Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 144
Le jeudi 28 septembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- L’environnement et le changement climatique
- L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- Les relations Couronne-Autochtones
- Les services aux Autochtones
- L’agriculture et l’agroalimentaire
- Les relations Couronne-Autochtones
- L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- Les finances
- Le patrimoine canadien
- ORDRE DU JOUR
- La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux
- Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada
- L’ajournement
- La Loi sur le casier judiciaire
- L’étude sur les questions concernant la sécurité et la défense dans l’Arctique
- Le Sénat
- Affaires étrangères et commerce international
- Agriculture et forêts
LE SÉNAT
Le jeudi 28 septembre 2023
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
The Suburban
Félicitations à l’occasion de son soixantième anniversaire
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à deux personnalités marquantes de la communauté anglophone de Montréal et fervents défenseurs de ses intérêts : MM. Michael Sochaczevski et Beryl Wajsman.
M. Sochaczevski est éditeur du Suburban, le plus important journal de langue anglaise du Québec, alors que M. Wajsman en est le rédacteur en chef.
Le 15 septembre dernier, M. Sochaczevski, M. Wajsman et The Suburban ont remporté les honneurs au Concours des journaux régionaux canadiens 2023 dans six catégories prestigieuses. Ils ont notamment été primés dans les catégories du meilleur journal toutes catégories confondues, de la meilleure page éditoriale et de la meilleure page frontispice pour le journal ayant un tirage de 17 500 exemplaires et plus.
De son côté, M. Wajsman a remporté une mention spéciale dans deux catégories, soit celle du meilleur éditorial national et celle du meilleur reportage, qui portait sur les débats du Sénat. Même avant ma nomination, j’appréciais déjà la couverture que The Suburban offre de la politique nationale et des travaux du Sénat.
J’ai toujours admiré l’engagement indéfectible de M. Wajsman envers le journalisme, son engagement communautaire, sa passion pour le reportage et le commentaire sur l’actualité, et sa loyauté envers ses lecteurs.
Cette année marque également le 60e anniversaire du Suburban. Pendant six décennies, The Suburban a servi notre communauté et enrichi la vie de ses lecteurs grâce à sa couverture fiable de l’actualité et à son intégrité journalistique, deux principes que la famille Sochaczevski et M. Wajsman ont à cœur.
En effet, avec un tirage de plus de 50 000 exemplaires et un site Web bien conçu, convivial et à la minute près, le Suburban reste une source d’information sur laquelle vous pouvez compter pour obtenir des reportages de qualité sur les questions locales, régionales, nationales et internationales, ainsi que des articles d’opinion et des éditoriaux diversifiés.
Je suis sûr que tous les sénateurs seront d’accord avec moi pour dire qu’il est essentiel d’avoir une industrie canadienne de l’information forte, indépendante et fiable pour servir l’intérêt du public. Il s’agit de la pierre angulaire de toute société démocratique.
Le journalisme de qualité est menacé. Les citoyens disposent d’une pléthore d’options en ce qui concerne la manière dont ils consomment leurs informations. De nombreuses sources sont peu fiables, partisanes, subjectives et trompeuses ou malavisées sur le plan des faits.
Heureusement, le Suburban, comme bien d’autres journaux au Canada, continue à défendre les valeurs les plus importantes liées à un journalisme de qualité, c’est-à-dire l’exactitude, la fiabilité, l’indépendance et le respect, tant pour l’histoire que pour l’auditoire.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter Michael Sochaczevski, le rédacteur en chef Beryl Wajsman et toute l’équipe du Suburban pour son excellence journalistique et pour avoir reçu plusieurs prix au Concours des journaux régionaux canadiens de 2023, qui a eu lieu au début du mois.
Merci.
La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, le 30 septembre a été désigné comme Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. C’est une journée qui revêt un sens profond pour notre pays.
L’histoire des Autochtones du Canada est caractérisée par la résilience et la force de ses peuples, et elle est marquée par une injustice profonde. Pendant des générations, les communautés autochtones ont été colonisées, dépossédées de leurs terres, obligées à s’assimiler et forcées de subir les horreurs du système des pensionnats. Ces chapitres sombres de notre histoire ont laissé des cicatrices indélébiles qui continuent de toucher aujourd’hui les personnes, les familles et les communautés autochtones.
Pendant trop longtemps, les expériences et les souffrances des peuples autochtones du Canada ont été marginalisées, ignorées, voire niées. Or, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation nous rappelle qu’il est temps de regarder en face cette partie douloureuse de notre histoire, d’écouter les récits des survivants, de nous inspirer de leur sagesse et d’entamer un dialogue constructif.
La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est davantage qu’une date au calendrier. C’est un mandat de changement, un appel pour que nous reconnaissions collectivement la vérité au sujet de notre passé et que nous travaillions à construire un avenir meilleur.
Cette journée est l’occasion de réfléchir aux conséquences dévastatrices des politiques d’assimilation culturelle qui ont séparé les enfants autochtones de leur famille, en plus de les couper de leur langue et de leur culture.
Elle permet de se souvenir des milliers d’enfants qui ne sont jamais revenus de ces pensionnats et d’honorer les survivants qui ont porté le poids de leur traumatisme pendant des générations.
Cette journée témoigne de notre détermination à reconnaître les vérités douloureuses de notre passé et à travailler ensemble pour bâtir un avenir plus juste et plus inclusif.
C’est également un jour d’espoir qui nous rappelle notre responsabilité collective de parvenir à la réconciliation. Pour y arriver, nous devons nous attaquer aux injustices systémiques qui persistent encore aujourd’hui, notamment l’accès inadéquat à l’eau potable, au logement et à l’éducation dans les communautés autochtones.
La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation offre l’occasion de réfléchir, de tenir compte de notre histoire et de nous engager à bâtir un avenir plus juste et équitable.
Bâtissons ensemble un Canada où les blessures du passé auront été guéries, où la vérité aura été mise au jour et où la réconciliation ne sera pas uniquement une aspiration, mais une réalité concrète pour tous.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres du Cercle des survivants du Centre national pour la vérité et la réconciliation. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Francis, ainsi que sa femme, Georgina Francis, sa fille, Kateri Coade, et sa petite-fille, Kiara Coade.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation
L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en prévision de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, qui est le résultat direct du courage, de la détermination et des efforts des survivants.
En ce jour solennel, l’île de la Tortue est appelée à rendre hommage aux enfants autochtones qui ont souffert et sont morts inutilement dans les pensionnats autochtones, les externats autochtones et les sites connexes.
Le gouvernement, les Églises et la société en général ont dit à des générations d’entre nous que nous étions moins importants, moins méritants et moins humains que les autres. Pour eux, nous étions des sauvages qui n’arriveraient à rien. Bien sûr, il s’agit de croyances racistes et discriminatoires sans fondement. Toutefois, lorsqu’on est forcé d’avoir honte de qui on est et d’où on vient, il faut une vie entière pour croire le contraire, surtout lorsque certains ne nous considèrent toujours pas comme des égaux.
Chers collègues, je suis fier de dire que, malgré la façon affreuse dont les Autochtones ont été et continuent d’être traités, nous avons survécu et sommes toujours là. Nous sommes ici depuis des temps immémoriaux et nous n’allons nulle part. Il reste encore des progrès à faire, mais j’ai bon espoir pour notre avenir. Ma fille, Kateri, et ma petite-fille, Kiara, qui sont ici aujourd’hui, sont une source d’inspiration pour moi, et je ne peux imaginer laisser un meilleur héritage.
Je sais que nos enfants et nos petits-enfants veilleront à ce que la véritable histoire du pays que nous partageons ne soit jamais oubliée. Ce sont eux qui dirigeront les efforts visant à aider notre peuple et nos communautés à se rétablir, à se reconstruire et à prospérer.
En même temps, chers collègues, j’ai le cœur lourd parce que, après des décennies de lutte pour être entendus, crus et soutenus, des survivants, de même que nos familles et nos communautés, continuent d’être victimes de la violence de l’indifférence et du déni. Il y a ceux, par exemple, qui cherchent à rejeter, à minimiser et même à ridiculiser ce qui est arrivé aux enfants autochtones lorsqu’ils étaient sous la tutelle de l’État et des Églises, y compris leurs enterrements dans des lieux non marqués. En outre, des obstacles — tels que le manque d’accès aux archives et aux lieux — continuent d’empêcher les familles et les collectivités de trouver des réponses. Il s’agit là de quelques-uns des problèmes urgents qui entravent la recherche de la vérité, de la justice et de la guérison.
(1410)
Honorables sénateurs, durant la période entourant le 30 septembre, j’espère sincèrement que vous prendrez tous le temps d’apprendre, de réfléchir et de participer à des activités éducatives et commémoratives. En tant qu’institution, nous devons assumer la responsabilité de notre rôle dans les préjudices passés et présents infligés aux populations autochtones et travailler chaque jour pour y remédier de manière significative.
Wela’lin. Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
Le Festival international du film black de Montréal
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, c’est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd’hui pour souligner la 19e édition du Festival international du film black de Montréal, tenu en personne et en ligne, du 27 septembre au 1er octobre 2023.
C’est un festival audacieux qui vise à favoriser le développement de l’industrie du cinéma indépendant et à mettre en valeur plus de films sur les réalités des Noirs de partout dans le monde. C’est un regard nouveau sur le cinéma black qui offre des bourses et des prix d’excellence.
Le FIFBM, anciennement le Festival du film haïtien de Montréal, est devenu non seulement le plus important festival du genre au pays, mais aussi un acteur incontournable de la diversité culturelle au Québec.
Félicitations à Fabienne Colas et à toute son équipe organisatrice pour cette 19e édition. Merci.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, depuis ma nomination à la Chambre haute, j’ai consacré beaucoup de temps à faire de l’agripromotion pour défendre les intérêts des agriculteurs, des transformateurs et des producteurs d’un océan à l’autre.
Au cours des derniers mois, j’ai discuté avec de nombreux agriculteurs, producteurs et groupes de revendication passionnés de leurs préoccupations au sujet des négociations actuelles sur l’adhésion du Royaume-Uni à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Je partage leurs préoccupations. En adhérant à cet accord, le Royaume-Uni aura un accès sans précédent aux marchés canadiens du bœuf et du porc, alors que les producteurs canadiens ne pourront pas exporter leurs produits de haute qualité vers les marchés britanniques. En tant que pays commerçant, cela procure un avantage indu aux marchés étrangers. Pendant que le Royaume-Uni pratique un certain degré de protectionnisme commercial pour contrôler ses marchés intérieurs, le Canada expose ses précieux systèmes alimentaires à un risque en permettant à des produits étrangers de pénétrer son marché, plaçant ainsi les agriculteurs canadiens en position désavantageuse. Il est crucial que les agriculteurs du Canada se voient offrir les mêmes possibilités pour qu’ils puissent continuer d’exporter leurs produits.
L’Association canadienne des bovins, le Conseil canadien du porc et le Conseil des viandes du Canada se sont élevés contre les conséquences de l’adhésion du Royaume-Uni au partenariat s’il n’y a pas de renégociation, ainsi que contre les faussetés répandues afin de justifier les barrières non tarifaires visant l’accès au marché du Royaume-Uni. Ce qui les inquiète, chers collègues, c’est le refus d’accepter le système canadien d’inspection des viandes, qui est reconnu comme un des meilleurs au monde. Le Royaume-Uni n’accepte pas les systèmes et les mesures de salubrité alimentaire et de santé animale du Canada, et ces barrières non tarifaires limitent l’accès au marché du Royaume-Uni. De plus, les mesures tarifaires ne sont pas réciproques, ce qui fait en sorte que nous avons accordé un accès complet au bœuf et au porc britannique sur le marché canadien sans bénéficier d’un accès identique en retour.
J’exhorte mes collègues et le gouvernement à songer aux conséquences qu’entraîne l’adhésion du Royaume-Uni. Je crois qu’il est grand temps de nous pencher sur les barrières non tarifaires qui limitent le libre accès de nos produits alimentaires de grande qualité sur les marchés mondiaux. Le Canada ne cesse de travailler avec diligence pour nourrir le pays et le reste de la planète, et nous devons continuer de protéger nos précieux systèmes alimentaires.
Merci. Meegwetch.
[Français]
Joyce Echaquan
Le troisième anniversaire de son décès
L’honorable Michèle Audette : Bonjour à tous. Tshinashkumitin.
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour commémorer la mémoire de feu Joyce Echaquan. Voilà trois ans qu’elle nous a quittés. Cette femme atikamekw, une maman, est décédée dans des conditions inhumaines, inacceptables, sous une pluie de propos racistes, discriminatoires, inacceptables. Même la vidéo, qui est choquante, peut vous le démontrer; elle a fait le tour de la planète en quelques secondes.
Le 28 septembre 2020, le sort de notre douce guerrière Joyce Echaquan aurait pu se dessiner autrement. Elle serait peut-être tout simplement encore là aujourd’hui si nous avions fait les choses autrement.
Dans son rapport, la coroner Me Géhane Kamel a même écrit que le racisme ou la discrimination ont peut-être contribué à son décès. Elle demande au gouvernement du Québec d’aller plus loin, de reconnaître l’existence du racisme systémique au sein de ses propres institutions et de travailler fort pour éliminer ce que vivent des femmes comme Joyce Echaquan.
En réponse à cela, le gouvernement du Québec a récemment déposé le projet de loi no 32 sur la sécurisation culturelle. Je dois dire qu’on aurait eu la chance d’avoir dans son intégralité le Principe de Joyce.
Le Canada s’est également engagé à faire des avancées pour lutter contre le racisme et la discrimination. Je comprends aussi qu’on élabore un projet de loi sur la santé des Autochtones pour lutter contre le racisme et la discrimination.
Dans mon cœur, je me dis que lorsqu’on arrive à l’hôpital, on a le droit d’être reçu avec dignité, respect et sans discrimination ni racisme. J’ai hâte que ce projet de loi soit déposé à l’autre Chambre et qu’il arrive ici, au Sénat, afin qu’on puisse tous et toutes ensemble honorer la mémoire de Joyce et des milliers de personnes qui sont parties en silence.
J’ai fait une promesse à son conjoint, Carol, à sa maman, Diane, et à une communauté de marcher à côté de Joyce Echaquan. Je sais que beaucoup de personnes ici, dans cette enceinte, le feront aussi.
Je vous remercie. À la famille, je vous dis que je vous aime. Aujourd’hui est une journée difficile, mais nous avons cette responsabilité collective de faire en sorte que toutes les femmes, peu importe leur culture ou leur origine, soient traitées avec dignité lorsqu’elles arrivent à l’hôpital.
Merci.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
Droits de la personne
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer ses rapports sur les questions concernant les droits de la personne en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat ses rapports portant sur des questions concernant les droits de la personne en général, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
[Français]
Le Sénat
Préavis de motion concernant la crise humanitaire dans le Haut-Karabakh
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Sénat prenne note :
a)de l’aggravation de la crise humanitaire dans le Haut‑Karabakh en raison du blocus permanent du corridor de Latchine par l’Azerbaïdjan et de l’intensification des agressions militaires contre les civils arméniens autochtones de la région;
b)des actions du régime Aliyev comme étant dictatoriales et en violation du droit international;
Que le Sénat demande au gouvernement du Canada :
a)de soutenir la liberté du peuple du Haut-Karabakh et son droit à l’autodétermination;
b)d’imposer immédiatement des sanctions contre le régime azéri;
c)d’exiger la réouverture immédiate du corridor de Latchine et la libération des prisonniers de guerre arméniens;
d)de fournir une aide importante, par l’intermédiaire des ONG, au peuple arménien déplacé de force de sa terre natale;
e)de protéger le peuple arménien du Haut-Karabakh par la présence de forces internationales de maintien de la paix.
(1420)
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’environnement et le changement climatique
La taxe sur le carbone
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, le premier ministre Trudeau ne semble pas comprendre le tort que sa taxe sur le carbone inflationniste inflige aux familles d’un bout à l’autre du pays, ce qui montre clairement qu’il n’écoute ni les Canadiens — ni même ses propres députés.
Sénateur Gold, dans une entrevue donnée plus tôt ce mois-ci, Ken McDonald, un député libéral de Terre-Neuve-et-Labrador, a dit ceci au sujet de la taxe sur le carbone : « Le gouvernement punit les régions rurales d’un océan à l’autre ainsi que les personnes les plus vulnérables de notre société. »
Il a raison, monsieur le leader. Pourquoi le premier ministre ne le comprend-il pas? Est-ce parce qu’il n’a jamais eu à s’inquiéter d’avoir de la nourriture dans son assiette ou d’avoir les moyens de se loger? Est-ce la raison pour laquelle il n’abolit pas la taxe sur le carbone?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La réponse courte est non. La réponse plus longue est que le premier ministre — et, en fait, le gouvernement en poste — a fait montre d’une grande compréhension. Plus important encore, il a pris des mesures pour aider les Canadiens aux quatre coins du pays à traverser la situation difficile dans laquelle ils se trouvent et qui perdure.
Je crois utile de répéter ce que j’ai dit à maintes reprises dans cette enceinte : la taxe sur le carbone, ou sur la pollution, fait partie d’une série de mesures, et elle est la plus efficace de celles axées sur le marché. Ces mesures visent à assurer la transformation de notre économie actuelle en une économie plus propre et plus durable, dans l’intérêt de notre génération et des générations à venir.
Le sénateur Plett : De toute évidence, vous avez suivi les mêmes cours d’économie que Justin Trudeau. Le budget ne s’équilibre pas par lui-même, contrairement à ce que vous pouvez croire, M. Trudeau et vous.
Monsieur le leader, je tiens à ce que ceci soit consigné au compte rendu, car c’est important. Le député libéral Ken MacDonald a dit qu’une résidante de sa circonscription lui avait téléphoné pour lui dire qu’elle n’avait plus les moyens d’acheter de l’huile de chauffage. Voici ce qu’elle a expliqué :
Je me promène dans la maison enveloppée dans une couverture. Les seuls repas où je mange du bœuf ou du poulet, c’est quand mon neveu ou ma nièce m’invitent pour le souper du dimanche.
Sénateur Gold, voilà le résultat de votre taxe sur le carbone régressive. Le député partage ce récit avec tous les membres du gouvernement Trudeau qu’il rencontre. Je le cite :
Au début, des gens me disaient que personne ne vivait vraiment comme ça [...] Je leur répondais : « Si vous croyez que personne ne vit comme ça, vous ne vivez pas dans le monde réel. »
Je vous dirais donc, à vous, sénateur Gold et au premier ministre : si vous ne croyez pas que des gens vivent comme ça à cause de cette taxe, vous ne vivez pas dans le monde réel.
Je dois admettre, monsieur le leader, que le premier ministre ne vit pas dans le monde réel. Il y a un an, 39 membres de son Cabinet ont dépensé plus de 46 000 $ en frais de traiteur pour un voyage de trois jours consacré à des discussions sur l’abordabilité — 46 000 $ pour discuter d’abordabilité. Est-ce là l’exemple de gens qui vivent dans le monde réel, sénateur Gold? Oui ou non?
Le sénateur Gold : Le récit qu’a fait le député libéral pourrait malheureusement être celui de nombreux Canadiens. Il est toutefois inexact — malgré les impressions qu’on peut avoir — de dire que c’est la taxe, ou tout autre facteur isolé, comme les cours mondiaux du pétrole ou une autre circonstance, qui fait que cette famille a du mal à joindre les deux bouts.
Ce monde réel dans lequel nous vivons — et dans lequel le gouvernement est résolu à travailler dans l’intérêt des Canadiens — est un monde dans lequel le gouvernement actuel continuera de faire les investissements nécessaires pour les Canadiens, leur foyer et leur famille, ainsi que pour l’industrie et l’économie, afin que nous puissions continuer d’avancer vers un avenir meilleur.
[Français]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les statistiques sur l’immigration
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Sénateur Gold, hier, en réponse à une question de la sénatrice Batters, j’ai été surpris de vous entendre affirmer que votre gouvernement n’était aucunement responsable de la crise actuelle du logement qui affecte dramatiquement les familles canadiennes et particulièrement les familles monoparentales.
Dans un article paru le 25 août dernier dans le Financial Post, Jack Mintz, un spécialiste de la fiscalité et de l’infrastructure urbaine nous informe que les libéraux ont accepté, en 2022, plus d’un million de nouveaux arrivants. En 2023, le pays s’apprête à recevoir plus de 1,2 million de nouveaux arrivants.
Ces deux années combinées représentent une augmentation de plus de 5,4 % de la population canadienne; c’est le triple de la moyenne des 40 dernières années, ce qui fait que le Canada est le pays ayant la plus forte augmentation démographique de tout le G20.
Comme le montre aussi une étude réalisée en août par la Banque Nationale, les mises en chantier ne représentent actuellement que le quart de l’augmentation démographique, alors qu’historiquement, les mises en chantier représentaient 61 % de l’augmentation démographique.
Sénateur Gold, avec une telle politique d’immigration hors de contrôle, croyez-vous toujours que votre gouvernement n’est pas l’auteur de cette crise du logement?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour cette question. Le gouvernement du Canada n’a jamais nié qu’il a un rôle à jouer quant aux problèmes de logement auxquels font face les Canadiens et les Canadiennes. J’ai toujours insisté sur le fait que le gouvernement du Canada travaille et doit travailler en partenariat avec les provinces, les territoires et aussi avec les entreprises privées afin de faire en sorte que nous puissions bâtir et construire plus de logements.
En ce qui a trait à l’immigration, cher collègue, le Canada a besoin des immigrants, non seulement pour continuer à enrichir notre culture, notre société et notre économie, mais, plus précisément, pour combler une pénurie de main-d’œuvre qui affecte tous les secteurs de l’économie.
Quant au logement, comme je l’ai mentionné hier, les politiques du gouvernement commencent à porter leurs fruits. Comme l’a mentionné Michael J. Cooper, le président-directeur général d’une compagnie de Toronto, Dream Unlimited Corp, grâce à l’élimination des taxes sur la construction des unités pour la location, sa compagnie prévoit construire 5 000 unités de plus partout au Canada.
Dans la même veine, l’économiste principal Marc Lee, du Centre canadien de politiques alternatives, a souligné l’importance de cette étape et de cette politique dont l’objectif est de contribuer à la croissance de notre offre de logements.
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Gold, je ne parlais pas du rôle du gouvernement, mais bien de la cause; c’est bien différent. Le Financial Post diffuse une opinion tout à fait différente de celle de l’auteur que vous citez, puisqu’il prétend qu’il y aura une accélération des prix du logement et des loyers dans les centres urbains où se trouvent majoritairement les immigrants.
Il prétend également qu’il y aura une pression énorme sur les services de santé; on sait déjà que nos hôpitaux débordent, ainsi que les écoles. Le système routier répond à peine, actuellement, à la demande du trafic routier.
Sénateur Gold, ce ne seront pas seulement les immigrants qui auront des problèmes d’emploi, de services de santé ou d’infrastructure. Ce sont les Canadiens qui, déjà, commencent à souffrir de cette immigration tout à fait incontrôlée.
Sénateur Gold, en ce qui a trait à la crise du logement que le Canada vit actuellement, êtes-vous toujours persuadé qu’elle s’est créée toute seule?
Le sénateur Gold : Non. La situation est beaucoup plus nuancée, comme tout le monde le sait, franchement, cher collègue. Il n’est pas question de créer une dichotomie artificielle entre les deux positions. Bref, le Canada a besoin des immigrants.
(1430)
La politique du gouvernement du Canada est fondée sur des consultations auprès des provinces et des territoires, car ces derniers ont aussi besoin d’immigrants et de main-d’œuvre pour la survie de plusieurs de leurs communautés et même de leur économie. Le gouvernement essaie de trouver un juste équilibre entre les niveaux d’immigration et les besoins du Canada.
De plus, comme vous l’avez souligné — et avec raison —, les services sociaux et éducatifs sont nécessaires pour que tous les Canadiens, incluant les immigrants, puissent en bénéficier afin d’avoir une qualité de vie acceptable au Canada.
[Traduction]
Les relations Couronne-Autochtones
Les langues autochtones
L’honorable Margo Greenwood : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Le 30 septembre, ce sera la troisième Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Il n’y aura pas de célébrations ni de festivités ce jour-là. On invite plutôt les Canadiens à réfléchir aux séquelles laissées par les pensionnats et à envisager des moyens pour faire avancer la réconciliation.
Les peuples et les gouvernements autochtones ont demandé au gouvernement fédéral de reconnaître les langues autochtones comme langues officielles. La Commission de vérité et de réconciliation et les comités parlementaires ont souligné l’importance de reconnaître les langues autochtones comme nos premières langues et de faire avancer la cause de la réconciliation. Dans ses appels à la justice, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a déclaré :
Nous demandons à tous les gouvernements de reconnaître les langues autochtones comme langues officielles, et de veiller à ce qu’elles bénéficient du même statut et des mêmes protections que le français et l’anglais [...]
Sénateur Gold, le gouvernement va-t-il répondre à cet appel et s’engager à reconnaître les langues autochtones comme langues officielles?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Si le français et l’anglais sont les deux langues officielles reconnues dans la Constitution, comme nous le savons tous, la réalité est que plus de 70 langues autochtones sont parlées au pays. Comme nous le savons aussi, nombre de ces langues sont tragiquement en situation de vulnérabilité et ont besoin d’une protection proactive.
Cependant, un amendement constitutionnel est une chose compliquée. Cela étant dit, nous pouvons et nous devons élever, protéger et célébrer les langues autochtones. Le gouvernement s’est engagé à le faire et à soutenir les langues autochtones dans le cadre des efforts de réconciliation. Il a notamment fait adopter la Loi sur les langues autochtones et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Par ailleurs, le gouvernement s’est récemment réengagé à favoriser l’accès aux services fédéraux en langues autochtones, comme le prévoit le plan d’action de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de juillet dernier.
Cela est et demeure une priorité du gouvernement.
Les pensionnats autochtones
L’honorable Margo Greenwood : On estime que 150 000 enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont été arrachés à leur famille et forcés d’abandonner leurs traditions, leur langue, leur culture et leur identité. De nombreux enfants ont été agressés physiquement et sexuellement dans les pensionnats autochtones, et des milliers d’entre eux n’ont jamais revu leur famille. La violence et les traumatismes intergénérationnels perpétués par l’État et l’Église continuent d’affecter les peuples autochtones dans l’ensemble du Canada.
Cependant, la vérité est menacée par la montée inquiétante d’une forme de négationnisme. En effet, des gens qui dénient les drames survenus dans les pensionnats autochtones ont récemment tenté de déterrer des tombes anonymes, car ils refusaient de croire que des enfants autochtones étaient inhumés à cet endroit.
Sénateur Gold, que fait le gouvernement pour lutter contre la montée du négationnisme au sujet des pensionnats autochtones au Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir souligné les préjudices que le négationnisme cause aux familles, aux communautés et à nos chances d’œuvrer à la réconciliation.
C’est l’une des questions qui ont été soulevées par Kim Murray, l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, qui travaille sur ce dossier, comme vous le savez. À son instigation, le Comité des peuples autochtones s’est attaqué directement à ce dossier en convoquant comme témoins des groupes qui, selon elle, sont peu disposés à transmettre des documents et des renseignements concernant les pensionnats autochtones.
Mettre au jour et communiquer toute la vérité qui se cache derrière ce qui s’est produit est un élément essentiel du chemin qu’il reste à parcourir. Le gouvernement continuera de soutenir les peuples et les communautés autochtones, la recherche de la vérité et la recherche de guérison. Sans la vérité, il ne peut pas y avoir de réconciliation, et l’un des engagements du gouvernement consiste à collaborer à l’accomplissement de cette tâche d’envergure.
Les services aux Autochtones
Les transferts en matière de santé
L’honorable Pat Duncan : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, les Canadiens ont dernièrement vu le gouvernement fédéral augmenter les fonds qu’il verse aux provinces et aux territoires au titre des soins de santé. Avec ces hausses de financement, le Canada a établi certaines normes pour chaque province et chaque territoire. Les soins de santé destinés aux Autochtones sont d’ailleurs de compétence fédérale. Comme l’a exprimé l’ancien premier ministre du Manitoba Gary Doer, le Canada la 14e province à la table lorsqu’il s’agit de financer les soins de santé des Premières Nations.
On a créé les programmes spécialisés comme le principe de Jordan pour pallier certaines lacunes des services existants.
Voici mes questions : A-t-on augmenté le financement destiné à la prestation des soins de santé pour les Autochtones au Canada autrement que par la création de programmes spécialisés? De plus, sénateur Gold, si on a augmenté le financement, a-t-on établi des normes pour démontrer l’efficacité ou l’amélioration de la prestation des services à la suite de l’augmentation des fonds consacrés aux soins de santé pour les Premières Nations?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.
Le gouvernement a pris des mesures et des engagements pour favoriser le retrait de tout obstacle, y compris le racisme et la discrimination, dans les systèmes de santé. Il s’agit d’un engagement clé dans le cadre du plan d’action de la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que j’ai évoqué en réponse à la question précédente.
Le gouvernement investit des fonds pour soutenir les communautés, les organismes et les autres partenaires du système de santé dans l’élaboration de mesures visant à lutter contre le racisme envers les Autochtones dans le système de santé. Ces mesures comprennent des formations à la lutte contre le racisme et la discrimination, des outils et des ressources pour les professionnels de la santé, ainsi que l’élaboration de normes.
Pour répondre à votre question sur le financement, le budget de 2022 prévoyait 4 milliards de dollars sur six ans pour garantir que les enfants des Premières Nations reçoivent le soutien dont ils ont besoin grâce au principe de Jordan, et le budget de 2023 prévoyait 171 millions de dollars supplémentaires. En février 2023, le gouvernement a également renouvelé son engagement à investir 2 milliards de dollars sur 10 ans par l’intermédiaire d’un nouveau fonds d’équité en santé autochtone afin de s’attaquer aux difficultés uniques auxquelles les peuples autochtones sont confrontés lorsqu’il s’agit d’obtenir un accès juste et équitable à des soins de qualité et adaptés à leur culture.
Pour ce qui est de la dernière partie de votre question, madame la sénatrice, au sujet des mesures d’évaluation des progrès, Services aux Autochtones Canada et l’Agence de la santé publique du Canada collaborent avec des organisations autochtones, notamment le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations et l’Inuit Tapiriit Kanatami, pour faire progresser l’élaboration d’une stratégie d’information qui permettra de repérer les lacunes dans les résultats en matière de santé et les indicateurs qui peuvent faire l’objet d’un rapport régulier.
L’agriculture et l’agroalimentaire
Le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres
L’honorable Robert Black : La question que je souhaite poser aujourd’hui s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, je suis toujours préoccupé par de nombreux problèmes qui causent encore des difficultés indues au secteur agricole. J’ai rencontré récemment des représentants de la Green Energy Trading Corporation pour en savoir davantage sur les initiatives de l’entreprise qui visent à améliorer les pratiques durables grâce à la transformation des déchets organiques agricoles en gaz naturel renouvelable. Pour ce faire, on utilise des biodigesteurs, qui s’avèrent efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et les besoins en engrais commerciaux. Les digesteurs permettent aussi de générer des revenus supplémentaires, de mieux gérer le fumier et d’améliorer la santé des sols en général.
Malheureusement, les biodigesteurs coûtent très cher, et comme nous l’avons entendu lors de réunions du Comité de l’agriculture et des forêts, l’achat d’équipement agricole nécessite des investissements sur plusieurs années. L’adoption de nouvelles pratiques durables n’est pas toujours envisageable, surtout dans les petites exploitations agricoles, le problème étant que les producteurs laitiers ne peuvent obtenir de prêts pour installer des biodigesteurs à moins d’offrir leur exploitation agricole en garantie. Il s’agit d’un obstacle de plus à la participation aux programmes d’agriculture durable et à la diversification des activités. Or, on n’offre pas de crédits à ceux qui tentent activement de trouver des solutions de rechange pour aider le Canada à atteindre ses objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques.
Sénateur Gold, ma question est la suivante. Au lieu de taxer cette industrie importante, le gouvernement va-t-il offrir le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres aux agriculteurs canadiens qui tentent activement d’adopter des solutions de rechange durables, comme les biodigesteurs, afin d’aider le Canada à atteindre ses objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques? Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de vous intéresser aux crédits d’impôt à l’investissement dans les technologies propres. En fait, il y en a cinq qui sont prévus dans le budget de 2023, et qui visent tous à promouvoir l’innovation verte au Canada. Pour le moment, ces nouveaux crédits d’impôt s’appliquent aux énergies propres, à la fabrication, à l’hydrogène et au stockage du carbone.
(1440)
En outre, le budget de 2023 a élargi le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres — créé à l’origine en 2022 —, qui a fait l’objet de vastes consultations publiques de la part du gouvernement entre août et le début de ce mois-ci. De manière plus générale, j’ai été informé que le gouvernement souhaite tripler le financement disponible pour les technologies propres dans les exploitations agricoles, y compris pour les énergies renouvelables, l’agriculture de précision et l’efficacité énergétique. Je ne manquerai pas de porter la suggestion concernant les biodigesteurs à l’attention du ministre compétent.
Les relations Couronne-Autochtones
La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens
L’honorable Brian Francis : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Les survivants du pensionnat St. Anne ont passé des années à se battre pour reprendre l’examen des réclamations déposées dans le cadre du Processus d’évaluation indépendant, qui a été mis en place afin de régler les réclamations pour sévices sexuels, psychologiques ou physiques graves conformément à la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Or, le gouvernement du Canada a dépensé des millions pour se battre contre les survivants devant les tribunaux et il refuse de divulguer les documents qui pourraient corroborer les réclamations de sévices qui ont été précédemment rejetées par les adjudicateurs qui décident du montant des indemnités.
En prévision de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, je pose la question suivante : le gouvernement du Canada mettra-t-il fin aux poursuites engagées contre les survivants du pensionnat St. Anne et divulguera-t-il tous les documents pertinents?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Elle souligne qu’il y a encore beaucoup de travail à faire de part et d’autre. À cet égard, je ne connais pas la réponse à votre question, mais je ne manquerai pas de porter cette préoccupation importante à l’attention du ministre compétent.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
L’examen pour la citoyenneté
L’honorable Salma Ataullahjan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, mon bureau a encore reçu de l’information troublante sur les procédures entourant les demandes de citoyenneté en ligne.
Un détenteur d’une carte de résident permanent a présenté une demande de citoyenneté en ligne, et on lui a envoyé un lien vers l’examen pour la citoyenneté. Cependant, les directives indiquaient clairement qu’il ne pouvait faire l’examen en ligne qu’entre minuit et 1 h cette nuit-là. Heureusement, le demandeur était au courant de la procédure normale et a finalement obtenu un délai de 21 jours pour faire l’examen.
De nombreux demandeurs se sont de toute évidence retrouvés dans la même situation, ce qui est inacceptable et ce qui crée un stress supplémentaire inutile pour les personnes qui ne sont pas au courant de leurs droits. Ma question est la suivante, sénateur Gold : quelles mesures sont prises pour corriger ces erreurs?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, et vous rapportez une histoire très troublante.
Des procédures internes servent à contrôler l’exécution des processus en place. J’espère que vous vous trompez et que peu de gens se sont retrouvés dans cette situation très inconfortable.
Comme je n’ai pas les détails sur le dossier en question, je ne peux évidemment pas me prononcer. Je vais assurément porter la question à l’attention du ministre concerné.
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, les problèmes ne s’arrêtent pas là. Nous avons également entendu parler d’erreurs fréquentes dans le système laissant croire à des personnes ayant présenté une demande de citoyenneté que l’heure et la date de leur cérémonie de prestation du serment ont été fixées, jusqu’à ce qu’on annule cette cérémonie à la dernière minute. Une telle erreur administrative peut avoir des conséquences importantes pour les personnes qui demandent la citoyenneté, tant sur le plan émotif que sur le plan de leur gestion de temps.
Sénateur Gold, le processus d’obtention de la citoyenneté au Canada est long, stressant et rempli d’obstacles administratifs. Pourquoi de telles erreurs administratives continuent-elles de se produire?
Le sénateur Gold : Si seulement nous avions des systèmes infaillibles! Hélas, ce n’est manifestement pas le cas. Le ministre concerné et les représentants du ministère sont responsables et consciencieux. Je vais porter cette affaire à leur attention.
[Français]
Les finances
Le coût des aliments
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Monsieur le leader, lorsqu’il a convoqué les dirigeants des grandes chaînes d’épicerie, le ministre Champagne a indiqué que, grâce à lui, les prix allaient baisser à l’Action de grâce canadienne.
La semaine dernière, après la réunion, l’objectif du ministre a changé. Il veut maintenant que la hausse des prix soit alignée sur l’inflation; autrement dit, le ministre nous dit qu’il veut que l’inflation suive l’inflation. Alors, sénateur Gold, de façon concrète, à quelle baisse de prix les Canadiens peuvent-ils s’attendre d’ici l’Action de grâce canadienne?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Sans surprise, je n’ai pas de réponse précise à cela. Les prix ne relèvent pas du gouvernement, sauf si vous proposez que le gouvernement prenne en main tout le contrôle de l’économie, ce qui n’est pas sur le radar du gouvernement ni sur celui de votre parti politique.
Le ministre a réussi à convoquer pour la première fois les grands chefs d’entreprise pour souligner l’importance qu’ils mettent la main à la pâte et qu’ils reviennent avec un programme sérieux pour faire face au défi de la hausse du coût de l’épicerie subie par les Canadiens. De plus, comme je l’ai mentionné la semaine passée, d’autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement, dans le contexte des prix des aliments, seront aussi interpellés par ce gouvernement pour faire en sorte que les Canadiens puissent obtenir un peu d’aide face à la hausse des coûts de l’épicerie.
Le sénateur Carignan : Alors, ce n’est pas tout à fait ce que le ministre a pris comme engagement : il disait qu’il allait faire baisser les prix. Manifestement, le ministre Champagne n’a aucune idée d’où il s’en va. Il nous a même dit qu’il allait parler à son homologue japonais des prix dans les épiceries canadiennes, comme si le Japon avait un rôle à jouer sur les prix payés chez Metro ou Provigo.
Le ministre parle même de taxer les épiciers, comme si l’idée d’ajouter une nouvelle taxe allait faire grimper les coûts d’exploitation et ainsi, faire baisser les prix. On a l’impression que le ministre nous fait un écran de fumée, un « show de boucane ». Monsieur le leader, est-ce que le gouvernement ne prend pas les Canadiens pour les dindons de la farce?
Le sénateur Gold : Franchement, cher collègue, et avec respect, le ministre, en consultant ses homologues des autres pays, en faisant des recherches sur ce qui se passe soit en France, en Angleterre ou ailleurs, cherche à apprendre ce que font les autres pays qui font face au même problème d’inflation du coût de la vie. C’est ce que le gouvernement fait et que le ministre fait en cherchant les solutions appropriées à mettre en œuvre ici, au Canada.
Comme je l’ai déjà expliqué, le gouvernement attend la réponse des grandes chaînes avant de décider quoi faire. On attend que ceux et celles ou que les compagnies largement responsables d’établir les prix des œufs, du lait et d’autres aliments nous reviennent avec un plan d’action. C’est à ce moment que le gouvernement décidera ce qu’il fera.
Le patrimoine canadien
Les langues autochtones
L’honorable René Cormier : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement du Sénat.
Sénateur Gold, l’article 3 de la Loi sur la protection de la langue inuit du Nunavut oblige les organismes du secteur public opérant sur ce territoire, notamment les ministères, organismes ou institutions du gouvernement fédéral, à fournir leurs services destinés au public et à afficher leurs panneaux en langue inuit.
Or, lors de ma visite au Nunavut au mois de mai dernier, la commissaire aux langues du Nunavut, Mme Karliin Aariak, m’a confié que les institutions fédérales ne se sentent pas obligées de respecter cet article de la loi. Pourtant, des juristes ont déjà affirmé que le Nunavut possède le pouvoir de légiférer en matière de langue sur son territoire, y compris en ce qui concerne les institutions fédérales.
Ma question pour vous est la suivante : considérant l’importance de la langue inuit pour le développement culturel et identitaire des peuples autochtones du Nunavut, comment le gouvernement fédéral va-t-il s’assurer que ses institutions fédérales respectent leurs obligations en vertu de cette loi?
(1450)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Le gouvernement est tout à fait d’accord sur l’importance d’offrir des services en inuktitut.
Plusieurs ministères fédéraux offrent des services en inuktitut et le gouvernement est en train d’élargir et de renforcer ses efforts conformément à la Loi sur les langues autochtones, et ce, avec le soutien du commissaire aux langues autochtones. Ce travail est appuyé par les investissements importants que le gouvernement fait dans ce domaine, soit 840 millions de dollars depuis 2019 pour revitaliser les langues autochtones partout au Canada.
Il y a une question technique, à savoir si les services fédéraux sont assujettis à la loi fédérale ou territoriale, mais cela ne change pas l’engagement du gouvernement à protéger et à faire la promotion des langues autochtones et de l’inuktitut dans le Nord et des langues autochtones partout au pays.
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.
Le sénateur Cormier souhaite poser une question complémentaire. Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Cormier : Merci, chers collègues.
Lors de cette visite au Nunavut, Mme Aariak m’a aussi confié que la Loi sur les langues autochtones fédérale n’a pas assez de « mordant », surtout en ce qui concerne le rôle du commissaire aux langues autochtones.
Étant donné que cette loi, qui a été adoptée en juin 2019, prévoit un examen quinquennal de ses dispositions, le gouvernement fédéral compte-t-il se conformer à ses obligations à l’égard du respect des droits de gouvernance et d’autodétermination des peuples autochtones du pays?
Le sénateur Gold : Merci pour la question.
La Loi sur les langues autochtones est une étape historique pour ceux qui travaillent à la protection et à la promotion des langues autochtones. Bien sûr, il faut continuer de renforcer et d’élargir ces efforts. L’examen prévu par la loi aura lieu et, dans le cadre de cet examen, les commentaires fournis par les partenaires et les communautés autochtones seront d’une importance capitale pour déterminer la manière dont la loi atteint ses objectifs et les domaines dans lesquels des améliorations doivent être mises en œuvre.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux
Projet de loi modificatif—Message des Communes
Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), accompagné d’un message informant le Sénat qu’elle a adopté ce projet de loi sans amendement.
[Français]
Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moodie, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada. Je me réjouis de l’arrivée de ce projet de loi au Sénat, car il solidifie un projet de société indispensable en matière d’accès au marché du travail pour les parents canadiens, et plus particulièrement pour les mères canadiennes. L’accès au marché du travail, pour plusieurs d’entre elles, dépend en grande partie de l’accès à un service de garde abordable.
[Traduction]
Mon discours vise à mettre en lumière les enjeux d’équité en matière d’accès aux services de garde dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le projet de loi à l’étude est l’occasion de nous donner les moyens de nos ambitions et de faire en sorte que ces enfants aient accès à des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants de qualité équivalente à ceux auxquels a accès la majorité anglophone.
Pour les parents francophones, l’accès à des services de garde d’enfants en français est une question de survie linguistique puisqu’on assiste à la diminution constante du poids démographique des francophones au sein du Canada. Pour ces parents, la transmission de leur langue — dès le plus jeune âge — permet à leurs enfants d’accéder à l’enseignement de la langue française tout au long du continuum en éducation. Servant de courroie de transmission linguistique et culturelle, les services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants contribuent à la survie et à la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, de génération en génération.
[Français]
La préservation de la vitalité linguistique au moyen de l’éducation de la petite enfance est également une question de droits pour ces communautés.
L’accès à des services de garde dans la langue de la minorité est indispensable à la mise en œuvre de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit le droit à l’instruction dans la langue des minorités de langue officielle.
Pour offrir des chances de succès égales aux enfants francophones, ceux-ci doivent avoir accès à des services éducatifs en français dès la petite enfance. Le milieu préscolaire prépare les jeunes enfants à l’école par la transmission de compétences langagières essentielles à leur succès pour la suite de leur parcours scolaire et académique.
L’envers de la médaille est l’assimilation. Avant même d’avoir commencé à parler, ces enfants qui n’ont pas accès à des services de garde dans leur langue sont confrontés à des pressions assimilatrices importantes, qui pourraient compromettre leurs chances de vivre en français.
De manière pratique, s’ils se retrouvent dans un milieu de garde anglophone à défaut d’avoir accès à des services en français, les parents de ces enfants pourraient favoriser leur intégration aux écoles de langue anglaise, par crainte d’un manque sur le plan des compétences langagières nécessaires à leur réussite au sein des écoles de la minorité. C’est l’un des facteurs pouvant expliquer que, petit à petit, nous voyons le poids démographique des francophones dégringoler au Canada.
Effectivement, l’accès à l’enseignement de la langue française tout au long du continuum en éducation est un défi monumental pour de nombreux parents francophones dans des provinces et territoires à majorité anglophones.
Dans un rapport de 2016 intitulé La petite enfance : vecteur de vitalité des communautés francophones, le Commissariat aux langues officielles nous faisait part des enjeux importants auxquels sont confrontés les parents francophones. Le Commissariat aux langues officielles disait notamment ceci :
Les programmes et les services à l’intention des jeunes enfants sont mis sur pied en faisant appel à divers systèmes de gouvernance, modes de financement et approches en matière de formation. Par conséquent les familles font face à un paysage hautement fragmenté ayant une variété de modèles, de critères d’admissibilité et d’exigences relativement aux frais en matière de services à la petite enfance.
Cette observation du commissariat suggère que, à la genèse d’un système national d’apprentissage et de garde de la petite enfance, les besoins des communautés francophones en situation minoritaire doivent être au premier plan.
L’encadrement législatif de ce système devrait manifestement prévoir un engagement du gouvernement fédéral pour assurer un financement de base solide à ces communautés.
Permettez-moi de vous illustrer, en évoquant quelques chiffres, les disparités qui existent dans certaines provinces à l’heure actuelle.
[Traduction]
Selon les données du recensement de 2021 de Statistique Canada, 141 635 enfants de zéro à quatre ans sont des francophones ayant droit à l’instruction en français au titre de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. En vertu de la Constitution, ces enfants ont le droit d’être éduqués dans leur langue dès la petite enfance. Cependant, selon la Commission nationale des parents francophones, seulement 20 % de ces enfants bénéficient de services en français. Ils sont environ 29 000 qui fréquentent des garderies préscolaires en français. Il y en a donc plus de 110 000 qui ne le font pas.
Au Nouveau-Brunswick, par exemple, sur les 1 900 places en garderies annoncées seulement 300 étaient réservées à des francophones. Ce chiffre représente à peine 16 % de la population, alors que les francophones du Nouveau-Brunswick représentent environ 30 % de la population. En Alberta, sur les 1 500 nouvelles places annoncées, seulement 19 étaient réservées aux francophones — soit un pourcentage de 0,013 % du total — alors que les francophones constituent 2 % de la population albertaine.
On observe la même tendance à l’échelle du Canada, dans toutes les provinces et les territoires. Les données du Rapport annuel sur le système de la petite enfance et des services de garde d’enfants de l’Ontario, 2022 révèlent qu’il manque 36 567 places en garderies francophones pour répondre aux besoins des enfants ontariens dont la langue maternelle est le français — et c’est sans compter les enfants dont la première langue officielle est le français, mais dont la langue maternelle n’est pas le français.
Je propose de vous donner un aperçu du projet de loi du point de vue des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Soulignons que la première version de cette mesure législative présentée à la Chambre des communes ne faisait mention ni des communautés de langue officielle en situation minoritaire ni des langues officielles. Cette question concerne tout le Canada autant que le Québec. Inutile de dire que je suis déçue de constater que les communautés linguistiques minoritaires doivent toujours être vigilantes si elles ne veulent pas que les gouvernements cessent de se préoccuper d’elles, qu’il s’agisse des gouvernements provinciaux et territoriaux ou du gouvernement fédéral.
(1500)
[Français]
S’agit-il d’une méconnaissance ou d’un oubli de l’existence des droits linguistiques de la petite enfance par le ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada, ou encore d’un manque de collaboration entre les différents ministères, dont Patrimoine canadien?
Étant donné que j’ai étudié de manière approfondie la modernisation de la Loi sur les langues officielles, je sais que les oublis de ce genre sont malheureusement courants au sein du gouvernement. Nous devons faire mieux et nous attendre à mieux afin que les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire soient intégrés d’emblée dans les projets de loi lorsqu’il est pertinent de le faire.
Le projet de loi a été adopté par le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes le 2 mai 2023.
Heureusement, des amendements adoptés au comité de l’autre endroit ont grandement bonifié le projet de loi à ce sujet. Ces amendements ont rassuré les communautés, mais des inquiétudes persistent. La Commission nationale des parents francophones (CNPF) et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), qui sont la voix des parents francophones au pays dans ce dossier, nous ont fait part de leurs inquiétudes relativement au texte de loi tel qu’il a été adopté par l’autre endroit, en soulignant l’omission des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) à l’article 8.
Trois amendements adoptés par le comité ont ajouté une mention des CLOSM dans le texte de loi.
L’article 7 énumère les objectifs des investissements fédéraux dans le domaine de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Cet article a fait l’objet d’un amendement qui a permis d’ajouter les mots « […] et de ceux issus des minorités linguistiques francophones et anglophones, qui respectent et valorisent la diversité […]» .
Le deuxième amendement adopté par le comité ajoute un paragraphe à l’article 7 en énonçant les engagements du gouvernement. Le nouveau paragraphe spécifie que :
[…] les investissements fédéraux concernant les programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants faisant l’objet d’un accord conclu avec une province sont guidés par les engagements énoncés dans la Loi sur les langues officielles.
Le troisième amendement modifie l’article 11, qui concerne les nominations des membres du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. La modification précise que les communautés de langue officielle en situation minoritaire doivent être représentées au conseil. Les peuples autochtones ont également été ajoutés à cette disposition dans le cadre du même amendement — c’était une drôle d’omission à faire.
Voilà qui montre bien l’importance d’un texte législatif fort et sans ambiguïté.
En vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, plusieurs obligations en matière de langues officielles incombent déjà au gouvernement lorsqu’il dépense des fonds en matière d’éducation de la petite enfance. Malgré le manque d’investissements, les enveloppes liées à cette loi sont habituellement attribuées au ministère du Patrimoine canadien.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, la première version du projet de loi n’incluait pas les communautés de langue officielle en situation minoritaires. Les CLOSM sont passées sous le radar du ministère de l’Emploi et du Développement social. La prudence est donc de mise dans le cadre de la rédaction d’un texte de loi qui encadrera la gestion des enveloppes par ce ministère.
Cela m’amène à me demander si le texte du projet de loi, avec les amendements apportés par le Comité des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, suffit pour assurer une mise en œuvre conforme au respect des droits linguistiques des CLOSM en vertu de l’article 23 de la Charte et conformément aux obligations du gouvernement en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Bien que la plupart des ententes bilatérales entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux prévoient des dispositions visant à répondre aux besoins des CLOSM, celles-ci sont vagues et ne prévoient pas de cible précise.
Les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont au fait de la fragilité et du caractère éphémère de ces ententes. Ces ententes bilatérales découlent ultimement de textes de loi qui doivent avoir du mordant et doivent être dépourvus d’ambiguïté.
Ce sont les leçons que nous avons tirées quand nous avons étudié le projet de loi C-13, visant à réformer la Loi sur les langues officielles.
Sur le plan de la mise en œuvre de la loi, l’omission des CLOSM dans certaines dispositions peut avoir un impact sur les programmes qui seront déployés par le gouvernement par le biais de la fonction publique, sur les politiques qui découleront du projet de loi et sur la négociation et la mise en œuvre de futures ententes avec les provinces et les territoires.
En matière d’interprétation législative, dans le cadre de l’étude des projets de loi, le législateur doit aussi se pencher sur l’interrelation entre le texte d’une loi et l’interprétation éventuelle que pourraient en faire les tribunaux. L’interprétation des lois requiert la prise en considération par les juges d’une série de facteurs qui sont pondérés en vue d’établir le sens véritable ou le meilleur sens d’un texte d’une loi.
Avec la judiciarisation des conflits linguistiques au Canada, le législateur doit prendre au sérieux cet exercice afin de rendre le texte de loi le plus clair possible et le plus fidèle à son intention véritable. Il importe d’étudier les impacts de l’omission d’une mention des communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8 notamment, car celui-ci codifie l’engagement du maintien du financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
Le projet de loi C-35 pourrait être amélioré afin de mieux prendre en compte les besoins des CLOSM. J’ose espérer que mes collègues au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sauront étudier ce projet de loi en adoptant une perspective inclusive des communautés de langue officielle en situation minoritaire, et plus particulièrement des francophones.
J’appuie le renvoi de ce projet de loi au comité dans les plus brefs délais.
Je vous remercie de votre attention.
L’honorable René Cormier : J’aurais une question à poser, si madame la sénatrice veut bien y répondre.
La sénatrice Moncion : Bien sûr, sénateur Cormier.
Le sénateur Cormier : D’abord, je veux vous remercier pour cette mise en contexte et cette préoccupation par rapport à cette loi importante pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je vous remercie également d’avoir fait un lien avec les obligations du gouvernement en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Vous avez parlé de trois ajouts qui ont été faits. Je fais référence au paragraphe qui traite des engagements et de la Loi sur les langues officielles. Sous la rubrique qui s’intitule « Engagement financier », comme vous l’avez mentionné, on dit ce qui suit :
[…] les programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants faisant l’objet d’un accord conclu avec une province sont guidés par les engagements énoncés dans la Loi sur les langues officielles.
Évidemment, vous avez parlé des défis qui se posent dans les relations bilatérales entre le gouvernement fédéral et les provinces. Je viens du Nouveau-Brunswick, et il y a, au Nouveau-Brunswick, un défi majeur sur le plan du non-respect de la Loi sur les langues officielles. Vous donnez des chiffres très clairs sur la situation presque discriminatoire qui existe entre les communautés anglophone et francophone. Je crois qu’il serait opportun d’entendre les décideurs du Nouveau-Brunswick, qui pourront nous éclairer sur leurs obligations et sur la façon dont le projet de loi C-13 sera respecté, en tenant compte des obligations de la Loi fédérale sur les langues officielles.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, sénateur. Il serait important qu’on entende les personnes impliquées dans ces fameux calculs, car elles peuvent nous procurer les liens... Nous manquons de temps et je ne sais pas si on pourra nous en accorder un peu plus.
Son Honneur la Présidente : Consentez-vous à accorder plus de temps à la sénatrice Moncion pour terminer sa réponse au sénateur Cormier?
Des voix : Oui.
La sénatrice Moncion : Merci, chers collègues.
Le groupe qui s’occupe de cette question nous a envoyé les chiffres en dollars et en nombre de places en garderie. Oui, nous allons vous donner cette information. Nous allons demander au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’inviter ces gens, car ils ont vraiment beaucoup d’information qui a été recueillie d’un océan à l’autre. Ces gens-là, avec la FCFA, seront en mesure de nous aider à bien encadrer la révision de la loi pour reconnaître et faire respecter tant les droits des francophones à l’extérieur du Québec que ceux des anglophones au Québec.
Je ne pense pas répondre complètement à votre question, mais je crois que, dans l’étude de ce dossier, on va veiller au grain, comme on dit, et que certaines personnes garderont un œil de lynx sur le projet de loi et sur les répercussions qu’il peut avoir sur les familles francophones à l’extérieur du Québec et sur les familles anglophones au Québec.
(1510)
[Traduction]
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada à titre de porte-parole officielle.
Je veux d’abord souligner l’importance et la nécessité des services de garde et d’éducation préscolaire. En tant que mère et ex‑éducatrice, je comprends très bien la nécessité absolue de services de garde accessibles et de qualité.
En principe, j’appuie l’objectif du projet de loi C-35, qui est d’offrir à toutes les familles canadiennes des services de garde accessibles, abordables et de qualité. Cependant, il y a quelques éléments qui me préoccupent dans le projet de loi et que je voudrais aborder en tant que porte-parole.
Le projet de loi C-35 propose d’inscrire dans la loi les principes du Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants et il fait également référence au Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones pour ce qui est des principes qui guident le financement. Permettez-moi, chers collègues, de parler brièvement de ces deux cadres.
Le Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants :
[...] énonce les principes qui guident le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux dans la concrétisation de la vision selon laquelle tous les enfants au Canada ont accès à des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de qualité qui favorisent leur développement et qui leur permettent d’atteindre leur plein potentiel.
Il sert de fondement aux ententes sur l’éducation préscolaire et les garderies que le gouvernement a signées avec chacune des provinces et chacun des territoires.
Le deuxième, le Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones, a été élaboré par le gouvernement du Canada en collaboration avec les peuples autochtones et il :
[...] énonce les principes qui guident les intéressés dans la concrétisation de la vision selon laquelle tous les enfants et toutes les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis sont appuyés par un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants qui est coordonné, exhaustif, enraciné dans les connaissances, les cultures et les langues autochtones et dirigé par les peuples autochtones.
Si les cadres nationaux peuvent être utiles comme lignes directrices générales, ils peuvent, en revanche, ne pas tenir compte de spécificités régionales et locales.
Dans un pays aussi grand et culturellement riche que le Canada, une approche universelle risque de ne pas tenir compte des besoins précis de chaque province, de chaque famille et de chaque communauté, ce qui risque d’entraîner des disparités au niveau de la qualité et de l’accessibilité des services. Il est essentiel de mettre en place des cadres souples afin de répondre aux besoins régionaux et culturels de tous les Canadiens, d’un bout à l’autre du pays.
Dans le cadre de l’étude de ce projet de loi au comité, je pense que nous devons nous poser trois questions au sujet de l’importance des initiatives régionales en matière de services de garde d’enfants pour ce qui est de favoriser le développement de l’enfant, de soutenir les parents qui travaillent, et d’encourager le dynamisme de la communauté:
Premièrement, le projet de loi tient-il compte de l’importance d’adapter les solutions aux besoins régionaux? Les initiatives régionales en matière de services de garde d’enfants permettent d’adapter les services aux besoins précis des communautés. Elles tiennent compte de facteurs tels que la composition démographique, la diversité culturelle et les conditions économiques, tout en veillant à ce que les programmes de garderies soient pertinents et efficaces dans leurs contextes précis.
Deuxièmement, le projet de loi traite-t-il de l’accessibilité et de l’abordabilité? En se concentrant sur des solutions régionales, les initiatives peuvent cibler les régions où l’accès à des services de garde de qualité est limité, dans le but de rendre ces services plus accessibles et abordables pour les familles, en particulier celles qui résident dans des régions mal desservies ou éloignées, et d’aider les parents à réintégrer le marché du travail sans sacrifier la qualité des soins que reçoivent leurs enfants.
Troisièmement, le projet de loi tient-il compte de l’importance de l’engagement et de la collaboration communautaires? Les initiatives régionales encouragent la collaboration entre les intervenants locaux, notamment les parents, les éducateurs et les décideurs politiques. Cet effort collectif favorise un sentiment de mobilisation et d’adhésion de la collectivité à l’égard de l’élaboration des programmes de garde d’enfants, ce qui conduit à de meilleurs résultats pour les enfants.
En procédant à l’examen approfondi des nuances du Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones, on constate que son élaboration conjointe, bien que louable, soulève certaines questions quant à l’étendue de cette collaboration. On peut se demander si toutes les collectivités autochtones ont été représentées de manière égale.
L’accent mis sur le fait d’être « enraciné dans les connaissances, les cultures et les langues autochtones » est important, mais on risque d’homogénéiser les diverses cultures autochtones dans une interprétation unique. La reconnaissance de la diversité respecte l’autonomie des communautés autochtones. Elle leur permet de façonner leurs propres systèmes éducatifs, afin de veiller à ce que l’éducation corresponde à leurs valeurs et à leurs besoins uniques sur le plan culturel.
Alors que nous sommes aux prises avec les complexités des cadres nationaux et leurs répercussions sur les diverses collectivités, nous devons également porter notre attention sur les défis pressants que constituent la demande et la disponibilité limitée des éducateurs de la petite enfance.
Selon le directeur de la responsabilité financière de l’Ontario, la demande va dépasser de 220 000 places en garderie les plans d’expansion actuels d’ici 2026, ce qui est ahurissant. Cet écart imminent en matière de places disponibles est aggravé par une diminution préoccupante de la main-d’œuvre. Selon Statistique Canada, le nombre d’emplois dans les services de garde a chuté de 21 % pendant la pandémie de COVID-19, par rapport à 3 % dans les autres professions au Canada.
Un article du Rapport sur l’éducation à la petite enfance a présenté les résultats suivants tirés de récents sondages menés auprès du personnel de garderies accréditées au Canada. En Alberta, 62 % des exploitants de garderies ont dû recruter du personnel au cours des deux dernières années; près de 30 % rapportent des problèmes d’embauche; et 6 % ont eu des postes vacants pendant plus de quatre mois. À l’Île-du-Prince-Édouard, 82 % des exploitants ont de la difficulté à embaucher du personnel possédant les qualifications nécessaires.
La majorité des éducateurs de la petite enfance qui ont démissionné en Ontario l’ont fait pour chercher un emploi ailleurs que dans des garderies accréditées. Cette baisse démontre qu’il est difficile de répondre à la demande quant à l’embauche de personnel qualifié et qu’il est important de valoriser et de soutenir nos éducateurs.
Il faut donc se demander si le projet de loi C-35 permet de s’attaquer à cet enjeu essentiel qu’est la rémunération adéquate d’une profession dont les membres sont, historiquement, moins bien payés que leurs homologues qui enseignent de la maternelle à la 12e année, ce qui dissuade souvent les candidats éventuels de poursuivre une carrière dans ce domaine.
En plus de la faible rémunération, les éducateurs de la petite enfance reçoivent souvent une formation et un perfectionnement professionnel inadéquats. Le domaine exige des professionnels hautement qualifiés capables de favoriser le développement. Or, l’accès limité à des occasions de formation et de perfectionnement professionnel de qualité peut décourager les personnes d’amorcer ou de poursuivre une carrière dans cette profession.
Un autre aspect fondamental du projet de loi C-35 qui mérite qu’on s’y attarde est le rôle des parents dans l’éducation de leur enfant. Les parents forment indéniablement le fondement du monde d’un enfant, façonnant ses opinions, ses valeurs et ses croyances.
Les parents sont la principale source de soutien affectif et d’attachement d’un enfant. Le lien étroit formé en bas âge a une incidence profonde et durable sur le sentiment de sécurité et de bien-être affectif d’un enfant.
Les parents inculquent des valeurs sociales et morales essentielles à leurs enfants. En donnant un modèle de comportement, en enseignant l’empathie et en établissant des limites, les parents contribuent à forger le caractère et les valeurs de l’enfant. Ces leçons apprises en bas âge jettent les jalons des futures relations de l’enfant et de sa prise de décisions morales. Les parents jouent un rôle crucial dans la transmission de l’héritage culturel et de l’identité sociale. Ils exposent leurs enfants à leurs pratiques culturelles, à leurs traditions et à leurs valeurs, ce qui favorise le développement du sentiment d’appartenance et de l’identité.
L’introduction de conditions à l’admissibilité des garderies au programme du gouvernement soulève quelques questions. De quelle manière ces conditions tiennent-elles compte de la riche mosaïque de croyances et de valeurs qui sont chères aux familles canadiennes? Il est impératif que toute condition imposée respecte cette diversité et ne porte pas atteinte au droit des parents de guider le développement moral et social de leurs enfants.
Les familles canadiennes devraient avoir la liberté de choisir la formule de garde d’enfants qui correspond à leurs besoins. La force du Canada réside dans sa diversité. Ce qui convient à une famille ne convient pas nécessairement à une autre dont la situation diffère à bien des égards.
(1520)
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-35 semble favoriser les garderies publiques sans but lucratif, ce qui risque de marginaliser les garderies privées qui jouent un rôle central dans le système de garderies. Au fil des ans, les services de garde privés sont devenus des piliers essentiels pour un grand nombre de familles canadiennes. Leur force réside dans leur capacité d’offrir une vaste gamme de programmes diversifiés élaborés en fonction des besoins, des valeurs et des préférences uniques des familles. Ces fournisseurs privés comblent souvent les lacunes dans des régions où les services publics sont rares ou dans des secteurs nécessitant des services spécialisés. En marginalisant les garderies privées, le projet de loi risque de créer un réseau de garderies standardisé dénué de la richesse et de la variété qu’offrent les fournisseurs privés.
Il est crucial que la mesure législative reconnaisse et valorise la contribution des garderies privées qui appartiennent surtout à des femmes entrepreneures et qui sont exploitées par des femmes. À ce sujet, je cite ma collègue, la députée Michelle Ferreri, qui est porte‑parole du projet de loi à l’autre endroit :
L’Association des entrepreneurs en garderies de l’Alberta a déclaré que la majorité des garderies privées de la province sont dirigées par des femmes, dont bon nombre sont des immigrantes, et que cette entente et l’intention du gouvernement fédéral de privilégier un modèle de fonctionnement plutôt que l’abordabilité, l’accessibilité et la qualité des services nuira aux femmes. L’Association ajoute qu’une industrie dirigée principalement par des femmes se voit désormais mise hors circuit, et que des femmes partout dans la province sont confrontées à la faillite et à la perte de leur maison après avoir signé cette entente dans l’espoir d’avoir des services de garde d’enfants abordables.
Il faut non seulement reconnaître la contribution des entrepreneurs en garderies, mais aussi leur offrir un accès équitable aux ressources, à la formation et aux services de soutien. Le fait de les inclure et de les soutenir n’est pas uniquement une question d’équité; il s’agit de préserver la diversité et le caractère multidimensionnel des services de garde au Canada, ce qui est essentiel pour répondre aux divers besoins des familles canadiennes.
Dans le milieu diversifié des services de garde, la province de l’Alberta se démarque, alors que 67 % de ses garderies sont dirigées par des entrepreneurs. Il ne s’agit pas d’organismes publics ou sans but lucratif, mais d’entreprises, dont bon nombre répondent aux besoins de la région avec efficacité. Ce modèle, florissant en Alberta, témoigne du fait que des entreprises privées peuvent coexister harmonieusement avec les secteurs public et sans but lucratif et fournir des services de qualité.
Les fournisseurs de services de garde privés proposent un vaste éventail de services, notamment des garderies, des garderies en milieu familial et des programmes spécialisés. Cette diversité permet aux parents de choisir l’option qui convient le mieux aux besoins de leur enfant et à l’emploi du temps de leur famille, ce qui leur donne beaucoup plus de souplesse et de commodité. Les garderies privées peuvent avoir des heures d’ouverture prolongées ou atypiques, ce qui permet aux parents qui ont des horaires de travail irréguliers d’accéder plus facilement à des services de garde.
En ce qui concerne les familles qui ont des préférences culturelles ou religieuses précises, les fournisseurs de services de garde d’enfants privés peuvent offrir des programmes qui concordent avec ces valeurs et traditions, créant ainsi un milieu adapté à la culture et stimulant.
La présence de fournisseurs de services de garde privés peut stimuler la concurrence et l’innovation dans le secteur des services de garde, ce qui encourage les fournisseurs privés et publics à améliorer continuellement la qualité des services et des programmes qu’ils offrent. Il est essentiel que le gouvernement reconnaisse la valeur des contributions de ces entités privées et qu’il adopte une approche équilibrée qui ne désavantage pas par inadvertance un secteur qui a joué un rôle déterminant dans le cadre de garde d’enfants de la province.
Une autre préoccupation soulevée par la députée Ferreri dans son discours de troisième lecture porte sur le Conseil consultatif national. Elle a dit :
Les conservateurs ont proposé des amendements concrets au projet de loi de sorte que le Conseil consultatif national assure le suivi des données sur la mise en œuvre du programme de garderies, y compris la disponibilité des services de garde, le nombre de familles sur les listes d’attente pour une place en garderie et les progrès réalisés dans la réduction de leur nombre. Il s’agit de reddition de comptes et de suivi. Comment peut-on évaluer la réussite si on n’en fait pas le suivi [...] [Qu’est-]ce qui est arrivé à cet amendement? Il a été rejeté.
L’adoption d’un tel amendement aurait assurément amélioré le projet de loi, et peut-être que le comité ou le Sénat pourrait réexaminer cet amendement.
En réfléchissant aux détails du projet de loi C-35 et du plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien, on constate clairement que, même si l’intention du gouvernement de mettre en place un système national de garderies est admirable, il faut répondre à d’importantes préoccupations. Même s’il s’agit d’une somme substantielle, l’investissement de 30 milliards de dollars proposé ne pourra peut-être pas régler les problèmes multidimensionnels liés à la pénurie de main-d’œuvre, aux longues listes d’attente et au manque de places. L’analyse du directeur parlementaire du budget révèle d’autres lacunes possibles, notamment un écart important entre le nombre de places subventionnées et la demande réelle pour une politique véritablement universelle de services de garde à 10 $ par jour.
Honorables sénateurs, bien que le projet de loi C-35 représente un pas important vers un système national de garderies, il est impératif d’aborder sa mise en œuvre avec un regard critique, en veillant à ce que les divers besoins de toutes les familles canadiennes soient satisfaits, à ce que la main-d’œuvre soit valorisée et appuyée, et à ce que les leçons tirées de l’histoire guident notre cheminement.
Sur ce, je tiens à saluer le travail de la sénatrice Moodie, la marraine du projet de loi au Sénat. J’espère que le projet de loi C-35 fera l’objet d’un examen attentif et approfondi au comité. Merci.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Moodie, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 27 septembre 2023, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 3 octobre 2023, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
La Loi sur le casier judiciaire
Projet de loi modificatif—Seizième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, avec des amendements), présenté au Sénat le 26 septembre 2023.
L’honorable Brent Cotter propose que le rapport soit adopté.
— Ce rapport porte sur le projet de loi S-212 présenté au Sénat par la sénatrice Pate il y a quelque temps. Je vais prendre quelques instants pour vous présenter le projet de loi et vous parler de son examen à notre comité.
(1530)
Ce projet de loi concerne la réforme du mécanisme de suspension des casiers judiciaires au niveau fédéral, que l’on retrouve principalement dans la Loi sur le casier judiciaire. L’examen de ce projet de loi par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a donné lieu à quatre amendements qui ont été déposés par des collègues du comité.
Ce projet de loi constitue avant tout une procédure simplifiée — et dans la plupart des cas, automatique — de suspension du casier judiciaire. On parle souvent de pardon, mais la véritable structure technique décrite dans le projet de loi consiste en une suspension du casier judiciaire. Plus précisément, le projet de loi modifie la Loi sur le casier judiciaire afin de prévoir l’expiration automatique d’un casier judiciaire, à quelques exceptions près. Dans la plupart des cas, le casier judiciaire d’une personne expire automatiquement si la personne ne s’est livrée à aucune autre activité criminelle pendant une période déterminée après avoir purgé sa peine. Pour les actes criminels, cette période est de cinq ans, alors que pour les actes punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, cette période est de deux ans.
Lors de l’examen du projet de loi, les sénateurs se sont réunis huit fois et ils ont entendu 28 témoins ainsi que la marraine du projet de loi, la sénatrice Pate. Je pense que nous avons examiné le projet de loi de manière approfondie pendant une longue période.
Pour revenir à la description du projet de loi, comme je l’ai déjà dit, il porte sur la suspension de casiers judiciaires par processus essentiellement automatique. Des exceptions à ce processus s’appliquent dans trois cas de figure : la personne est condamnée pour une autre infraction pendant la période que j’ai mentionnée, la personne est visée par une accusation en instance — ou fait l’objet d’une enquête relativement à une infraction — à la fin du délai, ou le casier judiciaire concerne une condamnation pour une infraction visée aux annexes 1 ou 2 du Code criminel. Ce sont des infractions sexuelles. Dans ces cas, la personne serait tenue de s’adresser à la Commission des libérations conditionnelles du Canada pour demander l’expiration du casier.
Pour être bien clair, aux termes du projet de loi S-212, un casier expiré n’est pas supprimé, mais il doit être classé à part des autres dossiers judiciaires de niveau fédéral.
Je pense que d’autres sénateurs parleront plus en détail du projet de loi. Le processus que je viens de mentionner — le classement à part des dossiers — est semblable au système existant. De plus, un casier expiré ne peut pas être rendu public ou communiqué sans l’approbation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Le comité a adopté quatre amendements au projet de loi : deux amendements de fond ainsi que deux amendements de forme, qui réalignent la numérotation des articles. Je ne parlerai pas de ces derniers. Les amendements de fond, proposés par la sénatrice Pate, vont dans le sens suivant. Compte tenu des préoccupations exprimées, entre autres, par le milieu policier en ce qui concerne l’accès à l’information dans l’intérêt de la justice ou de la sécurité nationale, et du fait que l’article 11 n’exige pas l’autorisation du ministre pour révéler l’existence d’un casier expiré dans certaines circonstances pour les infractions relatives aux amendes et aux suramendes compensatoires non payées, nous avons modifié cet article pour que l’existence d’un tel casier soit uniquement révélée à la police quand une telle communication sert l’administration de la justice ou est souhaitable pour la sûreté ou sécurité du Canada et de ses alliés.
Le deuxième amendement, lui, permet de définir les circonstances où la communication d’un casier expiré relatif à des amendes non payées serait dans l’intérêt de l’administration de la justice ou favoriserait la sûreté ou sécurité du Canada et de ses alliés. Comme je l’ai déjà dit, les deux derniers amendements sont des amendements de forme.
Je pense que ce projet de loi a fait l’objet d’un examen sérieux, et j’espère que ce sera aussi le cas lors de sa troisième lecture ici. Merci, Votre Honneur.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
L’étude sur les questions concernant la sécurité et la défense dans l’Arctique
Sixième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, intitulé La sécurité de l’Arctique menacée : Des besoins urgents dans un paysage géopolitique et environnemental en évolution, déposé auprès du greffier du Sénat le 28 juin 2023.
L’honorable Tony Dean propose :
Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, intitulé La sécurité de l’Arctique menacée : Des besoins urgents dans un paysage géopolitique et environnemental en évolution, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 28 juin 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Défense nationale étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Affaires du Nord, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales et le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(1540)
Le Sénat
Motion tendant à demander au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre des solutions numériques qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics—Ajournement du débat
L’honorable Colin Deacon, conformément au préavis donné le 29 mars 2023, propose :
Que le Sénat demande au gouvernement du Canada de remplacer ses systèmes de prestation de programmes et de technologie de l’information désuets en accélérant, de toute urgence, la mise en œuvre de solutions numériques axées sur les usagers qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics et, en fin de compte, réduisent le coût de la prestation des programmes.
— Honorables sénateurs, des études fiables indiquent que la plupart des gens préféreraient perdre leur portefeuille que leur téléphone. Oui, je parle bien de l’appareil avec lequel je suis en train de tenter de rivaliser pour attirer votre attention.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi on appelle cet appareil un téléphone? Ne le faites pas maintenant, mais lorsque vous en aurez le temps, je vous invite à vérifier les paramètres de votre appareil mobile pour savoir combien de temps vous l’utilisez comme téléphone. Dans mon cas, je ne me sers de mon appareil comme téléphone que 2 % du temps. Cela signifie que je passe 98 % de mon temps sur mon appareil mobile à utiliser des fonctions que je n’aurais jamais pu imaginer il y a une génération.
Nous devenons impatients lorsque nous ne parvenons pas à accéder rapidement ou facilement aux diverses fonctions de nos téléphones. Lorsque le réseau de Rogers est tombé en panne le 8 juillet 2022, plus de 12 millions d’entreprises et de citoyens canadiens ont perdu accès à leurs services sans fil et Internet. Il leur était impossible d’appeler le 911, les entreprises n’étaient plus en mesure de traiter les paiements, et il était impossible d’accéder à des services sur lesquels nous comptons en tout temps.
Ces services sont toujours si facilement accessibles que nous les tenons pour acquis. Nous exigeons constamment des services plus performants et plus fiables dans toutes les sphères de notre vie, qu’il s’agisse de services bancaires électroniques, de rendez-vous médicaux en ligne, de collaboration sur des documents stockés dans le nuage, de réservations de vols, ou de commande de tout ce qui peut être livré directement chez nous. Ce sont donc les entreprises qui fournissent les services les plus efficaces, les plus fiables et les plus pratiques qui réussissent.
À l’opposé, accéder aux rares services gouvernementaux accessibles en ligne est souvent compliqué, déroutant et lourd. Il y a un écart considérable et grandissant entre les services gouvernementaux et les autres expériences que nous vivons en ligne au quotidien. Cet écart me préoccupe de plus en plus parce que, pour avoir confiance, les gens doivent croire en vos motivations et en vos capacités et respecter ce que vous arrivez à faire quand vous mettez en œuvre ces motivations et ces capacités.
Une expérience positive amène une utilisation répétée, du bouche-à-oreille positif et une meilleure réputation. À mon avis, pour assurer leur crédibilité et obtenir la confiance des citoyens, les gouvernements doivent répondre à ces derniers à l’aide des moyens de communication d’aujourd’hui, pas de ceux d’hier. La réalité d’aujourd’hui fait que les gouvernements doivent commencer à offrir la commodité et les services auxquels les citoyens et les entreprises sont habitués dans le monde de plus en plus numérique dans lequel nous vivons.
C’est ce qui m’a amené à présenter la motion no 107 : je veux faire comprendre au gouvernement l’urgence de la situation afin que les ministres et les fonctionnaires qui veulent désespérément apporter ces changements obtiennent un meilleur appui politique.
La Présidente vient de lire la motion no 107. Le dépôt de cette motion a entraîné une étude du directeur parlementaire du budget qui a été publiée il y a environ deux semaines, le 15 septembre. Au cours des prochaines minutes, je vais rapidement passer en revue la situation des services gouvernementaux en ligne au Canada puis je parlerai de certaines des conclusions du directeur parlementaire du budget et d’autres questions qu’il faut régler pour que le Canada fasse progresser la prestation des services gouvernementaux en ligne.
Commençons par ce qui se passe aujourd’hui. Le Canada est en retard sur les autres pays dans la course à la transformation numérique. Bien qu’il dispose d’une capacité exceptionnelle grâce à des programmes de recherche, des universités et des entreprises de premier plan, le Canada n’est pas un chef de file en matière de compétitivité numérique. Dans l’enquête des Nations unies sur l’administration en ligne de 2022, le Canada s’est classé au 32e rang, alors qu’il était au 3e rang il y a une dizaine d’années. Le classement par niveau des administrations en ligne du Boston Consulting Group semble indiquer que le Canada a les pires services gouvernementaux numériques parmi 40 pays.
Sans surprise, ServiceNow a constaté que huit Canadiens sur dix pensent que les entreprises de produits de consommation offrent un meilleur service à la clientèle que le gouvernement, et que huit Canadiens sur dix pensent que la navigation dans les services gouvernementaux serait plus simple avec davantage d’outils numériques. Les Canadiens ont également indiqué que les processus longs et déroutants figuraient au haut de leur liste de plaintes.
Bref, les Canadiens veulent de meilleurs services gouvernementaux numériques, et nos gouvernements ne suivent pas le rythme du reste du monde, qui accélère. Cependant, l’accès pratique à des services gouvernementaux est loin d’être le seul défi. Les investissements technologiques limités augmentent les risques en matière de cybersécurité et les coûts incalculables associés à ceux-ci.
Dans son rapport annuel de novembre dernier, la vérificatrice générale Karen Hogan a fait part de ses préoccupations concernant les contrôles de cybersécurité du gouvernement canadien, mettant en évidence des pratiques incohérentes qui exposent des renseignements sensibles et des infrastructures numériques à des risques de cyberattaques. Elle a également souligné que les fonctionnaires canadiens hésitent davantage à adopter les nouvelles technologies que leurs homologues étrangers.
Ce dernier point a été confirmé par Accenture, qui a rapporté que seulement 28 % des fonctionnaires canadiens avaient reçu une formation en cybersécurité et en sécurité des données, et ce malgré plus de 100 cours de classe mondiale sur le domaine numérique et les données qui sont offerts par l’École de la fonction publique du Canada avec le soutien de chefs de file mondiaux dans la technologie. Les hauts fonctionnaires ne sont pas assez nombreux à insister pour qu’eux-mêmes et leurs équipes accordent la priorité à ce perfectionnement essentiel.
Les services numériques pratiques et sécurisés deviennent monnaie courante dans d’autres pays, même dans les pays en guerre. Vous m’avez souvent entendu parler de l’application ukrainienne Diia. Peu importe où qu’ils se trouvent dans le monde, les citoyens ukrainiens utilisent leurs appareils mobiles pour accéder à leurs documents d’identité les plus importants, comme les permis de conduire et les passeports, ainsi qu’à tous les services gouvernementaux les plus importants. À l’heure actuelle, plus de 90 % des adultes ukrainiens interagissent avec leur gouvernement par voie numérique; ils ne le font pas parce qu’ils sont obligés, mais parce qu’ils en apprécient la commodité et la facilité. Ce succès est dû au fait que le président Zelenski a fait du ministère de la Transformation numérique de l’Ukraine une priorité politique et qu’il a recruté des techniciens de talent et des experts chevronnés en matière de politique et de réglementation. Ces deux types de compétences sont essentiels pour assurer le progrès.
Comme il faut trouver une solution, regardons un peu les constatations du directeur parlementaire du budget. Celui-ci a indiqué qu’une transparence accrue était nécessaire. Dans le budget de 2021, on alloue 1 milliard de dollars sur sept ans à la transformation numérique. Il est toutefois difficile de trouver des réponses claires et réfléchies à propos d’éléments comme la façon de déterminer l’ordre de priorité des projets, la façon d’allouer les fonds, ainsi que les résultats et les avantages découlant de la transformation.
J’ai trouvé préoccupant de lire cette observation du directeur parlementaire du budget :
Il se peut qu’une partie de ces fonds serve à maintenir des systèmes existants, au lieu d’étendre la numérisation des services gouvernementaux.
Il est très troublant de penser que la somme de 1 milliard de dollars allouée par le gouvernement pourrait ne pas servir du tout à la transformation numérique et être plutôt utilisée pour couvrir les coûts d’entretien et de réparation toujours croissants des systèmes existants. Autrement dit, le gouvernement doit apprendre comment instaurer des solutions fiables et pratiques pour remplacer ses systèmes désuets et compliqués avant qu’ils ne s’écroulent. La transparence est un élément crucial pour assurer le suivi des progrès et mettre en place des incitatifs efficaces.
(1550)
En outre, il faudrait accorder la priorité à la mise en place d’un mode d’ouverture de session unique et hautement sécurisé, ce qui serait plus pratique et sécuritaire. À l’heure actuelle, il existe plus de 270 points d’accès différents aux services numériques du gouvernement fédéral. Cette situation est non seulement peu pratique, mais elle multiplie par 270 le risque d’accès non autorisé.
J’estime que l’amélioration de la qualité et de la commodité de la prestation des services aux Canadiens devraient être le moteur de la numérisation des services gouvernementaux. Pourtant, le directeur parlementaire du budget n’a trouvé aucun indicateur de rendement clé pour orienter les améliorations au fil du temps. De plus, il n’existe aucune analyse des économies de coût prévues par rapport aux économies réelles. Étant donné que les ministères ne font pas le suivi de ces données, ils sont incapables de les fournir.
Un autre thème récurrent, c’est que les anciennes pratiques bloquent l’adoption de pratiques exemplaires. Pour être juste, il faut dire que ce problème ne se limite pas au gouvernement. Ce problème existe dans toute organisation de grande taille ou établie depuis longtemps. Il arrive trop souvent qu’une culture réfractaire au changement fasse obstacle à la transformation nécessaire et renforce le statu quo — ce qui est le cas au Sénat. Les coûts continuent d’augmenter, mais les tentatives d’apporter des changements pour améliorer l’efficience sont repoussées.
Amanda Clarke, professeure associée d’administration publique à l’Université Carleton, et une référence dans le cadre de nos travaux, a parlé de ce problème lors de son témoignage devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, le 17 novembre 2022. Je la cite :
[...] peu de mesures sont prises pour embaucher et former des fonctionnaires qui aideraient le gouvernement à prendre des décisions sensées, responsables et stratégiques sur les technologies.
Elle a poursuivi en disant :
[...] les gouvernements aux premières loges de l’ère numérique [...] se sont mis à recruter activement des technologues. Ils nomment de hauts dirigeants [...] qui ont une compréhension approfondie des technologies et de leur rôle dans le processus d’élaboration des politiques.
Il existe également des obstacles structurels à la transformation. À ce propos, le directeur parlementaire du budget signale ceci : « À l’étranger, d’autres gouvernements ont repéré les lois en vigueur qui pourraient entraver la prestation de services en ligne. »
Le cloisonnement des ministères est inscrit dans le cadre législatif canadien, ce qui réduit l’interopérabilité des programmes gouvernementaux. C’est frustrant pour les citoyens et inefficace pour le gouvernement. Pour contourner le problème, au cours des dernières décennies, plus d’un millier d’accords de communication des données très pointus ont été créés entre les programmes, les organismes, les ministères et les provinces. Si l’on veut que le gouvernement priorise l’intérêt des citoyens, il faut permettre aux ministères d’aménager une architecture logicielle commune capable d’assurer la prestation des services de manière beaucoup plus pratique pour les citoyens qui choisissent d’interagir avec le gouvernement par la voie numérique.
Selon le directeur parlementaire du budget, une clarification de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur la gestion des finances publiques et de la Loi sur l’accès à l’information s’impose si l’on veut conférer aux citoyens le droit de contrôler l’utilisation de leurs renseignements personnels au sein des ministères et des organismes ainsi qu’entre les divers ordres de gouvernement.
Je dirais qu’Ottawa se heurte encore à un autre obstacle lorsqu’il s’agit de transformation numérique, à savoir le fantôme de la débâcle du système de paie Phénix. Dès les premiers travaux de planification en 2007, ceux qui ont structuré le projet Phénix ont ignoré les pratiques de développement agile et itératif de l’industrie du logiciel. Le rapport de 2018 du Comité sénatorial des finances nationales a bien documenté la question, mais je souligne que les avantages connus de cet investissement étaient minuscules par rapport aux risques.
Lorsqu’il a été conclu en 2011, le contrat de 310 millions de dollars visant à créer un système de rémunération fédéral centralisé devait permettre d’économiser environ 70 millions de dollars par an. En soi, cela semble être un rendement raisonnable, mais cet énorme projet était voué à l’échec si l’on tient compte de sa complexité et des risques qu’il comportait. À l’époque, le Canada comptait 290 000 fonctionnaires fédéraux régis par 105 conventions collectives et plus de 80 000 règles salariales différentes, pour une masse salariale totale de 22 milliards de dollars par an. Selon les experts, les problèmes auraient pu être évités si le projet Phénix avait été divisé en plusieurs éléments, chacun ayant été testé de manière rigoureuse et mis à l’échelle de manière systématique.
Je pense qu’on a tiré des leçons du projet Phénix. Il suffit de penser à la rapidité remarquable avec laquelle la Prestation canadienne d’urgence a été conçue, mise en œuvre et systématiquement versée aux Canadiens en avril 2020, à un moment où le pays traversait une énorme crise. Ce n’était pas parfait, mais cela montre qu’il existe au sein de la fonction publique des dirigeants qui connaissent des pratiques pour éviter les erreurs du passé et concevoir de nouvelles plates-formes.
Dans les dernières années, la responsabilité de la transformation numérique est passée entre les mains de divers ministères, comme si on évitait de s’en occuper. Pour faire des progrès, il est essentiel d’établir clairement qui est responsable et qui a les pouvoirs et les ressources nécessaires pour assurer la prestation de services gouvernementaux numériques aux citoyens.
En résumé, honorables collègues, nous devons avoir comme priorité d’intégrer les technologies numériques à l’ensemble des services afin de rendre la prestation de services gouvernementaux plus pratique et économique par rapport à la prestation de services moins rapide et plus coûteuse qui repose sur les technologies analogiques, le papier et la main-d’œuvre.
Pour y parvenir, il faut accroître la transparence en ce qui a trait non seulement aux coûts, mais aussi aux économies et aux améliorations quantifiées au chapitre de la prestation des services. Il faut également privilégier les pratiques exemplaires plutôt que les anciennes pratiques en apportant des changements législatifs, réglementaires et stratégiques afin d’axer la prestation de services gouvernementaux sur le citoyen. Il faut en outre être disposé à faire le point sur les progrès réalisés et à tirer des leçons à la fois des réussites et des erreurs. Enfin, il faut donner les moyens nécessaires aux ministres et aux fonctionnaires qui sont déterminés à transformer l’expérience du citoyen.
J’aimerais finir mon intervention comme je l’ai commencée en disant que, pour être crédible et digne de confiance, un gouvernement doit répondre aux besoins des citoyens en adoptant les pratiques actuelles au lieu de s’en tenir aux méthodes du passé. Pour ce faire, les gouvernements doivent offrir les services commodes et de qualité qui satisfont aux attentes des citoyens et des entreprises dans un monde de plus en plus numérique.
Honorables collègues, je vous invite à intervenir dans le débat sur cette motion et je vous demande d’appuyer cette motion lorsque viendra le temps de voter. J’espère que nous pourrons ainsi aider les talentueux et loyaux fonctionnaires qui cherchent désespérément à opérer ce changement en leur accordant le soutien politique dont ils ont besoin.
Merci, honorables collègues.
[Français]
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Miville-Dechêne, il ne reste que 35 secondes. Vouliez-vous poser une question?
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?
[Traduction]
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Deacon, demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre la question?
Le sénateur C. Deacon : Oui, s’il vous plaît.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : Oui.
Une voix : Non.
Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission n’est pas accordée.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Affaires étrangères et commerce international
Motion tendant à autoriser le comité à étudier les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique—Ajournement du débat
L’honorable Peter M. Boehm, conformément au préavis donné le 20 juin 2023, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique, et d’autres questions connexes;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2024;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;
Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’ai une question pour le sénateur Boehm, s’il veut bien y répondre.
Le sénateur Boehm : Certainement.
Le sénateur Plett : Sénateur Boehm, nous sommes nombreux à nous souvenir avec affection de la sénatrice Fraser, une bonne sénatrice libérale. J’ai de la difficulté à concilier les mots « bonne » et « libérale », mais je garde un excellent souvenir d’elle et elle me manque. Elle était toujours préoccupée par les finances. Cela aussi est surprenant compte tenu de ses racines libérales. Elle demandait toujours : « Quelle est l’incidence financière? Y aura-t-il des déplacements? »
Pourriez-vous s’il vous plaît nous donner une idée de ce que prévoit faire le comité? Y a-t-il un voyage en Afrique en vue? Quelles sont les dépenses prévues? Merci.
Le sénateur Boehm : Merci, monsieur le sénateur. Le comité se réunira pour déterminer ce qu’il fera. Le plan, comme le décrit le libellé de la motion, est d’étudier tous les aspects. J’imagine que, dans les discussions sur les aspects, nous évaluerons toutes les options, y compris si des déplacements s’imposent.
Je me contenterai d’ajouter que ce comité a fait très peu de voyages. Il s’est rendu récemment à Washington dans le cadre d’une étude faite en décembre dernier et, plus récemment, en Europe. Sinon, son dernier déplacement avait eu lieu avant ma nomination au Sénat, soit en 2017. Je ne pense pas qu’exclure les voyages soit la bonne façon de faire. Je dirais que nous examinerons la question sous l’angle de la pertinence et de l’utilité d’un voyage. Cependant, aucune décision n’a été prise. Si je puis seulement ajouter ceci, pour ce qui est de notre dernier voyage, nous avons réduit le nombre de sénateurs en déplacement et nous avons tous voyagé en classe économique, et ce, d’après les conseils du Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et des budgets de comités et du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, comme vous vous en souviendrez, monsieur le sénateur. Nous tenons compte des coûts et nous évaluons si un voyage est nécessaire ou non. Je vous remercie de votre question.
(1600)
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Agriculture et forêts
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude de l’état de la santé des sols
L’honorable Robert Black, conformément au préavis donné le 20 septembre 2023, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 26 avril 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts concernant son étude sur l’état de la santé des sols au Canada soit reportée du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2024;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport portant sur cette étude, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des questions relatives à l’agriculture et aux forêts
L’honorable Robert Black, conformément au préavis donné le 27 septembre 2023, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 10 février 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts concernant son étude sur les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant l’agriculture et les forêts soit reportée du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2025;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 16 h 3, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 3 octobre 2023, à 14 heures.)