Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 149
Le mercredi 18 octobre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Les travaux du Sénat
- Le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement
- L’application ArriveCAN
- Les biens immobiliers fédéraux
- La Stratégie nationale de construction navale
- L’attribution des marchés
- La flotte de brise-glaces
- La réfection du 24, promenade Sussex
- Le processus d’acquisition
- L’attribution des marchés
- L’appropriation des terres
- La Cité parlementaire
- L’examen du processus d’acquisition
- La lettre de mandat
- L’attribution des marchés
- Le travail forcé et le travail des enfants
- L’application ArriveCAN
- Les biens immobiliers fédéraux
- L’accès à l’information
- Le Complexe Guy-Favreau
- L’ingérence étrangère
- Les biens immobiliers fédéraux
- L’application ArriveCAN
- Le système d’approvisionnement militaire
- Les travaux du Sénat
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 18 octobre 2023
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de l’honorable James Bartleman, O.C.
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, nous avons perdu un grand Canadien le 14 août dernier. L’honorable James Bartleman a connu une vie extraordinaire qui a débuté dans ma région natale. Il est né à Orillia et il était membre de la Première Nation des Chippewas de Rama.
Son Honneur a grandi à Port Carling, dans la région de Muskoka Lakes. Il a bénéficié de l’amour et de l’attention de ses parents, qui ont encouragé leurs enfants à être fiers de leur patrimoine et à s’éduquer.
Adolescent, alors qu’il occupait un emploi à temps partiel à tondre les pelouses, il noua une amitié improbable avec un résident saisonnier qui, non content de simplement l’encourager, finança ses études universitaires. Ce coup de pouce lui a permis de suivre un parcours inspirant de 35 ans dans le service public et la défense d’autrui.
L’impressionnante carrière de James Bertleman a débuté aux Affaires étrangères, où il a occupé des postes diplomatiques dans l’Union européenne, à l’OTAN, en Israël et à Cuba. Il a aussi été haut-commissaire en Afrique du Sud et en Australie, et a marqué l’histoire en devenant le premier lieutenant-gouverneur autochtone de l’Ontario.
Il a tiré parti de son poste de vice-roi pour promouvoir la littératie parmi les enfants autochtones. J’ai eu le privilège de participer à l’une de ses initiatives, une idée toute simple consistant à recueillir des livres pour les envoyer à des communautés des Premières Nations éloignées. Eh bien, 2 millions de livres sont parvenus à des enfants de l’Ontario, du Québec et du Nunavut.
Son Honneur a également parlé de la santé mentale à une époque où la plupart des gens souffraient en silence. Il a fait preuve de courage en parlant de la dépression et du syndrome de stress post‑traumatique dont il a souffert à la suite d’une attaque brutale lorsqu’il était en poste en Afrique du Sud. Les efforts qu’il a déployés pour réduire la stigmatisation ont été reconnus lorsqu’on lui a décerné le prix du Dr Hugh Lafave et le Prix Courage To Come Back.
James Bartleman a été récipiendaire de nombreux autres hommages, dont le Prix national d’excellence décerné aux Autochtones dans la catégorie des services publics ainsi que 13 diplômes honoraires. De plus, il a été nommé officier de l’Ordre du Canada.
En dépit de tous ces honneurs, James Bartleman n’a jamais renié ses racines et les valeurs que chérissaient ses parents. Voici ce qu’a dit de lui, le chef de la Première Nation de Rama, Ted Williams :
C’était un homme d’une intégrité irréprochable, un défenseur des personnes défavorisées et une source d’inspiration pour l’ensemble des Premières Nations.
À lui seul, cet héritage mérite d’être salué.
Veuillez vous joindre à moi pour exprimer nos condoléances à son épouse, Marie-Jeanne, et à ses enfants, Anne-Pascale, Laurent et Alain.
Meegwetch, merci.
La Journée de l’affaire « personne »
L’honorable Judy A. White : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner le 94e anniversaire de la Journée de l’affaire « personne » au Canada, à l’occasion de laquelle nous célébrons la décision historique qui a permis aux femmes de participer davantage à la vie publique et politique en leur donnant, notamment, le droit de siéger en tant que sénatrices.
Aujourd’hui, nous rendons hommage à la détermination des « Célèbres cinq », dont les statues se trouvent, comme il se doit, à côté de l’édifice du Sénat du Canada. Les Célèbres cinq comprenaient Emily Murphy, Nellie McClung, Louise McKinney, Irene Parlby et Henrietta Muir Edwards. Elles étaient des juristes, des politiciennes et des militantes accomplies de l’Alberta.
En 1927, elles ont demandé à la Cour suprême du Canada de rendre une décision simple, mais fondamentale : « Est-ce que le mot « personne » dans l’article 24 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique comprend les personnes de sexe féminin? »
Après cinq semaines de délibération, la Cour suprême a tranché : le mot « personne » excluait les femmes.
Malgré ce revers, les Célèbres cinq ne se sont pas laissées abattre. Elles ont porté leur cause devant le Comité judiciaire du conseil privé britannique, soit le plus haut tribunal d’appel du Canada à l’époque.
En 1929, la cour a statué que :
L’exclusion des femmes de toute charge publique est un vestige d’une époque plus barbare que la nôtre. Aux personnes qui se demandent si le mot « personne » doit comprendre les femmes, la réponse est évidente, pourquoi pas?
Outre ses répercussions à long terme, cette décision a aussi eu une incidence immédiate puisque, seulement quatre mois plus tard, Cairine Wilson est devenue la première femme à être nommée au Sénat. Je suis heureuse de dire que nous avons fait beaucoup de chemin depuis, étant donné que le Sénat est désormais paritaire.
Je m’en voudrais toutefois de ne pas souligner que cette décision judiciaire, même si elle est historique dans le contexte de la promotion des droits des femmes, a exclu bon nombre de ces dernières, notamment les femmes autochtones et racisées.
Il est donc essentiel de rendre hommage aux générations suivantes de femmes qui ont poursuivi la lutte pour l’égalité, le respect et la justice au Canada, tout en nous rappelant que ce travail demeure inachevé.
Par conséquent, permettez-moi de saisir cette occasion pour mettre l’accent sur le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne », qui a été institué en 1979 afin de continuer à rendre hommage aux personnes qui contribuent de façon remarquable à la lutte pour l’égalité des femmes, des personnes de diverses identités de genre et des filles au Canada. Chaque année, on choisit plusieurs récipiendaires à l’échelle du pays, dans une multitude de disciplines, afin de célébrer leur engagement envers l’égalité au Canada. Je félicite sincèrement les récipiendaires de cette année, et je les remercie pour leurs précieuses contributions.
Wela’lioq, merci.
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de mon fils, Tristan Fréchette.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Maxime Langlois. Il est l’invité de l’honorable sénateur Boisvenu.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le programme Bolo
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénatrices et sénateurs, il y a près d’une décennie, une entreprise de sécurité m’invitait à participer à une réflexion qui avait pour but de mettre en place une organisation qui aurait pour mission de protéger la population de dangereux criminels. Naquit alors, en 2018, le projet Bolo.
Le programme Bolo est une initiative sans précédent qui encourage les citoyens à garder l’œil ouvert pour les fugitifs les plus recherchés au Canada. En anglais, l’acronyme Bolo signifie Be On The Lookout, c’est-à-dire garder l’œil ouvert.
Lancé en 2018, Bolo amplifie les avis de recherche prioritaires des services policiers de partout au pays. On parle ici d’individus activement recherchés pour les crimes les plus graves comme les meurtres, les tentatives de meurtre et le proxénétisme. Bien que nos tribunaux aient lancé des mandats d’arrestation pancanadiens à leur endroit, ces accusés fuient nos autorités afin de tenter de se soustraire à notre système de justice et, trop souvent, de faire d’autres victimes.
En collaboration avec les services policiers et le programme Échec au crime, Bolo lance des campagnes d’amplification pour ces avis de recherche prioritaires. Pour Bolo, tous les moyens sont bons pour faire en sorte qu’un maximum de citoyens soit aux aguets pour ces fugitifs et puisse les rapporter aux autorités. Bolo n’interfère jamais dans les enquêtes policières.
De surcroît, Bolo offre d’importantes récompenses pouvant aller jusqu’à 250 000 $ pour inciter les citoyens à redoubler de vigilance et effectuer des signalements aux autorités. Les campagnes de Bolo ne coûtent pas un sou aux contribuables canadiens. Le programme est l’activité principale de la fondation privée de Stephan Crétier et de sa conjointe. M. Crétier est le président fondateur de la firme de sécurité internationale bien connue Garda. M. Crétier, un passionné de la sécurité, désirait redonner aux collectivités pour leur procurer une meilleure sécurité.
(1410)
Depuis 2018, les campagnes de Bolo ont publicisé 57 dangereux fugitifs, permettant que leurs visages soient vus à près de 350 millions de reprises par les Canadiens et Canadiennes partout au pays. Ces affichages ont généré près de 1 000 signalements aux services policiers, leur permettant de faire progresser leurs enquêtes, mais surtout, d’appréhender 19 de ces dangereux fugitifs.
Récemment, le programme Bolo s’est mérité le Prix du partenariat policier 2023 de l’Association canadienne des chefs de police.
Maxime Langlois dirige le programme Bolo depuis sa création. Fort de son parcours qui l’a notamment amené à œuvrer au sein de l’Organisation des Nations unies ainsi que l’Organisation internationale de police criminelle, INTERPOL, Maxime a développé des partenariats avec les plus grands corps policiers et les programmes Échec au crime du pays afin de rendre nos communautés plus sécuritaires.
Je vous prie de vous joindre à moi, honorables sénateurs et sénatrices, pour féliciter la Fondation Stéphan Crétier pour son important engagement social et cette reconnaissance très méritée pour souligner le succès incontesté du programme Bolo.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de participantes du programme #LeadLikeAGirl de Developing Young Leaders of Tomorrow, Today. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Jaffer.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les bibliothèques publiques du Canada
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au Sénat au sujet d’un élément important de nombreuses collectivités canadiennes : les bibliothèques.
Ici, en Ontario, la Semaine des bibliothèques publiques se déroule du 16 au 20 octobre, et j’ai l’honneur de prendre la parole aujourd’hui au sujet de l’importance des bibliothèques.
Pendant des générations, les bibliothèques ont été des carrefours ruraux permettant d’accéder à l’information et à la technologie. À notre époque, elles sont des lieux de rassemblement où les gens se rencontrent pour s’éduquer, s’informer et renforcer leurs capacités, non seulement individuellement, mais aussi collectivement.
Je suis fier de continuer à soutenir les collectivités rurales à la Chambre rouge, et une partie importante de ce travail consiste à appuyer les institutions qui nous unissent tous.
Les bibliothèques continuent de travailler avec diligence pour aider les Canadiens de tous les horizons. Elles nous enseignent des choses, entretiennent l’engagement communautaire et nous donnent accès au vaste monde qui nous entoure. Chers collègues, je pense qu’il est important que nous continuions à appuyer de façon diligente ces précieux lieux de rassemblement.
Selon le mémoire présenté par la Fédération des bibliothèques publiques de l’Ontario et l’Association des bibliothèques de l’Ontario dans le cadre des consultations prébudgétaires provinciales, de nombreux établissements en milieu rural ont du mal à payer bon nombre des ressources de haute qualité disponibles dans les grandes villes ou ils n’en ont tout simplement pas les moyens. Cette situation touche particulièrement les habitants des petites localités rurales éloignées et des communautés des Premières Nations.
Les personnes vivant dans des collectivités de moins de 5 000 habitants ont accès à moins de la moitié des livres électroniques et à moins du tiers des bases de données en ligne auxquels ont accès les personnes vivant dans des régions comme Toronto, Ottawa ou Montréal — bien qu’elles y accèdent deux fois plus souvent par habitant que les personnes vivant dans de grandes collectivités urbaines.
Depuis près de 25 ans, le financement des bibliothèques par les gouvernements provinciaux a presque stagné, ce qui a créé une dépendance à l’égard du financement fédéral et municipal devant la hausse des coûts et de l’inflation.
Nous devons continuer à défendre le maintien et la croissance de ces espaces précieux qui garantissent à chaque Canadien l’accès à l’information, au savoir et à l’engagement communautaire.
Je remercie les nombreux bibliothécaires de tout l’Ontario et d’un océan à l’autre qui travaillent assidûment pour assister les Canadiens et qui offrent aux gens de précieuses possibilités d’apprentissage et de soutien partout au pays.
J’espère que mes honorables collègues se joindront à moi pour célébrer les nombreux avantages que les bibliothèques procurent aux Canadiens, en particulier celles des collectivités rurales, et qu’ici — à la Chambre rouge — nous pourrons continuer à parler de la valeur de ces institutions hautement estimées.
Merci. Meegwetch.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Larry Cerqua, président de l’Association canadienne de l’immobilier. Il est l’invité de l’honorable sénateur Oh.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Roméo Savoie, C.M.
L’honorable René Cormier : Chers collègues, l’Acadie et le Canada viennent de perdre un de leurs plus grands artistes, un pionnier de l’art moderne, un précurseur de l’art contemporain : l’architecte, peintre et poète Roméo Savoie. Durant plus de 60 ans, cet artiste remarquable a puisé dans ces trois métiers l’inspiration nécessaire pour créer une œuvre magistrale.
Né à Moncton, Roméo Savoie a travaillé comme architecte de 1959 à 1970, créant et mettant en chantier une cinquantaine d’édifices marquants au Nouveau-Brunswick.
À partir de 1976, il quitte cette profession pour se consacrer à sa production artistique et littéraire. Il produira plus de 4 000 tableaux et une centaine d’expositions réalisées sur plus d’un demi-siècle, en plus de publier cinq recueils de poésie — des œuvres qui ont incontestablement tracé la voie à plusieurs générations d’artistes.
En parcourant son œuvre tant visuelle que littéraire, on ne peut que célébrer son caractère universel tout en reconnaissant que Roméo Savoie est demeuré profondément attaché à sa culture acadienne. Sa prédilection pour l’abstraction en peinture fait que ses œuvres demandent qu’on les apprivoise, qu’on s’y confronte, qu’on dialogue avec elles et qu’on les célèbre pour la part de mystère qu’elles contiennent.
Pour ce créateur, l’art est un processus qui permet à l’artiste de se transformer lui-même, et par la suite de transférer cette connaissance dans l’œuvre qu’il crée. Sa quête existentielle s’est reflétée non seulement dans son œuvre picturale, mais aussi dans l’écriture. On peut facilement constater que le rapport à son art est une leçon de vie pour toutes les personnes qui l’ont côtoyé.
Un jour, en réfléchissant à sa démarche artistique, il a dit ce qui suit :
Arrêter et regarder une chose en particulier et essayer de comprendre le sens de la beauté, le sens d’une fleur, le sens d’une brindille, le sens d’un nuage, tu vois. Donner du temps à ça, et tu comprends un peu mieux le sens de la vie.
Récipiendaire de l’Ordre du Canada, Roméo Savoie a reçu de nombreuses distinctions et ses œuvres se retrouvent aujourd’hui dans les banques d’œuvres d’art du Conseil des arts du Canada et du Nouveau-Brunswick, au Musée d’art contemporain de Montréal, au Musée national des beaux-arts du Québec, au Centre culturel canadien de Paris, dans les collections de plusieurs universités et de plusieurs institutions bancaires.
Ici, au Sénat, grâce à la Banque d’art du Conseil des arts du Canada, j’ai le grand bonheur d’avoir dans mon bureau de l’édifice de l’Est son tableau Venezia, une œuvre inspirée de Venise et qui est, comme cette ville, à la fois énigmatique, lumineuse et profonde.
En parlant de son métier, Roméo Savoie a dit un jour ce qui suit :
Être dans le monde de la création, c’est-à-dire créer quelque chose pour les autres, ce qu’on appelle la beauté, c’est un cadeau que j’ai reçu de quelque part.
À notre tour, cher Roméo, de reconnaître qu’un des magnifiques cadeaux que la vie nous a donnés, c’est vous : votre talent, vos œuvres, votre engagement indéfectible pour l’art et votre amour incommensurable pour l’Acadie. Le Canada est aujourd’hui plus riche grâce à votre passage sur cette terre.
Reposez en paix, cher ami.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Trevor Reed, professeur de droit à l’Université Arizona State. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Boyer.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Larry W. Smith
L’honorable Percy Mockler : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la contribution exemplaire d’une personne qui siège avec nous aujourd’hui, un homme d’équipe et un grand Canadien.
Le mot « équipe » est très approprié, car tout au long de sa grande carrière professionnelle, le sénateur Larry Smith a toujours été un membre important des équipes dont il a fait partie, que ce soit les Alouettes de Montréal ou l’équipe de la Ligue canadienne de football, d’un bout à l’autre du Canada.
Les Alouettes, lors d’un match disputé à Montréal dernièrement, lui ont rendu un vibrant hommage comme nouveau membre de la cuvée 2023 du Temple de la renommée du Football canadien à titre de bâtisseur — a real builder.
On se souvient qu’il y a approximativement 50 ans, notre ami le sénateur Smith soulevait au bout de ses bras la coupe Grey, un exploit qu’il a eu le plaisir de répéter quelques années plus tard.
Son rôle de leader au sein de ce sport démontre clairement que le sénateur Smith est un grand bâtisseur et un grand promoteur du football professionnel, tant pour sa ville, Montréal, que pour sa province et son grand pays, le Canada. Il a été l’exemple à suivre dans son sport.
(1420)
C’est incontournable : le sénateur Smith a toujours eu à cœur le développement sportif et le développement personnel de notre jeunesse. Son but principal est de promouvoir l’esprit d’équipe et le succès éducationnel de nos jeunes. Nos jeunes avaient besoin de lui à ce moment-là, et croyez-moi, nous avons encore besoin de gens comme Larry Smith comme motivateur pour notre jeunesse.
J’en ai été témoin, comme ministre du gouvernement de Bernard Lord au Nouveau-Brunswick, et j’ai pu constater l’impact et l’influence du sénateur Smith. Il a eu un rôle déterminant dans l’organisation et l’obtention des Jeux d’hiver du Canada 2003 qui se sont tenus dans deux villes du nord du Nouveau-Brunswick : Bathurst et Campbellton. Je peux vous confirmer que cet événement a eu des répercussions importantes pour la région du nord du Nouveau-Brunswick et aussi pour les jeunes du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Il a toujours eu à cœur de centrer ses efforts sur la jeunesse au Nouveau-Brunswick. J’ai eu l’honneur de siéger au Sénat sous son leadership. À mes yeux, sénateur Smith, vous incarnez l’amitié et l’engagement.
Avant de conclure, je m’en voudrais de ne pas souligner la campagne de financement très fructueuse qu’il a menée en tant que directeur de la Mission Old Brewery à Montréal, en 2003 et 2004. Le sénateur Smith s’est donné comme mission de briser le cycle de l’itinérance et il n’abandonnera jamais, à l’image de ce que fait la Mission Old Brewery, à Montréal.
[Français]
Honorables sénatrices et sénateurs, je veux reconnaître notre ami, le sénateur Larry Smith, pour son héritage et la marque qu’il a laissés dans l’histoire du football canadien. Comme on dit chez nous en Acadie, vous avez gagné vos épaulettes!
Merci.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Préavis de motion concernant les séances du jeudi pour le reste de la présente session
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, pour le reste de la présente session et nonobstant toute disposition du Règlement, lorsque le Sénat siège un jeudi, la séance soit levée à 18 heures ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité, comme si cette heure-là était, à tous égards, l’heure fixée pour la clôture de la séance prévue à l’article 3-4 du Règlement.
[Traduction]
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 24 octobre 2023, à 14 heures.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons l’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, pour la période des questions aujourd’hui. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue.
Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que lors de la période des questions avec un ministre, la question initiale est limitée à 60 secondes, et la réponse initiale à 90 secondes, suivie d’une question supplémentaire d’une durée maximale de 45 secondes et d’une réponse de 45 secondes. La greffière lectrice se lèvera 10 secondes avant l’échéance de ces délais. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, les sénateurs ne sont pas tenus de se lever. La période des questions sera d’une durée de 64 minutes.
[Traduction]
Le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement
L’application ArriveCAN
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, l’application ArriveCAN est un fiasco depuis le début. Plus on en apprend à son sujet, pire c’est. Votre gouvernement a utilisé ArriveCAN pour diviser et punir inutilement les Canadiens. Cette application a semé le chaos aux postes frontaliers. La facture, payée avec l’argent des contribuables, a grimpé de 80 000 $ à au moins 54 millions de dollars, monsieur le ministre. Or, la Gendarmerie royale du Canada mène maintenant une enquête sur les contrats douteux entourant ArriveCAN. Le gouvernement Trudeau a caché l’existence de cette enquête à la vérificatrice générale et aux Canadiens. Si nous avons appris que la police se penchait sur ce dossier, c’est parce qu’un dénonciateur s’est confié au Globe and Mail.
Pourquoi l’enquête de la GRC a-t-elle été cachée, monsieur le ministre? Combien coûte réellement cette application aux Canadiens? Quel est le montant, monsieur le ministre?
[Français]
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Madame la Présidente, j’aimerais commencer en vous félicitant pour votre nouveau poste de Présidente du Sénat, comme Franco-Manitobaine. Nous sommes fiers que vous soyez Présidente du Sénat et nous serons toujours heureux de collaborer avec vous au cours des prochains mois afin de nous assurer de la pleine collaboration et de la pleine capacité du Sénat à travailler au service des Canadiens.
[Traduction]
En ce qui concerne la question que vous posez, permettez-moi d’en étendre un peu la portée. N’oublions pas à quel point la lutte pour la santé et la sécurité des Canadiens fut importante, à un moment où nous étions confrontés à la plus grande urgence de santé publique depuis plus de 100 ans et à la pire crise économique depuis les années 1930. Nous avons dû investir des sommes considérables pour, entre autres, veiller à ce que les Canadiens et les personnes qui devaient venir au Canada pour des raisons essentielles — dans bien des cas pour livrer des aliments, des médicaments et des produits dont les Canadiens dépendent — puissent traverser la frontière de façon sécuritaire et pratique. Nous avons agi ainsi en tenant compte du fait que des dizaines de milliers de vies ont été sauvées grâce aux efforts déployés par le gouvernement canadien et, surtout, grâce aux efforts et à l’engagement des Canadiens.
Le sénateur Plett : Les huit années de Justin Trudeau n’en valaient pas le coût. Ma question était : « combien? », monsieur le ministre. La semaine dernière, alors que la vérificatrice générale commençait son témoignage concernant l’application ArriveCAN devant un comité de la Chambre des communes, les députés de la coalition néo-démocrate—libérale ont voté pour y mettre fin. Monsieur le ministre, qui a donné l’ordre de mettre fin à la réunion? Est-ce vous? Avez-vous été impliqué dans cette décision? Votre bureau l’était-il? Qu’est-ce que votre gouvernement cherche désespérément à cacher, monsieur le ministre? Que cachez-vous?
M. Duclos : J’apprécie beaucoup cette question et j’y attache une grande importance. J’apprécie certains des mots clés que vous avez mentionnés : le coût et l’opportunité. Le coût en vies humaines, si l’on ne s’était pas battu pour les Canadiens, se serait élevé à des centaines de milliers de personnes décédées de la COVID-19.
(1430)
Le coût économique se serait chiffré à des milliards de dollars, et l’inaction aurait causé la perte de centaines de milliers d’emplois de plus. Il est vrai, comme vous le mentionnez, que les choses auraient été très différentes si le gouvernement conservateur avait été au pouvoir pendant cette période. Il y aurait eu des centaines de milliers de décès de plus, comme je l’ai dit, et des milliards de dollars de plus en coûts économiques, mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Nous avons investi dans les Canadiens et nous les avons soutenus; nous avions pleinement confiance que les Canadiens pourraient se faire vacciner et suivre les conseils de la santé publique.
L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Bienvenue, monsieur le ministre. Ma question porte aussi sur l’arnaque d’ArriveCAN. Je l’ai déjà posée à votre collègue le sénateur Gold la semaine dernière, mais j’espère que vous me donnerez une réponse plus pertinente. Dans le contexte de l’application ArriveCAN, des Canadiens ont été détenus illégalement, ils ont reçu des amendes inconstitutionnelles pouvant atteindre 8 500 $, et on les a menacés d’amendes pouvant aller jusqu’à 750 000 $ s’ils ne respectaient pas la quarantaine. Il est déjà épouvantable de penser que ces amendes servaient à payer pour l’échec total de votre gouvernement, qui a attribué ce contrat scandaleux de plus de 54 millions de dollars, mais, monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous me donner que des Canadiens n’ont pas été détenus illégalement et forcés de payer ces amendes exorbitantes pour que des amis des proches du Parti libéral puissent s’en mettre plein les poches? Votre gouvernement se décidera-t-il à faire ce qui s’impose, monsieur le ministre, et à annuler les amendes impayées qui pèsent sur des milliers de Canadiens et qui sont liées à cette application frauduleuse?
M. Duclos : Je m’inscris en faux contre le mot « échec ». Je pense que la plupart des Canadiens à l’écoute ne qualifieraient pas leur travail, leurs efforts et ceux du gouvernement fédéral d’échecs. Selon les estimations des experts, si nous n’avions rien fait, 700 000 personnes seraient mortes de la COVID-19, alors qu’en fait, le nombre de décès a été 70 000. Selon les estimations, si nous n’avions pas atteint le taux de vaccination le plus élevé parmi tous les pays comparables, et ce, plus vite que tous les pays comparables, chaque jour de retard supplémentaire aurait entraîné des coûts économiques de 1 milliard de dollars.
Je ne vais pas insister là-dessus parce que les Canadiens comprennent bien ces chiffres. Lorsque l’on parle d’échecs, je crois qu’il faut être à la fois honnête et modeste : honnête à propos des défis énormes auxquels les Canadiens font face, et modeste, dans le sens où, certes, les efforts du gouvernement canadien ont considérablement changé la donne, mais, surtout, c’est la confiance, le soutien et le travail de tous les Canadiens qui ont eu le plus d’incidence sur le cours des choses en ces temps extrêmement difficiles.
Le sénateur Housakos : Selon les sondages, les Canadiens semblent penser que votre gouvernement est un fiasco monumental.
Monsieur le ministre, comme mon collègue le sénateur Plett l’a mentionné, la GRC mène actuellement une enquête sur le dossier de l’application « ArnaqueCan », qui fait l’objet d’allégations très sérieuses de falsification de documents comme des curriculum vitæ et des factures. Monsieur le ministre, compte tenu du fait que nous assistons à une hausse sans précédent, de plus de 30 %, des contrats du gouvernement pour des services en sous-traitance, quelles garanties les Canadiens ont-ils qu’un minimum de diligence est exercé? Qui est responsable de mener une tâche aussi simple que la vérification des curriculum vitæ et des références? Si on ne peut pas être certain que cela est fait, monsieur le ministre, comment pouvons-nous être sûrs que les contrats sont attribués correctement?
[Français]
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Vous avez tout à fait raison d’insister sur l’importance de la confiance, et c’est pour cela que les fonctionnaires équipés et experts de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) font actuellement l’examen de ce contrat. C’est un contrat qui a été complexe. Ce contrat regroupe plusieurs dizaines de contrats, et il était complexe pour toutes sortes de raisons, et plusieurs d’entre elles n’étaient pas liées au développement du logiciel, car il s’agissait de fournir des conseils aux fonctionnaires ou aux Canadiens. On sait que 125 000 Canadiens qui devaient traverser la frontière tous les jours, et plusieurs d’entre eux étaient des gens qui devaient apporter au pays des médicaments, de la nourriture et des biens essentiels. Un bon nombre des éléments de ce contrat sont étudiés actuellement par les experts de l’ASFC en qui nous avons confiance.
Les biens immobiliers fédéraux
L’honorable Tony Loffreda : Monsieur le ministre Duclos, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Je voudrais explorer un sujet que j’ai abordé avec vous pour la première fois en décembre 2020, alors que vous comparaissiez devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Il s’agit du portefeuille immobilier du gouvernement et de son engagement à faire avancer le Plan à long terme des immeubles à bureaux (PLTIB). Vous êtes à nouveau chargé d’étudier cette question.
Je sais que le gouvernement du Canada souhaite offrir plus de souplesse et d’agilité en offrant des options pour un environnement de travail hybride, qui répondent aux exigences opérationnelles et favorisent la productivité. C’est un gros mandat à gérer alors que vous souhaitez aussi réduire l’empreinte immobilière du gouvernement. Êtes-vous en mesure de nous fournir une mise à jour sur ce dossier?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci beaucoup. Cela me permet de traiter cette question très importante qui préoccupe beaucoup de Canadiens. Nous sommes actuellement dans une crise du logement, que nous avons déjà connue à d’autres périodes de l’histoire du Canada, notamment lors du retour des vétérans après la Seconde Guerre mondiale et à la suite du baby‑boom au début des années 1960. Il faut donc faire tout ce que l’on peut et cela inclut, comme vous l’avez mentionné, la mise à la disposition des Canadiens, des municipalités et des organismes à but non lucratif de terrains ou d’édifices fédéraux.
Une des manières de le faire passe par l’Initiative des terrains fédéraux, qui représente autour de 200 millions de dollars de 2017 à 2026. Jusqu’à maintenant, environ la moitié de ce montant a déjà été engagé pour un total en cours, bientôt achevé ou bientôt atteint d’environ 3 950 logements, dont environ la moitié sont des logements abordables pour des familles, des aînés ou des personnes seules qui ont besoin de se loger d’une manière sécuritaire et abordable.
Le sénateur Loffreda : Merci pour la réponse.
La semaine dernière, des fonctionnaires de votre ministère ont comparu devant notre comité et nous avons discuté du portefeuille immobilier. On a appris que vous souhaitez accélérer votre plan pour qu’il s’échelonne sur 10 ans au lieu de 25 ans. On nous a expliqué qu’il y a plusieurs enjeux à considérer. Les conversions d’espaces à bureaux ne sont pas aussi simples qu’on le croit et elles sont plus chères qu’on le croit.
Une fois que les besoins immobiliers du gouvernement auront été bien évalués, croyez-vous qu’on sera en mesure de vendre certains immeubles et serons-nous en mesure d’en convertir certains en immeubles à logements abordables?
M. Duclos : Merci. La réponse est un double oui. Le premier « oui », c’est parce qu’effectivement nous le faisons depuis déjà quelques années et le deuxième « oui », c’est parce qu’on doit accélérer cette pratique. Si je résume rapidement, les défis en vue d’accélérer cette mise à la disposition de terrains et d'édifices fédéraux sont d’abord des défis sur le plan de la coordination entre les ministères. Les ministères contrôlent 75 % des édifices et des terrains fédéraux; à peu près le quart seulement relève de mon ministère.
Deuxièmement, il faut travailler étroitement avec les municipalités si l’on veut procéder à une mise à disponibilité plus rapide de ces terrains et édifices que ce que les règlements municipaux ou les outils municipaux permettent, comme c’est le cas ici à Ottawa.
Son Honneur la Présidente : Merci, monsieur le ministre.
La Stratégie nationale de construction navale
L’honorable Éric Forest : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. En avril 2023, l’injustice à l’endroit des travailleurs de la région de Québec a été réparée alors que le gouvernement annonçait l’intégration de Davie dans la Stratégie nationale de construction navale.
Lors de cette annonce, des 840 millions de dollars annoncés pour moderniser les installations de Davie, 519,2 millions de dollars provenaient du gouvernement du Québec et 320 millions de dollars étaient directement issus d’investissements de Davie; pas un sou provenant d’Ottawa. Un porte-parole de Services publics et Approvisionnement Canada, cité par le Journal de Montréal, a indiqué ce qui suit :
tous les partenaires stratégiques du gouvernement du Canada dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale (SNCN) sont tenus d’autofinancer les investissements d’infrastructure nécessaires pour établir la capacité de construire les navires de leur lot de travaux.
Pourtant, le 9 août dernier, le gouvernement annonçait l’octroi de 463 millions de dollars à Irving Shipbuilding, Inc. pour agrandir et modifier son chantier naval.
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Le fait que la question vienne de vous est très significatif, puisque vous avez travaillé, avec plusieurs autres, à l’intégration du chantier Davie dans la Stratégie nationale de construction navale. Beaucoup de gens le savent et vous en sont reconnaissants.
Cela étant dit, nous allons assister au cours des prochaines années au développement d’un pôle maritime majeur dans la région de Québec pour tout le pays; un pôle considérable à la fois sur les plans technologique et purement industriel qui va changer la vie de dizaines de milliers de travailleurs et donner des contrats à environ 1 300 fournisseurs. Évidemment, il y a des enjeux auxquels ont fait face certains chantiers semblables, comme Irving et Seaspan au début des années 2010. Dans tous les cas, y compris dans celui du chantier Davie, les chantiers devaient et doivent financer leur mise à niveau technologique et productive. C’est ce qui s’est passé dans les autres provinces, avec l’aide des gouvernements provinciaux de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique. Comme vous l’avez noté, c’est ce qui s’est passé au Québec au printemps dernier. En ce qui concerne l’aide accordée au chantier Irving il y a quelques mois, vous avez noté, tout comme nous, qu’il s’agit d’une aide ciblée pour construire des navires de combat d’une manière qui n’était pas prévue au début des années 2010. C’est un aménagement nécessaire pour réduire les coûts et les délais sur le plan de la construction remarquablement difficile de ces 15 navires de combat.
(1440)
Le sénateur Forest : Merci.
Dans ce contexte, on peut difficilement prétendre que les règles du jeu sont équitables pour les travailleurs du chantier Davie, étant donné que le chantier finance lui-même sa modernisation sans l’aide d’Ottawa et que l’on constate qu’une somme importante a été allouée au chantier Irving Shipbuilding.
M. Duclos : Il s’agit de deux choses différentes. La première, c’est la mise à niveau et la deuxième, c’est l’appui qu’il est nécessaire de fournir en raison des modifications des demandes de la Défense nationale au cours des dernières années par rapport à ce qui était prévu au début des années 2010. La mise à niveau pour chantier Davie, comme pour les deux autres chantiers, est financée de façon autonome par les chantiers, dans tous les cas, avec l’appui des trois gouvernements provinciaux. Cet appui est nécessaire en raison du fait que les paramètres imposés par la Défense nationale ont été modifiés au cours des dernières années et que cet appui vise à s’assurer que les navires sont construits de manière rapide et efficace.
L’attribution des marchés
L’honorable Jim Quinn : Merci d’être parmi nous cet après-midi, monsieur Duclos.
[Traduction]
Lorsqu’un soumissionnaire répond à un appel d’offres, il explique comment il entend satisfaire aux exigences techniques et autres qui y sont énoncées et soumet un prix pour assurer la prestation du service ou fournir le produit demandé. Notre processus prévoit l’octroi du marché public à l’auteur de la soumission la moins coûteuse répondant aux exigences. Or, beaucoup trop souvent, le prix soumissionné est insuffisant au point où les frais supplémentaires ou les travaux imprévus se traduisent par un prix final qui excède grandement celui qui figurait dans la soumission. Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour atténuer le risque associé aux sous-enchères?
M. Duclos : Je vais répondre en deux temps. Premièrement, il est important de surveiller et d’appliquer les paramètres des marchés publics à la suite de leur adjudication. Deuxièmement, il faut savoir que, de plus en plus, les paramètres du processus d’approvisionnement s’étendent au-delà du prix pour tenir compte, notamment, de l’importance de soutenir une diversité accrue de fournisseurs, comme des entreprises détenues ou dirigées par des Autochtones, par la communauté, par des femmes ou par de jeunes entrepreneurs, de même que pour tenir compte de l’importance de protéger l’environnement et la santé des Canadiens.
Je sais que nous n’avons jamais assez de temps, mais je reviens brièvement à votre première question concernant l’intégrité du processus. Je peux vous assurer qu’il est de ma responsabilité et de la responsabilité des fonctionnaires du ministère d’assurer un suivi pour confirmer que les entreprises respectent les exigences qu’elles ont acceptées au moment de signer le contrat et de les faire respecter, au besoin.
Le sénateur Quinn : Merci, monsieur le ministre. Ayant moi‑même pris part à de nombreux marchés publics, je sais qu’il y a d’autres endroits où on met de côté le plus bas soumissionnaire et le plus haut soumissionnaire, on détermine la moyenne et on peut attribuer le marché à tout soumissionnaire qualifié qui se situe dans la moyenne ou en dessous de la moyenne.
Le gouvernement ne peut-il pas examiner ce qu’on fait ailleurs pour voir comment on a réduit les risques qu’un soumissionnaire fasse une sous-enchère afin d’obtenir le contrat pour ensuite combler la différence avec des coûts supplémentaires et des travaux imprévus? C’est une question très précise.
M. Duclos : Le point et la suggestion sont très intéressants. D’ailleurs, cela a un lien avec un investissement récent d’environ 87 millions de dollars pour la modernisation du processus d’approvisionnement afin que l’on utilise des outils, dont certains de ceux que vous avez mentionnés, qui sont maintenant à notre disposition pour mieux accéder à l’information, mieux échanger des informations et mieux les utiliser pour conclure des marchés comme il se doit. Évidemment, c’est le genre de chose qu’on ne pouvait pas faire, il y a à peine quelques années, sans les progrès que nous avons vus dans les dernières décennies sur le plan des technologies et de l’information, mais ce n’est pas tout. Il faut aussi veiller à ce que les contrats soient honorés et à ce qu’on respecte d’autres exigences dont il faut tenir compte pour des raisons sociales et environnementales.
[Français]
L’honorable Amina Gerba : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre Duclos.
Plusieurs études montrent que les entrepreneurs noirs doivent surmonter un grand nombre de barrières et faire face à une discrimination systémique lorsqu’ils développent un projet entrepreneurial.
L’un des principaux obstacles qu’ils rencontrent est l’accès à la commande publique fédérale. Comme j’ai moi-même été entrepreneure pendant deux décennies, j’ai constaté à quel point il est important d’avoir accès au marché public. On sait notamment que la commande publique fait la différence entre une entreprise qui restera toute petite et une autre qui deviendra une multinationale.
Monsieur le ministre, votre ministère a mis en place des initiatives pour diversifier ses fournisseurs. Pouvez-vous nous indiquer ce qui a été fait spécialement pour assurer l’accès aux marchés publics pour les entrepreneurs noirs?
M. Duclos : Merci beaucoup, sénatrice Gerba. Cela me donne la possibilité de compléter indirectement la réponse à la question que le sénateur précédent a posée.
Pour répondre rapidement, vous connaissez, d’après ce que je peux comprendre, le plan en vue d’augmenter la diversité des chaînes d’approvisionnement au Canada. Ce plan a été lancé il y a environ deux ans et un sous-volet porte justement sur l’appui aux entreprises détenues ou gérées par des entrepreneurs noirs au pays. C’est un plan qui comporte aussi un projet pilote grâce auquel environ une douzaine de projets d’approvisionnement ont déjà été créés.
Comme vous l’avez très bien dit, cette initiative vise non seulement à aider ces entrepreneurs à participer pleinement au développement de l’économie, dans une perspective dynamique qui les prépare à des contrats plus importants par la suite, mais elle apporte aussi une plus grande concurrence au sein du processus d’approvisionnement, ce à quoi vous avez fait allusion tout à l’heure. Plus on a de la concurrence, plus il y a de la diversité chez les fournisseurs; plus les termes de référence pour le gouvernement s’améliorent, plus la qualité des services offerts aux Canadiens augmente.
La sénatrice Gerba : Merci, monsieur le ministre.
Le gouvernement a mis en place une cible minimale obligatoire de 5 % d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones.
Envisagez-vous une mesure semblable pour les entreprises détenues par des Noirs?
M. Duclos : C’est une très bonne question. Effectivement, vous avez fait correctement référence à la cible de 5 % des montants d’approvisionnement qui devrait être offerte à des entreprises détenues ou gérées par des Autochtones. On sait que la population autochtone au Canada est d’environ 5 % et qu’elle est souvent sous‑employée. Cette population se trouve souvent dans des milieux où l’on a besoin d’investir considérablement pour augmenter la qualité de vie des Canadiens et des Autochtones qui y vivent. C’est une cible dont on s’approche tranquillement. Les chiffres officiels sortiront au début de 2024 et on verra ce que cela donnera. On étendra peut-être ces cibles à d’autres groupes trop souvent exclus des processus d’approvisionnement.
La flotte de brise-glaces
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre.
La réponse que j’ai reçue récemment de votre gouvernement concernant l’achat des brise-glaces confirme qu’il est désormais pratiquement impossible pour le gouvernement Trudeau d’atteindre son objectif de mettre en service un seul brise-glace polaire d’ici 2030.
Dans la réponse que j’ai reçue de la part de votre gouvernement, il est noté qu’on n’a même pas encore entamé les négociations contractuelles, que ce soit avec la Davie ou avec Vancouver.
Pourquoi votre gouvernement n’a-t-il pas accordé une réelle importance à votre propre échéancier de 2030, et pourquoi les actions nécessaires en vue de réaliser cet objectif n’ont-elles pas été entreprises de façon rigoureuse et diligente?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci. Je vais à la fois corriger et confirmer ce que vous avez dit.
Il est incorrect de dire qu’aucune démarche n’a été faite ou qu’aucun contrat n’a été conclu ou discuté avec le chantier Seaspan, qui fait partie de la stratégie depuis déjà 2011.
(1450)
Je serais très heureux de vous fournir plus d’information sur le fait que cela progresse bien dans ce chantier pour la construction d’un navire brise-glace polaire.
Pour le chantier Davie, évidemment, on parle à plus long terme, parce que le chantier Davie a été exclu injustement et incorrectement de la première Stratégie nationale de construction navale, en 2011, par le gouvernement de l’époque. Cette erreur a été corrigée il y a quelques mois, on s’en réjouit tous et toutes au Québec et ailleurs au pays. Évidemment, il faut travailler à partir de l’état dans lequel le chantier se trouve maintenant, après avoir été exclu de la première stratégie.
On travaille très bien avec le chantier Davie, ce sont des gens très dynamiques et leur association de fournisseurs est extraordinaire. Elle se déplace partout au pays et à l’étranger pour faire valoir l’importance d’investir à Québec, au Québec et au Canada, entre autres, pour la construction du brise-glace polaire qui va leur revenir.
Le sénateur Boisvenu : Quel est le budget pour l’achat de ce brise-glace polaire?
M. Duclos : Dans les deux cas, les budgets sont actuellement estimés. On est rendu un peu plus loin, évidemment, au chantier Seaspan qu’au chantier Davie. Il faudrait inviter la ministre responsable de la Garde côtière canadienne pour obtenir des précisions, lorsqu’elles seront disponibles.
[Traduction]
La réfection du 24, promenade Sussex
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, en mai, le gouvernement Trudeau a dit qu’il présenterait enfin son plan — d’ici l’automne — sur l’avenir du 24, promenade Sussex. Nous sommes aujourd’hui le 18 octobre et nous n’avons toujours pas vu ce plan.
En février, votre ministère m’a fourni une réponse écrite qui démontre que, depuis 2016, votre gouvernement a dépensé plus de 800 000 $ de l’argent des contribuables pour déterminer quoi faire avec le 24, promenade Sussex. Huit longues années se sont écoulées et plus de 800 000 $ ont été dépensés, mais il n’y a toujours pas de plan, monsieur le ministre.
Allez-vous en présenter un cet automne, comme promis? Sinon, allez-vous simplement continuer de dépenser l’argent des contribuables sans prendre de décision?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Tout d’abord, en ce qui concerne l’échéancier, ma prédécesseure — que vous connaissez sans doute — a dit qu’à l’automne nous espérions fournir aux Canadiens, et par la bande au Sénat, une mise à jour sur ce qu’on prévoit pour les résidences officielles, y compris pour la résidence officielle du premier ministre.
Deuxièmement, des travaux sont en cours au 24, promenade Sussex. On y enlève de l’amiante et on protège l’intégrité de l’édifice. Quelle que soit la décision finale, l’immeuble sera toujours là. Il ne conservera pas sa forme actuelle parce qu’il n’est pas sécuritaire — pour les raisons que je viens de mentionner —, mais les Canadiens pourront en disposer comme bon leur semblera.
Le sénateur Plett : Je le répète : huit ans de Justin Trudeau — il n’en vaut tout simplement pas le coût.
Les Canadiens peinent à payer leur hypothèque et ils ont de la difficulté à se loger. Pourtant, le gouvernement a pris tout son temps et dépensé sans compter pour prendre une décision au sujet du 24, promenade Sussex, et il ne l’a toujours pas fait. C’est facile lorsqu’on dispose de fonds illimités provenant des contribuables — n’est-ce pas, monsieur le ministre?
Quel est le montant total que vous avez dépensé jusqu’à maintenant pour établir un plan? Je suppose qu’on a maintenant dépassé les 800 000 $, monsieur le ministre. Quel est le montant exact?
M. Duclos : Je viens tout juste de parler des travaux en cours au 24, promenade Sussex. J’ai aussi parlé de l’échéancier, comme nous l’avons déjà mentionné.
Je vais en profiter pour dire quelques mots sur la Stratégie nationale sur le logement, qui est un sujet peut-être plus pertinent pour la majorité des Canadiens. Depuis son lancement en 2017, cette stratégie a aidé plus de 2 millions de Canadiens. C’est la toute première stratégie nationale de logement, un outil que les Canadiens attendaient depuis longtemps.
Près de 120 000 nouveaux logements ont été construits et plus encore ont été rénovés pour aider les locataires de logements communautaires — je parle de dizaines de milliers de gens — qui, autrement, n’auraient pas accès à du soutien du gouvernement fédéral en 2023.
Le processus d’acquisition
L’honorable Ratna Omidvar : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être avec nous.
De 2018 à 2019, j’étais la marraine au Sénat du projet de loi C-344, qui modifiait la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et qui exigeait de votre ministère qu’il tienne compte des retombées locales dans ses processus d’acquisition, à savoir les emplois, les occasions pour la communauté d’affaires, etc. Le projet est mort au Feuilleton quand les élections ont été déclenchées en 2019. Par la suite, la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux de l’époque, Carla Qualtrough, m’a écrit pour me dire que, malgré tout, elle tenterait de mettre en place une politique visant à garantir que les retombées locales soient prises en compte dans le processus d’acquisition.
Pouvez-vous me dire où en est la modification de cet aspect précis du processus d’acquisition?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je vous remercie une fois de plus de votre excellente question.
En ce qui concerne les retombées locales, celles-ci comprennent à la fois des retombées sociales et des retombées environnementales découlant du recours aux marchés publics comme important outil d’intérêt public.
Pour ce qui est des retombées sociales, nous avons déjà souligné l’importance de soutenir divers groupes dont l’exclusion relative du processus d’approvisionnement nuit aux Canadiens qui font partie de ces groupes, ainsi qu’à la compétitivité globale des processus d’approvisionnement.
Lorsqu’on élargit le bassin de fournisseurs, en y incluant notamment des femmes, des Canadiens autochtones et des entreprises appartenant à des Noirs ou dirigées par ceux-ci, tout le monde en profite. Il s’agit là du premier élément, le second étant l’écologisation des processus d’approvisionnement.
Voici un fait intéressant : de 2005 à 2023, les investissements réalisés dans les biens immobiliers et les immeubles appartenant au gouvernement fédéral ont permis de réduire de 60 % les émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, en 2023, nous émettons donc 60 % moins de gaz à effet de serre qu’en 2005 grâce aux retombées non économiques des investissements réalisés dans les collectivités, ce qui constitue également un aspect important.
La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, monsieur le ministre. Dois-je comprendre que vous tenez véritablement compte des retombées locales dans le cadre des programmes d’achats gouvernementaux?
M. Duclos : La réponse est oui. Un bon exemple de cela est la cible de 5 % que tous les ministères, y compris le mien, sont tenus d’atteindre pour ce qui est de soutenir des entreprises dirigées par des Autochtones ou appartenant à ceux-ci.
[Français]
L’attribution des marchés
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Bonjour et merci d’être avec nous, monsieur le ministre.
Les approvisionnements du gouvernement atteignent près de 22 milliards de dollars par année; c’est beaucoup d’argent. Or, certaines entreprises qui font des efforts pour intégrer des éléments recyclés — et plus généralement pour accélérer la transition vers une économie circulaire — se plaignent que vos processus d’approvisionnement ne comportent pas d’incitations en ce sens.
Je sais que le gouvernement a une politique d’achats écologiques, mais je comprends que ces critères ne sont pas toujours appliqués avec force. Est-ce exact? Est-ce seulement un critère parmi des centaines d’autres ou est-il prioritaire?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci pour la question, madame la sénatrice.
La réponse est oui et non. C’est effectivement l’un des critères importants, mais ce n’est pas le seul. Parce que parmi tous les critères dont les fonctionnaires et les gestionnaires de ces contrats doivent tenir compte, il y en a d’autres aussi. Donc, l’impact sur l’environnement de nos processus d’approvisionnement est central — de plus en plus important —, parce qu’on sait qu’on ne peut pas continuer d’aller dans la direction actuelle au point de vue environnemental; on se frapperait à un mur. On a vu les impacts préliminaires lors des derniers mois au Canada et au Québec.
Cependant, il y a aussi d’autres critères importants, dont les critères d’inclusion sociale, de participation sociale et évidemment d’efficacité qui est, comme je le disais, parfois amélioré et soutenu par d’autres critères. À nouveau, le critère d’inclusion sociale permet une participation large aux processus d’approvisionnement; il appuie une meilleure compétition et une meilleure concurrence dans ces processus et donc un meilleur résultat pour le gouvernement canadien et pour les Canadiens.
La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, je comprends ce que vous dites, mais vous avez une politique. Un prochain gouvernement pourrait abroger ou modifier cette politique environnementale.
Ma question est donc la suivante : y a-t-il lieu, à votre avis, d’inscrire ces critères écologiques et de circularité dans la Loi sur la gestion des finances publiques afin de les rendre prioritaires — véritablement prioritaires — et incontournables dans les approvisionnements du gouvernement?
M. Duclos : C’est une suggestion très intéressante, j’aurais besoin d’en parler avec la ministre des Finances, qui est probablement responsable de cette loi.
(1500)
Comme vous l’avez souligné, cette façon de traiter les processus d’approvisionnement repose sur des règlements ou sur des politiques. Dans les deux cas, c’est facile de faire des changements. Les politiques sont simples à modifier par les gouvernements futurs. Si nous souhaitons pérenniser la façon dont on commence à traiter ces préoccupations des Canadiens, il pourrait être utile de considérer d’autres façons de faire.
L’appropriation des terres
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Bonjour, monsieur le ministre. En 2020, Services publics et Approvisionnement Canada a fait l’acquisition d’un terrain de stationnement dans le Vieux‑Montréal dans le but de construire un nouvel édifice pour la Cour fédérale et ses procureurs. On parle d’un terrain qui a coûté 7 millions de dollars, pour 150 000 pieds carrés d’espace à bureaux, en plus de la facture de construction. Pouvez-vous nous justifier l’existence d’un tel projet pour déménager la Cour fédérale, qui se trouve déjà dans un autre édifice du Vieux-Montréal? Ce n’est assurément pas logique, surtout au moment où la présidente du Conseil du Trésor demande de faire des compressions de 15 milliards de dollars dans les dépenses gouvernementales.
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci, sénateur Dagenais. Je ne connais pas suffisamment ce dossier. Il relève davantage de mon collègue le ministre de la Justice. Je pourrais lui demander de vous contacter.
Le sénateur Dagenais : Les délais et le fonctionnarisme sont deux facteurs qui retardent parfois l’approvisionnement en équipement pour nos forces armées. Ces délais ont coûté une fortune aux contribuables canadiens depuis que le gouvernement est au pouvoir. Pourquoi n’aurions-nous pas au Canada, comme c’est le cas en Grande-Bretagne, un ministère des Approvisionnements exclusivement consacré aux besoins du ministère de la Défense, avec des experts qui s’y connaissent, plutôt que de donner parfois des contrats à des consultants?
M. Duclos : Je vous remercie encore une fois pour la question. Le mandat de Services publics et Approvisionnement Canada, mon ministère, est exactement celui-là. Ce ministère a été créé pour faciliter les processus d’approvisionnement à l’échelle du gouvernement. Au sein de mon ministère, il y a des experts en approvisionnement militaire qui travaillent étroitement avec des experts de la Défense nationale et des fournisseurs de services requis. Comme vous l’avez fort bien suggéré, il est essentiel de s’assurer que, au Canada comme ailleurs dans le monde, ces processus sont bien gérés et donnent les meilleurs résultats pour les Canadiens, tout en tenant compte des effets économiques, environnementaux et sociaux. Évidemment, il pourrait y avoir, comme vous le suggérez, de meilleures façons de procéder, et je serais heureux de les entendre.
La Cité parlementaire
L’honorable Andrew Cardozo : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous à titre de nouveau ministre des Services publics et de l’Approvisionnement. Félicitations pour votre nomination.
[Traduction]
Au fil de vos différents mandats, vous avez acquis la réputation de ministre bricoleur, et j’espère donc que vous serez en mesure de remédier au problème dont je souhaite vous parler. Ma question concerne l’avenir de la rue Wellington et vos responsabilités dans la région de la capitale nationale.
Il y a longtemps que l’on envisage d’aménager la rue en zone piétonne pour valoriser l’espace situé devant notre temple de la démocratie, pour en faire une place conviviale qui souligne et qui glorifie notre riche histoire. Un tel changement comporte également des considérations importantes pour la sécurité du Parlement.
L’occupation illégale par le convoi au début de 2021 nous a montré que laisser cet espace ouvert aux voitures et aux camions était une mauvaise idée et que nous devions absolument faire le nécessaire pour améliorer cette zone.
Je crois qu’il y a eu des discussions entre le gouvernement du Canada et la Ville d’Ottawa...
[Français]
Son Honneur la Présidente : Merci, monsieur le sénateur.
[Traduction]
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je vous remercie beaucoup. C’est une excellente question, que j’aurais aimé entendre au complet. Peut-être qu’à la deuxième occasion, ce sera possible.
Vous avez signalé les vrais enjeux : premièrement, la sécurité; deuxièmement, l’enceinte parlementaire par rapport à la cité parlementaire; et, troisièmement, les importantes discussions qui ont lieu avec la Ville d’Ottawa.
Il ressort clairement depuis les dernières années — et c’est de plus en plus évident — que la sécurité des parlementaires, y compris les sénateurs, doit être un élément central de nos discussions avec la Ville d’Ottawa au sujet de l’avenir de la rue Wellington. Il faut également reconnaître qu’avec l’amélioration et la modernisation des installations parlementaires, le Parlement passe d’une enceinte parlementaire à une véritable cité parlementaire. Je pense qu’il s’agit d’une bonne nouvelle pour la plupart des Canadiens. On a pu constater les résultats positifs d’une telle évolution dans d’autres pays.
Enfin, vous avez tout à fait raison de souligner l’importance de la relation que le Parlement doit entretenir avec la Ville d’Ottawa. Je dois rencontrer le maire sous peu, et je suis impatient de présenter un compte rendu des résultats de cette réunion.
Le sénateur Cardozo : Il me reste encore 45 secondes. J’ai quelques autres idées à suggérer pour animer la région de la capitale nationale : créer un nouveau musée ultramoderne des sciences et de la technologie au centre-ville; installer une galerie de portraits dans un immeuble de bureaux désaffecté; construire un quartier des arts et un studio d’art dans le marché By, aux alentours du Musée des beaux-arts du Canada; et ouvrir un nouveau musée du graffiti.
En ce qui concerne la réfection du 24, promenade Sussex, pourriez-vous demander au comité mixte formé de tous les partis de s’occuper de ce dossier avec celui des rénovations sur la Colline du Parlement, en laissant la politique de côté pour faire bouger les choses? J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
M. Duclos : Je pense que nous sommes tous d’accord avec vous pour dire qu’il faut exclure la politique de tels débats. La politique joue un rôle important dans la vie publique, mais elle ne répond pas toujours aux attentes. Je crois que c’est une excellente idée de faire abstraction de la politique lorsqu’on discute de la vision pour l’avenir de la région de la capitale nationale et des mesures à prendre en ce sens.
Je suis impatient d’entendre vos idées sur cette brève liste de projets que nous pourrions entreprendre dans l’environnement social, physique et historique où nous avons la chance de travailler presque tous les jours.
L’examen du processus d’acquisition
L’honorable Rose-May Poirier : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous. Monsieur le ministre, le gouvernement Trudeau n’a jamais cru bon d’informer la population que c’est la société d’experts-conseils Accenture qui gère le programme de prêts pour les petites entreprises du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Accenture a obtenu des contrats d’au moins 208 millions de dollars. Ces contrats n’ont pas été divulgués aux parlementaires et aux contribuables canadiens et c’est le Globe and Mail qui en a révélé l’existence à la suite d’une demande d’accès à l’information.
En tant que ministre de l’Approvisionnement, diriez-vous que cette façon d’agir était ouverte et transparente? Pourriez-vous également nous dire quel est le montant total actuel des contrats accordés à cette société?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci beaucoup. Votre question est juste et légitime. Je serai heureux de vous revenir avec les informations que vous demandez. Je n’ai pas ces informations sous la main, mais je serai heureux de vous les communiquer avec l’aide des fonctionnaires de mon ministère.
La sénatrice Poirier : Pourriez-vous également vérifier s’il existe d’autres contrats de ce genre qui attendent d’être découverts? Pouvez-vous assurer aux contribuables canadiens que votre gouvernement ne cache aucun autre contrat?
M. Duclos : Je crois, comme la plupart d’entre nous, je suppose, qu’un gouvernement ouvert et transparent est essentiel non seulement pour favoriser notre démocratie, mais aussi pour assurer la capacité de nos gouvernements à faire ce qui s’impose. Nous serons heureux de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour satisfaire vos intérêts légitimes à l’égard de ces contrats et de tout autre contrat, et nous ferons le nécessaire pour vous fournir des renseignements exacts et importants.
La lettre de mandat
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, il y a deux ans, l’une de vos prédécesseures s’est vu confier les tâches suivantes dans la lettre de mandat qu’elle a reçue du premier ministre : poursuivre la modernisation des pratiques d’approvisionnement; renouveler les flottes de la Garde côtière canadienne et de la marine; assurer l’approvisionnement continu de la défense; régler les problèmes non résolus attribuables au système de paye Phénix; réhabiliter le 24, promenade Sussex; remplacer le pont Alexandra et construire un point de passage supplémentaire sur la rivière des Outaouais; s’assurer qu’au moins 5 % de la valeur totale des contrats fédéraux sont attribués à des entreprises autochtones.
Monsieur le ministre, vous n’avez pas reçu votre lettre de mandat. Est-ce parce qu’elle ne serait qu’un copier-coller de l’ancienne, étant donné qu’aucune des tâches qu’elle contenait n’a été menée à bien depuis les dernières élections?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci. Une fois de plus, votre question est justifiée et elle nécessitera une longue réponse. Permettez-moi donc de souligner deux éléments dont vous avez brièvement parlé.
Premièrement, j’ai parlé tout à l’heure des progrès importants et attendus depuis longtemps que nous avons pu réaliser, notamment en ce qui concerne le chantier maritime Davie, qui est devenu le troisième chantier maritime de la nouvelle Stratégie nationale de construction navale. Il s’agit d’une étape importante qui permettra de livrer plus rapidement les navires dont la Garde côtière et d’autres organismes ont besoin, et ce, à moindre coût, plus vite et avec de meilleurs résultats pour l’industrie canadienne.
Deuxièmement, j’ai parlé plus tôt de la cible de 5 % d’approvisionnement auprès d’entreprises autochtones. Un certain nombre de ministères ont déjà dépassé cette cible, tandis que d’autres doivent redoubler d’efforts pour y arriver. Nous allons dévoiler et publier l’estimation globale avec plaisir au début de 2024.
(1510)
Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, cette lettre de mandat n’a pas été remise à la dernière ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, mais à sa prédécesseure, donc deux ministres avant vous. Aucun progrès n’a été réalisé dans ces dossiers depuis deux ans.
Que pensez-vous pouvoir accomplir pendant les deux ans, ou peut-être la seule année, qu’il reste avant que nous ayons un gouvernement conservateur plein de bon sens dirigé par Pierre Poilievre?
M. Duclos : Je viens rarement ici, et je trouve plutôt amusant d’entendre des propos que vous pourriez, selon moi, rendre plus nuancés et plus rationnels. Je sais que nous sommes guidés par des intérêts différents qui se trouvent à l’extérieur de cette enceinte, mais je suppose, sénateur Plett, que vous accompliriez votre travail un peu différemment si vous n’étiez pas guidé par les intérêts du chef conservateur de l’autre endroit.
[Français]
L’attribution des marchés
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Bonjour, monsieur le ministre. Vous avez répondu plus tôt à la question de la sénatrice Gerba au sujet du contenu de votre lettre de mandat, qui attribuait 5 % des contrats fédéraux sur les marchés publics aux communautés autochtones.
Cependant, je n’ai pas bien compris si vous aviez prévu des cibles pour les communautés noires. Lorsque vous devrez mesurer la progression et l’atteinte des objectifs pour ces communautés, il faudra pourtant avoir des cibles.
Je n’ai pas bien compris si vous aviez évoqué des cibles en ce qui concerne ces communautés.
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je vous remercie de cette excellente question. Laissez-moi être un peu plus clair. Les cibles pour les entreprises gérées ou possédées par des Autochtones sont des cibles claires, soit de 5 %. Nous avons hâte de donner les premiers résultats de ces mesures au début de 2024.
En parallèle, en 2021, nous avons aussi mis en place un plan de diversification du processus d’approvisionnement pour notamment augmenter la concurrence dans ces processus. Depuis 2021, il existe un projet pilote qui a permis d’aider des entreprises possédées ou gérées par des Noirs à conclure 12 contrats d’approvisionnement auprès du gouvernement canadien. Le projet pilote vise à vérifier si le processus fonctionne bien, afin que l’on soit en mesure d’évaluer les résultats que cela apporte en matière de création d’emplois et de défis auxquels ces entreprises ont peut-être dû faire face depuis le lancement du projet pilote. On verra ensuite comment on pourra aller de l’avant. On pourrait effectivement établir des cibles spécifiques pour certains groupes, y compris des groupes d’entreprises possédées ou gérées par des Noirs.
La sénatrice Mégie : Merci beaucoup.
Le travail forcé et le travail des enfants
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Monsieur le ministre, à compter du 1er janvier 2024, les institutions fédérales et les ministères comme le vôtre seront soumis à la nouvelle loi S-211 sur la lutte au travail forcé et au travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Il s’agit d’un projet de loi que j’ai parrainé avec votre collègue le député John McKay qui oblige le gouvernement à faire rapport sur les risques d’esclavage moderne dans les biens qu’il achète et sur les mesures qu’il déploie pour limiter ces risques.
Ma question est très simple : êtes-vous prêt?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : La question est bien posée. Il y a du travail à faire, parce que la loi, notamment grâce à votre travail, madame la sénatrice, a été adoptée après plusieurs essais. Il a été difficile d’y arriver au cours des dernières années. La loi a connu des échecs en matière de processus parlementaire à certains moments.
Heureusement, la bonne nouvelle, c’est que la loi a été adoptée. Maintenant, il faut mettre en place des règlements. Cela tombe bien, parce que le député McKay, auquel vous avez fait référence, en parle et y travaille aussi fortement que vous. Je pense que, avec le travail collectif que vous êtes en train de faire, nous devrons faire le chemin qu’il reste à faire.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous êtes ministre de l’Approvisionnement depuis peu. D’après ce que vous avez vu, est‑ce que nos chaînes d’approvisionnement sont contaminées? Est-ce que vous avez vu des cas de travail forcé d’enfants dans la marchandise que le Canada reçoit d’un peu partout dans ces approvisionnements?
M. Duclos : Comme vous l’avez dit, je suis relativement nouveau, et il y a peut-être des choses qui m’ont échappé au cours des dernières semaines. Je vais donc valider, avec mon ministère et mes hauts fonctionnaires, la réponse à votre importante question.
Ce que je sais jusqu’à maintenant, c’est que nous n’avons pas reçu — du moins, je n’en ai pas reçu — d’information utile ou claire sur le fait que certains de nos processus d’approvisionnement ont mené ou ont appuyé le travail d’enfants ou le travail effectué dans des conditions inacceptables, ici au pays ou ailleurs dans le monde.
[Traduction]
L’application ArriveCAN
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je vais poser une autre question sans faire de grands discours et sans critiquer l’application ArriveCAN. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez me donner une réponse sans me dire à quel point cette application a été bénéfique ou combien de vies elle a sauvées.
Ma question est simple, monsieur le ministre. On parle d’un coût d’au moins 54 millions de dollars. Si vous ne pouvez pas me répondre aujourd’hui, pouvez-vous vous engager à me dire combien l’application ArriveCAN a coûté aux contribuables canadiens?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci, c’est une excellente question. La réponse viendra de mon collègue de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’organisme qui devait concevoir, mettre en œuvre et soutenir cette application. Dans les 54 millions de dollars dont vous avez parlé, il y a une série de contrats dont les services et la valeur vont bien au-delà de la conception de l’application elle-même. Il était essentiel, comme nous l’avons dit plus tôt, de permettre à des dizaines de milliers de Canadiens de traverser la frontière à un moment où il était également important de protéger la santé et la sécurité de millions de Canadiens.
Le sénateur Plett : Permettez-moi de vous poser une simple question, monsieur le ministre : vous engagez-vous à obtenir une réponse de l’Agence des services frontaliers du Canada pour nous? C’est plus facile pour vous de l’obtenir que pour moi. Si vous pouvez nous fournir cette réponse par écrit, je pense que ce serait acceptable.
Puisque vous et votre gouvernement ne cessez de vous vanter de votre transparence, je vous serais reconnaissant de faire preuve de transparence avec nous aujourd’hui et de répondre à la question que je vous ai posée.
M. Duclos : Très bien. Vous êtes un parlementaire important et vous avez des fonctions importantes à remplir. Par conséquent, je vais vous faciliter l’accès à ces renseignements avec tous les moyens dont je dispose pour appuyer votre travail important.
Les biens immobiliers fédéraux
L’honorable Tony Loffreda : Monsieur le ministre, nous avons discuté de l’intention du gouvernement de réduire le parc immobilier. Nous savons qu’il est prévu de le faire sur une période de 10 ans, mais cette période semble longue. Existe-t-il une volonté ou un projet susceptible de raccourcir cette période? Nous parlons de l’itinérance au Canada et de l’abordabilité du logement, qui sont des préoccupations très importantes pour les Canadiens. Serait-il possible de procéder dans un délai un peu plus court que 10 ans?
Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Oui, vous avez raison, il faut faire vite. Ceci dit, nous avons fait beaucoup de progrès ces dernières années. J’ai hâte de participer à un événement public au cours duquel nous ferons le point sur le travail accompli, sur les mesures actuelles pour accélérer et faciliter l’utilisation des terrains et des bâtiments fédéraux, et sur le plan à plus long terme pour les Canadiens. En fait, cela ne saurait tarder.
Nous savons que, pour résoudre la crise du logement, il faut prendre des mesures rapides et concrètes à court terme, mais aussi investir à plus long terme. Nous vivons dans un monde où les changements démographiques ne s’arrêteront pas. Notre population vieillit, les ménages sont en moyenne plus petits et les besoins des Canadiens et de nos aînés évoluent également. Cette situation implique différents types de logements et de sites, dans le respect de la sécurité des personnes et de la santé de l’environnement. Notre plan doit porter sur le long terme, mais il doit aussi être, comme vous l’avez dit, un plan rapide, accéléré, pour répondre aux besoins des Canadiens en matière de logement.
(1520)
Le sénateur Loffreda : Merci. Pensez-vous qu’il serait difficile de transformer des espaces de bureau en habitations pour ceux qui ont besoin d’un logement? Les espaces de bureau peuvent être très coûteux. Est-ce qu’une analyse a été entreprise afin d’étudier ce dossier et de déterminer les problèmes éventuels?
M. Duclos : C’est une excellente question, et la réponse est oui. Nous allons bientôt en dire plus à ce sujet, mais pour répondre à votre question, je peux quand même dire que la Société immobilière du Canada, qui relève de mon ministère, Services publics et Approvisionnement Canada, ainsi que d’autres ministères ont, ces derniers mois, procédé à une analyse des bâtiments fédéraux qu’il serait facile et rapide de convertir en immeubles résidentiels. Il serait insensé de convertir certains bâtiments en immeubles résidentiels, y compris à Ottawa, mais il y en a d’autres qui pourraient être convertis rapidement. Je le répète, j’ai hâte de pouvoir en dire plus à ce sujet.
[Français]
L’accès à l’information
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le ministre, lundi, Caroline Maynard, commissaire à l’information du Canada, a accusé votre gouvernement et ses institutions de faire systématiquement obstruction aux demandes d’accès à l’information. On se rappellera les achats d’équipements et les vaccins, au moment où vous étiez le ministre responsable. On pose également beaucoup de questions sur certains contrats de votre nouveau ministère.
Vous êtes-vous senti visé par cette accusation de la commissaire, et quels gestes poserez-vous pour établir une certaine transparence?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Tous les ministres doivent se sentir concernés et tous les ministres ont un rôle à jouer, moi y compris. Il est très clair que l’accès à l’information doit être facilité et accéléré auprès de mes fonctionnaires. Je me souviens également de l’époque où j’étais président du Conseil du Trésor, où j’étais davantage responsable de la coordination et de la facilité à accéder à ces informations. J’avais des échanges réguliers avec la commissaire; cette tâche relève maintenant de Mme Anand. Dans mon ministère, il faut faire des progrès. Je ne me souviens pas si mon ministère performe mieux que d’autres, mais que ce soit le cas ou non, il faut être sensible à cette question, surtout à une époque où l’accès à une information fiable et crédible est si important pour consolider la confiance des gens dans les institutions.
Le Complexe Guy-Favreau
L’honorable Jean-Guy Dagenais : J’aurais une question à poser à titre de Montréalais. Quand allez-vous mettre en vente le Complexe Guy-Favreau à Montréal? Il semble y avoir de petits problèmes avec cet édifice.
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : C’est une bonne question. Je devrai vous revenir de manière plus précise. Vous me posez une colle, comme on dit en bon français. Je vais m’assurer de pouvoir répondre à cette « colle » prochainement.
L’ingérence étrangère
L’honorable Clément Gignac : Merci d’être parmi nous, monsieur le ministre. Le monde est en train de changer, avec ces tensions géopolitiques. Vous êtes responsable des approvisionnements pour le gouvernement du Canada. Comment intégrez-vous le volet « sécurité nationale » pour que notre pays ne soit pas dépendant des chaînes d’approvisionnement et surtout pour rendre nos infrastructures de télécommunication ou nos infrastructures militaires moins vulnérables vis-à-vis de pays qui pourraient nous être hostiles, si jamais la tension s’accentue?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Votre question, sénateur Gignac, est à la fois sombre et importante. Il est vrai que l’on ressent depuis un bon moment que l’humanité ne va pas nécessairement dans la bonne direction, et cela vient avec des dangers en matière de partage et d’utilisation d’information entre les pays qui partagent les mêmes valeurs.
Mon collègue de la Défense nationale, mon collègue de la Sécurité publique, la présidente du Conseil du Trésor et moi avons le mandat de collaborer, y compris avec nos partenaires à l’étranger, pour reconnaître que plus cela ira, plus il sera important de protéger la sécurité des Canadiens et celle de nos alliés dans un environnement qui oblige de plus en plus à instaurer un environnement collaboratif. Je pourrais donner davantage de détails, mais c’est ce que je peux dire de plus utile pour l’instant.
Le sénateur Gignac : Êtes-vous prêt à vous inspirer des États‑Unis et à aller aussi loin que d’exclure des entreprises issues de pays hostiles dans les appels d’offres publics, puisque c’est bien le cas aux États-Unis, comme dans le cas des équipements de transport? On sait que les Chinois sont très forts dans la reconnaissance faciale, par exemple. Que l’on parle de la Chine ou d’autres pays qui nous sont hostiles, seriez-vous prêt à exclure certains pays, comme le font les États-Unis dans leurs appels d’offres publics?
M. Duclos : La réponse est oui. Pour les détails sur certains pays, il faudra que je vous revienne. Évidemment, il y a des pays dont on sait déjà qu’ils ne peuvent pas participer à ces processus d’approvisionnement, mais il y en a d’autres pour lesquels cela devient de plus en plus évident.
Les biens immobiliers fédéraux
L’honorable Éric Forest : Monsieur le ministre, dans ce grand défi qui est de rénover et de reconvertir l’ensemble des immeubles de propriété fédérale, est-ce que les municipalités sont des partenaires sur lesquels vous devez compter pour élaborer une stratégie? En effet, les municipalités ont une énorme responsabilité sur le plan du développement de l’offre de logements abordables.
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : La réponse est oui pour toutes sortes de raisons. Tout d’abord, ce sont ces municipalités qui sont les mieux placées pour déterminer les édifices et les terrains fédéraux qui pourraient être reconvertis à des fins plus utiles pour la communauté. Ensuite, la politique locale est importante, et le gouvernement canadien peut difficilement mettre en place des projets de reconversion sans l’appui de la population. Ce sont les élus municipaux qui sont les plus aptes à le faire.
Troisièmement, les règlements municipaux doivent être adaptés à cette reconversion. Comme vous pourrez le constater dans les prochaines semaines, il peut y avoir des actions de la part du gouvernement du Canada, mais surtout de la part du gouvernement du Québec et des municipalités, qui sont nécessaires pour faciliter cette conversion.
Je termine en disant que vous avez entendu parler de la signature de l’entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec en matière de logement, soit les fonds de 900 millions de dollars qui ont été débloqués. Cette annonce est une superbe annonce qui nous permettra de travailler plus facilement, plus rapidement et plus efficacement avec les municipalités dans le respect des compétences du gouvernement du Québec, et cela va porter entre autres sur ces questions.
[Traduction]
L’application ArriveCAN
L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Monsieur le ministre, j’aimerais revenir à l’application « ArnaqueCan ». Nous savons maintenant que la Gendarmerie royale du Canada a décidé de lancer une enquête, et nous savons qu’elle ne fait jamais cela à la légère. Si les policiers de la GRC font enquête, c’est parce qu’ils ont des raisons de croire qu’un crime a été commis ou, au minimum, qu’il y a eu des activités frauduleuses ou inappropriées.
Avez-vous pris des mesures d’atténuation des risques pour que cette situation ne se reproduise plus dans un proche avenir?
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Dans cette enceinte, de même qu’à l’autre endroit, on compte beaucoup d’avocats ou de personnes avec une formation juridique. Ce n’est pas mon cas. Par contre, je sais qu’il serait présomptueux, et probablement inapproprié, de sauter aux conclusions quant aux intentions et aux démarches de la GRC. La GRC est une entité indépendante du gouvernement fédéral, c’est pourquoi les parlementaires ne devraient pas essayer d’interpréter ce que ses agents pensent ou font.
Cela dit, je vous ai communiqué de l’information que vous connaissiez déjà, c’est-à-dire que mon collègue responsable de l’Agence des services frontaliers du Canada a demandé à ses hauts fonctionnaires de se pencher sur ce dossier dans le cadre d’un processus qui, à mon avis, mérite notre confiance.
Le sénateur Housakos : Monsieur le Ministre, nous savons tous que la gestion de ce projet a donné lieu à d’énormes dépassements de coûts. C’est le premier élément. Nous savons, en tant que parlementaires, que cela suscite des interrogations.
Nous savons également que lorsque la GRC lance une enquête, on soupçonne à tout le moins qu’un acte répréhensible a été commis.
Encore une fois, quelles mesures avez-vous prises, en tant que ministre fraîchement nommé, pour aller au fond de cette affaire avant qu’un rapport de la GRC ou de la vérificatrice générale soit publié? Quelles mesures préventives avez-vous prises dans ce dossier afin de pouvoir nous garantir qu’une telle chose ne se reproduira pas?
M. Duclos : Merci. Premièrement, la GRC est indépendante. Deuxièmement, la GRC n’est pas sous mon contrôle. Troisièmement, comme vous parlez de coûts, n’oublions pas les coûts — sur le plan de la santé, de la sécurité et de l’économie — que la COVID-19 a imposés aux Canadiens. Ce contrat ne se limitait pas à la conception de l’application, mais il était essentiel d’élaborer celle-ci pour permettre à des centaines de milliers de Canadiens et d’étrangers de se déplacer tous les jours et pour les protéger alors que leur santé et leur sécurité étaient en jeu.
(1530)
Le système d’approvisionnement militaire
L’honorable Jim Quinn : Monsieur le ministre, j’ai une petite question à vous poser. Selon le ministre Blair, qui est responsable du portefeuille du ministère de la Défense nationale, son ministère aura 1 milliard de dollars de moins. Or, les membres des Forces armées canadiennes doivent intervenir non seulement dans notre pays, mais de plus en plus à d’autres endroits dans le monde. Pouvons-nous avoir l’assurance que le gouvernement et votre ministère ne vont pas nuire à l’approvisionnement en équipement essentiel et qu’ils vont plutôt le faciliter? Je pose la question parce que les Forces armées canadiennes ont de la difficulté à ce chapitre.
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je vous l’assure, et je vous assure qu’il en va de même pour mon collègue, le ministre Blair, ce qui est tout aussi important. Le fait que le budget de la défense s’élève maintenant à 26 milliards de dollars et qu’il passera à 39 milliards de dollars dans trois ans en fait foi. Il pourrait y avoir des économies à réaliser dans tous les ministères, y compris le mien, mais en ce qui concerne le ministère de la Défense nationale, j’estime que cette hausse sur trois ans montre bien que nous prenons les besoins de ce ministère au sérieux.
[Français]
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le temps alloué à la période des questions est écoulé. Je suis certaine que vous vous joindrez à moi pour remercier le ministre Duclos de s’être joint à nous aujourd’hui.
Merci, monsieur le ministre. Nous reprenons nos délibérations là où nous en étions.
ORDRE DU JOUR
La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gerba, appuyée par l’honorable sénateur Klyne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).
L’honorable Éric Forest : Chers collègues, je tenais à prendre la parole au sujet du projet de loi C-282, car je suis inquiet à propos du système de gestion de l’offre qui régit la production du lait, de la volaille et des œufs au Canada.
[Traduction]
Il est important de noter que le projet de loi, qui a été adopté avec l’appui de députés de tous les partis politiques représentés à la Chambre des communes, a même reçu l’appui du premier ministre, du chef de l’opposition officielle et des ministres du Commerce international et de l’Agriculture. En soi, ce n’est pas un mince exploit.
[Français]
Cet appui massif de la Chambre des communes et du Cabinet devrait, à lui seul, nous convaincre de renvoyer ce projet de loi en comité pour que l’on en fasse une étude approfondie.
Le projet de loi C-282 est, somme toute, assez simple. Il modifie la Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement de façon à intégrer la protection du système de gestion de l’offre dans les responsabilités du ministre.
Le projet de loi C-282 ajoute la gestion de l’offre à la liste des directives dont le ministre devra tenir compte dans la conduite des affaires extérieures du Canada, notamment en matière de commerce international. En fait, il s’agit d’améliorer le rapport de force du gouvernement canadien lorsqu’il se présentera à d’éventuelles négociations internationales.
Comme vous le savez, la gestion de l’offre a été affaiblie en raison de la conclusion de trois récents accords commerciaux. Bien que les gouvernements successifs aient promis le contraire, il y a eu un impact sur les travailleurs des productions se trouvant sous le régime de gestion de l’offre, alors que de nouveaux contingents d’importation ont été acceptés.
Certains observateurs ont prétendu que ce projet de loi lie les mains des négociateurs. Je dirais plutôt qu’il encadre leurs éventuels mandats et qu’il protège le droit des parlementaires et de la population de savoir ce qui se passe avant d’avoir les mains liées.
(1540)
Le projet de loi C-282 fera en sorte que les négociateurs ne puissent pas s’engager à signer un accord qui mettrait en cause la gestion de l’offre avant que le Parlement ne lui donne son accord.
Certains juristes, comme notre toujours très vigilante collègue la sénatrice Dupuis, se sont demandé si le projet de loi C-282 n’était pas une atteinte à la prérogative royale, le principe étant que la Couronne doit y consentir expressément lorsqu’il est question de renoncer à l’une de ses prérogatives.
Je n’ai pas la prétention d’être constitutionnaliste ni expert en droit parlementaire. C’est pour cette raison que je vous invite à consulter le rapport de recherche auquel a collaboré le constitutionnaliste Patrick Taillon, qui s’intitule Le consentement royal aux projets de loi touchant la prérogative royale sur les affaires étrangères. Le constitutionnaliste Taillon y affirme que le projet de loi est conforme, puisqu’il n’empêche pas le ministre ou l’exécutif d’exercer leur prérogative en matière de commerce international; il l’encadre plutôt.
Si le gouvernement veut faire des concessions, il devra simplement revenir devant le Parlement avant de s’engager. De toute façon, les accords commerciaux doivent être entérinés par le Parlement.
Il existe plusieurs mécanismes pour assurer que les projets de loi respectent la prérogative de la Couronne. Cependant, à l’étape où nous en sommes, si le premier ministre du Canada a donné son accord et que le gouvernement lui-même n’a pas contesté ce fait, il serait malvenu pour nous, au Sénat, de retarder ou de bloquer un projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes, alors que le chef du gouvernement, le chef de l’opposition et le Parlement y ont donné leur appui. Sinon, ce projet de loi n’aurait pas pu cheminer jusqu’au Sénat.
La question légitime qui se pose ensuite est la suivante : pourquoi protéger les produits sous gestion de l’offre plutôt que d’autres produits comme le bœuf et les produits forestiers, par exemple?
Il faut d’abord reconnaître que les produits sous gestion de l’offre sont d’une nature particulière, puisqu’ils sont essentiels à notre sécurité alimentaire et qu’il est nécessaire de les protéger de la concurrence sauvage.
Le programme de gestion de l’offre est né en 1972 en raison d’une situation de surproduction et d’anarchie au sein des marchés. Le gouvernement canadien a graduellement mis en place ce système afin de protéger les producteurs et les consommateurs de trop grandes fluctuations de production et de prix.
Vous remarquerez que les transformateurs canadiens appuient la gestion de l’offre, car elle a un effet positif sur la stabilité des prix et des approvisionnements.
Par ailleurs, je voudrais souligner que le fait d’appliquer un traitement différencié pour un produit n’est pas tout à fait une excentricité en matière de commerce international. On le fait déjà pour la culture, puisque l’on reconnaît que les biens culturels ne sont pas des biens comme les autres.
Grâce au leadership du Canada et de la France, on a réussi à soustraire l’industrie culturelle des traités internationaux, notamment auprès de l’OMC. Retenons que l’OMC permet aux pays membres de protéger un certain nombre de lignes tarifaires. Tous les pays peuvent le faire et la grande majorité le fait : c’est un droit.
Par ailleurs, il est nécessaire et intéressant de noter que les Américains ont un système de gestion de l’offre pour l’industrie du sucre. En plus de contrôler les importations, la production et les prix, ils ont même mis sur pied un programme de transformation du sucre en éthanol pour écouler la production excédentaire et soutenir leurs producteurs.
L’exemple du sucre américain montre bien que des productions axées sur les exportations et des productions orientées vers le marché intérieur peuvent cohabiter et faire partie d’un même mandat de négociation.
Certaines productions agricoles veulent jouer le jeu de la libéralisation totale des marchés et tenter de concurrencer nos voisins en misant sur des produits à faible coût; c’est bien, mais les producteurs de lait, d’œufs et de volailles devraient aussi être en mesure de protéger leur mode de mise en marché. Une industrie ne devrait pas avoir préséance sur l’autre.
Chaque fois que l’on parle de protéger la gestion de l’offre, on entend dire dans certains milieux qu’il faudrait aller dans l’autre sens et l’abolir, afin de faire jouer pleinement la concurrence.
On a vu récemment ce débat resurgir lors du Sommet canadien de la concurrence, à Ottawa, quand certains invités ont fait un lien entre l’inflation alimentaire et la gestion de l’offre.
D’une part, il faut voir que les prix des produits sous gestion de l’offre ont évolué dans le même sens que ceux de l’ensemble des produits alimentaires.
L’indice des prix à la consommation pour les produits laitiers a, par exemple, augmenté moins rapidement que l’ensemble des aliments au Québec ces cinq dernières années, avec une croissance de 14,7 % en cinq ans, comparativement à 16,7 % pour l’ensemble des aliments.
D’autre part, on évoque souvent le fait que la fin de la gestion de l’offre serait nécessairement bonne pour les consommateurs. Le raisonnement, un peu simpliste, est le suivant : l’ouverture du marché canadien profiterait nécessairement aux consommateurs, puisque le lait américain, qui n’est pas sous gestion de l’offre et qui coûte moins cher à produire, serait vendu moins cher au détail.
Il est important de préciser que l’observation d’un prix plus élevé pour les produits sous gestion de l’offre n’est pas en soi suffisante pour imputer à cette dernière les écarts observés.
Une étude de l’économiste Daniel-Mercier Gouin comparant le prix du lait au détail entre Toronto, Québec et Washington a notamment montré que le prix du lait et du fromage était semblable à Québec et à Washington — où il n’y a pas de gestion de l’offre — et beaucoup moins cher à Toronto, où il y a un système de gestion de l’offre.
Cela tend à démontrer que la gestion de l’offre n’a pas d’effet significatif sur le prix de détail, mais plutôt que les marges, tout au long de la chaîne de transformation et de distribution, ont un impact plus important.
Je vous en prie, résistons à la tentation d’imaginer que la disparition de la gestion de l’offre bénéficierait nécessairement aux consommateurs. Il faut comprendre que l’agriculture est soutenue, partout dans le monde, soit par les consommateurs, soit par les contribuables.
Prenons simplement le modèle américain, si cher à ceux qui veulent démanteler la gestion de l’offre. Le Farm Bill, adopté en 2018 par le Congrès américain, prévoyait 867 milliards de dollars sur 10 ans. Celui de 2023 devrait atteindre un seuil stratosphérique de 1,400 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années, dont plus de 221 milliards de dollars pour soutenir les produits de base comme le maïs, le blé, le soja et le sucre, mais aussi l’industrie laitière.
Une étude réalisée par des consultants commerciaux chez Grey, Clark, Shih and Associates a estimé que le gouvernement américain a fourni 22 milliards de dollars américains de subventions au secteur laitier américain seulement en 2015.
Quand on reproche au prix du lait d’être soutenu indûment par les consommateurs canadiens, je réponds : qu’en est-il du soutien offert par les contribuables américains au prix du lait américain?
Depuis l’élimination complète des subventions directes à la production, dans les années 1990, les producteurs laitiers canadiens ont la fierté de tirer l’essentiel de leurs revenus du marché; c’est un marché réglementé, certes, mais où les prix aux producteurs sont fixés de manière transparente et en tenant compte des coûts de production des agriculteurs, contrairement à certaines subventions qui « récompensent » parfois des entreprises moins performantes.
Seulement au regard de l’impact économique pour le pays, la gestion de l’offre mérite d’être protégée.
La gestion de l’offre, c’est 30,1 milliards de dollars pour le PIB et 339 000 emplois à l’échelle canadienne. Toutefois, la gestion de l’offre dans un pays comme le Canada, c’est aussi une question de développement régional et d’occupation du territoire.
C’est là que la gestion de l’offre me rejoint particulièrement; c’est une question qui m’est chère, puisque j’œuvre dans le développement régional depuis plus de 45 ans.
Comme vous le savez, le Canada et le Québec sont de vastes territoires avec une faible densité de population. Or, l’occupation du territoire est le nerf de la guerre pour le développement économique de nos régions, et la gestion de l’offre contribue justement à l’occupation du territoire, car ce système permet à des producteurs laitiers d’opérer dans la plupart des régions, qu’ils soient à Saint‑Hyacinthe, en Gaspésie ou en Abitibi.
Il faut comprendre que les transformateurs paient un prix unique aux agriculteurs. Par conséquent, les fermes laitières, de poulets, de dindons ou d’œufs de consommation n’ont pas nécessairement besoin d’être situées près des usines des transformateurs et des grands marchés de consommation pour être rentables.
Dans cet esprit, le système de gestion de l’offre contribue au développement régional. Les producteurs sous gestion de l’offre emploient des travailleurs locaux. Ils achètent des biens et des services locaux. Ils envoient leurs enfants à l’école, vont au bureau de poste, utilisent le guichet automatique et passent par le dépanneur, ce qui assure souvent le maintien de ces services dans de petites communautés.
Bref, ils sont des acteurs importants dans l’écosystème socioéconomique des régions.
[Traduction]
Permettre l’érosion de la gestion de l’offre, c’est affaiblir les régions.
(1550)
En conclusion, je nous invite à mettre de côté nos idées préconçues. Le débat ne porte pas sur la pertinence de la gestion de l’offre.
[Français]
C’est un faux débat, car tant que nos partenaires commerciaux subventionneront leur agriculture, il nous faudra appuyer nos producteurs d’une façon ou d’une autre pour assurer notre souveraineté alimentaire.
La vraie question que pose le projet de loi C-282 est la suivante : comment répondre à la demande des producteurs et des transformateurs, qui ont vu la gestion de l’offre s’éroder depuis 10 ans et qui ont l’impression d’être abandonnés par leur gouvernement, qui les a sacrifiés lors de la conclusion des trois dernières ententes majeures?
Il s’agit d’une question de nationalisme économique face à la concurrence de certains de nos partenaires commerciaux.
Revenons à l’essentiel : avec le projet de loi C-282, on veut surtout préciser d’éventuels mandats de négociations de nos représentants et s’assurer que le Parlement a son mot à dire dès le début des négociations de ces ententes commerciales qui ont un impact majeur pour nos régions.
Merci. Meegwetch.
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Gerba, voulez-vous poser une question?
L’honorable Amina Gerba : Merci beaucoup pour votre discours, sénateur Forest. Je vous remercie d’avoir souligné le fait que le gouvernement américain a aussi une politique de gestion de l’offre, car souvent, on l’ignore.
On entend souvent dire que la gestion de l’offre, en fait, est une politique qui devrait être éliminée, parce qu’elle n’a pas lieu d’être en matière de commerce international et qu’elle est une subvention déguisée.
Pouvez-vous donner des précisions sur cette question?
Le sénateur Forest : Je vous remercie pour la question.
Je suis très honoré, parce que la question vient de la marraine du projet de loi. Il est vrai qu’on a vu plusieurs pays faire cela en ce qui a trait aux États-Unis, par exemple, avec le sucre. Il y a une politique de gestion de l’offre. On a même mis en place une subvention pour transformer les stocks excédentaires en éthanol. Or, chaque pays a le droit de soustraire certaines lignes tarifaires, et plusieurs pays utilisent cette pratique.
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Gerba, vouliez-vous poser une question complémentaire?
La sénatrice Gerba : Non.
(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)
[Traduction]
L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis
Douzième rapport du Comité des peuples autochtones et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du douzième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Vu de l’extérieur : La mise en œuvre de la Loi sur le cannabis et ses effets sur les peuples autochtones, déposé au Sénat le 14 juin 2023.
L’honorable Brian Francis propose :
Que le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Vu de l’extérieur : La mise en œuvre de la Loi sur le cannabis et ses effets sur les peuples autochtones, qui a été déposé au Sénat le 14 juin 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Santé étant désigné comme ministre responsable de la réponse au rapport, en consultation avec le vice-premier ministre et ministre des Finances, le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, le ministre des Affaires autochtones du Canada et le ministre du Revenu national.
(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)
Quatorzième rapport du Comité des peuples autochtones et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du quatorzième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation, déposé auprès du greffier du Sénat le 19 juillet 2023.
L’honorable Brian Francis propose :
Que le quatorzième rapport du Comité permanent sénatorial des peuples autochtones, intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le mercredi 19 juillet 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Relations Couronne-Autochtones étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Services aux Autochtones Canada et le ministre du Patrimoine canadien.
(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)
Peuples autochtones
Motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis—Ajournement du débat
L’honorable Brian Francis, conformément au préavis donné le 26 septembre 2023, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 3 mars 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones concernant son étude sur les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones, soit reportée du 31 décembre 2023 au 1er septembre 2025;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat ses rapports portant sur cette étude, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)
(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)