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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 172

Le jeudi 14 décembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 14 décembre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Jimmy Lai

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, au nom du sénateur Housakos, de la sénatrice Omidvar, de la sénatrice Miville-Dechêne et de la sénatrice Patterson de l’Ontario — et sans doute de nombreux autres sénateurs — j’interviens pour réclamer la libération de prison de Jimmy Lai, un héros de la lutte pour la démocratie à Hong Kong.

M. Lai a fondé le très populaire quotidien indépendant Apple Daily en réaction aux événements de la place Tiananmen. Malheureusement, ce journal a été fermé en 2021 par les autorités de Hong Kong.

M. Lai a été arrêté en 2020, à la suite de sa participation à des manifestations légales prodémocratie à Hong Kong. Depuis, il est confronté à une bataille juridique incessante. M. Lai vient de passer son 76e anniversaire de naissance — le 8 décembre — en prison. Il est emprisonné depuis trois ans sous de fausses accusations portées contre lui aux termes de la tristement célèbre Loi sur la sécurité nationale imposée à Hong Kong par le gouvernement de Pékin.

M. Lai subira un nouveau procès, cette fois pour sédition, qui doit commencer le 18 décembre. Il sera traduit devant un groupe spécial de juges qui se prononceront sans l’intervention d’un jury. Il risque la prison à perpétuité. Les idées de M. Lai sont considérées comme tellement dangereuses pour le gouvernement de Hong Kong qu’il est actuellement détenu en isolement cellulaire dans une prison à sécurité maximale.

Je parle d’un homme pacifique et influent qui a osé publier la vérité. Le monde libre doit appuyer M. Lai et d’autres chefs de file qui défendent la liberté de presse, la démocratie et les droits de la personne.

La semaine dernière, j’ai eu le plaisir de rencontrer son fils Sebastien et son équipe juridique, qui sont venus à Ottawa pour rencontrer quelques députés et sénateurs. Je les ai rencontrés avec Irwin Cotler et Brandon Silver du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne de Montréal.

Alors que nous nous préparons à célébrer Noël, permettez-moi d’ajouter que Jimmy Lai est un catholique qui sera à nouveau privé de l’occasion de fêter Noël avec sa famille. Malgré cela, il a dit :

Il y a toujours un prix à payer lorsque l’on fait passer la vérité, la justice et la bonté avant son propre confort [...] Heureusement, Dieu a fait de ce prix une grâce déguisée. Je lui en suis très reconnaissant.

Chers collègues, pour ces raisons, au nom du sénateur Housakos, de la sénatrice Omidvar, de la sénatrice Miville-Dechêne et de la sénatrice Patterson de l’Ontario, je présenterai aujourd’hui une motion identique à celle adoptée à l’unanimité à la Chambre des communes mardi dernier qui demande la libération de M. Lai. J’espère que nous l’adopterons rapidement demain et que nous enverrons au gouvernement chinois le message que tout le Parlement est solidaire de M. Lai.

Merci. Meegwetch.

Expression de vœux pour un joyeux temps des Fêtes

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs :

C’était quelques semaines avant Noël, et partout au Sénat

Les esprits s’échauffaient, c’était le branle-bas de combat.

Les sénateurs s’étaient armés de discours redoutables

Sur la tarification du carbone et son caractère équitable.

Tous étaient calés confortablement dans leur fauteuil :

« Était-ce une mauvaise blague ou seulement du tape-à-l’œil? »

La Présidente bien assise, le greffier Till à ses côtés,

Se préparait mentalement pour une séance agitée,

Quand tout à coup du parquet s’est élevée une clameur.

J’ai aussitôt filé voir ce qui se passait sur mon ordinateur.

Le plus vite que j’ai pu, je me suis installé devant l’écran.

En un clic de souris, en moins d’un instant,

Alors que la lune qui se reflétait sur la neige nouvelle

Éclairait comme en plein jour cette scène surnaturelle,

J’ai vu apparaître, à mon grand étonnement...

On ne pouvait s’y méprendre : une motion d’ajournement!

Dans des moments pareils, lorsque règne le brouhaha,

On a bien besoin d’une visite de saint Nicolas.

On les voit arriver, plus rapides que des aigles,

Tornade, Danseur, Furie et tous les autres rennes espiègles.

Consultons le plumitif! Passons à l’ordre du jour!

Que l’ordre et le décorum viennent nous porter secours!

Pareils aux feuilles mortes emportées par le vent furieux

Qui rencontrent un obstacle et s’élèvent vers les cieux,

Vers la Colline filèrent les nouveaux sénateurs

Avec des traîneaux remplis d’expérience, de savoir et d’honneur.

Ils provenaient des provinces du Canada atlantique.

Et les Prairies, elles? Et l’Ontario? Et la Colombie-Britannique?

Ils se sont joints au Sénat, notre vénérable conseil,

Et ont prêté serment à un type aux généreuses oreilles.

« En passant outre à toute difficulté ou excuse », jamais un sénateur à son devoir ne se refuse.

Cette devise, une de nos collègues l’a vraiment incarnée.

Nous lui disons au revoir et lui souhaitons bonne santé,

Une vie pleine de bonheur et, surtout, exempte de sonneries,

Je veux parler de l’honorable sénatrice Renée Dupuis.

Il y a un temps pour chaque chose, comme le veut le dicton,

Même si on n’en connaît pas toujours la raison.

Devons-nous traiter de questions si lourdes de conséquences?

Notre monde sombre de plus en plus dans la déchéance.

Et donc, en cette époque de grands malheurs,

Nous nous raccrochons à l’espoir de jours meilleurs.

Ce Noël, puisse saint Nicolas vous apporter

Assez de cadeaux pour remplir votre petit soulier.

Quand vous serez en chemin vers la maison, bien assis dans votre traîneau,

Réfléchissez à ceci et faites-en votre credo :

Ayons de la compassion, faisons le bien, soyons gentils.

Joyeux Noël à tous, et à tous une bonne nuit.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Omar Burey, le frère de l’honorable sénatrice Burey.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès d’April Burey

L’honorable Sharon Burey : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à ma chère et regrettée sœur, April Burey, et pour lui témoigner ma reconnaissance.

[Traduction]

Sa vie a été beaucoup trop courte, mais elle a su laisser une trace indélébile dans la société canadienne, tout comme elle laisse des souvenirs impérissables aux membres de sa famille, à ses étudiants, à ses professeurs et à ses amis, dont quelques-uns sont parmi nous aujourd’hui. En se portant farouchement à la défense des droits de la personne, des droits des personnes handicapées, de l’égalité des sexes et de l’égalité raciale, elle s’est engagée dans une grande entreprise que nous perpétuons.

En 1997, April a comparu devant la Cour suprême du Canada à titre d’intervenante-conseil pour plusieurs organismes de défense des droits des Noirs. Pour la première fois, après des siècles d’inégalité raciale au sein des tribunaux, la Cour suprême a enfin accepté d’examiner une plainte pour partialité judiciaire fondée sur la race. Selon la professeure Constance Backhouse, qui a dernièrement publié l’ouvrage Reckoning with Racism : Police, Judges, and the RDS Case, il s’agit de « l’affaire relative aux questions raciales la plus importante du Canada ».

April a été un grand esprit, une autrice prolifique et une professeure marquante. Dans un article qui a été publié dans le Dalhousie Law Journal, elle a présenté ses réflexions sur cette affaire, un jalon de la jurisprudence canadienne. Son objectif, écrit‑elle :

[...] est de nous ramener de manière posée, réfléchie et bienveillante à la valeur fondamentale qui sous-tend l’article 15, la Charte dans son ensemble et j’irais même jusqu’à dire les lois de toute société fondée sur l’égalité universelle. Cette valeur fondamentale est l’égalité des plus vulnérables et des plus démunis d’entre nous.

(1410)

Elle poursuit ainsi :

Je suis convaincue que l’arrêt R.D.S, parce qu’il efface la notion de dichotomie, nous amènera tous à constater que l’égalité est indivisible.

Cette semaine correspond à celle où j’ai été assermentée sénatrice dans cette vénérable enceinte, mais aussi à celle où ma sœur, April Burey, nous a quittés pour un monde meilleur. C’était le 12 décembre 1999, il y a 24 ans, et elle avait seulement 39 ans. C’est la sclérose en plaques qui l’a emportée.

April est née le 30 mars 1960. Notre père, Eric Burey, était fonctionnaire, et notre mère, Mary, était enseignante. On ne voyait à peu près jamais April sans un livre. Elle a obtenu un baccalauréat en français et en espagnol de même qu’un diplôme en droit de l’Université Dalhousie, où elle a terminé majore de promotion. Elle a fait sa maîtrise en droit à Harvard, où elle s’est spécialisée en droit public international.

L’ex-juge de la Cour suprême Ian Binnie et l’avocate Lois Lehmann, qui étaient tous deux amis avec April, ont rendu hommage à son travail et à sa vie dans la section « Lives Lived » du Globe and Mail :

[...] April Burey était une ardente défenseure des droits de la personne, mais aussi l’une des exportations jamaïcaines les plus exubérantes que le Canada ait jamais vues : avocate, militante pour les droits des Noirs, poète, universitaire [...]

Je terminerai sur les mots d’un autre des amis d’April, l’ancien professeur de droit Leon Trakman :

April, ma tendre amie et, disons-le, ma plus chère sœur, tu étais un grand esprit. Tu l’as toujours été. C’est ce qui faisait ton charme. Ta foi, c’était ta personnalité. Le corps n’était qu’un accident de parcours. Ta foi, c’était aussi ton humanité. C’est elle qui t’a fait briller. Les étoiles ne seront pas déçues.

[Français]

Je t’aime, ma sœur.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le massacre de Kalavryta

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, le 13 décembre 1943, un massacre génocidaire a été perpétré dans le village montagneux de Kalavryta, en Grèce. En représailles brutales au meurtre de plusieurs soldats allemands par des partisans grecs, les nazis ont rassemblé tous les habitants du village à l’intérieur de l’école primaire de Kalavryta. Les hommes et les garçons de plus de 14 ans ont été séparés des femmes et des autres enfants, emmenés sur une colline voisine et exécutés de sang-froid. Environ 700 hommes et garçons ont été brutalement assassinés dans cet horrible acte de violence.

Les femmes et les enfants qui restaient ont été enfermés dans l’école, à laquelle les Allemands ont mis le feu lorsqu’ils ont incendié tout le village. Miraculeusement, les courageuses femmes de Kalavryta ont forcé les portes de l’école avant de découvrir les corps de leurs maris, de leurs frères et de leurs fils qui gisaient sans vie sur le sol et leur beau village, autrefois plein de vie, qui était réduit en cendres.

Cette atrocité a dévasté le village de Kalavryta, laissant chez les habitants une cicatrice indélébile en guise de triste rappel de la brutalité de la guerre.

Aujourd’hui, nous rendons hommage à leur mémoire, en préservant leur histoire dans notre conscience collective afin que leurs souffrances ne tombent pas dans l’oubli, mais aussi en racontant cette histoire poignante pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus jamais.

Ces tragédies recèlent pourtant des histoires de résilience, de bravoure et d’un esprit humain inébranlable. Le courage dont les survivants ont fait preuve pour rebâtir leur vie et leur collectivité après un tel drame nous enseigne la valeur de l’espoir et de la persévérance face à l’adversité.

J’ai eu l’honneur et le privilège de connaître l’une des survivantes de cette journée sombre. Georgia Vagia avait deux jours le 13 décembre 1943. Son père est l’un des hommes qui ont été brutalement assassinés. Sa mère, Efthymia Vagia, a non seulement survécu, mais a reconstruit sa vie, a élevé ses enfants et a vécu assez longtemps pour voir ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants. Efthymia Vagia était connue comme la dernière veuve de Kalavryta. Sa fille, Georgia, est venue au Canada et est devenue citoyenne canadienne. Elle a travaillé fort et a élevé son fils afin qu’il ait un avenir meilleur et plus de possibilités qu’elle.

Alors que nous réfléchissons à cette histoire douloureuse, réaffirmons notre engagement envers la paix, la tolérance et la compréhension entre tous les peuples. Que le souvenir du massacre de Kalavryta nous rappelle les conséquences de la haine et la nécessité de favoriser un monde où de tels actes de violence n’ont pas leur place.

Soyons solidaires et jurons d’honorer leurs sacrifices et leur détermination. Les échos de l’histoire devraient toujours nous guider vers un monde où nous défendons nos valeurs de liberté et de démocratie. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de John et Bonnie den Haan, accompagnés de leurs deux petits-enfants. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Bud Bird, O.C., O.N.B.

Félicitations pour avoir reçu l’Ordre du Nouveau-Brunswick

L’honorable Joan M. Kingston : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour féliciter Bud Bird, un compatriote néo-brunswickois, qui a reçu le prestigieux Ordre du Nouveau-Brunswick la semaine même où je suis arrivée au Sénat.

L’Ordre du Nouveau-Brunswick est le prix le plus prestigieux remis dans notre province. M. Bird a reçu ce prix en reconnaissance de sa vie consacrée aux secteurs des affaires, de la politique et de la bienfaisance. Il a grandement contribué au Nouveau-Brunswick et au Canada.

M. Bird est un citoyen bien connu de la région du Grand Fredericton. Il a mené une brillante carrière d’entrepreneur, a été élu aux trois ordres de gouvernement et a mené à bien de nombreux projets communautaires en tant que bénévole.

En 1958, il a fondé la J.W. Bird and Company limitée — Bird Stairs —, dont il s’occupe toujours activement. Il a aussi été directeur de plusieurs entreprises néo-brunswickoises et canadiennes depuis cette époque. Il a été directeur principal d’Enbridge Gaz Nouveau-Brunswick lorsque la franchise de distribution a été accordée à l’entreprise en 1999. Il a été intronisé au Temple de la renommée des affaires du Nouveau-Brunswick en 2011.

Maire de Fredericton de 1969 à 1974, M. Bird a contribué à la fusion de la ville avec plusieurs municipalités environnantes. Il s’est également efforcé de mieux faire connaître et apprécier les valeurs du bilinguisme et de la diversité culturelle, de sorte que Fredericton soit clairement reconnue comme la capitale de tous les Néo-Brunswickois.

J’ai rencontré Bud Bird pour la première fois à l’époque où il occupait les fonctions de député à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Pendant son mandat à titre de ministre des Ressources naturelles, qui s’est échelonné de 1978 à 1982, il a réussi à faire adopter, avec le soutien unanime de l’Assemblée, la Loi sur les terres et forêts de la Couronne, une mesure législative innovatrice qui est aujourd’hui reconnue comme un modèle en matière de gestion des forêts de la Couronne.

En tant que ministre, il a aussi instauré les pratiques de l’étiquetage des prises et de la remise à l’eau pour assurer la conservation du saumon de l’Atlantique. Ces pratiques sont encore en vigueur aujourd’hui.

En 1984, après un mandat de cinq ans comme député, M. Bird a accepté de participer bénévolement à la création de la Corporation de développement économique du Grand Fredericton, dont l’objectif est de promouvoir les activités économiques au sein des municipalités dans la région de la capitale. Cela a donné lieu à de nombreuses initiatives, comme le Parc du Savoir, créé en partenariat avec l’Université du Nouveau-Brunswick.

Au cours des années suivantes, il a été président et directeur général de l’Association du saumon de Miramichi, et directeur de la Fédération du saumon atlantique. Dans la foulée de son engagement à l’égard de la préservation de l’environnement et en partenariat avec Noah Augustine, le défunt chef de la Première nation de Metepenagiag, M. Bird a cofondé le First Nations and Business Liaison Group, une organisation qui a été active pendant plusieurs années dont la vocation était de promouvoir la réconciliation et la bonne volonté.

En 2004, il a reçu le Prix du lieutenant-gouverneur pour la conservation du saumon sauvage de l’Atlantique. Avec sa femme Peggy, maintenant décédée, la famille Bird a fait de généreuses contributions à de nombreuses œuvres de charité. Ils sont d’ailleurs les deuxièmes lauréats du prix de Philanthropie en action de la Fondation communautaire de Fredericton.

Reconnu comme un citoyen émérite par la chambre de commerce de Fredericton, M. Bird s’est également vu décerner un grade honorifique de l’Université du Nouveau-Brunswick en 1987 et a été nommé Officier de l’Ordre du Canada en 2001. Je me joins aux citoyens de la région du Grand Fredericton et à tous les Néo‑Brunswickois afin d’exprimer notre admiration pour Bud Bird et de le féliciter pour cet honneur qui, je le sais, est très spécial pour lui parce qu’il lui a été conféré par la province où il vit. Merci.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr André Levesque, chancelier du Prieuré du Canada de l’Ordre très vénérable de l’hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Il est accompagné de Martin Gangnier, président-directeur général d’Ambulance Saint-Jean Canada. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’Ambulance Saint-Jean

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, l’Ambulance Saint-Jean est un organisme de bienfaisance international présent dans plus de 40 pays. Établie au Canada en 1882, elle compte environ 10 000 bénévoles, qui font plus de 1 million d’heures de services communautaires chaque année. Plus de 100 sections servent plus de 300 collectivités au pays et donnent de la formation sur le secourisme d’urgence à 550 000 Canadiens chaque année. L’Ambulance Saint-Jean a un programme communautaire d’intervention d’urgence qui vient en aide aux premiers intervenants professionnels. Elle est également bien connue pour ses programmes de lutte contre les opioïdes dans la rue, ses programmes de santé mentale et ses chiens de zoothérapie que l’on retrouve dans des écoles, des hôpitaux, des aéroports et des résidences pour personnes âgées.

(1420)

L’Ambulance Saint-Jean forme en outre les membres des Forces armées canadiennes depuis 140 ans. Au cours des trois derniers mois, les pages du Sénat ont reçu, ici même, dans cet édifice, de la formation qui leur a été donnée par l’Ambulance Saint-Jean et qui portait sur le secourisme d’urgence et la réanimation cardiorespiratoire. Elle a comme objectif la protection des sénateurs. À la fin de leur formation, les pages ont assisté à une cérémonie spéciale au cours de laquelle ils ont reçu l’épinglette de l’Ambulance Saint-Jean, qu’ils peuvent porter sur leur uniforme du Sénat. Les épinglettes leur ont été présentées par le chancelier de l’Ambulance Saint-Jean, André Lévesque, ainsi que par son PDG, Martin Gangnier. Les deux sont présents avec nous dans cette enceinte aujourd’hui.

C’est également dans la salle du Sénat que se tient chaque année, en juin, la cérémonie nationale d’investiture de l’Ordre de Saint-Jean du prieuré du Canada. En juin dernier, pour la première fois de l’histoire, on a présenté cette cérémonie comme un événement parlementaire officiel. Elle a été filmée et diffusée dans tout le Canada et dans le monde entier afin de la faire partager et de féliciter les bénévoles d’organismes communautaires canadiens.

On a admis ou promu des récipiendaires méritants de tout le Canada au sein de l’Ordre de Saint-Jean pour leur service méritoire et leur sens du devoir. L’Ordre de Saint-Jean est un ordre royal créé par la reine Victoria en 1888. Il fait désormais partie des distinctions honorifiques du Canada.

En ce mois de décembre, nous prenons également le temps de nous souvenir des membres des Forces armées canadiennes et des militaires alliés qui ont défendu Hong Kong aux côtés des membres de l’Ambulance Saint-Jean et qui ont sauvé des vies lors de la bataille de Hong Kong, il y a 82 ans.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour honorer et remercier les bénévoles de la plus grande organisation humanitaire au monde, l’Ambulance Saint-Jean, et tout particulièrement ceux qui servent autrui ici même au Canada. Ils sont la preuve vivante de leur devise : « Pro foi, pro Utilitate Hominum », ce qui veut dire : « Pour la foi et au service de l’humanité ».

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Groupe interparlementaire Canada—États-Unis

La réunion de la Midwestern Legislative Conference du Council of State Governements, tenue du 10 au 13 juillet 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la réunion de la Midwestern Legislative Conference du Council of State Governements, tenue à Wichita, au Kansas, du 10 au 13 juillet 2022.

La réunion annuelle du Council of State Governments de l’Est, tenue du 14 au 17 août 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la réunion annuelle du Council of State Governments de l’Est, tenue à Manchester, au New Hampshire, du 14 au 17 août 2022.

La réunion de la Midwest Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 9 au 12 juillet 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la réunion de la Midwest Legislative Conference du Council of State Governments, tenue à Détroit, au Michigan, du 9 au 12 juillet 2023.

La rencontre bilatérale avec des représentants du Sénat américain, tenue les 15 et 16 mai 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la rencontre bilatérale avec des représentants du Sénat américain, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, les 15 et 16 mai 2023.

La réunion annuelle de la Western Governors’ Association, tenue du 26 au 28 juin 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la réunion annuelle de la Western Governors’ Association, tenue à Boulder, au Colorado, du 26 au 28 juin 2023.

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les lois d’exécution du budget

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, en vue d’en faire rapport, la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi exécutant les dispositions des budgets et des énoncés économiques, y compris, sans s’y limiter :

a)examiner comment le Sénat étudie et considère généralement les dispositions non financières dans les lois d’exécution du budget;

b)examiner comment d’autres législatures étudient les projets de loi d’ordre financier;

c)formuler des recommandations et des lignes directrices à l’intention du Sénat et de ses comités à propos des méthodes visant à assurer un examen minutieux des dispositions non financières trouvées dans les lois d’exécution du budget tout en permettant le cheminement des dispositions financières en temps opportun;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 30 avril 2024.

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à demander aux autorités de Hong Kong de libérer Jimmy Lai

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, étant donné que :

a)Jimmy Lai se tient debout pour des valeurs qui sont chers aux Canadiens, plus précisément la liberté des médias, le respect de l’État de droit, ainsi que de se tenir debout pour ce qui est juste;

b)M. Lai est un militant pacifique en faveur de la démocratie et qu’il est éditeur du populaire journal Apple Daily qui s’est fait fermer pour des raisons politiques en 2021;

c)M. Lai vient tout juste de passer son 76e anniversaire en prison où il est détenu depuis trois ans en vertu de la Loi sur la sécurité nationale, dont les dispositions ne sont pas conformes au droit international des droits de la personne;

d)M. Lai est sur le point de faire face à un procès dû à ses écrits et militantisme prodémocratie ce qui pourrait le mettre en prison pour le restant de ses jours;

le Sénat demande aux autorités de Hong Kong de libérer Jimmy Lai et de mettre fin aux poursuites contre celui-ci ainsi que d’autres personnes accusées en vertu de la Loi sur la sécurité nationale et que le Sénat réaffirme que les journalistes et les professionnels des médias ont tous le droit de travailler dans un milieu libre d’intimidation et d’harcèlement par les autorités de l’État.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L'Énoncé économique de l'automne 2023

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le directeur parlementaire du budget vient de publier son analyse de l’Énoncé économique de l’automne 2023 du gouvernement Trudeau. En mars, le budget de 2023 annonçait qu’à compter de cette année et jusqu’en 2027-2028, il faudrait trouver pour 15,4 milliards de dollars d’économies. Jusqu’à présent, le gouvernement a fait état d’environ 500 millions de dollars d’économies. C’est tout, monsieur le leader. Selon le directeur parlementaire du budget :

[...] il n’y a aucun renseignement sur les 14,9 milliards de dollars d’économies prévues restantes, ainsi que l’incidence potentielle sur les programmes et les services.

Ce n’est pas moi qui le dis, monsieur le leader, mais le directeur parlementaire du budget, qui relève du Parlement. Monsieur le leader, allez-vous qualifier son analyse de désinformation ou de mésinformation ou allez-vous plutôt accuser l’opposition de tenir des discours partisans? Où sont les 14,9 milliards de dollars d’économies prévues?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je ne ferai ni l’un ni l’autre. Je crois que nous savons tous reconnaître la mésinformation lorsqu’elle se présente. Il y en a trop dans cette enceinte, de même qu’une bonne dose de discours partisan. Mais votre question n’est aucune de ces choses et j’y répondrai donc volontiers.

Comme le savent ceux d’entre vous qui ont travaillé dans l’administration gouvernementale, la recherche d’un tel montant d’économies requiert un échange important entre les ministères et les décideurs centraux. Il s’agit d’un processus itératif, et un tel processus prend du temps.

(1430)

Comme nous l’avons mentionné à maintes reprises dans cette enceinte, il ne sera pas facile de trouver ces économies tout en continuant à servir les Canadiens, que ce soit en soutenant les Forces armées ou en aidant les Canadiens. Le gouvernement s’y emploie, il y travaille et lorsque ces plans seront pleinement cristallisés, je suis sûr que les annonces seront faites.

Le sénateur Plett : Ils ont sorti cela de nulle part. Selon ce que vous me dites, ils n’ont même pas discuté de la façon dont ils allaient s’y prendre.

Je suis en train de parler.

Je ne suis pas du tout surpris que le gouvernement Trudeau n’ait pas fourni de renseignements sur des économies de plusieurs milliards.

La question no 91, qui vise à obtenir des renseignements sur les économies promises dans le budget de 2019, est au Feuilleton du Sénat depuis plus de deux ans et demi. De toute évidence, vous n’avez pas répondu à mes questions parce qu’il n’y a pas d’économies ni de plan pour en réaliser. Pourquoi n’ai-je pas obtenu de réponse? Ai-je raison?

Le sénateur Gold : Votre première question — puisque celle que vous venez de me poser est complémentaire à la première — porte sur l’engagement de réaliser des économies de 15 milliards de dollars. Ma réponse demeure la même. C’est un exercice sérieux.

Le gouvernement se fixe une cible; ceux d’entre nous qui viennent du monde des affaires savent qu’il faut parfois se fixer un objectif, puis s’efforcer de l’atteindre de manière responsable. C’est exactement ce que fait le gouvernement actuel. C’est gouverner de manière responsable.

Le rapport sur la gestion de la dette

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold et porte sur la transparence et la responsabilité financières.

La Loi sur la gestion des finances publiques exige que le gouvernement dépose un rapport annuel sur la gestion de la dette publique. D’après mes calculs, c’est aujourd’hui la date limite prévue par la loi pour le dépôt de ce rapport.

Compte tenu de la croissance de la dette publique et de l’importance des coûts du service de la dette, qui continuent d’augmenter, nous avons besoin de ces renseignements pour achever notre examen de l’énoncé économique de l’automne.

Dans quelques jours, nous partirons pour la pause hivernale et nous ne reviendrons pas avant le mois de février. Il serait très utile, sénateur Gold, que nous ayons ce rapport avant de partir pour l’ajournement hivernal. Pourriez-vous vous renseigner pour savoir où se trouve ce rapport et demander instamment au gouvernement de bien vouloir le publier?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne manquerai pas de me renseigner, sénatrice Marshall. Je reconnais l’importance de ces informations pour que le Sénat puisse faire son travail.

Ne sachant pas où il se trouve, je ne peux pas m’engager ou promettre que nous l’obtiendrons avant l’ajournement. Je ne manquerai pas de souligner l’importance de cette question pour le travail que le Sénat est chargé d’accomplir.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement

L’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition pour les femmes et les enfants

L’honorable Tony Loffreda : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, dans le cadre de l’étude du budget supplémentaire des dépenses par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, j’ai remarqué récemment une demande de 5 millions de dollars pour des maisons d’hébergement d’urgence pour les femmes et les filles.

Ces fonds sont-ils distribués dans le cadre de l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition pour les femmes et les enfants, qui relève du Fonds national de co-investissement pour le logement? Pouvez-vous faire le point sur cette initiative? Quel montant a été investi depuis son annonce en 2021? Combien de lits de maisons d’hébergement ont été créés, et combien de logements de transition ont été construits ou rénovés pour les femmes et les enfants qui fuient la violence familiale?

À l’approche des Fêtes de fin d’année, je suis certain que nous sommes tous d’accord pour dire que chacun mérite d’avoir un chez-soi sûr, où les femmes et les enfants peuvent vivre dans la dignité et la sécurité.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette importante question. Répondre aux besoins des femmes qui fuient la violence familiale et à ceux de leur famille est une priorité pour le gouvernement, comme cela devrait l’être pour tous les Canadiens.

Je crois comprendre que grâce au travail qu’il a effectué dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, dont des initiatives telles que l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition, le gouvernement a appuyé la création et la rénovation de plus de 13 100 places en refuge depuis 2016.

De plus, le gouvernement investit plus de 724 millions de dollars pour étendre les mesures de soutien adaptées à la culture qui sont offertes aux femmes autochtones, aux filles et aux membres de la communauté 2ELGBTQQIA+ qui fuient la violence fondée sur le genre par l’entremise de l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition pour les Autochtones. Depuis le lancement de cette dernière, 25 projets ont été retenus pour la mise en œuvre au pays.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette réponse. Je félicite le gouvernement fédéral de cette initiative très importante. Les femmes et les enfants qui fuient la violence familiale ont gravement besoin d’un plus grand nombre de lieux sûrs et abordables où se réfugier, des endroits où guérir et où acquérir une plus grande autonomie.

Pourriez-vous donner plus de détails concernant le processus de prise de décisions ou les critères qui sont utilisés pour déterminer quelles villes recevront des fonds pour des lits et des refuges dans le cadre de ce programme? Le gouvernement collabore-t-il avec des organismes pour savoir où les besoins sont les plus pressants?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition, je crois comprendre que la Société canadienne d’hypothèques et de logement accorde la priorité aux partenariats entre les organismes et les gouvernements qui soutiennent les femmes qui fuient la violence ainsi que leurs enfants, et à d’autres partenaires. Le fonds accorde également la priorité aux logements abordables qui sont écoénergétiques, accessibles et inclusifs sur le plan social.

[Français]

Les affaires mondiales

L’aide internationale—L’inclusion des personnes handicapées

L’honorable Chantal Petitclerc : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, ma question porte sur les promesses non tenues du gouvernement du Canada, jusqu’à présent, pour faire progresser l’inclusion des personnes en situation de handicap dans les programmes d’aide internationale.

Notre pays, vous le savez, a pris un engagement à cet égard au Sommet mondial des personnes handicapées de 2018, puis à celui de 2022. Les lettres de mandat de 2019 et 2021 du ministre du Développement international prévoient une assistance accrue aux personnes handicapées dans les pays en voie de développement. Malgré toute cette bonne volonté, les informations qui me parviennent ne sont pas rassurantes.

Sénateur Gold, plusieurs organisations canadiennes font un travail extraordinaire sur le terrain. À quel moment le gouvernement compte-t-il respecter ses promesses et s’assurer que notre aide publique soit véritablement inclusive pour ce qui est des personnes handicapées?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, chère collègue, et pour votre engagement continu sur cette question importante.

Le gouvernement du Canada s’est engagé à soutenir les droits des personnes handicapées dans le cadre de ses interactions avec d’autres pays. Il agit également au moyen d’actions et de plaidoyers dans des forums multilatéraux et de programmes d’aide au développement international tels que l’Assemblée générale des Nations unies, le Conseil des droits de l’homme des États-Unis et l’Organisation mondiale de la santé.

J’ai également été informé que le Canada s’efforce de renforcer la capacité des organisations de la société civile à défendre les droits des plus pauvres et des plus vulnérables, y compris les personnes handicapées.

La sénatrice Petitclerc : Sénateur Gold, si vous pouviez vous informer et nous donner plus de précisions à ce sujet, je vous en serais reconnaissante.

Le Canada a annoncé un investissement de 195 millions de dollars sur cinq ans et un financement récurrent de 43,3 millions de dollars pour soutenir les organismes de défense des droits des femmes partout dans le monde. Il a été porté à mon attention qu’aucun de ces nouveaux financements n’aurait accordé la priorité aux femmes en situation de handicap ni n’a été adapté pour celles‑ci. Pouvez-vous me rassurer à ce sujet?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question et de l’avoir portée à mon attention. Je vais m’informer à ce sujet.

[Traduction]

L’environnement et le changement climatique

Le processus d’acquisition

L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le Conseil des académies canadiennes a déterminé que les processus d’acquisition constituent la stratégie la plus efficace pour aider le Canada à atteindre ses objectifs climatiques de 2030.

Malgré la Politique d’achats écologiques du Conseil du Trésor, en octobre dernier, le ministère chargé de diriger les stratégiques nationales sur la durabilité du Canada, soit Environnement et Changement climatique Canada, a fait fi des critères de durabilité et n’a tenu compte que du coût le plus bas dans un achat d’ordinateurs portables de 8 millions de dollars.

Les critères de durabilité semblent être absents des processus d’acquisition dans tous les ministères : un autre exemple de cette situation est l’achat de réfrigérateurs de qualité pharmaceutique à la Défense nationale.

La taxe sur le carbone vise à modifier les comportements des consommateurs, mais le gouvernement ne semble pas faire sa part en utilisant le processus d’acquisition comme outil de réduction des émissions de carbone dans toute sa chaîne d’approvisionnement. Pourquoi le principal ministère responsable de nos objectifs nationaux en matière de développement durable omet-il de donner l’exemple en n’incluant pas de critères de durabilité dans le processus d’acquisition?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le gouvernement estime que c’est important et qu’il a un rôle crucial à jouer, non seulement pour établir des cibles de réduction des émissions ambitieuses, mais également pour prendre les mesures nécessaires pour les atteindre. Ces mesures comprennent toutes celles que nous connaissons déjà, y compris les récentes annonces sur le plafonnement des émissions.

(1440)

Je ne suis pas en mesure de parler du cas particulier dont vous avez fait mention, mais je peux vous dire, ainsi qu’à l’ensemble des sénateurs, que j’ai été informé que tous les ministères doivent veiller à ce que leur organisation respective :

Achète de préférence des biens et des services écologiques lorsque l’optimisation des ressources est démontrée (c’est‑à‑dire, un équilibre approprié de nombreux facteurs tels que le coût, le rendement, la disponibilité, la qualité et le rendement environnemental) et répond aux objectifs en matière d’achats écologiques.

Le sénateur C. Deacon : Je suis en faveur de la taxe sur le carbone mais, lors du récent débat sur le projet de loi C-234, le gouvernement a soutenu qu’il est crucial d’appliquer la taxe sur le carbone de façon uniforme pour que le Canada atteigne ses objectifs climatiques. Le fait de ne pas prioriser l’approvisionnement ne revient-il pas à dire « faites ce que je dis, pas ce que je fais », ce qui risque de nuire pour l’application de la taxe sur le carbone et d’autres mesures?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je répète que le gouvernement apporte des modifications au processus d’approvisionnement. De plus, le gouvernement s’est engagé à moderniser son parc de véhicules en achetant des véhicules à émission zéro, hybrides ou qui sont alimentés par un carburant de remplacement. Le gouvernement est déterminé à bâtir des immeubles carboneutres et à maximiser les gains d’efficience dans ceux qui existent déjà. Enfin, il entend appliquer des solutions basées sur la nature pour protéger les biens au moyen du financement et des pratiques d’achat écologiques dont j’ai déjà parlé.

Le patrimoine canadien

Le Centre du patrimoine de la GRC

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, le Centre du patrimoine de la GRC accueille chaque année environ 35 000 visiteurs du monde entier. Il s’agit d’un centre consacré à l’histoire de la Gendarmerie royale du Canada qui a pour but d’informer, de susciter l’intérêt de la population pour cette institution, d’être une source d’inspiration, de rendre hommage à son riche patrimoine et de souligner ses fonctions actuelles et futures sur le plan régional, national et international.

Ce majestueux centre de 65 000 pieds carrés a ouvert ses portes le 23 mai 2007. Il est situé sur des terrains appartenant à la GRC, près de l’École de la GRC, Division Dépôt, à Regina, en Saskatchewan, où tous les membres de la GRC sont formés depuis 1885. L’histoire de la GRC est racontée comme il se doit à l’endroit même où tous les aspirants policiers sont formés et où commence leur carrière.

Dans le budget de 2019 et une lettre de mandat connexe, on prévoyait que le Centre du patrimoine de la GRC deviendrait un musée national. Ce statut pourrait contribuer à en faire un lieu d’apprentissage de la vérité complexe du Canada, de réparation des erreurs du passé et d’hommage aux anciens gendarmes et à ceux d’aujourd’hui.

Pourriez-vous nous dire de quel ministre relève ce mandat? Le gouvernement souhaite-t-il encore faire du Centre du patrimoine de la GRC un musée national? Et le cas échéant, quand ce centre le deviendra-t-il?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Ce dossier relève de la ministre du Patrimoine canadien. Je crois savoir que le gouvernement a affecté 4,5 millions de dollars en 2021 à la transition.

Pour ce qui est de l’avancement du dossier, on m’a dit que le travail se poursuit. À cause de la pandémie, tout a été beaucoup retardé, mais les consultations de Patrimoine canadien se poursuivent auprès du Centre du patrimoine de la GRC.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie d’avoir répondu à cette question de manière adéquate.

Les finances

Le coût de la vie

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, j’ai une question simple à vous poser. J’espère que vous ne me traiterez pas de « partisan » et que vous ne me direz pas à quel point elle est compliquée.

À l’heure actuelle, le coût de la vie au Canada n’a jamais été aussi élevé. Je suis d’avis que lorsque le gouvernement Trudeau quadruple la taxe sur le carbone, qu’il établit un record de déficits systémiques au cours des huit dernières années et demie, ou qu’il double la dette du pays dans une mesure jamais atteinte par tous les autres gouvernements réunis, nous sommes alors en présence des éléments fondamentaux qui ont fait bondir le coût de la vie au pays. Vous n’arrêtez pas de dire que c’est trop simpliste et trop compliqué. Lesquels de ces éléments — qui, selon moi, alimentent l’inflation — considérez-vous être utiles? Je veux parler des politiques du gouvernement, c’est-à-dire la taxe sur le carbone, la dette, le déficit, ainsi que les impôts et les dépenses.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Permettez-moi de parler de la taxe sur la pollution. De nombreuses études indépendantes, menées notamment par le Bureau du directeur parlementaire du budget et des experts de divers établissements de recherche, indiquent, en dépit de ce que certains prétendent, que la tarification de la pollution n’a en fait qu’une incidence négligeable sur le prix des aliments, à tel point que prétendre le contraire est soit faire preuve d’ignorance soit répandre volontairement de fausses informations.

Plus généralement, il a été établi que l’élimination de la tarification de la pollution bénéficierait aux contribuables dont les revenus sont les plus élevés et qui ne reçoivent pas — et ne devraient pas recevoir — de remboursement, et que cela fera perdre de l’argent à 8 Canadiens sur 10 qui reçoivent un remboursement. Voilà des faits qui ont été établis de façon indépendante du gouvernement.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, comme vous le dites, la taxe sur la pollution ne permet d’atteindre aucune des cibles que le gouvernement a fixées. En huit ans et demi, le gouvernement n’a atteint aucune de ses cibles environnementales. Cependant, la taxe sur le carbone alimente l’inflation, comme on peut le constater.

Je vous invite, pendant les Fêtes ou au début de la nouvelle année, à m’accompagner. La semaine dernière, lors d’une rencontre, des intervenants de la Commission scolaire English‑Montreal, que vous connaissez très bien, m’ont dit que, pour la première fois, 20 % des enfants de la classe moyenne arrivent à l’école le ventre vide. Si le gouvernement ne commence pas à prendre certaines mesures, notamment l’abolition de la taxe et l’établissement d’une cible budgétaire, l’inflation continuera de s’aggraver et les enfants canadiens continueront de se présenter à l’école le ventre vide.

Le sénateur Gold : Il est terrible que des enfants aient à fréquenter les banques alimentaires, mais il n’est tout simplement pas vrai que la taxe sur la pollution a une incidence appréciable sur le prix de la nourriture. Ce sont deux réalités distinctes. Vous pouvez bien en faire l’amalgame dans le but d’atteindre vos objectifs — que je ne qualifierai pas —, mais votre discours n’en est pas vrai pour autant.

[Français]

La Société canadienne d'hypothèques et de logement

Le logement abordable

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

On a vu le ministre Champagne et la ministre Freeland témoigner devant nous hier; ils ont amené quelques éléments de solution, dont certains que j’appellerais des solutions « Band-Aid » à des problèmes criants, soit la création de logements.

Les informations que j’ai obtenues de la part des promoteurs immobiliers indiquent que le problème est beaucoup plus profond en ce qui concerne la création de logements. Selon eux, les problèmes viennent notamment des banques, qui sont extrêmement nerveuses et conservatrices — dans le mauvais sens du mot —, faisant en sorte qu’on impose des simulations de crise extrêmement exigeantes et qu’on ne prête plus d’argent pour les projets immobiliers, ou si on le fait, c’est à des conditions extrêmement onéreuses.

Que fait le gouvernement pour ramener les banques à l’ordre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Les banques du Canada sont indépendantes, absolument. Elles sont assujetties à un encadrement juridique, mais ce n’est pas l’affaire du gouvernement de dicter aux banques comment elles doivent évaluer le risque.

Cela dit, les mesures qui sont mises en place — et je fais référence, chers collègues, sans doute l’avez-vous lu ce matin, à l’article de Maxime Bergeron dans La Presse. M. Bergeron souligne l’importance potentielle de programmes visant à de publier et distribuer aux développeurs des modèles ou des plans de maisons pour la création ou la construction de logements abordables.

Le gouvernement a des choses concrètes à faire, mais il ne s’agit pas nécessairement de dicter aux banques privées comment déterminer le risque.

Le sénateur Carignan : Vous parlez de Maxime Bergeron, et je viens justement de lui écrire pour lui dire que je pense qu’il est dans l’erreur.

Cela dit, vous n’avez pas peur de rencontrer des épiciers pour faire baisser le prix de la dinde, mais vous ne voulez pas rencontrer les banquiers ou leur mettre de la pression. Quand ce sont les banquiers, on ne s’en mêle pas, mais quand ce sont les épiciers, on fait un show de boucane puis on les invite au bureau du ministre.

Le sénateur Gold : Je ne suis pas au courant des rencontres ou des discussions avec les banquiers. Ce n’est pas ce que j’ai dit. Peut-être ai-je mal compris votre question. Ce que je veux dire, c’est que les banques ont le devoir d’évaluer le risque adéquatement. Bien sûr, il y a régulièrement des conversations qui ont lieu entre le gouvernement et le monde des affaires, y compris les banques, au Canada.

(1450)

[Traduction]

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, la semaine dernière, le Globe and Mail a publié un article dont le titre disait que la taxe sur le carbone faisait plus de bien que de tort. Aujourd’hui, dans un autre article, le Globe and Mail cite la Banque du Canada, qui dit que la tarification du carbone n’est responsable que d’une faible proportion de l’inflation que connaissent les Canadiens. Toutefois, le titre de cet article dit que les Canadiens ne sont pas fous de penser que la tarification du carbone leur coûte de l’argent.

Nous savons tous que les taxes ne sont pas populaires. Ce n’est pas pour rien que l’idée d’abolir la taxe s’imprime facilement dans l’esprit des gens. Sénateur Gold, que fait le gouvernement pour communiquer un message simple et transparent à propos de la taxe sur le carbone?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est une bonne question. Quiconque a suivi le débat sur la tarification du carbone sait très bien que le gouvernement ne nous en a pas expliqué les mécanismes d’action aussi bien que cela aurait été souhaitable. C’est regrettable parce qu’il a résulté de ce manque de communication une bonne dose de désinformation, et de la mauvaise information a pris racine. Une fois de plus, des Canadiens ont été induits en erreur, sans que quiconque ait agi de mauvaise foi. Alors qu’ils sont aux prises avec la hausse du coût de la vie et avec d’autres problèmes, ils ont été amenés à voir des liens de cause à effet qui n’existent pas et des solutions qui n’en sont pas.

Le gouvernement a une responsabilité envers les Canadiens. Il doit continuer de leur communiquer des explications et s’efforcer de mieux leur montrer les rouages de la tarification du carbone ainsi que les raisons pour lesquelles, en réalité, elle n’est pas responsable, comme certains l’affirment, du prix des aliments ou des autres difficultés.

Merci pour votre question.

La sénatrice Coyle : La COP 28, qui avait lieu à Dubaï, s’est conclue sur un accord auquel près de 200 pays ont adhéré. Cet accord comprend un plan vers l’abandon progressif des combustibles fossiles. Toutefois, les participants ont retiré une déclaration voulant que les émissions mondiales atteignent leur sommet d’ici 2025. En outre, peu de progrès ont été réalisés en matière de financement de la lutte contre les changements climatiques et d’adaptation à ces derniers.

Sénateur Gold, quels sont les écarts entre les ambitions du Canada et la version finale de l’accord de la COP 28?

Le sénateur Gold : Comme vous l’avez souligné à juste titre, certains objectifs n’ont pas été atteints à la COP 28, mais le gouvernement du Canada continue de collaborer avec l’industrie, les provinces et les territoires afin de relever les défis au meilleur de ses capacités.

Par exemple, le plafond fixé pour les émissions qui a été annoncé récemment est un pas important dans la bonne direction, car il reconnaît que nous sommes un pays producteur de pétrole. Nous avons adapté notre approche le mieux possible et nous allons continuer d’aller de l’avant. Nous nous inspirons des ententes conclues lors de la COP 28, mais nous ne nous y limitons pas.

La santé

Les professionnels de la santé

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question pour le leader du gouvernement fait suite à une question que la sénatrice Osler a posée mardi dernier concernant le piètre état des soins de santé primaires au Canada.

Monsieur le leader, vous avez répondu à la sénatrice Osler que le gouvernement joue un rôle de chef de file ou de catalyseur. Pourtant, vous avez omis de mentionner une promesse précise faite par le gouvernement libéral lors de la campagne électorale fédérale de 2021. Le premier ministre avait promis de verser 3,2 milliards de dollars aux provinces et aux territoires pour l’embauche de 7 500 nouveaux médecins de famille, infirmiers et infirmiers praticiens. Ces fonds auraient dû commencer à être versés au cours du dernier exercice.

Monsieur le leader, comment pouvez-vous dire que le gouvernement Trudeau joue un rôle de chef de file alors qu’on ne fait rien pour respecter cette promesse faite aux Canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Elle souligne les multiples besoins de notre secteur de la santé, dont l’un que vous avez mentionné. Toutefois, ce n’est pas le seul besoin du secteur et ce n’est pas non plus le seul besoin que les provinces ont mis sur la table à la suite de cette promesse électorale ou qui fait l’objet de négociations entre les provinces et le gouvernement fédéral, tant dans le secteur de la santé que dans d’autres secteurs.

Le ministre de la Santé et ses homologues partout au Canada entretiennent un dialogue au fil de l’évolution des priorités des provinces et du fédéral, mais aussi, bien franchement, à mesure que notre capacité budgétaire se précise.

Je maintiens ce que j’ai dit, à savoir que le gouvernement du Canada joue un rôle de premier plan en aidant les provinces et les territoires à répondre à leurs priorités comme ils l’entendent.

La sénatrice Martin : Monsieur le leader, le gouvernement semble avoir échoué dans ce rôle, car les Canadiens qui n’ont pas accès à un médecin de famille finissent par se retrouver dans des salles d’attente d’urgence bondées. Mardi, à l’urgence de l’hôpital Montfort, à Ottawa, il fallait attendre plus de 20 heures pour voir un médecin.

Quand le gouvernement Trudeau va-t-il donner suite à sa promesse électorale d’embaucher 7 500 nouveaux médecins, infirmiers et infirmiers praticiens?

Le sénateur Gold : Les médecins et le personnel infirmier sont formés et diplômés par les provinces et les territoires. En étudiant ce dossier très difficile et complexe, nous savons tous que même si l’argent est un facteur important, il est encore plus important de parvenir à faire fonctionner le système adéquatement. Peu importe combien d’argent on investit dans un système, s’il n’y a pas de places dans les universités ou les programmes d’enseignement — et les politiques provinciales ont une énorme incidence à cet égard —, cela ne fonctionnera pas.

Les affaires mondiales

Le Corps des Gardiens de la révolution islamique

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le mois prochain, des procédures de déportation seront lancées dans deux affaires impliquant des membres du régime iranien qui habitent à Toronto. Nous savons cependant que ces deux affaires ne représentent que la pointe de l’iceberg.

Il y a quelques semaines, j’ai parlé d’un reportage à Global News au sujet de l’ingérence que mène le Corps des Gardiens de la révolution islamique au Canada. Monsieur le leader, un avocat de Colombie-Britannique a monté une base de données concernant 700 personnes qui vivent au Canada, qui ont des liens avec le régime iranien et qui menacent des gens en sol canadien.

Monsieur le leader, depuis la diffusion du reportage, est-ce que quelqu’un au sein du gouvernement Trudeau a communiqué avec l’avocat en question? Est-ce que quelqu’un a communiqué avec cet avocat pour débusquer ces 700 personnes et les expulser du pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je n’ai aucune information au sujet de cet avocat ou de communications entre ce dernier et le gouvernement. Je peux affirmer, comme je l’ai déjà fait auparavant, que le gouvernement a adopté une approche pangouvernementale et qu’il se sert de tous les outils à sa disposition qu’il juge appropriés pour sanctionner les membres de ce régime qui représentent une menace pour le Canada et il continuera à envisager toutes les sanctions et mesures possibles pour protéger la sécurité nationale et l’intégrité du Canada.

Les relations Canada-Iran

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : En mai 2022, je vous ai posé une question à propos d’un match de soccer entre le Canada et l’Iran qui a été annulé à la suite d’un tollé. Vous aviez promis de vérifier si le gouvernement Trudeau avait traité les visas et les permis de travail nécessaires pour ce match. Vous aviez aussi promis de nous dire si de l’argent public avait servi à dédommager l’Iran de l’annulation ou à renflouer les coffres de Canada Soccer, qui avait organisé ce match et en avait fait la promotion. Plus d’un an et demi plus tard, je n’ai toujours pas obtenu de réponse. Pourquoi, monsieur le leader?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas la réponse, sénateur Plett. Vous n’auriez pas dû attendre un an et demi avant de me reposer la question. Il va sans dire que vous pouvez toujours me demander...

Une voix : Vous avez donc oublié.

Le sénateur Gold : Non, monsieur, je n’ai pas oublié, mais nous n’avons pas reçu de...

Le sénateur Plett : Quelle est la réponse?

Le sénateur Gold : Nous n’avons pas reçu de réponse. Je vous invite à ne pas attendre un an et demi avant de me demander des nouvelles d’un dossier. Nous nous voyons tous les jours. Je peux faire le suivi, et je m’y engage, d’ailleurs.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-13.

Comme vous le savez déjà, le projet de loi S-13 ajoutera une disposition de non-dérogation à la Loi d’interprétation afin que soient maintenus les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones qui sont prévus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Voici ce que dit la disposition en question :

Tout texte maintient les droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; il n’y porte pas atteinte.

L’abrogation désigne l’abolition officielle d’une loi, d’un accord, d’une entente ou d’un décret. Il peut aussi s’agir de rendre, de manière officielle ou non, inopérant ou nul tout traité, loi, droit reconnu par la loi ou texte formel.

La dérogation désigne la suppression ou l’assouplissement partiel d’une loi, d’une règle, d’un accord ou d’une entente. Bien souvent, ce terme correspond au fait de contourner une norme ou de s’y soustraire, souvent dans un contexte juridique où certains aspects d’une loi ou d’un règlement sont suspendus ou modifiés, mais sans que la loi elle-même soit entièrement supprimée. Vous pouvez facilement comprendre pourquoi l’une ou l’autre de ces mesures est très préjudiciable dans le contexte des droits des peuples autochtones.

(1500)

Ce qui est peut-être moins clair, c’est la raison pour laquelle une telle disposition de non-dérogation est nécessaire. Permettez-moi de vous expliquer un peu comment nous en sommes arrivés là où nous en sommes aujourd’hui. Pour ce faire, j’aimerais citer quelques paragraphes d’un article publié en 2013, intitulé « The Campaign to Erode Aboriginal and Treaty Rights », qui a été signé par 52 professeurs, constitutionnalistes et dirigeants autochtones, dont Willie Littlechild et Constance Backhouse.

Jusqu’en 1995, les nouvelles lois fédérales qui risquaient d’entrer en conflit avec les droits ancestraux et issus de traités comprenaient couramment une disposition de non-dérogation, qui confirmait que le Parlement ne voulait pas que la nouvelle loi soit interprétée d’une manière qui contreviendrait aux droits ancestraux et issus de traités [...]

À partir de 1995, le ministère fédéral de la Justice s’est efforcé, dans un premier temps, de réduire et, plus récemment, d’ébranler directement cet équilibre constitutionnel. Il l’a fait sans porter clairement la question à l’attention du Parlement, des peuples autochtones ou de la population canadienne.

L’article se poursuit ainsi :

Dans les lois rédigées depuis 1995, le ministère de la Justice a essayé de remplacer le libellé clair de la disposition de non‑dérogation par de nombreuses variantes moins rigoureuses. Toutes ces variantes ont amorcé une tendance à brouiller, à affaiblir et, au bout du compte, à renverser l’intention présumée auparavant claire du Parlement de ne pas porter atteinte aux droits ancestraux et issus de traités dans les nouveaux projets de loi.

Pendant un certain temps, cette campagne est passée inaperçue. Lorsque des représentants autochtones en ont pris conscience et l’ont portée à l’attention des parlementaires, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a mené une enquête minutieuse et approfondie sur la question. Cette enquête a débouché en décembre 2007 sur un rapport réfléchi, appuyé par tous les partis, intitulé Prendre au sérieux les droits confirmés à l’article 35 : Dispositions de non-dérogation visant les droits ancestraux et issus de traités.

Parmi les recommandations judicieuses de ce rapport, le comité sénatorial a demandé que la Loi d’interprétation soit modifiée pour y inclure une règle de présomption générale d’après laquelle les nouvelles lois devraient être interprétées de manière à faire respecter les droits ancestraux ou issus des traités, plutôt qu’à les éroder [...]

Chers collègues, voici purement et simplement l’histoire de la mesure législative qui nous est présentée aujourd’hui.

Le projet de loi S-13 n’est pas un projet de loi à célébrer, mais plutôt une preuve silencieuse des refus répétés, systématiques et systémiques des gouvernements canadiens d’honorer les droits ancestraux ou issus des traités. Cela donne à réfléchir, chers collègues. On a d’abord eu les traités. Puis, les traités ont été suivis par des décisions judiciaires qui insistaient sur le fait que les droits issus de traités devaient être respectés. Est ensuite arrivé l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui affirmait que les droits issus de traités sont des droits reconnus et qu’ils doivent être respectés. Enfin, le Parlement a adopté la Loi relative à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui exige que :

Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

En dépit de tout cela, chers collègues, nous sommes en train d’adopter le projet de loi S-13, qui affirmera encore une fois les droits des Autochtones, alors que le gouvernement écarte les préoccupations des Autochtones au sujet du projet de loi.

Ces préoccupations ont été maintes fois exprimées par les Autochtones qui ont témoigné devant le comité dans le cadre de l’étude du projet de loi S-13.

Natan Obed de l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, — lorsque nous aurons terminé, chers collègues, je crois que j’aurai appris comment prononcer ce nom, car je l’ai prononcé assez souvent — a dit :

[...] l’ITK est très préoccupée par la façon de dépeindre le processus d’élaboration de ce projet de loi. Le projet de loi n’a pas été élaboré conjointement avec les Inuits et n’a pas non plus fait l’objet d’une consultation ou d’une coopération avec les Inuits [...]

L’Association des femmes autochtones, ou AFAC, a déclaré :

En ce qui concerne ce projet de loi et l’ajout d’une [disposition de non-dérogation] dans la Loi d’interprétation, l’AFAC a soumis au moins quatre mémoires écrits entre 2021 et 2023, soulignant très clairement que l’AFAC s’attend à ce que la [Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones] soit incluse dans la disposition de non-dérogation.

J’affirme que nous avons été consultées, mais qu’on n’a pas répondu à ce que nous avons demandé à maintes reprises.

Cheryl Casimer, qui est membre élue de l’exécutif politique du Groupe de travail du Sommet des Premières Nations, en Colombie‑Britannique, et membre du Conseil des leaders des Premières Nations de la Colombie-Britannique, a déclaré :

Du point de vue de l’APN, non, nous ne croyons pas que les principes du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause aient été respectés dans l’élaboration de ce projet de loi. L’APN a plaidé pour une plus grande consultation de toutes les Premières Nations. De plus, le projet de loi a été déposé sans que l’APN ou les Premières Nations aient été dûment informées.

Judy Wilson, ancienne cheffe de l’Union of British Columbian Indian Chiefs, a dit : « Il n’y a pas eu suffisamment de consultations tout au long de ce processus. »

La directrice principale des Services juridiques de l’Association des femmes autochtones du Canada, Sarah Niman, a déclaré ceci devant notre comité :

Le projet de loi S-13 montre que le Parlement n’a pas vraiment l’intention de faire le travail qui sous-tend la réconciliation, mais qu’il se contente de prononcer le mot pour obtenir un gain politique.

Chers collègues, les libéraux font toujours de beaux discours, mais ils réussissent rarement à passer de la parole aux actes. Ce qu’ils font ne correspond pas à ce qu’ils disent.

Il ne s’agit pas d’une accusation gratuite. Je l’ai vu de mes propres yeux pendant l’étude du Comité de la défense sur le projet de loi C-21. Au moment même où le projet de loi S-13 franchissait les étapes du processus législatif, le gouvernement prétendait qu’il fallait respecter les droits ancestraux et issus de traités, mais bafouait en même temps ces droits dans le projet de loi C- 21.

Paul Irngaut, le vice-président de Nunavut Tunngavik Incorporated, a dit au comité : « Le projet de loi n’a pas fait l’objet d’une consultation suffisante. » Il a ajouté : « Nous estimons que nous n’avons pas été consultés de manière adéquate. »

Lorsque Jessica Lazare, du Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke, a témoigné, je lui ai dit que le ministre avait déclaré que le projet de loi respectait les droits des Autochtones et que son sous-ministre avait affirmé au comité : « Il y a eu de nombreuses consultations avec les collectivités autochtones d’un bout à l’autre du pays lorsque le projet de loi a été présenté la première fois. » Ce sont les paroles du sous-ministre.

Ensuite, j’ai demandé à la cheffe Lazare : « [J]uste pour être sûr, le gouvernement vous a-t-il consultés avant le dépôt du projet de loi? »

Elle a répondu en un mot : « Non. »

J’ai donc posé la question suivante : « À votre connaissance, de nombreuses consultations ont-elles été effectuées auprès des communautés autochtones du pays avant le dépôt du projet de loi C-21? »

Mme Lazare a donné la même réponse : « Non. »

Chers collègues, lorsque le ministre LeBlanc a comparu devant le Comité de la défense au sujet du projet de loi C-21, il nous a assuré que les groupes autochtones avaient été consultés, mais il est clair qu’ils ne l’ont pas été. Il n’y a eu ni consultation, ni coopération, ni consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

On pourrait penser que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants serait la tribune tout indiquée pour examiner cette atteinte manifeste aux droits des Autochtones. Après tout, le Sénat est censé être un lieu de second examen objectif et il est censé protéger les droits des minorités. Pourtant, tous les amendements au projet de loi C-21 qui ont été proposés au comité et qui visaient à corriger cette omission ont été rejetés. Peu importe qu’ils aient été présentés par des conservateurs ou non, car on aurait pu alors crier à la partisanerie, ils ont tous été rejetés, y compris ceux de la sénatrice Anderson.

(1510)

Le gouvernement a fait preuve de la même hypocrisie au comité, où certains sénateurs ont dit exactement ce qu’il fallait dire et prétendu chérir les droits des Autochtones pendant qu’ils faisaient exactement le contraire en faisant fi des voix autochtones et de leurs préoccupations. Nous en avons eu une autre preuve ici même puisque certains sénateurs autochtones ont voté pour une loi qui foule aux pieds tous leurs droits.

J’utilise souvent les dessins animés pour illustrer mes propos, et c’est ce que je vais faire encore aujourd’hui. Certains jours, j’ai l’impression de regarder les vieux épisodes de Peanuts, où on voit Lucy qui dépose un ballon de football par terre pour que Charlie Brown puisse le botter. Il accourt, mais juste comme il s’élance, Lucy retire le ballon et Charlie Brown tombe à plat sur le dos. Mais comme Charlie Brown est un éternel optimiste, il recommence encore et encore le même manège, espérant que, cette fois, Lucy tiendra parole, mais ce n’est jamais ce qui se passe, vous l’aurez deviné. Le spectateur, lui, s’amuse de la naïveté de Charlie Brown.

Chers collègues, nous ne vivons pas dans un monde de dessin animé, même si, parfois, le gouvernement me donne l’impression contraire. Cependant, nous faisons preuve de la même naïveté au Sénat. L’autre jour, la sénatrice Deacon a changé d’avis au sujet d’un amendement au projet de loi C-21 concernant les tireurs sportifs, parce que le gouvernement lui a promis que :

L’intention du gouvernement n’est pas d’éliminer les sports de tir au Canada pour les jeunes, les débutants ou les aînés.

Le gouvernement a aussi donné cette assurance à la sénatrice :

[Il veut] trouver un équilibre entre la capacité de permettre les sports et les compétitions de tir et celle d’empêcher que des gens se servent de ce prétexte comme moyen détourné pour posséder des armes de poing.

La sénatrice Deacon a dit : « Je dois au moins laisser la chance au ministre de tenir parole. » Charlie Brown.

Honorables collègues, cette attitude ne mènera qu’à la déception, au découragement et au désespoir, car c’est le même gouvernement qui a non seulement dit qu’il respecterait les droits des Autochtones, mais qui a également inscrit dans nos lois la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Croyez-vous que la parole d’un ministre suffira, alors quelle ne suffit même pas pour que le gouvernement tienne parole lorsqu’il est question des droits des Autochtones, qu’il s’agisse des droits issus de traités, des droits conférés par l’article 35 de la Constitution et la déclaration des Nations unies ou des droits visés par le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui? C’est suffisant pour la sénatrice Deacon. Qu’en est-il des autres sénateurs?

Le gouvernement a bafoué les droits des Autochtones en négligeant de les consulter au sujet du projet de loi C-21, pourtant je suis convaincu que nous allons assister une fois de plus au même spectacle et que certains sénateurs appuieront ce projet de loi en affirmant qu’ils souhaitent protéger les droits des Autochtones, et ce, tout juste après avoir rejeté des amendements justement conçus pour protéger ces droits. La situation doit être particulièrement décourageante pour les peuples autochtones, du moins ceux qui n’appuient pas le gouvernement.

Cela dit, s’il y a un rayon d’espoir auquel s’accrocher dans cet épais brouillard, c’est que, malgré toutes leurs préoccupations, malgré l’absence de consultations et malgré le fait qu’ils n’ont pas été entendus, les peuples autochtones souhaitent quand même que cette mesure législative soit adoptée. L’espoir est éternel. Malgré tous les vents contraires, ils gardent espoir et continuent de se battre pour leurs droits et chérissent chaque avancée, aussi menue soit‑elle. Lentement mais sûrement, leur détermination et leur patience finissent par porter leurs fruits, même si le gouvernement n’y est pour rien.

Quoi qu’il en soit, je vous prie, chers collègues, de ne pas considérer ce projet de loi comme une panacée, car je peux vous assurer que ce n’est pas l’opinion qu’en ont les peuples autochtones. Le Conseil mohawk de Kahnawà:ke a fait remarquer que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 :

[...] s’applique d’elle-même. Par conséquent, cette disposition de non-dérogation constituera, au mieux, un rappel des limites constitutionnelles bien établies, mais elle n’apportera aucun avantage concret aux communautés autochtones.

La cheffe Jessica Lazare ajoute que « [...] au mieux, on peut comparer les dispositions comme celle-là à de petites notes adhésives qui renvoient à la Constitution ».

Ne vous méprenez pas, chers collègues. C’est bien ce que fera le projet de loi S-13. Il apposera une petite note adhésive sur chaque document législatif pour rappeler au gouvernement ce qu’il sait déjà pertinemment, c’est-à-dire que les droits ancestraux ou issus des traités n’ont pas été accordés; ils sont inhérents. On ne peut les abroger ni y déroger. Ils ne peuvent faire l’objet de négociation ou d’assujettissement. Plutôt, comme il est déclaré sur le site Web du ministère de la Justice : « Les droits des peuples autochtones, peu importe où ils se vivent, doivent être respectés. »

Chers collègues, je vous encourage à appuyer ce projet de loi aujourd’hui. Je le ferai, et je crois que tous mes collègues au sein de mon caucus l’appuieront aussi, non pas parce qu’il changera la manière dont se comporte le gouvernement — il ne le fera pas —, mais parce qu’il salue la persévérance et l’éternel optimisme des Autochtones ainsi que leurs efforts inlassables en vue d’obtenir ce qui leur appartient déjà. Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi visant à protéger les merveilles naturelles du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Karen Sorensen propose que le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-14, Loi visant à protéger les merveilles naturelles du Canada. Je reconnais aussi que nous sommes rassemblés sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je tiens d’abord à remercier mes collègues du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles de leur étude approfondie du projet de loi ainsi que des améliorations qu’ils ont su y apporter ensemble. Les amendements proposés permettront de mener à terme la création d’une réserve à vocation de parc national au Labrador et d’une aire marine nationale de conservation au Nunavut. Ils permettront aussi d’agrandir sept parcs nationaux et une réserve à vocation de parc national.

Les parcs et la réserve sont répartis dans l’ensemble du territoire canadien, et les agrandissements se feront par des modifications apportées à la Loi sur les parcs nationaux du Canada et à la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada. Le projet de loi consolide aussi certaines dispositions associées à ces lois. Ces lois et les règlements connexes permettent de protéger un grand nombre d’endroits précieux que les Canadiens ont à cœur. Ils permettent aussi à l’Agence Parcs Canada de veiller sur tous les endroits dont elle a l’intendance afin d’y accueillir des gens de toutes les régions du Canada et du monde entier.

Chers collègues, nous envisageons ces agrandissements, et quelques améliorations, dans le but de clarifier et de renforcer les outils réglementaires que Parcs Canada emploie pour la protection et la conservation des aires dont il a la responsabilité alors que nous vivons une période importante. Nous constatons la perturbation des écosystèmes et la perte d’espèces animales partout au Canada, et la crise climatique exacerbe ces changements et les répercussions qu’ils ont sur les milieux naturels.

Cependant, quand on met ces milieux naturels à l’abri des répercussions des activités humaines et qu’on leur accorde la protection que confèrent les mesures législatives et les règlements ayant trait à Parcs Canada, ces milieux et les espèces qui s’y trouvent peuvent connaître un regain et il s’agit d’une mesure importante pour briser le cycle des dommages à l’environnement et de sa dégradation.

Dans mon discours aujourd’hui, je voudrais parler de ce qui nous a amenés à réfléchir à la modification des mesures législatives visant Parcs Canada. Je voudrais notamment attirer votre attention sur la façon dont Parcs Canada aborde la création de nouvelles aires protégées.

(1520)

Il s’agit là d’un point important, car par le passé, le processus de création des sites de Parcs Canada ne tenait pas compte de l’importance de ces lieux pour les habitants de la région qui y vivaient depuis des générations, voire des siècles, dans le cas des Autochtones du Canada. Dans l’ensemble du pays, la création de nombreuses zones protégées a été mal vécue par les habitants des régions concernées. Nous en avons entendu quelques exemples dans le cadre du débat et de l’étude du projet de loi.

Nous avons beaucoup à faire à cet égard. Parcs Canada s’engage maintenant fermement à honorer les liens qui unissent ces sites et les Autochtones et à respecter les droits de ces derniers. Parcs Canada crée maintenant de nouveaux parcs de manière transparente et conviviale, dans le cadre d’un véritable partenariat avec tous les habitants des régions concernées et, notamment, avec les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis partout au Canada.

Aujourd’hui, la création et la gestion des parcs nationaux sont un important levier de réconciliation et de collaboration.

Dans son expression la plus élémentaire, la création ou l’élargissement d’un parc national, d’une réserve à vocation de parc ou d’une aire marine de conservation est un processus simple en cinq étapes. La première étape consiste à choisir un site. Ce choix repose notamment sur des considérations telles que l’importance culturelle, la biodiversité et la protection de la connectivité écologique. La deuxième étape consiste à réaliser une étude de faisabilité. Elle implique de vastes consultations visant à évaluer le soutien des gouvernements et des communautés autochtones, des gouvernements provinciaux ou territoriaux et des collectivités locales, y compris les intervenants régionaux. Elle aboutit à l’élaboration d’une proposition de limites et d’un concept global pour le parc. La troisième étape est la négociation, au cours de laquelle toutes les parties concernées se mettent d’accord sur une vision de la zone protégée. La quatrième étape est la mise en place, lorsque des accords officiels sont signés, et la cinquième étape est la protection, au cours de laquelle les zones protégées sont inscrites dans la législation.

Avec la présentation du projet de loi S-14, les parcs, les réserves à vocation de parcs et les aires marines mentionnés dans le projet de loi ont atteint la cinquième et dernière étape du processus. Il s’agit de la partie la plus facile du processus, qui ne nécessite qu’un second examen objectif et quelques votes pour atteindre les principaux objectifs du projet de loi. Pour le reste, honorables collègues, le plus gros du travail a été fait pour nous.

Comme on peut l’imaginer, bien que les cinq étapes soient les mêmes pour tous les projets, chaque projet est mené dans des circonstances particulières qu’il faut prendre en considération et requiert la consultation d’un groupe différent de partenaires et d’intervenants. Nous l’avons vu, par exemple, dans les accords conclus avec l’Association inuite du Qikiqtani pour la création de l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga.

Nous l’avons également constaté lorsqu’on a procédé à l’agrandissement du parc national Tuktut Nogait, parc dont la collectivité de Paulatuk avait proposé la création pour protéger les terrains de mise bas de la harde de caribous Bluenose-Ouest, et lorsque le Secrétariat du Sahtu a contribué grandement à l’agrandissement de la partie du parc réservée aux Sahtús en présentant une demande officielle à cette fin.

Nos partenaires dans ces importantes initiatives de protection comprennent beaucoup de groupes et de communautés autochtones. En effet, chacun des sept parcs et la réserve à vocation de parc, dont les limites seront officiellement agrandies grâce à ce projet de loi, sont le fruit de dialogues importants entre Parcs Canada et les communautés autochtones et non autochtones concernées.

La négociation d’accords sur la manière de protéger et de conserver l’espace naturel mène à des partenariats qui peuvent être appliqués ailleurs à nos entreprises sociales, culturelles et économiques. C’est grâce à de telles mesures que nous avançons sur la voie de la réconciliation.

Chers collègues, les avantages potentiels sont nombreux, mais il est plus nécessaire que jamais de protéger ces zones. Aujourd’hui, nous pouvons contribuer à faire en sorte qu’une superficie totale de 12 085 851 hectares jouisse de toutes les protections prévues par la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada et leurs règlements connexes. Cela comprend près de 220 000 hectares en tout pour agrandir les limites de parcs nationaux et de réserves à vocation de parc national existants, plus d’un million d’hectares dans la réserve à vocation de parc national des Monts Mealy et 10,8 millions d’hectares pour l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga.

Le Canada a la responsabilité en matière de gérance de protéger les vastes étendues de terre et d’eau qui relèvent de sa compétence, tant pour la génération actuelle que pour les générations futures et tant pour les citoyens canadiens que pour la population mondiale.

Étant donné les effets croissants des changements climatiques et de la perte de biodiversité, les peuples autochtones, les groupes environnementaux, les collectivités locales, les gouvernements provinciaux et territoriaux et la population canadienne s’attendent à voir des progrès dans la protection de nos espaces naturels. Nous avons l’occasion de montrer que nous sommes à l’écoute et j’espère que tous les sénateurs se joindront à moi pour appuyer le projet de loi S-14. Merci. Hiy hiy.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada. Je le fais en tant que porte-parole favorable au projet de loi.

Le projet de loi propose des changements importants dans la gestion et la préservation du patrimoine naturel canadien. Le projet de loi S-14 apporte des changements importants à la Loi sur les parcs nationaux du Canada, notamment en créant une nouvelle réserve de parc national et en proposant des initiatives qui comprennent des règlements pour sa gestion et son administration.

En outre, le projet de loi prévoit l’agrandissement des limites de sept parcs nationaux et d’une réserve de parc national existants, ainsi que le changement de nom d’un parc. Il vise également à intensifier les mesures législatives contre le déversement ou le dépôt de substances nocives dans ces zones protégées.

Le projet de loi modifie également la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada en mettant l’accent sur l’importance de protéger les zones ayant une riche biodiversité marine.

Enfin, le projet de loi propose de modifier la Loi sur le parc urbain national de la Rouge en durcissant les sanctions liées au déversement ou au dépôt de substances dans ce parc, ce qui permettra de le préserver pour les générations futures.

Avant de parler davantage de ce projet de loi et de formuler mes observations, je veux parler un peu de l’histoire et du développement de nos parcs nationaux, puisqu’ils existent d’un océan à l’autre, dans toutes les provinces et tous les territoires et qu’ils sont instinctivement très appréciés par tous les Canadiens.

Il y a actuellement 38 parcs nationaux, 10 réserves à vocation de parc national et un parc urbain national, qui sont tous protégés au titre de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et qui sont administrés par Parcs Canada.

Le premier parc national a été créé en 1885 par le gouvernement conservateur de sir John A. Macdonald et portait initialement le nom de parc des Rocheuses. Il s’appelle maintenant parc national du Canada Banff et il est le plus ancien et le plus visité au Canada.

Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, il y a deux parcs nationaux et une réserve de parc national, et les trois ne pourraient pas être plus différents. Visiter la réserve de parc national de l’Île‑de-Sable, établie par le gouvernement Harper en 2013, ce que j’ai eu la chance de faire deux fois, est une expérience unique. On peut y voir ses chevaux emblématiques et un des sites de nidification du pluvier siffleur, une espèce en voie de disparition. Le parc national Kejimkujik, situé à l’intérieur des terres dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, est un bassin versant d’une grande beauté qui renferme encore des forêts anciennes de l’Acadie et une flore unique à cette région. Le dernier, mais certainement pas le moindre, est le ​parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, dans mon coin de pays. C’est le plus ancien et le plus fréquenté de tous les parcs du Canada atlantique. Le Canada est un pays vaste et diversifié, et ces trois parcs situés dans une petite province représentent bien cette réalité.

Les Canadiens soutiennent leur système de parcs nationaux, et moi aussi. Toutefois, lorsque nous créons de nouveaux parcs nationaux, réserves de parc national et aires marines nationales de conservation et que nous élargissons les limites des parcs existants, nous devons veiller à ce que les erreurs du passé ne soient pas répétées lorsque nous traitons avec les gens qui vivent près des parcs et, à plus forte raison, ceux qui occupent le territoire visé par l’agrandissement ou la création des parcs.

J’ai été témoin de l’arrogance de l’État et de l’insensibilité des bureaucrates anonymes à l’endroit des habitants de Louisbourg, ma ville natale quand la décision de reconstruire partiellement la forteresse de Louisbourg a été prise au début des années 1960. Je me suis déjà exprimé à ce sujet à l’étape de la deuxième lecture, alors je ne vais pas me répéter. Le fait demeure que ma ville natale a été durement touchée par des expropriations massives qui ont eu pour conséquence de transformer un port maritime florissant en village défavorisé. Ce n’est pas seulement une question de perte de terres ou d’indemnité financière insuffisante, même si ces aspects ont joué un rôle déterminant. Il y a aussi le mépris total à l’égard de personnes relativement pauvres et impuissantes et le manque de respect pour leur patrimoine historique et social.

Ma famille, comme bien d’autres, a été directement affectée par ces actions. Ma grand-mère a été expropriée à l’âge de 85 ans et elle n’a reçu qu’une maigre compensation pécuniaire pour la terre familiale historique, dont les titres de propriété remontaient à la fin du XVIIIe siècle. Elle a reçu 4 000 $ pour 62 acres de terres allant de la rive portuaire jusqu’au camp de Wolfe, une zone où plus de 14 000 soldats — la plus grande force terrestre militaire jamais réunie sur le territoire que l’on appelle aujourd’hui le Canada — avaient installé leur campement en 1758, durant le deuxième siège de Louisbourg.

(1530)

C’était une femme indépendante qui a dû se débrouiller avec peu d’argent dans la vie. Lorsqu’elle a été expropriée, elle a refusé de venir vivre chez nous, préférant louer un appartement un peu plus bas dans la rue. Sa maison de deux étages, probablement la plus vieille du coin, avait été construite au XVIIIe siècle. Le mur de la cuisine, entièrement fait de grès de plage, faisait face à l’ouest.

Lorsqu’elle a quitté sa maison, elle a d’abord décidé d’y laisser la majorité de ses biens et des souvenirs de famille. Peu après, nous avons constaté un matin que Parcs Canada avait rasé complètement la maison sans consulter ou prévenir qui que ce soit. Je n’oublierai jamais la tristesse dans les yeux de ma grand-mère ce jour-là, lorsque nous l’avons emmenée à l’ancienne maison familiale et qu’elle a constaté qu’il n’en restait plus rien. Tout avait été détruit et était irrécupérable, ce qui a été encore plus douloureux que l’expropriation elle-même. Le message envoyé à notre famille était clair : « Vous n’avez aucune valeur, votre histoire n’a aucune valeur et votre communauté n’a aucune valeur. »

J’ai toujours aimé l’histoire de la forteresse. J’ai toujours été fier de l’histoire de ma collectivité. Combien de Canadiens savent qu’en 1757 — l’année précédant le deuxième et dernier siège —, Louisbourg était le troisième port en importance en Amérique du Nord sur le plan du volume, derrière Boston et Philadelphie. New York devait se contenter de la quatrième place. La collectivité a fortement encouragé la reconstruction. C’était une époque enlevante pour la ville.

Il a fallu 25 ans pour bâtir la forteresse et elle a tenu moins de 15 ans, ce qui lui donne une durée de vie de 40 ans. Par contre, la communauté dont ma famille faisait partie avait plus de 200 ans. Il n’y avait toutefois aucun respect pour notre histoire et aucune reconnaissance envers notre communauté ou ceux qui l’avaient bâtie.

La décision de ne pas entretenir la route entre Louisbourg et Gabarus, qu’on prit également sans consulter les résidants et sans tenir compte d’eux, devint un autre symbole de cette approche désincarnée. Bien que la route fut une route provinciale, c’est Parcs Canada qui hérita de la responsabilité de l’entretenir, puisqu’elle était presque entièrement sur les terres du lieu historique. Ensuite, Parcs Canada cessa délibérément d’entretenir la route. L’organisme laissa la situation se détériorer jusqu’à ce qu’il puisse dire à la province, après plusieurs années, que la route était trop dangereuse et qu’on devait la fermer. En 1969, l’organisme érigea des barrières aux deux extrémités et celles-ci s’y trouvent toujours.

Tout cet épisode démontre comment on se soucie peu des répercussions des décisions administratives sur les êtres humains. Obnubilé par la protection et la conservation, Parcs Canada semble avoir oublié que des gens habitent dans ces espaces naturels ou aux environs. Je voudrais exprimer aujourd’hui les inquiétudes que j’éprouve encore concernant l’approche adoptée par Parcs Canada dans le contexte du projet de loi S-14, en particulier pour ce qui est de la gestion des accès aux parcs nationaux et des répercussions sur les populations environnantes. Malgré les assurances données par les fonctionnaires de Parcs Canada, je demeure sceptique au sujet de la méthode actuelle de gestion des accès, qui ne semble pas être très différente de celle qui était employée il y a 50 ans.

Chaque parc national et chaque population environnante a des problèmes et des caractéristiques qui lui sont propres. L’approche universelle qui est proposée ne saurait être adaptée à toute la variété de problèmes.

Par ailleurs, je m’inquiète de voir que le patrimoine des collectivités qui sont touchées par les modifications des parcs n’est pas reconnu à sa juste valeur et n’est pas préservé. L’histoire de West Louisbourg, Kennington Cove et Deep Cove, par exemple, semble avoir été effacée sans qu’il reste la moindre trace de leur existence passée. Les efforts actuels de Parcs Canada pour dialoguer avec les populations expropriées, notamment celle de Forillon, sont louables mais insuffisants, compte tenu de l’étendue et de la profondeur des répercussions historiques et culturelles.

Honorables sénateurs, je voudrais aussi parler d’une question qui a fait surface lors de l’étude en comité du projet de loi S-14. C’est une question qui concerne directement la nation innue et qui met en exergue les difficultés résultant de la gestion par le gouvernement des droits des peuples autochtones.

Nous avons entendu des témoignages et des arguments juridiques révélant des failles dans le processus d’élaboration du projet de loi, en particulier en ce qui concerne la consultation de la nation innue. Il est apparu clairement au comité que le gouvernement ne les a pas consultés de manière adéquate avant de présenter le projet de loi, ce qui a entraîné des frustrations et des conflits qui auraient pu être évités.

Le principal litige concernait l’intégration de la communauté NunatuKavut, reconnue comme « utilisateur traditionnel des terres » dans le texte du projet de loi. La nation innue — qui a joué un rôle crucial dans la création de la réserve du parc national des Monts Mealy par le projet de loi S-14 — s’est retrouvée dans une situation inattendue et problématique lorsqu’elle a appris l’inclusion soudaine d’un autre groupe non reconnu aux termes de l’article 35 de la Constitution canadienne. Ce traitement soulève des questions sur l’engagement du gouvernement à consulter les peuples autochtones, ainsi que sur sa compréhension de la dynamique complexe entre les différents groupes autochtones.

J’aimerais vous faire part d’un passage du témoignage de l’honorable Peter Penashue, négociateur au nom de la nation innue, devant le comité :

On ne nous a même pas consultés. En vertu de l’entente, pour toute modification proposée, nous devons être consultés. Nous l’avons appris par l’intermédiaire de gens qui faisaient de la recherche.

Je précise qu’un amendement a été présenté au comité pour supprimer la mention de la communauté de NunatuKavut dans le projet de loi S-14. Bien que la revendication de la communauté de NunatuKavut soit, au moins pour le moment, apparemment rejetée, l’inclusion de la communauté dans la première version du projet de loi était purement politique et le résultat du lobbying de partisans du Parti libéral ayant des relations d’initiés. Ce n’est pas une façon de rédiger un projet de loi ni de traiter les gens, et cela ne reflète certainement pas une approche respectueuse, consultative ou transparente.

La promesse de consultations et de participation des peuples autochtones, réitérée par le gouvernement, s’est avérée superficielle dans ce cas, mettant en évidence un écart important entre la théorie et la pratique.

J’aimerais également attirer votre attention sur le parallèle entre la gestion du projet de loi C-21 et celle du projet de loi S-14 concernant l’approche du gouvernement en matière de consultation des communautés autochtones.

La semaine dernière, au cours des débats sur le projet de loi C-21, un amendement proposé par mon collègue le sénateur Boisvenu — visant à garantir des consultations approfondies auprès des peuples autochtones — a été accueilli de façon négative par le représentant du gouvernement au Sénat. Cette réponse met en lumière une tendance inquiétante du gouvernement à négliger la voix des populations dans l’élaboration des politiques qui les concernent directement.

Pendant l’étude du projet de loi C-21, le ministre LeBlanc a prétendu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants qu’il avait mené de vastes consultations auprès de divers groupes, y compris des groupes autochtones et des personnes directement touchées par la législation sur les armes à feu. Or, ce n’est pas ce qui ressort des témoignages entendus. Contrôleurs des armes à feu, représentants autochtones et autres parties intéressées : tous ont clairement dit qu’ils n’avaient pas été consultés adéquatement au sujet du projet de loi C-21, si tant est qu’ils l’aient été.

À la lumière de cette divergence pour le moins troublante, l’amendement proposé par le sénateur Boisvenu visait à corriger ce manquement en rendant la tenue de consultations obligatoire pour tous les règlements ayant une incidence sur les groupes, les communautés et les peuples autochtones. Cet amendement ne visait pas seulement à corriger le manque de consultations, il avait aussi pour objectif de faire concorder le processus législatif avec les promesses ostensibles du gouvernement.

Le rejet de cet amendement par le gouvernement soulève de profondes questions sur son réel attachement aux principes de la consultation et au respect des droits des peuples autochtones, pour ne pas dire des Canadiens en général.

Honorables sénateurs, la trajectoire qu’a connue le projet de loi S-14 me fait prendre conscience que nous devons approfondir nos consultations et que nous devrions sans doute inviter de nouveau la Chambre des communes à adopter une approche plus exhaustive en la matière. J’ai l’impression qu’à l’heure actuelle, ce projet de loi gagnerait à être soumis à d’autres points de vue et à un examen plus rigoureux.

Il est aussi essentiel que les secteurs industriel et minier, dont l’impact économique est considérable dans plusieurs régions touchées par le projet de loi S-14, soient plus souvent consultés. Leurs points de vue et leur connaissance particulière des difficultés et des possibilités qui sont associées à cette mesure législative sont nécessaires pour bien évaluer ses répercussions économiques et concrètes.

Dans le même ordre d’idées, il faut aussi tenir compte de l’opinion des maires et des responsables des petites villes. Ces gens représentent les localités qui seront directement touchées par le projet de loi S-14, alors leur compréhension des besoins et des enjeux locaux est essentielle pour évaluer l’incidence réelle que cette mesure législative aura sur leur quotidien.

L’exemple historique de Louisbourg, où des expropriations massives ont eu des conséquences dramatiques pour les gens du coin, devrait nous servir de leçon. Nous devons tirer des enseignements du passé si nous voulons éviter de répéter les mêmes erreurs avec le projet de loi S-14. Cette page de notre histoire montre qu’il faut bien planifier et consulter si l’on veut éviter les conséquences indésirables sur les localités, la gestion des terres, le patrimoine et la population.

En terminant, je prie mes collègues de reconnaître qu’il est nécessaire d’élargir et d’approfondir les consultations sur le projet de loi S-14. C’est notre devoir, à nous législateurs, de faire en sorte que tous les points de vue soient pris en compte afin d’en arriver à des lois équilibrées, réfléchies et bénéfiques pour l’ensemble de la population. Je vous remercie de l’attention que vous portez à ce dossier crucial.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1540)

Projet de loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Éric Forest propose que le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence, soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Colin Deacon : Honorables collègues, « le capitalisme sans concurrence, c’est de l’exploitation ».

Cette déclaration décrit un pilier central de la politique économique du président Joe Biden. Il a ajouté ceci : « Sans une saine concurrence, les grands joueurs peuvent changer tout ce qu’ils veulent, exiger n’importe quel prix et traiter les gens comme ils le veulent. »

Ceux d’entre nous qui prennent l’avion chaque semaine vivent avec les effets de cette réalité.

En revanche, les marchés concurrentiels obligent les entreprises à innover pour faire de meilleures offres et attirer plus de clients. Une concurrence robuste sur les marchés encourage les entreprises à investir davantage et à être plus efficaces, novatrices et productives. La concurrence permet d’offrir de meilleurs produits à meilleur prix à la clientèle. Les marchés concurrentiels encouragent donc les entreprises à devenir de meilleurs concurrents à l’échelle mondiale.

Au Canada, les investissements et la productivité des entreprises sont en baisse constante depuis plus de 20 ans. On s’entend de plus en plus pour dire que c’est en grande partie à cause de nos lois et de nos politiques désuètes en matière de concurrence.

C’est pourquoi je suis ravi, honorables collègues, de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable. Je suis heureux que le gouvernement donne suite à son engagement initial du budget de 2022 en ce qui a trait aux réformes stratégiques en matière de concurrence. Le projet de loi C-56 propose d’apporter aux lois canadiennes en matière de concurrence les réformes les plus importantes depuis les années 1980. Il mettra en place des mesures visant à rendre les logements plus abordables et à accroître la concurrence dans l’ensemble de l’économie, y compris dans le secteur de l’alimentation.

Cependant, j’aimerais d’abord prendre le temps de vous expliquer pourquoi je m’intéresse autant aux réformes visant les lois et les politiques du Canada en matière de concurrence.

Lorsqu’elle a été promulguée en 1985, la Loi sur la concurrence avait pour objectif :

[...] de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l’adaptabilité et l’efficience de l’économie canadienne, d’améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d’assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie canadienne, de même que dans le but d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.

Cet objectif reste d’actualité. Le problème, cependant, c’est que les réalités du marché ont fondamentalement changé au cours des 38 années qui ont suivi, de sorte que de nombreuses parties du projet de loi ne sont plus adaptées. La Loi sur la concurrence date d’une époque où l’on considérait qu’encourager les grandes entreprises locales était une priorité économique nationale.

Cette croyance a été complètement discréditée par les faits, mais elle perdure dans la Loi sur la concurrence.

Par exemple, en raison de la manière dont nous gérons la concurrence dans le secteur des télécommunications, 85 % de Canadiens qui possèdent un téléphone intelligent paient des factures de télécommunications parmi les plus élevées du monde. Permettez‑moi de vous présenter quelques-unes des inégalités qui en résultent.

J’utilise beaucoup mon téléphone intelligent du Sénat. Je ne suis probablement pas le seul. Il ne m’en coûte que 30 $ par mois grâce à l’accord que les organismes fédéraux ont conclu avec Bell Canada.

En revanche, mon téléphone personnel me coûte environ 90 $ par mois, à peu près trois fois plus que mon téléphone du Sénat. Je suis absolument certain d’une chose : Bell ne proposerait jamais cette offre à 30 $ par mois si elle n’était pas rentable.

Ainsi, ceux qui peuvent payer le plus paient le moins, et ceux qui peuvent payer le moins paient le plus. Bell peut s’offrir le luxe d’imposer à ses clients des pratiques de prix discriminatoires parce que nos lois et politiques sur la concurrence protègent les oligopoles contre une forte concurrence, même contre des concurrents canadiens. Si vous pensez que la situation est mauvaise ici dans le Sud du Canada, je vous suggère de parler à l’un des trois sénateurs qui représentent les territoires.

J’aimerais maintenant vous parler d’une récente fusion dans l’industrie pour étayer mon point de vue. Au cours des 18 derniers mois, nous avons été témoins d’une consolidation à grande échelle en temps réel, quand Rogers a fait l’acquisition de Shaw pour 26 milliards de dollars.

Lorsqu’il s’est rendu compte que ce projet d’acquisition risquait de consolider davantage le marché, le commissaire de la concurrence, Matthew Boswell, a osé contester la fusion et défendre les intérêts des consommateurs canadiens. Soudainement, alors que les représentants du Bureau, de Rogers et de Shaw se préparaient à comparaître devant le tribunal, Rogers s’est engagée à vendre la division sans fil de Shaw, Freedom Mobile. Rogers a fait le pari qu’elle pouvait déterminer par elle-même la solution aux effets anticoncurrentiels qu’aurait cette fusion. Elle a gagné ce pari.

Rogers avait reçu deux offres crédibles pour Freedom Mobile et, fait étonnant, le conseil d’administration de Rogers a accepté l’offre qui était inférieure de plus d’un milliard de dollars à l’offre spontanée d’un concurrent plus solide et totalement indépendant. Jamais le conseil d’administration de Rogers n’aurait accepté un milliard de dollars de moins sur cette vente d’actifs s’il n’avait pas la certitude que le prix de vente réduit produirait en fin de compte des rendements beaucoup plus élevés, à long terme, parce que l’actif était vendu à un concurrent plus faible.

Quel qu’ait été son raisonnement, Rogers a exploité la faiblesse des lois canadiennes en matière de concurrence. Cette faiblesse lui a permis de choisir audacieusement et publiquement son propre concurrent pour remédier à ce que beaucoup estimaient être une fusion anticoncurrentielle.

Finalement, en janvier dernier, le tribunal s’est prononcé en faveur de la poursuite de la fusion. Puis, en août, le tribunal est allé jusqu’à déterminer que les contribuables canadiens devaient payer environ 13 millions de dollars à Rogers et à Shaw parce que selon lui, le commissaire de la concurrence du Canada avait été trop agressif dans sa contestation de la fusion en vertu de la loi actuelle sur la concurrence.

Chers collègues, nos oligopoles profitent constamment des lois et des politiques héritées du passé dans l’ensemble du gouvernement. Ce problème ne se limite pas aux secteurs de l’épicerie et des télécommunications, loin de là.

Bon nombre des oligopoles au Canada sont aujourd’hui tellement dominants qu’ils peuvent se contenter de servir les intérêts des actionnaires sans se soucier des intérêts des consommateurs. En effet, l’état général de la concurrence au Canada est tel que notre pays impose désormais l’un des fardeaux réglementaires les plus lourds de l’OCDE. Paradoxalement, se conformer aux règlements fédéraux, provinciaux et municipaux au Canada coûte tellement que les règlements qui devaient initialement protéger les citoyens protègent désormais bien mieux les intérêts des oligopoles. La lourdeur et la complexité de la réglementation canadienne représentent un frein à l’arrivée de nouveaux joueurs innovants.

Au Comité sénatorial des banques, je demande toujours aux économistes des grandes banques canadiennes quelle est l’importance de la concurrence. Ironiquement, ils répondent toujours qu’une saine concurrence est cruciale pour favoriser l’innovation, la productivité et la prospérité au Canada. Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, parle quant à lui toujours de la saine concurrence comme étant un allié essentiel dans la lutte contre l’inflation.

Chers collègues, je vous ai déjà dit qu’il était impossible de rendre une entreprise sensible aux besoins des consommateurs au moyen de la réglementation; seule la concurrence peut y arriver. Nous avons désespérément besoin d’un changement de cap si nous voulons assurer la prospérité future du pays.

Je vais arrêter de prêcher afin d’aborder directement les éléments qui concernent la concurrence dans le projet de loi C-56.

En novembre 2022, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a lancé une consultation sur l’avenir de la politique de la concurrence au Canada. Cette consultation publique, à laquelle ont participé plus de 130 intervenants sélectionnés et plus de 400 membres du grand public, a suscité un intérêt considérable. En tout, plus d’une centaine de propositions de réforme de la politique de la concurrence ont été formulées. Des tables rondes et des rencontres individuelles ont également été organisées avec les parties prenantes.

En septembre, les résultats de cette consultation ont été publiés dans un rapport intitulé Ce que nous avons entendu, et les modifications apportées à la Loi sur la concurrence dans le cadre du projet de loi C-56 découlent toutes de cette consultation. Bien que ces modifications intègrent des éléments supplémentaires découlant d’une entente avec le NPD, elles correspondent toutes au rapport de consultation.

Voici en quoi consistent ces modifications. Premièrement, le Bureau de la concurrence aura le pouvoir d’entreprendre des études de marché afin de se pencher sur les déficiences susceptibles d’être causées par un manque de concurrence. Il importe de souligner que le Bureau de la concurrence n’est pas le seul à pouvoir exiger la production d’informations sur les entreprises concernées. Avant que cette modification ne soit apportée, le Bureau de la concurrence, lorsqu’il menait une étude de marché, ne pouvait que demander poliment aux entreprises concernées de lui fournir des renseignements qui n’étaient pas accessibles au public.

On peut se demander comment ce principe pourrait fonctionner dans le cadre d’une enquête policière, par exemple.

Ce manque de pouvoir était illogique et allait totalement à l’encontre des pratiques observées dans les pays comparables au nôtre.

Pour tout dire, dans le mémoire qu’ils ont présenté lors de la consultation canadienne, le procureur général adjoint Jonathan Kanter, qui est responsable de l’application des lois antitrust aux États-Unis, et la déléguée commerciale fédérale Lina Khan ont écrit ceci :

Le Bureau de la concurrence, comme la [Federal Trade Commission], a le pouvoir de réaliser des études de marché. Contrairement au Bureau de la concurrence, la [Federal Trade Commission] dispose toutefois d’un pouvoir d’assignation, ce qui l’aide à mener ce genre d’étude.

(1550)

Ils poursuivent ainsi :

Ces études permettent à la Federal Trade Commission de recueillir de l’information et des documents en dehors du cadre d’application de la loi et elles peuvent contribuer à recenser et à analyser les tendances et les problèmes qui risquent d’avoir un effet sur la concurrence [...]

Le Comité des finances de la Chambre a adopté un amendement qui élargit les pouvoirs du commissaire à la concurrence, qui peut désormais lancer des études de marché sans attendre une directive du ministre. Il s’agit d’un changement important, mais le mandat de ces études devra tout de même être rédigé en coordination avec le ministre et approuvé par celui-ci.

Deuxièmement, la défense fondée sur les gains en efficience sera éliminée. Le Canada faisait bande à part dans ce dossier. Cette défense empêche la contestation des fusions anticoncurrentielles devant les tribunaux si les parties en cause réussissent à établir, même hypothétiquement, que la fusion envisagée pourrait se traduire par des gains d’efficience. Or, elles ne sont aucunement tenues de réaliser les gains en question. Cette pratique n’est autorisée dans aucun autre État.

Troisièmement, les modifications élargissent la portée des dispositions sur la collaboration entre concurrents afin d’inclure la collaboration entre parties qui ne sont pas directement en concurrence. Nous en avons un exemple direct dans le domaine de l’alimentation.

Selon les règles actuelles, un épicier propriétaire d’un centre commercial peut empêcher un concurrent d’ouvrir un magasin rival à proximité. Pire encore, les obligations contractuelles peuvent demeurer en vigueur après la fermeture de l’épicerie, ce qui crée un désert alimentaire. Ces modifications permettraient au Bureau de la concurrence d’engager des poursuites relativement à cette pratique.

Quatrièmement, le Bureau de la concurrence pourra poursuivre les grandes sociétés qui abusent de leur position dominante pour se livrer à des actes anticoncurrentiels, comme d’écraser les petits joueurs. La modification ajoute « [...] l’imposition directe ou indirecte de prix de vente excessifs et injustes » à une liste d’agissements :

[destinés] à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence [...].

Certains ont interprété cette modification comme plaçant le Bureau de la concurrence dans une position inconfortable pour ce qui est d’imposer des contrôles de prix, mais le préambule prévient ce risque.

Enfin, les sanctions administratives pécuniaires pour les agissements anticoncurrentiels passent de 10 millions de dollars à 25 millions de dollars — et de 15 millions de dollars à 35 millions de dollars pour toute ordonnance subséquente. Il est généralement entendu que les gros joueurs considèrent les sanctions actuelles comme entrant dans les frais généraux. L’exemple récent le plus troublant est la sanction imposée à Facebook pour sa tromperie commerciale dans l’affaire Cambridge Analytica. Au Canada, la sanction maximale pour une telle infraction ne pourrait dépasser 10 millions de dollars, alors qu’aux États-Unis, cette infraction a donné lieu à l’imposition d’une sanction de 5 milliards de dollars par le gouvernement américain.

Certains se sont dit préoccupés par le caractère fragmentaire de ces modifications. C’est de bonne guerre. Quoi qu’il en soit, j’appuie pleinement ces changements importants, mais j’ai hâte d’examiner de plus près ceux qui sont inclus dans le projet de loi C-59.

Chers collègues, la concurrence n’est pas seulement une question de bas prix. Elle est aussi le fait d’une société libre, équitable et démocratique. Lorsque des monopoles émergent, les gouvernements sont contraints d’élaborer des règlements pour lutter contre leurs méfaits. Ces règlements s’enracinent de sorte qu’il est plus difficile pour les nouveaux venus d’avoir un effet sur le marché, ce qui renforce le monopole.

À défaut d’autre chose, n’oubliez pas la vérité suivante : il est impossible de réglementer une entreprise de telle façon qu’elle devienne centrée sur les consommateurs. Seule une forte concurrence peut y parvenir.

Si nous voulons que le Canada sorte du marasme généralisé de la faible productivité et des règlements contraignants, nous devons réformer nos lois sur la concurrence. Le projet de loi C-56 constitue une première étape importante. Les modifications qu’il apporte sont cruciales et largement appuyées par les leaders d’opinion et le Bureau de la concurrence. Il s’agit vraiment du début d’un changement générationnel.

Merci, chers collègues.

L’honorable Rosa Galvez : Le sénateur Deacon accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon : Certainement. Merci.

La sénatrice Galvez : Hier, j’ai posé la question suivante au commissaire de la concurrence : le projet de loi C-56 et les modifications à la Loi sur la concurrence entraîneront-ils une réduction du prix des aliments au cours des prochains mois ou de la prochaine année? Il m’a répondu que non, mais que, à long terme, les modifications à la Loi sur la concurrence apporteront de bonnes choses.

L’autre aspect de la question est que le bureau de la concurrence savait que depuis une décennie les épiceries procédaient à des fusions, limitant ainsi la concurrence. Alors, il a publié différents rapports. Rien n’a été fait.

Je m’interroge sur le lien avec la Loi sur le lobbying. Pouvez‑vous nous parler de l’incidence de la Loi sur le lobbying et du fait que les oligopoles prennent de plus en plus d’ampleur au Canada? Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Deacon, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous la permission de répondre à la question?

Le sénateur C. Deacon : J’aimerais avoir cinq minutes de plus, s’il plaît au Sénat. Je crois que je n’aurai même pas besoin de tout ce temps.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, sénateur?

Des voix : D’accord.

Le sénateur C. Deacon : Ma foi, merci de votre affabilité, sénateur Plett.

Il s’agit d’une question importante, sénatrice Galvez. Qui peut avoir accès, combien doit-on payer pour retenir les services de lobbyistes? Voilà la question à se poser. Il faut faire valoir les bons arguments et il est aussi important de faire appel à des avocats hors de prix pour monter son dossier. Les nouvelles entreprises qui dérangent n’ont ni le temps, ni les ressources, ni l’expérience pour mener ce genre de combat.

Souvent, la voix la plus forte, la mieux branchée et la plus puissante est celle qui sait se faire entendre. Le message des autres passe moins bien.

Ce qu’il faut retenir, c’est que certains des changements que le projet de loi C-56 apporte à la Loi sur la concurrence feront en sorte que, de plus en plus, les règles ne seront plus automatiquement à l’avantage des oligopoles. J’ai espoir que nous continuerons à voir des changements et que les oligopoles devront commencer à se battre pour attirer des clients. Ils ne pourront plus utiliser la lourdeur réglementaire pour en faire une barrière de protection. Les grandes sociétés aiment les règlements parce qu’ils les protègent contre les petits nouveaux qui innovent. Leurs vastes assises financières leur permettent en outre de mieux absorber le coût des règlements.

À mon avis, il s’agit d’un excellent point de départ, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire avant que la concurrence soit plus vigoureuse au Canada.

En ce qui concerne ce que le commissaire a dit au sujet de l’effet sur les prix en particulier, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a été très clair : il s’agit d’une aide très importante dans la lutte à long terme pour maintenir les prix bas et lutter contre l’inflation. La question ne se réglera pas du jour au lendemain, loin de là, mais cette mesure nous aidera certainement tous à long terme. J’espère que ma réponse est utile. Merci.

[Français]

L’honorable Clément Gignac : Chers collègues, je voudrais intervenir aujourd’hui sur le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence.

Sachez tout d’abord que je n’ai pas l’intention d’apporter quelque amendement que ce soit à ce projet de loi. Sachez également que je serai très bref, car je suis en faveur des initiatives que contient le projet de loi. Vous vous demandez sans doute alors pourquoi je prends la parole. C’est parce que je veux dénoncer haut et fort dans cette Chambre le peu de temps qui a été alloué à l’étude de ce projet de loi.

Cela n’a rien de personnel à l’endroit du représentant du gouvernement au Sénat ou du président du Comité des finances nationales, l’honorable sénateur Mockler. Au contraire. En tant que membre du comité directeur, le sénateur Mockler m’a avisé dès lundi midi que nous aurions de la difficulté à analyser et à adopter ce projet de loi avant notre ajournement pour le temps des Fêtes, à moins de prendre des mesures exceptionnelles, comme la tenue d’un comité plénier — une première en 10 ans, selon mes recherches, pour un projet de loi de nature économique.

J’avoue que je ne connaissais pas cette procédure exceptionnelle, honorables sénateurs. À l’instar de mes deux collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je suis resté sur mon appétit, compte tenu des trois minutes et demie qui ont été allouées à chacun d’entre nous pour questionner deux ministres qui ont des responsabilités dans le secteur économique.

Permettez-moi de saluer et remercier publiquement le leader du Groupe des sénateurs canadiens pour avoir insisté, au début de la semaine, pour que le Comité sénatorial permanent des finances nationales tienne une séance spéciale immédiatement après le comité plénier, afin d’entendre quelques témoins sur ce projet de loi.

Je lève mon chapeau à notre greffière, Mme Mireille Aubé, et à ses deux analystes, qui ont réussi, en moins de 24 heures d’avis, à obtenir la participation de quatre témoins à notre comité hier après‑midi.

(1600)

Honorables sénateurs et sénatrices, sachez que ce projet de loi a été adopté en première lecture à l’autre endroit le 21 septembre dernier et que le Sénat l’a reçu lundi soir cette semaine. Je me permets de souligner que le Comité des finances de l’autre Chambre a pu y consacrer plus de huit heures de son temps et a entendu neuf témoins. À première vue, cela doit sans doute vous rassurer.

Or, sachez que l’Association du Barreau canadien, dont le mémoire — que j’ai entre les mains — a été déposé et compte une trentaine de pages et 19 recommandations, n’a pas été en mesure de témoigner.

Qui plus est, lors de l’étude article par article au comité de l’autre endroit, quatre amendements ont été présentés et adoptés. Cela me semble une preuve évidente que cette première réforme en 35 ans de la Loi sur la concurrence contenue dans ce projet de loi aurait sans doute mérité un second examen un peu plus attentif dans cette Chambre.

Honorables sénateurs, vous percevez sans doute un peu de colère ou, du moins, une certaine frustration intellectuelle en tant que sénateur membre de cette Chambre haute dite de second examen attentif.

Cette semaine, je n’ai pas senti que nous faisions partie d’un système parlementaire bicaméral composé de deux Chambres. J’ai plutôt eu l’impression de siéger au sous-sol de la Chambre basse de l’autre endroit et d’être traité comme un parlementaire de seconde classe. C’est comme si quelqu’un, quelque part, avait oublié que nous sommes des sénateurs qui ont sans doute des convictions politiques différentes, mais qui ont aussi un dénominateur commun, soit le souhait de bien faire les choses, en toute transparence, pour le mieux-être de l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes.

Je tiens à remercier mes collègues du comité directeur du Comité des finances nationales, qui ont accepté de relever quelque peu le ton dans l’observation qui a été présentée hier soir. Habituellement, au Comité des finances nationales, on utilise des mots feutrés, polis et courtois. Cette fois, on a haussé un peu le ton en mentionnant que l’on trouvait méprisant que le comité ait eu aussi peu de temps pour analyser le projet de loi.

Honorables sénateurs, je conclus, mais sachez que, malheureusement, je crois bien avoir attrapé le vilain mal de gorge du sénateur Carignan, de sorte que je vais m’arrêter ici et que je ne pourrai sans doute pas répondre à vos questions. Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : J’avais une question. Est-ce que je peux vous demander, cher collègue, de reconsidérer cela?

Le sénateur Gignac : Ce sera la seule question à laquelle je répondrai, et ce, par respect pour le sénateur Gold.

Le sénateur Gold : Merci, cher collègue. C’est très important que nous, au Sénat, ayons le temps d’étudier les projets de loi comme il se doit. C’est la façon de procéder et c’est toujours ce que je souhaite, même s’il arrive parfois qu’un projet de loi arrive bien tard dans notre programme législatif.

Ma question est la suivante, cher collègue : saviez-vous que mon bureau a suggéré que le Comité des finances nationales fasse une étude préalable de ce projet de loi, à laquelle auraient participé... Excusez-moi, je vais recommencer.

Puisque le projet de loi était à l’autre endroit et puisqu’on ignorait exactement quand le Sénat allait le recevoir, mais que c’était une priorité pour le gouvernement et les Canadiens, saviez‑vous que mon bureau a suggéré de faire une étude préalable à laquelle auraient participé les deux ministres? Le Comité des finances était prêt à les recevoir mardi matin, mais un certain nombre de dirigeants — les leaders — ont refusé. Pas tous, mais assez pour que nous n’obtenions pas le consensus requis pour mettre cette étude préalable en place, compte tenu du calendrier. Êtes-vous au courant que c’est —

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Gold, veuillez poser votre question.

[Français]

Le sénateur Gold : Êtes-vous au courant que le bureau du représentant du gouvernement a suggéré que le comité réalise une étude préalable, qui aurait permis d’avoir plus de temps pour étudier ce projet de loi et pour en débattre, si la proposition avait été acceptée? Malheureusement, elle n’a pas été acceptée.

Le sénateur Gignac : Honorables sénateurs, je n’étais pas au courant de toutes ces tractations ou négociations entre les leaders. En tout respect, je vous remercie de partager cette information avec nous. On le voit souvent dans le cas des projets de loi d’exécution du budget : le Comité des finances nationales fait souvent des études préalables, car il a la possibilité de siéger pratiquement n’importe quand.

J’ai donc été très surpris qu’on n’utilise pas cette approche qu’on utilise normalement pour les projets de loi d’exécution du budget. Évidemment, j’étais frustré au plan intellectuel. On parle de la Loi sur la concurrence; on ne rit pas, c’est un enjeu très sérieux. Le sénateur Deacon, notre spécialiste, qui ne siège malheureusement pas au Comité des finances nationales ni au Comité des banques... On n’a pas pu scinder le projet de loi en deux, envoyer les dispositions ayant trait à la concurrence au Comité des banques et de l’économie, qui les aurait étudiées attentivement, et étudier les dispositions sur la taxe sur l’accise au Comité des finances nationales. Il nous arrive de séparer les choses quand nous examinons les projets de loi d’exécution du budget. Nous n’avons même pas eu cette chance.

C’est la première fois que je vis cela. Je ne pense pas être le seul à éprouver cette frustration. En même temps, les Canadiens ont besoin d’un soulagement et on le comprend. Je voulais juste le mentionner, en toute impartialité politique, parce que je pense que, peu importe nos convictions, nous sommes là pour améliorer le sort des Canadiens.

Vous savez, j’ai un seul engagement en dehors du Sénat, et c’est un engagement bénévole : je suis président du conseil d’administration du Collège des administrateurs de sociétés. La saine gouvernance au sein des entreprises, c’est très important à mes yeux. Ce que nous avons vu cette semaine, ce ne sont pas de bonnes pratiques, mais de mauvaises pratiques.

Je n’étais pas au courant de cela, mais je fais appel aux quatre leaders. S’il vous plaît, la prochaine fois, pendant vos arbitrages — je comprends, j’ai travaillé en politique pendant trois ans et demi et je sais ce que cela peut présenter —, quand il s’agit de projets de loi de ce genre, organisez-vous pour autoriser la réalisation d’une étude préalable. On en a besoin.

Je vais faire une prédiction. Lorsque je vois le mémoire de l’Association du Barreau canadien, qui compte une trentaine de pages et 19 recommandations, il est bien évident qu’il y aura des amendements apportés à cette loi au cours des prochains mois. Des choses vont se passer. On n’a pas fait cet examen. Vraiment, nous n’avons pas été traités comme des parlementaires de la Chambre haute; nous avons été maltraités.

Comme je l’ai dit dans mon préambule, sénateur Gold, ce n’est rien de personnel à votre égard ni à l’égard du président du Comité des finances nationales. On était, comme on dit en anglais, en damage control et on a dû composer avec les décisions qui ont été prises.

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, jamais en 12 ans, soit depuis que je siège au Sénat, je ne me suis senti aussi méprisé, insulté et victime d’un total manque de respect pour ma fonction et celle que nous occupons tous.

Hier, nous avons tenu une séance de comité de quelques heures, avec six témoins qui ont donné de piètres informations : voilà le résultat de l’examen d’un projet de loi que je qualifierais de « garroché » — excusez l’expression.

Certains diront que ce projet de loi est important pour les Canadiennes et les Canadiens, et j’en conviens.

(1610)

Pourquoi alors ce gouvernement s’est-il autant traîné les pieds? Qu’est-ce qui justifie que nous ayons reçu ce projet de loi un 13 décembre, à quelques heures de l’ajournement des Fêtes? L’urgence invoquée ne justifie en rien le renoncement à nos obligations de sénateurs, comme celles d’examiner sérieusement les lois, de les modifier si nécessaire et, surtout, de bien représenter les intérêts des Canadiens et des Canadiennes de nos régions respectives.

J’aimerais établir un parallèle avec le projet de loi C-21. Pendant un mois, le comité a tenu trois réunions par semaine et entendu deux, trois et même quatre groupes de témoins par réunion. Comme par hasard, tous les amendements proposés — même les plus pertinents — visant à mieux protéger nos concitoyens ont été défaits au comité et dans cette Chambre.

Je vais aller plus loin : ce gouvernement a un historique peu reluisant en ce qui concerne la qualité de ses textes de loi. Ce n’est pas moi qui le dis; la Cour suprême l’a notamment rappelé pour le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, pour lequel les amendements proposés au Sénat auraient fait gagner temps et argent aux Canadiens.

On appelle le Sénat la Chambre haute. J’ai peur que l’empressement à remplir les commandes politiques du gouvernement en place nous rabaisse dangereusement quand ce même gouvernement nous empêche de faire sérieusement ce pour quoi nous avons été nommés. J’ai souvent entendu dire que nous sommes une Chambre de réflexion; il n’y en a pas eu beaucoup sur le projet de loi C-56, avec moins de 90 minutes de travail.

On dit que le Sénat est une Chambre de second examen; je peux vous dire qu’on n’a pas examiné trop longtemps. On dit surtout que le Sénat est une Chambre indépendante; puis-je vous dire que cette appellation m’oblige à reconsidérer ce qualificatif? Je crois aussi sincèrement que plusieurs de mes collègues devraient faire la même chose.

Nos trois dernières semaines au Parlement n’ont pas été faciles. Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas en faveur de l’adoption du projet de loi C-56, mais je ne voterai pas non plus contre le projet de loi; je vais m’abstenir. Je vais faire mieux que cela, je vais prendre une pause-café pour ne pas voir ce que je n’ai pas envie de cautionner.

Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, pour l’édification de tous ici présents : il a été fait mention d’une étude préalable et du rejet de cette idée. Pour que tout le monde comprenne bien, le projet de loi est arrivé au Sénat lundi; la suggestion d’une étude préalable a été faite mardi; nous sommes maintenant jeudi. Pendant ce laps de temps, les ministres sont venus ici et tout le monde a donné son accord. Nous avons demandé au Comité des finances nationales de tenir une audience et de convoquer autant de témoins que possible, d’écouter les préoccupations et de nous fournir un rapport, ce qu’il a fait avec brio.

La réponse à ce problème n’était pas de procéder à une étude préalable mardi et mercredi. À mon humble avis, la réponse à ce problème était que nous, par l’intermédiaire du leader du gouvernement, donnions des indications à la Chambre des communes sur le moment où elle devrait nous soumettre les projets de loi si elle veut qu’ils soient adoptés dans un certain délai.

Cela s’est déjà fait sans heurts. Nous avons déjà entendu parler, dans plusieurs discours, de la sénatrice Carstairs, qui tenait tête à ses maîtres à la Chambre des communes et leur disait : « Si vous ne nous présentez pas un projet de loi avant telle date, ne comptez pas sur nous pour l’adopter à la hâte. » C’est de cette manière que l’on résoudra ce problème, et non pas en proposant une étude préalable un mardi et un résultat différent de ce que nous voyons ici un jeudi. Merci.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je saisis la balle au bond pour commencer mon discours sur le projet de loi C-56. Toutefois, je vais revenir à la partie 1 et parler de la teneur du projet de loi.

Ce projet de loi comporte deux volets : la partie 1 et la partie 2. J’aborderai chacune d’elles séparément. Elles sont distinctes, mais pas dépourvues de lien, car elles ont l’objectif commun de régler les problèmes d’abordabilité qui affectent les Canadiens. Je vais examiner chaque partie séparément.

La première partie modifie la Loi sur la taxe d’accise afin de mettre en œuvre une bonification temporaire intitulée « Remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs neufs relativement aux logements neufs construits spécialement pour la location ». En effet, la partie 1 du projet de loi C-56 fait passer de 36 à 100 % le remboursement de la TPS pour les logements à vocation locative. De plus, elle supprime les seuils de réduction progressive du remboursement de la TPS pour les logements neufs destinés au marché locatif, comme les immeubles d’appartements, les logements pour étudiants et les résidences pour personnes âgées.

Les fonctionnaires interrogés nous ont dit que, parce que ce projet de loi est très court et qu’il comporte très peu d’information, les détails viendront plus tard dans le règlement d’application. Ils ont néanmoins fourni l’information suivante, même si elle ne se trouve ni dans la loi ni dans le règlement.

Pour commencer, le remboursement de la TPS sur les logements locatifs vaut pour les immeubles comportant au moins quatre logements privés ou pour les résidences comptant au moins 10 chambres individuelles. Parmi les logements d’un même immeuble, 90 % doivent être destinés à la location à long terme. Le remboursement de la TPS ne s’appliquera pas aux condos de luxe ni aux logements locatifs qui seront ensuite utilisés pour de la location à court terme. Le remboursement de la TPS s’appliquera également aux rénovations suffisamment substantielles pour transformer un immeuble existant en un nouvel ensemble de logements locatifs.

Bien que ces renseignements nous aient été communiqués par les fonctionnaires, le règlement d’application doit encore être autorisé et publié dans la Gazette. Nous venons de voir à quel point le Comité des finances nationales a consacré peu de temps à ce dossier. Cette information, nous avons dû chercher pour l’obtenir, elle ne nous a pas été fournie directement par les fonctionnaires.

Le projet de loi C-56 précise que le programme de remboursement de la TPS sur les logements locatifs durera 12 ans, soit jusqu’en 2035. Plus précisément, le remboursement s’appliquera aux projets qui ont débuté le ou après le 14 septembre de cette année, ce qui correspond à la date où cette mesure a été annoncée, et avant le 31 décembre 2030, à condition que les projets soient terminés d’ici 2035.

Selon la mise à jour économique de l’automne, le coût estimé de ce programme sera de 4,5 milliards de dollars au cours des six prochaines années, en commençant par 5 millions de dollars cette année jusqu’à environ 1,5 milliard de dollars en 2028-2029, la sixième année du programme. Aucune autre estimation n’a été fournie pour les sept années suivantes du programme, qui s’étendraient de 2029-2030 à 2036.

Selon le projet de loi C-56, le programme se poursuivra jusqu’au 31 décembre 2035, de sorte que le coût estimé pour ces sept années n’est pas divulgué. En fait, il n’est mentionné nulle part.

Lors d’une récente réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales, Mme Lisa Williams, première vice-présidente des programmes de logement à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, nous a dit que le Canada devra construire 5,8 millions de logements d’ici 2030 pour atteindre le seuil d’accessibilité. Elle a souligné qu’il s’agirait de 3,5 millions de logements de plus que ce que le pays est déjà censé construire. Cependant, M. Bob Dugan, économiste en chef à la SCHL, nous a dit que l’organisme n’avait pas eu le temps d’évaluer l’incidence précise du programme de remboursement de la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs. Autrement dit, le gouvernement ne sait pas combien de logements pourront être construits avec les 4,5 milliards de dollars.

La ministre Freeland nous a dit hier, en comité plénier, que l’un des plus grands experts en matière de logement au Canada a estimé que de 200 000 à 300 000 logements seront construits avec les 4,5 milliards de dollars. Cependant, il est intéressant de souligner que la ministre cite une estimation fournie par une personne de l’extérieur du gouvernement. Ce n’est pas l’estimation du gouvernement, parce que le gouvernement n’a pas encore estimé ni évalué les répercussions de ce programme de logement.

À la réunion du 23 novembre du Comité sénatorial permanent des banques, le ministre du Logement, Sean Fraser, a déclaré que l’énoncé économique de l’automne ne comprenait pas de stratégie précise en matière de logement, ce qui est incroyable, car ce programme s’élève à 4,5 milliards de dollars, et la SCHL et d’autres ministères consacrent déjà des milliards de dollars au logement. Pourtant, il n’y a pas de stratégie en matière de logement.

(1620)

Il a ajouté ce qui suit :

Nous travaillons à l’élaboration d’un plan global qui comprendra une série de mesures fédérales destinées à résoudre la crise nationale du logement.

Honorables sénateurs, on a estimé le programme de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs à 4,5 milliards de dollars au cours des six prochaines années. De plus, comme je l’ai déjà indiqué, il n’y a eu aucune évaluation de l’impact du programme sur le parc locatif, en particulier sur le nombre de logements qui seront construits.

En outre, après les six premières années, le programme sera maintenu pendant sept autres années, pour un total de 13 ans, sans que le gouvernement ne fournisse la moindre estimation de coûts pour les sept dernières années.

De plus, la réglementation qui régit les détails du programme de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs n’a toujours pas été rendue publique. Comment peut-on s’attendre à ce que les partenaires du secteur privé répondent présents et participent à un programme dont les détails ne sont pas encore disponibles?

Avant de parler de la partie 2 du projet de loi, je voudrais simplement récapituler les problèmes liés au remboursement de la TPS/TVH pour immeubles d’habitation locatifs neufs, qui, en ce qui me concerne, n’ont pas été réglés.

Tout d’abord, il n’y a eu aucune évaluation des impacts sur le logement du programme de remboursement de la TPS pour les immeubles d’habitation locatifs et il n’y a pas non plus d’estimation du nombre de logements qui seront construits. Il n’y a qu’une estimation partielle du coût du programme, soit 4,5 milliards de dollars pour les 6 premières années de ce programme de 13 ans. Il n’y a pas d’estimation pour les 7 années suivantes.

Le gouvernement n’a pas de plan pour le logement, bien qu’il ait dépensé des milliards de dollars pour des initiatives dans ce domaine. Les règlements nécessaires pour préciser les modalités du programme n’ont pas encore été publiés.

Enfin, le gouvernement n’a pas encore indiqué si les initiatives en matière de logement qui ont débuté avant l’annonce du programme, mais qui répondent à ses exigences pourraient bénéficier du remboursement de la TPS pour les logements locatifs neufs.

Passons maintenant à la partie 2 du projet de loi. Le sénateur Deacon l’a passé en revue de manière assez approfondie. Je ne vais donc pas répéter certains des points qu’il a abordés. La partie 2 modifiera la Loi sur la concurrence. Je suis très à l’aise d’examiner la première partie du projet de loi étant donné mon bagage en finance. Pour ce qui est de fouiller la Loi sur la concurrence, j’ai une certaine expérience, puisque je suis membre du Comité des banques, mais disons que la Loi sur la concurrence n’est pas vraiment mon domaine de prédilection. Je la trouve très complexe.

La partie 2, c’est-à-dire la deuxième partie du projet de loi C-56, va modifier la Loi sur la concurrence et il propose un certain nombre de modifications. Certaines modifications ont déjà été incluses l’année dernière dans le budget. Je sais qu’il y en aura d’autres. Le gouvernement envisage depuis un certain temps de modifier la Loi sur la concurrence.

En novembre dernier, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a lancé une consultation sur l’avenir de la stratégie du Canada en matière de concurrence. Cette consultation est considérée comme une étape majeure dans les efforts du gouvernement pour donner un coup de jeune à la Loi sur la concurrence. La période de consultation publique s’est achevée le 31 mars dernier, et cette consultation a suscité un vif intérêt.

Le gouvernement a indiqué qu’il avait reçu plus de 130 mémoires émanant d’intervenants identifiés, ainsi que plus de 400 réponses du grand public. Comme l’a dit la sénatrice Deacon, les mémoires ont soulevé plus de 100 propositions de réforme potentielles, et parmi les intervenants, on retrouvait des experts universitaires, des avocats, des syndicats, des groupes de consommateurs, des entreprises et leurs associations, et tutti quanti.

Le site Web du gouvernement contient un résumé de 48 pages de ce que le gouvernement a entendu au cours de la période de consultation. Il est donc évident que la politique sur la concurrence du gouvernement suscite un grand intérêt.

Les amendements à la Loi sur la concurrence inclus dans le projet de loi C-56 semblent également avoir été prévus. Nous en avons reçu certains dans le projet de loi d’exécution du budget, d’autres maintenant, et je pense qu’il y en a encore d’autres dans le projet de loi C-59. Nous les recevons donc par étapes. J’espère que nous pourrons avoir une vue d’ensemble.

Honorables sénateurs, nous savons tous combien il est difficile pour les entreprises d’investir au Canada. De nombreuses études ont été menées sur le sujet, y compris une l’année dernière par le Comité sénatorial des banques. Un groupe de sénateurs, sous la direction du sénateur Harder, a publié le rapport sur la prospérité, et nous avons examiné cette question lors de la préparation du rapport sur la prospérité.

Le Conseil sur la politique de la concurrence de l’Institut C.D. Howe a publié le mois dernier un rapport concernant la Loi sur la concurrence du Canada. Dans ce rapport, la majorité des membres du conseil a appuyé le sentiment exprimé par le Bureau de la concurrence en 2018 selon lequel l’application du droit de la concurrence :

[…] doit trouver le juste équilibre entre les mesures destinées à prévenir les comportements réellement anticoncurrentiels et une application excessive qui freine l’innovation et entrave la dynamique concurrentielle.

Autrement dit, le gouvernement se doit de bien faire les choses.

Le mois dernier, le Comité des finances de la Chambre des communes a tenu plusieurs réunions pour discuter du projet de loi C-56. Je savais que nous allions recevoir le projet de loi; j’ai donc écouté ce qui s’y disait. Le comité a eu l’occasion d’entendre de nombreux témoins, dont la ministre des Finances et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. Le comité s’est réuni pendant deux heures. Il a entendu de nombreux fonctionnaires, ainsi que des témoins ne faisant pas partie du gouvernement.

Le comité à l’autre endroit a pu étudier le projet de loi en profondeur, en débattre, en discuter et y proposer des amendements, et il y a eu de longs débats. J’ai lu des pages et des pages de comptes rendus. D’ailleurs, de nombreux amendements ont été apportés au projet de loi à l’autre endroit. Il y a eu des amendements à l’autre endroit.

Le Sénat, quant à lui, a eu droit à une séance d’une heure du comité plénier et à un groupe de témoins au Comité des finances nationales reçu lors d’une réunion organisée rapidement, à la dernière minute. Nous n’avons eu ni le temps ni l’occasion d’étudier le projet de loi en profondeur ou d’en débattre comme les députés ont pu le faire à l’autre endroit. J’avais l’impression qu’on me demandait d’approuver le projet de loi les yeux fermés.

Les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales ont longuement discuté de cette question à huis clos, hier, et nous avons ajouté une observation à notre rapport sur ce projet de loi. Plus précisément, dans le rapport sur le projet de loi C-56, le Comité sénatorial permanent des finances nationales indique ceci :

Votre comité appuie les mesures contenues dans le projet de loi C-56 concernant la bonification du remboursement de la taxe sur les produits et services pour immeubles d’habitation locatifs neufs et les modifications de la Loi sur la concurrence. Cependant, il est méprisant que votre comité ait reçu un temps très limité pour son étude du projet de loi. Par conséquent, il n’a pu étudier soigneusement le projet de loi et remplir ses devoirs correctement.

Même si le sénateur Deacon a déjà parlé de plusieurs des modifications proposées dans le projet de loi C-56, je tiens à en mentionner brièvement quelques-unes.

Selon le site Web du gouvernement, le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège la concurrence et en fait la promotion au bénéfice des consommateurs et des entreprises du Canada. Dirigé par le commissaire de la concurrence, le Bureau de la concurrence administre et applique la Loi sur la concurrence.

Avant son amendement à l’autre endroit, l’article 3 du projet de loi proposait de modifier l’article 10 de la Loi sur la concurrence en y ajoutant un nouvel article. Cet article aurait permis au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie d’ordonner au commissaire de la concurrence de mener une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou une industrie si cela est dans l’intérêt public.

Lorsque cette disposition initiale du projet de loi C-56 a été amendée à l’autre endroit, un autre paragraphe a été ajouté pour permettre au commissaire de la concurrence de mener une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou une industrie. Toutefois, certains membres du Comité sénatorial des finances nationales — dont moi, mais je n’étais pas la seule — craignaient que l’article permettant au ministre d’ordonner au commissaire de la concurrence de mener une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou dans une industrie ne porte atteinte à l’indépendance du commissaire de la concurrence.

L’article 3 prévoit également que le ministre et le commissaire se consultent sur la faisabilité et le coût de l’enquête, sur le processus de préparation et de publication du mandat et sur les commentaires du public à son sujet, mais ce faisant, on risque de compromettre l’indépendance du Bureau de la concurrence et du commissaire de la concurrence.

Les articles 4, 5, 6, 7 et 11 du projet de loi modifieront plusieurs articles de l’actuelle Loi sur la concurrence afin d’y inclure l’article 10.1 proposé. Il est important de reconnaître que ces modifications étendent les pouvoirs d’enquête et d’exécution du commissaire, en plus d’augmenter la participation du ministre dans les activités du Bureau de la concurrence. Je me demande même si le Bureau de la concurrence ne devrait pas devenir une division du ministère, puisqu’il semble être attiré dans le giron du ministère.

(1630)

De nombreux intervenants consultés sur l’avenir de la politique de concurrence du Canada ont estimé qu’une loi autorisant les transactions anticoncurrentielles compromettait l’objectif central de la politique de concurrence. L’article 92 de la Loi sur la concurrence s’oppose aux fusionnements anticoncurrentiels s’ils ont généré ou s’ils sont susceptibles de générer des gains en efficience suffisamment importants pour compenser les effets de l’atteinte à la concurrence, et si l’ordonnance entrave la réalisation probable de ces gains d’efficacité. Cet article de la Loi sur la concurrence a été abrogé.

Les témoins qui comparaissent devant les comités sénatoriaux permanents pendant l’étude des projets de loi émanant du gouvernement se plaignent souvent de l’insuffisance des consultations avec les parties prenantes, et le projet de loi C-56 n’y fait pas exception. Entre le 17 novembre 2022 et le 31 mars 2023, le gouvernement a entrepris des consultations publiques avec les parties prenantes et les citoyens sur l’avenir de la politique de concurrence au Canada. Le 20 septembre, le gouvernement a publié un résumé des consultations sur son site Web. Malheureusement, la première lecture du projet de loi C-56 a eu lieu le lendemain, le 21 septembre. Il n’y a eu ni consultations ni discussion avec les parties prenantes sur les modifications qui auraient une incidence sur elles. Il n’y a pas eu de consultation.

Ce problème a été soulevé par plusieurs sénateurs qui ont assisté à la séance d’information sur le projet de loi C-56 organisée mardi dernier par des représentants du gouvernement. C’est un aspect qui a également été soulevé par Matthew Holmes, premier vice-président des politiques et des relations gouvernementales de la Chambre de commerce du Canada, lors de la séance du Comité des finances d’hier.

M. Holmes a indiqué que la Chambre de commerce du Canada reconnaissait la nécessité de renforcer la concurrence au Canada. Cependant, il a ajouté ceci :

[La Chambre de commerce du Canada] est très préoccupée par la manière dont des modifications ont été apportées à plusieurs reprises dans le cadre de projets de loi d’exécution du budget, de projets de loi omnibus, ou d’autres mesures législatives comme le projet de loi C-56, sans ce que le milieu des affaires canadien ou les experts universitaires du domaine du droit concerné ne soient véritablement consultés.

D’après lui, il est presque absurde de parler de quelques changements dans le projet de loi C-56 alors que d’autres changements sont proposés dans le projet de loi C-59, qui est actuellement à l’étude à la Chambre des communes. Il a ajouté que cette approche, intentionnellement ou non, manque de transparence et obscurcit le véritable plan pour l’avenir des lois en matière de concurrence au Canada. Il a dit que, au final, l’approche rendra la situation plus difficile, plus coûteuse et plus risquée pour les entreprises.

En ce qui concerne les pouvoirs d’étude de marché qui sont prévus dans le projet de loi, M. Holmes a indiqué que la Chambre de commerce du Canada voudrait que la procédure établie et les lignes directrices soient plus approfondies pour l’industrie de manière à ce qu’il n’y ait aucun doute sur la façon de mener ces études de marché.

Le représentant des membres de la Chambre de commerce du Canada a par ailleurs précisé que nombre d’entre eux, dans bien des secteurs, gardent le silence sur cette question parce qu’ils estiment qu’elle est politisée. Voici ce qu’il a dit :

Ils ont l’impression qu’un vaste groupe de secteurs sont couramment convoqués devant les parlementaires et réprimandés [...] Cela crée un environnement qui peut devenir très toxique pour les entreprises. Ce qui nous préoccupe, c’est l’incertitude quant à la façon dont cette information peut être utilisée, communiquée ou diffusée dans la sphère publique à l’avenir.

De nouveaux pouvoirs sont prévus pour enquêter sur un marché, avec la possibilité d’ordonner la communication de renseignements. Or, nous ne savons pas quelle surveillance sera exercée sur ces renseignements. Qui s’en occupera, et selon quels paramètres? Quelles seront les règles? Quelles sont les normes d’accès aux renseignements commerciaux de nature exclusive susceptibles d’être utilisés à mauvais escient par des concurrents subséquemment?

Bref, en ce qui a trait aux modifications de la Loi sur la concurrence, notamment dans la partie 2 du projet de loi, la consultation n’a pas été adéquate.

De plus, le Sénat, et plus particulièrement le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel le projet de loi C-56 a été renvoyé, n’a pas eu suffisamment de temps pour l’étudier adéquatement et évaluer les répercussions des amendements proposés. En ce qui concerne la partie 1 du projet de loi, le gouvernement met en œuvre le programme de remboursement de la TPS pour les immeubles d’habitation locatifs, programme qui devrait coûter 4,5 milliards de dollars sans qu’un plan adéquat ait été établi. Hier, la ministre des Finances a pris une copie de l’énoncé économique de l’automne et a dit que c’était le plan du gouvernement en matière de logement. Honorables sénateurs, l’énoncé économique de l’automne n’est pas un plan pour résoudre la crise du logement.

Lors d’une réunion récente du Comité sénatorial des banques, le ministre du Logement a indiqué clairement, en réponse à une question de la présidente du comité sur la crise du logement, « qu’aucune stratégie précise [n’avait] été définie » dans l’énoncé économique de l’automne.

Le ministre a dit également ceci :

Nous travaillons à l’élaboration d’un plan global qui comprendra une série de mesures fédérales destinées à résoudre la crise nationale du logement.

Il n’y a pas de plan pour un programme coûtant 4,5 milliards de dollars.

En conclusion, même si ce projet de loi m’inspire beaucoup d’inquiétudes, je ne peux pas voter contre une mesure législative visant à aider les Canadiens durant une crise croissante de l’abordabilité. Je vais donc l’appuyer.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Klyne, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-15, qui vise à empêcher que les éléphants et les grands singes soient gardés en captivité si ce n’est pas dans l’intérêt de leur bien-être ou dans le cadre de programmes de recherche scientifique ou de conservation.

Je tiens tout d’abord à remercier le gouvernement pour le travail qu’il a accompli afin de présenter ce projet de loi. Ce projet de loi permet de concrétiser une promesse électorale du gouvernement concernant la protection des animaux en captivité, un objectif qui figure également dans la lettre de mandat du ministre de l’Environnement. J’aimerais également remercier les anciens sénateurs Sinclair et Klyne pour le leadership dont ils ont fait preuve en soulevant cette question dans le cadre de la loi de Jane Goodall.

Mon discours abordera les principes du projet de loi S-15 qui vise à protéger les éléphants et les grands singes des méfaits de la captivité et à mettre fin à l’importation d’éléphants et de grands singes vivants au Canada et à leur exportation du Canada, sauf dans les cas où un permis a été délivré par le ministre.

Le projet de loi permettrait notamment d’éviter des situations comme celle de Lucy, une éléphante d’Asie de 47 ans qui est gardée en captivité au zoo Edmonton Valley depuis l’âge de 2 ans. Lucy, qui a vécu la majeure partie de sa vie en captivité, est malade et a été jugée médicalement inapte à voyager; elle ne peut donc pas être relocalisée dans un sanctuaire d’éléphants aux États-Unis. Lucy restera à Edmonton, où elle est obligée d’endurer les rigueurs de l’hiver et des températures inférieures à zéro degré Celsius.

De plus en plus de Canadiens sont d’avis que les animaux sauvages devraient avoir le droit de vivre dans la nature et ne devraient pas être gardés en captivité, à moins que ce soit directement à leur avantage ou dans le but de protéger une espèce. Le projet de loi S-15 aidera les éléphants et les grands singes à vivre leur vie librement, dans la nature.

Il y a toutefois d’autres animaux qui devraient aussi être protégés, dont les grands félins, les ours, les loups, les phoques et les reptiles. En fait, nous devrions envisager de bonifier la protection accordée aux 800 espèces sauvages qui, selon d’abondantes recherches scientifiques, souffrent grandement quand elles sont en captivité parce que leurs mouvements et leurs comportements naturels y sont gravement limités. La mise en captivité de ces animaux est cruelle et inhumaine, en plus d’être souvent dangereuse et de constituer une forme d’exploitation. Il ne devrait y avoir que quelques rares circonstances où des animaux sauvages sont gardés en captivité, par exemple lorsque c’est dans l’intérêt de l’animal ou pour des recherches destinées à protéger une espèce donnée. Nous avons le devoir de mieux protéger la dignité des animaux sauvages et de donner l’exemple aux autres pays, et nous en avons aujourd’hui l’occasion.

Les politiques sur la protection de la faune doivent tenir compte du fait que le commerce mondial d’espèces sauvages contribue à l’appauvrissement de la biodiversité et à une extinction de masse, en plus de constituer un danger pour la santé, car il alimente les risques de propagation des zoonoses. Ces politiques doivent également s’attaquer à la crise canadienne de la biodiversité en prônant des changements transformateurs, car, dans les faits, le commerce des petits animaux exotiques, par exemple, vient hélas justifier de façon importante et croissante les importations d’animaux au Canada, sans compter que cette pratique nécessite des contacts étroits entre les humains et les animaux sauvages, ce qui pose un danger de propagation des maladies. J’espère que cette question, et bien d’autres, seront abordées par les témoins qui prendront part à l’étude du comité.

(1640)

L’année dernière, la Conférence des Nations unies sur la biodiversité, la COP 15, qui s’est tenue à Montréal, a abouti à un accord historique destiné à « [...] guider l’action mondiale en faveur de la nature jusqu’en 2030 [...] » et à nous inviter à faire en sorte que « [...] 30 % de la planète et 30 % des écosystèmes dégradés [...] » soient mis sous protection d’ici 2030. Le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal prévoit des mesures concrètes pour endiguer et inverser la perte de milieux naturels pour « [...] lutter contre la perte de biodiversité [...] restaurer les écosystèmes et [...] protéger les droits des populations autochtones ».

Les quatre objectifs globaux du cadre sont les suivants :

[...] mettre un terme à l’extinction des espèces menacées due à l’homme et diviser par dix le taux d’extinction de toutes les espèces d’ici à 2050; utiliser et gérer durablement la biodiversité pour faire en sorte que les contributions de la nature à l’humanité soient appréciées, maintenues et renforcées; partager équitablement les avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et de l’information sur les séquences numériques des ressources génétiques; et faire en sorte que des moyens adéquats de mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité soient accessibles à toutes les parties, en particulier aux pays les moins avancés et aux petits États insulaires en développement.

L’activité humaine est responsable du dangereux déclin de la nature, et 1 million d’espèces végétales et animales sont menacées d’extinction, dont un grand nombre au cours des prochaines décennies.

Les perspectives de nos relations avec la nature et la faune sont en train de changer pour de bon. Les peuples autochtones le savent depuis des temps immémoriaux, mais, aujourd’hui, la science leur donne raison. Nous devons reconnaître que toutes les créatures vivantes sont interreliées — chaque organisme, espèce et écosystème fait partie intégrante d’un réseau dont la force n’a d’égale que celle du maillon le plus faible. L’homme dépend de la nature, et non l’inverse. Une nouvelle approche basée sur l’écocentrisme est en train de s’imposer. Selon cette approche, « [...] tous les éléments de la communauté biotique possèdent une valeur intrinsèque, qu’ils soient ou non utiles à l’homme ».

La semaine dernière, à Dubaï, lors de la COP 28, le rôle important des peuples autochtones dans l’élaboration de solutions efficaces et fondées sur la nature et dans la mise en œuvre de solutions pour le climat a été reconnu, ce qui n’avait que trop tardé. Les peuples autochtones et leur savoir traditionnel sont inestimables pour la préservation de la biodiversité et de la santé des écosystèmes. Comme les peuples autochtones, nous devons adopter une approche holistique au lieu de considérer les espèces de manière isolée.

[Français]

De plus, au terme de la COP28, les parties ont adopté une décision rappelant le contenu du 13e préambule de l’Accord de Paris, qui soulignait l’importance de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, et à la protection de la biodiversité, reconnue par certaines cultures comme la Terre nourricière. Le préambule prenait également note de l’importance pour certains de la notion de justice climatique dans l’action menée face aux changements climatiques. Selon l’Observatoire international des droits de la nature, il s’agit là d’une avancée, puisque pour la première fois, une mention est faite de la Terre nourricière dans les dispositions concernant les approches non fondées sur les marchés promus de l’Accord de Paris a été faite pour la première fois.

Une telle avancée résulte du leadership de la délégation de la Bolivie et d’une proposition de texte dans lequel on a reconnu l’importance de renforcer les droits de la Terre nourricière et les approches centrées sur la Terre nourricière dans le contexte de l’identification du développement et de la mise en œuvre d’approches non fondées sur les marchés.

[Traduction]

Pendant la campagne électorale fédérale de 2021, le gouvernement s’est engagé auprès des Canadiens à « [t]ravailler avec des partenaires pour contrer le commerce illégal des espèces sauvages et pour mettre fin au commerce de l’ivoire de l’éléphant et de la corne de rhinocéros au Canada ». J’applaudis également le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, qui a annoncé dernièrement :

[...] une approche plus stricte en matière de commerce pour le Canada visant à restreindre davantage le transport d’ivoire d’éléphant et de cornes de rhinocéros de part et d’autre des frontières canadiennes.

À quelques exceptions près, l’importation et l’exportation d’ivoire d’éléphant brut et de cornes de rhinocéros brutes seront ainsi interdites. Il en ira de même de l’ivoire d’éléphant et des cornes de rhinocéros importées en tant que trophées de chasse. Or, il faut aussi mettre un frein au commerce illégal des autres espèces, dont les grands félins.

Le comité devrait aussi chercher des façons de resserrer les normes imposées aux jardins zoologiques et se demander si la société juge encore ces derniers acceptables dans leur forme actuelle. Entre autres choses, l’établissement de normes juridiques et scientifiques transparentes pour les zoos garantirait que les animaux qui demeurent en captivité, comme les tigres, les lions et de nombreuses espèces de singe, ne sont plus placés dans des cages trop petites et de piètre qualité et que les grands félins et les autres espèces d’animaux exotiques ne seront pas confiés sans permis à des personnes qui n’ont ni l’expertise, ni la formation, ni les installations nécessaires pour leur offrir un milieu de vie sûr et sain.

Vous avez peut-être appris que, le 30 novembre, un kangourou qu’on transportait en direction du Québec a échappé à ses gardiens à l’est de Toronto. Il s’est promené en toute liberté pendant plus de trois jours avant d’être retrouvé et capturé par des policiers. Heureusement, le kangourou semble s’en être tiré indemne, et aucun blessé n’a été signalé.

Honorables collègues, il y a des lacunes dans le cadre législatif et réglementaire qui s’applique aux animaux sauvages en captivité, et il n’est donc pas surprenant que des animaux sauvages s’évadent des petits zoos privés. C’est pour cela que des groupes de défense des animaux, comme Protection mondiale des animaux Canada, réclament une réglementation plus stricte pour qu’on puisse à la fois protéger les animaux sauvages en captivité — en veillant à ce que les zoos appliquent les normes les plus rigoureuses en matière de bien-être des animaux — et assurer la santé et la sécurité de la population.

Le comité pourrait tenir compte de la nécessité d’en faire davantage pour assurer le bien-être des animaux ainsi que la santé et la sécurité de la population. Comme c’est un secteur sous‑réglementé et non durable, il faut resserrer davantage les règles pour lutter contre le commerce des animaux sauvages. Il ne fait aucun doute que le commerce légal des animaux sauvages ne fait qu’alimenter le commerce illégal, et il nous faut des règlements efficaces pour améliorer le système de surveillance et de collecte de données qui est en place au Canada, et qui sert avant tout à exercer une surveillance à l’égard des zoonoses et des animaux sauvages utilisés à des fins alimentaires. Nous devons en faire davantage pour prévenir la souffrance animale et réduire les risques de maladie et d’appauvrissement de la biodiversité.

Chers collègues, le nouveau Sénat remplit son devoir de second examen objectif et propose des projets de loi visionnaires, intégrés, holistiques, rigoureux et cohérents. Les mesures législatives que nous proposons visent à régler des problèmes importants de la société canadienne. Dans ce nouveau Sénat, nous tirons fierté du fait que nos textes législatifs sont réfléchis, complets et de grande qualité. Dans certains cas, il arrive qu’une idée qui a vu le jour dans un projet de loi d’intérêt public du Sénat soit reprise en partie par le gouvernement. Elles devraient néanmoins être reprises intégralement.

La loi de Jane Goodall, qui vise aussi à protéger les animaux, semble supérieure au projet de loi S-15, car elle est plus exhaustive. Renvoyons le projet de loi S-15 au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles pour qu’il fasse l’objet d’un examen rigoureux et qu’il aboutisse à une loi qui a du mordant, qui protège concrètement les animaux sauvages et qui nous rapproche de l’Objectif 30x30 en protégeant la biodiversité de même que la santé humaine. Je vous remercie. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur Investissement Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gignac, appuyée par l’honorable sénateur Klyne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.

L’honorable Claude Carignan : Chers collègues, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la loi sur Investissement Canada, dont le titre abrégé, Loi sur la modernisation de l’examen des investissements relativement à la sécurité nationale, est plus long que le titre du projet de loi.

Ce projet de loi, qui a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit, contient des modifications de fond et de forme à la loi actuelle. De plus, on y a inclus plusieurs amendements très techniques qu’il serait, à mon avis, inopportun de traiter à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi. Ce sera au comité qui étudiera ce projet de loi d’accorder toute l’attention requise à l’ensemble de ses dispositions.

Permettez-moi tout d’abord de situer ce projet de loi en faisant un bref rappel historique de son origine.

(1650)

C’est sous le gouvernement conservateur dirigé par l’honorable premier ministre Brian Mulroney que la Loi sur Investissement Canada a été adoptée pour la première fois. À l’aube des négociations internationales visant à paramétrer le commerce international et désireux de stimuler l’économie canadienne et de favoriser l’arrivée de nouveaux capitaux étrangers, le gouvernement de l’époque a voulu logiquement encadrer les investissements étrangers et établir des mécanismes prévisibles et transparents d’autorisation de ces investissements et de protection de la sécurité nationale. Adopté le 20 juin 1985, l’objectif principal du projet de loi se lisait comme suit :

Étant donné les avantages que retire le Canada d’une augmentation du capital et de l’essor de la technologie et compte tenu de l’importance de préserver la sécurité nationale, la présente loi vise à instituer un mécanisme d’examen des investissements importants effectués au Canada par des non-Canadiens de manière à encourager les investissements au Canada et à contribuer à la croissance de l’économie et à la création d’emplois, de même qu’un mécanisme d’examen des investissements effectués au Canada par des non-Canadiens et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale.

On a assisté ensuite aux négociations internationales sur le commerce, qui se sont déroulées de 1986 à 1994 et qui ont conduit à l’adoption de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, accord signé à Marrakech en avril 1994. En décembre de la même année, le gouvernement fédéral a fait adopter la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce.

Par la suite, en 2009, toujours sous un gouvernement conservateur, mais cette fois dirigé par l’honorable premier ministre Stephen Harper, la Loi sur Investissement Canada a été modernisée au moyen du projet de loi C-10, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 janvier 2009 et mettant en œuvre des mesures fiscales connexes. C’était la première fois que la Loi sur Investissement Canada recevait une sérieuse cure de jouvence depuis son adoption initiale en 1985. Le contexte mondial ayant fortement changé en 25 ans et les avancées technologiques ayant pris un essor exceptionnel, la Loi sur Investissement Canada devait forcément suivre la parade et s’adapter à la réalité du XXIe siècle.

Quatorze ans se sont écoulés depuis cette dernière mise à jour de la Loi sur Investissement Canada. Compte tenu de l’extrême rapidité avec laquelle des changements s’opèrent en matière de commerce international, et en raison de nombreux enjeux géopolitiques sensibles et des avancées technologiques qui se produisent à vitesse grand V, une nouvelle mouture de la Loi sur Investissement Canada devenait incontournable. C’est ce qui explique que nous sommes saisis aujourd’hui du projet de loi C-34, qui est parrainé au Sénat par mon collègue l’honorable Clément Gignac.

Si l’on doit donner un exemple d’enjeux géopolitiques sensibles, toute la question de l’ingérence étrangère de certains pays dans les affaires canadiennes nous invite à redoubler de vigilance. Certaines transactions, en particulier celles qui impliquent un investisseur étatique ou influencé par un État, peuvent être motivées par des impératifs non commerciaux nuisibles à la sécurité nationale du Canada. La Russie et la Chine notamment sont de plus en plus agressives dans ce domaine. Ces deux pays essaient de pénétrer notre marché, aussi bien ouvertement que par des moyens parfois détournés. Nous devons être très vigilants à cet égard.

Venons-en maintenant au cœur du projet de loi C-34. Je vais survoler certains aspects du projet de loi sans m’attarder à toutes ses dispositions. D’ailleurs, en ce sens, le sénateur Gignac a fait un exposé très éclairant sur le projet de loi C-34 lors de son allocution à l’étape de la deuxième lecture le 23 novembre dernier.

Le projet de loi C-34 modifie la Loi sur Investissement Canada dans le but de renforcer la compétence du gouvernement du Canada pour détecter, examiner et limiter les investissements étrangers qui sont proposés et qui sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada.

Essentiellement, il vient resserrer les contrôles de sécurité entourant les investissements étrangers, notamment en établissant une nouvelle exigence de dépôt préalable pour certains investissements; en améliorant l’efficacité du processus d’examen des risques pour la sécurité nationale, notamment en élargissant et en précisant les domaines d’activité couverts par la loi; en augmentant les pénalités pour les cas de non-conformité aux dispositions de la Loi sur Investissement Canada; en ouvrant la possibilité d’imposer des conditions provisoires à l’égard d’un investissement; en ouvrant également la possibilité d’imposer des engagements contraignants de la part des investisseurs; en permettant au Canada de communiquer à d’autres pays des renseignements relatifs à une affaire en particulier, dans le but de protéger des intérêts communs en matière de sécurité; enfin, en instaurant de nouvelles dispositions pour la protection des renseignements dans le cadre du contrôle judiciaire des décisions.

Honorables sénateurs, j’ai mentionné au début de mon intervention que le projet de loi C-34 a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit. Je dois tout de même souligner qu’un travail minutieux a été fait au Comité permanent de l’industrie et de la technologie, qui a étudié ce projet de loi. Plusieurs amendements y ont été débattus et adoptés.

Les députés du Parti conservateur ont participé à cette démarche avec sérieux.

Premièrement, le gouvernement était prêt à adopter un projet de loi qui aurait donné carte blanche aux investissements des entreprises d’État, quelles que soient leurs relations avec le Canada. Lorsque le gouvernement a présenté ce projet de loi, celui-ci ne contenait aucune disposition exigeant que tout investissement d’une entreprise d’État soit soumis automatiquement à un examen relatif à la sécurité nationale. Notre amendement ramène à zéro le seuil de déclenchement d’un examen établi à 512 millions de dollars, ce qui revient à exiger que tous les investissements d’entreprises d’État au Canada fassent l’objet d’un examen au titre de la sécurité nationale.

Deuxièmement, les conservateurs ont présenté un amendement selon lequel l’acquisition de tout actif par une entreprise d’État serait soumise à un examen dans le cadre du processus d’examen de la sécurité nationale. Cet amendement garantit que non seulement les nouveaux établissements commerciaux, les acquisitions et les achats d’actions, mais aussi tous les actifs sont pris en compte dans le cadre de cet examen, ce qui représente un autre très bon amendement au projet de loi.

Troisièmement, lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi, celui-ci ne prenait pas en compte les préoccupations concernant les entreprises ayant déjà été condamnées pour corruption. L’amendement des conservateurs exige qu’un examen automatique au titre de la sécurité nationale soit effectué chaque fois qu’une entreprise ayant fait l’objet d’une condamnation par le passé est en cause.

Enfin, le gouvernement aurait été heureux d’adopter un projet de loi accordant plus d’autorité et de discrétion au ministre, et ce, malgré les nombreuses bévues commises au cours des huit dernières années, où l’on n’a pas pris au sérieux les menaces réelles posées par certains investissements étrangers. Le projet de loi initial aurait laissé au ministre le soin de décider de déclencher ou non un examen au titre de la sécurité nationale lorsque le seuil est atteint. L’amendement conservateur a remédié à cette lacune et a rendu l’examen obligatoire, plutôt que facultatif, lorsque le seuil de 1,9 milliard de dollars est atteint.

Ces amendements ont été présentés et acceptés par la Chambre.

Naturellement, plusieurs autres n’ont pas franchi l’étape du comité et ont donc été battus. L’un de ceux-ci me préoccupe particulièrement.

Dans la Loi sur Investissement Canada, au paragraphe 25.3(1), il est stipulé ce qui suit :

L’investissement est sujet à l’examen au titre de la présente partie si le ministre, après consultation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, est d’avis que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale et que le gouverneur en conseil prend, sur recommandation du ministre et dans le délai réglementaire, un décret ordonnant l’examen de l’investissement.

Or, la disposition à ce sujet dans le projet de loi C-34 supprime l’étape du décret du gouverneur en conseil figurant dans la Loi sur Investissement Canada, qui conférait la responsabilité au « [...] membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouverneur en conseil de l’application de la présente loi ».

En d’autres mots, on parle ici du ministre. Le projet de loi C-34 dit toutefois ce qui suit, et je cite :

[...] autoriser le ministre de l’Industrie, après consultation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, à imposer des conditions provisoires à l’égard des investissements pour prévenir les atteintes à la sécurité nationale qui pourraient survenir pendant l’examen;

On pourra « [...] exiger, dans certains cas, que le ministre de l’Industrie prenne un arrêté prolongeant l’examen [...] ».

Il me semble que c’est se soustraire à la responsabilité gouvernementale d’éluder ainsi l’étape du Conseil des ministres. C’est confier à une seule personne des décisions importantes et potentiellement préjudiciables pour les intérêts du Canada et de sa population. J’inviterais donc respectueusement le comité qui étudiera le projet de loi C-34 et le parrain du projet de loi à examiner de façon toute particulière cet enjeu de la responsabilité gouvernementale.

(1700)

C’est d’autant plus important que récemment, nous avons eu un triste exemple des incuries qui peuvent se produire en matière de sécurité nationale lorsque certaines mesures de sauvegarde ne sont pas mises en place.

En 2017, une entreprise nommée Norsat s’est établie — et elle l’est toujours — en Colombie-Britannique. Elle possède également l’entreprise Sinclair, à Toronto. Elle a été achetée par Hytera, une entreprise qui appartient en partie au gouvernement chinois et qui œuvre dans le secteur crucial des télécommunications. Malgré les appels répétés qui lui étaient adressés à la Chambre des communes, le ministre de l’Industrie de l’époque a refusé de mener un examen de sécurité nationale sur cette acquisition. Par conséquent, aucun examen de sécurité nationale n’a été effectué.

En janvier 2022, Hytera a fait l’objet de 21 chefs d’accusation d’espionnage aux États-Unis, et le président Biden a interdit à l’entreprise de faire des affaires aux États-Unis par la suite.

Pourtant, huit mois plus tard, la GRC a acheté du matériel de radiofréquence pour l’intégrer au système de communication, ce qui a permis aux filiales d’entreprises d’État chinoises d’avoir accès à tous les emplacements des services de communication de la GRC.

Aucun examen de sécurité publique nationale n’a été mené à ce sujet. Fait consternant, Services publics et Approvisionnement Canada a confirmé que les préoccupations en matière de sécurité n’avaient pas été prises en compte lors du processus d’appel d’offres pour cet équipement. Il y a de quoi s’alarmer. Les libéraux n’ont pas non plus consulté le Centre de la sécurité des télécommunications de leur propre gouvernement au sujet du contrat.

Le contrat a plutôt été attribué au plus bas soumissionnaire. La question des claims miniers vaudrait aussi la peine d’être examinée plus attentivement. Sauf pour le pétrole et le gaz, c’est par claim qu’on acquiert au Canada le droit de mettre en valeur un gisement faisant partie du domaine de l’État, qu’on soit en territoire fédéral ou provincial. Le projet de loi C-34 institue des seuils en deçà desquels des examens exhaustifs et des examens de sécurité ne seront pas obligatoires.

Comment s’articulera le projet de loi C-34 relativement à des claims qui ont une valeur insignifiante, tant et aussi longtemps qu’un gisement d’une ressource recherchée et critique ne sera pas découvert? Comment le projet de loi C-34 viendra-t-il se coordonner avec la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques? Honnêtement, chers collègues, j’ai posé des questions de cet ordre aux fonctionnaires lors d’un breffage technique et je suis resté sur ma faim. Je crois que le comité qui étudiera le projet de loi C-34 devrait explorer cet aspect important, qui a des conséquences économiques et géostratégiques potentielles pour le Canada. La question est assez simple : sommes-nous disposés à laisser filer nos ressources naturelles vers des compagnies ou des puissances étrangères?

Chers collègues, ce sont les quelques observations que je souhaitais vous soumettre sur le projet de loi C-34. Évidemment, étant donné que nous en sommes à la deuxième lecture et que ce projet de loi a été adopté unanimement par nos collègues de l’autre endroit, je vais vous recommander d’adopter le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture pour le renvoyer à un comité du Sénat pour étude. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gignac, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.)

Audit et surveillance

Adoption de la motion concernant la composition du comité

L’honorable Raymonde Saint-Germain, conformément au préavis donné le 13 décembre 2023, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, l’honorable sénateur Yussuff prenne la place de l’honorable sénatrice Dupuis à titre d’un des membres du Comité permanent de l’audit et de la surveillance en date du 17 janvier 2024.

— Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, j’aimerais que nous puissions étudier maintenant la motion dont j’ai donné préavis hier au sujet d’un remplacement au Comité de l’audit et de la surveillance.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur le gouverneur général

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Plett, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi modifiant la Loi sur le gouverneur général (pension de retraite et autres prestations).

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, j’aurais encore besoin de temps pour préparer mes notes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Demandez-vous le consentement, sénateur Carignan?

Le sénateur Carignan : Oui, exactement, pour le reste de mon temps de parole. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

(1710)

[Traduction]

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice White, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-271, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je constate que le projet de loi S-271 se rapproche dangereusement de l’échéance des 15 jours. Je ne suis pas tout à fait prête à prendre la parole, alors je demande d’ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice McPhedran, avec l’appui de l’honorable sénateur Aucoin, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice McPhedran, le débat est ajourné.)

La Loi sur le directeur des poursuites pénales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice White, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-272, Loi modifiant la Loi sur le directeur des poursuites pénales.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je propose l’ajournement du débat à mon nom pour le reste du temps de parole dont je dispose.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice McPhedran, avec l’appui de l’honorable sénatrice Ross, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice McPhedran, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Yussuff propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Duncan :

Que le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu), soit lu pour la troisième fois.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Aucoin Jaffer
Bernard Kingston
Boehm Klyne
Boniface Kutcher
Boyer LaBoucane-Benson
Burey Loffreda
Busson McCallum
Cardozo McNair
Clement McPhedran
Cordy Mégie
Cormier Miville-Dechêne
Cotter Moncion
Coyle Moodie
Cuzner Omidvar
Dagenais Osler
Dalphond Pate
Dasko Patterson (Ontario)
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petitclerc
Deacon (Ontario) Petten
Dean Prosper
Dupuis Quinn
Forest Ravalia
Francis Ringuette
Galvez Ross
Gerba Saint-Germain
Gignac Simons
Gold Smith
Greene Sorensen
Harder Woo
Hartling Yussuff—60

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Martin
Arnot Massicotte
Ataullahjan Oh
Batters Patterson (Nunavut)
Black Plett
Boisvenu Poirier
Carignan Richards
Duncan Seidman
Greenwood Tannas
Housakos Verner
MacDonald Wallin
Marshall Wells—24

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1740)

L’étude du Cadre fédéral de prévention du suicide

Adoption du quinzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et de la demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénateur Dean,

Que le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Se laisser guider par les résultats : repenser le Cadre fédéral de prévention du suicide, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le jeudi 8 juin 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Santé mentale et des Dépendances étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Santé.

L’honorable Denise Batters : Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui au sujet du rapport du Comité sénatorial des affaires sociales visant à repenser le Cadre fédéral de prévention du suicide. En toute franchise, c’est le cœur lourd que j’interviens aujourd’hui parce que la prévention du suicide est primordiale pour moi; cependant, j’estime que le comité n’a pas adopté la bonne approche à l’égard de celle-ci dans ce rapport. Il y a plusieurs raisons à cela, et j’y reviendrai dans quelques instants.

Bien que ce rapport pose de nombreux problèmes, je tiens d’abord à remercier notre collègue, le sénateur Patrick Brazeau, pour tout ce qu’il a fait en matière de prévention du suicide. Le sénateur Brazeau est un ardent défenseur de la santé mentale et de la prévention du suicide, surtout chez les hommes et les Autochtones. Il a accepté d’être témoin dans le cadre de cette étude pour livrer son propre témoignage poignant de survivant du suicide et il a fait bénéficier le comité de son point de vue immensément utile dans ce dossier.

Honorables sénateurs, le Cadre fédéral de prévention du suicide n’est que cela : un cadre. Il a été conçu pendant que les conservateurs de Stephen Harper étaient au pouvoir. Avant même mon arrivée au Sénat, je me suis battue pour que ce cadre soit établi. Il est entré en vigueur en 2016, pendant la première année du gouvernement Trudeau. Ce cadre est un mécanisme qui encourage la collaboration et le partage du savoir partout au pays et qui sensibilise les Canadiens sur le suicide et sa prévention. L’efficacité du cadre dépend des efforts que le gouvernement fédéral y consacre.

Malheureusement, comme nous le savons tous, le gouvernement Trudeau aime bien faire des promesses, mais les résultats ne sont pas souvent au rendez-vous. Il n’a pratiquement rien fait dans le domaine de la prévention du suicide depuis huit ans. Au lieu de demander des comptes au gouvernement Trudeau pour son inaction relativement à la santé mentale et à la prévention du suicide, le Comité des affaires sociales a pondu ce rapport, dans lequel c’est le cadre lui-même qui est qualifié d’échec. Le cadre canadien de prévention du suicide n’est pas un échec; c’est la profonde inaction du gouvernement Trudeau relativement à la santé mentale et à la prévention du suicide qui est un échec.

En fait, ce rapport de comité sur la prévention du suicide ne fait pas la moindre mention de la première grande promesse brisée du gouvernement Trudeau au sujet du Transfert canadien en matière de santé mentale de 4,5 milliards de dollars. Lorsque la première ministre de la Santé mentale et des Dépendances du gouvernement Trudeau, Carolyn Bennett, a comparu devant le Comité sénatorial des affaires sociales, pas un seul sénateur n’a posé de questions sur cet engagement financier.

À l’heure actuelle, le gouvernement libéral accuse déjà un retard de 1,5 milliard de dollars en ce qui concerne cette promesse électorale de 2021 et, comme il n’y a aucune mention du Transfert canadien en matière de santé mentale dans le budget de 2023 ou dans le tout récent énoncé économique de l’automne, je ne m’attends pas à ce que le gouvernement Trudeau verse de sitôt le financement promis pour les services de santé mentale, à supposer qu’il le fasse.

Après huit ans, le gouvernement Trudeau a laissé tomber les Canadiens dans le dossier de la prévention du suicide. Toutes les mesures importantes prises par le gouvernement en matière de santé mentale ont été préjudiciables, notamment la légalisation de la marijuana, qui est nuisible à la santé mentale, surtout celle des jeunes, et la décision de rendre le suicide assisté accessible aux personnes atteintes de maladies mentales, qui a eu un effet dévastateur sur la santé mentale et la prévention du suicide.

Le gouvernement fédéral n’a même pas une lettre de mandat à jour pour la nouvelle ministre de la Santé mentale et des Dépendances, qui occupe son poste depuis six mois déjà. Si on se reporte à la lettre de mandat de 2021 de la ministre précédente, le premier engagement énoncé est la mise en œuvre du Transfert canadien en matière de santé mentale. Or, nous savons ce qu’il en est advenu. Je m’interroge sérieusement sur l’engagement du gouvernement Trudeau en matière de santé mentale et de prévention du suicide. Ces enjeux ne figurent certainement pas parmi les priorités du premier ministre Trudeau.

Le gouvernement Trudeau n’est même pas en mesure d’indiquer les mesures importantes qu’il a prises en matière de santé mentale. Il est censé publier tous les deux ans des rapports d’étape sur les progrès réalisés pour atteindre les objectifs du Cadre fédéral de prévention du suicide. La publication la plus récente date de 2022. Le tableau intitulé Principaux faits en matière de politiques sur la prévention du suicide n’est qu’une réimpression de la version de 2020, et le dernier progrès qui y figure date de 2019. Deux des quatre progrès inscrits depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux sont des initiatives lancées par l’opposition. Le dernier progrès est la demande des parlementaires d’adopter un plan d’action sur la santé mentale, qui a été formulée par le NPD. Le premier ministre Justin Trudeau n’a même pas pris la peine de se présenter au vote sur cette question.

Le seul progrès récent dont le gouvernement Trudeau tente de s’attribuer le mérite est la création du service téléphonique national pour la prévention du suicide, le 988, qui a finalement été créé il y a seulement deux semaines. Toutefois, il s’agissait d’une initiative conservatrice qui remontait à 2020, et c’est à son corps défendant que le gouvernement libéral a fini par appuyer et mettre en œuvre cette mesure.

Même si nous étions tous ravis de voir ce jour arriver enfin, le gouvernement Trudeau, dans toute son inefficacité, a mis beaucoup trop de temps à mettre en place la nouvelle ligne téléphonique 988.

Le rapport dont nous sommes saisis aujourd’hui est loin d’égaler le rapport révolutionnaire que ce même comité sénatorial, alors présidé par le sénateur Michael Kirby, avait présenté en 2006 au terme de son étude sur la santé mentale. Ce rapport-ci est particulièrement biaisé. Il présente des faits prétendument étonnants qui sont pourtant tout à fait admis dans le domaine de la santé mentale et de la prévention du suicide depuis une dizaine d’années. Par ailleurs, il omet ou mentionne à peine certains autres facteurs pertinents sans lesquels il est impossible de bien comprendre la prévention du suicide. L’analyse des points forts du cadre fédéral actuel de prévention du suicide se limite à deux paragraphes parmi la soixantaine de pages que comporte ce rapport. On en vient donc à douter de la justesse de l’évaluation de ce cadre.

De plus, le comité semble se fier surtout aux témoignages d’un petit nombre de personnes dans le rapport. Il n’a consacré que cinq réunions aux témoignages, et certains grands intervenants du domaine de la prévention du suicide, comme l’Association canadienne pour la santé mentale et l’Association canadienne pour la prévention du suicide, n’ont même pas été convoqués. Il s’agit d’omissions flagrantes qui, disons-le franchement, affaiblissent le travail du comité.

Comme je l’ai mentionné, tout au long de ce rapport, le comité met en lumière certaines conclusions qui sont maintenant assez évidentes dans le domaine de la santé mentale. L’une des conclusions du rapport est que le taux de suicide est plus élevé chez les garçons et les hommes. Ce n’est pas une révélation. C’est quelque chose que je dis depuis 14 ans en tant que défenseure des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Cependant, même si le comité a désigné les garçons et les hommes comme un groupe prioritaire, la partie du rapport qui traite des garçons et des hommes est mince. Le comité l’admet lui-même lorsqu’il dit :

Le comité n’a pas reçu autant de témoignages sur les garçons et les hommes et reconnaît que cette population devrait être prise en compte de manière plus approfondie dans les futures études sur la prévention du suicide au Canada.

Le comité n’a tenu que cinq réunions pour entendre des témoins. Si les témoignages sur cet aspect de la question étaient si insuffisants, pourquoi le comité n’a-t-il pas invité d’autres témoins pour approfondir la question? La partie du rapport qui porte sur les garçons et les hommes ne fait que deux pages, mais entre les nombreuses notes de bas de page et plusieurs gros encadrés de citations, le contenu en tant que tel ne couvre en fait qu’une seule page — une page pour 75 % des suicides. De quel genre d’étude s’agit-il? Cela ressemble beaucoup à une étude dont le résultat est prédéterminé plutôt qu’à une étude approfondie de la question.

Certaines recommandations du comité avaient été réclamées dans le cadre initial. Peut-être qu’au lieu de se débarrasser du cadre et de retourner à la case départ, le comité aurait pu demander au gouvernement Trudeau de simplement s’acquitter de ses obligations. Dans ce cas-ci, je parle plus particulièrement de la recommandation du comité de collaborer avec les provinces, les territoires et les organisations de la société civile pour améliorer la prévention du suicide.

Certaines des recommandations du comité sont des choses pour lesquelles je plaide depuis des années, comme la nécessité d’améliorer le contenu et la transparence des rapports d’étape semestriels, de même que la recommandation de reconnaître l’incidence de la consommation de substances et des dépendances sur la prévention du suicide, ou celle qui recommande que le cadre mis à jour reconnaisse le niveau élevé de stigmatisation lié au suicide.

Si certaines conclusions évidentes sont consignées dans le rapport, d’autres sont largement passées sous silence. Prenons, par exemple, le lien entre la maladie mentale et le suicide : 90 % des personnes qui se suicident sont atteintes de maladies mentales, mais, dans le rapport du comité, elles sont considérées comme un « groupe prioritaire », au même titre que les garçons et les hommes, les Premières Nations, les Inuits, les Métis et les communautés racisées. Or, si 90 % des personnes qui se suicident sont atteintes de maladies mentales, cela représente la quasi-totalité des décès par suicide au Canada. Il ne s’agit pas d’un groupe démographique ou d’un sous-groupe ciblé et, bien honnêtement, j’ai été bouleversée que le comité puisse penser cela.

On peut également lire ceci dans le rapport :

Le comité a appris que, jusqu’à présent, la restriction des moyens est la seule mesure de santé publique ayant une incidence démontrée sur le suicide.

Je trouve curieux que le comité n’ait trouvé qu’une seule solution à ce problème et qu’il propose le contrôle des armes à feu comme solution, justement au moment où le Parlement est saisi d’un projet de loi libéral sur le contrôle des armes à feu. Au Canada, la pendaison et la suffocation sont les deux méthodes de suicide les plus courantes, mais le rapport du comité ne discute d’aucune mesure de restriction des moyens à cet égard. Il est d’ailleurs plutôt paradoxal que le comité estime justifié qu’on restreigne l’accès aux moyens permettant de se suicider, alors que la plupart de ses membres ont appuyé la démarche du gouvernement visant à élargir l’accès au suicide assisté, tout d’abord à ceux qui ne sont même pas près de mourir de cause naturelle puis, prochainement, ô horreur, aux Canadiens souffrant de maladies mentales. En facilitant l’accès au suicide assisté, le gouvernement offre aux personnes souffrant de maladies mentales un moyen à l’efficacité garantie pour se suicider.

(1750)

Même si elle est importante, la restriction des moyens n’est pas la seule réponse. Pourquoi ne pas augmenter les investissements dans les soins de santé mentale afin d’en améliorer l’accès? Ainsi, les Canadiens n’auraient plus à attendre des mois, parfois même des années, avant de pouvoir voir un professionnel de la santé mentale. Cela aussi permettrait de sauver des vies.

Ce rapport du comité consacre toute une page à énumérer les divers champs de compétence, mais il n’est fait mention nulle part de l’échec du gouvernement fédéral à concrétiser ce transfert canadien en matière de santé mentale qu’il a tant vanté et qu’il promet depuis longtemps. Fournir le financement qu’il promet depuis des années fait partie du « champ de compétence » du gouvernement Trudeau.

J’ai d’importantes réserves au sujet de certains des témoignages entendus au comité.

Un des témoins, le Dr Rob Whitley, a indiqué que pour être efficace, une stratégie de prévention du suicide doit être axée sur les hommes, qui comptent pour 75 % des suicides. Nous sommes d’accord sur ce point, mais il a ensuite énuméré trois grands déterminants sociaux de la santé mentale et du suicide chez les hommes : des problèmes liés à la profession, à l’emploi et à l’éducation; des problèmes familiaux et de divorce; et des expériences négatives durant l’enfance. Qu’en est-il de la santé mentale? Une fois de plus, on met de côté le lien entre la maladie mentale et le suicide.

Le Dr Whitley a aussi déclaré : « De nombreuses campagnes sur la santé mentale chez les hommes et la prévention du suicide chez les hommes [...] adoptent souvent un ton accusateur. » Je ne suis pas d’accord. Ces dernières années, plusieurs campagnes ont ciblé la santé mentale des hommes afin de sensibiliser la population, ce qui devrait être encouragé et non critiqué.

E. David Klonsky est un autre témoin cité à maintes reprises dans le rapport. Il a dit :

Il y a aussi des antécédents en suicidologie de gens bien intentionnés qui ont des idées, qui créent des traitements de groupe et qui font des choses au niveau communautaire qui ne sont pas utiles ou qui sont même parfois nuisibles et risquent même d’accroître le risque de suicide.

Suggère-t-il sérieusement que la thérapie de groupe n’est pas utile et qu’elle est même potentiellement dangereuse pour les personnes présentant un risque de suicide?

La plus grande inquiétude que m’inspirent les commentaires de M. Klonsky dans le rapport est suscitée par son affirmation selon laquelle « [...] le gouvernement du Canada devrait sans doute donner la priorité à certains champs de recherche, voire à des chercheurs en particulier ». Compte tenu de mon expérience au sein du Comité sénatorial des affaires juridiques lors des débats sur le suicide assisté, je n’ai guère confiance dans les chercheurs auxquels le gouvernement donnerait la priorité, qui seraient sans doute limités à ceux qui sont dans la ligne de pensée du gouvernement.

Le comité conclut que le Cadre fédéral pour la prévention du suicide est « [...] guidé par l’intuition plutôt que par la recherche de méthodes éprouvées ». D’où vient cette opinion? Peu d’éléments sont présentés pour étayer une telle affirmation. Le rapport ne donne pas beaucoup d’indications sur les programmes qui sont efficaces et ceux qui ne le sont pas. Qui en décide?

Il semble que le rapport ait été rédigé pour justifier les opinions préexistantes de certains membres du comité sur ces questions.

Dans le rapport du Comité sénatorial des affaires sociales, le cadre de prévention du suicide constitue un faux-fuyant pratique pour un gouvernement fédéral qui cherche constamment des excuses.

Le cadre n’a jamais été conçu pour être une solution magique à lui seul. Son efficacité a toujours été tributaire des mesures concrètes et structurantes que le gouvernement fédéral doit prendre en vue de prévenir le suicide et de mettre en œuvre des solutions en matière de maladie mentale. Après huit années de gouvernement Trudeau, c’est ce qui manque.

Le gouvernement Trudeau a rompu la promesse majeure qu’il avait faite aux Canadiens de créer, avec l’argent nécessaire, le transfert canadien en matière de santé mentale. Actuellement, il est sur le point de rompre une autre promesse. Le gouvernement avait dit qu’il publierait une mise à jour du cadre de prévention du suicide cet automne. La ministre l’a promis lorsqu’elle a comparu devant le comité, et le comité l’a souligné dans son communiqué. Eh bien, honorables sénateurs, l’automne tire à sa fin, en ce mois de décembre, et nous attendons toujours.

Malheureusement, nous attendons toujours que le gouvernement Trudeau agisse dans la prévention du suicide. Nous avons attendu qu’ils annoncent le cadre. Nous avons attendu pendant deux ans qu’ils débloquent les 4,5 milliards de dollars devant alimenter le transfert canadien en matière de santé mentale. Ils ne l’ont pas encore fait. Nous avons attendu trois ans pour qu’ils lancent enfin la ligne 988. Or, le rapport du Comité sénatorial des affaires sociales laisse maintenant le gouvernement Trudeau se tirer d’affaire en nous proposant d’abandonner complètement le cadre de prévention du suicide et de recommencer à zéro, ce qui fait que nous allons encore attendre.

Chers collègues, des Canadiens vulnérables paient de leur vie le choix du gouvernement Trudeau de faire de la politique avec ce grave problème.

Il suffisait au Comité sénatorial des affaires sociales de formuler une seule recommandation : le gouvernement Trudeau devrait donner suite aux recommandations déjà faites et entamer la mise en œuvre du cadre de prévention du suicide qui existe déjà. Les Canadiens ne peuvent pas se permettre d’attendre.

Merci.

L’honorable F. Gigi Osler : Merci, sénatrice Batters, de votre discours et de votre engagement dans le dossier de la santé mentale.

En tant que médecin qui a travaillé dans le système et qui comprend les limites des champs de compétence du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux relativement au système de soins de santé, j’aimerais entendre vos réflexions sur la manière dont nous pourrions, en tant que pays, aller au-delà de ces champs de compétence, qui sont inscrits dans la Constitution, afin d’améliorer la santé et, plus particulièrement, la santé mentale.

La sénatrice Batters : C’est en bonne partie pour cela que le cadre a été mis en place. Lorsque nous avons commencé à nous pencher sur la question, en 2012, on a beaucoup parlé d’une foule de bonnes pratiques mises en place dans les différentes régions du pays — par différentes provinces, collectivités et organisations — dont il fallait tenir compte. Évidemment, les soins de santé relèvent principalement des gouvernements provinciaux.

Cependant, le gouvernement fédéral a joué un rôle assez important parce qu’il a cherché récemment à s’engager dans ce domaine.

Il y a donc effectivement des questions de compétence à considérer, mais le cadre visait en grande partie à amener tous ces groupes à travailler ensemble. C’est ce qui est arrivé lorsqu’on a commencé à élaborer le cadre. Cependant, comme je l’ai expliqué, très peu d’efforts ont été déployés pour donner suite à cette initiative à divers égards. Comme je l’ai déjà dit dans un autre discours, le gouvernement fédéral est très peu au fait de ce qui a été accompli dans les huit dernières années. Il doit mieux rendre des comptes. Je l’ai dit à plusieurs reprises lors de discours précédents; c’était peut-être avant votre arrivée au Sénat. Quoi qu’il en soit, je suis heureuse que vous soyez maintenant des nôtres, et je sais que vous jouerez un rôle important pour nous aider à mieux comprendre certains de ces enjeux.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Recours au Règlement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’invoque le Règlement, si vous le permettez, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente : Oui, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Merci, Votre Honneur. Je sais qu’il reste environ deux minutes avant que vous ne m’interrompiez. C’est ainsi que le sort en a décidé.

Honorables sénateurs, j’invoque le Règlement au sujet des agissements de l’un d’entre nous, le sénateur Cardozo, qui sont ressortis lors d’une récente réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes.

Ce comité a été chargé — par un vote unanime de la Chambre des communes — d’étudier la participation publique du Président de la Chambre à un congrès du Parti libéral de l’Ontario. Permettez‑moi de lire une partie de l’ordre de renvoi :

Que la participation publique du Président à un congrès du Parti libéral de l’Ontario, en tant que Président de la Chambre des communes, constitue un manquement à la tradition et à l’attente d’impartialité requises pour cette haute fonction, constituant une grave erreur de jugement qui mine la confiance requise pour s’acquitter de ses fonctions et responsabilités et, par conséquent, la Chambre renvoie la question au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre avec l’instruction de recommander une mesure corrective appropriée [...]

Le lundi 11 décembre, le comité s’est réuni, et l’un des témoins était le Président de la Chambre des communes, M. Greg Fergus. La députée de Longueuil—Charles-LeMoyne, au Québec, Mme Sherry Romanado, a dit à M. Fergus ce qui suit :

Monsieur le Président, vous n’êtes probablement pas au courant, mais, tard hier soir, de nombreux membres du comité ont reçu des lettres vous appuyant dans votre rôle de Président [...]

Puis, elle a ajouté :

Je voulais vous dire personnellement qu’il y a des gens qui vous soutiennent et qui nous ont écrit à tous pour nous dire que vous étiez nouveau [...]

Elle a conclu en disant :

Je tiens à vous remercier et à vous faire savoir qu’il y a du soutien à l’égard du modèle que vous représentez pour les jeunes Noirs canadiens, et je tenais à vous en remercier.

Une des lettres en question a été envoyée sous le nom de Carl Nicholson. Il n’y avait pas de signature sur cette lettre. Il n’y avait qu’un nom. Il n’y avait pas d’adresse non plus; simplement la mention « Ottawa ».

Lors de la réunion de lundi du comité, il a été noté que cette lettre avait été écrite par le sénateur Andrew Cardozo. Les propriétés du document Microsoft Word l’indiquent clairement.

Le fait que la lettre a été écrite par le sénateur Cardozo a été soulevé vers 10 h 30 lundi. Le Sénat s’est réuni plus tard ce jour-là pendant deux heures, puis mardi, de 14 heures à 23 h 41, et hier, de 14 heures à 23 h 31. À aucun moment, le sénateur Cardozo n’est intervenu au Sénat pour expliquer son rôle concernant cette lettre et, à ma connaissance, il n’a fait aucune déclaration publique à ce sujet. Cette affaire soulève trois questions sur lesquelles les sénateurs pourraient bénéficier de vos conseils, Votre Honneur. La première concerne l’ingérence dans les affaires internes de la Chambre des communes.

(1800)

Son Honneur la Présidente : Je suis désolée de vous interrompre, sénateur Plett. Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : Cette affaire soulève trois questions pour lesquelles les sénateurs, comme je l’ai dit, pourraient bénéficier de vos conseils, Votre Honneur.

La première concerne l’ingérence dans les affaires internes de la Chambre des communes. Bien entendu, les sénateurs sont libres d’exprimer leurs opinions — c’est d’ailleurs leur rôle. Rien n’empêche un sénateur d’écrire aux députés pour soulever des questions d’intérêt public ou pour faire part des préoccupations d’un citoyen ou d’un groupe de citoyens. Cependant, je trouve étrange qu’un sénateur veuille s’impliquer dans une affaire purement interne à la Chambre des communes.

L’avenir de Greg Fergus en tant que Président de la Chambre des communes est une question qui sera réglée par les députés élus et personne d’autre. Je crois que les tentatives du sénateur Cardozo de s’ingérer dans les affaires de l’autre endroit étaient, pour le moins, malavisées. Elles témoignent d’une mauvaise compréhension de la façon dont chacune des Chambres du Parlement gère ses affaires de manière tout à fait indépendante. Je suis convaincu que le sénateur Cardozo serait le premier à intervenir si Pierre Poilievre envoyait un message au Comité sénatorial sur l’éthique pour lui demander d’être clément à l’égard d’un sénateur conservateur. Je sais que le sénateur Cardozo nie être libéral. Cependant, je crois qu’il ne trompe personne.

Mais libéral ou pas...

Une voix : J’invoque le Règlement.

Son Honneur la Présidente : On ne peut pas invoquer le Règlement pendant un rappel au Règlement.

Le sénateur Dalphond : Il enfreint le Règlement.

Le sénateur Plett : Je suis désolé. Je ne sais plus où j’étais rendu, alors je vais reprendre du début.

Je crois que les tentatives du sénateur Cardozo de s’ingérer dans les affaires de l’autre endroit étaient, pour le moins, malavisées. Elles témoignent d’une mauvaise compréhension de la façon dont chacune des Chambres du Parlement gère ses affaires. Je suis convaincu que le sénateur Cardozo serait le premier à intervenir si Pierre Poilievre envoyait un message au Comité sénatorial sur l’éthique pour lui demander d’être clément à l’égard d’un sénateur conservateur. Je sais que le sénateur Cardozo nie être libéral. Cependant, je crois qu’il ne trompe personne. Cela dit, libéral ou non, il est sénateur. Donc, nous avons un sénateur qui tente d’influencer des députés dans leur enquête au sujet d’un député qui aurait manqué à ses devoirs de député, un sénateur qui s’insère dans une affaire qui relève des députés et qui sera tranchée par des députés et seulement par des députés.

Votre honneur, je crois que les sénateurs bénéficieraient de vos conseils à savoir où est la limite entre exprimer une opinion sur une affaire publique et s’ingérer dans les affaires internes de l’autre endroit. Selon moi, le sénateur Cardozo a dépassé cette limite, et je crois que vous le confirmerez. Si, par contre, vous ne pensez pas que le sénateur Cardozo a dépassé la limite, il serait bénéfique à chacun de nous de savoir où se trouve cette limite, si tant est qu’elle existe.

Deuxièmement, comme je l’ai mentionné précédemment, le sénateur Cardozo n’a pas signé la lettre qu’il a rédigée. La lettre a été signée par un certain Carl Nicholson. Les députés ne pouvaient donc pas savoir que celle-ci provenait du sénateur Cardozo. Je ne sais pas pourquoi le sénateur a choisi d’utiliser le nom d’un tiers. Peut-être savait-il que le Règlement interdit à un sénateur de s’immiscer dans les affaires de la Chambre des communes, comme je l’ai déjà expliqué. Quelle que soit la raison pour laquelle le sénateur a décidé de ne pas signer sa lettre, je pense que ce n’est pas la conduite à laquelle on s’attend de la part d’un sénateur. Pour un sénateur, envoyer des lettres de manière anonyme ou sous un pseudonyme constitue un grave manquement à ses devoirs et n’est pas digne de sa charge. M. Nicholson a-t-il dicté la lettre au sénateur Cardozo? Il faudrait alors accepter que le sénateur Cardozo travaille au noir les fins de semaine en tant qu’adjoint administratif. Le sénateur Cardozo a-t-il fait appel à M. Nicholson dans le cadre de sa campagne pour tenter de sauver la carrière de son ami libéral, Greg Fergus? Nous l’ignorons.

Cette affaire a été rendue publique lundi, mais le sénateur Cardozo ne s’est toujours pas expliqué. Peut-être qu’il pourrait nous dire pourquoi il n’a pas signé la lettre de son nom. Peut-être que le fait que j’en parle l’incitera à s’expliquer. Toutefois, pour l’instant, Votre Honneur, tout ce que nous savons, c’est que le sénateur Cardozo n’a pas signé la lettre qu’il a écrite. Pourquoi il n’a pas fait preuve de transparence envers les députés à qui il écrivait reste un mystère, et nous ne savons pas si des ressources du Sénat ont servi à la rédaction et à l’envoi de cette lettre.

Votre Honneur, je crois que vous devez nous dire s’il est acceptable que des sénateurs envoient des lettres et d’autres messages de façon anonyme et s’il est acceptable de les faire signer par un tiers. Plus précisément, il faudrait établir si le fait qu’un sénateur a utilisé des ressources du Sénat pour rédiger et envoyer ces lettres constitue un facteur prépondérant pour déterminer s’il a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions. Je sais que des députés qui ont reçu cette lettre dimanche n’ont pas été impressionnés qu’un sénateur envoie une lettre anonyme. Cela ternit l’image du Sénat.

Troisièmement, comme je l’ai dit, la lettre préparée par le sénateur Cardozo a été envoyée aux membres du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre la veille de jour où M. Fergus devait témoigner devant le comité au sujet de sa participation publique à un congrès du Parti libéral de l’Ontario, en tant que Président de la Chambre des communes. Comme je l’ai dit, cette lettre était signée par M. Carl Nicholson et on peut y lire l’affirmation suivante : « Carl Nicholson est un membre actif de la communauté noire canadienne. »

La lettre souligne que l’élection de M. Fergus a été une excellente nouvelle pour la communauté noire, ce que je ne contesterai pas, bien sûr. Puis, l’auteur de la lettre défend les actions de M. Fergus, demandant aux membres du comité de lui pardonner parce que réclamer sa démission pourrait envoyer le mauvais message. Je ne remettrai pas en question ces arguments à ce moment-ci. Ce n’est pas mon intention aujourd’hui. Cependant, ce qui m’agace, c’est le fait que la lettre a été envoyée par un sénateur qui n’est pas noir.

Encore une fois, Votre Honneur, en l’absence d’une explication de la part du sénateur Cardozo, trois jours après que cette information ait été révélée au Comité, je me dois de vous demander de trancher sur la question de l’utilisation de prétextes par un sénateur pour communiquer par écrit à de tierces parties — en l’occurrence, des députés.

Il est intéressant de noter que la lettre, après le nom de M. Nicholson en tant qu’auteur, inclut une biographie de M. Nicholson rédigée à la troisième personne. L’usage veut que l’on dise quelque part dans la lettre : « Je suis M. Untel, je fais ceci et j’occupe ce poste ». Qui, dans une lettre, écrit sa biographie à la troisième personne? La seule explication logique, c’est que ce n’est pas M. Nicholson qui s’exprime dans cette lettre.

En conclusion, Votre Honneur, le sénateur Cardozo aurait facilement pu répondre aux questions soulevées aujourd’hui. Comme je l’ai dit, plus de trois jours se sont écoulés depuis qu’on a soulevé la question de la lettre anonyme au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Il pourrait certainement nous dire pourquoi il a cru que c’était une bonne idée de s’impliquer dans un examen mené par un comité de la Chambre des communes concernant les actions d’un député. Il pourrait nous dire pourquoi il a pensé que c’était une bonne idée de ne pas agir de façon ouverte et transparente et de ne pas signer son propre nom. Il pourrait nous expliquer pourquoi il s’est fait passer pour quelqu’un d’autre. S’il ne le fait pas, Votre Honneur, je vous invite à intervenir.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Cardozo, voudriez-vous répondre?

L’honorable Andrew Cardozo : Il me faudrait un peu de temps pour considérer les points que le sénateur a soulevés. Si je me souviens bien, il y a deux semaines environ, lorsque de sérieuses allégations d’intimidation ont été présentées, après qu’un préavis nous a été donné, vous avez accordé au sénateur Plett deux jours de plus pour considérer la question. Par conséquent, je vous demanderais de m’accorder deux jours ouvrables de plus pour que je donne ma réponse.

(1810)

Je dirais seulement que je n’ai rien écrit anonymement. M. Nicholson a choisi d’envoyer une lettre, et j’en parlerai de façon détaillée en temps opportun. Néanmoins, je pense que c’est une sorte de surprise qu’on me fait aujourd’hui et je serais heureux de répondre en détail pourvu que vous m’accordiez très gentiment deux jours, ce qui est la pratique normale en pareil cas.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je n’ai pas vraiment compris ce qui se passe. Le sénateur Plett fait un recours au Règlement au sujet d’un message anonyme qui a été déposé et qui concerne la Chambre des communes. Je ne sais pas jusqu’où on peut aller dans les recours au Règlement au Sénat, mais j’ai toujours pensé que ces recours étaient réservés aux affaires du Sénat et aux affaires étudiées par le Sénat.

Tant le sénateur Plett que moi regrettons que la Chambre des communes tente de s’ingérer dans nos affaires à l’occasion et essaie de nous dire quoi faire, mais il est évident que je vais résister à l’idée de dire quoi faire au comité de la Chambre des communes qui étudie la question du comportement du Président de l’autre endroit.

J’ai devant moi un gazouillis du député Eric Duncan, qui dit ceci :

[Traduction]

Les libéraux voulaient que tous les gens qui nous regardent sachent que des membres de notre comité ont reçu des « lettres anonymes » appuyant le maintien à la présidence de Greg Fergus.

[Français]

J’aimerais bien savoir comment le sénateur Plett peut attribuer des lettres anonymes à des membres du Sénat. Je ne sais pas à quel point il faut aller fouiller dans les courriels du sénateur Plett à son bureau pour voir s’il a écrit des lettres à M. Poilievre, pour lui dire quoi faire en ce qui concerne la Chambre des communes ou le Sénat. Il doit y avoir une limite à la décence. Des lettres anonymes ne méritent pas notre considération; nous sommes une institution trop importante pour commencer à mener des enquêtes sur des lettres anonymes.

À mon avis, honorables sénateurs, ce recours au Règlement est irrecevable. Tout ceci n’est pas lié aux affaires du Sénat. Si le sénateur veut déposer une plainte au conseiller à l’éthique pour se plaindre du comportement d’un sénateur, c’est autre chose, mais il veut faire un recours au Règlement, et la question n’a rien à voir avec le Sénat.

Merci.

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, si le Sénat considère qu’il est de son devoir de soulever une question de privilège parce qu’un sénateur a « aimé » un gazouillis se rapportant à des déclarations publiques, les allégations concernant la conduite d’un sénateur qui a envoyé un courriel à un comité parlementaire qui étudie et évalue l’indépendance du Président de la Chambre et si sa conduite a été éthique ou non méritent certainement d’être examinées de plus près, en particulier l’allégation concernant un sénateur qui aurait envoyé une lettre dans le cadre de cette enquête et qui n’aurait pas eu le courage d’assumer la responsabilité de la lettre en question.

Je pense que nous sommes d’accord pour dire que c’est une grave erreur de la part d’un sénateur de s’approprier une identité devant un comité parlementaire, d’essayer de le faire en secret et d’essayer d’influencer ce comité, et de ne pas en assumer la responsabilité. En réponse au sénateur Dalphond, dois-je comprendre qu’il est de notre ressort de juger le comportement des sénateurs lorsqu’ils marchent dans la rue Wellington, mais pas de juger et d’évaluer si un sénateur a utilisé les ressources du Sénat dont il dispose en tant que sénateur pour envoyer... pour essayer d’influencer un comité indépendant de la Chambre en train d’évaluer si le Président de la Chambre a eu un comportement éthique ou non?

Comme je l’ai dit, je réserverai mon jugement, car le sénateur Cardozo, à l’instar de tous mes honorables collègues, mérite d’avoir l’occasion de répondre à ces graves allégations. Toutefois, étant donné que le Sénat se préoccupe tellement du comportement éthique de chacun d’entre nous, puisque nous estimons qu’il se reflète sur l’institution, je pense que nous méritons de recevoir au moins une explication de la part du sénateur Cardozo.

Le sénateur Dalphond : Invoquez-vous le Règlement ou soulevez-vous une question de privilège? J’ai cru comprendre que le sénateur Plett faisait un rappel au Règlement.

Le sénateur Housakos : J’ai répondu au recours au Règlement, ainsi qu’à votre intervention sur le recours Règlement, en soulignant que, si certaines frivolités nécessitent une question de privilège pour être examinées au Sénat, il est certain que les allégations sérieuses formulées dans ce cas-ci nécessitent, à tout le moins, un recours au Règlement. Voilà ce que j’essayais de faire valoir, sénateur Dalphond.

Son Honneur la Présidente : Est-ce que d’autres sénateurs souhaitent intervenir au sujet du rappel au règlement?

Le sénateur Cardozo aura jusqu’à demain, après la période réservée aux affaires du gouvernement, pour répondre au rappel au Règlement, puis nous pourrons nous pencher sur la question le même jour. Merci.

Le sénateur Plett : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 18 h 16, le Sénat s’ajourne jusqu’à 9 heures demain.)

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