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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 130

Le mardi 6 juin 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 6 juin 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence d’un photographe dans la salle du Sénat pour photographier la présentation d’une nouvelle sénatrice aujourd’hui.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Nouvelle sénatrice

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que le greffier du Sénat a reçu du registraire général du Canada le certificat établissant que Beverly Jane MacAdam a été appelée au Sénat.

Présentation

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que la sénatrice attend à la porte pour être présentée.

L’honorable sénatrice suivante est présentée, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. La sénatrice, en présence du greffier du Sénat, prête le serment prescrit et prend son siège.

L’honorable Jane MacAdam, de West St. Peters, à l’Île-du-Prince-Édouard, présentée par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Elizabeth Marshall.

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que l’honorable sénatrice susmentionnée a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d’attester cette déclaration.

Félicitations à l’occasion de sa nomination

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour féliciter encore une fois la sénatrice MacAdam de sa nomination au Sénat et pour lui souhaiter la bienvenue parmi nous.

La sénatrice MacAdam joint les rangs du Sénat alors que celui-ci poursuit son projet de modernisation qui vise entre autres une plus grande égalité des genres. Nous ne pouvons pas prétendre avoir brisé le plafond de verre — parce que l’égalité ne se limite pas à une simple question de chiffres —, mais avec votre arrivée dans cette assemblée, sénatrice MacAdam, et juste avant vous, avec celle de la sénatrice Petten, plus de la moitié des personnes nommées au Sénat sont des femmes. Voilà une très bonne nouvelle.

[Français]

Chers collègues, la sénatrice MacAdam est une comptable professionnelle agréée qui possède plus de 40 ans d’expérience dans le domaine de l’audit législatif. Plus récemment, elle a été vérificatrice générale de sa province natale, l’Île-du-Prince-Édouard, pendant sept ans.

Parmi les domaines sur lesquels la sénatrice MacAdam s’est penchée, on peut citer la politique en matière de changement climatique et les aides sociales.

Madame la sénatrice, il reste encore beaucoup à faire dans ces domaines et, au Sénat, vous continuerez à jouer un rôle important dans la supervision des études et de la législation dans ces domaines.

[Traduction]

Madame la sénatrice, j’imagine que vos collègues prince-édouardiens, les sénateurs Downe et Francis, vous ont déjà dit que votre vaste expérience de la comptabilité, des finances et des audits constituera un atout indéniable pour plusieurs comités sénatoriaux — je pense par exemple au comité des finances nationales, à celui des banques ou à celui de l’audit et de la surveillance. Il va sans dire que votre expertise sera la bienvenue dans tous ces cas, mais le Sénat vous offrira aussi de nombreuses occasions de mettre votre savoir-faire à profit. Permettez-moi donc de vous encourager à profiter de votre passage en nos murs pour explorer de nouveaux champs d’intérêt.

Madame la sénatrice, je suis convaincu que vos fonctions sénatoriales vous permettront de défendre avec vigueur les intérêts des Canadiens de la région atlantique et du reste du pays.

Encore une fois, soyez la bienvenue au Sénat. Ici, le mois de juin est l’un des plus occupés de l’année, comme nous le voyons ces jours-ci. Il n’y a donc pas meilleure façon d’apprendre à connaître nos us et coutumes qu’en se lançant tête première dans la mêlée. Bienvenue, sénatrice MacAdam. Ce sera un plaisir de travailler avec vous.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, au nom de l’opposition et du caucus conservateur du Sénat, j’ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à notre nouvelle collègue, l’honorable Beverly Jane MacAdam, au Sénat du Canada et au sein de la famille sénatoriale.

(1410)

Aujourd’hui, alors que vous prenez place dans la Chambre haute, je suis sûre que vous éprouvez le même enthousiasme et la même fébrilité que beaucoup d’entre nous ont ressentis leur premier jour au Sénat. C’est aussi un jour où nous ressentons le poids de la responsabilité qui a été confiée à chacun d’entre nous. Il est de notre devoir, en tant que sénateurs, d’agir dans l’intérêt des Canadiens et, dans votre cas, dans l’intérêt des habitants de l’Île-du-Prince-Édouard et du Canada atlantique. Je suis convaincue que vous ferez tout votre possible pour que les voix des formidables habitants de l’Île-du-Prince-Édouard soient bien représentées au Parlement, surtout au Sénat.

Sénatrice MacAdam, je suis heureuse de constater que la sénatrice Elizabeth Marshall est votre marraine aujourd’hui, car vous semblez toutes deux avoir des antécédents et des expériences similaires. Votre expérience en tant que vérificatrice générale de l’Île-du-Prince-Édouard de 2013 à 2020 et vos 40 ans d’expérience dans le domaine de la comptabilité législative seront certainement utiles dans le cadre de votre travail en comité et de votre travail au Sénat. La vérification financière est importante et votre regard et votre perspective sur les nombreuses décisions que nous sommes appelés à prendre au Sénat seront les bienvenus.

C’est d’autant plus vrai que nous sommes actuellement aux prises avec un gouvernement qui refuse de dire aux Canadiens combien ils devront payer en intérêts sur une dette qui ne cesse d’augmenter pour l’exercice en cours. Nous avons besoin de votre point de vue en matière de prudence financière. Il pèsera sûrement dans la balance, tout comme beaucoup d’interventions de la sénatrice Marshall.

Sénatrice MacAdam, notre caucus conservateur a hâte de travailler et de collaborer avec vous au Sénat et en comité. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue au Sénat du Canada et vous transmets mes meilleurs vœux alors que vous entreprenez ce nouveau chapitre de votre vie.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : C’est à mon tour d’avoir le plaisir d’accueillir chaleureusement notre nouvelle collègue.

[Traduction]

Sénatrice Jane MacAdam, vous commencez officiellement un nouveau chapitre de votre vie aujourd’hui, et je suis honorée de vous féliciter et de vous accueillir à la Chambre rouge au nom de tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants. Je vais profiter de l’occasion pour souhaiter également la bienvenue aux membres de votre famille, et plus particulièrement à l’une de vos petites-filles, qui semble prête à se joindre à la conversation. Bonjour.

Dans une récente entrevue suivant votre nomination, vous avez expliqué avec beaucoup d’éloquence ce qui vous a incitée à devenir sénatrice. Vous avez dit que vous croyez avoir plus à offrir pour votre province et notre pays et que ces tâches cadrent bien avec vos antécédents et votre expérience. Ces sentiments témoignent de votre dévouement à servir la population de ce pays, et je ne doute pas que vous le ferez avec la même énergie qui a marqué votre carrière jusqu’à présent.

Sénatrice MacAdam, vous possédez une solide expérience en vérification législative, car pendant sept ans, vous avez été la première femme vérificatrice générale de l’Île-du-Prince-Édouard. Cette expérience vous a procuré une perspective unique sur l’importance de la transparence et de la reddition de comptes au sein des activités gouvernementales, et nous avons confiance que vous ferez preuve de ce même degré de diligence et d’attention aux détails dans votre travail de sénatrice.

Vous avez joué un rôle clé dans bon nombre de rapports et de vérifications à forte visibilité aux échelons provincial, régional et national, y compris le rapport collaboratif rédigé par une équipe de 10 vérificateurs généraux de partout au pays intitulé Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada.

À la suite de votre assermentation, l’expertise de vérification de notre institution a maintenant doublé. En effet, notre estimée collègue la sénatrice Marshall, votre marraine aujourd’hui, également originaire du Canada atlantique, a servi pendant 10 ans en tant que vérificatrice générale de Terre-Neuve-et-Labrador.

Votre travail d’examen des organisations gouvernementales, des programmes et des services à titre d’agente indépendante de l’assemblée législative a couvert un large éventail de secteurs, du changement climatique aux soins de santé en passant par les programmes sociaux et économiques — tous des secteurs qui sont également du ressort du Sénat.

Pendant votre carrière, vous avez fait la démonstration de votre indépendance et de votre capacité à examiner les questions de façon objective et avec un esprit ouvert.

Vous avez reçu le titre de fellow de l’Ordre des comptables professionnels agréés de l’Île-du-Prince-Édouard, et le greffier de l’assemblée législative de votre province a dit ceci :

Je pense que l’une des choses qui m’ont vraiment frappé, c’est son sang-froid sous pression et sa capacité à évaluer très rapidement le genre de questions qu’elle recevait et de donner des réponses approfondies sans mettre le pied dans les pièges qu’on lui tendait souvent.

Votre sang-froid sous pression est l’une des compétences qui sera certainement mise à l’épreuve au Sénat — plus tôt que tard, j’ajouterais —, alors que vous vous joignez à nous à une période très occupée que nous aimons appeler « la saison folle ».

Sénatrice MacAdam, je vous félicite et je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue au Sénat à la sénatrice Jane MacAdam au nom de tous mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens.

Dans notre groupe, nous sommes ravis de votre nomination, car nous savons à quel point les anciens vérificateurs généraux font de bons sénateurs — pas de pression, n’est-ce pas? Les vérificateurs généraux ont une connaissance fine du processus financier de l’État, des rouages de l’appareil gouvernemental et de l’examen attentif des dépenses et des comptes publics et ils connaissent déjà, souvent dans le moindre détail, les politiques publiques qui importent le plus pour les Canadiens.

À l’époque où vous étiez la vérificatrice générale de l’Île-du-Prince-Édouard, vous avez remis huit rapports marquants à l’assemblée législative de la province. Selon mes calculs, vous avez aussi produit cinq rapports de suivi ou spéciaux, que ce soit seule ou en collaboration avec les vérificateurs d’autres provinces. C’est remarquable. Dans ces rapports spéciaux, vous vous êtes intéressée aux loteries, aux services financiers, au prix du pétrole, aux programmes de lutte contre les changements climatiques, aux services de santé, aux centres d’hébergement, à la garde des enfants, à la protection de l’enfance et l’éducation préscolaire, aux marchés publics, à la publicité gouvernementale, aux programmes d’accessibilité et au logement social.

Ce n’est qu’un exemple de ce que vous avez pu réaliser, et on voit que la gamme des sujets est très vaste. Nous sommes donc convaincus que vous saurez faire profiter les sénateurs de ces extraordinaires connaissances, que ce soit pendant les débats et l’étude des projets de loi ou lorsque nous recommandons au gouvernement fédéral divers moyens d’améliorer la vie des Canadiens.

Ici aussi, vous pourrez continuer à jouer votre rôle d’enquêtrice rigoureuse; seule la méthode changera. Soyez la bienvenue au Sénat, sénatrice MacAdam. Ce sera un plaisir de travailler avec vous.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, c’est toujours un plaisir d’avoir la chance d’accueillir une nouvelle personne à la Chambre haute. Au nom du Groupe progressiste du Sénat, je suis enchantée de me joindre aux autres leaders pour souhaiter la bienvenue à la sénatrice Jane MacAdam. Quel bonheur que de compter une autre Jane dans nos rangs!

Comme il a été souligné, sénatrice MacAdam, vous marchez sur les traces de la sénatrice Marshall, une ancienne vérificatrice elle aussi. Celle-ci nous présentera d’ailleurs dans quelques jours son analyse du projet de loi d’exécution du budget à l’étude, et je sais qu’elle place la barre très haute. Ce sera bientôt à votre tour d’en faire tout autant.

Je tiens aussi à souligner que nous arrivons tous ici avec des attentes initiales sur les enjeux les plus importants à nos yeux, mais nous sommes souvent surpris de découvrir là où les travaux peuvent nous mener. Je vous encourage à garder l’esprit ouvert, à assister au plus grand nombre de réunions de divers comités possible et à vous laisser guider par les enjeux qui capteront votre attention.

Sénatrice MacAdam, votre nomination coïncide avec le début de ce que l’on appelle la « saison des folies » sur la Colline du Parlement. C’est une période de sprint législatif pour terminer les travaux avant la pause estivale. Nos séances sont prolongées et, parfois, les manœuvres procédurales sont — comment dire — plus fréquentes. Sur le plan de l’apprentissage des rouages du Sénat, c’est un baptême du feu — et je ne fais pas seulement référence à l’odeur de fumée qui flotte dans l’air à l’extérieur de nos murs en ce moment.

Tout comme vous, je suis entrée en fonctions au début de juin. Je suis bien placée pour affirmer qu’en dépit de la forte pression qui les accompagne, les séances prolongées sont aussi l’occasion de forger de nouvelles amitiés.

Sénatrice MacAdam, au nom du Groupe progressiste du Sénat, c’est avec plaisir que je vous souhaite officiellement la bienvenue au Sénat du Canada. Mes collègues et moi avons très hâte de travailler avec vous.

(1420)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du conjoint de la sénatrice MacAdam, Peter MacAdam, de ses fils, Robert et Mitchell MacAdam, et de sa fille Emily MacAdam. Ils sont accompagnés de ses beaux-enfants et de ses petits-enfants.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Loi sur le multiculturalisme canadien

Le trente-cinquième anniversaire

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, je suis ravi de souligner aujourd’hui le 35e anniversaire de la Loi sur le multiculturalisme canadien, adoptée à l’été 1988. Je profite de l’occasion pour donner un bref aperçu de la politique de multiculturalisme au Canada.

Dans son rapport publié en 1969, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme recommandait la mise en place d’une politique de bilinguisme et une étude impérative sur la contribution d’autres groupes ethniques. Il vaut la peine de souligner que le sénateur Paul Yuzyk a été l’une des premières et des plus éminentes voix à utiliser le terme « multiculturalisme » dans son premier discours dans cette enceinte en 1964.

En réponse au rapport de la commission d’enquête, le premier ministre Pierre Trudeau avait annoncé, en octobre 1971, la création d’une politique de multiculturalisme, une première du genre à l’échelle mondiale. L’objectif consistait à incorporer la politique de multiculturalisme dans un cadre bilingue. Au départ, la politique portait davantage sur les aspects culturels mais, au début des années 1980, on y avait ajouté un volet social qui incluait la lutte contre le racisme. Le ministre responsable du multiculturalisme de l’époque, Jim Fleming, avait également mis sur pied le premier comité parlementaire sur le racisme, qui a publié un rapport historique en 1983 intitulé L’égalité ça presse!.

En 1982, le principe du multiculturalisme était inscrit à l’article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés, auquel souscrivaient, bien sûr, toutes les provinces. Il vaut la peine de noter que d’autres articles de la Charte portent sur des enjeux pertinents comme l’égalité, la promotion sociale et la liberté de religion.

En 1984, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau a présenté la première version de la Loi sur le multiculturalisme canadien, qui a été reprise, bonifiée, puis adoptée par le gouvernement Mulroney en 1988, sous la direction du ministre responsable de ce dossier, Gerry Weiner. Cette loi a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité à la fois par les Communes et par le Sénat en juillet 1988. Je signale au passage que le Parlement est tout à fait habilité à siéger en juillet si les circonstances l’exigent, et nous approchons justement du mois de juillet.

Au fil des ans, le multiculturalisme a pris de l’expansion sous la houlette de plusieurs ministres de renom, dont Stan Haidasz, David Crombie, Jack Murta, David Collenette, Hedy Fry, Jean Augustine, Jason Kenney et le ministre actuel, Ahmed Hussen. Même si cette politique jouit d’un vaste appui, elle est aussi critiquée par certains, car on peut dire une chose et son contraire des politiques qu’elle met en œuvre : respectueuses et traditionnelles; rassembleuses et controversées; woke et typiquement canadiennes.

Nous soulignons cette année le 35e anniversaire de cette politique, alors l’occasion est bonne pour réfléchir à la manière dont elle a façonné notre pays ainsi qu’à la direction à prendre, puisqu’un de ses buts consiste à favoriser le respect et à combattre le racisme.

En terminant, je salue mes mentors à moi, les ministres Fleming, Weiner, Augustine et Fry. Tous ces parlementaires ont laissé leur marque dans notre société, ils ont servi le Canada avec distinction et ils ont défendu l’une des politiques les plus étroitement associées à l’identité canadienne. Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Nahanni Fontaine, députée de l’Assemblée législative du Manitoba. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le jour J et la bataille de Normandie

L’honorable Rebecca Patterson : Les sanglots longs

Des violons

De l’automne

Blessent mon cœur

D’une langueur

Monotone.

[Traduction]

Le refrain de cette chanson a été diffusé sur les ondes de Radio Londres en juin 1944 pour signaler à la résistance française que l’invasion de la France était imminente.

Nous soulignons aujourd’hui, en ce 6 juin, le 79e anniversaire du jour J et du lancement de l’opération Overlord, l’invasion de l’Europe occupée par les nazis à partir de la Normandie. Cet événement allait mener à la défaite de Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale.

Parmi les quelque 150 000 soldats alliés qui ont débarqué ou ont été parachutés en France, environ 14 000 étaient Canadiens, soit environ 1 sur 10. Des commandants canadiens étaient responsables de l’une des cinq plages, la plage Juno. Les Cameron Highlanders d’Ottawa, qui faisaient partie de la 3e division de l’infanterie canadienne, ont été parmi ceux qui se sont rués vers la rive, aux côtés de six régiments d’artillerie et de la 2e Brigade blindée. Pour appuyer les Canadiens et les armées alliées, la Marine royale canadienne a servi d’escorte, fait du dragage de mines et transporté des militaires; elle a aussi, bien sûr, fait du tir d’appui direct dans le cadre de l’opération Neptune.

Avant le jour J, l’Aviation royale canadienne, en collaboration avec les forces aériennes alliées, a bombardé les territoires occupés pour affaiblir les moyens de défense de l’ennemi. Le 1er Bataillon canadien de parachutistes a été parachuté derrière les lignes ennemies la veille du jour J. Il a réussi à détruire deux ponts dans le but de ralentir de possibles contre-attaques allemandes. Les chasseurs et les bombardiers de l’Aviation royale canadienne ont également fourni une couverture aérienne et un soutien direct aux soldats qui se trouvaient sur les plages.

Selon Francis Godon, du régiment Royal Winnipeg Rifles, la plage Juno était tellement rouge et couverte de sang qu’on avait l’impression de ramper dans du ketchup. Juste derrière les soldats comme Francis, les ambulances de campagne du Corps de santé royal canadien ont débarqué sous les tirs pour rassembler et évacuer les victimes vers les navires-hôpitaux et les bateaux civils qui les attendaient.

Moins de deux semaines après le jour J, les deux premières infirmières militaires canadiennes ont débarqué à Bernières-sur-Mer, en Normandie, avec le 2e Hôpital mobile d’intervention de l’Aviation royale canadienne. Il s’agissait de Dorothy Irene « Molly » Mulholland de Grimsby, en Ontario, et Winnifred « Pit » Pitkethly, d’Ottawa.

Après la guerre, Molly a décrit ce qu’elle avait vécu à sa famille, racontant qu’elle avait dormi la plus grande partie de sa première semaine dans une tranchée et qu’elle avait travaillé 72 heures d’affilée dans la salle d’opération, qui n’était qu’une tente, tandis que les bombes pleuvaient et que le combat faisait rage autour d’elle.

On estime qu’à la fin de la campagne de Normandie, plus de 2 millions de soldats alliés avaient débarqué en France. Environ 200 000 d’entre eux ont été tués ou blessés, ce qui est comparable au nombre de victimes du côté de l’armée allemande. Parmi les victimes chez les soldats alliés, on comptait 18 700 jeunes hommes canadiens, dont plus de 5 000 ont été tués au combat.

Tandis que les souvenirs s’estompent et qu’Hollywood s’empare de l’histoire, il ne faut pas oublier que :

[Français]

Ils ne vieilliront pas comme nous,

qui leur avons survécu

Ils ne connaîtront jamais l’outrage

Ni le poids des années.

Quand viendra l’heure du crépuscule

Et celle de l’aurore,

Nous nous souviendrons d’eux

Merci.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du frère du sénateur Marwah, Lally Marwah, et de sa belle-sœur, Marlène Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de Coulter A. Osborne, c.r., O.Ont.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, deux éminents juges canadiens sont décédés ce printemps : l’honorable Horace Krever et l’honorable Coulter Osborne. Je parlerai de Horace Krever à une autre occasion. Aujourd’hui, je voudrais rendre hommage au juge Osborne.

Coulter Osborne est décédé le 19 avril à 88 ans. Avant d’entamer sa brillante carrière professionnelle en tant qu’avocat et juge, M. Osborne était un athlète hors pair. Il a été avant-centre titulaire de l’équipe olympique canadienne de basket-ball en 1956 en Australie, où il est retourné en 2000 pour porter le flambeau olympique.

M. Osborne a exercé le droit avec distinction pendant 20 ans à Kitchener. Il était l’un des avocats les plus remarquables de sa génération en Ontario. Chris Speyer, un ami et admirateur, a décrit Coulter Osborne plaidant devant un jury ainsi :

Imaginez un personnage à la Gary Cooper, un homme doté d’une aisance naturelle inébranlable, exerçant son talent unique pour persuader les gens en douceur. Les jurés l’adoraient, les juges l’aimaient et ses adversaires juridiques le respectaient.

Il a été nommé à la Cour suprême de l’Ontario en 1978 et, peu après, à la Cour d’appel de l’Ontario, où il a été juge en chef adjoint.

Un de ses collègues, le juge James MacPherson, a décrit ses compétences de magistrat de la manière suivante :

Au cours des 24 années que j’ai passées à la Cour d’appel, je peux affirmer sans crainte de me tromper que Coulter Osborne était, de l’avis général, le juge le plus respecté de la Cour. L’étendue de ses connaissances juridiques, son discernement, voire sa sagesse, faisaient de lui un leader extraordinaire.

Après avoir quitté la magistrature, M. Coulter a choisi de continuer de servir la population en occupant les fonctions de commissaire à l’intégrité de l’Ontario. Quelle carrière remarquable!

(1430)

Cependant, Coulter Osborne était bien plus que cela. Il était aussi un homme bienveillant, sage, réfléchi et aimé de sa famille, y compris Barbara, qui a été son épouse pendant 64 ans, ses trois filles remarquables, Julie, Mary et Katie, ses quatre petits-enfants et, tout récemment, son arrière-petit enfant.

Coulter a été pour bien des gens un mentor, et il a touché tous ceux qui l’ont côtoyé avec sa gentillesse et sa bienveillance sans faille ainsi que son sens de l’humour à la fois chaleureux et espiègle. Les amis et les admirateurs de Coulter Osborne sont difficiles à compter tellement ils sont nombreux. Il a offert son amitié à bien des gens, et il a enrichi la vie de tous ceux qui l’ont connu.

J’étais de ceux-là. Avant la pandémie de COVID-19, je passais une semaine par année depuis plus de 20 ans avec Coulter et un petit groupe d’amis. J’ai songé dernièrement à la chance que j’ai eu de l’avoir eu comme ami. Je suis attristé par son décès, mais reconnaissant de l’avoir connu. Côtoyer Coulter Osborne a fait de moi une meilleure personne, et on peut en dire autant des centaines d’autres personnes qui ont eu le bonheur de bénéficier de l’amitié, de la bienveillance et de la générosité de cet homme des plus chaleureux. Merci.

Des faits intéressants sur Terre-Neuve

L’honorable Fabian Manning : C’est avec plaisir que je vous présente aujourd’hui le chapitre 76 de « Notre histoire ».

Chers collègues, dans les chapitres 42 et 43, je vous ai appris certains faits particuliers à ma province, Terre-Neuve-et-Labrador. Aujourd’hui, je souhaite en ajouter quelques-uns.

Je suis convaincu que beaucoup d’entre nous, autant dans cette enceinte qu’ailleurs sur la planète, d’ailleurs, se demandent comment on a pu vivre et travailler sans les communications sans fil, qui ont radicalement changé notre monde, ce dont nous pourrons débattre à un autre moment du point de vue des avantages et des inconvénients. Toutefois, aujourd’hui, je veux que vous sachiez que, le 12 décembre 1901, Guglielmo Marconi a dressé, au moyen d’un cerf-volant, une antenne de 150 mètres de hauteur au sommet de Signal Hill, à St. John’s, Terre-Neuve, pour capter les premiers signaux transatlantiques jamais envoyés par ondes radio.

Notre façon de voyager dans le monde entier est un autre changement fondamental survenu au cours du siècle dernier. Encore là, notre province a joué un rôle essentiel dans l’origine de l’aviation.

Le 14 juin 1919 à 13 h 45, John Alcock et Arthur Whitten Brown décollaient de Lester’s Field à St. John’s, à bord d’un bombardier Vickers Vimy modifié. Ce ne fut pas un vol de tout repos. Dès le décollage, les aviateurs durent traverser un épais brouillard et l’appareil rasa littéralement la cime des arbres. Une fois dans les airs, ils perdirent rapidement tout contact radio et à cause d’une défaillance du groupe électrogène, ils perdirent ensuite toute source de chaleur et la capacité de communiquer au moyen du système d’intercommunication. Les deux pilotes affrontèrent ensuite une violente tempête de neige. On rapporte que Brown dut grimper sur les ailes de l’appareil pour enlever la glace qui s’y trouvait. J’imagine que ce furent également les tout premiers balbutiements du déglaçage des aéronefs.

Envers et contre tout, les pilotes persévérèrent et surmontèrent les obstacles. Le 15 juin 1919 à 8 h 40, au terme d’une envolée de moins de 16 heures, ils atterrirent dans le comté de Galway, en Irlande, réalisant ainsi le tout premier vol transatlantique sans escale. Comme l’appareil transportait également une petite quantité de courrier, on considère que ce fut aussi le premier vol transatlantique de service aéropostal. Tous ces exploits ont commencé sur les hauteurs rocheuses de la partie insulaire de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, que nous aimons tant.

Preuves à l’appui, puisqu’il existe des documents attestant la tenue de courses de bateaux dès 1816, la Royal St. John’s Regatta est le plus vieil événement sportif annuel d’Amérique du Nord. Aussi surnommée la plus grande fête champêtre du monde, elle attire chaque année des foules pouvant atteindre 50 000 personnes sur les rives du lac Quidi Vidi. Le jour des régates est également le seul jour férié d’Amérique du Nord dont la date est déterminée par la météo, puisque le vent doit souffler dans la bonne direction et avoir la bonne force. La sécurité d’abord.

C’est aussi à Terre-Neuve-et-Labrador qu’on trouve la plus grosse petite rue d’Amérique du Nord. La réputation de la rue George, dans le centre de St. John’s, n’est plus à faire. Des gens de partout dans le monde ont parcouru les deux pâtés de maisons qui la composent, où l’on trouve la plus grande concentration de pubs au pied carré du Canada. Vous n’aurez pas besoin de Google Maps ni de votre téléphone pour faire la tournée des bars de la rue George. On y trouve de tous les styles de musique et de restaurants, et c’est aussi là que vous trouverez quelques-uns des meilleurs artistes de la province. Si vous avez un talent musical et que vous être d’humeur festive, vous pourriez bien vous retrouver sur scène à chanter avec l’un des musiciens du coin. Si ma mémoire est bonne, mon bon ami le sénateur Gold est très bien placé pour parler savoir qu’on a toujours sa place sur les scènes de la rue George, puisque les gens parlent encore de la performance éblouissante à laquelle ils ont eu droit il y a quelques années.

Autour de l’an 0, les Béothuks ont migré du Labrador à l’île de Terre-Neuve, dont ils ont été les premiers habitants. Leur disparition constitue l’une des pages sombres de notre histoire, et je vous en reparlerai un de ces jours.

En 1907, le Royaume-Uni a accordé le statut de dominion à Terre-Neuve, ce qui en faisait un pays indépendant. Elle est restée un dominion jusqu’à ce que le reste du Canada décide de se joindre à elle en 1949. Les détails de cette page de l’histoire devront aussi attendre un autre jour, alors restez à l’écoute. Je vous remercie.

Les incendies de forêt en Nouvelle-Écosse

L’honorable Stan Kutcher : Il est difficile de prendre la parole après une telle déclaration. Honorables sénateurs, en 1976, à la suite des tempêtes d’été qui avaient durement touché la pêche côtière du Nord du Cap-Breton, l’auteur-compositeur-interprète Allister MacGillivray a écrit la chanson « Sea People ». Le refrain décrit bien la fraternité et la ténacité qui caractérisent les habitants de la Nouvelle-Écosse :

Ces gens de la mer font notre fierté, avec leur esprit indomptable et leurs mains abîmées.

Au cours de la semaine dernière, les Néo-Écossais se sont encore une fois serré les coudes pour faire face à la dévastation et au chagrin. Les feux de forêt sans précédent s’ajoutent à la longue liste d’adversités des dernières années qui ont causé beaucoup d’angoisse et ont resserré les liens au sein des collectivités. Malheureusement, nous savons que d’autres défis nous attendent en raison des changements climatiques et de la nature imprévisible du monde où nous vivons.

Je sais que, tout comme moi, vous voulez tous exprimer votre appui et votre compassion envers tous ceux qui doivent composer avec les répercussions de cette saison des feux de forêt hâtive et sans précédent partout au pays. Nos pensées accompagnent les familles qui ont perdu leur maison, leurs animaux de compagnie bien-aimés et des entreprises qui étaient la colonne vertébrale des collectivités, ainsi que les pompiers qui ne cessent de risquer leur vie. Nous remercions toutes les équipes d’intervention d’urgence qui travaillent sans relâche afin de lutter contre les incendies qui menacent des vies, la santé et l’économie.

Dans les moments difficiles, les habitants de la Nouvelle-Écosse font front commun en prenant des mesures collectives, en faisant preuve de résilience et en se soutenant les uns les autres. Ce sont les relations humaines qui améliorent la condition humaine. Ces relations faciliteront l’adaptation alors que les collectivités se reconstruisent.

En tant que parlementaires, nous devons songer à la façon dont nous pourrions favoriser l’adaptation à l’aide de politiques sensibles au climat, de codes du bâtiment et de plans d’intervention d’urgence. Nous pouvons profiter de cette période de défis pour prendre en main nos propres réponses, en renforçant les collectivités, en recueillant des fonds et en apportant des changements dans nos vies pour lutter contre le changement climatique. C’est aussi le moment de parler aux enfants et aux jeunes du rôle qu’ils doivent jouer, de leur donner les moyens de s’exprimer et d’agir pour nous assurer de leur laisser un monde meilleur que celui que nous continuons d’endommager aujourd’hui.

Chers collègues, dame Nature nous parle, et nous devons l’écouter. Nous avons ignoré la science à nos risques et périls.

Encore une fois, mes pensées accompagnent les gens qui, d’un bout à l’autre du pays, subissent des déplacements et des pertes. Veuillez vous joindre à moi pour remercier du fond du cœur tous les intervenants du Canada et ceux qui sont venus d’autres pays pour nous aider à combattre et à gérer ces incendies. Je tiens à exprimer ma solidarité éternelle à ma province, la Nouvelle-Écosse. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de la famille de deux victimes, Mchale Busch et Noah McConnell. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Boisvenu.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Code criminel
La Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu dépose le projet de loi S-266, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

— Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer aujourd’hui ce projet de loi à la mémoire de Mchale Busch et de son fils de 16 mois, Noah McConnell, qui ont été tous les deux assassinés à Hinton, en Alberta, le 17 septembre 2021.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Boisvenu, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

(1440)

L’Association parlementaire Canada-Afrique

La visite bilatérale au Sénégal, du 5 au 10 novembre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Afrique concernant sa visite bilatérale au Sénégal, à Dakar, au Sénégal, du 5 au 10 novembre 2022.

[Traduction]

Peuples autochtones

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport relatif à l’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat un rapport provisoire relatif à son étude sur les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que le rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer des rapports sur des questions concernant les droits de la personne en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 30 septembre 2023, des rapports provisoires portant sur des questions concernant les droits de la personne en général, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Cabinet du premier ministre

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, ma question porte aujourd’hui sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui, selon le premier ministre, est le mieux placé pour enquêter sur ce qu’il savait de l’ingérence de Pékin. Depuis des mois, deux sièges réservés aux sénateurs au sein de ce comité étaient vacants. Vendredi, le premier ministre n’a pourvu qu’un seul de ces sièges en nommant la sénatrice Duncan.

Je tiens à préciser que je n’ai aucun doute sur le fait que la sénatrice Duncan est très méritante et qu’elle sera une membre précieuse de ce comité. Mais en conséquence, deux des trois sièges réservés au Sénat au sein de ce comité sont désormais occupés par des membres du même caucus, le Groupe des sénateurs indépendants. Les deux sénatrices en question ont également été nommées sur recommandation du premier ministre Justin Trudeau, qui les a placées au sein de ce comité.

Monsieur le leader, pouvez-vous nous dire pourquoi le premier ministre n’a comblé qu’un seul des deux postes vacants au sein de ce comité vendredi dernier? Pourquoi aucun membre de l’opposition officielle au Sénat n’a-t-il été nommé? Monsieur le leader, vous avez la possibilité de parler au premier ministre. Vous êtes membre du Conseil privé. S’il vous plaît, ne prenez pas simplement la question en note, monsieur le leader. Dites-nous pourquoi cela s’est produit.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. La décision du premier ministre de nommer les membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement est conforme aux termes de la loi qui établit le comité. Il s’agit d’une prérogative du premier ministre. De ce que j’en sais, le premier ministre évalue d’abord et avant tout les besoins du comité en matière d’expérience, de compétences, d’équilibre et de représentation des régions, entre autres.

Je n’ai pas été informé des raisons qui ont mené le premier ministre à faire les nominations qu’il a faites ou qui expliqueraient pourquoi les nominations ont été faites à tel ou tel moment et je n’ai pas d’informations non plus sur les intentions du premier ministre quant au poste qui reste à pourvoir.

Le sénateur Plett : C’était vendredi, sénateur Gold. Vous deviez bien vous douter que j’allais vous interroger là-dessus aujourd’hui. Il serait plutôt mince de votre part de dire que vous n’aviez pas prévu ma question. On ne vous a peut-être informé de rien, mais pourquoi n’avez-vous pas fait des appels pour vous renseigner?

Quand le ministre Mendicino était ici, la semaine dernière, je lui ai parlé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Voici ce qu’il a dit :

[...] je conviens moi aussi qu’il doit être le plus représentatif possible, comme l’envisageait d’ailleurs le gouvernement dès le départ.

Nous le savons, pourtant : mieux vaut ne pas prêter foi aux paroles du ministre Mendicino. Monsieur le leader, le premier ministre a nommé deux sénateurs à ce comité. Les deux proviennent du même groupe parlementaire et les deux ont été nommés au Sénat par lui. Où est la représentativité dont parlait le ministre Mendicino? Si le premier ministre a l’intention de priver l’opposition officielle du dernier siège vacant du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ce qu’il fait depuis maintenant plusieurs années, n’est-ce pas une confirmation de plus qu’il est prêt à tout pour qu’on ne connaisse jamais la vérité sur l’ingérence de Pékin?

Le sénateur Gold : Pas du tout. Comme l’exige la loi, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement compte des représentants de tous les partis reconnus à l’autre endroit et trois sénateurs. Le premier ministre a modifié le mode de nomination des sénateurs et je dirais même qu’il a changé la conception qu’on se fait du Sénat en tant que Chambre de second examen objectif. Les sénateurs qui siègent à ce comité sont choisis en fonction des besoins du comité et de critères reflétant la nature du travail à accomplir. Il n’est prévu nulle part, ni dans la loi ni dans la notion d’indépendance des sénateurs, que les sièges soient réservés à des sénateurs d’un groupe particulier.

Les finances

Les frais d’intérêt de la dette fédérale

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, pouvez-vous informer le Sénat du montant dépensé par le gouvernement au cours de l’exercice financier actuel pour le service de la dette de Trudeau? Pouvez-vous comparer ce montant au 1,29 % du PIB que le gouvernement dépense pour la sécurité nationale, les forces de défense et les obligations du Canada en tant que membre de l’OTAN?

Honorables collègues, pouvez-vous imaginer s’il nous fallait exécuter aujourd’hui une opération comme celle que les militaires canadiens ont menée à pareille date en 1944? Qu’arriverait-il si les Forces armées canadiennes devaient se déployer pour défendre la liberté au nom des Canadiens? Je peux vous le dire, sénateur Gold. Nous nous retrouverions dans un vrai bourbier. Il y a quelques jours, j’ai lu dans un article de la CBC que des soldats canadiens achètent à leurs propres frais leur casque et d’autres pièces d’équipement essentielles pour faire leur travail. Il y a de quoi être découragé.

Pourquoi le gouvernement dépense-t-il autant pour payer l’intérêt sur la dette accumulée par Trudeau au lieu de fournir aux Forces armées canadiennes les ressources dont elles ont besoin? Le gouvernement, le premier ministre et les ministres n’ont-ils pas honte?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Non, le gouvernement n’a pas honte. Vous m’avez posé cette question plus d’une fois déjà, mais comme vous y répondez vous-même, j’espère que vous me pardonnerez si je ne prends pas toujours en note votre réponse.

Permettez-moi de dire deux choses. Comme je l’ai déjà dit maintes fois, les investissements que le gouvernement a effectués et la dette qui s’est accumulée en conséquence ont servi à aider les Canadiens pendant la pandémie et la transition postpandémique. Il s’agit également d’investissements dans notre avenir. Le gouvernement est d’avis que ces investissements étaient nécessaires et prudents et qu’ils en valaient la peine pour le Canada et les futures générations.

Le gouvernement n’a aucune honte à avoir par rapport à ses dépenses en matière de défense. Au contraire, les dépenses du gouvernement en matière de défense ont augmenté et représentent un pourcentage du PIB nettement plus élevé que sous le gouvernement précédent.

(1450)

Le sénateur Housakos : Le gouvernement devrait avoir honte. Lorsque des soldats doivent payer de leur poche les casques et l’équipement de base dont ils ont besoin pour faire leur travail, le gouvernement devrait avoir honte. Le fait que ce ne soit pas le cas montre à quel point le gouvernement est sans vergogne.

Cependant, revenons au cœur du problème, à savoir que le gouvernement Trudeau consacre 44 milliards de dollars au paiement du service de la dette. C’est là que le bât blesse et que le gouvernement devrait avoir honte. Si vous n’avez pas honte du fait que nos forces armées sont à genoux, qu’en est-il du fait que 6,5 millions de Canadiens sont incapables de trouver un médecin? N’avez-vous pas honte du fait que le coût du service de la dette accumulée sous le régime Trudeau est équivalent aux transferts aux provinces en matière de santé, ce qui explique probablement en partie pourquoi 6,5 millions de Canadiens n’arrivent pas à trouver de médecin? Êtes-vous au moins en mesure d’admettre que c’est une honte?

Le sénateur Gold : Bien que je m’abstiendrai de rétorquer, je rappellerai aux sénateurs que d’imputer au gouvernement fédéral la responsabilité du fait que des Canadiens n’ont pas accès à un médecin dans cette province est un exemple honteux d’ignorance ou de mépris de notre cadre constitutionnel, que je considère comme bien compris.

Le sénateur Housakos : La santé...

Son Honneur la Présidente : À l’ordre.

Le sénateur Gold : Merci, Votre Honneur. Les investissements que le gouvernement réalise dans notre économie et dans notre filet de sécurité sociale en partenariat avec les provinces et les territoires jouent un rôle capital dans le maintien et le renforcement du tissu social de notre pays. Tous les partis devraient comprendre que ces mesures sont nécessaires pour que les Canadiens puissent relever les défis auxquels ils sont confrontés, qu’il s’agisse de l’économie ou de l’accès aux services sociaux. Le gouvernement fait ce qu’il peut, en partenariat avec les provinces et les territoires, pour améliorer la vie des Canadiens.

L’innovation, les sciences et le développement économique

Le financement de la recherche

L’honorable Stan Kutcher : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Les stages pour les diplômés et les programmes postdoctoraux sont l’équivalent des postes d’apprentis au niveau des études supérieures et permettent de former les innovateurs et les scientifiques dont nous avons besoin pour les futurs réseaux de recherche et développement et pour l’économie de l’avenir. Les subventions et les bourses accordées au mérite par le gouvernement uniformisent les règles du jeu pour permettre à tout le monde d’accéder à ces programmes, et pas uniquement à quelques privilégiés.

Sénateur Gold, le gouvernement comprend-il l’importance de ces programmes pour le milieu canadien de la recherche et pour le succès de l’économie du futur?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Certainement, puisque le gouvernement soutient les chercheurs et les scientifiques canadiens depuis 2015. Il reconnaît notamment le rôle central que jouent les diplômés, les doctorants et les postdoctorants dans le milieu canadien de la recherche.

Chers collègues, dans les budgets précédents, le gouvernement avait prévu 40,9 millions de dollars pour offrir des bourses d’études et de perfectionnement à l’intention des chercheurs étudiants noirs et 38,3 millions de dollars aux conseils subventionnaires fédéraux pour créer de nouvelles chaires d’excellence en recherche du Canada dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Maintenant, la récente subvention de 1,4 milliard de dollars au titre du Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada témoigne de l’engagement du gouvernement à continuer de soutenir le milieu des sciences et de la recherche.

Chers collègues, on m’a informé que depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement, plus de 17 milliards de dollars ont été directement affectés au financement de la recherche.

Le sénateur Kutcher : En tout respect, sénateur Gold, le programme de chaires de recherche ne constitue pas un financement pour les postdoctorants, les étudiants à la maîtrise et les doctorants. Compte tenu de l’importance de garder ces étudiants au Canada et du fait que ce qu’ils gagnent les place bien en deçà du seuil de la pauvreté — oui, les meilleurs et les plus brillants au Canada vivent sous le seuil de la pauvreté —, le gouvernement va-t-il corriger ce qu’il a oublié dans le budget de 2023 et augmenter, dans l’énoncé économique de l’automne, le financement pour ces gens, qui contribuent grandement à l’économie du Canada?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’ai jamais voulu dire que le programme des chaires de recherche du Canada s’adresse aux postdoctorants. Personnellement, ma famille et mes amis ont fait des dons pour les programmes postdoctoraux à l’Université de Montréal en reconnaissance des besoins. Le gouvernement est très sensible aux besoins de tous les membres de la communauté des chercheurs au Canada et il veut que le Canada demeure concurrentiel dans ce domaine.

Le budget a été produit dans des circonstances qui exigeaient que des choix difficiles soient faits quant aux montants à dépenser et aux postes budgétaires à privilégier. Je ne suis pas en mesure de dire si le gouvernement entend changer des éléments de la loi d’exécution du budget, par exemple, dont l’autre endroit est saisi à l’heure où on se parle.

Je vous remercie cependant d’avoir soulevé ces préoccupations — elles sont importantes, sénateur Kutcher, et j’en parlerai à la ministre concernée dès que j’en aurai l’occasion.

Les affaires étrangères

Les droits de la personne en Ouganda

L’honorable Ratna Omidvar : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Sénateur Gold, juin est le mois de la fierté. J’aimerais prendre une minute pour féliciter le sénateur Cormier du leadership dont il a fait preuve en créant le Caucus canadien de la fierté.

J’aimerais maintenant attirer votre attention sur le sort réservé aux personnes LGBTQ2 qui vivent en Ouganda. Ce pays a adopté une loi draconienne qui met en péril la vie et la sécurité de ces personnes. Aux termes de cette loi, les personnes reconnues coupables d’homosexualité aggravée sont passibles de la peine de mort, et quiconque semble faire la promotion de l’homosexualité s’expose à des peines sévères.

Je suis évidemment encouragée par les déclarations du gouvernement canadien, du premier ministre, de la ministre des Affaires étrangères, du Caucus canadien de la fierté et des parlementaires en général. Or, au-delà des déclarations, j’aimerais savoir ce que le gouvernement fait, concrètement, pour mobiliser ses partenaires régionaux, dont les États-Unis, et organiser une campagne de protection des personnes LGBTQ2 en Ouganda.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Je fais écho aux propos du premier ministre, qui a dit dernièrement qu’il s’agit d’une loi odieuse et que le gouvernement la condamne fermement. Il a ajouté que le Canada continuera de soutenir les personnes 2ELGBTQI+ et de défendre leurs droits, ici comme à l’étranger.

Je crois comprendre, sénatrice, que la ministre des Affaires étrangères s’emploie actuellement, avec ses partenaires de la région, à trouver des moyens de soutenir les personnes visées par cette loi. Vous savez déjà qu’outre le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont tous condamné cette violation éhontée des droits de la personne. Les Ougandais ne sont pas seuls, et le Canada contribue aux efforts qui sont déployés pour leur venir en aide. Que ce soit ici ou à l’étranger, les personnes LGBTQ2 pourront toujours compter sur le Canada dans leur lutte contre les violations de plus en plus nombreuses de leurs droits fondamentaux.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de votre réponse, sénateur Gold. Je pense qu’on peut s’attendre inévitablement à ce que certains membres de cette communauté cherchent refuge au Canada. Je me demande donc si le gouvernement du Canada envisagera de mettre en place un programme spécial pour les réfugiés qui s’ajouterait à notre plan d’immigration actuel. Sinon, nous ne ferions que remplacer un groupe de réfugiés par un autre. Le gouvernement du Canada envisagera-t-il un tel programme spécial allant au-delà de la limite fixée de 400 000 personnes?

Le sénateur Gold : Je vous remercie, sénatrice, d’avoir soulevé cette question. Je vais certes la transmettre, de même que vos considérations et vos recommandations, au ministre compétent.

[Français]

Les ressources naturelles

La gestion des incendies de forêt

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Chaque année, lors des festivités du 14 juillet en France, je suis toujours impressionné de voir les milliers de sapeurs-pompiers en uniforme qui font partie du défilé sur les Champs-Élysées. La France dispose de plus de 252 000 pompiers dont 197 000 sont des volontaires auxquels le pays peut faire appel en cas d’incendies de forêt ou autres catastrophes. Plusieurs de ces volontaires sont des militaires à la retraite.

J’ai été stupéfait d’entendre, hier, le premier ministre qui semblait incapable de nous dire de quelle façon nous allons agir pour maîtriser les feux de forêt. On parle de plus de 2 200 feux de forêt cette année et l’été n’est pas encore arrivé. Feux de forêt, inondations et tornades, tout cela est malheureusement au programme pour les prochaines années.

Est-ce que le Canada va rester les bras croisés ou est-ce que le Canada procédera à la création, comme la France, d’un bataillon mobile de sapeurs-pompiers volontaires pour intervenir dans des cas de grandes catastrophes? Croyez-moi, nous en aurons besoin.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question et de soulever le défi auquel nous faisons face dans le contexte des incendies un peu partout chez nous, que ce soit au Québec, en Alberta, en Nouvelle-Écosse et ailleurs au pays.

(1500)

Au Canada, si je comprends bien, un grand nombre de pompiers sont des pompiers volontaires et l’un des défis pour les communautés est la difficulté à recruter davantage de pompiers pour combler leurs besoins accrus. Cela dit, ce n’est pas vrai, avec respect, que le gouvernement ne fait rien. Au contraire, à la suite de notre demande à la province de Québec, le gouvernement a approuvé le déploiement des Forces armées canadiennes pour les aider à faire face à la situation.

On m’a avisé que le gouvernement évalue également si des ressources fédérales additionnelles sont disponibles pour répondre aux besoins de la province. Le gouvernement sait que la situation actuelle des feux de forêt est et continuera à être difficile dans l’ensemble du pays pour plusieurs raisons : le climat bien sûr, mais aussi un manque de pompiers volontaires. Donc, votre suggestion est importante et je vais la porter à l’attention du ministre.

Le sénateur Dagenais : J’ai une question complémentaire. Les feux de forêt font rage dans les Maritimes, en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec. La France représente la moitié du territoire de l’Ontario. Le Canada est 1 700 fois plus grand que la France, mais la France, je vous le rappelle, dispose de 197 000 sapeurs-pompiers volontaires. Je crois qu’il faut plus qu’une taxe sur le carbone pour sauver l’environnement. Votre premier ministre doit avoir une vision nationale en ce qui concerne les catastrophes, et cela presse.

Croyez-vous sincèrement que le Canada a actuellement à sa disposition les armes et l’équipement nécessaires pour combattre les feux de forêt qui sévissent partout au pays?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Comme je l’ai suggéré dans ma réponse, il est bien évident que, face à l’ampleur des incendies que vous avez décrite, les Canadiens ont besoin de plus de ressources pour répondre à ces catastrophes écologiques. Encore une fois, je vais faire part de votre suggestion au gouvernement.

[Traduction]

Les femmes et l’égalité des genres

Les droits des personnes 2SLGBTQ+

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, la ministre Marci Ien a annoncé que 1,5 million de dollars seront versés à Fierté Canada pour financer des mesures de sécurité au cours des défilés et des festivals de la fierté cette année. Ces fonds sont octroyés de manière réactive en réponse à l’augmentation très réelle de la violence et des menaces de violence envers la communauté 2SLGBTQ+. Les personnes 2SLGBTQ+ font également l’objet de violences quotidiennes à longueur d’année au Canada sous forme de discrimination en milieu de travail, de discrimination systémique dans le système de santé et de harcèlement.

Sénateur Gold, compte tenu de la reconnaissance de l’augmentation de la violence envers cette communauté pendant le Mois de la fierté, quel type de soutien le gouvernement prévoit-il de fournir après la fin du Mois de la fierté et quelles autres stratégies prévoit-il de mettre en place pour protéger les personnes 2SLGBTQ+ tout au long de l’année?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice, et je vous remercie de souligner cet enjeu important ainsi que la vulnérabilité de la communauté LGBTQ aux formes de discrimination qui, malheureusement, et souvent tragiquement, se poursuivent encore aujourd’hui.

Le gouvernement est fier des mesures qu’il a prises pour renforcer les lois canadiennes contre la discrimination. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion, il y a quelques années seulement, de débattre dans cette enceinte de modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’élargir la protection des membres de cette communauté. Le financement dont vous avez fait mention et d’autres mesures prises ont pour but d’accroître et d’améliorer les dispositions de soutien afin de rétablir le Programme de contestation judiciaire en tant que mécanisme supplémentaire au moyen duquel la violation des droits juridiques, qui survient trop souvent, peut être invoquée par ceux qui n’auraient pas autrement les moyens d’intenter ce type d’actions en justice.

Le travail ne sera jamais terminé, et il faudra toujours en faire plus jusqu’à ce que tous les Canadiens puissent vivre dans le respect et la dignité auxquels ils ont tous droit, indépendamment de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre et de la façon dont ils choisissent de vivre. Ce gouvernement est fier de son engagement à soutenir les membres de la communauté LGBTQ. Les gestes sont plus éloquents que les mots, et des mesures continueront d’être prises pour soutenir cette communauté.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie. Comme on l’a mentionné, le vrai changement se présente sous plusieurs formes. Les personnes queers subissent de la discrimination tous les jours, notamment en milieu de travail. Quand le gouvernement va-t-il inclure les personnes queers et transgenres dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi du Canada, qui est l’une des mesures concrètes qui peuvent être prises?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais je vais certainement porter cette question à l’attention de la ministre. Je tiens à souligner que non seulement la Constitution, mais aussi la Loi canadienne sur les droits de la personne et la jurisprudence générale, qui a évolué dans la foulée de l’entrée en vigueur des dispositions sur l’égalité des droits dans la réglementation fédérale et provinciale, sont de plus en plus utilisées en connaissance de cause pour interdire de telles formes de discrimination. Je vous remercie de votre question. Je vais la porter à l’attention de la ministre.

Le Bureau du Conseil privé

Le rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, le seul chiffre que le premier ministre a accepté de révéler concernant le mandat de son rapporteur spécial est celui qui correspond aux frais de David Johnston, qui s’élèvent à 1 600 $ par jour. Nous apprenons maintenant à quel point cela peut coûter cher, un rapporteur spécial. M. Johnston a décidé qu’il avait besoin de toute une armée de gens pour l’aider. Il a retenu les services d’une avocate de renom, Sheila Block. Cette femme, qui a fait des dons importants au Parti libéral, et l’équipe qu’elle dirigeait chez Torys ont aidé M. Johnston à interviewer plus d’une cinquantaine de personnes. Le cabinet d’avocat Torys, qui a ses bureaux sur Bay Street, est l’un des plus gros et des plus chers du Canada.

Vous savez, sénateur Gold, j’ai fait ma carrière en droit en Saskatchewan et non sur Bay Street, mais je sais tout de même que ce genre de travail est synonyme de factures extrêmement salées. Combien les contribuables canadiens devront-ils payer en frais juridiques?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Le gouvernement a demandé à l’ancien gouverneur général David Johnston de se pencher sur la grave question de l’ingérence étrangère. M. Johnston a fait l’objet d’une campagne de salissage odieuse, et son intégrité a été remise en question maintes et maintes fois. Je suis sur cette Terre depuis 72 ans, et je n’ai jamais vu un parti politique orchestrer une attaque d’une telle ampleur. Jamais je n’ai vu l’opposition aller aussi loin. Je crois donc qu’à partir du moment où l’ex-gouverneur général a jugé bon de défendre son intégrité et de faire le nécessaire pour que le mandat qu’on lui avait confié soit exécuté de façon adéquate et dans l’intérêt des Canadiens, alors sa décision sera fort probablement avalisée par le gouvernement.

La sénatrice Batters : Il n’y avait pas l’ombre d’une réponse dans ces propos. Et ce n’est pas tout. L’entourage du rapporteur spécial prend encore plus d’ampleur et devient encore plus coûteux. Afin de contrer les questions sur les liens étroits qu’il entretient avec le premier ministre Trudeau, David Johnston, membre de la fondation Trudeau, a embauché un autre ancien de la fondation Trudeau, Frank Iacobucci, pour que celui-ci lui fournisse une opinion juridique indépendante. Ajoutons que M. Iacobucci travaille lui aussi au cabinet d’avocats Torys. Faut-il s’en étonner?

Le rapporteur spécial a également embauché une prestigieuse firme de relations publiques, Navigator, spécialiste des communications en cas de crise. Comme ces coûteux services de relations publiques ne suffisaient pas, Johnston a embauché une autre entreprise de communications, RKESTRA, pour qu’elle l’appuie dans ses relations avec les médias. Je me demande lequel de ces conseillers grassement payés a recommandé à Johnston de ne pas mentionner les mots « fondation Trudeau » dans son rapport de 65 pages.

(1510)

Sénateur Gold, au lieu de dépenser tout cet argent des contribuables pour tenter de réparer le gâchis créé par le premier ministre Trudeau, quand le rapporteur spécial va-t-il enfin écouter les Canadiens, qui se sont exprimés par l’intermédiaire de la majorité des députés, et démissionner?

Le sénateur Gold : De toute évidence, la direction du parti qui s’exprime à l’autre endroit trouve écho dans cette enceinte.

En vérité, l’ancien gouverneur général a toujours la confiance du gouvernement, et le fait que l’on continue de s’attaquer à son intégrité et de détourner l’attention des vrais problèmes auxquels les Canadiens font face — qu’il s’agisse des incendies de forêt qui ravagent le pays, des évacuations et des problèmes économiques qui affligent les Canadiens — est un exemple regrettable de priorités mal placées.

Les finances

Le coût de la vie

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, si vous répondiez à une seule question, vous pourriez arrêter de lever les yeux au ciel chaque fois qu’on vous en pose une.

Lorsqu’on pose des questions sur les incendies de forêt — et nous convenons tous qu’ils ont des effets dévastateurs —, personne ne laisse entendre qu’on ne devrait pas dépenser de l’argent pour les combattre. Il est honteux que vous tentiez ainsi de détourner l’attention de l’ingérence du régime de Pékin.

Vous avez fait allusion à vos 72 ans. Je ne me souviens pas de tout ce qui s’est passé pendant mes 73 années, mais je n’ai jamais vu un gouvernement aussi corrompu ou qui a aussi peur de répondre aux questions que le gouvernement libéral actuel.

Vous savez, sénateur Gold, si vous répondiez à une seule question, nous pourrions nous entendre beaucoup mieux dans cette enceinte.

Je vous remercie, sénateur Dean. Vous pouvez m’aider, puisqu’on parle de chambres d’écho.

Son Honneur la Présidente : Pourriez-vous poser votre question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Ma question au gouvernement libéral, monsieur le leader, concerne le coût de la vie. J’espère qu’il s’agit d’un enjeu qui vous préoccupe autant que les feux de forêt.

La semaine dernière, la Banque d’alimentation d’Ottawa a inauguré ses nouveaux locaux, qui sont deux fois plus grands que ses anciens locaux. Comme l’a si justement souligné la présidente de l’organisme, Rachael Wilson, il n’y a pas de quoi célébrer la nécessité d’ouvrir des installations plus imposantes qu’amène l’augmentation des besoins des Ottaviens.

La Banque d’alimentation d’Ottawa a enregistré une augmentation de 85 % des visites depuis 2019 et la présidente parle d’un nombre astronomique jamais vu en 40 ans d’histoire. Uniquement l’année dernière, l’organisme a connu une hausse de fréquentation de 30 %.

Harvest Manitoba affirme que le recours aux banques alimentaires dans ma province a augmenté de 40 % en un an. Le quart de la clientèle des banques alimentaires est maintenant composé de personnes qui ont un travail, une augmentation de 50 % comparativement à il y a un an.

Évidemment, cette augmentation s’est produite alors qu’une seule taxe sur le carbone s’appliquait. Une deuxième taxe sur le carbone sera instaurée le 1er juillet. Selon le directeur parlementaire du budget, le ménage moyen au Manitoba devra verser 611 $ de plus une fois la deuxième taxe sur le carbone en place. Si on ajoute le coût de la première taxe sur le carbone du premier ministre, les Manitobains devront payer 2 101 $ par ménage.

J’espère que cela aussi vous préoccupe, sénateur Gold.

Son Honneur la Présidente : Avez-vous une question?

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, dans quelle proportion le recours aux banques alimentaires augmentera-t-il à Ottawa, au Manitoba et partout ailleurs au Canada à cause des taxes sur le carbone qu’impose le premier ministre, qui sont en fait des taxes sur des taxes? En avez-vous une idée, sénateur Gold? J’irais même jusqu’à vous demander si vous vous en souciez.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Il va sans dire que je m’en soucie et je crois qu’il en est de même de l’ensemble des sénateurs. Nous sommes tous préoccupés par les difficultés que vivent les Canadiens à cause des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, à l’inflation et au changement climatique qui sévissent à l’échelle mondiale et qui ont des répercussions substantielles sur l’approvisionnement alimentaire. Voilà pourquoi le gouvernement a déployé des efforts considérables pour soutenir les Canadiens qui ont le plus besoin d’aide, comme je l’ai souligné à maintes occasions.

Pour ce qui est des banques alimentaires, je ne sais pas comment la situation va évoluer. Je participe aux efforts des banques alimentaires dans la collectivité où je vis. Je remercie les bénévoles et les organismes qui offrent cette aide et les gouvernements qui les appuient.

À cet égard, le gouvernement du Canada a versé des sommes considérables, notamment en termes de financement, aux banques alimentaires locales pour leur permettre de répondre aux besoins des gens de la collectivité, et il continuera de le faire.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane, le Sénat accepte les amendements apportés par la Chambre des communes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole pour répondre au message de l’autre endroit concernant le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Un an après notre étude approfondie du projet de loi visant à réformer la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE, nous sommes enfin sur le point de moderniser le cadre législatif du Canada en matière de substances toxiques. Inutile de vous rappeler que la LCPE a été adoptée en 1999 et qu’elle n’a pas été mise à jour depuis. Avoir attendu 24 ans avant de moderniser l’outil le plus important pour la protection de l’environnement et de notre santé, alors que la science a progressé à un rythme sans précédent et qu’elle nous a mis en garde, c’est inadmissible.

Face à l’omniprésence de la pollution par les plastiques, à la présence de microplastiques dans les organes humains, aux déversements incontrôlés de produits toxiques, aux terrifiants feux de forêt, aux inondations et autres phénomènes météorologiques extrêmes causés par les gaz polluants qui réchauffent l’atmosphère, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : nous serions-nous retrouvés dans cette terrible impasse si nous avions révisé la LCPE il y a 15 ans?

[Français]

Le projet de loi S-5 revient au Sénat avec une série d’amendements modifiant 38 articles. Les amendements de la Chambre des communes s’appuient généralement sur le travail du Sénat, et nous lui en sommes reconnaissants. La Chambre des communes a conservé intacts 21 de nos amendements, validant ainsi le bon travail que nous avons entrepris en comité. Je remercie de tout mon cœur chacun des membres du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Les autres amendements du Sénat ont été, pour la plupart, clarifiés ou reformulés, et seuls quelques-uns ont été rejetés par les Communes.

Dans mon discours, j’aborderai quelques amendements particuliers qui, selon moi, ont été renforcés à la Chambre, ainsi que quelques lacunes et faiblesses restantes.

[Traduction]

L’inclusion du concept de droit à un environnement sain constitue une des principales caractéristiques du projet de loi S-5. Au cours de notre étude, la plupart des témoins ont bien accueilli le concept, mais ils ont reproché au projet de loi de se contenter de charger le ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’élaborer et de mettre en œuvre un plan plutôt que de consacrer le droit réel.

La Chambre a proposé quelques amendements, mais l’objectif reste le même. Elle a ajouté une définition d’un environnement sain, en disant qu’il s’agit d’un « environnement qui est propre, sain et durable ». Elle a restructuré l’amendement du Sénat qui exigeait que le cadre de mise en œuvre précise les limites raisonnables auxquelles ce droit est soumis, tout en conservant l’intention du Sénat.

Elle a également clarifié le principe de l’équité intergénérationnelle en affirmant :

[...] il importe de répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs [...]

Selon la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, le gouvernement doit évaluer les substances et les catégoriser en fonction de leur toxicité. Chaque année, le gouvernement du Canada évalue environ 600 nouvelles substances sur le marché canadien. Toutefois, il ne s’est pas donné les ressources suffisantes pour évaluer toutes les substances actuellement sur le marché canadien. Pour cette raison, j’ai tenté d’amender le projet de loi en imposant un délai fixe au ministre pour l’achèvement d’une évaluation et la publication de ses résultats. À l’époque, le comité avait décidé de ne pas imposer de délai puisque les délais d’évaluation dépendraient de la quantité de ressources gouvernementales consacrées à cette tâche.

Pour remédier à la situation, la Chambre des communes a proposé ce qui, à mon avis, représente un compromis raisonnable. Si l’évaluation d’une substance n’est pas terminée après deux ans, le ministre doit publier une déclaration qui précise les raisons d’un tel délai ainsi que l’échéancier envisagé pour la publication de la décision finale.

C’est une question de responsabilité ministérielle. Il incombe donc au ministre de justifier tout délai susceptible de nuire à notre santé.

(1520)

Le point suivant que j’aimerais aborder est celui de la confidentialité. Actuellement, lorsqu’une société fournit des renseignements sur une substance à la demande du ministre, elle peut demander, par écrit, que ces renseignements demeurent confidentiels. Dans le cadre du régime actuel de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ces demandes sont automatiquement approuvées, sans que le ministre ait à intervenir. Cela témoigne d’un manque de transparence. Bien entendu, la nécessité de traiter ces renseignements de façon confidentielle peut être justifiée par de nombreux motifs légitimes, tels que le secret commercial, la préservation de l’intégrité d’un contrat, ou la protection contre les pertes financières. Cependant, la société qui en fait la demande devrait être tenue de démontrer en quoi cette confidentialité est nécessaire, et il devrait incomber au ministre de donner ou non son accord. C’est un aspect que la sénatrice Miville-Dechêne et moi-même avons fait valoir dans le cadre de l’étude du comité auquel nous siégeons. Malheureusement, celui-ci a choisi de rejeter notre proposition.

Heureusement, la Chambre des communes s’est saisie de cette importante question de transparence et a trouvé un compromis. L’amendement proposé obligerait le ministre à examiner un échantillon statistiquement représentatif des demandes de confidentialité approuvées et à déterminer si la demande est justifiée en fonction de quatre critères. Les demandes qui ne satisfont pas à ces critères sont alors refusées, et le ministre doit produire chaque année un rapport sur les demandes de confidentialité.

Je pense qu’il s’agit là d’un bon équilibre. Lorsque des renseignements n’ont pas besoin de demeurer confidentiels, les Canadiens ont le droit d’en prendre connaissance, surtout lorsqu’il s’agit de leur santé et de la protection de l’environnement.

En général, je pense que l’autre endroit a renforcé le travail du Sénat sur ce projet de loi. Je ne suis toutefois pas en train de dire qu’il n’y a plus de lacunes ou de questions non résolues par rapport à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Les experts en politiques environnementales sont mécontents de la suppression du titre de l’annexe 1. Cette liste existe parce que ces substances ont été jugées toxiques selon des contextes, des quantités ou des voies d’exposition déterminés. L’industrie s’est plainte en disant qu’une partie de ces substances se trouvent dans des produits de tous les jours. Que le titre de cette liste inclue ou non les mots « substances toxiques », les exigences juridiques de ces entreprises ne changent pas — c’est simplement une question de terminologie. Par souci de transparence, et dans l’intérêt du Canadien moyen, la nomenclature est importante. Cacher le fait que des données scientifiques ont permis de juger ces substances comme étant toxiques dans certains contextes est un manque de transparence envers les Canadiens.

La capacité du gouvernement à évaluer les substances constitue un autre problème majeur. Le gouvernement dépend trop de l’industrie pour fournir la base scientifique des évaluations et se contente souvent d’un examen de la documentation au lieu de mener des tests scientifiques sur les substances elles-mêmes. Il s’agit d’un problème, car nous dépendons de l’industrie pour des décisions qui relèvent de la responsabilité du ministre. Par exemple, selon un article de CBC qui a été publié la semaine dernière, l’industrie est au courant des risques posés par les substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, aussi appelées SPFA ou produits chimiques éternels, depuis des décennies et elle les a dissimulés. Les principaux intervenants de l’industrie savaient que ces substances étaient toxiques; pourtant, elles sont présentes dans tous les produits, allant des ustensiles de cuisine au maquillage. Ces produits chimiques sont connus pour causer des problèmes hépatiques, des problèmes de grossesse et des cancers. Pire encore, l’industrie a employé des tactiques semblables à celles des industries du tabac et des combustibles fossiles pour brouiller les pistes quant à la toxicité des produits chimiques éternels et pour empêcher les chercheurs de se pencher davantage sur la question.

C’est tout à fait inacceptable et il est de notre devoir, en tant que législateurs, d’adopter un cadre législatif qui réglemente mieux l’industrie. Nous ne pouvons pas jouer avec la santé et la sécurité des Canadiens. Nous ne pouvons pas nous fier à des expériences qui sont surtout conçues, réalisées, analysées et divulguées par l’industrie en vue de réaliser des ventes et des profits plutôt que dans l’intérêt des Canadiens. Nous devons doter le gouvernement des ressources appropriées pour qu’il effectue ses propres évaluations scientifiques rigoureuses et transparentes.

[Français]

Chers collègues, le projet de loi S-5 est une modernisation indispensable de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Il n’est pas parfait et il reste encore beaucoup à faire pour avoir une loi sur la protection de l’environnement qui se concentre vraiment sur la prévention de la pollution, et non sur sa gestion et son contrôle.

L’actuel ministre de l’Environnement et du Changement climatique a promis que d’autres révisions de la loi sont à venir, et j’attends ces propositions avec impatience. Nous ne devrions plus jamais attendre 24 ans pour moderniser un texte législatif si essentiel à la protection de notre santé et celle de l’environnement.

Je vous encourage donc à appuyer le projet de loi tout en continuant à revendiquer d’autres améliorations dans un avenir rapproché.

Merci. Meegwetch.

(Sur la motion du sénateur Patterson (Nunavut), le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Autorisation au Comité des droits de la personne d’étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 1er juin 2023, propose :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-41, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence, déposé à la Chambre des communes le 9 mars 2023, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La bibliothécaire du Parlement

Adoption de la motion tendant à renvoyer le certificat de nomination au Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 1er juin 2023, propose :

Que le certificat de nomination concernant la proposition de renouvellement du mandat de Heather Powell Lank à titre de bibliothécaire parlementaire, déposé au Sénat le 1er juin 2023, soit renvoyé au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement pour étude et rapport;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1530)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-248, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-248, une initiative présentée par une ardente et diligente défenseure de l’autonomie et de la dignité des patients, la sénatrice Wallin. Je sais que, tout comme elle l’a fait pour son amendement au projet de loi antérieur du gouvernement, la sénatrice fonde ce projet de loi sur son expérience personnelle et douloureuse et le présente avec les intentions les plus sincères.

Dans les discours que j’ai prononcés dans le passé au sujet de l’aide médicale à mourir, j’ai souligné ma préoccupation à l’égard de la rapidité et de la magnitude avec lesquelles le gouvernement élargit ce régime qui, à l’origine, était une réponse prudente et circonspecte à une décision de la Cour suprême du Canada.

Bien que nous étions tout à fait conscients à l’époque que la légalisation du suicide assisté entraînerait un changement de paradigme, la plupart d’entre nous étaient également conscients de la nécessité que la loi soit claire, rigoureuse et exempte de toute ambiguïté pour éviter que l’on mette fin prématurément à des vies faute d’évaluation prudente et sans le consentement explicite de la personne.

Pour beaucoup d’entre nous, les mesures de sauvegarde prévues à l’époque étaient insuffisantes. Pourtant, comme je l’ai déjà dit, jamais je n’aurais pu imaginer qu’à peine quelques années après qu’on ait balayé du revers de la main nos mises en garde contre cette « pente savonneuse », nous légaliserions le suicide pour les personnes souffrant d’une maladie mentale et déposerions des rapports de comité recommandant d’étendre le suicide assisté aux enfants. À mon avis, ces propositions sont indéfendables.

Je ne mettrais toutefois pas le projet de loi S-248 dans cette catégorie. Je comprends la logique derrière les demandes anticipées, en particulier en ce qui concerne les patients ayant reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer ou de démence, qui craignent de vivre dans un état inconcevable à mesure que leur maladie progressera.

Cela dit, en pratique, cette mesure législative éliminerait une des mesures de sauvegarde les plus fondamentales du régime de suicide assisté du Canada, soit la nécessité d’un consentement final sans équivoque, incontestable et clair avant de mettre un terme à la vie d’une personne.

Les demandes anticipées éliminent, pour le médecin, la capacité de vérifier le souhait du moment d’une personne, laissant ainsi place à la possibilité bien réelle qu’on mette fin à la vie d’une personne contre sa volonté.

Dans l’arrêt Carter, la Cour suprême du Canada a souligné à plusieurs reprises qu’une personne qui demande le suicide assisté doit y consentir clairement. Si le consentement doit être clair et sans équivoque, il doit aussi être concomitant. Selon des experts, des données montrent qu’il existe un risque que l’on fournisse le suicide assisté à un patient contre son gré.

Le rapport que le Conseil des académies canadiennes a produit pour le gouvernement du Canada au sujet des demandes anticipées d’aide médicale à mourir dit notamment ceci :

Le principal risque posé par les demandes anticipées d’AMM est qu’une personne reçoive l’aide à mourir contre sa volonté.

Ce risque est confirmé par les données de Santé Canada. Les premier, deuxième et troisième rapports de Santé Canada sur l’aide à mourir au Canada montrent qu’en moyenne, environ 20 % des personnes qui ont retiré leur demande d’aide au suicide l’ont fait immédiatement avant de recevoir l’aide au suicide.

Il s’agit d’une statistique frappante, qui devrait tous nous faire réfléchir.

Je n’étais pas membre du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, mais j’ai lu les témoignages et le rapport final avec beaucoup d’intérêt. Bien que certains témoins se soient montrés clairement favorables à ce que propose la sénatrice Wallin, d’autres ont soulevé de sérieux problèmes d’ordre juridique, éthique et pratique au sujet des demandes anticipées.

Trois grandes préoccupations sont ressorties des témoignages. La première, c’est que les gens ne peuvent pas prédire exactement ce que sera leur qualité de vie à l’avenir, particulièrement s’ils sont atteints d’une maladie chronique. La deuxième préoccupation, c’est que les gens n’auraient pas l’occasion de retirer leur consentement. La troisième préoccupation, c’est que les patients vulnérables risqueraient de subir des abus, des pressions et une influence indue au sujet des demandes anticipées.

En ce qui concerne le premier point, plusieurs témoins ont donné des exemples des limites de notre capacité à évaluer notre qualité de vie future. La Dre Romayne Gallagher, professeure clinicienne en médecine palliative à l’Université de Colombie-Britannique, a témoigné au nom de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs et a déclaré :

[...] la littérature médicale et les sciences sociales nous rappellent que les gens sont incapables de prévoir à quoi ressemblerait leur vie s’ils devenaient gravement malades ou handicapés. Les gens s’adaptent à la maladie et au handicap et adaptent leurs besoins pour avoir une qualité de vie décente. De nombreux problèmes de santé sont longs et imprévisibles.

Le Dr Jonas-Sébastien Beaudry a également fait remarquer que les patients qui ont fait une demande anticipée peuvent avoir des expériences et des désirs différents de ceux qu’ils ont eus dans le passé. Ils n’ont jamais fait l’expérience d’une vie avec des capacités cognitives réduites.

Il a donné l’exemple d’un homme de 75 ans, John, qui a perdu la capacité de prendre ses propres décisions en matière de soins de santé. Il est généralement admis que lorsque des décisions de soins de santé sont prises au nom de quelqu’un d’autre, elles ne doivent l’être que dans l’intérêt du patient. Le Dr Beaudry a fait remarquer que l’on pourrait supposer que Jean, sans démence, à l’âge de 50 ans par exemple, connaîtrait son avenir mieux que quiconque et qu’il saurait instinctivement ce qui convient le mieux à Jean à l’âge de 75 ans.

Toutefois, cela n’est pas si évident. D’une part, il se peut que John prenne des décisions avant tout pour ne pas être un boulet pour les membres de sa famille. Il peut également imaginer qu’il sera alité et très dépendant et éprouver de la honte à cette idée. Ces suppositions peuvent être fondées sur des croyances discriminatoires largement répandues concernant la qualité de vie des personnes malades et handicapées, et sur la question de savoir si leur vie vaut la peine d’être vécue.

Le Dr Beaudry a fait remarquer que de nombreuses personnes vivent une vie heureuse en dépit de divers problèmes médicaux importants ou d’un niveau élevé de dépendance. Cependant, si John, ou un membre de sa famille ou de son équipe soignante, n’est pas d’accord, ou n’est pas conscient de cela en raison de généralisations sur le capacitisme, John, à 75 ans, deviendrait la victime de ces stéréotypes sur le capacitisme ou l’âgisme.

Le point principal du Dr Beaudry est que, lorsqu’il s’agit de soins de santé, nous devons prendre soin du patient qui se trouve devant nous, même s’il est atteint d’une démence avancée. Cela ne signifie pas que les expériences passées de John ne sont pas pertinentes. L’évaluation holistique de ce qui est dans son intérêt peut inclure ses souhaits et préférences passés.

En fin de compte, il ne faut simplement pas donner le dernier mot aux anciennes convictions d’un patient, en particulier lorsque ces dernières ont été formulées dans un contexte cognitif et expérientiel éloigné.

Le comité a entendu la Dre Alice Maria Chung, une gériatre qui travaille depuis plus de 30 ans avec des patients âgés et qui enseigne l’évaluation des capacités aux étudiants en médecine, aux internes et aux médecins en exercice, afin qu’ils soient en mesure de déterminer si un patient est capable de prendre une décision médicale.

(1540)

La Dre Chung a posé cette question :

De quel droit la personne que nous sommes à 60 ou à 70 ans peut-elle juger de la qualité de vie qu’elle aura à 80 ou 90 ans? Les patients atteints d’une maladie chronique peuvent souvent s’adapter à leur nouvelle situation et trouver un équilibre et une estime de soi, et sentir que leur qualité de vie est plutôt bonne.

La vaste documentation médicale dont nous disposons tend à confirmer ce qu’elle avance. Elle a aussi indiqué que c’est ce qu’elle constate dans le cadre de sa pratique.

En réponse à ces préoccupations, la sénatrice Wallin a dit qu’on voit cela constamment dans le domaine juridique. Nous rédigeons des testaments, que nous confions à des avocats, nous rendons des ordonnances de non-réanimation, et cetera. Tout cela est vrai. Cependant, nous savons tous que mettre fin à la vie d’une personne sans avoir la certitude qu’elle y consent à ce moment-là est complètement différent. Dans ce cas précis, je dirais que, s’il y a un risque de commettre une erreur, l’éthique veut qu’on n’aille pas plus loin.

Le deuxième problème, c’est qu’une personne ne pourrait pas retirer son consentement, ce qui est un aspect essentiel du consentement donné en connaissance de cause. Le consentement est un concept qui est entré dans le discours public dans les dernières années, et la société a pris conscience que, dans les situations les plus graves, le consentement doit avoir été accordé récemment et de façon explicite et sans équivoque. Or, je ne peux imaginer de circonstances plus graves où on doit s’assurer qu’il y a consentement.

Sommes-nous vraiment en train de suggérer que l’absence de refus constitue un consentement? Nous savons que ce n’est pas le cas et que ce n’est pas possible.

Nous sommes tous d’accord pour dire que l’autonomie d’une personne doit être respectée, et si une personne est capable de prendre des décisions et de les communiquer clairement, il est raisonnable de penser que ces souhaits doivent être respectés. Cependant, nous avons décidé en tant que société qu’il y a des limites nécessaires à la liberté d’autonomie.

Le Dr Félix Pageau, gériatre et chercheur, a déclaré au comité :

Le gouvernement doit protéger les gens vulnérables et protéger les gens contre eux-mêmes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a fixé un âge légal pour la consommation d’alcool ou encore obligé le port de la ceinture de sécurité en voiture et du casque à moto. La liberté d’autonomie n’est donc pas absolue au Canada; elle est encadrée.

De même, la loi actuelle impose des limites nécessaires à la capacité d’une personne à prendre des décisions futures sans possibilité de changer d’avis sur la décision médicale la plus grave qu’elle puisse prendre. Il est bien documenté qu’en ce qui concerne l’aide médicale à mourir les demandes et les avis changent immédiatement avant l’administration. Des demandes sont retirées. Cette possibilité de retirer son consentement à la dernière minute doit être maintenue.

Enfin, l’autorisation de directives préalables pour les personnes atteintes de démence et de la maladie d’Alzheimer risque d’entraîner des abus. Les gens subissent déjà une influence indue pour éviter d’être un fardeau pour leurs proches. Comme l’a déclaré la Dre Chung :

J’ai de nombreux patients qui ont eu le cœur brisé après avoir été incités par leur famille à vendre leur maison et à déménager dans un centre pour ne pas être un fardeau. À l’heure actuelle, les mesures de sauvegarde ne me permettent pas de protéger les aînés vulnérables contre l’exploitation financière. Je pense qu’il est impossible d’élaborer des mesures de sauvegarde qui permettraient de les protéger adéquatement contre une influence indue en vue de leur faire accepter ou demander l’aide médicale à mourir.

Trudo Lemmens est un expert en droit et en politique de la santé. Dans le mémoire présenté à un comité mixte sur le sujet, il a présenté un contexte international, expliquant les exigences d’autres pays qui ont mis en œuvre la demande anticipée de suicide assisté. Il a indiqué ceci :

[...] la Belgique [n’autorise] l’aide médicale à mourir demandée par anticipation que pour des personnes devenues inconscientes de façon permanente, afin d’éviter d’euthanasier des personnes qui aiment encore la vie et peuvent résister. Au départ, les Pays-Bas avaient du mal à accepter l’aide médicale demandée par anticipation, car ils considéraient qu’il était impossible de la justifier par les « souffrances insupportables » du patient, puisqu’il ne pouvait plus confirmer ces souffrances. Le pays l’accepte maintenant, même dans les cas où les personnes semblent résister.

Aucun de ces régimes ne prévoit un consentement explicite et concomitant à l’aide médicale à mourir, ce qui est probablement exigé par notre Constitution compte tenu de l’accent que la Cour suprême met sur le consentement éclairé dans l’arrêt Carter.

M. Lemmens souligne que notre régime actuel d’aide médicale à mourir va déjà beaucoup plus loin que la réglementation en Belgique, mais que, parallèlement, nos services de soins sociaux et de soins de santé sont inférieurs à la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Il a ajouté que les dispositions relatives aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir prévues dans le régime actuel des Pays-Bas ont possiblement occasionné des défis éthiques et juridiques insurmontables — ce qui n’est pas surprenant.

Chers collègues, bien que j’éprouve énormément de compassion pour les personnes qui ont reçu un diagnostic terrible de troubles neurocognitifs, une réalité qui vient avec son lot d’incertitudes et d’inquiétudes face à la détérioration de la qualité de vie, les experts sont unanimes : il est impossible de déterminer avec certitude comment une personne se sentira au fur et à mesure de la progression de la maladie.

Il est inacceptable de signer une autorisation définitive ou une demande d’aide médicale à mourir si ces formalités administratives reposent uniquement sur une réalité qui appartient au passé. On ne peut justifier une action qui prend appui sur les désirs d’une personne qui n’avait aucune idée de son rapport futur à la vie. Chers collègues, les risques sont trop grands.

Puisque, selon les données de Santé Canada, 20 % des patients qui retirent leur demande d’aide médicale à mourir le font immédiatement avant la procédure, tout porte à croire que l’adoption de ce projet de loi mettrait inévitablement certaines personnes dans une situation de grande vulnérabilité. Des patients pourraient perdre la vie contre leur volonté du moment présent — ce serait la fin forcée d’une vie.

Le prix à payer en cas de mauvaise décision dépasse largement les conséquences de l’inaction. C’est la raison pour laquelle je suis contre ce projet de loi. Merci, chers collègues.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est à titre de porte-parole de l’opposition que je parlerai aujourd’hui du projet de loi S-248, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

Je tiens d’abord à saluer la marraine de ce projet de loi, la sénatrice Wallin, pour tout ce qu’elle fait dans le dossier des demandes anticipées.

Je l’ai dit et je le répète : partout au pays, l’aide médicale à mourir constitue l’un des sujets les plus complexes et les plus personnels qui soient tant pour les Canadiens qui pensent à s’en prévaloir que pour leur famille. On trouve de toutes les opinions parmi notre assemblée — opinions qui sont par ailleurs aussi valables les unes que les autres — quant à la manière dont l’aide médicale à mourir devrait être encadrée et balisée à mesure qu’évolue ce dossier.

À titre de porte-parole de l’opposition, j’estime que le projet de loi S-248, qui autorisera les Canadiens à demander d’avance l’aide médicale à mourir au cas où ils perdraient la faculté de donner leur consentement, comporte certaines lacunes et j’aimerais expliquer ce qui, selon moi, constituerait des balises adéquates. Certains de nos collègues ont déjà exposé en détail ce que fait ce projet de loi et ce qu’il ne fait pas. D’autres ont fait valoir qu’il faut des balises clairement définies, par exemple en ce qui concerne la période de validité des demandes anticipées, le rôle des témoins indépendants et la définition d’un consentement libre et éclairé.

Le projet de loi S-248 modifie le Code criminel de manière à :

a) permettre à une personne dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible de conclure une entente par écrit en vue de recevoir l’aide médicale à mourir à une date déterminée si elle perd sa capacité à consentir à l’aide médicale à mourir avant cette date;

b) permettre à une personne atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables [de] faire une déclaration écrite pour renoncer à l’exigence du consentement final lorsqu’elle reçoit l’aide médicale à mourir si elle perd sa capacité à consentir à l’aide médicale à mourir, si elle est atteinte des symptômes énoncés dans la déclaration écrite et si toutes les autres mesures de sauvegarde pertinentes énoncées dans le Code criminel ont été respectées

(1550)

Le projet de loi S-248 a initialement été présenté comme amendement au projet de loi C-7 que le Sénat avait adopté, mais que le gouvernement avait rejeté. Si elle est adoptée, cette mesure donnera aux Canadiens qui ont reçu un diagnostic de maladie grave et incurable la capacité de présenter, alors qu’ils sont encore capables de donner leur consentement, une demande anticipée pour recevoir l’aide médicale à mourir.

En qualité de vice-présidente du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, j’ai collaboré avec les membres du comité lors de l’étude de l’aide médicale à mourir pour les personnes recevant des soins palliatifs, les mineurs matures, les personnes handicapées et les personnes souffrant de maladies mentales. Le comité s’est également penché sur les demandes anticipées. De nombreux témoins qui ont comparu devant le comité souscrivent au principe de la demande anticipée.

La Dre Helen Long, directrice générale de l’organisme Mourir dans la dignité Canada, a déclaré :

Les Canadiens nous disent qu’ils sont préoccupés par leur capacité de donner un consentement éclairé à l’aide médicale à mourir en raison de leurs antécédents familiaux de troubles neurocognitifs, comme la démence ou la maladie de Parkinson, ou du fait qu’un accident ou autre problème médical pourrait entraîner une diminution de leur capacité mentale. Les demandes anticipées permettraient à ceux qui optent pour l’aide médicale à mourir d’éviter une vie de douleur et de souffrance graves et irrémédiables advenant une perte de capacité.

Le Dr Serge Gauthier, professeur émérite et neurologue, a expliqué que bon nombre de ses patients souhaitent pouvoir présenter une demande anticipée et qu’à défaut d’avoir une telle possibilité, certains patients ont indiqué qu’ils envisageraient le suicide.

Sandra Demontigny, âgée de 43 ans et atteinte de la forme précoce de la maladie d’Alzheimer, a expliqué ce que signifierait pour elle une demande anticipée :

Toutefois, je ne veux pas vivre la dernière phase de la maladie, alors que les gens sont complètement dépendants, incapables de s’exprimer ou à peu près. Je l’ai vue et je ne veux pas la vivre. C’est ce que je voudrais préciser dans une demande anticipée. Bien sûr, cela me donnerait plus de temps.

Par exemple, sans vouloir vous mettre de la pression, si les demandes anticipées ne sont pas acceptées par le Parlement, malheureusement, je devrai choisir seule de partir avant d’entrer dans cette phase, sinon j’y serai coincée.

Nous avons également entendu des témoins nous avertir qu’il faut mettre en place d’importantes mesures de sauvegarde pour le traitement des demandes anticipées.

M. Pierre Deschamps, avocat et éthicien, a dit :

[...] le défi pour le législateur est de concevoir des mesures de sauvegarde robustes qui protégeront la personne ayant fait une demande anticipée d’aide médicale à mourir — généralement, cette demande se fait plusieurs années avant l’apparition de la condition pouvant donner lieu à son activation — contre des abus tels que l’administration trop précoce de l’aide médicale à mourir ou l’empressement d’administrer celle-ci sous la pression de proches ou d’un corps médical sympathique à l’état de dégradation mentale de la personne, qui se trouvera alors dans une situation de très grande vulnérabilité.

La Dre Alice Maria Chung, citée plus tôt par notre leader, a dit :

Les directives anticipées pour l’aide médicale à mourir posent plusieurs problèmes. Premièrement, nous ne pouvons pas prédire exactement ce que sera notre qualité de vie à l’avenir, encore moins lorsque nous sommes atteints d’une maladie chronique. [...]

Deuxièmement, dans les cas de démence avancée, on n’aurait pas la moindre occasion de retirer le consentement, ce qui est également essentiel au consentement donné en connaissance de cause. Quelqu’un d’autre, un travailleur de la santé qui ne connaît peut-être pas le patient ou un dispensateur de soins, devrait choisir quand donner suite à l’aide médicale à mourir. [...]

Enfin, le recours aux directives anticipées pour les patients atteints de démence peut aussi mener à des abus. [...] Je pense qu’il est impossible d’élaborer des mesures de sauvegarde qui permettraient de les protéger adéquatement contre une influence indue en vue de leur faire accepter ou demander l’aide médicale à mourir.

Dans le rapport de 2018 du Conseil des académies canadiennes, intitulé L’état des connaissances sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir, le comité d’experts a énuméré un certain nombre de lacunes de connaissances en ce qui a trait aux demandes anticipées.

Catherine Ferrier, médecin de l’Université McGill, a témoigné devant le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir et elle a soulevé cette question en déclarant que de nombreux experts remettent en question l’utilité générale des directives anticipées. Elle a fait remarquer qu’il existe de plus en plus de preuves montrant que les gens ont tendance à mal à se figurer leur qualité de vie dans des situations hypothétiques en raison de biais cognitifs, comme le biais de projection — la projection des préférences actuelles sur des situations futures —, le biais d’ancrage mental — quand on accorde plus d’importance à ce qui s’aggrave qu’à ce qui reste positif — et la négligence de la compétence immunitaire — quand on sous-estime la capacité d’adaptation d’une personne.

Une autre lacune constatée dans le rapport intitulé L’état des connaissances sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir concerne les conséquences plus générales de l’autorisation des demandes anticipées d’aide médicale à mourir au Canada. Il s’agit notamment des effets ressentis non seulement par les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir, mais aussi par les personnes chargées de décider s’il faut y donner suite et à quel moment, et par la société dans son ensemble.

Honorables sénateurs, l’aide médicale à mourir est une question complexe et profondément personnelle. En tant que fille aînée et principale soignante de ma défunte mère, qui a vécu avec une démence avancée pendant plus de 10 ans, il m’aurait été impossible de donner suite à une demande anticipée si la loi lui avait permis d’en rédiger une avant que la maladie n’ait progressé. Ni elle ni moi n’aurions pu anticiper la joie qu’elle dégageait et qu’elle transmettait à tous les résidants de son étage en tant que personne que la démence avancée rendait angélique et heureuse de tout.

Je ne peux pas m’imaginer comment j’aurais pu respecter la volonté de ma mère, à n’importe quelle étape de sa prise en charge, si elle avait donné un consentement préalable pour recevoir l’aide médicale à mourir.

L’aide médicale à mourir et la question du consentement préalable sont des sujets difficiles pour tous les parlementaires. En tant que législateurs, nous tenons à prendre les bonnes décisions. Nous voulons des preuves indéniables que notre travail aide les gens et ne leur nuit pas. Or, dans le cas des questions sociales hautement émotives, la voie à suivre n’est pas toujours claire. J’espère que les témoignages que nous entendrons au comité nous permettront de trouver cette voie. J’espère que nous pourrons entendre les experts au sujet du consentement préalable pour recevoir l’aide médicale à mourir, qu’ils nous éclaireront sur les mesures de sauvegarde à établir pour garantir la protection des Canadiens et le respect de leur volonté. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur la sécurité des postes au Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-256, Loi modifiant la Loi sur la Société canadienne des postes (saisie) et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

L’honorable Claude Carignan : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-256, dont le titre abrégé est la Loi sur la sécurité des postes au Canada. J’appuie sans réserve l’objectif du projet de loi tel qu’il a été formulé dans le discours du 29 novembre dernier du sénateur Dalphond :

La Loi sur la sécurité des postes au Canada a pour but de soutenir les forces de l’ordre, les communautés autochtones et les municipalités rurales dans leurs efforts pour intercepter les drogues dangereuses, notamment le fentanyl et d’autres opioïdes, qui pourraient être livrées par le réseau postal, surtout dans les régions éloignées. […]

Le but de ce projet de loi n’est pas d’affaiblir ou de modifier les exigences relatives aux perquisitions et aux saisies, mais plutôt de supprimer une ancienne limite légale qui empêche la police d’aider pleinement les inspecteurs de Postes Canada et les agents des douanes à appliquer la loi.

Cette ancienne limite légale dont parle le sénateur Dalphond est le paragraphe 40(3) de la Loi sur la Société canadienne des postes, qui dit ce qui suit :

Malgré toute autre loi ou règle de droit, mais sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, de la Loi sur les douanes et de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, rien de ce qui est en cours de transmission postale n’est susceptible de revendication, saisie ou rétention.

Comme on peut le voir, cette disposition prévoit une large interdiction, applicable notamment aux policiers, à la saisie ou à la rétention d’objets en cours de transmission postale. Comme l’a souligné le sénateur Dalphond, lorsqu’un article confié à Postes Canada est en cours d’expédition, les policiers ne peuvent intervenir sans l’aide d’un inspecteur de Postes Canada.

(1600)

En fait, les inspecteurs des postes peuvent ouvrir des envois postaux, sauf s’ils pèsent moins de 500 grammes, pour vérifier s’ils contiennent des objets qui contreviennent à une loi ou à un règlement du Canada. Ce pouvoir est prévu au paragraphe 41(1) de la Loi sur la Société canadienne des postes. Il s’agit d’une disposition qui est une exception à l’interdiction de saisie et de rétention prévue au paragraphe 40(3).

Le sénateur Dalphond résume ainsi les limites très importantes que pose le paragraphe 40(3) au travail des policiers, et je cite :

Pendant qu’un article se trouve dans le courrier, la seule option dont dispose la police est de travailler en étroite collaboration avec l’un des 25 inspecteurs de Postes Canada; ils sont 25 pour couvrir l’ensemble du pays. Un inspecteur pourrait alors trouver un moyen d’inspecter un colis et de le confisquer si ce qu’il contient est illégal. Par la suite, en fonction des renseignements transmis par l’inspecteur, la police pourrait saisir l’article pour une enquête plus approfondie et éventuellement pour porter une accusation.

Dans son projet de loi S-256, le sénateur Dalphond propose de prévoir une exception à l’interdiction du paragraphe 40(3). Il propose que cette interdiction ne s’applique pas si la saisie ou la rétention du courrier est nécessaire pour l’application des lois fédérales, ce qui inclut le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, de même que des lois provinciales.

Pour ma part, je me demande s’il ne serait pas préférable de tout simplement abroger l’interdiction prévue au paragraphe 40(3).

L’abrogation de ce paragraphe est aussi recommandée par l’Association des chefs du Manitoba, qui juge que cela permettrait, et je cite : « [d’]accroître l’efficacité des modifications proposées pour lutter contre le trafic de contrebande », selon une lettre du 19 mai 2023 de cette association sur laquelle je reviendrai un peu plus loin.

Selon moi, le paragraphe 40(3) est devenu obsolète depuis la création en 1982 de la protection contre les saisies abusives prévue à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Il faut savoir que l’interdiction de saisie prévue au paragraphe 40(3) est une mesure de protection de la vie privée qui a été créée bien avant 1982. À titre d’exemple, je souligne que le vocabulaire actuel du paragraphe 40(3) de la Loi sur la Société canadienne des postes est resté, en substance, fort semblable à ses versions précédentes des dernières décennies. Je pense, par exemple, à des versions antérieures comme celle de 1981, soit le paragraphe 38(3) de la Loi sur la Société canadienne des postes, ou bien celle de 1951, soit l’article 41 de la Loi concernant la poste, que je vous cite :

Article 41. Nonobstant les dispositions de quelque autre statut ou loi, nul objet ne peut être réclamé, saisi ou détenu pendant qu’il est en cours de transmission par la poste, sauf de la manière prévue par la présente loi ou les règlements.

Comme le sénateur Dalphond, j’estime que le libellé actuel de l’interdiction est indésirable, parce que cette interdiction est beaucoup trop large.

Cette disposition met en danger la sécurité des Canadiens, et elle empêche même un juge de décerner un mandat de perquisition, en vertu de l’article 487 du Code criminel ou de l’article 11 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour permettre aux policiers d’ouvrir une lettre dont ils ont des motifs raisonnables de croire qu’elle contient du fentanyl ou d’autres objets criminellement interdits.

Concrètement, ce problème a été soulevé en 2017 dans le jugement R. v. O’Dell, de la Cour provinciale de la Saskatchewan. En fait, Mme O’Dell a été accusée de trafic de fentanyl. Le jour précédant son arrestation, elle avait déposé un colis contenant cette drogue dans un bureau de Postes Canada. Les policiers l’ont saisi sans avoir de mandat, mais ils en ont obtenu un par la suite avant d’ouvrir le colis. Le juge a conclu que la saisie du colis n’était pas autorisée par la Loi sur la Société canadienne des postes, notamment en raison de l’interdiction prévue au paragraphe 40(3).

Ce paragraphe empêche aussi, par exemple, un juge d’autoriser les policiers, en vertu de l’article 487.01 du Code criminel, à intercepter et à ouvrir secrètement une enveloppe laissée en possession de Postes Canada par un suspect. C’est ce qu’a conclu en 2018 le jugement R. v. Perkins, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Dans cette affaire, un individu a été accusé notamment de possession de cocaïne et de fentanyl en vue d’en faire le trafic. Dans son jugement, la cour a accepté l’admission du procureur de la Couronne selon laquelle le juge ne pouvait pas prononcer cette autorisation judiciaire, étant donné l’interdiction prévue au paragraphe 40(3).

Si je prends la peine de vous donner ces exemples, c’est pour montrer que si le paragraphe 40(3) n’existait pas, les policiers devraient respecter les protections habituelles relatives à la vie privée prévues dans la Constitution, dans le Code criminel et dans d’autres lois.

Je songe évidemment à la protection contre les saisies, les fouilles et les perquisitions abusives prévue à l’article 8 de la Charte, ou encore aux articles du Code criminel imposant des conditions rigoureuses, que les policiers doivent satisfaire, pour qu’un juge leur accorde un mandat de perquisition.

À ces articles de loi s’ajoutent des milliers de jugements qui les ont interprétés. En d’autres mots, depuis la création de l’article 8 de la Charte en 1982, il y a eu plus de 40 ans de jurisprudence, issue au premier chef de la Cour suprême du Canada, imposant aux policiers d’obtenir une autorisation judiciaire pour mener des enquêtes ou des saisies dans des situations où une personne a une attente raisonnable en matière de protection ou de respect de sa vie privée.

Ainsi, les principes de common law créés par ces jugements s’appliqueront automatiquement si l’on crée des exceptions ou si l’on abroge l’interdiction de saisie ou de rétention d’objets en cours de transmission postale prévue.

Cela contredit l’argument selon lequel le projet de loi S-256 propose des exceptions trop larges à l’interdiction prévue au paragraphe 40(3), disposition qui, à sa face même, n’a plus sa raison d’être, puisqu’elle est devenue un anachronisme depuis la création de la Charte.

Le projet de loi S-256 n’accorde aucun nouveau pouvoir d’enquête ou de saisie aux policiers en comparaison à ceux dont ils disposent déjà à l’égard de colis expédiés par n’importe quelle autre compagnie que Postes Canada.

Comme l’a souligné le sénateur Dalphond, les trafiquants se sont passé le mot, soit qu’il y a beaucoup moins de risques que leurs colis soient interceptés s’ils les envoient par l’intermédiaire de Postes Canada plutôt que de toute autre compagnie privée de messagerie, comme FedEx, UPS, Purolator ou DHL.

Or, il est crucial de prendre tous les moyens nécessaires pour lutter contre le fentanyl. Le projet de loi S-256 va dans ce sens; il représente aussi une solution concrète pour permettre aux policiers de s’attaquer à l’un des maillons de la chaîne du trafic du fentanyl, en permettant aux juges de délivrer des autorisations aux policiers pour ouvrir des colis et des lettres qui sont en possession de Postes Canada, lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils contiennent du fentanyl ou d’autres biens criminellement interdits.

Comme le dit le proverbe, les grandes douleurs sont muettes. C’est le cas de celles de beaucoup de personnes qui subissent ou subiront les souffrances liées à une dépendance aux opioïdes. Un grand nombre d’entre elles en mourront ou se retrouveront vulnérables, en vivant en marge de la société, voire en situation d’itinérance. Elles ont donc besoin de nous, parlementaires, afin que nous nous indignions et que nous agissions contre les ravages du trafic des opioïdes sur la santé et la sécurité publiques.

Plus de 32 000 décès au Canada ont été causés par les opioïdes; c’est ce que nous révèlent des statistiques publiées dans une récente publication Web du gouvernement du Canada.

Le trafic d’opioïdes et d’autres drogues dures n’affecte pas seulement les personnes dépendantes. Ce fléau brise des familles, en plus d’augmenter la violence et les revenus d’organisations criminelles. C’est la situation qu’a décrite en 2021 l’opinion dissidente, mais non contredite sur ce point, du juge Moldaver dans l’arrêt R. c. Parranto, de la Cour suprême du Canada. Le juge a dit ce qui suit, et je cite :

Les dangers que pose le trafic des drogues dures, comme l’héroïne et la cocaïne, sont connus depuis longtemps au Canada. […]

Le trafic de drogue s’accompagne aussi indirectement d’une foule d’autres maux, dont une augmentation de toutes les formes de crimes, perpétrés tant par des individus qui cherchent à se procurer de l’argent pour assouvir leur dépendance que par des organisations criminelles […]

Une autre conséquence, peut être encore plus dévastatrice, du trafic des drogues dures est l’impact qu’il a sur les familles et le traumatisme intergénérationnel qu’il provoque […]

Toujours dans ce jugement, le juge Moldaver a affirmé que la menace posée par le trafic des drogues comme l’héroïne et la cocaïne, et je cite :

[...] n’est rien en comparaison de celle que représentent le fentanyl et ses analogues. […] le fentanyl a modifié le paysage de la crise de la toxicomanie au Canada, se révélant l’ennemi public numéro un. [...]

L’ampleur des conséquences dévastatrices du fentanyl devient encore plus évidente lorsqu’on considère qu’entre 2016 et 2020, on a recensé environ 3 400 homicides au Canada, un chiffre bien inférieur au nombre de décès liés au fentanyl [...]

(1610)

Pour empêcher de tels méfaits, je vous invite donc à voter en faveur du projet de loi S-256.

Comme je vous l’ai expliqué, ce projet de loi permettra enfin de fermer cette brèche qu’exploitent les trafiquants dans la Loi sur la Société canadienne des postes. Cette brèche, qui ne s’applique qu’aux objets envoyés par Postes Canada, et non par l’intermédiaire d’autres compagnies de messagerie, fait en sorte que les trafiquants préfèrent faire affaire avec Postes Canada, parce qu’ils savent que cette loi prive les policiers de leurs moyens légaux usuels pour saisir, ouvrir ou suivre les objets contenant des drogues mortelles.

Comme l’ont mentionné le sénateur Dalphond et la sénatrice Boniface dans leurs discours, l’Association canadienne des chefs de police a d’ailleurs exprimé publiquement, dans une résolution adoptée en août 2015, la nécessité de fermer au plus vite cette brèche.

Pourquoi, six ans après cette résolution, le gouvernement fédéral n’a-t-il pas déposé un projet de loi pour tenter de régler ce problème, qui est pourtant urgent? Le gouvernement prend-il au sérieux le fait que la Loi sur la Société canadienne des postes prive les policiers et les inspecteurs des postes de pouvoirs essentiels pour intercepter le courrier contenant des drogues ou d’autres objets illégaux et dangereux?

Sur ce point, je vais revenir sur l’affaire R. c. Gorman, dont le sénateur Dalphond a parlé dans son discours. L’un des jugements rendus dans cette décision a jugé inconstitutionnel un pouvoir très important des inspecteurs des postes prévu au paragraphe 41(1) de la Loi sur la Société canadienne des postes.

Prononcé par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador, ce jugement n’a pas été porté en appel par le gouvernement fédéral. À vrai dire, le procureur général du Canada a même décidé de ne pas intervenir pour plaider des arguments juridiques devant le juge.

Ce dernier a d’abord donné au gouvernement fédéral une période d’un an, qui a pris fin le 12 avril 2023, pour modifier la Loi sur la Société canadienne des postes. Par la suite, le tribunal a accordé un délai additionnel de six mois, qui prendra donc fin le 12 octobre.

Or, le 20 avril dernier, le gouvernement a déposé le projet de loi C-47, portant sur le budget de 2023. L’article 509 du projet de loi propose une modification législative qui est nécessaire pour se conformer au jugement de l’affaire R. c. Gorman.

Rappelons que dans cette affaire, le tribunal a conclu que la disposition contestée était contraire à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, car elle permettait à l’inspecteur des postes d’ouvrir un colis sans avoir des motifs objectifs de soupçonner qu’il contenait un objet illicite. Le texte de l’article 509, si le projet de loi est adopté, corrigerait ce problème. Je vous cite l’extrait pertinent de cet article :

509 Le paragraphe 41(1) de la Loi sur la Société canadienne des postes est remplacé par ce qui suit :

Ouverture des envois

41(1) La Société peut ouvrir les envois, à l’exclusion des lettres, si elle a des motifs raisonnables de soupçonner […] : […]

c) qu’il s’agit d’objets inadmissibles.

« Un objet inadmissible » est défini dans un règlement comme étant notamment « tout objet transmis par la poste en violation d’une loi ou d’un règlement canadiens ».

Bien que l’article 509 du projet de loi C-47 permette de se conformer au jugement Gorman, je trouve décevant, inexplicable et très préoccupant que la modification proposée maintienne au paragraphe 41(1) la mention de « l’exclusion des lettres ». Cela fait en sorte que l’on interdit encore aux inspecteurs des postes d’ouvrir des objets en cours de transmission postale pesant moins de 500 grammes — qui est la définition d’une lettre, selon un texte réglementaire —, même si l’inspecteur des postes a des motifs raisonnables de soupçonner que cette lettre contient du fentanyl ou d’autres objets illégaux au sens du Code criminel. Cinq cents grammes de fentanyl, cela représente une quantité considérable, lorsque l’on sait que la consommation d’une quantité infime de cette drogue peut être mortelle.

Si le gouvernement a choisi de modifier le paragraphe 41(1) en passant par le projet de loi sur le budget de 2023 pour répondre au jugement Gorman, pourquoi n’en a-t-il pas profité pour y intégrer le contenu du projet de loi S-256, dont le cœur vise à modifier le paragraphe 40(3), dont j’ai parlé précédemment, de la Loi sur la Société canadienne des postes? Pourtant, le gouvernement fédéral était bien conscient de ce problème.

Pour vous en convaincre, voici un échange qui s’est tenu au Sénat le 1er décembre 2022 entre le sénateur Dalphond et la ministre Hutchings, responsable du Développement économique rural. Le sénateur Dalphond a posé la question suivante :

Comme vous le savez peut-être, on rapporte que pour les vendeurs de fentanyl, Postes Canada est le mode d’expédition de choix, et souvent le seul disponible pour expédier ces produits illégaux dans les communautés rurales et éloignées.

[…] êtes-vous prête à examiner des propositions telles que le projet de loi S-256 visant à supprimer de la Loi sur la Société canadienne des postes les restrictions qui empêchent la police de saisir les drogues illégales et autres articles illégaux expédiés dans des enveloppes postales?

La ministre a répondu ceci :

Merci, monsieur le sénateur. Votre question est incroyable, car elle fait référence à ce que je disais plus tôt au sujet du grave problème de drogue dans les régions rurales du Canada. Comme vous le savez, Postes Canada est une société de la Couronne, mais je vais suivre avec attention la progression de ce projet de loi. Je sais que c’est exactement la méthode utilisée pour faire parvenir certaines drogues dans les collectivités rurales.

Si le projet de loi C-47 sur le budget de 2023 était adopté et entrait en vigueur dans sa forme actuelle, il sera toujours interdit, d’une part, aux inspecteurs des postes d’ouvrir un objet de moins de 500 grammes en cours de transmission postale contenant de la drogue, des armes ou tout autre objet interdit par le Code criminel. D’autre part, il sera toujours interdit aux policiers d’ouvrir tout objet en cours de transmission postale, sans l’aide d’un inspecteur de la poste, et ce, même si les policiers ont obtenu un mandat de perquisition d’un juge.

Devant ces faits, êtes-vous, comme moi, gravement préoccupés par le fait que le gouvernement fédéral ne prend pas au sérieux la menace que constitue le trafic de drogues dures, comme le fentanyl, expédiées par l’entremise de Postes Canada? Pourquoi le gouvernement ne ferme-t-il pas au plus vite les brèches que je viens de nommer qui se trouvent dans la Loi sur la Société canadienne des postes?

Un autre élément de l’affaire Gorman alimente mes inquiétudes envers l’insuffisance des mesures prises par le gouvernement fédéral pour lutter contre le trafic de drogues dures. Dans cette affaire, la quantité de cocaïne saisie était importante : il s’agissait de 2 kilogrammes qui étaient, semble-t-il, d’une assez grande pureté. De plus, le juge a conclu que M. Gorman avait l’intention de recevoir d’autres colis contenant de la drogue, toujours pour fins de trafic. Je suis préoccupé par le fait que, en raison du projet de loi gouvernemental C-5 qui vient d’être adopté, cet individu se voit imposer une peine d’emprisonnement dans la collectivité, et non en prison.

En résumé, je souscris totalement, d’une part, à l’objectif du projet de loi S-256. Je vous invite donc à ordonner le renvoi de ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, afin qu’il l’étudie de façon approfondie. D’autre part, je souhaite que le comité sénatorial considère attentivement, dans son étude du projet de loi S-256, les deux recommandations d’amendements que j’ai évoquées dans mon discours. Il s’agit exactement des mêmes recommandations que l’Assemblée des chefs du Manitoba a formulées dans la lettre que j’ai mentionnée précédemment et qu’elle a transmise au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans le cadre de l’étude du projet de loi C-47 sur le budget de 2023.

Je vous cite un extrait de cette lettre au sujet de ces recommandations. L’assemblée a recommandé que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles :

1) remplace l’actuel paragraphe 41(1) de la Loi sur la Société canadienne des postes par la disposition proposée dans le projet de loi C-47 et supprime « à l’exclusion des lettres » de la disposition;

2) supprime le paragraphe 40(3) de la Loi sur la Société canadienne des postes dans son intégralité.

Je note aussi que la position de l’Association canadienne des chefs de police, qu’elle a exprimée au cours de l’étude du projet de loi C-47 au comité sénatorial, allait dans le même sens que les deux recommandations de l’Assemblée des chefs du Manitoba.

En terminant, je remercie l’avocat Michael Spratt et les professeurs de droit Steven Penney et Steve Coughlan, ainsi que l’Association des avocats de la défense de Montréal-Laval-Longueuil et l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense, d’avoir partagé avec mon équipe leurs observations sur certains aspects du projet de loi. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(1620)

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable Daniel Allain, ministre des Gouvernements locaux et de la Réforme de la gouvernance locale, de la belle province du Nouveau-Brunswick. Il est l’invité de l’honorable sénateur Mockler.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Projet de loi sur la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi S-264, Loi instituant la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi S-264, instituant la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales.

Une journée internationale de plus, pensez-vous peut-être. Certes; pourtant, parmi plus de 200 journées internationales reconnues par les Nations unies, aucune n’a de lien — de près ou de loin — avec la question fiscale.

Il me semble utile de réparer cet oubli pour deux raisons. Premièrement, l’impôt et les taxes sont des composantes cruciales du contrat social dans toutes les sociétés du monde et ils représentent, bien souvent, la plus importante dépense dans le budget des citoyens. Il me semble donc important de lui consacrer un jour dans l’année où l’on réfléchit collectivement sur son importance, son utilité et son efficience dans nos sociétés.

Deuxièmement, qu’il s’agisse des Pandora Papers, des Paradise Papers ou des Panama Papers, des sociétés multinationales profitant de la double non-imposition, du commerce électronique qui réussit trop souvent à échapper à sa juste part d’impôt ou des paradis fiscaux, l’actualité nous rappelle très régulièrement les scandales fiscaux qui continuent de se produire et à quel point ceux-ci altèrent la confiance des citoyens dans leurs institutions.

En effet, chacun conviendra que tous ces scandales ont fait naître un besoin grandissant de coopération entre les pays et les autorités fiscales et de justice fiscale partout dans le monde, et particulièrement au Canada.

Le concept de justice fiscale est évolutif en fonction des époques et des régions du monde et il peut varier selon le type d’impôt, sa fonction, son contour, son assiette et son acceptation par la population. Toutefois, quelle que soit sa définition, le besoin de justice fiscale est aussi ancien que la fiscalité elle-même. L’histoire, et ses différentes révolutions fiscales, montre d’ailleurs que s’il existe une forme de fiscalité, elle doit être juste.

La justice fiscale est si importante que plusieurs pays, dont la France et l’Italie, ont élevé la notion de « juste part d’impôt » comme une loi intégrée dans leur Constitution.

La justice fiscale est au centre de la fiscalité canadienne. Par exemple, dans son récent budget de 2023, les notions de juste part d’impôt et de juste imposition des contribuables, des sociétés et des entreprises numériques sont présentées comme une priorité de notre gouvernement.

Comme l’a aussi rappelé très justement le sénateur Downe le 18 avril dernier lors de son discours sur le projet de loi S-258, au‑delà des pertes d’argent considérables pour les autorités fiscales, tout cela est également injuste pour ceux qui respectent les règles et se font duper par ceux qui contournent le système.

En tant que parlementaires, il est de notre responsabilité de nous assurer que les personnes vivant au Canada et les sociétés exerçant des activités au Canada s’acquittent de leur juste part d’impôt. Cela exige un degré important de coopération entre les pays et l’adhésion à des règles fiscales internationales qui sont justes pour tous.

C’est d’ailleurs à la fois au titre du non-respect des règles applicables et du sentiment d’injustice du point de vue moral que nos sociétés s’élèvent — à tort ou à raison — contre l’injustice fiscale.

La fiscalité sans justice fiscale ne peut donc pas perdurer. Cependant, cela ne s’arrête pas là. De nos jours, dans notre monde ultra relié avec l’avènement d’Internet, la fiscalité doit se munir d’une coopération fiscale internationale pour exister de manière juste et efficace. La fiscalité étant l’une des composantes de la souveraineté des États, c’est donc à eux qu’il revient de décider — ou non — de coopérer.

La coopération fiscale internationale comporte plusieurs avantages pour les pays. Par exemple, en coopérant entre eux, les pays ont réussi à mettre fin au secret bancaire au cours des 10 dernières années et, ainsi, à freiner de manière importante l’évasion fiscale internationale.

La coopération fiscale internationale peut aussi aider les pays à mieux administrer leur régime d’imposition en échangeant et en partageant des méthodes, des systèmes et des connaissances en matière de fiscalité, notamment sous l’égide de l’OCDE, dont plusieurs rapports traitent de ce sujet.

Surtout, la coopération fiscale internationale est cruciale pour faire face à la concurrence fiscale internationale. En effet, certains États mènent de véritables guerres fiscales pour attirer le capital et les investissements, mais cela se traduit aussi par l’érosion des assiettes fiscales des autres pays.

Pendant bien longtemps, les régimes fiscaux ont été établis par les États sans considération aucune pour les conséquences que cela pouvait avoir en dehors de leurs frontières.

Or, au fil des années, la mondialisation de l’économie, la libéralisation des échanges — à commencer par les capitaux et la dématérialisation des activités — ont changé la donne. Les États sont devenus parties prenantes de la compétition économique mondiale et la concurrence fiscale est devenue une arme.

Si les mouvements de capitaux à travers le monde ont toujours existé, c’est la facilité et la rapidité avec lesquelles ils s’effectuent qui sont désormais un enjeu.

En effet, des sommes considérables peuvent être transférées d’un simple clic d’un bout à l’autre du monde, sans traçabilité et sans contrôle à l’entrée ou à la sortie.

Au bout du compte, ce sont les budgets nationaux qui en font les frais, en percevant moins de ressources financières pour investir dans nos services publics et sociaux ou dans l’accompagnement de notre société pour ce qui est des changements climatiques, par exemple.

Autre conséquence notable : pour continuer d’offrir un niveau de services suffisant, avec des ressources en moins, la charge fiscale est répartie différemment parmi les contribuables restants. Cela peut se traduire par des augmentations d’impôts directs ou indirects.

Par ailleurs, l’absence de coopération fiscale touche en priorité les pays en développement. Pour demeurer attractifs et recevoir des investissements étrangers, les pays les plus fragiles sont parfois contraints de sacrifier leur droit à taxer les activités qui ont lieu sur leur territoire.

Ce sont là autant de ressources en moins pour des États déjà lourdement endettés et qui ont, en outre, souvent bien du mal à fournir des infrastructures et des services suffisants à leur population.

On le voit : tous les États sont tributaires du cadre juridique et fiscal de leurs semblables. Cette interdépendance devrait ainsi faire prendre conscience à tous les pays de la nécessité de coopérer. Il n’y a pas de gagnants à long terme dans cette compétition fiscale; il n’y a que des perdants entre les États. Tous les États ont beaucoup à gagner s’ils coopèrent. L’objectif n’est pas de brider les acteurs économiques publics ou privés, mais d’instaurer des règles du jeu pour concilier les différents intérêts.

(1630)

Certes, l’enjeu n’est pas simple dans une économie mondialisée, financiarisée et parfois considérée comme sans frontières, car en même temps, les enjeux et les outils fiscaux, eux, sont rattachés aux États et à des frontières. Il faut donc s’en remettre au bon vouloir de chaque État de participer à un mouvement collectif sans qu’il considère y perdre un avantage.

Malgré les difficultés inhérentes à la coopération fiscale internationale, les choses avancent et il faut s’en réjouir. On assiste — sans doute grâce aux pressions des opinions publiques, à une certaine volonté politique des dirigeants et à des affaires médiatiques retentissantes — à une succession d’initiatives à la fois bilatérales et multilatérales. Je veux ici mettre de l’avant quelques initiatives multilatérales, car elles sont plus larges et plus susceptibles de jouer un rôle d’entraînement global pour la communauté internationale.

[Traduction]

De nombreuses initiatives ont été prises ces dernières années, notamment sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou l’OCDE, en vue d’améliorer la transparence et la coopération fiscales, de lutter contre la fraude et d’établir des règles d’harmonisation fiscale pour une plus grande justice fiscale. Depuis 2009, sous le mandat du G20 et depuis que le G20 a déclaré la fin du secret bancaire, l’OCDE travaille au sein du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, qui est composé de 168 États et pays, sur la mise en œuvre de normes internationales conçues pour mettre fin aux problèmes liés à l’évasion fiscale, aux paradis fiscaux, à la double imposition et au blanchiment d’argent.

En 2012, les États membres de l’OCDE et du G20 ont adopté un plan d’action visant à freiner l’érosion de l’assiette fiscale et le transfert de bénéfices. Ce plan cherche à empêcher les stratégies d’optimisation fiscale des entreprises qui profitent du manque d’harmonisation et de coopération fiscales internationales.

Parmi les réalisations de ce plan, je souligne la création, en 2016, de la Plateforme de collaboration sur les questions fiscales, une initiative conjointe de l’OCDE, du Fonds monétaire international, du Groupe de la Banque mondiale et des Nations unies. Cette plateforme est remarquable à deux égards. D’une part, elle permet à ces quatre organisations d’échanger plus facilement des informations sur leurs activités opérationnelles. D’autre part, elle facilite la prestation d’aide technique aux pays en développement qui cherche à renforcer leurs capacités et à avoir une plus grande influence sur l’élaboration des règles internationales.

En 2019, l’OCDE a proposé des règles pour la mise en place d’un impôt minimum mondial sur les bénéfices des entreprises. En juillet 2021, 130 pays ont accepté cette norme, qui devrait entrer en vigueur en 2024.

Un siècle plus tôt, les circonstances semblaient tout aussi opportunes pour que les États mettent en place la première harmonisation de la fiscalité internationale après la Première Guerre mondiale. En effet, au lendemain de la Première Guerre mondiale, les belligérants étaient tous aux prises avec un coût de la dette et des coûts de reconstruction particulièrement élevés. Les gouvernements ont largement eu recours à l’augmentation de la fiscalité directe, ce qui a provoqué une fuite de capitaux.

En l’absence de transmission d’informations fiscales entre les administrations des États, il est toutefois facile d’échapper à l’impôt. Par ailleurs, les entreprises multinationales qui réalisent des bénéfices dans plusieurs pays sont soumises à une imposition multiple. Une collaboration à plus grande échelle semble donc nécessaire non seulement pour réduire les effets de la double imposition, mais aussi pour mettre fin à l’évitement de la taxe à l’exportation.

La conférence de Gênes de 1922, à laquelle participaient 34 pays, a lancé le mouvement de collaboration multilatérale en matière fiscale. Sous la pression des gouvernements français et belge, une résolution a été adoptée pour créer le premier comité fiscal international permanent sous les auspices de la Société des Nations, dont le sénateur Dandurand était, incidemment, le deuxième président. Ce comité, appelé Comité sur l’évasion fiscale et la double imposition, s’est attaqué pour la première fois aux deux problèmes, soit la fraude fiscale et la double imposition, de façon conjointe.

À l’époque, le président italien du comité a rappelé l’objectif vaste et ambitieux qui était poursuivi, soit celui de parvenir à un accord qui « ferait éventuellement l’objet d’une convention internationale ».

Fait intéressant, le comité a tenu sa première réunion le 4 juin 1923, il y a un peu plus de 100 ans. C’est pourquoi le projet de loi à l’étude propose que le 4 juin soit désigné « Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales ».

[Français]

Un siècle après le lancement des travaux de ce comité fiscal international, la question demeure brûlante. L’instauration d’une Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales permettrait de débattre de cette question majeure afin d’améliorer sans cesse nos règles fiscales communes, et ce, de manière constructive, sans attendre que des scandales retentissants se produisent.

Le Canada est un acteur important de la réforme fiscale internationale. Notre pays occupe une place éminente à la table des négociations dans ses relations bilatérales ou multilatérales au sein de grandes organisations internationales comme les Nations unies, l’OCDE, le G7 et le G20.

Je propose, avec ce projet de loi, que le Canada soit le premier pays à proposer aux Nations unies l’instauration d’une telle journée, et qu’il continue d’être en première ligne pour ce qui est de cet enjeu si important pour la stabilité et la justice à l’échelle de la planète.

Bien que je porte ce projet de loi seul devant vous aujourd’hui, je le fais comme porte-parole de nombreux acteurs, organisations ou personnalités influentes, qui sont tous engagés dans cette noble cause. Je songe, bien sûr, à Brigitte Alepin, fiscaliste reconnue au Québec et ailleurs dans le monde, mais aussi à l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, au Consortium international des journalistes d’enquête, ou encore à des personnalités comme Pascal Saint-Amans, ancien directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.

Votre Honneur, chers collègues, en plus des normes juridiques contraignantes absolument indispensables pour assurer la coopération et la justice fiscales, il est aussi nécessaire de lancer des initiatives plus symboliques qui œuvrent à une plus grande prise de conscience des opinions publiques. Soyons aussi ambitieux qu’exigeants en matière de coopération et de justice fiscales que l’étaient nos ancêtres, comme le sénateur Dandurand, il y a plus de 100 ans.

Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Boisvenu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

L’honorable Rosa Galvez : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale, parrainé par la sénatrice McCallum.

L’objectif du projet de loi est le suivant :

[...] élaborer une stratégie nationale visant à promouvoir les initiatives, dans l’ensemble du Canada, pour s’attaquer aux préjudices causés par le racisme environnemental.

Il s’agit d’un problème important qui touche les communautés marginalisées, en particulier les peuples autochtones, les communautés noires et racisées et les communautés à faible revenu. Ce projet de loi est une étape nécessaire pour s’attaquer à ce problème et garantir à tous les Canadiens et Canadiennes l’accès à des environnements propres et sûrs.

(1640)

[Traduction]

L’histoire du racisme environnemental est longue et douloureuse au Canada. Pendant des décennies, certaines communautés ont été disproportionnellement affectées par les risques environnementaux comme la pollution et les déchets toxiques. Ces communautés sont souvent marginalisées et n’ont pas le pouvoir politique et économique pour se protéger des dommages environnementaux.

D’entrée de jeu, je tiens à dire que mes prières et mes pensées vont à la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca. Cette année est particulièrement difficile pour cette communauté. Nous devons faire preuve de solidarité et réagir davantage pour mettre un terme à ce qui à l’évidence constitue un cas flagrant de racisme environnemental. Le 2 juin, le chef Allan Adam a réclamé l’évacuation de plus de 1 000 personnes alors que des incendies de forêt font rage dans le Nord de l’Alberta. Cette situation survient à peine quelques mois après qu’il eut été informé d’un déversement d’eaux usées toxiques sur le site de la mine de sables bitumineux de Kearl de la société Imperial Oil, déversement qui affecte les terres et l’eau de sa communauté. Depuis dix mois, quatre bassins de résidus déversent des boues toxiques dans le milieu environnant.

L’organisme de réglementation de l’énergie de l’Alberta et la société Imperial Oil ont omis d’informer les communautés autochtones en aval du déversement, en dépit du fait qu’ils ont discuté du désastre derrière des portes closes. Il aura fallu un autre accident, soit un déversement de 5,3 millions de litres additionnels à la fin février, pour que les communautés concernées et la population soient informées.

Les conséquences du développement industriel sur les terres et les eaux autochtones ont été dévastatrices, causant des dommages aux personnes, aux animaux, à la faune et à l’environnement. Un autre exemple est celui de la communauté autochtone de Grassy Narrows, en Ontario, qui, depuis plus de 50 ans, doit faire face aux effets de l’empoisonnement au mercure causé par l’activité industrielle. Les effets de cette pollution se font encore sentir aujourd’hui — 90 % de la population de Grassy Narrows a des problèmes neurologiques, tels que l’engourdissement des doigts et des orteils ou des crises d’épilepsie et des retards cognitifs, causés par le mercure qui est entré dans la chaîne alimentaire il y a plusieurs décennies.

Le racisme environnemental ne se limite pas aux communautés autochtones. Les communautés racisées des régions urbaines du Canada sont elles aussi exposées de manière disproportionnée à la pollution, aux déchets dangereux et à beaucoup d’autres dangers environnementaux. Mme Ingrid Waldron, l’une des grandes spécialistes du Canada en matière de justice environnementale, a documenté en détail des cas de racisme environnemental au Canada. Son ouvrage, intitulé There’s Something in the Water, dont on a tiré un documentaire, expose les conditions abominables dans lesquelles vit la communauté noire près de Shelburne, en Nouvelle-Écosse, en raison de la contamination de l’eau de puits, et montre comment le colonialisme a entraîné un racisme environnemental systémique.

Par exemple, la collectivité noire d’Africville, en Nouvelle-Écosse, a été grandement mal desservie par la Ville d’Halifax. Son territoire a servi à de nombreux projets indésirables et dangereux qui menaçaient la santé des habitants. Cette collectivité a ensuite été démolie dans les années 1960, sans consultation digne de ce nom, pour permettre le développement industriel, en expropriant tous les habitants de leur milieu de vie tissé serré. Ce n’est pas ainsi que nous devrions traiter nos concitoyens. Pourtant, ce type de problème persiste aujourd’hui.

En effet, les scientifiques et les peuples autochtones s’entendent pour souligner l’incapacité des lois environnementales typiques à protéger l’environnement. De leur point de vue, cette incapacité s’explique par le fait que les limites établies par le droit environnemental sont tellement éloignées des limites relevant des lois de la nature que le phénomène de la dégradation mondiale de l’environnement, qui met en péril toutes les formes de vie sur la Terre, n’a pas été stoppé ni empêché. Cette situation pénalise grandement les populations qui sont déjà vulnérables.

Au lieu d’élaborer, de mettre en œuvre et d’appliquer des lois qui protègent les populations, nous comptons sur les entreprises polluantes pour qu’elles établissent leurs propres règles visant la prévention de la pollution. Ce système est miné par un conflit d’intérêts : les entreprises cherchent d’abord à minimiser les coûts au détriment de la prévention de la pollution.

Chers collègues, nous savons tous que les bassins de décantation toxiques au Canada sont une bombe à retardement. Cela est encore plus évident après les feux de forêt dans le nord de l’Alberta, qui ont entraîné la fermeture de milliers de puits de gaz. Ces bassins forment d’énormes réservoirs de déchets toxiques qui s’infiltrent dans les eaux souterraines et libèrent des toxines dans l’air, ce qui entraîne des taux élevés de cancers et de maladies respiratoires au sein des communautés autochtones qui vivent en aval. L’absence de gestion de ces bassins a causé des dommages environnementaux catastrophiques, dont l’assainissement pourrait prendre des siècles.

Pour résoudre ce problème, nous devons abandonner l’approche actuelle qui consiste à demander aux pollueurs d’établir des règles de prévention de la pollution au lieu de mettre en œuvre des plans scientifiquement rigoureux pour l’assainissement des bassins de décantation. Il faut tenir les entreprises financièrement responsables des coûts de décontamination plutôt que de refiler ceux-ci aux contribuables et aux générations futures.

À court terme, nous devons travailler en partenariat avec les gouvernements autochtones pour veiller à ce qu’ils ne soient plus jamais tenus dans l’ignorance des catastrophes environnementales qui menacent leurs communautés. Les populations autochtones entretiennent un lien étroit avec le territoire, et leurs connaissances et leur expertise doivent être prises au sérieux dans le processus décisionnel en matière d’environnement.

Le racisme environnemental est le résultat d’une discrimination systémique, où les communautés n’ont pas de voix à la table des décisions et ne peuvent pas participer véritablement aux processus décisionnels. Ces facteurs expliquent que certaines communautés sont plus susceptibles de vivre à proximité de sources de pollution et d’être exposées à des risques environnementaux importants.

Pour lutter efficacement contre le racisme environnemental, il faut nous doter d’une stratégie globale sur le plan national, qui tienne compte des spécificités de chaque communauté, et qui établisse un cadre d’action.

Il est temps que le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires, et les organismes de réglementation passent à l’action en élaborant, en mettant en œuvre, et en faisant appliquer des lois qui protègent véritablement la population et l’environnement.

Le projet de loi C-226 propose justement l’élaboration d’une telle stratégie. Cette stratégie doit être élaborée dans le cadre d’une véritable consultation des communautés concernées et doit porter sur différents aspects du racisme environnemental comme les liens entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental, l’emplacement des zones fortement polluées, l’amélioration de l’accès aux renseignements sur l’environnement, et la recherche de solutions réalistes.

L’un des aspects clés du projet de loi est la reconnaissance des droits et des points de vue des Autochtones dans le cadre de l’élaboration de la stratégie. Cette reconnaissance est essentielle pour tenir compte des conséquences historiques et actuelles du racisme environnemental sur les communautés autochtones et pour y remédier.

Ce projet de loi est une étape nécessaire pour lutter contre le racisme environnemental au Canada. En élaborant une stratégie globale et en sollicitant véritablement la participation des communautés concernées, nous pourrons assurer à tous les Canadiens un avenir plus équitable et plus durable.

L’adoption du projet de loi C-226 aurait plusieurs avantages importants pour l’ensemble des Canadiens. Tout d’abord, ce projet de loi permettrait d’améliorer l’état de santé des communautés marginalisées qui ont toujours été victimes de racisme environnemental. En définissant des zones fortement polluées ou qui présentent d’autres risques environnementaux, nous pourrons prendre les mesures qui s’imposent pour réduire l’exposition à ces risques et en atténuer les effets.

En outre, la mise en place d’une stratégie nationale ajoutera des occasions de responsabilisation des pollueurs et assurera la surveillance du respect des politiques et règlements en matière d’environnement. Cela permettra d’éviter de nouveaux cas de racisme environnemental.

Le projet de loi est également en phase avec les engagements du Canada en matière de droits de la personne, de durabilité environnementale et, bien sûr, de réconciliation avec les Autochtones. Grâce au développement de cette stratégie, nous avons l’occasion de travailler à rendre la société plus juste et équitable.

[Français]

En conclusion, le projet de loi C-226 offre une occasion simple, mais importante de mieux éclairer notre prise de décisions en matière de justice environnementale au Canada. En adoptant ce projet de loi, nous ferons un pas important vers la création d’une société plus juste et plus durable pour tous les Canadiens, y compris les générations futures, indépendamment de leur race ou de leur statut socioéconomique.

Chers collègues, je vous encourage à appuyer ce projet de loi et à le renvoyer en comité dès que possible.

Meegwetch. Merci.

(1650)

[Traduction]

L’honorable Mary Jane McCallum : En tant que sénateurs, nous sommes conscients de ce racisme flagrant à l’endroit des Premières Nations, des Métis, des Inuits et des membres des communautés minoritaires et du fait que ces groupes sont ciblés par ce type de racisme sans aucune raison — ils habitaient là; ils vivaient leur vie et cela leur est tombé sur la tête; ils n’en sont que plus marginalisés. N’êtes-vous pas outrés que nous, les sénateurs, restions les bras croisés devant ces décès prématurés et cette morbidité accrue? Pourriez-vous m’expliquer pourquoi, à votre avis, le projet de loi n’est pas renvoyé au comité?

La sénatrice Galvez : J’ai tenté de répondre à une question semblable l’autre jour, mais on m’a fait taire. On ne veut pas entendre certaines choses. Il y a deux éléments. Il y a l’élément technique — le contenu — que votre projet de loi cherche bien entendu à régler et qui est essentiel et important. On ne peut aller plus loin en matière de réconciliation et parler de société inclusive si nous ne prenons pas soin de ce groupe victime de discrimination. Parallèlement, il y a ces éléments de procédure dans les règles; certaines règles sont très claires, d’autres moins. Il existe une certaine opacité dans les prises de décisions. Je suis désolée qu’on prenne du temps pour renvoyer ce projet de loi au comité. J’ai tenté de déterminer pourquoi certaines décisions sont prises de manière confidentielle et pourquoi elles ne sont pas accessibles au public. Toutes les décisions que nous prenons au Sénat devraient être accessibles au public, car la totalité de nos activités relève des affaires publiques. J’espère que cela répond à votre question. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, les agriculteurs et les producteurs de denrées alimentaires de toutes les régions croulent sous de fortes pressions financières. Il n’y a pas très longtemps, les agriculteurs des Pays-Bas ont fait flotter le drapeau national à l’envers dans un geste de protestation contre le plan du gouvernement de réduire de moitié l’utilisation des engrais. Les manifestants ont obtenu le soutien généralisé de la population, qui a pleinement pris conscience de ce que « de la ferme à la table » signifie dans la réalité.

Les agriculteurs nourrissent le monde. Nos agriculteurs nourrissent le monde.

Les règles arbitraires qui visent à réduire l’utilisation des engrais ou à hausser les taxes applicables aux activités agricoles ne feront qu’augmenter encore plus le prix de la nourriture. Cela contribue à maintenir l’insécurité alimentaire dans les pays en développement et la pénurie de nourriture pour les personnes les plus démunies. L’insécurité alimentaire est inacceptable dans notre époque d’abondance. Pas plus tard que la semaine dernière, ma collègue la sénatrice Burey s’est exprimée avec éloquence sur cet enjeu. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que les habitants de la planète ne souffrent pas de famine en raison des politiques irréfléchies d’ici.

Mes inquiétudes ont un lien direct avec le projet de loi C-234. Les politiques d’Ottawa pour atteindre la carboneutralité suscitent de plus en plus d’inquiétudes à l’égard du prix que devront payer à l’avenir les agriculteurs et les consommateurs, de l’impact sur la production et le rendement des cultures, le coût des parcelles de terre et de l’équipement, le transport du grain et toutes les répercussions sur la chaîne d’approvisionnement mondiale ou encore la famine des populations.

Les agriculteurs connaissent depuis longtemps la nature cyclique des conditions météorologiques et ils savent que les phénomènes météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques peuvent nuire aux cultures. D’ailleurs, ils ont dû révolutionner bon nombre de leurs pratiques en conséquence. Les agriculteurs sont les gardiens de la terre et leur gagne-pain dépend de l’utilisation judicieuse de l’eau, de la terre et de l’air. Ils sont, en quelque sorte, les premiers défenseurs de l’environnement.

Toutefois, le coût de la taxe sur le carbone en agriculture a été exorbitant et disproportionné : de nombreuses petites exploitations se sont retrouvées aux enchères ou ont dû cesser leurs activités. Il y a eu quelques exemptions pour l’utilisation à la ferme de l’essence et du diésel. Or ce projet de loi vise à élargir ces exemptions à d’autres carburants agricoles admissibles, comme le propane et le gaz naturel. Il s’agit d’une mesure cruciale, car elle permet d’alléger le coût écrasant de la taxe sur le carbone sur le chauffage ou la climatisation des étables où sont élevés les animaux, par exemple, sur les mesures d’atténuation des changements climatiques et, surtout, sur le séchage des grains. On peut avoir une belle récolte, mais, s’il pleut au mauvais moment, la récolte et sa valeur se dégradent littéralement du jour au lendemain.

Les agriculteurs ne demandent pas la charité, et ils investissent leur propre argent dans ce qui leur tient à cœur. Par exemple, selon un rapport d’Economic Development Regina, cette année, en 2023, les agriculteurs de l’ensemble de la province investiront plus de 11 milliards de dollars pour les semailles. Ce chiffre prend en considération le coût des semences, des traitements, de l’engrais et de la main-d’œuvre. Les semailles sont sans aucun doute le plus grand des mégaprojets annuels de la Saskatchewan. Quand on connaît les retombées de ce travail dans l’ensemble de l’économie, on ne peut pas surestimer l’importance de cette activité pour notre province et notre pays.

En Saskatchewan, il y a plus de 34 000 exploitations agricoles qui comptent pour 43 % des terres cultivées du pays. L’année dernière, en 2022, le produit des ventes à l’étranger de la Saskatchewan s’est élevé à plus de 18,4 milliards de dollars, et la province a contribué au PIB à hauteur de plus de 82 milliards de dollars.

Honorables collègues, la taxe sur le carbone et la taxe sur les combustibles propres coûtent des millions de dollars par année aux agriculteurs, et ces coûts se répercutent sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la ferme à l’assiette. Au bout du compte, le consommateur doit payer plus cher. C’est inévitable, à moins que nous intervenions ici même, au Sénat, avant l’ajournement pour l’été, afin que les agriculteurs puissent bénéficier de cette aide modeste dont ils ont grandement besoin avant les récoltes de cette année.

Il existe bien des façons de réduire les émissions de carbone dans le secteur agricole, et les agriculteurs ont déjà une bonne longueur d’avance en la matière. Chers collègues, ne laissez pas ce projet de loi traîner et mourir au Feuilleton, ou son adoption être reportée à une session ou à une année ultérieure. Les agriculteurs ne pourront pas survivre à une autre saison si rien n’est fait pour contrer l’augmentation de leurs coûts d’exploitation. Je vous implore de ne pas empêcher l’allégement du fardeau imposé aux Canadiens qui nourrissent notre pays et la planète.

À l’autre endroit, cette mesure législative a reçu l’appui du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique, du Bloc québécois et du Parti vert, qui ont tous voté en sa faveur. Comme vous le savez, bien sûr, trois de ces quatre partis appuient la taxe sur le carbone. Pourtant, ils ont tous voté en faveur du projet de loi. Je pense que cela montre sa nécessité.

Je vous demande d’adopter la bonne position pour nos agriculteurs, nos éleveurs, nos producteurs, ainsi que tous les Canadiens qui sont aux prises avec l’une des plus grandes périodes d’inflation alimentaire de l’histoire de notre pays. Oui, il est important de combattre les changements climatiques, et nous y travaillons tous avec diligence. Cependant, on ne devrait jamais imposer un fardeau démesuré aux gens qui sont au cœur de notre économie et qui nous nourrissent. Pour notre bien à tous, aidons-les à lutter contre l’insécurité alimentaire.

Merci.

L’honorable Jim Quinn : Je vous remercie de votre discours. Ces dernières semaines, nous avons entendu parler de sécurité alimentaire et des divers risques présents dans l’industrie de l’agriculture au Canada. La semaine dernière, j’ai animé un groupe de discussion au Nouveau-Brunswick où un cadre de Nutrien était présent et qui portait justement sur ce sujet. La principale chose que j’ai retenue, ce sont les immenses défis auxquels l’industrie de l’agriculture doit faire face, notamment lorsqu’il s’agit de remettre les rênes d’une exploitation agricole familiale à des enfants qui n’en veulent pas nécessairement. J’ai l’impression que ce projet de loi revêt une importance absolument fondamentale pour la sécurité alimentaire. Est-ce que je me trompe? Il s’agit d’un enjeu dont nous pouvons parler dès aujourd’hui — au cours de cette session du Parlement —, afin de garantir l’avenir de notre secteur agricole et de nos fermes.

(1700)

La sénatrice Wallin : Absolument, c’est quelque chose que nous devrions faire. Je vis dans une collectivité rurale remplie d’agriculteurs. J’ai cette discussion tous les jours. Ils me montrent leurs factures pour le séchage de leurs céréales et le chauffage de leurs granges; c’est tout à fait stupéfiant. Nous pensons tous à ce que la tarification de la pollution signifie lorsque nous allons faire le plein et que l’essence est un peu plus chère, puis lorsque la facture de chauffage arrive — cette mesure a une incidence sur tout le monde, bien sûr. Cependant, les entreprises jouent un rôle crucial dans notre économie. Vous avez entendu les chiffres concernant la contribution à l’économie de la Saskatchewan, et cela ressort. Il y a des agriculteurs dans tout le pays — des producteurs de toutes sortes, des éleveurs, des fruiticulteurs, et j’en passe.

Oui, je pense que c’est crucial; le problème de l’inflation du prix des produits alimentaires est énorme et les augmentations sont massives. J’écoutais un agriculteur de la Saskatchewan qui parlait dans une tribune radiophonique. Il disait qu’il avait été élevé selon le principe que les gens comme lui étaient chargés de nourrir le monde, et c’est ce qu’il a fait. Les Saskatchewanais ont appelé leur province le « grenier du monde ». Les problèmes ont été exacerbés par la situation en Ukraine. Ce pays fournissait beaucoup de nourriture et il n’est plus en mesure de le faire. Il nous incombe donc encore plus d’essayer de combler ce vide. L’agriculteur qui parlait à la radio était nostalgique. Il a dit : « C’est ce qu’on m’a appris. Je suis fils d’agriculteur, je suis agriculteur et mon fils sera agriculteur. C’est à moi de nourrir le monde. Je vous en prie, laissez-moi faire mon travail. » Voilà ce qu’il a dit. C’était vraiment percutant. C’est tout ce que ces gens demandent.

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le débat est ajourné.)

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) propose que le projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déduction des frais de déplacement pour les gens de métier), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de marraine au Sénat du projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déduction des frais de déplacement pour les gens de métier), qui a été qualifié de « projet de loi équitable pour les gens de métier qui ont à se déplacer » par le député Chris Lewis lorsqu’il l’a fièrement présenté à la Chambre des communes.

Je tiens d’abord à saluer mon collègue de l’autre endroit, le député Chris Lewis, pour son travail inlassable sur ce projet de loi et les efforts qu’il déploie pour défendre les intérêts des gens de métier du Canada. Je remercie également tous les députés de tous les partis à la Chambre qui ont appuyé la mesure législative à l’étape de la troisième lecture et qui l’ont renvoyée au Sénat. Le projet de loi a reçu le soutien unanime du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique, du Bloc québécois et du Parti vert.

Chers collègues, le projet de loi C-241 vise à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour permettre aux gens de métier et aux apprentis liés par contrat de déduire de leur revenu les dépenses qu’ils effectuent pour se déplacer lorsqu’ils occupent un emploi dans le domaine de la construction sur un chantier situé à au moins 120 kilomètres de leur lieu de résidence habituelle.

Ce projet de loi modifiera le paragraphe 8(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu en ajoutant le texte suivant pour inclure les frais de déplacement des gens de métier :

q.‍1) dans le cas où le contribuable a occupé un emploi à titre de personne de métier dûment qualifiée ou d’apprenti lié par contrat pour des activités de construction sur un chantier situé à au moins cent vingt kilomètres de son lieu de résidence habituelle, les dépenses qu’il a effectuées au cours de l’année pour se déplacer entre son lieu de résidence et le chantier, si, à la fois :

(i) il a été tenu de payer ces dépenses aux termes de son contrat d’emploi,

(ii) il n’a reçu, relativement à ces dépenses, aucune allocation non incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

(iii) il ne demande, relativement à ces dépenses, aucune déduction de son revenu ni aucun crédit d’impôt pour l’année au titre des autres dispositions de la présente loi;

Chers collègues, ce projet de loi est bien simple, mais tout de même très important. Les gens de métier jouent un rôle vital dans nos collectivités. Ces personnes travaillantes ont des compétences qui sont essentielles pour répondre à nos besoins fondamentaux, comme l’accès à de l’eau potable, l’alimentation en électricité, la construction de maisons et de bâtiments sécuritaires, l’aménagement d’infrastructures sécuritaires et l’approvisionnement en énergie propre. Leur vie professionnelle au quotidien est constituée de longues heures, de déplacements et de délais serrés. Ils doivent souvent sacrifier le temps précieux qu’ils pourraient autrement passer avec leur famille. Le travail qu’ils effectuent et l’importance des métiers spécialisés sont incommensurables. Nous ne pouvons tenir pour acquis les services essentiels que les gens de métier fournissent à chacun de nous.

Par la nature même du travail dans le domaine de la construction, chaque contrat est temporaire. Une fois le travail terminé, on passe au prochain contrat. Souvent, les lieux des travaux se trouvent à des kilomètres de la résidence de la personne de métier et parfois même dans une autre province.

Les frais de déplacement encourus pour le travail ou pour gagner des revenus sont déductibles depuis longtemps pour les gens d’affaires. Pour les gens de métier, ils ne le sont pas.

En mars 2021, le député néo-démocrate Scott Duvall a tenté de redresser cette inégalité au moyen d’un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-275. Plus tard, en décembre 2021, le député Matthew Green a présenté de nouveau ce projet de loi. Or, ni l’un ni l’autre de ces projets de loi n’a atteint l’étape de la deuxième lecture en raison de la façon dont les projets de loi d’initiative parlementaire sont traités à l’autre endroit.

Pendant cette même période, les Syndicats des métiers de la construction du Canada faisaient pression auprès du gouvernement fédéral pour qu’il reconnaisse la légitimité de ces coûts en tant que dépenses déductibles pour les gens de métier. La première recommandation présentée par les syndicats dans leur mémoire prébudgétaire au gouvernement se lit comme suit :

Que le gouvernement autorise une déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre spécialisée, afin que celle-ci puisse déduire les frais de déplacement liés au travail quand ces derniers ne sont pas couverts par l’employeur.

Les syndicats précisent ensuite ce qui suit :

La Loi de l’impôt sur le revenu constitue actuellement une politique fiscale inéquitable dans son traitement des travailleurs du bâtiment relativement à la déductibilité des dépenses liées au travail. Les vendeurs, les professionnels et les Canadiens travaillant dans d’autres secteurs peuvent bénéficier d’une déduction fiscale pour leurs frais de déplacement, de repas et d’hébergement. La même option est injustement refusée aux travailleurs qualifiés qui travaillent sur des chantiers situés dans des régions ou des provinces éloignées de leur résidence principale. Le gouvernement devrait offrir un régime fiscal équitable pour tous les Canadiens et soutenir les travailleurs spécialisés qui bâtissent nos infrastructures et nos communautés.

Les travailleurs spécialisés ont toujours dû se déplacer pour travailler, d’où le terme « journeyperson » en anglais. Les investissements dans les infrastructures et la croissance à travers le pays sont souvent inégaux. Certaines régions connaissent des niveaux d’activité de construction plus élevés, ce qui entraîne des pénuries de main-d’œuvre, tandis que d’autres connaissent des niveaux de chômage élevés. Pour soutenir une forte reprise économique, le gouvernement devra s’attaquer au problème de longue date de la mobilité de la main-d’œuvre en permettant aux travailleurs spécialisés de déduire de leur revenu les frais de déplacement pour se rendre au travail.

C’est peu de temps après que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui a été présenté à la Chambre des communes. Le 8 février 2022, le député Chris Lewis a déposé le projet de loi C-241 afin d’établir à nouveau une déduction des frais de déplacement pour les gens de métier. En réponse à la pression croissante, le gouvernement libéral a semblé reconnaître le bien-fondé de cette demande et a inclus une nouvelle mesure pour les gens de métier dans le budget de 2022, la déduction pour la mobilité de la main-d’œuvre. Comme l’explique l’Agence du revenu du Canada :

Elle offre à une personne de métier admissible une déduction pour certains frais de transport, de repas et d’hébergement temporaire engagés pour voyager sur de longues distances afin de gagner un revenu à un lieu de travail temporaire pour un emploi temporaire dans le cadre d’activités de construction au cours de 2022 et des années d’imposition subséquentes.

(1710)

C’était quelque chose d’important, chers collègues, parce que c’était un pas en avant et que cela démontrait qu’il n’y avait de désaccord ni le sur principe ni sur la nécessité d’une telle déduction.

Cependant, un problème de taille se posait. Le gouvernement plafonnait la déduction à 4 000 $. Or, d’après un représentant des Syndicats des métiers de la construction du Canada, certaines personnes de métier épuiseraient cette déduction en seulement deux mois environ.

Ainsi, bien que la déduction pour la mobilité de la main-d’œuvre soit un pas dans la bonne direction, elle n’allait pas assez loin. Le projet de loi C-241 vise à corriger cette lacune en n’imposant pas de plafond arbitraire aux frais de déplacement déductibles. Je tiens à souligner, chers collègues, que cela ne signifie pas pour autant que cette déduction n’est pas encadrée par des garde-fous afin d’éviter les abus. Il en existe un certain nombre.

Les paramètres de ce qui constitue des frais de déplacement admissibles sont déjà bien définis par l’Agence du revenu du Canada. De plus, le projet de loi C-241 précise qu’un contribuable n’est pas admissible à cette déduction s’il reçoit une indemnité de son employeur pour ces dépenses ou s’il bénéficie d’une déduction ou d’un crédit d’impôt en vertu d’une autre disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les mêmes dépenses.

La déduction est destinée à ceux qui n’ont actuellement aucun moyen de déduire des dépenses légitimes de leur revenu imposable. De plus, s’il est nécessaire de préciser les modalités d’application de cette déduction, l’Agence du revenu du Canada peut émettre des directives supplémentaires afin de fournir les éclaircissements nécessaires, comme elle le fait souvent pour d’autres mesures fiscales.

Chers collègues, dans son intervention à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, le député Lewis a déclaré ce qui suit :

D’ici 2025, la province de l’Ontario à elle seule aura besoin de 350 000 travailleurs de métier supplémentaires pour répondre à la demande actuelle. Comme c’est souvent le cas, on peut s’attendre à ce que les travailleurs de métier aient de longues distances à parcourir, loin de chez eux, pour aller d’un lieu de travail à l’autre. Avec un taux d’inflation qui a atteint un sommet jamais vu en 30 ans, et alors que nous sommes toujours aux prises avec une crise du coût de la vie, ce projet de loi est une proposition qui tombe sous le sens pour les travailleurs canadiens.

Quand on y pense, ce projet de loi propose quelque chose de fondamentalement équitable.

Les gens de métier sont des pères, des mères, des grands-parents, des sœurs et des frères, des travailleurs canadiens qui font partie de l’épine dorsale de l’économie du pays. Les gens de métiers spécialisés sont indispensables au Canada. Chacun d’entre eux maîtrise son métier, et leurs connaissances et leurs compétences sont essentielles aux collectivités de notre pays. Nous devons les soutenir pour permettre à l’industrie de croître et fournir des ressources pour la formation afin d’assurer le succès des futures générations de gens de métier.

Les Syndicats des métiers de la construction du Canada sont la voix nationale de plus d’un demi-million de travailleurs canadiens de la construction membres de 14 syndicats internationaux, qui exercent plus de 60 professions et métiers différents. Ils défendent les intérêts des gens de métier qui travaillent fort partout au Canada.

Les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont commandé des projections financières indépendantes, dans lesquelles on estime qu’une mise en œuvre à l’échelle du Canada d’une déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre des métiers spécialisés pourrait permettre au gouvernement fédéral d’économiser environ 347 millions de dollars par année grâce à l’augmentation des recettes fiscales et à la réduction de la dépendance à l’égard de l’assurance-emploi et d’autres programmes gouvernementaux. Il s’agit d’un impact substantiel.

Selon les Syndicats des métiers de la construction du Canada :

D’autres administrations, comme les États-Unis, prévoient déjà une déduction fiscale pour les travailleurs qualifiés. Le Revenue Code américain permet aux travailleurs de déduire les frais de repas, de déplacement et d’hébergement pour un travail temporaire effectué loin de leur domicile. La mise en œuvre d’une mesure semblable aidera à donner du travail aux Canadiens, à remédier aux pénuries de main-d’œuvre et à réduire la dépendance à l’égard de programmes gouvernementaux comme l’assurance-emploi, ce qui, au bout du compte, permettra au gouvernement d’économiser des centaines de millions de dollars.

Honorables sénateurs, je vous demande aujourd’hui d’appuyer les gens de métier du Canada en renvoyant le projet de loi C-241 au comité pour une étude plus approfondie. Merci.

L’honorable Andrew Cardozo : J’aurais une question à l’intention de la sénatrice.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Martin, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Martin : Oui.

Le sénateur Cardozo : Merci de votre discours, sénatrice Martin. Il s’agit selon moi d’un projet de loi crucial et d’un enjeu crucial. Vous avez indiqué que le budget de 2022 prévoyait une déduction pour la mobilité des gens de métier pouvant atteindre 4 000 $. Si je comprends bien ce que vous dites, le projet de loi supprimera simplement cette limite.

Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un groupe de travailleurs qui voyagent et qui, comme d’autres, ne peuvent pas déduire les dépenses qu’ils engagent. Vous avez précisé très judicieusement, je crois, que comme nous aurons besoin de 350 000 travailleurs au cours des prochaines années, nous devons rendre cette industrie aussi accueillante et hospitalière que possible pour les travailleurs dont nous avons besoin.

Ajoutons que cela touche tous les domaines, y compris le logement. Si nous souhaitons avoir plus de logements au Canada, il nous faut plus de travailleurs.

Vous avez dit que cela procurerait au Trésor public des recettes fiscales supplémentaires de 347 millions de dollars. Avez-vous une idée de ce que cela coûterait au Trésor public si la déduction devenait illimitée au lieu d’être plafonnée à 4 000 $? C’est un sujet que je connais un peu, et j’ai cru comprendre qu’on avait fixé le plafond à 4 000 $ au départ pour avoir une idée de ce que cela allait coûter. Si la déduction devient illimitée, avons-nous une idée de ce qu’elle coûtera au Trésor public? Savez-vous si certaines provinces ont des programmes semblables?

La sénatrice Martin : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas le montant total associé à la levée du plafond, mais la limite de 4 000 $ est très contraignante puisqu’elle ne couvre que deux mois de dépenses pour certains travailleurs.

Pour ce qui est des autres provinces, je n’ai pas l’information non plus. Toutefois, le syndicat qui représente ce groupe d’un demi-million de travailleurs a fait ses recherches. Étant donné qu’il s’agit d’une industrie essentielle et que l’objectif est d’encourager les jeunes à faire carrière dans les métiers, cette mesure est une solution. Cette mesure permettrait d’établir l’équité entre les gens en affaires, qui ont déjà cette possibilité, et les travailleurs des métiers spécialités, qui n’y ont pas accès.

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie de votre réponse. Je suis du même avis que vous. C’est un projet de loi important. Bien que le montant de 4 000 $ soit un bon départ, il y a matière à réflexion. Je vous remercie des efforts que vous déployez pour mener à bien ce projet de loi.

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Votre Honneur, honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-241, que nous étudions, la Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déduction des frais de déplacement pour les gens de métier).

J’aimerais que chacun de nous porte une attention bien particulière à ce projet de loi, qui a pour objet d’accorder aux travailleurs de métier, dont nous avons grandement besoin, la possibilité de déduire des dépenses lorsqu’ils sont appelés à exercer leur travail à plus de 120 kilomètres de leur domicile.

Ce sujet n’est pas nouveau dans l’arène politique. Depuis 2006, il a fait l’objet de différents textes législatifs qui n’ont jamais été adoptés par les parlementaires.

Le projet de loi C-241 ne tient que sur une seule page. Ce sont quelques lignes qui n’ont pas fait l’objet de grandes discussions lors de son étude en comité à l’autre endroit. Il n’a fallu que 17 minutes pour qu’il soit renvoyé aux députés des Communes pour qu’il soit adopté.

Ce qui est étonnant, c’est que tous les députés de chacun des partis de l’opposition ont voté en faveur de ce projet de loi favorable aux travailleurs de métier, mais que tous les députés libéraux ont voté contre. Heureusement pour ces travailleurs de métier, le gouvernement actuel est minoritaire.

J’espère maintenant que les membres de cette Chambre que l’on décrit comme non partisane en feront rapidement l’adoption.

Rappelons-nous que les électriciens, les plombiers, les soudeurs, les ferblantiers et bien d’autres travailleurs de la construction exercent des métiers essentiels dans notre société.

Si cette classe de travailleurs a été trop longtemps ignorée ou même dévalorisée, elle regroupe aujourd’hui des gens qui gagnent des salaires très respectables et qui sont des contribuables qui paient leur juste part d’impôt.

Nous faisons face actuellement à une pénurie de main-d’œuvre, et de nos jours, il n’est pas rare de voir des travailleurs de métier accepter des emplois sur des chantiers de construction qui ne se trouvent pas nécessairement dans leur localité. En conséquence, ils doivent engager temporairement des dépenses de déplacement et de subsistance afin de gagner un salaire.

(1720)

Le projet de loi C-241, qui nous est présenté, vise à favoriser une certaine mobilité de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction, en plus de faciliter le recrutement de travailleurs par les entrepreneurs.

De plus, je crois qu’un projet de loi comme le projet de loi C-241 est de nature à permettre aux différents corps de métiers d’attirer des gens, jeunes et moins jeunes, à pratiquer un métier dans la construction.

Nous en avons grandement besoin.

Notre économie est basée depuis toujours sur la construction. Cependant, les chantiers ne se trouvent pas toujours dans un arrondissement où se trouve toute la main-d’œuvre requise pour se réaliser. De plus, les conditions de travail offertes par les entrepreneurs ne couvrent pas toujours les frais de déplacement des gens de métier.

Le projet de loi C-241 vise à créer des balises qui inciteront les travailleurs de la construction à se déplacer pour faciliter la réalisation de certains projets.

C’est aussi une autre bonne façon de combattre la pénurie de main-d’œuvre que nous constatons actuellement.

Permettez-moi maintenant d’en dire un peu plus sur ce que je crois être le motif du refus des députés libéraux de voter en faveur de ce projet de loi favorable à des travailleurs de la classe moyenne.

Ils ont sûrement dû respecter une ligne de parti, parce que le gouvernement actuel estime avoir fait sa part en instaurant une déduction fiscale de 4 000 $ pour la mobilité des gens de métier. Contrairement à cette déduction, le projet de loi C-241 ne fixe aucun plafond et permettra aux travailleurs de métiers de choisir le régime fiscal qui est le plus favorable pour eux et pour leur famille.

J’insiste ici sur la dimension familiale.

Même s’il existe actuellement des programmes de compensation pour les travailleurs qui doivent déménager pour se rapprocher à moins de 40 kilomètres de leur lieu de travail, il est important de se rappeler qu’une famille d’aujourd’hui est souvent composée de deux personnes qui gagnent un salaire, et d’enfants qui sont enracinés dans leur milieu.

Déménager, cela peut parfois vouloir dire de perdre un emploi pour le conjoint, en plus de devoir travailler à recréer un milieu familial et scolaire pour les enfants. Ces choix difficiles ne sont d’ailleurs pas seulement limités aux travailleurs de la construction.

En tant que policier de la Sûreté du Québec, je refusais personnellement de m’inscrire à des concours pour des promotions, parce que je savais que cela pouvait entraîner un déménagement et, par conséquent, une perte d’emploi pour ma conjointe.

Donc, le projet de loi C-241 vise à permettre aux travailleurs de métier, qui acceptent de se déplacer temporairement pour gagner leur salaire, de déduire des dépenses liées à leur emploi quand celles-ci ne sont pas payées par leur employeur.

La déduction fiscale actuelle de 4 000 $ pour la mobilité n’est pas suffisante et, selon moi, est trop limitative.

Cependant, les députés libéraux de l’autre endroit ne l’ont pas compris. Ils ont plutôt choisi, de façon partisane, de tourner le dos aux travailleurs des métiers de la construction.

Le droit d’inclure des frais de déplacement comme dépenses fiscalement acceptables ne doit pas être réservé à l’élite.

Je terminerai en vous rappelant que les membres de cette Chambre et les députés de l’autre endroit bénéficient d’allocations de déplacements et de subsistance, parce qu’ils doivent justement travailler temporairement à l’extérieur de leur lieu de résidence.

Cette situation est incontestable.

De plus, notre régime fiscal permet à tout homme d’affaires ou professionnel du pays de se déplacer en avion, en train ou en automobile, de se loger dans des hôtels et de réclamer ses frais de repas, lorsque ces dépenses se font dans le cadre de son travail.

Il peut le faire aussi souvent qu’il le souhaite dans une année fiscale, et c’est incontestable.

Si c’est acceptable dans les deux situations dont je viens de vous parler, demandez-vous pourquoi les travailleurs des métiers de la construction, qui doivent se déplacer avec leur véhicule et leur coffre d’outils, n’auraient pas le droit de réclamer de telles dépenses quand ils doivent se rendre à plus de 120 kilomètres de leur domicile pour gagner leur vie.

Se déplacer avec un coffre d’outils ou avec un ordinateur pour gagner sa vie, cela ne fait pas de différence à mes yeux.

J’espère donc que vous aurez la même sensibilité que moi face aux travailleurs de métier et que vous voterez en faveur du projet de loi C-241 pour leur accorder le droit à des déductions fiscales dans les cas qui exigent de grands déplacements.

La mobilité de cette main-d’œuvre me semble essentielle pour ce grand secteur économique qu’est celui de la construction. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Peter M. Boehm propose que le projet de loi C-248, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (parc urbain national Ojibway du Canada), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de parrain au Sénat du projet de loi C-248, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (parc urbain national Ojibway du Canada), qui a été adopté par la Chambre des communes le 26 avril 2023, après un vote quasi unanime de 319 voix contre 1 à l’étape de la troisième lecture, et qui a été présenté au Sénat le même jour. Je m’attends à ce que ce projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, et j’espère qu’il le sera avant les vacances d’été.

Compte tenu de la période de l’année et de l’heure qu’il est, et du fait que le projet de loi bénéficie d’un vaste soutien et qu’il devrait donc faire l’objet d’une deuxième lecture relativement rapide, je n’utiliserai pas l’intégralité des 45 minutes qui me sont imparties.

Je remercie le parrain du projet de loi, M. Brian Masse, député de Windsor-Ouest, où le parc sera situé, pour le travail dévoué qu’il accomplit depuis de nombreuses années sur ce projet important, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du Parlement. L’idée de ce projet de loi a été lancée lors d’une réunion publique organisée par M. Masse en 2019, mais cela fait des décennies que l’on se bat pour créer le parc urbain national Ojibway. Je tiens à remercier les habitants de la région de Windsor et les peuples autochtones locaux qui ont travaillé avec diligence et ardeur pour protéger cet espace vert important et son écosystème.

En tant que sénateur du Sud de l’Ontario — ma ville, Kitchener, n’est pas loin de Windsor —, je suis honoré que l’on m’ait demandé de parrainer ce projet de loi au Sénat. Étant depuis longtemps un ardent promoteur de la réconciliation entre le Canada et les peuples autochtones, j’estime que ce projet de loi est particulièrement important.

Honorables collègues, je ne vais pas parler des dispositions de ce projet de loi, car, si vous l’avez lu, vous savez qu’il ne contient pas grand-chose d’autre que des coordonnées longitudinales et latitudinales, de même que 304 occurrences de l’expression « de là ». L’astrolabe de Samuel de Champlain pourrait s’avérer utile à cet égard.

Le projet de loi délimite les terres publiques d’une superficie d’environ 900 acres qui constitueront le parc urbain national Ojibway, ce qui regrouperait le parc Ojibway, l’aire naturelle Spring Garden, le parc patrimonial Black Oak, le parc patrimonial Tallgrass Prairie, la réserve naturelle provinciale Ojibway Prairie et le site Ojibway Shores. Soulignons que le site Ojibway Shores, un espace vert de 33 acres, est le dernier tronçon de rivage naturel entre Windsor et Detroit, et qu’il abrite plus de 130 espèces en péril.

Fait particulièrement important, en mai, la propriété des terres où se trouve le site Ojibway Shores a été transférée de l’Administration portuaire de Windsor, qui relève de Transports Canada, à Parcs Canada. Nous avons ainsi surmonté un obstacle de longue date à la création du parc urbain national Ojibway.

Chers collègues, les terres qui composent le futur parc urbain national Ojibway — y compris la rivière Détroit — abritent des centaines d’espèces en voie de disparition, notamment des papillons, des oiseaux, des animaux et des arbres, et elles permettent également d’atténuer les inondations dues aux changements climatiques.

En outre, comme vous le savez tous, le poste frontalier le plus fréquenté d’Amérique du Nord se situe entre Windsor et Detroit, et il est actuellement desservi par le pont Ambassador. En 2025, le très attendu pont international Gordie-Howe devrait être achevé et ouvert à la circulation, et il reliera également Windsor et Detroit. Avec six voies de circulation pour les véhicules — trois en direction du Canada et trois en direction des États-Unis — et une voie multifonctionnelle pour les piétons et les cyclistes, le pont constituera un nouveau lien vital pour les usagers et pour le commerce entre le Canada et les États-Unis à notre passage frontalier le plus fréquenté.

(1730)

Cependant, la croissance de l’économie, comme l’augmentation du tourisme, s’accompagne souvent de difficultés pour l’environnement. Avec des milliers de véhicules, y compris des camions de transport, qui devraient traverser le pont chaque jour pour les affaires et l’écotourisme, comme c’est déjà le cas pour le pont Ambassador, les conséquences sur l’écosystème local, en particulier sur les espèces menacées des terres adjacentes du futur parc urbain national Ojibway, augmenteront grandement.

Ce projet de loi est un processus plus rapide que celui de Parcs Canada qui garantira que les terres et les écosystèmes touchés seront protégés plus rapidement une fois que le projet de loi aura été adopté. C’est ce qui explique que les communautés autochtones et les groupes environnementaux de la région, ainsi que la Ville de Windsor, dont le conseil municipal a adopté à l’unanimité en avril 2022 une résolution pour appuyer le projet de loi C-248, sont tous en faveur de ce projet de loi.

En outre, la création du parc de même que la protection et la préservation des terres et des espèces qui en découlent auront des effets bénéfiques considérables sur la santé mentale, puisque les résidants des collectivités locales et des régions environnantes seront encouragés à sortir pour profiter du parc. Nous avons tous constaté l’importance de l’accès aux espaces verts, à l’extérieur, pendant le point culminant de la pandémie de COVID-19, lorsque des mesures de confinement et de distanciation sociale étaient en vigueur.

Chers collègues, au début de mon intervention, j’ai parlé de réconciliation. Il importe de souligner qu’en plus de l’appui de la Ville de Windsor; de la Wildlands League, un organisme national majeur de conservation; et les Amis des prairies Ojibway, un groupe formé de bénévoles qui sensibilise la population à l’importance biologique et historique du complexe de prairies Ojibway, le projet de loi C-248 bénéficie aussi du soutien vital de la Première Nation de Caldwell.

Le 28 octobre 2022, durant l’étude du projet de loi C-248 au Comité permanent de l’environnement et du développement durable, Mary Duckworth, cheffe de la Première Nation de Caldwell, s’est présentée comme une fervente partisane du projet de loi et du processus qu’il prévoit pour la création du parc urbain national Ojibway. En réponse à une question de M. Masse, qui demandait si la Première Nation de Caldwell croit que la création de ce parc contribuerait à la réconciliation — après que la cheffe Duckworth eut affirmé que sa nation n’a pas été consultée sérieusement par le gouvernement au sujet du pont international Gordie-Howe, dont la construction est en cours sur son territoire ancestral —, la cheffe Duckworth a dit que la réconciliation passe par l’action. Je la cite :

Dans la démarche de vérité et réconciliation, nous en parlons. La vérité, c’est que nous essayons de créer un parc national au moyen d’un cadre législatif afin que ce soit solide et que le projet se concrétise.

La réconciliation passe par l’action. Il ne peut y avoir vérité ni réconciliation sans les mesures prises par les gouvernements qui ont une position dominante par rapport aux nations. Nous aimons à nous considérer comme des égaux face à vous, mais nous ne sommes pas traités en égaux, vous le savez bien.

Elle a ajouté :

La vérité et la réconciliation, c’est exactement ce que nous faisons. Il faut que nous travaillions tous ensemble avec les différents ordres de gouvernement, ainsi qu’avec des organismes non gouvernementaux, des groupes d’intérêts spéciaux et des gens qui se soucient de l’environnement. Nous participons tous aux discussions.

Nous attendons tous.

En terminant sur cette question, la cheffe Duckworth a fait allusion à la promulgation de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par le Parlement en juin 2021 et a tenu les propos suivants :

[...] le Canada a adhéré à la Convention sur les droits des peuples autochtones. Où en est le Canada à cet égard? Maintenant que le Canada a adopté ce texte, c’est un élément à prendre en considération lorsque nous aménageons ces parcs et tenons compte de ce qui se passe.

Chers collègues, comme l’a clairement dit la cheffe Duckworth et comme nous l’avons si souvent entendu ces dernières années lors des discussions sur la réconciliation et les relations de nation à nation entre le Canada et les peuples autochtones, les paroles sont belles, mais elles ne veulent rien dire sans actions concrètes.

Les droits issus de traités concernant le territoire anishinabe dont certaines parcelles composeront le parc urbain national Ojibway sont détenus par les peuples de la Confédération des trois feux. Il s’agit des Anishinaabeg de la région de Windsor, qui comprennent les Ojibwés, les Odawas et les Potéoutamis.

Je crois savoir que Parcs Canada travaille activement avec la nation de Caldwell et la nation de l’île Walpole sur des accords de cogestion qui intéressent les deux nations. Selon le site Web de Parcs Canada, les deux nations ont également :

[...] manifesté un vif intérêt à l’égard [...] de la possibilité pour le parc d’être un lieu de pratiques traditionnelles et culturelles, un lieu permettant de faire preuve de leadership en matière de conservation et de gestion responsable et un lieu susceptible d’apporter des avantages économiques à leurs communautés.

Chers collègues, le parc urbain national Ojibway n’est donc pas seulement un parc, mais aussi un exemple de la réconciliation à l’œuvre.

Comme la cheffe Duckworth l’a déclaré au comité de l’autre endroit, la création du parc au moyen du projet de loi est très importante, non seulement pour les Premières Nations locales, mais aussi pour les habitants de la région de Windsor, parce qu’il s’agit d’un cadre législatif concret.

Cela m’amène à aborder les préoccupations concernant les processus concurrents en cours pour créer le parc urbain national Ojibway. Comme je l’ai dit au début de mon intervention, la création du parc urbain national Ojibway est un objectif de longue date pour de nombreux intervenants, y compris Parcs Canada. Ce n’est pas l’objectif qui est contesté, mais plutôt la voie à suivre pour l’atteindre.

Mes observations sur ce sujet seront brèves à l’étape de la deuxième lecture parce que c’est dans le cadre d’un éventuel examen du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles que ces détails techniques très importants devraient être étudiés.

M. Masse, le député de Windsor-Ouest, a présenté le projet de loi C-248 le 9 février 2022 à la Chambre des communes, à la suite d’une assemblée publique d’août 2019 où le plan de création du parc urbain national Ojibway a pris naissance. Ce n’est que deux ans plus tard, en août 2021, que Parcs Canada a lancé le Programme des parcs urbains nationaux. Selon le document d’information sur le programme qui se trouve sur le site Web de Parcs Canada :

Le nouveau Programme de[s] parcs urbains nationaux s’appuiera sur les nombreuses réussites du parc de la Rouge, et examinera différentes approches qui nécessitent de travailler avec des partenaires pour élaborer des cadres de gestion et de gouvernance collaboratifs et innovateurs.

Le document d’information ajoute ceci :

Parcs Canada s’affaire actuellement à élaborer une politique sur les parcs urbains nationaux qui guidera la désignation et la gestion des parcs urbains nationaux. La Politique fournira un cadre souple de reconnaissance des caractéristiques uniques et des circonstances locales de chaque parc urbain national, telles que les autorités autochtones locales, tout en s’assurant que les parcs urbains nationaux de tout le pays répondent à un ensemble de normes communes.

C’est bien beau, sans compter que Parcs Canada est, bien entendu, un organisme dont l’intendance de nos parcs nationaux — les meilleurs au monde — a de quoi rendre fiers tous les Canadiens. Cependant, même si, de février 2022 à aujourd’hui, le projet de loi C-248 a franchi toutes les étapes du processus législatif à l’autre endroit, en plus d’avoir fait l’objet de vastes consultations publiques avant et pendant son étude, et qu’il est maintenant à l’étude au Sénat, la Politique sur les parcs urbains nationaux de Parcs Canada demeure, près de deux ans après son lancement, une ébauche. En fait, la plus récente mise à jour de son site Web, publiée le 23 mai, c’est-à-dire il y a deux semaines, dit :

Au cours des prochains mois, Parcs Canada préparera une première version de la Politique sur les parcs urbains nationaux. Revenez visiter cette page Web pour les mises à jour.

Chers collègues, je ne crois pas que le projet de loi C-248 prenne des raccourcis, ni au chapitre de la consultation ni au chapitre de la diligence. Toutefois, si je me fie à mes quelques décennies d’expérience en matière de politiques publiques et de gouvernance, tant à titre de fonctionnaire fédéral que de parlementaire, je crois que ce débat se résume à choisir entre un processus bureaucratique et des actions concrètes.

Les quelque 900 acres de terrains publics qui composeront le parc urbain national Ojibway présentent une biodiversité considérable et servent d’habitat à des centaines d’espèces en voie de disparition.

La protection des terres et la conservation des milieux naturels sont essentielles pour la faune et la flore qui s’y trouvent, pour les humains qui ont besoin des espaces verts pour mener une vie active bénéfique à leur santé physique et mentale, pour l’économie régionale des deux côtés de la frontière et pour la consolidation des relations de nation à nation entre le Canada et les Autochtones qui habitent la région depuis des temps immémoriaux.

Tous ces objectifs, que l’ensemble des intervenants ont en commun, pourront être atteints plus rapidement grâce à ce projet de loi que si on s’en remet à la Politique sur les parcs urbains nationaux de Parcs Canada.

J’invite tous les sénateurs qui s’intéressent à ce projet de loi, en particulier ceux qui sont membres du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, à consulter les débats qui ont eu lieu à l’autre endroit à son sujet, ainsi que la transcription de la réunion du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes tenue le 28 octobre.

S’il reste effectivement des questions au sujet du processus et des consultations, la création du parc urbain national Ojibway du Canada — l’objet du projet de loi — a l’appui de tous les partis représentés au Parlement, y compris le gouvernement, et des intervenants hors de la sphère parlementaire, dont Parcs Canada.

Par conséquent, honorables sénateurs, je vous invite à voter en faveur du renvoi du projet de loi C-248 au Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles le plus rapidement possible, avant les vacances estivales, afin que celui-ci puisse en faire un examen approfondi et se pencher sur toutes les préoccupations lorsque nous reviendrons à l’automne.

Merci.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole pour le projet de loi C-248, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada relativement au parc urbain national Ojibway du Canada.

(1740)

Ce projet de loi prévoit la création du parc urbain national Ojibway à Windsor, en Ontario. Il est l’aboutissement d’années d’efforts de la part de Brian Masse, le député de Windsor-Ouest, que je tiens vraiment à féliciter pour sa passion et sa détermination. Comme vous le savez, chers collègues, parrainer un projet de loi d’initiative parlementaire au Parlement peut être une tâche parsemée d’embûches.

Vous avez peut-être reçu récemment une trousse d’information du bureau de ce député concernant ce projet de loi. J’ai trouvé cette trousse complète et utile, et je vous invite à l’examiner si vous ne l’avez pas déjà fait. Comme le sénateur Boehm, le parrain de ce projet de loi au Sénat, vient de nous donner une vue d’ensemble détaillée de cette mesure législative, je ne compte pas m’étendre sur le sujet très longtemps, mais je tiens à expliquer pourquoi, en tant que porte-parole, je n’ai aucun problème à appuyer le projet de loi C-248.

Essentiellement, ce projet de loi est un recueil de 22 pages de coordonnées. Il ne contient pas grand-chose d’autre. Ces coordonnées indiquent les degrés de latitude et de longitude des limites du parc qui seraient ajoutés à l’annexe 1 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada afin de créer le parc urbain national Ojibway du Canada.

Ce nouveau parc urbain national regrouperait six zones publiques existantes : le parc Ojibway, l’aire naturelle Spring Garden, le parc patrimonial Black Oak, le parc patrimonial Tallgrass Prairie, la réserve naturelle provinciale Ojibway Prairie et, finalement, le site Ojibway Shores, un espace vert de 33 acres qui est le dernier secteur riverain naturel non développé de la région de Windsor-Detroit. Si l’on regarde sur une carte, ces zones sont presque adjacentes les unes aux autres dans le secteur ouest de Windsor et elles appartiennent déjà à l’État.

Avec la rivière Détroit, le parc urbain national Ojibway regrouperait 900 acres d’espaces verts dans une zone écologiquement vulnérable qui subit déjà les pressions du développement industriel et de sa fonction de plaque tournante du transport. Le poste frontalier de Windsor-Detroit est actuellement le passage frontalier le plus achalandé entre le Canada et les États-Unis. Or, avec l’ouverture du pont international Gordie-Howe en 2025, les pressions sur les écosystèmes environnants ne feront qu’augmenter.

Bien que nous aimions tous les parcs et les espaces verts pour leur beauté naturelle et les possibilités d’activités récréatives qu’ils offrent, ces zones contribuent aussi beaucoup à protéger la faune et la flore locales. Le parc qui fait l’objet de notre débat aujourd’hui est l’habitat de centaines d’espèces rares ou menacées. Cette zone est l’habitat de nombreuses espèces qui en dépendent pour leur migration. C’est un milieu naturel incontournable pour la protection de l’environnement qui, à mon avis, mérite des mesures de conservation adéquates de la part du gouvernement fédéral.

Dans un rapport écologique de 2017 intitulé Ojibway Shores Natural Heritage Inventory/Evaluation, qui portait uniquement sur la zone du site Ojibway Shores, on a recensé 554 espèces différentes de flore et de faune sur le terrain, dont 28 étaient des espèces protégées par le gouvernement fédéral ou provincial.

Le rapport indique : [...] le site Ojibway Shores est une halte importante pour les oiseaux migrateurs, dont huit espèces en péril [...]

Le rapport conclut ce qui suit :

La réalisation de cette étude a été une occasion unique d’étudier une partie intacte de l’habitat dans une zone par ailleurs développée. Malgré la proximité du développement et la présence d’une zone binationale préoccupante [...] Ojibway Shores abrite plusieurs espèces et en soutient probablement beaucoup d’autres qui vivent à proximité de cette zone. Compte tenu de la diversité des espèces et de l’hétérogénéité de l’habitat, ce site serait un excellent candidat à la préservation et à l’amélioration de l’habitat.

En outre, dans une lettre de soutien à ce projet de loi, l’organisation environnementale Wildlands League a dit :

Windsor incarne les menaces et les possibilités qui existent dans tout le Sud du Canada. La prairie d’herbes hautes qui y subsiste est l’écosystème le plus menacé du Canada, et on y trouve plus d’espèces rares que partout ailleurs en Ontario. C’est un foyer de biodiversité à l’intérieur d’un autre. En outre, la prairie d’herbes hautes est la couverture végétale la plus résistante au réchauffement climatique et l’une des meilleures éponges naturelles en périodes de fortes précipitations et de montée des eaux. C’est une solution naturelle dans une ville où les inondations annuelles rendent presque impossible l’obtention d’une assurance.

Chers collègues, je crois que tous les Canadiens chérissent nos parcs nationaux, qui se caractérisent tous par leur beauté unique et mémorable. Banff, Jasper et la réserve de parc national Pacific Rim dans l’Ouest me viennent à l’esprit. Pour ce qui est la côte Est, je pense au parc de la Gaspésie, au Québec; au parc national du Gros-Morne, à Terre-Neuve; et, bien sûr, à la réserve à vocation de parc national de l’Île-de-Sable et au parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, tous les deux en Nouvelle-Écosse.

Même s’ils sont reconnus pour leurs paysages pittoresques et typiquement canadiens, nos parcs nationaux jouent également un rôle crucial dans la protection des écosystèmes vulnérables. C’est pourquoi, selon moi, il y a un intérêt croissant dans la création d’un plus grand nombre de parcs urbains nationaux à proximité de nos centres urbains, qui ne cessent de s’agrandir et de se développer.

Le parc urbain national Ojibway serait le second parc urbain national du pays après le parc urbain national de la Rouge à Toronto, dont j’ai parrainé la création dans cette enceinte. Parcs Canada étudie actuellement la possibilité de créer quatre autres parcs urbains nationaux dans d’autres régions urbaines. De tels parcs permettent non seulement de préserver la beauté des espaces verts naturels, mais aussi de protéger l’habitat de notre flore et de notre faune qui sont de plus en plus menacées par le développement urbain avoisinant.

Comme je l’ai déjà mentionné, honorables collègues, toutes les terres qui constitueraient le parc urbain national Ojibway appartiennent déjà à l’État. Il n’y a pas de terres privées, et les entités publiques possédant les zones qui formeraient ce parc urbain national sont toutes en faveur d’une cession de la propriété et de son contrôle au gouvernement fédéral.

Comme je l’ai mentionné au début, le parc urbain proposé est l’aboutissement d’années d’efforts déployés par les résidants locaux et les principaux intéressés. Permettez-moi de décrire le processus suivi et le soutien dont bénéficie ce projet.

L’initiative a été officiellement lancée en 2019 lors d’une assemblée publique organisée par M. Masse. Le but : discuter publiquement de la formation du parc urbain national Ojibway avec des organisations locales et nationales, y compris des groupes communautaires comme les Amis des prairies Ojibway, les Amis du bassin de la rivière Rouge, le Detroit River International Wildlife Refuge, la Wildlands League, des scientifiques et des dirigeants autochtones locaux. Tous les représentants municipaux, provinciaux et fédéraux de Windsor se sont engagés dans cette initiative.

La Première Nation de Caldwell et la cheffe Duckworth sont tout à fait favorables à la création du parc. Soulignons également qu’on a annoncé que la communauté autochtone serait cogestionnaire du parc urbain national Ojibway.

En ce qui concerne le soutien municipal, en 2021, le conseil municipal de Windsor a approuvé la proposition à l’unanimité. Il a aussi signalé son intention de céder ses terres au gouvernement fédéral, à l’intention de Parcs Canada, dès que possible.

En 2021 également, le gouvernement fédéral a signé une déclaration de collaboration avec la ville de Windsor en vue de désigner la région comme parc urbain national, et il s’est engagé à verser 130 millions de dollars pour la création de parcs urbains nationaux. C’est à ce stade du processus, en février 2022, après des années de collaboration et après avoir reçu un important soutien, que M. Masse a présenté son projet de loi à la Chambre des communes. Depuis, le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario s’est engagé à céder au gouvernement fédéral la propriété de la réserve naturelle provinciale d’Ojibway Prairie, l’un des six parcs qui constitueraient le parc urbain national.

Enfin, dans le cadre de ce que M. Masse a décrit comme la dernière pièce du casse-tête, le site Ojibway Shores, le terrain de 33 acres non aménagé situé sur les rives de la rivière Détroit a été officiellement cédé par l’Administration portuaire de Windsor, qui relève de Transports Canada, à Environnement Canada, ce qui permet ainsi à Parcs Canada d’en assurer le contrôle.

Le projet de loi C-248 a ensuite été adopté à l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes à 319 voix contre une.

Chers collègues, maintenant qu’il a franchi toutes les étapes de la procédure à l’autre endroit, nous sommes saisis de ce projet de loi et, bien que je m’adresse à vous aujourd’hui en tant que porte-parole, j’appuie sans réserve le projet de loi C-248. Comme ce projet de loi bénéficie de l’appui de tous les partis, je pense qu’il serait judicieux d’y donner suite le plus rapidement possible. Je recommande donc qu’il soit renvoyé au comité dans les plus brefs délais. Je vous remercie, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Quatrième rapport du comité—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Klyne, tendant à l’adoption du quatrième rapport (provisoire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Modifications au Règlement, présenté au Sénat le 7 février 2023.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, en tant que vice-présidente du Comité du Règlement, je propose ce que la sénatrice Bellemare, présidente du Comité, a appelé une modification favorable au quatrième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. La sénatrice Bellemare n’est pas en mesure de présenter cette modification parce qu’elle a déjà pris la parole à ce sujet, mais elle y est tout à fait favorable.

Dans son quatrième rapport, le Comité du Règlement propose que le Règlement soit modifié :

1. par adjonction du nouvel article suivant immédiatement après l’article actuel 1-1(2) du Règlement :

« Accessibilité

1-1. (3) Si une disposition du Règlement ou une pratique du Sénat constitue un obstacle à la participation pleine et égale d’un sénateur aux délibérations uniquement en raison d’un handicap, au sens de la Loi canadienne sur l’accessibilité, le Président du Sénat ou le président d’un comité peut autoriser des modifications raisonnables à l’application du Règlement ou de la pratique. »;

(1750)

L’amendement que nous proposons aujourd’hui précise que les modifications visant à permettre à un sénateur de participer pleinement aux travaux du Sénat ou d’un comité ne s’appliquent qu’aux travaux qui se déroulent ici à Ottawa.

Adoption de la motion d’amendement

L’honorable Denise Batters : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le rapport soit modifié par adjonction, à la fin du nouvel article 1-1(3) proposé, de ce qui suit :

« dans le but de faciliter la participation du sénateur aux délibérations dans la salle du Sénat ou la salle de comité, selon le cas ».

Je vous remercie.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question?

L’honorable Renée Dupuis : La sénatrice Batters accepterait-elle de répondre à une question?

[Traduction]

La sénatrice Batters : Oui.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Qu’est-ce qui motive cet amendement et pourquoi le présentez-vous aujourd’hui?

[Traduction]

La sénatrice Batters : Nous le présentons aujourd’hui parce que le Sénat est saisi de cette question depuis un certain temps, mais nous voulions nous assurer que ce rapport, avec quelques petites modifications, soit traité avant la fin du mois. Cet amendement s’avère nécessaire pour préciser que l’article qui est modifié ici ne peut pas être utilisé pour permettre à un sénateur d’exiger l’emploi du mode hybride pour accéder aux travaux d’un comité ou du Sénat. Le sénateur doit se trouver à Ottawa. L’amendement sert simplement à préciser les choses.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Batters est adoptée.)

Adoption du quatrième rapport du comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Klyne, tendant à l’adoption du quatrième rapport (provisoire), tel que modifié, du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Modifications au Règlement, présenté au Sénat le 7 février 2023.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport, tel que modifié, est adopté.)

Agriculture et forêts

Budget—L’étude sur l’état de la santé des sols—Onzième rapport du comité—Débat

Le Sénat passe à l’étude du onzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (Budget—examiner pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 1er juin 2023.

L’honorable Robert Black propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts s’efforce d’être bien placé pour fournir un rapport sérieux et bien équilibré sur la santé des sols afin d’aider les agriculteurs et les producteurs canadiens ainsi que le monde entier.

Le comité a l’intention de présenter une analyse complète et approfondie sur la santé des sols, en tenant compte de la sécurité alimentaire, de l’utilisation des terres, de la biodiversité et de la santé environnementale et agricole. Cette analyse sera aussi bénéfique que le précédent rapport du Sénat l’a été pendant près de 40 ans.

Pour ce faire, le comité estime qu’il est essentiel de rencontrer des homologues internationaux à Rome, afin d’avoir la possibilité de dialoguer avec des spécialistes de la santé des sols du monde entier. Cette mission d’information découle de l’invitation faite au comité de l’agriculture par la directrice adjointe de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, afin de rencontrer de nombreux experts internationaux, ce qu’il serait impossible d’organiser de façon virtuelle.

Il y aura des tables rondes ainsi qu’une combinaison de réunions officielles et informelles pour souligner la nécessité de coordonner les programmes et les projets de santé des sols au niveau mondial.

Honorables sénateurs, vous le savez, je ne suis pas du genre à me tourner les pouces et mon agenda est rempli de réunions qui s’ajoutent aux responsabilités qui m’incombent au Sénat et au comité. J’agirai de la même façon dans le cadre de cette mission d’information. Les collègues qui m’accompagneront peuvent s’attendre à un horaire très chargé, rempli de réunions et de visites, en plus de la participation à la conférence sur les sols.

Le comité de l’agriculture a longuement discuté à plusieurs reprises de cette solution budgétée. Nous comprenons qu’il s’agit d’une dépense importante pour les Canadiens. Or, la santé des sols est un problème mondial et, bien que le comité parcoure le Canada pour mieux comprendre la situation de la santé des sols au pays, aller chercher le point de vue d’autres pays aura aussi de grands avantages. Nous pourrons apprendre des experts de l’étranger et de nos plus importants partenaires commerciaux et alliés. Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous participerons également à l’assemblée plénière du Partenariat mondial sur les sols, où nous prendrons part à des discussions constructives avec de grands acteurs et experts des sols de toute la planète, qui pourront assurément contribuer à notre compréhension de la santé des sols au Canada.

Par conséquent, madame la Présidente, si telle est la volonté du Sénat, j’espère que nous pourrons adopter le rapport aujourd’hui afin que le vaillant personnel de soutien du comité puisse commencer à organiser ce voyage, qui devrait avoir lieu à la mi‑juillet. Merci, meegwetch.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Pouvez-vous expliquer le budget? Je vois qu’il s’élève à 134 764 $, et qu’il comprend le transport de quatre sénateurs à raison de 16 000 $ chacun, soit 74 600 $, plus l’hébergement pour sept nuits, à raison de 820 $ par nuit, plus les indemnités journalières, les taxis et un autobus nolisé. Pourriez-vous nous expliquer exactement pourquoi ce budget est si élevé?

Le sénateur Black : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Comme vous le savez, lorsque nous soumettons un budget, nous devons soumettre le montant le plus élevé qui pourrait être atteint. En prenant en compte le nombre maximum de personnes qui pourraient voyager ainsi que le coût élevé — dans ce cas-ci, l’euro se négocie actuellement à un niveau élevé par rapport au dollar canadien, ce qui gonfle un budget préparé dans notre devise. De plus, les voyages en été sont beaucoup plus coûteux, car le tourisme revient au niveau d’avant la pandémie. La date choisie permet de garantir la participation des sénateurs à l’assemblée plénière du Partenariat mondial sur les sols, ainsi que des contacts avec des intervenants et des experts importants. Malheureusement, ce ne sont là que quelques-unes des difficultés que nous avons rencontrées lors de l’élaboration du budget.

Le coût de l’hébergement est le plus élevé que nous avons trouvé. Nous chercherons un hébergement moins cher. Nous avons également prévu un montant plus élevé pour les déplacements en autobus, au cas où nous aurions à nous loger à l’extérieur de la région, où les prix seraient moins élevés.

Le sénateur Dalphond : Merci.

Pour ce qui est des frais de transport aérien de 16 000 $ pour chacun des quatre sénateurs, parle-t-on d’un vol en classe affaires ou en classe économique?

Le sénateur Black : J’ai déjà demandé à la greffière de chercher des vols en classe économique privilège, si c’est le meilleur choix qui s’offre à nous. Le Comité de la régie interne nous a indiqué le montant maximum, mais il nous a demandé d’essayer d’arriver à un budget moindre. Les sénateurs voyageront donc, si c’est possible, en classe économique privilège, à moins qu’ils paient eux-mêmes un surclassement en points ou en argent.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il n’y a pas d’entente.

(1800)

[Français]

Par conséquent, honorables sénateurs, le consentement n’étant pas accordé, la séance est suspendue et je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

[Traduction]

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Budget—L’étude sur l’état de la santé des sols—Adoption du onzième rapport du comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Quinn, tendant à l’adoption du onzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (Budget—examiner pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 1er juin 2023.

L’honorable Pierre J. Dalphond : J’ai une dernière question pour le sénateur Black.

Merci beaucoup, sénateur Black, de toutes ces informations. Je crois comprendre que si nous adoptons le rapport, il comporte la condition suivante : les dépenses globales pour cette activité seront réduites de 35 %, ce qui signifie que vous ne pourrez pas dépenser plus de 87 000 $ pour le voyage à Rome. Ai-je raison de dire que le maximum autorisé n’est plus de 134 000 $, mais plutôt de 87 000 $?

L’honorable Robert Black : Je vous remercie de la question. Comme le sait mon honorable collègue, qui est membre du Comité de la régie interne chargé d’approuver les demandes de déplacement, on nous a conseillé — en tant que membres du comité, comme vous l’avez dit — de chercher à réduire les coûts dans la mesure du possible. On nous a également conseillé de rester à l’extérieur des limites de la ville afin de demeurer financièrement responsables et de limiter les coûts pour les Canadiens. Je reste conscient des dépenses pour les contribuables, et nous ferons de notre mieux pour limiter les coûts.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Le sénateur Black accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Black : Je ne refuserais jamais de répondre à une question provenant de vous.

Le sénateur Plett : Merci. Je ne suis pas avocat, mais je pense que la plupart des avocats ne posent pas de questions dont ils ne connaissent pas la réponse. Il se peut que je pose moi-même ce genre de question.

Vous avez fait allusion au fait que le sénateur Dalphond fait partie du Comité de la régie interne. Si je me souviens bien, il a peut-être également participé à la réunion du Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et des budgets de comités, où tout a commencé. Cependant, il est certainement membre du Comité de la régie interne et a également assisté à certaines des réunions du Sous-comité du budget des dépenses du Sénat, où ces questions sont discutées.

Ma question, sénateur Black, est la suivante : qu’arrive-t-il si nous n’approuvons pas ce projet dans les plus brefs délais? Une grande partie de ce que vous essayez de faire peut être réalisée en réservant des billets et des chambres d’hôtel. Plus nous attendons, plus cela deviendra difficile. Si quelqu’un devait soudainement, dans un geste téméraire, essayer d’ajourner le débat de ce soir, cela ne ferait que retarder votre capacité à obtenir des billets et à essayer d’économiser les 35 % que vous êtes tenus d’économiser. Ai-je raison pour au moins une partie de cette supposition?

Le sénateur Black : Merci de votre question, sénateur Plett. Vous avez totalement raison. Il reste cinq semaines avant que nous ajournions pour l’été. Nous devons réserver les billets et l’hébergement, qui coûtent de plus en plus cher chaque jour qui passe. Nous le savons. C’est ainsi.

Le sénateur Plett : Bien entendu, le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et, par la suite, le Comité de la régie interne ont approuvé ce voyage?

Le sénateur Black : C’est exact. Merci de votre question.

[Français]

L’honorable Josée Verner : Je voulais confirmer en français les questions que le sénateur Plett a posées en anglais. Étant donné que, il y a quelques années, j’étais moi-même présidente du sous-comité qui approuvait, entre autres choses, les demandes relatives aux voyages, je me suis demandé si les règles avaient changé. Autrement dit, à partir du moment où cette demande est étudiée à la Chambre, cela veut dire que ladite demande a été approuvée, en tout premier lieu, par le Comité de la régie interne, comité auquel siège le sénateur Dalphond.

Les règles ont-elles changé depuis ce temps? Ce budget a-t-il déjà été approuvé — celui au sujet duquel on vous pose beaucoup de questions ce soir, sénateur Black?

[Traduction]

Le sénateur Black : Merci de votre question. Oui, le budget a effectivement été approuvé. Soyons clairs. Il a été approuvé par le Comité directeur du Comité de l’agriculture et des forêts, puis par le Comité de l’agriculture et des forêts lui-même, puis par le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et des budgets de comités, et enfin par le Comité de la régie interne.

L’honorable Lucie Moncion : Sénateur Black, acceptez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Black : Certainement.

La sénatrice Moncion : Ma question porte sur notre rôle au Sénat. Comme il a été approuvé par quatre comités différents, est-ce qu’il doit nécessairement être approuvé par le Sénat?

Le sénateur Black : À ma connaissance, tous les rapports doivent être approuvés par le Sénat.

La sénatrice Moncion : En effet. Ma question n’était peut-être pas claire.

Y a-t-il une approbation automatique? Comme il s’agit d’une dépense liée à un déplacement, le Sénat a-t-il le privilège de voter contre le rapport à la fin de tout cela?

Le sénateur Black : Je siège en cette auguste Chambre depuis seulement cinq ans, mais j’imagine que le Sénat a, effectivement, le droit ne pas approuver une dépense.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Budget—L’étude sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général—Adoption du treizième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du treizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (Budget—examiner pour en faire rapport sur les questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 1er juin 2023.

L’honorable Ratna Omidvar propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je sens que m’aventure sur un terrain glissant. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a présenté au Sénat une demande qui a été approuvée par le comité directeur du Comité des affaires sociales, par le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et par le Comité de la régie interne.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Omidvar : Nous avons besoin de votre autorisation pour entreprendre un voyage dans le cadre de l’étude sur la main-d’œuvre temporaire et migrante que nous avons commencée le 3 novembre 2022, conformément à notre ordre de renvoi général. Il s’agit d’un voyage aux fins d’une étude et non d’une réunion de tous les membres du comité.

Pourquoi avons-nous amorcé cette étude, chers collègues? Le marché du travail au Canada est aux prises avec de graves difficultés. Les statistiques ont peut-être changé depuis, mais il y a deux semaines, le Canada comptait 327 000 postes à pourvoir, dont un nombre important dans des secteurs à faible rémunération, comme l’agriculture, la transformation des fruits de mer, la pêche, la prestation de soins, le soutien en santé, la vente au détail, les transports, et j’en passe.

Cette pénurie de main-d’œuvre a de lourdes conséquences, tant pour les travailleurs que pour les employeurs. Les régions et les industries sont les premières à réclamer une offre accrue de main-d’œuvre ou, comme le diraient les travailleurs, des conditions de travail plus assurées.

À ce jour, nous avons tenu sept réunions dans le cadre de cette étude, et la plupart ont été extrêmement instructives. La plupart des participants ont comparu par vidéoconférence. Je suis heureuse que nous puissions poser des questions aux témoins par vidéoconférence. Toutefois, chers collègues, nous estimons qu’il est important d’aller voir les gens — des travailleurs comme des employeurs — dans leur contexte local ou régional. Nous croyons qu’il est important de porter l’intérêt du Sénat à l’attention de ces parties intéressées en personne et de permettre à ces dernières de nous renseigner en personne.

Par conséquent, nous demandons l’autorisation d’une mission d’information pour appuyer notre étude. Nous nous déplacerions à Fredericton et à Moncton, au Nouveau-Brunswick ainsi qu’à Summerside et à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard.

Vous vous demandez peut-être pourquoi nous avons choisi ces régions. La raison est tout à fait valable : la pénurie de main-d’œuvre au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard nous donne l’occasion de voir la situation dans de nombreux secteurs et d’entendre des représentants de nombreux secteurs — pas seulement quelques-uns.

Il y a une concentration dans ces régions dont nous pouvons tirer avantage. En raison des départs à la retraite et du vieillissement de la population, entre autres, le profil démographique de ces régions présente à la fois un défi particulier et une occasion pour le marché du travail et les industries.

(2010)

De plus, on nous a dit que la migration présente une possibilité pour ces régions de stabiliser leur population en déclin.

Qui ira là-bas? Nous avons limité notre demande à huit sénateurs. Nous serons accompagnés d’analystes, de la greffière, d’interprètes et, pour des raisons stratégiques, d’une personne chargée des communications, parce qu’il y a beaucoup de contenu à gérer et à communiquer.

Je rappelle à tous que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie n’a pas demandé l’approbation d’un budget de déplacement depuis 2009. Ce n’est pas pour cela que nous faisons la demande, mais plutôt parce que c’est une étude extrêmement importante qui aidera le Sénat du Canada et les sénateurs à assumer l’une de leurs responsabilités les plus importantes en mettant en lumière un problème pressant, en parlant aux Canadiens et en présentant des solutions.

Nous devons aussi faire face à des pressions, car, je l’ignorais, mais, à Charlottetown, il est extrêmement difficile de faire des réservations d’hôtel pour septembre, même en ce moment. Je souligne au passage que nous irons là-bas pendant une semaine où le Sénat ne siégera pas.

Nous devrons probablement nous rendre à Summerside et louer un autobus pour aller à la ville. Nous avons hâte de pouvoir nous renseigner auprès des gens du Nouveau-Brunswick. Je sais que je devrai communiquer avec bon nombre de sénateurs pour qu’ils nous aident à nous organiser en ce qui concerne les correspondances et le voyage à l’Île-du-Prince-Édouard, alors je vous prie, honorables collègues, d’approuver ce budget.

L’honorable Robert Black : Merci, madame la sénatrice. Accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Omidvar : Bien sûr.

Le sénateur Black : Merci. Je vais vous dire pourquoi Charlottetown est aussi achalandée pendant cette période : c’est parce qu’une grande conférence sur l’agriculture a lieu pendant cette semaine-là et qu’elle attire des gens d’Europe et de partout au Canada.

Ma question est la suivante : ferez-vous tout en votre pouvoir pour dépenser les deniers publics judicieusement?

La sénatrice Omidvar : Évidemment.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question, même si c’est à peu près la même que celle qu’a posée le sénateur BIack, mais puis-je la poser?

La sénatrice Omidvar : Je veux bien répondre. Je ne veux pas cacher ma réaction. Je suis un peu surprise qu’on me demande si je vais m’assurer de dépenser les fonds judicieusement.

Je rappelle que nous demandons 110 000 $ pour un voyage de 5 jours auquel participeront 15 personnes. Nous louerons un autobus. Nous traverserons plusieurs régions pour économiser. Était-ce votre question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Je n’ai pas vraiment posé de question encore.

La sénatrice Omidvar : D’accord, allez-y. J’accompagnerais volontiers le sénateur Black à Rome, s’il a de la place.

Le sénateur Plett : J’avais une question à poser, mais les sénateurs Black et Omidvar y ont déjà répondu.

Je tiens à préciser que lorsque nous formions le gouvernement il y a quelques années, dans le bon vieux temps, l’ancienne sénatrice Joan Fraser était dans l’opposition. Or, elle ne laissait jamais passer un de ces déplacements de comité sans poser une question, qui était généralement très semblable à celle du sénateur Black. Puisqu’on a déjà répondu à cette question, je m’en tiendrai là, Votre Honneur. Je tiens à vous encourager et à vous souhaiter bonne chance.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Finances nationales

Motion tendant à autoriser le comité à étudier une feuille de route pour une politique économique et sociale post-pandémie en vue d’aborder les coûts humains, sociaux et financiers occasionnés par la marginalisation et l’inégalité économiques—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan,

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, une feuille de route pour une politique économique et sociale post-pandémie en vue d’aborder les coûts humains, sociaux et financiers occasionnés par la marginalisation et l’inégalité économiques, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que, vu les appels à l’action des autorités compétentes autochtones, provinciales, territoriales et municipales, le comité examine en particulier des approches potentielles nationales pour une collaboration intergouvernementale afin de mettre en œuvre un revenu de base de subsistance garanti;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2022.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Plett, voulez-vous demander le consentement du Sénat pour ajourner le débat au nom de la sénatrice Martin?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Certainement. J’allais prendre la parole à ce sujet, Votre Honneur. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets de la fraude d’identité sur la marginalisation accrue des peuples autochtones—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Campbell,

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la fausse représentation de l’ascendance autochtone, les normes d’auto-identification inadéquates et les effets profonds que cette fraude d’identité a sur la marginalisation accrue des peuples autochtones, en particulier les femmes autochtones;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2023.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, en tant que résidante du territoire visé par le Traité no 6, je suis honorée de prendre la parole aujourd’hui sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinabe au sujet de la motion no 96, proposée par notre collègue, la sénatrice Mary Jane McCallum.

La motion no 96 demande que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la fausse représentation de l’ascendance autochtone, les normes d’auto-identification inadéquates et les effets profonds que cette fraude d’identité a sur la marginalisation accrue des peuples autochtones, en particulier les femmes autochtones. Je tiens à remercier la sénatrice McCallum d’avoir porté à l’attention du Sénat ce problème compliqué et inquiétant.

Tous les après-midi, lorsque nous pénétrons dans la salle du Sénat, nous passons devant une statue du sénateur James Basil Gladstone, le premier Indien inscrit à avoir siégé au Sénat du Canada, où il a représenté ma propre province, l’Alberta.

Le sénateur Gladstone a été nommé par le premier ministre Diefenbaker en 1958, à une époque où les Indiens inscrits n’avaient pas encore le droit de voter aux élections fédérales. Ainsi, il pouvait voter sur les projets de loi au Sénat, mais pas pour élire le député qui allait le représenter.

Si l’on cherche James Gladstone sur Google, on trouve rapidement des articles qui disent que son père était cri et que sa mère était membre de la nation kainai, laquelle fait partie de la Confédération des Pieds-Noirs. Or, ce n’est pas vrai.

Selon les dossiers généalogiques publics, James Gladstone était officiellement le fils de Harriet Gladstone et de son partenaire de l’époque, James Bowes. James Bowes n’était pas Cri. Il n’était pas Autochtone. Les dossiers publics indiquent qu’il était de race blanche et qu’il venait du comté de Lanark, en Ontario.

L’arbre généalogique de Harriet est un peu plus compliqué. Son père, William James Shanks Gladstone, est né à Montréal de parents écossais.

Sa mère, qui s’appelait Harriette, était la fille de Louis Leblanc qui, selon les dossiers du gouvernement, était Canadien français, et d’Angelique Vallee, qui était Métisse avec des racines françaises, sioux et saulteaux.

Pour autant que je puisse en déduire, les revendications biologiques de James Gladstone concernant son identité autochtone passaient par son arrière-grand-mère métisse. À en juger par les dossiers généalogiques publics que j’ai trouvés, il n’était ni Cri ni Pied-Noir.

Ce sénateur a-t-il alors « prétendu » être le premier sénateur issu des Premières Nations? Ce n’est pas si simple.

Pour des raisons familiales, le jeune James Gladstone a été envoyé à l’âge de 7 ans au pensionnat anglican St. Paul près de Cardston, en Alberta. À 16 ans, il a été inscrit au pensionnat à vocation industrielle de St. Dustan, près de Calgary, où il a suivi une formation d’imprimeur.

À l’âge de 24 ans, il a épousé Janie Healy, connue sous le nom de Pok-otun ou Little Daughter. Elle était membre d’une importante famille pied-noir et elle était la fille de Joe Healy, connu sous le nom de Flying Chief.

Ensemble, ils ont élevé leur famille dans la réserve des Gens-du-Sang ou à proximité de cette dernière, qui est maintenant appelée la Première Nation Kainai. Pendant une décennie, il s’est battu pour être adopté comme membre de cette nation et recevoir le statut d’Indien, ce qui est finalement arrivé en 1920.

Devenu un agriculteur et un éleveur prospère, M. Gladstone a pris part activement à la vie politique des Premières Nations et à leur combat pour obtenir le droit de vote. En 1949, il a été élu président de l’Association des Indiens de l’Alberta. Lorsqu’il a prononcé son premier discours au Sénat en août 1958, il a commencé son intervention en pied-noir. Voici la traduction de son discours :

Les Indiens du Canada sont très heureux de savoir qu’ils ont quelqu’un à Ottawa pour les représenter au sein du gouvernement du Canada. J’espère que je serai en mesure de prononcer les mots justes pour eux.

Deux ans plus tard, le gouvernement Diefenbaker a adopté la Déclaration canadienne des droits et la loi accordant le droit de vote à tous les Indiens inscrits au Canada. M. Gladstone a joué un rôle clé dans ce processus. Comment devons-nous comprendre sa vie aujourd’hui?

Je voulais raconter son histoire pour montrer certains des enjeux complexes liés à la question des prétendus Indiens. Il est assez facile de condamner les personnes qui s’approprient l’identité autochtone de manière calculée et crapuleuse dans le but de commettre une fraude, d’escroquer quelqu’un, d’obtenir frauduleusement une bourse d’études, de vendre un livre ou d’obtenir une promotion dans le monde universitaire.

Se faire passer pour un membre des Premières Nations, un Inuit ou un Métis pour faire progresser sa carrière ou simplement pour se rendre intéressant est manifestement malhonnête et immoral. Une telle imposture est un véritable affront à tous les Autochtones, qui passent leur vie à être victimes de racisme, d’injustice économique et d’iniquité sociale. Cela revient à une imposture qui exploite non seulement la souffrance et les traumatismes vécus par les Autochtones, mais aussi la résilience et le courage d’une minorité marginalisée, dans le but de bénéficier d’un avantage économique ou social.

(2020)

Cependant, il est plus difficile de savoir comment réagir vis-à-vis des personnes qui sont tombées amoureuses du concept romantique de l’identité autochtone. Personnellement, j’en tiens Jean-Jacques Rousseau, le philosophe que j’aime le moins, pour responsable. En effet, c’est lui qui a créé le concept romantique du noble sauvage dans les années 1750. Deux cent soixante-dix ans plus tard, il semble qu’un trop grand nombre de gens cherchent encore à s’approprier les idées popularisées par Jean-Jacques Rousseau.

Au Canada, ce phénomène a vu le jour avec Grey Owl, également connu sous le nom d’Archie Belaney, un aventurier britannique qui était également un arnaqueur et un défenseur des animaux de renommée internationale, et qui prétendait être d’origine apache. La supercherie qu’il a entretenue tout au long de sa vie n’a été dévoilée qu’après sa mort, en 1938. Britannique jusqu’au bout des ongles, il a réussi à se faire passer pour le noble Indien auquel les Américains et les Européens voulaient croire. C’était un escroc, mais il connaissait si bien son public qu’il a su exploiter sa fausse identité autochtone pour devenir un auteur à succès de renommée mondiale.

De nos jours, il semble parfois que nous nous trouvions au milieu d’une foule de successeurs de Grey Owl — des auteurs, des cinéastes, des artistes, des universitaires et des politiciens —, des personnes qui ont bâti leur identité et leur carrière sur des revendications très douteuses et parfois volontairement trompeuses de l’identité autochtone. Dans certains cas, ces revendications bidon semblent être fondées sur une interprétation erronée et naïve des histoires familiales. En effet, des personnes croyaient sincèrement qu’un de leurs grands-parents ou arrière-grands-parents était un autochtone secret ou perdu, peut-être à cause d’une tradition familiale mal entendue ou mal mémorisée. Cela pourrait expliquer les affirmations largement démenties de Danielle Smith, première ministre de l’Alberta, et d’Elizabeth Warren, sénatrice américaine, selon lesquelles elles auraient des racines cherokees — une exagération nostalgique et chimérique d’une tradition familiale obscure.

Dans d’autres cas, les gens semblent s’être enfoncés dans leurs illusions romantiques et avoir établi des vies professionnelles et sociales entières qui sont axées sur la fiction qu’ils sont Autochtones, à tel point que je soupçonne qu’ils en sont venus à croire ardemment à leurs mythologies personnelles. Peut-être sont-ils tout simplement épris de cette noble illusion sauvage, de l’idée que revendiquer un héritage autochtone rendra leur vie plus intéressante, plus intense ou plus « authentique ».

Peut-être sont-ils tellement horrifiés par la violence et l’injustice de la colonisation qu’ils préfèrent s’identifier aux colonisés plutôt qu’aux colonisateurs. Il peut être plus facile de prétendre être autochtone, et donc innocent, que de faire face à sa propre culpabilité dans le projet continu du colonialisme. Pour quelqu’un qui n’est pas proche de ses propres racines ou qui ne sait rien de son ascendance ou de son identité, adopter l’histoire de quelqu’un d’autre peut donner le sentiment d’être plus enraciné et plus centré et de faire davantage partie d’une communauté; il peut aussi se sentir moins aliéné dans notre culture moderne déracinée.

Pour certaines personnes, ce jeu de pseudo-identité peut être un acte d’imagination relativement bénin — elles portent des jupes à rubans, achètent des capteurs de rêves et vont à des séances de suerie. Leurs actions peuvent exaspérer, mais elles ne causent aucun préjudice direct à qui que ce soit.

Dans d’autres cas, par contre, ce jeu de pseudo-identité est bien plus corrosif. Chaque fois qu’un auteur, un journaliste, un artiste ou un cinéaste non autochtone remporte un succès professionnel et attire l’attention parce qu’il s’est présenté comme autochtone, sa voix étouffe la voix authentique de ceux qui ont véritablement l’expérience d’être membres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis. Chaque fois qu’un imposteur narcissique qui se berce d’illusions remporte un prix, est titularisé à l’université ou obtient un siège à la table d’un conseil d’administration, cela signifie qu’une personne authentique a été mise à l’écart ou s’est vu refuser l’accès. Il n’est que trop évident que nombre de ces imposteurs se plaisent à perpétuer les clichés et les stéréotypes sur les peuples autochtones. Résultat : les voix contemporaines authentiques ont encore plus de mal à se faire entendre.

Pourtant, les jugements moraux ne sont pas toujours aussi faciles à porter, d’autant plus que de nombreux « fauxtochtones » se considèrent comme des champions des causes autochtones et que peu d’entre eux ont véritablement accompli quoi que ce soit pour faire progresser la justice sociale chez les Canadiens autochtones, laissant souvent dans leur sillage des collègues trahis au cœur brisé une fois leur fraude révélée.

Il y a aussi le revers de la médaille. Pendant des décennies, voire des générations, de nombreux peuples autochtones, en particulier des Métis et des Indiens non inscrits, ont été encouragés, voire forcés, à nier et à cacher leur identité culturelle. D’autres ont perdu leur statut lorsque leurs mères se sont mariées et qu’elles ont été coupées de leur culture et de leurs droits issus des traités. Dans d’autres cas, des enfants autochtones ont perdu leur identité parce qu’ils ont été adoptés par des familles de Blancs ou élevés dans des foyers d’accueil de Blancs.

Dans un effort visant à éliminer les « fauxtochtones », il ne faut pas surcorriger et priver les personnes qui découvrent à peine leurs racines autochtones de la possibilité d’explorer et de revendiquer leur identité culturelle. Après environ 300 ans de mariages mixtes, il est dangereux de faire une fixation sur le degré de sang comme preuve de la condition autochtone. Cela réduit l’identité autochtone à une question de génétique et de pourcentages, et l’histoire nous a enseigné à maintes reprises que de tels calculs sont inquiétants et réducteurs.

J’ai commencé ce discours en notant que James Gladstone avait une arrière-grand-mère métisse, mais qu’il avait grandi parmi des enfants autochtones et avait vécu sa vie d’adulte comme un Autochtone, qu’il avait été adopté et revendiqué par la Confédération des Pieds-Noirs et qu’il avait consacré sa vie à la lutte pour les droits des Autochtones, notamment lorsqu’il était sénateur conservateur indépendant. En tant que personne non autochtone, quel droit ai-je de critiquer ou de contrôler son identité après sa mort?

Ces questions d’identité sont très politiques et personnelles. Que revendiquons-nous? Qu’avons-nous le droit de revendiquer?

Mon regretté père était juif. J’ai été élevé avec un sens aigu de mes racines culturelles juives, mais je ne suis pas juif, et je sais que j’offense et que je mets en colère de nombreux membres de la communauté juive s’ils perçoivent que j’essaie de me faire passer pour un Juif ou de revendiquer un droit à l’identité ou à la voix juive.

Ma regrettée mère est née dans une colonie mennonite en Ukraine. Son père était mennonite, mais elle n’a pas été élevée comme telle. Je n’ai pratiquement aucune expérience de la culture mennonite, mais mes racines mennonites sont réelles et authentiques. Ai-je le droit de revendiquer une partie de cet héritage? Ou est-ce que cet héritage fait de moi un prétendant d’un autre genre? Ai-je déjà, subtilement ou non, déformé mon héritage culturel dans le but de paraître plus intéressant ou de promouvoir mes intérêts professionnels et politiques? Eh bien, oui. Au fil des ans, c’est probablement ce que j’ai fait.

Pourtant, il y a quelque chose de tristement raciste et réducteur dans le fait de supposer que notre identité est entièrement liée à notre ADN et à nos liens de sang. Dans ce pays multiculturel, où nous sommes parfois un peu trop enclins à trier et à étiqueter les gens en fonction de leur identité raciale ou ethnique, il est peut-être trop tentant pour les gens de prétendre être ce qu’ils ne sont pas, simplement pour pouvoir épingler une étiquette commode à leur revers métaphorique.

Il est difficile de savoir précisément ce que le Sénat ou le gouvernement fédéral pourrait faire pour résoudre le problème de représentation erronée de l’identité autochtone. Nous ne voulons certainement pas que l’État interfère avec l’autonomie des universités en matière d’embauche de professeurs ni avec les droits des éditeurs de proposer des contrats aux écrivains qu’ils choisissent de publier. Quant au fait que l’État définisse qui est autochtone et qui ne l’est pas, c’est une histoire que nous avons déjà vue et qui ne se termine pas de manière heureuse.

Pourtant, il est exaspérant et frustrant de voir tant de personnes prétendre, sur des bases mythiques ou ténues, être autochtones pour faire avancer leur carrière ou prendre de la place dans le discours public. Parfois, elles semblent être les voix les plus fortes, utilisant leurs privilèges pour se glorifier et exclure les autres. J’espère donc que le Comité des peuples autochtones explorera, à un moment donné, les complexités de cette question délicate. Je sais qu’il le fera avec soin et nuance.

Je remercie la sénatrice McCallum d’avoir soulevé l’idée et, comme toujours, de tous nous inspirer. Merci et hiy hiy.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à demander au gouvernement de désigner immédiatement le Corps des Gardiens de la révolution islamique comme entité terroriste

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénateur Dean,

Que, compte tenu des informations faisant état de violations des droits de la personne, de répression et d’exécutions de ses citoyens, en particulier les femmes, en Iran par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), le Sénat demande au gouvernement de désigner immédiatement le CGRI comme entité terroriste.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion cruciale présentée par la sénatrice Omidvar pour exhorter le gouvernement du Canada à inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes. Évidemment, cela ne surprendra personne. Beaucoup d’entre vous m’ont entendu prendre la parole dans cette enceinte au fil des années sur cet enjeu très important à mes yeux, un enjeu qui est aussi très important pour ce caucus depuis de nombreuses années. Les droits fondamentaux sont universels. Les droits fondamentaux n’ont ni religion ni couleur et ils ne devraient pas avoir d’allégeances politiques.

Malheureusement, j’ai constaté trop souvent que la politique empêche de faire la bonne chose et de défendre les droits fondamentaux sans réserve. Évidemment, je prends la parole pour condamner le Corps des Gardiens de la révolution islamique et l’Iran, comme mes collègues l’ont fait avant moi. Au début de ma carrière de sénateur, en 2009 et 2010 la sénatrice Frum et le sénateur Tkachuk prenaient immanquablement la parole pour condamner le Corps des Gardiens de la révolution islamique pour leurs horribles violations des droits fondamentaux et le fait que c’est probablement l’organisation qui finance le plus le terrorisme d’État dans le monde. C’est un régime qui est diaboliquement déterminé à détruire les valeurs et les principes de l’Occident. À maintes reprises, on a pu constater qu’il finance des organisations comme le Hezbollah et d’autres groupes terroristes et fondamentalistes un peu partout dans le monde.

(2030)

Cet État traite les femmes plus atrocement que tout autre État. Nous avons vu l’escouade de la moralité cueillir des citoyens sans aucune raison, sans le moindre fondement juridique, pour les emprisonner, voire pire encore. Des gens ont été fouettés à cause de leurs croyances religieuses, de leur foi ou, en fait, de leur athéisme.

C’est un régime répugnant, qui compte parmi les grandes brutes du XXIe siècle, aux côtés du Parti communiste chinois à Pékin et du régime d’Erdogan. Ils sont en concurrence pour savoir quel pays peut emprisonner le plus de journalistes et priver du plus de droits possible les membres de la communauté LGBTQ ou les femmes, comme je l’ai dit, ou n’importe qui d’autre.

Bien entendu, notre institution a l’obligation morale de dénoncer ce régime, tout comme le gouvernement canadien a l’obligation morale de toujours se placer du bon côté de l’histoire, comme le Canada le fait la plupart du temps. Je reviens à l’an 2007, lorsque le gouvernement canadien a interdit aux Canadiens d’entretenir des relations financières ou autres avec les personnes désignées par des sanctions des Nations unies dans leur résolution 1737; ou en 2010, quand le gouvernement a imposé des sanctions supplémentaires contre l’Iran en raison de la prolifération d’activités nucléaires dangereuses. Ces mesures ont été prises en étroite consultation avec des partenaires aux vues similaires, notamment les États-Unis et l’Union européenne, en réponse à une grave atteinte à la paix et à la sécurité internationales susceptible d’entraîner une grave crise internationale. En 2010 également, le Canada, qui présidait alors le G8, a donné la priorité aux mesures contre l’Iran. Le premier ministre Stephen Harper avait alors déclaré : « Le Canada profitera de sa présidence du G8 pour continuer à attirer l’attention de la communauté internationale sur le régime iranien et à prendre des mesures à son encontre. »

En 2012, le Canada a suspendu ses relations diplomatiques avec l’Iran, donnant aux diplomates iraniens cinq jours pour quitter le pays. C’est ce qu’on appelle du leadership, et c’est ce qu’on appelle de l’action. Il a également fermé l’ambassade du Canada en Iran. Le Canada a mis à jour ses conseils de voyage et ses avertissements pour recommander aux Canadiens d’éviter tout voyage en Iran. Simultanément, le Canada a inscrit l’Iran sur la liste des États soutenant le terrorisme en vertu de la Loi sur l’immunité des États.

Honorables collègues, ce ne sont là que quelques exemples de mesures qui ont été prises par un gouvernement guidé par des principes, à l’époque où la politique étrangère reposait sur des principes plutôt que sur une approche purement opérationnelle ou automatique qui pousse un gouvernement à se contenter de faire ce que le gouvernement précédent faisait avant lui. C’était un gouvernement qui faisait le choix de défendre ce qui était juste, sans égard aux conséquences politiques ou économiques. Je peux vous dire qu’à mes débuts au Sénat, de 2007 à 2012, j’étais très fier du gouvernement, parce qu’il savait joindre le geste à la parole.

Le fait est que, dans les dernières années, chaque fois que j’ai demandé au gouvernement du Canada pourquoi il n’a pas inscrit le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste et pris d’autres mesures à l’égard de ce groupe, je n’ai eu droit à rien d’autre que des réponses hésitantes et des discours creux disant que tout cela est compliqué et que nous soutenons les droits de la personne, mais qu’il faut tenir compte de ceci ou de cela. Au bout du compte, comme je l’ai dit, il faut toujours joindre le geste à la parole.

Nous avons également vu un gouvernement se faire élire au Canada en 2015, et ce fut l’un des moments les plus honteux de ma carrière parlementaire en tant que Canadien. Nul d’entre nous ne doit oublier que le premier ministre et le gouvernement actuels ont utilisé des mots tels que « Nous devons ouvrir le dialogue avec l’Iran ». N’oublions pas, chers collègues, qu’en 2016, le gouvernement actuel parlait de rouvrir notre ambassade en Iran et de rétablir nos relations diplomatiques avec l’Iran.

Soit dit en passant, l’Iran n’a jamais fait trêve de violation des droits des femmes en 2016. Il ne traitait pas mieux les homosexuels, les lesbiennes et les gais en 2016. Il n’a jamais montré le moindre signe de glasnost ou d’ouverture. Il n’a jamais dit : « Vous savez quoi? Nous allons cesser de financer le Hezbollah. » Rien n’avait changé, mais le gouvernement du Canada a mis ses œillères et décidé de faire le contraire de ce que faisait le gouvernement précédent. Ce n’était ni plus ni moins plus qu’une manifestation flagrante et inacceptable de politique partisane.

Puis, pendant cette période, des motions à la Chambre des communes ont été rejetées encore et encore, des motions qui demandaient que le régime iranien de l’époque soit fermement condamné. En 2018, le régime continuait de commanditer le terrorisme dans le monde entier, notamment en fomentant des attaques violentes à la frontière de Gaza. Nous avons demandé à la Chambre des communes, à l’époque, de condamner les déclarations récentes du chef suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, appelant au génocide contre le peuple juif. Nous avons demandé au gouvernement d’abandonner son plan d’alors et de cesser immédiatement toute négociation ou discussion en vue du rétablissement des relations diplomatiques. Je pourrais continuer longtemps.

Or, nous n’avons obtenu aucun résultat. Le gouvernement s’est contenté de dire : « Nous pouvons faire mieux. » Je ne pense pas qu’il ait fait mieux. Je ne pense pas qu’il soit préférable d’enhardir les intimidateurs, les terroristes et les organisations de ce genre en les laissant penser qu’un gouvernement démocratique comme le nôtre est de nature transactionnelle et que nous sommes prêts à conclure une entente à tout prix, que nos âmes et les droits de la personne sont à vendre. Je pense que c’est en fait méprisable, et ce fut l’un des moments les plus embarrassants que j’ai vécus en tant que parlementaire.

Je peux cependant vous dire ceci : j’ai connu de nombreux moments embarrassants en tant que Canadien et en tant que parlementaire depuis 2015, parce que je me suis montré sans équivoque sur les droits de la personne. Peu importe qu’il s’agisse de la minorité des Ouïghours en Chine, de la liberté de la presse et des libertés religieuses vis-à-vis du régime Erdogan ou de l’Iran et des 55 Canadiens qui ont perdu la vie quand le vol PS752 a été abattu, ou de bien d’autres choses encore. Il ne faut jamais, au grand jamais, faire preuve de souplesse ou de tolérance à l’égard de ces ignobles brutes.

Pourtant, le gouvernement l’a fait, et je pense que c’est une erreur. Parmi la liste des actions méprisables du gouvernement et du Parlement, rien n’a été plus embarrassant que, il y a quelques années, lorsque nous avons présenté une motion au Sénat reconnaissant ce qui arrivait à la minorité turque des Ouïghours en Chine et que nous avons appelé les choses par leur nom, c’est-à-dire un génocide. Soit dit en passant, chers collègues, de toutes les chambres démocratiques du monde occidental industrialisé, aucune, à l’exception du Sénat du Canada, n’a rejeté cette motion. Il s’agit de l’expérience la plus honteuse qu’il m’ait été donné de vivre en tant que parlementaire. Rien ne le justifiait. Je n’arrive toujours pas à justifier comment une majorité de sénateurs nommés par le gouvernement, soit 33 sénateurs, ont voté contre une motion reconnaissant comme un génocide ce qui se passait contre la minorité des Ouïghours en Chine. Nous savons bien ce qui se passait. Appelons un chat un chat.

Dans l’autre Chambre, qui est en situation de gouvernement minoritaire, les néo-démocrates, les conservateurs et les bloquistes ont fait ce qui s’imposait et ont appelé un chat un chat, et le gouvernement s’est abstenu de le faire. Soit dit en passant, c’est le seul gouvernement démocratique occidental qui s’est abstenu de l’appeler par son nom. Les Américains n’ont pas eu peur. Les Britanniques n’ont pas eu peur. Les Français n’ont pas eu peur. Qu’est-ce qui a bien pu pousser le gouvernement à s’abstenir jusqu’à ce jour, si ce n’est la décision de céder à un tyran et à un gouvernement qui n’a aucun respect pour les droits de la personne? Ce comportement méprisable est passé de l’autre endroit au Sénat — et il a contaminé cette enceinte. Non seulement nous avons refusé que cette motion défende nos principes et soit un symbole d’espoir pour la défense des gens et des droits de la personne, mais nous avons aussi fait la chose la plus méprisable qui soit. Trente-trois sénateurs ont voté contre cette motion. À vous de vous regarder dans le miroir au fil des ans et de vous demander pourquoi.

Le sénateur MacDonald : Ils sont indépendants.

Le sénateur Housakos : Sénatrice Omidvar, je suis bien content qu’il y ait un intérêt soudain du Sénat à ce sujet et, évidemment, les membres de notre groupe respectent et appuient votre motion; elle tombe sous le sens.

Je voudrais cependant voir plus de constance en matière de droits de la personne et moins de sélection au cas par cas. Je veux également que le gouvernement qui représente le Parlement et le pays ait le courage de dénoncer l’Iran lorsqu’il finance le Hezbollah et lorsqu’il commet ses exactions au Liban, à Gaza et partout dans le monde. Une motion centrée sur nous-mêmes qui ne fait que demander au gouvernement d’inscrire le groupe sur la liste des entités terroristes ne suffit pas. Nous demandons au gouvernement de le faire depuis 2015. Nous voudrions que le leader du gouvernement prenne la parole et dise que le groupe sera inscrit sur cette liste. J’aimerais que le leader du gouvernement intervienne au Sénat comme représentant de cette institution pour dire au gouvernement qu’il représente d’inscrire immédiatement le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes. Il a l’obligation morale de le faire. Tant que nous ne commencerons pas à agir de cette manière, je pense que je demeurerais un peu sceptique à propos de l’objet de bon nombre de ces motions, notamment du moment et de la façon dont elles sont présentées.

(2040)

Cela fait maintenant huit ans que nous sommes dirigés par un gouvernement qui est laxiste en matière de violation des droits de la personne et qui se montre trop indulgent envers l’Iran. Il y a quelques semaines à peine, j’ai posé une question au sujet d’une nouvelle rapportée par les médias canadiens, à savoir que des parents et des amis de l’ayatollah et de membres du régime iraniens habitent à Toronto. Ils vivent des revenus de ce régime, en toute liberté, sans être ciblés par les sanctions Magnitski. Aucune des lois en vigueur dans notre pays ne permet de demander des comptes aux membres de ce régime autoritaire, à leurs amis et à leur famille. Chers collègues, vous étiez présents lorsque j’ai posé la question, et vous pouvez la retrouver dans la transcription des délibérations de cette séance. J’ai obtenu des réponses inacceptables de la part du leader du gouvernement et, bien entendu, nous n’obtenons jamais de réponses acceptables de la part du gouvernement. Ses membres continuent de nous dire que la question est compliquée.

Je pourrais continuer encore et encore, mais il est un peu tard, et je sais que tout le monde est fatigué. Tout ce que je dirai, c’est que nous, les conservateurs, soutenons évidemment la motion. Cela fait maintenant deux décennies que nous sommes cohérents lorsqu’il s’agit de condamner le Corps des Gardiens de la révolution islamique. Nous n’avons jamais hésité. Lorsque M. Harper était au gouvernement, il a pris des mesures concrètes. Il l’a fait sur la scène internationale. Il n’a jamais eu peur de le faire. Il n’a jamais eu peur des conséquences ni d’un retour de bâton, alors qu’actuellement, le gouvernement a peur d’interpeller Pékin. Pendant environ deux ans, en 2016-2017, ils nous ont donné un cours de diplomatie et se disaient disposés à rouvrir les ambassades en Iran. Ce sont des faits. Je n’invente rien, et vous le savez tous.

Mettons cette motion aux voix. Elle mérite d’être adoptée, sénatrice Omidvar, mais, chers collègues, assurons-nous également à l’avenir de défendre les droits de la personne en tout temps. C’est notre obligation en tant que nation.

Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Simons, attirant l’attention du Sénat sur les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes, et sur l’importance de comprendre et de redéfinir les relations entre les municipalités du Canada et le gouvernement fédéral.

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, avant de commencer mon intervention, je tiens à féliciter la sénatrice MacAdam. Je tiens également à dire qu’aujourd’hui est un jour spécial pour moi. Tout comme mon cher collègue, le sénateur Dalphond, à qui je souhaite également faire un clin d’œil, cela fait aujourd’hui cinq ans que j’ai été nommée au Sénat. Je tenais à faire savoir à la sénatrice que j’apprécie chaque jour — ou presque —, que je passe ici, et que c’est pour moi un immense honneur d’y être. C’est quelque chose que je tenais à souligner.

Cependant, bien que ce sujet soit fascinant, ce n’est pas l’objet de mon intervention de ce soir. Je prends la parole aujourd’hui pour apporter ma contribution à l’interpellation de la sénatrice Simons sur les défis et les possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes et sur l’importance de comprendre et de redéfinir les relations qu’entretiennent les municipalités et le gouvernement fédéral.

Dans le cadre de cette interpellation, des sénateurs nous ont dit que plus de 80 % des Canadiens vivent dans des zones urbaines, que ces zones sont des moteurs de croissance économique, et que les administrations municipales sont les mieux placées pour réagir aux enjeux essentiels du moment. Des collègues qui possèdent une expérience personnelle de la politique municipale et des relations intergouvernementales nous ont fait part de leurs idées novatrices en matière de réforme. Ils nous ont donné beaucoup de matière à réflexion.

Aujourd’hui, j’aimerais me concentrer sur la gouvernance civique, particulièrement en ce qui concerne ma ville, Toronto. La course à la mairie y bat son plein, et les sondages indiquent que les principaux sujets de préoccupation des électeurs sont le logement, le coût de la vie, les infrastructures et les taxes municipales, la criminalité et la violence liée aux armes à feu, le transport en commun et la circulation. Une bonne gouvernance et une coopération entre Toronto et les autres ordres de gouvernement font partie de la solution.

Néanmoins, ces dernières années, une série d’événements a démontré à quel point ma ville est vulnérable aux décisions du gouvernement provincial. Partant, toutes les villes du pays sont aussi vulnérables aux décisions d’un gouvernement provincial compte tenu du statut constitutionnel désavantageux des villes dans le pays.

Je m’explique : en 2016, la Ville de Toronto a redessiné les limites de ses districts, faisant passer leur nombre de 44 à 47 en vue des élections municipales de 2018. Cette décision était fondée sur une étude menée par un consultant indépendant, qui avait duré presque quatre ans et mis en lumière la croissance sans précédent de la ville — en particulier au centre-ville — et conclu qu’il fallait augmenter le nombre de districts afin d’obtenir une représentation efficace où chaque vote aurait le même poids. C’est ce qu’on appelle la parité électorale. Selon le consultant, l’option de 47 districts recommandée permettrait d’atteindre la parité électorale d’ici les élections de 2026. On a donc enclenché le processus en vue des élections de 2018.

Le nouveau gouvernement de l’Ontario avait toutefois d’autres idées en tête, dont aucune n’avait été communiquée aux électeurs de l’Ontario ou de Toronto pendant la campagne électorale provinciale qui a mené au scrutin du 7 juin 2018 — il y aura cinq ans demain, sénateur Dalphond. Au contraire, on a annoncé après ces élections, en juillet, que le nombre de districts serait réduit de 47 à 25 pour les élections municipales du 22 octobre, changement qui a été mis en œuvre en septembre de la même année. Ce fut un tout un choc pour les 242 candidats de la ville, qui se disputaient maintenant la moitié des sièges à un mois de l’échéance, et un coup dur pour la représentation démocratique et l’autonomie civique.

Mais ce n’est pas tout. Passons rapidement à d’autres élections qui ont eu lieu en juin en Ontario, cette fois en 2022, après lesquelles on a encore porté un autre coup à la démocratie civique : encore une fois, sans en avoir parlé pendant la campagne provinciale, le gouvernement provincial nouvellement réélu a adopté le projet de loi 3, connu sous le nom de Loi de 2022 pour des maires forts et pour la construction de logements, qui donne des pouvoirs spéciaux aux maires de Toronto et d’Ottawa pour organiser les structures politiques et bureaucratiques de l’hôtel de ville, embaucher et licencier les hauts fonctionnaires de la ville, rédiger le budget et plus encore.

Une autre mesure législative de l’Ontario, la loi 39, donne aux maires de Toronto et d’Ottawa le pouvoir de faire adopter des règlements municipaux — écoutez bien cela — en lien avec une priorité provinciale avec l’appui d’un tiers seulement des membres du conseil municipal. Comme l’ont dit des conseillers de Toronto et beaucoup d’autres conseillers de ma ville et d’ailleurs, cette loi fait clairement fi de la volonté des électeurs; elle réduit le conseil municipal démocratiquement élu à un rôle d’outil servant à réaliser le programme d’un autre ordre de gouvernement. C’est de toute évidence contraire à la démocratie.

Chers collègues, si la plus grande ville Canada peut être traitée ainsi par un gouvernement provincial, toute ville du pays pourrait se retrouver dans la même situation — je pense notamment à Edmonton. Comme les municipalités sont des créatures de la province, la Constitution ne leur accorde pas de pouvoirs inhérents outre ceux que leur donne l’assemblée législative provinciale. Nous nous concentrons souvent sur les effets néfastes qu’a cette situation dans le contexte des arrangements financiers, qui désavantagent les municipalités du pays. Mais comme le montrent les exemples que j’ai donnés à propos de l’Ontario, la gouvernance civique et les structures démocratiques elles-mêmes sont aussi en péril.

Nos arrangements constitutionnels sont à la source du problème. Cependant, les tribunaux ont toujours appuyé ces arrangements, et ce, même la décision controversée du gouvernement de l’Ontario de réduire de moitié le nombre de quartiers municipaux à Toronto au cours de la campagne municipale de 2018. La Cour suprême du Canada a statué à 5 voix contre 4 que l’Ontario avait le droit constitutionnel de le faire. Il s’agit d’une décision très serrée, mais c’est ce que la cour a décidé. Par ailleurs, il est très peu probable que la situation constitutionnelle des villes par rapport aux provinces change dans un proche avenir parce que les provinces n’ont pas envie de céder le contrôle.

Même hors de la situation dramatique en Ontario, ce qu’on appelle le statut normal des municipalités comporte bien des inconvénients. Comme le soulignent les professeurs Enid Slack et Tomas Hachard de l’Université de Toronto, les municipalités ont un semblant d’autorité dans plusieurs domaines stratégiques, mais n’ont guère le pouvoir d’apporter des changements de manière unilatérale. Leurs sources de revenus et leur marge de manœuvre financière sont insuffisantes pour leur permettre d’assumer leurs responsabilités. Les compétences des trois ordres de gouvernement sont souvent floues et se chevauchent, et une grande partie du Canada ne dispose pas de structures de gouvernance régionale appropriées, ce qui entrave la coopération.

(2050)

Bien que les villes soient impliquées dans un nombre croissant de domaines stratégiques — changement climatique, soins de santé, développement économique, immigration, sécurité publique, pour n’en citer que quelques-uns —, leur rôle dans la politique et l’élaboration des politiques est sous-estimé et leurs voix sont sous-représentées.

Dans un article de 2022 intitulé A Seat at the Table: Municipalities and Intergovernemental Relations in Canada, le professeur Tomas Hachard de l’Institute on Municipal Finance and Governance de l’Université de Toronto, décrit une série de réformes qui permettraient d’inclure les municipalités dans l’élaboration des politiques fédérales et provinciales et dans la collaboration, afin d’améliorer les résultats des politiques.

Ces réformes comprennent, premièrement, le renforcement de la capacité des municipalités à participer efficacement aux relations intergouvernementales par le truchement d’investissements en personnel, d’associations municipales et d’une coordination régionale accrue.

La deuxième réforme proposée consiste à accroître la participation des municipalités à l’élaboration des politiques provinciales. Compte tenu de l’éventail des questions qui concernent les municipalités, il ne suffit pas de les regrouper au sein d’un seul ministère provincial. Les modèles futurs pourraient comprendre un conseil pour les relations provinciales-municipales ou un ensemble de conseils intergouvernementaux axés sur des questions politiques spécifiques.

Troisièmement, on propose de mettre fin aux mandats non financés, c’est-à-dire les situations où une administration se voit confier des responsabilités sans en avoir les moyens, par exemple, lorsqu’un gouvernement refile des coûts aux municipalités, que ce soit de façon directe ou indirecte, ce qui semble arriver constamment aux municipalités. Par exemple, la Ville de Toronto doit actuellement assumer les coûts liés à l’établissement des immigrants et à l’entretien des routes, ce qui ne fait pas partie de ses compétences. On peut mettre fin aux mandats non financés en établissant des ententes qui exigent des consultations sur les effets financiers des mesures législatives et qui comprennent des engagements à fournir les ressources nécessaires pour assumer de nouvelles responsabilités.

Comme troisième réforme, M. Hachard propose de renforcer les relations trilatérales. Encore une fois, étant donné que de nombreux dossiers relèvent de plusieurs administrations, les ententes trilatérales peuvent s’avérer utiles dans des champs de compétence comme le développement économique, la santé mentale et bien d’autres.

Ces quatre réformes permettraient aux municipalités d’avoir voix au chapitre et d’obtenir des résultats positifs pour leurs concitoyens.

Cependant, pour mettre en œuvre ces idées, il faut de la bonne volonté de la part des décideurs et des politiciens, et il faut essentiellement que les politiciens provinciaux soient prêts à céder certains pouvoirs. En ce qui concerne ma grande ville, Toronto, et ses relations futures avec Queen’s Park, je ne suis pas sûre qu’on verra cela arriver. Quand on sait qu’après les élections municipales du 26 juin, on pourrait se retrouver avec un nouveau maire dont les priorités et les approches diffèrent de celles du gouvernement provincial, il est difficile d’être optimiste quant à une collaboration future. J’espère sincèrement que l’avenir me donnera tort à ce chapitre.

J’ai commencé par évoquer des questions qui préoccupent les habitants de ma ville : le logement, le coût de la vie, les infrastructures municipales, les impôts, la criminalité, la violence armée, la circulation et les transports en commun. La bonne gouvernance et la coopération entre les trois ordres de gouvernement constituent une grande partie de la solution. Les politiciens doivent comprendre qu’il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle. En partageant le pouvoir, en travaillant ensemble et en donnant aux municipalités la possibilité de s’exprimer, on obtient de la bonne politique, de bonnes stratégies et une démocratie plus forte. Merci.

L’honorable Ratna Omidvar : J’ai une question à vous poser.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Dasko, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Dasko : Oui.

La sénatrice Omidvar : Je comprends qu’il se fait tard. J’ai une brève question à vous poser. Le Canada n’est pas le seul pays où trois ordres de gouvernement se disputent le pouvoir, les ressources et la stabilité. Je pense à l’Allemagne, par exemple, et aux États-Unis. Y a-t-il un pays où la situation est pire que la nôtre?

La sénatrice Dasko : C’est une excellente question, sénatrice Omidvar. Je n’ai pas de réponse étoffée à vous donner parce que je n’ai pas étudié cette question sur la scène internationale. Je crois toutefois que tout le monde ici est au courant des batailles et des conflits, en particulier entre les municipalités et les gouvernements provinciaux.

Au Sénat, nous avons des politiciens municipaux, d’anciens maires et des personnes qui se sont investies dans la politique municipale : ils ont parcouru ces corridors. Ils savent quels sont les problèmes, et ces problèmes sont vraiment très difficiles à régler.

Ce que je tente de faire valoir, c’est qu’il est possible de tirer son épingle du jeu en s’entendant bien avec les autres ordres de gouvernement. Les batailles ne sont pas inéluctables. Il est possible que les résultats soient avantageux pour tous. Par exemple, lorsque j’observe les politiciens fédéraux et provinciaux, de l’Ontario, je vois qu’ils peuvent très bien s’entendre ou se livrer bataille. Tout dépend de la situation politique. J’ai toutefois remarqué qu’il est possible pour deux ordres de gouvernement de très bien s’entendre, ce qui est avantageux pour tous, y compris pour eux.

Nous ne changerons pas la situation constitutionnelle du pays en ce qui concerne les champs de compétence. Je pense que nous devons composer avec ce que nous avons. Nous pouvons toutefois faire un bien meilleur travail, et c’est le point que je voudrais faire valoir. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Banques, commerce et économie

Autorisation au comité de déposer son rapport sur les questions concernant les banques et le commerce en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Pamela Wallin, conformément au préavis donné le 30 mai 2023, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat un rapport relatif à son étude sur l’investissement des entreprises au Canada, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 20 h 59, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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