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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 154

Le mardi 31 octobre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 31 octobre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La numérisation des services gouvernementaux

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, la vérificatrice générale du Canada vient de sonner l’alarme sur l’inaction du gouvernement fédéral dans le dossier de la prestation de services numériques efficaces et rentables aux Canadiens. Les conclusions du rapport 7, intitulé La modernisation des systèmes de technologie de l’information, et du rapport 8, intitulé, Le programme de modernisation du versement des prestations, confirment pourquoi j’ai présenté la motion no 107 au Sénat. Les rapports mettent également en lumière l’immense travail encore nécessaire pour favoriser une approche pangouvernementale de la modernisation de la prestation de services numériques.

Le rapport 7 porte sur les efforts du Conseil du Trésor du Canada et de Services partagés Canada visant à opérer efficacement la transformation des TI dans tous les ministères et organismes. Le rapport révèle que le vieillissement des systèmes de TI a été désigné comme un risque important pour la prestation de services il y a 24 ans, mais que les gouvernements libéraux et conservateurs n’ont pas réussi à mettre en œuvre une stratégie efficace pour numériser la prestation de services dans tous les ministères. En outre, seulement 38 % des systèmes de TI du gouvernement étaient en bon état. Cela signifie que 6 applications sur 10 demeurent en mauvais état parce qu’elles fonctionnent sur des infrastructures vieillissantes posant de grands risques.

En outre, un tiers des applications essentielles à la mission, qui sont nécessaires pour la santé, la sécurité, et le bien-être économique des Canadiens, sont encore considérées comme en mauvais état. Sans mesures décisives, le gouvernement s’apprête à rater sa propre cible, à savoir que 60 % des applications soient en bon état d’ici 2030.

Chers collègues, songez à ce que cela signifie pour les millions de Canadiens qui tentent d’obtenir des prestations du gouvernement, en particulier nos aînés ou ceux dont l’emploi est précaire.

Le rapport 8, qui portait sur le programme de modernisation du versement des prestations, a montré que l’inaction pourrait mettre en péril 125 milliards de dollars en prestations aux titres de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada et 25 milliards de dollars en prestations d’assurance-emploi au cours du présent exercice.

Il est crucial que le gouvernement agisse dans un esprit de collaboration afin d’offrir les normes de service les plus élevées aux Canadiens. Pour ce faire, le Conseil du Trésor devra adopter des indicateurs et des normes de rendement clés axés sur l’expérience des citoyens, la sécurité et l’agilité. Cela obligera également les ministères et les organismes à recueillir les données nécessaires de manière à évaluer et à améliorer continuellement l’expérience des citoyens. En tant que législateurs, nous pouvons également examiner les lois existantes afin d’éliminer les obstacles potentiels à l’adoption de services gouvernementaux numériques et tirer des leçons des administrations qui ont réussi.

Chers collègues, la vérificatrice générale a récemment déclaré que le gouvernement ne devrait pas avoir besoin d’une crise pour comprendre l’importance d’agir rapidement. Je suis tout à fait d’accord. J’ai bon espoir que la nouvelle présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, et le ministre des Services aux citoyens, Terry Beech, tiendront compte des recommandations contenues dans ces rapports et dans le rapport du directeur parlementaire du budget publié le mois dernier, afin d’agir de façon décisive dans ce dossier très important. Les Canadiens comptent sur leur leadership.

Merci, chers collègues.

Mildred Seibel

Félicitations à l’occasion de son centième anniversaire de naissance

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour célébrer la vie et les contributions d’une centenaire de la région de Waterloo. Mildred Seibel, de l’église presbytérienne Knox de Waterloo, a célébré son centième anniversaire de naissance jeudi dernier. Ellen Yessis a récemment raconté l’histoire de Mildred aux fidèles de l’église. Voici une partie de ce qu’elle a dit :

Mildred est née en 1923. On lui a demandé ce qui, à son avis, avait influencé dans sa jeunesse la dame qu’elle est devenue. Voici ce que Mildred a répondu :

Les automobiles commençaient à peine à être la mode et que la plupart des gens voyageaient encore dans une voiture tirée par un cheval. C’est l’époque qui faisait en sorte qu’on accepte les circonstances.

Elle a commencé sa carrière d’enseignante en 1942. À l’époque, presque tous les enseignants travaillaient dans une école de village, qui accueillaient les enfants de la première à la huitième année. Dans cette première école, elle avait un chauffeur, c’est-à-dire un élève plus âgé...

 — un garçon —

...de huitième année qui venait chaque matin allumer les deux poêles devant fournir de la chaleur pour le reste de la journée. Mildred ne connaissait rien des poêles à bois et a jugé cette collaboration avec ce jeune homme très importante. Cela lui a fait comprendre que la collaboration avec la communauté et notre entourage est un gage d’accomplissement et de réussite. Fait étonnant, elle est toujours en contact avec quatre des personnes de cette première année d’enseignement.

Mildred a maintenu cette attitude de reconnaissance et de contribution tout au long de sa vie. Après avoir pris sa retraite de l’enseignement actif à l’école publique de Three Bridges, elle y a passé 23 ans de plus à faire du bénévolat. Elle a également appris à jouer de l’orgue, pratiquant la musique avec application et jouant de l’orgue pour la joie des autres.

Lorsqu’on lui a demandé : « Quelles idées aimeriez-vous nous transmettre en tant que femme de 100 ans? », Mildred a fait remarquer que, de nos jours, les femmes ont une voix beaucoup plus forte dans la société que par le passé. Elle s’est servi de la sienne pour être utile et rendre service à sa collectivité. Elle a notamment pris en charge la rédaction de cartes et de lettres pour son église. Il lui importe que les fidèles plus âgés, dont certains ne sont plus en mesure de se déplacer, sachent qu’on se souvient d’eux et qu’on les apprécie.

Les aînés de notre collectivité ne doivent jamais se sentir invisibles.

Ce service de correspondance s’étend aux jeunes fidèles de l’église, en particulier les jeunes qui partent loin de chez eux et de l’église pour fréquenter l’université. Plusieurs de ces étudiants ont poursuivi cette correspondance avec Mildred pendant de nombreuses années. L’un d’entre eux a dit :

J’ai reçu une lettre de Mildred pour la première fois en 2015, alors que je commençais mes études de premier cycle à l’Université [Wilfrid] Laurier. Huit ans plus tard, je suis étudiant au doctorat et je ressens toujours la même fébrilité lorsque je trouve une de ses missives dans ma boîte aux lettres. Les périodes de confinement ont été particulièrement difficiles pour tout le monde, mais les lettres de Mildred ont toujours égayé ma journée. J’ai toujours du plaisir à avoir des nouvelles de Mildred, à lire sur sa vie à Waterloo au fil des ans, sur l’état de son jardin et sur la manière dont elle profite du temps des Fêtes. Je me réjouis à l’idée de poursuivre notre correspondance et je souhaite à Mildred un très joyeux anniversaire!

Joyeux anniversaire, Mildred. Félicitations pour cette vie bien remplie et bien vécue.

Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de députés du Parlement de la région autonome bangsamoro, dans le Mindanao musulman, aux Philippines. Ils sont les invités des honorables sénatrices McCallum et Galvez.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le gouvernement de transition du Bangsamoro

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le Groupe progressiste du Sénat de m’avoir cédé sa place aujourd’hui pour rendre hommage à des visiteurs qui sont à la tribune, en l’occurrence des membres du gouvernement de transition du Bangsamoro.

Hier, le personnel de mon bureau et moi avons rencontré ce groupe de parlementaires et d’employés dévoués qui travaillent pour le gouvernement intérimaire de la région autonome du Bangsamoro dans l’île musulmane de Mindanao dans le Sud des Philippines.

(1410)

Cette délégation a été officiellement chargée de mettre en œuvre les réformes politiques et institutionnelles prévues dans l’accord de paix intervenu entre le gouvernement philippin et le front Moro islamique de libération. Dans le cadre de ces réformes, le gouvernement du Bangsamoro est chargé d’adopter une loi qui assurera la protection et la promotion du bien-être des peuples autochtones dans la région autonome.

Des représentants du gouvernement de transition du Bangsamoro sont au Canada pour rencontrer des communautés autochtones et des fonctionnaires chargés de dossiers concernant des peuples autochtones, dans le but de tisser des liens en vue d’une éventuelle collaboration. Ce voyage d’étude vise à mieux connaître le rapport unique que le Canada entretient avec les Premières Nations ainsi que les politiques, les lois et les pratiques en matière d’identité, de gouvernance et de bien-être de ces peuples. Les vastes conversations que nous avons eues hier révèlent de nombreuses similitudes entre les Premières Nations du Canada et les peuples autochtones de la région autonome du Bangsamoro.

Au nombre de ces similitudes mentionnons les enjeux en matière de maintien de l’ordre et de justice, les revendications territoriales continues découlant de la dépossession des terres et des déplacements forcés, le besoin de reconnaissance distincte de divers groupes autochtones et le mode d’établissement de l’identité.

À l’instar des Premières Nations du Canada, les Autochtones du Bangsamoro ont droit à l’autodétermination et à la souveraineté. Dans les deux cas, les Autochtones souhaitent la paix et l’instauration d’un rapport de respect mutuel avec la population générale et les gouvernements avec lesquels ils interagissent. Ce sont les objectifs énoncés dans les traités et l’accord de paix intervenus entre le Bangsamoro et le gouvernement philippin.

Nous avons aussi appris que, dans certains cas, le Bangsamoro a une longueur d’avance sur le Canada, surtout en ce qui concerne la gestion des ressources et le partage des revenus liés aux terres et à leurs richesses.

Alors que le Bangsamoro s’appuie sur les mêmes outils internationaux que les Autochtones du Canada, comme la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, j’ai quitté la réunion d’hier confiante que ce groupe de parlementaires et de fonctionnaires dévoués et passionnés du Bangsamoro sont les bonnes personnes pour élaborer leur loi sur le bien-être des Autochtones et pour mener leurs populations autochtones vers un avenir meilleur et plus prometteur.

Merci.

L’Association des gens d’affaires et des professionnels italo-canadiens

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à l’Association des gens d’affaires et professionnels italo-canadiens.

De nombreux immigrants italiens et leurs familles, un peu comme d’autres immigrants, ont souvent éprouvé des difficultés lorsqu’ils sont arrivés au Canada. Bon nombre d’entre eux ont eu de la difficulté à répondre à des besoins humains fondamentaux, comme trouver un logement approprié, faire l’épicerie ou dénicher un emploi.

C’est dans ce contexte que la première section de l’Association des gens d’affaires et professionnels italo-canadiens a été fondé à Montréal en 1949. À l’instar de ses successeurs, comme la section de Toronto, l’association avait pour principal objectif d’offrir de l’aide aux immigrants italiens qui souhaitaient désespérément s’intégrer à la société canadienne.

Aujourd’hui, avec ses 10 sections à l’échelle du pays, l’association continue de promouvoir et de cultiver les intérêts commerciaux, professionnels, culturels et sociaux de ses membres, en plus de leur servir de porte-parole local.

[Français]

Les contributions de l’Association des gens d’affaires et des professionnels italo-canadiens vont bien au-delà du monde des affaires. Elle dispose d’un généreux programme de bourses qui lui permet d’investir dans les générations futures de leaders italo-canadiens. La section de Montréal organise sa réception annuelle le mois prochain.

Il suffit de dire que, depuis plus de sept décennies, l’association fait partie intégrante de la vie des Italo-Canadiens et que sa réputation de pilier de notre communauté est indéniable.

[Traduction]

Vendredi soir, la section de Toronto a tenu la 71e édition de son bal annuel du président. J’ai eu l’honneur de me joindre aux centaines d’invités à cette soirée où le smoking était de mise et où nous avons eu l’occasion de rendre hommage à notre riche histoire et de célébrer les nombreuses réalisations des Italo-Canadiens.

Le clou de la soirée était la cérémonie de remise des prix, où l’association a décerné un prix à six Canadiens exceptionnels pour 2023.

Je prends un instant pour féliciter les lauréats.

Le prix du président a été décerné au Dr Gianluigi Bisleri, directeur des chirurgies cardiaques endoscopiques à l’hôpital St. Michael’s.

Rocco Rossi a reçu le prix de l’excellence en affaires pour son travail à titre de président et directeur général de la Chambre de commerce de l’Ontario.

La professeure Roberta Iannacito-Provenzano, doyenne et vice-présidente des affaires universitaires à l’Université métropolitaine de Toronto, s’est vue décerner le prix de l’excellence professionnelle.

Victoria Mancinelli, directrice au sein de l’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord, est la lauréate du prix de la femme de l’année, tandis que Carmen Principato, gestionnaire adjoint des affaires au sein du même syndicat, a eu l’honneur de recevoir le prix de la communauté.

Enfin, le prix de la prochaine génération a été remis cette année à l’artiste multidisciplinaire Anthony Ricciardi.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour féliciter les lauréats des prix de l’Association des gens d’affaires et professionnels italo-canadiens de cette année et souhaiter nos meilleurs vœux à toute la famille de l’association pour tout ce qu’elle fait pour les Canadiens d’origine italienne.

Comme le dit l’adage, ce qu’on fait pour soi meurt avec soi et sombre dans l’oubli, mais ce qu’on fait pour autrui est immortel et dure éternellement.

Félicitations et merci. Grazie.

Les relations entre le Canada et Bahreïn

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’amitié indéfectible entre le Canada et Bahreïn. Bahreïn est un pays du golfe Persique, un archipel qui compte 50 îles naturelles.

Nos pays jouissent d’une relation de collaboration dans des dossiers comme la sécurité régionale, le commerce et l’investissement. En effet, étant donné que Bahreïn est membre du Conseil de coopération du Golfe, nos relations commerciales se sont développées ces dernières années.

En juin dernier, j’ai eu le plaisir de lancer le Groupe d’amitié Canada-Bahreïn aux côtés d’un certain nombre de collègues sénateurs et de députés. Son Excellence Shaikh Abdulla bin Rashed Al Khalifa, ambassadeur de Bahreïn, a profité de cette occasion pour féliciter le Canada de sa position en faveur de la paix et de la sécurité mondiales, ainsi que de son engagement à assurer la sécurité de la navigation maritime en participant aux escouades mixtes.

Je suis également heureuse de souligner que cette année marque le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre le Canada et Bahreïn et du désir mutuel de nos deux pays de nouer des liens plus étroits. Je pense que le nouveau groupe d’amitié s’avérera un espace précieux pour atteindre ces objectifs. Je me réjouis de notre future collaboration.

Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Shaikh Abdulla bin Rashed Al Khalifa, ambassadeur du royaume de Bahreïn. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Ataullahjan.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude sur les populations de phoques

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 4 octobre 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans concernant son étude sur les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada soit reportée du 31 décembre 2023 au 31 mars 2024.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, jeudi dernier, après huit longues années, le premier ministre Trudeau a finalement admis qu’il n’en vaut pas le coût. Les conservateurs, qui sont sensés, disent depuis le début que la taxe sur le carbone du premier ministre rend tout plus cher. Le premier ministre a enfin reconnu la véracité de cette affirmation. Le premier ministre affirme qu’il supprimera la taxe, mais uniquement sur le mazout domestique et seulement jusqu’après les prochaines élections. Cette mesure a pour seul but de tenter de sauver les sièges des libéraux dans le Canada atlantique.

(1420)

Monsieur le leader, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? Pourquoi ne pas supprimer complètement la taxe sur le carbone afin que les familles de tout le Canada puissent se permettre de chauffer leur maison, de se rendre au travail en voiture et de se nourrir ?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, je vous remercie de votre question. Le gouvernement n’a pas l’intention de supprimer la taxe, comme je l’ai dit à maintes reprises.

Comme nombre d’entre nous le savent, les Canadiens doivent affronter de nombreux défis, et l’un d’entre eux est le coût du chauffage au mazout. Le coût de ce combustible est plus élevé que celui d’autres sources d’énergie. Les prix sont plus instables, et les gens n’ont pas la possibilité d’opter pour une thermopompe. C’est une réalité pour de nombreux Canadiens dans tout le pays, y compris au Canada atlantique. Comme vous le savez si vous habitez dans l’Est, le pourcentage de personnes au Canada atlantique qui se chauffent au mazout, par opposition aux autres types de chauffage, est beaucoup plus élevé qu’ailleurs. Voilà pourquoi le gouvernement offre un complément de 20 % au paiement de l’Incitatif à agir pour le climat dans les régions rurales, ce qui donne aux gens le temps et le soutien financier nécessaires pour passer à des options plus durables, telles que les thermopompes.

Le sénateur Plett : Il fait beaucoup plus froid à Winnipeg que dans le Canada atlantique, et le gaz naturel n’est pas donné.

Une ministre du cabinet Trudeau, la ministre du Développement économique rural, a clairement indiqué qu’il s’agissait de politique pure et simple. La ministre Hutchings a déclaré à CTV que les Canadiens devaient « [...] élire plus de libéraux dans les Prairies [...] » s’ils voulaient être exemptés des politiques de Trudeau en matière de taxe sur le carbone. Élire plus de libéraux.

Un vieux dicton qui parle de la carotte et du bâton me vient à l’esprit, monsieur le leader. Est-ce là le rôle de la taxe sur le carbone? Une carotte pour ceux qui votent libéral et un bâton...

Son Honneur la Présidente : Le sénateur Gold a la parole.

Le sénateur Gold : L’exemption temporaire pour ceux qui chauffent leur domicile au mazout s’applique partout où les gens n’ont pas accès aux autres solutions de rechange, comme certains d’entre nous. En aidant les gens à changer de mode de chauffage grâce aux mesures d’aide accordées pour l’achat d’une thermopompe, le gouvernement veille à ce que les familles de partout au pays aient accès à une méthode durable et abordable de garder leur maison au chaud.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, nous, les habitants de la Saskatchewan, avons réalisé depuis longtemps que la taxe punitive sur le carbone du gouvernement Trudeau est fondamentalement injuste pour les Canadiens des régions rurales. Nous nous sommes battus contre cette taxe pendant sept ans. Or, le gouvernement Trudeau accorde un congé de taxe sur le carbone uniquement à ceux qui utilisent le mazout pour chauffer leur maison, une mesure qui ne s’applique essentiellement qu’au Canada atlantique. Cette marche arrière est-elle motivée par la logique ou le gros bon sens? Bien sûr que non. Même votre soi-disant ministre du Développement économique rural admet que c’est de la basse politique parce que ces populations ont voté pour le Parti libéral.

Le plan Trudeau consiste à quadrupler la taxe sur le carbone. Entretemps, le premier ministre pense que les Canadiens des régions rurales devraient se satisfaire des misérables 10 $ de plus par mois qu’il vient d’annoncer.

La Saskatchewan en a assez. Si Justin Trudeau n’exempte pas les Canadiens qui chauffent leur domicile au gaz naturel, le premier ministre Moe promet qu’il ne percevra plus la taxe sur le carbone pour le gouvernement fédéral.

Sénateur Gold, quand le gouvernement fera-t-il ce qui s’impose en supprimant la taxe sur le carbone sur le chauffage résidentiel de tout le monde, peu importe le mode de chauffage utilisé?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai déjà dit, le gouvernement n’a pas l’intention d’éliminer la taxe sur le carbone. À ma connaissance, il n’a pas non plus l’intention d’élargir la suspension temporaire de la taxe à d’autres modes de chauffage.

J’ai pris connaissance des déclarations du premier ministre Moe. Il n’en demeure pas moins que la tarification de la pollution demeure l’outil axé sur le marché qui est le plus efficace pour lutter contre les changements climatiques. Le gouvernement fait des ajustements pour tenir compte des gens qui vivent dans certaines situations particulières, et cela montre simplement que le gouvernement se soucie des Canadiens, tout comme il se soucie de la lutte contre les changements climatiques.

La sénatrice Batters : Le minuscule supplément consenti aux régions rurales montre que votre gouvernement est conscient que la taxe sur le carbone frappe durement et injustement les Canadiens de ces régions. Le congé de taxe sur l’huile à chauffage que vous accordez aux Canadiens de l’Atlantique n’aide aucunement les gens qui, comme nous, vivent dans l’Ouest canadien, où il fait souvent un froid glacial et où il faut utiliser du gaz naturel pour se chauffer. En fait, le gouvernement Trudeau et vous avez retardé et éviscéré un projet de loi visant à exclure les producteurs d’œufs du paiement de la taxe sur le carbone, ce qui pénalise une fois de plus les agriculteurs des Prairies. Pourquoi le gouvernement actuel continue-t-il de s’en prendre aux Canadiens de l’Ouest, aux agriculteurs et aux gens des régions rurales? Est-ce parce qu’ils n’élisent pas assez de libéraux?

Le sénateur Gold : Qu’ils soient conçus pour lutter contre les changements climatiques ou pour aider les Canadiens d’une autre manière, les programmes du gouvernement sont conçus de manière à être équitables pour tous les Canadiens.

Notre pays est d’une grande diversité, et les Canadiens vivent dans des contextes différents. Les programmes n’ont pas la même incidence sur chaque personne. C’est simplement une réalité lorsqu’on vit dans un système fédéral. Bref, non, ce n’est pas un choix politique, mais bien une question de bonne gestion de la politique publique.

Les nominations par le gouverneur en conseil

Les postes vacants au Sénat

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je suis ravie d’apprendre l’arrivée prochaine de cinq nouveaux collègues au Sénat. J’en suis ravie. Ils semblent être des gens extrêmement compétents pour siéger au Sénat. Cela dit, je ne peux pas m’empêcher de remarquer qu’il y a toujours cinq postes vacants dans le bloc de sénateurs représentant l’Ouest canadien, dont deux pour l’Alberta. L’Alberta n’est pas représentée par le nombre de sénateurs prévus depuis maintenant trois ans et demi. Je ne vais pas vous demander aujourd’hui, monsieur le représentant du gouvernement...

Son Honneur la Présidente : À l’ordre. La sénatrice Simons a la parole.

Je vous prie de continuer, sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : Je ne vais pas vous demander aujourd’hui, monsieur le représentant du gouvernement, quand ces postes seront pourvus. Je ne peux toutefois pas m’empêcher de noter également que tous les postes du comité de sélection réservés aux quatre provinces de l’Ouest sont vacants. Pouvez-vous nous dire quand vous avez l’intention de pourvoir ces postes au comité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Je ne sais pas pourquoi tous les postes au comité sont vacants. Ce que je sais toutefois — tout comme mes collègues sénateurs, bien sûr —, c’est que le comité de chaque province est composé de représentants nommés ou proposés par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. À cet égard, nous regrettons tout le délai nécessaire pour pourvoir tous les postes vacants. D’ailleurs, je déplore personnellement que les postes représentant certaines provinces, celles que vous avez mentionnées, soient toujours vacants.

Comme mes collègues le savent, je fais régulièrement des démarches auprès du gouvernement pour l’encourager à pourvoir ces postes et je continuerai à le faire.

La sénatrice Simons : Je pense qu’il est de notoriété publique que l’actuelle première ministre de l’Alberta n’a pas l’intention de nommer des gens parce qu’elle est en faveur du processus d’élection des aspirants sénateurs du gouvernement précédent. Cela veut-il dire que les Albertains ne seront pas représentés au Sénat tant qu’il n’y aura pas de changement de gouvernement en Alberta, ou le gouvernement fédéral a-t-il l’intention de faire quelque chose pour pourvoir ces postes?

Le sénateur Gold : Je ne peux pas dire quels seraient les plans du gouvernement fédéral si le gouvernement de l’Alberta continuait de refuser de participer au processus qui a permis à un si grand nombre d’entre nous de siéger au Sénat. Le gouvernement continue de croire à la collaboration et à la coopération avec ses homologues provinciaux afin d’établir le processus permettant de nommer des gens au Sénat.

Les relations Couronne-Autochtones

Les Six Nations de la rivière Grand

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, mercredi dernier, c’était le 239e anniversaire du traité Haldimand. J’aimerais poser une question au représentant du gouvernement au Sénat au nom du chef Hill.

Sénateur Gold, la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté la proposition du Haudenosaunee Development Institute, ou HDI, d’intervenir dans le litige qui oppose depuis longtemps la bande des Six Nations de la rivière Grand au Canada et à l’Ontario. La Cour a aussi approuvé un échéancier pour les étapes qui restent avant la tenue du procès, qui devrait pouvoir commencer au début de 2024.

Comme on a maintenant déterminé que le HDI ne pourra pas intervenir dans ce litige, et étant donné que le procès aura lieu dans la prochaine année, pourquoi le gouvernement fédéral n’a-t-il pas encore pris des mesures concrètes pour entamer des négociations avec les Six Nations de la rivière Grand en vue de régler ces revendications?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le gouvernement s’engage à travailler en collaboration pour régler les revendications historiques et territoriales des Six Nations de manière à tenir compte de l’histoire et des circonstances uniques des Six Nations.

Je crois comprendre que le gouvernement a envoyé une lettre au conseil des chefs de la Confédération des Haudenosaunee — je m’excuse de la prononciation — ainsi qu’au chef élu et au conseil de bande des Six Nations en vue d’élaborer un processus de collaboration portant sur des priorités communes. Pour arriver à une approche durable permettant de répondre à ces problèmes, il faut un effort conjoint de toutes les parties. Encore une fois, le gouvernement s’est engagé à travailler avec le conseil élu des Six Nations, avec le Confederacy Chiefs Council et avec l’Ontario pour trouver la meilleure façon d’aider les Six Nations à défendre leurs intérêts.

(1430)

La sénatrice M. Deacon : Merci. J’ai hâte qu’on m’annonce que la lettre a été reçue. Le chef n’en a pas été informé jusqu’à maintenant, alors j’espère que, comme vous le dites, les choses suivent leur cours et qu’elles se font réellement dans la collaboration.

Les finances

Le système bancaire ouvert

L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold.

Le système bancaire ouvert a pour objectif de donner aux consommateurs et aux entreprises plus de contrôle sur leurs données financières afin qu’ils puissent les utiliser à leur avantage personnel plutôt que de laisser le monopole de l’utilisation de ces données aux banques, qui en retirent un avantage commercial. L’inaction actuelle empêche les Canadiens d’obtenir des services financiers plus abordables et novateurs.

Dans son programme électoral de 2021, le gouvernement s’était engagé à mettre en place un système bancaire ouvert avant le début de 2023. Même si Finances Canada a mené des processus de consultations très ouverts et transparents en vue de la création d’un plan de mise en œuvre, aucune mesure n’a été prise. Par conséquent, le Canada continue à prendre du retard sur ses pairs, qui ont transformé leur secteur financier afin qu’il en fasse plus pour créer des possibilités et réduire les coûts pour la population.

Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement hésite-t-il à remplir sa promesse au sujet du système bancaire ouvert, alors que les Canadiens doivent faire face à l’augmentation des coûts? Quel est l’échéancier actuel?

Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir soulevé cette question et de défendre cette cause, comme vous l’avez fait admirablement au Sénat et ailleurs. Je ne sais pas quel est le calendrier et j’ignore aussi pourquoi aucun projet de loi n’a encore été présenté. Je ne manquerai pas de transmettre vos préoccupations à la ministre.

La modernisation de notre approche est un objectif important qui, je le sais, est envisagé et poursuivi. Je ne manquerai pas de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour mieux comprendre la situation et communiquer vos préoccupations à la ministre.

Le sénateur C. Deacon : Merci, sénateur Gold. J’espère que vous ferez également savoir que l’inaction comporte des risques qui vont bien au-delà des risques liés à l’action à l’heure actuelle. De vastes consultations ont été menées. Le gouvernement a de quoi être fier du travail qu’il a accompli et je vous demande donc de lui communiquer aussi ce message.

Merci.

Le patrimoine canadien

La Loi sur les nouvelles en ligne

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, ma question porte sur le projet de loi C-18 — la Loi sur les nouvelles en ligne —, et les collectivités du Nord. En août, Catherine Tait, présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, a écrit à la société Meta pour lui demander de tenir compte du fait que de nombreux résidants de collectivités éloignées du Nord du Canada se servent de Facebook pour se tenir au courant de l’actualité. C’était pendant les feux de forêt qui ont forcé l’évacuation de Yellowknife.

Elle a écrit ce qui suit :

Étant donné la présente situation de crise, nous vous demandons de bien vouloir lever le blocage des comptes de nouvelles canadiens sur les plateformes de Meta pour ces communautés, afin que les personnes touchées puissent partager les contenus cruciaux publiés sur ces comptes, incluant l’information sur les ordres d’évacuation.

Sénateur Gold, quelles mesures le gouvernement fédéral a-t-il prises ou prévoit-il prendre pour s’assurer que tous les résidants des collectivités éloignées du Nord puissent être informés des risques qui font généralement l’objet de nouvelles diffusées sur Facebook?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Nous savons tous qu’en cas d’urgence, chaque seconde compte. Les Canadiens s’attendent à juste titre à être informés le plus rapidement possible de toute menace imminente pour leur sécurité. Nous avons vu beaucoup trop d’exemples où des vies ont été tragiquement emportées en raison d’une mauvaise communication. Malheureusement, cela ne concerne pas uniquement les collectivités rurales et du Nord.

Alerter le public en cas de danger est une responsabilité que partagent les différents ordres de gouvernement. Le gouvernement fédéral collabore étroitement avec ses partenaires provinciaux et territoriaux dans le cadre du Système national d’alertes au public. On m’a assuré que les travaux se poursuivent pour rendre ce système d’alerte encore plus efficace. Les travaux en cours visent à répondre aux besoins locaux afin d’informer les Canadiens et donc d’assurer leur sécurité.

Le sénateur Klyne : Ce système d’alerte est excellent pour aviser certaines personnes, mais une coordination des ressources, des collectivités et des familles s’impose. Il manque quelque chose. Nous l’avons vu lors de la tuerie en Saskatchewan.

Si on ne règle pas l’impasse avec Meta, le gouvernement a-t-il des idées pour combler, à moyen et à long terme, le grave manque d’accès aux nouvelles locales dans ces collectivités?

Le sénateur Gold : Je vous remercie, sénateur Klyne. La Loi sur les nouvelles en ligne est conçue pour utiliser et renforcer les mesures de soutien existantes pour le journalisme, y compris le Crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne, et accroître le financement du Fonds du Canada pour les périodiques sur lequel comptent de nombreux médias locaux et d’autres initiatives de journalisme local. Ce sont toutes des mesures importantes que le gouvernement prend dans le cadre de son engagement à soutenir le rôle que joue le journalisme local pour informer et protéger les Canadiens.

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, en mars dernier, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a publié un rapport intitulé La taxe carbone est inéquitable pour les PME. Ce rapport estime que près de la moitié des recettes générées par la taxe sur le carbone et perçues par le gouvernement Trudeau proviennent des petites entreprises. Toutefois, seulement 0,17 % des recettes tirées de la taxe sur le carbone ont été retournées aux petites entreprises entre les exercices 2019-2020 et 2022-2023. De toute évidence, la taxe sur le carbone du premier ministre n’en vaut pas le coût pour les entrepreneurs.

Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement utilise-t-il les fonds découlant de la taxe sur le carbone mis de côté pour les petites entreprises afin de payer les remboursements annoncés la semaine dernière? Pourquoi n’éliminez-vous pas tout simplement la taxe pour aider les petites entreprises de partout au Canada qui ont du mal à survivre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. On ne peut pas lutter contre les changements climatiques, qui constituent une menace existentielle pour notre planète, notre pays, nos enfants et notre bien-être, sans adopter une série de mesures, ce qui comprend la tarification de la pollution.

Les petites entreprises sont le moteur de l’économie. Le gouvernement a été là pour les aider à traverser la pandémie et il continue de les aider, notamment en reportant le remboursement des prestations qui leur ont permis de se maintenir à flot pendant la pandémie. Le gouvernement continuera à envisager des mesures pour aider les entreprises qui ont les ressources économiques nécessaires pour assurer des emplois, la sécurité et un avenir à tous les Canadiens.

L’industrie

Le soutien aux petites entreprises

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Les deux taxes sur le carbone du premier ministre, la taxe avec indexation sur l’alcool, l’augmentation des charges sociales, la multiplication des formalités administratives, la flambée des loyers, la montée en flèche des taux d’intérêt et des accusations envers les propriétaires de petites entreprises qui frauderaient le fisc : voilà l’héritage des huit ans du gouvernement Trudeau dans le dossier des petites entreprises.

Monsieur le leader, le gouvernement présentera-t-il un plan fondé sur le gros bon sens pour aider les entrepreneurs, contrôler les dépenses et établir un échéancier vers le retour à l’équilibre budgétaire comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante l’a demandé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement est d’avis qu’il a pris, qu’il prend et qu’il prendra des mesures équilibrées, proportionnelles et prudentes pour faire progresser l’économie.

[Français]

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Monsieur le leader, dans sa décision de mars 2021 sur la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, la Cour suprême a indiqué qu’une des raisons permettant au gouvernement fédéral d’imposer des normes nationales minimales en matière de tarification des gaz à effet de serre était la suivante :

[...] l’omission d’inclure une seule ou plusieurs provinces ou localités dans le système législatif compromettrait l’application fructueuse de ce système dans d’autres parties du pays.

Or, monsieur le leader, en retardant l’application de la taxe sur le carbone sur le mazout, le gouvernement Trudeau a manifestement décidé de favoriser les provinces de l’Atlantique, où ce type de chauffage est toujours populaire. L’édifice sur lequel repose le système de taxation sur le carbone est en train de s’écrouler. Selon les critères de la Cour suprême, la raison d’être du pouvoir fédéral en cette matière est d’imposer des normes à toutes les provinces.

Sénateur Gold, est-ce qu’on a un autre clou dans le cercueil de la taxe sur le carbone?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question et pour l’analyse de la jurisprudence de la Cour suprême. Ce que le gouvernement a annoncé s’applique partout au Canada, donc cela ne touche pas le critère tel que vous l’avez décrit, mais ce n’est pas ma réponse fondamentale.

Ma réponse fondamentale est que les ajustements au plan pour combattre les changements climatiques sont toujours en voie de révision, compte tenu des circonstances, y compris l’impact sur ceux et celles qui sont assujettis à des coûts qui ne sont pas nécessairement les mêmes que dans les autres sphères. Donc, c’est ma réponse.

(1440)

Le sénateur Carignan : Pourtant on a vu l’ensemble du caucus de l’Atlantique participer à l’annonce du premier ministre. Les députés de l’Atlantique se sont d’ailleurs vantés, disant que c’est grâce à leur efficacité que la taxe sur le carbone ne s’appliquerait pas chez eux.

Est-ce que cela signifie que les deux députés libéraux de l’Alberta, les quatre du Manitoba et les 76 députés libéraux de l’Ontario sont inefficaces?

Le sénateur Gold : Loin de là; cela signifie que dans un caucus aussi large et diversifié que celui de ce gouvernement, il y a des intérêts divergents et une ouverture d’esprit à la discussion, afin d’arriver à une solution appropriée dans les circonstances.

Les affaires mondiales

Le conflit dans la bande de Gaza

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, l’invasion terrestre par les forces israéliennes dans le nord de Gaza a commencé vendredi, en riposte à l’horrible attaque du Hamas en territoire israélien. Des milliers d’enfants et d’adultes gazaouis ont perdu la vie, on ne sait pas vraiment combien.

Les États-Unis ont commencé à hausser le ton avec leurs alliés israéliens, insistant sur la nécessité de protéger les civils. Le Canada, pour sa part, est demeuré plus passif et ne demande pas de cessez-le-feu. Que va-t-il falloir pour en arriver là?

Entretemps, certains experts canadiens ont-ils raison de croire que le Canada donne un chèque en blanc à Israël?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. La position du Canada est la même sur le terrain, dans les circonstances, que celle des États-Unis et de l’Union européenne. Ni les États-Unis, ni le Canada, ni personne qui comprend l’histoire et même la charte du Hamas ne font appel à un cessez-le-feu, parce que, comme le premier ministre l’a bien expliqué, cela ne sert à rien ni pour ceux et celles dans la bande de Gaza ni pour les innocents, qu’ils soient israéliens ou palestiniens.

Comme je l’ai mentionné dans cette enceinte, le Canada se prononce en faveur de l’établissement d’un pont pour faire en sorte que l’aide humanitaire soit livrée aux citoyens et aux résidents de Gaza. Cette position est cohérente avec celle de nos alliés démocratiques.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais revenir à la question des hôpitaux dans le nord de Gaza. C’est une question qui m’angoisse.

Les forces israéliennes exigent qu’on les évacue. Or, le personnel refuse de le faire, parce que cela signifierait la mort certaine de bien des malades qui ont besoin de ventilateurs. N’y a-t-il pas de principes de droit humanitaire international en jeu? Le Canada a-t-il une opinion sur cette situation qui est difficilement acceptable?

Le sénateur Gold : Bien sûr, il y a des normes de droit international et des normes de droit humanitaire. Il y a aussi des normes qui interdisent les boucliers humains ou les usines d’armes cachées dans les écoles et les hôpitaux.

L’armée israélienne est devant un ennemi qui ne respecte aucune norme humanitaire ni de droit international. C’est une tragédie pour tous ceux et celles qui sont victimes de cette guerre. Il faut toutefois être réaliste et bien informé avant de tirer des conclusions.

[Traduction]

La crise en Afghanistan

L’honorable Mary Coyle : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a tenu des réunions sur la situation en Afghanistan. J’ai interrogé des témoins sur le projet de loi C-41, la mesure législative que nous avons adoptée en juin et qui modifie les infractions relatives au financement des activités terroristes énoncées dans le Code criminel afin de faciliter la fourniture d’une aide internationale indispensable dans les zones géographiques contrôlées par des groupes terroristes, tels que les talibans en Afghanistan. J’ai demandé aux témoins s’ils avaient constaté une augmentation de l’aide apportée à la suite de l’adoption du projet de loi.

Usama Khan, chef de la direction d’Islamic Relief Canada, a indiqué que la mise en œuvre du projet de loi n’allait pas assez vite. D’après lui, on n’a pas encore défini exactement la forme et l’application du projet de loi C-41, ainsi que le processus d’établissement du régime d’autorisation. Selon certains organismes d’aide, le statu quo demeure. On ne précise pas clairement ce qui est autorisé.

Sénateur Gold, que fait le gouvernement pour répondre à la demande de précisions de la part d’organismes d’aide?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, et je vous remercie de souligner — comme s’il n’y avait pas assez de tragédies dans le monde — ce qui a frappé le peuple afghan, non seulement récemment, mais aussi pendant une grande partie de notre vie adulte.

Je ne dispose pas des renseignements nécessaires pour répondre à votre question en toute confiance, madame la sénatrice, mais c’est une question importante. Je vais certainement porter ces questions à l’attention de la ministre dans l’espoir de mieux comprendre.

La sénatrice Coyle : Merci. Je vous en suis reconnaissante, car il y a urgence. C’était déjà urgent en juin, et ce l’est encore plus maintenant.

Lors des réunions du Comité des affaires étrangères de la semaine dernière, nous avons également entendu Arif Lalani, ancien ambassadeur du Canada en Afghanistan. M. Lalani a insisté sur le fait que les fonctionnaires canadiens doivent être sur le terrain en Afghanistan pour constater la situation par eux-mêmes. M. Khan, d’Islamic Relief Canada, a souligné que l’engagement n’est pas synonyme d’appui.

Sénateur Gold, notre ministre des Affaires étrangères a parlé de diplomatie pragmatique hier à Toronto. Qu’est-ce qu’une diplomatie pragmatique...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, quelle est votre réponse?

Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit, je ne suis pas vraiment capable de répondre à cette question, si ce n’est pour rappeler, comme nous le savons tous, combien cette situation est complexe, compte tenu de la position que le gouvernement et les personnes au pouvoir en Afghanistan ont adoptée, non seulement à l’égard du monde extérieur, mais aussi à l’égard de leurs propres concitoyens.

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, Justin Trudeau et la coalition néo-démocrate—libérale ont finalement fait volte-face au sujet de leur politique publique phare, la taxe sur le carbone. Bien entendu, le premier ministre n’a pas fait volte-face au sujet de la taxe sur le carbone parce qu’il a enfin compris ce que le futur premier ministre Pierre Poilievre répète depuis des années, c’est-à-dire qu’une taxe sur le carbone provoque de l’inflation, ce qui fait augmenter le coût de la vie et malmène les Canadiens de la classe ouvrière et de la classe moyenne. Ce n’est évidemment pas pour cette raison qu’il a fait volte-face. S’il l’a fait, c’est parce qu’il a constaté que le Parti libéral du Canada est en chute libre dans les sondages et que les députés libéraux de l’Atlantique sont désespérés.

Ma question est la suivante : pourquoi seulement dans le Canada atlantique?

Deuxièmement, si Justin Trudeau a enfin compris que lui et sa taxe sur le carbone n’en valent tout simplement pas le coût, pourquoi ne prévoit-il pas abolir la taxe d’un océan à l’autre afin d’accorder du répit à tous les secteurs de l’économie et à tous les segments de la population?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne vais pas me prononcer sur les étiquettes et les slogans qui sont clairement — je n’ai qu’une minute pour répondre à votre question et vous avez soulevé plusieurs points.

Le gouvernement n’a nullement l’intention de supprimer la taxe. Il va continuer d’examiner les mesures appropriées pour relever les grands défis en matière de lutte contre les changements climatiques, tout en offrant un répit aux Canadiens et en soutenant la progression de notre économie.

Le sénateur Housakos : Eh bien, le gouvernement a supprimé la taxe. Il a accordé une pause, mais pour un segment en particulier : le chauffage domestique dans le Canada atlantique. Votre ministre, Mme Hutchings, a participé à l’émission Question Period la fin de semaine dernière, et elle a clairement dit que la seule raison pour laquelle le gouvernement accorde la baisse à ce segment précis de la population, c’est parce qu’il veut aider les électeurs libéraux dans les circonscriptions du Parti libéral. Si les autres régions et secteurs du pays veulent obtenir ce même répit, ils doivent élire des libéraux. Est-ce qu’il s’agit de la position du gouvernement ou le premier ministre et le gouvernement vont plutôt ramener à l’ordre la ministre parce qu’elle a soit menti, soit dévoilé la vérité?

(1450)

Une voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Le gouvernement estime que le Sénat doit se distinguer de la tribune hyperpartisane...

[Français]

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, vous avez la parole.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Le gouvernement n’a nullement l’intention de faire ce que vous suggérez. J’imagine que les 15 secondes qui m’étaient allouées sont écoulées. Je m’arrête donc ici.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale, aura lieu le mercredi 1er novembre 2023, à 14 h 30.

Projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Percy E. Downe propose que le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, à titre de parrain du projet de loi C-42, je tiens à remercier la présidente du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie — la sénatrice Wallin — et le vice-président — le sénateur Loffreda — ainsi que les membres du comité : la sénatrice Bellemare, le sénateur Colin Deacon, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, la sénatrice Martin, le sénateur Massicotte, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Petten, la sénatrice Ringuette et le sénateur Yussuff d’avoir participé à l’étude de cette mesure législative. Comme à leur habitude, ils ont effectué un examen approfondi.

Chers collègues, si elle est adoptée par le Sénat, cette mesure législative aidera à lutter contre l’évasion fiscale à l’étranger, le blanchiment d’argent et la fraude, en prévoyant l’imposition de certaines des peines les plus rigoureuses au monde à quiconque ne divulgue pas l’information requise pour identifier les personnes ou entités ayant la propriété bénéficiaire d’une entreprise ou d’une société donnée.

Les entreprises pourraient recevoir des amendes jusqu’à concurrence de 100 000 $, et leurs administrateurs et dirigeants pourraient se voir imposer, à titre personnel, une amende maximale de 1 million de dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans.

Le projet de loi C-42 permettra d’établir un registre gratuit et accessible au public de la propriété effective des sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Ce registre permettrait à tous les Canadiens de lever le secret des entreprises et de voir au-delà des sociétés fictives afin de savoir qui est le véritable propriétaire d’une entreprise donnée. Une telle transparence permettrait aux Canadiens d’en savoir davantage sur les entreprises avec lesquelles ils font affaire, mais aussi d’appuyer les efforts du gouvernement du Canada pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes, décourager la fraude fiscale ou l’évitement fiscal et faire du Canada un pays attrayant pour faire des affaires.

Honorables sénateurs, même si l’adoption de ce projet de loi est importante, cette mesure législative vise à peine 15 % des entreprises canadiennes. Le registre ne sera vraiment efficace que si toutes les provinces et tous les territoires y adhèrent afin d’assurer une couverture complète. La bonne nouvelle, c’est que le Québec et la Colombie-Britannique sont déjà de la partie. Comme les témoins l’ont dit, c’est une première étape qui, bien qu’essentielle, demeure une première étape.

Les Canadiens attendaient cet important projet de loi pour lutter contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale à l’étranger. C’est pourquoi je suis heureux d’avoir eu l’occasion de le parrainer. Les Panama Papers et d’autres fuites massives ont montré que les criminels cherchent des endroits où il y a peu de transparence en matière de propriété effective. Il ne faut pas sous-estimer le fardeau considérable que représentent l’évasion fiscale et l’évitement fiscal pour l’économie canadienne.

En 2019, le département d’État américain a indiqué que le Canada fait partie des pays où il est facile de blanchir de l’argent. En mars 2022, il a publié rapport selon lequel entre 50 à 120 milliards de dollars canadiens seraient blanchis chaque année au pays, ce qui équivaut à environ 5 % de notre PIB.

De plus, un rapport produit en 2020 par le Service canadien de renseignements criminels révèle que le blanchiment d’argent représente une somme de 45 à 113 milliards de dollars canadiens chaque année, soit de 2 à 5 % du PIB du Canada.

Le manque de transparence en matière de propriété effective a une incidence sur la confiance des Canadiens et des investisseurs étrangers envers l’économie canadienne. La stabilité du gouvernement et du système bancaire canadiens a fait de notre pays une plaque tournante internationale pour les criminels et pour l’argent étranger provenant des cartels de la drogue, des dictateurs corrompus et de la mafia. Nous devons faire le nécessaire pour que le Canada perde sa réputation de pays idéal où blanchir de l’argent. Le registre que propose le projet de loi représenterait une avancée importante vers cet objectif. Il serait fort utile aux forces de l’ordre et soutiendrait l’établissement et le renforcement de la confiance envers le marché canadien.

Chers collègues, je vous demande d’appuyer ce projet de loi. Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables collègues, je prends la parole pour souligner l’importance du projet de loi C-42, qui invite fermement les provinces et les territoires à emboîter le pas et à mettre en place des régimes de transparence similaires en ce qui concerne la propriété effective.

Beaucoup d’entre vous ne le savent peut-être pas, mais, dans une vie antérieure, j’étais associé en droit des sociétés dans un cabinet d’avocats d’envergure nationale. Ainsi, ce projet de loi m’intéresse au plus haut point, et il me rappelle de nombreux souvenirs. Aujourd’hui, j’aimerais attirer votre attention sur la législation québécoise, qui constitue un modèle que chaque province et territoire devrait envisager.

Comme le parrain et le porte-parole l’ont souligné à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi — et le parrain encore une fois à l’occasion de la troisième lecture aujourd’hui —, cette mesure législative s’appliquera à environ 500 000 sociétés, c’est-à-dire celles qui sont constituées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Je remercie d’ailleurs le parrain et le porte‑parole pour leurs excellentes observations.

Vous pensez peut-être que, 500 000, c’est beaucoup, mais ce n’est pas le cas. En fait, cela ne représente que 15 % des entreprises canadiennes. Les 85 % qui restent sont des personnes morales constituées en vertu d’une loi provinciale ou étrangère.

En outre, au Canada, de nombreuses entreprises fonctionnent par l’intermédiaire d’une fiducie, d’une société en nom collectif, d’une société en commandite, d’une coopérative ou d’une coentreprise, ou encore elles sont exploitées par une ou plusieurs personnes physiques. Toutes ces entreprises sont réglementées par les provinces et les territoires. En fait, en vertu de la Constitution, la plupart des entreprises, qu’elles soient ou non constituées en société, sont régies par des lois provinciales.

Pour mettre fin au blanchiment d’argent et au recyclage des produits de la criminalité, il est urgent que toutes les provinces du Canada adoptent des mesures législatives visant l’accès public à l’information sur le propriétaire bénéficiaire réel ou ultime.

[Français]

Au cours des 10 dernières années, toutes les provinces, à l’exception de l’Alberta, ont adopté des lois afin d’assurer la tenue d’un registre des véritables propriétaires de sociétés par actions incorporées en vertu de leur législation sur les compagnies.

La plupart de ces lois exigent que chaque société par actions tienne un registre interne des bénéficiaires ultimes et communique au directeur des sociétés de la province pertinente des renseignements sur les personnes qui contrôlent, de fait, chaque société par actions.

Il faut cependant souligner que ces renseignements ne sont pas accessibles au public, sauf en Colombie-Britannique et au Québec. En Colombie-Britannique, le registre des entreprises provinciales est en vigueur depuis le 1er octobre 2020 pour les entreprises privées, alors que le registre couvrant les personnes qui ont un contrôle important est en vigueur depuis le milieu de l’année 2019. Le registre complet de la Colombie-Britannique sera en vigueur en 2025.

Au Québec, un projet de loi intitulé Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises a été présenté le 8 décembre 2020. Ce projet de loi a été adopté le 8 juin 2021 et est entré en vigueur il y a sept mois, soit le 31 mars 2023.

(1500)

Me Paul Martel, qui est une sommité en droit corporatif québécois et un ami à moi, décrit ainsi la nouvelle loi québécoise dans son traité intitulé La société par actions au Québec, et je cite :

Cette nouvelle loi a pour objet la modification de la Loi sur la publicité légale des entreprises pour principalement instaurer un nouveau régime d’information sur les bénéficiaires ultimes des entreprises et élargir le rôle du Registraire des entreprises de manière à optimiser la fiabilité des informations inscrites au registre des entreprises, favoriser la transparence des entreprises et inscrire le Québec dans la mouvance internationale pour lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la corruption.

Le nouveau régime québécois innove à deux égards par rapport à la plupart des autres juridictions canadiennes. D’abord, il s’applique à toutes les formes d’entreprises qui font affaire au Québec, quelle que soit leur juridiction constitutive, y compris les sociétés incorporées au fédéral. À ce jour, les sociétés incorporées au fédéral qui exercent des activités au Québec doivent fournir et rendre publiques des informations concernant les actionnaires ultimes de leur société. Ce projet de loi ne changera donc rien pour les sociétés qui exercent des activités au Québec.

En d’autres mots, la loi québécoise s’applique non seulement aux entreprises qui sont constituées en vertu du droit québécois, mais aussi aux sociétés par actions fédérales et à celles qui ont été créées en vertu d’une loi d’une autre province ou même d’un État étranger, aux sociétés de personnes, aux sociétés en commandite, aux fiducies et aux individus qui exploitent des entreprises au Québec.

La définition de « bénéficiaire ultime » est semblable à celle que l’on retrouve dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions, que nous modifions aujourd’hui au moyen du projet de loi C-42. Il s’agit essentiellement d’une personne physique qui contrôle ou détient même indirectement ou est bénéficiaire de 25 % ou plus des actions d’une société, des droits de vote ou des unités d’une fiducie ou d’une société de personnes, ce qu’on appelle en anglais un partnership, ou des personnes qui agissent comme prête-nom pour une autre personne ou une entreprise.

La loi québécoise prévoit aussi que l’entreprise a l’obligation de prendre les moyens nécessaires — par opposition à des moyens raisonnables dans la loi fédérale — pour identifier ses bénéficiaires ultimes, assurer leur identité et mettre à jour les informations.

De plus, des preuves doivent être transmises au Registraire des entreprises de l’identité des administrateurs en fournissant un document émanant d’une autorité gouvernementale et confirmant le nom, l’adresse et la date de naissance, comme un passeport, un permis de conduire ou une carte d’assurance-maladie. L’information fournie est vérifiée.

Par la suite, cette information est accessible au grand public. Le Québec suit ainsi l’exemple du Royaume-Uni et de la plupart des pays membres de l’Union européenne, qui rendent accessibles au public les informations sur les bénéficiaires effectifs, non seulement des sociétés par actions, mais de toutes les entreprises qui font affaire au Québec.

Je précise cependant que la date de naissance n’est pas rendue publique et qu’une personne peut fournir, outre son adresse résidentielle, une adresse d’affaires. Dans ce cas, seule cette dernière sera rendue publique.

Enfin, à compter du 31 mars 2024, le Registraire des entreprises pourra fournir à toute personne intéressée un regroupement d’informations basé sur le nom et l’adresse d’une personne physique, du moment que ce regroupement ne contienne pas une information qui ne peut être consultée en vertu de la loi, notamment l’adresse personnelle d’une personne pour laquelle une adresse professionnelle a été déclarée ou sa date de naissance. Par conséquent, il sera possible, en fouillant dans le registre des entreprises québécoises, de découvrir toutes les sociétés qui sont liées à cette même personne. Il s’agit, en l’espèce, d’une mesure visant à pousser la transparence à un plus haut degré. La non‑divulgation de renseignements personnels, comme la date de naissance et l’adresse, vise à protéger la vie privée et à empêcher le vol d’identité.

[Traduction]

En conclusion, nous adoptons aujourd’hui des modifications importantes à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. J’espère qu’à l’instar des mesures que nous avons mises en place pour que chaque entreprise tienne un registre interne sur le propriétaire bénéficiaire, ces modifications importantes à la Loi canadienne sur les sociétés par actions seront aussi adoptées par l’ensemble des provinces et des territoires afin d’assurer la transparence en ce qui a trait aux propriétaires bénéficiaires des sociétés constituées en vertu de leurs lois. Je les invite également à faire de même à l’égard des partenariats, des associations et des fiducies, comme l’a fait le Québec.

Enfin, j’espère que les autres provinces considéreront le Québec comme un modèle intéressant à suivre pour accroître la transparence non seulement pour les entités constituées en vertu d’une loi provinciale, mais aussi pour toutes les autres entités qui ont l’habitude de faire des affaires dans leurs provinces.

Merci, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureux d’entamer le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-48, qui répond aux préoccupations en matière de sécurité publique au sujet du système de mise en liberté sous caution, en proposant des mesures ciblées pour lutter contre les récidives violentes impliquant l’usage d’armes. La version du projet de loi adoptée par l’autre endroit comprenait également un article sur la violence entre partenaires intimes, bien que cet article ait été supprimé récemment lors de l’étude article par article du projet de loi, et j’en parlerai plus en détail dans un instant.

Permettez-moi d’abord de remercier les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de leur examen approfondi du projet de loi.

Les sénateurs se souviendront que le projet de loi C-48 a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit à toutes les étapes dès le premier jour de séance de l’automne. C’était une indication de l’importance que les députés attachent au projet de loi et de l’urgence avec laquelle ils espéraient qu’il soit adopté. Par conséquent et à juste titre, chers collègues, le Sénat a traité ce projet de loi comme une priorité tout en démontrant sa capacité de travailler consciencieusement et rapidement.

Le comité a entendu un total de 26 témoins, y compris des policiers, des criminalistes, des universitaires ainsi que des représentants de groupes de victimes, d’organisations autochtones et de l’aide juridique. Plusieurs mémoires ont également été reçus. Je tiens à remercier tous ceux qui nous ont fait part de leurs points de vue.

Parmi ces témoins se trouvait Niki Sharma, procureure générale de la Colombie-Britannique. Je souligne son témoignage en particulier parce que le régime de mise en liberté sous caution dépend de la coopération et de la coordination entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. En fait, le projet de loi C-48 est le produit de vastes efforts intergouvernementaux, dont plusieurs années de rencontres des ministres de la Justice et de la Sécurité publique, ainsi que d’une coordination continue entre les hauts fonctionnaires des divers gouvernements.

Ce travail s’est intensifié à la suite du meurtre tragique de l’agent de la Police provinciale de l’Ontario, Greg Pierzchala, et d’une lettre au premier ministre cosignée par les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux et réclamant ce genre de projet de loi.

[Français]

Comme vous le savez, honorables sénatrices et sénateurs, le système de justice pénale — et, par extension, le régime de mise en liberté sous caution — est une responsabilité partagée. Un régime efficace et fonctionnel dépend de la capacité de chaque ordre de gouvernement de s’acquitter de ses responsabilités, tout en collaborant et en coopérant les uns avec les autres. Le projet de loi C-48 est un exemple qui illustre bien comment des gouvernements de partout au Canada travaillent ensemble pour répondre aux préoccupations du public.

(1510)

Ce projet de loi reçoit un énorme soutien et reflète une volonté largement répandue de voir les mesures adoptées et mises en œuvre sans délai. Comme je l’ai indiqué plus tôt, ce projet de loi a été adopté à l’unanimité aux Communes dès le premier jour de la session d’automne, et tous les gouvernements provinciaux et territoriaux ont manifesté leur appui. On a rarement vu un projet de loi jouir d’autant de légitimité démocratique d’un bout à l’autre du pays.

[Traduction]

Aujourd’hui, je vais concentrer mes observations sur les témoignages que nous avons entendus au comité concernant certains éléments clés du projet de loi, de même que sur quelques thèmes généraux qui sont ressortis de notre étude du projet de loi.

Le premier élément clé est la disposition d’inversion du fardeau de la preuve pour les récidives violentes commises avec une arme. Lorsqu’il y a inversion du fardeau de la preuve, la présomption habituelle de mise en liberté sous caution devient une présomption de détention. Il appartient au prévenu de prouver qu’il devrait être remis en liberté, plutôt qu’à la Couronne de prouver qu’il ne devrait pas l’être.

Il existe des dispositions d’inversion du fardeau de la preuve dans le Code criminel depuis un certain temps déjà. La Cour suprême du Canada a jugé qu’elles sont constitutionnelles pourvu qu’elles soient étroitement définies, et c’est le cas de celle-ci.

Pour que cette disposition d’inversion du fardeau de la preuve s’applique, la personne doit être accusée d’avoir commis une infraction avec violence au moyen d’une arme. Elle doit également avoir été reconnue coupable d’avoir commis une infraction avec violence au moyen d’une arme au cours des cinq années précédentes. Les deux infractions doivent être assorties d’une peine maximale d’emprisonnement de 10 ans ou plus.

[Français]

La deuxième modification clé élargirait la liste actuelle des infractions liées aux armes à feu qui donnent lieu à une inversion du fardeau de la preuve. Cette proposition cible les actes qui minent sensiblement la sécurité publique, comme l’introduction par effraction pour voler une arme à feu, le vol qualifié visant une arme à feu et la fabrication d’une arme à feu automatique.

De plus, on ajouterait à cette liste la possession illégale d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, chargée ou non chargée avec des munitions facilement accessibles. Cet ajout répond directement aux préoccupations des organismes d’application de la loi, ainsi qu’à l’appel des 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux.

[Traduction]

Comme l’a affirmé le ministre de la Justice au comité, l’inversion du fardeau proposée dans le projet de loi C-48 repose sur une « approche ciblée et presque chirurgicale utilisée envers les délinquants ayant commis des crimes graves et violents ».

Comme les fonctionnaires du ministère l’ont expliqué, même si l’inversion du fardeau peut accroître la probabilité de détention pour les infractions ciblées, elle pourrait également simplement rendre l’examen des tribunaux plus minutieux pour les mises en liberté sous caution, ce qui leur permettrait d’obtenir plus de renseignements et, possiblement, d’arriver à un plan de mise en liberté sous caution assorti de conditions plus strictes, ce qui serait dans l’intérêt de la sécurité publique.

Des témoins de l’Association canadienne des chefs de police, ainsi que le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, ont mentionné qu’ils auraient voulu que le projet de loi aille plus loin. Ils voulaient que tous les crimes violents soient ciblés, qu’une arme ait été employée ou non. Ils ont demandé que la limite de cinq ans soit retirée concernant les infractions antérieures.

D’autres témoins, notamment ceux de l’Association du Barreau canadien et de l’Association canadienne des libertés civiles, se sont dits inquiets de la possibilité que, dans leur version actuelle, les dispositions aient une portée trop large. Certains auraient voulu que l’inversion du fardeau soit complètement éliminée. Le gouvernement considère que les dispositions permettent d’atteindre le bon équilibre. Elles priorisent la sécurité publique et respectent le droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable que confère la Charte.

Chers collègues, lorsque nous avons reçu ce projet de loi de l’autre endroit, il prévoyait également l’inversion du fardeau de la preuve dans les cas de violence contre un partenaire intime. Depuis l’adoption du projet de loi C-75 en 2019, le fardeau de la preuve est inversé pour toute personne accusée d’une infraction de violence contre un partenaire intime qui a déjà été reconnue coupable d’une telle infraction. À l’origine, le projet de loi C-48 proposait d’étendre cette disposition aux personnes absoutes antérieurement pour une infraction de violence contre un partenaire intime. Cependant, le comité a supprimé cet élément du projet de loi.

Comme je l’ai dit lors de l’étude article par article du projet de loi, le gouvernement estime que cette disposition était importante et il trouve regrettable qu’elle ait été supprimée.

Chers collègues, soyons clairs, dans notre système de justice criminelle, une absolution est un verdict de culpabilité. Il s’agit essentiellement de la peine la plus légère qu’une personne puisse recevoir; elle peut être utilisée, par exemple, dans le cas d’un contrevenant qui en est à sa première infraction à qui un juge veut donner une deuxième chance. Essentiellement, cela signifie que, s’il se comporte bien ou s’il respecte certaines conditions, son casier judiciaire est effacé.

Cependant, une personne qui est absoute pour violence contre un partenaire intime a commis un acte de violence contre un partenaire intime. Si elle est de nouveau accusée de violence contre un partenaire intime, le gouvernement ne croit pas qu’elle devrait bénéficier de la clémence qui lui a été accordée la première fois. Comme nous l’ont dit des fonctionnaires, la violence entre partenaires intimes constitue généralement une infraction où une tendance se dessine, souvent bien avant que la police ou les tribunaux soient appelés à intervenir.

Lorsqu’une personne est accusée d’une telle infraction non pas une, mais deux fois, il y a lieu de s’inquiéter sérieusement pour la victime, qui court un risque élevé. En fait, pour les victimes de violence entre partenaires intimes, le risque augmente souvent une fois que des accusations ont été portées.

Comme l’a indiqué l’Association des femmes autochtones du Canada, qui a appuyé le projet de loi C-48 dans sa forme initiale, « protéger [les femmes] de leur agresseur entre le moment où les accusations sont portées et celui de l’audience est une préoccupation importante ».

Chers collègues, je comprends le malaise de certains sénateurs à l’égard de cette disposition. En effet, des témoins ont affirmé que l’inversion du fardeau de la preuve pour des accusés qui ont été absous allait trop loin.

Il ne fait aucun doute qu’il faut trouver un équilibre entre les droits de l’accusé et la sécurité de la victime. Des personnes raisonnables peuvent ne pas s’entendre sur les limites qu’il convient de fixer. Je tiens à réitérer la position du gouvernement selon laquelle le projet de loi, dans sa forme initiale, parvenait à un juste équilibre.

J’aimerais également souligner que la même disposition, qui a été supprimée du projet de loi C-48 lors de son étude article par article, figure dans le projet de loi S-205, que le Sénat a adopté en avril dernier, et qui en est actuellement à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes.

[Français]

Finalement, le projet de loi vise à ajouter quelques nouvelles considérations et exigences pour les tribunaux lorsqu’ils décident s’il convient d’accorder une mise en liberté sous caution.

D’abord, le projet de loi exigerait expressément des tribunaux d’examiner si le prévenu a des antécédents d’infractions avec violence.

Deuxièmement, il exigerait que le juge verse au dossier de l’instance une déclaration selon laquelle il a pris en considération la sécurité de la collectivité en plus de celle de toute victime. Comme l’a indiqué le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, cette disposition veillerait à ce que le droit des victimes et du public d’être protégés contre les comportements criminels violents bénéficie d’un poids approprié.

Troisièmement, tel qu’il a été modifié par le comité, le projet de loi exigerait que le juge explique comment il a tenu compte des circonstances particulières d’un prévenu autochtone ou d’un prévenu appartenant à une autre population vulnérable et surreprésentée au sein du système de justice pénale. Depuis l’adoption de l’ancien projet de loi C-75 en 2019, les juges sont d’ailleurs obligés de tenir compte de ces circonstances, mais le comité a cru bon d’ajouter cette exigence dans le but de s’assurer que l’exercice se fait comme il le faut.

[Traduction]

Le comité a également apporté un autre amendement au projet de loi dans la section qui exige un examen parlementaire. Dans sa version initiale, le projet de loi prévoyait la tenue d’un examen par un comité de l’autre endroit cinq ans après la sanction royale. Désormais, le projet de loi fait également mention d’un comité sénatorial.

Chers collègues, je souligne que lorsque le ministre de la Justice a comparu, il nous a assuré que les futures dispositions relatives à l’examen parlementaire dans les projets de loi élaborés par son ministère incluraient les deux Chambres.

(1520)

Il s’agit essentiellement d’un aperçu du projet de loi, dans sa forme actuelle, après qu’il a été amendé et adopté au comité.

Avant de conclure, j’aimerais aborder certains des points qui ont été soulevés concernant les difficultés générales auxquelles le système de mise en liberté sous caution est confronté. Parmi ces difficultés, il y en a que nous ne pouvons pas régler en légiférant et qui dépendent de décisions en matière de politiques et de ressources de différents ordres de gouvernement. C’est vrai, mais cela ne réduit pas leur importance.

L’un des sujets qui ont été soulevés à maintes reprises — je crois d’ailleurs que je l’ai moi-même soulevé à l’étape de la deuxième lecture — est la nécessité d’obtenir de meilleures données. Il s’agit d’un problème de taille en raison des différentes compétences qui interviennent dans le système de justice criminelle et dans le processus de libération sous caution, mais il doit être réglé.

Dans les observations annexées à son rapport, le comité a exhorté le gouvernement à travailler en collaboration avec les provinces et les territoires « afin de mettre en place un moyen efficace et efficient de collecte et de partage des données relatives au système de mise en liberté sous caution ». Le gouvernement a l’intention de répondre à cet appel. Cette question a été reconnue par les ministres de la Justice du Canada et de la Colombie-Britannique lors de leurs témoignages.

La collecte de données relatives à la mise en liberté sous caution est l’un des domaines prioritaires qui ont été désignés au cours des récentes réunions fédérales-provinciales-territoriales. Je souligne que le budget de 2021 prévoyait des fonds pour le ministère de la Justice et Statistique Canada afin d’améliorer la collecte et l’utilisation de données désagrégées dans le système de justice. Nous constatons quelques signes avant-coureurs de progrès, mais il est clair que nous devons en faire plus et c’est ce que nous faisons.

Un autre thème qui a été soulevé au comité est l’importance du soutien social, qui rend les collectivités plus sûres en les aidant à prévenir les activités criminelles et qui contribue à la promotion du respect des conditions de mise en liberté sous caution.

Plusieurs témoins ont insisté sur la nécessité de certaines choses, comme le logement abordable, les soins de santé mentale, le traitement de la toxicomanie, ainsi que des ressources et du soutien financiers pour les victimes de violence conjugale.

Encore une fois, il s’agit d’un domaine où les différents ordres de gouvernement doivent collaborer. Le gouvernement fédéral a fait des investissements et il a collaboré avec des partenaires provinciaux, territoriaux et municipaux, ainsi que les gouvernements autochtones pour réaliser des progrès. Ces efforts sont essentiels pour rendre nos collectivités plus sûres.

[Français]

Enfin, plusieurs témoins ont fait part de leurs préoccupations relatives à l’incidence que le projet de loi C-48 pourrait avoir sur les accusés issus de communautés autochtones et noires, et d’autres communautés marginalisées.

Dans son témoignage, le ministre de la Justice a fait ressortir le sérieux avec lequel le gouvernement traite la surreprésentation et a décrit les diverses mesures que le gouvernement a prises pour lutter contre la discrimination systémique dans le système de justice pénale. Celles-ci comprennent l’élaboration d’une stratégie en matière de justice autochtone, d’une stratégie en matière de justice pour personnes noires, d’une stratégie de lutte contre le racisme et d’un financement accru pour l’aide juridique en matière criminelle.

Le gouvernement continuera de s’engager sur ces questions afin de réduire les iniquités. Comme l’a souligné l’Association des femmes autochtones du Canada, il faut en même temps réduire la surreprésentation et mieux prévenir les actes criminels visant les membres de communautés marginalisées.

[Traduction]

Comme je l’ai dit, légiférer dans ce domaine est une question de juste équilibre. Aussi le projet de loi C-48 propose-t-il des modifications ciblées au Code criminel. Ces propositions répondent à des préoccupations répandues concernant les crimes violents commis par les récidivistes mis en liberté sous caution, tout en respectant le droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable. En plus du projet de loi, le gouvernement travaille avec les autres ordres de gouvernement sur des mesures non législatives visant à rendre plus efficace le système de mise en liberté sous caution.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-48 s’inscrit dans un effort national qui a pour but de renforcer le système canadien de mise en liberté sous caution, de protéger les collectivités et d’accroître la confiance du public envers l’administration de la justice. Je vous invite à vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi et le renvoyer à l’autre endroit, pour que les députés puissent examiner sans tarder nos amendements. Merci.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-48, qui prévoit de nouvelles dispositions d’inversion du fardeau de la preuve. Comme le sénateur Gold l’a indiqué, cela va accroître le fardeau imposé à l’accusé, qui devra démontrer qu’il peut être mis en liberté sous caution en toute sécurité jusqu’à son procès, au lieu de conserver la présomption que l’accusé sera mis en liberté à moins que la Couronne ne prouve que la détention est nécessaire.

Le projet de loi C-48 a été rédigé et adopté à toute vitesse à la Chambre des communes en réponse à des actes de violence commis contre des policiers, sans aucune preuve que ces gestes auraient pu être évités grâce à ce projet de loi. Malheureusement, les modifications proposées dans ce projet de loi sont lourdement chargées d’opportunisme politique. Elles ne répondent pas aux défis du système de mise en liberté sous caution d’une manière qui serait dans l’intérêt des Canadiens.

Quelles sont nos préoccupations?

La portée des dispositions concernant la violence entre partenaires intimes reste trop vaste, de telle sorte que ces dispositions vont probablement toucher autant les victimes d’abus que les abuseurs qu’elles visent à arrêter.

Ce projet de loi va sûrement accroître la surreprésentation des communautés marginalisées dans les prisons, en particulier les Noirs et les Autochtones; ceux qui vivent dans la pauvreté; et ceux qui ont déjà vécu des traumatismes, qui ont des problèmes de santé mentale ou des problèmes de toxicomanie.

Ni le gouvernement ni le Sénat n’ont reçu de données permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle ce projet de loi permettra d’atteindre l’objectif annoncé, soit améliorer la sécurité publique.

En raison des séquelles permanentes du colonialisme au Canada, les femmes autochtones sont touchées de façon disproportionnée par la violence. Selon les données, six femmes autochtones sur dix seront victimes de violence familiale au cours de leur vie, et quatre sur dix seront victimes de violence physique. Pourtant, dans ces situations, les femmes autochtones craignent souvent d’appeler la police pour obtenir de l’aide parce que, trop souvent, elles trouvent que les rôles sont inversés, de sorte qu’elles sont blâmées et tenues responsables de la violence dont elles sont victimes.

Le fait que les tentatives passées d’élaborer des politiques pour aider les femmes victimes de violence ont abouti notamment à des pratiques de mise en accusation obligatoire est un exemple de cette hyperresponsabilisation. Plutôt que de protéger les femmes, ces pratiques ont donné lieu à des doubles mises en accusation, une pratique policière qui consiste à porter des accusations criminelles à la fois contre la victime et contre l’agresseur dans des cas de violence entre partenaires intimes.

Les femmes sont également plus susceptibles d’utiliser des objets — une brosse à cheveux, une assiette, une poêle à frire ou un couteau de cuisine — pour se défendre. Celles qui s’engagent dans un combat au corps à corps sans saisir un objet pour se défendre finissent souvent par mourir. Des femmes qui ne représentent aucune menace pour la sécurité publique se retrouvent accusées d’agression pour s’être défendues contre la violence. En raison des conditions de détention préalable au procès et des longs délais d’enquête sur le cautionnement — sans parler d’un manque de confiance justifié dans un système de justice pénale qui n’a pas pris au sérieux l’oppression qu’elles ont subie —, trop de femmes choisissent de plaider coupables en échange d’une peine déterminée, plutôt que d’être emprisonnée pendant une période qui pourrait s’avérer longue, dans l’attente d’une audience sur le cautionnement ou dans l’attente d’un procès, sans parler du risque de condamnation lors du procès et d’une peine plus longue.

Nous savons que cela se produit. La mise en accusation double a été reconnue par le gouvernement et par des témoins de la police. L’avocate principale de la Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées nous a dit que des femmes font face à cet écueil partout au pays.

La Clinique commémorative Barbra Schlifer, qui traite exclusivement des cas de violence familiale pour les femmes de l’Ontario, admet de cinq à six nouvelles clientes par semaine à son programme relatif à la mise en accusation double.

Les mises en accusation doubles font augmenter le nombre de femmes autochtones qui se retrouvent dans le système de justice pénale, alors qu’elles y sont déjà surreprésentées et qu’elles sont déjà incarcérées en très grand nombre. Étant donné que le projet de loi étend la disposition de l’inversion du fardeau de la preuve à toute personne condamnée pour l’usage d’une arme aux fins de violence contre un partenaire intime, nous prédisons que les victimes de cette forme de violence seront entraînées dans le système de justice pénale, ce qui découragera encore plus les femmes autochtones de réclamer de l’aide quand elles sont le plus en danger.

Le gouvernement a présenté ce projet de loi, car il croyait qu’il s’imposait de toute urgence. N’estime-t-il pas qu’il est tout aussi urgent d’appuyer des mesures qui permettront aux victimes de violence entre partenaires intimes de se sentir vraiment en sécurité? Pourquoi nos efforts sont-ils concentrés sur la détention avant procès d’un plus grand nombre de gens, quand des accusations ont été portées, au lieu de renforcer les mesures d’aide financière et sociale ainsi que le soutien pour le logement et la santé afin que les victimes aient les outils dont elles ont besoin pour sortir en toute sécurité de situations de violence entre partenaires intimes?

(1530)

Nous avons entendu des témoins ayant une expérience directe de l’état actuel de notre système de mise en liberté sous caution. Nous avons entendu les témoignages d’avocats de la Couronne et de la défense ainsi que d’experts en droits de la personne qui travaillent avec et pour des personnes qui ont été victimisées et criminalisées. Tous nous ont dit très clairement que les conditions de détention avant procès sont odieuses et affectent de manière disproportionnée les personnes les plus marginalisées.

Emilie Coyle et d’autres représentantes de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry ont parlé de cellules couvertes d’excréments et de restrictions si sévères pour avoir accès à de l’eau que les femmes buvaient l’eau des toilettes. Le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes a partagé l’histoire déchirante de Sarah Rose Denny, une Micmaque mère de famille qui est décédée d’une double pneumonie après qu’on lui a refusé des soins de santé en prison.

Le nombre de personnes en détention avant procès a plus que quadruplé au cours des 40 dernières années, malgré la baisse des taux de criminalité pendant cette même période, ce qui a entraîné le surpeuplement des prisons et les temps d’attente pour les audiences de mise en liberté sous caution.

L’ajout de nouvelles dispositions relatives à l’inversion du fardeau de la preuve aggravera ce problème. De nombreux témoins, dont le président du conseil d’administration du programme d’aide juridique de l’Ontario, ont affirmé que ce projet de loi augmentera le nombre de faux plaidoyers de culpabilité parce que les gens seront pressés de quitter le plus rapidement possible les installations de détention avant procès.

Qui sera visé par ce projet de loi? Ce projet de loi est censé viser seulement les personnes qui présentent une menace extrême pour la sécurité publique et qui sont jugées susceptibles de commettre à nouveau des actes de violence. Aucune donnée n’indique que ces mesures ne s’appliqueront qu’à ce sous-ensemble de personnes, ni que les dispositions visant à inverser le fardeau de la preuve pour les types d’accusations et de condamnations concernés ont le moindre effet sur la protection du public. Nous savons cependant, honorables collègues, que les personnes détenues pendant une courte période de détention avant la tenue de leur procès — même quelques jours — risquent non pas moins, mais davantage de commettre un crime plus tard.

Les personnes qui sont les plus susceptibles d’emprunter la voie de la criminalité sont celles qui sont déjà marginalisées. Comme l’a indiqué la professeure Nicole Myers :

Les personnes pauvres, itinérantes, souffrant de problèmes de santé mentale ou inculpées pour consommation de drogues sont celles qui sont surveillées le plus étroitement par la police, ce qui augmente les risques qu’elles soient arrêtées et gardées en détention en vue d’une audience pour libération sous caution.

Les personnes qui sont incapables d’obtenir une mise en liberté sous caution après leur arrestation sont souvent celles qui sont sans ressources. Les personnes qui sont détenues avant la tenue de leur procès sont celles qui n’ont pas de proches pouvant les loger chez eux, s’absenter du travail pour assister aux comparutions ou offrir une somme considérable en guise de caution pour l’accusé. Ces circonstances vont disproportionnellement de pair avec d’autres inégalités systémiques, en particulier celles qui touchent les personnes noires et autochtones.

Une fois qu’on leur a refusé la mise en liberté sous caution, les Canadiens noirs passent plus de temps en détention avant procès que la population générale. Pendant leur incarcération, ils subissent des conditions plus difficiles que les autres : ils sont plus souvent soumis à l’usage de la force, placés en isolement et envoyés dans des ailes à sécurité maximale.

Les Autochtones, en particulier les femmes, continuent d’être surreprésentés dans les prisons — un fait inexcusable. Les femmes autochtones représentent entre 75 et 99 % de toutes les femmes incarcérées dans les prisons provinciales. Les filles et les jeunes femmes autochtones représentent entre 95 et 100 % de la population des prisons pour jeunes femmes en Saskatchewan, au Manitoba et dans le Nord. Ce projet de loi ne fait rien pour contrer cette crise.

Compte tenu de ces faits, comment pouvons-nous soutenir un projet de loi qui enverra plus de personnes, en particulier parmi les groupes les plus marginalisés, en détention avant le procès? Qu’est‑ce qui prouve que le projet de loi s’attaquera à la crise de la surreprésentation des personnes noires et autochtones dans le système de justice pénale au lieu d’exacerber la situation?

Le projet de loi a été adopté à toute vapeur à l’autre endroit en une seule journée, sans examen en bonne et due forme. Pour cette raison, nous avons commencé l’étude en comité avec un désavantage. On nous a aussi demandé d’étudier le projet de loi sans avoir d’abord reçu l’analyse comparative entre les sexes plus du gouvernement. Au comité, les représentants du ministère de la Justice ne disposaient pas des données démographiques nécessaires pour justifier l’inversion du fardeau de la preuve créée par le projet de loi C-48. De plus, nous n’avons pas encore vu les effets du projet de loi C-75, un autre projet de loi qui a établi des dispositions sur l’inversion du fardeau de la preuve et qui fait actuellement l’objet d’une évaluation.

Pourquoi cherchons-nous à traiter un projet de loi à toute vitesse alors que nous n’avons pas assez de renseignements pour bien l’évaluer? Pourquoi promouvoir un projet de loi sans savoir s’il aura les effets souhaités, mais en sachant qu’il aura presque certainement des conséquences imprévues pour les communautés les plus marginalisées?

Si nous souhaitons améliorer la sécurité publique, les Canadiens méritent que nous le fassions d’une manière très efficace, qui tient bien compte des données probantes. Au lieu d’opter pour des approches réactives, il faut diriger les ressources principalement vers des mesures de soutien social dans le but de régler les causes profondes de la criminalité. Ainsi, nous devrions financer un revenu minimum garanti, le logement, le soutien social et les soins de santé, y compris des mesures de soutien pour les problèmes de santé mentale et de dépendance. Si nous cherchons à améliorer le système de mise en liberté sous caution, il faut améliorer le financement des programmes d’aide juridique et de supervision des personnes en liberté sous caution qui permettent aux gens de rester dans leur communauté. Ce n’est pas ce que fait le projet de loi C-48.

Ce projet de loi risque davantage de judiciariser les femmes autochtones qui demandent l’aide de la police lorsqu’elles subissent la violence d’un partenaire intime. Il risque d’accroître le nombre de personnes détenues avant leur procès, d’accroître la surreprésentation des personnes noires et autochtones dans les prisons, et d’encourager les gens à faire de faux plaidoyers de culpabilité motivés surtout par le désir d’éviter les conditions déplorables d’une détention avant procès.

En tout respect, nous ne pouvons tout simplement pas prendre le risque d’aller encore dans la mauvaise direction en ce qui concerne la judiciarisation et l’incarcération massive des personnes noires et autochtones et particulièrement des femmes de ces communautés.

Il nous incombe de nous opposer aux projets de loi motivés par des raisons politiques qui ne reposent sur aucun fondement probant. Nous devons continuer de réclamer des changements au système de mise en liberté sous caution pour protéger le public, et surtout les victimes de violence entre partenaires intimes.

Le projet de loi C-48 n’améliorera pas notre sécurité. En fait, il pourrait avoir l’effet contraire. Honorables collègues, nous avons le devoir d’exposer la vérité quand elle nous crève les yeux. Nous avons l’obligation de ne pas gaspiller l’argent des contribuables sur d’autres projets de loi symboliques. À mon humble avis, nous ne devrions même pas adopter cette mesure législative.

Meegwetch. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation

Adoption du quinzième rapport du Comité des peuples autochtones

Le Sénat passe à l’étude du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2023.

L’honorable Brian Francis propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je tiens à reconnaître, tout d’abord, que je prends la parole sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Aujourd’hui, à titre de président du Comité des peuples autochtones, j’ai l’honneur de prendre la parole au sujet du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.

En bref, ce projet de loi vise à répondre à l’appel à l’action no 53 du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui demande au Parlement du Canada d’adopter, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, des dispositions législatives visant à mettre sur pied un conseil national de réconciliation. Plus précisément, le projet de loi propose la création d’un organisme national de surveillance permanent et indépendant, constitué en organisme sans but lucratif et chargé, entre autres, d’observer et d’évaluer les progrès accomplis en matière de réconciliation ainsi que d’en rendre compte.

Le projet de loi jette également les bases des appels à l’action nos 55 et 56, qui précisent les fonds qui devraient être affectés au conseil et les données et les renseignements dont il a besoin de la part des différents ordres de gouvernement. De plus, le premier ministre du Canada serait tenu de répondre officiellement au rapport annuel du conseil, — qui décrirait les progrès accomplis par tous les gouvernements et tous les secteurs au pays et formulerait des recommandations —, en publiant un rapport annuel sur la situation des Autochtones et les plans du gouvernement du Canada pour faire progresser la réconciliation.

Je souhaite maintenant me pencher sur l’étude du projet de loi C-29 au Comité des peuples autochtones. Au total, nous avons tenu 12 réunions totalisant plus de 20 heures. Dans le cadre de cette étude, nous avons entendu plus de 50 témoins et reçu 23 mémoires, dont 7 réponses à des questions en suspens.

(1540)

Je remercie les membres du comité d’avoir abordé ce travail de façon respectueuse et productive. Par exemple, pour élaborer et finaliser un plan de travail solide, nous avons demandé aux membres et aux non-membres de proposer des témoins et nous avons essayé d’accorder les places de façon juste et équitable.

Afin d’entendre le plus grand nombre de personnes et de groupes possible, nous avons également lancé un appel ouvert pour obtenir des mémoires et nous avons encouragé nos collègues à diffuser l’invitation dans leurs réseaux.

Bien qu’ils soient loin d’être exhaustifs, je crois que les témoignages entendus par le comité sont représentatifs des divers points de vue des Autochtones et d’autres à l’égard du conseil national de réconciliation.

Jeudi dernier, le 26 octobre, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a présenté son quinzième rapport sur le projet de loi C-29 avec des amendements et des observations, que j’ai l’intention de résumer ici.

En ce qui concerne les amendements, le comité a modifié l’article 2, qui définit les termes utilisés dans le projet de loi. Nous avons modifié le terme « gouvernements » et ajouté l’expression « corps dirigeant autochtone », qui englobe le leadership et la structure organisationnelle choisis par les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Le comité a également modifié l’article 6 afin qu’il indique plus clairement que le conseil a pour mission de faire progresser la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones. Cet amendement vise à souligner le fait que la réconciliation s’étend à tous les pouvoirs publics et à toute la société. Elle est en outre la responsabilité commune des différentes populations autochtones et non autochtones qui composent le Canada.

L’article 7, qui énonce les attributions du conseil, a également été amendé.

Conformément au libellé de l’appel à l’action no 53, l’accent est mis sur la surveillance, l’évaluation et la production de rapports. Nous avons également ajouté au plan d’action national pluriannuel des éléments relatifs à l’élaboration de politiques et aux programmes de sensibilisation destinés au public. Enfin, nous avons précisé que le conseil doit encourager le dialogue, ainsi que les partenariats entre les organismes des secteurs public et privé et des initiatives visant la réconciliation.

Le comité a ajouté de nouveaux articles, les articles 7.1 et 7.2, qui répondent à plusieurs préoccupations soulevées par l’Inuit Tapiriit Kanatami et par d’autres témoins. En plus de l’amendement à l’article 2, il est indiqué explicitement que la loi n’a pas pour effet d’autoriser le conseil à agir au nom d’un corps dirigeant autochtone ou à en représenter les intérêts. Le fait de consulter le conseil ne libérerait pas un gouvernement, ou une autre entité, de son obligation de consulter.

En outre, il est indiqué que le conseil ne devrait pas s’ingérer dans les mécanismes bilatéraux actuels ou futurs établis entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits ou les Métis, comme le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne.

Il y a aussi un amendement à l’article 16, qui porte sur la communication de renseignements. Dans le projet de loi, les paragraphes 16(1) et 16(2) obligent le ministre à élaborer, en collaboration avec le conseil, un protocole pour la communication de renseignements afin que le conseil puisse remplir sa mission. Si des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, le paragraphe 16(3) ajoute que le conseil peut déposer un recours devant la Cour fédérale. Je souligne que le mot utilisé est « peut », et non « doit ». Autrement dit, ce n’est qu’une des diverses options que le conseil peut choisir.

L’article 16.1, qui porte sur le rapport annuel du premier ministre, a été modifié pour préciser que la fin de l’exercice est le 31 mars.

Enfin, l’article 17.1 a été ajouté. Il s’agit d’une modification corrélative qui permet une harmonisation avec les nouvelles exigences en matière de rapports prévus à l’article 7.

Le comité a également formulé six observations au sujet du projet de loi C-29.

Premièrement, nous avons observé que l’établissement du conseil s’inscrit dans le contexte des répercussions intergénérationnelles accablantes des politiques assimilationnistes du gouvernement fédéral, notamment les pensionnats indiens, qui ont eu de graves répercussions négatives sur le bien-être des peuples autochtones, et qu’il met en lumière la nécessité d’un organisme indépendant géré par les Autochtones qui peut mesurer les progrès réalisés en vue d’éliminer les inégalités entre les Autochtones et les non‑Autochtones. Les aînés, les survivants et leurs descendants doivent éclairer et orienter ces efforts.

Deuxièmement, pour remplir son vaste mandat, le comité a ajouté que le conseil doit disposer d’un accès rapide et sans entrave à l’information de tous les ordres de gouvernement.

Troisièmement, compte tenu des difficultés constantes auxquelles sont confrontés d’autres organismes, comme le Centre national pour la vérité et la réconciliation, le comité a également fait remarquer qu’un mécanisme de règlement des plaintes devrait être établi en même temps que le protocole pour la communication de renseignements décrit au paragraphe 16(1) du projet de loi C-29.

Quatrièmement, le comité a également recommandé que le conseil d’administration s’efforce d’inclure une plus grande représentation des Autochtones que celle prévue dans la loi.

Plus précisément, il doit refléter la diversité, les origines et les expériences des Autochtones, peu importe où ils vivent. Tout en évitant d’être trop prescriptive, cette observation souligne la nécessité d’une représentation et d’une mobilisation inclusives.

Cinquièmement, pour tenir compte de l’importance primordiale des mécanismes bilatéraux établis entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, le comité a amendé le projet de loi et a précisé explicitement que le conseil ne devrait pas s’ingérer dans ces mécanismes.

Sixièmement, tout en se réjouissant que le gouvernement du Canada ait affecté un fonds de dotation de 126,5 millions de dollars, le comité a convenu, comme les témoins, que ce montant était insuffisant.

Afin de s’acquitter de son vaste mandat, le conseil doit bénéficier d’un financement pluriannuel à long terme afin qu’il puisse disposer des ressources financières, humaines et techniques nécessaires à la conduite de ses travaux. C’est pourquoi nous recommandons fortement que le gouvernement augmente le financement à un niveau plus approprié, du moins à un niveau proportionnel à celui de la Fondation autochtone de guérison qui, comme l’a dit le professeur David MacDonald, est devenue un organisme autosuffisant grâce à un financement total de 515 millions de dollars. Cette observation fait ressortir une préoccupation selon laquelle, en raison d’une insuffisance de fonds, le conseil pourrait manquer des ressources financières, humaines et techniques nécessaires.

Ce point a été souligné par Marie Wilson, une des trois commissaires de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui a déclaré :

[...] sans l’argent et les moyens, tout peut devenir politisé et fragile alors qu’il faut que ce soit permanent et stable [...]

Cela ne peut être perçu comme un autre organisme démuni qui tente d’accomplir des miracles avec les moyens du bord.

Chers collègues, avant de conclure, j’aimerais faire quelques brefs commentaires.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi C-29, certains ont émis des préoccupations au sujet du manque de consultation. Je respecte ces arguments et je comprends d’où ils viennent.

Il est toutefois important de se rappeler que la Commission de vérité et réconciliation, dont les travaux étaient fondés sur la recherche ainsi que des documents et des témoignages recueillis entre 2008 et 2015, a recommandé la création d’un conseil national de réconciliation.

Cette opinion était partagée par Marie Wilson, qui a déclaré ceci :

Je sais que ce que je vais dire ne fera pas l’affaire de tout le monde, mais j’ai l’impression que la [Commission de vérité et de réconciliation] était en soi un vaste exercice de consultation. C’était la première fois dans l’histoire qu’autant de peuples autochtones se réunissaient pour mener des consultations qui portaient en principe sur les pensionnats, mais au cours desquelles les participants ont partagé des pans beaucoup plus larges de leur vie. C’est pourquoi les appels à l’action débordent largement ce qui s’est passé dans ces écoles et les solutions à apporter. Les appels sont beaucoup plus vastes parce que les conséquences vont bien au-delà.

C’était une vaste consultation. [...] C’est assez injuste de dire que personne n’a été consulté. Tout cela n’est pas venu de nulle part. C’est venu de quelque part.

On a également accordé beaucoup d’attention à la composition du conseil d’administration. Certains témoins s’opposaient à la nomination de personnes non autochtones. D’autres étaient d’accord avec l’idée, mais voulaient qu’on en nomme moins. Il y a également eu des débats pour déterminer quels gouvernements ou organisations autochtones devraient pouvoir nommer un membre du conseil d’administration. Toutefois, la réalité, c’est qu’avec 9 ou 13 membres, on ne pourra pas représenter toutes les communautés autochtones.

Michael DeGagné, l’un des membres du Comité de transition du Conseil national pour la réconciliation qui participera à la nomination du premier conseil d’administration, nous a dit ceci :

En intégrant un groupe, vous en intégrez peut-être quatre, puis encore un autre, et avant de vous en rendre compte, vous vous retrouvez avec l’Organisation des Nations unies.

Il a ajouté ceci :

[...] je suis très réservé quant au fait d’intégrer tel ou tel groupe comme si la seule façon d’avoir voix au chapitre dans cette structure n’était pas par le dialogue, mais en siégeant au conseil. Nous qui formons le Comité de transition, nous allons soigneusement sélectionner des gens qui ont déjà une expérience de la réconciliation au Canada. Nous sommes à la recherche de techniciens. Nous ne cherchons pas à créer une organisation politique de plus qui s’interposera entre la population et le gouvernement. Ce n’est pas ce qui nous intéresse.

(1550)

Je tiens également à faire remarquer que certaines des discussions sur la représentation au sein du conseil d’administration sont liées à des débats plus larges sur l’identité autochtone.

C’est aux peuples autochtones, et non aux parlementaires, qu’il appartient de décider qui doit ou peut nous représenter ou prendre des décisions en notre nom. Étant donné que nous ne sommes pas monolithiques, il n’est pas surprenant qu’il y ait divers points de vue sur ces questions. Il faut tenir compte du contexte historique et contemporain et de nombreux problèmes demeurent non résolus, notamment en ce qui concerne les personnes qui ont été coupées de leur famille et de leur communauté à la suite d’une assimilation forcée.

Les peuples autochtones ont besoin d’un espace non seulement pour gérer ces tensions, mais aussi pour guérir et nous réconcilier. Ce point a été souligné avec éloquence par le témoin Jay Launière‑Mathias de Puamun Meshkenu. En parlant de l’importance de la réconciliation entre les peuples autochtones, il a dit :

On parle souvent de la réconciliation entre les Autochtones et les institutions, que ce soit le gouvernement canadien, les ministères, les municipalités et les gouvernements provinciaux; il y a cette réconciliation que l’on doit faire et dans laquelle on chemine présentement.

Il y a également la réconciliation entre les personnes autochtones et la population canadienne; on continue de la faire aussi. Par contre, dans le projet de loi, je vois moins la réconciliation entre les Autochtones. Pour moi, cette réconciliation est importante et primordiale. En tant que jeune Autochtone, je dois me réconcilier avec mon histoire, avec les blessures du passé, avec les traumas intergénérationnels qui continuent d’être transmis, et on a aussi besoin de se réconcilier entre nous.

Quand on lui a demandé de fournir plus de détails, voici ce que M. Launière-Mathias a dit :

Ensuite, dans les communautés, on le voit, il y a beaucoup de racisme entre les Autochtones eux-mêmes et entre les différentes nations, entre les Autochtones d’une même communauté, entre ceux qui vivent en réserve et ceux qui vivent en milieu urbain. On doit se réconcilier là aussi. […] On ne peut pas changer le passé, et la création d’un comité national ne va rien changer au passé. Par contre, ce qu’on peut faire, c’est de veiller à ce que dans le futur, il y ait des choses qui ne se reproduisent plus, de prendre conscience de ce qu’on peut faire ensemble pour se réconcilier. […]

Le clivage entre les communautés, une dynamique qui n’existait pas avant la colonisation, est très dommageable pour les peuples autochtones et cela leur cause une profonde souffrance. Alors que nous poursuivons nos discussions sur ce projet de loi, nous devons faire attention de ne pas alimenter la division ni la violence latérale entre les peuples autochtones. Wela’lin. Merci.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Audette, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Douzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2023.

L’honorable Robert Black propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du 12e rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, qui porte sur le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Je suis heureux de vous informer que nous avons tenu sept réunions. Nous avons entendu 24 témoins et avons reçu 21 mémoires. J’ajoute que, en comparaison, l’autre endroit n’a tenu que cinq réunions de comité sur le projet de loi.

Je vais vous présenter un résumé de ce qui s’est passé au cours des sept réunions sur le sujet.

Trois amendements ont été proposés, et un seul a été adopté pendant l’étude article par article. L’amendement adopté, qui a été présenté par le sénateur Dalphond, limite le projet de loi à l’équipement qui sert au séchage du grain, en excluant le chauffage et le refroidissement des granges, des serres et d’autres structures.

Lorsque cet amendement a été proposé, ma collègue du Groupe des sénateurs canadiens, la sénatrice Burey, a invoqué le Règlement. Elle a fait valoir qu’apporter un tel amendement au projet de loi C-234 irait à l’encontre de ses principes et buts originaux, ce qui rendait l’amendement irrecevable. Après un débat sur le recours au Règlement, j’ai déclaré l’amendement irrecevable, à titre de président. Cependant, la décision du président a été rejetée par le vote suivant : 5 pour, 7 contre et 2 abstentions. L’amendement a ensuite été débattu, mis aux voix et adopté par le vote suivant : 7 pour, 6 contre et 1 abstention.

Par ailleurs, le rapport inclut maintenant quatre observations, une cinquième ayant été retirée parce qu’elle était très semblable à une autre qui a été approuvée.

Honorables collègues, je retire maintenant mon chapeau de président du comité, et je me concentre de nouveau sur mon point de vue de sénateur nommé au Sénat pour son expérience dans le secteur agricole. Comme vous le savez, je profite de toutes les occasions qui s’offrent à moi pour mettre en lumière cette industrie d’une importance cruciale. Je porte donc, maintenant, mon fameux chapeau d’agriculteur.

Je dirais, d’entrée de jeu, que je trouve qu’il est difficile de présenter ce rapport. Je suis extrêmement déçu — à titre de président du comité et de personne qui défend l’agriculture depuis toujours — de devoir d’abord déposer puis dénoncer ce rapport.

Comme je l’ai dit, chers collègues, le projet de loi comportait deux parties — le chauffage et le refroidissement des bâtiments et structures, et le séchage des grains —, mais il n’en comporte plus qu’une. L’amendement présenté par notre collègue de la métropole qu’est Montréal a été adopté et intégré au rapport, ce qui a pour effet d’éliminer la moitié du projet de loi puisqu’il exclut le chauffage et le refroidissement des bâtiments et des structures.

Je suis d’avis, comme les gens de l’industrie, que cet amendement va à l’encontre de l’intention initiale du projet de loi, celle d’alléger le coût de la taxe sur le carbone pour les agriculteurs. Dans sa forme actuelle, le projet de loi crée un précédent injuste au sein de notre industrie. Les agriculteurs canadiens travaillent sans relâche pour produire les aliments qui nourrissent le Canada et le monde, et ils affrontent des conditions de plus en plus difficiles.

Le comité s’est fait dire à maintes reprises combien le secteur avait besoin d’un allégement de la taxe sur le carbone, en particulier à l’approche des mois les plus froids, lorsque les agriculteurs devront chauffer leurs granges, leurs serres, et cetera. Les changements climatiques, les pénuries de main-d’œuvre, les perturbations commerciales et les effets durables de la pandémie de COVID-19 font des ravages dans le secteur agricole. En outre, l’augmentation des coûts de production associés aux intrants, aux fournitures, à la machinerie et au transport a déjà une incidence sur les produits agricoles de base.

Notre pays doit faire tout son possible pour soutenir les exploitations agricoles et veiller à ce qu’elles puissent continuer à prospérer malgré ces défis importants. Retirer du projet de loi le chauffage et la climatisation des granges et des autres structures va à l’encontre de cet objectif.

Bien qu’il existe des solutions de rechange plus écologiques pour le chauffage et la climatisation des bâtiments d’élevage, les difficultés auxquelles se heurte actuellement le secteur ne permettent pas aux producteurs de disposer du capital nécessaire pour s’offrir ces options plus vertes, car elles nécessitent des investissements astronomiques généralement amortis sur 20 ans ou plus.

La transition vers des pratiques agricoles plus durables et plus respectueuses de l’environnement est un objectif que nous partageons tous, y compris l’industrie. Toutefois, nous devons également comprendre que cette transition nécessite du temps et des investissements importants pour mettre en place les infrastructures nécessaires et développer les technologies de remplacement.

(1600)

Qui plus est, les témoins qui ont comparu lors des audiences du Comité de l’agriculture et des forêts ont insisté sur le fait que les technologies émergentes, qui offriraient des solutions de rechange, en sont à au moins huit ans de la viabilité commerciale. Je me permets de le répéter : il faudra au moins huit ans pour que ces solutions de rechange soient viables sur le plan commercial.

Le projet de loi C-234 comprend une disposition de caducité pour réévaluer le contexte dans huit ans, ce qui justifie une telle exemption. Soit dit en passant, chers collègues, un des autres amendements qui a été rejeté par le comité visait à ramener cette disposition de caducité à trois ans, même si les témoins ont indiqué clairement au comité qu’une période de trois ans n’était pas assez longue pour que de telles technologies soient viables.

De toute évidence, l’industrie a appuyé la disposition de caducité de huit ans qui a fait l’objet d’un amendement à l’autre endroit. Faute de solutions de rechange viables pour le chauffage et le refroidissement, les répercussions de l’amendement qui a éliminé la moitié du projet de loi ne se limitent pas la compétitivité des agriculteurs et des éleveurs mais ils mettent également en péril l’efficacité et la durabilité de leurs activités parce qu’elles les forcent à payer des dizaines de milliers de dollars au titre de la taxe sur le carbone. Par conséquent, les agriculteurs disposent de moins de capital pour investir dans leurs activités et pour continuer à faire baisser leur empreinte carbone au moyen, par exemple, de l’innovation.

La taxe sur le carbone retarde et empêche les investissements dans des solutions qui permettraient de faire des gains d’efficacité essentiels et qui amélioreraient la performance environnementale du secteur.

Comme je l’ai déjà dit, nous ne sommes qu’à quelques semaines de l’hiver, et les agriculteurs du pays devront donc commencer à chauffer davantage leurs étables, leurs serres et d’autres bâtiments. C’est une période cruciale pour le secteur agricole en raison du temps froid qui arrive. Pendant cette période, il faut bien sécher les récoltes pour atteindre le taux d’humidité requis afin de les empêcher de se gâter.

Il faut aussi chauffer les bâtiments où vivent les poulets à griller, les poules pondeuses, les jeunes veaux laitiers, les porcs et d’autres animaux de la ferme pour les garder en santé pendant l’hiver; c’est donc également une question de bien-être des animaux. Or, ce projet de loi amendé exclut le chauffage et le refroidissement de ces bâtiments de l’exonération de la taxe sur le carbone, ce qui revient essentiellement à éliminer la moitié du projet de loi.

Honorables collègues, ce n’est pas la première fois qu’on présente un projet de loi ayant un objectif similaire au Canada. Les deux Chambres ont tenté à maintes reprises d’offrir un répit aux agriculteurs par rapport à la taxe sur le carbone, ce qui souligne à quel point cette question et les problèmes importants qui s’y rattachent sont importants pour notre pays. D’ailleurs, c’est la deuxième fois qu’un projet de loi de cette nature est adopté à l’autre endroit et renvoyé à cette vénérable Chambre de second examen objectif, et ce pourrait bien être la deuxième fois que l’industrie ne parvient pas à profiter de ces mesures, et ce, même si leurs représentants dûment élus ont appuyé et adopté ce genre de projet de loi à deux reprises.

Depuis environ une semaine, j’ai entendu, chers collègues — et je suppose que vous avez tous entendu également — des centaines de citoyens, de consommateurs d’agriculteurs et de producteurs canadiens, parmi tant d’autres, exprimer leur extrême déception face à ce rapport et au fait que le projet de loi a été vidé de sa substance et de son objet fondamental.

Voici ce que des représentants de l’Association canadienne des bovins ont dit à ce sujet.

Au nom des 60 000 fermes d’élevage de bovins et parcs d’engraissement du Canada, y compris les 7 500 éleveurs d’animaux reproducteurs, nous vous demandons de soutenir l’agriculture canadienne en votant contre les amendements proposés et en permettant que le projet de loi, dans sa forme originale, soit déposé à l’étape de la troisième lecture et adopté sans tarder.

Une personne parlant au nom des Producteurs de grains du Canada, qui représente plus de 65 000 producteurs, a affirmé ceci :

Je vous demande de rejeter l’amendement proposé par le comité qui exclurait le chauffage et le refroidissement des bâtiments. En plus de retarder davantage l’adoption de cette mesure législative cruciale, alors que l’hiver approche, l’amendement ne tient pas compte des réalités technologiques actuelles.

Enfin, voici ce qu’a déclaré Larry Davis, un producteur de cultures commerciales.

Cet amendement modifie non seulement l’objet du projet de loi, qui avait obtenu l’appui de plusieurs partis à la Chambre des communes, mais il menace aussi son adoption en y causant des retards considérables et en renvoyant la mesure législative à l’autre endroit.

Honorables collègues, il ne s’agit là que d’un petit échantillon de ce que m’ont dit des citoyens de notre grand pays la semaine dernière. Il est évident que le secteur agricole est très déçu de ce rapport. De plus, il est déçu de nos collègues qui n’ont jamais assisté à une seule séance du comité pour entendre des témoins sur la nécessité de cette exemption, mais qui y ont cependant été parachutés uniquement pour l’étude article par article du projet de loi.

Les agriculteurs, les éleveurs et les transformateurs doivent demeurer concurrentiels au sein de l’économie canadienne. La taxe sur le carbone les touche de façon disproportionnée, et ce, en dépit du fait qu’ils sont les gardiens de la terre et qu’ils jouent un rôle essentiel dans notre pays.

Par ailleurs, le secteur agricole joue un rôle primordial dans la préservation de l’environnement et dans la lutte contre les changements climatiques au Canada. De fait, de nombreux agriculteurs emploient activement diverses méthodes de séquestration du carbone afin d’améliorer la productivité de leurs terres, de les protéger, et de continuer à produire les aliments de qualité que nous consommons toute l’année. Or, nous ne cessons de nous intéresser uniquement à l’empreinte carbone de ce secteur, et non à ce que font les agriculteurs et les producteurs afin de stocker et de séquestrer le carbone, contribuant ainsi à l’atténuation des changements climatiques.

Des témoins ont indiqué au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts que de nombreux intervenants du secteur agricole participent déjà activement à la lutte contre les changements climatiques. Par exemple, Paul Maurice, agriculteur à Tiny, en Ontario, a déclaré ce qui suit :

Nous dirigeons un élevage de 35 000 poules pour produire des poulets de chair. Nous faisons également la culture commerciale de 900 acres de maïs, de soja, de céréales et de foin, dans le comté de Simcoe, en Ontario. Je reconnais que nous faisons tous partie du problème, mais les agriculteurs font de leur mieux pour faire partie de la solution. Malgré ce que beaucoup voudraient nous faire croire, nous ne sommes pas les coupables. Les pratiques de gestion exemplaires que nous intégrons à nos activités d’exploitation compensent amplement l’empreinte de carbone que beaucoup croient que nous créons. On semble faire abstraction du stockage de carbone qui s’effectue dans nos récoltes et, subséquemment, dans nos sols. Les agriculteurs sont constamment à l’affût de méthodes de production plus efficaces afin de demeurer concurrentiels dans le marché agricole intérieur et international.

Comme je l’ai mentionné, les agriculteurs trouvent des stratégies de réduction des émissions de carbone ainsi que des moyens novateurs de produire des aliments pour le Canada et le reste de la planète. Par exemple, on utilise des déchets de carbone pour produire des biocarburants, notamment grâce à la construction de digesteurs anaérobies. Les producteurs laitiers et d’autres partout au pays se servent de cette innovation. Pourtant, ils ne sont pas reconnus pour cela.

Les agriculteurs sont des gens progressistes et déterminés à utiliser des technologies novatrices afin de faire progresser l’industrie. Les agriculteurs comprennent l’importance de l’innovation et des progrès dans leur lutte contre les changements climatiques, mais on ne peut soutenir leurs efforts dans cette lutte en limitant leur capacité financière et en les forçant à porter le fardeau d’une taxe injuste sur leurs moyens de subsistance.

Le projet de loi C-234, dans son état initial, offrait une solution pratique qui aurait soulagé les agriculteurs sans compromettre nos objectifs environnementaux. Cette exemption aurait eu un important effet positif sur l’agriculture canadienne. Elle aurait contribué à réduire le coût des intrants pour les agriculteurs, leur permettant ainsi d’investir plus facilement dans de nouvelles technologies et infrastructures pour améliorer leur efficacité et leur compétitivité — et réduire leur empreinte carbonique. Elle aurait également encouragé la croissance et le développement du secteur agricole, qui est essentiel au bien-être économique et social de notre pays, en particulier dans le contexte de l’augmentation continue de notre population. Il faut que les agriculteurs soient en mesure de croître, d’innover et de se développer pour continuer à nourrir les Canadiens et le monde entier.

En outre, l’exemption prévue dans le projet de loi initial aurait été conforme à l’engagement du gouvernement de soutenir les petites entreprises et les localités rurales. En exonérant les carburants utilisés pour l’agriculture, le gouvernement aurait reconnu les défis uniques auxquels ces groupes sont confrontés et il aurait pris des mesures pour y répondre. Cependant, le rapport qui nous est présenté, qui supprime les exemptions pour le chauffage et le refroidissement des bâtiments, des structures et des serres, risque de miner ces objectifs.

Au bout du compte, ce sont les agriculteurs qui sont pénalisés. Ce sont eux qui abordent l’hiver avec des centaines de milliers de dollars de déficit alors qu’ils tentent de maintenir leurs exploitations et leurs familles à flot pour nous nourrir, vous et moi, ainsi que nos familles et le monde entier.

Si la rentabilité d’un propriétaire d’entreprise est touchée, il fera tout en son pouvoir pour réduire les coûts et éviter la faillite. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que les agriculteurs voient leurs coûts augmenter et leur rentabilité menacée sans qu’ils refilent ces hausses de coûts aux consommateurs? Sauf que les agriculteurs ne peuvent pas le faire, parce qu’ils sont des preneurs de prix, pas des décideurs de prix.

Chers collègues, je suis certain que vous avez entendu l’annonce faite la semaine dernière par le premier ministre, selon laquelle le gouvernement doublera le taux complémentaire de la remise sur la pollution dans les régions rurales et qu’il accordera une pause de trois ans de la tarification fédérale du carbone sur les livraisons de mazout dans toutes les régions où la redevance fédérale sur les combustibles est en vigueur. En tant que sénateur qui soulève des questions et des préoccupations liées aux milieux ruraux, j’ai été très heureux d’entendre cette annonce et je sais qu’elle aidera de nombreux Canadiens des régions rurales qui ont du mal à payer leurs factures, à chauffer leur maison et à nourrir leur famille.

Pourtant, les agriculteurs — qui, bien entendu, se trouvent dans des régions rurales — ne bénéficieront pas de cet avantage pour le chauffage et la climatisation de leurs installations agricoles.

Cela aurait été et demeure une exemption essentielle dont les agriculteurs ont besoin dès maintenant pour survivre et continuer à nous nourrir.

(1610)

Pourquoi accablons-nous les éleveurs et les producteurs de taxes, qui atteignent parfois des dizaines de milliers de dollars, voire beaucoup plus dans certains cas, et limitons-nous leur capacité d’adopter des technologies à l’avenir? Pourquoi nuisons-nous à notre sécurité alimentaire nationale et à notre souveraineté alimentaire? Pourquoi causons-nous cette douleur aux agriculteurs et les retardons-nous davantage?

Cela dit, chers collègues, en tant que sénateur que bon nombre de mes honorables collègues viennent questionner au sujet de l’agriculture, je me tourne vers vous pour vous prier de voter contre ce rapport. Faites-le pour les agriculteurs. Faites-le pour les producteurs de votre région. Faites-le pour que l’augmentation des coûts ne continue pas à faire monter en flèche le coût des aliments. Quelle que soit votre raison, je vous demande de rejeter ce rapport, de revenir à la version initiale du projet de loi et de le renvoyer sans amendement à l’autre endroit rapidement pour que les agriculteurs n’aient pas à assumer le fardeau de la taxe sur le carbone.

Cela dit, je vais enlever mon chapeau d’agriculteur et remercier les analystes de la Bibliothèque du Parlement, la greffière et tous les membres du personnel du comité de leur aide.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape du rapport à titre de parrain au Sénat du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Je tiens à remercier le comité et son président, le sénateur Black, de leur travail important sur ce projet de loi.

Bien qu’il ne soit pas rare de prendre la parole à l’étape du rapport, il est important de le faire à ce moment précis de la vie du projet de loi C-234, car nous sommes saisis d’un amendement du comité qui vise à modifier l’esprit et l’objet du projet de loi et, essentiellement, à le torpiller. Un projet de loi amendé doit être renvoyé à l’autre endroit, où le gouvernement peut contrôler le stade et le rythme de progression du projet de loi, le laisser traîner et, par conséquent, ne pas le faire adopter.

Cependant, après avoir entendu tous les arguments, j’espère que les sénateurs comprendront que ce projet de loi vise à aider nos producteurs d’aliments et qu’il respecte l’objectif de la taxe sur le carbone. Un vote contre le rapport, ce que je demande au Sénat de faire, permettrait que le projet de loi original, non amendé, soit examiné et débattu par l’ensemble du Sénat, où tout amendement peut être présenté et débattu par tous à l’étape de la troisième lecture.

L’agriculteur Roger Chevraux a bien résumé la situation :

Je suis un agriculteur de quatrième génération, et ma ferme familiale existe depuis plus de 110 ans. Mon fils et moi, nous cultivons du canola, du blé et de l’orge brassicole sur 5 000 acres près de Killam, en Alberta.

Cet amendement exclut les éleveurs de bétail et les serriculteurs et, s’il est adopté, il renverrait le projet de loi à la Chambre des communes, ce qui le torpillerait et annulerait ainsi l’aide financière grandement nécessaire qui y est prévue.

Les agriculteurs, les éleveurs et les maraîchers demandent simplement que le gaz naturel et le propane — des carburants à teneur réduite en carbone utilisés dans les exploitations agricoles, essentiellement dans les granges pour le chauffage et le refroidissement — fassent l’objet de la même exemption à la taxe sur le carbone que l’essence et le diésel.

Chers collègues, l’objet de ce projet de loi est simple. Il vise à remédier à une omission législative en créant des exemptions à la taxe sur le carbone pour les carburants de transition à faible taux d’émission utilisés dans les pratiques agricoles essentielles telles que le séchage des grains, le chauffage et le refroidissement des étables et des serres, le floconnage et l’irrigation. La taxe pénalise les agriculteurs, les éleveurs et les maraîchers canadiens qui utilisent deux principaux carburants de transition, soit le propane et le gaz naturel, lorsqu’il n’y a actuellement pas d’autre solution de rechange viable.

Il ne s’agit pas d’un débat sur la taxe sur le carbone. Nous voulons motiver les agriculteurs à passer un jour à des combustibles sans émission de carbone. Les personnes qui cultivent la terre en sont aussi les principaux intendants et ils veulent être aussi respectueux de l’environnement et efficaces que possible. Pour qu’ils le soient, il faut encourager les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs à utiliser des combustibles plus propres comme le propane et le gaz naturel. Ce qui est paradoxal au sujet de l’exemption fiscale actuelle, c’est que les combustibles à fortes émissions, notamment l’essence et le diésel, sont exonérés, mais pas les carburants à faibles émissions, comme le propane et le gaz naturel. Il est absurde d’imposer une taxe qui vise à favoriser des changements de comportements sur un produit que l’on souhaite voir adopter.

Chers collègues, si nous voulons nous éloigner des combustibles qui génèrent le plus d’émissions de carbone, comme le charbon et le diésel, et passer à des combustibles carboneutres, comme l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’hydroélectricité, l’énergie marémotrice et quelques autres combustibles sans émission de carbone, il faut procéder par étapes. Ces étapes comprennent des combustibles à faibles émissions comme l’essence et même des combustibles qui génèrent moins d’émissions comme le propane et le gaz naturel. C’est ce dont nous parlons ici.

J’ai visité beaucoup de fermes et de ranchs depuis que je suis le parrain de ce projet de loi au Sénat. Un éleveur de volailles de l’Alberta m’a dit qu’il fait déjà tout ce qu’il peut pour rendre son entreprise moins coûteuse et plus efficiente. Il possède huit poulaillers, et il doit y maintenir la température dans une plage bien précise. Chers collègues, il s’agit de poulaillers, et donc de poulets. Si la température dépasse la plage prescrite, les poulets vont mourir en 15 minutes environ. Si la température descend sous la plage prescrite, les poulets vont survivre pendant quelques heures, mais c’est tout.

On ne peut donc pas dire qu’il a le choix. Il doit agir d’une certaine manière, et la seule dont il dispose compte tenu de la technologie actuelle consiste à chauffer les poulaillers l’hiver, où il peut faire jusqu’à -30 ou -40 degrés Celsius, et à les climatiser l’été, où il peut faire jusqu’à 30 ou 40 degrés Celsius. Cet éleveur a déjà pris plusieurs mesures, comme isoler ses poulaillers, installer des écrans thermiques sur la façade ensoleillée des poulaillers afin qu’ils absorbent les rayons du soleil, ce qui réduit l’incidence sur les poulaillers, et construire en béton. Il fait tout ce qu’il peut pour réduire sa consommation de combustible et garder ses animaux en vie.

L’amendement vise essentiellement à rendre les granges inadmissibles à l’exemption, plutôt que le séchage du grain, qui est également important, mais qui relève d’un autre secteur des activités agricoles. Ces granges permettent de garder en vie les bovins, les poulets et les porcs et d’assurer leur confort pendant l’été et l’hiver, car ici, au Canada, nous passons d’un extrême à l’autre.

L’autre enjeu crucial par rapport aux exploitations agricoles, c’est que, par leur nature même, elles sont éloignées et situées dans des régions rurales. Les agriculteurs n’ont pas toujours une réserve de carburant à portée de main, sauf peut-être du propane, qui peut être livré sur la ferme dans un réservoir. De nombreuses exploitations agricoles situées dans les régions rurales et éloignées n’ont pas accès au gaz naturel. L’objectif est non seulement de changer les comportements — ce que les Canadiens font déjà —, mais aussi de reconnaître les difficultés concrètes que vivent des agriculteurs, des éleveurs et des producteurs et de veiller à assurer une transition en douceur vers des sources d’énergie plus propre et plus durable.

Chers collègues, si nous amendons ce projet de loi, il faudra le renvoyer à l’autre endroit, où il mourra au Feuilleton. C’est le but de cet amendement. Il n’avait pas à porter sur les granges, il aurait pu proposer de changer le titre du projet de loi. Le changement aurait apporté un amendement et le résultat aurait été le même. Cependant, l’amendement adopté avec un certain nombre d’abstentions et de débats vigoureux est celui qui élimine les granges de toute l’équation. C’est bien beau pour les séchoirs à grains, mais pas pour les agriculteurs et les éleveurs du Canada qui doivent garder leurs animaux en vie et veiller à leur bien-être.

Un autre agriculteur que j’ai visité dans le Sud de l’Alberta m’a dit que lorsque la taxe sur le carbone atteindra 170 $ la tonne, elle lui coûtera à elle seule un demi-million de dollars par année. C’est de l’argent qui pourrait être dépensé pour acquérir des technologies perfectionnées et modernes ou pour faire l’essai de la climatisation solaire dans l’une de leurs granges. Voilà l’effet des coûts supplémentaires, qui n’apportent aucun avantage à la ferme ou à l’environnement. Le gouvernement appelle cela un signal du marché. Les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs croient que le seul signal que cela enverra, ce sera celui d’une augmentation des coûts pour eux et d’une augmentation des prix pour le consommateur. S’il y avait une exemption pour le diésel et l’essence pour les moteurs à combustion interne qui font fonctionner des appareils de chauffage ou des refroidisseurs, ne serait-ce pas aussi un signal du marché?

Honorables collègues, des agriculteurs, des éleveurs et des cultivateurs écoutent ce débat. Ils savent très bien ce qui s’est passé au comité et ce qui est en jeu à cette étape du processus législatif au Sénat, et ils savent quel est le but de l’amendement. Après avoir appris ce qui s’était passé au comité, Merv Erb, un agriculteur ontarien, a dit ceci :

J’ai vu ce qui est arrivé au comité par rapport au projet de loi C-234. Nous devons maintenant assumer des coûts épouvantables pour sécher le maïs. Nous pourrions nous retrouver de nouveau avec une saison des récoltes catastrophique comme en 2018-2019. Le projet de loi C-234 aurait accordé un répit dont nous avons cruellement besoin. Maintenant, le Sénat est en train de le vider de sa substance.

Au comité, le sénateur Dalphond, porte-parole de ce projet de loi au Sénat, s’est demandé pourquoi les agriculteurs auraient besoin d’un allègement pour le gaz naturel et le propane, étant donné que le prix de ces combustibles est actuellement plus bas que par le passé. Eh bien, il y a 10 ans, le baril de pétrole coûtait plus de 100 $. Quatre ans plus tard, il coûtait moins de 30 $. Les agriculteurs devraient-ils donc passer au pétrole parce qu’il est moins cher? Aujourd’hui, le baril de pétrole coûte 83 $. Si le projet de loi C-234 repose sur le principe d’équité, alors il devrait s’appuyer sur ce principe et non sur un facteur aussi variable que le cours du disponible.

Je tiens à expliquer clairement les raisons de mon opposition au rapport du comité. Le rejet du rapport ne ferait pas avorter le projet de loi. Il signifierait simplement que le Sénat n’accepte pas le rapport du comité et les amendements qui y sont proposés. Le projet de loi C-234 passerait alors à l’étape de la troisième lecture sous sa forme non modifiée, et tout amendement, y compris les amendements adoptés au comité, pourrait être proposé à l’étape de la troisième lecture afin que le Sénat tout entier puisse les étudier. Tel est notre processus. C’est un processus juste, et nous pouvons tous participer à la discussion. Si vous jugez que l’amendement visant à retirer les granges des bâtiments admissibles à cette exemption en vaut la peine, alors vous seriez entièrement libres de l’appuyer.

Chers collègues, en appuyant le rapport, vous adoptez cet amendement, ce qui coûtera un milliard de dollars aux agriculteurs, aux éleveurs et aux cultivateurs qui, autrement, pourraient investir cet argent pour accroître la durabilité et l’efficacité de leurs activités d’exploitation, prendre de l’expansion et embaucher plus de gens. N’est-ce pas ce que nous souhaitons pour n’importe quelle entreprise?

Chers collègues, nous entendons souvent au Sénat que notre travail consiste à améliorer les projets de loi. Voilà notre travail. Si ce rapport est adopté et le projet de loi est modifié, nous aurons manqué à notre promesse d’améliorer les projets de loi. Éviscérer le projet de loi ne l’améliore pas.

(1620)

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Est-ce que le sénateur Wells accepterait de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Wells : Bien sûr, sénateur Dalphond.

Le sénateur Dalphond : Sénateur Wells, vous avez affirmé que l’adoption du rapport ne change rien; des amendements peuvent être présentés à l’étape de la troisième lecture. Si le rapport est adopté, vous pourrez présenter une motion pour supprimer l’amendement du projet de loi. Pourquoi voulez-vous donc le tuer à l’étape du rapport et ne pas en débattre pleinement, comme nous le faisons normalement, à l’étape de la troisième lecture? Nous aurons alors tous l’occasion de prendre part au débat.

En tant que parrain, vous disposerez alors de 45 minutes pour expliquer votre amendement et convaincre vos collègues qu’il mérite d’être admis et doit être adopté. C’est à ce moment-là que nous, les porte-parole, aurons 45 minutes pour expliquer pourquoi il ne doit pas être adopté.

Pourquoi ne débattons-nous pas selon les règles normales? Cela ne vous empêchera pas de présenter un amendement. Si le rapport est adopté tel quel, cela ne vous empêchera pas de présenter un amendement. Je ne comprends pas.

Le sénateur Wells : Merci. Je m’explique.

La possibilité de rejeter un rapport et les amendements qui l’accompagnent au comité fait partie des règles normales, comme vous le savez. C’est une option que nous pouvons choisir. Si votre amendement est valide et mérite d’être étudié par le Sénat, il devrait, selon moi, être débattu sur cette base. Si vous souhaitez présenter l’amendement de nouveau à l’étape de la troisième lecture, où tout le monde à l’occasion d’en débattre et d’en discuter, je pense que c’est l’endroit approprié pour le faire.

Une voix : Bravo!

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que vice-présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, que sénatrice de l’Alberta et que personne profondément préoccupée par les répercussions des changements climatiques sur la province et le pays qu’elle aime. Les trois dernières années nous ont fait comprendre comme jamais auparavant que les changements climatiques ne sont pas une crise existentielle hypothétique de l’avenir : ils se produisent en ce moment même, en temps réel. Les agriculteurs, plus que tous les autres Canadiens, voient de leurs propres yeux les répercussions des changements climatiques chaque jour.

Ainsi, quand le projet de loi C-234 nous a été présenté, j’ai été déchirée. Il était évident que les agriculteurs, qui subissaient toutes sortes de pressions économiques et commerciales, étaient touchés par la tarification du carbone comme peu de petits entrepreneurs l’étaient. Pas étonnant qu’ils aient cherché à obtenir un allégement de la taxe sur le carbone afin de les aider avec le séchage du grain ainsi que le chauffage et le refroidissement des granges, d’autant plus que le gouvernement avait déjà exempté l’essence et le diésel utilisés dans les exploitations agricoles. Pourquoi exempter le diésel, par exemple, mais pas le propane, un carburant beaucoup plus propre? Vous pouvez voir la logique dans le raisonnement qui sous-tend le projet de loi C-234.

Mais je crois aussi aux taxes sur le carbone. Il s’agit d’une façon simple et transparente d’inciter les gens à réduire leur consommation de combustibles fossiles. Elles sont plus équitables que les subventions et les remboursements. Elles ne choisissent pas les gagnants et les perdants. Elles envoient un signal de prix clair — signal que nous ressentons jusque dans nos portefeuilles. Elles modifient le comportement des consommateurs comme nul sermon vertueux, campagne de relations publiques ou discours au Sénat ne pourrait jamais le faire.

C’est donc avec un esprit ouvert que je me suis présentée aux audiences du comité sur le projet de loi C-234. Je n’avais pas encore décidé si j’allais appuyer le projet de loi ou tout amendement à celui-ci. J’ai simplement écouté les témoignages d’experts. En tant que vice-présidente, j’ai travaillé avec diligence pour veiller à ce que nous ayons une liste équilibrée de témoins, pas seulement des lobbyistes agricoles et des environnementalistes, mais aussi des universitaires et des ingénieurs indépendants. Je sais gré à tous les sénateurs membres du comité pour le travail qu’ils ont accompli afin de trouver ces témoins. Des noms ont été proposés par le sénateur Black, le sénateur Klyne, le sénateur Dalphond, le sénateur Woo et le sénateur Wells, ainsi que par moi-même.

Je les ai écoutés, comme j’ai toujours essayé de le faire dans le cadre de mon travail de journaliste, sans favoritisme ni préjugé. J’ai posé des questions difficiles, sans parti pris, et j’ai fait de mon mieux pour comprendre les avantages et les inconvénients.

J’en suis parvenue à une conclusion : une exemption pour le séchage des grains est logique. Si le blé ou le maïs fraîchement récolté n’est pas séché avant d’être stocké, il risque de pourrir et de moisir. Les grains doivent donc être séchés rapidement et entièrement. Dans les Prairies, on récolte d’énormes quantités de grains. Bien qu’ils ne soient pas nécessaires à chaque récolte, les séchoirs à grains sont absolument indispensables les années où les pluies sont abondantes et où il est essentiel de pouvoir sécher efficacement et entièrement les grains.

Bien que la technologie employée pour le séchage des grains progresse, il n’existe pas d’autre solution viable et prête à la commercialisation que des séchoirs alimentés au gaz naturel et au propane. Ce n’est pas le cas actuellement, et ce ne le sera probablement pas non plus dans trois à cinq ans.

Je me souviens également de ce qu’a dit Nicholas Rivers, professeur agrégé d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa, qui a témoigné à titre d’expert devant le comité. Il a fait remarquer que les États-Unis n’ont pas imposé de taxe sur le carbone à leurs producteurs de grains :

La politique canadienne de tarification du carbone offre des remboursements aux grands émetteurs industriels de biens échangeables, comme les fabricants de ciment ou d’acier, afin de contrer cette préoccupation en matière de compétitivité. Les remboursements aux grands émetteurs sont fondés sur la production, comme la quantité d’acier produite, tandis que la tarification du carbone est prélevée sur les émissions. Cette conception de la politique fait en sorte que les grands émetteurs industriels continuent d’être incités à réduire leurs émissions, mais qu’ils ne sont pas désavantagés par rapport à la concurrence internationale.

Il a ajouté :

Cependant, de nombreuses fermes ne sont pas couvertes par les remboursements sur la tarification du carbone dans le secteur industriel. Il y a certaines exemptions à la tarification du carbone pour les combustibles utilisés dans les fermes, mais ces exemptions ne s’appliquent pas actuellement au combustible utilisé pour le séchage des grains ou pour le chauffage des bâtiments. Cela signifie que les céréaliculteurs doivent payer la totalité de la tarification du carbone sur le combustible utilisé pour le séchage des grains et ne reçoivent pas de remboursements fondés sur le rendement. Cependant, tout comme le ciment et l’acier, les céréales sont un produit échangeable à l’échelle internationale, et on craint à juste titre que la tarification du carbone désavantage les céréaliculteurs canadiens par rapport à leurs concurrents internationaux.

Étant donné que M. Rivers soutient les taxes sur le carbone, j’ai pensé que cet argument était particulièrement objectif et informatif.

Par conséquent, malgré mes inquiétudes — et même mes peurs — au sujet de la crise climatique, et malgré le fait que je pense que les taxes sur le carbone sont de judicieuses politiques publiques, j’ai commencé à comprendre qu’une exemption pour le séchage des grains était logique.

Toutefois, il était beaucoup moins clair qu’une exemption pour le chauffage et le refroidissement des granges, des dépendances et des autres structures était tout aussi nécessaire. Il y a toutes sortes de façons de chauffer et de refroidir les bâtiments, et il y a toutes sortes de moyens de rendre les granges et les autres bâtiments agricoles plus écoénergétiques. Les agriculteurs ont la possibilité d’avoir recours à des solutions pratiques et commercialisées pour réduire leurs coûts. Une exemption pour le séchage des grains était justifiable. Était-ce le cas pour les granges? À mon avis, c’était beaucoup moins évident.

Quand est venu le temps d’apporter des amendements, j’ai donc longuement et mûrement réfléchi. Je savais qu’accepter l’amendement du sénateur Dalphond, qui restreignait la portée du projet de loi pour ne tenir compte que du séchage des grains, aurait pour effet de ralentir l’adoption de cette mesure, un ralentissement qui pourrait avoir des conséquences considérables et même signer l’arrêt de mort du projet de loi.

Le Sénat n’a toutefois pas pour tâche d’accepter et d’adopter des projets de loi d’initiative parlementaire sans les étudier ni les réviser. En fait, les mesures d’initiative parlementaire requièrent une étude et une réflexion plus approfondies que les autres parce que, dans bien des cas, elles n’ont pas été examinées soigneusement à l’autre endroit, où la politique partisane joue parfois un plus grand rôle qu’ici, au Sénat. Nous ne devrions pas approuver automatiquement un projet de loi d’initiative parlementaire simplement parce qu’il a obtenu assez de voix pour être adopté à l’autre endroit. Il faut l’examiner avec autant de soin, sinon plus, qu’un projet de loi du gouvernement.

D’un autre côté, pour être tout à fait franche, je craignais que le projet de loi C-234 ne soit carrément pas adopté au Sénat s’il n’était pas amendé et si on n’en réduisait pas la portée. Je sais que de nombreux sénateurs s’opposent passionnément, par principe, à toute exemption concernant la taxe sur le carbone. J’aurais peut-être adopté, moi aussi, leur position fondée sur des principes si je n’avais pas entendu les témoignages de nombreux experts au sujet du dilemme que pose le séchage des grains. Je craignais que le projet de loi soit rejeté si on n’apportait pas l’amendement.

Alors quand est venu le moment de voter sur l’amendement, j’ai fait un choix difficile et j’ai voté de manière pragmatique pour tenter de sauver le projet de loi en l’amendant. Par la suite, j’ai voté contre des amendements qui auraient réduit la période d’application de huit ans de la disposition de caducité prévue dans le projet de loi, et qui auraient rendu plus difficile le renouvellement de l’exemption à la fin de ces huit ans.

Puisque les membres du comité étaient également divisés sur la question et que mon nom se trouve vers la fin de l’alphabet, c’est moi qui a eu le vote déterminant sur chaque amendement.

Bien sûr, un compromis est une décision qui mécontente les deux camps. Bon nombre de gens m’ont dit que ma décision les a contrariés, soit parce qu’ils étaient d’avis que j’avais trahi les agriculteurs et peut-être porté un coup fatal au projet de loi, soit parce qu’ils estimaient que j’avais trahi mes principes et la planète en votant d’une manière ou d’une autre pour un projet de loi visant à annuler des taxes et pouvant être un cheval de Troie, c’est-à-dire une mesure ouvrant la porte à l’élimination définitive de la taxe sur le carbone.

Cependant, à ce moment-là, j’estimais avoir pris la bonne décision. La semaine dernière, j’étais prête à rencontrer plusieurs des principaux groupes de lobbyistes pour défendre ma décision, leur expliquer mon raisonnement et entendre leurs préoccupations. J’étais tout à fait prête à défendre ma décision jusqu’à jeudi dernier, lorsque le sénateur Housakos nous a appris, ici même, dans cette Chambre, que le gouvernement avait annoncé une nouvelle exemption spéciale de la taxe sur le carbone, soit une exemption destinée aux résidants des collectivités rurales et des petites municipalités qui s’appliquerait au mazout pendant trois ans.

On a décrit cette exemption comme un programme national qui profiterait à tous les ménages canadiens, mais c’est quelque peu spécieux. Premièrement, cette exemption ne s’appliquerait qu’aux endroits où le filet de sécurité fédéral s’applique.

(1630)

Selon les chiffres de Statistique Canada, en 2021, 40 % des foyers de l’Île-du-Prince-Édouard utilisaient le mazout comme principal combustible de chauffage. En Nouvelle-Écosse, la proportion est de 33 %, et à Terre-Neuve-et-Labrador, elle est d’environ 17 %. Au Nouveau-Brunswick, la proportion est plus proche de 8 %. En Ontario, moins de 10 % des foyers utilisent le mazout comme principale source de chauffage. Qu’en est-il des Prairies? Eh bien, en Alberta et en Saskatchewan, le chiffre est pratiquement nul, selon Statistique Canada.

Je ne veux pas donner l’impression de vouloir semer la discorde et dresser les Canadiens de certaines provinces contre d’autres. C’est l’exemption qui le fait en désignant des gagnants et des perdants régionaux et en attisant le ressentiment dans toute la Confédération.

En tant que sénatrice de l’Alberta, comment suis-je censée regarder les agriculteurs de la province en face et leur dire que j’ai adopté une position de principe contre les exonérations de la taxe sur le carbone, alors que le gouvernement m’a coupé l’herbe sous le pied?

Dans le document d’information du gouvernement sur cette nouvelle politique, qui porte le titre « Faire diminuer les factures énergétiques dans tout le pays », on nous dit que l’exonération applicable au mazout de chauffage vise non seulement le chauffage des maisons, mais aussi celui des bâtiments et structures similaires, à condition qu’ils ne servent pas au chauffage industriel ou, incidemment, au séchage du grain.

On ne sait pas non plus si cette mesure s’applique aux petites entreprises. Le communiqué initial mentionne les petites entreprises. Cela fait plusieurs jours que j’essaie d’obtenir une réponse à cette question, sans succès. Cela signifie-t-il que les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse peuvent utiliser des combustibles exemptés pour chauffer leurs granges et leurs dépendances, quel que soit le risque d’incendie? Ce n’est pas du tout clair.

Je tiens à répéter que je suis favorable aux taxes sur le carbone. Il s’agit d’un moyen simple, direct et transparent de modifier le comportement des gens — une solution de marché pour un problème de marché. Je ne suis pas une négationniste du changement climatique. Je ne suis pas une opposante à la taxe sur le carbone. Je suis une Albertaine très frustrée et une vice-présidente très frustrée. Comment pouvons-nous soutenir l’octroi d’avantages fiscaux sur mesure à une région et pas à une autre? Comment pouvons-nous adopter un système de dérogations qui dresse les régions les unes contre les autres? Comment pouvons-nous maintenir la confiance du public dans l’équité de notre régime de taxe sur le carbone si nous choisissons des exemptions comme bon nous semble?

Je ne vais pas vous dire comment voter au sujet de ce rapport. Je ne sais même pas comment je voterai personnellement. Je peux dire que je me sens passablement bête et trahie présentement et je n’aime pas cela. Merci. Hiy hiy.

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, comme j’ai longtemps été journaliste, je ne suis pas souvent choquée ni étonnée de ce que disent les politiciens, mais qu’une ministre du gouvernement de ce pays déclare que si les gens de l’Ouest canadien votaient pour le Parti libéral, eux aussi pourraient être récompensés par une pause ou une réduction de la taxe punitive sur le carbone, cela dépasse les bornes, et les Canadiens méritent bien mieux.

Pour ceux d’entre nous qui sont assez vieux pour s’en souvenir, cela fait écho à la division et à la discorde qui ont découlé de l’imposition du Programme énergétique national ou des paroles du père du premier ministre lorsqu’il a dit : « Pourquoi devrais-je vendre votre grain? » Au rythme où vont les choses, il n’y aura pas beaucoup de grain, de lentilles ou de canola à vendre.

Je le répète, ce genre de politicaillerie sème la discorde à l’extrême. C’est injuste. Cela témoigne d’une méconnaissance de la diversité de notre pays, en particulier de ses collectivités rurales. Comme la sénatrice Simons l’a souligné, les thermopompes ne fonctionnent pas lorsqu’il fait -40 degrés, alors nous ne les utilisons pas, mais cette question pourra faire l’objet d’un débat à une date ultérieure.

Ce rapport est une gifle infligée aux agriculteurs et à tout le secteur agricole qui ont fondé leurs espoirs sur un certain répit, comme le proposait le projet de loi C-234. Or, cet allégement a maintenant été supprimé par des amendements du Sénat, qui ont pour effet de vider le projet de loi de sa substance et de priver les agriculteurs de ce répit bien nécessaire.

L’année a été sèche en Saskatchewan, sauf qu’il a plu et grêlé durant trois jours à la fin août, juste au moment de faire la récolte. Par conséquent, il faut maintenant sécher le grain.

Les agriculteurs sont partiellement exemptés de la taxe sur le carbone pour ce qui est de l’essence et du diésel, mais en ce qui concerne le gaz naturel et le propane, les carburants qu’ils utilisent pour faire sécher leur grain ou chauffer leurs granges, ils n’en sont pas exemptés. Ainsi, la culture, l’élevage, la production, le transport, la transformation, la commercialisation, la vente et la consommation des aliments coûtent plus cher.

Le projet de loi C-234 a été adopté avec l’appui de tous les partis à l’autre endroit, et je l’approuvais entièrement parce que compromettre notre production alimentaire devrait être inadmissible. Toutefois, le projet de loi a été éviscéré, alors je ne peux plus l’appuyer. J’exhorte tous les sénateurs à voter contre le rapport du comité afin de rétablir l’intention initiale du projet de loi, car traiter différemment les régions selon le parti politique qu’elles appuient aux élections est insultant.

Je dirais qu’il est également un peu bizarre que le gouvernement mine son principal argument pour justifier ses politiques en matière de lutte contre les changements climatiques. C’est sa signature. Il a toujours soutenu que cette taxe met plus d’argent dans les poches des Canadiens, que plus d’argent leur est remboursé que ce que la taxe ne leur coûte, mais de toute évidence, ce n’est pas le cas s’il admet maintenant que les gens ont besoin d’une mesure pour en atténuer l’incidence.

C’était l’objectif initial du projet de loi C-234, sa raison d’être. Les agriculteurs ne demandent pas la charité. Ils investissent leur argent dans le travail qui assure leur subsistance. Dans ma province, par exemple, les agriculteurs investissent chaque printemps plus de 11 milliards de dollars pour préparer leurs champs. Cela inclut le coût des semences, des traitements, des engrais, de la main-d’œuvre et de l’équipement.

L’ensemencement est un projet énorme quand on prend en considération la portée de toutes ses composantes, par exemple, la provenance des semences, le lieu de fabrication de la machinerie ou encore la production de l’engrais. L’ensemencement touche à tous les aspects de notre économie. Il est impossible d’en surestimer la valeur, non seulement pour notre province, mais pour tout le pays. Vient ensuite la récolte et c’est la même chose. Les retombées économiques sont tout aussi énormes.

Il y a plus de 34 000 exploitations agricoles en Saskatchewan. Cela représente 43 % des terres cultivées au Canada, d’un bout à l’autre du pays. La Saskatchewan vend plus de 18 milliards de dollars de produits agricoles à l’étranger, et la contribution du secteur au PIB de la province est supérieure à 82 milliards de dollars. On ne peut qu’imaginer où elle se situe à l’échelle du pays.

Le directeur parlementaire du budget a fourni une analyse à jour de l’exemption qui s’applique au combustible agricole admissible pour inclure le gaz naturel et le propane. L’analyse montre que les agriculteurs économiseraient près de 1 milliard de dollars d’ici à 2030 — 1 milliard de dollars en taxes. Cela fait évidemment grimper le prix de la nourriture en pleine crise de l’abordabilité. En fait, cela fait augmenter le coût de la vie.

Chers collègues, la taxe sur le carbone et la nouvelle Norme sur les combustibles propres, un autre taxe, coûtent des millions et des millions de dollars par année aux agriculteurs. Ces coûts, bien sûr, sont transférés tout au long de la chaîne d’approvisionnement à mesure que les aliments voyagent de la ferme à l’assiette. Ultimement, le consommateur, chacun d’entre nous, paie plus cher.

D’un bout à l’autre du pays, il y a des agriculteurs, des consommateurs et des entreprises qui sont anxieux et qui comptent sur nous, et nous devrions faire ce qui s’impose pour tous les Canadiens, peu importe où ils vivent ou pour qui ils votent. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

(1640)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine ukrainien

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-276, Loi instituant le Mois du patrimoine ukrainien.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénateur Plett, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.

La sénatrice Simons : Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-276, Loi instituant le Mois du patrimoine ukrainien. Après tout, je viens d’Edmonton, où l’on rend hommage au patrimoine ukrainien presque tous les mois de l’année.

La raison en est bien simple : c’est au nord-est d’Edmonton que les premiers Canadiens d’origine ukrainienne se sont établis.

Le 7 septembre 1891, Iwan Pylypow et Wasyl Eleniak ont débarqué à Québec pour entamer un périple au Canada, à la recherche d’un endroit où des pionniers ukrainiens pourraient s’installer pour cultiver la terre. Ils ont sillonné les Prairies afin d’évaluer la possibilité de s’y installer. Ils ont fait étape à Winnipeg, à Langenburg, dans ce qui est aujourd’hui la Saskatchewan, et à Calgary. Finalement, ils ont décidé de suivre l’exemple de certains de leurs amis et voisins mennonites du vieux continent et ont fondé une colonie au nord-ouest d’Edmonton, près de l’actuelle ville de Lamont.

C’est en juin 1892 que le premier groupe de six familles — les tout premiers pionniers ukrainiens à venir au Canada — est arrivé à Edmonton. Ils ont fondé ce qui est devenu la plus grande colonie agricole ukrainienne au Canada. En 1914, celle-ci s’étendait sur 110 kilomètres d’est en ouest, et sur 70 kilomètres du nord au sud.

La vie n’a pas été facile pour ces premiers colons ukrainiens, qui ont dû défricher leurs terres et se construire des abris contre le froid rigoureux de l’hiver tout en s’efforçant de conserver leur langue et leurs croyances face aux forces xénophobes et assimilatrices.

Cependant, ils ont persévéré.

En 1914, lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, le gouvernement du Canada a invoqué la Loi sur les mesures de guerre et, en vertu de ses pouvoirs, a emprisonné des milliers d’hommes ukrainiens en tant que sujets d’un pays ennemi dans des camps d’internement partout au pays. Beaucoup d’entre eux ont été contraints d’effectuer des travaux forcés, travaillant sur des projets comme la construction du parc national de Banff et dans des exploitations minières et forestières. Un autre groupe de 80 000 « sujets d’un pays ennemi », dont la plupart étaient Ukrainiens, devaient conserver des pièces d’identité avec eux et se présenter régulièrement à la police locale.

Paradoxalement, le territoire que nous appelons aujourd’hui l’Ukraine était divisé à l’époque entre l’Empire russe, qui était un allié de guerre de la Grande-Bretagne et du Canada, et l’Empire austro-hongrois, qui se trouvait dans le camp adverse.

Alors que des milliers d’Ukrainiens étaient internés, des centaines de Canadiens d’origine ukrainienne se sont portés volontaires pour servir pendant la guerre. Les Ukrainiens, par exemple, formaient l’un des plus importants contingents du 218e bataillon d’infanterie outre-mer canadien d’Edmonton, qui s’est donné le surnom assez inexact de gardes irlandais canadiens.

Parmi ceux qui se sont enrôlés dans ce bataillon se trouvait Andrew Shandro, le premier député d’origine ukrainienne de l’Alberta et la première personne de cette origine à être élue député d’une assemblée législative provinciale au Canada. Il faut dire, cependant, que la décision de M. Shandro de s’enrôler n’était peut‑être pas entièrement désintéressée. Il était déjà député provincial en 1914, mais il était accusé d’avoir soudoyé des électeurs pour gagner son siège, ce qui, compte tenu de la politique albertaine de l’époque, n’était sans doute pas si inhabituel. Toutefois, au début de la guerre, l’Alberta a modifié sa loi électorale pour que tout député s’enrôlant dans l’armée soit autorisé à être réélu par acclamation lors des élections de 1917. Le lieutenant Shandro a donc fièrement porté son uniforme à l’assemblée législative, même si on lui avait dit que cela contrevenait aux règles.

Andrew Shandro a laissé un héritage partagé au sein de l’assemblée législative mais, en 1926, Michael Luchkovich, un professeur et un activiste communautaire de l’Alberta, est devenu le premier député fédéral d’origine ukrainienne. Il représentait la circonscription de Vegreville et les Cultivateurs unis de l’Alberta. Il a rempli deux mandats avec distinction, a défendu avec passion les droits des Ukrainiens au Canada et en Europe et est devenu l’un des fondateurs de la Fédération du commonwealth coopératif, l’ancêtre du Nouveau Parti démocratique.

William Hawrelak, qui, incidemment, était le beau-fils d’Andrew Shandro, est devenu le premier maire d’Edmonton d’origine ukrainienne en 1951 et le premier Canadien d’origine ukrainienne à devenir maire d’une grande ville canadienne. Il a exercé ses fonctions jusqu’en 1959, puis de 1963 à 1965 et encore une fois de 1974 jusqu’à son décès, en 1975.

D’une certaine façon, il a été le plus grand maire d’Edmonton, celui qui a été responsable de l’édification de notre ville moderne dans l’après-guerre. Cependant, ses mandats ont été controversés, puisqu’il a été accusé à répétition d’avoir commis des actes contraires à l’éthique et illégaux. Il a été contraint de démissionner deux fois. Or, sa popularité était telle qu’il réussissait à se faire élire de nouveau, notamment en 1963, après une campagne qui a culminé par une véritable émeute entre les partisans et les opposants d’Hawrelak.

Malgré tout, après le décès de William Hawrelak en plein mandat, la Ville a décidé de renommer son plus important parc en bordure de rivière en son honneur.

Aujourd’hui, l’influence de la culture et du patrimoine ukrainiens est partout à Edmonton et dans les environs. Certains de ces symboles sont empreints de créativité : une immense statue d’un œuf de Pâques pysanka à Vegreville; une immense statue d’une saucisse kubasa à Mundare; un pérogie et une fourchette géants à Glendon. D’autres symboles sont plus terre à terre, comme les pérogies Cheemo, qu’on trouve dans les congélateurs de toutes les épiceries.

D’autres éléments de cet héritage sont probablement plus subtils. Les Ukrainiens ont non seulement été parmi les premiers colons à labourer la terre. Ils ont aussi travaillé dans les mines et les usines d’empaquetage. Ils ont construit les chemins de fer et fait partie des équipes de la voirie. Les Ukrainiens ont aussi bâti des immeubles, comme la mosquée Al Rashid, la première au Canada. Celle-ci a été conçue et réalisée par Mike Dreworth, un Canadien d’origine ukrainienne, qui a créé une mosquée avec une ambiance orthodoxe orientale unique. C’est un exemple additionnel de la présence de la culture ukrainienne dans la ville.

L’histoire de la famille Holowach fait aussi partie de l’héritage culturel. Sam Holowach a été le premier à arriver en Alberta et il est devenu agriculteur dans les zones de peuplement. Toutefois, il a quitté la vie rurale pour ouvrir un magasin de confection sur mesure et de nettoyage à sec au centre-ville d’Edmonton, où il a été l’un des premiers entrepreneurs ukrainiens. Son fils, Walter, était un musicien talentueux. Après avoir étudié le violon à Vienne, il a été premier violon, puis soliste de l’Orchestre symphonique d’Edmonton.

Avec son jeune frère Ambrose, Walter a cofondé l’Empire Opera Company, à Edmonton, en 1940. Avec son penchant pour le sens du drame de l’opéra, qui sait, Ambrose s’est ensuite présenté en politique. Il a été élu député fédéral en 1953 puis député à l’assemblée provinciale. Dans les deux cas, il représentait le Parti Crédit social.

À la Chambre des communes, au début des années 1950, Ambrose Holowach a fermement défendu les droits des Autochtones sur leurs territoires et dénoncé leurs conditions de vie dans les réserves. Dans ses discours, il a aussi parlé de l’importance de financer les arts.

En 1959, il s’est présenté aux élections provinciales et est devenu le premier membre du Cabinet d’origine ukrainienne en Alberta. Il a été le moteur de la création du musée provincial de l’Alberta, maintenant le Royal Alberta Museum. Il en a choisi l’emplacement, a embauché l’architecte et a fait pression pour que le projet soit mené à bien.

Cependant, d’une manière tout aussi étrange que poétique, on se souvient surtout de la famille Holowachs pour son magnifique arbre, un marronnier commun que le père, Sam, avait planté en 1920 à partir d’une graine que Walter, le violoniste, avait rapportée d’Europe. Aujourd’hui, l’entreprise familiale des Holowachs n’est qu’un souvenir, mais l’arbre, qui a plus de 100 ans et 30 pieds de haut, est toujours debout dans le centre-ville d’Edmonton, un glorieux symbole de beauté et de survie dans l’adversité.

Je pourrais vous en dire encore beaucoup sur le patrimoine et l’héritage ukrainiens d’Edmonton et de l’Alberta. Je pourrais vous parler des splendides écrits de l’historienne populaire Myrna Kostash et du romancier Todd Babiak; du glorieux tourniquet des danseurs Shumka; des œuvres d’art de William Kurelek et de Ron Kostyniuk; de la cuisine acclamée des chefs Brad et Cindy Lazarenko, aux racines métisses et ukrainiennes; du courage remarquable de l’activiste transgenre Marni Panas.

Les leaders culturels ukrainiens d’Edmonton et de l’Alberta ont joué un rôle essentiel dans la coalition des Canadiens de la troisième force, qui ont transcendé la structure binaire du Canada comme pays bilingue et biculturel. Ils ont contribué à créer le modèle du multiculturalisme, qui a permis à toutes les autres communautés culturelles de se tailler une place dans la mosaïque canadienne.

Je vais vous donner un exemple concret. Prenons Mike Strembitsky, le premier directeur d’origine ukrainienne des écoles publiques d’Edmonton. Pendant son enfance à Smoky Lake, en Alberta, il a été battu parce qu’il parlait l’ukrainien à l’école. En tant que directeur, dans les années 1970, il a instauré des programmes d’immersion ukrainien-anglais dans les écoles publiques d’Edmonton. Ces programmes ont connu un tel succès que les écoles publiques d’Edmonton ont élargi leurs programmes de langues ancestrales pour y inclure un enseignement bilingue immersif en arabe, en mandarin, en allemand, en hébreu et en espagnol, alors que le Conseil des écoles catholiques d’Edmonton, pour leur emboîter le pas, a mis en place des programmes en ukrainien, en tagalog et en cri. Toutefois, cette philosophie éducative multiculturelle révolutionnaire lancée à Edmonton n’a été possible que parce que Mike Strembitsky a ouvert la voie.

Pendant plus de 130 ans, les Canadiens d’origine ukrainienne ont préservé leur culture et leur langue au Canada, y compris à l’époque où l’Union soviétique cherchait à les détruire. Ce même dévouement envers leur patrie explique pourquoi tant d’Albertains ont ouvert leur maison, leur cœur et leur portefeuille pour soutenir la nouvelle vague de réfugiés et de colons ukrainiens.

(1650)

Je ne suis pas ukrainienne, mais j’ai grandi enveloppée dans la culture ukrainienne parce que ma famille allemande et ma famille juive ont toutes deux quitté l’Ukraine pour venir au Canada. Les relations entre ces communautés n’ont pas toujours été faciles sur le vieux continent, pas plus qu’ici d’ailleurs. Il s’agit d’histoires complexes, interreliées, et parfois extrêmement douloureuses, mais ensemble, les Allemands, les Juifs et les Ukrainiens ont laissé le vieux continent derrière eux et ont voyagé jusque dans les Prairies afin d’y bâtir ensemble une nouvelle communauté où nous pourrions tous être égaux et acceptés. Ce fut un long voyage, et il n’est pas encore terminé.

Dans mon enfance, en Alberta, j’ai grandi enveloppée dans le récit triomphant et mythique du premier établissement ukrainien, celui de ces vaillants pionniers ukrainiens qui avaient quitté la pauvreté et l’oppression dans leur pays natal et qui sont venus s’établir dans les Prairies, où ils se sont heurtés au racisme de leurs voisins anglo-saxons et à la rigueur des éléments en Alberta. Ils se sont accrochés à leur culture et à leur langue et ils ont triomphé en tant que défenseurs du multiculturalisme. C’est une grande histoire qui mérite d’être célébrée.

Pendant ma jeunesse en Alberta, toutefois, je n’ai jamais réalisé combien ce récit sur ces pionniers effaçait celui des peuples qui ont été les premiers à habiter cet endroit et combien la glorification officielle que notre province faisait de ces pionniers ukrainiens reposait sur l’oubli officiel de la triste vérité des Premières Nations et des Métis, dont les cultures avaient pratiquement été anéanties.

C’est pourquoi je veux terminer mon discours en vous racontant l’histoire d’Ancestors and Elders, un travail vraiment remarquable de théâtre de danse cocréé par les troupes de danse Shumka Dancers et Running Thunder Cree Dancers, d’Edmonton.

J’ai vu ce spectacle pour la première fois au Northern Alberta Jubilee Auditorium d’Edmonton au printemps 2019. Ce fut une révélation, et j’aimerais pouvoir vous le montrer. Ce spectacle réunissait les traditions de danse de l’Europe de l’Est et des Autochtones dans une pièce de théâtre qui explorait la réconciliation, la résilience et la préservation culturelle — les douleurs du racisme et les parallèles entre deux cultures menacées et luttant pour leur survie. Cela a fait de la danse folklorique ukrainienne traditionnelle quelque chose de tout à fait nouveau et contemporain — fraîche et ardente, politiquement pertinente et absolument canadienne. Cette œuvre m’a remplie d’espoir pour le pays que nous nous efforçons de bâtir ensemble.

Par conséquent, lorsque j’exprime mon appui à l’égard du mois du patrimoine ukrainien, je ne parle pas seulement de la préservation du passé; je parle de la tâche ardue de créer notre avenir — un pays où nous reconnaissons toute l’histoire douloureuse que nous partageons, mais où nous travaillons ensemble avec joie et persévérance pour faire du Canada un meilleur pays pour tous les Canadiens.

Merci, hiy hiy et spasibo.

(Le débat est ajourné.)

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boehm, appuyée par l’honorable sénatrice Galvez, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-248, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (parc urbain national Ojibway du Canada).

L’honorable Karen Sorensen : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-248, qui vise à modifier la Loi sur les parcs nationaux du Canada concernant le parc urbain national Ojibway du Canada et qui propose d’établir le parc Ojibway à Windsor, en Ontario.

J’habite à Banff, en Alberta, une municipalité située dans le premier parc national du pays, celui de Banff. Vous auriez du mal à trouver, au Sénat, un plus grand admirateur du réseau de parcs nationaux du Canada que je le suis moi-même. De plus, comme j’ai siégé au conseil municipal de Banff pendant 17 ans, dont 11 ans à titre de mairesse, vous ne pourriez probablement pas trouver beaucoup de gens, au Canada, qui comprennent mieux que moi les relations, les politiques et les mesures législatives qui entrent en jeu quand Parcs Canada travaille en partenariat avec une municipalité.

Avant de passer aux aspects du projet de loi qui me préoccupent, je tiens tout d’abord à féliciter ses parrains — Brian Masse, député de Windsor-Ouest, et le sénateur Peter Boehm, membre comme moi du Groupe des sénateurs indépendants — de militer pour la création de ce parc. Quand j’ai parlé avec des intervenants de la région de Windsor, ils ont souligné que la présentation du projet de loi avait accéléré le transfert de terres fédérales et d’autres processus nécessaires pour que le parc urbain national Ojibway devienne réalité. J’appuie vigoureusement et catégoriquement la création du parc urbain national Ojibway. Je trouve fantastique que le gouvernement actuel ait entrepris, sous l’œil attentif de Parcs Canada, de créer des parcs urbains nationaux d’un bout à l’autre du pays.

Cependant, d’après ce que je comprends de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et après avoir dirigé une municipalité à l’intérieur d’un parc national pendant des années, en étroite collaboration avec Parcs Canada, j’ai des réserves au sujet de ce projet de loi

Premièrement, il est important de noter que Parcs Canada s’est déjà engagé à créer le parc urbain national Ojibway, que le projet de loi soit adopté ou non.

Bon nombre d’entre vous connaissent le parc urbain national de la Rouge à Toronto. On s’attend à ce que Windsor accueille le prochain parc urbain créé dans le cadre du Programme des parcs urbains nationaux de Parcs Canada, ce qui orientera la création d’autres parcs urbains nationaux à Halifax, Montréal, Winnipeg, Saskatoon, Edmonton et Victoria.

Parcs Canada a annoncé une décision positive sur la faisabilité au printemps dernier, puis a commencé les travaux de planification pour établir officiellement le parc, dont l’achèvement est prévu pour l’été 2025 ou avant.

Le député de Windsor-Ouest mérite d’être félicité pour le travail qu’il a accompli afin de garder cette question à l’avant-plan, ainsi que pour les efforts qu’il a déployés afin d’obtenir le transfert des terres cruciales d’Ojibway Shores à Parcs Canada, et pour avoir obtenu l’appui quasi unanime de tous les partis à la Chambre des communes. Toutefois, à ce stade-ci, le projet de loi C-248 n’est tout simplement pas nécessaire pour assurer la création de ce parc.

La réalité, c’est qu’il y a eu des développements depuis l’adoption du projet de loi à l’autre endroit. Si vous n’avez pas consulté le projet de loi C-248, je vous invite à le faire. L’ensemble du document — environ 35 500 caractères présentés sur 14 pages — est une liste de coordonnées géographiques. Voilà en quoi consiste le projet de loi : les coordonnées délimitant le futur parc urbain national Ojibway, à Windsor.

Si le projet de loi est adopté dans sa version actuelle, ces terres seront immédiatement placées sous le contrôle de Parcs Canada. Une fois qu’elles auront été inscrites dans la loi, il sera difficile de modifier ces délimitations. Le problème, c’est qu’une partie de ces coordonnées sont erronées.

Lorsque le projet de loi a été adopté à l’autre endroit, Parcs Canada menait les études requises sur les terres du parc proposé. Depuis, Parcs Canada a confirmé, par l’intermédiaire d’un plan d’arpentage de Ressources naturelles Canada, que le projet de loi C-248 inclut, en définitive, 16 parcelles de terrain privé.

Lors d’une réunion du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes, M. Andrew Campbell, vice-président principal, Opérations, de Parcs Canada, a expliqué les conséquences d’inclure des terrains privés dans un projet de loi de la sorte.

Par exemple, si la nouvelle zone délimitée empiétait sur la cour arrière d’une personne, ce propriétaire devrait demander la permission au directeur de l’unité de gestion de Parcs Canada pour apporter toute modification à sa propriété. Le propriétaire ne pourrait même pas installer une niche ou une trappe à souris sans obtenir la permission de Parcs Canada.

Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, les propriétaires concernés conserveront le titre de propriété de leurs terrains, mais ce titre sera dépourvu de sens. Il pourrait en résulter des recours en justice et des transferts de terrains complexes, ce qui entraînerait davantage de retards, d’incertitudes et de résultats qui retarderaient la création du parc.

À l’inverse, certains terrains réservés pour le parc ne sont pas inclus dans la zone délimitée par le projet de loi. L’aire explorée par Parcs Canada pour le parc urbain national Ojibway pourrait être deux fois et demie plus grande que le parc créé par le projet de loi C-248.

Selon moi, ces questions de délimitation sont suffisamment sérieuses pour que nous empêchions le projet de loi d’aller de l’avant. Je ne dis pas cela à la légère, car je crois fermement qu’il faut respecter la volonté de nos collègues élus, mais lorsque les députés ont étudié et voté sur le projet de loi C-248, ils n’avaient tout simplement pas accès à l’information dont nous disposons aujourd’hui. Ce sont des erreurs de ce genre qui expliquent pourquoi le Sénat est une chambre de second examen objectif.

La bonne nouvelle, c’est que, comme je l’ai déjà dit, le parc urbain national Ojibway sera créé avec ou sans le projet de loi. Parcs Canada y travaille sans relâche, ce qui m’amène à ma deuxième préoccupation.

Le projet de loi C-248 ne prévoit pas la logistique nécessaire à la création d’un parc urbain national, et Parcs Canada a besoin de plus de temps pour régler ces détails.

Je sais que les gens de Windsor attendent la création de ce parc depuis longtemps. Des résidants, des groupes de la société civile et des élus de tous les ordres de gouvernement se sont battus pour protéger et préserver ce précieux écosystème. Je comprends pourquoi certains pourraient croire que ce processus est trop long, mais lorsqu’il s’agit de créer ce parc, obtenir l’appui de la collectivité n’est pas la même chose que de s’assurer que les exigences techniques sont respectées, que tous les aspects juridiques ont été pris en considération, et que toutes les parties concernées ont été informées de leurs droits et de leurs responsabilités et s’entendent sur la façon de gérer et d’entretenir le parc.

Cela prend du temps, et tourner les coins ronds pourrait avoir de graves conséquences imprévues. Étant donné que le Programme de parcs urbains nationaux n’a été véritablement lancé qu’en 2021, Parcs Canada a déjà fait des progrès considérables en vue de créer le parc urbain national Ojibway.

Parcs Canada avance aussi prudemment et rapidement qu’il le faut afin que l’on tienne compte de tous les aspects entourant les consultations, l’étude des aspects juridiques et la sensibilisation à l’égard de la municipalité et des collectivités environnantes.

(1700)

Même si le projet de loi C-248 reflète le souhait des habitants de Windsor d’avoir un parc urbain, il ne détermine pas qui sera responsable de la collecte des ordures, de l’entretien des routes ou de la sécurité dans le parc. Il n’inscrit pas non plus dans la loi la co‑gestion, la création d’emplois ou d’autres droits pour les communautés autochtones, avec qui Parcs Canada s’est engagé à collaborer.

Si on examine le projet de loi distinct qui a créé le premier parc urbain national du Canada, le parc urbain national de la Rouge, dans la région du Grand Toronto, on constate qu’il détermine très clairement qui a le pouvoir de prendre des règlements concernant le parc, quelles activités sont interdites dans le parc et comment gérer la pollution, et que c’est au ministre qu’il revient de créer et de revoir régulièrement le plan de gestion du parc. Je le répète, le projet de loi C-248 ne contient que des coordonnées.

À cette étape, Parcs Canada a besoin de plus de temps pour négocier la gestion du parc avec les administrations locales et d’autres intervenants, ainsi que pour s’assurer que les consultations avec les détenteurs de droits autochtones respectent les obligations du Canada en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Cela m’amène à ma principale préoccupation concernant ce projet de loi. Il est important de comprendre que le parc urbain national Ojibway du Canada n’est pas le seul en son genre. Il s’inscrit dans un immense mouvement visant à créer un réseau ayant une vision commune consistant à préserver la nature, à réunir les gens et à promouvoir la réconciliation avec les peuples autochtones. Sa création, par l’entremise d’un processus dirigé par Parcs Canada en collaboration totale avec des gouvernements, des partenaires et des intervenants autochtones, établit un solide précédent pour le programme dans son ensemble.

Un processus fédéral unilatéral précisément pour ce parc de Windsor risque de compliquer les choses pour les autres provinces qui participent au Programme des parcs urbains nationaux. Chaque parc urbain aura des besoins différents, et Parcs Canada est déterminé à appliquer un modèle faisant intervenir plus d’une autorité publique pour soutenir la structure de gestion la plus appropriée pour chaque parc.

En revanche, le projet de loi C-248 forcera Parcs Canada à créer le parc urbain national Ojibway en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada plutôt que dans le cadre de son Programme des parcs urbains nationaux.

Pourquoi est-ce un problème? Un parc urbain national doit être beaucoup plus souple qu’un parc national afin de satisfaire aux besoins de chaque emplacement précis. En revanche, la Loi sur les parcs nationaux du Canada s’applique également à tous les parcs nationaux du pays et est prescriptive par rapport à tout un éventail de questions et d’exigences.

J’ai été mairesse d’une ville située à l’intérieur d’un parc national durant trois mandats. Je sais d’expérience à quel point la Loi sur les parcs nationaux du Canada est rigide et à quel point il était long et pénible de devoir passer par le gouvernement fédéral chaque fois que la ville avait besoin d’aménager des infrastructures ou de réparer une conduite d’eau.

Dans le cas de Banff, où le parc existait avant la municipalité et où la ville est entièrement située à l’intérieur du parc, c’était nécessaire. Mais le parc urbain national Ojibway existera dans un milieu urbain complexe et les terres adjacentes relèvent de multiples autorités publiques, ce qui rendra les activités élémentaires très difficiles dans un contexte où tout est régi par la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Si Parcs Canada devait acquérir la gestion complète des terres du parc sous le régime du projet de loi C-248, la Ville de Windsor pourrait devoir demander à Parcs Canada l’autorisation d’accéder aux terres ou d’entreprendre des activités sur les terres du parc, y compris pour des travaux d’infrastructure publique essentiels, tels que la réparation de conduites principales.

La Loi sur les parcs nationaux du Canada n’est pas le meilleur cadre à utiliser pour un parc situé dans une zone urbaine. C’est la raison pour laquelle le parc urbain national de la Rouge a été créé en vertu d’une loi qui lui est propre. Gérer le parc Ojibway dans le cadre de la Loi sur les parcs nationaux du Canada rendra la chose beaucoup plus complexe qu’elle ne devrait l’être.

Ceux qui soutiennent ce projet de loi font valoir que la Loi sur les parcs nationaux du Canada offre une protection plus solide de l’environnement. Or, Parcs Canada possède une vaste expérience de la protection et de la gestion des terres qui ne sont pas régies par la Loi sur les parcs nationaux du Canada, expérience qui repose sur le recours à d’autres lois et règlements fédéraux et provinciaux en vigueur.

Les aires marines nationales de conservation sont créées en vertu de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada parce que la législation sur les parcs nationaux n’aurait pas été appropriée. De même, le parc urbain national de la Rouge a été créé en vertu de la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, et non de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Pour les prochains parcs urbains, le plan actuel de l’agence est de les créer au moyen d’une politique et non d’un projet de loi. Cette approche sera garante d’un niveau élevé de conservation tout en comportant la souplesse nécessaire dans un environnement urbain.

Parcs Canada administre quelques-uns des meilleurs exemples du patrimoine naturel et culturel du Canada et est responsable du maintien de leur intégrité écologique et commémorative pour les générations futures.

Parcs Canada est responsable de mettre en pratique plusieurs lois fédérales et protège plus de 470 000 kilomètres carrés d’écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce du Canada. Elle administre plus de 200 lieux patrimoniaux naturels et culturels, dont bon nombre grâce à une gestion collaborative avec les Autochtones.

Le réseau de Parcs Canada fait l’envie du monde entier, avec ses 171 lieux historiques nationaux, ses 47 parcs nationaux, ses 5 aires marines nationales de conservation et son parc urbain national. J’invite le Sénat à continuer de se laisser guider par l’expertise de Parcs Canada.

Je me réjouis à l’idée de voir le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles poursuivre l’étude de ce projet de loi. J’espère que les autres membres du comité prendront le temps d’examiner attentivement ces questions.

Je ne crois tout simplement pas que le comité aura la capacité de corriger les limites de la structure de gestion et de la préciser. Au plus haut niveau, je crois que le projet de loi C-248 est le mauvais outil et le mauvais processus, en plus de créer des risques pour le gouvernement du Canada et pour les intervenants locaux.

Encore une fois, j’appuie sans réserve la création du parc urbain national Ojibway. Parcs Canada suit un processus éprouvé de collaboration avec les administrations locales, la province, les titulaires de droits ancestraux autochtones et d’autres organes fédéraux pour développer et gérer ce parc, et son travail porte des fruits à un rythme rapide.

Merci, hiy hiy.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je parlerai moi aussi du projet de loi C-248, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (parc urbain national Ojibway du Canada). Je souhaite d’abord remercier mon collègue le sénateur Peter Boehm, qui a parrainé ce projet de loi, ainsi que ma collègue la sénatrice Karen Sorensen, qui a prononcé un discours clair et percutant mettant en évidence certains des éléments qui rendent ce projet de loi complexe, dans sa forme actuelle.

Je ne m’exprime pas seulement aujourd’hui en tant que sénatrice de l’Alberta, mais aussi comme habitante de la belle ville riveraine d’Edmonton.

Edmonton abrite le plus grand parc urbain au Canada. Le réseau de parcs de la vallée de la rivière Saskatchewan Nord traverse Edmonton d’un bout à l’autre, d’ouest en est. Cet héritage remarquable rend hommage aux urbanistes d’Edmonton qui ont commencé, il y a plus d’un siècle, à constituer une ceinture verte sauvage et magique de part et d’autre des berges de la rivière, de même qu’à assurer sa préservation.

En 1907, Edmonton a embauché le tout premier architecte paysagiste du Canada, Frederick Todd, pour rédiger un rapport sur la planification des parcs de la ville. M. Todd avait travaillé avec Frederick Law Olmsted, le créateur du Central Park de New York et du parc du Mont-Royal à Montréal.

M. Todd a écrit : « Il faut tirer parti de la grande beauté naturelle de [...] la vallée fluviale et de ses ravins. » Il envisageait ce qu’il appelait un « collier de parcs » tout le long de la vallée avec des terres réservées en haut de la rive pour que les gens puissent profiter de la vue. C’est ainsi qu’entre 1907 et 1931, la ville a procédé à l’acquisition de plus d’une centaine de terrains pour préserver la vallée.

Aujourd’hui, le réseau de parcs couvre plus de 7 300 hectares, soit 18 000 acres. Il compte plus de 30 parcs provinciaux et municipaux qui s’étendent de la ville de Devon, qui est située à l’ouest d’Edmonton, à Fort Saskatchewan, qui est situé à l’est. Le dernier joyau du collier est le parc Northeast River Valley, un nouveau parc de 77 hectares qui a été inauguré cet été.

Les parcs sont liés entre eux par plus de 160 kilomètres de sentiers pédestres, de pistes cyclables et de sentiers de randonnée, et sont liés du nord au sud par une série de ponts piétonniers spectaculaires et magnifiques et par un funiculaire gentiment absurde et légèrement dysfonctionnel.

C’est dans les parcs de la vallée fluviale que les habitants d’Edmonton se rendent pour promener leurs chiens, faire du canoë, se changer les idées et organiser des festivals. C’est dans le réseau de parcs de la vallée fluviale que se trouvent le zoo d’Edmonton Valley, le musée d’histoire vivante du parc Fort Edmonton et les jardins botaniques du Muttart Conservatory.

Le réseau de parcs de la vallée fluviale à Edmonton est le fruit d’une planification urbaine véritablement visionnaire. Il préserve et protège une nature sauvage magnifique au cœur de la ville, un ruban de verdure qui nous rappelle chaque jour que la ville a été construite sur les terres des Premières Nations, car cette vallée fluviale a été, au fil des siècles, un lieu de rassemblement traditionnel pour les Cris, les Pieds-Noirs, les Salteaux, les Sioux de la nation Nakoda et les Métis, et ce, bien avant l’arrivée des premiers explorateurs, commerçants de fourrures et colons européens.

Cette année, la ville a ouvert le site kihcihkaw askî-Sacred Land, un espace sacré dans le sud-ouest d’Edmonton où les groupes autochtones peuvent organiser des cérémonies spirituelles, des séances de suerie et des cercles de discussion, et cultiver des herbes médicinales traditionnelles.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela, étant donné que je ne suis pas salarié de l’office du tourisme d’Edmonton? Eh bien, compte tenu du caractère remarquable du parc linéaire, il n’est pas surprenant que de nombreuses personnes à Edmonton et à la mairie d’Edmonton soient vivement intéressées par l’idée de transformer la vallée de la rivière Saskatchewan Nord en un parc national urbain, que nous pourrions partager avec tous les Canadiens.

Bien que l’idée ne soit pas sans détracteurs, nous sommes en train de tâter le terrain et d’essayer de voir comment les choses pourraient fonctionner. L’Alberta abrite déjà de nombreux parcs nationaux « conventionnels » : Banff, Jasper, Lacs-Waterton, Elk Island et Wood Buffalo. Nous connaissons les protections dont bénéficient ces parcs et nous savons qu’un tel modèle ne fonctionnerait probablement pas pour un parc national urbain, qui traverse le cœur d’une ville d’un million d’habitants. Pour qu’on puisse vraiment mener à bien la création d’un parc urbain national, nous devons trouver un modèle qui répond aux besoins des villes accueillant de tels parcs.

(1710)

J’appuie sans réserve le projet de la Ville de Windsor de créer un parc urbain national, mais si nous voulons que le projet fonctionne pour Windsor — et si nous voulons qu’il serve de modèle pour d’autres parcs urbains par la suite —, nous devons faire les choses comme il faut. Nous devons veiller à ce que le projet de loi soit véritablement adapté à l’objectif que l’on cherche à atteindre.

La sénatrice Sorensen a déjà expliqué ses inquiétudes par rapport au projet de loi. Selon elle, non seulement ce projet de loi vise à modifier le mauvais cadre législatif, mais il établit aussi des coordonnées inexactes qui ne correspondent pas aux plans du parc urbain national Ojibway.

D’ailleurs, compte tenu de la façon dont le projet de loi est rédigé, il est difficile de savoir comment procéder. Si on me le permet, j’aimerais lire la première page et les premières lignes du projet de loi. Il commence de façon simple, mais les choses se compliquent un peu plus par la suite :

La partie 5 de l’annexe 1 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada est modifiée par adjonction, après la description du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne du Canada, de ce qui suit :

(4) Parc urbain national Ojibway du Canada

Dans la province d’Ontario, la totalité des parcelles de terrain plus particulièrement décrites comme il suit :

a) Commençant à un point d’intersection avec la limite ouest du quartier 1 de la ville de Windsor à 42 16′33,440″ de latitude nord et à 83 05′56,684″ de longitude ouest;

De là, vers le sud-est, en ligne droite jusqu’à un point à 42 16′32,689″de latitude nord et à 83 05′53,736″ de longitude ouest;

Et ainsi de suite. C’est tout. Le texte du projet de loi se résume à une série de coordonnées.

Comme le dit la sénatrice Sorensen, y a-t-il des erreurs quant à ce qui est inclus ou exclu? Avons-nous les compétences requises pour apporter des amendements si certaines des coordonnées sont le moindrement inexactes?

C’est un peu étrange. Si vous consultez l’annexe 1 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, vous verrez qu’aucun autre parc n’est décrit ainsi. Les descriptions contiennent plutôt des points de repère et des noms de rues. Elles utilisent parfois des coordonnées pour décrire les limites du parc, mais elles décrivent aussi, parfois avec un élan presque poétique, le terrain qui s’y trouve.

La loi qui a permis de créer le parc urbain national de la Rouge, dans la région du Grand Toronto, a aussi une allure différente. Elle fournit des détails sur tout, par exemple quelles activités sont permises dans le parc, lesquelles sont interdites, qui a la responsabilité de ramasser les ordures et d’éteindre les feux, et comment les droits traditionnels des Autochtones en matière de chasse et de pêche seront respectés. Il s’agit donc d’une mesure législative détaillée, qui diffère grandement du texte du projet de loi C-248.

Encore une fois, je tiens à souligner que je suis une partisane des parcs nationaux et que je suis fière que l’Alberta en abrite un si grand nombre. Je me réjouis à l’idée de créer des parcs urbains nationaux, et je pense que la vallée de la rivière Saskatchewan Nord pourrait être un endroit idéal pour en créer un. Bien que je ne sois jamais allée à Windsor, les recherches que j’ai effectuées suggèrent que le complexe de prairies Ojibway sera un autre site exceptionnel.

Comme le sénateur Boehm nous l’a expliqué en juin dernier, le parc proposé comprendrait environ 364 hectares de terres qui appartiennent déjà à l’État, notamment le parc Ojibway, l’aire naturelle Spring Garden, le parc patrimonial Black Oak, le parc patrimonial Tallgrass Prairie, la réserve naturelle provinciale Ojibway Prairie et le site Ojibway Shores.

Cette dernière parcelle, soit le site Ojibway Shores, est un espace vert de 13 hectares qui représente le dernier tronçon de rivage naturel entre Windsor et Detroit. Comme nous l’a dit le sénateur Boehm, cette petite parcelle abrite à elle seule 130 espèces en péril.

Pourtant, je crains que ce projet de loi ne porte accidentellement atteinte à l’autonomie de la Ville de Windsor, de la Ville de LaSalle et de leurs citoyens. Parcs Canada et la Ville de Windsor ont déjà signé une déclaration de collaboration annonçant leur intention de travailler ensemble à la désignation potentielle du parc, et ce projet de loi pourrait avoir préséance sur cette déclaration.

Puis, il y a un nouvel enjeu dont j’ai appris l’existence ce matin seulement, lorsque j’ai parlé avec le maire de Windsor, Drew Dilkens. D’abord, le maire Dilkens m’a expliqué le rôle essentiel que l’élaboration du projet de loi a joué pour lancer cette discussion. Il ne tarissait pas d’éloges sur M. Brian Masse, le parrain du projet de loi. Le projet de loi de Brian Masse a eu une valeur inestimable au début du processus, toujours selon le maire. Il m’a dit que, sans le mouvement lancé par le projet de loi, l’Administration portuaire n’aurait peut-être pas cédé à Parcs Canada les terres riveraines qui étaient sous son contrôle.

Selon le maire Dilkens, le projet de loi de Brian Masse a eu la plus grande incidence possible lors de sa présentation. Maintenant, me dit-il, les coordonnées qui y sont indiquées ne sont plus exactes, et c’est pour une bonne raison. La municipalité de LaSalle, une ville-dortoir au sud de Windsor, veut maintenant ajouter une partie de ses terres à la zone du parc. Or, le projet de loi, dans sa version actuelle, n’inclut pas ces terres municipales. Nous devons être absolument certains de ne pas créer par inadvertance une situation où des dirigeants municipaux sont exclus de la conversation.

Le maire Dilkens m’a parlé d’une autre préoccupation. En ce moment, les habitants de Windsor ont accès à toutes ces terres sans frais. Il craint toujours que, en créant un parc national, des frais d’entrée puissent s’appliquer, ce à quoi il s’oppose.

En juin, le sénateur Boehm a informé la Chambre que Parcs Canada collaborait avec la Première Nation de Caldwell et la Première Nation de Walpole Island à des accords de cogestion qui intéressaient ces deux nations. Lorsque j’ai parlé à Brian Masse la semaine dernière, il m’a dit que la Première Nation de Caldwell a appuyé le projet de loi C-248, mais pas la Première Nation de Walpole Island, du moins pas pour l’instant.

Il est donc d’autant plus essentiel que nous n’approuvions pas à la hâte un projet de loi qui pourrait, même si c’est involontairement, court-circuiter une partie de ces négociations délicates et porter atteinte aux droits de toutes les Premières Nations concernées à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Enfin, comme la sénatrice Sorensen l’a expliqué, le projet de loi C-248 n’explique pas qui paierait quoi. Cela me laisse un peu perplexe. D’après ce que je comprends, un projet de loi d’initiative parlementaire ne peut pas obliger le gouvernement fédéral à dépenser de l’argent, du moins pas directement. Pourtant, ce projet de loi a été approuvé à l’autre endroit, où on a décidé qu’il n’enfreignait pas les protocoles applicables à un projet de loi d’initiative parlementaire. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut tenir compte de ce qu’il en coûte pour gérer et entretenir un parc national. Qu’est-ce que ce projet de loi finira par coûter au Trésor public, non seulement à court terme, mais de façon permanente?

Je comprends la frustration bien naturelle que ressentent les gens de Windsor et les Premières Nations des environs, étant donné que les projets de mise en œuvre de ce parc tant attendu semblent à peine progresser. Il semble certainement que le projet de loi ait fonctionné comme une sorte de tour de magie pour faire avancer les choses, mais j’espère qu’une fois le projet de loi renvoyé au comité, les sénateurs se pencheront ensemble sur ces questions afin que nous ne nous retrouvions pas avec des conséquences imprévues qui pourraient nuire aux parcs urbains nationaux eux-mêmes.

Merci, hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à former un comité sénatorial spécial sur le capital humain et le marché du travail—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p.,

Qu’un comité sénatorial spécial sur le capital humain et le marché du travail soit formé jusqu’à la fin de la présente session, qui peut être saisi de toute question concernant le capital humain, le marché du travail et l’emploi en général;

Que le comité soit composé de neuf membres nommés par le Comité de sélection et que quatre membres constituent le quorum;

Que le comité soit autorisé à faire enquête et rapport sur les questions dont il est saisi par le Sénat, à exiger la comparution de témoins et la production de documents, à entendre des témoins et à ordonner la publication de documents et de témoignages.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, j’aimerais demander que le débat soit de nouveau ajourné à mon nom.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

La violence entre partenaires intimes

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Boniface, attirant l’attention du Sénat sur la violence entre partenaires intimes, en particulier en milieu rural dans tout le Canada, en réponse à l’enquête du coroner menée dans le comté de Renfrew, en Ontario.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

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L’apport commercial et économique des entreprises autochtones à l’économie du Canada

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Klyne, attirant l’attention du Sénat sur l’apport commercial et économique continu des entreprises autochtones à l’économie du Canada.

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de pouvoir prendre la parole concernant l’interpellation no 13, qui a été lancée par le sénateur Marty Klyne pour attirer l’attention du Sénat sur l’apport constant des entreprises autochtones à l’économie canadienne.

J’ai choisi de parler du réseau de télévision Aboriginal Peoples Television Network ou APTN, qui entreprend sa vingt-cinquième année d’existence. APTN fait partie d’une nouvelle infrastructure nationale autochtone en pleine croissance et formée d’organisations nationales qui font avancer la condition des peuples autochtones.

Je prends le temps de mentionner trois autres organisations du genre.

La première est le Conseil national de développement économique des Autochtones, qui est dirigé par Dawn Madahbee Leach. C’est une organisation nationale et apolitique qui favorise la croissance des entreprises autochtones au Canada. La deuxième est l’Administration financière des Premières Nations, dont la mission consiste à aider les communautés des Premières Nations à bâtir leur avenir elles-mêmes en suivant leurs aspirations et en bénéficiant des taux d’intérêt les plus avantageux. L’Administration est dirigée par Ernie Daniels, qui a récemment été nommé membre du conseil d’administration de la Banque du Canada. La troisième est l’Association touristique autochtone du Canada, qui est dirigée par Keith Henry et qui s’emploie à développer le secteur touristique autochtone au Canada.

Revenons maintenant au réseau APTN, un service novateur et essentiel dont j’ai pu observer de près le développement. En tant que commissaire du CRTC, j’ai eu le grand honneur d’être associé étroitement à l’octroi de la licence d’exploitation de ce réseau en 1998-1999.

Pourquoi le réseau APTN était-il si nécessaire? Eh bien, les peuples autochtones étaient rarement vus à la télévision et au cinéma, tout comme ils étaient pratiquement absents dans les récits historiques du Canada et des États-Unis. Quand ils étaient montrés, leur image était généralement négative et stéréotypée.

Permettez-moi de vous faire part d’une intervention mémorable lors de l’audience sur la création de cette chaîne, en 1998.

L’acteur primé Adam Beach a témoigné lors de cette audience. Il avait une carrière florissante au Canada et aux États-Unis, mais cela ne l’a pas empêché de relater une anecdote. Il a raconté que, sur le plateau de tournage d’un film, le directeur lui avait demandé de courir le long d’un mur et de « sauter comme un Indien ». C’était un stéréotype relativement positif, si l’on se fie à ce qui a été montré à l’écran.

Chers collègues, c’est le vingt-cinquième anniversaire du réseau APTN. Je suis ravi de faire un bref survol de son parcours. Quand APTN a été lancé le 1er septembre 1999, c’était le premier radiodiffuseur national autochtone au monde. Aujourd’hui, il est devenu un chef de file mondial pour sa programmation qui célèbre toute la diversité des peuples autochtones, d’abord au Canada, mais aussi à l’échelle internationale. APTN met en lumière les histoires des peuples autochtones dans près de 10 millions de ménages au Canada et ailleurs. Fait intéressant, ses cotes d’écoute sont à la hausse, même si la télévision en général connaît un déclin.

On pourrait en dire long sur l’excellent bilan d’APTN. Le réseau a remporté de nombreux prix, et il offre toujours une programmation numérique et du contenu interactif à la fine pointe de la technologie. Il a lancé deux stations de radio ainsi qu’un service de diffusion en continu, APTN lumi.

J’aimerais vous donner quelques détails. Depuis son lancement, le réseau APTN a toujours proposé des programmes visant à rapprocher les publics autochtone et non autochtone de l’île de la Tortue. Lors de son lancement en 1999, cette chaîne avait adopté un slogan particulièrement accrocheur : « Par les peuples autochtones, sur les peuples autochtones, pour tous les Canadiens ».

Que peut-on voir sur les ondes d’APTN? Cette chaîne propose des émissions d’information et d’actualités, de divertissement, de diffusion en direct et des événements spéciaux, ainsi que des émissions originales primées de réalisateurs membres des Premières Nations, inuits et métis. Compte tenu de la diversité des peuples autochtones au Canada, cette chaîne doit s’efforcer de répondre aux goûts de tous, une mission dont elle s’acquitte avec brio.

Cette chaîne propose des émissions en anglais, en français, en cri — elle a été la toute première à diffuser un match de la LNH en cri des plaines —, en inuktitut, et dans un large éventail de langues autochtones. Depuis 1999, le réseau diffuse des émissions en 54 langues autochtones et offre chaque année une programmation régulière en 15 langues autochtones.

De plus en plus d’Autochtones se rendent compte de l’importance de connaître la langue de leurs ancêtres afin de renforcer leur sentiment d’appartenance culturelle. C’est dans cette optique que le réseau encourage les créateurs autochtones à être fiers de parler leur langue et d’exprimer leur point de vue.

Actuellement, la programmation du réseau est composée à plus de 80 % de contenu canadien, en anglais, en français, et en plus de 15 langues autochtones. Chers collègues, je tiens à souligner que c’est beaucoup plus que la moyenne de ce secteur, qui se situe à environ 50 %.

En moyenne, APTN commande la production de plus de 500 heures de programmation originale chaque année; 46 % des émissions sont en anglais, 44 %, dans une langue autochtone et 10 %, en français.

Je voudrais parler brièvement de la dernière nouveauté : le contenu autochtone sur demande. Après 20 ans d’existence, APTN a lancé APTN lumi, un service de diffusion en continu axé sur le contenu autochtone qui est complémentaire à l’offre de télédiffusion de la chaîne. À l’heure actuelle, le catalogue compte environ 700 heures de programmation en langue autochtone, ainsi que du contenu en anglais et en français.

APTN lumi est également offert au moyen de Chromecast et d’Apple TV, ce qui augmente sa portée et lui permet de faire connaître les histoires autochtones à un nouvel auditoire. Les dernières phrases sont vraiment du jargon digne du CRTC sur la diffusion et la programmation. Je vais traduire : la chaîne produit un tas de contenu fièrement autochtone.

Je voudrais souligner que les émissions d’APTN ont remporté de nombreux prix au fil des ans, notamment des prix Écrans canadiens, des prix du public, le prestigieux Prix du président de l’Association des services de nouvelles numériques radiotélévisées, le Prix pour la liberté de presse et le Prix Michener.

De surcroît, la cheffe de la direction d’APTN, Monika Ille, qui est membre de la Première Nation abénakise d’Odanak, a été nommée dirigeante de l’année 2022 par Playback. La même année, elle a reçu le prix Desautels de l’excellence en gestion de l’Université McGill, qui honore les éminents chefs de file du milieu des affaires. J’ajouterais que ses prédécesseurs — Abraham Tagalik, chef de l’exploitation et fondateur, et Jean La Rose, qui a été chef de l’exploitation durant de nombreuses années et a supervisé la croissance d’APTN — ont fait un travail remarquable pour bâtir et faire progresser APTN.

En août 2023, APTN avait 163 employés. Cela comprend des employés à plein temps, à temps partiel et temporaires. De ce nombre, 60 % sont autochtones, c’est-à-dire membres des Premières Nations, Métis ou Inuits, et de nombreux jeunes Autochtones ont commencé leur carrière en radiodiffusion à APTN. Certains sont restés et d’autres sont passés à d’autres réseaux.

Cette société s’enorgueillit de la représentation équilibrée des genres au sein de son effectif, 52 % des membres de son personnel s’identifiant comme étant de genre féminin, 47 % comme étant de genre masculin et 1 % comme étant bispirituels.

Chose importante, 58 % des membres du conseil d’administration d’APTN sont des femmes, dont la présidente du conseil d’administration, Julie Grenier, de Kuujjuaq, au Nunavik, dans le Nord du Québec. Elle est la directrice générale d’une entreprise régionale de production radio et télévisuelle qui dessert les Inuits du Nunavik en inuktitut.

Depuis ses débuts, APTN a un conseil d’administration où les genres sont représentés également ou comptant plus de femmes que d’hommes, alors que la plupart des autres radiodiffuseurs comptaient peut-être une ou deux femmes au sein de leur conseil d’administration. Manifestement, APTN a toujours eu une longueur d’avance sur les autres.

APTN est devenu le tout premier diffuseur olympique autochtone aux Jeux olympiques d’hiver de Vancouver en 2010, assurant une diffusion quotidienne en huit langues autochtones, ainsi qu’en anglais et en français.

J’ai récemment demandé à des représentants d’APTN comment ils décriraient leur succès. Leur réponse a été longue, mais je vais en présenter quelques points. Voici comment ils se voient.

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Les nouvelles et les affaires publiques comptent parmi nos principaux sujets, car nous couvrons des histoires que les autres réseaux ne couvrent pas. Nos équipes de journalistes dévoués et primés couvrent des sujets tels que les services de police au Canada, la protection de l’enfance, l’accès à l’eau potable, les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, les droits issus des traités et plus encore. Nos bulletins de nouvelles s’intitulent Nouvelles Nationales d’APTN et APTN National News.

Parmi tous les diffuseurs au Canada, APTN est un des deux seuls à avoir des bureaux dans le Nord (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut).

Les personnes qui regardent APTN jouissent d’une grande variété d’autres émissions, comme The Other Side, Orignal et marmelade et Secret History of the Wild West.

Nous offrons une programmation spéciale à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, en septembre.

APTN répond...

 — dans toutes ses activités —

à l’appel à l’action no 85 de la Commission de vérité et réconciliation, qui demande à APTN de continuer de relier ensemble les Canadiens autochtones et non autochtones grâce à sa programmation et d’appuyer la réconciliation.

Je terminerai en disant qu’à mon avis, APTN s’en est très bien tiré au cours de ses 25 premières années d’existence. Cette chaîne a confondu non seulement ses opposants, mais aussi ses partisans. De toute évidence, la chaîne offre une programmation de grande qualité, à la fois réfléchie et divertissante. Dans un monde de plus en plus polarisé et divisé, où il y a de plus en plus de résistance contre les droits des Autochtones et des minorités, APTN offre un îlot de calme et de paix d’esprit, dans un monde aussi clivant que clivé.

À l’évidence, APTN est maintenant un véritable symbole canadien dont les Autochtones et tous les Canadiens peuvent être fiers. Je pense que les Canadiens ont beaucoup à espérer pour les 25 prochaines années. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

(À 17 h 33, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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