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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 184

Le jeudi 29 février 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 29 février 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois de l’histoire des Noirs

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’occasion de la dernière journée du Mois de l’histoire des Noirs de 2024.

Lorsque le Dr Claude Manigat est décédé ce mois-ci, j’ai perdu un ami cher et un mentor. Ce cher Claude, comme je l’appelais, et son épouse Alta m’ont invitée chez eux lorsque je me suis installée à Cornwall. La communauté noire était minuscule à l’époque, mais ce couple tenait à ce que la pure étrangère que j’étais se sente la bienvenue et qu’elle sache que d’autres Noirs étaient là pour l’appuyer.

[Français]

Ils sont également à l’origine de la première proclamation du Mois de l’histoire des Noirs dans la ville de Cornwall. La représentation, la visibilité et l’alliance comptent. Le Dr Manigat en est un exemple concret.

[Traduction]

La disparition du Dr Manigat au cours du Mois de l’histoire des Noirs est particulièrement douloureuse, car il arrive encore souvent que nous soyons la seule personne noire autour d’une table, de sorte que chaque mentor, dirigeant ou ami noir compte vraiment.

C’est en m’inspirant de l’exemple du Dr Manigat que j’ai vécu le Mois de l’histoire des Noirs cette année. En tant que politicienne qui vit sous le regard du public, j’ai choisi de prendre ma place. J’estime qu’il est de mon devoir de m’exprimer, surtout lorsque les Canadiens tournent leur regard et leur attention vers leurs concitoyens de race noire. Dès que les invitations aux événements prévus en février commencent à affluer, je sens qu’il est de mon devoir de les accepter. Je ressens le besoin d’être vulnérable, de raconter mon histoire et de permettre aux autres de raconter la leur.

Nous savons que l’histoire, l’excellence et les récits des Noirs méritent d’être célébrés tout au long de l’année. Je sais que les défis auxquels sont confrontées les communautés noires ne disparaissent pas avec le passage de février à mars. C’est pourquoi le travail du Groupe canado-africain du Sénat est tellement important. Soyez assurés que les Noirs et leurs alliés s’attaqueront aux politiques discriminatoires tous les jours de l’année.

Le Mois de l’histoire des Noirs demeure important encore aujourd’hui.

[Français]

À la suite des conversations que j’ai eues tout au long du mois de février, je dirai honnêtement qu’il est toujours difficile d’être Noir au Canada, malgré le rôle que j’occupe en tant que sénatrice. Face à ces défis, je partage ma reconnaissance pour les liens avec ma communauté, avec les jeunes, avec des gens de tous les horizons qui nourrissent mon âme et me donnent de la force.

[Traduction]

Je termine en remerciant tous les groupes qui font de la place aux gens comme moi en février et à d’autres moments. Je pense à l’équipe de S’ENgage, aux sénateurs alliés, aux enseignants, aux municipalités, aux organes de presse, aux groupes culturels, aux groupes de femmes, aux artistes, aux créateurs et aux entrepreneurs. Merci d’avoir été disposés à montrer votre vulnérabilité, à être des alliés et à ouvrir des portes pour favoriser une meilleure compréhension.

Je remercie aussi les mentors de partout au Canada — des mentors comme le Dr Manigat — qui créent des espaces sûrs pour les Noirs qui osent prendre leur place.

Merci, nia:wen.

L’honorable Donald H. Oliver, C.M., c.r.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je veux rendre hommage à un autre parlementaire exceptionnel à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. C’est une personne avec qui quelques sénateurs ici présents, moi y compris, ont eu le privilège de siéger dans notre auguste assemblée. Je parle de notre ancien collègue l’honorable Donald Oliver, le premier homme noir nommé au Sénat du Canada et le plus parfait gentleman qu’on puisse imaginer.

Descendant de réfugiés noirs qui ont fui les États-Unis vers le Canada pendant la guerre de 1812, M. Oliver est un fier Néo‑Écossais. Il est né et a grandi en Nouvelle-Écosse, où il a obtenu un diplôme en droit de l’Université Dalhousie. En 1965, il est admis au barreau. Il a été un avocat très respecté à Halifax, où il a pratiqué pendant 36 ans. Il est devenu associé et a reçu le titre de conseiller de la reine. Il a aussi enseigné à son alma mater chérie, la Faculté de droit de l’Université Dalhousie, qui porte maintenant le nom d’École de droit Schulich, entre autres.

Il a toutefois trouvé le temps de s’impliquer dans la politique — et pas seulement en marge de la politique, chers collègues. Don Oliver était un militant inébranlable et de longue date du mouvement conservateur au Canada. Il a occupé le poste de directeur des affaires juridiques du parti dans le cadre de six élections fédérales entre 1972 et 1988. Il a également été vice‑président fédéral du parti et directeur de son comité de financement, le Fonds PC du Canada. Le sénateur Oliver a également occupé, pendant des années, le poste de président de la constitution et membre du comité des finances du Parti progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse, en plus d’être le vice-président du parti provincial.

Tout au long de sa vie, Don est demeuré actif au sein de sa collectivité, notamment en présidant la Fondation de l’aide à l’enfance d’Halifax, en occupant le poste de directeur fondateur du Black United Front et de président fondateur et premier président du conseil d’administration de la Société pour la protection et la préservation de la culture noire en Nouvelle-Écosse.

Nommé au Sénat en 1990 par le très honorable Brian Mulroney, il a représenté les habitants de la Nouvelle-Écosse et a servi le Sénat et le pays avec distinction pendant 23 ans. Il a également siégé au sein de nombreux comités, a été Président intérimaire du Sénat et a été coprésident du Comité mixte spécial sur un code de conduite pour les parlementaires en plus d’avoir collaboré à un projet de loi visant à modifier le Code criminel pour combattre le harcèlement.

Je pense que nous aurions tort de clôturer le mois sans reconnaître que c’est le sénateur Oliver qui a présenté la motion visant à reconnaître les contributions de la population noire canadienne et le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs. Cette motion a été adoptée à l’unanimité le 4 mars 2008, ce qui a confirmé la position parlementaire du Canada sur le Mois de l’histoire des Noirs.

Nous aurions également tort, chers collègues, de ne pas rendre hommage à trois grands premiers ministres canadiens qui ont eux-mêmes été des chefs de file et des avant-gardistes à une époque où ce n’était pas facile. Le premier Noir à être nommé à un poste de ministre, Lincoln Alexander, l’a été par le premier ministre Joe Clark. Le très honorable Brian Mulroney a nommé le premier sénateur noir, le sénateur Don Oliver, à qui je rends hommage aujourd’hui. En 1961, lors d’une réunion du Commonwealth à Londres, John G. Diefenbaker, le grand premier ministre conservateur, a préparé le terrain pour la lutte contre l’apartheid et a vraiment lancé une campagne que le Canada et les premiers ministres successifs ont poursuivie avec enthousiasme et succès et qui a abouti à la fin de l’apartheid.

Je rends hommage aujourd’hui à toutes les personnes qui ont contribué à faire des Noirs une partie intégrante de ce grand pays et de cette grande société.

Merci beaucoup, chers collègues.

Des voix : Bravo!

La Journée des maladies rares

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au Sénat pour souligner que c’est aujourd’hui, le 29 février, la Journée des maladies rares. Une maladie est considérée comme rare si elle touche moins de 1 personne sur 2 000.

Je vais commencer en donnant quelques chiffres. Environ 1 Canadien sur 12 est atteint d’une maladie rare, dont les deux tiers sont des enfants. À l’heure actuelle, seulement 60 % des traitements des maladies rares sont offerts au Canada, et la plupart sont approuvés jusqu’à six ans plus tard ici qu’aux États-Unis et en Europe. Environ 80 % des maladies rares sont causées par des changements génétiques, et 25 % des enfants atteints d’une maladie rare ne vivront pas jusqu’à leur 10e anniversaire.

(1410)

La Journée des maladies rares nous rappelle de façon émouvante que plus de 300 millions de personnes dans le monde et plus de 3 millions de Canadiens sont atteints d’une maladie rare.

Cette journée ne se limite pas à sensibiliser la population. Elle vise à favoriser la compréhension, à solliciter de l’appui et à donner de l’espoir aux gens atteints de ce genre de maladies souvent mal comprises et négligées.

Le 4 juin 2021, nous avons accueilli notre troisième petit-fils dans la famille : Rowan Cameron Black. Bien que la naissance de Rowan ait eu lieu une semaine plus tôt que prévu, c’est un magnifique petit garçon qui est venu au monde. Cependant, nous avons rapidement découvert qu’il était souvent pris de convulsions violentes alors qu’il était encore à l’Hôpital général de Guelph. Nous avons appris plus tard qu’il s’agissait de l’un des premiers signes de l’épilepsie SLC13A5.

C’était la première fois que la famille Black devait composer avec des complications lors de la naissance d’un enfant ou avec l’épilepsie, et, comme beaucoup d’entre vous le savent, j’en suis sûr, aucune de ces situations n’est facile à gérer. L’épilepsie SLC13A5 est une forme extrêmement rare de la maladie. En fait, le Canada compte présentement moins de cinq personnes qui ont reçu le diagnostic officiel d’épilepsie SLC13A5, une maladie découverte assez récemment.

Bien que Rowan ait fait d’innombrables crises, il a également reçu d’excellents soins de la part des nombreux et remarquables professionnels de la santé qui se sont occupés de lui. Soit dit en passant, nous avons franchi une étape importante cette semaine : Rowan est resté debout tout seul pendant plus de 30 secondes.

Honorables collègues, l’histoire de Rowan n’est que l’une des nombreuses histoires qui méritent notre attention et notre soutien. Malgré les innombrables défis auxquels les gens atteints de maladies rares et leurs parents sont confrontés, ils font preuve d’une force, d’une résilience et d’un courage remarquables dans leur parcours unique. Les récits de leur persévérance et de leur détermination inspirent d’autres personnes à continuer de se battre malgré l’adversité.

J’aimerais souligner que le sommet de 2024 de l’Organisation canadienne pour les maladies rares se tient aujourd’hui, ici, à Ottawa. Cette organisation est le réseau national canadien des organisations qui représentent les personnes atteintes de maladies rares. Elle sert de porte-parole et plaide en faveur d’une politique sur la santé et d’un système de soins de santé qui fonctionnent pour tous.

L’Organisation canadienne pour les maladies rares célèbre plusieurs réalisations cette année, notamment le lancement du tout premier réseau canadien des maladies rares et le premier anniversaire de la première stratégie nationale sur les maladies rares. Il s’agit en outre de la première année où les patients ont pu avoir accès à un nombre sans précédent de médicaments contre les maladies rares.

Pour terminer, profitons de la Journée des maladies rares pour réaffirmer notre engagement à soutenir les personnes et les familles touchées par des maladies rares comme l’épilepsie causée par des mutations du gène SLC13A5. Ensemble, nous pouvons changer les choses et faire en sorte que personne ne relève seul ces défis. Je vous remercie, chers collègues, de m’avoir écouté.

Merci. Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Alisa Lombard et de Nicole Rabbit. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Boyer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Journée des maladies rares

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Chers collègues, 2024 est une année bissextile et le 29 février est consacré aux maladies rares. Vous vous doutez sûrement pourquoi.

L’Organisation canadienne pour les maladies rares tient actuellement à Ottawa un sommet national réunissant organisations, chercheurs, professionnels et patients affectés par les maladies rares.

Pour être reconnue comme rare, une maladie ne doit toucher pas plus d’une personne sur 2 000 — notre collègue le sénateur Black nous l’a dit un peu plus tôt —, mais les personnes atteintes ne sont pas si rares que cela. En effet, une personne sur douze est atteinte d’une maladie rare au Canada.

On dénombre entre 5 000 et 8 000 maladies rares dans le monde. Environ 80 % de ces maladies sont d’origine génétique pour la plupart. On peut citer, par exemple, l’anémie falciforme, la fibrose kystique, certains types de dystrophie musculaire, et cetera.

Les maladies rares englobent également d’autres types de maladies, notamment les maladies auto-immunes, comme la sclérodermie, et certains cancers rares.

Le 22 mars 2023, le ministre de la Santé du Canada a annoncé des mesures pour appuyer la toute première Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, avec un investissement à la hauteur de 1,4 milliard de dollars sur trois ans.

J’espère que la mise sur pied du Réseau canadien des maladies rares, qui regroupe des professionnels de la santé et des organisations de patients, permettra d’accélérer le diagnostic et d’améliorer les soins spécialisés.

Toutefois, il reste encore un grand défi à surmonter, car de nombreux patients n’auront pas accès aux médicaments qui pourraient les sauver et changer leur vie. Même si ces médicaments sont déjà approuvés et recommandés, ils ne sont pas encore offerts par nos régimes publics d’assurance médicaments.

Cet argent promis il y a 11 mois est nécessaire afin d’assurer la santé et la qualité de vie et de prolonger l’espérance de vie de 3 millions de Canadiens.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Henriette Mvondo et de Gilbert Bande Obam. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Gerba.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de l’histoire des Noirs

L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, je termine aujourd’hui ma série de déclarations dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs de 2024 avec une personnalité exemplaire par son parcours et son engagement communautaire : il s’agit de Mme Henriette Mvondo.

Diplômée en génie mécanique et enseignante en électronique dans son pays d’origine, le Cameroun, Henriette a pris son courage à deux mains et a tout quitté avec son mari pour rejoindre notre pays afin d’offrir à ses enfants un avenir meilleur.

Faute de reconnaissance de ses diplômes à son arrivée à Montréal en 2004, Henriette repart de zéro et doit travailler dans les manufactures pour survivre. Elle ne baisse pas les bras face aux multiples défis auxquels elle fait face et elle enchaîne les emplois avant de reprendre des études au terme desquelles elle décroche un poste de planificatrice financière à la Banque Royale du Canada.

Ce poste, qu’elle occupe toujours aujourd’hui avec passion, lui donne la possibilité de guider les immigrants au sein du système bancaire canadien.

En 2017, forte de cette expérience et désireuse d’aider son prochain, Henriette décide de fonder l’organisme Bienvenue à l’immigrant (BAI), qui offre des services aux nouveaux arrivants, de l’accueil aux formations professionnelles en passant par le soutien psychosocial, avec une approche très innovante, soit un accompagnement personnalisé en fonction des besoins et des origines culturelles des immigrants.

Citoyenne très impliquée, connue et reconnue dans la ville de Lasalle, Henriette travaille avec la communauté afro-canadienne dans toute sa diversité, mais aussi avec les communautés chinoise, italienne ou encore grecque. Henriette est perçue comme un précieux pont entre toutes les cultures. C’est d’ailleurs ce qui justifie que, en 2022, la Ville de LaSalle l’a nommée ambassadrice de la Semaine de l’harmonie interculturelle. En 2023, c’est la Banque Royale du Canada qui l’a désignée citoyenne du monde RBC 2023. Bravo, Henriette.

Chers collègues, vous aurez compris, grâce aux différentes présentations qui ont été faites dans cette Chambre durant ce mois de février, que l’excellence des personnes noires est un patrimoine que nous devons reconnaître et célébrer, pas seulement durant le mois de février, mais tous les jours.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, en ce dernier jour du Mois de l’histoire des Noirs, il convient de porter notre attention vers la Nouvelle-Écosse. Après tout, c’est là que se sont établies les plus anciennes communautés noires du Canada, à la fin du XVIIIe siècle pour la plupart.

Dans le célèbre roman Capitaines courageux du grand écrivain britannique Rudyard Kipling, deux des principaux personnages sur le navire étaient le cuisinier et un matelot de pont. Ils étaient Noirs et discutaient toujours entre eux en gaélique d’Écosse. À l’époque, les critiques s’étaient moqués d’un tel scénario, le jugeant irréaliste et tiré par les cheveux.

Toutefois, personne au Cap-Breton ne l’a remis en question, car Kipling avait fondé ses personnages sur deux Cap-Bretonnais qui étaient des légendes à l’époque et dont on se souvient encore aujourd’hui avec affection.

Il s’agissait des jumeaux Maxwell, George et John, de la magnifique localité de Marble Mountain, dans le comté d’Inverness, dans la partie sud-ouest du lac Bras d’Or.

Leur père, George Maxwell, était un orphelin e 10 ans qui rôdait autour du port d’Halifax dans les décennies précédant la Confédération. Un capitaine du Cap-Breton, réalisant dans quelle situation George se trouvait, lui a offert un foyer, et l’enfant a fait voile jusqu’au Cap-Breton où il a commencé une nouvelle vie. À l’âge adulte, George père s’est retrouvé dans la communauté noire du comté de Guysborough. C’est là qu’il y a rencontré une jeune femme dont il est tombé amoureux. Les deux tourtereaux ont ensuite décidé de s’installer à Marble Mountain pour fonder une famille.

(1420)

À la naissance des jumeaux en 1864, le Cap-Breton était composé à plus de 90 % de régions rurales, et plus de 80 % de la population parlait le gaélique. En fait, à Marble Mountain, 150 % de la population parlait cette langue. Les jumeaux ont été élevés comme des Écossais des Highlands. Ils excellaient au chant et ils composaient des chansons en gaélique. John était aussi un habile joueur de violon du Cap-Breton, et il est devenu un spécialiste de la langue gaélique. Les jumeaux ont tous les deux fondé de grandes familles et leurs descendants sont nombreux au Cap-Breton et partout sur le continent. Des entrevues réalisées avec leurs petits‑enfants dans les années 1970 nous ont permis d’apprendre qu’ils étaient de fervents presbytériens qui avaient en aversion les jeux de cartes. Ils fréquentaient régulièrement l’Église et consacraient toujours le samedi à la préparation des repas du dimanche.

Comme la BBC l’a souligné cette année dans un reportage, leur histoire a été racontée lors de la plus récente édition des prix du cinéma en Écosse. Les jumeaux Maxwell ont fait l’objet d’un documentaire intitulé Na Gàidheal Dubha, ou « Les Gaëls noirs », qui a accédé à la courte liste de 4 finalistes parmi plus de 160 œuvres. En tant que Cap-Bretonnais, je me réjouis de voir que ces deux hommes remarquables reçoivent la reconnaissance et les hommages qu’ils méritent après toutes ces années.

En cette fin du Mois de l’histoire des Noirs, prenez le temps de lever un verre et de trinquer à la mémoire de George et de John Maxwell, « Na Gàidheal Dubha » du Cap-Breton, quoique les jumeaux préféreraient peut-être que vous leur portiez un toast avec de l’eau.

Merci.


AFFAIRES COURANTES

La justice

L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi S-16—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).

Le Budget des dépenses de 2024-2025

Dépôt du Budget principal des dépenses

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget principal des dépenses de 2024-2025.

Le Conseil du Trésor

Dépôt des plans ministériels de 2024-2025

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les plans ministériels de 2024-2025.

Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré

Présentation du dix-neuvième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Jane Cordy, au nom de la sénatrice Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 29 février 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

DIX-NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 1er juin 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

RATNA OMIDVAR

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2501.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine de 2023

Présentation du treizième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L’honorable Peter M. Boehm, président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, présente le rapport suivant :

Le jeudi 29 février 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l’honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-57, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine de 2023, a, conformément à l’ordre de renvoi du 15 février 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

PETER M. BOEHM

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Harder, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

Le Budget des dépenses de 2024-2025

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget principal des dépenses à l’exception du crédit 1, qui sera étudié par le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2025, à l’exception du crédit 1 de la Bibliothèque du Parlement;

Que, aux fins de cette étude, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;

Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues au crédit 1 de la Bibliothèque du Parlement dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2025;

Que, relativement aux dépenses prévues au crédit 1 de la Bibliothèque du Parlement, un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-321, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

[Traduction]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à exhorter le gouvernement à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat prenne note :

a)des données de Statistique Canada et des organisations juives telles que le Centre pour Israël et les affaires juives, les Amis du Centre Simon Wiesenthal et B’nai Brith indiquant une augmentation choquante des incidents antisémites au Canada au cours des dernières années;

b)qu’il y a eu une poussée mondiale d’antisémitisme, à laquelle le Canada n’a pas échappé, depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et le devoir d’Israël d’y répondre;

c)que depuis octobre 2023, la communauté juive du Canada a été témoin de coups de feu dans ses écoles, de tentatives d’incendie criminel dans ses bâtiments communautaires, d’efforts de boycottage et de vandalisme visant des entreprises privées, simplement parce que leurs propriétaires sont juifs, et de l’intimidation de ses étudiants dans les universités;

d)que les services de police de tout le pays font tous état d’une augmentation importante et sans précédent des crimes haineux depuis octobre 2023, la communauté juive étant de loin la plus visée;

e)que le gouvernement du Canada a nommé Deborah Lyons, ancienne ambassadrice du Canada en Israël, comme nouvelle envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme;

f)que l’autorité conférée au bureau de l’envoyée spéciale lui permet d’être particulièrement bien placée pour convoquer et présider un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme;

g)qu’un deuxième sommet national de lutte contre l’antisémitisme constituerait un forum important pour les parties prenantes représentant tous les ordres de gouvernement, les fonctionnaires, les forces de l’ordre, les éducateurs et les dirigeants communautaires, afin de partager des informations et de convenir de stratégies efficaces pour endiguer la vague de haine sans précédent visant les Juifs;

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme.


(1430)

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Le Laboratoire national de microbiologie

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, pendant quatre ans, le gouvernement Trudeau s’est battu bec et ongles pour cacher la vérité au sujet de la grave atteinte à la sécurité qui a eu lieu au Laboratoire national de microbiologie à Winnipeg.

Monsieur le leader, votre gouvernement a désobéi à quatre ordres de la Chambre des communes voulant qu’il produise des documents non censurés. Monsieur le leader, votre gouvernement a poursuivi le Président de la Chambre des communes pour empêcher que les documents soient divulgués aux Canadiens. Nous savons maintenant pourquoi. Les documents confirment que le régime communiste de Pékin a infiltré notre plus important laboratoire. Il s’agit d’une atteinte à la sécurité sans précédent, monsieur le leader, et elle a eu lieu sous l’inepte gouvernement Trudeau.

Le premier ministre ne vaut pas ce que cela a coûté à la sécurité nationale et à la réputation du Canada, monsieur le leader. Comment votre gouvernement a-t-il pu laisser cela se produire? Qui sera congédié pour cela?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme il l’a indiqué, le ministre Holland croit que l’adhérence aux protocoles de sécurité était laxiste et que l’on comprenait mal la menace présentée par l’ingérence étrangère. Bien que des efforts sérieux ont été déployés pour respecter les politiques en place aux laboratoires, il est évident que l’on n’a pas appliqué la rigueur nécessaire. En effet, comme le ministre l’a dit, on avait une compréhension bien différente de la menace relative à l’ingérence étrangère en 2019, par rapport à aujourd’hui. Je cite le ministre Holland :

Bien que les protocoles de sécurité en place étaient adéquats, l’adhérence à ces protocoles a été laxiste [...] C’est inacceptable.

En général, chers collègues, le gouvernement ne divulgue pas le nom des personnes ou leur titre, ni les raisons du congédiement. La situation qui nous occupe est différente : il faut établir un équilibre entre la sécurité nationale et la transparence.

Le sénateur Plett : Vous vous exercez sûrement devant un miroir pour répondre à ces questions tout en gardant votre sérieux.

Lorsque cette énorme faille de sécurité a été révélée en mai 2021, le premier ministre Trudeau a dit à l’autre endroit que les députés conservateurs étaient racistes de poser des questions à ce sujet. Racistes. Il a accusé ses collègues de racisme pour détourner l’attention de l’incompétence flagrante du gouvernement. Monsieur le leader, quand le premier ministre lançait ces accusations, il connaissait la vérité sur la brèche dans la sécurité du laboratoire, n’est-ce pas? À quelle date a-t-il appris que Pékin avait infiltré le laboratoire de Winnipeg?

Le sénateur Gold : En ce qui concerne les renseignements qui ont été divulgués et caviardés, comme nous le savons maintenant, le ministre Holland a créé un comité spécial composé de députés de tous les partis afin d’examiner les documents non caviardés. En passant, chers collègues — et je m’adresse en particulier aux membres du caucus conservateur qui ont déjà fait partie du gouvernement — nous savons très bien que ce sont des documents qui ne sont caviardés ni par les ministres ni par leurs fonctionnaires. Quoi qu’il en soit, les documents qui ont été divulgués sont appropriés et conformes à nos protocoles.

Les services publics et l’approvisionnement

Le processus d’acquisition

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, il ne suffit pas d’admettre toutes les violations, parce que le gouvernement prendrait des heures, des jours, des semaines et des mois à passer en revue toutes les violations commises sous ce gouvernement. Il y a eu l’affaire SNC-Lavalin, le scandale de l’organisme UNIS et le refus d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes. Le scandale « ArnaqueCAN » a éclaté dans les derniers mois. On parle de centaines de millions de dollars, mais le gouvernement tarde à fournir de l’information. Des courriels sont déchiquetés. Des cas sont soumis à la GRC. Ce n’est pas nouveau pour ce gouvernement.

Ce qui n’a rien de neuf non plus, c’est le mépris constant dont on fait preuve à l’égard du Parlement chaque fois que celui-ci demande des renseignements. On laisse toujours traîner les choses. Vous allez même jusqu’à poursuivre des gens pour que l’information ne soit pas rendue publique. Ce sont des faits, sénateur Gold.

Hier, à la Chambre des communes, un comité a encore une fois demandé au gouvernement de rembourser toutes les dépenses liées à l’affaire « ArnaqueCAN » et de recouvrer toutes les sommes versées aux entrepreneurs impliqués dans ce scandale. Le gouvernement va-t-il récupérer l’argent versé à l’organisme UNIS, pour en revenir à cet autre scandale? Allez-vous récupérer cet argent, sénateur Gold?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question et vos observations. Tout ce qui entoure l’application ArriveCAN fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme par l’Agence des services frontaliers du Canada, le ministère de la Défense nationale ou la GRC. Tant que ces enquêtes ne seront pas menées à bien, il serait inapproprié de présumer de leur issue et de ce que le gouvernement fera par la suite.

Aussitôt que l’information a pu être vérifiée, le gouvernement a suspendu les contrats de toutes les entreprises et, tout récemment, a lancé une enquête en lien avec Dalian. Il s’agit d’un examen de l’ensemble du programme afin de s’assurer que les programmes destinés aux entreprises autochtones ne sont pas gérés de manière inappropriée par des gens qui souhaitent les détourner à leur avantage.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, vous ne répondez pas à la question. Le gouvernement a-t-il récupéré l’argent versé dans le cadre de l’ancien scandale impliquant l’organisme UNIS? Le contrat a été annulé, mais l’argent a été versé. L’argent des contribuables canadiens versé dans le cadre du scandale lié aux activités de l’organisme UNIS a-t-il été récupéré? Le gouvernement a-t-il récupéré l’argent versé à Laith Marouf, l’antisémite qui a été congédié? J’aimerais avoir une réponse.

J’ai une deuxième question. La semaine dernière, et pendant plusieurs semaines, vous nous avez dit que les trois entreprises impliquées dans ArnaqueCAN avaient vu leurs contrats annulés. Ces contrats ont-ils effectivement été annulés? Sénateur Gold, je sais que vous êtes intègre et que vous ne voudriez pas induire notre assemblée en erreur, alors je vous prie de nous donner des réponses honnêtes.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de faire confiance à mon intégrité; je vous en suis reconnaissant. Aucune mesure ne sera prise tant que les enquêtes sur tous les contrats ne sont pas terminées. Je signale entre autres que la société Dalian fait affaire avec le gouvernement fédéral depuis 2007. Avant de prendre une décision, il n’est que juste et approprié d’enquêter sur la nature de ces contrats et sur les démarches qui ont été faites. C’est la procédure établie.

La santé

Les soins pédiatriques

L’honorable Rosemary Moodie : Sénateur Gold, depuis le 26 février, Santé Canada mène un projet pilote pour les deux prochaines années dans le cadre duquel il acceptera les données pédiatriques dont les fabricants disposent déjà et qu’ils soumettent déjà à l’Union européenne et aux États-Unis. Selon Santé Canada, cela permettra d’améliorer l’accès aux renseignements relatifs à la sécurité, à l’efficacité et à la qualité pour les populations pédiatriques et de les harmoniser aux normes internationales. En effet, cette politique devrait permettre de réduire considérablement le nombre de cas où des médicaments sont prescrits de façon non conforme à l’étiquette dans les soins pédiatriques, ce qui arrive actuellement dans 80 % des cas.

Il faut féliciter Santé Canada d’avoir pris cette initiative après vingt ans de lobbying de ma part et de la part de chefs de file du milieu pédiatrique des quatre coins du pays. Néanmoins, tout se joue dans les détails. Sénateur Gold, quels indicateurs seront utilisés par Santé Canada pour déterminer si ce projet pilote est une réussite ou non?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. En effet, Santé Canada prend ces mesures pour accroître la disponibilité des données qui aideront les prestataires de soins de santé à prendre les décisions importantes auxquelles vous avez fait allusion.

(1440)

Je ne sais pas quels indicateurs seront utilisés précisément, mais je peux vous parler, chers collègues, des objectifs fondamentaux du programme pilote. Il vise à encourager les promoteurs à soumettre en temps opportun des renseignements sur l’innocuité et l’efficacité des médicaments dont l’utilisation dans des populations pédiatriques est attendue et à fournir aux professionnels de la santé, aux patients et à leurs familles de plus amples renseignements sur l’innocuité, l’efficacité et la posologie des médicaments utilisés dans des populations pédiatriques, le tout dans le but de guider et d’améliorer l’élaboration des futures politiques.

La sénatrice Moodie : Sénateur Gold, à votre connaissance, Santé Canada s’engagera-t-il à publier régulièrement des données sur les résultats du programme pilote afin que les Canadiens et les médecins praticiens puissent suivre et comprendre les progrès réalisés?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je crois comprendre que, dans le cadre du programme pilote, Santé Canada publiera des rapports annuels qui viseront, bien sûr, à nous informer, ainsi que le grand public et les différents groupes concernés.

L’emploi et le développement social

Le projet d’hydrogène vert

L’honorable Iris G. Petten : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, hier, le ministre du Travail et des Aînés, Seamus O’Regan, a annoncé la construction de la première installation verte de production d’hydrogène et d’ammoniac à l’échelle commerciale du Canada à Terre-Neuve-et-Labrador. Le projet de World Energy GH2 recevra un prêt fédéral de 128 millions de dollars. Bien que le processus d’évaluation d’impact de la province ne soit pas encore terminé, il semble qu’il s’agit d’un investissement positif dans les énergies renouvelables et d’un pas vers l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050. Selon le gouvernement, quelle sera l’incidence du projet sur l’économie locale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice. Ce projet est une excellente nouvelle tant pour Terre-Neuve-et-Labrador que pour l’ensemble du pays, car le monde entier est à la recherche d’énergies renouvelables. C’est vers elles que la recherche et les marchés sont tournés et, franchement, c’est là que va l’argent.

Le gouvernement prévoit que l’industrie éolienne extracôtière se chiffrera à environ 1 billion de dollars d’ici 2040. De tels projets garantiront que les travailleurs de Terre-Neuve-et-Labrador participent aux bénéfices. Plus précisément, j’ai cru comprendre que World Energy GH2 s’attend à ce que la première phase du projet crée 2 200 emplois directs dans la construction, 400 emplois dans l’exploitation et 4 200 autres emplois indirects.

La sénatrice Petten : Sénateur Gold, les fonds dégagés par le gouvernement pour soutenir ce projet viennent d’un programme de prêts qui porte sur un contrat pour une facilité de crédit. Quels sont les détails de ce contrat de prêt? Quelles conditions doivent être remplies et quel sera le calendrier de remboursement au cours des prochaines années?

Le sénateur Gold : Comme mes collègues le savent peut-être, cette facilité de prêt est une facilité de crédit de 128 millions de dollars. Il s’agit d’un prêt prédéterminé qui permet à l’emprunteur d’avoir accès à l’argent en continu au lieu de demander de nouveaux prêts au fil les cycles. Je n’ai pas les détails de l’accord. Il a été conclu par Exportation et développement Canada.

La santé

La Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares

L’honorable Robert Black : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, comme vous l’avez entendu dans ma déclaration ainsi que dans celle de la sénatrice Mégie plus tôt, nous soulignons aujourd’hui la Journée des maladies rares. Selon la Canadian Organization for Rare Disorders, le gouvernement fédéral a promis une stratégie concernant les médicaments pour le traitement des maladies rares il y a cinq ans.

Le mois de mars prochain marquera le 1er anniversaire de l’annonce de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, ainsi que de l’affectation connexe d’une somme pouvant atteindre 1,5 milliard de dollars sur trois ans. Cependant, à ce jour, aucuns fonds pour de nouveaux médicaments n’ont été rendus disponibles et aucun patient canadien atteint d’une maladie rare n’en a bénéficié, et ce, malgré l’énorme besoin de traitements nouveaux, approuvés et recommandés pour des maladies potentiellement mortelles.

Sénateur Gold, quand le gouvernement va-t-il verser les fonds promis dans le cadre de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares afin d’aider à traiter et à soigner les 3 millions de Canadiens qui vivent avec une maladie rare?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette importante question. Je n’ai pas de date précise à vous communiquer, mais comme le savent sans doute les sénateurs, le ministre de la Santé a annoncé la création du Groupe consultatif sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. Au cours des trois prochaines années, ce groupe servira de tribune où les patients et les intervenants pourront donner des conseils centrés sur les patients ainsi qu’échanger des renseignements sur les maladies rares et des pratiques exemplaires qui serviront ensuite à la mise en œuvre de cette stratégie.

Le groupe comprend environ 20 membres issus de l’écosystème des maladies rares, dont des personnes qui en ont une expérience personnelle et d’autres qui fournissent des soins aux patients ou travaillent à l’amélioration de ces soins, tels que des cliniciens, des représentants de l’industrie pharmaceutique et des chercheurs. Je crois comprendre que la première réunion a eu lieu. La formation de ce groupe confirme la poursuite des échanges essentiels entre les patients, leurs familles, les aidants et les intervenants en vue de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie nationale, le but étant d’améliorer les résultats pour les personnes atteintes d’une maladie rare.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les niveaux d’immigration

L’honorable Clément Gignac : Sénateur Gold, je pense qu’on a besoin de se faire rassurer aujourd’hui sur le fait que votre gouvernement est bien en contrôle du dossier de l’immigration. Le 22 janvier dernier, le ministre Miller a surpris le monde universitaire en annonçant un plafonnement du nombre total d’étudiants étrangers admis sur notre territoire, avec une baisse de 35 % du nombre de permis d’études émis par rapport à 2023.

Ce matin, ce même ministre a annoncé que votre gouvernement va réintroduire l’obligation de détenir un visa pour les voyageurs mexicains qui souhaitent venir nous visiter au Canada, une mesure que votre gouvernement avait pourtant abolie en 2016. De toute évidence, cette mesure semble avoir été mal reçue par le président mexicain, qui dit ne pas exclure l’adoption de mesures de représailles contre le Canada.

Ma question, sénateur Gold, va ressembler à celle que j’ai posée 13 février dernier : ne croyez-vous pas qu’il serait temps pour votre gouvernement de convoquer un sommet national non partisan sur l’immigration, ou au moins de tenir une conférence fédérale‑provinciale pour vous éclairer?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, cher collègue. La priorité du gouvernement a toujours été et restera la préservation de l’intégrité de notre système d’immigration, tout en garantissant une approche équitable et compatissante à l’égard des personnes qui fuient les persécutions.

Cette décision n’a pas été prise à la légère, mais après mûre réflexion et — je tiens à le souligner — en consultation avec le gouvernement mexicain et nos homologues provinciaux. Le gouvernement fédéral continuera de travailler en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux et les parties prenantes sur les politiques en matière d’immigration.

Le sénateur Gignac : Sénateur Gold, le nombre de résidents non permanents a pratiquement doublé en trois ans pour atteindre près de 2,5 millions de personnes à la fin de 2023, un chiffre qui est sans doute sous-estimé, selon l’économiste en chef de la CIBC, en raison des retards administratifs du ministère dans le traitement du renouvellement des permis de travail.

En attendant d’y voir plus clair en ce qui concerne cette explosion de travailleurs temporaires, ne serait-il pas sage de revoir à la baisse les seuils d’immigration permanente fixés pour éviter d’exacerber la pénurie actuelle de logements au Canada?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada est saisi des enjeux complexes autour de l’immigration qui touchent non seulement ceux et celles qui font une demande de façon « régulière », entre guillemets, mais aussi ceux et celles qui viennent au pays pour travailler temporairement, pour étudier, et cetera. Il faut trouver un juste équilibre entre les deux facettes, toujours avec considération et en consultation avec nos homologues territoriaux et provinciaux. Cela reste un défi et c’est la responsabilité du gouvernement.

[Traduction]

La santé

La réglementation des liquides à vapoter

L’honorable Judith G. Seidman : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le 14 décembre 2023, le gouvernement du Canada publiait dans son site Web un décret modifiant les annexes 2 et 3 de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage.

Plus précisément, le décret et le règlement établiraient des restrictions quant à l’utilisation d’arômes dans les produits de vapotage, à l’exception des arômes de tabac et de menthe ou menthol, et interdiraient l’utilisation de tout sucre ou édulcorant et d’ingrédients aromatiques, à quelques exceptions près pour l’arôme de tabac et de menthe ou menthol.

C’est une excellente nouvelle, sauf qu’aucune date de mise en œuvre n’a été précisée.

Sénateur Gold, les consultations au sujet du projet de loi S-5, un projet de loi du Sénat, ont été lancées il y a cinq ans. Nous avons maintenant en main toutes les données et toutes les preuves scientifiques dont nous avons besoin. Pourriez-vous nous dire quand le gouvernement entend achever le déploiement de ces changements?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et je vous remercie de rappeler l’important travail que nous avons mené sur cette question, ainsi que le travail qu’il reste à faire.

Il n’est pas simple pour les gouvernements de trouver les outils et les bonnes solutions pour décourager l’usage de ces produits, particulièrement chez les jeunes, mais ils ont le devoir de le faire. Il m’est impossible de savoir quand exactement la mise en œuvre sera achevée, mais je sais que le gouvernement du Canada continue d’y travailler en collaboration avec les provinces en ce qui concerne le marketing et la promotion de ces produits, qui sont également de leur ressort.

(1450)

La sénatrice Seidman : J’espère que vous assurerez un suivi et que vous pourrez déterminer quelles sont les intentions concernant la date d’entrée en vigueur de cette mesure.

Le gouvernement fédéral a interdit les additifs de menthol dans les cigarettes en octobre 2017. Les études montrent que l’interdiction du menthol au Canada a entraîné une hausse du sevrage tabagique chez les fumeurs de cigarettes mentholées.

Sénateur Gold, pourquoi n’ajoutons-nous pas la menthe et le menthol à la liste des arômes interdits dans les produits de vapotage, comme certaines provinces le font déjà?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question. Je ne manquerai pas de porter ces questions et ces préoccupations à l’attention du ministre.

[Français]

Les affaires mondiales

Le soutien à l’Ukraine

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement.

Évidemment, je suis favorable au soutien et aux subventions à l’Ukraine. Cependant, vendredi dernier, le bureau du premier ministre a annoncé une série de mesures dont une qui a attiré mon attention, selon laquelle 4 millions de dollars de fonds publics seront accordés pour des « activités de déminage tenant compte des sexospécificités pour un avenir durable en Ukraine».

J’étais plutôt confus en lisant cette phrase. J’ai continué à lire et plus loin dans le communiqué, pour des fins de précisions, on mentionne que la création d’un groupe de travail sur l’égalité des sexes et la diversité permettra de promouvoir une action antimines transformatrice en matière de genre en Ukraine.

Monsieur le leader, je suis totalement confus. Pouvez-vous expliquer quel est le lien entre le retrait des mines antipersonnel et la sexospécificité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question.

Le gouvernement du Canada est un allié important, stable et dévoué envers le gouvernement de l’Ukraine et son peuple. Nous répondons aux requêtes à la hauteur de notre capacité et en fonction des intérêts du gouvernement ukrainien et de la société civile.

Il n’y a pas qu’une seule façon de venir en aide à l’Ukraine. L’aide militaire est certes primordiale, mais il y a aussi du travail qui se fait dans des zones qui sont importantes pour ce pays souverain qui a de très bonnes relations avec le Canada.

Le sénateur Carignan : Je comprends tout cela.

D’ailleurs, je vois que vous faites un discours, parce que la question est embêtante. Quel lien faites-vous entre le déminage et l’identité de genre? C’est insensé. Qu’est-ce que c’est que cette histoire?

Le sénateur Gold : Comme j’ai tenté de l’expliquer, il n’est pas nécessaire de tracer une ligne directe. L’important, c’est que nous répondions aux besoins de la société ukrainienne et selon les termes de ce gouvernement. C’est la façon sage, saine et appropriée de procéder entre deux pays souverains.

[Traduction]

Les services aux Autochtones

La protection des enfants autochtones

L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, le lancement de la mise en œuvre d’une entente historique concernant des indemnisations et une réforme urgente de la protection des enfants autochtones est tout à l’honneur du gouvernement. Par contre, des milliers d’Inuits, de Métis et d’enfants et familles autochtones non inscrits ou hors réserve ont été laissés de côté.

Il y a deux semaines, la Cour suprême du Canada a confirmé l’importance, pour la réconciliation, de régler la crise relative au retrait de la garde d’un enfant par l’État et rappelé que le gouvernement fédéral a toute la compétence voulue pour régler ce problème.

Hier, j’ai eu le privilège et la responsabilité de rencontrer Cheyenne Stonechild, une jeune femme directement touchée, qui est à la tête des efforts de défense et de revendication des jeunes concernés. Je lui ai promis d’essayer d’obtenir des réponses à ses questions.

J’ai déposé une question écrite plus détaillée aujourd’hui, mais je vous demanderais également de nous aider à obtenir des réponses le plus rapidement possible. Puis-je compter sur vous à cette fin, sénateur Gold?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et je vous remercie d’avoir soulevé cet important problème qui n’est toujours pas réglé.

Effectivement, la décision rendue par la Cour suprême du Canada est historique et il s’agit d’une étape historique pour les peuples autochtones et pour leur relation avec le Canada, ainsi que pour tous les Canadiens.

Vous le savez, chers collègues — du moins vous devriez le savoir —, cette entente ne concerne pas tous les enfants autochtones, les Métis, les Inuits et les Premières Nations. Il s’agit d’une question qui doit être réglée. Je parlerai assurément de cette question à la ministre. Je ferai tout en mon pouvoir pour que cette information soit communiquée.

[Français]

La justice

Le projet de loi sur les préjudices en ligne

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, je m’intéresse au projet de loi C-63, la Loi sur les préjudices en ligne.

Il y a certains éléments que je salue sur le plan de la protection des enfants. Cependant, ma question porte davantage sur la pénalisation de la propagande haineuse en ligne. Je suis surprise de constater que l’encouragement au génocide, si odieux et condamnable soit-il, peut être passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité plutôt que de cinq ans. Ces peines maximales sont beaucoup plus sévères que pour les agressions sexuelles ou d’autres crimes répugnants.

Quelle en est la logique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.

Le gouvernement adopte une approche globale à des problèmes liés aux préjudices en ligne, et le projet de loi C-63 propose un nouveau régulateur, distinct du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, dont le mandat est de réduire les préjudices en ligne.

Le projet de loi vient d’être déposé et sera étudié en profondeur, parce qu’il comporte plusieurs enjeux — vous en avez mentionné plusieurs —, ainsi que d’autres questions comme l’équilibre entre la liberté d’expression et la proportionnalité de la peine.

Toutes ces questions seront étudiées à la Chambre des communes et lorsque le projet de loi sera renvoyé ici, au Sénat, j’ai tout à fait confiance qu’il sera étudié en profondeur en comité et dans cette assemblée et qu’il sera à la hauteur des attentes des Canadiens et des Canadiennes.

La sénatrice Miville-Dechêne : À première vue, je m’interroge sur la logique d’une peine d’une telle sévérité. Il est question d’une peine d’emprisonnement à perpétuité pour l’encouragement au génocide. On parle quand même de quelque chose d’extrêmement sévère comparativement à la peine précédente, qui était d’environ cinq ans.

Je comprends que vous évitiez de me répondre sur le fond, mais disons que ce projet de loi a déjà fait l’objet d’une critique que je partage. Il y a deux éléments principaux dans ce projet de loi...

Le sénateur Gold : Je crois qu’il serait préférable d’attendre que le débat commence à l’autre endroit et, surtout, que le ministre et ses représentants répondent aux questions devant le comité afin d’expliquer les raisons pour lesquelles ils ont choisi de légiférer à cet effet. Je crois qu’ils seront mieux en mesure que moi de le faire.

[Traduction]

La santé

La réticence face aux vaccins

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

Les discussions sur la vaccination systématique des enfants ont pris une nouvelle intensité. En effet, selon l’Institut Angus Reid, l’opposition à la vaccination obligatoire des enfants est passée de 24 % à 38 % depuis 2019. L’institut a également constaté que 17 % des parents se disent « vraiment contre » la vaccination de leurs enfants, contre seulement 4 % en 2019.

Étant donné que la dernière fois que l’Agence de la santé publique du Canada a recueilli des données sur la réticence face aux vaccins des parents canadiens remonte à 2017, quel est le plan du gouvernement pour actualiser cette recherche et aider les Canadiens à prendre des décisions fondées sur des données probantes concernant les maladies évitables par la vaccination?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Tout d’abord, la position du gouvernement — et de nous tous, j’en suis certain — est que les taux élevés de vaccination au pays aident à prévenir la propagation et les éclosions de maladies contagieuses au Canada, dont de nombreuses maladies graves, voire potentiellement mortelles.

Chers collègues, à ce que je sache, l’Agence de la santé publique du Canada ne prévoit mener aucune nouvelle enquête à cet égard pour le moment. Je peux toutefois affirmer qu’elle surveille toute nouvelle information ou étude communiquée sur le sujet. L’agence continue de travailler avec les provinces, les territoires et, bien sûr, les intervenants sur la vaccination systématique des enfants. C’est un dossier si important.

(1500)

La sénatrice Osler : Merci, sénateur Gold. Si vous pouviez faire part au gouvernement de mes préoccupations, je vous en serais reconnaissante.

La réticence face aux vaccins a été désignée comme l’une des 10 menaces pour la santé mondiale en 2019 par l’Organisation mondiale de la santé. Elle compromet grandement les progrès réalisés dans la lutte contre les maladies évitables par la vaccination, telles que la rougeole, dont nous observons des éclosions aux États-Unis et en Europe. D’après l’Agence de la santé publique du Canada, les médecins et le personnel infirmier ont été d’une extrême utilité pour aider les parents à surmonter leur réticence. Par conséquent, les fournisseurs de soins de santé primaires jouent un rôle clé dans l’acceptation des vaccins.

Étant donné que 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de médecin traitant...

Son Honneur la Présidente : Vous avez la parole, sénateur Gold.

Le sénateur Gold : Merci. Le taux élevé de vaccination au Canada est l’une des raisons pour lesquelles l’incidence de certaines maladies infectieuses y est faible. Comme vous le savez, on a lancé l’année dernière une campagne en faveur de l’immunisation systématique des enfants, qui inclut du matériel promotionnel, afin d’encourager les parents et les familles à continuer de faire vacciner leurs enfants.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Le patrimoine canadien—La ligne d’assistance nationale pour la prévention du suicide

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 3, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la ligne d’assistance nationale pour la prévention du suicide — Patrimoine canadien.

La santé mentale et la toxicomanie—Santé Canada—La ligne d’assistance nationale pour la prévention du suicide

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 3, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la ligne d’assistance nationale pour la prévention du suicide — Santé Canada.

Le patrimoine canadien—La Société Radio-Canada

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 17, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Canadian Broadcasting Corporation.

Les transports—L’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 275, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

Le patrimoine canadien—La Société Radio-Canada

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 276, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Société Radio-Canada.

Le patrimoine canadien—Le Musée canadien de l’histoire

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 283, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le Musée canadien de l’histoire.

Le patrimoine canadien—Le Musée canadien pour les droits de la personne

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 284, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le Musée canadien pour les droits de la personne.

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 6 décembre 2022 par l’honorable sénatrice Bovey, concernant le Musée des beaux-arts du Canada.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 29 mars 2023 par l’honorable sénatrice Petitclerc, concernant les adoptions forcées.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 avril 2023 par l’honorable sénatrice Ataullahjan, concernant les visas de visiteur.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 4 mai 2023 par l’honorable sénateur Patterson (Nunavut), concernant les exigences en matière de déclaration maritime.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 7 juin 2023 par l’honorable sénatrice Simons, concernant l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 5 décembre 2023 par l’honorable sénateur Downe, concernant les droits de péage du Pont de la Confédération.

Le patrimoine canadien

Le Musée des beaux-arts du Canada

(Réponse à la question posée le 6 décembre 2022 par l’honorable Patricia Bovey)

Le prédécesseur de l’actuelle ministre du Patrimoine canadien a écrit à la présidente du conseil d’administration du Musée des beaux-arts du Canada le 7 décembre 2022 pour faire part de ses préoccupations et demander une mise à jour sur la mise en œuvre du plan stratégique du musée, ainsi que sur l’engagement avec le personnel au sujet de ses préoccupations. Le gouvernement du Canada prend très au sérieux le bien-être des milieux de travail fédéraux. Bien que le musée soit une société d’État autonome responsable de ses propres décisions opérationnelles, y compris celles liées aux ressources humaines, le prédécesseur de la ministre a demandé au conseil d’administration d’exposer ses plans d’avenir pour répondre aux préoccupations des employés.

En outre, je peux confirmer que le prédécesseur de la ministre a répondu à la lettre que lui ont envoyée les syndicats représentant les employés du musée le 25 novembre 2022, ainsi qu’à toute la correspondance reçue de la part d’anciens employés du musée.

La ministre actuelle reste activement engagée avec les président(e)s des organisations du portefeuille du Patrimoine canadien, y compris le Musée des beaux-arts du Canada, sur la question du bien-être au travail pour s’assurer que ces lieux de travail fédéraux sont diversifiés, inclusifs, sains et exempts de toute forme de harcèlement et de discrimination.

L’emploi et le développement social

Les adoptions forcées

(Réponse à la question posée le 29 mars 2023 par l’honorable Chantal Petitclerc)

Le gouvernement du Canada reconnaît les répercussions importantes et durables de l’adoption forcée sur des personnes et des familles partout au Canada et a officiellement reconnu le travail du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans le cadre du rapport de 2018 intitulé Honte à nous : L’adoption forcée des enfants nés d’une mère célibataire pendant la période d’après-guerre au Canada.

En vertu de la Constitution canadienne, les provinces et les territoires sont responsables de l’adoption et chacun dispose de son propre système législatif régissant l’adoption au sein de sa juridiction. Le Canada a pris des mesures importantes pour s’assurer que ces pratiques ne puissent plus se reproduire.

À l’échelle fédérale, des protections juridiques ont été mises en place pour s’assurer que les adoptions forcées ne puissent plus avoir lieu. Comme le prévoit la Charte canadienne des droits et libertés, toute séparation forcée d’un enfant et d’un parent doit donc respecter les principes de justice fondamentale. La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, à laquelle le Canada est aussi partie, prévoit qu’un enfant ne peut être séparé de ses parents contre son gré, sauf si les autorités compétentes assujetties au contrôle judiciaire décident qu’une telle séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les visas de visiteur

(Réponse à la question posée le 27 avril 2023 par l’honorable Salma Ataullahjan)

En ce qui concerne Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) :

Le ministère poursuit ses efforts en vue d’améliorer les résultats pour les clients, notamment en augmentant la capacité de traitement pour les pays à forte croissance, comme le Pakistan.

Le traitement local n’améliore pas nécessairement les délais de traitement, et IRCC a réalisé des gains importants en utilisant sa capacité à partager le travail entre les centres de traitement au Canada et à l’étranger.

Entre le 1er octobre 2022 et le 31 août 2023, le Canada a traité plus de 107 000 demandes de visa de visiteur pour le Pakistan, laissant un inventaire d’environ 43 000 au 12 septembre 2023.

Les délais de traitement sont calculés en fonction de l’âge des demandes qui ont été finalisées au cours des semaines précédentes. Les délais de traitement ont augmenté à court terme parce que le ministère a finalisé un nombre important de dossiers plus anciens, dont beaucoup ont été soumis pendant les fermetures des frontières pour cause de pandémie. En septembre 2023, le délai de traitement des visas de visiteur en provenance du Pakistan était d’environ 53 jours.

Les personnes peuvent consulter les délais de traitement les plus récents en ligne : Vérifier les délais de traitement - Canada.ca

Le ministère examine et exploite régulièrement la technologie et la capacité du réseau mondial de traitement afin de répartir la charge de travail selon les besoins. Le traitement d’une demande peut impliquer plus d’un bureau et peut être transféré d’un centre de traitement à un autre pour rendre le traitement aussi efficace que possible.

Les transports

Les exigences en matière de déclaration maritime

(Réponse à la question posée le 4 mai 2023 par l’honorable Dennis Glen Patterson)

Transports Canada

Trois règlements mettent en œuvre les exigences en matière de rapports du trafic maritime sur les côtes du Canada. Le Règlement sur les zones de services de trafic maritime et le Règlement sur la zone de services de trafic maritime de l’Est du Canada s’appliquent aux navires d’une jauge brute (JB) égale ou supérieure à 500, et le Règlement sur la zone de services de trafic maritime du Nord canadien s’applique aux navires d’une jauge brute égale ou supérieure à 300.

Transports Canada et le ministère des Pêches et des Océans ont entamé un processus réglementaire visant à transférer ces trois règlements dans un nouveau règlement proposé sur les zones de services de trafic maritime canadien, l’objectif étant d’atteindre la partie I de la Gazette du Canada à l’automne 2023. Le règlement proposé s’appliquerait aux navires canadiens et étrangers d’une jauge brute de 300 ou plus ayant l’intention d’entrer dans les eaux canadiennes et d’y naviguer. Il s’appliquerait également aux navires de 20 mètres ou plus lorsqu’ils traversent des zones locales de services de trafic maritime. Lors de l’élaboration de la réglementation, les parties prenantes ont été consultées et des discussions ont eu lieu sur la possibilité d’abaisser le seuil à 15 JB. Les intervenants n’ont pas manifesté d’intérêt à réduire le seuil, mais il leur sera possible d’examiner et de fournir d’autres commentaires lors de la phase de publication de la partie I de la Gazette du Canada.

L’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien

(Réponse à la question posée le 7 juin 2023 par l’honorable Paula Simons)

Transports Canada

Transports Canada souhaite confirmer son accord avec la position de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien sur la divulgation des informations relatives à l’efficacité de la sûreté.

La Loi sur l’aéronautique interdit la divulgation de la substance d’une mesure de sûreté, sauf si la loi l’exige ou si cela est nécessaire pour donner effet à la mesure de sûreté. Les résultats des essais secrets de Transports Canada et les résultats des indicateurs clés de performance de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien sont utilisés pour évaluer l’efficacité des mesures de sûreté applicables et contiennent donc des informations sensibles en matière de sûreté qui sont classifiées jusqu’au niveau secret. Il est particulièrement important d’éviter la divulgation publique de ces informations afin de ne pas révéler de zones vulnérables qui pourraient être exploitées par des acteurs malveillants.

L’infrastructure

Le pont de la Confédération et le péage

(Réponse à la question posée le 5 décembre 2023 par l’honorable Percy E. Downe)

Le gouvernement du Canada comprend le rôle essentiel que joue le pont de la Confédération en tant qu’artère économique et sociale pour l’Île-du-Prince-Édouard et la région, et l’importance de veiller à ce qu’il demeure un lien de transport abordable pour la région.

Le 21 décembre 2023, le gouvernement du Canada a annoncé que les péages de 2024 resteront gelés pour une deuxième année. Le gel des péages du pont de la Confédération en 2024 aidera les usagers du pont, en particulier les résidents et résidentes ainsi que les entreprises de l’Île-du-Prince-Édouard, qui ont été durement touchés par la forte inflation, particulièrement pendant une période de reconstruction et de reprise économiques.

Les situations au pont Champlain et au pont de la Confédération sont très différentes. Le pont Champlain est un pont intraprovincial qui a remplacé un actif sans péage existant, tandis que le pont de la Confédération est une structure interprovinciale qui a remplacé un ancien service de traversier qui imposait des droits de passage. Le barème et les tarifs de péage du pont de la Confédération ont été établis selon les tarifs de l’ancien service de traversier.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-62, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-57, suivie de la deuxième lecture du projet de loi S-16, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-62, le deuxième projet de loi du gouvernement visant à proroger la disposition de caducité relative à l’interdiction de l’aide au suicide en cas de maladie mentale.

Chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais prendre un moment pour souligner le travail accompli par tous les membres du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir à l’égard du projet de loi dont nous sommes saisis ainsi que pour tout le travail qu’ils ont accompli depuis la création de ce comité. Le comité a fait son travail du mieux qu’il pouvait dans les circonstances difficiles créées par le gouvernement, et je tiens à remercier tous les députés, sénateurs, témoins experts ainsi que les centaines de Canadiens qui ont pris le temps de témoigner devant le comité ou de soumettre un mémoire. Tous ont joué un rôle crucial dans l’important travail parlementaire accompli par le comité mixte.

Pour commencer, je tiens à signaler à mes collègues que je n’emploierai pas le terme « aide médicale à mourir » et que je n’utiliserai pas non plus l’acronyme, AMM, au cours de mon intervention. Je n’utiliserai le terme et l’acronyme que lorsqu’il s’agira d’une citation directe. La raison, honorables collègues, c’est que, à mon avis, employer ces expressions pour désigner l’aide au suicide laisse entendre qu’il s’agit d’une procédure médicale. Or, on ne parle plus seulement d’accélérer la mort, mais de la donner à des personnes qui ne sont pas sur le point de mourir. L’utilisation d’une multitude d’acronymes pour désigner l’aide au suicide enlève toute humanité à la question. Cela dit, je respecte le choix de mes collègues de les employer, mais je ne peux pas le faire, par conviction personnelle.

Honorables collègues, après un an presque jour pour jour, nous devons de nouveau agir à la dernière minute pour protéger des Canadiens contre la proposition malavisée du gouvernement libéral d’offrir l’aide au suicide pour une maladie mentale. Comme il l’a fait l’an dernier avec le projet de loi C-39, le gouvernement nous force à adopter ce projet de loi rapidement. Comment en sommes-nous arrivés à devoir composer avec un gouvernement qui tient à imposer son idéologie, alors qu’initialement notre rôle était de répondre à une décision de la Cour suprême?

Depuis le dépôt du projet de loi C-14 en 2016, je participe activement au débat sur chaque mesure législative gouvernementale relative au suicide assisté. Que ce soit lors des réunions des comités pour les projets de loi C-14 et C-7 ou pendant les débats au Sénat, j’ai donné mon point de vue avec compassion et empathie pour toutes les personnes concernées. J’ai respecté les convictions de tous les sénateurs à l’époque, comme je respecte celles de tous les sénateurs aujourd’hui.

La vie et la mort sont des questions extrêmement personnelles pour tous les Canadiens, quel que soit leur point de vue. Les Canadiens débattent de cette question depuis de nombreuses décennies, et ils continueront de le faire pendant des dizaines d’années.

Même si le suicide a été décriminalisé en 1972, le débat sur le suicide assisté s’est poursuivi. De 1972 jusqu’à la légalisation du suicide assisté en 2016, le Canada a vu la Commission de réforme du droit du Canada recommander de ne pas légaliser ou décriminaliser l’euthanasie volontaire et active en 1983, les tribunaux rendre des décisions comme celle de la Cour suprême dans l’affaire Rodriguez c. Colombie-Britannique en 1993, et les députés présenter des projets de loi d’initiative parlementaire sur l’euthanasie, le premier datant de 1991. Dans notre propre assemblée, divers comités ont également étudié la question pendant cette période.

Ce qui nous amène ici, plus précisément, aujourd’hui, c’est l’arrêt Carter rendu par la Cour suprême en 2015. Cette décision a annulé l’interdiction d’administrer l’aide à mourir aux personnes sur le point de mourir et souffrant de problèmes de santé irrémédiables. Elle donnait au Parlement 12 mois pour proposer une nouvelle mesure législative. Par conséquent, après avoir obtenu une prolongation jusqu’en juin 2016, le gouvernement fédéral a présenté, en avril 2016, le projet de loi C-14, qui a reçu la sanction royale le 17 juin 2016.

(1510)

J’étais opposé à toute forme de suicide assisté en 2016 et je le demeure aujourd’hui, huit ans plus tard, mais je comprends que nous avons dû nous engager dans cette voie à cause d’une décision rendue par la Cour suprême du Canada. J’acceptais ce fait à l’époque et je l’accepte toujours. Pendant les débats sur le projet de loi C-14, je poursuivais l’objectif que je poursuis encore maintenant : bien que je m’oppose au suicide assisté sous toutes ses formes, je veux me faire le porte-parole d’un meilleur accès à une vie vécue dans la dignité et d’un renforcement des mesures de sauvegarde que prévoit le système, et je tiens à défendre le caractère sacré de la vie.

Après l’adoption du projet de loi C-14, la nature des débats a changé. Alors qu’il fallait, au départ, agir pour respecter l’échéance imposée par la Cour suprême, le gouvernement libéral a ensuite commencé à accorder la priorité à une idéologie axée sur l’élargissement du régime d’aide médicale à mourir au détriment d’une médecine fondée sur des données probantes et du souci de la sécurité des patients. Certes, le gouvernement libéral n’avait pas d’autre choix que de respecter la décision de la Cour suprême, mais, dans le cas de la décision Truchon rendue par la Cour supérieure du Québec en 2019, il avait d’autres options. Il aurait pu porter en appel la décision du tribunal inférieur du Québec, ce qui aurait été une façon sensée de défendre sa propre loi. Au lieu de cela, il a fait le choix idéologique d’élargir le régime canadien de suicide assisté au-delà de ce qu’exigeait la décision Truchon.

Comme vous le savez probablement, dans le projet de loi C-7, le législateur a retiré les mesures de sauvegarde et introduit une deuxième voie au suicide assisté pour les personnes dont la mort n’est pas imminente. La première voie demeure toujours une possibilité lorsque la mort est raisonnablement prévisible; il permet aux patients d’obtenir le suicide assisté le jour même où ils en font la demande. Soit dit en passant, les patients peuvent se rendre eux-mêmes assez malades pour contourner les mesures de sauvegarde.

Dans sa forme initiale, le projet de loi C-7 excluait la possibilité de recourir au suicide assisté dans les cas de troubles mentaux. Cependant, une fois le projet de loi arrivé au Sénat, notre collègue le sénateur Kutcher a présenté un amendement prévoyant une disposition de caducité de 18 mois concernant l’interdiction de recourir au suicide assisté pour des raisons de maladie mentale.

Encore une fois, le ministre de la Justice et procureur général de l’époque, David Lametti, et le gouvernement libéral avaient le choix. Ils auraient pu facilement rejeter l’amendement proposé par le sénateur Kutcher, comme ils le font souvent dans le cas des amendements du Sénat, afin de défendre leur propre mesure législative. Au lieu de cela, sur les conseils de David Lametti, le gouvernement Trudeau a choisi de promouvoir l’élargissement du suicide assisté.

L’amendement initial du sénateur Kutcher proposait une disposition de caducité de 18 mois, mais le gouvernement a estimé qu’il allait avoir besoin de 24 mois. En bref, alors qu’il avait initialement exclu la possibilité de recourir au suicide assisté dans le cas des personnes souffrant de troubles mentaux, le gouvernement a ensuite décidé de prolonger cette exclusion de 24 mois, sans examen du Parlement ou d’un groupe d’experts. Il s’agissait — et il s’agit encore aujourd’hui — d’un délai arbitraire.

Au cours des deux années suivantes, le comité mixte s’est penché sur la question et a entendu des témoignages convaincants pendant qu’un groupe d’experts nommés par le gouvernement faisait la même chose de son côté. Des témoins experts qui ont comparu devant le comité mixte ont dit que les données étaient insuffisantes pour évaluer objectivement le caractère irrémédiable. Il n’est pas possible de le faire. Aucune donnée médicale ne permet d’établir la distinction entre des idées suicidaires et une demande de suicide assisté, pour autant qu’une telle distinction existe. Par exemple, le Centre de toxicomanie et de santé mentale a conclu ceci :

Il n’existe tout simplement pas suffisamment de preuves dans le domaine de la santé mentale en ce moment pour que les praticiens puissent vérifier si une personne en particulier souffre d’une maladie mentale insoignable.

La sénatrice Batters a évoqué la même chose quand elle a dit que les maladies mentales, selon elle, ne sont jamais irrémédiables. Je suis du même avis.

Le professeur Brian Mishara, directeur du Centre de recherche et d’interventions sur le suicide, Enjeux éthiques et pratiques de fin de vie à l’Université du Québec à Montréal, a dit ceci dans ses observations préliminaires :

S’il était possible de distinguer les très rares personnes atteintes d’une maladie mentale qui sont destinées à souffrir interminablement de celles qui peuvent être traitées, il serait inhumain de refuser l’aide médicale à mourir. Toutefois, quiconque essaierait de déterminer quelles personnes devraient avoir accès à l’aide médicale à mourir ferait un grand nombre d’erreurs, et des personnes qui verraient une amélioration de leurs symptômes et ne souhaiteraient plus mourir mourraient en ayant recours à l’aide médicale à mourir.

Même le groupe d’experts du gouvernement sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale a déclaré dans son rapport que les connaissances sur le pronostic à long terme de nombreuses maladies sont limitées et il est difficile, voire impossible, d’en prédire le caractère irrémédiable.

Je pourrais parler plus longuement de ce que le comité a entendu au cours des 24 mois, mais, chers collègues, vous voyez le tableau. Il n’y a aucune donnée permettant de justifier sans risque l’aide au suicide pour les troubles mentaux, et le groupe d’experts du gouvernement a confirmé la quasi-impossibilité de prédire le caractère irrémédiable de ces troubles. Le régime d’aide au suicide mis en place par le gouvernement repose sur le caractère irrémédiable de l’état du patient. Puisqu’il est impossible de prédire le caractère irrémédiable dans le cas des troubles mentaux, le gouvernement aurait certainement dû changer de cap.

David Lametti et le gouvernement Trudeau étaient toutefois d’un autre avis. On a prolongé d’un an la disposition de temporisation jusqu’au 17 mars 2024, avec l’adoption du projet de loi C-39 l’an dernier.

En octobre 2023, le comité mixte a été chargé d’évaluer l’état de préparation du Canada à administrer en toute sécurité l’aide au suicide aux personnes atteintes d’un trouble mental. Comme vous le savez, chers collègues, sur la base des témoignages d’experts entendus dans une course contre la montre, le comité mixte a déclaré que le Canada n’est pas prêt.

Au sujet de l’irrémédiabilité, la Dre Mona Gupta, présidente du groupe d’experts du gouvernement, a admis que rien n’avait changé depuis la publication du rapport de mai 2022, qui conclut que le caractère irrémédiable est toujours difficile, voire impossible, à prédire. Dr Tarek Rajji, médecin-chef du comité médical consultatif du Centre de toxicomanie et de santé mentale, abonde dans le même sens :

Il n’y a aucune preuve scientifique à l’appui. Nous ne pouvons toujours pas, à l’heure actuelle, déterminer à l’échelle individuelle si la personne a une maladie irrémédiable ou non.

En ce qui concerne les tendances suicidaires, le Dr Sareen, directeur de la Faculté de psychiatrie de l’Université du Manitoba et directeur des chaires universitaires, a souligné que, dans le cas des troubles mentaux, le suicide assisté pourrait contribuer à des décès inutiles et nuire à la prévention du suicide.

Le comité mixte a donc clairement indiqué que les questions touchant au caractère irrémédiable et aux idées suicidaires demeurent entières. En l’absence de consensus chez les professionnels, le comité mixte a conclu que le système médical canadien n’est pas prêt pour l’aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est la seule condition médicale sous-jacente.

Malheureusement, certains psychiatres et médecins ici même au Sénat, pour lesquels j’ai beaucoup de respect, croient connaître la solution. Comme je l’ai dit, bien que je les respecte, je ne comprends pas pourquoi ils s’obstinent à ne pas respecter l’absence de consensus parmi leurs pairs professionnels.

Nous ne parlons pas de parvenir à l’unanimité, mais de parvenir à un consensus professionnel. À ce stade-ci, il y a un fait incontestable : on ne peut pas déterminer si un trouble mental a un caractère irrémédiable. Or cet aspect est au cœur du régime de suicide assisté au Canada.

Chers collègues, c’est la deuxième fois que le gouvernement libéral nous demande, à la dernière minute, d’empêcher le Canada de s’engager davantage sur la pente glissante de l’aide médicale à mourir. Au début, de nombreux opposants au suicide assisté ont mis en garde contre cette pente glissante avant de se rendre compte que le Canada se trouvait en fait au bord d’une falaise. On a fait fi de nos préoccupations dès le début, et encore plus depuis la présentation du projet de loi C-7. Même si les partisans du suicide assisté nous ont assuré que cette pratique serait limitée à un petit nombre de personnes, c’est, hélas, tout le contraire qui s’est produit.

(1520)

Depuis 2019, le Canada constate une augmentation annuelle moyenne de 31,1 % du total des décès par suicide assisté, ce qui représente 4,1 % de tous les décès enregistrés en 2022. Or, depuis 2021, dans la foulée de l’adoption du projet de loi C-7, le Canada a enregistré 222 décès par suicide assisté dans des cas où la mort naturelle n’était pas raisonnablement prévisible, et 463 en 2022. Chers collègues, au rythme actuel, le rapport 2023 pourrait indiquer plus de 16 000 décès par suicide assisté, ce qui représenterait le total cumulatif de 2020 et 2021 pour une seule année. Le Canada est rapidement devenu le chef de file mondial en matière de suicide assisté, surpassant les autres pays qui ont adopté une loi similaire des dizaines d’années plus tôt.

Selon une analyse du Investigative Journalism Bureau et du Toronto Star, au cours des deux dernières années seulement, un plus grand nombre de personnes sont décédées dans le cadre du régime canadien d’aide médicale à mourir que dans tout autre pays. Le Dr Sonu Gaind, chef du Département de psychiatrie de l’Hôpital Sunnybrook, a déclaré que nous sommes sur une trajectoire qu’aucun autre pays sur la planète n’a empruntée et qu’il est impossible d’en connaître toutes les répercussions.

En ce moment, chers collègues, personne ne sait quel sera l’impact réel. Dans ses projections, le gouvernement Trudeau sous‑estime constamment le nombre de décès par suicide assisté. En effet, selon les projections publiées par Santé Canada en 2018, les décès attribuables au suicide assisté pourraient atteindre un taux constant de 2,05 % du total des décès dans notre pays. Il y a pire, chers collègues.

Dans la mise à jour concernant le Règlement sur la surveillance des suicides assistés présentée en mai 2022 dans la Gazette du Canada, Santé Canada avait prévu que le nombre de décès liés au suicide assisté connaîtrait une croissance stable pour atteindre 4 % d’ici 2033.

Chers collègues, nous avons devancé d’une bonne décennie les prévisions de Santé Canada, car nous avons atteint 4,1 % en 2022. Comment pouvons-nous croire le gouvernement Trudeau et le ministre de la Santé lorsqu’ils affirment que le suicide assisté lié aux troubles mentaux ne touchera qu’un petit nombre de personnes? Les portes sont grandes ouvertes, et plutôt que de redoubler d’efforts pour les fermer, le gouvernement se cantonne dans son idéologie, qui vise à les ouvrir davantage.

Sous le gouvernement actuel, le Canada est passé de l’obligation d’instaurer un régime de suicide assisté à la suite d’une décision de la Cour suprême à la volonté d’élargir l’accès au régime pour des motifs idéologiques. La majorité des provinces et des territoires ont demandé une pause d’une durée indéterminée. Parmi les professionnels, il n’y a aucun consensus permettant d’établir une distinction exacte entre des idées suicidaires et une demande de suicide assisté, et la majorité des sondages indiquent que les Canadiens sont contre le suicide assisté pour des motifs de troubles mentaux. Selon le plus récent sondage de la firme Léger, publié le 13 février, une majorité de Canadiens sont soit contre l’idée d’offrir le suicide assisté lorsque les troubles mentaux sont l’unique raison ou l’une des raisons invoquées, soit indécis.

Permettez-moi d’être clair, chers collègues. Les débats que nous avons eus sur le projet de loi C-14 ont été les débats sur une question controversée les plus empreints de compassion et de respect que j’ai vus depuis que je siège au Sénat. Même si nous avions des opinions différentes, nous étions tous animés par la compassion, l’empathie et la compréhension. Moi aussi, j’ai autant de compassion pour les gens qui souffrent d’une maladie physique que pour ceux qui souffrent d’une maladie mentale. Je le pense sincèrement, chers collègues. Trop souvent, on a dit des gens qui s’opposent au suicide assisté pour les personnes souffrant de troubles mentaux qu’ils sont dépourvus de compassion. Nous l’avons entendu encore une fois ici au cours de la dernière semaine.

Si je m’oppose au suicide assisté pour les personnes souffrant de troubles mentaux, ce n’est pas parce que je crois qu’une personne qui souffre d’une maladie mentale est inférieure à une personne qui souffre d’une maladie physique. Mon opposition est fondée sur un manque de données probantes à cet égard et le manque d’assurance quant à l’absence de risque que pose un tel élargissement de l’admissibilité, ainsi que sur la conviction profonde que le gouvernement devrait déployer plus d’efforts pour offrir des services de meilleure qualité en matière de santé mentale.

Le gouvernement fédéral devrait aider les psychiatres et tous les professionnels de la santé mentale à améliorer les services afin d’aider les Canadiens qui souffrent au lieu de faciliter le suicide.

Chers collègues, j’ai, tout comme vous, des amis et des parents qui ne seraient pas ici aujourd’hui s’ils avaient eu le choix, un jour de dépression, que prévoient certaines mesures législatives que nous proposons. Ces amis et parents mènent aujourd’hui une vie productive.

Les médecins de l’organisme Canadian Physicians for Life sont du même avis et ont déclaré ce qui suit au sujet du manque de ressources dans leur mémoire au comité mixte :

Compte tenu de la grave pénurie de ressources humaines, financières et matérielles dans le domaine des soins et des services en santé mentale, il semble contre-productif de consacrer ces ressources à élargir l’AMM pour que soient incluses les personnes dont la seule condition est la maladie mentale. Nous avons constaté qu’un nombre important de ressources ont été consacrées au système de la santé afin de permettre aux personnes en fin de vie d’accéder à l’AMM. D’autres ressources ont été ajoutées pour élargir l’AMM aux personnes qui ne sont pas en train de mourir. Cela créera une dissonance cognitive dans le système de la santé qui devra dépenser plus de ressources pour gérer des systèmes parallèles de prévention du suicide et de suicide assisté.

En 2022, Statistique Canada a signalé que plus de 5 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus répondaient aux critères diagnostiques d’un trouble de l’humeur, d’un trouble anxieux ou d’un trouble lié à l’usage d’une substance au cours des 12 mois précédents. La même enquête a révélé que plus d’un Canadien sur trois souffrant d’un trouble de l’humeur, d’un trouble anxieux ou d’un trouble lié à l’usage d’une substance a déclaré que ses besoins en matière de soins de santé et de soins de santé mentale étaient partiellement ou totalement non satisfaits. Enfin, l’enquête conclut ceci :

L’augmentation du nombre de prestataires de soins de santé qui se spécialisent en santé mentale et ayant une formation propre à ce domaine est l’une des nombreuses solutions possibles pour améliorer l’accès aux soins de santé mentale au Canada. Toutefois, il faudra également aborder les disparités en matière de protection de l’assurance maladie pour les médicaments et les services de counseling.

En outre, selon un sondage publié en septembre 2023 par l’Institut Angus Reid, une vaste majorité de Canadiens s’inquiète de la disponibilité des ressources en santé mentale offertes au Canada et de l’état de santé mentale des Canadiens en général. En réponse à l’énoncé que l’admissibilité à l’aide médicale à mourir ne devrait pas être élargie sans que le Canada améliore d’abord l’accès aux soins de santé mentale, 82 % des répondants estiment qu’il faut d’abord améliorer les soins de santé mentale avant d’élargir l’admissibilité à l’aide médicale à mourir. Enfin, la moitié des Canadiens craignent que le traitement des problèmes de santé mentale ne soit pas une priorité si l’admissibilité à l’aide médicale à mourir est élargie.

Chers collègues, en comité plénier, j’ai été très déçu d’entendre le ministre de la Santé parler sans cesse de la nécessité de former un nombre croissant d’infirmiers et de psychiatres afin qu’ils puissent évaluer si un patient atteint de troubles mentaux est admissible au suicide assisté.

Les Canadiens disent exactement le contraire : il faut plus de formation et de ressources pour aider les patients atteints de troubles mentaux à se rétablir et à bien vivre, et non pour déterminer s’ils sont admissibles à l’aide médicale à mourir. Ils préféreraient que le gouvernement fédéral consacre plus d’efforts à l’amélioration des services de santé mentale au lieu de s’efforcer d’élargir l’accès au suicide assisté.

Le public canadien est clair : il faut en faire davantage pour améliorer les services en santé mentale au Canada. Tant que les Canadiens n’auront pas le même accès à des services abordables et de qualité dans le domaine de la santé physique et mentale et tant que nous n’aurons pas des données expliquant comment déterminer médicalement et avec précision — advenant qu’il soit possible de le faire — si une personne sera à tout jamais incapable de se remettre d’une maladie mentale, nous ne pourrons pas légiférer sur l’accès à la mort pour cause de maladie mentale. Bien que je m’oppose au suicide assisté en général, je vois bien qu’il est là pour de bon. Cependant, le suicide assisté au Canada a beau être là pour de bon, le gouvernement Trudeau ne peut pas pour autant continuer d’imposer aux Canadiens l’élargissement de l’admissibilité à ce régime aux personnes souffrant de troubles mentaux, étant donné que les professionnels et les Canadiens ne s’entendent en général pas sur cette question.

(1530)

Par exemple, le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir a reçu des centaines de mémoires pendant ses audiences. Voici quelques extraits de mémoires provenant de différentes associations dont j’aimerais vous faire part.

L’ARCH Disability Law Centre a déposé un mémoire, et j’aimerais vous en lire deux passages :

Depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-7, les personnes handicapées ont recours à l’aide médicale à mourir parce qu’elles n’ont pas d’autres options viables pour vivre dans la dignité au sein de la communauté. Les médias se sont fait l’écho de certaines des histoires à ce sujet.

Leurs préoccupations ne s’arrêtent pas là :

L’ARCH Disability Law Centre est profondément préoccupé à l’idée que l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux cas où le seul problème de santé invoqué est un trouble mental pousse encore plus de personnes handicapées — y compris des personnes atteintes de troubles mentaux et psychosociaux — à envisager, demander et obtenir l’aide médicale à mourir en raison de souffrances socioéconomiques.

L’Association canadienne pour la prévention du suicide a présenté la recommandation suivante :

Accorder des fonds supplémentaires pour les soins de santé afin de s’assurer que des traitements sont offerts aux patients afin que le manque d’accès aux traitements ne fasse pas en sorte que la condition soit jugée irrémédiable.

En outre, l’Alliance évangélique du Canada considère également que le suicide assisté ne doit pas devenir une solution et encore moins la solution la plus accessible, alors que les soins en santé mentale ne sont peut-être pas accessibles ou abordables ou que les traitements et le soutien ne sont pas offerts. Voici ce que l’alliance a dit :

L’alliance s’oppose à l’aide médicale à mourir parce qu’elle considère qu’il s’agit d’une atteinte à la valeur de la vie humaine et d’une normalisation du suicide. Nous nous inquiétons de la possibilité que l’aide médicale à mourir dans les cas de maladie mentale ait un impact disproportionné sur les Canadiens marginalisés. Si le Parlement élargit l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale, il est essentiel que les mesures de sauvegarde les plus strictes possible soient mises en place pour protéger les Canadiens dans les moments de vulnérabilité avant que l’élargissement se fasse.

Chers collègues, j’appuie sans réserve cette position. Le projet de loi C-7 a éliminé d’importantes mesures de sauvegarde et nous avons entendu parler de situations où l’aide médicale à mourir a été offerte prématurément ou offerte à des personnes inadmissibles même avec les mesures qui sont en place.

Par exemple, en août dernier, un article du Globe and Mail racontait l’histoire d’une femme de Vancouver qui s’était rendue à l’hôpital pour des pensées suicidaires. La personne en question souffre de dépression chronique et présente des tendances suicidaires. Se sentant particulièrement vulnérable, elle s’est rendue à l’hôpital général de Vancouver pour obtenir une aide psychiatrique. Au lieu de cela, un clinicien lui a dit que l’attente serait longue pour voir un psychiatre et que le système de santé est défaillant. On lui a alors demandé si elle avait pensé à l’aide médicale à mourir.

Il est totalement inacceptable que l’on parle du recours au suicide assisté avec une patiente qui cherche à obtenir de l’aide parce qu’elle a des pensées suicidaires. Heureusement, on a appris que la patiente devait voir un psychiatre l’automne dernier. J’espère sincèrement qu’elle a pu recevoir l’aide nécessaire.

Néanmoins, les cas comme ceux-là, ou comme celui d’un employé du ministère des Anciens Combattants qui a suggéré le recours au suicide assisté à plusieurs vétérans, ou d’une femme de l’Ontario souffrant d’une grave sensibilité aux produits chimiques qui a choisi de demander le suicide assisté après avoir tenté en vain de trouver un logement adéquat et dont la demande a été approuvée, sont trop nombreux pour que l’on n’en tienne pas compte. Je ne cherche pas à généraliser en disant que ces histoires représentent l’ensemble du régime d’aide au suicide, mais elles se multiplient à un rythme alarmant. Elles font partie de l’équation, sans compter que ce ne sont-là que les histoires que nous lisons dans les journaux. Ce n’est pas tout le monde qui se sent à l’aise de raconter publiquement une histoire profondément personnelle.

Je suis déçu de constater que le ton de nos échanges a changé depuis la présentation du projet de loi C-7. Comme je l’ai dit à maintes reprises, y compris deux fois déjà aujourd’hui, les débats sur le projet de loi C-14 ont été parmi les plus respectueux auxquels j’ai participé dans cette enceinte. Le sénateur Harder en a parlé hier. Bien que le sénateur Joyal et moi-même ne soyons pas d’accord sur de nombreux points, y compris le suicide assisté, je me souviens avec émotion de la façon dont mon ami et collègue — qui est maintenant parti à la retraite — a traversé le parquet pour me remercier de mon discours parce qu’il savait qu’il venait du cœur. Il était reconnaissant de ma participation au débat, tout comme j’étais reconnaissant de sa contribution. Je respectais grandement son point de vue.

Malheureusement, on observe maintenant moins souvent ce niveau de professionnalisme et de respect lors des débats. De plus en plus, les Canadiens, les experts et les politiciens qui s’opposent au suicide assisté pour les personnes atteintes de maladies mentales sont injustement dépeints comme des gens manquant de compassion. On discrédite leur travail, et on les insulte parce qu’ils ont des croyances différentes. Au lieu d’avoir un débat et une conversation sur le suicide assisté pour les personnes atteintes de maladies mentales, on catégorise automatiquement les gens qui expriment des objections comme des détracteurs dénués de compassion.

Les partisans du suicide assisté en cas de maladie mentale ont adopté une approche conflictuelle en dénigrant nos croyances et en discréditant notre position, même si celle-ci est fondée sur des faits. Chers collègues, nous ne sommes pas dans une logique de confrontation. La question de la vie et de la mort est beaucoup trop importante pour qu’on en fasse une confrontation. Il faut plutôt saisir l’occasion d’en débattre dans le plus grand respect de la position et des convictions de chacun.

À mon avis, lundi, au cours du débat à l’étape de la deuxième lecture, on a dépassé les bornes. Manifestement frustrée par le fait que les choses n’évoluent pas assez rapidement à son goût, la sénatrice Simons s’en est prise à toutes les personnes au Canada dont les opinions sont différentes des siennes. Elle a dit que nous étions dans une « guerre culturelle » et que la « campagne d’opposition » au suicide assisté « s’apparente à la guerre contre le choix en matière de reproduction et à celle contre les soins médicaux d’affirmation du genre ». Elle a qualifié de fondamentalistes religieux et de misogynes ceux qui ont un point de vue différent du sien à l’égard de ces questions.

Chers collègues, ce genre d’accusations et de discours polarisé ne conviennent pas à ce débat. La question est déjà assez controversée sans qu’il soit nécessaire d’enflammer le discours davantage en sombrant dans l’excès.

La sénatrice a peut-être oublié tous les bouleversements sociaux qui ont eu lieu au Canada au cours des 50 dernières années. Elle ne comprend peut-être pas l’angoisse qu’éprouvent ceux qui sont profondément déchirés par les aspects moraux de ces questions en raison de leurs convictions religieuses ou morales. Elle ignore peut-être qu’il ne s’agit pas de préférences capricieuses pour les gens qui sont troublés par l’abîme dans lequel nous plongeons par rapport à des questions de conscience.

Ces prises de position sont enracinées dans nos valeurs, nos croyances et notre vision du monde. Pour nous, ce ne sont pas des questions anodines; elles nous empêchent de dormir la nuit, non pas parce que nous voulons dicter aux autres comment vivre leur vie, mais parce que nous pleurons l’avenir qui attend les futures générations si nous continuons à nier le caractère sacré de la vie et à éroder les mesures qui la protègent.

(1540)

Je reconnais que ceux d’entre nous, au Canada, qui continuent de défendre le caractère sacré de la vie, de la conception à la mort naturelle, sont minoritaires au Canada. C’est évident. Il faut cependant comprendre que nous ne demandons pas à imposer ces croyances ou les conséquences qui en découlent à tous les Canadiens. Nous demandons tout simplement le droit de nous faire entendre. Nous tenons simplement à ce que nos droits soient aussi respectés, y compris le droit de défendre nos convictions, le droit d’en parler ouvertement, le droit de participer au débat et de se faire entendre ainsi que le droit de tenter d’exercer une influence sur les politiques publiques.

Cela n’a rien d’extrême. C’est ce qui nous a menés là où nous en sommes actuellement. Ce sont ces mêmes droits qui ont permis au Canada de mettre de côté les valeurs sociétales qui me tiennent à cœur, mais je serais le dernier à laisser entendre que cela signifie que ces droits devraient être limités.

Pourtant, c’est exactement ce qu’on laisse entendre par le ton qui est employé et les idées fausses qui ont été mises de l’avant par la sénatrice Simons lundi soir, lorsqu’elle a laissé entendre que les gens qui ne sont pas d’accord avec elle devraient être humiliés et réduits au silence. C’est une manière d’étouffer leurs voix et de leur dire qu’ils peuvent avoir leurs croyances, mais qu’ils ne doivent tout simplement pas en parler en public.

Chers collègues, il faut faire mieux. Nous devons faire mieux. Le débat qui nous occupe aujourd’hui est trop important et il mérite mieux que ce que nous avons vu et entendu lundi soir. Il est blessant d’être caractérisé ainsi, et ce n’est pas justifié.

Je rappellerai simplement à mes collègues qu’en ce qui concerne la question importante de la vie et de la mort, les Canadiens méritent mieux. Tant pour les Canadiens qui veulent un accès au suicide assisté pour les personnes atteintes de troubles mentaux que pour ceux qui expriment des réserves quant à un tel élargissement de l’accès à cette pratique, le débat doit être ramené dans un contexte de respect, de compassion et de compréhension. Il est temps de redéfinir le ton du débat sur le suicide assisté au Parlement et dans la société canadienne.

Comme l’a écrit le Dr Sonu Gaind dans son mémoire au comité mixte :

Il ne devrait pas s’agir d’une question partisane; les mises en garde au sujet de l’administration de l’[aide médicale à mourir] pour cause de maladie mentale ne sont pas de nature politique ou idéologique, mais malheureusement, dans ce débat polarisé, ces mises en garde ont été écartées comme étant « simplement l’envers de la médaille ». Rien n’est plus faux. De telles affirmations écartent à tort des préoccupations légitimes dans ce débat complexe.

Le Dr Gaind a tout à fait raison. Le débat sur le suicide assisté pour les personnes atteintes de troubles mentaux ne doit pas se limiter à entendre ceux qui y sont favorables; il doit aussi inclure ceux qui ont des réserves. Nous devons entendre les récits des personnes qui continuent à vivre et à lutter pour obtenir de meilleurs soins — les récits de gens comme ma propre mère.

À 96 ans, Ruby Plett souffre d’une arthrite invalidante et sa qualité de vie est loin d’être idéale. Elle désire toujours vivre parce qu’elle veut continuer de prier pour ses enfants et ses petits-enfants et de profiter de leurs visites.

Grâce aux soins physiques de qualité auxquels elle a accès, ma mère peut continuer de vivre et de voir ses enfants et ses petits‑enfants. Elle a cette chance, une chance que plus de Canadiens mériteraient d’avoir, qu’ils aient des problèmes physiques ou des problèmes de santé mentale. Malheureusement, étant donné la situation des soins en santé mentale au Canada, les patients souffrant d’une maladie mentale n’ont pas accès à autant de soins qu’une personne souffrant d’une maladie physique.

Ne vous y trompez pas, chers collègues. Ma mère éprouve souvent le désir de partir, d’aller rejoindre son mari et son fils, qui est décédé avant elle. Si quelqu’un créait une liste de possibles candidats au suicide assisté, le nom de ma mère figurerait tout au haut de la liste. Elle serait toutefois horrifiée si quelqu’un lui suggérait cette idée. Elle serait horrifiée de penser qu’une personne autre que Dieu puisse avoir le droit de mettre un terme à sa vie. Elle prie donc pour pouvoir partir, puis nous lui rendons visite et elle est heureuse d’être encore ici.

Même si l’état des soins au Canada demeure un défi, nous avons, partout au pays, plusieurs groupes et centres qui se surpassent. HavenGroup, au Manitoba, est un exemple d’excellence dans la prestation de soins exceptionnels à ses résidents. Ce foyer a été fondé il y a près de 80 ans par des membres de diverses églises de la région. Aujourd’hui encore, il est administré par huit églises locales. Il y a quelques années, une toute nouvelle maison, Rest Haven, a été construite pour accueillir 130 résidents. Ma mère était la personne la plus heureuse au monde. Elle était la personne la plus âgée à y emménager et elle a pu choisir sa chambre. Elle fut la première résidante, avant même que la construction ne soit terminée, alors elle pensait réellement qu’elle était dans la salle d’attente du paradis. Elle se sent un peu différente maintenant. Elle pense qu’elle pourrait peut-être quitter sa chambre et passer à autre chose.

Néanmoins, ces églises continuent de gérer HavenGroup et Rest Haven. Elles se sont engagées à fournir aux résidents des soins de longue durée dans un environnement chrétien, en mettant l’accent sur une approche holistique des soins, peu importe l’âge, la race ou la religion des bénéficiaires, y compris ceux qui souffrent d’une maladie physique ou mentale, de démence ou de la maladie d’Alzheimer.

Je n’ai pas assez d’éloges pour le personnel exceptionnel de HavenGroup et son engagement indéfectible à prodiguer des soins physiques, émotionnels, sociaux, spirituels et intellectuels d’un niveau exemplaire. Grâce à l’amour et à la bienveillance, les résidents se font rappeler chaque jour que leur vie vaut la peine d’être vécue et qu’ils sont précieux.

Je n’ai mentionné que quelques groupes et organisations qui méritent des éloges. Je suis sûr qu’il y en a bien d’autres. On entend parler de nombreuses personnes, partout au pays, qui offrent des services de premier ordre aux Canadiens qui veulent vivre pleinement leur vie. Leur voix doit aussi se faire entendre dans ce débat. Tous les Canadiens doivent être entendus, au nom de la pluralité et de la diversité.

Malheureusement, ce ne sont pas tous les groupes qui ont la liberté de faire de l’objection de conscience par rapport au suicide assisté. Même si les gens de HavenGroup peuvent offrir des soins à leurs patients conformément à leurs valeurs et refuser de fournir l’aide au suicide dans leurs murs, la loi les oblige à diriger les patients qui demandent l’aide médicale à mourir vers un endroit qui offre ce service, même si cela va à l’encontre de leurs convictions.

La Delta Hospice Society en Colombie-Britannique n’a même pas eu droit à ce traitement. Le 25 février 2020, le gouvernement provincial a décidé de mettre fin à l’entente de service avec la Delta Hospice Society en raison du refus de celle-ci d’offrir le suicide assisté à ses patients. Même si le suicide assisté était offert dans un autre édifice situé tout près, la Delta Hospice Society a perdu son édifice financé par des fonds privés, et les Canadiens qui ne veulent pas se faire offrir le suicide assisté ont perdu un espace sûr. Les Canadiens qui ne veulent rien savoir du suicide assisté n’ont nulle part où se réfugier.

Selon Ramona Coelho, qui a écrit un article publié dans la revue de l’Institut Macdonald-Laurier, l’approche de l’objection de conscience qui figure dans le modèle de norme de pratique en matière d’aide médicale à mourir produit en 2023 par Santé Canada est troublante. Tel qu’indiqué à la partie 5 de la norme, les professionnels de la santé qui refusent de participer au suicide assisté, même dans des cas spécifiques, sont considérés comme des objecteurs de conscience. Que doivent faire ces médecins? Ils doivent simplement diriger le patient ailleurs pour qu’il puisse obtenir le suicide assisté.

(1550)

Chers collègues, comme la Dre Coelho le démontre dans son article, du fait que les patients peuvent être réorientés, le système actuel, au lieu d’arrêter le processus de suicide assisté, dirige les patients vers la mort. Par conséquent, un Canadien qui souhaite demander le suicide assisté peut effectivement chercher un médecin qui l’aidera. Il est effrayant de constater que notre système de santé comporte un mécanisme permettant de conduire les Canadiens vers la mort.

Jusqu’où nous sommes-nous écartés du projet de loi C-14? Le monde entier a les yeux rivés sur le Canada, se demandant ce qui se passe, tandis que divers experts tirent la sonnette d’alarme : le régime doit être amélioré, non élargi.

Chers collègues, quand il est question de la vie et de la mort, l’opinion de chaque Canadien et de chaque sénateur compte. C’est parce que notre cœur bat que cet enjeu de vie ou de mort nous touche profondément. Que l’on soit médecin, avocat, propriétaire d’entreprise ou personne de métier — comme moi —, tout le monde a un point de vue différent parce que le sujet de la vie ou de la mort est une question profondément personnelle. Ce point de vue s’appuie sur nos expériences de vie et sur le milieu d’où nous venons. Je constate la compassion du sénateur Ravalia et son tourment par rapport à cet enjeu. Sa compassion est indéniable en raison de ce qu’il a vu et vécu. J’éprouve de l’empathie et de la compréhension à son égard et pour tous les Canadiens qu’il représente dans ce dossier. J’espère seulement que la même empathie et la même compréhension peuvent être offertes à ceux qui, comme moi, veulent en faire davantage pour améliorer l’accès à des moyens de mieux vivre dans la dignité au lieu de faciliter davantage l’accès au suicide assisté.

J’ai toujours dit que le suicide assisté est une question très personnelle et très émotive sur laquelle des gens raisonnables peuvent être en désaccord. La vie et la mort sont le lien le plus universel qui nous unit. Peu importe votre carrière ou vos origines, votre cœur bat lorsque vous venez au monde et vous quittez ce monde lorsque votre cœur cesse de battre.

Même si je suis contre le suicide assisté et l’euthanasie sous toutes leurs formes, cela ne veut pas du tout dire que je n’éprouve pas une profonde sympathie pour les personnes qui endurent des souffrances intolérables, qu’elles découlent d’une maladie physique ou mentale. Je ne prétends pas qu’une personne qui souffre devrait être obligée de vivre dans l’angoisse. Je ne souhaite pas que les patients atteints de maladie mentale souffrent davantage ou plus longtemps, et je ne pense pas qu’ils souffrent moins ou différemment que ceux qui souffrent d’une maladie physique.

Mon but, c’est que tous ceux qui souffrent puissent jouir d’un meilleur accès à la vie plutôt que d’un accès plus facile à la mort. Dans un pays aussi riche que le Canada, je ne peux m’empêcher de penser que nous renonçons un peu à la vie en continuant constamment dans cette voie au lieu de chercher à améliorer l’accès à la vie. Nous n’avons aucune idée des effets à long terme, et, comme il s’agit d’une question de vie ou de mort, l’inconnu pourrait avoir de graves conséquences, ce que je ne souhaite pas pour notre pays.

Mon objectif ici, aujourd’hui, n’est pas de vous faire changer d’idée au sujet du suicide assisté. Nous sommes soit pour, soit contre le suicide assisté selon nos croyances et nos propres expériences de vie, et c’est bien ainsi. Je respecte les opinions et les croyances de tout un chacun dans ce dossier. Ce que j’espère, c’est de porter à votre attention l’autre aspect du débat, qu’on écarte constamment. Chers collègues, encore quelques minutes et j’aurai terminé.

S’appuyant sur des témoignages d’experts, le comité mixte a clairement indiqué que les experts n’arrivent pas à s’entendre sur la définition du caractère irrémédiable ou de l’intention suicidaire et a laissé entendre que le Canada n’est pas prêt.

Les chiffres sont alarmants au Canada en comparaison avec le reste du monde. Les projections de Santé Canada ont sous-estimé les résultats, et le taux de décès par suicide assisté au Canada est le plus élevé au monde. Ces chiffres confirment clairement que le Canada s’engage sur une pente glissante en matière de suicide assisté. Cela m’attriste parce que c’est la vie de Canadiens qui est en jeu.

La plupart des provinces ont demandé une pause d’une durée indéterminée. Plus important encore, les Canadiens ne veulent pas de suicide assisté pour les personnes atteintes d’une maladie mentale. Ils préféreraient qu’on améliore les services de santé mentale.

À une époque où nous sommes davantage sensibilisés à la santé mentale, où nous encourageons les Canadiens à demander de l’aide et où nous leur disons qu’il est acceptable de parler lorsque les temps sont difficiles et que personne ne doit souffrir seul, et où on se défait de la stigmatisation et des obstacles, profitons de cet élan. Il faudra du temps et des efforts pour que l’accès à des services de santé mentale de qualité arrive au même niveau que l’accès aux services de santé physique. Ce ne sera pas facile, mais je demeure convaincu que, avec toute la compassion que suscite ce débat et avec un leadership politique et médical fort, nous pouvons relever les défis en matière de soins de santé mentale au pays et améliorer la santé mentale de tous les Canadiens. Je demeure fermement convaincu que nous pouvons et devons faire mieux.

Chers collègues, divers experts ont participé à l’étude du comité mixte et des centaines de Canadiens ont eux aussi pris le temps de raconter leurs histoires au comité. Par respect pour le temps qu’ils ont pris pour nous écrire, je vais vous faire part de quelques-unes d’entre elles.

Christine Aalbers, de Lloydminster, en Alberta, a dit ceci au comité mixte :

Je vous remercie de prendre le temps de lire mon message. Je vous suis reconnaissante d’avoir épargné, cette année, des membres de ma famille, des amis et d’innombrables Canadiennes et Canadiens qui souffrent de dépression et d’autres problèmes de santé mentale. Toutefois, nous nous retrouvons à nouveau à la croisée des chemins. Si nous n’agissons pas, la mort sera présentée comme étant une solution au lieu de la vie et du soutien. La mort est définitive, et l’offrir en guise de traitement normalisera l’idée de mettre fin aux jours d’une personne. Je crains que nous ne soyons pas prêts à faire face aux changements qu’apportera l’élargissement de l’AMM pour inclure les personnes dont les problèmes de santé mentale sont la seule condition médicale invoquée. Les experts affirmaient que nous n’étions pas prêts pour ces changements l’an dernier. Or rien n’a changé depuis, et la vie est de nouveau en jeu.

En outre, un groupe de 30 Canadiens ont soumis un mémoire conjoint. Il s’agit d’un groupe formé de personnes handicapées ou de membres de la famille et d’amis de personnes handicapées et atteintes de troubles mentaux qui sont directement menacées par l’adoption imminente du suicide assisté pour les personnes atteintes de maladie mentale. Ces personnes ne s’opposent pas au suicide assisté pour les personnes souffrant de douleurs extrêmes quand leur vie approche de sa fin naturelle, mais elles s’y opposent pour les personnes qui ne sont pas mourantes.

Voici quelques extraits de leur mémoire :

Nous savons qu’un délai de 90 jours pour l’AMM-MDSUC n’est pas une mesure de protection sérieuse. Certains de nos êtres chers ont « fait semblant » de suivre leur traitement pendant de plus longues périodes. Les personnes atteintes de troubles mentaux sont tout à fait capables d’établir et d’entretenir des plans autodestructeurs pendant des années.

Le mémoire se poursuit :

Le Canada ne devrait pas mettre en œuvre cette loi dangereuse tant et aussi longtemps que les systèmes de soutien social ne seront pas pleinement et généreusement opérationnels et que les déterminants sociaux de la santé ne seront pas traités de façon adéquate et démontrable dans chaque province et chaque territoire.

Le mémoire ajoute :

Nous parlons plus précisément ici de logements sécuritaires et abordables et d’un soutien financier adéquat. Ce n’est pas tous les gens qui sont atteints d’un handicap ou d’un trouble mental qui peuvent tirer un revenu d’un emploi. Nos êtres chers qui ne peuvent pas travailler ne devraient pas être pénalisés en raison de leur invalidité.

Chers collègues, même si j’appuie le projet de loi C-62, on ne doit pas en déduire que je suis favorable à l’aide au suicide, sous quelque forme que ce soit. Je préférerais mettre cette idée de côté indéfiniment. Entretemps, chers collègues, j’accepterai le délai de trois ans dans l’espoir que le gouvernement fédéral finira par écouter les Canadiens et les experts et qu’il fera ce qui s’impose. Merci de votre temps, chers collègues.

[Français]

L’honorable Chantal Petitclerc : Chers collègues, depuis mon arrivée au Sénat en 2016, j’appuie le droit de mourir dans la dignité et l’importance du droit à l’autodétermination.

[Traduction]

D’ailleurs, mon premier discours au Sénat visait à appuyer le projet de loi C-14. Plus tard, j’ai été marraine du projet de loi C-7. Chers collègues, je l’ai déjà dit et je le répète : le débat sur l’aide médicale à mourir n’est pas facile et il ne le sera jamais.

[Français]

Nous étudions actuellement le projet de loi C-62. On nous demande d’appuyer une attente de trois ans de plus avant d’accepter l’admissibilité à l’aide médicale à mourir (AMM) pour les personnes dont la seule condition médicale est une maladie mentale. Cet élargissement à l’AMM nous avait été proposé par le sénateur Kutcher lors de l’étude du projet de loi C-7 au moyen d’un amendement qui avait obtenu une forte majorité.

(1600)

[Traduction]

Il était clair pour moi à l’époque, et c’est toujours le cas, que la souffrance des personnes atteintes de maladie mentale est réelle, qu’elle est documentée, qu’elle est mesurable et qu’elle peut devenir insupportable. De toute évidence, que ce soit dans les affaires Carter, E. F. v. Canada, Truchon ou Gladue, la position des tribunaux est elle aussi claire : personne ne doit être discriminé en raison de la nature de sa souffrance. J’appuie ce principe de justice sociale.

[Français]

Dans le cadre de l’aide médicale à mourir, il est essentiel d’avoir cet équilibre entre le respect du droit à l’autodétermination et, d’un autre côté, des mesures de sauvegarde adéquates pour protéger les individus en situation de vulnérabilité. C’est pour cette raison que je m’étais abstenue de prendre position en 2021 sur l’amendement du sénateur Kutcher. J’avais des réserves à l’époque, car je me demandais si les mesures de sauvegarde de la voie 2 étaient assez solides pour inclure sans risque la maladie mentale comme seule source de souffrance. Le temps s’est écoulé, et des progrès ont été notés de part et d’autre.

Cependant, prendre position sur cet élargissement de l’AMM demeure complexe. Nous nous retrouvons dans une situation où nous sommes forcés d’agir, dans un contexte qui est loin d’être optimal. Plusieurs aspects de la question me posent toujours problème.

[Traduction]

D’abord, en ce qui concerne les travaux récents du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, la lecture de son troisième rapport m’a laissée avec plus de questions que de réponses, tant sur le fond que sur la forme.

Même si le comité s’est concentré — comme le voulait son mandat — sur l’état de préparation du système de santé, nous nous sommes rapidement rendu compte qu’il avait aussi décidé de se pencher de nouveau sur l’accès à l’aide médicale à mourir et ses principes déjà reconnus, ce qui ne faisait pas partie de son mandat. De plus, nous ne pouvons pas faire abstraction du fait que quatre des cinq sénateurs siégeant au comité ont ressenti le besoin d’exprimer leurs réserves dans des rapports dissidents. Qui plus est, ces avis dissidents viennent de certains de nos collègues qui ont énormément travaillé sur ce dossier particulier au fil des ans et pour qui j’ai le plus grand respect. Il m’est impossible de faire fi de ces avis dissidents et de ce qu’ils impliquent.

[Français]

J’aurais aimé aussi avoir plus d’assurance sur la solidité des mesures de sauvegarde de la voie 2. Ces mesures, je les considère comme tout à fait adéquates quand il s’agit de personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible; toutefois, le sont-elles quand il s’agit d’individus dont la souffrance vient uniquement d’une maladie mentale?

Le rapport final de 2022 du Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale semble nous dire que oui, quoiqu’il reconnaisse certaines singularités. J’ai posé une question à ce sujet au ministre de la Santé à l’occasion du comité plénier sans obtenir de réponse précise.

À mon avis, il aurait été souhaitable, afin d’éviter tout potentiel de dérapage — comme je l’avais mentionné avant mon vote sur l’amendement du sénateur Kutcher à l’époque — que le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir creuse davantage le sujet, afin de s’assurer que les mesures actuelles de la voie 2 sont adéquates et tout aussi solides et sécuritaires pour ce groupe spécifique de personnes souffrant de maladie mentale. C’est d’autant plus important dans le contexte actuel, quand on sait que notre système de soins de santé a plusieurs failles et faiblesses.

[Traduction]

Cela m’amène, incidemment, à un problème auquel beaucoup d’entre nous sont confrontés, je crois, à savoir qu’il est difficile de distinguer le niveau de préparation des évaluateurs et des fournisseurs, d’une part, de celui des services de santé, d’autre part. À mon avis, ces derniers sont pas optimaux pour les cas dont il est question.

Il est vrai que la plupart des experts nous disent que les protocoles d’évaluation sont prêts, mais cet état de préparation ne peut pas exister strictement sur papier. Il devra se manifester concrètement sur le terrain, partout au Canada.

Nous savons que le système de santé est débordé. Certes, il est déjà possible d’accéder en toute sécurité à l’aide médicale à mourir. Cependant, les maladies mentales présentent des particularités et, à mon avis, il n’a pas été clairement établi que les lacunes du système de santé ne se répercuteront pas davantage sur l’accès sûr des personnes vivant avec une maladie mentale à l’aide médicale à mourir. À mes yeux, c’est un point essentiel.

[Français]

Vous direz qu’il s’agit de deux choses différentes, et c’est vrai sur le plan conceptuel, car tout ceci est interrelié. C’est une chose d’avoir la formation et les systèmes adéquats pour les évaluateurs, mais que se passe-t-il lorsqu’il y a des listes d’attente interminables, des spécialistes surchargés et des services ou des traitements qui ne sont pas accessibles partout et pour tous? Il me semble qu’il y a une déconnexion entre ce que les experts nous disent et ce qui existe comme réalité dans nos communautés, et cela pourrait créer des vulnérabilités potentielles.

J’insiste sur ce point parce que le Code criminel prévoit que les praticiens doivent, pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, s’assurer qu’elles connaissent, et je cite :

[…] les moyens disponibles et appropriés pouvant soulager ses souffrances, y compris les services de counseling, les services de soutien en santé mentale et en invalidité, les services communautaires et les soins palliatifs, et elle doit se voir offrir des consultations avec des professionnels qui fournissent de tels services.

Les évaluateurs doivent également avoir discuté des moyens raisonnables qui sont disponibles pour soulager la souffrance de la personne et convenir que cette dernière a sérieusement envisagé ces moyens.

Il serait ironique que, d’une part, on respecte le droit d’un individu à l’aide médicale à mourir, mais qu’en pratique, nous n’ayons pas les capacités de lui offrir ces services adéquats; procéder aux évaluations correctement deviendra donc un grand défi. C’est encore pire si l’on demande à un individu d’explorer sérieusement tous les traitements possibles, mais que ces traitements ne sont pas disponibles dans des délais raisonnables. Que dire des intervenants en santé qui pourraient se retrouver dans des situations très difficiles? Dans tous les cas, il faut être bien conscient que ce sont les individus concernés qui seront les perdants.

Comment s’assurer que, d’un côté, on met en pratique le droit de choisir sa fin de vie pour une personne qui vit avec une maladie mentale et dont la souffrance est intolérable, tout en s’assurant qu’elle sera accompagnée de façon respectueuse, efficace et bienveillante?

Je crains que tous se retrouvent dans une situation de compromis si le 17 mars prochain marque le début de cette nouvelle phase de l’aide médicale à mourir.

C’est là mon dernier point, qui sera court. Lors de l’étude du projet de loi C-7, je m’étais abstenue de voter sur l’amendement du sénateur Kutcher, par principe de précaution, en étant sûre que ce serait temporaire. Nous voilà, aujourd’hui encore, à demander au petit nombre de personnes concernées d’attendre. Ces travaux, j’en suis consciente, sont complexes et rien ne doit être pris à la légère. Cependant, je demeure perplexe. Cela me désole de voir que, malgré les décisions Carter et Truchon, l’amendement du sénateur Kutcher, les études et les rapports, on se retrouve dans une situation où le gouvernement n’a pas été en mesure de régler cette question en trois ans et qu’on doive ajouter trois ans de plus. Pourquoi trois ans, d’ailleurs? Je reste sceptique, malgré les réponses fournies par les ministres de la Santé et de la Justice à l’occasion de la tenue du comité plénier ou par le sénateur Gold dans cette Chambre.

[Traduction]

Dans un récent article du Hill Times, Daphne Gilbert, professeure de droit pénal à l’Université d’Ottawa, rappelle, de manière intéressante, que les tribunaux accordent un délai au Parlement lorsqu’ils déclarent une loi inconstitutionnelle.

Elle a écrit ceci :

Lorsque la Cour suprême déclare qu’une loi est inconstitutionnelle, elle doit déterminer le délai qu’il convient d’accorder aux gouvernements pour rectifier le tir. Après tout, la violation inconstitutionnelle des droits se continue tant et aussi longtemps que la situation n’est pas corrigée.

Habituellement, les tribunaux accordent un délai de 12 à 18 mois. Laisseraient-ils six ans pour mettre en place des protocoles destinés à un petit groupe de bénéficiaires de l’aide médicale à mourir? Une telle éventualité est inconcevable.

(1610)

[Français]

Trois ans, c’est long. Soyons honnêtes : rien ne nous dit que les mêmes arguments ne nous seront pas encore servis en 2027. Nous n’avons aucune garantie que les efforts nécessaires seront effectués. De plus, nous pouvons penser que le système de santé, partout au Canada, continuera d’avoir ses carences.

[Traduction]

Comment se fait-il que nous n’ayons pas encore trouvé de solution adéquate? Avons-nous fait tout ce qu’il fallait faire? La politique s’est-elle immiscée dans le dossier? Qui n’a pas pris ses responsabilités? Qu’allons-nous faire maintenant?

[Français]

Une chose est sûre : pendant que des décideurs politiques disent ne pas être prêts, plusieurs personnes ayant des troubles mentaux continuent de souffrir de façon intolérable, et leurs droits continuent d’être bafoués.

Il y a dans cette situation une grande injustice. De plus, soyons clairs : personne ici ne serait surpris que les tribunaux soient encore saisis de la question. Ce débat va nous revenir plus tôt que tard.

Pour conclure, et je l’ai déjà dit, je trouve que ce délai de trois ans est trop long. Un droit accordé par la Charte est trop précieux pour être suspendu pendant une telle durée. La cacophonie actuelle aurait pu nous être épargnée. Malgré toutes ces lacunes, nous avons une décision à prendre. Les enjeux sont d’une telle gravité qu’on ne peut se permettre de prendre des risques. Je garde en tête ma responsabilité, qui est d’assumer pleinement mon rôle de protection des personnes vulnérables. C’est ce que je ferai en adoptant le principe de précaution et en votant, sans grand enthousiasme, pour l’adoption de ce projet de loi. Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-62. Je commencerai par formuler quelques observations contextuelles, puis je présenterai cinq ou six différentes façons d’aborder le projet de loi. Cette approche m’a aidé dans mon examen du projet de loi C-62.

Je ferai de mon mieux pour ne pas donner l’impression de présenter un cours magistral, mais j’ai une petite tendance en ce sens. Je m’en excuse à l’avance.

Commençons donc par quelques observations contextuelles. Tout d’abord, il faut se rappeler que le projet de loi C-7 visait à apporter des modifications au Code criminel, c’est-à-dire au droit pénal. C’est aussi ce que nous cherchons maintenant à faire avec le projet de loi C-62. Plus précisément, le projet de loi C-7, qui a jeté les bases de l’aide médicale à mourir, a fait en sorte que le fait d’accéder à ce régime ne constitue plus une infraction criminelle. Une fois cette infraction retirée du droit pénal, la question relève presque exclusivement du domaine de la santé, et la santé relève presque exclusivement des gouvernements provinciaux. Cela donne une plus grande légitimité aux points de vue des provinces que ce qui serait normalement le cas avec une mesure législative fédérale.

Ensuite, il faut également se rappeler que nous devons donner suite à ce projet de loi dès maintenant. Un peu plus tôt, le sénateur Dalphond a expliqué clairement ce qui arrivera si nous dépassons la date du 17 mars. Il faudrait alors retirer rétroactivement les droits qui auraient alors été accordés, ce qui serait profondément troublant, surtout quand il est question de droit pénal. C’est quelque chose qu’il faut éviter.

Passons maintenant aux différentes façons d’aborder le projet de loi.

La perspective personnelle : il peut s’agir de votre point de vue religieux, spirituel ou moral, de votre préoccupation pour les souffrances des personnes qui ne peuvent actuellement pas recourir à l’aide médicale à mourir, pour les personnes qui pourraient devenir plus vulnérables si le recours à l’aide médicale à mourir était autorisé, ou de votre point de vue sur le rapport entre l’autonomie des citoyens et les limites appropriées de l’intervention gouvernementale pour restreindre cette autonomie.

Chacun d’entre nous aura son propre cadre, mais sur ce sujet, je penche personnellement en faveur des arguments relatifs à l’autonomie. Cela dit, je suis continuellement affligé, comme je l’ai été lors de l’examen du projet de loi C-7 — et je me fais ici l’écho des observations de la sénatrice Petitclerc — lorsque je vois que nos gouvernements n’en ont pas fait assez et n’en font toujours pas assez pour soutenir les populations vulnérables afin que l’exercice de l’autonomie pour demander l’aide médicale à mourir soit bien réel et non imposé par les circonstances.

L’état de préparation : il s’agit d’une question plus controversée. D’autres personnes plus informées que moi ont longuement débattu de cette question, y compris dans cette enceinte cet après-midi. Après avoir lu une bonne partie des documents et suivi le débat, je vais vous faire part de mes conclusions sur les deux aspects de l’état de préparation.

Bref, en ce qui concerne l’état de préparation des professionnels, j’abonde dans le même sens que les experts chargés d’établir des normes et des critères de formation, dont les plus crédibles affirment que nous sommes suffisamment prêts. Je partage ce point de vue.

En ce qui concerne l’état de préparation du système de santé en général, et notamment la disponibilité d’un nombre suffisant de professionnels qualifiés, je dirais, sous réserve de mes observations au sujet du point de vue des provinces, qu’il y a des préoccupations légitimes, comme nous l’avons entendu et comme l’ont noté les provinces et les territoires, au sujet de l’absence d’une disponibilité généralisée de ces services. Je souligne cependant, comme l’a fait le sénateur Kutcher — et comme la sénatrice McBean l’a judicieusement demandé aux fonctionnaires lors de notre séance d’information technique — que nous n’avons pas posé cette question concernant le système de santé lorsque nous avons adopté le projet de loi C-7 sur l’accès à l’aide médicale à mourir pour les candidats de ce qu’on appelle la voie 2.

Je vais maintenant parler plus en détail des droits des minorités et des enjeux constitutionnels.

Le projet de loi C-62 aborde les droits des minorités dans un contexte constitutionnel. Il s’agit de questions très importantes et il est extrêmement problématique que le Parlement, qu’il s’agisse du Sénat ou de l’autre endroit, adopte des lois qui risquent fort d’être inconstitutionnelles. La prise en compte et la protection de ces droits est donc une question fondamentale pour chacun d’entre nous. C’est certainement le cas pour moi. Et ce n’est pas seulement une question pour les juristes. Puisque chacun d’entre nous, en tant que parlementaire, doit prendre une décision sur cette question, nous devons tous réfléchir au meilleur de nos capacités à la question de savoir si adopter ce projet de loi ou le rejeter serait un choix inconstitutionnel.

Je voudrais vous présenter mon point de vue sur les questions constitutionnelles qui se posent relativement à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé invoqué est un trouble mental. Je vais le faire en parlant des deux dispositions de la Charte des droits et libertés qui sont en cause ainsi que du point de vue du gouvernement concernant ces droits et leur restriction. J’aborderai le sujet un peu plus en détail que ne l’a fait le sénateur Gold, et sous un angle légèrement différent.

Les préoccupations entourant les articles 15 et 7 de la Charte des droits et libertés relèvent du droit fondamental. Commençons par l’article 15, la disposition relative à l’égalité. Cette préoccupation concerne principalement l’égalité devant la loi et en vertu de celle‑ci. La question est de savoir si reporter de nouveau de trois ans l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux constitue une violation de la disposition relative à l’égalité étant donné que, ce faisant, on refuserait l’aide médicale à mourir à une communauté d’intérêts qui est nommément désignée à l’article 15 comme méritant d’être protégée, à savoir, les personnes atteintes d’un handicap physique ou mental. J’ai dit qu’on leur refuserait l’aide médicale à mourir, mais à tout le moins, on reporterait le moment où ces personnes pourront y accéder.

Si j’ai bien compris, le gouvernement est d’avis que refuser complètement l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux constituerait une violation inconstitutionnelle de l’article 15. D’ailleurs, c’est la raison fondamentale pour laquelle l’autre endroit a accepté l’amendement du Sénat au projet de loi C-7 en 2021.

L’autre disposition de la Charte mise en cause est l’article 7, qui protège le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Comme je l’ai dit, le gouvernement a accepté notre amendement au projet de loi C-7, car il a reconnu que refuser complètement l’accès à l’aide médicale à mourir à ces personnes constituerait une violation de l’article 7. Cependant, il faut se rappeler de l’intégralité de cet article. Comme l’a fait remarquer le sénateur Gold, il est important, sur le plan constitutionnel, de souligner qu’il y a seulement violation de l’article 7 si la loi que nous adoptons prive les gens de leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de leur personne d’une manière qui n’est pas conforme avec les principes de justice fondamentale.

Permettez-moi de vous donner un petit exemple qui n’est pas vraiment pertinent, mais qui vous permettra de comprendre où je veux en venir. Si vous êtes reconnus coupables d’un crime grave et condamnés à une peine d’emprisonnement, il est évident que vous êtes privés de votre liberté, mais cela se fait dans le respect des principes de justice fondamentale : un procès criminel, la preuve de la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, les règles de la preuve, et ainsi de suite.

Les tribunaux ont établi des critères pour examiner la signification de l’expression « principes de justice fondamentale ». Essentiellement, les violations ne peuvent pas être arbitraires, elles ne peuvent pas avoir une portée excessive, et elles ne peuvent pas être exagérément disproportionnées. La question est donc de savoir si le retard dans l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux est arbitraire, excessif ou exagérément disproportionné. Si c’est le cas, cette mesure législative constitue une violation de l’article 7.

Il faut toutefois comprendre que, même en cas d’atteintes à l’article 15, la disposition sur l’égalité, ou à l’article 7, la disposition sur la vie, la liberté et la sécurité de la personne, le gouvernement a le droit de justifier les atteintes aux droits constitutionnels s’il respecte les critères établis à l’article 1 de la Charte, communément appelé la disposition sur les « limites raisonnables ». Des limites peuvent être appliquées à certains droits constitutionnels. Ces droits peuvent être restreints par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. C’est le libellé de l’article 1.

(1620)

Dès 1986, la Cour suprême du Canada a établi les éléments essentiels de ces limites raisonnables dans un langage un peu plus facile à comprendre, et ces principes sont toujours respectés aujourd’hui. Les critères sont les suivants : la loi qui limite des droits doit avoir un objectif urgent et réel. Elle doit aussi être proportionnée, c’est-à-dire que les limites doivent avoir un lien rationnel avec l’objectif. De plus, elle doit être de nature à porter le moins possible atteinte aux droits en question. Enfin, il doit y avoir un juste équilibre entre les effets préjudiciables et bénéfiques de la loi.

Essentiellement, le gouvernement cherche à justifier la limitation de l’accès au motif qu’un report est justifié pour atteindre un état de préparation. Comme je l’ai dit, un lien rationnel doit être démontré. La loi doit être de nature à porter le moins possible atteinte aux droits en question. Le moyen choisi doit aussi établir un juste équilibre.

J’attire votre attention sur l’avis dissident du sénateur Dalphond dans le rapport du comité mixte, plus précisément sur l’idée que la recommandation de la majorité d’appliquer un report pour une durée indéterminée serait inconstitutionnelle. Je pense que cette évaluation est judicieuse. Il semble que le gouvernement a entendu cet avis — il a plutôt prévu un report de trois ans — et que le sénateur appuiera la version amendée ou adoptée. Comment pourrait-il faire autrement si c’était son idée?

Le gouvernement a également proposé une option d’équilibre des choix politiques, c’est-à-dire qu’il existe un éventail de choix politiques possibles à cet égard. Je pense qu’il s’agit d’un argument faible qui ne me plaît guère dans le cadre de cette justification des choix politiques. Je pense que le meilleur argument, c’est la question de savoir si les limites établies à l’article 1 sont justifiables à l’égard des droits constitutionnels en cause.

Mes principales préoccupations sont, premièrement, de savoir s’il existe une option moins intrusive, comme l’ont suggéré certains opposants au projet de loi C-62, et deuxièmement, si le délai de trois ans constitue une limite acceptable sur le plan constitutionnel. Une interdiction à long terme de l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes aux prises avec des troubles mentaux serait inconstitutionnelle, quoique le long terme lui-même soit composé d’une série de courts termes. Par conséquent, la série de courts termes totalisant six ans constitue-t-elle une atteinte injustifiée aux droits constitutionnels?

Je suis d’avis que, s’il est adopté, le projet de loi C-62 fera certainement l’objet d’un litige et qu’il existe une possibilité raisonnable — mais nullement garantie — qu’il soit jugé inconstitutionnel. Pour moi, ce risque d’inconstitutionnalité devrait être plus élevé avant que je ne sois prêt à jouer la carte de l’inconstitutionnalité au Sénat pour empêcher la sanction.

J’ai mentionné deux autres thèmes. L’un d’eux est la position des provinces. Comme vous le savez, au moins sept provinces et trois territoires ont écrit pour faire savoir qu’ils ne sont pas encore prêts. J’estime que les sénateurs ont le devoir d’être attentifs aux intérêts provinciaux dans le cadre de leurs fonctions au Sénat. Il ne faut pas forcément partager ou respecter le point de vue des gouvernements provinciaux, mais il est juste de dire que les gouvernements ont eux-mêmes un rôle particulier à jouer lorsqu’il s’agit d’exprimer des points de vue. Leur contribution est probablement d’autant plus importante lorsque ces points de vue ont un lien avec leurs responsabilités, comme c’est le cas ici.

Il est vrai que cette opposition est motivée en partie par l’opposition à l’aide médicale à mourir en général, et c’est aussi vrai dans ma propre province, mais cela ne diminue en rien leur droit d’exprimer leurs préoccupations et notre obligation de prendre cette position en considération comme il se doit. C’est ce que j’ai tenté de faire dans mes conversations.

Enfin, pour ce qui est du rôle que nous devons jouer en tant que sénateurs, il va sans dire que, lorsqu’il s’agit d’exercer des pouvoirs législatifs, dans le respect de certaines limites, nous avons le pouvoir de coordonner les efforts avec l’autre endroit. C’est un pouvoir réel.

Voici une métaphore. Il y a une vieille histoire qui parle de trois arbitres au baseball qui discutent ensemble des balles et des prises. L’arbitre débutant dit : « Quand j’observe un lancer et que je pense que c’est une prise, je dis que c’est une prise. » Le deuxième arbitre, qui a un peu plus d’expérience, est plus catégorique : « Si je dis que c’est une prise, c’est une prise. » Le troisième arbitre, plus âgé, plus sage et plus grincheux, rétorque : « Un lancer ne vaut rien tant que je n’ai pas dit si c’est une balle ou une prise. » Il en va de même, du moins en principe, pour les projets de loi : ils ne valent rien tant que le Sénat ne s’est pas prononcé.

Aucun d’entre nous n’a été élu, cela dit. Nous exerçons notre autorité de manière indépendante dans le cadre d’une réalité politique et constitutionnelle. Si je puis m’exprimer ainsi, nous avons une légitimité démocratique limitée par rapport aux députés élus de l’autre endroit. Parfois, il peut être justifié d’affirmer cette autorité de façon coordonnée jusqu’à sa limite, et il y a des circonstances — pour moi, en tout cas — où cela s’applique. Il appartient à chacun d’entre nous de déterminer si l’opposition au projet de loi C-62 s’inscrit dans ces circonstances, compte tenu du soutien quasi unanime manifesté à l’autre endroit et des messages quasi unanimes des gouvernements qui hériteront de la responsabilité dans le domaine de la santé.

Ma conclusion est donc presque identique à celle de la sénatrice Petitclerc : je n’aime pas le choix politique de retarder l’accès de trois ans, mais le seuil de constitutionnalité est atteint, la voix des provinces a de l’importance, et l’énorme appui accordé à ce projet de loi à l’autre endroit mérite d’être respecté. Je voterai en faveur du projet de loi C-62, malgré mon peu d’enthousiasme. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, nous nous apprêtons à tenir un autre vote d’importance monumentale à propos de l’aide médicale à mourir. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais je ferai de brèves observations pour qu’elles soient consignées.

S’il y a une chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que peu importe l’issue du vote, ce dossier sera contesté devant les tribunaux. Nous pouvons aussi être sûrs que ce même débat recommencera, et ce, avant que les trois ans se soient écoulés, puisqu’un comité mixte spécial sera probablement formé pour examiner la question du degré de préparation.

En ce qui concerne la possible contestation judiciaire, le consensus semble indiquer qu’on ne peut pas en prévoir le résultat, bien que certaines personnes formées en droit disent croire que la décision ira dans telle ou telle direction. Personnellement, je crois que pour une personne qui n’a pas de formation en droit, la meilleure approche consiste à n’avoir aucune opinion quant à la décision que le tribunal pourrait rendre. Je préfère vraiment me concentrer sur le choix de politique dont nous débattons et faire part, en toute humilité, aux juges qui pourraient entendre cette affaire des réflexions des législateurs sur cette politique. Je dis, encore une fois, que nous ne devons pas jouer le rôle d’un juge de la Cour suprême, mais plutôt jouer le rôle qui est effectivement le nôtre.

Si jamais les tribunaux sont appelés à rendre un jugement sur la constitutionnalité — ou l’interdiction — de l’aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué, une des principales questions qu’ils devront se poser, c’est si ce correctif ponctuel que nous examinons aujourd’hui est approprié et proportionné. Pour bon nombre d’entre nous, et peut-être aussi pour les juges, la question centrale consistera à déterminer, et ce, avant même que nous devions étudier la question, si le critère de la préparation a été respecté.

On a présenté au Sénat deux définitions de l’état de préparation. L’une est fondée sur le point de vue des évaluateurs et des organismes de réglementation. Ils estiment que l’état de préparation est adéquat. L’autre définition est fondée sur ce qu’on pourrait appeler le point de vue du système de santé, que partagent plusieurs provinces et territoires, mais aussi l’infrastructure ou l’écosystème des personnes qui œuvrent auprès des personnes handicapées, des personnes souffrant de troubles mentaux, des toxicomanes, etc.

Dans trois ans — ou plus tôt, car il y aura un comité mixte —, on reprendra le même débat : l’état de préparation est-il suffisant? Une fois de plus, nous nous pencherons sur la distinction entre l’opinion des évaluateurs et des organismes de réglementation et celle du système de santé en général. Je comprends le sénateur Kutcher lorsqu’il déplore le fait qu’aucun critère approprié n’a été fixé quant à la définition de l’état de préparation et du dilemme dans lequel nous nous trouverons lorsque nous devrons réexaminer la question. Toutefois, étant donné que la Cour suprême pourrait bien — et va probablement — examiner la question avant que les trois ans se soient écoulés, je veux proposer quelques réflexions sur la façon d’envisager la question de l’état de préparation.

(1630)

Je ne pense pas qu’on puisse répondre correctement à la question de l’état de préparation sans aborder le facteur fondamental — le déclencheur du régime d’aide médicale à mourir — qu’est le caractère irrémédiable. En l’absence d’un large consensus sur le caractère irrémédiable d’une maladie mentale lorsqu’elle est le seul problème de santé invoqué, il me semble que l’on ne peut pas répondre correctement à la question de l’état de préparation. Je vais expliquer pourquoi. Dans un monde où il existe un profond désaccord sur le caractère irrémédiable d’une maladie mentale donnée — ou d’un cas particulier —, un patient demandant l’aide médicale à mourir pour cette maladie serait vraisemblablement en mesure de trouver un ensemble d’évaluateurs qui estimeraient que le cas de cette personne est irrémédiable.

Maintenant, je veux être prudent. Cela ne signifie pas que cette personne pourrait recourir à l’aide médicale à mourir, car les lignes directrices, je l’espère, seront suffisamment strictes pour que le franchissement de ce seuil soit insuffisant pour atteindre le stade final. Néanmoins, c’est, à mon avis, un résultat très probable parce que, par définition, les évaluateurs de l’aide médicale à mourir auront accepté la prémisse, ou la proposition, selon laquelle certaines maladies mentales sont irrémédiables.

Par conséquent, je pense que si un patient est confié aux soins d’un ensemble de médecins hautement qualifiés qui estiment qu’il existe d’autres options et que sa maladie est guérissable, il est concevable que sa demande soit refusée. Ce patient pourra peut-être trouver un autre groupe d’évaluateurs et de médecins prêts à appuyer sa demande.

C’est pourquoi, chers collègues, j’espère qu’au bout de trois ans, en supposant que les tribunaux ne court-circuitent pas ce délai, nous serons finalement prêts dans tous les sens du terme. J’espère que la profession médicale et le système de santé dans son ensemble pourront se faire une tête sur l’état de préparation, et les balises seront catégoriques et approuvées, et elles protégeront les personnes vulnérables. Cependant, je ne sais pas si nous pourrons atteindre cet objectif. Si nous n’y parvenons pas, si nous sommes de retour dans cette enceinte pour débattre de l’état de préparation, et que la Cour suprême se penche sur la constitutionnalité et réfléchit à la façon dont l’état de préparation est lié au caractère irrémédiable, à ce moment-là, je dirais qu’on ne peut pas dissocier ces deux concepts.

Je nous invite tous à réfléchir plus longuement à ce sujet. Nous avons jusqu’à trois ans pour y réfléchir et voir s’il y a un moyen de garantir que, lorsqu’un trouble mental est le seul problème de santé invoqué, les patients qui pourraient encore être guéris ne puissent pas recourir à l’aide médicale à mourir simplement parce que certains professionnels de la médecine sont prêts à leur donner cette option.

Merci beaucoup.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-62. Je remercie tous ceux qui ont participé à ce débat de manière respectueuse et réfléchie. Il ne s’agit pas d’une question simple, et elle exige une analyse critique et une compréhension des nuances.

Permettez-moi tout d’abord de citer la recommandation no 3 du rapport de février 2016 du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir :

Que l’on ne juge pas inadmissibles à l’aide médicale à mourir les personnes atteintes d’une maladie psychiatrique en raison de la nature de leur maladie.

Pourtant, voilà où nous en sommes huit ans plus tard.

J’ai passé toute ma vie professionnelle à me battre pour les droits des personnes atteintes de troubles mentaux — le droit à un accès égal à des soins de santé de qualité et le droit à un traitement égal devant la loi —, et c’est pour cette raison que je ne peux pas appuyer le projet de loi. Il est discriminatoire envers les personnes atteintes de troubles mentaux. Il caractérise une personne comme un diagnostic.

À toutes les personnes qui souffrent et qui attendent, sachez que, même si je ne parle pas en votre nom, je vous ai entendu. Je veux que mes collègues sachent que vous avez votre propre voix. Je vous ai entendu quand vous avez dit que bon nombre de ceux qui affirment parler en votre nom, en fait, se trompent. Vous avez dit que certains d’entre eux semblent ne pas faire la distinction entre les besoins en matière de services de santé mentale et votre réalité. Vous avez eu accès à tous les services et à tous les traitements pendant des décennies, sans être soulagés de vos souffrances. Vous avez épuisé tous les traitements offerts, sans aucun soulagement. Comme dans le cas d’un patient atteint du cancer qui a épuisé toutes les possibilités de traitement, vous voulez avoir accès aux mêmes options.

Récemment, on nous a dit que l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement retarde l’entrée en vigueur de cette mesure, c’est l’inquiétude à propos de ce qui arriverait à ceux qui ont présenté une demande et qui ont été jugés inadmissibles. Permettez-moi de dire ceci au gouvernement. Où est votre inquiétude pour les personnes qui doivent attendre encore trois ans, ou — en raison des lacunes de ce projet de loi — peut-être indéfiniment? Vous souciez‑vous du fait que ces personnes n’ont d’autre choix que de mettre fin à leurs jours dans la solitude, le désespoir et la peur en se suicidant au lieu d’avoir la possibilité de mourir dans la paix et la dignité, entourées de leur famille et de leurs amis?

Certains disent qu’il y a un manque de préparation, mais les organismes de réglementation et les prestataires que nous avons entendus disent le contraire. Beaucoup sont prêts et, chers collègues, ils savent si le système est prêt parce qu’ils sont le système. Nous n’avons entendu aucun argument valable au sujet de la nature arbitraire de la prolongation de trois ans, et il n’existe aucun renseignement sur les critères qui pourraient être utilisés pour déterminer l’état de préparation après cette période. Alors, dire simplement « nous ne sommes pas prêts », est-ce dire que nous ne sommes pas prêts? Ce projet de loi général bloque l’accès à l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème de santé sous-jacent dans les provinces ou territoires qui sont prêts parce que certaines personnes prétendent qu’ils ne le sont pas. L’égalité ne peut pas dépendre de la volonté d’autrui à l’accepter. Comme l’a écrit George Orwell, « tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ».

Même si, en comité plénier, les ministres n’ont pas défini de critères liés à l’état de préparation, ils ont mis en évidence trois questions auxquelles ils semblent avoir réfléchi, à savoir le consensus, le caractère irrémédiable et les tendances suicidaires. Ils n’ont jamais dit que ces questions serviraient à créer des critères de disponibilité opérationnelle, et aucun comité n’a jamais étudié ces questions en profondeur. En médecine, il n’y a pas de consensus médical nécessaire pour permettre aux gens de demander l’accès à des soins. Lorsque l’aide médicale à mourir a été instaurée au Canada, il n’y avait pas de consensus chez les médecins, mais les choses ont quand même avancé. En effet, encore aujourd’hui, il n’y a pas de consensus chez les médecins au sujet de l’aide médicale à mourir. Alors, pourquoi refuser l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’un trouble mental parce que certains médecins ne sont pas d’accord? Cette justification discriminatoire bloque l’accès égal aux soins de santé en raison d’un diagnostic.

La question du caractère irrémédiable est un enjeu dans toutes les sphères de la médecine. Le caractère irrémédiable des troubles mentaux doit être abordé de la même manière que dans les autres aspects de la médecine — il n’y a pas de raison que les seuils soient différents, c’est ce qui importe. Certains soutiennent que le caractère irrémédiable est impossible à établir pour les troubles mentaux, mais ni la Chambre ni le Sénat n’ont étudié cette question de façon approfondie, notamment en comparaison avec d’autres maladies.

C’est ici qu’intervient la question de l’égalité : traitons-nous l’enjeu du caractère irrémédiable de la même manière lorsqu’il est question de maladie mentale que lorsqu’il est question d’autres maladies? Au contraire. De nombreux fournisseurs d’aide médicale à mourir expérimentés nous ont dit qu’ils pouvaient se mettre d’accord sur le caractère irrémédiable. Nous ne les avons pas entendus. Chers collègues, dans tous les cas de voie 2, deux cliniciens ayant évalué indépendamment le demandeur doivent s’accorder sur le caractère irrémédiable, faute de quoi la demande est rejetée. Soyons clairs : il ne s’agit pas d’une évaluation ponctuelle; elle se poursuit pendant au moins 90 jours.

(1640)

La littérature scientifique montre également que des psychiatres peuvent s’accorder sur le caractère irrémédiable, comme le montre un article publié par un groupe d’experts néerlandais et belges dans La Revue canadienne de psychiatrie en octobre 2022. Cet article a été publié six mois après le rapport du groupe d’experts. On ne disposait donc pas de cette information. Or, cet article n’est jamais mentionné par les personnes qui parlent de « caractère irrémédiable ».

La Cour d’appel de l’Alberta, dans l’affaire Canada (Attorney General) v E.F. a reconnu que certains troubles mentaux sont irrémédiables et, lors de leur comparution devant nous, les ministres ont reconnu qu’il y avait des troubles mentaux irrémédiables.

Le concept juridique du caractère irrémédiable traduit dans la pratique médicale, c’est la question du pronostic, c’est-à-dire la capacité de prédire un résultat particulier pour un patient donné sur une période donnée. Chers collègues, mes amis médecins ici présents savent qu’il est impossible de prédire à 100 % le résultat pour un patient donné dans quelque domaine de la médecine qui soit. Alors, pourquoi l’exiger uniquement pour les personnes souffrant de troubles mentaux?

Contrairement à certaines des observations que nous avons entendues, la capacité à établir un pronostic en psychiatrie n’est pas très différente de celle du reste du milieu médical. Selon un examen récent de la question, le pronostic clinique des résultats dans les cas de dépression réfractaire au traitement est fiable dans environ 75 % des cas. Ce chiffre est comparable à une variété de prévisions de résultats pour les patients atteints de divers cancers, en soins palliatifs ou aux soins intensifs.

Certains ont fait valoir que, étant donné qu’une rémission peut occasionnellement être obtenue pour certains troubles mentaux graves, c’est un motif pour refuser l’accès à l’aide médicale à mourir. Or, chers collègues, une rémission peut également être obtenue spontanément pour plusieurs types de cancers. Nous ne refusons pas aux patients atteints de cancer l’accès à l’aide médicale à mourir parce qu’ils pourraient obtenir une rémission spontanée à un moment donné. Pourquoi le faisons-nous pour les personnes atteintes de troubles mentaux?

Nous avons entendu un tsunami de propos alarmistes sur l’aide médicale à mourir et le suicide : on a assimilé les deux ou soutenu qu’un psychiatre hautement qualifié est incapable de faire la distinction entre des idées suicidaires et une décision éclairée de choisir l’aide médicale à mourir. On nous a dit que l’idéation suicidaire n’était une préoccupation que dans les cas de troubles mentaux. C’est faux.

Par exemple, l’idéation suicidaire est fréquente dans les cas de cancer. Selon certaines études, plus de 40 % des patients atteints de cancer ont des idées suicidaires. Une étude récente a noté que le taux de suicide chez les patients atteints de cancer était deux fois plus élevé que dans la population générale, mais personne ne soutient que les patients atteints de cancer ne doivent pas avoir accès à l’aide médicale à mourir. Personne ne dit qu’un psychiatre ne peut pas déterminer si un patient cancéreux souhaitant faire une demande d’aide médicale à mourir a des idées suicidaires.

On fait appel régulièrement à des psychiatres spécialisés, appelés psychiatres de consultation-liaison, pour déterminer si un patient qui est atteint d’une maladie physique et qui refuse de se faire traiter a pris cette décision parce qu’il est suicidaire. Ces psychiatres de consultation savent comment faire la distinction entre la décision d’une personne apte de renoncer à se faire traiter et un suicide. Chers collègues, cela fait effectivement partie de l’évaluation actuelle des demandes d’accès à l’aide médicale à mourir, un point c’est tout.

Si on soutient qu’un psychiatre dont la pratique est axée sur des personnes atteintes de maladies physiques graves ou qui a été bien formé à évaluer les demandes d’aide médicale à mourir est incapable de faire la distinction entre un suicide et une demande objective d’aide médicale à mourir, cela revient à soutenir qu’un chirurgien abdominal n’est pas apte à pratiquer une appendicectomie.

Les tribunaux ont également étudié cette affirmation et ont rejeté les preuves présentées par ses partisans, y compris de nombreuses personnes qui ont été citées au Sénat et qui ont témoigné devant le tribunal. L’arrêt Truchon se lit comme suit :

Le Tribunal retient [...] la preuve [...] qui démontre que l’aide médicale à mourir et le suicide constituent deux phénomènes distincts qui appartiennent à deux réalités différentes, bien qu’il puisse exister certains points en commun, comme celui manifeste de mener, dans un cas comme dans l’autre, à la mort volontaire d’une personne.

L’argument selon lequel le suicide et l’aide médicale à mourir sont identiques est également erroné d’un point de vue logique.

En fait, il y a un certain nombre d’erreurs de logique qui sont fréquemment moussées par cet argument. Je ne vous ennuierai pas avec chacune d’entre elles; je me pencherai seulement sur une, appelée l’« erreur de fausse équivalence ». Selon cette idée, puisque l’aide médicale à mourir et le suicide présentent des similitudes, ils sont donc identiques. Or, chers collègues, la convergence de certaines similitudes ne suffit pas à rendre les choses identiques, c’est la combinaison de toutes les similitudes et de toutes les différences qui les rend identiques. Par exemple, un bâton de hockey et un bâton de golf présentent bien des similitudes, mais ils sont différents. Sénateur Plett, vous pourriez frapper plus loin avec un bâton de hockey que moi avec un bâton de golf, mais, encore une fois, ils ne sont pas les mêmes.

En effet, les médecins savent depuis longtemps que toutes les formes de mort volontaire ne sont pas identiques et qu’elles sont nombreuses, comme refuser de recevoir un traitement, refuser de manger et de boire et refuser d’être réanimé. L’aide médicale à mourir est un autre exemple de mort volontaire.

On sait aussi depuis longtemps que le suicide peut prendre différentes formes. Depuis 1897, pour être précis — oui, depuis 1897 — on le sait. Tout le monde peut s’informer là-dessus. Il suffit de taper « formes de suicide » dans Google.

Les psychiatres, les bioéthiciens et d’autres spécialistes savent depuis plus d’un siècle qu’il existe bien des formes de suicide et de mort volontaire. Pourquoi certains de ces experts nous embrouillent-ils en faisant la promotion du récit erroné selon lequel l’aide médicale à mourir est un suicide?

Honorables collègues, j’ai aussi des préoccupations liées à la Charte. Étant donné que ce domaine va bien au-delà de mon champ d’expertise, j’ai demandé l’avis de spécialistes, et s’il y a une chose que j’ai apprise, c’est qu’il semble y avoir la même absence de consensus chez les juristes qu’au sein de la profession médicale.

Ils ont soulevé les questions suivantes.

En ce qui concerne l’article 7, la portée est-elle trop vaste, et la portée générale de cette prolongation a-t-elle pour effet de limiter des droits plus qu’il n’est nécessaire? Le gouvernement aurait pu prévoir la possibilité d’accorder une exemption par décret, mais il a choisi de ne pas le faire.

Va-t-on à l’encontre de l’article 15 de la Charte en excluant une catégorie de personnes atteintes d’un certain type de maladie et en leur refusant un service offert à tous? Les préoccupations exprimées par le gouvernement ont trait à l’aide médicale à mourir offerte à tous, et non seulement aux personnes atteintes de troubles mentaux.

Comment le gouvernement peut-il justifier une exclusion générale à l’échelle nationale? Elle empêche des Canadiens d’avoir accès à une intervention médicale même s’ils vivent dans une province ou un territoire qui est prêt à offrir l’intervention, simplement parce qu’un autre ordre de gouvernement peut décider, sans preuve à l’appui, que la province ou le territoire n’est pas prêt.

A-t-on démontré qu’il est justifié de prolonger l’exclusion? Le gouvernement a-t-il prouvé qu’il a bien soupesé les avantages et les inconvénients du projet de loi?

Selon ces experts, la réponse à toutes ces questions est non.

Ils s’inquiétaient aussi du fait que le projet de loi viole les articles 7 et 15 et qu’on ne puisse pas invoquer l’article 1. Ils ont déclaré que le gouvernement n’avait pas démontré que les violations sont justifiables. Le lourd fardeau de la preuve n’a pas été atteint. Le critère de la preuve convaincante n’a pas été respecté.

Le gouvernement n’a pas démontré qu’il existe un lien entre la mesure contestée et l’objectif. Le délai de trois ans est arbitraire. Le gouvernement n’a présenté aucune preuve pour étayer le fait que ces trois années sont nécessaires, pas plus qu’il n’a pu démontrer qu’elles seront suffisantes.

Le gouvernement doit démontrer que les limites ne sont pas minimales et que l’équilibre entre les arguments favorables et défavorables au sujet de ce report général est proportionné.

Comme bon nombre d’entre vous le savent, afin de régler les questions relatives à la Charte, j’avais envisagé d’amender le projet de loi au moyen d’une disposition d’exemption. Toutefois, à la suite de l’abondante contribution de nombreux collègues sur les obstacles procéduraux, et puisque je suis bien conscient que le gouvernement n’accepterait pas un tel amendement, j’ai décidé de ne pas aller de l’avant.

Chers collègues, comme nous l’avons entendu, les arguments présentés pour refuser l’aide médicale à mourir à une personne dont la seule condition médicale sous-jacente est un trouble mental ne viennent pas des personnes touchées. En effet, les personnes les plus touchées avec lesquelles je me suis entretenu n’appuient pas ce projet de loi. Par ailleurs, elles ont précisé que ceux qui veulent refuser l’accès ne seront jamais satisfaits et qu’ils vont tenter d’éliminer la voie 2 de l’aide médicale à mourir et l’aide médicale à mourir en général.

On nous a parlé de retenue avec beaucoup d’éloquence. Je suis d’accord pour dire que nous devons examiner attentivement notre rôle et que la retenue fait partie de cet exercice. Toutefois, ce n’est pas la seule considération. Dans la situation actuelle, se peut-il que la déférence automatique à l’égard de la Chambre ne doive pas être qualifiée de retenue? Il peut arriver que notre rôle soit d’être en désaccord avec la Chambre; par exemple, quand il est question d’exclusion arbitraire. En fait, j’ai appris de mes amis avocats que l’exclusion arbitraire avait été prise en compte dans la décision de la Cour suprême de 1998 dans l’affaire Vriend c. Alberta. Cette décision mérite d’être lue :

[...] on ne peut demander à des groupes qui sont depuis longtemps victimes de discrimination d’attendre patiemment que les gouvernements en viennent, étape par étape, à protéger leur dignité et leur droit à l’égalité. Si on tolère que les atteintes aux droits et aux libertés de ces groupes se poursuivent pendant que les gouvernements négligent de prendre des mesures diligentes pour réaliser l’égalité, les garanties inscrites dans la Charte ne seront guère plus que des vœux pieux.

(1650)

Peut-on dire qu’il y a un risque d’exclusion arbitraire si nous adoptons ce projet de loi? Je ne suis qu’un médecin, pas un avocat. Je ne connais pas avec certitude la réponse à cette question, mais elle me donne matière à réflexion.

En terminant, j’aimerais citer un ami qui a vécu avec une maladie mentale grave et qui est mort dans la solitude et la souffrance, en laissant sa famille et ses amis dans l’angoisse :

Je suis une personne. Je ne suis pas un diagnostic. J’ai les mêmes droits et les mêmes responsabilités que tout le monde.

Notre tâche consiste maintenant à évaluer le bien-fondé du projet de loi. Le projet de loi repose-t-il sur des bases solides ou sur des sables mouvants? Est-il équitable? Est-il juste? À mon avis, il est discriminatoire à l’égard des personnes...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Kutcher, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Kutcher : Pourrais-je avoir 20 secondes de plus?

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Kutcher : Merci, chers collègues.

Ce projet de loi est-il équitable? Est-il juste? À mon avis, il est discriminatoire parce que la fenêtre de trois ans est arbitraire. Aucun argument valide n’a été fourni pour justifier un report de trois ans plutôt que de trois mois, d’un an ou d’un an et un jour. De plus, le projet de loi a une portée trop large. Il refuse l’accès à une intervention médicale aux Canadiens qui vivent dans telle ou telle province simplement parce que telle ou telle autre dit ne pas être prête à la fournir. Ajoutons que, comme l’a souligné le sénateur Woo, le projet de loi ne fournit pas de critères valides ou vérifiables pour évaluer le degré de préparation, de sorte qu’il est impossible de contester un état de préparation prétendument insuffisant, avec pour conséquence que l’aide médicale à mourir ne sera jamais élargie.

Je ne peux donc pas, en mon âme et conscience, voter en faveur de ce projet de loi, car ce serait contraire au travail que je fais depuis toujours pour que les personnes atteintes de troubles mentaux soient traitées de façon équitable dans tous les aspects de leur vie. Je vous demande de bien réfléchir à ce que vous allez faire. Merci.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, à titre de porte-parole de l’opposition au Sénat, je prends encore une fois la parole au sujet du projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne l’aide médicale à mourir.

Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, l’aide médicale à mourir demeure l’un des enjeux les plus complexes et les plus profondément intimes pour les gens et les familles, surtout lorsqu’il est question de maladie mentale. L’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale touche aussi à mes convictions les plus intimes, comme c’est le cas, je le sais, pour un grand nombre de nos collègues.

Nous avons commencé par le projet de loi C-14 avant de passer au projet de loi C-7, avec un amendement et une disposition de caducité de 18 mois relativement à l’interdiction du suicide assisté aux personnes atteintes d’une maladie mentale. C’est ainsi qu’a commencé le débat sur la maladie mentale dans le contexte de l’aide médicale à mourir qui nous a menés là où nous en sommes aujourd’hui. Au lieu de se pencher sur ce qui s’impose, le gouvernement a déposé deux autres mesures législatives, les projets de loi C-39 et C-62, pour tenter de repousser temporairement le problème que pose la disposition de caducité.

En tant que pays, nous devrions avant tout nous concentrer sur l’amélioration des soins de santé mentale. Les services de santé mentale au Canada sont insuffisants et inégaux, c’est indéniable. Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale, seule la moitié des Canadiens qui connaissent un épisode dépressif grave reçoivent des « soins potentiellement adéquats ». Un tiers des Canadiens âgés de 15 ans ou plus qui déclarent avoir besoin de soins de santé mentale disent que ces besoins n’ont pas été satisfaits. Soixante-quinze pour cent des enfants souffrant de troubles mentaux n’ont pas accès à des services de traitement spécialisés. Les jeunes Autochtones sont de cinq à six fois plus susceptibles de se suicider que les autres jeunes. Le taux de suicide chez les jeunes Inuits est l’un des plus élevés au monde; il est 11 fois supérieur à la moyenne nationale.

De nouvelles données de l’Institut Angus Reid, un organisme à but non lucratif, confirment la gravité de la situation au chapitre de la maladie mentale et des soins de santé mentale au Canada : 80 % des Canadiens sont préoccupés par la pénurie de ressources en matière santé mentale au Canada et 81 %, par l’état de santé mentale des Canadiens en général. Les données indiquent en outre que :

Cette préoccupation est plus forte chez ceux qui ont eu recours au système de santé mentale du pays au cours de l’année précédente. Dans l’ensemble, 1 Canadien sur 5 (19 %) déclare avoir cherché des soins professionnels pour un problème de santé mentale au cours des 12 derniers mois. Parmi ce groupe, 1 personne sur 5 dit avoir rencontré des obstacles pour recevoir le traitement souhaité [...]

Rendre l’aide médicale à mourir accessible aux personnes dont le seul problème médical invoqué est une maladie mentale équivaut à offrir la mort assistée à ces gens. Nous devrions leur offrir les ressources, l’information et les soins dont ils ont besoin, pas l’aide médicale à mourir. Comment pouvons-nous avoir l’assurance que nous présentons un choix juste et honnête aux personnes atteintes de maladie mentale et que nous ne rendons pas la ligne entre suicide et aide à mourir encore plus floue? Comment pouvons-nous être certains que les idées suicidaires associées à une maladie mentale n’entrent pas en ligne de compte dans une demande d’aide médicale à mourir?

Un autre des thèmes récurrents des débats sur les projets de loi C-39 et C-62 au Sénat et dans les réunions du comité mixte spécial veut qu’il soit toujours impossible de prédire avec certitude le caractère irrémédiable de la maladie mentale. Pour être admissible à l’aide médicale à mourir aux termes du Code criminel, une personne doit être « affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables », c’est-à-dire qu’elle doit être « atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables » caractérisés par « un déclin avancé et irréversible » ainsi que des souffrances intolérables.

Le gouvernement a mis sur pied un groupe d’experts pour étudier l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué. Cependant, ce groupe d’experts a été créé après l’adoption de la disposition de caducité. De plus, les députés n’ont pas été appelés à déterminer si le Canada est prêt, s’il est possible d’appliquer cette mesure en toute sécurité ou s’il y a un consensus scientifique pour justifier cet élargissement. Le groupe d’experts a été chargé de présenter des recommandations uniquement sur la mise en œuvre, et ses conclusions ne devraient pas être interprétées comme un consensus d’experts. En fait, même dans son rapport final, le groupe d’experts a indiqué qu’il serait difficile, voire impossible, de prédire le caractère irrémédiable d’un trouble mental.

Le Modèle de norme de pratique en matière d’aide médicale à mourir fournit les définitions qui suivent pour les termes « incurable » et « irréversible ». À la section 9.5.2, on peut lire ce qui suit :

« Incurable » signifie qu’il n’y a plus de traitements raisonnables. Le caractère raisonnable est déterminé par la clinicienne ou le clinicien et la personne qui explorent ensemble les traitements reconnus, disponibles et potentiellement efficaces à la lumière de l’état de santé général de la personne, de ses croyances, de ses valeurs et de ses objectifs de soins.

À la section 9.6.4, on peut lire ce qui suit :

« Irréversible » signifie qu’il n’y a plus d’interventions raisonnables. Le caractère raisonnable est déterminé par la clinicienne ou le clinicien et la personne qui explorent ensemble les interventions reconnues, disponibles et potentiellement efficaces à la lumière de l’état de santé général de la personne, de ses croyances, de ses valeurs et de ses objectifs de soins.

Le paragraphe 241.2(1) du Code criminel définit le caractère irrémédiable d’un problème de santé comme étant une affection incurable qui « se caractérise par un déclin avancé et irréversible ». Autrement dit, pour qu’une personne soit admissible, un évaluateur de l’aide médicale à mourir doit être convaincu que son état ne s’améliorera pas.

Dans son rapport de mai 2022, le Groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale du gouvernement a reconnu la difficulté de déterminer le caractère irrémédiable d’un trouble mental :

L’évolution de nombreux troubles mentaux, comme d’autres problèmes de santé chroniques, est difficile à prévoir pour un individu donné. Les connaissances sur le pronostic à long terme de nombreuses maladies sont limitées et il est difficile, voire impossible, pour les cliniciens de formuler des prévisions précises sur l’avenir d’un patient donné.

Le comité mixte spécial a également appris qu’il est difficile, voire impossible, de prédire avec exactitude le pronostic à long terme d’une personne atteinte d’un trouble mental. Le Dr Gaind a dit au comité que la formation que reçoivent les médecins pour évaluer les tendances suicidaires ne leur donne pas les outils nécessaires pour distinguer les idéations suicidaires d’une demande d’aide médicale à mourir légitime. Il a dit :

L’AMM est offerte aux personnes atteintes de problèmes de santé irrémédiables dont on peut prévoir qu’ils ne s’amélioreront pas. Or, les données produites un peu partout dans le monde démontrent que le caractère irrémédiable ne peut pas être prédit dans le cas des maladies mentales. Autrement dit, la première mesure de sauvegarde de l’AMM serait déjà court-circuitée selon les données qui révèlent que les prédictions sont erronées dans plus de la moitié des cas.

Les données scientifiques démontrent l’impossibilité de distinguer entre les idéations suicidaires causées par la maladie mentale et les conditions qui conduisent à faire une demande d’AMM pour des motifs psychiatriques. Les caractéristiques en commun dans les deux situations laissent entendre qu’il n’y a peut-être aucune distinction à établir.

Le Dr Sareen, parlant au nom de neuf directeurs de départements de psychiatrie d’écoles de médecine de partout au Canada, a déclaré ce qui suit :

Nous recommandons instamment de suspendre durablement l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux troubles mentaux comme seul problème médical invoqué au Canada [...]

(1700)

En réponse à des questions sur le fait que les psychiatres sont formés pour distinguer les idées suicidaires des demandes d’aide médicale à mourir psychiatrique, le Dr Sareen a dit :

[...] il n’y a pas de définition opérationnelle claire qui permette de faire la différence entre quelqu’un qui demande l’AMM et quelqu’un qui veut se suicider alors qu’il n’est pas mourant. C’est ce qui fait la différence à l’échelle internationale. Si quelqu’un est mourant, on peut considérer qu’il s’agit d’une demande d’AMM. Si ce n’est pas le cas, on parle de suicide. C’est très difficile, et il n’y a pas de définition opérationnelle.

Le Dr Rajji a dit :

Il n’y a pas de moyen évident de cerner les idées suicidaires ou une intention suicidaire dans les demandes d’aide médicale à mourir. Il faut donc tenir des discussions pour parvenir à un consensus et à un accord, entre professionnels, au sujet de la partie de l’histoire d’une personne atteinte d’une maladie qui permettrait de distinguer les deux cas.

Ce n’est pas simple.

Le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir a indiqué dans son rapport final que de nombreux psychiatres ne sont pas favorables à la pratique de l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème de santé invoqué.

La Dre Alison Freeland, la représentante de l’Association des psychiatres du Canada, n’a pas pu confirmer qu’il existe un consensus lorsqu’on lui a demandé si les psychiatres s’entendaient sur la question de l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème de santé invoqué. Le Dr Sareen a fait remarquer que la plupart des sondages ont montré que la majorité des psychiatres s’opposent à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale.

Le comité a également entendu des points de vue divergents sur la question de savoir s’il y a suffisamment de praticiens qualifiés, en particulier des psychiatres, pour fournir l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué, en toute sécurité et de façon adéquate.

Une autre préoccupation qui a été soulevée au comité mixte et qui fait partie du rapport final est la distinction entre une demande d’aide médicale à mourir et une intention suicidaire. Certains témoins ont informé le comité qu’il n’y avait pas moyen de faire la différence entre les deux.

L’Association canadienne pour la prévention du suicide a abordé les préoccupations suivantes liées au suicide dans le contexte de l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes qui ne sont pas en fin de vie :

[...] bien que notre mission principale se concentre toujours sur la prévention du suicide, nous croyons qu’il ne suffit pas qu’une organisation de prévention du suicide empêche simplement les gens de mourir — il est impératif que les Canadiens investissent pour trouver d’autres moyens de soulager la souffrance et de soutenir les gens à se connecter à une vie qui vaut la peine d’être vécue. L’aide médicale à mourir, telle qu’elle existe actuellement au Canada, n’est pas en conflit avec cette approche puisqu’elle est utilisée pour remédier aux décès douloureux. Cependant, l’élargissement de l’aide médicale à mourir pour inclure ceux qui ne sont pas en fin de vie suppose que certaines vies ne valent pas la peine d’être vécues et ne peuvent pas l’être [...].

L’association ajoute :

[...] trouver l’espoir et les raisons de vivre sont un aspect essentiel des soins cliniques dans les troubles mentaux. Avoir l’[aide médicale à mourir] comme option de traitement est en conflit fondamental avec cette approche, est susceptible d’avoir un impact négatif sur l’efficacité de certaines interventions thérapeutiques et peut conduire le patient et le prestataire de services à abandonner prématurément les soins.

Honorables sénateurs, vous l’avez entendu, le rapport final sur l’aide médicale à mourir conclut que le système de santé canadien n’est pas prêt pour l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux cas où un trouble mental est la seule condition médicale invoquée. Le comité a fait les recommandations suivantes :

a. Que [l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est la seule condition médicale invoquée] ne soit pas disponible au Canada tant que le ministre de la Santé et le ministre de la Justice ne seront pas d’avis, sur la base des recommandations de leurs ministères respectifs et en consultation avec leur homologues provinciaux et territoriaux et avec les peuples autochtones, qu’elle peut être administrée de manière sécuritaire et adéquate; et

b. Qu’un an avant la date où l’on prévoit que [l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est la seule condition médicale invoquée] sera permise, conformément à l’alinéa (a), la Chambre des communes et le Sénat rétablissent le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir afin de vérifier le degré de préparation atteint pour une application sûre et adéquate de [l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est la seule condition médicale invoquée].

Le projet de loi C-62 prolonge l’exclusion de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir dans les cas où la seule condition médicale invoquée pour la demande d’aide médicale à mourir est une maladie mentale jusqu’au 17 mars 2027.

J’appuierai le projet de loi C-62 parce que, sans lui, l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale deviendra légale le 17 mars 2024. Cependant, j’exhorte le gouvernement à examiner de près la question de l’irrémédiabilité et de la suicidalité en ce qui concerne l’aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé sous-jacent. Un sursis de trois ans ne réglera pas ce problème.

La Commission canadienne des droits de la personne a déclaré :

Alors que le gouvernement jette un regard critique sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir, la Commission l’encourage à profiter de cette occasion pour procéder à un examen approfondi de ce qui s’est passé depuis l’entrée en vigueur de la loi existante. Cela devrait inclure la collecte des preuves et des témoignages nécessaires pour comprendre clairement qui accède à l’aide médicale à mourir et pourquoi, afin d’identifier et de mettre en place les garanties nécessaires pour remédier aux violations des droits de la personne subies par des groupes déjà marginalisés.

Honorables sénateurs, le gouvernement doit procéder avec prudence avant toute nouvelle expansion du régime d’aide médicale à mourir au Canada et doit s’assurer qu’il se concentre également sur la santé mentale et qu’il en fait une priorité.

Nous devons faire mieux pour protéger les personnes les plus vulnérables.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine de 2023

Troisième lecture—Report du vote

L’honorable Peter Harder propose que le projet de loi C-57, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine de 2023, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, il se fait tard, le temps presse, le projet de loi est prêt. Je vous invite à adopter le projet de loi dès maintenant.

L’honorable Pat Duncan : Voilà un discours qu’il sera difficile d’égaler.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer le projet de loi C-57 à l’étape de la troisième lecture et de souligner l’importance qu’il revêt pour notre soutien continu et indéfectible à l’Ukraine.

À la suite du deuxième anniversaire de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie et avant le troisième voyage de l’association ukrainienne du Canada au Yukon dans ce pays ravagé par la guerre, je souhaite vous faire part de quelques-unes des mesures d’aide que ses membres ont prises. Je serai brève, chers collègues.

Après l’invasion de 2022, un groupe de Yukonnais engagés s’est réuni de manière informelle pour trouver le meilleur moyen d’aider les Ukrainiens dans le besoin. En 2023, ils ont fondé officiellement l’association ukrainienne du Canada au Yukon pour concrétiser leurs efforts.

Il est important de noter, honorables sénateurs, que la population du Yukon s’élève à 45 000 personnes.

Grâce à la contribution des bénévoles et à la générosité des Yukonnais, l’association a recueilli et versé plus de 100 000 $ d’aide sous diverses formes.

Plus précisément, cette association du Yukon collabore avec un hôpital municipal civil à Youjnooukraïnsk, dans l’oblast de Mykolaiv, ainsi qu’avec Pokrova Chortkiv, une fondation de bienfaisance. En février 2023, Jeff Sloychuk, de Whitehorse, a livré 2 000 livres d’articles donnés par des Yukonnais à l’Ukraine, notamment des vêtements thermiques, des sacs de couchage, des appareils-photo, des tablettes et d’autres équipements destinés à aider les soldats ukrainiens à supporter les rigueurs de l’hiver.

(1710)

En juin 2023, deux autres Yukonnaises, Lesia Hnatiw et Donna Reimchen, ont voyagé de la Pologne jusqu’en Ukraine pour rencontrer les partenaires dont je viens de parler. Avec le concours de Partenaires canadiens pour la santé internationale, elles ont livré 50 000 $ d’antibiotiques et facilité l’achat de 10 000 $ d’équipement médical à Kiev. De plus, les dons de cette mission incluaient toutes sortes d’appareils électroniques, des radios et du matériel de premiers soins. La valeur des biens donnés et achetés s’élevait à 73 000 $.

En plus de livrer du matériel, l’Ukrainian Canadian Association of Yukon a joué un rôle prépondérant dans l’établissement de partenariats et de liens étroits entre des Ukrainiens et des Canadiens. En octobre, les membres de l’association ont organisé la venue d’une délégation de Chortkiv à Whitehorse, où la mairesse Laura Cabott et le maire Volodymyr Shmatko ont signé des proclamations de ville jumelle.

Le drapeau de Chortkiv flotte maintenant à l’hôtel de ville de Whitehorse, aux côtés du drapeau de notre ville et des drapeaux de la Première Nation des Kwanlin Dün et du Conseil des Ta’an Kwäch’än. C’est un geste symbolique extrêmement fort qui montre aux habitants de Chortkiv que nous faisons tous front commun contre cette invasion illégale.

Ayant accueilli 150 réfugiés ukrainiens au Yukon, l’Ukrainian Canadian Association of Yukon a fourni des services de réinstallation, y compris de l’aide pour trouver un logement et du travail, et des renseignements généraux pour contribuer à leur intégration réussie dans notre région.

Le 9 mars, deux Yukonnais entreprendront leur troisième mission en Ukraine. Un véhicule d’évacuation médicale qui a été acheté en Pologne sera conduit en Ukraine par ces Yukonnais avec un chargement d’antibiotiques et d’autres médicaments, de matériel militaire de premiers secours, de radios de forte puissance et de caméras thermiques d’une valeur d’environ 60 000 $. Une fois les marchandises livrées, la fondation Pokrova Chortkiv équipera le véhicule de brancards et l’emmènera sur la ligne de front dans l’Est de l’Ukraine.

Honorables sénateurs, l’histoire de l’engagement du Yukon en Ukraine m’a été racontée lors de la vigile du deuxième anniversaire de l’occupation à Whitehorse. Les Yukonnais et les Ukrainiens présents m’ont également fait part de l’importance de l’adoption du projet de loi C-57 pour eux et pour le peuple ukrainien.

Ils m’ont demandé, en tant qu’unique sénatrice du Yukon, de travailler fort pour soutenir ce projet de loi. Je suis fière non seulement de vous raconter les efforts qu’ils déploient, mais aussi d’exprimer mon soutien à ce projet de loi.

Le peuple ukrainien a besoin de ce soutien et il est reconnaissant des efforts des bénévoles comme ces Yukonnais.

Permettez-moi de vous transmettre les remerciements de l’Ukraine qui ont été transmis lors de la vigile : « Votre visite est notre seule lueur d’espoir dans une obscurité implacable. »

Je nous invite tous à répandre cette lueur d’espoir en appuyant le projet de loi C-57 à l’étape de la troisième lecture et en l’adoptant.

Thank you. Gùnáłchîsh. Mahsi’cho.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-57, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine de 2023.

Les conservateurs soutiennent sans réserve l’Ukraine et appuient fermement sa souveraineté et son indépendance face aux menaces de la Russie. Notre engagement indéfectible envers l’Ukraine est profondément enraciné dans les valeurs fondamentales que sont la liberté et la démocratie. Nous croyons fermement que nous devons soutenir nos alliés lorsqu’ils en ont besoin, et le combat de l’Ukraine contre son agresseur ne fait pas exception.

En outre, les conservateurs sont favorables au libre-échange et reconnaissent l’importance de favoriser la croissance économique et la prospérité du Canada et de son partenaire commercial, l’Ukraine.

L’invasion par le régime du président Poutine est illégale. Ce conflit n’est pas limité à une région précise; il représente une menace importante pour des principes fondamentaux comme la souveraineté, l’intégrité territoriale et le droit international. Au-delà des frontières de l’Ukraine, l’agression de Poutine menace directement les principes essentiels de la démocratie et de la primauté du droit, pas seulement en Ukraine, mais dans tout le monde occidental.

La mise en garde du président Zelenski est particulièrement éloquente : « Cette situation est dangereuse non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour tous les pays démocratiques. »

De plus, les observations de l’ambassadrice du Canada soulignent la façon dont la Russie se sert de ses ressources énergétiques comme outil pour semer le désordre et l’instabilité, et ce, non seulement en Ukraine, mais partout en Europe. Cette manœuvre délibérée ne fait qu’aggraver la situation en causant plus de souffrance et de chaos. C’est pour cela que la communauté mondiale doit intervenir avec force. Nous devons reconnaître l’urgence de la situation.

Chers collègues, comme vous le savez, le conflit en Ukraine a en fait commencé il y a dix ans avec l’invasion illégale de la Crimée par Valdimir Poutine. C’était pendant le mandat du gouvernement conservateur de l’ancien premier ministre Stephen Harper. À cette époque charnière, le Canada a joué un rôle de premier plan au sein du G7, en ralliant des soutiens en faveur de sanctions et d’un isolement diplomatique visant à décourager l’agression russe. L’engagement inébranlable du premier ministre Harper en faveur de l’intégrité territoriale de l’Ukraine se fait encore sentir aujourd’hui, soulignant notre solidarité durable avec l’Ukraine face à l’agression continue de la Russie.

Le Canada entretient des relations solides et durables avec l’Ukraine, en lui apportant un soutien diplomatique, économique et humanitaire pour l’aider à bâtir un avenir meilleur pour son peuple.

La signature de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine est l’une des étapes les plus importantes des relations entre le Canada et l’Ukraine. Sous la direction du premier ministre Harper, le Canada est devenu le premier pays occidental à signer un accord de libre-échange avec l’Ukraine, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de collaboration commerciale et économique entre nos deux pays.

Cet accord historique a renforcé les liens économiques entre nos deux pays, ouvrant la voie à la progression des entreprises canadiennes sur le marché ukrainien et à l’accès des exportateurs ukrainiens aux marchés canadiens.

Par ailleurs, cet accord modernisé fait fond sur la version de 2017, qui comprenait 11 chapitres nouveaux ou mis à jour. Ces chapitres portaient sur différents domaines, dont les règles d’origine et procédures d’origine, les marchés publics, la politique de concurrence, le commerce électronique, le travail et plus encore. Cette évolution substantielle par rapport à l’accord d’origine est une preuve de l’engagement à approfondir la coopération économique et à promouvoir une croissance mutuelle.

Un véritable accord de libre-échange avec le Canada est essentiel au développement et à la prospérité économiques de l’Ukraine. Le Canada contribue activement à la croissance et la stabilité économiques de l’Ukraine en offrant à ses entreprises un accès à de nouveaux marchés et à de nouvelles possibilités d’investissement et de transfert technologique.

Par ailleurs, l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine symbolise la détermination inébranlable du Canada à soutenir la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine face à cette agression de l’extérieur.

Les échanges commerciaux entre le Canada et l’Ukraine sont considérables. En 2022, nos échanges bilatéraux ont atteint la somme considérable de 420 millions de dollars. Plus précisément, des biens d’une valeur de 150 millions de dollars ont été exportés du Canada vers l’Ukraine et des biens d’une valeur de 270 millions dollars, de l’Ukraine vers le Canada. Cet accord commercial a été structuré de manière à faciliter une expansion graduelle à l’avantage des deux parties.

Même si l’accord d’origine était axé sur des biens matériels comme des véhicules et des fruits de mer, il a depuis été élargi afin d’inclure des services, reflétant ainsi son caractère de plus en plus exhaustif. Nous sommes heureux de constater qu’il s’élargit davantage. La hausse des exportations vers l’Ukraine, excluant le charbon, souligne les avantages mutuels du libre-échange pour nos deux pays.

Toutefois, alors que nous réaffirmons notre soutien indéfectible à l’Ukraine et aux accords de libre-échange, il est essentiel de soulever une préoccupation importante : l’inclusion d’une taxe sur le carbone dans cet accord commercial. Nous devrions nous concentrer à fournir à l’Ukraine le soutien vital dont elle a besoin pour se défendre, se reconstruire et prospérer, ce qui signifie lui fournir les carburants dont elle a besoin pour survivre.

Chers collègues, sans un soutien adéquat de la part de ses alliés, sous la forme d’armes, l’Ukraine libre et démocratique cessera d’exister. Voilà la réalité.

Nous avons toujours demandé l’octroi d’une aide militaire accrue à l’Ukraine, notamment la fourniture d’armes défensives meurtrières, afin de renforcer sa capacité à repousser les menaces extérieures.

Le président Zelenski a exprimé sans équivoque le besoin urgent d’armes de l’Ukraine et il a souligné l’importance cruciale d’une telle assistance pour contrer l’agression russe.

Les Ukrainiens luttent pour leur survie. Nombreux sont ceux qui considèrent que l’inclusion dans l’accord d’un libellé relatif à la taxe sur le carbone est totalement inappropriée dans ces circonstances. Or, le gouvernement ne peut tout simplement pas résister à la tentation d’adopter une approche moralisatrice. M. Trudeau n’arrive même pas à obtenir un vaste appui pour la taxe sur le carbone à l’intérieur de ses propres frontières. C’est déconcertant et contre-productif, et cela n’a pas sa place dans un accord international de libre-échange avec un allié qui se bat pour son existence.

L’Ukraine a besoin d’armes, de matériel militaire et d’aide financière. Les discours précédents du président Zelenski ont souligné le besoin urgent d’aide pour combattre l’agression russe et stabiliser la région. Ce n’est pas le moment d’imposer à l’Ukraine des mesures superflues comme la tarification du carbone, mais bien de montrer notre solidarité et de lui offrir l’aide dont elle a impérativement besoin.

(1720)

Alors que d’autres pays fournissent des F-16, nous fournissons très peu d’armement létal. Pourtant, plus de 80 000 roquettes CRV7 déclassées se trouvant dans un entrepôt en Saskatchewan pourraient être mises à la disposition de l’Ukraine. En fait, le gouvernement est sur le point de payer des millions de dollars pour leur élimination, mais nous savons que les représentants ukrainiens voudraient les avoir. Chers collègues, chacune de ces roquettes CRV7 utilisables devrait être envoyée en Ukraine sans retard bureaucratique. Voilà le genre d’action qui peut changer le cours d’une guerre, pas la tarification du carbone.

Nous savons aussi que la Russie a essentiellement militarisé le secteur de l’énergie. De nombreux pays — une région entière, en fait — dépendent de la Russie pour combler leurs besoins en énergie. Malheureusement, acheter de l’énergie à la Russie revient à financer indirectement la poursuite des opérations russes en Ukraine.

Le Canada a la capacité d’être un chef de fils mondial dans le domaine de l’énergie, y compris le gaz naturel liquéfié, mais notre gouvernement s’y oppose pour des motifs idéologiques. Nous avons des réserves immenses de gaz naturel et de charbon. Nous avons la capacité; il nous manque seulement le leadership.

Lorsqu’on lui a parlé, hier, de la possibilité que le Canada alimente la région en énergie, le président de la Chambre de commerce Canada-Ukraine, Zenon Potichny, a déclaré ce qui suit au Comité des affaires étrangères :

Au Canada, on a raté cette occasion. Ces dernières années, pendant la guerre, les Américains ont vendu beaucoup de gaz naturel liquéfié à l’Ukraine et à d’autres pays européens. Les pays européens essaient évidemment de ne pas s’approvisionner auprès de la Russie. [...] De nombreux pays refusent totalement d’acheter du gaz à la Russie, mais ils doivent le remplacer par quelque chose. Le gaz naturel liquéfié représentait une occasion très favorable, et les États-Unis en ont grandement profité. Malheureusement, le Canada n’était pas prêt. Si nous attendons encore quelques années, nous risquons de laisser passer complètement l’occasion [...]

Chers collègues, nos alliées ont besoin d’énergie et d’armement adéquat. Ils n’ont pas besoin de nombrilisme et d’étalage de vertu. Tout le processus est empreint de malhonnêteté intellectuelle.

Lorsque j’ai demandé aux fonctionnaires chargés du commerce international combien d’autres accords commerciaux contenaient des dispositions relatives à une taxe sur le carbone, ils m’ont répondu qu’il n’y en avait aucun. Ce matin, lors de la réunion du Comité des affaires étrangères, lorsqu’on a demandé à deux reprises à la ministre Ng si c’était le gouvernement du Canada ou celui de l’Ukraine qui avait pris l’initiative et insisté sur l’inclusion de la tarification du carbone dans l’accord, elle a refusé de répondre chaque fois. Le fait d’insister maintenant, en période de guerre et de vulnérabilité, est tout à fait inapproprié, à mon avis. C’est un geste désespéré de la part d’un gouvernement sur le point de s’effondrer complètement.

Il aurait dû être facile de signer et d’adopter cet accord, qui aurait pu simplement symboliser notre collaboration et notre engagement économiques, ainsi que la détermination inébranlable du Canada à défendre la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine dans le contexte de l’agression russe. Il aurait pu, et aurait dû, être l’occasion de promouvoir et de célébrer notre partenariat, un point c’est tout. Malheureusement, le gouvernement Trudeau n’a pas pu s’empêcher de compliquer les choses.

Chers collègues, il est impératif de souligner que les conservateurs soutiennent l’Ukraine avec conviction et fermeté. Nous soutenons sans réserve les accords de libre-échange, et nous savons qu’ils jouent un rôle essentiel dans la promotion de la croissance économique et de la coopération entre les nations. Unissons-nous en solidarité avec l’Ukraine; défendons sa cause et aspirons à un avenir placé sous le signe de la paix, de la prospérité et de la collaboration.

Le Parti conservateur reste résolument engagé aux côtés de l’Ukraine, dont il défend fermement la souveraineté et la prospérité. Nous sommes résolument du côté de l’Ukraine, tout comme nous défendons les principes du libre-échange. Écartons cette distraction insensée, et veillons plutôt à ce que l’Ukraine obtienne l’arsenal et le matériel militaire dont elle a désespérément besoin. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente : Sénateur MacDonald, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur MacDonald : Bien sûr.

L’honorable Ratna Omidvar : Sénateur MacDonald, j’ai écouté votre discours avec beaucoup d’intérêt. Il me semblait que vous vous apprêtiez à soutenir cet accord de libre-échange, mais, bien sûr, vous vous êtes mis à parler de malhonnêteté intellectuelle.

Vous dites que ce n’est pas la même chose d’imposer à l’Ukraine une tarification du carbone. Vous savez, n’est-ce pas, que l’Ukraine a instauré un système de tarification du carbone en 2011? Comment peut-il être un fardeau pour ce pays, alors qu’il en a un depuis bien plus longtemps que nous?

Une voix : Demandez-lui de comparer la tarification du carbone des deux pays.

Le sénateur MacDonald : Tout d’abord, je pense que vous devez comparer le prix du carbone entre… excusez-moi?

Son Honneur la Présidente : Sénateur MacDonald, vous avez la parole.

Le sénateur MacDonald : Pourriez-vous répéter la question, s’il vous plaît?

La sénatrice Omidvar : Je vous demande si vous savez que l’Ukraine a instauré un système de tarification du carbone en 2011. Comment cet accord pourrait-il être un fardeau pour l’Ukraine si, en réalité, elle a un tel système depuis bien plus longtemps que nous?

Le sénateur MacDonald : Je sais qu’il y a une entente sur le carbone, mais l’argument que je veux faire valoir, c’est que, à ce stade-ci de son histoire, ce dont l’Ukraine a besoin, ce sont des armes. Comment peut-on même envisager de négocier cela alors que l’Ukraine se retrouve aujourd’hui dans cette situation, qu’elle se bat pour survivre? Il existe toutes sortes d’accords de libre‑échange. Nous n’avons pas parlé d’un seul autre gouvernement avec qui nous avons un accord de libre-échange. L’Ukraine n’a pas besoin de s’occuper de ce genre de discussion lorsqu’elle a besoin de soutien militaire, et c’est sur quoi nous devrions nous concentrer.

La sénatrice Omidvar : De ce côté-ci de la Chambre — parce qu’on siège près de moi —, on dénonce un étalage de vertu. Vous avez même parlé de malhonnêteté intellectuelle.

De mon point de vue, ce que votre parti est en train de présenter comme une objection à un accord de libre-échange dont l’Ukraine a cruellement besoin relève plutôt de la malhonnêteté politique. Êtes‑vous d’accord avec moi?

Le sénateur MacDonald : Évidemment, je suis en désaccord avec vous. C’est pourquoi je suis assis de ce côté-ci de la Chambre.

L’honorable Denise Batters : Le sénateur MacDonald accepterait-il de répondre à une autre question? Je crois comprendre qu’aujourd’hui, au Comité des affaires étrangères, il y a eu une question au sujet du montant de la taxe sur le carbone imposée à l’Ukraine. Je crois comprendre qu’il s’agit de montants minuscules, mais personne ne semble connaître la réponse. Je sais que ni la ministre ni les hauts fonctionnaires n’étaient en mesure de fournir une réponse ce matin, mais les fonctionnaires se sont engagés à revenir avec une réponse. Avez-vous déjà obtenu une réponse?

Le sénateur MacDonald : Non, sénatrice Batters. Quand on a posé la question à la ministre, elle n’avait pas la réponse. Elle s’en est remise aux fonctionnaires qui étaient présents, mais ils n’avaient pas la réponse eux non plus. Ils nous ont assuré qu’ils nous reviendraient avec une réponse en temps et lieu.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je n’avais pas l’intention de m’exprimer sur ce sujet avant d’assister à une réunion plus tôt aujourd’hui. Je serai donc bref. Je tiens à féliciter le sénateur Harder pour son discours fascinant. Il y a des sénateurs qui devraient s’attarder à la longueur de son discours et ajuster le leur en conséquence, mais ce sera pour un autre jour, sénateur Gold. Le sénateur Gold et moi en prenons bonne note.

De toute façon, je pense qu’il faut que j’expose certains faits, et je vous promets d’être bref. Je tiens à exposer certains faits concernant l’engagement du gouvernement Trudeau à l’égard de l’Ukraine.

Permettez-moi de commencer par citer l’Edmonton Sun, qui rapporte le bilan du gouvernement en ce qui concerne l’Ukraine : « Trudeau a, une fois de plus, trop promis et pas assez fait. »

Dans le cas de l’Ukraine, comme dans tous les autres dossiers, les libéraux se pressent de faire des annonces, mettent un temps fou à agir, et échouent à livrer la marchandise. Justin Trudeau ne joint pas le geste à la parole en ce qui concerne l’Ukraine. Il annonce la livraison de toute sorte d’équipement d’une valeur de centaines de millions de dollars, mais ses annonces ne se concrétisent pas.

Selon des données gouvernementales compilées par Le Devoir, près de 60 % de l’aide militaire promise par M. Trudeau à l’Ukraine depuis l’invasion de la Russie le 24 février 2022 — soit 1,4 milliard de dollars sur 2,4 milliards de dollars — n’a pas encore été versée. L’aide comprend un système de missiles sol-air d’une valeur de 406 millions de dollars que le gouvernement Trudeau a annoncée en grande pompe il y a plus d’un an. Cela comprend également les 35 caméras haute résolution pour drones, d’une valeur de 76 millions, qui ont fait l’objet d’une annonce d’aide par le gouvernement fédéral à la fin de l’été dernier; des armes légères et des munitions d’une valeur de 60 millions de dollars; des vêtements d’hiver d’une valeur de 25 millions de dollars... Nous sommes pratiquement en été. Le gouvernement avait promis des vêtements d’hiver en octobre dernier; des véhicules blindés; de l’artillerie et des systèmes de communication par satellite.

(1730)

Cela fait plus de deux ans que l’Ukraine demande au Canada et à nos alliés un soutien militaire supplémentaire, notamment des obus d’artillerie et des roquettes.

Les conservateurs ont demandé au gouvernement d’augmenter la production de munitions essentielle, comme les obus d’artillerie de 155 millimètres, et de remplacer toutes les armes données à l’Ukraine, de sorte que les Forces armées canadiennes puissent protéger les Canadiens et être un partenaire fiable pour nos alliés. Le gouvernement Trudeau n’a signé aucun contrat visant à augmenter la production d’obus d’artillerie. En fait, lorsqu’on leur a posé la question l’automne dernier, les représentants du gouvernement ont confirmé que le gouvernement Trudeau n’avait pas augmenté la production au Canada d’un seul obus, et ce, bien que le chef des Forces armées canadiennes ait confirmé que nous ne disposions que de trois jours d’obus pour notre défense et que nos alliés ukrainiens continuent d’avoir besoin d’obus.

Au début du mois, à la demande de l’Ukraine, le chef conservateur Pierre Poilievre a demandé au gouvernement de faire don à l’Ukraine de 83 000 roquettes des Forces armées canadiennes; le sénateur MacDonald en a déjà parlé. Ces roquettes ont été demandées par les forces armées ukrainiennes en novembre 2023. Comme le sénateur MacDonald l’a dit, les Forces armées canadiennes prévoient s’en débarrasser. Le gouvernement Trudeau ne s’est même pas engagé à livrer ces roquettes dont l’Ukraine a désespérément besoin.

Écoutez bien cela. L’Ukraine a dit qu’elle viendrait les chercher, que nous n’aurions pas à les livrer. Le problème, c’est qu’on ne peut pas les expédier à partir de Montréal; tous les conteneurs sont pleins de voitures volées, alors on ne peut pas les utiliser pour expédier des roquettes. Ce n’est qu’une hypothèse, mais je pense qu’elle est relativement bien fondée, compte tenu du nombre de voitures qui sont volées au Canada, notamment à Montréal.

Permettez-moi de citer Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal :

Tous ces retards ont nécessairement d’énormes conséquences sur la sécurité des Ukrainiens et exacerbent les pénuries d’armes et de munitions qu’ils vivent actuellement [...]

Il poursuit ainsi :

Il est évident que le discours du gouvernement sur le fait que l’Ukraine peut compter sur le soutien durable du Canada ne correspond pas à la réalité, ce qui a eu un effet sur le champ de bataille et sur l’image que nos alliés ont du Canada, des alliés qui ont de plus en plus l’impression que cette guerre nous laisse indifférents et, surtout, que nous sommes peu fiables.

Le Canada a fait des promesses sans coordonner les efforts des ministères et des organismes concernés et sans connaître les capacités de production et de livraison de son industrie militaire.

Dans un livre lancé il y a quelques semaines sur le Canada et la guerre en Ukraine, les auteurs montrent clairement que le Canada mène une campagne d’image où la volonté de parader la feuille d’érable prime sur toute autre considération, y compris le sort de l’Ukraine.

Lorsque toute l’aide, y compris les prêts, est calculée, le Canada se classe au 31e rang sur 39 pays en ce qui concerne l’aide directe versée à l’Ukraine par rapport au PIB. Nous sommes au même niveau que le Portugal. Comme je l’ai dit, c’est une approche de grand parleur.

Examinons le reste du bilan des libéraux. Initialement, le président Zelenski a demandé au Canada de ne pas fournir une turbine à la Russie, qui s’en servirait pour alimenter et financer sa machine de guerre. Le gouvernement libéral a envoyé la turbine. Justin Trudeau a permis au Canada de fournir des détonateurs pour les mines terrestres qui sont utilisées contre les Ukrainiens.

Les Ukrainiens ont demandé au Canada de leur fournir du gaz naturel liquéfié pour remplacer le carburant russe qu’ils utilisaient, et les libéraux ont refusé. Au lieu de cela, les libéraux ont décidé d’inclure une taxe sur le carbone dans l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine.

La valeur des actifs russes bloqués est estimée à au moins 320 milliards de dollars. Étant donné qu’il n’y a aucune perspective raisonnable que la Russie verse une compensation à l’Ukraine dans un avenir proche et que l’Ukraine a besoin d’une aide financière à court et à long terme, la confiscation des avoirs russes devient la seule option juste et viable, surtout si l’on considère qu’il faudra jusqu’à 1 000 milliards de dollars pour que l’Ukraine se remette sur pied complètement. Justin Trudeau ne fait rien sur ce front. Nous savons également qu’il a mis le président ukrainien dans l’embarras en invitant un nazi à une importante visite d’État.

L’Ukraine applique une taxe sur le carbone depuis 2011 — sénatrice Omidvar, nous en sommes conscients. Elle en a besoin pour faire un jour partie de l’Union européenne. Jusqu’à présent, aucun autre accord commercial n’a fait mention du mécanisme de tarification du carbone, et l’accord actuellement en place avec l’Ukraine n’en fait aucunement mention. Pourquoi Justin Trudeau est-il obsédé par cette taxe sur le carbone au point de vouloir l’inclure dans un accord avec un allié en guerre? Pourquoi Justin Trudeau pense-t-il que l’Ukraine a davantage besoin d’une taxe sur le carbone que de munitions?

Parlant d’obsessions du gouvernement Trudeau qui n’ont rien à voir avec les besoins des Ukrainiens, que dites-vous de cette annonce de 4 millions de dollars pour « [...] la création d’un groupe de travail sur l’égalité des sexes et la diversité afin de promouvoir une action antimines transformatrice en matière de genre en Ukraine »? Car, bien entendu, un pays en guerre a besoin d’une action antimines transformatrice en matière de genre et non de munitions.

Je suis également persuadé que ces courageux soldats ukrainiens sur la ligne de front seront réconfortés d’apprendre que le Canada donne de l’argent pour étudier « [...] les questions de disparité entre les sexes dans les médias ukrainiens ». C’est à se demander pourquoi Churchill n’a jamais songé à demander ce genre d’aide lorsque Londres était bombardée, en 1941.

Pour Justin Trudeau et Chrystia Freeland, l’Ukraine n’est qu’une occasion de plus de faire étalage de vertu, d’organiser des séances photos, d’épater la galerie, de prétendre s’en soucier et de faire des promesses creuses. J’ai des nouvelles pour vous, chers collègues : cela ne fonctionne plus. Les Canadiens et le reste de la planète comprennent maintenant cette simple vérité : Justin Trudeau n’est pas un premier ministre sérieux. Il n’en vaut pas le coût.

Les conservateurs ont toujours appuyé et vont continuer d’appuyer l’Ukraine dans son combat visant à protéger son intégrité territoriale contre l’invasion illégale par la Russie et Vladimir Poutine. Dès que nous serons au pouvoir, nous allons livrer les munitions et les armes dont les Ukrainiens ont besoin pour défendre leur souveraineté contre l’agression russe, et nous allons le faire sans qu’il soit question de la taxe sur le carbone, une taxe que nous allons abolir lorsque nous formerons le gouvernement.

Le sénateur Gold fait de la désinformation au sujet de ce projet de loi en prétendant qu’il est urgent de l’adopter.

Le gouvernement a choisi de fixer la date d’entrée en vigueur du projet de loi C-57 comme bon lui semblait. Chers collègues, nous pourrions adopter ce projet de loi aujourd’hui et il n’entrerait pas en vigueur à la sanction royale. L’adoption de ce projet de loi aujourd’hui ne servira donc à rien.

En fait, le gouvernement lui-même à l’autre endroit, sénateur Gold, n’est pas pressé d’adopter le projet de loi. Le 14 décembre, nous avons offert d’adopter le projet de loi à la Chambre des communes. Voici ce que la ministre Gould, la leader du gouvernement à la Chambre, a dit à nos collègues de la Chambre des communes :

[...] il serait très important que les conservateurs prennent du temps pour réfléchir pendant les Fêtes, et peut-être envisager de changer leur position, car ce serait formidable que la Chambre puisse démontrer à l’Ukraine la solidarité et l’unanimité dont elle a toujours fait preuve envers ce pays. Je vais leur donner le temps et l’espace nécessaires pour mener leurs réflexions [...]

Elle leur a donné sept semaines pour réfléchir, chers collègues. Je pense que nous devrions avoir deux semaines pour réfléchir. C’est raisonnable. C’est moins de la moitié du temps dont la Chambre a eu besoin. Je pense que nous devrions en avoir le droit.

Chers collègues, prenons les deux semaines pour réfléchir à cette question, revenons ici frais et dispos le 19 mars et votons sur ce projet de loi. Les Ukrainiens auront encore besoin d’aide à ce moment-là, et nous pourrons continuer d’offrir de l’aide sans en donner. Merci.

(1740)

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, le Groupe des sénateurs canadiens n’accorde généralement pas la permission d’accélérer le processus d’examen des projets de loi du gouvernement. Aujourd’hui, nous sommes restés silencieux lorsque le sénateur Harder a demandé la permission d’étudier le projet de loi C-57, et ce n’était pas une erreur de notre part, même si la manœuvre du sénateur Harder a été très rapide aujourd’hui. Félicitations.

Ne vous y trompez pas : nous croyons toujours au respect du processus législatif, comme il est décrit dans le Règlement du Sénat. Certains peuvent trouver les périodes de préavis fastidieuses et inefficaces, mais nos prédécesseurs ont mis ces obstacles en place pour ralentir le processus afin de nous donner le temps de réfléchir attentivement et adéquatement.

Le Règlement existe pour que tous les sénateurs aient le temps et la possibilité d’examiner, d’évaluer et de débattre pleinement des mesures législatives, et nous estimons qu’il ne faut jamais prendre à la légère les manœuvres de contournement du processus législatif ni les considérer comme routinières.

Je veux donner un peu de contexte. Le sénateur Plett en a déjà parlé. Le projet de loi C-57 a été présenté à la Chambre des communes le 17 octobre 2023. Il a été renvoyé au comité un mois plus tard, il est revenu à la Chambre des communes avec quelques amendements, puis il a fini par être adopté à l’étape du rapport, le 12 décembre dernier. Au cours de cette période, les partis se sont livrés à de petits jeux politiques.

Pendant ces petits jeux, en novembre et décembre, les sénateurs se sont fait dire à plusieurs reprises que le projet de loi était prioritaire et que nous en serions bientôt saisis. Ensuite, il a cessé d’être prioritaire, puis il l’est redevenu. Nous avons en fin de compte reçu le projet de loi le 6 février 2024.

Cela dit, le Groupe des sénateurs canadiens a décidé que la troisième lecture du projet de loi C-57 devait être considérée comme un cas d’exception, mais ce n’est pas parce que nous prenons une quelconque position sur la nécessité de ce projet de loi; c’est parce que nous refusons de prêter à des petits jeux. Nous ne participerons pas à ce qui se fait ici et à ce qui se fait depuis des mois.

Nous ne parlons pas d’un parti en particulier. Ce ne sont pas les coupables qui manquent. Le sénateur Plett a parlé de démagogie. Beaucoup de gens ont fait de la démagogie et utilisent le projet de loi à leurs propres fins. Les beaux discours que nous ne cessons d’entendre sur le projet de loi ne portent plus sur ses vertus et ses défauts. Le projet de loi est maintenant utilisé comme objet de partisanerie politique dans un grand jeu qui se déroulera probablement à l’automne 2025 sous la forme d’une élection.

Le projet de loi a toujours été axé sur une chose, à savoir l’importance de la relation entre le Canada et l’Ukraine. Tandis que l’Ukraine se bat pour son existence même en tant que pays moderne et démocratique, elle a besoin du soutien et du respect du Canada. Ce message s’est perdu en cours de route, ce qui est vraiment regrettable.

Rétablissons le message. Le Groupe des sénateurs canadiens demandera un vote par appel nominal sur le projet de loi et nous verrons qui est solidaire de l’Ukraine et qui ne l’est pas. Traitons cette nation courageuse avec le respect qu’elle mérite. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent. Je vois deux sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Conformément à l’article 9-10 du Règlement, le vote est reporté à la prochaine séance, à 17 h 30, et la sonnerie retentira à compter de 17 h 15.

Projet de loi sur la reconnaissance de la Nation haïda

Deuxième lecture—Débat

L’honorable Margo Greenwood propose que le projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda, soit lu pour la deuxième fois.

 —Tansi, honorables sénateurs.

Je tiens d’abord à dire que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé des peuples anishinabes. Je suis heureuse de pouvoir habiter et travailler sur ce territoire. C’est pour moi un honneur de prendre la parole en tant que marraine du projet de loi S-16, Loi sur la reconnaissance de la Nation haïda, à l’étape de la deuxième lecture.

Honorables sénateurs, si nous discutons aujourd’hui de ce projet de loi, c’est grâce à l’incroyable persévérance du peuple haïda. Nous sommes ici grâce à son leadership et à sa vision de la gouvernance et de l’autodétermination.

Le projet de loi, codéveloppé avec la Nation haïda, a deux objectifs principaux très importants : affirmer la reconnaissance par le gouvernement du Canada de la Nation haïda en tant que titulaire de droits inhérents à la gouvernance et à l’autodétermination et, deuxièmement, reconnaître le Conseil de la Nation haïda en tant gouvernement de la Nation haïda.

Haida Gwaii est un groupe de plus de 200 magnifiques îles situé à 100 kilomètres à l’ouest de la côte Nord de la Colombie-Britannique. C’est là que se trouve le territoire de la Nation haïda. Dans la langue haïda, Haida Gwaii signifie « les îles du peuple ». Je me suis rendue là-bas, j’ai foulé leur littoral et j’ai écouté leurs histoires, des histoires qui parlent du corbeau qui a fait jaillir Haida Gwaii de l’eau et qui a encouragé le peuple haïda à sortir de son coquillage pour venir le rejoindre sur ce magnifique territoire naissant.

Ces histoires témoignent de la relation profonde qui existe entre les Haïdas et les terres et les eaux qui constituent leur territoire depuis des temps immémoriaux. Leur langue, leurs histoires, leurs lois et protocoles, leur savoir et leur façon d’être reflètent cette unité.

Il y a cinquante ans, en 1974, le Conseil de la nation haïda a été créé en tant que gouvernement national avec pour objectif d’organiser le peuple haïda en une seule entité politique. En 2003, la constitution de la Nation haïda a été adoptée. Elle décrit le mandat du Conseil de la nation haïda, y compris ses relations avec les autres gouvernements sur les questions relatives aux titres et aux droits des Haïdas.

Le président de la nation haïda, Gaagwiis Jason Alsop, a dit que, il y a 50 ans, la nation haïda :

[…] a formé son propre gouvernement national, le Conseil de la nation haïda. Nous n’avons pas attendu que le Canada, la Colombie-Britannique ou qui que ce soit d’autre nous donne les moyens d’agir ou vienne nous dire comment faire les choses. Notre peuple a reconnu son droit inhérent à gouverner ses terres et ses eaux d’une bonne manière, à les gérer et à parler au nom des êtres humains et surnaturels. Nous reconnaissons aussi que nous devons assumer notre responsabilité inhérente de prendre soin de notre territoire.

(1750)

Cependant, le président Gaagwiis a également déclaré que :

L’un des obstacles au règlement de nos différends avec la Colombie-Britannique et le Canada a été l’absence de reconnaissance officielle du Conseil de la nation haïda en tant qu’organe directeur de la nation haïda, de notre titre ainsi que de nos droits inhérents à Haida Gwaii.

Aujourd’hui, les sénateurs font un pas important vers l’élimination de cet obstacle. La démarche de reconnaissance et d’autodétermination du peuple haïda s’appuie sur des années de discussions intergouvernementales fructueuses entre la nation haïda, la Colombie-Britannique et le Canada.

Un moment clé de ce parcours a eu lieu en août 2021, lorsque la nation haïda, la Colombie-Britannique et le Canada ont conclu le cadre de réconciliation GayGahlda « Changing Tide », qui signifie « marée changeante ». L’objectif général du cadre est de faire progresser le travail collectif sur les priorités définies par la nation haïda.

Cet accord historique est fondé sur la reconnaissance du titre et des droits inhérents de la nation haïda à l’égard de la zone terrestre de Haida Gwaii, y compris le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.

Le cadre « Changing Tide » de GayGahlda définit une approche progressive pour la négociation d’accords de réconciliation juridiquement contraignants. Il comprend des principes directeurs, des thèmes prioritaires et un programme de négociation à long terme.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est le résultat direct des efforts de collaboration déployés dans le cadre du projet « Changing Tide » de GayGahlda.

Il s’agit d’un élément important pour défaire l’approche et les politiques coloniales du Canada, et d’un pas vers la réconciliation, un terme que les Haïdas définissent comme « des gens qui travaillent ensemble pour réparer les dégâts ».

Le projet de loi s’appuie sur les priorités et les aspirations de la nation haïda. Il s’agit d’une étape importante dans un processus partagé de recherche d’un terrain d’entente pour bâtir un avenir meilleur fondé sur la reconnaissance de la gouvernance et de l’autodétermination des Haïdas.

Plus précisément, en juillet 2023, la nation haïda, la Colombie-Britannique et le Canada ont signé l’Entente de reconnaissance de Nang K̲’uula Nang K̲’úulaas. Il s’agit de la première entente tripartite juridiquement contraignante conclue par les parties au titre de l’entente-cadre GayGahlda « Changing Tide ».

L’une des principales caractéristiques de cette entente, c’est que le Canada et la Colombie-Britannique reconnaissent le Conseil de la nation haïda comme le corps dirigeant de la nation haïda. La prochaine étape consistera pour le Canada à élaborer une loi fédérale afin de mettre en œuvre l’entente dans son intégralité. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui.

L’année dernière, la Colombie-Britannique a adopté le projet de loi 18, la composante provinciale de la loi habilitante. Le projet de loi qui nous est soumis est le pendant législatif du Canada.

Si ce projet de loi est adopté par le Parlement, il confirmera que les gouvernements fédéral et provincial reconnaissent légalement la nation haïda comme détentrice de droits inhérents à la gouvernance et à l’autodétermination. En outre, il reconnaîtrait que le Conseil de la nation haïda est autorisé, conformément à la Constitution de la nation haïda, à exercer ces droits et à prendre des décisions en conséquence.

Le projet de loi jette les bases de nouvelles mesures à prendre ensemble, de gouvernement à gouvernement, de sorte à s’acquitter de ses responsabilités et à ouvrir la voie à un avenir meilleur. Il met la table pour de futurs accords de réconciliation entre la nation haïda et les gouvernements fédéral et provincial. Le projet de loi façonnera les relations du Canada avec la nation haïda pour les générations à venir.

La reconnaissance de la gouvernance et de l’autodétermination des Haïdas n’a que trop tardé, et le projet de loi qui nous est soumis mérite notre soutien total et inconditionnel.

Le projet de loi s’inscrit également dans le cadre de l’engagement plus large du Canada à soutenir les processus menés par les Autochtones pour construire et reconstituer les nations historiques et faire progresser la réconciliation. Le projet de loi s’inscrit dans le cadre de l’engagement du gouvernement fédéral à travailler avec les partenaires autochtones pour rétablir les relations de nation à nation, pour mettre en œuvre leur droit inhérent à l’autodétermination et pour soutenir les communautés dans leur démarche vers l’autonomie gouvernementale.

Il s’agit également d’un élément important de la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. La Déclaration reconnaît que toutes les relations avec les peuples autochtones doivent être fondées sur la  reconnaissance et la mise en œuvre du droit inhérent à l’autodétermination, y compris le droit à l’autonomie gouvernementale.

L’entente-cadre GayGahlda « Changing Tide » reconnaît aussi l’importance de la déclaration dans le travail avec les gouvernements fédéral et provincial. À l’article 3.18, on peut lire :

La présente entente, les ententes subséquentes et leur négociation respecteront les normes et protégeront tous les droits de la nation haïda tels que reconnus dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La loi sur la déclaration des Nations unies engage le gouvernement fédéral à prendre des mesures efficaces, y compris des mesures législatives, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, pour atteindre les objectifs de la déclaration des Nations unies.

Ce que nous avons devant nous, chers collègues, c’est une mesure législative qui atteint les objectifs de la déclaration des Nations unies et du cadre GayGahlda « Changing Tide » de la nation haïda. Ce projet de loi n’est pas important que pour la nation haïda et les Britanno-Colombiens, mais pour tous les Canadiens. Il marque une période charnière dans l’histoire du Canada. En reconnaissant que le Conseil de la nation haïda est l’organisme qui régit cette nation et son droit inhérent à la gouvernance et à l’autodétermination, nous nous rapprochons du pays auquel nous aspirons : un pays qui repose sur le respect, la réconciliation et l’équité.

J’espère pouvoir compter sur votre appui pour que nous puissions faire en sorte que cette reconnaissance fondamentale ait lieu. Je vous remercie de vous joindre à moi pour appuyer ce projet de loi. Háw’aa. Merci. Hiy hiy.

[Français]

La sanction royale

Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 29 février 2024

Madame la Présidente,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 29 février 2024 à 17 h 38.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.

Secrétaire du gouverneur général,

Ken MacKillop

L’honorable

La Présidente du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 29 février 2024 :

Loi portant fusion de La Corporation Épiscopale Catholique Romaine d’Ottawa et de la Roman Catholic Episcopal Corporation for the Diocese of Alexandria-Cornwall, in Ontario, Canada (projet de loi S-1001)

Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir) (projet de loi C-62, chapitre 1, 2024)

(1800)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, heure à laquelle nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 19 mars 2024, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur la reconnaissance de la Nation haïda

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Greenwood, appuyée par l’honorable sénateur Ravalia, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda.

Les lois reconnaissant le droit inhérent des peuples autochtones à la gouvernance et à l’autodétermination n’ont pas seulement une importance juridique ou politique : elles relèvent d’un impératif moral qui va droit au cœur de la justice, de l’égalité et de la préservation des cultures autochtones.

Une loi qui reconnaît et protège le droit inhérent à l’autodétermination n’est pas qu’un simple geste de bonne volonté. Il s’agit d’une étape essentielle pour réparer les injustices historiques et façonner une société qui valorise la diversité, l’inclusion et l’égalité. Quand les communautés autochtones se voient accorder l’autonomie nécessaire pour gérer leurs propres affaires, non seulement leur identité distincte est respectée, mais elles ont aussi les moyens de relever les défis qui leur sont propres.

En reconnaissant l’autodétermination des peuples autochtones, nous affirmons leur droit de façonner leur paysage économique, social et politique selon des modalités conformes à leurs traditions et à leurs valeurs. Cette reconnaissance n’est pas une menace pour la société dans son ensemble; c’est plutôt une occasion d’enrichir notre compréhension collective de la gouvernance en nous ouvrant à différents modèles qui ont soutenu les cultures autochtones pendant des générations.

Ajoutons qu’une loi qui soutient l’autodétermination autochtone, c’est une étape cruciale vers la réconciliation. C’est une façon de reconnaître qu’il faut réparer les erreurs du passé, favoriser la guérison et bâtir un avenir dans lequel tous les membres de la société pourront s’épanouir ensemble.

Le projet de loi S-16 s’inscrit exactement dans ce genre de projet de loi, à l’instar d’autres mesures législatives semblables qui ont été adoptées dans ma province, la Colombie-Britannique, comme l’a si bien expliqué la sénatrice Greenwood.

La Nation haïda possède une histoire riche et complexe. Les Haïdas habitent depuis des millénaires l’archipel Haida Gwaii, que l’on appelait autrefois les îles de la Reine-Charlotte. Leur histoire est étroitement liée à la richesse de l’environnement naturel des îles, où ils jouissaient de ressources abondantes pour assurer leur subsistance et servir leurs pratiques culturelles.

Les Haïdas avaient développé une structure sociale sophistiquée et ils étaient réputés pour avoir un système complexe de classes, qui incluait aussi bien des nobles que des roturiers. Ils étaient reconnus pour leurs arts, notamment pour leurs totems, canots et autres artéfacts élaborés et distinctifs.

Le premier contact entre les Haïdas et les explorateurs européens a eu lieu à la fin du XVIIIe siècle, lorsque les Britanniques et les Espagnols sont arrivés dans la région. Cette rencontre a eu de profondes répercussions sur les Haïdas, car les maladies étrangères et la transformation des échanges commerciaux ont perturbé leur mode de vie traditionnel.

Le commerce de la fourrure, en particulier celui des peaux de loutre de mer, est devenu une part importante de l’économie haïda au XIXe siècle. Durant cette période, les échanges avec les commerçants européens et américains ont augmenté, ce qui a entraîné à la fois des débouchés économiques et des défis culturels.

Au XIXe siècle, l’établissement de colonies européennes et canadiennes a eu un impact important sur la Nation haïda. Les activités des missionnaires, l’imposition des lois européennes et la dépossession des terres ont eu de profondes répercussions sur la culture et la souveraineté haïda. Comme de nombreux peuples autochtones du Canada, les Haïdas ont subi les effets destructeurs du régime des pensionnats autochtones, qui visait à assimiler les enfants autochtones afin qu’ils se fondent dans la culture canado-européenne. Cette politique a entraîné des traumatismes pour les survivants, leurs familles et leurs amis; elle leur a fait perdre leur langue, leur culture et leurs connaissances traditionnelles.

Toutefois, les Haïdas ont tenu bon et, pendant la seconde moitié du XXe siècle, ils ont commencé à revendiquer leurs droits à leurs terres ancestrales et à l’autodétermination, comme l’ont fait de nombreux autres groupes autochtones au Canada. Les négociations sur les revendications territoriales et les batailles juridiques ont abouti à la reconnaissance des titres et des droits des Haïdas.

Aujourd’hui, la Nation haïda participe activement à diverses initiatives économiques, culturelles et environnementales. Elle a réussi à faire reconnaître ses droits et à s’engager dans la cogestion des ressources, et elle continue de travailler à la préservation et à la revitalisation de sa langue et de ses pratiques culturelles.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-16 est une nouvelle étape dans le parcours de la Nation haïda vers l’autonomie gouvernementale et l’autodétermination. Depuis longtemps, la Nation haïda revendique ses droits fonciers et mène des négociations pour régler les griefs historiques liés à la dépossession des terres. Il a fallu une série de négociations et d’ententes avec le gouvernement canadien avant que les Haïdas n’obtiennent gain de cause.

L’affaire Calder est une décision juridique historique rendue en 1973 qui reconnaît les droits territoriaux des Autochtones. L’affaire a été portée par Frank Calder, un dirigeant nisga’a, mais ses retombées se sont fait sentir bien au-delà de la nation nisga’a et ont touché d’autres groupes autochtones, y compris les Haïdas.

Dans les années 1980 et 1990, le Canada a lancé un processus de revendications territoriales globales concernant les droits territoriaux des Autochtones et la négociation de traités. La nation haïda de même que d’autres groupes autochtones ont participé à ce processus, qui a débouché sur la signature de l’accord haïda en 1985.

L’accord haïda a jeté les bases des négociations entre la nation haïda et les gouvernements provincial et fédéral. Cet accord reconnaît le droit des Haïdas de négocier leurs revendications territoriales et leur autonomie gouvernementale. Servant de cadre aux négociations entre la nation haïda et les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique, l’accord énonce les principes et les processus qui guideraient les discussions sur les revendications territoriales et d’autres questions connexes.

L’accord a ouvert la voie à l’examen des revendications territoriales et à la négociation d’un règlement global. Il reconnaît la nécessité d’arriver à une entente juste et équitable qui reconnaît les droits et les titres ancestraux du peuple haïda et souligne l’importance de la consultation et de la coopération entre la nation haïda et les gouvernements sur les questions liées à la gestion des ressources, à l’utilisation des terres et au patrimoine culturel.

L’accord reconnaît l’importance des valeurs culturelles et des traditions haïdas et met l’accent sur la nécessité d’intégrer ces valeurs dans les processus de négociation et de règlement.

Même s’il ne s’agissait pas d’une entente définitive, l’accord haïda affirmait l’engagement de toutes les parties envers le processus d’établissement général des traités au Canada en reconnaissance de la nécessité de remédier aux injustices historiques et de concilier les droits territoriaux des Autochtones dans le cadre des ententes.

L’Entente sur Gwaii Haanas, signée en 1993, est une autre étape importante du processus de revendication territoriale. Elle établissait la gestion coopérative de la partie sud de Haida Gwaii, appelée Gwaii Haanas, par la Nation haïda et le gouvernement fédéral.

(1810)

L’entente instituait un cadre de gestion coopérative unique mettant en valeur la collaboration entre la Nation haïda et le gouvernement du Canada pour la gestion de Gwaii Haanas. L’entente reconnaissait l’importance culturelle et écologique de Gwaii Haanas pour la Nation haïda. Elle reconnaissait l’importance de la région en raison du patrimoine haïda qui s’y trouve, notamment des sites de villages, des totems et d’autres artéfacts culturels.

L’Entente sur Gwaii Haanas comportait des dispositions pour la protection et la conservation des écosystèmes de la région. Elle visait à atteindre un équilibre entre durabilité écologique, valeurs culturelles et utilisation traditionnelle du territoire du peuple haïda.

L’entente créait le conseil de gestion de Gwaii Haanas, avec une représentation égale de la Nation haïda et du gouvernement du Canada. Ce conseil a joué un rôle central dans la prise des décisions qui concernaient la gestion de Gwaii Haanas.

L’entente accordait à la Nation haïda le contrôle de l’accès aux ressources culturelles et de leur utilisation sur le territoire de Gwaii Haanas, ce qui consolidait le rôle de la Nation haïda dans la protection de son patrimoine.

En reconnaissance de l’importance du tourisme dans la région, l’Entente sur Gwaii Haanas abordait les pratiques en matière de tourisme durable et la nécessité de collaborer pour que le tourisme soit responsable et adapté à la culture.

L’Entente sur Gwaii Haanas était le reflet d’un engagement envers la cohabitation et la responsabilité partagée de la gestion de la région. Elle visait à concilier la conservation des ressources naturelles et les besoins culturels et économiques de la Nation haïda.

L’Entente Gwaii Haanas a établi un précédent en matière d’approches collaboratives et novatrices de la gestion des zones protégées, en intégrant les connaissances et les pratiques autochtones dans la gouvernance des paysages culturels et écologiques importants. Elle a contribué aux efforts de réconciliation en cours entre la Nation haïda et le gouvernement du Canada.

En 1993, la Nation haïda et les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique ont signé l’accord définitif de la Nation haïda. Ce règlement global des revendications territoriales aborde la propriété des terres, la gestion des ressources et l’autonomie gouvernementale. Depuis lors, la Nation haïda participe activement à la cogestion des ressources naturelles, à la revitalisation culturelle et aux initiatives visant à renforcer l’autonomie gouvernementale.

Il importe de noter que si l’accord définitif de la Nation haïda représente une étape importante, le cheminement vers la réconciliation et la mise en œuvre de ces accords se poursuivent. La Nation haïda continue de jouer un rôle crucial dans la gestion de ses terres et la préservation de son patrimoine culturel.

Le projet de loi S-16 affirme la reconnaissance, par le gouvernement du Canada, des droits inhérents à la gouvernance et à l’autodétermination de la Nation haïda. Si elle est adoptée, la mesure législative reconnaîtra officiellement le Conseil de la Nation haïda comme le gouvernement de la Nation haïda.

Le projet de loi confirmerait et mettrait en œuvre les engagements du projet de loi 18, Haida Nation Recognition Act, portant sur l’accord conclu en juillet 2023 entre la Nation haïda, le gouvernement du Canada et la Colombie-Britannique.

Le Conseil de la Nation haïda a été constitué en tant que gouvernement national en 1974. La constitution de la Nation haïda a été officiellement adoptée en 2003. Elle charge le conseil de conduire les affaires extérieures de la nation haïda et de gérer les terres et les eaux de Haida Gwaii au nom de la nation haïda. Cela garantit que les relations entre les Haïdas et l’archipel Haida Gwaii sont éternelles.

C’est important, car il y a 50 ans, la nation haïda a formé son propre gouvernement national au sein du Conseil de la Nation haïda. La nation haïda a adopté officiellement sa constitution en 2003, constitution qui confie au conseil, entre autres, les tâches suivantes :

[…] gérer les terres et les eaux des territoires haïdas […] et perpétuer la culture et les langues haïdas pour les générations futures.

Le gouvernement haïda est à l’œuvre depuis un demi-siècle et, grâce au projet de loi S-16, il recevra enfin une reconnaissance officielle de la part du gouvernement fédéral. Cette reconnaissance est à la fois symbolique et importante. Le président du Conseil de la nation haïda, Gaagwiis Jason Alsop, s’est exprimé en ces termes :

La Nation haïda :

[…] n’a pas attendu que le Canada, la Colombie-Britannique ou qui que ce soit d’autre nous donne les moyens d’agir ou nous dise comment nous y prendre. Notre peuple a reconnu son droit inhérent à gouverner ses terres et ses eaux d’une bonne manière, à protéger les êtres vivants et surnaturels et à parler en leur nom, ainsi qu’à assumer sa responsabilité inhérente de prendre soin de notre territoire.

Le projet de loi est simple. Comme je l’ai dit, il vise à reconnaître le Conseil de la nation haïda en tant qu’autorité gouvernante du peuple haïda.

Même s’il est court, le projet de loi a des répercussions énormes sur les gens de Haida Gwaii. Mettre en place un cadre législatif pour reconnaître le droit inhérent des Haïdas à l’autodétermination est un pas en avant pour bâtir une société plus juste et plus équitable où chaque personne est écoutée et respectée, quelles que soient ses origines culturelles.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Greenwood, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

Le décès du très honorable Brian Mulroney, c.p., C.C., G.O.Q.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je déteste être le porteur de mauvaises nouvelles, mais je viens d’apprendre que le Canada a perdu aujourd’hui l’un de ses grands hommes d’État, le dix-huitième premier ministre du Canada, et quelqu’un que je porte au plus profond de mon cœur, à l’instar de tous les Canadiens.

J’ai commencé ma carrière politique en tant que jeune conservateur en 1983, lors d’une convention nationale où j’ai été impressionné par son intégrité, son dynamisme, son engagement envers le public et envers notre pays, son amour pour la province de Québec, d’où il vient, son amour pour notre pays et son amour pour notre parti.

Je suis fier d’avoir travaillé sous sa direction en tant que jeune conservateur. Il a toujours été généreux de son temps alors que je n’étais qu’un jeune adolescent. Sa porte était toujours ouverte. Je me souviens des campagnes électorales de 1984 et de 1988. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un d’aussi généreux et brillant.

Bien entendu, ses réalisations sont nombreuses. Il a été le dix-huitième premier ministre du Canada, élu à la tête du Parti progressiste-conservateur en 1983, et il a servi avec honneur et intégrité en tant que chef de l’opposition. On se souviendra de lui pour le concept du libre-échange. Il a entrepris ce projet et l’a mené à bien contre toute attente, à une époque où ce n’était pas populaire. Il savait que c’était la bonne chose à faire.

Il s’est battu pour la TPS parce qu’il estimait qu’elle contribuerait à assurer la sécurité financière du Canada et il a défendu cette mesure quand elle n’était pas populaire. Je me souviens des rares occasions dans ma vie où j’ai eu le privilège de le côtoyer et où il disait toujours : « Dans la vie publique, on ne fait pas ce qui est populaire; on fait ce qui est juste, et l’histoire nous jugera. » C’est ce qu’il a fait avec le libre-échange, la TPS et l’apartheid. Nous le considérions comme un pionnier, et il a mené cette lutte pendant de nombreuses années.

J’offre mes plus sincères condoléances à sa famille : Mila, Ben, Mark, Nicolas, Caroline. Merci.

(1820)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que je prends la parole pour souligner le décès d’un grand Canadien et passer quelques instants à vous faire part de mes réflexions.

Comme nous l’a rappelé le sénateur Housakos, Brian Mulroney a été l’un des premiers ministres les plus importants de notre histoire. On peut ne pas être d’accord avec ses politiques, mais personne ne peut nier l’effet qu’il a eu sur le Canada et le dévouement avec lequel il a mené sa vie dans le secteur des affaires publiques. Bien qu’elle n’ait pas été couronnée de succès, sa promotion de la revitalisation constitutionnelle est néanmoins tout à fait à son honneur.

Il a commencé sa carrière lorsqu’il était jeune homme et a gravi les échelons de la profession juridique. Mon défunt père et lui ont travaillé ensemble lorsque Brian Mulroney était un jeune avocat. Il faisait partie de son équipe pour le port de Montréal et a facilité — il y a une éternité de cela on dirait — une transformation très importante de ce lieu.

Sur une note personnelle, mon épouse et moi avons eu le privilège de nous rendre avec Mila et Brian dans l’ancienne Union soviétique à l’époque de Mikhaïl Gorbatchev. Nous faisions partie d’une délégation de chefs d’entreprise canadiens qui souhaitaient contribuer à ce que l’on espérait être l’ouverture de la société et des marchés de l’Union soviétique et à un avenir plus libéral et pluraliste pour ses habitants. Une fois de plus, il s’agissait d’un effort inspiré par les meilleures valeurs canadiennes, qui sont incarnées par Brian Mulroney.

À notre retour, d’autres sénateurs auront l’occasion d’ajouter leurs voix, sous une forme ou une autre, pour célébrer sa vie, ses réalisations et ses contributions au Canada.

Au nom de ma famille, qui le connaissait personnellement, et de tous les sénateurs, j’offre mes condoléances à son épouse, Mila, à ses enfants, Caroline, Ben, Nicolas et Mark, ainsi qu’à leurs conjoints. Que son souvenir soit une source de réconfort. Merci.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : C’est avec beaucoup d’émotion que je prends la parole, puisque j’ai eu moi aussi l’occasion de connaître et d’apprécier personnellement le très honorable Brian Mulroney, qui s’est toujours — grand Québécois qu’il était — identifié d’abord et avant tout comme le « petit gars de Baie-Comeau ». Il était un anglophone ouvert aux francophones qui a été toute sa vie un connecteur, un homme qui a su faire des relations entre le Québec et le Canada des relations harmonieuses, respectueuses et compréhensives de l’ensemble des caractéristiques particulières du pays et de chacune des provinces.

Il a aussi été un premier ministre qui a beaucoup privilégié les relations internationales et le commence international. On sait qu’il a été déterminant dans le premier accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, puis dans la conclusion de l’ALENA. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’occasion, à titre de sous-ministre adjointe aux Relations internationales du Québec, de mener différentes missions commerciales en sa compagnie, tout en accompagnant des équipes de négociations québécoises et canadiennes.

Il a toujours été quelqu’un qui comprenait les intérêts de toutes les parties et qui visait à obtenir les meilleures conclusions et à mener les meilleures négociations possibles pour l’ensemble du pays, dans le respect de ses partenaires. On sait que, après ses mandats comme premier ministre, il est devenu et est resté, pour le gouvernement du Canada, un grand négociateur des accords commerciaux et aussi un grand médiateur dans plusieurs dossiers, notamment celui de l’apartheid, un grand dossier de négociation avec l’Afrique du Sud.

Il me revient un beau souvenir — les circonstances sont tristes — où, alors qu’il était à Québec avec le président Reagan et son épouse, il a chanté, sur la scène du Grand Théâtre, When Irish Eyes Are Smiling, parce qu’il a toujours été très fier de ses origines. Il était un homme de diversité et de respect; c’est un grand premier ministre que nous perdons, un grand homme d’État.

J’offre moi aussi à sa famille à ses proches et à tous ceux qui vont le pleurer nos plus sincères condoléances.

[Traduction]

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je tiens à ajouter quelques mots au sujet du grand Brian Mulroney. Depuis que j’ai appris la nouvelle de son décès, je pense à lui. Ce qui ressort, c’est sa vision du libre-échange et la vision de réconciliation qu’il a eue avec l’Accord du lac Meech. Même si ses efforts n’ont pas été couronnés de succès, il s’est efforcé de réconcilier les provinces.

Le partenariat qu’il a établi avec Joe Clark en ce qui concerne l’Afrique du Sud et le travail qu’ils ont accompli ont ébranlé le monde.

Conteur exceptionnel, il faisait un tabac avec ses histoires et ses blagues. Je l’ai vu à l’œuvre à maintes reprises, comme d’autres sénateurs ici présents probablement. C’était un homme merveilleusement drôle et plein d’humour.

C’était un homme attaché à sa famille. Je me souviens qu’au début de notre relation, alors que j’étais un jeune homme, il parlait souvent de sa mère et racontait comment elle le mettait au pas, même lorsqu’il était premier ministre. C’était un fils dévoué.

C’était un mari admirable, le père de quatre enfants merveilleux que nous avons vu grandir et un grand-père. Il n’avait pas son pareil pour raconter des histoires, avec sa voix profonde qu’il modulait au fil des émotions pour nous faire vibrer à son rythme et ainsi nous captiver.

Taryn et moi avons eu la chance de passer du temps avec lui à quelques reprises et de discuter avec lui. Ce fut un véritable plaisir de passer du temps avec lui et Mila, et d’avoir connu une figure emblématique du pays et un grand Canadien. Il nous manquera énormément.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : J’apprends moi aussi avec tristesse le décès du très honorable Brian Mulroney, qui est survenu plus tôt aujourd’hui.

Je n’ai pas très souvent rencontré Brian Mulroney, sauf à quelques occasions au Ritz. Il y avait un bar bien connu dans cet hôtel. C’était un homme chaleureux et souriant.

Nous ne sommes pas de la même génération de juristes, mais quand j’ai commencé ma carrière comme jeune avocat, sa réputation était déjà faite. Il l’avait faite en droit du travail où il avait su démontrer, comme le soulignait le juge Gold, des qualités qui lui ont servi toute sa vie : l’écoute, la médiation et la manière de trouver une voie de passage. Ce sont ces grandes qualités qui ont fait de lui un médiateur reconnu en droit du travail partout au Québec, et surtout dans son bureau chez Ogilvy Renault, où il excellait à régler les conventions collectives les plus difficiles. C’est ce qui lui a même valu d’être nommé président d’Iron Ore en raison de ses qualités remarquables comme gestionnaire.

Ce qui est intéressant, c’est qu’il a gardé ces qualités. Il les a gardées dans sa vie politique; il était toujours l’homme qui cherchait à écouter et à trouver une voie de passage. Comme Québécois, je veux lui rendre hommage pour tous ses efforts en ce qui a trait à l’Accord du lac Meech, qui est peut-être une occasion que nous avons manquée comme pays, mais dans laquelle il a investi considérablement et qui aurait dû réussir. Heureusement, certaines parties de cet accord sont en train d’être mises en place grâce à des jugements de la Cour suprême. Pour moi, c’est une œuvre qui reste et c’est l’une de ses contributions que je n’oublierai jamais.

Je dois dire aussi que lorsqu’il a participé à la négociation de l’accord de libre-échange avec les États-Unis, le Québec était derrière lui, et que j’ai voté moi-même pour lui. C’est un homme qui a eu mon vote plus d’une fois, parce que je trouvais qu’il méritait le soutien des Québécois pour les efforts qu’il a faits pour assurer que les Québécois se sentent à l’aise dans ce pays et pour combattre certaines idées qui étaient parfois excessives en ce qui a trait aux rapports entre les Canadiens français et les Canadiens anglais.

(1830)

Il est impossible pour moi de ne pas souligner tous les efforts qu’il a faits pour combattre l’apartheid, surtout quand on regarde la série sur Nelson Mandela, et pour combattre Margaret Thatcher, qui était opposée à ses idées. À l’occasion de certaines conférences, il a amené les pays du Commonwealth à prendre position fermement et à appliquer un boycottage qui a porté ses fruits plus tard. Il est trop tôt pour en dire plus — je réagis à froid. M. Mulroney mérite un hommage à la hauteur de ses actions, et j’espère que le pays va le lui rendre.

Pour moi, ce soir, c’est un moment très triste. Je vais répéter un passage qui m’a frappé dans le discours que notre collègue la sénatrice Saint-Germain a prononcé plus tôt.

[Traduction]

Ce soir, les yeux irlandais ne sourient plus.

[Français]

Qu’il repose en paix.

[Traduction]

L’honorable Michael L. MacDonald : J’ai rencontré Brian Mulroney pour la première fois en 1976. J’étais un étudiant de 21 ans à l’Université Dalhousie et j’assistais au congrès du Parti progressiste-conservateur à l’hôtel Lord Nelson, à Halifax. Il était candidat à la direction du parti, et j’avais le droit de vote. J’ai écouté cet homme intelligent et incroyablement charmant. Je me souviens qu’il a regardé les gens dans la salle et qu’il a prononcé ces paroles célèbres : « Je vois beaucoup de sénateurs dans la foule. »

J’ai suivi sa campagne à la direction du parti. Je l’ai soutenu lors des congrès de 1976 et de 1983. J’ai travaillé pour son gouvernement de 1984 à 1988. Je me suis porté candidat de son parti en 1988. C’était un politicien incomparable, surtout pour le Parti conservateur. Dès la première fois que je l’ai entendu parler, je me suis dit que c’était lui que nous allions choisir, qu’il allait devenir le premier ministre de notre pays. Il ne nous a pas déçus.

C’est un jour particulièrement triste pour moi et pour tous les Canadiens, sans parler de tous les conservateurs du pays ni de sa famille. Nous n’attendions pas une telle nouvelle aujourd’hui, mais je suppose que cela fait partie de la vie. Nous vieillissons tous. Je tiens simplement à dire que j’ai été fier de le soutenir et que je suis fier de son bilan. Il a offert une bonne gouvernance à notre pays. Il laisse un grand héritage. J’attends avec impatience d’entendre ce qu’on aura à dire à son sujet au cours des prochaines semaines, alors que nous ferons nos adieux à ce grand premier ministre.

Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je vais réserver mes observations. Le sénateur Housakos et le sénateur MacDonald ont fait de l’excellent travail. Je vous remercie de me donner cette possibilité. Je voulais venir pour le moment de silence, et j’aurai d’autres observations à faire plus tard. Je vous remercie.

[Français]

Minute de silence

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous prie de vous lever pour observer une minute de silence en mémoire de feu le très honorable Brian Mulroney.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 18 h 36, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 19 mars 2024, à 14 heures.)

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