’indépendance judiciaire. [...]

Nous devons insister sur le fait que, selon nous, l’amendement que nous proposons ne reproduira pas les retards et les coûts que nous observons dans le processus actuel et que le gouvernement tente à juste titre de corriger. La proposition garantit que seule la décision finale du CCM pourra faire l’objet d’un appel directement auprès de la Cour d’appel fédérale. Cela éliminera un niveau de révision judiciaire — par la Cour fédérale — [...]

(1620)

Me Conlon a poursuivi comme suit :

Nous pensons que cette petite modification que nous proposons d’apporter au projet de loi C-9 établit un juste équilibre entre l’efficacité, la confiance du public dans la responsabilisation judiciaire et l’équité pour toutes les parties, tout en maintenant l’indépendance judiciaire.

Dans la foulée de ces recommandations clés et des témoignages judicieux à propos de cette question, je suis fière que le Comité sénatorial des affaires juridiques ait adopté l’amendement que j’ai proposé, à savoir de rétablir la Cour d’appel fédérale comme dernier niveau d’appel avant de solliciter l’autorisation de la Cour suprême du Canada.

Le fait de réintégrer la Cour d’appel fédérale dans le processus disciplinaire pourrait amener un autre avantage. Compter sur une cour plutôt qu’un groupe d’experts comme avant-dernier niveau d’appel procure la possibilité d’établir des précédents, ce qui a une grande valeur. Recourir à un tribunal — non pas à un groupe d’experts, mais à un véritable tribunal — offre l’avantage de pouvoir examiner des questions complexes en matière de droit qui pourraient être soulevées dans le cadre de la procédure.

Par ailleurs, mon amendement visant à réintégrer la Cour d’appel fédérale dans le processus comme dernière instance avant de demander l’autorisation ou la permission d’interjeter appel auprès de la Cour suprême, a été adopté par le Comité sénatorial des affaires juridiques à l’issue d’un vote où sept membres étaient en faveur et six membres contre.

Le troisième amendement que j’ai proposé au projet de loi C-9 était d’ajouter la suspension avec solde et la suspension sans solde à la liste des sanctions possibles dans le processus disciplinaire. Malheureusement, cet amendement très raisonnable a été rejeté par le comité, mais par une seule voix : cinq membres étaient pour, six membres étaient contre.

Je vais présenter une version légèrement révisée de cet amendement à la fin de mon discours.

Tout d’abord, je pense qu’il serait utile pour les sénateurs de comprendre certains des témoignages que le comité a entendus sur les raisons pour lesquelles les sanctions devraient être disponibles dans le cadre de la procédure relative à l’inconduite judiciaire.

Les dispositions du projet de loi C-9 permettent au comité d’examen de recommander la révocation d’un juge, ce qui est une sanction très sévère, ou de choisir parmi une liste de mesures moins sévères, comme donner un avertissement, prononcer une réprimande ou exprimer des préoccupations, que ce soit publiquement ou confidentiellement; ordonner au juge de s’excuser publiquement ou confidentiellement; et ordonner d’autres mesures spécifiques, notamment suivre une thérapie ou participer à de la formation.

Il y a un écart important entre certaines de ces conséquences moindres et la révocation d’un juge. Permettre la suspension d’un juge, avec ou sans traitement, comme mesure corrective possible constituerait une option raisonnable pour traiter les fautes graves par nature, mais qui n’atteignent pas le seuil élevé de la révocation. En outre, si la seule sanction possible pour une faute grave est la révocation, un juge peut être enclin à continuer à se battre contre la sanction aux frais du contribuable. Une sanction de niveau intermédiaire pourrait être plus appropriée pour tous : le juge accusé, le plaignant et le public en général.

Quand le ministre de la Justice, M. Lametti, a comparu devant notre Comité des affaires juridiques, je lui ai demandé pourquoi l’option d’une suspension, avec ou sans solde, n’était pas incluse dans le projet de loi C-9. Il semble qu’il n’était pas prêt à répondre à la question, ce que j’ai trouvé surprenant, étant donné que j’avais soulevé la question lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture quelques semaines plus tôt. Sans faire de commentaire, le ministre Lametti a transmis la question aux gens de son ministère pour qu’ils y répondent.

Son adjoint, Patrick Xavier, a répondu à ma question en disant ceci :

Les exigences sont très élevées en ce qui concerne la conduite des juges. La Cour suprême a été très claire à ce sujet; on attend vraiment des juges qu’ils se comportent de manière exemplaire, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle d’audience. Si vous parlez de quelque chose de si grave qu’une réduction de salaire est justifiée, c’est probablement parce que la révocation est justifiée.

Le ministre Lametti était assis à côté de M. Xavier, et il ne l’a pas contredit. Je ne peux donc que supposer qu’il souscrivait à son raisonnement. Même si M. Xavier connaît très bien ce projet de loi et la Loi sur les juges, sa réponse ne me semblait pas très convaincante.

Par conséquent, lors des réunions suivantes du comité, j’ai continué de demander à d’autres témoins s’ils croyaient que des suspensions, avec ou sans solde, devraient être incluses comme solutions possibles. La plupart d’entre eux ont convenu qu’elles pouvaient et devaient l’être.

J’ai noté que la suspension était l’une des sanctions proposées au niveau provincial. J’ai demandé à nos analystes de la Bibliothèque du Parlement de mener quelques recherches sur ce que les provinces canadiennes font au sujet des juges nommés par les gouvernements provinciaux. En ce qui concerne les juges nommés par le gouvernement fédéral, n’oubliez pas qu’ils sont également nommés par la Cour du Banc du Roi, qui est responsable des nominations fédérales des juges des tribunaux inférieurs.

En fait, toutes les provinces autorisent la suspension d’une façon ou d’une autre. En Colombie-Britannique, on peut suspendre un juge, avec ou sans solde, pour une période maximale de six mois. En Alberta, l’intimé peut être suspendu avec solde pour une période indéterminée ou suspendu sans solde pour une période pouvant aller jusqu’à 90 jours. En Saskatchewan, on peut suspendre le juge, avec ou sans solde, pour une période déterminée ou jusqu’à ce qu’on réponde à certaines exigences, y compris l’exigence que le juge reçoive un traitement médical ou des services de consultation. Au Manitoba, on peut suspendre un juge avec solde pour une période indéterminée ou sans solde pour une période pouvant aller jusqu’à 30 jours. En Ontario, on peut suspendre un juge avec solde pour une période indéterminée ou sans solde, mais avec des avantages sociaux, pour une période pouvant aller jusqu’à 30 jours. Au Québec, on peut imposer une condition si une recommandation est faite en ce sens.

[Français]

Au Québec, le conseil suspend le juge pour une période de 30 jours.

[Traduction]

Le Nouveau-Brunswick prévoit la suspension de ses fonctions, sans traitement, du juge dont la conduite est en cause pour une période maximale de 90 jours, ou sa suspension de ses fonctions avec traitement pour la période que le conseil de la magistrature juge appropriée, avec ou sans conditions. La Nouvelle-Écosse peut obliger le juge à prendre un congé avec traitement. L’Île-du-Prince-Édouard autorise l’émission d’une ordonnance recommandant que le lieutenant-gouverneur en conseil ordonne la suspension de la nomination du juge pour une période précisée ou jusqu’à l’occurrence d’un événement futur précisé. Terre-Neuve prévoit la suspension du juge pour une période jugée appropriée jusqu’à ce que les conditions imposées soient satisfaites ou jusqu’à nouvel ordre du tribunal d’arbitrage.

Notre comité a entendu le témoignage d’Alison Warner, registraire du Conseil de la magistrature de l’Ontario. Comme je l’ai mentionné, le régime de déontologie de la magistrature en Ontario limite à 30 jours les suspensions sans traitement. Mme Warner a dit être au courant de deux cas, survenus en 2017, où un comité d’audience a suspendu un juge sans solde pendant 30 jours. Elle nous a dit :

Dans les deux cas, les comités d’audi[ence] étaient confrontés à une faute grave, mais par contre, les juges faisaient preuve de remords, de lucidité et reconnaissaient les faits. Ils avaient déposé de nombreuses lettres de soutien, émanant non seulement de juges, mais aussi d’avocats et de membres du public. Ils avaient suivi des [cours de rééducation professionnelle] et des formations en éthique.

Elle a également dit que les comités d’audience :

[...] ont estimé qu’à la lumière de ces facteurs atténuants, comme je le disais, il ne serait pas justifié de recommander la révocation. Ils ont donc combiné la suspension sans salaire avec quelques sanctions moins sévères, comme une réprimande et des excuses dans un cas. Ils ont estimé que cela constituerait une punition sévère pour leur conduite, mais que cela tiendrait compte, comme je l’ai dit, des circonstances atténuantes.

Au cours de la première journée de l’étude article par article du projet de loi, le Comité des affaires juridiques a apporté quelques amendements de fond au projet de loi, notamment l’amendement que j’ai proposé concernant la liste de non-juristes. Le deuxième jour, j’ai proposé un amendement en vue d’inclure la suspension avec traitement et la suspension sans traitement pour une période maximale de 30 jours dans la liste des sanctions possibles.

Soudainement, nous avons entendu des arguments complètement différents des fonctionnaires du ministère de la Justice. Ils s’opposaient à l’idée qu’ils m’avaient suggérée lorsque le ministre a comparu. À la onzième heure, voici la raison que m’ont donnée les fonctionnaires : toute modification du salaire ou des avantages sociaux des juges — par exemple, une suspension sans traitement — doit être examinée par la Commission d’examen de la rémunération des juges. Les fonctionnaires estimaient que le processus prendrait environ un an.

Avant cela, le comité n’avait entendu aucun témoignage au sujet de cette obligation d’obtenir l’approbation de la Commission d’examen de la rémunération des juges. Aucun témoin ayant comparu dans les sept séances précédentes n’avait signalé la possibilité de cet obstacle à l’inclusion d’une suspension dans la liste des sanctions possibles — ni le ministre de la Justice, ni le président de l’Association du Barreau canadien, ni ces mêmes fonctionnaires du ministère de la Justice. Surtout, nous n’avons rien entendu à ce sujet, ni de la part du commissaire à la magistrature fédérale, ni de la part du Conseil canadien de la magistrature.

Le sénateur Dalphond, parrain du projet de loi au Sénat, s’est plaint de l’incidence prétendument dévastatrice qu’aurait mon amendement sur l’indépendance financière des juges, même si mon amendement limitait la suspension sans traitement à 30 jours. Il a dit : « Pourquoi pas 90 jours? Pourquoi pas un an? Comment le juge arrive-t-il à vivre? »

Étant donné que, selon l’estimation du Guichet-Emplois du gouvernement fédéral, le salaire annuel médian d’un juge canadien est de 355 536,60 $, je présume que c’est probablement faisable.

Chers collègues, j’avais proposé, à titre de compromis raisonnable, une suspension sans traitement d’un maximum de 30 jours, étant donné que la limite varie beaucoup dans les régimes provinciaux de déontologie de la magistrature. Il s’agit d’une période suffisamment longue pour être non négligeable, mais suffisamment courte pour ne pas menacer sérieusement le gagne-pain du juge ou porter atteinte à son droit constitutionnel à l’indépendance financière et judiciaire.

Le commissaire à la magistrature fédérale, Marc Giroux, a laissé entendre au comité que la jurisprudence en matière d’indépendance de la magistrature pourrait avoir une incidence sur tout amendement visant à prévoir une suspension, mais je lui ai rappelé que nous n’avions entendu aucun argument à cet effet de la part des fonctionnaires du ministère de la Justice ni de la part du Conseil de la magistrature de l’Ontario, si bien que j’avais présumé que cela n’était pas le cas.

Par ailleurs, les fonctionnaires du ministère de la Justice ont confirmé que, à ce qu’ils sachent, aucun juge au Canada n’a déjà contesté en justice la pénalité de suspension de ses fonctions de juge sans traitement.

Pensons-y un instant. Certains régimes disciplinaires provinciaux de la magistrature prévoient cette sanction depuis des décennies. Le régime de l’Ontario, qui est en place depuis 30 ans, en est un exemple. Vu leur expertise juridique, les juges sont peut-être les personnes les plus susceptibles de procéder à une contestation judiciaire, et pourtant, aucun juge n’a contesté une telle suspension depuis des décennies. On peut raisonnablement s’attendre à ce que les juges menacés d’être suspendus sans traitement intentent des poursuites au sujet de cette sanction s’ils pensent avoir une chance qu’on leur donne raison. Cela me fait dire que cet argument ne tient pas vraiment la route.

(1630)

En effet, M. Xavier a confirmé que le droit à l’indépendance financière d’un juge n’exclut pas la sanction de suspension sans traitement. Il a déclaré :

Pour être parfaitement clair, l’élément de sécurité financière nécessaire à l’indépendance judiciaire n’interdit pas nécessairement la suspension sans traitement. Ce qu’il interdit, c’est la promulgation de tout changement à la rémunération et aux avantages des juges qui n’a pas d’abord fait l’objet d’un processus relatif à la rémunération des juges.

Quant à la question de la suspension avec traitement, M. Xavier a dit : « Une suspension avec traitement pourrait être imposée si le comité d’examen décide que c’est une bonne chose [...] »

D’autres témoins nous ont dit que les juges nommés par le gouvernement fédéral étaient déjà suspendus avec traitement dans certains cas, et j’ai fait remarquer que le processus n’était tout simplement pas transparent. Le commissaire à la magistrature fédérale, Marc A. Giroux, a affirmé :

Concrètement, la suspension avec rémunération est déjà utilisée. Un juge en chef dont un subalterne fait l’objet d’une plainte considérée comme sérieuse peut prendre des mesures pour ne pas lui assigner de dossiers jusqu’à ce que la plainte soit réglée par le conseil ou jusqu’à ce qu’il obtienne de plus amples renseignements.

De toute évidence, ce n’est actuellement pas le conseil qui prend la décision. C’est certainement à la discrétion du juge en chef, et nous pouvons indiquer que c’est fait. On procède régulièrement ainsi pour les cas sérieux.

Jacqueline Corado, du Conseil canadien de la magistrature, a aussi confirmé que c’est le cas. Dans le cadre du processus actuel, le grand public ne saurait jamais qu’un juge a été suspendu ni pourquoi il l’a été. On pourrait croire tout simplement que le juge est parti en vacances, en congé de maladie ou qu’il est absent pour une autre raison. On ne saurait jamais qu’un juge doit se présenter à une audience disciplinaire ou qu’il y a une allégation d’écart de conduite qui a amené le juge en chef à appliquer ce genre de sanction contre lui. Selon les circonstances, cela pourrait miner la confiance du public dans le système puisqu’une justice invisible est une justice refusée. C’est injuste en effet que l’on puisse imposer une suspension comme conséquence si cela se fait dans les coulisses, mais que l’on ne puisse pas l’imposer de façon ouverte et transparente.

La transparence et la responsabilité de la magistrature doivent être primordiales pour que les Canadiens aient confiance dans le système judiciaire. En même temps, nous devons aussi respecter l’obligation constitutionnelle de protéger l’impartialité et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Si nous procédons avec prudence, il est possible de faire les deux en même temps. En incluant les sanctions de suspension avec ou sans solde pour inconduite d’un magistrat, nous améliorons l’efficacité du système de discipline de la magistrature remanié dans le projet de loi C-9. Cela nous garantit que les juges coupables d’inconduite grave recevront une sanction appropriée. Cela empêchera les juges de faire traîner les litiges pendant des années et des années et de faire payer aux contribuables des centaines de milliers de dollars chaque fois qu’un juge veut échapper à une révocation permanente.

Voilà pourquoi je propose à nouveau aujourd’hui un amendement au projet de loi C-9 qui ajoutera la sanction de suspension avec ou sans traitement pour une période maximale de 30 jours à la liste des conséquences possibles en cas d’inconduite judiciaire. Bien qu’il soit très semblable à l’amendement sur la suspension que j’ai proposé au comité, cette version à l’étape de la troisième lecture comportera un ajout important. Pour répondre aux préoccupations concernant les répercussions sur la rémunération des juges, mon amendement retarde d’un an l’entrée en vigueur de la disposition relative à la suspension sans traitement. Cela donnera suffisamment de temps pour répondre à toute exigence selon laquelle la mesure doit d’abord être examinée par la Commission d’examen de la rémunération des juges. Compte tenu des témoignages que le comité a entendus, ce délai devrait être plus que suffisant pour évaluer les conséquences du changement. N’oublions pas que les cours d’appel accordent régulièrement au gouvernement un délai d’un an pour modifier une loi complexe. Je vous demande donc d’appuyer cet amendement sensé.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Denise Batters : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-9 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a) à l’article 12, à la page 8 :

(i) par adjonction, après la ligne 25, de ce qui suit :

« e.1) suspendre le juge avec traitement pour la période qu’il estime indiquée dans les circonstances; »,

(ii) par substitution, à la ligne 28, de ce qui suit :

« e.1); »;

b) à la page 23, par adjonction, après la ligne 28, de ce qui suit :

« 12.1 L’alinéa 102f) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

e.2) suspendre le juge sans traitement pour une période maximale de trente jours;

f) prendre toute mesure qu’il estime équivalente à l’une ou l’autre des mesures prévues aux alinéas a) à e.2); »;

c) à la page 25, par adjonction, après la ligne 32, de ce qui suit :

« Entrée en vigueur

17 L’article 12.1 entre en vigueur un an après la sanction de la présente loi. ».

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je serai très bref. Je ferai référence à un arrêt de la Cour suprême, Valente c. La Reine, Recueil des arrêts de la Cour suprême 673 de 1985. Je vois que l’objectif de cet amendement est d’harmoniser le processus de révocation et la procédure disciplinaire des juges fédéraux avec ceux des juges provinciaux. L’arrêt dit ceci :

L’alinéa 11d) ne peut pas être interprété et appliqué de manière à conférer aux juges de cour provinciale les mêmes garanties constitutionnelles d’inamovibilité et de sécurité de traitement et de pension que les juges des cours supérieures, parce qu’une telle interprétation aurait pour effet de modifier les dispositions de la Constitution relatives à la magistrature. La norme de l’indépendance judiciaire ne peut être l’uniformité des dispositions, mais doit plutôt refléter ce qui est commun aux diverses conceptions des conditions essentielles de l’indépendance judiciaire au Canada.

Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit sur la sécurité de traitement, mais, très franchement, le fait d’essayer d’appliquer des arguments découlant des lois provinciales aux juges fédéraux reflète, à mon avis, un manque de compréhension du droit.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Batters, avez-vous une question?

La sénatrice Batters : Le sénateur Dalphond accepterait-il de répondre à une question sur cette intervention?

Le sénateur Dalphond : Non.

La sénatrice Batters : A-t-il dit « non »?

Son Honneur la Présidente : Il a dit « non ».

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent. Je vois deux sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Elle retentira donc pendant une heure. Le vote aura lieu à 17 h 38.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Son Honneur la Présidente : Le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénatrice Batters propose, avec l’appui du sénateur Oh... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.

Le sénateur Plett : Je n’ai pas entendu la motion.

Son Honneur la Présidente : J’ai demandé si je pouvais me dispenser de lire la motion, et les sénateurs ont dit « Suffit! »

Le sénateur Plett : J’aimerais entendre la motion.

Son Honneur la Présidente : Que le projet de loi C-9 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a) à l’article 12, à la page 8 :

(i) par adjonction, après la ligne 25, de ce qui suit :

« e.1) suspendre le juge avec traitement pour la période qu’il estime indiquée dans les circonstances; »,

(ii) par substitution, à la ligne 28, de ce qui suit :

« e.1); »;

b) à la page 23, par adjonction, après la ligne 28, de ce qui suit :

« 12.1 L’alinéa 102f) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

e.2) suspendre le juge sans traitement pour une période maximale de trente jours;

f) prendre toute mesure qu’il estime équivalente à l’une ou l’autre des mesures prévues aux alinéas a) à e.2); »;

c) à la page 25, par adjonction, après la ligne 32, de ce qui suit :

« Entrée en vigueur

17 L’article 12.1 entre en vigueur un an après la sanction de la présente loi. ».

La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Batters, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Osler
Batters Pate
Black Patterson (Nunavut)
Boisvenu Patterson (Ontario)
Carignan Plett
Deacon (Ontario) Poirier
Downe Richards
Greene Seidman
Housakos Simons
MacDonald Smith
Marshall Tannas
Martin Wells—25
Oh

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Harder
Boehm Hartling
Boniface Jaffer
Boyer Klyne
Burey Kutcher
Busson LaBoucane-Benson
Cardozo Loffreda
Clement Marwah
Cordy Mégie
Cotter Moncion
Dagenais Omidvar
Dalphond Petitclerc
Dean Ringuette
Duncan Saint-Germain
Dupuis Shugart
Francis Sorensen
Gerba Woo
Gold Yussuff—37
Greenwood

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Cormier Miville-Dechêne—2

(1740)

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes—Débat

Le Sénat passe à l’étude des amendements apportés par la Chambre des communes concernant le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane :

1.Article 2, pages 1 et 2 :

a)à la page 1, ajouter, après la ligne 16, ce qui suit :

« (2.1) Le sixième paragraphe du préambule de la version française de la même loi est remplacé par ce qui suit :

qu’il s’engage à adopter le principe de précaution, si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement; »;

b) à la page 2, ajouter, après la ligne 36, ce qui suit :

« qu’il s’engage en faveur de l’ouverture, de la transparence et de la responsabilité en matière de protection de l’environnement et de la santé humaine; »;

c)à la page 2, ajouter, après la ligne 41, ce qui suit :

« qu’il est déterminé à adopter une approche fondée sur le risque pour l’évaluation et la gestion des substances chimiques; ».

2.Article 3, page 3 :

a)remplacer la ligne 3, dans la version anglaise, par ce qui suit :

« not be used as a reason for postponing cost-effective »;

b)ajouter, après la ligne 11, ce qui suit :

« a.3) relativement à l’alinéa a.2), respecter des principes tels que le principe de non-régression, le principe de l’équité intergénérationnelle et les principes de justice environnementale, l’un de ceux-ci étant la prévention des effets nocifs qui touchent de façon disproportionnée les populations vulnérables; ».

3.Article 4, page 3 :

a)ajouter, après la ligne 27, ce qui suit :

« environnement sain Environnement qui est propre, sain et durable. (healthy environment) »;

b)ajouter, après la ligne 32, ce qui suit :

« principe de précaution Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, selon lequel, en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement. (precautionary principle) ».

4.Article 5, page 4 :

a)ajouter, après la ligne 2, ce qui suit :

« (1.1) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), le cadre de mise en œuvre énonce les éléments suivants :

a) le processus prévu au paragraphe 76.1(1) eu égard à la protection du droit à un environnement sain. »;

b)remplacer la ligne 7 par ce qui suit :

« principe de l’équité intergénérationnelle, selon lequel il importe de répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs, et les prin- »;

c)remplacer les lignes 14 et 15 par ce qui suit :

« c) les facteurs pertinents à prendre en considération pour interpréter et appliquer ce droit et pour en déterminer les limites raisonnables, notamment les facteurs ».

5.Article 5.1, pages 4 et 5 :

a)remplacer le passage commençant à la ligne 25,page 4, et se terminant à la ligne 3,page 5, par ce qui suit :

« 5.1 (1) Le passage du paragraphe 13(1) de la même loi précédant l’alinéa a) est remplacé par ce qui suit :

13 (1) Sont conservés au Registre les avis et autres documents que les ministres, ou l’un ou l’autre, publient ou mettent à la disposition du public en vertu de la présente loi et, sous réserve de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels : »;

b)à la page 5, remplacer la ligne 8 par ce qui suit :

« forme électronique, consultable ».

6.Article 10, pages 6 et 7 :

a)remplacer le passage commençant à la ligne 27,page 6, et se terminant à la ligne 23,page 7, par ce qui suit :

« (1.1) L’avis peut exiger que le plan donne priorité à l’identification, au développement ou à l’utilisation de solutions de rechange à la substance — ou groupe de substances — ou au produit qui sont plus sécuritaires ou plus durables. »;

b)à la page 7, remplacer les lignes 28 à 35 par ce qui suit :

« (3) Le paragraphe 56(4) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(4) Le ministre publie, dans le Registre et de toute autre façon qu’il estime indiquée, le nouveau délai d’élaboration ou d’exécution et le nom des bénéficiaires.

(4) L’article 56 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (5), de ce qui suit :

(6) L’avis peut exiger que le destinataire présente au ministre, par écrit et dans les délais qui y sont précisés, des rapports sur la mise en œuvre du plan. ».

7.Article 10.1, pages 7 et 8 : supprimer l’article 10.1.

8.Article 11.1, page 8 : supprimer l’article 11.1.

9.Article 14, page 9 :

a)remplacer les lignes 12 à 18 par ce qui suit :

« peut inscrire sur la liste intérieure toute substance :

a) inscrite sur la version de la liste révisée des substances commercialisées établie par le ministre de la Santé au terme du processus de désignation de substances ayant pris fin le 3 novembre 2019 et à laquelle on réfère à titre de liste permanente dans la Gazette du Canada, Partie I, volume 152, numéro 44;

b) à laquelle ne renvoie pas l’annexe I de l’avis intitulé « Retrait de substances sans activité commerciale de la Liste révisée des substances commercialisées » et publié dans la Gazette du Canada, Partie I, volume 156, numéro 8;

c) n’étant pas assujettie à une condition précisée au titre de l’alinéa 84(1)a).

Si cette substance figure sur la liste extérieure, il la radie de celle-ci. »;

b)remplacer les lignes 19 à 24 par ce qui suit :

« (2) Il peut, par arrêté, déléguer à toute personne — ou catégorie de personnes — les pouvoirs que le paragraphe (1) lui confère. ».

10.Article 15, page 10 :

a)remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« particularité, y compris les conditions, les procédures d’essai et les pratiques de laboratoire auxquelles il faut se conformer »;

b) remplacer les lignes 27 à 29 par ce qui suit :

« présentant le plus haut niveau de risque. ».

11.Article 16.1, page 12 : remplacer les lignes 3 à 25 par ce qui suit :

« 68.1 (1) Les ministres doivent, dans la mesure du possible, recourir à des méthodes et stratégies de rechange scientifiquement justifiées afin de remplacer, réduire ou raffiner l’utilisation des animaux vertébrés pour produire des données et mener des enquêtes en vertu de l’alinéa 68a).

(2) Aux fins du paragraphe (1), les méthodes et stratégies visant à raffiner l’utilisation d’animaux vertébrés incluent la réduction au minimum de la douleur et de la détresse causées aux animaux vertébrés utilisés pour la production de données et la conduite d’enquêtes en vertu de l’alinéa 68a). ».

12.Article 19, pages 15 et 16 :

a)à la page 15, remplacer la ligne 25 par ce qui suit :

« borent et publient un plan comprenant des échéanciers : »;

b)à la page 15, remplacer la ligne 29 par ce qui suit :

« b) qui précise les initiatives et les activités, qui »;

c)remplacer le passage commençant à la ligne 38, page 15, et se terminant à la ligne 2, page 16, par ce qui suit :

« promouvoir l’élaboration et l’adoption, en temps opportun, de méthodes et stratégies de rechange scientifiquement justifiées pour l’essai et l’évaluation des substances afin de remplacer, réduire ou raffiner l’utilisation des animaux vertébrés. »;

d)à la page 16, supprimer les lignes 3 et 4;

e)à la page 16, remplacer la ligne 19 par ce qui suit :

« 68a), notamment la manière dont les renseignements concernant des substances ou des produits sont communiqués au public, y compris, dans le cas des produits, par leur étiquetage. »;

f)à la page 16, ajouter, après la ligne 31, ce qui suit :

« (7.1) Les ministres examinent le plan dans les huit ans suivant sa publication et tous les huit ans par la suite. »;

g)renuméroter les paragraphes de l’article 73 ainsi que les renvois qui en découlent.

13.Article 20, pages 17 et 18 :

a)à la page 17, remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« (3) Le ministre radie de la liste une substance et les ren- »;

b)à la page 17, remplacer les lignes 23 à 25 par ce qui suit :

« seignements la concernant si, selon le cas :

a) un décret d’inscription de la substance sur la liste des substances toxiques de l’annexe 1 est pris en vertu du paragraphe 90(1);

b) les ministres ne la soupçonnent plus d’être potentiellement toxique. »;

c)à la page 18, remplacer les lignes 1 à 4 par ce qui suit :

« (2) Les ministres étudient la demande et décident d’ajouter la substance au plan élaboré au titre de l’article 73 ou de refuser la demande.

(2.1) Dans les quatre-vingt-dix jours suivant la présentation de la demande, le ministre informe le demandeur de la décision prise ainsi que des motifs à l’appui de la décision et de la suite que les ministres entendent y donner. ».

14.Article 21, page 20 : ajouter, après la ligne 34, ce qui suit :

« (8) Dans le cas où plus de deux ans se sont écoulés depuis la publication de la déclaration visée à l’alinéa (1)a) sans que les ministres n’aient publié la déclaration prévue à l’alinéa (6)b), le ministre publie dans le Registre une déclaration faite conjointement par les ministres qui précise les raisons d’un tel délai ainsi que l’échéancier envisagé pour la publication de la déclaration visée à l’alinéa (6)b). ».

15.Article 22, page 21 :

a)remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« quents, le ministre publie la déclaration modifiée, motifs à l’appui, dans le »;

b)ajouter, après la ligne 23, ce qui suit :

« (3) Le ministre incorpore au rapport annuel visé à l’article 342 un rapport sur les progrès réalisés en vue de l’élaboration de tout projet de texte subséquent.

(4) L’incorporation visée au paragraphe (3) comprend la mise à jour des échéanciers envisagés et les raisons de tout changement aux échéanciers. ».

16.Article 29, page 25 : remplacer la ligne 2 par ce qui suit :

« crite sur la liste des substances toxiques de l’annexe 1, y compris les mesures menant à l’utilisation de solutions de rechange qui sont plus sécuritaires ou plus durables pour l’environnement et la santé humaine, les ».

17.Article 39, page 31 :

a)remplacer les lignes 2 à 13 par ce qui suit :

« peut inscrire sur la liste intérieure tout organisme vivant :

a) inscrit sur la version de la liste révisée des substances commercialisées établie par le ministre de la Santé au terme du processus de désignation de substances ayant pris fin le 3 novembre 2019 et à laquelle on réfère à titre de liste permanente dans la Gazette du Canada, Partie I, volume 152, numéro 44;

b) n’étant pas assujetti à une condition précisée au titre de l’alinéa 109(1)a).

(2) Il peut, par arrêté, déléguer à toute personne — ou catégorie de personnes — le pouvoir que le paragraphe (1) lui confère. »;

b)remplacer les lignes 16 à 19 par ce qui suit :

« graphes 105(1), 105.1(1) ou 112(1) qu’il estime ne pas être fabriqué ou importé au Canada. ».

18.Nouvel article 39.01, page 31 : ajouter, après la ligne 29, ce qui suit :

« 39.01 Le paragraphe 106(9) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(9) Le ministre publie dans la Gazette du Canada, dans les meilleurs délais possible, le nom des bénéficiaires de l’exemption et le type de renseignements en cause. ».

19.Article 39.1, pages 31 et 32 : remplacer le passage commençant à la ligne 30, page 31, et se terminant à la ligne 14,page 32, par ce qui suit :

« 39.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 108, de ce qui suit :

108.1 (1) Si les renseignements que les ministres évaluent au titre des paragraphes 108(1) ou (2) concernent un animal vertébré, ou un organisme vivant — ou groupe d’organismes vivants — visé par règlement, les ministres consultent toute personne intéressée avant l’expiration du délai d’évaluation de ces renseignements.

(2) Avant de mener la consultation, le ministre publie de toute façon qu’il estime indiquée un avis de consultation. ».

20.Article 44.1, page 35 : remplacer les lignes 22 à 26 par ce qui suit :

« g.1) désigner un organisme vivant ou un groupe d’organismes vivants pour l’application du paragraphe 108.1(1); ».

21.Article 50, page 39 : remplacer les lignes 15 à 17 par ce qui suit :

« (2) La demande de confidentialité est motivée eu égard aux critères établis aux alinéas 20(1)a) à d) de la Loi sur l’accès à l’information et présentée par écrit. Elle contient aussi les renseignements supplémentaires prévus par règlement.

(3) Le ministre examine un échantillon représentatif et statistiquement valide de demandes accordées en vertu du paragraphe (1) et vérifie, pour chaque demande, si la personne qui l’a présentée avait démontré qu’elle concernait l’un ou l’autre des éléments suivants :

a) les secrets industriels de toute personne;

b) les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par toute personne;

c) les renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à toute personne ou de nuire à sa compétitivité;

d) les renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par toute personne en vue de contrats ou à d’autres fins.

(4) Si le ministre conclut que la personne qui a présenté la demande n’avait pas démontré que celle-ci, en tout ou en partie, concernait les renseignements visés à l’un ou l’autre des alinéas (3)a) à d), la demande, relativement à toute partie qui ne concerne pas de tels renseignements, est réputée ne pas avoir été présentée.

(5) Dans le rapport annuel visé à l’article 342, le ministre indique le nombre de demandes présentées en vertu du paragraphe (1), le nombre de demandes examinées ainsi que le nombre de demandes qui ont été réputées ne pas avoir été présentées, en tout ou en partie, et inclut un résumé des renseignements communiqués au titre des articles 315 à 317.2.

(6) Le ministre peut, par arrêté, déléguer à toute personne — ou catégorie de personnes — les attributions que le présent article lui confère. ».

22.Article 53, pages 40 et 41 :

a)à la page 40, remplacer la ligne 1 par ce qui suit :

« 317.1 (1) Le ministre peut communiquer la dénomina- »;

b)à la page 40, remplacer la ligne 14 par ce qui suit :

« (2) Le ministre peut communiquer la dénomination bio- »;

c) à la page 40, remplacer la ligne 27 par ce qui suit :

« (3) Le ministre communique la dénomination chi- »;

d) à la page 41, ajouter, après la ligne 29, ce qui suit :

« 317.3 Le ministre incorpore au rapport annuel visé à l’article 342 un rapport concernant les dénominations chimiques ou biologiques de substances et les dénominations biologiques d’organismes vivants qu’il a communiquées en vertu des articles 317.1 ou 317.2. ».

23.Article 55, pages 41 et 42 :

a)à la page 41, remplacer la ligne 32 par ce qui suit :

« 55 Les paragraphes 332(1) et (2) de la même »;

b)à la page 42, supprimer les lignes 16 à 35.

24.Article 57, pages 43 et 44 : remplacer le passage commençant à la ligne 15,page 43, et se terminant à la ligne 3,page 44, par ce qui suit :

« 342.1 Le ministre incorpore au rapport annuel visé à l’article 342 les renseignements relatifs aux points suivants :

a) les consultations effectuées avec les peuples et les gouvernements autochtones, y compris le résumé des principales questions soulevées sur des questions régies par la présente loi;

b) l’exécution de la présente loi en ce qui concerne les peuples et les gouvernements autochtones, y compris les mesures prises pour favoriser la réconciliation selon l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones;

c) les principales conclusions et recommandations de tout rapport fait en vertu d’une loi fédérale en ce qui concerne l’exécution de la présente loi relativement aux peuples et aux gouvernements autochtones. ».

25.Article 67.1, page 51 : supprimer l’article 67.1.

26.Annexe 1, page 53 : supprimer « article 68.1 » aux renvois qui suivent l’intertitre « ANNEXE 1 ».

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que, en ce qui concerne le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane, le Sénat accepte les amendements apportés par la Chambre des communes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion qui propose que le Sénat accepte le message de l’autre endroit sur le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Avant d’expliquer en détail les raisons du message, j’aimerais prendre un instant pour remercier nos collègues de l’autre endroit de l’étude et l’examen approfondis qu’ils ont faits du projet de loi. J’aimerais aussi souligner les contributions de Canadiens, notamment des représentants d’organisations autochtones, de la société civile, du milieu universitaire et d’associations industrielles, qui ont livré des témoignages, présenté des mémoires et suivi les discussions qui étaient parfois très complexes tout au long du processus parlementaire. Vos contributions ont permis de renforcer et d’améliorer le projet de loi S-5 et nous ont aidés à accomplir notre travail de parlementaires. Le projet de loi S-5 est meilleur grâce à ces contributions.

L’amorce du présent débat nous rapproche de la promulgation du projet de loi S-5. Comme vous le savez, le projet de loi S-5 a été présenté au Sénat le 9 février 2022. En plus d’avoir reçu 75 mémoires dans le cadre de son étude de plus de 20 heures, le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a adopté 39 amendements visant à améliorer et à renforcer le projet de loi. Le Sénat l’a ensuite adopté à l’étape de la troisième lecture le 22 juin, l’année dernière.

Depuis lors, après de nouveaux débats et de nouvelles études, le projet de loi a été renforcé par de nouveaux amendements à l’autre endroit. La Chambre a reçu 30 mémoires et tenu 15 réunions. Elle a accepté 22 des amendements du Sénat, tandis que les 17 amendements restants ont été soit clarifiés, soit modifiés à nouveau, soit rejetés.

Chers collègues, cela confirme une fois de plus le respect pour le travail que le Sénat a réalisé en appliquant un second examen objectif à d’importantes propositions législatives. Alors que nous examinons le projet de loi S-5 à ce stade-ci, je donnerai un aperçu de son évolution depuis la dernière fois qu’il a été examiné au Sénat, il y a près d’un an.

[Français]

Commençons par le droit à un environnement sain. L’année dernière, le Sénat a apporté plusieurs améliorations à ces dispositions, dont beaucoup ont été acceptées à l’autre endroit. Par exemple, avec l’amendement de la sénatrice Galvez, le Sénat a remplacé l’approche proposée, qui aurait « équilibré » le droit avec d’autres facteurs, par l’approche plus familière qui consiste à rendre le droit « soumis à des limites raisonnables » et à exiger que le cadre de mise en œuvre précise ces limites raisonnables.

(1750)

De même, en acceptant un autre amendement de la sénatrice Galvez, le comité a ajouté le principe de l’équité intergénérationnelle à la liste des principes à prendre en considération dans l’administration de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et a veillé à ce que le cadre de mise en œuvre élabore les mécanismes visant à soutenir la protection de ce droit.

Je suis heureux de dire que ces ajouts ont été conservés dans le projet de loi et que nos collègues de l’autre endroit ont apporté des changements supplémentaires qui renforcent cet aspect du projet de loi S-5.

Par exemple, ils ont défini le concept d’environnement sain comme un environnement propre, sain et durable. Le cadre de mise en œuvre précisera ce que cela signifie pour ce droit spécifique afin qu’il soit considéré au premier plan pour la prise de décisions dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

[Traduction]

Je vais maintenant aborder un autre aspect important du projet de loi S-5 : les amendements apportés au sujet du travail vital de promotion de la réconciliation avec les Autochtones. Dans sa version initiale, le projet de loi S-5 confirmait l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. À cet égard, j’aimerais souligner les interventions et les motions présentées par la sénatrice McCallum pour veiller à ce que ce projet de loi reconnaisse comme il se doit les droits et les intérêts des peuples autochtones.

En ce sens, le comité sénatorial a accepté les amendements de la sénatrice McCallum visant à ajouter des références dans le préambule au « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » et à l’importance « des connaissances autochtones dans l’élaboration des décisions liées à la protection de l’environnement et de la santé humaine ». Ces amendements ont été acceptés par l’autre endroit et demeurent dans la version du projet de loi S-5 que nous examinons aujourd’hui.

Notre comité, à la suite d’un amendement proposé par le sénateur Arnot, a également ajouté une nouvelle obligation pour le ministre de l’Environnement et du Changement climatique de présenter au Parlement, tous les cinq ans, un rapport sur l’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement en ce qui concerne les peuples autochtones du Canada. Nos collègues de l’autre endroit ont modifié cet amendement pour exiger un rapport tous les ans, plutôt que tous les cinq ans, et ont clarifié la portée des conclusions et des recommandations que doit comprendre ce rapport. À mon avis, ces modifications renforcent le travail proposé à l’origine au Sénat en exigeant des rapports plus fréquents et en clarifiant leur contenu.

Ce projet de loi aborde un autre dossier important : la réduction du recours aux essais sur les animaux, une priorité pour le gouvernement. Toutefois, tel que présenté, le projet de loi S-5 ne comprenait qu’une promesse générale à cet effet. Jugeant que le gouvernement peut en faire plus, le Sénat a ajouté d’importantes exigences partout dans le projet de loi afin d’accélérer les efforts visant à remplacer, réduire ou raffiner l’utilisation d’animaux vertébrés. Je tiens particulièrement à souligner les efforts de la sénatrice Galvez et d’autres afin qu’on accorde la priorité à des situations émergentes comme celle-ci et qu’on renforce la nécessité de presser le pas afin d’éliminer les essais sur les animaux. Je suis heureux de dire que bon nombre de ces amendements ont été acceptés par l’autre endroit.

Je vais maintenant passer aux dispositions sur la gestion des produits chimiques. Un thème important du projet de loi S-5 est la protection des populations vulnérables, c’est-à-dire des populations pouvant être plus sensibles ou plus exposées à des produits chimiques dangereux. Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a entendu des témoignages importants à l’appui de ces amendements, mais certains ont aussi laissé entendre qu’il faudrait reconnaître le concept d’environnement vulnérable. Je suis heureux de constater que l’autre endroit a conservé les amendements du Sénat — ceux présentés par la sénatrice McCallum — qui ont ajouté ce concept dans le projet de loi.

Cela m’amène à parler de la question précise des bassins de résidus. L’an dernier, le comité sénatorial a adopté la proposition de la sénatrice McCallum d’ajouter des renseignements précis sur les bassins de résidus et la fracturation hydraulique à la liste non exhaustive de renseignements que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique peut exiger. Le Sénat, dans son ensemble, a adopté cet amendement à l’étape de la troisième lecture. Initialement, ces amendements ont été annulés par le comité de l’autre endroit au motif qu’ils étaient redondants, et que de tels renseignements pouvaient être et, en fait, étaient déjà recueillis par Environnement et Changement climatique Canada. Cependant, des événements récents en Alberta ont fait ressortir l’importance de bien comprendre les risques pour l’environnement et la santé humaine des bassins de décantation, et ces importants amendements apportés par le Sénat ont été rétablis à l’autre endroit à l’étape du rapport.

Bien que certains sénateurs puissent avoir certaines réserves concernant la décision prise à l’autre endroit d’annuler la décision de son propre comité, le résultat en est que l’autre endroit a accepté l’amendement que nous les sénateurs avions déjà adopté.

[Français]

L’autre endroit a également maintenu les amendements du Sénat qu’ont proposés les sénateurs Kutcher et Galvez, qui visent à clarifier les processus et les approches destinés à soutenir le passage à des produits chimiques plus sûrs.

Comme je l’ai mentionné plus tôt dans mon discours, au-delà des 22 amendements du Sénat qui ont été conservés, certains amendements du Sénat ont été revus ou ajustés à l’autre endroit.

Par exemple, nos collègues de l’autre endroit ont trouvé que les amendements du Sénat aux dispositions relatives à la planification de la prévention de la pollution faisaient double emploi avec des pouvoirs qui existent déjà en vertu de la loi, ce qui risquait d’embrouiller le processus de mise en œuvre de ces plans. Ces amendements provoquent également des problèmes techniques.

Le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de l’autre endroit a clarifié ce point en remplaçant ces amendements par une approche qui renforce les dispositions en permettant aux plans de prévention de la pollution de donner la priorité à l’identification, au développement ou à l’utilisation de substances ou de produits plus sûrs ou plus durables à la substance ou au produit en question.

L’honorable Claude Carignan : Le représentant du gouvernement au Sénat fait un discours très intéressant, mais il le prononce à une vitesse incroyable. Les pauvres personnes qui font la traduction ont de la difficulté à suivre le même débit. Je comprends qu’il veut procéder rapidement, mais il pourrait peut-être s’exprimer avec un débit plus lent, au bénéfice de la traduction.

Son Honneur la Présidente : Je crois que le sénateur Carignan apporte un bon point. Ce serait bien de ralentir un peu le débit.

Le sénateur Gold : Avec plaisir, chers collègues.

Je présente mes excuses aux interprètes.

Il permet également au ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’exiger des personnes qu’elles fournissent des rapports écrits sur les progrès de la mise en œuvre de ces plans.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je tiens aussi à passer en revue une série d’amendements visant à accroître la transparence, la reddition de comptes et la participation du public en vertu de la loi. Il s’agit d’une question essentielle qui a été soulevée par de nombreux intervenants et témoins, particulièrement en vertu de la partie 6 de la loi, qui prévoit l’évaluation et la gestion des nouveaux organismes vivants, souvent décrits comme des organismes génétiquement modifiés.

Il y a eu passablement de témoignages et de débats dans cette enceinte à propos d’une certaine décision réglementaire concernant une espèce de saumon génétiquement modifié. Cela a mené à l’adoption des amendements proposés par le sénateur Dennis Patterson, des amendements qui s’éloignent de l’approche fondée sur les risques par rapport à l’évaluation des nouveaux organismes vivants. Plus précisément, ces amendements exigent que les ministres déterminent s’il y a un besoin manifeste pour un nouvel organisme vivant. Ce jugement de valeur subjective est un nouveau concept non défini qui va au-delà de la portée du mandat du gouvernement en matière d’évaluation des nouveaux organismes vivants. Cela représente un écart marqué de l’approche fondée sur les risques prévue dans la loi.

Les amendements du Sénat exigent également que les ministres veillent à ce que le public participe réellement à l’évaluation des nouveaux organismes vivants, sans aucune indication de ce que l’on entend par cette démarche. Nos collègues de l’autre endroit ont ajusté ces amendements, tout en conservant l’esprit de la proposition initiale. Leurs changements serviront à augmenter la participation du public dans les évaluations de certains organismes vivants en vertu de la partie 6, en particulier les animaux vertébrés et autres organismes vivants visés par la réglementation. Pour ce faire, les ministres sont tenus de publier un avis de consultation, en plus de consulter les personnes intéressées pendant la période d’évaluation.

Enfin, le comité a adopté les amendements proposés par la sénatrice Galvez et le sénateur Dennis Glen Patterson sur la transparence, la participation du public, la reddition de comptes et la production de rapports. Les amendements comprennent ces éléments afin d’élargir la portée des renseignements qui doivent être publiés dans le registre environnemental et obliger le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie à déposer au Parlement un rapport concernant les marchandises fabriquées et importées.

[Français]

Le comité a, par ailleurs, adopté des amendements à ces dispositions afin de préciser le fonctionnement et le champ d’application des documents publiés sur le registre.

Le comité de l’autre endroit a également supprimé la disposition ajoutée par le Sénat, qui aurait exigé que le ministre de l’Industrie dépose un rapport sur les produits manufacturés et importés. Après un examen plus approfondi à l’autre endroit, on a conclu que le contenu du rapport était vague et ne relevait pas du mandat du ministre de l’Industrie.

À cet égard, je voudrais vous rappeler que le gouvernement est en train d’élaborer une vaste stratégie d’étiquetage qui devrait être publiée dans le courant de l’année.

Le comité a également accepté l’amendement de la sénatrice Miville-Dechêne sur le régime des informations commerciales confidentielles. Plus précisément, il s’agit de supprimer l’exception relative à l’obligation de fournir des motifs lors de la présentation d’une demande de confidentialité. Le comité a apporté d’autres amendements dans ce domaine, pour exiger que les raisons soumises avec les demandes de confidentialité répondent aux critères de la Loi sur l’accès à l’information et pour s’assurer que ces demandes sont effectivement validées par le ministre.

Pour souligner ces amendements relatifs à l’ouverture et à la transparence, le comité de l’autre endroit a ajouté un engagement à cet effet dans le préambule de la loi.

(1800)

Son Honneur la Présidente : Je regrette de vous interrompre, sénateur Gold.

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures et, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que les honorables sénateurs consentent à ne pas tenir compte de l’heure.

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Non.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane, le Sénat accepte les amendements apportés par la Chambre des communes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, en ce qui concerne ce message, il s’agit, à mon humble avis, d’un message respectueux de la Chambre qui valorise et valide le bon et important travail que nous avons accompli au Sénat pour améliorer le projet de loi.

Dans le discours que j’ai fait plus tôt ce soir, j’ai parlé de certains des amendements acceptés qui ont consolidé l’engagement envers le droit à un environnement sain, un droit abordé pour la première fois dans un projet de loi en matière d’environnement. J’ai parlé du fait que les amendements que nous avons présentés et qui ont été adoptés par la Chambre contribuent aux progrès importants en matière de réconciliation, que les amendements du Sénat renforcent les dispositions du projet de loi visant à réduire notre dépendance aux essais sur les animaux et, bien sûr, que le projet de loi modernise de façon importante le régime de gestion de l’évaluation des risques et la gestion des risques liés aux substances toxiques, qui est au cœur de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement depuis sa création.

C’est ce qui m’amène à ma conclusion.

Chers collègues, le projet de loi S-5 a été bonifié par l’étude rigoureuse menée par les deux Chambres et par la participation des Canadiens au processus législatif. Les modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement donneront aux Canadiens un régime de protection environnementale adapté aux problèmes du XXIe siècle, aux connaissances scientifiques du XXIe siècle, et j’ajouterais aux exigences du XXIe siècle en matière de transparence, de surveillance et d’examen.

Deux éléments très importants du projet de loi S-5, soit le cadre de mise en œuvre du droit à un environnement sain et le plan des priorités de gestion des produits chimiques, doivent être élaborés dans les deux ans suivant la date de sa sanction royale.

C’est pourquoi, chers collègues, je vous encourage tous à approuver le message sur le projet de loi S-5 afin que nous puissions commencer l’important travail de mise en œuvre. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler de l’adoption du projet de loi S-5, qui modernise la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

La dernière fois que je vous ai parlé de ce projet de loi, c’était à l’étape de la troisième lecture, ici au Sénat, à la même époque l’année dernière. Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles venait de le renvoyer avec des amendements importants qui renforçaient de nombreux aspects du projet de loi et, dans certains cas, y introduisaient de nouveaux éléments. De même, nos collègues de l’autre endroit ont étudié le projet de loi de manière critique et l’ont également amélioré. Le Sénat et nos collègues de l’autre endroit ont travaillé ensemble pour veiller à ce que le projet de loi assure une meilleure protection de l’environnement et de la santé pour les Canadiens, en particulier pour ceux qui sont le plus à risque.

Je suis fier de soutenir ce projet de loi et j’invite instamment tous les sénateurs à voter en faveur de son adoption, sous la forme proposée par l’autre endroit, dans les plus brefs délais. Le gouvernement pourra alors commencer l’important travail de mise en œuvre en collaboration avec les principaux partenaires, le public et les parties prenantes. Je voudrais aborder plusieurs points qui ont fait l’objet d’une attention particulière lors de l’examen du projet de loi S-5 par le Sénat.

Bien que les discussions ne se soient pas limitées à ces aspects, il est évident que les sénateurs étaient préoccupés par les questions suivantes : premièrement, le droit à un environnement sain; deuxièmement, la réduction du recours aux essais sur les animaux; troisièmement, l’ouverture et la transparence; et dernier point, et non le moindre, la réconciliation avec les Autochtones.

Le Sénat a également fait remarquer que pour que ce projet de loi fonctionne correctement, le gouvernement doit investir dans le renforcement des capacités canadiennes de recherche environnementale afin qu’on puisse effectuer les travaux scientifiques nécessaires à l’atteinte des objectifs du projet de loi.

Quant au droit à un environnement sain, le Sénat a apporté un amendement afin qu’il ne soit plus question de le « soupeser » mais plutôt de le soumettre « à des limites raisonnables », ce qui est un concept plus familier. Le cadre de mise en œuvre de ce droit doit préciser les limites en question, ainsi que donner plus de détails sur le principe de l’équité intergénérationnelle et les mécanismes requis pour appuyer la protection de ce droit.

En ce qui concerne le cadre de mise en œuvre — qui, comme vous vous en souvenez peut-être, doit être élaboré dans les deux ans qui suivent la sanction royale et préciser la façon de considérer ce droit dans l’exécution de la loi — nos collègues de l’autre endroit y ont apporté des amendements supplémentaires, par exemple en vue de définir le principe de l’équité intergénérationnelle comme un principe permettant de « répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromette la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs » et de préciser qu’un environnement sain est « propre, sain et durable ».

Ces amendements précieux s’appuient sur le travail des sénateurs et donnent une orientation claire au cadre de mise en œuvre. Les amendements apportés par les deux Chambres garantiront que ce droit est pris en compte dans les décisions prises aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et qu’il est conçu d’une manière qui offre plus de certitude.

Un autre domaine sur lequel le Sénat a concentré son attention est la réduction du recours aux essais sur les animaux. Le Comité sénatorial de l’énergie a ajouté plusieurs nouvelles dispositions visant à remplacer, à réduire ou à raffiner l’utilisation d’animaux vertébrés dans les essais de toxicité.

Nos collègues de l’autre endroit ont conservé l’essence de ces amendements fort utiles et ont procédé à quelques ajustements mineurs pour que ces dispositions puissent être mises en œuvre d’une manière qui reflète le travail plus large qui est en cours dans l’ensemble du gouvernement sur cette question importante. Par exemple, le plan des priorités de gestion des produits chimiques doit inclure une stratégie visant à promouvoir l’élaboration et l’utilisation de méthodes n’exigeant pas le recours à des animaux vertébrés. Les députés ont apporté des amendements pour préciser que l’application de cette stratégie peut ne pas se limiter au seul cadre de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et inclure des activités et des initiatives prévues par d’autres lois fédérales, telles que la Loi sur les aliments et drogues.

Depuis ma dernière intervention à ce sujet, le gouvernement a réaffirmé son engagement à mettre fin aux essais de cosmétiques sur les animaux dans le budget fédéral de 2023 au moyen de modifications à la Loi sur les aliments et drogues proposées dans le projet de loi C-47. Il s’agit donc d’un élément qui pourrait figurer dans cette stratégie.

Chers collègues, les amendements au projet de loi sur cette question précisent que la priorité du gouvernement est de remplacer complètement les essais sur les animaux vertébrés dès que possible, et lorsque d’autres méthodes scientifiquement légitimes existent. Dans les cas où la science n’est pas encore assez avancée pour remplacer complètement les essais sur les animaux vertébrés, on réduira le nombre d’animaux testés et on parfera les méthodes pour réduire le plus possible la douleur et la souffrance de ces animaux.

J’en viens au plan des priorités de gestion des produits chimiques qui, comme vous vous en souviendrez, est une des principales modifications proposées par le projet de loi S-5. Ce plan vise à moderniser l’approche du Canada en matière de gestion des produits chimiques. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et le ministre de la Santé doivent élaborer ce plan en consultation avec les parties prenantes dans les deux ans suivant la sanction royale. On établira ainsi un plan pluriannuel intégré pour évaluer les risques que présentent des produits chimiques ainsi que des mesures de gestion des risques, des travaux de recherche connexe et de la collecte d’informations, entre autres activités et initiatives.

En ce qui concerne ce plan, des amendements ont été adoptés par le Sénat pour éclaircir les avantages des méthodes basées sur les classes dans l’évaluation des produits chimiques, notamment comme moyen d’éviter les cas de « substitutions regrettables », lorsqu’on interdit un produit chimique pour le remplacer par un autre produit chimique tout aussi nocif, voire pire. Les méthodes d’évaluation par classe permettent d’atténuer ce risque, et je crois savoir que le gouvernement a récemment publié un rapport provisoire et proposé des options de gestion des risques pour une classe de plus de 4 700 substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.

Nos collègues de l’autre endroit ont apporté d’autres amendements à l’égard du plan, notamment pour exiger qu’il comprenne un échéancier en matière de reddition de comptes et qu’il soit soumis à un examen tous les huit ans.

Il y a un autre aspect important qui a été considéré dans les deux Chambres soit la façon de rendre les choses plus ouvertes et transparentes en ce qui a trait à la protection de l’environnement et de la santé. Je suis heureux de voir que des modifications à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement ont été adoptées au Sénat et à l’autre endroit. En travaillant ensemble, nous avons créé un régime plus ouvert et transparent en ce qui a trait au traitement des renseignements commerciaux confidentiels visés par la loi. Au Sénat, nous avons retiré une exception prévue dans le projet de loi qui aurait pu servir à assouplir les dispositions de la loi qui obligent une personne à justifier sa demande de confidentialité.

D’autres amendements ont été proposés, mais ils n’ont finalement pas été adoptés au Sénat. Cependant, nos collègues de l’autre endroit se sont inspirés de certaines de ces propositions et ont adopté leurs propres amendements. Ces amendements exigent que les demandeurs justifient leurs demandes de confidentialité sur la base des critères de la Loi sur l’accès à l’information et que le ministre examine et valide un échantillon statistiquement représentatif des demandes de confidentialité soumises en vertu de la loi et qu’il rende compte chaque année des résultats de ce travail. Il s’agit là de changements importants.

(2010)

Enfin, nous avons entendu des préoccupations importantes au Sénat concernant les problèmes persistants que la pollution cause aux peuples autochtones, ainsi que la nécessité de prendre en compte les obligations liées à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à l’engagement du gouvernement en faveur de la réconciliation. Je suis fier de dire que des amendements ont été adoptés ici et confirmés à l’autre endroit pour ajouter des références au « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » dans le contexte de cette déclaration afin de confirmer le rôle du savoir autochtone dans la prise de décision et d’exiger un rapport annuel sur le fonctionnement et l’administration de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement en relation avec les peuples et les gouvernements autochtones, ce qui devrait permettre une compréhension plus globale de la façon dont la réconciliation progresse dans le cadre de tous les programmes que prévoie la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Depuis la dernière fois où j’ai pris la parole au Sénat au sujet de ce projet de loi, de tristes événements sont survenus à la mine de sables bitumineux de Kearl, en Alberta. Ces événements soulignent l’importance des amendements qui ont été adoptés au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, mais qui ont été retirés à l’étape de l’étude en comité à l’autre endroit. Ces amendements ajoutaient la mention explicite des bassins de résidus et de la fracturation hydraulique à la liste d’activités pour lesquelles le ministre de l’Environnement et du Changement climatique peut recueillir des renseignements et les communiquer. Ces modifications permettraient au ministre d’obliger des personnes à fournir de l’information sur les bassins de résidus et la fracturation hydraulique.

Honorables sénateurs, je suis heureux de dire que nos collègues de l’autre endroit ont mené leur propre second examen objectif sur cette question et qu’ils ont voté pour rétablir ces amendements à l’étape du rapport. Comme vous le verrez, la version du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui ajoutera ces nouveaux alinéas sous le paragraphe 46(1) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Comme je l’ai mentionné au début de mon intervention, une fois que le projet de loi S-5 aura reçu la sanction royale, d’importants efforts seront déployés pour le mettre en vigueur dans son intégralité. Il s’agira par exemple d’élaborer le cadre de mise en œuvre du droit à un environnement sain au titre de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, de même qu’un plan définissant des priorités en matière de gestion des produits chimiques, en consultation avec les Canadiens. Une fois que ce projet de loi aura reçu la sanction royale, le gouvernement sera en mesure de conseiller ses partenaires, les parties prenantes et le public sur la façon dont ils peuvent prendre part à ces processus cruciaux.

Cependant, il reste du travail à faire afin que le Canada puisse mener les recherches scientifiques nécessaires pour donner suite aux modifications apportées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Plus précisément, il faut renforcer considérablement notre capacité de biosurveillance et d’évaluation de la toxicité, y compris la toxicogénomique. Il faut des études longitudinales de grande envergure, désagrégées et basées sur la population pour déterminer les effets sur la santé des produits chimiques tout au long de leur durée de vie. Il faut des biobanques qui fonctionnent bien pour pouvoir déterminer les effets cumulatifs des substances au fil du temps, ainsi que de grands ensembles de données et des analyses complexes de ces dernières pour pouvoir faire des inférences de causalité.

Tous ces éléments nécessaires à l’amélioration de la recherche environnementale doivent être cités et gérés de manière appropriée, financés et créés en collaboration avec notre milieu universitaire et les communautés autochtones. Ce travail doit commencer dès que le projet de loi recevra la sanction royale.

Les discussions qui ont eu lieu tout au long du processus parlementaire ont joué un rôle déterminant dans l’amélioration de cette mesure législative. Je tiens à remercier les sénateurs et nos collègues de l’autre endroit pour ce travail précieux. Je suis fier de soutenir ce projet de loi et j’invite les sénateurs à voter dès maintenant en faveur de son adoption afin qu’il puisse recevoir la sanction royale sans plus tarder.

Merci, wela’lioq.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable Hassan Yussuff : Quand je me suis réveillé ce matin, je n’arrivais pas à me rappeler où j’en étais resté hier. Puis, en chemin, je m’en suis souvenu.

Je suis certain que mon ami le sénateur Plett a hâte que je termine mon discours.

Je tiens à être clair : il n’y a aucune obligation pour les victimes de recourir à cette loi. C’était dans la partie que j’ai lue, les dispositions du projet de loi sur le signalement préventif, qui seront là pour offrir une protection supplémentaire.

Je voudrais aujourd’hui vous faire part de quelques autres statistiques pertinentes. Nous savons que plus les armes à feu sont disponibles, plus le risque d’homicide et de suicide est élevé. Les armes de poing sont les armes à feu les plus utilisées dans les homicides. Les suicides par arme à feu ont représenté 73 % de tous les décès par arme à feu au Canada entre 2000 et 2020. Au cours de cette période, quelque 11 000 personnes ont mis fin à leurs jours.

Depuis 2010, nous avons recensé près de 16 000 incidents criminels violents commis à l’aide d’armes à feu au Canada. La réduction du nombre d’armes de poing et d’armes d’assaut dans notre société permettra de faire baisser le nombre de victimes de violence par arme à feu.

J’espère que nous pourrons trouver un accord sur un autre volet important de ce projet de loi dont je voudrais parler maintenant, à savoir les mesures visant à lutter contre la contrebande et le trafic d’armes à feu.

La contrebande des armes à feu au Canada reste une menace importante pour la sécurité des Canadiens et a un effet direct sur la violence liée aux armes à feu qui sévit d’un bout à l’autre du pays. En 2021, l’Agence des services frontaliers du Canada a saisi plus de 1 100 armes à feu, soit plus du double qu’en 2020, ce qui inclut la saisie de 66 armes à feu prohibées au poste frontalier du pont Blue Water, à Sarnia, en Ontario, une des plus importantes saisies d’armes à feu dans le Sud de l’Ontario ces dernières années.

Plus récemment, l’Agence des services frontaliers du Canada a travaillé avec des partenaires afin de saisir 46 armes à feu prohibées ou à utilisation restreinte dans une halte routière à Cornwall, en Ontario.

Le projet de loi C-21 s’attaque à la contrebande et au trafic à la frontière en augmentant les peines criminelles maximales pour la contrebande et le trafic d’armes à feu, les faisant passer de 10 à 14 ans d’emprisonnement, en donnant plus d’outils aux forces de l’ordre pour enquêter sur les crimes liés aux armes à feu et en renforçant les mesures de sécurité à la frontière.

Le fait d’augmenter les peines maximales pour les infractions liées à la contrebande et au trafic d’armes à feu enverra un message aux criminels tout en indiquant aux tribunaux que le Parlement dénonce sans équivoque ces crimes.

L’Association canadienne des chefs de police a appuyé ces mesures lorsqu’il en a été question dans le cadre de l’examen du projet de loi en comité à l’autre endroit. Selon son représentant :

En ce qui concerne la contrebande et le trafic d’armes à feu, nous appuyons la mise en œuvre de nouvelles infractions liées aux armes à feu, l’intensification des contrôles frontaliers et le renforcement des sanctions pour aider à dissuader les activités criminelles et à combattre la contrebande et le trafic d’armes à feu, réduisant ainsi le risque que des armes à feu illégales se retrouvent dans les communautés canadiennes et soient utilisées pour commettre des infractions criminelles. L’[Association canadienne des chefs de police] accueille favorablement les changements qui fournissent de nouvelles autorisations et de nouveaux outils à la police pour accéder aux informations sur les détenteurs de permis dans le cadre d’enquêtes sur des personnes soupçonnées de mener des activités criminelles, comme l’achat par personne interposée et le trafic d’armes.

Cela me ramène aux amendements proposés récemment au projet de loi C-21. Ils ont été adoptés à l’autre endroit, à l’étape de l’étude en comité, et ils comprennent notamment une nouvelle définition des caractéristiques des armes à feu de style arme d’assaut ainsi que la reconnaissance et le respect des droits ancestraux ou issus des traités des peuples autochtones. Ces amendements s’appuient sur des discussions avec des intervenants partout au pays, dont des chasseurs, des piégeurs, des membres des Premières Nations, des Inuits, des Métis, des résidants des régions rurales et nordiques, et des tireurs sur cible.

(2020)

Honorables collègues, dans toutes les régions du pays, vous trouverez d’habiles chasseurs expérimentés qui seront ravis de vous parler de la chasse pendant des heures et qui vous diront que c’est pour eux bien plus qu’un loisir : c’est un mode de vie qui fait partie intégrante de leur culture et qui se transmet de génération en génération.

C’est pour cela qu’à mon sens, ces plus récents amendements fournissent des précisions et des protections pour les propriétaires d’armes à feu responsables.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Yussuff : De plus, ils reflètent l’important point de vue culturel des peuples autochtones de l’ensemble du pays. Le projet de loi respecte et reconnaît la place importante que la chasse occupe dans les traditions et la culture des communautés autochtones. Le gouvernement reconnaît aussi l’importance de consulter les peuples autochtones et de collaborer avec eux pour veiller à ce que les lois fédérales s’accordent avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Le gouvernement se fonde sur une définition technique prospective afin d’empêcher les armes d’assaut d’entrer dans les collectivités, mais ce projet de loi comprend aussi des dispositions qui indiquent expressément et clairement qu’aucun aspect de cette définition ne doit aller à l’encontre des droits conférés aux peuples autochtones au titre de l’article 35 de la Constitution.

Par ailleurs, le gouvernement se dit toujours prêt à continuer de travailler avec les communautés autochtones et à entretenir avec elles un dialogue ouvert au sujet des conséquences imprévues que le projet de loi pourrait avoir pour les peuples autochtones. Si le projet de loi est adopté au Sénat et à la Chambre, il y aura quand même d’autres possibilités de collaboration avec les communautés autochtones.

Le gouvernement s’est engagé à continuer de prendre en considération les avis et les points de vue de divers groupes autochtones, qui seront évidemment consultés au cours du processus de réglementation et de la mise en œuvre de certaines mesures du projet de loi.

En conclusion, honorables collègues, ce projet de loi vise à assurer la sécurité de la population. Aucun d’entre nous n’est contre cela. Comme nous le savons, il n’y a pas de mesure ou de programme qui peuvent à eux seuls mettre fin à la violence armée.

Je sais que le contrôle des armes à feu ne résoudra pas à lui seul tous les problèmes liés à la violence armée, mais il s’agit d’une pièce importante du puzzle qui changera beaucoup de choses. C’est pourquoi je pense que le projet de loi C-21 n’est qu’une des nombreuses initiatives du gouvernement visant à assurer la sécurité de nos collectivités dans l’ensemble du pays. Il vise à limiter le nombre d’armes de poing en circulation en gelant la vente, l’achat et le transfert d’armes de poing. Il crée une nouvelle définition des armes d’assaut qui ne s’applique qu’aux armes nouvellement conçues et fabriquées après l’entrée en vigueur du projet de loi.

Il instaure des mesures de signalement et d’intervention d’urgence afin de réduire la violence familiale et l’automutilation liées aux armes à feu. Il fait passer de 10 à 14 ans la peine maximale encourue par les contrebandiers et trafiquants d’armes à la frontière et prévoit des mesures contre les armes fantômes qui deviennent un grave problème dans notre pays.

En revanche, ce projet de loi ne retire aucune arme aux propriétaires légaux d’armes à feu dans ce pays, qu’il s’agisse de propriétaires d’armes de poing, de chasseurs ou de tireurs sportifs. Je tiens à préciser que si vous possédez une arme de poing légale, vous pourrez la conserver après l’entrée en vigueur de ce projet de loi. Si vous possédez une arme d’épaule légale, ce projet de loi n’a aucune incidence pour vous.

Chers collègues, comme je l’ai mentionné au début de mon intervention, j’examine ce projet de loi en essayant d’établir un juste équilibre entre les privilèges et les droits. Je tiens ensuite compte des restrictions au privilège de posséder un certain type d’arme à feu et des droits des Canadiens à un pays sûr, exempt de violence armée. Je suis convaincu que le projet est bien équilibré.

Chers collègues, j’espère qu’après avoir examiné attentivement ce projet de loi, vous conviendrez qu’il est à la fois juste et équilibré et que vous soutiendrez son renvoi en comité. Je vous remercie.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je me demande si le sénateur peut répondre à quelques questions.

Le sénateur Yussuff : Avec plaisir, mon ami.

Le sénateur Plett : Merci. Je suis convaincu que, demain, M. Gerretsen écrira encore sur Twitter que je fais obstruction au projet de loi parce que j’ai eu l’audace de poser des questions à ce sujet, comme il l’a fait alors que vous n’aviez toujours pas présenté le projet de loi. Je ne sais pas quelle sera sa réaction cette fois.

Sénateur Yussuff, vous avez mentionné le nombre de décès par arme à feu et d’autres statistiques plusieurs fois. Or, vous n’avez jamais indiqué combien de ces décès étaient liés à des armes à feu légales. Je crois que personne ici ne s’oppose à la lutte contre les armes à feu illégales. Je suis pour qu’on lutte contre ces armes. Ce ne sont pas les armes à feu légales qui posent problème, ce sont les armes à feu illégales.

Vous avez parlé de faire passer les peines de 10 à 14 ans pour la contrebande. Je voudrais comprendre, sénateur Yussuff. Vous dites que le gouvernement libéral veut augmenter les peines, alors que, au moyen du projet de loi C-5, le gouvernement libéral a abrogé les peines minimales concernant les infractions commises avec une arme à feu comme les vols qualifiés commis avec une arme à feu, l’extorsion avec une arme à feu, la décharge d’une arme à feu avec une intention particulière, l’utilisation d’une arme à feu lors de la perpétration d’un crime, la possession non autorisée d’une arme à feu en toute connaissance de cause, la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec munitions, la possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction et la décharge d’une arme à feu avec insouciance.

Si le gouvernement est déterminé à mettre fin à la criminalité commise avec des armes à feu, pourquoi abrogerait-il toutes ces peines minimales? Pourquoi n’essaierait-il pas plutôt d’augmenter ces peines plutôt que de les abroger et de cesser de s’en prendre aux propriétaires d’armes à feu respectueux des lois pour commencer à s’en prendre aux propriétaires illégitimes?

Le sénateur Yussuff : Merci de votre question, sénateur Plett.

Comme vous le savez, les tribunaux se sont prononcés sur les peines minimales. Le gouvernement en a tenu compte dans ses mesures. Mais en ce qui concerne la peine moyenne pour la contrebande et les condamnations, à l’heure actuelle, les personnes condamnées purgent en moyenne huit ans de leur peine. Comme vous le savez, et comme je l’ai dit dans mon discours, le gouvernement a signalé une nouvelle fois qu’il allait augmenter la peine pour ceux qui introduisent clandestinement des armes au pays.

Le gouvernement prend de nombreuses mesures pour lutter contre les infractions liées aux armes à feu dans les collectivités, notamment pour éviter que les jeunes prennent l’habitude de fréquenter des individus susceptibles de les pousser à commettre des infractions liées aux armes à feu. Le gouvernement a consacré beaucoup de ressources à cet effet. Il travaille dans de nombreuses localités frontalières pour mettre fin à la contrebande et sensibiliser et soutenir les policiers de première ligne pour qu’il n’y ait pas d’armes illégales au pays.

Je pense que ces efforts doivent se poursuivre aussi longtemps que nécessaire, car les criminels qui veulent faire entrer illégalement des armes à feu dans notre pays continueront à le faire. Nous devons trouver des moyens de lutter contre cela et travailler au renforcement de la loi. Ce projet de loi nous aiguille dans une certaine mesure pour que cela puisse se faire, mais, en même temps, il est question de soutenir les agents de première ligne qui font de leur mieux à nos frontières et dans d’autres régions pour pouvoir appréhender les criminels et, en fin de compte, les soumettre au système judiciaire afin qu’ils soient jugés et qu’ils purgent les peines auxquelles ils seront condamnés pour les actes qu’ils ont commis.

Le sénateur Plett : J’aimerais poser deux questions supplémentaires, à moins que quelqu’un d’autre souhaite prendre la parole. J’ai quelques questions, mais je céderai la parole à d’autres sénateurs s’ils souhaitent également intervenir.

Sénateur Yussuff, dans votre discours, vous avez dit :

La prévalence des armes de poing au Canada ne cesse d’augmenter. Entre 2010 et 2020, le nombre d’armes de poing a augmenté de 74 % pour atteindre 1 million d’armes de poing détenues par environ 275 000 personnes dans notre pays.

Des recherches indiquent qu’il y a une corrélation entre la disponibilité des armes à feu et le nombre de crimes, d’actes de violence et d’utilisations illégitimes impliquant une arme à feu.

Sénateur Yussuff, il n’y a pas de corrélation entre l’achat légal d’armes de poing au Canada et la criminalité dans les rues canadiennes.

En ce qui concerne les armes de poing, je suis certainement favorable à ce que nous donnions aux forces de l’ordre tous les outils nécessaires. Vous et moi sommes d’accord sur ce point. Par contre, le chef de la police de Toronto, Myron Demkiw, a dit : « Elles ne proviennent pas de notre pays. Elles proviennent de l’extérieur de nos frontières. Ce qui pose problème à Toronto, ce sont les armes de poing en provenance des États-Unis. »

(2030)

Comment le fait de s’en prendre aux tireurs sportifs en règle est-il censé réduire la criminalité dans les rues de Toronto?

Le sénateur Yussuff : Je ne veux pas commenter le point de vue d’un agent de première ligne. Je ne connais pas le contexte de ses propos. Je respecte son opinion à cet égard.

Je pense que vous et moi sommes d’accord pour dire que de nombreuses armes de poing entrent illégalement dans notre pays à de nombreux postes frontaliers. Ce phénomène a été cerné, et le gouvernement a alloué des ressources considérables pour aider les agents de première ligne à y faire face.

En ce qui concerne les armes de poing en général et ce que le gouvernement veut faire, les municipalités dans leur ensemble et les zones urbaines ont demandé au gouvernement de prendre des mesures pour réduire le nombre d’armes à feu dans leurs collectivités. Je pense que ce projet de loi reflète dans une large mesure ce consensus dans les zones urbaines du pays, qui veulent voir une réduction du nombre d’armes à feu dans leurs collectivités. On reconnaît la présence d’armes illégales, mais aussi qu’il arrive que des armes légales finissent par causer du tort, comme dans les cas de violence familiale ou de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale qui se servent de leurs armes de poing ou d’autres armes à feu pour se faire du mal.

Il y a des défis que nous devons reconnaître et relever en ce qui concerne l’ensemble des armes à feu. Ce projet de loi ne nuira en aucun cas aux tireurs sportifs, puisqu’il prévoit des dispositions concernant la manière dont les tireurs sportifs peuvent continuer à pratiquer leur loisir. Le projet de loi reconnaît qu’ils pourront continuer à avoir accès à leurs armes et à les utiliser pour pratiquer leur sport. Des dispositions à cet égard ont été renforcées à l’autre endroit avant que le projet de loi ne parvienne au Sénat.

L’honorable Tony Dean : Sénateur Yussuff, je serais moi aussi inquiet si une mesure législative de ce type nuisait aux tireurs sportifs. Or, si j’ai bien compris à ma lecture initiale du projet de loi, les tireurs sportifs qui font partie de fédérations sportives ne seraient pas touchés, c’est-à-dire qu’ils seraient exemptés des exigences sur les armes de poing et les autres armes à feu s’ils font partie d’un programme de formation et d’exercices menant à des compétitions régionales, nationales ou internationales. Je veux simplement confirmer ce point.

Ensuite, je sais que bon nombre d’entre nous ont appris avec inquiétude la fin de semaine dernière la fusillade tragique qui a eu lieu en Ontario — je crois que c’était à Hamilton —, où un propriétaire canadien a abattu deux de ses locataires qui fuyaient le logement à la suite d’une dispute au sujet de la propriété. La police a dit que les témoins ont vu un jeune couple, tous les deux dans la mi-vingtaine, fuir leur maison, à Hamilton, en Ontario. Après les meurtres, le tireur s’est barricadé dans l’appartement. L’histoire tragique ne s’est pas arrêtée là : le tireur a finalement perdu la vie à la suite d’une altercation avec la police.

Ce que je veux souligner ici, c’est que nous avons appris que le tueur était propriétaire d’armes à feu et que plusieurs armes de poing et fusils ont été retrouvés dans sa maison. De plus, ces armes étaient enregistrées à son nom. En plus de répondre à ma première question, avez-vous des commentaires à ce sujet?

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre question, sénateur Dean. Il est difficile d’expliquer ce qui s’est passé à Hamilton, en Ontario. Je pense qu’en tant que parents ou que membres d’une famille, nous sommes tous bouleversés. Il s’agissait de deux jeunes personnes, apparemment dans la fleur de l’âge, qui essayaient de construire leur vie. Quoi qu’il en soit, ce sont les tribunaux qui nous en diront davantage. D’après ce qui a été communiqué jusqu’à présent, la personne qui a commis ces actes terribles possédait des armes qu’elle avait acquises légalement et pour lesquelles elle était titulaire d’un permis de port d’arme. Encore une fois, dans le contexte de la violence armée, même de bonnes personnes font parfois de mauvaises choses.

Nous espérons que les dispositions de signalement d’urgence ou préventif permettront d’éviter que de telles situations se reproduisent à l’avenir. Si quelqu’un soupçonnait quelque chose, il pourrait le signaler aux autorités et celles-ci pourraient alors intervenir en confisquant l’arme à feu ou en retirant le permis et en imposant des restrictions à l’individu. Ce n’est pas arrivé ici, alors il est difficile de prédire la suite des choses. Nous savons que dans d’autres pays, comme aux États-Unis, où des lois sur le signalement d’urgence ou préventif sont en vigueur, cela permettrait d’empêcher efficacement ce type de situation de se reproduire.

Si ce projet de loi est adopté, j’espère qu’il aidera les gens à l’avenir en leur permettant de savoir qu’il y avait des problèmes dans ce logement ou avec ce propriétaire et qu’ils auraient pu le porter à l’attention des autorités pour prévenir une tragédie. Personne ne l’a fait, mais je pense que le gouvernement s’est engagé à ce que, si le projet de loi est adopté, ces dispositions soient connues du grand public, afin que les gens sachent comment les utiliser de manière plus efficace.

En ce qui concerne les tireurs sportifs, il est essentiel que nous reconnaissions le rôle important qu’ils jouent aux Jeux olympiques et paralympiques pour le Canada. Pour ceux qui souhaitent continuer à pratiquer ce sport, je doute qu’ils soient le moindrement touchés par le projet de loi. Il y a certaines exigences qu’ils doivent respecter s’ils pratiquent ce sport légitimement et s’ils continuent à le pratiquer et à s’entraîner à l’avenir. Le projet de loi le reconnaît clairement. L’autre endroit l’a amélioré à la suite du débat qui a eu lieu et des témoignages recueillis en comité.

L’honorable Andrew Cardozo : Je vous remercie de parrainer ce projet de loi, sénateur Yussuff.

Je tiens à vous poser des questions sur la dernière série d’amendements présentés par le gouvernement. Certains défenseurs d’une législation plus stricte sur les armes à feu étaient d’avis que le gouvernement avait édulcoré le projet de loi plus qu’ils ne s’y attendaient et plus qu’ils ne s’en réjouissaient. Que répondez-vous aux personnes qui estiment que le projet de loi, dans sa forme actuelle, n’est pas assez strict?

Le sénateur Yussuff : Merci, sénateur Cardozo, de votre question. Vous avez parfaitement raison. Le gouvernement a présenté ce projet de loi et a essayé d’obtenir l’appui de l’opposition à l’autre endroit, et il a fini par obtenir l’appui de trois partis. Certains amendements ont reçu l’appui de tous les partis de l’autre endroit. Pour renvoyer le projet de loi ici, des compromis ont donc été faits en ce qui a trait au contenu actuel du projet de loi.

D’un point de vue personnel, en lisant le projet de loi et en observant le débat sur cette question, je pense que le gouvernement a atteint un équilibre en essayant de présenter le projet de loi que les Canadiens lui demandent d’adopter depuis un certain temps. Je pense que le projet de loi est le reflet de cet équilibre. Je suis sûr que lorsque les audiences du comité commenceront, nous entendrons des personnes qui pensent que le projet de loi va trop loin et des personnes qui pensent qu’il ne va pas assez loin. En tant que sénateurs, nous aurons l’occasion d’évaluer la situation et de porter un jugement.

Pour ma part, en tant que parrain du projet de loi, je pense que celui-ci établit un équilibre, et j’espère que mes collègues s’en rendront compte non seulement dans le contexte du débat ici, mais aussi dans ce que les témoins diront lorsqu’ils viendront devant le comité.

Le sénateur Plett : Merci. Je tiens à faire une observation sur les tireurs sportifs. Bien sûr, je vais prononcer mon propre discours à ce sujet prochainement, si le leader du gouvernement ne décide pas d’imposer l’attribution de temps pour limiter le débat sur le projet de loi avant que nous en débattions la semaine prochaine.

Je tiens à faire une observation sur les tireurs sportifs. En fait, permettre aux tireurs sportifs de continuer à pratiquer leur sport, comme le fait le projet de loi — vous avez raison —, c’est un peu comme dire que les gens peuvent jouer au hockey, mais qu’ils doivent commencer dans la ligue nationale. Les gens qui n’ont pas atteint ce niveau ne peuvent pas jouer au hockey. C’est ce que fait le projet de loi. On peut toujours avoir des tireurs olympiques, mais les amateurs ne peuvent pas s’entraîner pour atteindre ce niveau. Vous avez raison, le projet de loi aborde la question dont on veut traiter, mais il ne la règle pas. Encore une fois, le gouvernement dit : « Faites-nous confiance. Nous nous en occuperons. » Cependant, cela ne figure pas dans le projet de loi, sénateur Yussuff.

(2040)

En ce moment, tel qu’il est rédigé, le projet de loi permet d’aller faire du tir sportif aux Olympiques, mais il ne permet pas de pratiquer le tir sportif en vue d’aller aux Olympiques. Combien d’athlètes vont nous représenter aux Olympiques s’ils ne peuvent pas s’entraîner?

J’ai une dernière question. Je vous remercie de votre indulgence, sénateur Yussuff. Toutefois, vous dites — et vous l’avez répété :

[...] je considère que ce projet de loi vise essentiellement à établir un juste équilibre entre le droit des Canadiens de vivre dans des collectivités sécuritaires et le privilège accordé à des Canadiens de posséder certains types ou modèles d’armes à feu pour la chasse ou le tir sportif. Trouver le juste équilibre n’est pas chose facile.

Je suis d’accord avec vous. Trouver le juste équilibre n’est pas chose facile. Toutefois, compte tenu des critiques venant de toutes parts dont ce projet de loi a été la cible, je dirais que le gouvernement a détruit un équilibre qui existait, sénateur Yussuff.

La plupart des provinces s’opposent à ce projet de loi. Les chasseurs et les tireurs sportifs s’y opposent aussi, même si vous affirmez que ces derniers pourront continuer de pratiquer leur sport. Des témoins provenant de services de police s’y sont opposés et ont déclaré qu’il ne permettra pas de retirer les armes illégales des rues. La section de droit pénal de l’Association du Barreau canadien a déclaré que les dispositions relatives au pouvoir d’intervention rapide contenues dans le projet de loi ne font que conférer des pouvoirs qui existent déjà pour saisir les armes à feu de personnes qui peuvent représenter un danger pour elles-mêmes ou pour les autres.

Par conséquent, sénateur Yussuff, que croyez-vous avoir accompli, vous ou le gouvernement, compte tenu de toute cette opposition?

Le sénateur Yussuff : Encore une fois, je vous remercie de votre question et de vos observations.

De toute évidence, la réalité, c’est que nous ne réussirons pas à nous entendre sur le fait que ce projet de loi atteint le juste équilibre, car vous avez votre opinion sur la question, et je la respecte. Dans la même mesure, j’espère que vous respecterez mon point de vue, à savoir que de nombreux témoins, y compris des chefs de police, se sont exprimés devant le comité à propos des dispositions du projet de loi qui interdiront les armes à feu à la frontière. Ces témoins ont appuyé les dispositions en question, ils ne s’y opposent pas. Certes, j’admets que certains témoins n’étaient pas favorables à l’une ou l’autre des dispositions du projet de loi et qu’ils l’ont clairement indiqué. Toutefois, je pense qu’il serait faux de prétendre que le projet de loi n’obtient aucun appui sur un grand nombre de ses éléments de la part des témoins qui ont été entendus par le comité de l’autre endroit, dans le cadre de l’examen des dispositions.

Dans le contexte du débat entourant les armes à feu dans notre pays, comme nous l’avons constaté à l’autre endroit, il y aura toujours une certaine polarisation. Je crois qu’en tant que membres du Sénat, nous reconnaissons l’importance d’essayer de trouver le juste équilibre et de faire ce qui s’impose. Selon moi, le projet de loi atteint cet objectif. Il n’est peut-être pas parfait à tous points de vue, mais je suis convaincu que s’il est adopté et qu’il entre en vigueur, il contribuera à rendre notre pays et nos collectivités plus sûrs pour toute la population.

Il y aura toujours des personnes qui ne partagent pas ce point de vue, qui pensent qu’il ne devrait y avoir aucune restriction à la possession d’armes à feu au Canada. Quant à moi, je crois qu’il doit y en avoir quelques-unes.

J’ai eu la chance de visiter l’armurerie de la GRC au début de mon mandat, ce qui m’a permis de prendre conscience — du moins, en partie — de la complexité du travail effectué là-bas. J’en suis sorti effrayé, mais pas à cause de ce qu’on y faisait. Quand les employés m’ont montré les armes qu’ils avaient saisies à l’échelle du pays, et que j’ai eu l’occasion de les examiner, cela m’a flanqué une de ces trouilles parce que je ne parvenais pas à comprendre pourquoi quiconque voudrait posséder une de ces armes. Ce n’était pas des jouets, mais des machines créées pour tuer un nombre considérable d’êtres humains. Ces armes ont été introduites dans notre pays, puis interdites. Je sais qu’il y en a encore beaucoup qui n’ont pas été saisies.

Ce que je veux dire, sénateur, c’est que nous allons renvoyer ce projet de loi au comité. Je suis certain que vous et moi ne serons pas d’accord sur certains points et que nous serons d’accord sur d’autres. Nous reconnaissons tous que nous devons faire quelque chose pour améliorer la sécurité des Canadiens dans ce pays de diverses manières. L’interception des armes qui franchissent nos frontières est l’un de ces moyens. Mais tenter de remédier à la violence armée qui sévit dans notre pays en est une autre. Nous pouvons également veiller à ce que les jeunes ne tombent pas dans la culture des armes à feu dans notre pays.

Comme vous le savez, le gouvernement a investi des ressources considérables dans tout le pays pour travailler sur le terrain. Je pense qu’il est faux de dire que la majorité des provinces sont contre le projet de loi. Je sais que certaines provinces sont contre le projet de loi. Je vis ici en Ontario et je sais que ma province ne s’est pas prononcée contre ce projet de loi, parce que l’Ontario reconnaît que nous devons faire quelque chose pour lutter contre la violence armée dans ce pays.

Merci beaucoup pour votre question. J’attends bien sûr avec impatience que ce projet de loi soit renvoyé en comité, et je me réjouis de vous entendre à ce sujet la semaine prochaine à l’étape de la deuxième lecture.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-21, en particulier pour parler d’un enjeu sur lequel le projet de loi risque d’avoir un impact, mais qui n’a pas vraiment encore été abordé. Il s’agit de l’impact qu’aura le projet de loi sur le taux de suicide au Canada. J’espère que mon intervention fera en sorte que, une fois que le projet de loi aura été renvoyé au comité, ce dernier voudra obtenir l’avis d’experts de la prévention du suicide et du contrôle des armes à feu.

Chers collègues, avant de commencer, je veux souligner que les enjeux dont je vais parler peuvent être troublants pour certaines personnes. Il est question de vie ou de mort. Je parlerai de santé mentale et d’automutilation. J’incite mes collègues et tous ceux qui nous écoutent et qui vivent des difficultés ou qui ont des pensées destructrices envers eux-mêmes à aller chercher de l’aide. Demander de l’aide est un signe de force et il existe de nombreuses façons de trouver de l’aide et du soutien.

Les sénateurs connaissent bien l’importance de la prévention du suicide. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie déposera bientôt un rapport au sujet de son étude sur l’efficacité du Cadre fédéral de prévention du suicide pour réduire le taux de suicide au Canada. De nombreux sénateurs ont parlé de l’importance de la prévention du suicide au cours du débat sur la motion relative à l’étude en question et des débats sur des projets de loi récents lors desquels la question de la prévention du suicide a été soulevée.

Je pense que nous pouvons affirmer sans risque que nos débats ont largement soutenu des mesures efficaces pour réduire les taux de suicide au Canada. La mesure de santé publique la plus efficace pour la prévention du suicide demeure la restriction des moyens, comme un meilleur contrôle de la disponibilité des armes à feu.

Le suicide touche les hommes de manière disproportionnée. Environ 75 % des Canadiens qui se suicident sont des hommes, et le suicide est trois fois plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. Les statistiques relatives au suicide et aux armes à feu sont désolantes. De nombreuses études ont montré que les armes à feu jouent un rôle déterminant dans les suicides, en particulier chez les hommes.

L’accès à des moyens létaux comme les armes à feu dans les moments de désespoir peut rapidement transformer une pensée impulsive en une action irréversible.

Au Canada, de 2016 à 2020, 2 777 hommes se sont enlevé la vie au moyen d’une arme à feu. Au cours de la même période, 82 femmes sont décédées par des moyens semblables. Il s’agit d’un ratio d’environ 33 pour 1, soit 10 fois plus que le ratio global de suicides des hommes par rapport à ceux des femmes.

Pour mieux vous situer, si l’on considère l’ensemble des blessures mortelles causées par une arme à feu au cours de cette période, environ 70 % d’entre elles étaient liées à des suicides, et pas à des homicides, chers collègues. Parmi les décès liés aux armes à feu au Canada, 70 % sont des suicides.

Une étude récente menée en Ontario a conclu que plus des deux tiers des décès liés aux armes à feu étaient des suicides. Ces morts touchaient surtout des hommes, principalement en région rurale. En moyenne, pendant la période visée au Canada, quelque 550 hommes par année ont commis un suicide avec une arme à feu. Par comparaison, moins de 50 hommes par année meurent du cancer des testicules. Le simple fait de posséder une arme de poing est associé à des taux beaucoup plus élevés de suicide.

Une étude récente portant sur quelque 26 millions de personnes suivies sur une période de 12 ans a noté ce qui suit :

Les hommes qui étaient propriétaires d’armes de poing étaient huit fois plus susceptibles que les autres hommes de mourir de blessures par balle auto-infligées. Les femmes qui étaient propriétaires d’armes de poing étaient plus de 35 fois plus susceptibles que les autres femmes de s’enlever la vie avec une arme à feu.

En tant que législateurs qui se soucient vraiment de la prévention du suicide, nous avons la responsabilité de reconnaître, d’une part, le lien entre la possession d’armes à feu et le suicide, ainsi que, d’autre part, la nécessité de prendre des mesures décisives pour contrer ce phénomène. En reconnaissant le lien qui existe entre la possession d’armes à feu et le risque de suicide, nous avons le pouvoir de sauver des vies et de créer un environnement plus sûr pour tout le monde.

(2050)

Aujourd’hui, j’aimerais insister sur la nécessité d’apporter votre appui à un projet de loi destiné à restreindre l’accès aux armes à feu. Ainsi, nous pourrions limiter les actes impulsifs et autodestructeurs qui sont fortement susceptibles de provoquer la mort. Les recherches rigoureuses sont unanimes : le fait de limiter l’accès des personnes en crise à des moyens de se donner la mort réduit le risque de suicide. L’une des stratégies de santé publique les plus efficaces pour lutter contre le suicide chez les hommes consiste à limiter l’accès aux armes à feu.

Outre la prévention du suicide, il convient de reconnaître que ce projet de loi a suscité de nombreuses autres préoccupations. Les sénateurs Plett et Yussuff ont d’ailleurs eu des échanges sur ces questions importantes.

Nous devons répondre à ces préoccupations et chercher un terrain d’entente. Trouver un juste équilibre entre l’accès responsable aux armes à feu et la prévention du suicide lié aux armes à feu est un objectif réalisable qui permettrait de respecter les droits des propriétaires d’armes à feu tout en accordant la priorité à la sécurité publique et à la sauvegarde de vies humaines.

Pour être efficace, la mise en œuvre doit reposer sur la collaboration, un dialogue franc et la volonté de trouver des solutions innovantes. Nous devons faire appel aux compétences des différents intervenants, notamment les propriétaires d’armes à feu, les professionnels de la santé mentale, les forces de l’ordre et les organisations de défense. Notre objectif doit être d’adopter une mesure législative sur les armes à feu qui soit éclairée et qui tienne compte de ces considérations complexes.

Notre étude du projet de loi C-21 nous donne l’occasion de mieux comprendre comment des interventions législatives peuvent être mises en œuvre pour atteindre l’objectif de prévenir le suicide en limitant les moyens d’action dans le contexte des armes à feu au Canada.

Selon certaines études sur les répercussions du projet de loi C-51, Loi de 1977 modifiant le droit pénal du Canada, il semblerait que cette mesure législative a réduit le nombre de suicides commis avec des armes à feu. Selon d’autres études sur les répercussions de cette mesure législative et d’autres projets de loi, c’est-à-dire le projet de loi C-17 en 1991 et le projet de loi C-68 en 1995, les résultats seraient plus nuancés.

Comme je suis conscient que tous les projets de loi portant sur le contrôle des armes à feu ne sont pas identiques, j’espère que le comité chargé d’étudier le projet de loi C-21 cherchera le moyen d’encourager le gouvernement à réaliser une analyse détaillée de l’effet du projet de loi sur les taux de suicide commis avec des armes à feu chez les hommes au Canada. Nous avons besoin de cette information. Le comité pourrait se faire un devoir de convoquer des témoins qui pourraient nous aider à comprendre ce phénomène tel qu’il se présente au Canada.

Chers collègues, alors que nous étudions le projet de loi d’un œil critique, nous devons nous pencher sur la multitude de sujets dont il traite. Comme vous, j’ai été informé des nombreuses craintes raisonnables et légitimes exprimées par de nombreux Canadiens au sujet du projet de loi C-21. Bien que j’aie lu d’innombrables courriels et lettres, personne à ma connaissance n’a soulevé la question de la relation entre les taux de suicide chez les hommes et la possession d’armes à feu dans le contexte canadien.

Je vous remercie de m’avoir permis de soulever cette question au Sénat. J’espère que le comité va envisager de convoquer des témoins qui pourront en parler de façon plus détaillée et que nous allons garder à l’esprit cette importante association tandis que nous nous pencherons sur la manière de faire progresser cette mesure législative. Merci, wela’lioq.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 2023-2024

Autorisation au Comité des finances nationales d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 30 mai 2023, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 31 mai 2023, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 6 juin 2023, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Tarif des douanes

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Ataullahjan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi modifiant le Tarif des douanes (marchandises en provenance du Xinjiang).

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour, mais je ne suis pas prête à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat à mon nom pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

La Loi sur la citoyenneté
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, présenté par mon amie et collègue l’honorable Mobina Jaffer.

Je tiens tout d’abord à préciser que j’appuierai ce projet de loi. En tant que pays, nous devons nous mesurer à l’aune de la manière dont nous traitons les plus vulnérables d’entre nous.

Comme l’a mentionné la sénatrice Jaffer dans son discours, en 2017, j’ai eu l’occasion de présenter un amendement au projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, afin d’assurer un accès équitable à la citoyenneté aux personnes âgées de moins de 18 ans. À ce jour, je suis encore fier d’avoir contribué modestement à la progression des droits des enfants non citoyens, y compris ceux qui sont pris en charge.

Cela dit, je savais à l’époque — et je le sais aujourd’hui — qu’il reste encore beaucoup à faire. Je félicite la sénatrice Jaffer d’avoir présenté le projet de loi et je m’engage à travailler avec elle pour qu’il soit adopté.

Le projet de loi vise à modifier la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin de soutenir certains des membres les plus vulnérables de notre société, à savoir les non-citoyens qui sont pris en charge par le système de protection de l’enfance.

En substance, le projet de loi permet aux jeunes d’obtenir la citoyenneté pendant qu’ils sont pris en charge. Le fait de ne pas obtenir ce statut avant le passage à l’âge adulte peut avoir des conséquences sérieuses pour cette population, notamment en limitant son accès aux services de santé financés par les autorités fédérale ou provinciales ainsi que ses perspectives au chapitre des études postsecondaires ou de l’emploi. Cela peut également compromettre leur capacité à rester au Canada.

(2100)

S’il est adopté, ce projet de loi contribuera à combler certaines des lacunes actuelles à l’intersection du système de protection de l’enfance, qui relève de la compétence des provinces, et du système de citoyenneté et d’immigration, qui relève de la compétence du gouvernement fédéral. Il est temps que les deux camps travaillent ensemble dans l’intérêt des enfants non citoyens.

Il existe de multiples raisons pour lesquelles les enfants en famille d’accueil peuvent ne pas avoir la citoyenneté. Certains sont arrivés au pays avec leurs parents ou des membres de leur famille, tandis que d’autres sont arrivés seuls en tant que mineurs non accompagnés. Ils peuvent vivre ici depuis des années ou venir tout juste d’arriver. Certaines personnes peuvent être des résidents permanents dépourvus de documents ou des parents menacés d’expulsion en raison du rejet de leur demande d’asile. D’autres peuvent être en train de faire une demande pour des motifs d’ordre humanitaire ou être victimes de la traite de personnes.

Dans tous les cas, ces jeunes ont été pris en charge par l’État parce qu’ils subissaient ou risquaient de subir de la violence, de la négligence ou de l’abandon. Une fois qu’un enfant est placé sous la tutelle de l’État, il est de notre responsabilité de veiller à sa sécurité et à son bien-être à long terme. Personne ne doit être laissé dans l’incertitude sans bénéficier de tous les droits et de la protection que leur confère la citoyenneté.

Dans l’état actuel des choses, les enfants et les jeunes non-citoyens sont protégés lorsqu’ils sont pris en charge par le système de protection de l’enfance, mais que se passe-t-il une fois qu’ils deviennent adultes et qu’ils ont affaire au système de justice criminelle?

Un jeune qui n’est plus pris en charge et qui n’a pas la citoyenneté risque l’expulsion s’il est déclaré coupable d’un acte criminel par un tribunal pour adultes. Étant donné que bon nombre de ces jeunes ont vécu au Canada la plus grande partie de leur vie, ils n’ont pas de famille, d’amis ou de contacts dans leur pays d’origine. Ils pourraient même ne plus connaître la langue ou la culture de leur pays de naissance. Pouvez-vous imaginer de devoir laisser derrière vous tout ce que vous connaissez et tous les gens que vous aimez et de devoir vous habituer à vivre dans un pays qui n’est plus le vôtre?

N’oublions pas que certaines de ces personnes ont dû fuir en raison d’une situation politique instable, d’une guerre civile ou de l’oppression politique. En raison de ces situations ou d’autres expériences traumatisantes, ces gens pourraient souffrir de problèmes de santé mentale et de traumatismes.

Pourquoi le Canada accepte-t-il que ces jeunes personnes vulnérables risquent d’être expulsées ou de subir d’autres conséquences négatives pendant leur vie adulte? Ces gens ont désespérément besoin de protection et d’aide à long terme. Bon nombre de ces jeunes ont été élevés au Canada et ont un fort sentiment d’appartenance et d’attachement à ce pays. Ils ne peuvent s’imaginer devoir vivre ailleurs.

Au fil des années, on m’a fait part de nombreuses situations où des jeunes ont appris avec stupéfaction qu’ils n’étaient pas des citoyens au sens de la loi. J’ai aussi rencontré bien des gens qui, en raison de modifications apportées précédemment, ont pu obtenir la citoyenneté. Combien d’autres vies pourrait-on changer avec ce projet de loi?

Honorables sénateurs, la citoyenneté représente plus que le simple privilège de voter, d’avoir accès à des services consulaires ou d’avoir des droits juridiques. Elle représente l’appartenance et le sentiment d’être en sécurité et d’être protégé dans le pays qu’on considère comme étant le nôtre. Je crois que ces jeunes sont tout autant canadiens que vous et moi.

Je crois que le projet de loi offrira une voie vers la citoyenneté à ces jeunes vulnérables au moment où ils quittent le système de familles d’accueil. Il leur offrira les mêmes droits et les mêmes occasions dont jouissent leurs pairs dans la population générale. Je suis d’avis que nous avons une obligation légale et morale de soutenir ces enfants et ces jeunes qui vivent parmi nous et qui ont besoin d’aide lorsqu’ils sortent du système. Voilà pourquoi j’appuie le projet de loi.

Chers collègues, maintenant vous savez que je suis un porte-parole bienveillant. Je vous encourage à appuyer le projet de loi. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social
La Loi sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi).

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, cet article a été ajourné au nom du sénateur Housakos, et je demande le consentement du Sénat pour que, à la suite de mon intervention, il demeure ajourné à son nom pour le temps de parole qu’il lui reste.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il en est ainsi ordonné. La sénatrice Omidvar a la parole.

La sénatrice Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi).

Je tiens à remercier la sénatrice Bellemare, marraine de ce projet de loi, de l’avoir présenté. Je l’appuie en principe, et j’encourage les sénateurs à le renvoyer au comité pour une étude plus approfondie.

Je pense que nous pouvons tous nous entendre pour dire qu’une plus grande et meilleure collaboration entre les employeurs, les employés et leurs représentants syndicaux est bénéfique pour tous, en particulier parce qu’il s’agit là d’acteurs importants du régime d’assurance-emploi.

La sénatrice Bellemare emploie l’expression « dialogue social » pour définir ce processus. Dans le contexte des relations de travail, le dialogue social englobe les communications entre les employeurs; les employés; leurs représentants, tels que les syndicats; et, parfois, le gouvernement sur des enjeux relatifs aux politiques du travail, à l’emploi et aux conditions de travail. Il repose sur les principes de coopération et de respect mutuel, ainsi que sur la recherche d’objectifs communs.

Ce processus permet des relations plus efficaces et harmonieuses où les employeurs et les employés ont chacun leur mot à dire dans les décisions sur des questions qui les touchent tous les deux. Il prend diverses formes, notamment des consultations, des négociations collectives et des dialogues entre le gouvernement, les employeurs et les employés.

Chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur des pratiques exemplaires adoptées dans d’autres pays. Les pays nordiques, par exemple, ont une longue tradition de collaboration entre les syndicats et les employeurs, ce qui a donné lieu à des taux élevés de syndicalisation et à une faible inégalité des revenus. En France, on utilise le dialogue social entre les syndicats, les regroupements d’employeurs et le gouvernement pour négocier les politiques et la réglementation.

(2110)

En Allemagne, un pays que je connais bien, on oblige les employés à participer à la prise de décisions organisationnelles. En allemand, on appelle cela Mitbestimmung ou la codétermination. Comme le font remarquer les chercheurs Bennet Berger et Elena Vaccarino, de Bruegel, la codétermination est profondément enracinée dans la tradition allemande de gouvernance des entreprises et existe sous la forme actuelle depuis la loi de 1976 sur la codétermination. Elle comporte une dimension sociale explicite. Comme l’a conclu la Cour constitutionnelle fédérale de l’Allemagne, la codétermination à l’échelle de l’entreprise vise à intégrer la participation égale des actionnaires et des employés à la prise de décisions organisationnelles et vient compléter la légitimité économique de la direction d’une entreprise en y ajoutant une dimension sociale. La codétermination est donc un processus décisionnel démocratique à l’échelle de l’entreprise où capitaux et travail ont une valeur égale.

Les faits sont éloquents. Nous savons que l’Allemagne est le moteur économique de l’Europe et que les entreprises et les travailleurs allemands n’ont pas souffert. En fait, ils sont avantagés par la codétermination.

Selon des chercheurs, des études effectuées sur l’expérience vécue en Allemagne relativement à la codétermination montrent que celle-ci mène à des décisions moins axées sur une vision à court terme ainsi qu’à des niveaux beaucoup plus élevés d’égalité salariale, tandis que d’autres études constatent des résultats bénéfiques en matière de productivité et d’innovation.

Chers collègues, la sénatrice Bellemare a recours à l’esprit et à la pratique du dialogue social au sujet de la création du conseil de l’assurance-emploi. Nous savons que, dans le régime d’assurance-emploi, autant les employés que les employeurs sont appelés à contribuer. Les membres de ces deux groupes devraient donc logiquement pouvoir donner leur avis sur la façon d’établir le conseil, sur l’établissement des taux et sur l’avenir du régime. Je crois que cela aurait dû être fait il y a longtemps.

Le projet de loi décrit la composition de ce nouveau conseil de l’assurance-emploi, ses rôles et ses responsabilités. Je suis d’accord avec la marraine du projet de loi sur à peu près tout ce qu’elle a inclus au sujet de la composition du conseil : exiger que cinq représentants des organisations ouvrières et cinq représentants des organisations patronales fassent partie du conseil.

En outre, la sénatrice Bellemare propose que les membres observateurs comprennent des représentants autochtones. Je ne suis pas tout à fait sûre de comprendre pourquoi les Autochtones feraient partie du groupe d’observateurs au lieu de faire partie du conseil comme tel. Je crois que c’est une question que le comité devrait étudier. Un autre élément qui est manquant est la façon d’inclure les groupes qui méritent l’équité au conseil. Je crois qu’il s’agit d’un élément sur lequel le comité devrait se pencher.

Un autre article du projet de loi qui n’a pas reçu beaucoup d’attention dans cette enceinte. Le projet de loi modifie la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social afin de regrouper les attributions de la Commission de l’assurance-emploi, qui sont actuellement dispersées dans la loi — il faut chercher à l’aveuglette un peu partout pour les trouver. Le projet de loi de la sénatrice Bellemare apporte une certaine efficacité en les regroupant en un seul endroit.

Il s’agit notamment d’observer et d’évaluer l’aide offerte au titre de la Loi sur l’assurance-emploi et de présenter un rapport annuel de son évaluation au ministre qui le dépose devant le Parlement; d’examiner et d’approuver les politiques en matière d’administration des prestations d’emploi et des mesures de soutien prévues par la Loi sur l’assurance-emploi; de prendre des règlements en vertu de la présente loi; de retenir les services d’un actuaire, aux termes du paragraphe 28(4) de la présente loi, pour établir des prévisions et des estimations actuarielles; de fixer, pour chaque année, le taux de cotisation à l’assurance-emploi conformément à l’article 66 de la Loi sur l’assurance-emploi; et ainsi de suite.

Franchement, je n’ai pas vraiment d’opinion sur cette liste d’attributions, mais je crois qu’elle doit être étudiée avec beaucoup de minutie par le comité.

Chers collègues, je pense que ce projet de loi est important et qu’il devrait être renvoyé au comité pour que l’on puisse l’étudier. Des collègues en ont déjà parlé; je vous invite à le renvoyer au comité dès que possible. Je vous remercie.

(Le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Manning, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de porte-parole plutôt sympathique au projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale. Je me suis exprimée pour la première fois sur ce projet de loi le 16 octobre 2018, après qu’il eut été présenté pour la première fois. Nous remercions le sénateur Manning de tout le travail qu’il a accompli dans ce dossier, inspiré par l’inébranlable Georgina McGrath et en collaboration avec cette dernière.

Le projet de loi S-249 met l’accent sur les préjudices trop fréquents et irréparables causés par la violence envers les femmes. Il vise à ce que le gouvernement fédéral, en consultation avec les ministres fédéraux, les représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que d’autres groupes pertinents offrant des services aux survivantes, mette en place une stratégie nationale pour prévenir et contrer la violence entre partenaires intimes. Surtout en raison des horribles réalités mises au grand jour par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, il est impératif que les cheffes de file et les organismes de gouvernance des femmes autochtones soient inclus.

La nécessité d’un plan d’action national exhaustif et multifacettes a été mise en évidence par la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles, à la suite de sa visite au Canada en 2018. En fait, ses conclusions ont été soulignées par un très grand nombre de commissions et d’enquêtes — la plus récente étant la Commission des pertes massives.

La violence envers les femmes et entre partenaires intimes est répandue, et nous avons toujours manqué à notre devoir d’offrir de l’aide adéquate aux personnes en danger. La stratégie proposée dans le projet de loi S-249 doit mettre fin au statu quo, qui fait perdurer les préjudices dont les femmes sont victimes, notamment sur le plan économique, social, juridique et sanitaire.

Honorables sénateurs, pour que cette initiative soit plus que bien intentionnée et informative, nous devrons agir avec dans un but bien déterminé.

Il y a 30 ans, en 1993, le Comité canadien d’action sur le statut de la femme, la plus grande organisation féministe nationale de l’époque qui comptait plus de 700 groupes affiliés, a produit un document publié un document intitulé 99 recommandations au gouvernement fédéral — Pour en finir avec la violence faite aux femmes. Le comité soulignait que la violence contre les femmes était fondamentalement et inextricablement enracinée dans l’inégalité substantielle des femmes. La stratégie contient les observations suivantes sur les femmes pauvres, les femmes handicapées, les femmes de couleur et les femmes autochtones :

[Elles] sont plus susceptibles d’être victimes d’agressions, et nous semblons avoir du mal à voir l’avantage que les hommes ont sur ces femmes et comment ces avantages juridiques, sociaux et économiques font partie de l’arsenal des agressions violentes. Tous les types d’avantages acquis (qu’il s’agisse de l’appartenance à la race dominante ou de l’exercice d’une profession) sont trop souvent utilisés pour faire du tort aux femmes. Aucun programme visant à mettre fin à la violence à l’égard des femmes ne peut être efficace s’il ne rompt pas ces relations de pouvoir et qu’il ne les transforme pas dans le sens de l’égalité.

C’est encore vrai 30 années plus tard.

Aujourd’hui, nous disposons des évaluations de la Commission des pertes massives en Nouvelle-Écosse et des recommandations de l’enquête sur le triple meurtre, ou féminicide, du comté de Lanark — qui fait également l’objet de l’interpellation lancée par la sénatrice Boniface —, ainsi que de l’enquête May-Iles et d’innombrables autres enquêtes.

Les commissions et les organismes communautaires qui œuvrent en première ligne s’entendent pour dire que la violence contre un partenaire intime et la violence faite aux femmes sont, au fond, une question d’égalité. L’appel réitéré en vue d’établir un plan d’action national sur la violence faite aux femmes et la violence fondée sur le sexe, qui a été lancé sous la coordination d’Hébergement femmes Canada et publié en 2020, contient le passage suivant :

La violence faite aux femmes et la violence fondée sur le sexe ne sont pas des préjudices isolés. Elles expriment et renforcent toutes deux l’inégalité; c’est un facteur crucial dans la manière d’anticiper, de combattre et de prévenir la violence faite aux femmes et la violence fondée sur le sexe, notamment par le biais de lois et de politiques d’ensemble.

Le sénateur Manning a décrit la violence faite aux femmes comme un problème de santé publique urgent et généralisé. La violence faite aux femmes est aussi, dans le fond, une crise de l’égalité qui se manifeste et qui se perpétue dans de nombreux milieux.

Il en résulte que la prévention de la criminalité ou les modèles de santé publique ne suffisent pas à eux seuls. Défendre l’égalité substantive exige une réduction des coûts et des obstacles que les femmes rencontrent lorsqu’elles quittent un conjoint violent.

Le sénateur Manning a aussi souligné que la violence faite aux femmes est peut-être la forme la plus omniprésente de violation des droits de la personne. Elle ne connaît pas de frontières géographiques, culturelles et financières. C’est vrai. Nous savons aussi que la violence contre les femmes touche de façon disproportionnée — trop souvent au prix de leur vie — les femmes autochtones, les femmes handicapées, les femmes de couleur, les personnes 2SLGBTQIA+ et, plus particulièrement, les femmes vivant dans la pauvreté ainsi que les femmes qui sont marginalisées et opprimées, principalement aux mains d’hommes qui usent et abusent de leur pouvoir.

(2120)

Nous devons placer la violence entre partenaires intimes et la violence contre les femmes dans le contexte des systèmes et des structures de pouvoir plus vastes qui facilitent la violence contre les personnes les plus marginalisées et vulnérables. Nous devons aller au-delà de solutions temporaires, ciblées et restrictives. Nous devons être conscients des inégalités systémiques qui affectent la capacité d’une personne à éviter la violence entre partenaires intimes ou à y survivre.

Nous devons aussi connaître cette difficile vérité : les auteurs d’actes de violence sont souvent eux-mêmes des victimes de mauvais traitements. Une stratégie globale doit faire en sorte que les survivants reçoivent le soutien nécessaire pour briser le cycle de violence intergénérationnel.

Comme le sénateur Dalphond nous l’a rappelé, en 2018, le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, où il est mort au Feuilleton lorsque des élections ont été déclenchées. Le fait que le projet de loi S-249 soit présenté à nouveau nous permet de nous pencher sur ce qui a changé depuis 2018 et, malheureusement, sur les aspects qui n’ont pas changé ou qui se sont aggravés.

Entre 2018 et 2021 — il s’agit malheureusement des seules statistiques disponibles —, au moins 251 personnes ont été tuées par un partenaire intime au Canada. Selon le Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences publié en 2019, « tous les 2,5 jours environ, une femme est tuée par son partenaire intime au Canada ». Chers collègues, il s’agit de féminicides.

Les personnes assassinées étaient surtout des femmes et, pire encore, de façon disproportionnée des femmes autochtones. Les femmes autochtones représentent environ 5 % des femmes au Canada, mais environ 20 % des femmes tuées par un partenaire intime. Pire, 12 % des meurtres non résolus concernent des femmes non autochtones, mais 40 % concernent des femmes autochtones.

Une stratégie contre la violence faite aux femmes doit tenir compte des engagements pris par le Canada afin de donner suite aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et inclure des réformes essentielles sur les plans économique, social, juridique et en matière de santé et de gouvernance. L’enquête nationale était la réponse de notre pays aux « taux ahurissants de violence contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA », et elle considère que cette violence n’est ni plus ni moins qu’un génocide.

La pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités et a donc, de manière horrible, mais non surprenante, aggravé la violence envers les femmes. Le phénomène est maintenant appelé « pandémie fantôme », terme adopté pour décrire l’intensification de la violence à l’égard des femmes, laquelle est facilitée par une combinaison parfaite de conditions perpétuant les mauvais traitements, comme le confinement obligatoire à la maison et les fermetures, qui a augmenté à la fois le taux et la gravité de la violence entre partenaires intimes, les circonstances d’isolement, l’intensification des facteurs de stress économiques et autres, et rendu les services de soutien de plus en plus difficiles d’accès.

Un groupe de soutien établi à Toronto, Women at the Centre, a signalé une augmentation de 9 000 % des appels à l’aide à la fin de 2021. Une stratégie nationale doit tenir compte de l’augmentation de la demande de services de soutien dans les années à venir, des lacunes systémiques en matière de soutien qui ont été mises à nu et exacerbées par la pandémie, ainsi que du spectre des futures urgences de santé publique et autres.

Des chercheurs de l’Université York ont également constaté que la « tendance prépandémique des décideurs à se concentrer sur la violence physique liée à un incident plutôt que sur les schémas de contrôle coercitif » accroît le risque pour les survivantes, car elle rend plus difficile de prouver l’existence de la violence devant les tribunaux :

L’accès limité aux services médicaux, de counseling, de santé mentale et autres au cours de la pandémie de COVID-19 a eu une incidence négative sur la capacité des femmes à prouver la violence familiale à la satisfaction des décideurs [...]

Une stratégie nationale doit réévaluer ce qui est nécessaire pour assurer un accès véritable à la justice et à la sécurité pour les femmes et les enfants.

Une stratégie nationale doit également aborder l’assistance sociale, le droit de la famille, la protection de l’enfance, le droit criminel et les ordonnances de protection civile — les domaines d’action de l’État avec lesquels les survivantes de la violence conjugale sont le plus souvent en contact — et elle doit faire preuve de sensibilité à l’égard des manifestations uniques de la violence dans le sillage de la pandémie de l’ombre.

Pour demander de l’aide, les survivantes doivent être sûres qu’un soutien social, financier et juridique leur est non seulement disponible, mais aussi accessible. Comme le soulignent la Commission des pertes massives, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et d’innombrables travaux de recherche, la pandémie de l’ombre a également mis au jour de nouvelles tactiques particulièrement insidieuses de surveillance et de contrôle coercitif, qui ont évolué avec la technologie.

Une stratégie nationale doit tenir compte de la dualité de la technologie, qui offre à la fois une bouée de sauvetage aux personnes ayant besoin d’aide et une nouvelle sphère de violence et d’abus qui constitue un obstacle supplémentaire à la capacité des survivantes à s’échapper.

En 2021, les services de police canadiens ont signalé 114 132 victimes de violence entre partenaires intimes. Ce chiffre est supérieur à la population de St. John’s, à Terre-Neuve. L’année 2021 marque la septième année consécutive d’augmentation de la prévalence de la violence entre partenaires intimes.

Ce n’est pas un hasard si, dans la même période, et comme l’a souligné l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le taux d’incarcération des femmes autochtones continue de grimper en flèche. Les femmes autochtones sont trop souvent incarcérées pour des incidents de violence personnelle, principalement en réaction à des actes de violence perpétrés à leur encontre ou à l’encontre d’autres personnes dont elles sont responsables, ou pour prévenir de tels actes.

Nous le savons, et nous savons qu’environ 70 % des cas de violence familiale et 81 % des cas de violence conjugale ne sont jamais déclarés à la police. C’est particulièrement vrai chez les femmes autochtones, qui apprennent tôt qu’elles ont peu de chances d’être protégées par le système judiciaire. Par conséquent, elles doivent essentiellement assurer leur propre protection. Cette réalité doit aussi être prise en considération lors de l’élaboration d’un plan complet de lutte contre la violence envers les femmes.

N’oublions pas non plus que les statistiques sont loin de brosser un portrait complet de la situation. La nature de la violence conjugale est telle qu’elle est trop souvent cachée, dissimulée, coercitive, et c’est déplorable.

En nous penchant sur la violence conjugale, nous devrons nous poser une question difficile : pourquoi la prévalence et la gravité de ce problème vont-elles encore en augmentant?

Le sénateur Manning a fait remarquer que les gens qui ne sont pas au fait de la dynamique du pouvoir entourant les cas de violence pourraient se demander pourquoi une femme ne décide pas tout simplement de quitter un conjoint violent. Ceux qui sont mal renseignés sur le racisme ou l’insécurité liée à l’immigration peuvent ne pas être au fait des pressions que les femmes subissent dans leur collectivité et qui les empêchent de dénoncer la situation, par crainte des conséquences négatives que cela pourrait avoir pour les victimes et pour toute la famille. Ceux qui sont mal renseignés sur la pauvreté interprètent trop souvent la situation de la même manière. L’insécurité économique a régulièrement et systématiquement pour effet de limiter les choix qui s’offrent aux personnes qui n’ont aucune sécurité financière, et elle a des effets négatifs directs sur l’égalité.

La féminisation de la pauvreté est un facteur de risque dévastateur et aggravant pour les personnes qui sont déjà le plus souvent victimes d’actes de violence. Comme l’a mentionné le sénateur Manning, Statistique Canada a constaté que :

[...] le taux de femmes autochtones victimes de violence est […] 2,7 fois plus élevé que celui des femmes non autochtones.

En effet, comme l’ont révélé la Commission de vérité et réconciliation et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les femmes et filles autochtones sont plus susceptibles que les autres femmes d’être victimes de violence et de pauvreté. Les femmes autochtones ont également été plus touchées financièrement par la COVID-19 que les autres Canadiens, 46 % d’entre elles faisant état d’une incidence financière modérée ou majeure, par rapport à 34 % de l’ensemble de la population canadienne.

Comme l’a déterminé l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, pour parvenir à une égalité réelle, nous devons fournir un revenu de subsistance garanti pour permettre aux femmes et aux personnes de diverses identités de genre de sortir de la pauvreté. L’insuffisance et l’incertitude des programmes d’aide sociale sont apparues au grand jour lors de notre récent débat sur la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées.

L’insuffisance des programmes doit être l’une des questions examinées lors de l’étude par le comité du projet de loi.

Selon une étude réalisée en 2012, plus de 80 % des coûts engendrés par la violence entre partenaires intimes au Canada — soit environ 6 milliards de dollars par an — sont assumés par les victimes elles-mêmes sous la forme d’interventions médicales, de pertes de salaire, de retards dans l’éducation, de biens volés ou endommagés et de douleurs et de souffrances.

(2130)

Selon une étude réalisée en 2021 par le Centre canadien pour l’autonomisation des femmes, 80 % des survivantes de violence conjugale interrogées dans la région de la capitale nationale ont déclaré que leur partenaire avait adopté des comportements plus contrôlants et coercitifs à l’égard de leurs finances et de leur stabilité économique au cours de la pandémie. Ce qui est terrible, c’est que 10 % d’entre elles sont retournées auprès de leur partenaire en raison de contraintes financières.

Il y a 30 ans, le document du Comité canadien d’action sur le statut de la femme, intitulé 99 recommandations au gouvernement fédéral — Pour en finir avec la violence faite aux femmes, soulignait que :

Les initiatives fédérales doivent tenir compte du fait que la vulnérabilité des femmes et des enfants, en particulier les femmes [autochtones], les femmes de couleur, les femmes prises au piège de la pauvreté et les femmes handicapées, est le facteur déterminant dans la prévention de ce type de crime. Les fonds doivent donc servir directement à améliorer ces conditions. Les fonds ne doivent pas être uniquement consacré à la police, aux prisons, à la délégation de tâches aux collectivités, aux programmes de travailleurs sociaux, à la recherche sur les groupes vulnérables ou à la création de nouveaux organes bureaucratiques. Ces mesures ne suffisent pas à réduire la criminalité violente [..]

Cela a été réaffirmé lors d’une audience publique de la Commission des pertes massives par la professeure Isabel Grant, qui a souligné que « l’autonomie économique de chaque femme dans ce pays » est un énorme élément « de la capacité des femmes d’échapper à toute forme de violence sexuelle. Cette perspective a été confirmée aujourd’hui par des intervenants qui luttent contre la violence devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Se libérer des abus exige de faire un choix. La pauvreté est contradictoire au choix.

En plus d’incorporer les conclusions de beaucoup trop d’enquêtes, la stratégie proposée par le sénateur Manning doit tenir compte du besoin d’offrir aux femmes et aux victimes une autonomie et une stabilité financières. Une stratégie nationale doit reconnaître les lacunes des soutiens sociaux et de l’aide actuels pour souligner le besoin d’avoir des mesures comme un salaire décent, des soins de santé, des options de logement, et un système universel de services de garde, bref, des approches qui offrent plus d’options aux femmes qui veulent quitter leur agresseur.

En plus des préoccupations financières, il faut aussi reconnaître le rôle de la crise du logement, de l’itinérance et des refuges en ce qui a trait à la violence contre les femmes et à la violence entre partenaires intimes. Comme l’a souligné le sénateur Manning, chaque nuit, 4 600 femmes et leurs 3 600 enfants doivent dormir dans des refuges pour fuir la violence. Chaque jour, au Canada, 379 femmes et 215 enfants se voient refuser l’accès à un refuge, habituellement parce qu’il n’y a plus de place.

Selon Hébergement femmes Canada :

Le manque de refuges et de logements adéquats constitue l’un des principaux obstacles qui empêchent les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre de fuir des situations de violence et de rebâtir leur vie.

Dans l’ensemble du Canada, 13 % des places dans les refuges pour itinérants sont dédiées aux femmes, alors que 68 % sont mixtes ou réservées aux hommes.

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles a souligné que, au Canada, le manque de services adéquats pour accueillir les femmes victimes de violence et leurs enfants, en particulier les femmes autochtones, fait que les femmes craignent de perdre la garde de leurs enfants si elles cherchent à se mettre en sécurité.

Des 215 refuges qui ont répondu au sondage de Shelter Voices de 2018, 47 % ont déclaré n’avoir aucune place disponible, ce qui fait qu’ils devaient refuser 75 % des demandes de services d’hébergement.

En outre :

Des 552 refuges destinés aux victimes de violence en 2017 et 2018, seulement 6 % hébergeaient les femmes et les enfants dans les communautés autochtones.

Les femmes et les personnes de diverses identités de genre — en fait, toutes les personnes — qui tentent de sortir d’une relation de violence devraient pouvoir le faire. Elles doivent toutefois en avoir les moyens et elles ont besoin d’un endroit où aller. Le manque de logements abordables et accessibles fait que les gens risquent davantage de vivre dans des conditions précaires et d’être victimes de mauvais traitements.

Les femmes handicapées sont particulièrement à risque au Canada. Comme l’a expliqué la rapporteuse spéciale des Nations unies :

En raison du manque de logements accessibles et abordables, les femmes handicapées sont obligées d’aller dans des institutions et deviennent encore plus vulnérables aux mauvais traitements.

Les femmes handicapées sont deux fois plus susceptibles que les autres d’être victimes de crimes violents et d’agressions sexuelles.

Une stratégie nationale doit faire des logements abordables et accessibles une priorité économique pour que le gouvernement veille à ce que les femmes et les personnes de diverses identités de genre, particulièrement celles qui sont handicapées et celles qui sont racisées, ne subissent pas d’autres mauvais traitements.

Un autre élément qui exige notre attention est le rôle du système de justice pénale dans l’aggravation de la situation des survivants en rendant les victimes plus vulnérables à d’autres violences. Bien trop souvent, les facteurs de risque de victimation vont de pair avec les facteurs de risque de criminalisation, comme en témoigne le fait que 91 % des femmes autochtones et 87 % de l’ensemble des femmes incarcérées dans des établissements fédéraux ont subi des violences physiques ou sexuelles. Pour la plupart d’entre elles, ce traumatisme sous-jacent et non résolu a joué un rôle important dans leur judiciarisation, que ce soit en raison du manque de soutien de la part des services sociaux et de santé avant la crise, ou parce qu’elles ont été accusées d’avoir commis un crime alors qu’elles se défendaient ou qu’elles défendaient leurs enfants contre un agresseur.

D’après le rapport de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles, au Canada :

les femmes et les filles autochtones [...] ont trois fois plus de chances d’être victimes de violence, y compris de violence entre partenaires intimes [...]

De plus, elles ont environ six fois plus de chances d’être victimes d’un homicide — également connu sous le nom de féminicide, comme je l’ai déjà indiqué —, que l’ensemble de la population canadienne. Cinquante pour cent des femmes incarcérées dans des établissements fédéraux sont autochtones, un pourcentage qui ne cesse d’augmenter.

La rapporteuse spéciale des Nations unies a relevé plusieurs autres tendances après sa visite au Canada, à savoir la victimation des femmes qui demandent une protection de l’État contre la violence, la tendance à tenir compte de l’intérêt de l’enfant lorsqu’il faut statuer sur des questions, y compris la garde et le droit de visite, indépendamment des situations d’abus, ainsi que le manque d’accessibilité et le caractère inadéquat des services d’aide juridique.

En outre, la rapporteuse spéciale des Nations unies a mis l’accent sur les dispositions du Code criminel qui exigent que les juges envisagent toutes les sanctions possibles autres que l’emprisonnement. Elle a également fait remarquer que certains articles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition sont conçus pour permettre aux gens de purger leur peine dans la collectivité. Hélas, cette loi est à la fois sous-utilisée et sous-financée et est rarement communiquée aux femmes qu’elle est censée aider.

Comme l’a souligné la rapporteuse spéciale, il est urgent de proposer des solutions de rechange à l’emprisonnement et à l’incarcération pour s’occuper des femmes atteintes de troubles de santé mentale, en particulier des troubles liés à des traumatismes passés. De plus, leur incarcération va à l’encontre des normes internationales en matière de droits de la personne. Une stratégie nationale doit reconnaître le rôle actuel du système de justice pénale et du système carcéral dans les interventions inadéquates pour lutter contre la perpétration de la violence, les interventions inadéquates pour prévenir la violence et l’aggravation des conséquences de l’abus et de la violence pour les victimes.

En outre, bien que l’avortement ne soit pas criminalisé au Canada, il y a à la fois un manque d’accès à des services d’avortement sûrs et des cas actuels de stérilisation forcée de femmes autochtones, comme nous le savons bien grâce à notre collègue la sénatrice Boyer. La santé reproductive et sexuelle devrait faire partie d’une stratégie holistique de lutte contre la violence faite aux femmes. La rapporteuse spéciale des Nations unies a reconnu que ces problèmes faisaient partie de la violence actuelle faite aux femmes et aux filles au Canada, notamment dans le contexte de la discrimination systémique et plus particulièrement contre les femmes autochtones.

L’attention internationale a été attirée sur l’épidémie de violence faite aux femmes et aux filles au Canada, mais des voix d’ici, des incidents et des enquêtes nous alertent depuis longtemps sur ce danger. Nous devons y prêter attention. À la suite de l’enquête du coroner sur le triple meurtre de Carol Culleton, Nathalie Warmerdam et Anastasia Kuzyk en 2015, le comté de Lanark a qualifié le féminicide d’épidémie et a souligné le besoin urgent et irréfutable d’une approche pangouvernementale et pansystémique visant à mettre fin à la violence faite aux femmes.

La campagne dans le comté de Lanark, qui est voisin de celui de Renfrew, est « See it. Name it. Change it. » Elle reconnaît que lorsque la violence est vue, elle doit être nommée afin de provoquer un changement.

Nous la voyons tout le temps. Au cours des 52 semaines qui ont précédé la déclaration par le comté de Lanark de l’épidémie de féminicides, 52 femmes ont été tuées en Ontario seulement — 52 féminicides.

(2140)

Honorables collègues, insistons tous pour dénoncer et changer ces réalités si nous voulons réellement créer une stratégie nationale pour lutter contre la violence entre partenaires intimes et la violence contre les femmes ainsi que les prévenir.

La Commission des pertes massives a réaffirmé la nécessité que tous les ordres de gouvernement « déclarent que la violence fondée sur le sexe, la violence entre partenaires intimes et la violence familiale [sont] une épidémie », de même que la nécessité connexe d’apporter une « réponse pansociétale » appuyée par un « financement à la hauteur du niveau épidémique pour la prévention et les interventions en matière de violence fondée sur le sexe ». Le rapport illustre le but central qui sous-tend de multiples propositions : l’élimination de la violence fondée sur le sexe qui prend appui sur un engagement envers l’égalité, à commencer par la reconnaissance des forces structurelles et systémiques qui permettent à la violence familiale et à la violence entre partenaires intimes de persister.

Saisissons cette occasion pour jeter les jalons d’une stratégie nationale inclusive, car elle reconnaît les victimes et les survivants de la violence fondée sur le genre, et précise, car elle discerne les forces devant être démantelées pour permettre l’égalité réelle. Il y a 30 ans, le Comité canadien d’action sur le statut de la femme a reconnu que, pour éliminer la violence contre les femmes, il faut perturber les rapports de force de manière à favoriser l’égalité.

Aujourd’hui, le message demeure le même. Le Plan d’action national sur la violence faite aux femmes et la violence fondée sur le sexe : Appel réitéré ainsi que, cette année, la Commission des pertes massives, ont renouvelé cette demande d’égalité réelle. J’espère que dans 30 ans, nous — ou nos successeurs — considérerons, en rétrospective, cette stratégie nationale comme ayant été le début d’un changement monumental dans notre approche à l’égard de la violence fondée sur le genre. Meegwetch, merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Manning, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

[Français]

Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Dupuis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

[Traduction]

Projet de loi sur le cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Ravalia, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-253, Loi concernant un cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Dean, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Brazeau, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées).

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées), présenté par notre honorable collègue, le sénateur Brazeau.

C’est une initiative que je salue, et je tiens à exprimer mon plus profond respect à tous mes collègues qui nous ont fait part de leurs témoignages. Je vous remercie d’avoir partagé votre parcours personnel très publiquement.

Gùnáłchîsh, mähsi’cho. Je vous remercie. Je remercie tous les sénateurs de leur participation à ce débat et de leur engagement envers les Canadiens.

À plusieurs reprises, des sénateurs ont fait référence à l’expérience du Yukon en matière d’étiquetage des produits alcoolisés. Je crois que le fait de présenter tous les aspects de l’expérience du Yukon permettra un examen approfondi de ce projet de loi lorsqu’il sera renvoyé au comité à cette fin.

Soit dit en passant, les sénateurs savent peut-être que, le 13 juin, nous célébrerons le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon. En revanche, ils ignorent peut-être que l’une des raisons qui ont poussé le Parlement à adopter cette loi était de réglementer et de taxer l’alcool dans le territoire du Yukon.

Aujourd’hui encore, le Yukon affiche un taux de consommation d’alcool élevé. C’est également pour cette raison que ce territoire a commencé à étiqueter les produits alcoolisés il y a plus de 25 ans.

Depuis 1991, les produits alcoolisés vendus au Yukon portent une étiquette indiquant que la consommation d’alcool pendant la grossesse peut causer des anomalies congénitales. Lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-253, Loi concernant un cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, j’avais précisé que les législateurs et les habitants du Yukon diffusent depuis des années — voire des décennies — le message que l’abstinence est la meilleure option durant une grossesse.

La Société des alcools du Yukon, à l’instar d’autres provinces, fait la promotion d’une approche responsable qui dépasse l’initiative de l’étiquetage, notamment avec la mise en œuvre du programme Be A Responsible Server, ou BARS, sur la responsabilité des personnes qui servent de l’alcool.

Honorables sénateurs, la lettre de mandat remise en janvier 2017 à John Streicker, le ministre responsable de la Société des alcools du Yukon à cette époque, disait qu’il devait s’engager à consulter la Commission des alcools du Yukon, les communautés des gens d’affaires ainsi que les organisations qui représentent les consommateurs et la société civile pour évaluer si la Loi sur les boissons alcoolisées du Yukon correspondait aux besoins réels. Il devait aussi s’engager à déterminer si cette loi établissait un équilibre approprié entre les possibilités économiques et la responsabilité sociale.

L’étude sur l’étiquetage des produits alcoolisés dans les territoires du Nord, une initiative de l’Université de Victoria, avec la participation de chercheurs de Santé publique Ontario, avait été conçue et proposée en 2014. Cette étude portait sur l’efficacité des étiquettes de mise en garde sur les risques liés à l’alcool. En outre, l’étude offrait la possibilité d’améliorer la sensibilisation sur les directives de consommation d’alcool à faible risque, l’information sur la consommation standard et les mises en garde de santé publique.

Honorables sénateurs, le sondage préliminaire mené auprès des habitants qui appuient les travaux de l’étude avait été réalisé dans les magasins des alcools à Whitehorse, au Yukon, et à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Les Territoires du Nord-Ouest avaient aussi déjà eu recours pendant un certain temps à l’étiquetage de mise en garde sur les risques associés à la consommation d’alcool durant la grossesse.

Dans le cadre de l’étude sur l’étiquetage des produits alcoolisés dans les territoires du Nord, les Territoires du Nord-Ouest servaient de cas témoin, et le Yukon, de cas type. L’étude a été lancée dès que le financement de Santé Canada a été reçu, en 2017.

En novembre 2017, les Yukonnais ont été avisés qu’on allait mettre en place un nouvel étiquetage des boissons alcoolisées dans les magasins d’alcools de Whitehorse. Dans l’information sur la campagne de soutien pour l’étude, on a indiqué que cela comprenait de l’information sur les directives de consommation d’alcool à faible risque du Canada, les mesures standard de la quantité d’alcool et les façons de réduire les méfaits liés à l’alcool.

Le communiqué sur les étiquettes de mise en garde contenait une citation de la chercheure principale, Erin Hobin, qui a dit ceci : « Peu de Canadiens sont conscients de la corrélation entre les effets de l’alcool et les risques qu’ils peuvent avoir sur la santé, notamment le cancer. »

Il comprenait aussi une citation du Dr Brendan Hanley, médecin hygiéniste en chef du Yukon, qui a dit ceci :

La participation de la Société des alcools du Yukon dans cette étude permet d’en apprendre davantage sur la consommation de notre population et nous donne l’occasion de promouvoir des habitudes de vie plus saines.

(2150)

Le Dr Hanley est actuellement le député de la circonscription de Yukon.

Environ un mois plus tard, l’étude sur l’étiquetage des boissons alcoolisées dans les territoires du Nord a été suspendue afin d’évaluer la portée et le message des étiquettes apposées au cours de l’étude.

Honorables sénateurs, en février 2018, après des discussions avec les chercheurs, les représentants des marques nationales et d’autres intervenants, le gouvernement du Yukon a repris l’étude, qui utilise maintenant deux étiquettes pour éduquer les consommateurs, l’une indiquant la taille d’un verre standard et l’autre fournissant des lignes directrices sur la consommation d’alcool à faible risque. L’étiquette de mise en garde contre le cancer ne fait plus partie de l’étude.

Le Yukon dispose d’un budget relativement modeste et d’un petit nombre de membres de l’assemblée législative, et les ministres gèrent généralement plusieurs portefeuilles. Une différence subtile mais importante entre le Yukon et les autres territoires et les autres provinces, c’est que le ministre responsable de la vente des boissons alcoolisées dans les provinces n’est pas nécessairement présent au Cabinet comme il l’est au Yukon. Comment le ministre du Yukon responsable de la société des alcools peut-il persuader ses collègues du Cabinet d’intenter des poursuites contre une grande industrie canadienne plutôt que de consacrer le budget du territoire à la santé, à l’éducation ou à la réparation des routes endommagées par la fonte du pergélisol? Bien que les mises en garde contre le cancer ne fassent plus partie de l’étude, le travail de recherche est réellement utile pour évaluer l’efficacité des étiquettes de mise en garde.

Dans son discours plus tôt cette semaine, le sénateur Plett a clairement montré que les avis et les conclusions divergent au sujet des étiquettes de mise en garde, et l’honorable leader de l’opposition a fait valoir de bons points. Dans ma région, nous avons vu l’efficacité des étiquettes de mise en garde. En m’appuyant sur l’étude, je note que les gens se souvenaient du message sur les étiquettes, qu’ils en parlaient et qu’ils buvaient moins. Voici un extrait de l’étude :

Les étiquettes de mise en garde aux couleurs vives avec un avertissement sur les risques de cancer, des lignes directrices nationales sur la consommation d’alcool et le nombre de verres standards aident les consommateurs à faire des choix plus informés et plus sûrs.

C’est pourquoi je soutiens l’adoption de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture et son renvoi au comité. Le sénateur Plett et moi sommes d’accord sur ce point. Dégager un consensus sur les données scientifiques, comme il a été suggéré, avant d’adopter le projet de loi et de le renvoyer à l’autre endroit est absolument essentiel. Les scientifiques ont tendance à trouver des points litigieux sur la plupart des sujets, un peu comme les avocats, les économistes et les parlementaires. En incluant des avis et des résultats de recherche divergents dans l’étude du projet de loi, je suis certaine que le comité trouvera une voie acceptable.

L’étude sur l’étiquetage des boissons alcoolisées dans les territoires du Nord est l’une des études scientifiques qui doivent absolument être prises en compte, en plus des expériences du gouvernement du Yukon.

Je remarque que le sénateur Brazeau, lors de récentes discussions sur ce projet de loi dans les médias, tenait une boîte de maïs dans sa main, et il en montrait l’étiquette. Lorsque je visite les épiceries d’Ottawa et de Whitehorse, ce que je fais régulièrement, je lis les étiquettes, et je vois beaucoup d’autres personnes faire de même. Nous voulons connaître la quantité exacte de sucre, de lipides, de fibres et de sodium dans la nourriture que nous consommons. Nous sommes tous, du moins nous devrions l’être, très conscients des étiquettes de mise en garde sur les produits de nettoyage que nous employons. On nous conseille de ranger soigneusement les capsules de détergents aux couleurs vives parce que leur ingestion est dangereuse. De plus, on met en garde contre, ou on interdit, l’utilisation de produits de jardinage, tels que des pesticides et des herbicides, connus pour être cancérigènes. Puis, hier, le Canada a annoncé que des avertissements seraient désormais imprimés sur chaque cigarette.

Honorables sénateurs, des preuves claires, scientifiques et évaluées par des pairs confirment le lien entre la consommation d’alcool — vin ou bière — et le cancer. Ce projet de loi demande au Canada d’imposer l’apposition d’une étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées, qui précisera clairement que l’alcool a des effets cancérigènes connus. La sénatrice Mégie et d’autres ont soutenu qu’il faut commencer cette étude de toute urgence.

Je recommande fortement que le comité tienne compte de l’information obtenue par l’entremise de l’étude sur l’étiquetage des produits alcoolisés dans les Territoires du Nord-Ouest ainsi que de l’expérience du Yukon. Je suis impatiente d’offrir mon soutien aux travaux du comité, et, lorsque celui-ci aura fait son travail avec toute la diligence voulue, de renvoyer ce projet de loi à l’autre endroit pour que la Chambre puisse appuyer cette importante initiative. Merci, chers collègues. Je vous suis reconnaissante de m’avoir accordé de votre temps ce soir. Merci, gùnáłchîsh, mähsi’cho.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Brazeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi sur l’Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Downe, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé).

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Patterson (Nunavut), le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine hellénique

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Tony Loffreda propose que le projet de loi S-259, Loi désignant le mois de mars comme Mois du patrimoine hellénique, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-259, Loi désignant le mois de mars comme le Mois du patrimoine hellénique. C’est un véritable honneur pour moi d’intervenir dans cette enceinte pour présenter mon premier projet de loi d’intérêt public au Sénat. Je tiens à remercier le sénateur Housakos, qui a eu l’amabilité de soutenir mon projet de loi et qui en sera le porte-parole. J’espère qu’il jouera son rôle avec bienveillance.

Dans mon intervention d’aujourd’hui, je souhaite aborder quatre points essentiels. Tout d’abord, je parlerai brièvement de mes liens avec la communauté hellénique. Cela expliquera pourquoi il m’a été demandé, à moi qui ne suis pas grec, de parrainer ce projet de loi. Deuxièmement, je voudrais parler de la genèse et de l’évolution de ce projet de loi. Je présenterai ensuite un bref historique de l’héritage grec du Canada. Enfin, je terminerai en vous faisant part des commentaires positifs que j’ai reçus de la part d’organisations helléniques et de dirigeants communautaires qui appuient l’adoption du projet de loi S-259.

Mes liens avec la communauté hellénique remontent à bien longtemps. En fait, ils remontent à plusieurs décennies. Dans mon ancienne vie, j’ai eu l’honneur de soutenir divers organismes communautaires et groupes ethniques en parrainant, en faisant des dons et en présidant de nombreux événements et activités de collecte de fonds. La communauté hellénique de Montréal était certainement l’une des communautés avec lesquelles j’entretenais des liens profonds et étroits.

Notre collègue le sénateur Housakos et moi soutenons depuis longtemps la section montréalaise de l’American Hellenic Educational Progressive Association.

Je suis également un distingué mécène de l’Hellenic Ladies Benevolent Society, un organisme sans but lucratif qui a célébré son 100e anniversaire l’année dernière et qui vient en aide aux membres de la communauté hellénique, entre autres, qui sont dans le besoin. Je suis fier de pouvoir dire que, au fil des ans, nous avons aidé la communauté à amasser des centaines de milliers de dollars pour soutenir de nombreuses bonnes causes qui profitent à différents groupes et à différentes personnes d’origine hellénique.

(2200)

Sur le plan professionnel et personnel, j’ai également noué des liens solides avec de nombreux leaders, entrepreneurs et défenseurs de la communauté. Aujourd’hui encore, certains de mes amis les plus proches à Montréal sont issus de la communauté hellénique.

Il y a quelques années, j’ai eu le grand honneur d’être nommé « philhellène de l’année » par la communauté hellénique du Grand Montréal pour mon militantisme et mon engagement envers la communauté. Ce prix, qui est fièrement exposé chez moi, n’est décerné qu’en de rares occasions à des non-Grecs et rend hommage aux personnes qui s’engagent en faveur de l’hellénisme. J’ai donc été particulièrement touché par cet honneur.

Plus récemment, en avril 2022, j’ai eu le privilège d’accompagner l’ancien Président, ainsi que les sénateurs Housakos et Saint-Germain, lors d’une visite officielle en République hellénique. Il est on ne peut plus opportun que mon premier voyage international officiel en tant que sénateur ait eu lieu en Grèce. C’est un voyage que je n’oublierai jamais.

Nous avons rencontré plusieurs parlementaires et politiciens, dont le premier ministre, le président du Parlement hellénique, l’archevêque d’Athènes et divers ministres et autres fonctionnaires. Quatre-vingts ans après l’établissement officiel de nos relations avec la République hellénique, ces relations sont plus fortes que jamais. Nous partageons les mêmes valeurs démocratiques et les deux pays collaborent de manière constructive pour renforcer le commerce et les investissements bilatéraux, ainsi que pour encourager une coopération plus étendue dans divers domaines, notamment l’éducation et les affaires.

D’une certaine manière, mon voyage en Grèce m’a rappelé les liens étroits qui unissent nos deux pays et m’a donné une motivation supplémentaire pour présenter ce projet de loi.

Comme vous le savez peut-être, un projet de loi similaire a été déposé en mars 2021, au cours de la 43e législature, par notre collègue Annie Koutrakis, députée de Vimy, une circonscription de la région de Montréal. Malheureusement, le projet de loi C-276 de Mme Koutrakis est mort au Feuilleton lors de la dissolution du Parlement et des élections fédérales qui ont suivi. Mme Koutrakis ainsi que d’autres parlementaires et membres de la diaspora hellénique du Canada se sont engagés à présenter à nouveau le projet de loi au cours de la 44e législature.

L’automne dernier, Mme Koutrakis et le sénateur Housakos m’ont demandé de déposer à nouveau ce projet de loi au Sénat. Compte tenu de mon engagement de longue date envers la communauté et de mon amour pour tout ce qui est grec, ils ont estimé que j’étais la personne toute désignée pour présenter un nouveau projet de loi et le faire adopter par le Parlement. J’ai été honoré qu’on me fasse cette demande et j’ai accepté avec plaisir au nom d’une communauté pour laquelle j’ai le plus grand respect et la plus grande admiration.

Je sais que Mme Koutrakis a fait beaucoup de démarches auprès des communautés avant de déposer son projet de loi en 2021. J’avais confiance en son travail, mais j’ai également estimé qu’il fallait que j’aille moi-même à la rencontre des organisations communautaires et des particuliers pour leur demander leur avis sur la version précédente du projet de loi, en particulier sur le libellé du préambule.

Après avoir mené mes propres recherches, j’ai lancé des consultations au début de cette année. J’ai contacté divers organismes et de nombreuses personnes dans tout le pays, issus d’un large éventail de secteurs, notamment des organisations à but non lucratif, des universitaires, des chercheurs, des juristes, des intervenants communautaires, des chefs religieux et des personnes d’origine grecque. Au total, mon bureau a contacté près de 150 groupes et personnes distincts.

Les réactions que nous avons reçues sont unanimes : tout le monde soutient l’initiative, m’a encouragé à présenter le projet de loi le plus rapidement possible et — sans vouloir exercer de pression — a exhorté les parlementaires à adopter le projet de loi dans les plus brefs délais. Je vous ferai part de certains de ces commentaires un peu plus loin dans mon discours.

Plus important encore, j’ai été ravi de recevoir des commentaires constructifs et des suggestions de modifications de pure forme, mineures au préambule du projet de loi C-276, le prédécesseur du projet de loi S-259. En collaboration avec quelques-uns de nos collègues parlementaires, dont la députée Annie Koutrakis et le sénateur Housakos, j’ai le sentiment que nous avons correctement intégré ces corrections dans le projet de loi que nous avons devant nous.

J’ai l’espoir et la certitude que le projet de loi S-259, dans sa forme actuelle, répondra aux besoins et aux aspirations de la communauté hellénique. J’espère que le comité auquel le projet de loi sera renvoyé invitera les membres de la communauté à donner leur avis.

Aux fins du compte rendu, je voudrais prendre un moment pour lire le texte du préambule du projet de loi :

Attendu que plus de 260 000 Canadiens sont d’origine grecque et qu’il existe de nombreuses communautés grecques dans l’ensemble du pays;

[Attendu] que les Canadiens d’origine grecque ont apporté une précieuse et durable contribution à l’édifice politique, économique, scientifique, juridique, médical, culturel et social du Canada;

que les origines de la démocratie canadienne remontent à l’ancienne cité-État grecque d’Athènes;

que le mois de mars revêt une importance culturelle et spirituelle particulière pour la communauté grecque, puisque c’est le 25 mars 1821, jour de la fête de l’Annonciation, que la Grèce a amorcé sa guerre d’indépendance de l’Empire ottoman, qui a été le prélude à la création de l’État grec moderne;

que la célébration du Mois du patrimoine hellénique continuerait d’encourager les Canadiens d’origine grecque à promouvoir leur culture et leurs traditions et à les faire découvrir à leurs concitoyens [...].

Je tiens à remercier publiquement tous ceux qui, je pense, ont amélioré le préambule, ainsi que la députée Koutrakis, qui a fait le gros du travail dans l’élaboration de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, les Canadiens et les citoyens du monde entier ont de nombreuses raisons d’apprécier l’hellénisme, son héritage et son incidence sur nos démocraties.

Comme vous le savez peut-être, le Canada a établi des relations officielles avec la République hellénique en 1942, alors que le gouvernement grec était en exil pendant la Seconde Guerre mondiale. L’année dernière, nous avons célébré le 80e anniversaire de ce partenariat, qui a également coïncidé avec la visite officielle de notre Président. Bien entendu, avant cet accord bilatéral, le Canada abritait une communauté hellénique peu nombreuse, mais vigoureuse et dynamique.

L’histoire des Canadiens d’origine grecque remonte à près de 200 ans, lorsque les premiers immigrants se sont installés à Montréal dans les années 1840. Selon les documents d’archives, en 1871, 39 personnes d’origine grecque vivaient au Canada. Ce nombre modeste a augmenté au fil des ans, grâce à deux vagues d’immigration en provenance de la Grèce.

La première vague a eu lieu à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, à la suite de la crise économique de 1893 qui a sévi dans la république. La deuxième vague a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Des plus de 1 million de Grecs qui ont quitté leur pays lors de cette deuxième vague, près de 120 000 personnes ont choisi le Canada comme destination finale. J’ai de beaucoup de membres de la famille, d’amis et de connaissances qui sont arrivés au Canada à cette époque-là.

Aujourd’hui, plus de 260 000 Canadiens d’ascendance grecque vivent dans notre pays. Ils sont forts, ils sont fiers et ils sont partie intégrante de la mosaïque culturelle du Canada.

Dans un article universitaire publié l’an dernier, le récit suivant résume bien la manière dont les émigrants de la Grèce se sont intégrés dans leur pays d’accueil :

Au Canada, les Grecs ont tenté d’équilibrer leurs efforts d’intégration à leur nouveau pays en maintenant leur identité grecque, car bon nombre d’entre eux espéraient retourner en Grèce en moins de 10 ans. C’est pourquoi ils ont créé des églises, des écoles de langue et de nombreuses associations laïques où on parlait grec à divers degrés. Bien entendu, ils ont aussi fondé des entreprises, comme des restaurants ou des épiceries, où les membres de la communauté se rassemblent et socialisent.

Pour diverses raisons, [...] la plupart des familles d’immigrants grecs sont restées au Canada et, pour les immigrants d’origine comme pour leurs descendants, l’intégration est devenue l’objectif principal.

Je crois que le plus révélateur, dans cette déclaration, est le fait que de nombreux Grecs qui avaient l’intention de retourner en Grèce ont décidé de rester au Canada. Ce changement de plan a probablement été motivé par diverses raisons, mais j’aime croire qu’ils ont été nombreux à choisir de rester au Canada parce qu’ils s’y sentaient les bienvenus, chez eux, et qu’ils savaient que le Canada pouvait leur offrir d’innombrables possibilités ainsi qu’un environnement sûr et bienveillant où élever leur famille.

Comme l’explique l’Encyclopédie canadienne :

Les immigrants grecs professionnels travaillent comme ingénieurs, avocats, médecins, professeurs et fonctionnaires. Les personnes d’origine grecque nées au Canada étant plus scolarisées que leurs parents, elles occupent de meilleurs emplois professionnels et spécialisés.

Naturellement, à mesure que la population d’origine grecque a augmenté au Canada, il en a été de même pour le nombre d’associations, d’organismes et d’églises centrés sur les Grecs dans les diverses communautés au pays.

Je n’aime pas attirer l’attention sur un groupe ou une personne en particulier, mais je m’en voudrais de ne pas prendre le temps de souligner le travail de l’ordre canadien de l’American Hellenic Education and Progressive Association, ou AHEPA, dont j’ai parlé plus tôt. L’un des aspects importants de la mission de l’AHEPA, qui compte des divisions dans toutes les grandes villes nord-américaines, consiste à sensibiliser la société aux principes hellénistes.

Ce sont des principes comme l’engagement envers l’humanité, la liberté et la démocratie. Je sais d’expérience que la division montréalaise fait un travail remarquable pour redonner à la communauté, notamment en organisant des collectes de fonds, en offrant des bourses d’études et en participant aux efforts de lutte contre la pauvreté.

La première section canadienne de l’AHEPA a été créée il y a près de 100 ans, à Toronto, pour « aider les immigrants à s’établir confortablement dans leur nouveau pays sans sacrifier leur identité et leur patrimoine helléniques ». Peu de temps après, on a créé la division de London, puis celle de Montréal, en 1930. Montréal et Athènes ont aussi comme particularité d’être des villes sœurs.

J’aimerais aussi dire un mot sur la Hellenic Ladies Benevolent Society.

Depuis 1922, la [Hellenic Ladies Benevolent Society] aide des milliers de personnes et de familles à obtenir l’aide financière dont elles ont besoin en distribuant les fonds recueillis lors de ses diverses activités de financement. À Montréal, cette société est un pilier indispensable de la communauté et elle aide certaines des personnes les plus défavorisées et privées de leurs droits.

(2210)

Outre ces deux organisations, il existe plusieurs autres groupes, associations et instituts à but non lucratif qui représentent la communauté hellénique, qui promeuvent ses valeurs et qui sauvegardent son histoire. J’évoquerai certains d’entre eux dans la suite de mon intervention. Naturellement, comme le stipule le préambule du projet de loi, les Canadiens d’origine grecque ont également apporté des contributions durables à notre nation dans divers domaines, et je sais que ces organisations ont joué un rôle essentiel dans ces réussites individuelles.

Sur le plan spirituel et religieux, la communauté gréco-canadienne est également soutenue et guidée par l’Église orthodoxe grecque. D’ailleurs, l’église orthodoxe grecque St. George’s, la première du genre au Canada, a été fondée en 1909 à Toronto.

L’archevêque actuel est Son Éminence Sotirios Athanassoulas, qui est au service des Canadiens d’origine grecque depuis six décennies et qui m’a récemment écrit pour appuyer le projet de loi S-259. Si vous n’êtes pas encore convaincu que les Grecs du Canada méritent une célébration d’un mois en leur honneur, nul besoin de chercher plus loin qu’en Ontario, où Queen’s Park est devenu en 2020 la première assemblée législative du Canada à reconnaître officiellement le mois de mars comme le Mois du patrimoine hellénique.

Depuis, le gouvernement de l’Ontario s’est aussi engagé à investir 325 000 $ pour appuyer la planification et la création d’un nouveau musée du patrimoine gréco-canadien qui abritera une collection d’artéfacts à Toronto, là où se trouve le plus grand bassin de Canadiens d’origine grecque.

Les commentaires que la province a reçus des parties prenantes ont confirmé la nécessité d’un espace public permettant de relier les générations au legs de la culture hellénique. Le musée sera situé au siège social de l’archidiocèse. Je sais que l’archevêque Sotirios se réjouit de ce nouveau projet.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai travaillé avec quelques collègues parlementaires pendant plusieurs mois en vue de rédiger le projet de loi. En plus d’avoir appuyé le projet de loi lorsque je l’ai présenté, le sénateur Housakos agit aussi en tant que porte-parole bienveillant pour la mesure législative. J’ai très hâte d’entendre ses observations à l’étape de la deuxième lecture. Si je n’ai pas réussi à vous convaincre du bien-fondé du projet de loi, je ne doute pas qu’il y arrivera.

De plus, je suis heureux de vous annoncer qu’Emmanuella Lambropoulos, la députée libérale de Saint-Laurent, à Montréal, et Canadienne d’origine hellénique, marrainera le projet de loi à l’autre endroit.

Le projet de loi sera appuyé par Dave Epp, le député conservateur de Chatham-Kent—Leamington. Comme vous pouvez le voir, nous avons déjà l’appui de plusieurs partis, et j’espère que le projet de loi sera adopté au Parlement en un clin d’œil.

Grâce à mes consultations avec la communauté hellénique, j’ai recueilli un grand nombre de soutiens et d’appuis officiels de la part de Canadiens qui se réjouissent de cette initiative législative. Je pense qu’il est important de faire connaître certaines de ces réactions positives.

Le Congrès hellénique canadien, institution nationale qui représente, défend et promeut les intérêts et les préoccupations des Canadiens d’origine hellénique, s’est montré très favorable au projet de loi.

Le Dr Theodore Halatsis, président du Congrès hellénique canadien, a écrit que ce dernier « soutient fièrement et de tout cœur » mon initiative, et il a souligné que « les Canadiens d’origine hellénique d’aujourd’hui ont fièrement contribué à la richesse du Canada dans divers secteurs ».

L’ordre canadien de l’American Hellenic Educational Progressive Association a aussi accueilli favorablement le projet de loi S-259. Comme il l’a souligné, ce projet de loi salue non seulement les contributions des Canadiens d’origine grecque au tissu socioéconomique, politique et scientifique du Canada au cours du siècle dernier, mais il salue également les contributions de la culture et de la civilisation grecques aux valeurs canadiennes de liberté, de démocratie, d’éducation, de responsabilité civique et d’excellence individuelle et familiale.

La Fondation éducationnelle Socrate m’a écrit pour me dire à quel point le projet de loi S-259 « a suscité l’enthousiasme et la fierté » de ses membres, qui m’ont rappelé que les idées et les concepts helléniques ont été adoptés dans le monde entier et constituent la base de notre civilisation occidentale.

Vasilios Sioulas, président de la section d’Ottawa de l’American Hellenic Educational Progressive Association, a raconté une histoire touchante sur son père, qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale.

Vasilios a expliqué que, comme son père et d’innombrables autres personnes :

Les immigrants grecs ont traversé l’océan en quête d’une vie meilleure, [et] après un voyage éprouvant, ils ont pu voir apparaître à l’horizon un panneau de bienvenue au Canada, sur le Quai 21, à Halifax.

Dans sa lettre, il a écrit :

L’histoire des Grecs au Canada est riche en récits inspirants de réussite. C’est l’histoire de leur apport considérable à leur pays d’adoption.

À son avis, l’adoption du projet de loi S-259 :

[...] ravivera l’esprit immortel de nos ancêtres et attisera notre imagination pour le plus grand bien de toutes les parties concernées.

Nicolas Pantieras, collègue de Vasilios à l’Association hellénique éducative et progressive d’Amérique, a également soutenu cette initiative. Il a déclaré ce qui suit :

En faisant du mois de mars le Mois du patrimoine grec, nous reconnaissons et célébrons la riche contribution culturelle et historique de la communauté grecque au Canada et dans le monde. Cette reconnaissance favorise un sentiment d’appartenance et de respect de la diversité, ce qui permet de mieux comprendre et de mieux apprécier la société multiculturelle du Canada. Cela permet également aux Grecs de faire connaître leur culture et leur patrimoine à l’ensemble des Canadiens, ce qui favorise le dialogue et la compréhension interculturels.

Tony Lourakis, président de la fondation du patrimoine hellénique — un organisme très respecté et géré par des professionnels, qui fait la promotion de l’enseignement supérieur et dispense de la formation dans le domaine des études helléniques —, m’a rappelé que ce qui n’est pas transmis, étudié, ou apprécié, finit par tomber dans l’oubli.

Par conséquent, il a déclaré ce qui suit :

Reconnaître la culture et l’histoire helléniques est essentiel pour en assurer la préservation et pour comprendre les fondements d’une culture qui influence notre société encore de nos jours.

Il a ajouté ce qui suit :

La reconnaissance du Mois du patrimoine hellénique nous donne l’occasion de mettre en lumière l’histoire inestimable de la Grèce, tant classique que moderne, tout en soulignant la plus grande force du Canada, qui est sans aucun doute sa diversité.

Je n’aurais pas pu mieux dire.

L’archevêque Sotirios, chef de l’archidiocèse grec orthodoxe du Canada, a offert son plein soutien, tant à titre personnel qu’au nom de l’archidiocèse. Il a écrit :

Cette loi n’est pas seulement importante pour la communauté grecque qui vit aujourd’hui dans ce pays, mais je pense qu’elle sera encore plus significative pour les générations futures qui sont nées et ont grandi dans ce glorieux pays qu’est le Canada, mais dont les racines remontent à la Grèce et à son histoire sans pareille.

Stanley Papulkas, président d’Itoc Media Corp, a même suggéré de déplacer au mois de mars la tournée canadienne du Festival international du film grec, qui se déroule actuellement à l’automne, afin de célébrer la culture hellénique à l’échelle du pays, dans le cadre du Mois du patrimoine hellénique. Comme vous pouvez le constater, ce projet de loi suscite déjà l’enthousiasme de la communauté.

Certains ont affirmé que les projets de loi visant à reconnaître des journées, des semaines ou des mois spéciaux étaient inutiles. Je ne suis évidemment pas de cet avis. Prenons par exemple le témoignage de Bill Molos, directeur de programme et responsable de la recherche aux archives gréco-canadiennes de la Fondation du patrimoine hellénique à l'Université York. Il a déclaré :

Les mois du patrimoine donnent aux Canadiens l’occasion de célébrer la contribution de divers groupes culturels au Canada. Donner à ces communautés des moyens de faire connaître leurs histoires, leurs expériences et leurs points de vue favorise une meilleure compréhension et l’inclusion dans la société canadienne. En en sachant plus au sujet de nos différences, nous favorisons le sentiment d’appartenance au Canada et nous adoucissons les lignes au sein de la belle mosaïque canadienne.

La reconnaissance au Canada du mois de mars en tant que Mois du patrimoine hellénique aidera à sensibiliser les Canadiens à l’hellénisme et à l’histoire des Canadiens d’origine grecque et elle soutiendra les efforts existants visant à promouvoir la compréhension entre les cultures et à inspirer de nouvelles initiatives à l’échelle du pays.

Scott Gallimore, président du conseil d’administration de l’Institut canadien en Grèce, s’est dit pleinement en faveur du projet de loi et a mentionné que :

[...] l’institut croit en l’importance de cette initiative pour consolider la relation entre les deux pays et reconnaître les importantes contributions des citoyens grecs qui résident au Canada en matière de culture et de mode de vie.

[Français]

Le professeur Jacques Perreault, de l’Université de Montréal, qui est aussi l’un des directeurs de l’Institut canadien en Grèce, a appuyé mon initiative, tout en réitérant le fait que la communauté grecque constitue l’une des communautés culturelles les plus dynamiques du pays, et que son apport au développement économique et culturel du Canada et du Québec et la mise en valeur de son héritage culturel ont contribué à construire le Canada d’aujourd’hui. Chris Adamopoulos et le personnel de l’École Socrates-Démosthène de Montréal m’ont fait part du témoignage suivant, et je cite :

Nous pensons que c’est une initiative à soutenir, bien sûr, mais surtout, à l’ère des nouvelles générations d’origine grecque, il y a un grand besoin de revitaliser leur héritage grec et aussi d’honorer la contribution des générations grecques passées.

Je crois que le projet de loi S-259 permettra d’atteindre cet objectif. Chers collègues, je m’arrêterai ici, mais j’aurais pu vous faire part de plusieurs autres témoignages de Canadiens qui accueillent favorablement le projet de loi S-259. Comme je l’ai déjà mentionné, je m’étais imposé le devoir de bien consulter la communauté de partout au pays avant de présenter mon projet de loi. C’était important pour moi d’avoir leur appui et leur rétroaction. Je crois honnêtement avoir bien intégré leurs commentaires dans le libellé du préambule, et je souhaite sincèrement gagner leur appui — et le vôtre, bien évidemment.

(2220)

[Traduction]

En terminant, honorables sénateurs, même s’il se fait tard — et j’ai presque terminé —, je dois m’excuser d’insister, mais beaucoup de personnes s’attendent à ce que j’exprime l’honneur que j’ai eu à présenter le projet de loi S-259, Loi désignant le mois de mars comme Mois du patrimoine hellénique, et à vous faire part des réalisations durables de la communauté grecque ainsi que de ses grandes contributions au tissu social, culturel et économique de notre pays.

En ce qui me concerne, la réputation très enviable du Canada dans la sphère internationale est attribuable à notre riche histoire en matière d’immigration et à nos politiques d’intégration fructueuses. Les immigrants ont contribué à bâtir notre pays et à en faire l’une des nations les plus enviées dans le monde. On peut aussi affirmer que la diversité du Canada est l’une de ses plus grandes forces et elle compte parmi ses richesses. Nous pouvons être fiers de notre patrimoine. Les différences font de notre pays un lieu offrant une grande qualité de vie. Elles nous unissent; elles ne sont pas une source de division.

L’honorable Andromache Karakatsanis, la première canadienne d’origine grecque à être nommée à la Cour suprême du Canada, a d’ailleurs déjà déclaré que son nom a toujours été pour elle un signe de différence. Toutefois, elle n’a jamais permis que son nom soit anglicisé, car elle est fière de ses origines. Après tout, dans la mythologie grecque, Andromache est une femme forte. De plus, ses parents lui ont toujours dit qu’être différent, cela peut aussi vouloir dire être meilleur.

Je vous cite les paroles de la juge Karakatsanis :

[...] au Canada, la différence est un atout. C’est une terre de générosité et de diversité étonnantes où la fille d’un immigrant grec peut devenir juge de la Cour suprême du Canada. Les possibilités sont immenses au Canada.

Chers collègues, les Canadiens d’origine grecque méritent cette reconnaissance particulière. Ils ont contribué à rendre le Canada plus fort, meilleur et plus dynamique. J’espère que vous vous joindrez à moi pour reconnaître ce patrimoine séculaire en appuyant la mesure législative.

Je pense qu’en adoptant le projet de loi, le Parlement pourrait envoyer d’une seule voix un message clair et retentissant aux Canadiens d’origine grecque. Le projet de loi S-259 nous donne l’occasion de les remercier de tout ce qu’ils ont accompli et de faire en sorte que dorénavant, chaque mois de mars, nous prenions le temps de célébrer l’hellénisme, de rendre hommage aux Canadiens d’origine grecque du passé et du présent, de sensibiliser les Canadiens aux nombreuses contributions de ces personnes à notre société et de nous laisser tenter par tout ce qui touche la Grèce. Merci, efcharistò.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi relative au cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-224, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur la prévention et le traitement de cancers liés à la lutte contre les incendies.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Yussuff, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Batters, appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels).

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Batters, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de déposer son rapport relatif à l’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Brian Francis, conformément au préavis donné le 30 mai 2023, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat un rapport provisoire relatif à son étude sur les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis, au plus tard le 13 juin 2023, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que le rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(2230)

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

Autorisation au comité de déposer son rapport sur les questions concernant la sécurité et la défense dans l’Arctique auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Tony Dean, conformément au préavis donné le 30 mai 2023, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat un rapport portant sur son étude sur les questions relatives à la sécurité et à la défense dans l’Arctique, y compris l’infrastructure militaire et les capacités en matière de sécurité du Canada, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que le rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Langues officielles

Adoption de la motion concernant la composition du comité

L’honorable Brian Francis, conformément au préavis donné le 31 mai 2023, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, l’honorable sénatrice Gagné soit remplacée à titre de membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles par l’honorable sénatrice Audette.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 22 h 31, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 6 juin 2023, à 14 heures.)

Annexe - Liste des sénateurs

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