Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 161
Le mercredi 22 novembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Les travaux du Sénat
- Le ministère de l’Environnement et du Changement climatique
- La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
- Les subventions pour la fabrication de batteries de véhicules électriques
- Les cibles du Canada en matière de réduction des émissions
- L’électricité abordable
- Le soutien aux agriculteurs et aux producteurs
- La conservation des parcs nationaux
- Les cibles du Canada en matière de réduction des émissions
- L’impact des changements climatiques
- Le plan climatique
- La taxe sur le carbone
- La conservation des parcs nationaux
- La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
- Les iniquités et les disparités systémiques
- La tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
- La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
- Les déchets plastiques
- Le crédit d’impôt pour la capture du carbone
- Le plan climatique
- La taxe sur le carbone
- La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
- Les travaux du Sénat
- AFFAIRES COURANTES
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 22 novembre 2023
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L’équipe de soccer les Capers du Cap-Breton
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour féliciter les Capers du Cap-Breton, l’équipe qui a remporté le 12 novembre dernier le championnat de soccer masculin U Sports 2023. L’équipe a remporté le trophée commémoratif Sam Davidson à domicile. C’est la deuxième fois qu’elle remporte ce trophée, la première fois étant en 2017. Cette fois-ci, l’équipe affrontait les Carabins de Montréal en finale.
Honorables sénateurs, remporter un championnat est toujours un grand exploit, mais il y a quelque chose de vraiment spécial à le faire à domicile. L’énergie qui se dégage est incomparable. Une foule immense était réunie à l’Université du Cap-Breton pour appuyer les Capers, dont plus d’une centaine d’anciens élèves provenant de six pays, ainsi que plus d’une soixantaine de membres des familles des joueurs qui se sont présentés pour les voir jouer. Je peux imaginer à quel point ils ont dû être fiers de voir autant de monde et de pouvoir célébrer une aussi belle victoire à domicile, devant leurs parents et amis.
Tout événement de ce type a également un effet sur la collectivité. Les organisateurs du tournoi ont fait la démonstration et la promotion de l’hospitalité du Cap-Breton auprès des équipes visiteuses. Ce fut également l’occasion de promouvoir le soccer au sein de la collectivité locale. L’université et l’équipe ont travaillé avec des écoles locales pour permettre à 600 enfants d’assister aux premiers matchs. C’est impressionnant pour les jeunes de voir ce niveau de compétition sportive ainsi que le travail, la vitesse et l’habileté des athlètes. Le sport peut certainement être une source d’inspiration pour les gens et les collectivités et il s’agit d’une autre source de fierté pour les habitants du Cap-Breton.
Encore une fois, je félicite les Capers du Cap-Breton et leur entraîneur, Deano Morley, ainsi que son personnel, pour leur victoire phénoménale. Merci.
[Français]
Le décès de Rose-Aimée Bélanger
L’honorable Lucie Moncion : Chers collègues, comment parler de cette femme humble et talentueuse qui laisse derrière elle un héritage de beauté et d’amour?
Rose-Aimée Bélanger est née le 4 juillet 1923, à Guérin, une petite ville du Témiscamingue québécois. Elle fera ses études à l’Académie Sainte-Marie de Haileybury, en Ontario, puis se dirigera vers Montréal pour parfaire son éducation en services sociaux. Elle touchera brièvement à l’art en s’inscrivant à des cours du soir à l’École des beaux-arts de Montréal, et travaillera à temps partiel au journal Le Devoir.
Puis elle rangera ses fusains et quittera son emploi pour suivre l’élu de son cœur, Laurent Bélanger, qu’elle épousera le 2 janvier 1945. Ils s’établiront dans le nord de l’Ontario, où elle donnera naissance à neuf enfants, suivra son mari dans ses nombreuses aventures et s’occupera de la maisonnée.
Enfin, après plus d’un quart de siècle consacré à sa famille, elle choisira d’entreprendre son métier d’artiste-sculpteur.
Dans son atelier, elle façonnera des personnages uniques filiformes, qui se transformeront graduellement en personnages plantureux, ses sujets préférés étant les femmes. La femme aux chocolats deviendra sa sculpture la plus vendue, alors que sa création grandeur nature, Les chuchoteuses, située dans le Vieux‑Montréal, comptera parmi les sculptures les plus photographiées et l’une des huit créations artistiques emblématiques de Montréal.
Reconnue mondialement pour ses œuvres, Rose-Aimée Bélanger accrochera son argile en 2015, à l’âge de 92 ans.
La beauté des œuvres de Rose-Aimée Bélanger repose dans les sensations qui s’en dégagent lorsque vous les admirez. Chacune représente un plaisir de la vie. Elles sont singulièrement belles, empreintes d’une beauté simple, et elles dégagent le bien-être et la bienveillance.
Pendant plus d’une quarantaine d’années, Rose-Aimée Bélanger a conçu une collection remarquable de pièces extraordinaires.
À l’aube de ses 100 ans, en 2023, sa biographie a été publiée par l’auteure Danielle Carrière-Paris. Lire cette œuvre littéraire est un vrai plaisir; elle nous fait connaître la femme qui se cache derrière l’artiste extraordinaire.
Rose-Aimée Bélanger s’est éteinte à l’âge de 100 ans, le 12 novembre dernier, entourée de ses enfants.
J’ai eu le plaisir, quelques jours auparavant, de rencontrer son fils Pierre, son épouse et ses enfants au Gala Améthyste de la Société économique de l’Ontario, alors qu’ils se voyaient remettre les prix Entrepreneur éco-responsable et Excellence pour leurs réalisations dans l’élevage commercial Bison du Nord, dans le Témiscamingue ontarien.
Pierre m’a parlé de sa mère avec amour, fierté et admiration. Le départ de sa mère est une grande perte pour la famille Bélanger, mais aussi pour la communauté artistique et pour toutes les personnes qui ont connu et aimé Rose-Aimée Bélanger.
Nos plus sincères condoléances à cette grande famille éprouvée par le deuil.
Je vous remercie de votre attention.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Andrew Black, maire de Tantramar, au Nouveau-Brunswick, et président de l’Union des municipalités du Nouveau-Brunswick. Il est accompagné de sa femme, Katherine Treash. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Quinn.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Andrew Black
L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, je suis heureux de saluer Andrew Black, le maire de Tantramar, au Nouveau‑Brunswick. Tantramar est une nouvelle municipalité de la province composée de l’ancienne ville de Sackville, de l’ancien village de Dorchester et de parties des anciens districts de services locaux de Point de Bute, de Sackville et de Dorchester. En plus de ses responsabilités à Tantramar, le maire Black est également président de l’Union des municipalités du Nouveau-Brunswick, un organisme qui représente 54 collectivités du Nouveau-Brunswick et plus de 70 % de sa population.
Le maire Black est à Ottawa cette semaine pour rencontrer des parlementaires dans le cadre de la Semaine de défense des intérêts de la Fédération canadienne des municipalités, où ils travaillent tous à l’établissement des priorités locales et nationales.
J’ai eu l’occasion de rencontrer le maire Black il y a plusieurs semaines pour discuter des priorités de sa collectivité, y compris des changements climatiques et de leurs effets sur l’isthme de Chignecto, ce qui est une source de préoccupation majeure pour les habitants de Tantramar et d’ailleurs.
Andrew est diplômé de l’Université Mount Allison et possède de l’expérience en tant qu’entrepreneur et propriétaire d’entreprise. À l’heure actuelle, il travaille comme mentor pour les pairs auprès de la coopérative Open Sky, une organisation qui aide les jeunes adultes aux prises avec des problèmes de santé mentale et des handicaps sociaux à acquérir des compétences tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Ce travail de développement communautaire et de développement de compétences utiles se fait sur une ferme de 11 acres située à Tantramar.
Cependant, la principale source de fierté d’Andrew est sa famille. Son épouse, Kathy, est ici avec lui aujourd’hui. Ils ont trois merveilleux enfants : Phaedra, Roman et Margot.
(1410)
Andrew, je vous remercie de votre leadership et de votre dévouement envers votre communauté. Les maires du Canada et ceux qui occupent d’autres fonctions de dirigeants à l’échelle locale sont essentiels pour représenter les citoyens du Canada et constituent les premiers intervenants qui font en sorte que la voix des Canadiens est entendue.
Au nom des mes collègues, je vous souhaite, ainsi qu’à Kathy, la bienvenue au Sénat et je vous souhaite une semaine de réunions productive dans la capitale nationale.
Le décès de l’honorable Stephen Owen, c.p., c.r.
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, je prends la parole pour célébrer la vie et l’héritage de l’honorable Stephen Owen, qui est décédé à l’âge de 74 ans, à la suite d’un combat contre la démence.
Stephen Owen a été élu au Parlement en 2000 et a représenté Vancouver Quadra durant sept ans. Au cours de cette période, il a été ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest et ministre d’État aux Sports. Il a également occupé les fonctions d’ombudsman et de sous-procureur général de la Colombie-Britannique, et a terminé sa carrière à l’Université de la Colombie-Britannique.
Stephen Owen était reconnu au Canada et à l’étranger pour son expertise en droit des droits de la personne ainsi qu’en matière de politiques publiques. En Colombie-Britannique, il a dirigé la Commission on Resources and Environment, chargée de régler les différends en matière d’utilisation du territoire. Il a d’ailleurs été félicité pour le leadership, la ténacité et l’humanité dont il a fait preuve dans ces négociations.
Outre son travail au Canada, il a été l’un des deux conseillers civils nommés au comité d’enquête sur l’opération militaire du Canada en Somalie, dont les conclusions ont compté parmi les précurseurs de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie. M. Owen a également représenté le Canada lors d’une mission d’enquête sur les violations des droits de la personne au Cambodge et a examiné les travaux des forces de sécurité en Irlande du Nord, pour ne nommer que quelques-unes de ses réalisations sur la scène internationale.
Sa carrière dynamique, au cours de laquelle il a travaillé pour un si grand nombre d’organismes partout dans le monde, a façonné sa perspective unique et son esprit de conciliation, qui lui ont attiré le respect et l’admiration de collègues dans tous les secteurs.
J’ai eu le privilège de siéger aux côtés de Stephen à la Commission du droit du Canada, où il a exercé les fonctions de commissaire et de vice-président.
Il était à la fois un intellectuel et un pragmatiste doté d’un grand sens de l’humour. Sa profonde compréhension et son analyse minutieuse de questions complexes étaient sans égales. Au moment de son décès, Taylor, le fils de Stephen, a déclaré ce qui suit :
Mon père a mené sa vie en faisant preuve d’une vertu, d’une honnêteté et d’un optimisme inébranlables. Il croyait fermement à l’importance d’être au service de la population et au rôle que cela permet de jouer, une philosophie de vie dont nous pourrions tous nous inspirer.
Je présente mes plus sincères condoléances à la famille de Stephen, à son épouse Diane, à ses fils Jason et Taylor, ainsi qu’à ses trois petites-filles.
Chers collègues, notre pays vient de perdre un grand Canadien.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Kristen Csenkey, doctorante à la Balsillie School of International Affairs, et de Greg Dick, cofondateur et chef de la direction d’Open Quantum Design. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Coupe Grey de 2023
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, le dimanche 19 novembre, nous avons eu le bonheur de regarder le match de la 110e finale de la Coupe Grey, qui opposait les Blue Bombers de Winnipeg aux Alouettes de Montréal — une première dans l’histoire de la Ligue canadienne de football.
L’équipe de Winnipeg, largement favorite, tentait de remporter une troisième coupe Grey en quatre ans, ce qui en aurait fait une dynastie de l’ère moderne de la Ligue canadienne de football. Winnipeg était largement favorite pour remporter cette finale contre l’équipe montante de Montréal, dont la dernière victoire en finale remontait à 2010.
On ne donnait que très peu de chances à l’équipe de Montréal — qui avait remporté ses sept derniers matchs, dont une victoire fantastique de 16 à 2 contre les Argonauts de Toronto — de vaincre une équipe chevronnée dirigée par un quart-arrière vedette de la trempe de Zach Collaros.
Montréal a commencé la saison 2023 avec un nouveau propriétaire, un nouvel entraîneur-chef et un nouveau quart-arrière, Cody Fajardo, qui avait perdu la confiance des Roughriders de la Saskatchewan. Le directeur général, Danny Maciocia, a fait deux acquisitions clés en cours de saison pour consolider son équipe.
Montréal a surpris Toronto lors de la finale de l’Est grâce à une superbe performance de la défensive qui a provoqué neuf revirements. Certains commentateurs affirmaient que, en grande finale, Montréal succomberait à la pression exercée par les Bombers. Étonnamment, cela ne s’est pas produit. Les deux équipes ont été au coude-à-coude et Montréal tirait de l’arrière 17 à 7 à la demie, après avoir échoué sa tentative de touché de la ligne d’une verge avec 40 secondes à faire au deuxième quart.
Le jeu au sol de Winnipeg était excellent, grâce aux prouesses du talentueux demi-offensif canadien Brady Oliveira, mais l’équipe a délaissé cette stratégie en deuxième demie et le jeu aérien n’a pas donné de bons résultats.
[Français]
Fajardo a connu un match digne des grands de ce sport en exécutant une attaque de passe courte exceptionnelle et en utilisant ses quatre meilleurs receveurs. Montréal a marqué son dernier touché pour assurer la victoire avec seulement 42 secondes à jouer dans le match.
[Traduction]
L’équipe de Winnipeg vient de voir s’évanouir son rêve d’être une grande championne de la Coupe Grey comme les Eskimos d’Edmonton qui avaient été victorieux cinq années consécutives à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Quelle sera la suite? Pour Winnipeg, des changements s’imposent, car si l’équipe est très forte, elle compte néanmoins de nombreux joueurs dont la carrière tire à sa fin. Les Alouettes de Montréal ont l’occasion de compétitionner dans l’Est mais ils doivent recruter des joueurs de premier plan pour conserver leur position au sommet du classement.
J’offre mes félicitations aux joueurs qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes au moment voulu, au directeur général Danny Maciocia, qui a recruté des joueurs clés pour aider le club à se hisser en tête dans la dernière ligne droite, à Jason Maas, qui a fait un travail remarquable pendant sa première année comme entraîneur en chef et dont le fort leadership a contribué à former une équipe hautement compétitive et, enfin, au quart-arrière Cody Fajardo qui, après avoir été mis sur la touche par les Roughriders, a persévéré et est devenu un champion de la Coupe Grey et a été désigné le joueur le plus utile à son équipe.
Le 110e match de championnat de la Coupe Grey figurera dans les annales comme l’un des plus enlevants de l’histoire de la Ligue canadienne de football.
Son Honneur la Présidente : Quel superbe coup d’envoi!
Des voix : Oh, oh.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Michelle Melnyk, une représentante de l’Union nationale des fermiers. Elle est accompagnée de ses filles. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Simons.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Donald H. Oliver, C.M., c.r.
Félicitations pour le prix Weldon de l’altruisme dans la fonction publique
L’honorable Percy Mockler : Il ne sera pas facile, en trois minutes, de parler d’un grand Canadien de l’Atlantique, le sénateur Donald H. Oliver.
[Traduction]
Chaque année, nous célébrons avec fierté le Mois de l’histoire des Noirs. Par conséquent, honorables sénateurs, même s’il a quitté cette enceinte depuis 10 ans, l’héritage de notre ami, le sénateur Don Oliver, est florissant, et son impact continue de se faire sentir partout au Canada, d’un océan à l’autre.
Ses contributions substantielles à l’élimination des obstacles pour les personnes d’origine africaine et ses efforts inlassables pour enseigner aux Canadiens de tous horizons la valeur de la diversité, de l’équité, de l’inclusion et du respect, en particulier sur le lieu de travail, font de lui un débatteur convaincant.
Par exemple, en 2005, notre ami Don Oliver a recueilli un demi‑million de dollars pour mener la toute première étude nationale qui a démontré le bien-fondé de la diversité au Canada. Cette étude reste aujourd’hui l’une des réalisations dont il est le plus fier.
Même si le sénateur Oliver était une personne timide et discrète, il croyait fermement qu’il fallait rendre service à sa communauté et aider ceux qui étaient moins fortunés. Le mois dernier, honorables sénateurs, le sénateur Oliver a reçu une reconnaissance exceptionnelle de la part de son alma mater, l’Université Dalhousie. Il a reçu le prix Weldon de 2023 pour l’altruisme dans la fonction publique en hommage à son legs inspirant. Ce prix exceptionnel récompense les anciens étudiants de la Faculté de droit qui ont apporté une contribution remarquable à la communauté et à la profession juridique. Le sénateur Oliver a été profondément touché de le recevoir.
Honorables sénateurs, il a également reçu l’Ordre du Canada pour ses efforts infatigables en tant que sénateur, éducateur, citoyen engagé et chef de file de la promotion de l’inclusion et de la diversité au Canada.
(1420)
À mon avis, le sénateur Oliver est l’incarnation même de l’acronyme ALPE, qui désigne l’amitié, la loyauté, les principes et l’engagement. Tout au long de sa vie, il a servi ses concitoyens canadiens avec dignité, intégrité et respect. Il est un véritable mentor.
En conclusion, Votre Honneur, je n’ai aucun doute que cet homme au leadership exceptionnel méritait pleinement de recevoir le prix Weldon de 2023.
[Français]
Honorables sénateurs et sénatrices, permettez-moi de vous dire que pour moi, c’est un incontournable. Sa devise a toujours été de faire du Canada, de sa région et de sa province un meilleur endroit pour vivre, un meilleur endroit pour travailler, un meilleur endroit pour élever nos enfants et un meilleur endroit pour tendre la main aux plus vulnérables. Je vous lève mon chapeau, sénateur Oliver!
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est 14 h 20 et le Sénat procédera à la période des questions. Le ministre prendra sa place et nous pourrons ensuite poursuivre nos travaux.
PÉRIODE DES QUESTIONS
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd’hui l’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, pour lui poser des questions concernant ses responsabilités ministérielles.
Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que lors de la période des questions avec un ministre la question initiale est limitée à 60 secondes, et la réponse initiale à 90 secondes, suivie d’une question supplémentaire d’une durée maximale de 45 secondes et d’une réponse de 45 secondes. La greffière lectrice se lèvera dix secondes avant l’échéance de ces délais. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, les sénateurs ne sont pas tenus de se lever. La période des questions sera d’une durée de 64 minutes.
[Traduction]
Le ministère de l’Environnement et du Changement climatique
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris que ma première question porte sur le projet de loi C-234, qui prévoit une exemption de la taxe sur le carbone du premier ministre pour les agriculteurs du Canada. Je suppose que c’est notamment pour cette raison que vous êtes ici aujourd’hui : c’est-à-dire pour influencer le vote de sénateurs sur ce projet de loi.
Vous affirmez que le gouvernement Trudeau ne dit pas aux sénateurs quoi faire ou comment voter, puis vous admettez du même souffle que vous avez des conversations avec des sénateurs sur le projet de loi, lequel a été adopté par la Chambre des communes élue, et ce, avec un fort appui.
Monsieur le ministre, avec combien de sénateurs avez-vous discuté du projet de loi C-234? Sur combien de sénateurs avez-vous exercé des pressions pour qu’ils votent contre le projet de loi ou qu’ils le vident de sa substance pour ainsi priver les agriculteurs d’un allégement fiscal dont ils ont désespérément besoin?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Aucun.
Le sénateur Plett : Pourtant, vous avez admis leur avoir parlé. Vous dites maintenant que vous n’avez parlé à aucun d’entre eux. Je vous ai demandé à combien d’entre eux vous aviez parlé, monsieur le ministre. Vous avez dit aucun. Je doute sincèrement que vous appeliez ces sénateurs pour parler de la météo. Dites franchement ce que vous faites, monsieur le ministre. Vous voulez un résultat précis pour le projet de loi C-234 et vous appelez les sénateurs pour vous assurer de l’obtenir. Si ce n’est pas une manière de forcer la main des sénateurs, monsieur le ministre, de quoi s’agit-il? Comment le gouvernement Trudeau peut-il penser qu’un ministre qui appelle des sénateurs indépendants pour parler d’un projet de loi d’initiative parlementaire qui a été adopté par la Chambre n’exerce pas de pressions sur leur vote? Combien de sénateurs avez-vous appelés?
M. Guilbeault : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, il y a un monde de différence entre le fait de parler à quelqu’un et celui de faire pression sur lui ou de lui forcer la main pour qu’il fasse quelque chose ou qu’il vote d’une certaine manière. Vous m’avez demandé sur combien de sénateurs j’ai fait pression ou à combien d’entre eux j’ai forcé la main, et la réponse est aucun.
Le sénateur Plett : Nous vérifierons le hansard.
Les subventions pour la fabrication de batteries de véhicules électriques
L’honorable Elizabeth Marshall : Monsieur le ministre, selon le rapport qu’il a publié la semaine dernière, le directeur parlementaire du budget estime que les subventions gouvernementales offertes à trois fabricants de batteries, Northvolt, Volkswagen et Stellantis, pourraient s’élever à 43,6 milliards de dollars. C’est 5,8 milliards de plus que le montant annoncé par le gouvernement. Par ailleurs, il est important de souligner que ces projets n’ont pas vraiment démarré encore.
Selon le directeur parlementaire du budget, environ 60 % de ce coût sera assumé par le gouvernement fédéral. Monsieur le ministre, le gouvernement a-t-il révisé ses prévisions financières en tenant compte des estimations du directeur parlementaire du budget? Sinon, pouvez-vous nous dire pourquoi?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Évidemment, le directeur parlementaire du budget fait un travail très important, et le gouvernement est en train d’analyser le rapport de la semaine dernière. Bien entendu, le ministre responsable, soit le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, fournira une réponse dans un proche avenir.
La sénatrice Marshall : Merci. Monsieur le ministre, je trouve votre gouvernement très cachottier lorsqu’il s’agit de fournir aux contribuables et aux parlementaires des renseignements sur les dépenses gouvernementales. J’ai soulevé la question auprès du sénateur Gold à maintes reprises. Le coût et les avantages de ces accords, notamment en ce qui concerne les emplois, suscitent de nombreuses interrogations. Il est tout simplement impossible de trouver ces renseignements dans les documents du gouvernement, y compris les documents financiers.
Puisque votre gouvernement prétend prôner la reddition de comptes et la transparence, allez-vous publier les contrats, afin que nous puissions juger par nous-mêmes si l’important montant payé est justifié?
M. Guilbeault : J’aimerais dire deux choses, sénatrice. Premièrement, vous avez peut-être vu les données publiées la semaine dernière, qui montrent que le Canada se classe maintenant au troisième rang mondial en ce qui concerne l’investissement direct étranger. Selon moi, cela indique clairement que les investisseurs étrangers voient d’un œil favorable le cadre mis en place par le Canada pour attirer les investisseurs, qui nous aideront à bâtir l’économie et à créer des emplois au Canada au XXIe siècle.
Pour ce qui est du contrat, je donnerai volontiers une réponse à votre bureau. Je consulterai le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie afin de répondre précisément à votre question.
[Français]
Les cibles du Canada en matière de réduction des émissions
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur le ministre Guilbeault.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement vient de publier son plus récent rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions. Ce rapport mesure et compare la performance des États dans l’atteinte de leurs objectifs climatiques. Donc, pour la Chine, l’écart est de 2 %; pour la moyenne du G20, le retard est de 4 %; pour l’Europe, il y a 9 % de retard; pour les États-Unis, le deuxième pays le plus en retard, l’écart est de 19 %.
Or, pour le Canada, l’écart est de 27 %. Nous avons donc le plus grand écart du monde entre nos actions et nos cibles, entre ce que nous disons, ce que nous allons faire et ce que nos politiques annoncent réellement. Je sais que vous êtes préoccupé par ces enjeux. Que prévoit votre gouvernement pour inverser la tendance et éviter que le Canada demeure le dernier au monde en matière d’écarts entre ses engagements et ses mesures climatiques?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : C’est une excellente question. Vous savez, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2015, les projections indiquaient que le Canada allait dépasser les cibles de 2005 à l’horizon 2030 d’au moins 12 %. Les derniers inventaires montrent que nous sommes 7 % sous les niveaux de 2005. Or, on n’a pas juste réduit les émissions de gaz à effet de serre dans les huit dernières années de 7 % sous les niveaux de 2005; nous avons aussi éliminé ce surplus vers lequel nous nous dirigions, en plus de réduire les émissions de 7 %.
Dans la dernière année, en tant que ministre de l’Environnement, j’ai annoncé une norme sur les combustibles propres, soit un projet de règlement sur la loi zéro émission. Nous sommes le premier pays du G20 à avoir éliminé les subventions aux combustibles fossiles deux ans plus tôt que l’échéance prévue de 2025. Nous avons présenté un nouveau règlement pour un réseau d’électricité carboneutre d’ici 2035. Un nouveau règlement sur les émissions de méthane pour les secteurs du pétrole et du gaz sera annoncé d’ici la fin de l’année ainsi que le plafond sur les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du pétrole et du gaz.
Je suis le premier à convenir que le Canada est en mode de rattrapage, parce que pendant dix ans sous les conservateurs, il ne s’est rien fait au Canada en matière de lutte aux changements climatiques. En fait, si l’on avait fait du sur-place, ce serait probablement du progrès, mais on a reculé en matière de lutte aux changements climatiques. Il est donc vrai que nous sommes encore en rattrapage. Le plan que j’ai déposé l’an passé montre que nous sommes à 75 % de l’atteinte de nos objectifs de 2030. Il reste encore du travail à faire et il faut accélérer ce travail-là.
La sénatrice Miville-Dechêne : Il y a un écart. Selon le rapport du commissaire à l’environnement, « le travail d’identification et de hiérarchisation des mesures les plus importantes pour la réduction des émissions » de gaz à effet de serre n’a pas encore été fait, tandis que d’autres mesures plus contraignantes pour l’industrie pétrolière sont repoussées dans le temps. Par ailleurs, le gouvernement du Canada continue de financer les projets pétroliers et gaziers comme Bay du Nord.
Pourquoi le gouvernement se ferme-t-il les yeux face à l’industrie pétrolière et pourquoi n’agit-il pas en amont? Il s’agirait en fait d’un premier pas vers l’atteinte de cibles à court terme et à moyen terme, donc pour l’industrie pétrolière qui, effectivement, est un gros pollueur.
(1430)
M. Guilbeault : Je ne partage pas votre point de vue, madame la sénatrice, en particulier quant au retard des mesures concernant le secteur du pétrole et du gaz, car la tarification carbone s’applique dans ce secteur. L’élimination des subventions aux combustibles fossiles touche précisément le secteur du pétrole et du gaz.
Nous avons déjà mis en place un règlement sur la réduction du méthane, un gaz à effet de serre très puissant, particulièrement dans le secteur du pétrole et du gaz, qui doit réduire ses émissions d’au moins 40 % d’ici 2025. Le premier ministre a annoncé qu’on allait relever ce règlement pour l’amener à au moins 75 % de réduction d’ici 2030, ce qui en fait l’un des objectifs les plus ambitieux du monde.
Nous sommes le quatrième plus grand producteur de pétrole et de gaz sur la planète. Le seul élément précis du secteur du pétrole et du gaz qui n’a pas été mis de l’avant — ça fait juste deux ans que je suis ministre de l’Environnement — est celui traitant du plafond des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons annoncé que le cadre serait présenté d’ici la fin de l’année.
Merci.
L’électricité abordable
L’honorable Tony Loffreda : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous.
[Traduction]
Dans l’énoncé économique de l’automne présenté hier, on peut lire une citation dans laquelle Électricité Canada soutient les engagements pris par votre gouvernement en faveur d’un avenir à faibles émissions de carbone et affirme qu’ils rendront l’électricité plus abordable.
Étant donné l’ampleur de la tâche à accomplir et les milliards de dollars requis, comment le gouvernement fédéral peut-il garantir que les Canadiens continueront d’avoir accès à des tarifs abordables tandis que nous développerons le réseau et que nous le rendrons plus propre?
Le réseau électrique du Canada est l’un des plus propres de la planète. Nous bénéficions d’une alimentation électrique fiable et de tarifs concurrentiels. Nous savons toutefois qu’il faudra développer considérablement le réseau pour répondre à la future demande d’électricité propre et aux besoins liés à la transmission. C’est particulièrement important si nous voulons atteindre l’objectif prévu, c’est-à-dire que 90 % de l’électricité du Canada provienne de sources non émettrices d’ici 2030.
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.
Vous avez tout à fait raison : notre réseau est l’un des plus propres de la planète. C’est ainsi que nous avons réussi à attirer des entreprises comme Stellantis et Volkswagen, entre autres. Elles l’ont déclaré publiquement : c’est notamment pour notre réseau électrique propre qu’elles ont décidé de venir au Canada. Il s’agit décidément d’un avantage concurrentiel que nous tenons à conserver.
Le monde entier est en mode décarbonation, le secteur mondial de l’électricité aussi. L’ébauche de réglementation que j’ai présentée, qui vise à rendre le réseau électrique propre — c’est‑à‑dire carboneutre — d’ici 2035 ressemble beaucoup à ce qui a été présenté aux États-Unis par l’Environmental Protection Agency.
Ce que nous tâchons d’accomplir n’est pas une mince affaire, mais nous y travaillons depuis 40 ans. Au cours des trois dernières décennies, nous avons doublé la taille de notre réseau et réduit les émissions d’environ 40 %.
Il faut continuer sur la même voie et accélérer légèrement la cadence afin d’atteindre l’objectif visé un peu plus tôt que prévu. Nous avons des conversations fructueuses à ce sujet avec la plupart des provinces et des territoires, de nombreuses entreprises, des opérateurs de systèmes et des services d’utilité publique — tant publics que privés — pour nous assurer que nous pourrons atteindre l’objectif.
Le sénateur Loffreda : Comme on l’a annoncé dans le budget de 2023 et réitéré hier dans l’énoncé économique de l’automne, d’ici la fin de l’année, le gouvernement présentera un plan concret pour améliorer davantage l’efficacité des processus de délivrance de permis et d’évaluation d’impact pour les grands projets. Croyez‑vous que ce plan sera annoncé d’ici un mois? Quelle sera l’influence des travaux du Groupe de travail ministériel chargé de l’efficacité réglementaire des projets de croissance propre sur ce plan? Nous savons que le gouvernement est déterminé à ce que les grands projets propres aillent de l’avant avec rapidité et efficacité.
M. Guilbeault : Merci, monsieur le sénateur. C’est une question importante.
Ce que nous essayons de faire, comme dans bien des cas, c’est de trouver le juste équilibre. Nous voulons être en mesure d’approuver les projets le plus rapidement possible tout en faisant participer véritablement les collectivités locales et les nations autochtones.
Si nous tentons d’approuver les projets trop rapidement, nous pourrions nous retrouver dans une situation où les populations locales ou les nations autochtones auraient l’impression que nous essayons de leur imposer quelque chose. Ce n’est certainement pas ce que nous ou le secteur privé souhaitons.
Cela dit, nous croyons que nous pouvons trouver des gains d’efficacité dans le processus d’approbation et de délivrance de permis, tout en faisant les choses d’une manière qui nous permettra encore de véritablement consulter les collectivités et les nations autochtones locales.
Le soutien aux agriculteurs et aux producteurs
L’honorable Robert Black : Monsieur le ministre, l’agriculture a un énorme potentiel économique. Cependant, ce secteur a besoin du soutien du gouvernement et d’investissements qui sont proportionnels à la hausse du prix des intrants, des salaires des travailleurs, des coûts des terrains et du transport, sans oublier les taux d’intérêt qui ne cessent d’augmenter.
Pourtant, les agriculteurs ont été parmi les premiers à adopter les nouvelles technologies et ils recherchent toujours des moyens pour déployer encore plus d’efforts en vue d’améliorer la durabilité.
Votre gouvernement a mis en place des programmes pour aider les agriculteurs à adopter de nouvelles technologies, par exemple le Fonds d’incitation à l’action pour le climat, un programme qui a été très bien reçu. L’industrie agricole a tellement aimé ce programme que ce dernier n’a pas suffi à la demande. La période d’inscription est terminée depuis 2019.
Monsieur le ministre, c’est votre ministère qui avait lancé ce programme. Ce type de financement n’est pas offert par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Alors, pouvez-vous informer les sénateurs à propos des autres programmes gouvernementaux qui sont accessibles par l’entremise de votre ministère pour aider les agriculteurs? Comment votre ministère aidera-t-il les agriculteurs à continuer de faire la transition vers des pratiques plus propres et plus vertes?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, sénateur.
Au cours des deux dernières années, le gouvernement a investi 1,5 milliard de dollars dans des programmes de soutien aux agriculteurs afin de les aider à réduire leurs émissions tout en faisant croître leurs opérations agricoles. Cela comprend, par exemple, 50 millions de dollars pour aider les agriculteurs à acheter de nouveaux appareils de séchage du grain plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Plus de 128 projets de séchoir à grains ont été approuvés.
Cela comprend aussi un investissement de 495 millions de dollars dans les domaines de la recherche, du développement et de l’adoption de technologies propres. Le plus récent investissement, et non le moindre, s’élève à 670 millions de dollars. Il a pour but d’appuyer l’adoption de pratiques axées sur la réduction des gaz à effet de serre dans les exploitations agricoles.
Je suis d’accord avec vous. Nous devons continuer à soutenir les agriculteurs canadiens dans cette transition vers un avenir à faibles émissions de carbone. Leur rôle est si essentiel dans notre société. Nous serons là pour continuer de les appuyer.
Le sénateur Black : Monsieur le ministre, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, de 1997 à 2017, l’intensité des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole a diminué de 50 %, ce qui signifie que les émissions sont demeurées statiques, alors que le secteur produit deux fois plus d’aliments.
Ces améliorations environnementales et économiques ont été apportées par les agriculteurs sans qu’il y ait de tarification du carbone. Des agriculteurs de partout au pays ont fait savoir aux parlementaires qu’en raison de la taxe sur le carbone, ils n’ont pas les capitaux nécessaires pour continuer à faire des investissements écologiques.
La Chambre est saisie du projet de loi C-234, qui libérerait des capitaux que les agriculteurs pourraient réinvestir afin de continuer à intensifier leurs activités de façon durable. Monsieur le ministre, allez-vous soutenir nos agriculteurs et les aider à obtenir un allégement de la taxe sur le carbone afin qu’ils puissent continuer d’investir dans l’innovation?
M. Guilbeault : Vous savez probablement, monsieur le sénateur, que nous avons déjà exclu 97 % des carburants servant de l’équipement agricole qui nécessite des combustibles fossiles. Nous avons pris cette mesure dès le début, lorsque nous avons instauré la tarification du carbone. Nous avons déjà reconnu qu’il y a des activités dans le secteur agricole pour lesquelles il n’y a pas d’autres solutions que l’utilisation d’équipement fonctionnant aux combustibles fossiles.
Nous mettons un prix sur la pollution dans le secteur agricole là où il existe des solutions de rechange. Nous aidons les agriculteurs à adopter ces solutions de rechange.
La conservation des parcs nationaux
L’honorable Brian Francis : Monsieur Guilbeault, l’une des priorités de votre plus récente lettre de mandat, qui a été publiée en décembre 2021, était de créer 10 nouveaux parcs nationaux d’ici 2026 et de conclure des accords de gestion commune avec les communautés autochtones.
Je crois comprendre que la création de la réserve de parc national proposée à l’île Hog, à l’Île-du-Prince-Édouard, est la première étape pour respecter cet engagement, ainsi que les suivants. Cet endroit sacré revêt une importance historique, culturelle et environnementale. Bien que tous les travaux nécessaires aient été effectués, aucun progrès n’a été réalisé depuis plus d’un an pour préserver cet endroit.
Au nom des Epekwitkewaqs, des Mi’kmaqs et des habitants de l’Île-du-Prince-Édouard, je demande ceci : quand le gouvernement du Canada prévoit-il créer et financer la réserve de parc national sur l’île Hog, à l’Île-du-Prince-Édouard?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.
En fait, nous avons eu une discussion très fructueuse pour faire avancer ce projet. Comme vous l’avez souligné à juste titre, ce parc fait partie d’un certain nombre de nouveaux parcs urbains nationaux que nous sommes en train de créer. Il nous reste à mobiliser des fonds pour que ce projet, ainsi qu’un certain nombre d’autres projets, puisse se concrétiser.
Je tiens toutefois à souligner qu’au cours du dernier mois seulement nous avons annoncé la création de nouvelles aires protégées au Canada en collaboration avec des nations autochtones. Ces aires s’étendent sur plus de 1 million de kilomètres carrés, soit environ quatre fois la superficie du Royaume-Uni.
Nous allons de l’avant avec la création de nouvelles aires protégées et de nouveaux parcs, dont des parcs urbains nationaux, en collaboration avec des nations autochtones, notamment à l’Île‑du-Prince-Édouard, ainsi que dans l’ensemble du pays.
Le sénateur Francis : Je vous remercie de vos efforts, monsieur le ministre. J’espère avoir bientôt des nouvelles positives au sujet de ce projet particulier à l’Île-du-Prince-Édouard.
(1440)
M. Guilbeault : Moi aussi, monsieur le sénateur. Comme vous, j’envisage ce projet avec enthousiasme.
Les cibles du Canada en matière de réduction des émissions
L’honorable Denise Batters : Monsieur le ministre, le règlement sur l’électricité propre proposé par le gouvernement Trudeau coûtera à la Saskatchewan 40 milliards de dollars d’ici 2035, fera doubler les tarifs d’électricité pour les consommateurs de la province et entraînera des centaines de pertes d’emploi. Les députés libéraux sont les seuls que nous souhaitons voir se retrouver sans emploi; d’ailleurs, la Saskatchewan y a déjà vu. Après huit années sous la direction du gouvernement Trudeau, le Canada n’a atteint aucune des cibles climatiques qu’il s’était fixées. Qui plus est, le commissaire à l’environnement vient de dire que le gouvernement n’atteindra vraisemblablement pas la cible qu’il s’est fixée pour 2030.
La Saskatchewan a élaboré un plan plus abordable et plus réaliste pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pourquoi le gouvernement Trudeau ne lui permet-il pas de le mettre en œuvre?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Madame la sénatrice, je suis en désaccord avec tout ce que vous venez de dire. Premièrement, nous n’avons raté aucune de nos cibles. Nous avons fixé une cible pour 2030, et le commissaire à l’environnement n’a pas dit que nous ne l’atteindrions pas, madame la sénatrice. Il a plutôt dit qu’il faut faire vite pour l’atteindre et que nous devons accélérer le déploiement des mesures à cette fin. C’est précisément ce que nous avons dit. Il a dit que nous n’y sommes pas encore et j’ai affirmé publiquement au moins cent fois que le plan actuel ne nous permet pas d’y arriver. Il nous reste six ans pour déployer des mesures pour atteindre les cibles établies pour 2030. Soit dit en passant, nous avons également fixé des cibles intérimaires pour 2026 et nous sommes en bonne voie pour les atteindre.
En toute franchise, ce coût estimé de 40 milliards de dollars avancé par le gouvernement de la Saskatchewan ne repose sur aucune étude. La province n’a publié aucune étude pour appuyer cette estimation. D’ailleurs, la situation est la même pour l’augmentation des tarifs d’électricité en Saskatchewan. Votre collègue a mentionné plus tôt que l’Association canadienne de l’électricité souhaite collaborer avec nous pour que ce plan se concrétise. L’industrie y souscrit.
Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont déjà signé des accords avec nous pour déployer un réseau d’électricité propre dans leur province, et d’autres provinces se joignent à nous. Pour des raisons idéologiques, la Nouvelle-Écosse a décidé de ne pas participer à cette initiative, mais nous sommes toujours prêts à travailler avec elle.
La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, je vous aurais bien demandé pourquoi votre gouvernement fait cela à la Saskatchewan, mais la ministre du Développement économique rural, Gudie Hutchings, nous a déjà donné la réponse : nous n’élisons pas assez de libéraux. La Saskatchewan préfère maintenir leur nombre à zéro.
Le plan de règlement sur l’électricité propre du gouvernement Trudeau ressemble beaucoup à l’élection des libéraux : il coûte horriblement cher, il rate sa cible, et il n’offre aucun rendement net. La Saskatchewan peut s’attaquer au problème des émissions d’une manière permettant de fournir une énergie fiable, durable et abordable pour notre population. Pourquoi pensez-vous qu’Ottawa a toujours raison?
M. Guilbeault : Comme je l’ai dit, nous avons déjà conclu des accords avec des entreprises et des provinces sur l’électricité propre. S’il existe un plan en Saskatchewan pour parvenir à la carboneutralité d’ici 2050, je ne l’ai pas vu. Croyez-moi, j’ai cherché longtemps, et un tel plan n’existe pas.
[Français]
L’impact des changements climatiques
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le ministre, la saison estivale qui s’est terminée a été désastreuse pour les incendies de forêt. D’un océan à l’autre, des milliers de brasiers ont ravagé des millions d’hectares de boisé — en fait, il y a eu 6 650 feux au pays.
Pour la province de Québec seulement, on estime, selon les sources gouvernementales que j’ai consultées, que les coûts engendrés par les feux de forêt se situeraient entre 3 et 4 milliards de dollars.
Quelle sera la contribution de votre gouvernement pour soutenir les provinces qui sont aux prises avec cette catastrophe environnementale? De plus, allez-vous soutenir financièrement les provinces ou les aider dans le cadre du reboisement?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci pour la question, monsieur le sénateur. Je suis agréablement surpris de voir qu’un sénateur conservateur reconnaît l’impact des changements climatiques sur la société canadienne. Ce sont des feux de forêt inégalés dans l’histoire de notre pays.
Un fonds fédéral d’assistance en cas de catastrophe existe depuis 1970, et 75 % des déboursés de ce fonds ont été faits au cours des six dernières années. Il y a eu une augmentation importante des coûts liés aux catastrophes naturelles. Le gouvernement fédéral est en train d’évaluer l’impact des feux de forêt avec les provinces et les territoires, car il est clair que nous les aiderons à éponger une bonne partie des coûts provoqués par ces catastrophes.
Il y a déjà le programme 2 milliards d’arbres, dont l’objectif est de planter 2 milliards d’arbres d’ici 2030. Nous avons conclu des ententes avec plusieurs provinces et avec les territoires. Nous n’en avons pas encore avec le Québec, mais j’ai bon espoir que nous y arriverons bientôt.
Le sénateur Carignan : Toujours en ce qui concerne l’aide aux provinces, vous avez également annoncé un nouveau programme pour soutenir les Canadiens dans l’achat de thermopompes. Ce programme est financé à partir de quel budget, monsieur le ministre? Est-ce qu’il ampute le programme pour des maisons plus vertes, qui sert à soutenir les initiatives du gouvernement du Québec, notamment Rénoclimat? Est-ce que ces programmes provinciaux seront en péril à cause du nouveau programme que vous avez annoncé? Va-t-on prendre à l’un pour donner à l’autre?
M. Guilbeault : Non, pas du tout; ce sont des programmes qui sont pilotés par le ministère des Ressources naturelles du Canada et qui sont donc sous la gouverne de mon collègue le ministre Wilkinson.
Il y a deux programmes au ministère des Ressources naturelles, soit le programme dont vous parliez pour les rénovations écoénergétiques, qui prévoit jusqu’à 5 000 $ pour l’installation d’une thermopompe, et un autre programme réservé spécifiquement aux thermopompes. C’est ce programme que nous avons bonifié, mais on n’a pas amputé le programme pour les rénovations écoénergétiques pour bonifier le programme sur les thermopompes. D’ailleurs, ce programme est très populaire au Québec.
[Traduction]
Le plan climatique
L’honorable Mary Coyle : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui. Ce matin, le nouveau négociateur en chef du Canada pour le dossier des changements climatiques, Michael Bonser, s’est entretenu avec le groupe des sénateurs pour des solutions climatiques. Il nous a rappelé que le dernier bilan mondial indique que le Canada et le reste du monde ne respectent pas les engagements qui ont été pris dans le cadre de l’Accord de Paris. Il est clair qu’il faudra absolument faire preuve d’une plus grande ambition et se doter de plans viables pour y parvenir.
Monsieur le ministre, à l’approche de la COP 28, qui aura lieu à Dubaï la semaine prochaine, pouvez-vous nous dire quelles sont les principales priorités du Canada, ou les objectifs qu’il doit absolument atteindre, ainsi que les plus grands obstacles auxquels vous vous attendez à faire face dans le cadre de cette conférence?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, sénatrice. Comme M. Bonser vous l’a peut-être expliqué, le président de la COP 28 a demandé au Canada de coanimer cette conférence. Le Canada compte parmi les huit pays qui ont été invités à le faire, sur un total de 194. À 6 h, ce matin, j’ai eu avec le président de la COP 28 un entretien téléphonique auquel participaient des ministres d’autres pays, afin de commencer à réfléchir aux engagements que nous devons absolument obtenir à l’issue de la COP 28, qui aura lieu à Dubaï.
Nous devons prendre des engagements plus ambitieux afin d’atténuer les effets des changements climatiques. Nous devons trouver le moyen de poursuivre nos efforts et d’accélérer la réduction des émissions dans le monde. Nous devons aider davantage les pays du Sud à s’adapter aux changements climatiques. Bon nombre de ces pays sont en première ligne face aux changements climatiques et en subissent déjà les effets.
Il faut aussi soutenir le financement. Vous avez peut-être entendu récemment aux nouvelles que, sous la supervision de l’Allemagne et du Canada, des travaux sont en cours depuis trois ans pour s’assurer que les pays en développement atteignent l’objectif de 100 milliards de dollars que nous avions établi à Copenhague en 2009. Selon l’OCDE, cet objectif a été atteint. Nous l’avons atteint l’année dernière et nous l’avons atteint cette année. Nous étions censés l’atteindre en 2020. Il s’agit d’un des éléments capitaux des négociations en vue de la COP 28. D’ailleurs, le président de la COP 28, le sultan al-Jaber, a salué cette réussite internationale. Ce sont certains des enjeux auxquels nous devrons nous attaquer.
La sénatrice Coyle : Vous n’avez pas parlé des obstacles.
Dans le cadre de la COP 28, vous serez en compagnie de représentants de grands pays émetteurs comme la Chine et l’Inde, des pays qui pèsent lourd dans l’équation climatique et dont les relations avec le Canada se sont détériorées. Pouvez-vous nous parler de l’importance de la diplomatie en matière de climat et de l’approche que le Canada entend adopter dans un tel contexte?
M. Guilbeault : Merci. Je pense que l’aspect environnemental est partie intégrante de la diplomatie canadienne. D’ailleurs, les Nations unies nous ont demandé, l’année dernière, d’organiser la COP 15, et nous l’avons fait en étroite collaboration avec la Chine, malgré l’existence de certaines tensions entre les deux pays. Nous avons tout de même réussi à conclure une entente considérée comme étant historique par plusieurs pour la protection de la nature et c’est pour cette raison que je me suis rendu en Chine l’été dernier pour poursuivre cette collaboration.
La Chine est aujourd’hui le plus grand émetteur de gaz à effet de serre de la planète. Nous ne pouvons faire abstraction d’un pays comme la Chine, pas plus que de l’Inde. Nous devons trouver des façons de travailler avec eux et des solutions et c’est exactement ce que nous faisons.
[Français]
La taxe sur le carbone
L’honorable Rosa Galvez : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. J’aimerais continuer à parler du prix du carbone et des exemptions accordées. Certaines exemptions existent depuis la conception de la taxe sur le carbone, notamment pour les agriculteurs et pour les producteurs de pétrole.
Pouvez-vous expliquer le raisonnement derrière ces exemptions accordées à l’origine, notamment sur certains combustibles en agriculture ou même sur la production de pétrole? Quel pourcentage des émissions liées à la production de pétrole et de gaz est-il soumis à la taxe sur le carbone?
(1450)
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Comme je le disais tantôt à votre collègue, nous avons regardé quelles étaient les applications en matière d’agriculture. Il existait des solutions de rechange dans le secteur agricole. Nous avons regardé quelles étaient les applications où il n’existait pas d’alternative.
L’objectif de la tarification du carbone est d’amener des comportements différents dans le secteur industriel et sur le plan individuel. Dans le secteur agricole, nous nous sommes rendu compte que certaines applications n’ont pas de solution de rechange. Nous n’avons donc pas appliqué la tarification du carbone dans ces cas.
Dans le cas du séchage du grain, par exemple, il existe des solutions de rechange que nous appuyons auprès des agriculteurs. Nous avons appliqué la tarification du carbone et nous avons mis en place des programmes pour appuyer la transition dans ce secteur.
[Traduction]
La sénatrice Galvez : En ce qui concerne spécifiquement les agriculteurs, il existe déjà, dans le monde, des technologies qui permettent de ne plus dépendre de combustibles fossiles pour le séchage du grain. Combien de temps faudra-t-il pour mettre en œuvre ces solutions au Canada? Faudra-t-il huit ans? Merci.
M. Guilbeault : Je n’ai pas d’échéancier à vous présenter, mais comme je l’ai dit à votre collègue plus tôt, 128 projets de séchoirs à grains ont déjà été approuvés et sont soutenus par le gouvernement fédéral. Je ne connais pas le nombre total, mais nous pourrons transmettre ce renseignement à votre bureau.
La conservation des parcs nationaux
L’honorable Dennis Glen Patterson : Sept des plus grands parcs nationaux du Canada se trouvent dans le Nord, ce que je trouve disproportionné. Par ailleurs, la Northern Coalition Corporation, un organisme sans but lucratif constitué en vertu d’une loi fédérale qui représente des sociétés appartenant à des Autochtones du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut et du Sud du Labrador, a affirmé ce qui suit dans le mémoire qu’elle a présenté à un comité de la Chambre des communes en décembre 2017 :
[…] les régions de l’Arctique de l’Est et de la mer du Labrador — qui sont adjacentes aux zones où les membres de la Northern Coalition mènent leurs opérations — devraient contribuer à bien plus de 50 % de l’engagement du Canada à protéger 10 % de son milieu marin d’ici 2020 […]
Ma question est la suivante, monsieur le ministre : à titre de ministre de l’Environnement et du Changement climatique ainsi que de ministre responsable de Parcs Canada, comment votre ministère et vous parvenez-vous à concilier votre volonté d’atteindre les cibles en matière de biodiversité et de conservation avec la nécessité de stimuler et de soutenir des économies fortes dans le Nord?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je vous remercie de votre question.
Je tiens tout d’abord à dire qu’aucun nouveau projet de conservation n’est réalisé sur des terres autochtones ou inuites sans le consentement et la pleine participation des peuples concernés. Les accords dont j’ai parlé plus tôt concernant le Nunavut ou les Territoires du Nord-Ouest, ou l’accord entre le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Colombie-Britannique et les nations autochtones de cette province, montrent clairement que c’est la seule façon d’accomplir des progrès en matière de conservation, dans le Nord ou n’importe où au pays.
Nous étudions différents modèles. Par exemple, de nombreux modèles de conservation autorisent le déroulement d’un certain nombre d’activités, y compris certaines activités industrielles, de l’écotourisme et de la pêche. C’est quelque chose que nous avons développé conjointement avec — et cela pourrait vous intéresser — les Inuits dans le Nord. Par exemple, nous nous sommes entendus avec l’Association inuite du Qikiqtani sur la création d’une très vaste aire protégée, mais il s’agit d’un véritable partenariat avec les Inuits.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie de cette réponse. En effet, monsieur le ministre, je suis au courant de cet accord, mais deux premiers ministres différents ont demandé au Canada de ralentir l’établissement de nouvelles aires protégées au Nunavut jusqu’au transfert des responsabilités. Le 8 novembre dernier, le ministre de l’Environnement du Nunavut, Daniel Qavvik, a déclaré que le caribou de la toundra ne devrait pas être désigné espèce menacée en vertu de la Loi sur les espèces en péril et a demandé au gouvernement fédéral d’intervenir.
Vous parlez de collaboration avec les partenaires autochtones, mais j’aimerais savoir de quelle façon le gouvernement et vous collaborez avec le gouvernement du Nunavut, qui est dirigé par des Inuits, pour vous assurer que vous êtes sur la même longueur d’onde lorsqu’il s’agit de trouver un juste équilibre entre la protection de l’environnement et le développement économique?
M. Guilbeault : Je vous remercie de la question. J’ai rencontré le ministre Qavvik avant-hier, et j’ai rencontré le premier ministre du Nunavut en mars lorsque je suis allé au Nunavut.
Nous n’avons pas l’intention d’imposer de nouveaux projets à une administration publique. Cela doit se faire en partenariat. En ce qui concerne le projet de l’Association inuite du Qikiqtani, le gouvernement du Nunavut n’est pas signataire de l’accord, mais les Territoires du Nord-Ouest le sont, et même s’il n’a pas signé, nous savons qu’il appuie le projet.
Bref, il est important pour nous de travailler en collaboration à l’égard de tels projets.
[Français]
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
L’honorable Pierre J. Dalphond : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre.
Nous avons devant nous le projet de loi C-234 qui prévoit d’accorder des exemptions au chauffage des bâtiments agricoles pour un minimum de huit ans. D’un côté, nous avons le gouvernement qui a annoncé, il y a quelques semaines, des exemptions, pour une période de trois ans, aux familles qui utilisent le chauffage au mazout. De l’autre côté, nous avons une Chambre des communes qui a refusé d’étendre l’exemption du chauffage des résidences où des enfants vivent, de façon générale.
Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas que le retour du projet de loi C-234 à la Chambre des communes permettrait aux élus de mettre un peu d’ordre dans ce projet de loi et d’avoir une pensée cohérente en matière d’exemptions?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Ce n’est pas à moi, en tant que membre de la Chambre des communes, de dire au Sénat comment agir et comment voter. Le Parti conservateur le fait avec les sénateurs conservateurs, mais ce n’est pas notre cas.
Vous avez toute la liberté de décider ce que vous voulez faire du projet de loi C-234. C’est un fait bien connu que mon parti et moi‑même sommes opposés à ce projet de loi à la Chambre des communes.
Dans le cas du chauffage au mazout, ce qui a été annoncé il y a quelques semaines — et on peut faire le même parallèle avec les applications en agriculture, nous n’avons pas appliqué la tarification du carbone, parce qu’il n’y avait pas de solutions de rechange. Nous nous sommes rendu compte que les familles qui utilisent encore le chauffage au mazout n’ont pas les moyens de faire la transition vers les thermopompes, et ce, malgré les programmes que nous avions mis en place. Ces familles ne pouvaient pas payer la différence de coûts.
C’est la raison pour laquelle nous avons conclu un accord avec trois provinces pour rendre les thermopompes gratuites pour cette partie de la population. Je pense que le premier ministre a été très clair, à savoir qu’il n’y aura pas d’autres exemptions à la tarification du carbone.
Le sénateur Dalphond : Si le projet de loi retournait à la Chambre des communes, est-ce que le gouvernement s’engagerait à travailler avec les partis de l’opposition pour trouver des solutions qui répondent plus adéquatement aux besoins des agriculteurs et qui s’inscrivent dans une politique cohérente en matière de tarification du carbone?
M. Guilbeault : Bien sûr.
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre.
La semaine dernière, vous avez affirmé ce qui suit au sujet du projet de loi C-234 :
[...] nous avons déjà exclu 97 % des carburants utilisés dans les exploitations agricoles. En effet, lorsque nous avons mis en place la tarification du carbone au Canada, le prix de la pollution, nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait pas d’alternative [...]
Ainsi, le prix de la pollution dans le secteur agricole ne s’applique qu’à 3 % des carburants utilisés, là où des technologies de rechange sont disponibles.
Les agriculteurs ont été très surpris de cette déclaration, parce que ces 3 % ne semblent pas avoir de base scientifique et même si c’était exact, pour les producteurs agricoles qui utilisent le propane pour chauffer leurs bâtiments, la taxe sur le carbone s’applique à 100 %.
Les témoignages entendus au sujet du projet de loi C-234 ont tous abondé dans le même sens. Il n’y a pas d’alternative abordable au propane et au gaz naturel, ni pour l’essence ou le diesel.
D’où vient ce chiffre de 3 %? Quelles sont les solutions de rechange abordables que vous connaissez, mais que les producteurs et les scientifiques ne connaissent pas?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je ne partage pas la façon dont vous caractérisez cette question. Ce que vous avez cité au début, je l’ai répété ici tantôt. Il n’y a donc pas de surprise. Je serais très heureux de faire parvenir l’information sur laquelle nous nous sommes appuyés lorsque nous avons créé la tarification du carbone et son application particulière au secteur agricole.
J’ai énuméré une série de mesures plus tôt, que nous avons mises en place, soit plus de 1,5 milliard de dollars pour appuyer le secteur agricole dans la transition vers une économie sobre en carbone, et nous allons continuer de travailler avec ce secteur pour l’aider à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Boisvenu : Lorsqu’on donne un pourcentage comme ce 3 %, on devrait savoir d’où provient ce chiffre.
Vous avez également dit qu’un montant de 500 millions de dollars était disponible pour la conversion des séchoirs à grains.
Le 16 juin 2021, votre collègue Marie-Claude Bibeau, qui a été ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, avait annoncé un programme de 50 millions de dollars pour les séchoirs à grains. C’est toute une différence.
Avez-vous mis un zéro de trop dans le montant visant à financer la transition pour les séchoirs à grains? On parle quand même de 10 fois moins d’argent.
Monsieur le ministre, qui dit la vérité aux agriculteurs, vous ou votre collègue Mme Bibeau?
(1500)
M. Guilbeault : Vous savez que nous sommes en 2023. Il y a quand même deux ans que Mme Bibeau a fait cette déclaration. J’ai énuméré plus tôt une série de mesures. Je l’ai fait en anglais, je peux le faire en français : 495 millions de dollars pour la recherche, le développement et l’adoption de technologies propres dans le secteur agricole; 12 millions de dollars pour la réduction des émissions de méthane dans le secteur bovin; 670 millions de dollars pour soutenir l’adoption de la réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans les fermes.
Ce sont certaines des mesures, et non l’ensemble des mesures que nous avons mises en place pour aider les fermiers à réduire l’impact des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur.
[Traduction]
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, vous avez dit à plusieurs reprises qu’il n’y aurait aucune autre exception ou exemption de la taxe sur le carbone tant que vous seriez ministre de l’Environnement. La majorité des Canadiens — ainsi que la majorité des premiers ministres des provinces — sont en faveur de l’exemption prévue dans le projet de loi C-234.
Monsieur le ministre, respecterez-vous votre promesse de démissionner si le projet de loi C-234 est adopté dans sa forme initiale? N’est-ce pas parce que vous avez menacé de démissionner si la mesure législative était adoptée que vous faites appel à des sénateurs pour qu’ils rejettent le projet de loi? Votre travail est-il plus important à vos yeux que le gagne-pain des agriculteurs canadiens et que la possibilité d’offrir des aliments à prix abordables aux familles d’ici?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Votre question en renferme plusieurs autres, monsieur le sénateur.
Je n’ai pas dit que je démissionnerais. Le premier ministre du Canada a aussi dit qu’il n’y aurait pas d’autre exemption à la tarification du carbone dans notre pays.
En fait, lors des deux dernières élections fédérales, en 2019 et en 2021, les Canadiens ont eu l’occasion d’exprimer leur volonté. Ils ont choisi de soutenir la tarification du carbone les deux fois.
Le sénateur Plett : En fait, lors de ces deux élections, les conservateurs ont obtenu beaucoup plus de voix que les libéraux, ce qui ne me rassure pas vraiment. Vous avez obtenu un gouvernement minoritaire la dernière fois, monsieur le ministre. Vous devez vraiment prendre les Canadiens pour des imbéciles, monsieur le ministre, sur cette question et sur bien d’autres.
Vous avez fait une promesse claire : plus d’exceptions tant que vous serez ministre de l’Environnement, et c’est pourquoi vous cherchez désespérément à éviter que le projet de loi C-234 ne devienne une loi.
Lors d’une récente entrevue, vous avez dit : « Je suis convaincu qu’il n’y aura plus d’exceptions à la tarification du carbone. »
Vous dites ensuite que vous n’imposez pas une ligne de parti. Pourquoi diriez-vous cela si vous ne saviez pas déjà comment les sénateurs allaient voter sur ce projet de loi?
M. Guilbeault : Je voudrais souligner, monsieur le sénateur, qu’en 2019 ou en 2021, la majorité des députés qui ont été élus à la Chambre des communes appartenaient à des partis qui croient aux changements climatiques, un enjeu sur lequel le Parti conservateur du Canada n’a même pas de position officielle.
Le sénateur Plett : Répondez à la question.
M. Guilbeault : Vous avez parlé des élections, monsieur le sénateur, et je réponds à votre question sur les élections.
La majorité des partis représentés à la Chambre des communes et la majorité des députés estiment que nous devons lutter contre les changements climatiques et ils sont favorables à la tarification de la pollution.
[Français]
Les iniquités et les disparités systémiques
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Bonjour, monsieur le ministre. Votre lettre de mandat stipule que vous devez vous attaquer aux inégalités et aux disparités systémiques. Pourriez-vous partager avec nous la façon dont, concrètement, nos politiques environnementales améliorent la qualité de vie des personnes vulnérabilisées?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, madame la sénatrice. Tout à l’heure, l’exemple des thermopompes que je donnais montrait clairement que nous nous sommes rendu compte que ce n’était que les gens qui utilisent le chauffage au mazout, que ce soit au Québec — où d’ailleurs, il y a plus de gens qui utilisent le chauffage au mazout que dans l’ensemble des provinces atlantiques — qui, en raison de leurs moyens économiques, n’ont pas les moyens de faire la transition.
C’est pourquoi nous avons mis en place un programme où le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces qui y adhèrent, va payer 100 % de cette transition. Cela va permettre à une famille moyenne d’économiser près de 2 000 $ par année sur sa facture d’énergie en moyenne, au Canada. Il y a des variations régionales. C’est l’une des mesures que nous avons mises en place.
Nous le faisons également en ce qui concerne la question de l’adaptation aux changements climatiques, où il y a un effort concerté qui est déployé avec les provinces et les municipalités pour concentrer nos efforts dans les zones urbaines, où les populations sont plus défavorisées et plus à risque de subir les impacts des changements climatiques, par exemple les vagues de chaleur.
[Traduction]
La tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
L’honorable Yuen Pau Woo : Bonjour, monsieur le ministre.
Le gouvernement s’engage à examiner le régime de tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre en 2026. On veillera, entre autres, à ce que « [...] la rigueur en matière de tarification soit harmonisée dans tous les systèmes de tarification du carbone au Canada. »
Pouvez-vous nous dire ce que cela signifie et pourquoi c’est important?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, monsieur le sénateur.
Lorsque nous avons mis en place le régime de tarification du carbone au Canada, ce genre de régime existait déjà dans certaines provinces. C’était le cas de la Colombie-Britannique et du Québec. Elles étaient assurément des chefs de file de la tarification de la pollution en Amérique du Nord. Nous ne voulions pas imposer un régime fédéral à ces provinces. D’autres provinces avaient des initiatives. Même l’Alberta avait un régime de tarification pour les grands émetteurs.
Nous avons décidé d’offrir aux provinces et aux territoires du Canada la possibilité d’avoir leur propre système tout en fournissant un modèle fédéral afin d’harmoniser d’une certaine façon les efforts déployés dans les provinces et les territoires pour lutter contre les changements climatiques.
Nous avons fait un examen l’année dernière, et nous en ferons un autre en 2026 pour déterminer si cette harmonisation, ou ce modèle, si vous voulez, est encore en vigueur.
Le sénateur Woo : L’examen de 2026 va-t-il aussi traiter de la consommation de gaz naturel et de propane dans les exploitations agricoles, y compris les granges et les séchoirs à grain, et déterminer si des exemptions pourraient être nécessaires et, réciproquement, si de telles exemptions ont déjà été accordées au titre du projet de loi C-234, voir s’il y a lieu de reconsidérer ces exemptions à ce moment, dans trois ans?
M. Guilbeault : Selon moi, nous assistons à une adoption globale et rapide des technologies propres dans tous les secteurs.
Vous parlez de l’agriculture en particulier. Je vais vous donner un autre exemple, pour illustrer le rythme auquel les technologies sont adoptées.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, en 2020, il y a seulement trois ans, 1 voiture sur 25 vendue dans le monde était un véhicule électrique. En 2023, le ratio mondial est de 1 sur 5. Nous ne parlons pas de la Norvège ou de la Suède.
Dans tous les secteurs, y compris l’agriculture, la technologie est adoptée à une allure qui s’accélère. Je m’attends à ce que le secteur agricole utilise très peu de combustibles fossiles dans quelques années.
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
L’honorable Pamela Wallin : Monsieur le ministre, les gouvernements ont la responsabilité de légiférer dans leur champ de compétence, mais vous avez contrevenu à ce principe à deux reprises, d’abord avec le projet de loi C-69, le « projet de loi anti‑pipelines », et maintenant avec le projet de loi sur les plastiques soi‑disant toxiques à usage unique. La cour a reconnu que vous ne respectiez pas votre champ de compétence et que les données scientifiques étaient erronées, mais vous insistez et avez l’intention d’interjeter appel, ce qui coûtera très cher aux contribuables, afin de contester cette décision devant les tribunaux.
Ne devriez-vous pas d’abord faire vos devoirs avec plus de soins et cesser de vous chamailler avec les provinces devant les tribunaux et de faire payer la population pour vos erreurs?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, madame la sénatrice.
Vous semblez oublier qu’en ce qui concerne la tarification du carbone, nous avons eu gain de cause devant la Cour suprême du Canada il y a à peine deux ans.
En ce qui concerne la Loi sur l’évaluation d’impact, il ne s’agissait pas d’une décision de la Cour suprême, mais d’un avis. Cet avis indiquait qu’une partie de la Loi sur l’évaluation d’impact n’était pas constitutionnelle, mais il confirmait également que certaines parties de la loi l’étaient tout à fait.
En ce qui concerne la pollution par le plastique, je ne vais pas m’excuser de me battre pour protéger la santé des Canadiens. On trouve des substances plastiques dans nos cerveaux. On en trouve dans les fœtus. On en trouve dans les enfants. On observe la pollution par le plastique dans l’environnement, et je continuerai de me battre pour protéger la santé des Canadiens, et je ne m’en excuserai pas.
La sénatrice Wallin : J’ai une question complémentaire très simple sur un autre sujet qui a été soulevé par nombre de mes collègues ici aujourd’hui. Pourquoi exactement vous opposez-vous à l’idée d’accorder un petit allégement de la taxe sur le carbone aux agriculteurs et aux producteurs d’aliments?
Ce sont pourtant eux qui nous nourrissent et qui nourrissent le monde entier. Votre gouvernement a déjà mis en place des exclusions et des mesures d’aide pour d’autres gens dans le besoin. Comment se fait-il que vous teniez mordicus à dire aux agriculteurs et aux producteurs d’aliments : « Non, plus d’aide pour vous? »
(1510)
M. Guilbeault : Peut-être que 1,5 milliard de dollars, c’est de la petite monnaie pour vous...
La sénatrice Wallin : Non. Ce n’est pas ce que je vous ai demandé...
M. Guilbeault : ... mais je pense que pour la plupart des Canadiens, c’est beaucoup d’argent. C’est l’argent que nous avons fourni aux agriculteurs, et nous allons continuer de les soutenir.
L’honorable Andrew Cardozo : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. Merci d’être parmi nous aujourd’hui.
En ce qui concerne le fait que des ministres parlent aux sénateurs, à mon avis, tout le monde — et par là je veux dire tous les groupes de pression et tous les Canadiens — peut venir nous parler. Je ne vois donc pas pourquoi le gouvernement fédéral et les ministres ne pourraient pas nous parler. Au fur et à mesure de l’évolution du nouveau Sénat indépendant, je dirais que vous avez l’obligation d’améliorer la communication dans les deux sens avec nous.
En ce qui concerne le projet de loi C-234, pouvez-vous nous donner à nouveau certains des détails que vous avez mentionnés au sujet de l’exemption de 1,5 milliard de dollars existante?
M. Guilbeault : Merci, sénateur. Je crois que le pays se porte mieux maintenant qu’il y a des sénateurs indépendants au Sénat. Avoir des conversations, ce n’est vraiment pas comme tenter de faire pression sur les gens. En fait, des sénateurs viennent me voir pour discuter de dossiers qui leur tiennent à cœur. Je crois que c’est une très bonne chose pour le Canada.
Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons investi plus de 1,5 milliard de dollars afin de soutenir le secteur agricole. Je peux vous donner l’exemple de Barlow Farms, une exploitation familiale de cultures de rente qui existe depuis 180 ans à York. Elle a reçu plus de 170 000 $ dans le cadre du volet Adoption afin d’acheter et d’installer un nouveau séchoir à grains continu, ce qui lui permettra de réduire de 46 % le propane utilisé dans le processus de séchage. Voilà le genre d’aide que nous offrons aux agriculteurs partout au pays afin qu’ils puissent réduire leur empreinte carbone et leurs factures d’énergie.
Le sénateur Cardozo : La deuxième partie de ma question nous ramène à la raison pour laquelle nous nous préoccupons de l’empreinte carbone. Parfois, je pense que nous sommes rendus tellement loin dans la discussion sur l’environnement que nous oublions de rappeler aux gens pourquoi tout a commencé.
Qu’est-ce qui ne va pas avec le carbone? Pourquoi cela nous préoccupe-t-il? Toujours au sujet de la taxe sur le carbone, pourquoi nous imposez-vous une taxe si vous allez de toute façon nous rembourser l’argent?
M. Guilbeault : Si des représentants du Bureau d’assurance du Canada étaient ici, ils vous diraient que le coût des changements climatiques pour les Canadiens a augmenté de 400 % au cours des 40 dernières années. C’est un coût que tous les Canadiens doivent payer. En 2021 seulement, le secteur agricole canadien a subi des répercussions climatiques de 500 milliards de dollars.
Le but de notre système de tarification de la pollution est qu’il soit sans incidence sur les recettes, de sorte qu’il ne reste pas d’argent dans les coffres du gouvernement. Nous redonnons 90 % des recettes aux ménages, qui sont ensuite libres de décider quoi faire avec cet argent. Ils peuvent continuer à avoir les mêmes habitudes en ce qui concerne la consommation de combustibles fossiles, ou ils peuvent changer leurs habitudes et commencer à économiser de l’argent qu’ils pourront utiliser à d’autres fins plutôt que de continuer à payer pour les combustibles fossiles.
[Français]
Les déchets plastiques
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le ministre, je reviens sur la question de la pollution causée par le plastique. Vos initiatives dans le domaine sont désastreuses. La Presse canadienne a montré que les communautés pauvres, notamment au Myanmar, sont fortement polluées par des tonnes de déchets plastiques qui proviennent du Canada. Pourtant, les autorités canadiennes n’ont accordé aucun permis autorisant l’exportation de ces déchets vers ce pays. Les inspecteurs d’Environnement Canada ne font pratiquement aucune inspection dans les chargements des navires qui exportent les déchets. En plus, la Cour fédérale a jugé inconstitutionnel votre projet de règlement sur les plastiques à usage unique, dont les pailles de plastique.
Monsieur le ministre, ne trouvez-vous pas que votre gouvernement devrait d’abord s’attaquer à la pollution plastique en exerçant ses pouvoirs dans sa propre sphère de compétence, plutôt que dans un champ de compétence des provinces? J’ai l’impression que vous regardez la paille dans l’œil de votre voisin plutôt que la poutre dans le vôtre.
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : D’un côté, il est tout de même ironique que vous nous reprochiez de ne pas en faire suffisamment pour lutter contre la pollution causée par le plastique; d’un autre côté, vous nous dites qu’il ne faut pas trop en faire pour lutter contre cette pollution. Je pense qu’il faut faire un choix.
Le jugement de la Cour fédérale a invalidé la liste des plastiques, mais pas la réglementation que nous avons mise en place; il y a une différence importante entre les deux. Comme je l’ai mentionné publiquement, nous allons en appeler du jugement. Depuis que le jugement a été rendu public, j’ai reçu des messages de scientifiques de partout au pays, dont certains de l’INRS au Québec, qui nous ont dit qu’ils voulaient témoigner sur l’impact de la pollution plastique sur l’environnement et sur la santé des Canadiens et des Canadiennes. De plus, ces scientifiques appuient nos efforts en matière de lutte contre la pollution plastique.
Le sénateur Carignan : Monsieur le ministre, c’est de la poudre aux yeux; le plastique est exporté dans des pays en développement. Ici, au Canada, environ 90 % du plastique est enfoui. C’est de la poudre aux yeux; ce n’est pas en réglementant les pailles de plastique, qui se trouvent dans le champ de compétence des provinces, et en essayant de dire que ce sont des matières dangereuses que vous allez régler le problème de la pollution plastique et le problème des déchets plastiques qu’on envoie dans les pays en développement. C’est gênant; vous devriez avoir honte.
M. Guilbeault : Encore une fois, sénateur, vous dites une chose et son contraire. Vous dites qu’on doit en faire plus pour lutter contre la pollution plastique, mais que le gouvernement fédéral ne doit pas en faire trop. On a décidé d’agir. La Cour fédérale a rendu son jugement, nous allons en appeler de la décision et nous irons jusqu’en Cour suprême si c’est nécessaire. Notre approche vis-à-vis des plastiques a été célébrée par de nombreux experts au pays, par des ONG, par des chercheurs et par plusieurs pays à l’échelle internationale.
Le crédit d’impôt pour la capture du carbone
L’honorable Julie Miville-Dechêne : J’ai une autre question sur le projet de loi C-234, qui est un projet de loi qui provoque un débat assez déchirant.
J’essaie de comprendre les chiffres. Vous avez instauré un crédit d’impôt remboursable en 2021 pour les fermes. J’aimerais savoir ceci : avez-vous des calculs montrant, en moyenne par ferme, que ce crédit d’impôt remboursable arrive à éponger les coûts de la taxe sur le carbone? Qu’est-ce que cela représente? Je ne suis pas en mesure de faire ce calcul, car je ne suis pas comptable. Pourriez‑vous nous donner des chiffres pour savoir de quoi l’on parle? Est-ce un crédit d’impôt remboursable qui compense pour l’ensemble de la taxe sur le carbone ou non?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je n’ai pas ces chiffres sous la main, mais on peut certainement vous les fournir, madame la sénatrice.
La sénatrice Miville-Dechêne : Une réponse rapide serait appréciée, étant donné que nous nous penchons actuellement sur la question. Merci.
Le plan climatique
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Quand vous étiez un militant environnementaliste, je n’approuvais pas toutes vos actions, mais je suis capable de reconnaître que vous étiez un homme engagé et que vous faisiez peu de compromis. Cependant, pour faire de la politique avec Justin Trudeau, vous avez dû accepter l’achat d’un pipeline, vous avez dû ravaler vos idéaux personnels afin de laisser passer le projet Bay du Nord et vous devez maintenant accepter que votre gouvernement fasse un pas en arrière sur la taxe sur le carbone — que je vois comme des considérations électoralistes.
Ma question est la suivante : êtes-vous prêt à faire d’autres compromis sur vos idées environnementalistes pour rester membre du Cabinet?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Notre gouvernement en a fait plus dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques qu’aucun autre gouvernement. J’ai déjà énuméré plusieurs des mesures que j’ai moi-même mises en place au cours des deux dernières années, que ce soit la Norme sur les combustibles propres, la réduction des émissions du méthane, le Programme d’incitatifs pour les véhicules zéro émission, le Règlement sur l’électricité propre et l’élimination des subventions aux combustibles fossiles.
Aucun pays du G20 n’a éliminé les subventions aux combustibles fossiles; nous sommes le premier pays à le faire et nous sommes, malgré tout, le quatrième plus grand producteur de pétrole et de gaz. Il est facile d’éliminer les subventions aux combustibles fossiles si on ne produit pas de gaz naturel ou de pétrole, mais c’est très matériel dans le cas du Canada et nous sommes le premier pays à le faire, deux ans plus tôt que prévu. Est-ce que notre feuille de route est parfaite? Bien sûr que non. Je suis père de quatre enfants et je ne gagne jamais toutes mes batailles à la maison; je ne m’attendais pas, dans un pays de 40 millions de personnes, à gagner toutes mes batailles.
Nous progressons en matière de lutte contre les changements climatiques comme jamais auparavant au Canada et nous sommes en voie d’atteindre nos objectifs de 2040, mais je suis le premier à reconnaître qu’on doit continuer de travailler là-dessus et que ce n’est pas en baissant les bras, ou en faisant comme les conservateurs le voudraient... Il n’y a pas un interrupteur qui existe pour stopper les changements climatiques. C’est du travail acharné que nous devrons faire pour y arriver, en tant que société, au cours des prochaines années, voire des prochaines décennies. Cela dit, je pense que c’est possible, mais nous devons continuer à travailler.
Le sénateur Dagenais : Depuis que vous êtes là, il n’y a jamais eu autant de règlements et de lois sur l’environnement ni autant d’investissements; on parle même de 200 milliards de dollars. Malgré tout cela, ceux qui mesurent les résultats du Canada constatent que vos objectifs ne sont jamais atteints.
(1520)
Le Climate Change Performance Index a placé le Canada au 58e rang sur 63 pays pour ses performances. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas quand on regarde le portrait global? Pourriez-vous avoir des objectifs qui sont atteignables?
M. Guilbeault : Je partage votre frustration. Il faut un certain temps entre le moment où l’on adopte des mesures et le moment où elles sont déployées. Je soupçonne que les analyses de certaines organisations comme le Climate Change Performance Index vont s’améliorer dans le cas du Canada, puisqu’ils voient tous les efforts que nous faisons et que la pollution climatique a commencé à diminuer au Canada.
D’ailleurs, nous avons eu la meilleure performance en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre de tous les pays du G7 entre 2019 et 2021. Certains diront qu’il y avait une pandémie, mais c’était le cas dans tous les pays du G7. Cela s’appelle d’ailleurs une pandémie parce que ce n’était pas seulement au Canada.
Malgré tout, notre performance à cet égard est de plus en plus respectable, mais je suis le premier à reconnaître qu’il y a encore beaucoup à faire.
La taxe sur le carbone
L’honorable Clément Gignac : Merci de votre engagement politique. Avant la politique, vous étiez un grand spécialiste reconnu au plan international. Il n’est pas toujours facile de garder sa crédibilité quand on est ministre. Je connais cela, car je suis passé par là.
J’aimerais parler de la taxe sur le carbone, qui est une mesure que j’appuie. Elle est reconnue par les économistes comme étant la meilleure approche. J’ai entendu les raisons pour lesquelles, dans le cadre du projet de loi C-234, vous avez exempté le diésel, et pas le gaz naturel ou le propane.
Je vais réfléchir à vos réponses, mais j’aimerais revenir sur l’annonce sur l’Atlantique qui a été faite le 26 octobre dernier, et qui m’a perturbé. On concentre les efforts sur les régions de l’Atlantique; or, il y a des gens à faible revenu en Ontario et dans les communautés autochtones partout au Canada qui auraient bien besoin de soutien. Pourquoi limite-t-on ces mesures aux gens de l’Atlantique? Est-ce que les ménages à faible revenu de l’Atlantique sont plus importants que ceux du reste du Canada? J’aimerais vous entendre là-dessus.
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci beaucoup pour vos bons mots. Je vais faire une petite correction : je sais qu’il y a une perception selon laquelle l’exemption pour le chauffage au mazout ne s’applique qu’aux provinces atlantiques, mais elle s’applique partout au pays, tout comme le programme des thermopompes est offert dans l’ensemble du pays, là où les provinces sont prêtes à faire avec nous le bout de chemin qui manque.
À l’heure actuelle, il y a trois provinces avec lesquelles nous avons conclu une entente, mais au cours des prochaines semaines ou du prochain mois tout au plus, il y aura beaucoup plus de provinces qui feront partie du programme qui vise à rendre les thermopompes gratuites pour les ménages à faible revenu.
Le sénateur Gignac : Donc, on attend que les provinces puissent se joindre au programme, comme cela a été le cas pour les provinces de l’Atlantique? C’est ce que je comprends de votre réponse? Merci, monsieur le ministre.
Son Honneur la Présidente : Est-ce que vous voulez répondre à la question, monsieur le ministre?
M. Guilbeault : Le sénateur a répondu à sa propre question.
[Traduction]
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, encore une fois, j’en reviens toujours à la même réflexion au sujet du projet de loi C-234 : vous demandez au Sénat non élu de faire ce que vous n’avez pas réussi à faire à la Chambre élue. Ce projet de loi a été adopté à la Chambre des communes avec un large appui. Le vote n’a même pas été serré. Vous continuez à dire que ce sont les conservateurs contre le monde entier. Or, les conservateurs, le NPD, le Bloc québécois et le Parti vert ont appuyé le projet de loi à l’unanimité. Même certains députés libéraux, y compris le président du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, l’ont appuyé. On ne voit plus souvent un tel consensus, et c’était bien de voir les députés s’unir pour appuyer les agriculteurs.
Maintenant, vous demandez à des sénateurs non élus de faire ce que vous n’avez pas réussi à faire à la Chambre, à savoir torpiller ce projet de loi ou le vider de sa substance. Pourquoi les sénateurs devraient-ils faire ce que vous voulez qu’ils fassent au lieu de respecter la volonté de la majorité de l’autre endroit?
L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Monsieur le sénateur, vous devez savoir, en tant que sénateur, que le Sénat est une institution reconnue au sein de notre système parlementaire. Je ne dis à personne au sein de cette institution comment voter. Je discute avec certains sénateurs de ma position sur ce projet de loi, ce qui n’est pas surprenant. J’ai déclaré publiquement que j’étais contre, donc cela ne devrait surprendre personne.
J’estime que le Sénat est un élément très important de notre système parlementaire, et les sénateurs devraient pouvoir prendre les décisions qu’ils veulent sans subir de pression de la part de la Chambre des communes. Je ne fais pression sur personne, contrairement au Parti conservateur du Canada, qui a lancé une campagne contre les sénateurs qui ne sont pas d’accord avec lui, ce que je trouve très troublant.
Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, je trouve très troublant que vous portiez des accusations au Sénat au lieu de répondre à mes questions. On nous traite d’intimidateurs un jour et on nous dit soumis à la discipline de parti le lendemain. Il faut que ce soit l’un ou l’autre.
Monsieur le ministre, je vous ai posé d’emblée une question à laquelle vous n’avez pas répondu. Permettez-moi donc de vous la poser à nouveau.
Combien de sénateurs avez-vous appelés au cours des deux dernières semaines et demie ou des trois dernières semaines pour leur parler de la météo ou leur faire part de vos idées sur le projet de loi? Vous dites que votre position est connue de tous. Pourquoi auriez-vous besoin d’appeler un sénateur pour lui parler du projet de loi si votre position est déjà connue de tous? Pourquoi les avez‑vous appelés? Combien de sénateurs avez-vous appelés, monsieur le ministre?
M. Guilbeault : Pour répondre à la première partie de votre question, je dirais que les deux désignations s’appliquent dans la situation qu’on voit ici, sénateur.
Le sénateur Plett : Combien de sénateurs avez-vous appelés? Répondez à la question.
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.
[Français]
Je suis certaine que vous vous joindrez à moi pour remercier le ministre Guilbeault de s’être joint à nous aujourd’hui.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
L’Énoncé économique de l’automne 2023
Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Énoncé économique de l’automne 2023.
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 28 novembre 2023, à 14 heures.
L’Énoncé économique de l’automne 2023
Préavis d’interpellation
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur l’Énoncé économique de l’automne 2023, déposé à la Chambre des communes le 21 novembre 2023 par la vice-première ministre et ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, et au Sénat le 22 novembre 2023.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation
Troisième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, tel que modifié.
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, comme je viens de la Saskatchewan, du territoire visé par le Traité no 4 et de la patrie de la nation métisse, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.
Comme vous le savez, ce projet de loi prévoit la création d’un conseil national de réconciliation en tant qu’organisation indépendante, apolitique, permanente et dirigée par des Autochtones. Il vise à promouvoir la réconciliation avec les peuples autochtones.
(1530)
Je crois comprendre, d’après la procédure habituelle, que je pourrais être le dernier intervenant. Par conséquent, je suppose que nous serons bientôt prêts à nous prononcer. Je remercie la sénatrice Audette du leadership dont elle a fait preuve en parrainant ce projet de loi. Je remercie aussi le sénateur Francis et le Comité sénatorial des peuples autochtones de leur travail remarquable à l’égard du projet de loi C-29, et je remercie tous les sénateurs qui ont travaillé à faire avancer l’étude de ce projet de loi et à améliorer ce cadre législatif depuis que le Sénat en a été saisi, il y a près d’un an.
Il convient par ailleurs de souligner que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes. J’offre aussi mes remerciements sincères aux sénateurs qui ont fourni des conseils constructifs au sujet du projet de loi C-29 en général ou de certaines de ses dispositions, y compris nos collègues, les sénatrices Anderson et McCallum, ainsi que la sénatrice Martin, porte-parole de l’opposition.
En ce qui concerne la réconciliation, il ne suffit pas de faire les choses convenablement. Les nations autochtones, les pouvoirs provinciaux, territoriaux et municipaux ainsi que les assemblées législatives doivent constamment travailler à renforcer les relations et à obtenir les meilleurs résultats possible. L’honnêteté, le courage et la critique sont essentiels pour faire avancer la société, comme on l’a mis en évidence hier dans cette enceinte.
Le projet de loi C-29 donne suite aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation en faveur d’un conseil national pour la réconciliation, à savoir les appels à l’action 53 à 56. De nombreux sénateurs se sont engagés à contribuer aux réponses à ces appels, notamment en réponse à la découverte de tombes anonymes d’enfants autochtones sur de multiples sites de pensionnats. Je pense que nous devons toujours mesurer notre engagement en faveur de la vérité et de la réconciliation à travers leurs yeux, en imaginant leur perspective. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de progresser sur ce chemin sacré.
Comme la sénatrice Audette nous l’a dit, à propos du projet de loi C-29 :
Chaque perle que nous déposons a quelque chose de précieux qui permet d’atteindre la voie de la guérison, et donc le chemin vers la réconciliation et la guérison, mais aussi le chemin vers la construction d’une nouvelle relation et le maintien de celle qui existe déjà, une relation qui est, bien sûr, fondée sur le respect, le partenariat et la reconnaissance des droits.
Elle a déclaré que le projet de loi :
[...] créera un conseil national responsable de surveiller les progrès en matière de réconciliation au Canada, de publier des rapports et de faire des recommandations à ce sujet.
De plus, le projet de loi C-29 permettra, conformément à un plan d’action pluriannuel, de faire de la recherche. La recherche est importante, les données sont importantes. Le fait d’arrimer les savoirs et les sciences des deux grands, Autochtones et Occidentaux, est primordial pour faire progresser la réconciliation, et ce, notamment dans l’espoir de proposer de nouvelles façons de faire et de nouveaux programmes pour sensibiliser les gens qui sont à l’extérieur des appareils gouvernementaux.
La sénatrice Audette a également souligné que l’étude de ce projet de loi s’est éternisée. Il est temps de conclure l’étape du processus au Sénat. Bon nombre d’entre nous se rappellent la situation extrêmement regrettable survenue en 2019 lorsqu’une obstruction au Sénat a empêché de voter sur trois projets de loi d’initiative parlementaire qui donnaient suite à des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Ces mesures législatives étaient le projet de loi C-262 présenté par le député Romeo Saganash, concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; le projet de loi C-369 présenté par la députée Georgina Jolibois, visant à instituer une Journée nationale de la vérité et de la réconciliation; et le projet de loi C-374 présenté par le député John Aldag, exigeant que les Autochtones soient représentés au sein de la Commission des lieux et monuments historiques.
Les deux premières mesures ont plus tard été adoptées comme projets de loi d’initiative ministérielles; elles ont fait l’objet de procédures distinctes au Sénat et elles ont été traitées en priorité. La troisième mesure, concernant la Commission des lieux et monuments historiques, en est actuellement à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes dans le cadre du projet de loi C-23 présenté par le ministre Guilbeault. Malheureusement, nous avons perdu un temps précieux.
Je ne soulève pas la question pour blâmer qui que ce soit. Mon intention est plutôt de rappeler au Sénat que nos décisions ont des conséquences sur les efforts consentis à l’échelle nationale pour la vérité et la réconciliation. À titre d’exemple, le Comité sénatorial de la justice est actuellement saisi d’un autre appel à l’action puisqu’il étudie le projet de loi S-251 du sénateur Kutcher qui propose d’interdire le recours aux châtiments corporels contre les enfants canadiens. Si le Sénat n’adopte pas cette mesure, ou une autre mouture de celle-ci, on ne donnera jamais suite à l’appel à l’action no 6.
Comme je l’ai dit, je suis probablement la dernière personne à intervenir au sujet du projet de loi C-29 à moins que l’ajournement ait lieu aujourd’hui. Je sais qu’au Sénat il arrive que les mesures législatives et nos procédures s’entrecroisent. J’ai toutefois confiance que tous les sénateurs conviendront que la réconciliation ne doit jamais être subordonnée à quoi que ce soit, hormis la vérité. En ce qui me concerne, et je pense qu’il en va de même pour de nombreux autres sénateurs, je suis maintenant prêt à voter. Merci, et hiy kitatamîhin.
(Sur la motion de la sénatrice McPhedran, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada
Troisième lecture—Débat
L’honorable Rosemary Moodie propose que le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, en tant que marraine au Sénat du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, je suis fière d’en entamer l’étape de la troisième lecture.
Je tiens tout d’abord à remercier mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie pour leur étude approfondie du projet de loi. En tant que membre de ce comité depuis plusieurs années, je suis toujours frappée par les questions perspicaces, la collaboration et l’approche consensuelle qui caractérisent notre comité. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de travailler avec vous tous et je me réjouis de poursuivre notre travail ensemble.
Il est particulièrement significatif pour moi, en cette occasion, que l’étude du comité ait porté sur les enfants.
À nos collègues, les sénateurs Burey, Seidman, Cormier, Mégie, Petitclerc, Osler, Dasko, Cardozo, McPhedran et Bernard, ainsi qu’aux autres qui se sont joints à nous, je tiens à dire merci pour le travail acharné que vous avez accompli sur ce projet de loi. Je tiens également à remercier notre présidente, la sénatrice Omidvar, de sa gestion admirable du processus et d’avoir veillé à ce que nous restions disciplinés. Je vous remercie tout particulièrement, sénatrice Cordy, d’être intervenue à la fin de notre étude. Je crois savoir que c’était la première fois que vous présidiez une réunion de comité, mais je n’ai pas été surprise de voir à quel point vous nous avez bien guidés dans l’examen article par article et à quel point il était logique que ce soit une enseignante qui nous guide dans les dernières étapes d’une étude sur l’éducation préscolaire.
Outre mes remerciements aux membres du comité, je tiens à remercier tous les témoins qui ont pris le temps de comparaître devant nous ou de nous fournir des renseignements supplémentaires. Nous apprécions vos observations.
Chers collègues, comme je l’ai souligné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-35, il s’agit d’un engagement important envers une dimension cruciale du tissu social du Canada. Il aura d’énormes répercussions sur les enfants, les femmes et l’économie pour les générations à venir. Le gouvernement fédéral s’engage à assurer la croissance d’un système de garderies accessibles, abordables et inclusives qui fournira une base plus solide sur laquelle toutes les familles canadiennes pourront s’épanouir.
Avant de revenir au projet de loi et au travail du comité, je vais rappeler brièvement aux sénateurs le parcours qui nous a conduits jusqu’ici, les avantages d’un système national de garderies et le contexte actuel.
Comme je vous l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, la route vers un programme national d’éducation préscolaire et de garderies a été longue. Ce programme ambitieux a vu le jour lors de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme et, après de nombreux développements, a abouti à la création du Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants de 2017 en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Dans le cadre de cette entente avec les provinces, Ottawa s’engageait à verser 7,5 milliards de dollars sur 11 ans. Le cadre avait pour but d’« accroître la qualité, l’accessibilité, l’abordabilité, la souplesse et l’inclusivité des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants », tout particulièrement pour les familles qui en ont le plus besoin.
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Chers collègues, nous connaissons tous la suite. La pandémie de COVID-19 a profondément marqué la société et l’économie. Les femmes ont été exclues de la population active, ce qui a menacé de réduire à néant les progrès réalisés en matière d’égalité sur le marché du travail. En réponse à cette crise, un programme national de garderies a été mis sur pied.
Le budget de 2021 prévoyait des investissements de 30 milliards de dollars sur cinq ans et de 8,3 milliards de dollars annuellement par la suite pour la mise en place et le maintien d’un réseau national de garderies. Ces investissements ont permis au gouvernement d’élargir considérablement les accords multilatéraux et de construire quelque chose de nouveau. Son objectif était de réduire de 50 %, en moyenne, les frais de garderie d’ici fin 2022, et de les faire passer à 10 $ par jour, en moyenne, d’ici 2026.
Comme je l’ai déjà indiqué, cet investissement dans les garderies est une initiative transformatrice, au même titre que la mise en place du système scolaire et du système de santé publics par le passé. Il s’agit d’un investissement à long terme qui bénéficiera non seulement à nos enfants, mais aussi aux leurs.
À mon avis, c’est l’un des projets de loi les plus importants que nous aurons à étudier dans cette auguste Chambre. Pourquoi? C’est parce que les services de garde ont des retombées indéniables et majeures sur la société canadienne.
Pour les enfants, l’accès à l’éducation préscolaire peut jeter les bases d’un avenir marqué par la réussite et la productivité. Nous savons que les services de garde permettent aux enfants d’être mieux préparés pour l’école primaire. Ils offrent aussi une occasion de côtoyer des éducateurs professionnels qui peuvent aider les familles à relever les besoins que leurs enfants pourraient avoir et à y répondre tôt dans leur vie. L’objectif est de fournir rapidement aux enfants le soutien dont ils ont besoin pour réussir et de régler les problèmes qui pourraient survenir. En offrant des mesures de soutien en amont, nous favorisons la réussite des enfants, mais nous réduisons aussi les coûts pour le système d’éducation au bout du compte.
Pour les femmes et les familles, l’accès à des services de garde abordables ouvre des possibilités : retourner au travail, poursuivre des études ou se lancer en affaires. Les deux parents peuvent alors tirer parti de leurs talents et de leurs compétences, ce qui est avantageux pour leur collectivité et la société canadienne en général. Les parents — surtout les mères — n’ont pas à choisir entre le bien-être de leurs enfants et leurs ambitions personnelles. Ils peuvent bâtir la vie qu’ils souhaitent pour leur famille, tout en sachant que leurs enfants sont non seulement bien dans les services de garde, mais qu’ils s’y épanouissent.
Pour l’économie canadienne, investir dans les services de garde procure des retombées substantielles. C’est pourquoi de nombreuses sphères de la société — parmi lesquelles des entreprises privées, des syndicats, des économistes et des universitaires — étaient favorables à ce que le gouvernement investisse dans un réseau de garderies pancanadien. Des études montrent que chaque dollar investi dans l’éducation préscolaire rapporte entre 1,50 $ et 2,80 $ à l’ensemble de l’économie. Ajoutons que, selon les estimations du gouvernement fédéral, le système pancanadien pourrait faire grimper le PIB de 1,2 % au cours des deux prochaines décennies.
Enfin, grâce à la baisse des frais de garderie, chaque famille paie des frais de garde moins élevés. Elle peut donc utiliser ces économies pour payer des factures ou investir en vue de l’avenir.
Bref, un système national d’apprentissage et de garde des jeunes enfants constitue un investissement dans les familles. L’accès à des services de garde abordables est gage de résilience et de réussite pour les familles et les collectivités. C’est ce que représente le projet de loi C-35, ainsi que les ententes qui ont déjà été conclues. Le projet de loi représente non seulement un engagement envers l’atteinte des objectifs à court terme du gouvernement, mais aussi un investissement continu dans les familles canadiennes. Il profitera à tous les Canadiens.
Pendant mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai parlé des trois piliers du système de garde d’enfants — les accords avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones; les investissements dans l’infrastructure; et une mesure législative, le projet de loi C-35.
Je m’attarderai tout d’abord sur les accords. Fait crucial, tous les accords sont déjà en place au moment où nous débattons du projet de loi. Contrairement à ce qui se produit avec d’autres projets de loi qui proposent un cadre, nous n’avons pas besoin d’imaginer comment le projet de loi C-35 sera concrétisé ni à quoi il ressemblera sur le terrain. Nous pouvons déjà le voir. Chaque province et chaque territoire a conclu, avec le gouvernement fédéral, un accord bilatéral adapté à ses besoins. Les grandes lignes et les thèmes sont semblables d’un accord à l’autre, mais les détails diffèrent.
Premièrement, il y a un engagement global à respecter la vision pour le système de garde prévue dans les accords et le cadre multilatéral : des services de grande qualité, abordables, accessibles et inclusifs.
Toutes les ententes comprennent une liste d’objectifs, afin de s’engager à réduire les frais, à créer des places et à former la main‑d’œuvre. Elles indiquent toutes que la priorité sera l’investissement dans les services de garde publics ou sans but lucratif plutôt que dans les services de garde privés et non accrédités.
Enfin, chaque entente est accompagnée d’un plan d’action, élaboré par chaque province, qui décrit comment la province prévoit respecter ses obligations aux termes de l’entente.
Plus précisément, les ententes pancanadiennes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants conclues avec les gouvernements provinciaux et territoriaux comprennent un certain nombre d’engagements, comme le nombre de nouvelles places réglementées à créer; l’échéancier pour atteindre l’objectif de 10 $ par jour, en moyenne, pour les frais des services de garde réglementés; et les mesures visant à valoriser l’effectif des éducateurs de la petite enfance en leur offrant des possibilités de formation et de perfectionnement. Ces ententes prévoient également d’assurer un accès équitable aux services de garde pour les communautés qui se heurtent à des obstacles, comme les enfants des communautés de langue officielle en situation minoritaire, les enfants handicapés, les enfants des groupes racialisés, les enfants des nouveaux arrivants et les enfants autochtones et leurs familles.
Les ententes de financement avec les partenaires autochtones appuient la gouvernance autochtone, tandis que les partenariats dans ce secteur appuient la prestation de programmes et élargissent l’accès à des services d’apprentissage et de garde adaptés à la culture pour les enfants autochtones dans l’ensemble du système pancanadien.
Je tiens à souligner que la nature même de ces ententes est un pas dans la bonne direction. Comme le sénateur Arnot l’a souligné pas plus tard qu’hier à la Chambre, l’aliénation des régions l’Ouest et du Nord est bien réelle. À mon avis, cela souligne la valeur du fédéralisme coopératif dans le contexte d’un programme national de garderies.
Ces ententes devraient être considérées comme un signe positif de l’évolution de notre pays, car elles permettent une approche personnalisée qui répond aux besoins de chaque province ou territoire.
Ensemble, ces ententes sous-tendent la création d’un système d’éducation préscolaire et de garderies pancanadien solide axé sur la vision proposée par le gouvernement fédéral. Il importe de noter que les provinces et les territoires doivent respecter ces ententes et rendre des comptes pour les quelques raisons que je vais exposer maintenant.
Premièrement, je dirais que les provinces ne souhaitent pas perdre le soutien financier substantiel que leur fournit le gouvernement fédéral et qui leur permet d’offrir ce programme très efficace, très populaire et très apprécié. Les politiques concernant les services de garde constituent en soi une motivation à respecter les ententes.
Deuxièmement, comme je l’ai indiqué, toutes les provinces et les territoires ont préparé un plan d’action qui sert de feuille de route détaillée quant au respect des engagements prévus dans les ententes. Cette formule permet aux provinces et aux territoires de remplir leurs engagements en fonction de leurs priorités respectives en matière de services de garde et des besoins de leurs collectivités, tout en donnant au gouvernement fédéral une idée claire des cibles et des résultats visés.
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Dans chaque province et territoire, il y a des tables rondes où les plans d’action font et feront régulièrement l’objet de discussions et d’examens pour veiller à ce qu’il y ait des progrès. Lorsqu’il n’y a pas de progrès, le gouvernement fédéral peut discuter de ces questions avec ses partenaires.
Enfin, tous les accords comportent une disposition sur le règlement des différends et la résiliation. C’est important parce que, bien que les politiques en matière de garde d’enfants motivent les provinces et que la collaboration et le dialogue aux tables de mise en œuvre orientent la surveillance des plans d’action, ce sont les dispositions sur le règlement des différends et la résiliation dans les accords qui constituent des solutions de dernier recours importantes qui doivent être et qui demeurent disponibles.
Le système canadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants repose sur le principe d’offrir des services de garde de grande qualité, abordables et inclusifs à toutes les familles et à tous les enfants par l’entremise de fournisseurs publics et sans but lucratif qui accordent la priorité à la qualité et à l’abordabilité des services plutôt qu’aux profits. Il doit s’agir de services qui soutiennent l’identité culturelle et qui sont offerts aux minorités linguistiques d’un océan à l’autre.
Ce programme ne vise pas à soutenir les entreprises privées ou à accroître leurs profits. Il s’agit d’investir dans la qualité, l’abordabilité, la création de places et le perfectionnement de la main-d’œuvre.
Pourtant, chers collègues, pour être franche, même si ce programme a reçu un vaste appui de la part de toutes les sphères de la société et que le gouvernement a reçu le mandat démocratique d’en poursuivre l’instauration en fonction de ce principe, nous avons vu que les dirigeants politiques de nombreuses provinces n’approuvent pas entièrement l’idée. Ils préfèrent peut-être les garderies lucratives ou n’accordent peut-être pas une grande priorité à l’augmentation du nombre de places offertes pour certains groupes, comme les communautés de langue officielle en situation minoritaire ou les Autochtones. Si ces provinces ne veulent pas suivre les tendances politiques et refusent de respecter les engagements énoncés dans leur plan d’action, les dispositions de règlement des différends et de résiliation de l’accord deviennent des outils de dernier recours d’autant plus importants.
Je tiens à consigner au compte rendu certains passages de l’accord qui traitent du règlement des différends et de la résiliation de l’accord. Je vais utiliser ma province, l’Ontario, comme exemple. L’article 8.1 de l’Accord entre le Canada et l’Ontario sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada – 2021 à 2026 dit :
Le Canada et l’Ontario s’engagent à travailler en collaboration et à éviter les différends par l’entremise d’échange d’information, de préavis, de consultations préliminaires, de discussions, de clarifications et de résolution de problèmes entre les gouvernements, au fur et à mesure qu’ils se présentent.
Un peu plus loin, l’article 8.3 dit :
Au fur et à mesure que les parties font le point sur les progrès réalisés, comme indiqué à l’article 6...
— qui porte que la collaboration à long terme —
... s’il y a des problèmes, le Canada et l’Ontario conviennent de travailler ensemble pour explorer des solutions réalisables, y compris des ajustements proportionnels aux objectifs. Les ministres responsables du Canada et de l’Ontario conviennent d’examiner toutes les approches raisonnables proposées par les fonctionnaires pour résoudre les problèmes.
L’article 8.4 dit :
Si à tout moment le Canada ou l’Ontario croit que l’autre partie ne respecte pas une de ses obligations ou de ses activités en vertu du présent accord ou contrevient à une modalité ou à une condition de l’accord, le Canada ou l’Ontario, selon le cas, peut informer l’autre partie par écrit du manquement ou de la violation. À la réception d’un tel avis, le Canada et l’Ontario chercheront à résoudre le problème soulevé de façon bilatérale par l’entremise de leurs fonctionnaires désignés.
Plus loin, l’accord décrit explicitement la procédure, qui est clairement définie. Comme l’indique l’article 10.1, le Canada peut résilier l’accord à tout moment :
[...] si les modalités de l’accord ne sont pas respectées par l’Ontario, en avisant par écrit l’Ontario de son intention de résilier l’accord au moins 6 mois à l’avance.
L’article 10.2 se lit comme suit :
Le Canada n’aura aucune obligation de verser d’autres paiements à l’Ontario après la date d’entrée en vigueur de la résiliation déterminée conformément à l’article 10.1.
Chers collègues, le non-respect des dispositions entraîne une perte financière. Il s’agit donc d’un important incitatif à s’y conformer.
Bien que la lecture de ces dispositions ait pu être quelque peu fastidieuse — et je m’en excuse —, je pense qu’il est important de les souligner afin de nous assurer et de garantir à tous les Canadiens qui nous écoutent que cet accord prévoit des mesures concrètes de responsabilisation pour les provinces, ainsi qu’entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Nous avons pu voir cette responsabilisation à l’œuvre récemment. Je vous invite à lire l’entente conclue par votre province; il est facile de trouver ces ententes en ligne.
Si je reviens à l’exemple dont je parlais, le 27 octobre, CBC News rapportait que le ministre de l’Éducation du Nouveau-Brunswick avait déclaré à des journalistes que la province « [...] doit renégocier l’entente sur les garderies conclue en 2022 avec le gouvernement fédéral pour répondre au problème des longues listes d’attente pour obtenir une place ». L’article explique ensuite que la province demande plus de flexibilité afin de pouvoir laisser le secteur à but lucratif prendre de l’expansion au lieu du secteur à but non lucratif.
Le 31 octobre, un autre reportage était publié, dans lequel la ministre Sudds affirmait assez clairement que le Nouveau-Brunswick devrait respecter les modalités de l’entente conclue. C’était une déclaration claire et importante de la part de la ministre et je pense que cela apaisera les craintes quant à la possibilité qu’Ottawa fasse des compromis et soit moins efficace.
Évidemment, c’est vrai dans le cas du gouvernement fédéral actuel, mais qu’arriverait-il si un gouvernement ne partageant pas la même idéologie devait obtenir le pouvoir? C’est dans une telle situation que le projet de loi C-35 prendrait toute son importance.
Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-35 s’appuie sur ces accords en inscrivant dans la loi l’engagement fédéral de mettre en place un système pancanadien d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Le projet de loi impose des conditions à Ottawa concernant son engagement envers les provinces, les territoires et les peuples autochtones par l’entremise de la vision et des principes du Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Son adoption donnera à ces partenaires, aux membres du secteur des services de garde, au personnel des services de garde et aux familles l’assurance que le système pancanadien d’éducation préscolaire et de garde d’enfants ne disparaîtra pas.
Je vais concentrer mes observations sur l’article 7 du projet de loi parce qu’il porte sur le financement. En effet, l’article 7 énonce les principes directeurs du financement. Il s’agit des règles de participation d’Ottawa, des conditions en vertu desquelles le gouvernement du Canada investit dans les services de garde. Autrement dit, ce sont les principes essentiels qui doivent être inclus dans chaque accord à l’avenir.
Cet article garantit la responsabilité future du gouvernement fédéral. Il obligera Ottawa à rendre des comptes et, avec les accords, il est l’outil qu’Ottawa utilisera pour collaborer avec les provinces et leur faire assumer leurs responsabilités.
Le paragraphe 7(1) du projet de loi C-35 se lit ainsi :
Les investissements fédéraux concernant l’établissement et le maintien d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada, ainsi que les efforts visant la conclusion avec les provinces et les peuples autochtones de tout accord connexe, sont guidés par les principes selon lesquels les programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants devraient être accessibles, abordables, inclusifs et de haute qualité [...]
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le débat sur ce point se poursuivra lors de la prochaine séance du Sénat.
(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)