Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 234
Le jeudi 31 octobre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- La justice
- L’innovation, les sciences et le développement économique
- Le patrimoine canadien
- La sécurité publique
- L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- Le patrimoine canadien
- La santé
- Les femmes et l’égalité des genres
- Les finances
- L’innovation, les sciences et le développement économique
- L’agriculture et l’agroalimentaire
- La santé
- Dépôt des réponses à une question inscrite au Feuilleton
- L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et les langues officielles—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
- Le logement, l’infrastructure et les collectivités—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
- L’innovation, les sciences et l’industrie—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
- La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
- Les transports—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public
- Le Sénat
- La Loi sur la santé des animaux
- La Loi sur le casier judiciaire
- La Loi sur le droit d’auteur
- La Loi sur le droit d’auteur
- La Loi constitutionnelle de 1867
- La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
- Projet de loi sur l’intégrité du secteur public
- Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
- Affaires étrangères et commerce international
- Le Sénat
- La sanction royale
- L’ajournement
- Le Sénat
- L’honorable Ratna Omidvar, O.C., O.Ont.
LE SÉNAT
Le jeudi 31 octobre 2024
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de Robert Sopuck
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, aujourd’hui, j’aimerais rendre hommage à un cher ami et ancien collègue du caucus conservateur, Robert Sopuck, qui est décédé mercredi dernier.
Robert était un député dévoué qui a servi avec distinction pendant les 41e et 42e législatures. Il représentait la circonscription de Dauphin—Swan River—Neepawa. Bob a été un énorme atout pour l’équipe conservatrice : il a été président du caucus régional du Manitoba, président du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Ukraine et membre du Comité permanent de l’environnement et du développement durable ainsi que du Comité permanent des pêches et des océans.
En 2012, Bob Sopuck a fondé et présidé le caucus conservateur de la chasse et de la pêche, qui servait de plateforme aux députés qui souhaitaient répondre aux préoccupations des agriculteurs, des pêcheurs et des trappeurs, permettant à ces derniers de se faire entendre à l’échelon fédéral afin de veiller à la conservation de l’environnement et au respect des pratiques traditionnelles.
En 2015, Bob a été nommé porte-parole de l’opposition pour la conservation de la faune et Parcs Canada et ministre adjoint du cabinet fantôme pour l’environnement et les changements climatiques. Son expertise en tant que biologiste et sa passion pour le plein air ont été inestimables à l’élaboration de mesures législatives qui offrent un équilibre entre les avantages pour l’environnement et les besoins des collectivités rurales. Ses contributions ont été reconnues sur la scène internationale lorsqu’il a été nommé législateur de l’année hors des États-Unis par le Safari Club International en 2017.
Le leadership dont il a fait preuve en s’opposant au projet de loi C-246, Loi sur la modernisation des mesures de protection des animaux, qui menaçait les pratiques traditionnelles liées à l’utilisation des animaux, témoigne de son dévouement à la préservation des valeurs culturelles et économiques du Canada. Bien que ses réalisations parlementaires soient monumentales, son parcours professionnel est tout aussi impressionnant. Diplômé de l’Université du Manitoba et de l’Université Cornell, il a joué un rôle crucial dans la gestion des pêches, le développement durable, les programmes environnementaux et l’élaboration de politiques agricoles et rurales.
Cela dit, ce que j’aimais le plus chez Robert Sopuck, c’était sa sincérité et sa passion pour le plein air. J’encourage tout le monde à prendre le temps, dans les semaines à venir, de lire certaines de ses chroniques dans le Winnipeg Free Press ou son livre, intitulé A Life Outdoors: Essays on Hunting, Gathering and Country Living in the 21st Century.
Chers collègues, je n’ai pas le temps d’énumérer tous les prix, toutes les expériences et toutes les compétences de Bob, mais je tiens à saluer « l’environnementaliste de droite ». Ce surnom l’a toujours fait sourire fièrement, car cela témoigne des effets indélébiles qu’il a eus sur sa collectivité, sur sa province et sur son pays.
On se souviendra de Robert Sopuck comme d’un défenseur respectable, un dirigeant bien informé et un décideur passionné de plein air et influent. Nos pensées et nos prières accompagnent son épouse, Caroline, ses deux enfants, ses trois petits-enfants et tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître.
Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
Les niveaux d’immigration
L’honorable Amina Gerba : Chers collègues, l’annonce récente par le gouvernement fédéral d’une réduction draconienne du nombre d’immigrants permanents de 100 000 en 2025, ce qui fera passer leur nombre de 500 000 en 2024 à 365 000 en 2027, a suscité de vives inquiétudes dans l’écosystème entrepreneurial de notre pays.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui représente plus de 97 000 petites entreprises au Canada, s’est déclarée préoccupée par cette décision, soulignant que les petites et moyennes entreprises dépendent d’une immigration forte pour combler la pénurie de main-d’œuvre.
François Vincent, vice-président pour le Québec de la FCEI pour le Québec, a affirmé récemment, et je cite :
Il n’y a aucune petite entreprise qui va faire une démarche [...] pour aller chercher un travailleur étranger temporaire pour le plaisir, [elle] va le chercher parce qu’[elle] n’est pas capable de répondre aux besoins dans son marché.
Je peux aussi en témoigner, pour l’avoir expérimenté dans mon ancienne vie d’entrepreneure en faisant venir des travailleurs français, dont un qui est resté au Canada et m’a suivie jusqu’au Sénat.
Pourtant, les petites et moyennes entreprises sont au cœur de notre économie : les PME constituent la majorité des entreprises canadiennes et elles apportent une contribution importante à l’économie. En 2021, le Canada comptait environ 1,2 million de PME, soit 99,8 % de toutes les entreprises employeuses.
La réduction des seuils d’immigration ne doit pas se faire sans évaluer ses effets réels sur nos entreprises et nos communautés, tout en assurant une meilleure coopération entre les différents ordres de gouvernement.
Il est impératif de renforcer les programmes d’immigration économique et d’explorer des solutions pour que les PME canadiennes puissent continuer de prospérer tout en préservant notre engagement en faveur d’une immigration durable et bien intégrée dans notre société.
Je vous remercie de votre attention.
(1410)
[Traduction]
Le décès de la très révérende l’honorable Lois M. Wilson, C.C., O.C., O.Ont.
L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, à l’occasion du Mois de l’histoire des femmes, j’ai le privilège de rendre hommage à la très révérende l’honorable Lois M. Wilson. Elle a servi de modèle à de nombreuses personnes, notamment grâce à sa vigoureuse défense des personnes les plus vulnérables et aux nombreuses occasions où elle a mis en pratique sa foi.
Durant son service funèbre, sa petite-fille Nora a décrit sa grand-mère de la façon suivante.
[...] Elle n’était pas le genre de personne qui cuisinait des biscuits ou tricotait des chandails pour nous. Au lieu de cela, elle exprimait son amour pour nous en nous incitant à longuement réfléchir à des questions sérieuses comme la foi, la justice et notre rôle dans le monde nous entourant. Elle nous demandait continuellement notre avis, car elle croyait que ce que nous avions à dire était important.
L’eau, le travail et la famille étaient les trois éléments qui tissaient la toile de la vie de sa grand-mère.
Chaque été, la famille de Lois allait faire du canoë à Birch Beach, et c’était aussi le cas cet été. Le 28 juillet, Lois, sa fille Jean et les membres de leur famille sont allés faire du canoë. Sa fille a affirmé : « Maman a pagayé et chanté jusqu’à la fin. » Le canoë était l’un de ses passe-temps favoris. Alors qu’elle était octogénaire, elle organisait des excursions en pleine nature pour des femmes âgées. L’amitié revêtait une grande importance pour elle.
Elle a mis sa conscience communautaire en action tôt dans sa carrière à Thunder Bay avec son mari, Roy. Elle a perçu un besoin de connexion et de dialogue et a été l’instigatrice de Thunder Bay Town Talk, un programme rassemblant les habitants autant que les institutions de l’endroit pour poser deux questions simples : que se passe-t-il dans ma ville et qu’est-ce que je peux y faire? L’écoute et le dialogue étaient importants pour elle.
Au cours de sa carrière, Lois a brisé le plafond de verre dans de nombreux domaines, notamment en devenant la première femme modératrice de l’Église Unie, qui se trouve être mon église, en 1979. En 1991, elle a été la première présidente canadienne du Conseil œcuménique des Églises. De 1990 à 2000, elle a été la chancelière de l’Université Lakehead. Elle est l’autrice de 10 livres sur des sujets comme l’éthique, la religion et le féminisme. En 1998, elle a été nommée au Sénat, où, après quelques négociations avec le Cabinet du premier ministre, elle a siégé en tant que sénatrice farouchement indépendante jusqu’à sa retraite en 2002.
Au Sénat, elle s’est concentrée sur quatre piliers. Premièrement, les droits de la personne à l’échelle nationale et internationale : elle a collaboré avec d’autres collègues pour créer le Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Deuxièmement, elle a travaillé sur le dossier de la réconciliation avec les Autochtones, qu’elle considérait comme le plus grand problème lié aux droits de la personne au Canada. Elle a siégé longtemps au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Troisièmement, elle a jeté des ponts entre la société civile, les organismes communautaires et le gouvernement dans le but d’établir des partenariats constructifs pour examiner des questions politiques. Elle est devenue l’une des principales porte-parole du Canada en faveur d’un revenu minimum garanti, ainsi qu’une ardente défenseure de cette idée au sein de l’Église Unie. Quatrièmement, elle a préconisé une plus grande participation des femmes à tous les échelons de la société, notamment dans le cadre de l’initiative canadienne pour les femmes, la paix et la sécurité.
Jusqu’à sa mort à l’âge de 97 ans, elle était l’éminente pasteure en résidence à l’Emmanuel College de Toronto. Son humilité et sa foi dans l’édification des collectivités l’ont toujours poussée à aller de l’avant. Seules ses paroles peuvent exprimer parfaitement son désir de rassembler les gens. Elle a dit ceci :
Il est évident que je n’ai rien fait toute seule : j’étais toujours accompagnée. Vous n’arriverez à rien si vous êtes seul [...] Il faut s’en souvenir [...]
Sa petite-fille Nora a déclaré que, dans l’un des derniers courriels que sa grand-mère lui a envoyés depuis l’hôpital, cette dernière a écrit ceci :
Je suis sur mes derniers milles. J’ai fait du mieux que j’ai pu et j’ai gardé la foi. Maintenant, c’est à votre génération de jouer.
J’offre mes sincères condoléances à sa famille, à ses enfants Ruth, Jean, Neil et Bruce, à leurs familles, ainsi qu’à sa communauté confessionnelle et à tous ceux qui la connaissaient et qui l’aimaient.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Kisha Supernant, directrice de l’Institute of Prairie and Indigenous Archaeology, professeure au Département d’anthropologie de l’Université de l’Alberta et récipiendaire de la Médaille du couronnement du roi Charles III. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les Farmerettes
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour attirer l’attention sur une partie importante, mais souvent négligée, de l’histoire du Canada : les Farmerettes. Alors que les besoins étaient criants, ces jeunes Ontariennes se sont mobilisées pour aider à faire fonctionner notre pays pendant les deux guerres mondiales en travaillant dans les fermes. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous informer que, le 28 octobre dernier, Postes Canada a dévoilé un timbre spécial rendant hommage aux Farmerettes et à leur contribution lors des deux guerres mondiales.
Comme on le sait, la guerre apporte d’immenses défis. Pendant les Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale, l’absence des hommes qui étaient allés se battre a créé une grave pénurie de main-d’œuvre dans les fermes canadiennes. Cependant, la demande de nourriture ne faisait qu’augmenter, car ce ne sont pas seulement les habitants du Canada qui devaient être nourris, mais aussi nos troupes et nos alliés. Pour combler cette pénurie, des femmes de tous âges, y compris des filles d’à peine 16 ans, ont été appelées dans les champs.
Le programme des Farmerettes a commencé pendant la Première Guerre mondiale et, pendant la Seconde Guerre mondiale, a été rétabli par l’entremise de l’Ontario Farm Service Force. Ces femmes ont travaillé de longues heures dans les champs, à planter, à récolter et à exécuter un large éventail de tâches agricoles essentielles à la durabilité de l’approvisionnement alimentaire du Canada. Elles vivaient dans des camps et travaillaient pour 25 ¢ l’heure. Même si leurs journées étaient remplies de dur labeur, elles ont aussi tissé des amitiés durables et ont apprécié l’esprit de camaraderie qui découlait d’une participation à un effort aussi important.
Les Farmerettes ont incarné la résilience, l’engagement et la capacité de se montrer à la hauteur. Elles ont prouvé que les femmes sont capables de relever les défis les plus difficiles, de jouer un rôle important dans l’agriculture et de contribuer à l’effort de guerre. Leur travail a été essentiel non seulement pour maintenir en opération les fermes canadiennes, mais aussi pour montrer au monde que les femmes peuvent occuper une place à part entière dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes.
Dans la société d’aujourd’hui, les femmes jouent un rôle de plus en plus important dans l’agriculture. Elles dirigent près de 30 % des exploitations agricoles au Canada. Le rôle dynamique des femmes sur le plan des opérations et de l’innovation dans le secteur de l’agriculture est le reflet de l’héritage des Farmerettes.
Ce timbre rend hommage de manière durable à leur remarquable apport dans l’histoire de notre nation. Au nom de cette auguste Chambre, je tiens à remercier Bonnie Sitter, qui a travaillé sans relâche pendant de nombreuses années pour que les Farmerettes soient reconnues au moyen d’un timbre spécial de Postes Canada. Félicitations, Bonnie. C’est votre jour de gloire.
Honorables sénateurs, alors que nous verrons bientôt ces timbres en circulation, gardons à l’esprit le dur labeur et la détermination des Farmerettes, des femmes remarquables qui ont veillé à ce que le Canada continue de prospérer pendant certaines des périodes les plus difficiles de notre histoire.
Merci. Meegwetch.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentantes de Sociétés Elizabeth Fry de partout au Canada. Elles sont les invitées des honorables sénatrices Coyle et Pate.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le Mois de l’histoire des femmes
L’honorable Paulette Senior : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui souligner le Mois de l’histoire des femmes, qui se conclut aujourd’hui en ce dernier jour d’octobre.
Je transmets ma gratitude aux peuples algonquins anishinaabes, qui vivent sur ces terres non cédées et non restituées et qui en prennent soin depuis des millénaires, car c’est grâce à eux que je peux prendre la parole aujourd’hui.
Nous devons prendre conscience de la multitude de réalisations, de jalons et de progrès qui ont marqué l’histoire des femmes au Canada. Cela dit, nous devons aussi reconnaître que ces avancées et ces progrès importants excluaient souvent les femmes autochtones, noires et racisées.
Ce n’est pas moi qui vous apprendrai que tous les êtres humains n’ont pas toujours été considérés comme des personnes aux yeux de la loi, mais saviez-vous que les femmes ont été incluses dans la définition d’une « personne » en droit canadien il n’y a même pas 100 ans? En 1927, la Cour suprême s’est fait demander si les femmes étaient visées par cette définition. Elle a répondu que non. Il a fallu attendre jusqu’au 18 octobre 1929 pour que le Comité judiciaire du Conseil privé de Grande-Bretagne, à Londres, modifie la loi afin que les femmes soient légalement considérées comme des « personnes ». Il s’agit d’un moment charnière dans l’histoire de l’égalité entre les sexes, mais comme chaque fois qu’on s’est approché un tant soit peu de la justice entre les sexes, on a encore une fois exclu certaines femmes. Les femmes marginalisées, y compris celles d’ascendance autochtone et asiatique, ont longtemps été exclues de la définition juridique de 1929.
Il ne faut pas oublier que les progrès vers l’égalité entre les sexes et la justice ont toujours été inégaux et que les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre sont encore trop souvent exclues d’étapes marquantes. Aujourd’hui encore, faire progresser l’égalité des genres au Canada ne se limite pas à combler les écarts entre les hommes et les femmes. Les gens se butent à des obstacles différents, selon les nombreux éléments de leur identité, notamment leur orientation sexuelle, leur race, leur identité de genre, leurs capacités et leur âge. La recherche d’une véritable égalité passe par la reconnaissance et la satisfaction des divers besoins de chacun. Nous devons toujours penser à l’intersectionnalité et appliquer cette analyse comparative critique entre les sexes aux initiatives que nous prenons, et nous devons regarder les choses sous cet angle de façon cohérente.
Que pouvons-nous faire à ce sujet? Être un allié féministe intersectionnel consiste à utiliser sa tribune et ses privilèges pour défendre l’inclusion et la diversité, ainsi qu’à soutenir les femmes et les filles qui font face à des obstacles et à de la discrimination auxquels nous ne sommes peut-être pas confrontés nous-mêmes.
(1420)
Il ne fait aucun doute que nous devrions être fiers des progrès réalisés. En même temps, nous devons veiller à ce que l’histoire des femmes au Canada soit inclusive et juste et qu’elle ne laisse personne de côté. Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du juge Peter O’Flaherty et de son fils Jack O’Flaherty. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Petten.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Micheal Anderson, conseiller en guérison, aux Services de recherche et d’information de l’organisme Manitoba Keewatinowi Okimakanak. Il est l’invité de l’honorable sénatrice McCallum.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi sur la stratégie nationale sur les soins oculaires
Présentation du vingt-huitième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :
Le jeudi 31 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son
VINGT-HUITIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-284, Loi prévoyant l’élaboration d’une stratégie nationale sur les soins oculaires, a, conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 29 mai 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
RATNA OMIDVAR
(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3227.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Ravalia, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Peuples autochtones
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la façon dont le système des pensionnats indiens constitue un crime contre l’humanité et un génocide
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la façon dont le système des pensionnats indiens constitue un crime contre l’humanité et un génocide, au sens de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24, et des articles 6 et 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et en conformité à l’article II de la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 26 juin 2025.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La justice
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, votre gouvernement néo-démocrate—libéral a donné son aval pour qu’un centre situé à côté d’une école pour jeunes enfants à Montréal devienne un centre de consommation de drogues dures soi-disant sécuritaire. D’après le service de police de Montréal, la criminalité autour de ce centre a augmenté de 800 % depuis son ouverture en avril. De même, les appels au 911 concernant les agressions et les bagarres dans un rayon de 100 mètres du centre ont augmenté de pas moins de 1 800 %, monsieur le leader.
Mercredi, un groupe de citoyens a déclaré à La Presse : « Concentrer le crime à proximité d’une école primaire est non seulement incompréhensible, mais inacceptable. »
Que répondez-vous, monsieur le leader — pas à moi, mais aux familles du quartier? Êtes-vous d’accord avec eux?
Le sénateur Housakos : Les mères, les pères et les enfants.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Ce que vous rapportez est très préoccupant. Encore une fois, votre question ne porte pas vraiment sur la position de l’actuel gouvernement et celle des gouvernements provinciaux concernant les avantages de ce genre de centres, et je ne ferai pas d’autres commentaires.
Je ne manquerai pas d’examiner cette question et d’en parler au ministre, car je ne connais pas les détails ni les particularités du quartier ou de l’école dont vous parlez.
Le sénateur Plett : Monsieur le leader, quand je parle de ces familles montréalaises, je ne lance pas des arguments creux et des slogans, comme vous nous reprochez souvent de le faire. Ces familles s’inquiètent parce que leurs enfants sont témoins de violence, de surdoses et d’actes indécents. Elles veulent que cessent la criminalité et le chaos qui règnent près de leur école primaire. La Loi réglementant certaines drogues et autres substances permet au gouvernement d’agir, monsieur le leader. Allez-vous le faire?
Le sénateur Gold : Sénateur Plett, je n’ai jamais dit ni même insinué que votre question était vide de sens. J’ai simplement dit que les problèmes dont vous faites état sont préoccupants. Je n’en connais pas les détails, mais j’en glisserai un mot au ministre concerné à la première occasion.
L’innovation, les sciences et le développement économique
Technologies du développement durable Canada
L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, après neuf ans de scandales et de corruption de la part du gouvernement néo‑démocrate—libéral, le Parlement est complètement paralysé, ce qui empêche quiconque d’aborder des questions telles que le doublement du coût du logement, l’inflation libérale du prix des aliments et l’augmentation de la criminalité et du chaos dans nos rues, tout cela parce que la priorité actuelle du gouvernement est d’étouffer le dernier scandale impliquant des initiés libéraux.
Chers collègues, des personnes nommées par les libéraux ont empoché indûment, voire illégalement, 400 millions de dollars de l’argent des contribuables par l’intermédiaire de la caisse noire environnementale, et le gouvernement néo-démocrate—libéral refuse à présent de remettre les documents pertinents afin que le Parlement puisse faire toute la lumière sur cette affaire. Pendant ce temps, les Canadiens font la queue devant les banques alimentaires en nombre record. Ils n’ont pas les moyens de chauffer leur maison, et trop nombreux sont ceux qui n’ont pas les moyens de se loger. Pendant que les libéraux au Parlement restent assis sur leur derrière, le premier ministre tente de protéger ses arrières.
Sénateur Gold, cela suffit. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas la décence de remettre les documents et de déclencher des élections?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le dysfonctionnement à l’autre endroit est uniquement dû à l’insistance d’un parti à exiger sans cesse la divulgation inappropriée de documents.
Le fait que vous ayez soulevé tous ces autres points en les faisant rentrer dans une seule question illustre bien l’impossibilité d’aborder certains de ces problèmes de manière appropriée. Le gouvernement a clairement fait connaître sa position concernant les documents et le fait que la question devrait être étudiée par un comité, et le reste n’est que de la politicaillerie de votre part.
(1430)
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, ce ne sont pas les conservateurs qui disent de fournir les documents. Le Président néo-démocrate—libéral élu à la Chambre des communes a ordonné à votre gouvernement de remettre les documents. Je me demande ce que vous allez faire; le poursuivre également? Vous refusez encore de respecter les règles du Parlement et de remettre les documents. Vous n’avez aucun respect pour les gens qui ont envoyé ces parlementaires au pouvoir.
Est-ce que Justin Trudeau peut faire ce qui s’impose, c’est-à-dire remettre les documents et déclencher des élections pour que nous puissions aller au fond des choses?
Le sénateur Gold : Encore une fois, sénateur Housakos, vous citez — et je vais être généreux ici — de façon sélective la teneur de la décision de la présidence, et vous donnez certainement une fausse idée du respect que le gouvernement a pour la procédure à suivre.
[Français]
Le patrimoine canadien
L’appui aux arts et à la culture
L’honorable Tony Loffreda : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, la semaine dernière, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a publié les résultats d’une nouvelle étude intitulée Montréal, métropole culturelle : Protéger et développer nos atouts culturels.
Cette étude propose 22 recommandations visant à assurer la vitalité et la pérennité de notre secteur culturel.
Est-ce que le gouvernement fédéral appuie la création d’une telle plateforme, et serait-il prêt à y participer activement pour garantir un soutien stratégique à notre secteur culturel?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, monsieur le sénateur.
En tant que Montréalais et Québécois, je comprends très bien — et le gouvernement comprend très bien — l’importance de nos secteurs et de notre vie culturels, non seulement pour le bien-être des citoyens et des citoyennes et des visiteurs, mais aussi comme un aspect important de notre identité, y compris notre façon d’attirer les touristes et les visiteurs, comme l’a si souvent mentionné notre ancienne collègue la sénatrice Bovey dans cette enceinte.
Je vous remercie de la suggestion, que je n’hésiterai pas à porter à l’attention de la ministre sans délai. Le gouvernement du Canada continuera d’appuyer et de soutenir le secteur culturel dans tous ses aspects.
Le sénateur Loffreda : Les industries culturelles génèrent des retombées économiques importantes qui représentent 11 milliards de dollars et 2,4 % du PIB du Québec.
Étant donné l’importance de ce secteur pour notre économie et notre identité nationale, le gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures supplémentaires pour renforcer l’écosystème culturel au Québec, en partenariat avec les autres ordres de gouvernement et les acteurs locaux?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question.
Je ne peux pas spéculer sur un éventuel financement futur; cependant, le gouvernement offre déjà plusieurs programmes pour soutenir la croissance du secteur culturel. Il s’agit notamment d’un programme comme le Fonds du Canada pour les espaces culturels (FCEC), qui soutient l’amélioration d’environnements physiques pour favoriser les arts, la culture du patrimoine et l’innovation créative.
[Traduction]
La sécurité publique
Le Service correctionnel du Canada
L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, les rapports du Comité sénatorial des droits de la personne, de l’enquêteur correctionnel et du comité consultatif du ministre ont tous démontré que, malgré l’adoption du projet de loi C-83 et l’introduction des unités d’intervention structurée, l’isolement se poursuit dans les pénitenciers fédéraux, à la fois dans ces unités et sous de nombreuses autres désignations. Parmi les mécanismes de surveillance des unités d’intervention structurée promis par le gouvernement, le mandat du comité consultatif ministériel a récemment pris fin, aucun défenseur externe de la santé mentale n’a jamais été engagé, et on nous a informés tout récemment que les contrats n’ont pas été renouvelés pour les décideurs externes indépendants qui n’approuvaient pas les décisions du Service correctionnel du Canada.
Lors de son témoignage au Sénat, le ministre LeBlanc a accepté de rencontrer le Comité des droits de la personne pour discuter de ses préoccupations. Il a ensuite refusé d’honorer cet engagement. Comment le gouvernement compte-t-il remédier à l’absence persistante de surveillance et de responsabilisation efficaces du Service correctionnel du Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et de votre travail inlassable dans ce dossier. Même si le gouvernement n’a pas renouvelé le mandat du Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée, il le remercie de son travail et de ses rapports qui ont donné des directives nécessaires sur les meilleures pratiques pour travailler avec les délinquants.
À ce que je comprends, l’examen des unités d’intervention structurée se poursuivra alors que le gouvernement est à l’œuvre pour nommer les décideurs externes indépendants pour cet outil. De plus, le Bureau de l’enquêteur correctionnel exerce une surveillance sur la situation de tous les délinquants sous responsabilité fédérale.
On m’a également informé que le Bureau de l’enquêteur correctionnel, le Service correctionnel du Canada et Sécurité publique Canada analysent régulièrement la mise en œuvre des unités d’intervention structurée et examinent les conclusions et les recommandations des intervenants pour trouver des améliorations stratégiques afin d’accroître le respect de la lettre et de l’esprit de la loi. En raison de ces efforts et des garanties procédurales mises en place avec la création des unités d’intervention structurée, cet outil, à ce que je comprends, est utilisé plus rarement que la pratique précédente, c’est-à-dire l’isolement préventif.
La sénatrice Pate : Je vous remercie, sénateur. Malheureusement, le Bureau de l’enquêteur correctionnel vient de publier son rapport et il y dresse un portrait autrement plus accablant de la surveillance correctionnelle et de la reddition de comptes.
Quand le projet de loi C-83 est entré en vigueur en novembre 2019, il prévoyait un examen complet de ses dispositions par le Parlement au début de sa cinquième année de vie. Ce délai est maintenant largement dépassé. Quand le gouvernement fera-t-il le nécessaire pour s’acquitter de l’obligation que lui impose la loi et quel organe parlementaire...
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’ai hélas pas de date à vous donner, sénatrice, mais j’en glisserai un mot au ministre.
[Français]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les niveaux d’immigration
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Sénateur Gold, le premier ministre a finalement cédé aux pressions et a annoncé la semaine dernière une importante réduction des cibles d’immigration permanente et temporaire.
Comme c’est souvent le cas, nous sommes devant une décision politique qui me semble un peu irréfléchie et qui a été annoncée sans planification.
L’une de ces conséquences, c’est qu’une entreprise de portes d’acier de Sherbrooke va perdre 50 soudeurs qui sont des travailleurs temporaires et qu’elle devra aller faire sa production aux États-Unis. Pire encore, elle n’est pas la seule dans cette situation.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le premier ministre est incapable d’avoir une vision de l’immigration qui protège économiquement nos PME?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question.
Comme je l’ai souvent dit à ce sujet, le gouvernement a dû prendre des décisions difficiles pour retrouver un juste équilibre entre nos besoins, économiques et autres, et notre capacité — capacité de nos services sociaux, de nos réseaux d’éducation et ainsi de suite. Pour accueillir ces personnes, il faut être en mesure de les intégrer comme il faut.
Le gouvernement du Québec vient d’annoncer des coupes majeures en immigration pour ses propres raisons. Cela prouve le défi auquel font face tous les gouvernements. Le gouvernement va continuer de chercher à atteindre un juste équilibre pour bien protéger tous nos besoins sociaux et économiques.
Le sénateur Dagenais : Monsieur le leader, plutôt que de restreindre les travailleurs essentiels, pouvez-vous nous expliquer pourquoi votre gouvernement est incapable de faire sérieusement des efforts pour refouler dès leur arrivée ceux qui ne doivent pas entrer au pays, ce qui permettrait d’économiser plus de 425 millions de dollars en frais d’hôtel et de subsistance?
Sérieusement, est-il trop tard pour que ce premier ministre accouche d’un vrai plan de contrôle efficace?
Le sénateur Gold : Merci pour la question.
Au Canada, nous sommes une société de droit. Nos lois, comme la Charte constitutionnelle, mais aussi nos obligations internationales font en sorte qu’on ne peut pas simplement, pour des raisons politiques, nier les droits et les intérêts de ceux qui demandent l’asile au Canada.
[Traduction]
Le patrimoine canadien
CBC/Radio-Canada
L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, le plan grâce auquel la ministre du Patrimoine canadien entend moderniser le mandat de CBC/Radio-Canada sera essentiel pour maintenir l’objectivité et la crédibilité des journalistes du pays.
Le sénateur Housakos : Difficile à croire.
Le sénateur Klyne : Non, ce n’est pas difficile du tout. Ce plan sera assurément à l’image de la diversité canadienne, ce qui est essentiel.
La présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, qui sera bientôt remplacée par Marie-Philippe Bouchard, a rappelé dernièrement que le mouvement de suppression du financement, notamment de la télévision publique, gagne en importance. Je me demande si le gouvernement entend apporter des changements afin de garantir la résilience et la pertinence de la société d’État malgré toutes ces pressions politiques et publiques. Qu’entend faire le gouvernement pour répondre à la fois aux préoccupations des partisans de CBC/Radio-Canada, qui y voient une institution culturelle indispensable, et à celles de ses détracteurs, qui croient que la société pourrait être remplacée par les médias privés dès le début du prochain mandat?
(1440)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénateur.
Il ne faut pas oublier, chers collègues, quoi qu’en disent certains, que ce soit ici même ou ailleurs, que les trois quarts des Canadiens sont attachés à CBC/Radio-Canada et souhaitent en fait qu’elle change. CBC/Radio-Canada a façonné notre culture et elle a joué un rôle important dans notre démocratie.
Selon ce qu’on m’a dit, le gouvernement annoncera bientôt que le mandat de la société d’État sera revu et que cet examen comportera des mesures importantes pour sa modernisation. Le gouvernement est d’avis que les Canadiens de tout le pays doivent pouvoir compter sur une source d’information et de divertissement digne de confiance, qui est d’ici, qui leur rend compte de ses activités et qui les sert.
Le sénateur Klyne : Je suis heureux d’entendre qu’il y aura un examen et un plan pour CBC/Radio-Canada.
Ma question est la suivante. Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a pris l’engagement de cesser de financer CBC/Radio-Canada et de vendre son siège social. Sachant cela, comment le gouvernement a-t-il l’intention de prévenir le possible démantèlement de cette institution canadienne réputée et renommée qui, à mon avis, joue un grand rôle dans la viabilité du multiculturalisme au Canada et, surtout, qui continue de diffuser dans les municipalités éloignées du Nord du Canada où les autres radiodiffuseurs…
Son Honneur la Présidente : Le sénateur Gold a la parole.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de poser cette question et de souligner le rôle important que CBC/Radio-Canada joue en dehors des régions métropolitaines, comme Ottawa, Montréal et d’autres.
J’hésite à en dire plus, si ce n’est pour ajouter qu’il semble clair que le Parti conservateur du Canada croit qu’il serait en meilleure posture sans un radiodiffuseur public canadien qui doit rendre des comptes aux Canadiens.
La santé
Les produits comestibles qui contiennent du cannabis
L’honorable Judith G. Seidman : Monsieur le leader, mardi, la GRC a annoncé six arrestations sur l’île de Vancouver liées à la production, à l’entreposage et à la distribution de cannabis non réglementé. Les enquêteurs fédéraux ont saisi 120 000 produits comestibles qui contiennent du cannabis. J’encourage tout le monde à regarder les photos publiées par la GRC. L’emballage de ces produits de contrefaçon contenant du cannabis ressemble étonnamment à celui de friandises bien connues que les Canadiens distribueront aux enfants ce soir à l’occasion de l’Halloween. La GRC exhorte le public à user d’une grande prudence à l’égard de ces produits hautement contaminés.
Monsieur le leader, que fait le gouvernement pour mieux protéger les enfants des produits comestibles qui contiennent du cannabis?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La Loi sur le cannabis est claire : la commercialisation de tels produits ainsi que bien des décisions sur l’incidence de celle-ci sur la santé sont de ressort provincial. Or comme le savent les sénateurs, la situation à cet égard varie considérablement d’une province à l’autre.
Je suis très heureux que ces produits aient été saisis, car la production de produits illégaux contenant du cannabis, qu’il s’agisse de produits comestibles d’apparence attrayante pour les enfants ou d’autres produits non assujettis au contrôle de qualité prévu par le régime canadien, représente un danger pour la santé, le bien-être et la sécurité des Canadiens. Toutes les administrations publiques et tous les corps policiers doivent lutter contre elle.
Je suis heureux que, à tout le moins, certains des efforts de lutte qui sont déployés donnent des résultats et permettent de retirer une partie de ces produits de la circulation.
La sénatrice Seidman : Vous le savez, monsieur le leader, le Québec interdit la vente de produits de cannabis comestibles ayant l’apparence de bonbons, de chocolats ou de desserts. Votre gouvernement entend-il contrôler l’apparence et le contenu des produits comestibles dans l’ensemble du Canada?
Le sénateur Gold : En règle générale, lorsqu’il est question d’enjeux liés à la santé, le gouvernement collabore avec ses interlocuteurs des provinces, parce que c’est à eux qu’incombe la responsabilité constitutionnelle en la matière. Le gouvernement respecte la souveraineté des provinces en matière de réglementation des divers éléments liés à cet enjeu important et il poursuit le dialogue avec les provinces sur ce sujet.
Les femmes et l’égalité des genres
L’analyse comparative entre les sexes plus
L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, le gouvernement Trudeau brise sans arrêt ses promesses. Il avait promis d’appliquer une analyse comparative entre les sexes plus à tous les projets de loi d’initiative ministérielle, mais lorsque, à titre de porte-parole, j’ai demandé à obtenir l’analyse comparative entre les sexes plus concernant le projet de loi C-26 — le projet de loi du gouvernement Trudeau sur la cybersécurité —, on m’a répondu qu’il n’y en avait pas et qu’une telle analyse serait effectuée une fois que le projet de loi aura été adopté par la Chambre des communes et par le Sénat. Par la suite, soudainement, le gouvernement a déposé un résumé de l’analyse comparative entre les sexes plus deux heures avant que les ministres aillent témoigner devant le comité au sujet du projet de loi C-26. Ce résumé ne concernait à peu près pas le projet de loi et ne contenait que deux lignes au sujet des impacts potentiels sur les femmes.
S’il existe un résumé de l’analyse comparative entre les sexes plus, il doit bien y avoir une analyse comparative entre les sexes plus quelque part. Pouvez-vous vous engager immédiatement à obtenir cette analyse pour moi ou s’agissait-il encore une fois d’une promesse faite aux femmes et brisée par un gouvernement prétendument féministe?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne manquerai pas d’en faire part à la ministre.
Sénatrice Batters, le gouvernement actuel a fait plus pour promouvoir les intérêts des femmes, des enfants et des jeunes filles, à l’échelle nationale comme dans sa politique étrangère, que n’importe quel autre gouvernement de l’histoire du Canada. Vous pouvez l’étiqueter comme vous le voulez, mais les faits parlent d’eux-mêmes.
La sénatrice Batters : En effet.
Sénateur Gold, vous avez assisté cette semaine à la réunion du Comité sénatorial de la sécurité nationale sur le projet de loi C-26 afin que vous, le leader du gouvernement Trudeau au Sénat, puissiez poser des questions aux ministres sur le projet de loi, mais vous n’avez même pas pris la peine de faire un discours en deuxième lecture pour que les sénateurs puissent obtenir des réponses de votre part au nom du gouvernement que vous êtes censé représenter.
Pourquoi le gouvernement Trudeau insiste-t-il pour traiter son Sénat soi-disant indépendant comme un simple mécanisme d’approbation automatique?
Le sénateur Gold : Comme l’ont chanté les Beach Boys, « Wouldn’t it be nice », ce serait bien si je pouvais traiter le Sénat comme un simple mécanisme d’approbation automatique. Cela me rendrait la vie — et celle de mes collègues — beaucoup plus facile.
Vous avez le privilège douteux ou l’obligation, selon votre choix, de m’écouter pendant 30 minutes chaque jour où nous siégeons. Cette chambre est remplie de personnes talentueuses, dont le parrain du projet de loi. Je n’ai pas besoin de m’exprimer sur chaque projet de loi à chaque étape.
Les finances
L’Allocation canadienne pour enfants
L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, comme vous semblez recevoir beaucoup de questions alarmistes, permettez-moi d’essayer quelque chose de tout à fait différent. Je souhaite parler de l’Allocation canadienne pour enfants.
Il y a quelques années, j’ai demandé quels étaient les effets de cette allocation sur l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai déposé une demande d’accès à l’information ou de renseignements personnels et j’ai découvert que plus de 100 millions de dollars étaient versés à l’Île-du-Prince-Édouard en franchise d’impôt, ce qui aide les familles à améliorer le sort des enfants.
Comme c’est le cas pour la plupart des parents divorcés dans de nombreuses provinces, ce sont les mères qui élèvent les enfants. L’Allocation canadienne pour enfants a eu une incidence positive considérable. Pourriez-vous nous dire ce qu’il en est de cette mesure et si le gouvernement espère l’augmenter au cours de la prochaine année?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et je vous remercie d’avoir souligné le travail que fait le gouvernement pour aider les citoyens de toutes les provinces, y compris la vôtre.
Je n’ai pas de renseignements précis sur la bonification de l’allocation ni de détails à ce sujet, et je ne vais pas énumérer toutes les mesures que le gouvernement a prises récemment pour aider les Canadiens et leur famille, notamment les garderies et les soins dentaires abordables, mais j’ai lu dans le journal d’aujourd’hui qu’un million de Canadiens en ont déjà bénéficié au cours des six premiers mois. La liste est assez longue.
Le gouvernement croit en l’importance d’investir dans les citoyens et les familles. Il croit qu’il faut faire ces investissements pour notre bien-être actuel et futur, et il continuera à le faire dans le contexte d’un cadre financier responsable.
Le sénateur Downe : Merci, sénateur Gold.
À mon avis, il ne fait aucun doute que l’Allocation canadienne pour enfants est le meilleur programme social depuis une génération.
Comme l’information est disponible par circonscription, serait-il possible pour votre bureau d’envoyer à chaque sénateur l’information au sujet des bénéfices énormes que ce programme apporte à leur région et à leur province?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de cette suggestion. Je ne manquerai pas d’en parler à l’interne et de chercher les moyens les plus efficaces d’y donner suite.
J’ai une équipe formidable, mais elle est plutôt petite. Toutefois, je vous remercie de votre suggestion et de votre soutien.
[Français]
L’innovation, les sciences et le développement économique
Le Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires
L’honorable Amina Gerba : Sénateur Gold, le Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires (PECN), qui a été mis en place par le gouvernement fédéral en 2020, a permis de soutenir 5 000 entreprises qui ont créé des milliers d’emplois et généré 220 millions de dollars de revenus. Toutefois, la fin du programme est prévue au mois de mai 2025, ce qui cause des inquiétudes dans les communautés noires au pays. Le gouvernement compte-t-il renouveler ce programme important?
(1450)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, chère collègue, et je vous remercie également d’avoir souligné le travail très important de ce programme.
Bien que je ne puisse pas spéculer sur un éventuel financement à l’avenir — vous comprendrez que ce n’est pas possible —, je peux assurer à la Chambre que le gouvernement du Canada continuera de soutenir les propriétaires d’entreprise et les entrepreneurs noirs du Canada pour qu’ils développent leurs entreprises et réussissent aujourd’hui et à l’avenir.
La sénatrice Gerba : Sénateur Gold, la situation des entrepreneurs noirs est particulièrement différente et elle nécessite qu’ils soient soutenus de façon durable. Le gouvernement prévoit-il de rendre le Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires (PECN) permanent?
Le sénateur Gold : Merci pour la question de suivi. Encore une fois, je ne peux pas spéculer sur le financement futur, mais j’aborderai cette question avec le ministre avec plaisir.
L’agriculture et l’agroalimentaire
La sécurité alimentaire
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, nous sommes le 31 octobre et déjà les listes d’attente aux banques alimentaires commencent à s’inscrire pour des paniers de Noël.
Monsieur le leader, le 26 septembre, vous nous disiez ce qui suit :
Trop de gens vivent encore dans l’insécurité alimentaire. Le gouvernement est fier des efforts qu’il déploie, de concert avec les provinces, les territoires et le secteur privé.
Monsieur le leader, lorsqu’on prend connaissance du rapport récemment publié par Banques alimentaires du Canada, vos paroles ne résistent pas aux faits. Cet organisme reçoit plus de 2 millions de visites dans tout le pays; il s’agit d’une augmentation de 6 % comparativement à l’année dernière et de 90 % depuis 2019.
Monsieur le leader, est-ce que vous reconnaissez que l’approche de votre gouvernement pour aider les démunis est un échec lamentable?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Ce que je reconnais et ce que le gouvernement reconnaît, ce sont les problèmes sérieux et graves auxquels font face les familles canadiennes à cause de la hausse des prix de la nourriture. Malgré les réussites des politiques de ce gouvernement pour faire en sorte que l’inflation diminue et que l’économie se porte bien dans les circonstances, le coût de la vie reste élevé et difficile pour les Canadiens. Je n’ai aucune hésitation à le reconnaître. Par contre, le fait de dire que, malgré tout ce que le gouvernement fait pour aider les Canadiens, il est responsable de cette situation sérieuse et douloureuse, non. Je ne peux pas accepter, bien respectueusement, la prémisse de votre question.
Le sénateur Carignan : Il y a 680 000 enfants, dont les jeunes filles dont vous parliez et qui vous tenaient à cœur, qui ont recours à des banques alimentaires. Pire encore, 30 % des banques alimentaires manquent de nourriture. Je le répète, 30 % des banques alimentaires manquent de nourriture. Ne trouvez-vous pas que votre politique des « voies ensoleillées » n’a rien fait pour mettre de la nourriture sur la table des gens?
Le sénateur Gold : C’est facile, cher collègue, d’une part, de dénoncer un problème réel et sérieux au Canada et d’autre part, de trouver une façon, comme vous et vos collègues le faites régulièrement, de dire que c’est toujours la responsabilité du gouvernement fédéral sans vraiment offrir de solutions pragmatiques, réelles ou sérieuses.
[Traduction]
La santé
L’aide médicale à mourir
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le National Post a récemment publié une entrevue avec une Néo-Écossaise qui est atteinte du cancer du sein et qui a des antécédents de troubles auto-immuns.
Alors qu’elle était sur le point de subir une mastectomie et qu’elle exposait ses antécédents médicaux à un médecin qu’elle ne connaissait pas, on lui a demandé si elle avait entendu parler de l’aide médicale à mourir. Quinze mois plus tard, un autre médecin lui a posé la même question juste avant de la faire entrer dans le bloc opératoire pour sa deuxième mastectomie.
Monsieur le leader, je tiens à préciser que cette femme ne dit pas qu’on lui a proposé le suicide assisté, mais qu’elle pense qu’il était tout à fait inapproprié de soulever la question. Je suis d’accord avec elle.
Sénateur Gold, le gouvernement que vous représentez est-il d’accord avec cette femme?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le projet de loi présenté par le gouvernement — que le Sénat a adopté et, en fait, amendé — prévoyait des mesures de sauvegarde rigoureuses pour faire en sorte que les Canadiens qui envisagent l’aide médicale à mourir soient néanmoins protégés de la manière la plus complète possible.
La mise en place du cadre juridique, qui relève du gouvernement fédéral, est une chose à laquelle nous avons tous contribué. À mon avis, nous avons fait du mieux que nous pouvions. La supervision et la gestion incombent aux provinces, qui ont la compétence exclusive en matière de soins de santé. Les provinces sont responsables de la manière dont les médecins, le personnel infirmier et les professionnels de la santé mettent en œuvre les politiques provinciales en matière de soins de santé. Encore une fois, à cet égard, je pense que la question devrait être adressée à ceux qui sont responsables des professionnels du domaine médical concernés.
Le sénateur Plett : Renvoyer la balle, c’est tout ce que vous faites. C’est votre slogan. Ma réponse à cette dame sera claire. Non, vous n’êtes pas d’accord avec elle. Voilà ce que je lui dirai.
Elle a dit :
Il y a des gens qui ont [...] des maladies comme la mienne et qui n’ont pas une grande famille heureuse et aimante, ou un soutien financier ou émotionnel, et si on leur dit ces mots quand ils se sentent seuls et isolés [...] Si je m’étais trouvée dans cette situation, je n’aurais sans doute pas eu la force ni le courage de faire semblant que cette question n’existait pas ou de dire simplement : « Non, je ne veux pas en parler ».
Le sénateur Gold : Sénateur Plett, je ne sais pas dans quelles circonstances la question a été posée ou non. Comme je l’ai dit, personne ne devrait être encouragé contre son gré à recourir à cette possibilité, qui est un choix de dernier recours pour ceux qui s’en prévalent.
À cet égard, je répondrai simplement que les professionnels de la santé doivent faire preuve de sensibilité et d’attention à l’égard de leurs patients.
Dépôt des réponses à une question inscrite au Feuilleton
L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et les langues officielles—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 218, en date du 22 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications paru en 2018 et intitulé Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé — Emploi et Développement social Canada.
Le logement, l’infrastructure et les collectivités—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 218, en date du 22 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications paru en 2018 et intitulé Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé — Logement, Infrastructures et Collectivités Canada.
L’innovation, les sciences et l’industrie—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 218, en date du 22 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications paru en 2018 et intitulé Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé — Innovation, Sciences et Développement économique Canada.
La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 218, en date du 22 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications paru en 2018 et intitulé Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé — Sécurité publique Canada.
Les transports—Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 218, en date du 22 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications paru en 2018 et intitulé Paver la voie : Technologie et le futur du véhicule automatisé — Transports Canada.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Clement, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture à propos du projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires.
Avant de commencer, j’aimerais remercier la marraine du projet de loi, la sénatrice Omidvar. Sénatrice Omidvar, notre très compétente leader adjointe m’a remplacé pour vous rendre hommage, ce que je n’ai pas pu faire. Je tiens à vous rendre hommage pour le travail que vous avez accompli. Je crois que c’est votre dernier jour de séance, alors je vous souhaite bonne chance. Lorsque je vois des gens comme vous ou la sénatrice Cordy, qui a annoncé son départ, je sens que mon tour commence à approcher un peu, parce que ce sera bientôt mon tour. Je suis tout juste derrière vous.
(1500)
Chers collègues, le projet de loi C-20 propose de créer un nouvel organisme indépendant pour traiter les plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada. Ce nouvel organisme, aussi appelé « la Commission », remplacera l’ancien, qui ne s’occupait que des plaintes contre la GRC.
À l’heure actuelle, il n’existe aucun organisme indépendant pour traiter les plaintes du public concernant le comportement ou la conduite des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada. Les plaintes sont adressées à l’Agence des services frontaliers elle‑même, qui est chargée de les examiner à l’interne.
De toute évidence, ce processus soulève des préoccupations quant à l’apparence de conflit d’intérêts, car les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada enquêtent sur leurs collègues. Cette approche peut éroder la confiance du public envers les organismes fédéraux d’application de la loi. J’appuie cette mesure importante parce qu’il est indéniable que l’Agence des services frontaliers du Canada, qui joue un rôle essentiel dans la protection de nos frontières, doit rendre des comptes à un organisme indépendant lorsque ses agents commettent des fautes ou ne respectent pas les normes éthiques du Canada.
Il y a des situations complexes où les demandeurs d’asile et les réfugiés viennent au Canada pour fuir la guerre ou l’oppression et pour offrir une vie meilleure à leur famille. Ces situations sont souvent synonymes d’une grande souffrance humaine, alors il faut absolument que le Canada — un pays remarquable qui garantit la sécurité, l’égalité juridique et la liberté d’expression — soit à la hauteur de ses principes démocratiques.
Le premier contact avec les immigrants devrait se faire dans le respect et la dignité, ce qui veut dire que les agents des services frontaliers devraient faire l’objet d’enquêtes transparentes et indépendantes s’ils manquent de respect ou de professionnalisme.
Honorables sénateurs, je tiens à souligner que le projet de loi C-20 fait suite à une promesse faite en 2015 par Justin Trudeau et le Parti libéral.
L’autre jour, la sénatrice McCallum a rappelé à bon droit que son projet de loi était à l’étude depuis 15 mois et qu’il n’avait toujours pas franchi la ligne d’arrivée.
Cette promesse, Justin Trudeau l’a faite il y a neuf ans. Pendant neuf ans, les libéraux ont fait traîner cette mesure législative, même si l’opposition a toujours voté pour les versions précédentes. Le sénateur Gold et ses acolytes auront beau accuser les conservateurs d’être la cause de toute cette lenteur, je sais que nous avons toujours appuyé les versions précédentes.
Le projet de loi C-20 a été présenté le 19 mai 2022, soit il y a plus de deux ans, et il s’est écoulé 17 mois entre la fin de l’étude du comité et l’étape du rapport. C’est effectivement décevant de voir le gouvernement libéral traîner autant la patte, malgré la promesse qu’il a faite en 2015.
J’aimerais vous lire ce que Kate Webster, vice-présidente de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, a dit à ce sujet devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants :
Selon les normes internationales, le Canada accuse un retard. Nous avons un énorme organisme d’application de la loi qui ne fait l’objet d’aucune surveillance. Nous sommes déphasés par rapport à nos partenaires ou nos concurrents internationaux, peu importe comment on souhaite les définir.
Il est honteux que nous n’ayons encore jamais donné suite à cette recommandation.
Il est également décevant de constater que l’inaction des libéraux a fait en sorte que des situations inacceptables perdurent depuis 2015. En 2019, le vérificateur général a publié un rapport intitulé Le respect en milieu de travail, dans lequel il note de graves problèmes de harcèlement, de discrimination et de violence dans les milieux de travail de l’Agence des services frontaliers du Canada et de Service correctionnel Canada. Les employés interrogés ont exprimé des préoccupations graves à l’égard de la culture organisationnelle et ont dit craindre des représailles s’ils portaient plainte. J’aimerais citer un passage du communiqué de presse publié par le Bureau du vérificateur général à ce sujet :
L’audit a fait ressortir que la gestion des plaintes par les deux organisations était parfois inadéquate. Dans certains cas, il y avait un manque de cohérence dans le traitement des dossiers. Dans d’autres, les employés n’avaient pas été informés de recours informels dont ils auraient pu se prévaloir et qui auraient pu permettre de régler plus vite les problèmes et rétablir les relations de travail.
De plus, l’audit a montré que l’ASFC et SCC ont rejeté environ le tiers des plaintes sans avoir fait d’évaluation initiale. Lorsque ces plaintes ont été transmises au Programme du travail, les organisations ont été sommées de faire enquête sur toutes. Dans 10 à 25 % des griefs de harcèlement et de discrimination, les organisations avaient pris leurs décisions sans effectuer d’analyse préalable. De telles situations sont peu susceptibles de nourrir la confiance des employés envers le processus.
Le nombre de ces incidents au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada ne semble pas avoir diminué au cours des cinq dernières années, si l’on se fie au témoignage de M. Weber, président national du Syndicat des douanes et de l’immigration, devant le Sénat. Je le cite :
[...] l’Agence a la réputation auprès de ses employés de laisser passer des abus flagrants de la direction, et les employés de l’ASFC ont du mal à faire traiter par les voies existantes leurs plaintes concernant des gestionnaires. En fait, les gestionnaires de l’ASFC favorisent souvent l’ambiance même qui permet la multiplication de mauvais comportements. Grâce au fiasco d’ArriveCAN, l’irresponsabilité de la direction de l’Agence est désormais tristement célèbre, et il est évident que la structure de signalement et d’enquête interne de l’ASFC a grand besoin d’être révisée.
Il est préoccupant et inacceptable que les employés qui subissent de la violence, du harcèlement et de la discrimination au sein des organismes fédéraux craignent sérieusement de subir des représailles lorsqu’ils veulent déposer une plainte. Cela dissuade les victimes de s’élever contre ces comportements et alimente davantage le climat toxique au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada. Le gouvernement Trudeau était parfaitement au courant de ces incidents et n’a rien fait pour accélérer l’adoption de ce projet de loi.
Il incombe au ministre de la Sécurité publique d’intervenir rapidement lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité et de protéger l’intégrité des organismes sous sa responsabilité.
Ce ne sont pas les seuls incidents qui ont eu des répercussions sur l’Agence des services frontaliers du Canada ces dernières années. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a signalé à plusieurs reprises que l’Agence ne respectait pas la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par exemple, en 2019, le commissaire a publié un rapport d’enquête faisant suite à la réception d’un nombre important de plaintes contre l’Agence des services frontaliers du Canada concernant l’examen d’appareils numériques à la frontière. Le rapport portait plus précisément sur six plaintes et concluait avec ce qui suit :
De façon plus générale, notre examen a mis au jour des manquements dans les pratiques de l’ASFC, ce qui révèle des problèmes chroniques touchant directement l’exigence de responsabilité de l’ASFC face au public — à la fois pour l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés et pour la conformité aux exigences de la Loi.
À cette fin, nous concluons que la Politique ne permet pas à elle seule de s’assurer efficacement que les examens et la fouille des appareils numériques respectent le droit à la vie privée. Les mécanismes de formation et de responsabilité en place pour s’assurer que les agents de l’ASFC se conforment aux exigences nécessaires établies par la Politique ne sont pas suffisants.
Nous considérons donc que toutes les six plaintes sont fondées.
(1510)
Ces dernières années, les médias ont fait état de plusieurs incidents préoccupants au sujet de l’ASFC. Un agent aurait par exemple dérobé des milliers de dollars et des objets de luxe dans un coffre-fort de son employeur. Un autre s’est introduit illégalement dans le réseau informatique de l’agence afin d’effacer certains renseignements dans le dossier d’un tiers. Certains agents, et c’est sans doute le plus inquiétant de tout, entretiennent des liens avérés avec des narcotrafiquants et des membres des Hells Angels. C’est sans parler des cas de harcèlement sexuel, dont l’agression sexuelle d’une collègue qui n’était pas en devoir, les comportements humiliants — une personne aurait par exemple aspergé un collègue d’insecticide — et l’envoi de messages sexuellement explicites.
Dans un article paru en 2020, Radio-Canada rapportait qu’un agent a profité d’une intervention pour forcer les personnes en cause à lui caresser les parties génitales.
Les enquêtes pour mauvaise conduite sont en hausse à l’ASFC. En 2014, l’agence en a dénombré 146, dont 106 fondées. En 2023, il y en a eu 477, dont 341 étaient fondées.
Le Canada demeure le seul pays du Groupe des cinq à ne pas avoir d’organisme d’examen indépendant pour traiter les plaintes contre ses douaniers. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Mary-Liz Power, l’ancienne porte-parole du ministre de la Sécurité publique du Canada, Bill Blair, en 2020. Voilà qui est particulièrement curieux venant des personnes qui sont justement chargées de corriger la situation. Si même le cabinet du ministre admet ce manquement, on peut seulement se demander pourquoi le gouvernement n’y a pas vu plus tôt.
Le leader du gouvernement fera valoir qu’il y a eu une pandémie, suivie d’élections fédérales. Mais pourquoi le gouvernement a-t-il attendu sept mois avant de passer à l’étape du rapport à la Chambre des communes?
À titre d’exemple, et à titre de comparaison, le projet de loi C-21 sur les armes à feu, un projet de loi très controversé qui est loin de faire consensus au pays, a été déposé le 30 mai 2022 — 11 jours après le projet de loi C-20 — et il a été adopté le 15 décembre 2023, soit un an et demi plus tard. Comment le gouvernement justifie-t-il les retards prolongés dans l’étude du projet de loi C-20 alors qu’il agit rapidement sur des projets de loi partisans et controversés? Entretemps, des incidents se sont produits au cours des dernières années, et le gouvernement Trudeau n’a aucune excuse pour ce retard.
Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant vous faire part de mes sérieuses préoccupations quant à la façon dont le projet de loi C-20 a été rédigé. Dans son discours à l’étape de la troisième lecture, la marraine du projet de loi a elle-même admis qu’il est loin d’être parfait. Le projet de loi C-20 ne propose pas de modifications substantielles au processus actuel de traitement des plaintes et des enquêtes.
Cette approche est très proche de celle de l’actuelle commission indépendante chargée de traiter les plaintes contre la Gendarmerie royale du Canada. Pour déposer une plainte, les plaignants ont deux options. Ils peuvent présenter leur plainte directement à la GRC ou à l’Agence des services frontaliers du Canada, ou la soumettre à la commission, qui a le pouvoir d’enquêter en vertu de l’article 50 du projet de loi.
Toutefois, je tiens à clarifier un point essentiel du processus proposé par le projet de loi : le rôle de la commission consiste principalement à enquêter sur les plaintes déjà traitées par la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada. Le projet de loi impose également à ces dernières l’obligation de répondre aux rapports provisoires de la commission portant sur les plaintes dans un délai de six mois. En ce qui concerne les rapports sur des activités précises la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada disposeront de 60 jours pour formuler des observations avant que la commission ne publie un résumé du rapport. Enfin, le projet de loi prévoit que la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada soumettront au ministre de la Sécurité publique un rapport annuel sur la mise en œuvre des recommandations de la commission.
En outre, le projet de loi accorde à la nouvelle commission des pouvoirs supplémentaires, notamment la possibilité de recommander des processus et des mesures disciplinaires aux responsables de la GRC et de l’Agence des services frontaliers du Canada, ainsi que de mener des enquêtes, des révisions et des audiences conjointement avec des entités publiques d’autres gouvernements.
Cela m’amène à aborder une question importante soulevée par la Fédération de la police nationale au sujet du projet de loi. Cette dernière estime que le processus de plaintes n’est pas encore tout à fait transparent et indépendant, car de nombreuses plaintes déposées auprès de la commission sont redirigées vers la GRC, qui est responsable de ses enquêtes. Comme je l’ai expliqué plus tôt, le fait que des agents enquêtent sur d’autres agents peut être perçu par le public comme une entrave à l’impartialité du processus, même si, en réalité, les agents agissent avec honnêteté et professionnalisme. La perception prend souvent le dessus sur la réalité objective.
Le syndicat indique également les ressources que la GRC doit mobiliser pour traiter ces plaintes, des ressources qui pourraient autrement servir à lutter contre la criminalité ou à assurer la sécurité publique. J’aimerais citer un extrait de ce que Brian Sauvé, président du syndicat de la GRC, a dit à ce sujet :
En moyenne, 1 500 dossiers par année nécessitent une enquête de 40 heures chacun, ce qui représente environ 60 000 heures de travail dans des collectivités où nos membres pourraient exercer des fonctions policières de base. Cela équivaut à environ 30 agents de la GRC à temps plein.
Cela m’amène à un autre point qui, à mon avis, mérite une attention particulière. La Fédération de la police nationale a soulevé la question de la charge de travail supplémentaire que la nouvelle commission devra assumer pour traiter simultanément les plaintes contre la GRC et contre l’ASFC, ainsi que de l’augmentation des délais si des ressources adéquates ne sont pas fournies.
Encore une fois, ces préoccupations ont été exprimées par Mark Weber, président national du Syndicat des douanes et de l’immigration, qui a dit ceci devant un comité de la Chambre des communes :
En fait, en vertu de cette nouvelle loi, il est probable que les enquêtes pourraient prendre des années, ce qui n’est juste ni pour le plaignant ni pour la partie faisant l’objet de l’enquête.
L’Association du Barreau canadien fait la même observation en disant ceci dans son mémoire : « Il semble inévitable que l’augmentation de la charge de travail de ladite Commission soit accompagnée d’une augmentation des délais. »
Ces préoccupations doivent être prises au sérieux, chers collègues, car elles pourraient conduire à l’échec de cette nouvelle commission. On observe le manque de ressources au sein d’autres entités fédérales, comme le Commissariat à l’information. J’aimerais partager les propos qu’a tenus la commissaire Caroline Maynard concernant le budget principal de son bureau lors de son témoignage devant le Comité sénatorial des finances nationales le 17 septembre :
Malheureusement, ces progrès et la capacité du commissariat à remplir mon mandat législatif indépendant sont aujourd’hui hypothéqués. En effet, les ressources financières supplémentaires que j’ai reçues au cours du présent exercice afin de couvrir les augmentations salariales découlant de la signature des nouvelles conventions collectives ne sont pas suffisantes, ce qui entraîne un déficit structurel.
Pour une petite organisation comme la mienne, la pression subie est immense. Chaque membre de mon personnel joue un rôle essentiel. Le fait de perdre quelques employés peut avoir de profondes répercussions sur notre capacité à nous acquitter de notre mandat. En fin de compte, cette insuffisance budgétaire pourrait provoquer des retards encore plus longs pour les personnes qui cherchent à obtenir de l’information de la part des institutions fédérales.
Chers collègues, Harriet Solloway, commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada, a également exprimé ses inquiétudes quant au manque de ressources de son agence, et j’aimerais vous faire part de ce qu’elle a dit le même jour :
Nos ressources actuelles ne suffisent pas pour traiter un arriéré de dossiers de plus en plus important. Au 31 août 2024, 140 dossiers sont en attente d’une analyse de recevabilité et 47 enquêtes n’ont pas encore été menées à bien. Les enquêtes risquent de ne pas être achevées en temps opportun sans l’ajout de ressources supplémentaires. Ce risque implique un affaiblissement en matière de disponibilité et de qualité des éléments de preuve et des témoignages. Si nous ne pouvons pas enquêter sur les actes répréhensibles d’une manière efficace et les mettre en lumière, cela atténuera la responsabilité et supprimera l’un des principaux freins et contrepoids qui contribuent à renforcer la confiance dans les institutions publiques. De plus, le fait de ne pas pouvoir enquêter sur les plaintes en matière de représailles en temps opportun pourrait mettre les fonctionnaires dans une position vulnérable, les placer dans un environnement de travail hostile et avoir une incidence sur leur emploi.
Elle a ajouté :
L’impact de cette crise financière ne peut pas être surestimé. Sans un financement supplémentaire, on risque vraiment de manquer aux obligations établies en vertu de la loi qui régit notre travail.
(1520)
Chers collègues, le problème du projet de loi, c’est que le gouvernement n’a pas d’idée précise du nombre de plaintes qui seront traitées par cette nouvelle commission. Dans le cadre de son témoignage sur le projet de loi C-20, Mme Lahaie, qui est la présidente de l’actuelle Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, a dit ce qui suit :
L’une des choses que nous ignorons avec ce projet de loi qui est devant vous, c’est le nombre de plaintes que nous recevrons à propos de l’ASFC. C’est une inconnue. Ils ont déjà un processus à l’interne, mais quand il y a une agence externe qui se penche sur ces plaintes, cela donne plus de confiance au grand public. Lorsqu’on ouvre les portes — car elles sont déjà ouvertes —, on change.
À la fin de son étude, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a reconnu à l’unanimité que la question des ressources était cruciale. J’aimerais lire une observation figurant dans le rapport sur le projet de loi C-20 :
En ce qui concerne les préoccupations soulevées par les témoins au sujet des ressources, le comité est d’avis que le gouvernement du Canada doit fournir à la Commission proposée les ressources humaines et financières dont elle a besoin pour accomplir efficacement son mandat.
Honorables sénateurs, comme l’a mentionné l’Association du Barreau canadien, l’augmentation de la charge de travail entraînera des retards accrus dans le traitement des plaintes. Les plaintes en suspens peuvent avoir des répercussions sur la carrière des agents concernés. En effet, les agents faisant l’objet d’une enquête pourraient voir leur avancement professionnel être interrompu. Cette situation peut également avoir une incidence importante sur leur moral et leur bien-être, les laissant dans un état prolongé d’incertitude. Une possible solution consisterait à imposer des délais fixes pour le traitement des plaintes. Le Syndicat des douanes et de l’immigration a souligné dans son mémoire l’importance de fixer des délais clairs à chaque étape du processus. Cependant, l’étude du projet de loi à la Chambre des communes et au Sénat n’a pas apporté de réponse précise à ce sujet.
Je ne reviendrai pas sur les différents problèmes que pose le projet de loi, mais j’aimerais me concentrer sur deux amendements qui ont été apportés à la Chambre des communes et qui, à mon avis, aggraveront les problèmes que j’ai décrits. La députée bloquiste Kristina Michaud a proposé un amendement qui a été adopté avec l’appui des libéraux et des néo-démocrates, et qui permet à une « tierce partie » de porter plainte. Cet amendement permet aux groupes de défense ou aux organismes à but non lucratif de porter plainte au nom d’une personne, même sans son consentement, ce qui n’était pas autorisé avant l’amendement, puisqu’une tierce partie ne pouvait porter plainte qu’à condition d’obtenir une autorisation préalable. Ce changement pourrait entraîner un volume important de demandes et engorger le processus. Alfredo Bangloy, commissaire adjoint de la GRC, a fait la déclaration suivante pendant les délibérations du comité de la Chambre des communes sur cet amendement :
[U]ne vidéo YouTube et la possibilité de déposer une plainte portant sur des actions vues sur YouTube sans être impliqué dans l’incident ou sans avoir de liens avec les personnes qui y sont impliquées pourraient entraîner une augmentation des plaintes qui ne sont pas déposées par des personnes touchées. Cela pourrait provoquer une hausse des plaintes en général et des ressources à allouer au traitement de ces plaintes et aux enquêtes qui y sont rattachées.
Le syndicat de la GRC a exprimé la même préoccupation au comité sénatorial. Voici ce que M. Sauvé, de la GRC, a dit à ce sujet :
Les amendements actuels au paragraphe 33(1) et à l’article 35 autorisent des « tierces parties » à déposer des plaintes et à recevoir de l’aide. Cependant, le terme « tierce partie » n’est pas clairement défini. On ne sait pas trop qui peut être considéré comme « tierce partie », les circonstances dans lesquelles des « tierces parties » peuvent recevoir de l’aide ou ce que veut dire être « directement concernée » par une plainte. Cette ambiguïté pourrait conduire à une mauvaise utilisation des ressources, car la commission recevrait des plaintes futiles, et cela pèserait encore sur des ressources déjà limitées.
En vertu de l’article 38 du projet de loi, la commission a le droit de refuser une plainte si elle est déposée par une tierce partie qui n’est pas directement concernée par l’objet de la plainte. Cela n’est pas suffisant, et cet amendement crée une échappatoire dans le projet de loi. Premièrement, la commission devra mobiliser des ressources pour ouvrir toutes les plaintes qui lui sont transmises. Si un groupe de pression décide de déposer 1 000 plaintes jugées frivoles ou vexatoires, la commission devra entreprendre la tâche laborieuse d’ouvrir et d’examiner chacune d’elles. Deuxièmement, comme il n’y a pas de définition de « tierce partie », cela élargit considérablement le champ d’application du projet de loi.
Finalement, comme l’a mentionné M. Sauvé, nous ne savons pas exactement ce que signifie ne « pas [être] directement concernée par l’objet de la plainte ». Par conséquent, le projet de loi crée une ambiguïté qui risque d’entraîner un nombre élevé de plaintes et de longs délais de traitement, en plus de taxer les ressources de la commission. Comme si cela n’était pas suffisant, un amendement proposé par le député néo-démocrate Peter Julian a fait passer d’un an à deux ans le délai pour la présentation d’une plainte, ce qui fait qu’une personne ou un tiers pourrait soumettre une plainte jusqu’à deux ans après l’incident.
Cet amendement pourrait accroître la charge de travail des agents de la GRC ou de l’Agence des services frontaliers du Canada qui devraient faire enquête sur des incidents remontant jusqu’à deux ans en arrière. À l’heure actuelle, il est possible de déposer une plainte auprès de la GRC ou de l’Agence des services frontaliers jusqu’à un an après les faits. Ces organismes disposent d’un pouvoir discrétionnaire leur permettant d’examiner les plaintes au cas par cas, d’étudier la nature de la plainte et de faire enquête. Les syndicats de la GRC et de l’Agence des services frontaliers se sont fermement opposés à cet amendement au comité.
Voici ce que M. Weber a dit à ce sujet :
Nous avons également des préoccupations pressantes au sujet des délais, notamment en ce qui concerne le délai initial pour déposer une plainte. Selon la dernière version du projet de loi, les plaintes peuvent être déposées jusqu’à deux ans après l’incident présumé. Étant donné que les agents de [l’Agence des services frontaliers du Canada] interagissent souvent avec des centaines de voyageurs par jour — et que ces interactions peuvent être très brèves —, des délais trop longs désavantageraient énormément les agents faisant l’objet d’une plainte, car il est souvent pratiquement impossible de se souvenir d’une interaction de quelques secondes qui s’est produite plusieurs mois auparavant.
Voici ce que M. Sauvé a ajouté à ce sujet :
Étant donné les défis actuels de la commission en matière de ressources, cette prolongation risque de retarder des enquêtes et de compliquer la collecte de renseignements précis, la mémoire s’altérant. Le processus actuel permet déjà de prolonger le délai dans des cas exceptionnels.
Chers collègues, ces amendements pourraient avoir un impact négatif sur le projet de loi, qui soulève déjà des inquiétudes quant à la capacité de la commission à remplir efficacement son nouveau mandat.
Je conclurai mon intervention en vous faisant part de mes réflexions fondamentales sur la question qui nous occupe aujourd’hui. Il serait malhonnête d’affirmer que les organismes d’application de la loi ont besoin d’une surveillance rigoureuse sans considérer l’autre côté de la médaille. Les agents de la GRC et de l’Agence des services frontaliers du Canada sont des professionnels dévoués qui restent attachés à leurs missions malgré des situations de plus en plus complexes.
Au cours des neuf dernières années, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a contribué, par les lois qu’il a adoptées, à faire augmenter considérablement la criminalité au Canada.
(1530)
Pensons par exemple aux mesures introduites en 2019 par le projet de loi C-75, sur les remises en liberté sous cautionnement, ou en 2022 par le projet de loi C-5, qui faisait tomber les peines minimales obligatoires pour les crimes commis au moyen d’une arme à feu et élargissait les circonstances où un juge peut infliger une peine avec sursis.
Les statistiques sur la criminalité parlent d’elles-mêmes. J’aimerais citer un passage du rapport de Statistique Canada sur les crimes signalés à la police en 2022.
L’Indice de gravité des crimes (IGC avec violence) s’est accru de 5 %, après avoir augmenté de 6 % l’année précédente. Comparativement à 2021, la hausse de l’IGC avec violence en 2022 s’explique principalement par des taux plus élevés de vols qualifiés (+15 %), d’affaires d’extorsion (+39 %), d’homicides (+8 %) et d’agressions sexuelles de niveau 1 (+3 %).
Je signale par ailleurs que les vols d’automobiles ont augmenté de 34 % pendant les neuf années que Justin Trudeau a passé au pouvoir. À Toronto, ils ont augmenté de 300 % et de plus de 100 % à Montréal.
Qu’en est-il des frontières? Les flux d’immigration augmentent constamment depuis des années, ce qui peut seulement accroître la pression sur le personnel de l’Agence des services frontaliers du Canada qui doit faire un travail monumental pour gérer toutes ces arrivées.
Le gouvernement libéral a aussi pris des décisions douteuses dans le dossier de l’immigration. En 2016, il a par exemple décidé de permettre aux Mexicains d’entrer au Canada sans visa, ce qui a ouvert grand la porte aux groupes criminels organisés. Le Journal de Montréal rapportait en 2019 que 400 criminels sont entrés au Canada, que les saisies de drogue mexicaine ont fait un bond de 80 % et que le nombre de personnes interdites de territoire a augmenté de 500 %, tout ça seulement un an après cette décision.
Cette année, sous la pression, le gouvernement libéral a fini par changer son fusil d’épaule en obligeant de nouveau les Mexicains à obtenir un visa, à quelques exceptions près. Il serait donc injuste de ne pas reconnaître que le gouvernement Trudeau crée de nouvelles pressions sur les agents de la Gendarmerie royale du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada, qui doivent en faire plus avec moins, tout en respectant des normes éthiques élevées.
Toutefois, chers collègues, voici la bonne nouvelle. Nous sommes à moins d’un an des élections, au cours desquelles un gouvernement conservateur plein de gros bon sens, sous la direction du très compétent Pierre Poilievre, sera élu. Grâce à ce gouvernement, le Canada redeviendra un pays qui fait l’envie de tous les citoyens respectueux des lois partout dans le monde, comme c’était le cas autrefois — je répète, chers collègues, autrefois —, plutôt que l’envie de tous les criminels de la planète.
En conclusion, chers collègues, je tiens à exprimer de nouveau ma gratitude aux agents de la GRC et de l’Agence des services frontaliers du Canada pour le travail remarquable qu’ils accomplissent chaque jour pour le Canada et notre sécurité. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à exhorter le gouvernement à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme
Consentement ayant été accordé de passer aux autres affaires, motions, article no 181 :
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Dalphond,
Que le Sénat prenne note :
a)des données de Statistique Canada et des organisations juives telles que le Centre pour Israël et les affaires juives, les Amis du Centre Simon Wiesenthal et B’nai Brith indiquant une augmentation choquante des incidents antisémites au Canada au cours des dernières années;
b)qu’il y a eu une poussée mondiale d’antisémitisme, à laquelle le Canada n’a pas échappé, depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et le devoir d’Israël d’y répondre;
c)que depuis octobre 2023, la communauté juive du Canada a été témoin de coups de feu dans ses écoles, de tentatives d’incendie criminel dans ses bâtiments communautaires, d’efforts de boycottage et de vandalisme visant des entreprises privées, simplement parce que leurs propriétaires sont juifs, et de l’intimidation de ses étudiants dans les universités;
d)que les services de police de tout le pays font tous état d’une augmentation importante et sans précédent des crimes haineux depuis octobre 2023, la communauté juive étant de loin la plus visée;
e)que le gouvernement du Canada a nommé Deborah Lyons, ancienne ambassadrice du Canada en Israël, comme nouvelle envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme;
f)que l’autorité conférée au bureau de l’envoyée spéciale lui permet d’être particulièrement bien placée pour convoquer et présider un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme;
g)qu’un deuxième sommet national de lutte contre l’antisémitisme constituerait un forum important pour les parties prenantes représentant tous les ordres de gouvernement, les fonctionnaires, les forces de l’ordre, les éducateurs et les dirigeants communautaires, afin de partager des informations et de convenir de stratégies efficaces pour endiguer la vague de haine sans précédent visant les Juifs;
Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion no 181, qui demande la tenue urgente d’un deuxième sommet national pour lutter contre l’antisémitisme. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je me permets de faire une mise en contexte pour les gens qui nous écoutent à la maison.
Mon collègue le sénateur Housakos a donné préavis de cette motion le 29 février, il y a exactement huit mois. Il en a parlé le 16 avril, et le débat a été ajourné par le sénateur Dalphond. Cette motion s’inspire du travail inlassable de Marvin Rotrand, de l’organisme montréalais Unis contre la haine Canada.
M. Rotrand a récemment communiqué avec tous les leaders des différents caucus du Sénat pour demander pourquoi l’étude de cette motion n’avait pas progressé.
Au départ, M. Rotrand avait communiqué avec le sénateur Gold pour se renseigner sur ce qu’il advenait de la motion. Malheureusement, le sénateur Gold lui a servi l’excuse que, comme il ne s’agissait pas d’une question relevant du gouvernement, il n’interviendrait pas pour faire en sorte que la motion soit débattue. Voilà un autre exemple clair de l’incohérence du sénateur Gold quant à son rôle. Il prétend qu’il n’interviendra pas sur une motion contre l’antisémitisme sous prétexte qu’il ne s’agit pas d’une motion du gouvernement. Pourtant, pas plus tard que cette semaine, ce même sénateur a participé à deux reprises à l’étude du projet de loi C-282 au Comité des affaires étrangères. D’ailleurs, le sénateur Gold a assisté à toutes les réunions du comité sur ce projet de loi, qui n’est pourtant pas un projet de loi du gouvernement.
Il y a là un paradoxe indéniable. Le sénateur Gold refuse de lever le petit doigt pour appuyer la motion no 181, mais il est prêt à investir des efforts considérables dans un projet de loi non gouvernemental — un projet de loi d’initiative parlementaire — qui ne provient pas du gouvernement ni du Parti libéral du Canada. Sa nouvelle préoccupation pour l’avenir des industries du poulet, du dindon, des œufs et de la production laitière et le temps qu’il y consacre sont pour le moins discutables, surtout si l’on compare ses efforts dans ce dossier à son inaction et à l’abdication de ses responsabilités dans celui de l’antisémitisme, un enjeu qui, nous le savons, lui tient particulièrement à cœur.
(1540)
Quoi qu’il en soit, après huit mois de stagnation, il est temps que le Sénat bouge.
Mardi de la semaine dernière, j’ai invité les autres leaders à parler de la motion et à inciter les membres de leur groupe respectif à faire de même. J’ai pu compter sur leur pleine collaboration.
Jeudi dernier, j’ai informé les autres leaders que je souhaitais mettre la motion aux voix aujourd’hui. Là aussi, j’ai eu leur entière collaboration. Je les en remercie.
Chers collègues, il est temps que le Sénat dise clairement aux Canadiens, et surtout à la communauté juive, qu’il prend la question de l’antisémitisme au sérieux. Nous sommes aux côtés de nos concitoyens qui se font attaquer et nous allons talonner le gouvernement pour qu’il fasse quelque chose.
Le temps est venu de nous prononcer sur cette motion, parce que l’antisémitisme est loin d’avoir disparu du Canada, bien au contraire.
La motion demande essentiellement à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme d’organiser un deuxième sommet national sur la lutte contre l’antisémitisme. Comme vous le voyez, ce n’est pas beaucoup demander. La motion demande la tenue d’un sommet. Elle est toutefois essentielle, car elle arrive à un moment difficile de l’histoire de la communauté juive au Canada et ailleurs.
Bien que l’antisémitisme existe depuis des temps immémoriaux, le nombre d’incidents antisémites est en hausse depuis un an. Le moment est venu d’envoyer un message clair.
Nous savons tous en quoi consiste l’antisémitisme : c’est un préjugé ou une haine contre les Juifs. Pour des raisons qui me semblent obscures, l’antisémitisme a persisté tout au long de l’histoire, disparaissant momentanément du discours public pour refaire surface avec une intensité sans précédent.
De l’Égypte ancienne aux temps modernes, cette haine des Juifs est incompréhensible. Pourquoi tant de haine? Depuis des siècles, les Juifs servent souvent de bouc émissaire et ils sont accusés à tort d’être responsables d’événements catastrophiques, de maladies, de difficultés économiques et de famines.
Aujourd’hui encore, certains politiciens états-uniens accusent les Juifs de contrôler la météo et de causer des incendies de forêt catastrophiques à l’aide de rayons laser provenant de l’espace.
Souhaitez-vous participer au débat?
Cette haine s’accompagne de nombreux stéréotypes ridicules et révoltants sur les Juifs. Certains tentent de justifier l’antisémitisme en le liant à l’antisionisme, affirmant que la haine contre les Juifs découle de la haine contre Israël.
Pourtant, l’antisémitisme existait bien avant la création d’Israël en 1948. Cet argument me pose deux problèmes. Premièrement, je ne peux pas accepter d’assimiler un désaccord profond avec les politiques menées par l’État d’Israël à la haine contre la population d’Israël. Deuxièmement, le déversement de cette haine contre Israël sur les gens qui vivent ici est tout simplement révoltant.
De nombreux Canadiens ne sont pas d’accord avec les politiques d’un gouvernement étranger. Ils ont tout à fait le droit d’exprimer leur opinion et de manifester devant l’ambassade ou le consulat de ce pays. En revanche, attaquer une synagogue à Montréal ou boycotter un restaurateur à Toronto simplement parce qu’on n’aime pas Israël, c’est ignoble.
Qu’une chose soit bien claire : désapprouver les politiques d’Israël ne fait pas de quelqu’un un antisémite. Toutefois, s’attaquer à des Juifs parce qu’ils sont Juifs en utilisant les actions d’Israël comme justification, c’est de l’antisémitisme. C’est de la haine contre les Juifs, purement et simplement.
Comme l’a récemment souligné Meric Gertler, président de l’Université de Toronto, lors d’une conférence :
La discrimination fondée sur les croyances ou le lieu d’origine ne cesse pas d’être interdite simplement parce que les mots « Juif » ou « Israélien » sont remplacés par le mot « sioniste ».
Le poste d’envoyé spécial pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme a été créé en 2020. En juillet 2021, l’envoyée spéciale a organisé le premier Sommet national sur l’antisémitisme. Comme l’a souligné le sénateur Housakos dans son discours, ce sommet a mené à une injection considérable de fonds pour le bureau de l’envoyée spéciale, à de l’argent frais pour le programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité, à un engagement à mieux former les fonctionnaires et les forces de l’ordre à reconnaître l’antisémitisme et à y réagir, ainsi qu’à une déclaration ferme du Canada au Forum international de Malmö sur la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, en octobre 2021.
Bien sûr, la création du poste d’envoyé spécial et la tenue du sommet n’ont pas fait disparaître l’antisémitisme du Canada. Ils ont toutefois donné des résultats concrets, en plus d’envoyer un message aux membres de la communauté juive du Canada : ils ne sont pas seuls.
Les événements du 7 octobre 2023 en Israël, pendant lesquels des terroristes du Hamas ont tué et blessé des milliers d’innocents, ont ouvert les vannes de la haine contre les Juifs dans les démocraties occidentales.
Quand on parle d’ingérence étrangère, il serait intéressant de savoir qui finance ces manifestations violentes. Quelle que soit la puissance étrangère qui a lancé une guerre contre les Juifs au Canada, nous devons envoyer un signal clair que, en tant que pays, nous ne tolérerons plus cela.
Quand une personne attaque une synagogue ou une école juive au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite. Quand une personne réclame le boycottage d’une entreprise canadienne appartenant à un Juif au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.
Quand une personne occupe un bâtiment d’une université canadienne qui porte le nom d’un donateur juif canadien au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.
Quand une personne se rend masquée dans un quartier juif pour crier « mort aux Juifs » et réclamer la destruction de l’État d’Israël au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.
Quand une personne organise un défilé pour glorifier les tueurs de Juifs au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.
Malheureusement, ce que je viens de décrire se produit toutes les semaines au Canada. Il est déplorable que l’antisémitisme se manifeste régulièrement dans notre pays.
La résurgence de l’antisémitisme au Canada et dans le monde est très préoccupante. Nous devons nous engager à faire en sorte que le Canada soit un territoire où tout le monde peut vivre et pratiquer sa religion en paix et en sécurité.
Ici, au Canada, le gouvernement Trudeau a manifestement du mal à adopter une position claire en faveur d’Israël, notre allié de longue date.
En novembre 2023, l’ancien sénateur libéral Jerry Grafstein a écrit une lettre ouverte au premier ministre dans laquelle il reproche à Justin Trudeau la recrudescence de l’antisémitisme sous son gouvernement. Il dit :
Les attaques contre les Juifs au Canada sont inacceptables, notamment les coups de feu tirés sur des écoles juives, l’attaque à la bombe incendiaire contre une synagogue et le vandalisme de restaurants ou de cafés dans des quartiers résidentiels juifs paisibles.
Sous votre gouvernement, les attaques antisémites dans les universités, les facultés de droit et même les écoles de médecine sont sans précédent dans l’histoire moderne du Canada.
Un an après le terrible massacre du 7 octobre, Justin Trudeau et Mélanie Joly tentent toujours de dire une chose et ensuite de dire le contraire en fonction du jour et de l’auditoire.
Notre gouvernement ne fait preuve d’aucune clarté morale.
Chers collègues, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Il est temps que le Sénat dise qu’assez, c’est assez.
L’antisémitisme demeure un problème persistant et profondément troublant au Canada. C’est pourquoi on ne saurait trop insister sur le besoin urgent de tenir un deuxième sommet national pour lutter contre l’antisémitisme. Ce sommet pourrait marquer un tournant. Il montrera aux membres de la communauté qu’ils ne sont pas seuls. Il entamera une discussion sur les moyens de sensibiliser les gens à la haine et à la discrimination et de lutter contre elles. Il pourrait nous aider à comprendre d’où vient la vague croissante de haine.
La motion dont nous sommes saisis représente une étape cruciale dans la lutte contre la montée de l’antisémitisme au Canada et dans la garantie du soutien et de la protection de notre communauté juive.
Notre message est simple : le Sénat du Canada est à vos côtés. Vous n’êtes pas seuls.
De plus, comme nous croyons dans les idéaux canadiens d’égalité et de non-discrimination, nous allons établir clairement que nous ne tolérerons pas que l’antisémitisme devienne une forme de discrimination acceptable et à la mode, ou simplement un sous‑produit de ces temps difficiles.
(1550)
Chers collègues, travaillons ensemble en tant que parlementaires afin de lutter contre l’antisémitisme et les crimes haineux en votant en faveur de la motion no 181. Merci.
L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Plett, acceptez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Plett : Certainement.
Le sénateur Woo : Je remercie le sénateur Plett pour son discours. Tout comme lui, je trouve qu’il est important de lutter contre ce fléau qu’est l’antisémitisme et de faire preuve de solidarité à l’égard des Juifs, au Canada et ailleurs dans le monde.
Sénateur Plett, vous avez raison de souligner que l’antisémitisme a augmenté depuis les horribles attaques du Hamas, le 7 octobre, contre des Juifs innocents en Israël. La motion fait d’ailleurs référence à cet incident : « [...] depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et le devoir d’Israël d’y répondre [...] »
Sénateur Plett, j’aimerais savoir si vous jugez que le devoir d’Israël de répondre à cette attaque est sans limites, ou s’il devrait être limité et soumis au droit humanitaire international.
Le sénateur Plett : Je crois fermement qu’Israël a 100 % le droit de se défendre, point à la ligne, et je l’appuie.
Le sénateur Woo : Ma question est de savoir si vous êtes d’accord avec le fait que le droit d’Israël à se défendre, que j’approuve, devrait être soumis au droit humanitaire international — autrement dit, soumis au régime des crimes de guerre.
Le sénateur Plett : Comme je l’ai dit, sénateur Woo, Israël a 100 % le droit de se défendre, et je l’appuie. J’espère que vous aussi.
Le sénateur Woo : J’appuie effectivement Israël. Puisque vous ne répondez pas à ma question, j’espère que ce sommet national, qui est plus que nécessaire à mon avis, reconnaîtra qu’il y a des limites au droit d’un pays à se défendre, que ces limites sont restreintes et définies par le droit humanitaire international, et que si, en fait, il y a des allégations crédibles de violations du droit humanitaire international dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, ce même sommet se penchera sur ces questions.
Le sénateur Plett : Tout d’abord, sénateur Woo, il n’y a qu’un seul moyen de garantir une paix absolue et complète : si le Hamas, le Hezbollah et tous les autres terroristes déposent leurs armes, la paix sera instantanée.
Sénateur Woo, votez pour cette motion. Je suis d’accord, nous allons permettre à cette rencontre et à ce sommet d’avoir lieu, et j’espère que cette question y sera traitée de la manière la plus appropriée. Je n’y serai pas. Je ne vais pas leur donner mes conseils. Il n’y a pas d’amendement à la motion. Elle est très claire et directe. J’espère que vous l’appuierez.
L’honorable Paula Simons : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Plett?
Vous m’avez demandé plus tôt si je souhaitais prendre part à la conversation. En tant que personnalité publique d’origine juive, je suis l’objet d’attaques antisémites depuis 30 ans. J’ai grandi à l’époque de Jim Keegstra, en Alberta, alors que les mensonges sur une prétendue conspiration juive visant à prendre le contrôle du monde étaient monnaie courante.
Vous dénoncez l’antisémitisme de la gauche, mais j’aimerais aussi demander à la figure de proue du mouvement conservateur canadien que vous êtes si elle accepterait de dénoncer aussi vertement l’antisémitisme des complotistes de droite, qui ont comparé les protocoles de lutte contre la COVID à des crimes de guerre et qui ont dit que les changements climatiques étaient en réalité une tentative des Juifs pour prendre le contrôle de la météo. J’espère que je pourrai compter sur vous et vos collègues conservateurs pour dénoncer aussi vivement la culture toxique de l’antisémitisme qui teinte une bonne partie du discours de la droite.
Le sénateur Plett : D’abord, sénatrice Simons, je croyais que c’était votre voisine de banquette qui avait fait une remarque tout à l’heure. Je ne savais pas que c’était vous quand j’ai demandé si vous souhaitiez intervenir dans le débat, quoique j’aurais probablement dit la même chose si j’avais réalisé que c’était vous.
Quoi qu’il en soit, sénatrice Simons, vous êtes tout à fait libre de présenter une motion si vous le souhaitez, et le cas échéant, je vais certainement l’examiner et déterminer si je peux ou non l’appuyer. La motion dont nous débattons actuellement n’a rien à voir avec ce que vous venez de mentionner.
La sénatrice Simons : Êtes-vous en train de dire que la motion n’a rien à voir avec l’antisémitisme et concerne seulement la réponse d’Israël à Gaza? Car, je ne peux m’imaginer qu’un sommet sur l’antisémitisme ne se pencherait pas également sur l’affreux genre de tropes antisémites que la droite fait circuler, particulièrement aux États-Unis, ceux que vous venez vous-même d’énumérer dans votre discours.
Le sénateur Plett : Je répète que je ne suis pas l’auteur de la motion, sénatrice Simons. J’appuie Israël. Je m’oppose entièrement à toutes les formes d’antisémitisme. Si nous voulons débattre de ce qui constitue de l’antisémitisme, je serais peut-être d’accord avec certains des points que vous soulevez, mais en désaccord avec d’autres. Nous sommes probablement d’accord sur ce qui se trouve dans la motion dont nous débattons. Mettons-la aux voix.
L’honorable Leo Housakos : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Absolument.
Le sénateur Housakos : Sénateur Plett, il est malheureux qu’une simple motion dénonçant l’antisémitisme, un point, c’est tout... Il n’est pas question d’antisémitisme de gauche ou d’antisémitisme de droite, et la motion ne dit absolument rien sur la situation géopolitique au Moyen-Orient. La motion demande de convoquer un sommet sur l’antisémitisme.
Récemment, sénateur Plett, j’ai rencontré des étudiants universitaires qui se heurtent de plein fouet à l’antisémitisme au quotidien et ils se sentent abandonnés par les institutions du pays, par les gouvernements et par à peu près tout le monde. En pareilles circonstances au Canada où les attaques contre la communauté juive se multiplient, quelle personne sensée s’opposerait à l’organisation d’un simple sommet ouvert pour discuter en toute transparence de ce problème?
Le sénateur Plett : Merci beaucoup, sénateur Housakos. Je suis entièrement d’accord avec vous. La sénatrice Simons a mentionné qu’elle était d’origine juive. Je suis d’origine mennonite. Je suis chrétien. Je crois en l’amour. Je crois en l’amour de tous les êtres humains. Je suis donc contre toute forme d’antisémitisme, comme je l’ai mentionné.
Au sujet de la motion dont nous parlons aujourd’hui, je ne comprends pas vraiment pourquoi nous avons à demander « allez-vous appuyer ceci? » ou « allez-vous appuyer cela? » Encore une fois, j’invite tous ceux qui souhaitent prendre la parole au sujet de la motion à le faire et, une fois qu’elle aura été mise aux voix — et adoptée, je l’espère —, si d’autres sénateurs ont des motions à proposer, je serai tout à fait disposé à prendre la parole à leur sujet ou à les étudier.
[Français]
L’honorable Pierre J. Dalphond : Je vais me prononcer en faveur de cette motion présentée par le sénateur Housakos, que j’ai appuyée et que je continue d’appuyer. Ce n’est pas pour moi une question politique. Ce n’est pas le moment de décider ici ce qui se passe au Moyen-Orient. Ce sont des questions sérieuses. Ce dont il faut parler, c’est d’antisémitisme au Canada, et cette question n’a aucune couleur politique.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer la motion du sénateur Housakos visant à condamner l’antisémitisme au Canada et dans le monde entier.
La haine et les perceptions haineuses du peuple juif remontent à plusieurs siècles. L’auteur Robert Wistrich appelait l’antisémitisme « la haine la plus longue ». Pourtant, nous n’avons pas encore pleinement saisi la leçon que l’histoire nous a enseignée à maintes reprises : les manifestations de haine les plus radicales ne surviennent pas du jour au lendemain. Elles sont le point culminant d’une série d’événements dont la société est témoin et qu’elle ne parvient pas à affronter.
Chers collègues, l’antisémitisme est une sorte de cancer qui doit être éradiqué dès les premiers signes. Un silence prolongé peut entraîner les pires conséquences.
C’est ce qui s’est passé lors de l’Holocauste, une persécution et un génocide délibérés, organisés et soutenus par l’État, de 6 millions de Juifs vivant en Europe. La sonnette d’alarme a été tirée bien avant que le régime nazi ne mette en œuvre la solution finale, une campagne d’anéantissement qui allait coûter la vie à deux Juifs européens sur trois.
Dès son arrivée au pouvoir, Hitler a dépouillé les Juifs de leurs biens et de leurs postes dans les universités, la magistrature, l’armée et la fonction publique. Puis vinrent les lois de Nuremberg, qui légalisaient la discrimination à l’encontre du peuple juif.
(1600)
Lors de la Nuit de Cristal, en novembre 1938, plus de 250 synagogues ont été détruites, d’innombrables entreprises et maisons juives ont été vandalisées et détruites, 91 personnes ont été assassinées et quelque 30 000 hommes juifs ont été envoyés dans des camps de concentration nazis. Pourtant, le monde n’a pas agi rapidement et de manière décisive. Ce génocide et l’incapacité collective à intervenir rapidement entacheront à jamais l’histoire de l’humanité. Dans la foulée de l’Holocauste, le monde a juré que cela ne se reproduirait « jamais plus ». Malheureusement, l’antisémitisme continue d’empoisonner l’esprit de nombreuses personnes dans le monde aujourd’hui.
Malheureusement, le Canada n’a pas été épargné par la résurgence de l’antisémitisme. L’année dernière, à Montréal, une synagogue et un centre communautaire juif ont été la cible d’attaques à la bombe incendiaire. La plus ancienne synagogue de Montréal a été barbouillée de graffitis nazis. En mai dernier, à Toronto et à Montréal, des écoles juives ont été la cible de coups de feu. Par conséquent, des parents ont eu peur d’envoyer leurs enfants à l’école.
J’ai rencontré des représentants des communautés juives de Montréal et de Toronto, qui m’ont parlé de leurs craintes et de l’insécurité que leurs enfants et eux ressentent. Ce mois-ci, à Toronto, lors de la fête juive du Yom Kippour, la même école primaire juive pour filles a de nouveau été la cible de coups de feu. Le fait que quelqu’un veuille terrifier des élèves, des enfants, et leur famille parce qu’ils sont juifs me brise le cœur. Ces incidents ne sont que la pointe de l’iceberg.
Selon Statistique Canada, en 2023, 900 crimes haineux contre des Juifs ont été signalés à la police, ce qui représente une augmentation de 71 % par rapport à l’année précédente. En octobre 2024, les données de Statistique Canada pour les deux premiers trimestres ont indiqué que, à 17,6 % du total des crimes haineux signalés, nos voisins juifs formaient le groupe le plus ciblé.
Chers collègues, nous ne savons que trop bien que les incidents haineux ont augmenté depuis les atrocités commises lors des attaques terroristes du 7 octobre dernier. Même si de nouveaux actes de haine semblent se produire constamment, nous devons tous demeurer unis pour dire que cette haine et cette violence n’ont pas leur place au Canada ni nulle part ailleurs. Notre pays est une société de valeurs fondées sur la Charte, où la liberté d’expression est protégée afin de soutenir un dialogue respectueux. Cependant, les discours haineux, l’intimidation et les menaces n’y ont pas leur place.
En cette période difficile, nous devons écouter Deborah Lyons, envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme. Comme je l’ai mentionné dans une déclaration en mai lors d’une entrevue conjointe avec Amira Elghawaby, représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Mme Lyons a déclaré :
Amira et moi travaillons en étroite collaboration, et je pense qu’il est important de montrer aux Canadiens que, même à une époque de fracture et de souffrance, nous unissons nos efforts en tant que Canadiens — en nous appuyant sur les valeurs canadiennes — pour collaborer avec compassion et respect afin de bâtir le Canada que nous voulons avoir, même si nous ne sommes pas toujours d’accord.
[Français]
Malgré cet appel, il faut bien reconnaître que de nombreuses personnes de confession juive au Canada vivent toujours dans une peur constante, que ce soit dans la rue, sur les campus et ailleurs.
Comme je l’ai dit, l’antisémitisme est un cancer qui doit être éradiqué de notre société. Que pouvons-nous faire pour lutter contre l’antisémitisme et soutenir nos concitoyens et concitoyennes juifs?
En y réfléchissant, j’ai été ému par une interview diffusée sur Radio-Canada en mai dernier. L’auteur, Lawrence Hill, a déclaré, et je cite :
On est dans une période très, très grave, et je trouve que, parfois, il est plus facile pour certaines personnes d’haïr que d’aimer. Mais aimer, c’est ce qu’il faut faire.
Chers collègues, je suis d’accord avec M. Hill pour dire que l’amour peut vaincre la haine. Les vecteurs de l’amour doivent être l’éducation, le dialogue et l’empathie. Il est de notre responsabilité à tous de construire des ponts, en tant que parlementaires, voisins, enseignants, entraîneurs, amis et concitoyens. Tel doit être notre Canada, et nous ne devons jamais laisser le racisme et la haine ériger des murs entre nous.
Comme le dit la Torah, dans le Lévitique 19:18, et je cite : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
[Traduction]
Je tiens à dire aux juifs qui sont au Canada, en Israël et dans le monde entier, que je ne suis pas le seul à penser qu’il ne devrait y avoir aucun endroit où l’antisémitisme peut se dissimuler et insuffler la haine. Les meilleurs d’entre nous souhaitent que vous soyez en sécurité, en paix et tranquilles.
Je n’insisterai pas sur les événements qui se déroulent au Moyen-Orient, mais je dois ajouter que toute description positive de l’attaque terroriste du 7 octobre est méprisable et contraire aux valeurs canadiennes. La société ne doit jamais tolérer la célébration du meurtre, du viol, de la torture, de la prise d’otages et de toute autre atrocité.
Malheureusement, depuis le 7 octobre 2023, nous avons parfois été témoins de cette situation honteuse au Canada. Les Canadiens ont le droit d’examiner la gestion des hostilités par Israël et les politiques de son gouvernement, tout comme les Israéliens le font, comme dans toute démocratie robuste. Cependant, les gestes de glorification du Hamas et de soutien à cette organisation que l’on observe depuis le 7 octobre sont un enjeu tout à fait différent et troublant.
Nous avons tous la responsabilité de sonner l’alarme et d’agir quand des débats ou des critiques légitimes à l’égard de la politique ou de la conduite du gouvernement israélien se muent en antisémitisme ou marginalisent nos voisins juifs. Dans certains cas, des poursuites criminelles peuvent être justifiées, mais l’intervention la plus efficace se doit d’être un dialogue respectueux entre ceux qui ont des points de vue différents sur ces événements et sur les moyens de rétablir la paix.
Nous devrions aussi réclamer d’une seule voix la libération immédiate de tous les otages. Ces pères, ces mères et ces enfants doivent pouvoir retrouver leur famille. C’est la seule option pour quiconque croit à l’amour.
Comme vous le savez, chers collègues, le Canada arrive au troisième rang pour le nombre de Juifs qui vivent hors d’Israël. La contribution inestimable des Canadiens de confession juive a façonné notre démocratie et notre société multiculturelle.
Je pense à Bora Laskin, une sommité du droit du travail et le premier Juif à être nommé à la Cour suprême du Canada. C’est lui qui était le juge en chef du Canada à l’époque où j’ai eu l’honneur d’être greffier à la Cour suprême.
Je pense aussi à notre ancien ministre de la Justice, l’honorable Irwin Cotler, qui est aussi un symbole des droits de la personne et avec qui j’ai eu l’honneur de collaborer de temps à autre dans divers dossiers internationaux traitant de droits de la personne.
Je pense en outre à la grande défenseure des droits des femmes et de l’égalité pour tous, Rosalie Abella, qui est la première Juive à être nommée à la Cour suprême du Canada et la première réfugiée à accéder à la magistrature canadienne.
Je pense également au très honorable Herb Gray, qui a été vice‑premier ministre du Canada, mais qui a aussi été le premier Juif à accéder au Cabinet fédéral.
Je pense aussi au deuxième représentant du gouvernement au Sénat, l’honorable Marc Gold, et à son père, le regretté Alan Gold, qui a été juge en chef de la Cour supérieure du Québec de 1983 à 1992.
(1610)
Je pense à la ministre Ya’ara Saks, la première personne à avoir la double citoyenneté canadienne et israélienne au sein du Cabinet fédéral. Je pense à Barbara, Linda et David Frum. L’ancienne sénatrice Linda Frum était une membre distinguée de cette assemblée avec laquelle il était toujours agréable de travailler. Je pense à Bobbie Rosenfeld, Leonard Cohen, Mordecai Richler, Neve Campbell, Eugene et Dan Levy, William Shatner et Seth Rogen.
La société canadienne a beaucoup évolué depuis 1807. Cette année-là, le Québécois Ezekiel Hart est élu à l’Assemblée législative du Bas-Canada, faisant de lui la deuxième personne juive élue à une charge publique dans l’Empire britannique. Cependant, on lui refuse le droit de siéger à cause de sa religion. Ce n’est que des décennies plus tard, en 1832, que l’Assemblée législative du Bas-Canada accorde des droits politiques aux Juifs.
En 1926, l’Université McGill interdit officieusement l’admission des étudiants hébreux venant de l’extérieur du Québec. En 1934, les résidents de l’Hôpital Notre-Dame de Montréal déclenchent une grève, la première grève dans le secteur médical au Canada, pour réclamer la démission du Dr Sam Rabinovitch parce qu’il était Juif. Pensez aussi à notre refus de laisser les passagers du Saint Louis, dont plus de 900 Juifs allemands, débarquer du navire et entrer au Canada, ce qui les a contraints à retourner en Europe en 1939. Durant l’Holocauste, les nazis ont assassiné 254 d’entre eux. C’est quelque chose qui hantera le Canada à jamais.
Cependant, il n’y a aucune société qui ne puisse pas se racheter. Le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, à Montréal, nous rappelle nos idéaux et les progrès qui ont été réalisés pour assurer l’égalité et la justice pour tous, ainsi que la nécessité de dénoncer toutes les formes de violations des droits fondamentaux de la personne.
Malheureusement, les tensions et les conflits observés ces dernières années dans nos villes ne montrent pas le Canada sous son meilleur jour. En tant que sénateurs, nous devons apporter notre contribution pour rétablir des relations et un dialogue respectueux entre toutes les communautés de notre pays.
Je suis heureux d’apprendre que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne lancera bientôt une étude sur l’antisémitisme au Canada.
À cet égard, je suis d’accord avec notre envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme et ancienne ambassadrice en Israël, Mme Lyons, qui a dit : « Il n’y a pas de meilleur remède à la menace antisémite que de faire tous les efforts pour sensibiliser les gens de tous âges. »
Pour cela, il faut notamment enseigner aux Canadiens, en particulier aux jeunes, les horreurs de l’Holocauste. En effet, le scepticisme des jeunes à l’égard de l’Holocauste au Canada nous montre à quel point il y a du travail à faire.
Comme le disait Yad Vashem, du World Holocaust Remembrance Center :
De nos jours, bien des jeunes ne voient pas l’histoire comme quelque chose qui leur montre d’où ils viennent, mais plutôt comme une série d’événements du passé qui font partie de « l’avant », tandis qu’eux vivent dans « l’après ». Ce point de vue est dangereux dans la mesure où il crée une séparation plutôt que d’unir.
En plus de se renseigner sur l’Holocauste, il est impératif d’apprendre à connaître les formes contemporaines de l’antisémitisme. Là-dessus, j’ai eu l’immense plaisir d’apprendre que, pas plus tard qu’aujourd’hui et grâce au leadership de l’envoyée spéciale, le Canada a publié un nouveau guide pour combattre l’antisémitisme, que l’on peut se procurer en ligne. Le Guide canadien sur l’antisémitisme selon la définition opérationnelle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH) se trouve actuellement sur le Web.
Pour la rédaction de ce guide, plus de 100 personnes ont été consultées, dont des personnalités influentes de la communauté juive, les délégués canadiens auprès de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, des rabbins, des universitaires, des enseignants, des avocats, des fonctionnaires, des attachés politiques et des membres des forces de l’ordre. Bon nombre de spécialistes de l’antisémitisme ont aussi pris part aux consultations.
[Français]
La montée de l’antisémitisme au Canada est un cancer qui doit faire l’objet d’une réponse immédiate et par différents moyens.
Il y a bien sûr l’éducation dans nos écoles, qui doit faire ressortir les dangers de l’antisémitisme, l’horreur de l’Holocauste, la formation de nos policiers et de nos procureurs en matière de propos haineux, mais aussi l’adoption de comportements responsables par tous les leaders, qu’ils soient religieux, politiques ou communautaires.
Nous devons aussi nous doter d’outils pour identifier l’antisémitisme sous toutes ses formes et le combattre, comme nous l’avons fait pour le manuel publié aujourd’hui. Le bureau de l’envoyée spéciale, Mme Lyons effectue aussi, en collaboration avec des agences gouvernementales, la collecte d’informations et de la recherche. Elle entretient aussi des liens avec des chercheurs et différentes organisations à travers le pays.
En adoptant cette motion, nous l’invitons aussi à organiser en temps opportun un deuxième sommet national sur l’antisémitisme, qui pourra bien s’intégrer aux efforts qu’elle déploie actuellement sur d’autres aspects de la stratégie de combat contre l’antisémitisme.
Cependant, ce travail ne lui revient pas à elle seule.
Nous devons tous — et au premier rang nous, les sénateurs et les sénatrices, vu le rôle particulier de protection des minorités que nous jouons dans notre société — en appeler à nos valeurs canadiennes et inciter au dialogue respectueux et non à la haine. Bâtir des ponts entre les différentes communautés et non ériger des murs, cela devrait être notre préoccupation principale.
La lutte contre l’antisémitisme doit s’articuler autour de plusieurs plans : éducation, recherches, publications, conférences, campagnes publiques de sensibilisation, y compris dans les médias sociaux et, dans certains cas, poursuites criminelles et civiles. Aucun outil ne doit être négligé pour lutter contre ce cancer qui s’attaque non seulement à nos valeurs canadiennes, mais qui menace aussi nos concitoyens et concitoyennes de confession juive.
C’est dans cet esprit que, avec mon collègue le sénateur Housakos, que je remercie encore une fois, nous avons rédigé la motion que nous étudions aujourd’hui. Je vous invite à la considérer comme un moyen d’attirer l’attention des Canadiens sur la montée de l’antisémitisme au Canada et sur la nécessité urgente de s’y attaquer.
Merci. Shalom.
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Dalphond, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Dalphond : Certainement.
La sénatrice Miville-Dechêne : Permettez-moi d’abord de vous féliciter pour ce discours profond et bien senti. Évidemment, tout comme vous, je déplore la montée de l’antisémitisme depuis les événements du 7 octobre 2023.
Comme vous, je suis dépassée par l’horreur de cette attaque du 7 octobre, qui a non seulement tué des civils, mais qui a aussi entraîné des viols épouvantables de femmes juives, comme on l’a appris par la suite. Tout cela est terrible.
Par contre, j’ai lu et relu attentivement le texte de la motion que vous avez rédigée avec le sénateur Housakos.
J’aimerais comprendre l’usage de quelques mots qui sont, depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, « le devoir d’Israël d’y répondre ». Je vous avoue que j’ai beaucoup réfléchi à ce choix de mots, « le devoir d’Israël d’y répondre », parce qu’on entre là dans ce qui s’est passé. On entre dans l’actualité très controversée sur la mesure de la réponse d’Israël à cette horrible attaque, on en convient tous.
Est-il à propos d’utiliser ces mots, étant donné ce qui se passe à Gaza? Je parle des mots « devoir d’Israël d’y répondre » au lieu du « droit d’y répondre » ou de quelque chose d’un peu plus neutre.
(1620)
Le sénateur Dalphond : La motion a été écrite il y a plusieurs mois, dans un contexte qui est différent de celui d’aujourd’hui. Il ne fait pas de doute dans mon esprit que tout pays qui se voit attaqué a le devoir de protéger ses concitoyens et de répondre aux attaques.
Pour le reste, le droit international prévoit des règles d’engagement, des limites à la façon de répondre, et cetera, et je ne veux pas embarquer sur ce terrain.
Mon but est de dire qu’on peut discuter de ces questions. La question que vous posez est légitime : est-ce que l’utilisation de la force est excessive? Ce sont des questions légitimes que beaucoup de gens se posent en Israël et au Canada et dont nous avons le droit de débattre. Faisons-le de façon respectueuse, de façon éduquée et de façon bien informée, avec toujours le même objectif de trouver des voies de passage, des compromis et des réponses qui amèneront éventuellement la paix que l’on souhaite à tout le monde au Moyen-Orient.
Il ne faut pas de jeter de l’huile sur le feu ou faire en sorte qu’on ne peut pas marcher dans la rue sans avoir peur. La conjointe du sénateur Marc Gold s’est fait harceler parce qu’elle est juive et qu’elle marchait dans la rue dans son quartier. Ces choses sont inacceptables.
[Traduction]
L’honorable David Richards : Sénateur Dalphond, j’aimerais vous poser une question et faire une observation. Avez-vous déjà entendu parler de la famille Rabinovitch, de Toronto? C’est elle qui parraine le prix Giller, qui est le plus prestigieux des prix littéraires du Canada. Cette famille juive a fait connaître des dizaines d’écrivains canadiens, dont votre humble serviteur, ce pour quoi je lui serai éternellement reconnaissant. Les membres de cette famille sont tous d’extraordinaires êtres humains. L’an dernier, la salle où était remis le prix Giller a été envahie, et la cérémonie a été détournée. Cette année, quand j’ai reçu mon invitation, le lieu de la remise du prix n’était pas précisé, car les organisateurs craignaient que la même chose se produise encore cette année. Ils se retrouvent en danger parce qu’ils décernent un des plus grands prix de la littérature canadienne à avoir jamais été remis au public. Je me devais d’en parler, et je vais appuyer la motion.
Son Honneur la Présidente : Y avait-il une question, sénateur Richards?
Le sénateur Richards : J’ai posé ma question au tout début. J’ai demandé si le sénateur Dalphond avait déjà entendu parler de la famille Rabinovitch.
Son Honneur la Présidente : Je vous remercie de me l’avoir rappelé.
Le sénateur Dalphond : Je me souviens qu’il y avait une question au début. En toute honnêteté, je ne connaissais pas ce prix et je ne suis pas aussi lettré que vous. Je connais davantage les personnes qui ont laissé leur marque en droit et en politique, des domaines que je maîtrise mieux. Vos propos correspondent certainement à ce que je disais et à ce que j’entends.
J’assistais à une conférence ici, à Ottawa, l’autre soir. Elle était justement organisée par des dirigeants de communautés juives et portait sur les droits de la personne. C’est avec incrédulité que j’ai vu que mon ami Irwin Cotler devait être escorté par quatre agents de la GRC parce qu’il faisait l’objet de tellement de menaces de mort qu’il devait être escorté jour et nuit. La police de Montréal surveille d’ailleurs sa résidence en permanence. À mes yeux, c’est totalement inacceptable.
Si nous ne réagissons pas, nous détruisons nos valeurs. Nous devons déclarer que c’est assez. Les gens ont le droit de manifester et d’être pour ou contre ceci ou cela, mais lorsqu’ils sont dans la rue, ils doivent être respectueux et ne pas commencer à harceler les gens. Il est inexcusable de proférer des menaces et de rendre la vie des gens misérable. Ce n’est pas ainsi que l’on va résoudre les problèmes. Cela ne fait qu’ériger des murs.
L’honorable David Arnot : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui à la motion no 181, qui exhorte le gouvernement du Canada à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national sur l’antisémitisme. C’est une période critique pour le Canada — un moment où nous devons affronter la montée alarmante de l’antisémitisme dans notre pays.
Comme l’indique à juste titre la motion, l’augmentation choquante des incidents antisémites au Canada est étayée par des données claires et sans ambiguïté. B’nai Brith a signalé 5 791 incidents antisémites en 2023 — le nombre le plus élevé jamais enregistré au Canada, ce qui correspond à une augmentation de 109 % par rapport à l’année précédente.
En outre, Statistique Canada confirme que les juifs sont le groupe religieux le plus ciblé dans le pays. Les juifs représentent moins de 1 % de la population, mais ils sont victimes de plus de 56 % des crimes haineux motivés par la religion. Le nombre de crimes haineux contre les juifs signalés par la police a augmenté de 64 % entre 2019 et 2022.
Cette tendance alarmante ne se limite pas au Canada. En Europe et en Amérique du Nord, les rapports de l’Anti-Defamation League et de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne indiquent que l’antisémitisme est en hausse dans le monde entier, exacerbé par les événements du conflit entre le Hamas et Israël.
Avec son équipe, l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme est particulièrement bien placée pour coordonner les intervenants des divers secteurs, y compris le gouvernement, les forces de l’ordre et les dirigeants communautaires.
Un deuxième sommet servirait de plateforme judicieuse pour concevoir des stratégies cohérentes en matière de lutte contre la vague sans précédent de crimes haineux visant le peuple juif. Notre société doit agir sans tarder pour y mettre fin.
Outre l’organisation du sommet, nous devrions souligner que le Sénat continue, fidèle à sa tradition, de défendre les droits de la personne, y compris les droits des Juifs. Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne s’est engagé à étudier l’antisémitisme dans le contexte canadien plus tard cette année, en novembre. Comme le comité a déjà étudié la question de l’islamophobie en novembre 2023 — il y a un an, et notre rapport a été rendu public —, cette étude générera un rapport complémentaire sur les défis auxquels les Canadiens juifs se heurtent aujourd’hui. Elle fera fond sur les données existantes provenant des organisations juives et nous aidera à évaluer l’efficacité des politiques actuelles.
Je pense que cette étude et un sommet national seront complémentaires et qu’ils favoriseront la prise de mesures concrètes. Les renseignements fondés sur l’expérience et les données doivent être utilisés pour éclairer l’élaboration de politiques efficaces, améliorer l’allocation des ressources et renforcer les efforts de répression. Ce travail sans parti pris devrait sensibiliser la population et favoriser la cohésion sociale à un moment où les divisions s’accentuent dans notre société.
Nous devons aussi être conscients que la tenue d’un sommet ou d’une étude peut comporter des défis. En plus d’user de prudence pour éviter les propos haineux sans brimer la liberté d’expression, surtout dans les discussions sur Israël et la Palestine, nous savons que ces questions suscitent des réactions polarisantes et parfois hostiles.
Il pourrait également y avoir des craintes que le gouvernement aille trop loin si de nouvelles mesures et de nouveaux règlements sont proposés pour lutter contre la haine en ligne. Malgré ces défis, les avantages dépassent de loin les risques. Un examen approfondi nous permettra de lutter contre l’antisémitisme d’une manière mesurée et fondée sur des données probantes tout en respectant les valeurs canadiennes que sont la dignité humaine et la liberté.
Honorables sénateurs, la motion no 181 est un appel à l’action que le Canada ne peut pas se permettre d’ignorer. Un deuxième Sommet national sur l’antisémitisme fournirait une plateforme essentielle pour la collaboration entre les secteurs. Grâce à l’étude menée par le Comité sénatorial des droits de la personne, nos efforts seront informés, inclusifs et efficaces.
Face à une haine sans précédent, nous devons agir avec détermination. L’antisémitisme n’a pas sa place au Canada, et, ensemble, grâce à l’éducation, à l’application de la loi et à des réformes politiques, nous pouvons refouler la vague de haine et bâtir une société où tous les Canadiens se sentent en sécurité et respectés.
J’appuie la motion no 181 et je vous invite à en faire autant. Je vous remercie.
L’honorable Hassan Yussuff : Honorables collègues, je prends la parole pour appuyer la motion no 181. Il est important, dans le contexte du présent débat, que nous reflétions nos propres valeurs, parce que, trop souvent, quand nous parlons des problèmes d’antisémitisme, comme nous parlons également de l’islamophobie, ce n’est pas une discussion ou un débat abstrait. Nous parlons de l’impact sur la vie de nos concitoyens, de nos amis, de nos voisins, de nos propres enfants. Je crois que, depuis le 7 octobre l’an dernier, nous observons une nette hausse de l’antisémitisme.
(1630)
Toutefois, il se manifeste également au Canada. Nous ne nous en rendons pas tous compte, mais l’antisémitisme est présent et continue de prospérer au Canada. La réalité, c’est qu’il faudra toujours tous faire de grands efforts si nous voulons réellement bâtir une société où tous sont égaux.
Je m’adresse à vous aujourd’hui à titre de personne portant un nom musulman. Je ne suis pas une personne religieuse. Je ne l’ai jamais été, ni quand j’étais jeune, ni maintenant. Je sais également que mon traitement égal ne peut être assuré si celui de mes sœurs et mes frères de la communauté juive ne l’est pas. Car je sais que ce que j’aime tenir pour acquis dépend de mon acceptation par le reste de la société en tant que citoyen égal dans mon propre pays.
Je ne suis pas né au Canada. J’y suis venu à 16 ans. J’ai grandi dans un pays qui perpétuait le racisme. J’étais trop jeune pour bien le comprendre lorsque j’ai quitté ce pays. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé à quel point cela a fondamentalement façonné ma vie et a eu une incidence sur ma famille et moi. Deux de mes oncles ont été tués parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment.
Je comprends ce que c’est pour une communauté de se sentir seule. Comment quelqu’un pourrait-il vouloir incendier un lieu de culte? Nous sommes au Canada. Comment peut-on vouloir tirer sur une école où des enfants essaient de s’instruire? Pourquoi voudrait-on perturber un endroit où des gens vont prier?
Il y a des choses dans notre société que nous considérons comme sacrées, mais, bien entendu, nous savons que nous ne sommes pas nés avec ces valeurs. Nous les apprenons au fil du temps.
Ma fille est revenue un jour de thérapie et elle m’a dit : « Papa, une de mes amies en thérapie m’a dit qu’il y avait eu une alerte à la bombe à son école. » Je lui ai demandé : « Comment as-tu réagi? » Elle a répondu : « Je ne savais pas quoi dire. » J’ai dit : « Et si c’était une alerte à la bombe dans ton école? » Et elle a dit : « Je n’aimerais pas cela. »
L’école de son amie était une école juive.
Je lui ai dit : « Écoute, quand de telles choses arrivent, tu dois non seulement faire preuve d’empathie, mais aussi comprendre qu’elles sont fondamentalement mauvaises, et tu dois reconnaître qu’aucune école, que ce soit une école juive, une école musulmane ou n’importe quelle école religieuse, aucune école ne devrait jamais avoir à subir cela, et qu’aucun enfant ne devrait jamais avoir à vivre dans cette réalité. »
Chers collègues, comme nous le savons, quels que soient les résultats du sommet et le travail effectué par le secrétariat pour sensibiliser les Canadiens, nous ne parviendrons pas à mettre fin à la haine dans notre société, surtout la haine pour nos frères et sœurs juifs. Il faudra que chaque génération déploie des efforts pour dire : « Nous ne tolérerons pas cela. »
Il m’a fallu longtemps avant de me résoudre à aller en Allemagne, car je n’arrivais pas à passer par-dessus la guerre. Je n’en revenais pas de ce qui s’était passé. Lorsque j’y suis finalement allé, je me suis rendu à l’un des monuments commémoratifs et j’ai été abasourdi; je sais que la construction de ce monument n’a pas été facile pour les Allemands qui voulaient dire au monde qu’ils comprenaient leurs actes et qu’ils en assumaient la responsabilité.
Je suis resté là longtemps, mon cœur envahi par la douleur, à essayer de comprendre comment une telle chose pouvait se produire dans le monde. Six millions de frères et sœurs ont été assassinés, et pourtant, des gens continuent de porter cette haine dans une société moderne. Comment est-ce possible?
Chers collègues, je sais que le Sénat adoptera cette motion à l’unanimité, mais une motion n’est qu’un recueil de paroles. Il faut agir quotidiennement dans le cadre de notre travail.
Pour ce qui est de ma petite fille, j’espère que, quand elle sera adulte, le monde dans lequel elle vivra sera dépourvu de haine. Toutefois, je sais que je me fais des illusions.
Nous vivons dans le plus beau pays du monde, où, fort probablement, des gens provenant de partout sur la planète sont venus s’installer. L’un des éléments fondamentaux qu’il faut reconnaître en venant au Canada est notre réalité. Nous nous acceptons les uns les autres et nous devons nous traiter avec respect et dignité. Trop souvent, nous avons tendance à l’oublier. Il faudra une génération pour y parvenir.
J’ai découvert il y a longtemps, quand j’étais un dirigeant du mouvement syndical, que le mouvement dans lequel j’évoluais était gangrené par le racisme. J’ai coprésidé le premier Groupe de travail national contre le racisme du Congrès du travail du Canada. En parcourant le pays pour parler à mes confrères et consœurs syndiqués, j’ai eu le cœur brisé en apprenant ce que certains d’entre eux vivaient au sein de leur propre syndicat.
Lorsque le rapport a finalement été publié, je me souviens qu’un journaliste a demandé : « Pourquoi le mouvement syndical ferait-il un autoexamen pour ensuite rendre le rapport public? » L’une de mes réponses a été : « J’espère que nous prendrons des mesures pour changer notre comportement, car si nous ne reconnaissons pas le problème, nous ne pouvons pas le résoudre. Et s’il n’y a pas d’engagement au sein de la direction, nous ne changerons jamais notre comportement. »
Chers collègues, je connais l’importance de cette motion et ce qu’elle signifie, non seulement pour notre débat au Sénat, mais aussi pour mes sœurs et mes frères de la communauté juive. Cependant, cette motion doit vouloir dire plus que cela. Elle doit signifier que c’est un problème dont nous parlons constamment et auquel nos frères juifs sont confrontés quotidiennement.
J’espère que les amis juifs de ma fille enrichissent sa vie. Je peux vous dire que certains de mes amis, que je rencontre régulièrement et avec qui je parle d’antisémitisme et de certains des problèmes auxquels ils font face, s’inquiètent pour l’avenir. Je ne peux plus les rassurer en leur disant que les choses vont s’améliorer, sauf que je m’engage dans ma propre vie et dans mes propres actions et comportements à apporter ma contribution pour que notre pays se débarrasse de l’antisémitisme.
Merci beaucoup.
L’honorable Michael L. MacDonald : Je n’ai pas préparé de discours, mais je tiens à dire quelques mots. En tant que Cap‑Bretonnais, je me sens obligé de le faire.
La plupart des gens ne savent pas que pendant la première moitié du XXe siècle, la plus grande communauté juive du Canada à l’est de Montréal se trouvait dans la région industrielle du Cap-Breton. En fait, il fut un temps où il y avait quatre synagogues dans cette région. Il n’y en a plus qu’une aujourd’hui, et la communauté est bien moins nombreuse, mais cette diminution découle de la mobilité ascendante, pas de la marginalisation sociale.
La communauté juive du Cap-Breton fut l’une des premières communautés de la région. La plupart des familles sont arrivées avant la Première Guerre mondiale. À une époque, il y avait plus de 300 familles. La première génération est arrivée sans le sou, et elle a travaillé d’arrache-pied. Le premier jour, lorsque les jeunes hommes arrivaient, leurs familles les attendaient et leur offraient à souper, puis le lendemain, elles les envoyaient travailler. Je suppose qu’à l’époque, la plupart des membres de cette communauté étaient des travailleurs itinérants. Ils partaient travailler autour de l’île et essayaient d’économiser suffisamment d’argent pour s’établir à leur compte.
(1640)
Ils se sont très bien débrouillés. À la fin de la Seconde Guerre mondiale et au milieu des années 1950, lorsque je suis né, ils étaient devenus — et de loin — la communauté d’affaires la plus importante de l’île. C’était aussi des gens très philanthropes qui ont beaucoup redonné à la collectivité.
Je me souviens que lorsque j’ai été nommé au Sénat, il y avait une réunion de Juifs ici, sur la Colline. Je voulais y assister puisque le rabbin Medjuck était le conférencier invité. Il venait de Glace Bay. Pendant des années, son frère Ralph a été associé en exercice du droit de John Buchanan, qui est devenu plus tard premier ministre de la Nouvelle-Écosse puis, bien sûr, sénateur. J’ai assisté à la réunion, et le rabbin Medjuck a parlé de son enfance au Cap‑Breton. J’en ai tiré une grande fierté. Il a dit qu’au Cap‑Breton, ni lui, ni sa famille, ni aucun de ses amis n’avaient jamais été victimes d’un seul incident antisémite. Je pense que cela reflète parfaitement le Cap-Breton dans lequel il a grandi.
Les membres de la communauté juive se sont toujours distingués au Cap-Breton. En reconnaissance de leurs contributions — et je sais que le sénateur Cuzner, qui vient de cette région, sera d’accord avec moi là-dessus —, je pense que nous avons l’obligation de prendre leur défense, et c’est ce que je ferai.
On raconte des anecdotes savoureuses à propos de la communauté. J’ai toujours aimé celle que les Nathanson racontaient, où un des jeunes fils d’une famille, qui avait 14 ou 15 ans, était parti sur la route au début de l’automne avec pour mission d’aller de travailler et de gagner de l’argent. C’était avant la Première Guerre mondiale et il parcourait les régions rurales du Cap-Breton à pied. Après six mois d’absence, il est enfin de retour et, à la table familiale, tout le monde parle yiddish. À un moment donné, les conversations s’interrompent et on lui dit : « Bon, assez de yiddish. Parle-nous en anglais. As-tu bien appris l’anglais? » Il a donc commencé à parler, et ils sont restés bouche bée. Il ne parlait pas un mot d’anglais, mais le gaélique d’Écosse. Pendant trois mois environ, il avait été bloqué par la neige à Cape North. La famille MacLeod l’avait accueilli, et il avait appris toutes les notions d’anglais qu’il pouvait apprendre.
Je me souviens que mon grand-père partageait une chambre avec Dave Epstein dans une résidence pour personnes âgées, et Dave racontait toutes sortes d’histoires. Il faisait partie des jeunes hommes qui avaient fait le tour de l’île. Il m’a dit : « Michael, Michael, Michael, je parle cinq langues. Devine lesquelles! » Je lui ai répondu le russe — oui —, l’allemand — oui —, le yiddish — oui —, l’anglais — oui. Je ne trouvais pas la cinquième, et il m’a dit : « l’écossais. » C’était la même histoire.
Il me racontait que quand il a ouvert son magasin — il a eu un magasin de vêtements très prospère pendant de nombreuses années — toutes les personnes âgées de la campagne, qui ne parlaient pas beaucoup anglais à l’époque, fréquentaient toujours son magasin parce qu’il pouvait communiquer avec elles.
Il y a tant de belles histoires. Ils ont apporté une grande contribution au cap Breton. Ils sont respectés au cap Breton. Ils ont essaimé dans tout le pays. De nombreux membres de la communauté du cap Breton se trouvent maintenant à Halifax, à Montréal, à Toronto, à New York, et j’en passe. Ils ont tous réussi, ils reviennent tous dans l’île et ils sont toujours très généreux envers l’île.
Je trouve extrêmement difficile de voir des manifestations ouvertes d’antisémitisme dans notre pays. Selon moi, nos universités feraient mieux de réévaluer la manière dont elles traitent cette question, car je pense qu’elles ont beaucoup trop contribué à promouvoir cet état d’esprit au Canada.
Je soutiens entièrement cette motion et j’encourage tous les sénateurs à faire de même. Merci.
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, je n’ai pas préparé de notes, mais je me sens obligée de prendre la parole en tant que musulmane pratiquante et en tant que personne dont certains membres de sa famille sont juifs. J’ai une belle-sœur qui est juive et j’ai un neveu qui est marié à une femme juive. Cette haine me laisse perplexe. En tant que membres de la famille, nous avons vécu ensemble. Nous nous aimons les uns les autres. Je suis donc perplexe.
Je tiens à vous dire que lorsque je suis arrivée au Canada il y a 43 ans — j’ai passé la plus grande partie de ma vie dans ce pays —, si quelque chose arrivait aux musulmans, c’était nos sœurs et frères juifs qui se mobilisaient et qui parlaient en notre faveur. La situation actuelle me trouble; en tant que défenseure des droits de la personne, la situation me trouble parce que je n’éprouve pas de haine pour qui que ce soit en raison de son origine ethnique, de sa religion ou de la couleur de sa peau. C’est parce que je vois des similitudes entre nous. Je vois ce que nous voulons pour nous‑mêmes et ce que nous voulons pour nos enfants.
Nous devons faire preuve de solidarité les uns envers les autres en ce moment, que ce soit avec la communauté juive ou avec la communauté musulmane. Nous devons être solidaires des Canadiens qui souffrent.
Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais j’ai décidé de le faire après les interventions des sénateurs Yussuff, Dalphond, Plett et Arnot. Comme vous, lors de l’étude sur l’islamophobie au Comité des droits de la personne, j’ai été surprise d’apprendre qu’il n’y avait pas eu d’étude sur l’antisémitisme. C’est pourquoi nous proposons de nous pencher sur l’antisémitisme.
Je tiens à dire que je suis solidaire de ceux qui souffrent. Je suis solidaire des enfants qui ne comprennent pas cette haine. Je vais vous raconter une anecdote. Quand ma fille était à la maternelle, elle m’a dit un jour, en revenant de l’école, qu’il y avait une nouvelle élève dans sa classe. Comme vous le savez, nous n’avons pas grandi dans le même milieu, alors je n’ai pas la même façon de penser. Je lui ai donc demandé de quelle ethnie elle était. Elle a répondu : « Attends un peu que j’y pense. » Ce jour-là, je me suis rendu compte que les enfants ne s’attardent pas à la couleur et à l’ethnicité. C’est ce qui fait la beauté du Canada, et c’est pour cela que des gens du monde entier veulent venir au Canada. C’est parce qu’ils peuvent y pratiquer leur foi. Ils peuvent y être qui ils veulent, mais en étant bienveillants et respectueux les uns envers les autres.
Je tiens simplement à dire que je suis solidaire de mes frères juifs. L’antisémitisme n’est pas justifié. En tant que leaders, nous devons donner l’exemple. Il ne faut pas semer la discorde et la haine. Il faut montrer l’exemple à tout le monde.
Nous sommes réunis dans cette enceinte, et je ne sais pas quelle religion la plupart d’entre vous pratiquez ni quelles sont vos croyances, mais nous sommes quand même capables de nous entendre. Je suis là pour vous appuyer, et je pense que c’est un message important : en tant que leaders, nous devons soutenir les Canadiens et défendre leurs convictions. Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais je tiens à dire quelques mots à titre personnel en tant que Juif et en tant que personne qui a eu la chance de naître au Canada à une époque où... Je suis l’une des personnes les plus âgées au Sénat, alors je pense que je peux parler au nom de tout le monde. Nous ne pensions pas — du moins ceux d’entre nous qui sont nés et qui ont grandi ici dans les années 1950 et 1960, et certainement pas moi — que ma communauté traverserait ce qu’elle a vécu l’année dernière.
Je tiens à remercier tous les sénateurs de leurs manifestations d’appui. Vos discours ont été très touchants pour moi, pour ma communauté et pour ma famille. L’étude menée par notre comité nous incite à aller au fond des choses et à décortiquer ce qui constitue vraiment la forme de haine la plus ancienne et la plus durable qui existe.
Il est nécessaire de faire preuve d’empathie, mais ce n’est pas suffisant. Il faut agir, mais il faut également comprendre réellement la situation et éplucher le discours actuel parce que l’antisémitisme se transforme — je ne suis pas sûr, mais je crois que c’est le sénateur Plett qui l’a qualifié de virus, mais c’était peut-être quelqu’un d’autre. À chaque génération, la communauté juive devient l’avatar contre lequel les gens expriment leurs frustrations, leur colère et leurs croyances — complotistes au moins la majorité du temps — pour expliquer ce qui va mal dans le monde.
Nous avons le devoir de nous éduquer et d’agir, mais surtout, je veux simplement vous remercier. C’est un geste qui compte beaucoup.
(1650)
Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
La Loi sur la santé des animaux
Projet de loi modificatif—Quatorzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 29 octobre 2024.
L’honorable Robert Black propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter le 14e rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, qui porte sur le projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles).
Nous avons eu sept réunions totalisant près de 10 heures de discussion sur ce projet de loi. Nous avons entendu 23 témoins, tenu une réunion pour l’examen article par article et reçu 11 mémoires.
Je voudrais ajouter qu’en comparaison, l’autre endroit n’a tenu que trois réunions de comité sur ce projet de loi.
Nous avons entendu des groupes de défense des animaux, des spécialistes des vaccins et des maladies infectieuses, des experts vétérinaires, des juristes, des agriculteurs, des éleveurs, des producteurs, des transformateurs, ainsi que des représentants du gouvernement.
Chers collègues, ce projet de loi suscite à la fois appui et opposition.
Nous avons également entendu à deux reprises l’auteur du projet de loi de l’autre endroit, le député John Barlow, c’est-à-dire une fois à notre première réunion et une autre fois à notre dernière réunion.
Des représentants du gouvernement étaient présents à l’examen article par article du projet de loi pour répondre aux questions de dernière minute des membres du comité.
M. Joseph Melaschenko, avocat-conseil, Services juridiques, agriculture et inspection des aliments, était le représentant de Justice Canada qui a assisté à la réunion que nous avons consacrée à l’étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Dalphond a déposé un amendement qui a été adopté. Il modifie la page 1, en remplaçant la ligne 6 par « 9.1 Il est interdit ».
Selon le sénateur Dalphond, cet amendement a été proposé pour deux raisons. La première, c’est parce que l’application de la loi aurait pu outrepasser la compétence fédérale. La seconde, c’était pour que chaque personne sur une ferme, dans un bâtiment ou dans un enclos sur une propriété agricole respecte les protocoles de biosécurité et que les propriétaires de la ferme soient responsables d’y voir.
L’amendement a ensuite été débattu, et des préoccupations ont été soulevées sur le fait qu’il pourrait être difficile pour les agriculteurs d’appliquer les protocoles de biosécurité si des personnes se trouvaient sur leur ferme sans y être autorisées.
On a également fait remarquer qu’un amendement semblable avait été proposé et rejeté au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de l’autre endroit. Au cours de la discussion sur l’amendement, on a souligné que le fait d’amender un projet de loi à cette étape empêcherait vraisemblablement son adoption, car cela causerait un retard indu. Le projet de loi risquerait de mourir au Feuilleton s’il était amendé.
Après le débat, l’amendement a été mis aux voix et il a été adopté par sept voix contre six.
Le comité a ensuite discuté de l’observation du sénateur Dalphond, qui avait dit :
Le comité reconnaît l’importance de la biosécurité dans les exploitations agricoles et observe que, selon le témoignage d’un représentant de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, le respect des protocoles de biosécurité est une pratique actuellement volontaire. Le comité fait observer que le gouverneur en conseil a le pouvoir de prendre des règlements obligatoires pour protéger la biosécurité dans les exploitations agricoles en vertu de l’article 64 de la Loi sur la santé des animaux. Le comité encourage le gouverneur en conseil à élaborer et à mettre en œuvre des règlements efficaces sur ce sujet.
L’observation a été adoptée par huit voix contre cinq.
J’aimerais terminer en remerciant les analystes de la Bibliothèque du Parlement, le greffier et tous les membres du personnel du comité pour leur travail minutieux tout au long de cette étude.
J’aimerais aussi remercier mes nombreux collègues du Comité de l’agriculture et des forêts pour leurs efforts et leur persévérance tout au long de l’étude de ce projet de loi, y compris ceux qui se sont joints au comité seulement pour l’étude article par article. J’espère que votre intérêt pour l’agriculture continuera de croître et que vous reviendrez écouter les excellentes déclarations des témoins, qui travaillent d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur.
Je remercie tous mes honorables collègues de m’avoir écouté aujourd’hui et de continuer à soutenir l’agriculture canadienne.
Merci, meegwetch.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Français]
La Loi sur le casier judiciaire
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d’amendement—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, tel que modifié.
Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,
Que le projet de loi S-212, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 5, à la page 3 :
a) par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :
« a) dix ans pour l’infraction qui a fait l’objet d’une »;
b) par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit :
« b) cinq ans pour l’infraction qui est punissable sur ».
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je propose, au nom de la sénatrice McBean, que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
[Traduction]
La Loi sur le droit d’auteur
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), appuyée par l’honorable sénateur Aucoin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation).
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
La Loi sur le droit d’auteur
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-294, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (interopérabilité).
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
La Loi constitutionnelle de 1867
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson (Nunavut), appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).
L’honorable Leo Housakos : Je demande le consentement pour qu’on reprenne le compte des jours à zéro, s’il vous plaît.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 24 :
Deuxième lecture du projet de loi S-281, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (examen des dossiers de libération conditionnelle).
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je demande le consentement du Sénat pour proposer l’ajournement du débat.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)
(1700)
Projet de loi sur l’intégrité du secteur public
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles et apportant une modification corrélative à la Loi sur les conflits d’intérêts.
L’honorable Hassan Yussuff : Honorables collègues, je prends la parole au sujet du projet de loi C-290, Loi sur l’intégrité du secteur public. Les fonctionnaires qui composent notre administration publique jouent un rôle fondamental dans notre démocratie en prodiguant de manière professionnelle des conseils indépendants et non partisans aux élus afin de permettre à ceux-ci de prendre les meilleures décisions possible en s’appuyant sur les meilleures données probantes possible dans le meilleur intérêt du public. Les fonctionnaires fédéraux sont également aux premières loges pour protéger l’intérêt public contre les actes répréhensibles, qu’ils soient illégaux ou inappropriés, au sein de l’appareil gouvernemental.
Il est fondamental pour notre démocratie de pouvoir compter sur des lois qui protègent efficacement les fonctionnaires témoins d’actes répréhensibles, afin qu’ils puissent s’exprimer, librement et sans crainte de représailles, pour faire la lumière sur les actes répréhensibles.
Aujourd’hui, je veux parler de l’importance de renforcer notre loi actuelle sur les lanceurs d’alerte, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, et des raisons pour lesquelles j’appuie le projet de loi C-290, qui vise justement à le faire.
Chers collègues, la loi actuelle est en vigueur depuis 2007. Bien qu’elle semble bonne en théorie, elle fait l’objet de nombreuses critiques par un grand nombre de personnes pour son inefficacité dans la pratique. Si nos lois sont inefficaces dans la pratique, alors elles ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites. Si la Chambre haute doit débattre du projet de loi C-290 après son adoption unanime à l’autre endroit, c’est parce que la loi actuelle sur la divulgation d’actes répréhensibles n’atteint pas le but visé.
Je vais vous donner un fait qui porte à réfléchir pour bien expliquer ce point. Selon les conclusions d’une étude de 2021 de l’Association internationale du barreau sur les lois relatives aux divulgateurs dans 38 pays, le Canada se classe dernier. L’étude a révélé que le Canada, la Norvège et le Liban avaient les pires régimes de protection des divulgateurs et qu’ils ne remplissaient qu’un seul des 20 critères en matière de pratiques exemplaires.
Le monde a considérablement changé depuis l’adoption de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, il y a environ 19 ans. Je crois que le projet de loi C-290 modernisera la loi actuelle dans le but de la rendre plus efficace en donnant aux fonctionnaires un outil pour dénoncer les actions potentiellement illégales, contraires à l’éthique ou incompatibles avec les valeurs de la fonction publique de façon à ce que ces préoccupations soient traitées de manière équitable et impartiale.
Honorables sénateurs, j’aimerais également parler de l’objet de ce projet de loi et des raisons pour lesquelles il mérite d’être renvoyé au comité pour un examen plus approfondi. Le problème actuel que le projet de loi tente de résoudre n’est pas l’absence de loi sur la dénonciation au Canada, mais l’inefficacité de la loi actuelle à protéger les divulgateurs et l’intérêt public.
Comme je l’ai mentionné précédemment, la loi en vigueur pour protéger les divulgateurs au sein de la fonction publique fédérale et pour leur permettre de dénoncer des comportements contraires à l’éthique ou illégaux a été adoptée il y a 19 ans. Il s’agit de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. J’aimerais préciser le contexte dans lequel s’inscrit le projet de loi C-290.
En 2017, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a décidé, à la demande du président du Conseil du Trésor, de mener le premier examen législatif de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles depuis sa mise en œuvre en 2007. Le comité a formulé 15 recommandations.
Selon le rapport du comité, bien que certains hauts fonctionnaires croyaient que la loi fonctionnait bien, le comité n’a trouvé aucune preuve de cela. Il a constaté que la loi comportait des lacunes à six égards.
Premièrement, les lois manquent de clarté en ce qui concerne l’intérêt public. Deuxièmement, les mécanismes de divulgation prévus par la loi ne garantissent pas nécessairement la protection de l’intérêt public. Troisièmement, la loi ne protège pas suffisamment les fonctionnaires divulgateurs contre les représailles, car la plupart d’entre eux s’exposent à d’importantes conséquences financières, professionnelles et médicales s’ils se manifestent. Quatrièmement, le comité avait l’impression que la culture organisationnelle du gouvernement fédéral à l’égard de la divulgation d’actes répréhensibles en était une de dissuasion. Cinquièmement, la déclaration annuelle obligatoire, comme prescrite par la loi, ne permet pas d’obtenir une évaluation utile de l’efficacité du mécanisme de divulgation. Enfin, sixièmement, les experts en dehors de la fonction publique n’ont pas confiance que la protection des dénonciateurs est adéquate en vertu de la loi, principalement en raison des conflits d’intérêts potentiels des personnes qui administrent le processus de divulgation interne.
Le comité a publié ce rapport en 2017. Cependant, il n’y a pas vraiment eu de progrès dans la mise en œuvre de ses recommandations jusqu’à ce que le projet de loi soit présenté. Le gouvernement a plutôt annoncé en novembre 2022 son intention de nommer un groupe de travail externe qui serait chargé d’explorer d’éventuelles révisions à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
Le rapport et ses recommandations ne sont attendus qu’à la fin de cette année. Cela signifie qu’aucune mesure ne sera prise avant les prochaines élections. En revanche, nous sommes saisis d’un projet de loi concret qui vise à améliorer les procédures de dénonciation et la protection de l’intérêt public.
Permettez-moi maintenant de présenter l’objet du projet de loi, dont le libellé simple est inspiré du rapport et des recommandations de 2017 du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes. Notre collègue et parrain du projet de loi, le sénateur Dalphond, a expliqué en détail le contenu du projet de loi et notamment le fait que celui-ci vise à élargir la définition du terme « acte répréhensible » de même qu’à protéger un plus grand nombre de fonctionnaires qui signalent de tels actes répréhensibles.
La mesure législative prévoit également des amendes plus élevées en cas de représailles contre les divulgateurs, elle prolonge la période pendant laquelle on peut déposer une plainte pour représailles et, surtout, elle exige un examen quinquennal de la loi.
Ce ne sont là que quelques-unes des dispositions du projet de loi destinées à mieux protéger les divulgateurs qui défendent les valeurs de la fonction publique ainsi que les normes éthiques nécessaires à la protection de l’intérêt public. Cependant, y réussiront-elles?
Je voudrais revenir sur ce que j’ai dit en début d’intervention à propos de la récente étude internationale sur la protection des dénonciateurs réalisée par l’Association internationale du barreau et sur le fait que le projet de loi propose des mesures comparables aux pratiques exemplaires reconnues dans le monde entier.
L’Association internationale du barreau a examiné les mesures de protection des dénonciateurs dans 38 pays et elle a constaté que le Canada se classe au dernier rang pour ce qui est de l’adoption des 20 pratiques exemplaires internationales.
En janvier dernier, le Whistleblowing International Network a envoyé au premier ministre et aux chefs de l’opposition une lettre signée par 16 organisations nationales et internationales de défense des dénonciateurs, qui y exprimaient leur soutien au projet de loi C-290. Ils ont déclaré que le projet de loi C-290 constitue l’étape finale en vue de réformer l’inefficace loi fédérale canadienne sur la protection des dénonciateurs. Une telle réforme a déjà trop tardé au Canada.
Ils ont également affirmé que le projet de loi C-290 renforcera la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles en la rendant conforme dans une large mesure à 8 des 20 pratiques exemplaires internationales à l’égard des lois sur les dénonciateurs : champ d’application exhaustif de la protection, protection en cas de refus d’enfreindre la loi, protection contre les représailles par contagion à l’endroit de quiconque apporte une assistance pour la dénonciation ou y est associé, protection fiable de l’identité, garanties procédurales en l’absence d’aide du Commissariat à l’intégrité du secteur public, démarches disciplinaires et responsabilité, délai de prescription réaliste et examen périodique des documents relatifs à la loi.
En conclusion, chers collègues, le projet de loi n’est pas parfait, mais il constitue un pas dans la bonne direction. Il vise à renforcer la loi en matière de dénonciation et à la rendre plus efficace.
Comme l’a déclaré le Whistleblowing International Network dans la lettre que j’ai mentionnée précédemment :
Il s’agit là d’une première étape importante vers la mise en place d’une protection crédible. Il n’est pas nécessaire de retarder davantage la mise en œuvre de ces réformes.
Pour être efficace, un projet de loi sur la protection des dénonciateurs doit viser la recherche de la vérité et permettre aux fonctionnaires professionnels de faire ce qui s’impose : respecter les valeurs et les normes éthiques qui font de notre fonction publique professionnelle l’une des meilleures au monde. Cependant, chers collègues, il ne sert à rien de leur demander de défendre les valeurs de la fonction publique ou de maintenir des normes éthiques élevées dans ce domaine si nous ne leur donnons pas les outils pour le faire.
(1710)
Bien que le Canada soit résolu à renforcer ses lois relatives aux dénonciateurs, le cadre juridique actuel est tout simplement inefficace pour les éventuels dénonciateurs et pour la protection du public. Il ne correspond pas aux pratiques exemplaires reconnues à l’échelle internationale.
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’une protection efficace des dénonciateurs et la gestion des actes de divulgation protégés sont essentielles pour promouvoir la primauté du droit et prévenir la corruption dans notre pays. Voilà pourquoi, chers collègues, je pense que ce projet de loi a du mérite, et qu’il devrait être renvoyé à un comité dont les membres pourront consulter des fonctionnaires et des experts canadiens et étrangers au sujet des meilleurs moyens de protéger les lanceurs d’alerte et les intérêts du public.
Je vous remercie de votre attention.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
Quatrième rapport du comité—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du quatrième rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Rapport provisoire relatif à l’ordre de renvoi du 7 décembre 2023, déposé au Sénat le 10 octobre 2024.
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je prends la parole en ma qualité de présidente du Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs au sujet du quatrième rapport du comité, qui a été déposé au Sénat le 10 octobre 2024.
Le 7 décembre 2023, le Sénat a adopté un ordre de renvoi autorisant le comité à examiner, afin d’en faire rapport, le cas de privilège concernant la séance du 9 novembre. Je ne relaterai pas ces événements à ce moment-ci. Les sénateurs peuvent lire les débats des 9 et 21 novembre ou consulter la décision de la présidence du 5 décembre 2023 pour connaître les détails.
Cet ordre de renvoi était unique à deux égards. Premièrement, les questions de privilège sont généralement renvoyées à notre Comité du Règlement. Deuxièmement, il demandait au comité d’examiner à la fois les obligations des sénateurs dans l’exercice de leurs fonctions et la nécessité éventuelle de mettre à jour notre Règlement et nos procédures en conséquence.
Dès le début de notre étude, les membres du comité ont compris que notre mandat visait la prévention. Ainsi, aucun sénateur n’a été invité à témoigner au sujet des événements particuliers du 9 novembre ou en réponse à ces événements. Le comité a plutôt choisi de faire appel à des universitaires, à des autorités parlementaires et procédurales et à des juristes qui travaillent dans le domaine de l’éthique et de la déontologie. Dans un premier temps, le comité a estimé qu’il était important de décrire les mécanismes qui existent déjà pour traiter les questions de conduite entre sénateurs. Il s’agit notamment de faire un recours au Règlement ou de soulever une question de privilège, de présenter une plainte dans le cadre du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ou de la Politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence .
De façon tout à fait délibérée, le présent rapport ne contient aucune conclusion et aucune observation sur la conduite d’un sénateur relativement à une violation alléguée des privilèges. Le comité a plutôt étudié attentivement les questions soulevées ce jour-là dans l’espoir que nos observations puissent servir de base solide à une discussion plus vaste sur les normes de civilité au Sénat.
L’étude nous rappelle que les sénateurs sont censés toujours respecter les normes de conduite les plus élevées. Les sénateurs sont également censés participer activement aux travaux du Sénat, notamment en débattant de questions d’importance nationale, en prenant position sur des questions de politique et des mesures législatives controversées et, parfois, en défendant avec zèle des positions politiques, tant dans le cadre des délibérations du Sénat que sur diverses tribunes publiques.
Pour que nous puissions nous acquitter de nos fonctions, le privilège parlementaire nous garantit la liberté de parole lorsque nous participons aux travaux du Sénat. Il nous protège également contre toute tentative d’intimidation ou d’obstruction lorsque nous participons à de tels travaux.
La plupart du temps, ces deux attentes peuvent coexister. Les questions controversées sont débattues respectueusement, et des points de vue opposés peuvent être exprimés sans que les sénateurs se sentent menacés ou intimidés. Cependant, les événements du 9 novembre et les comportements subséquents ont dépassé les limites du désaccord politique. Ils ont également soulevé des questions sur la définition de ces limites dans le Règlement actuel du Sénat, où elles ne seraient pas correctement exprimées, sur les critères à employer pour trancher les allégations de conduite inappropriée entre sénateurs et sur les personnes qui ont l’autorité de se prononcer à ce sujet.
Les membres du Comité sont reconnaissants à tous les témoins qui ont présenté des témoignages réfléchis et qui ont souligné les difficultés que rencontrent d’autres organismes législatifs et professionnels dans la codification des normes de conduite.
Dans le cas des règles d’éthique et de conduite du Sénat, notre rapport a noté que le code exige que le comité entreprenne un examen complet tous les cinq ans. Par conséquent, nous devons nous réjouir que des débats aussi nécessaires que celui-ci aient lieu afin de déterminer si les normes de conduite inscrites dans le code sont toujours adéquates. Nous croyons que ces réflexions permettent au code d’évoluer, tout en veillant à ce qu’il continue de refléter les aspirations de tous les sénateurs sur le plan éthique.
Un thème récurrent dans nos discussions concernait une approche de notre régime d’éthique fondée sur des principes, par opposition à une approche fondée sur des règles. Sur ce point, nous avons beaucoup entendu parler du Parlement du Royaume-Uni, où les parlementaires doivent respecter des principes éthiques de haut niveau dont l’application dans toutes sortes de situations fait l’objet de lignes directrices détaillées. Bien que les principes énonçant des aspirations qui figurent dans notre code aient pu servir le Sénat au cours de la dernière décennie, le comité a l’intention de déterminer si des règles, des directives ou des lignes directrices plus détaillées seraient utiles pour préciser les attentes.
La liberté de parole est devenue un thème important au cours de notre étude. Le comité considère qu’il est indispensable que les sénateurs puissent participer pleinement aux débats et exprimer leurs opinions dans le cadre des travaux parlementaires et en dehors de ceux-ci. Les sénateurs jouissent d’une certaine souplesse quant à ce qu’ils sont autorisés à se dire les uns aux autres pendant les délibérations et à la manière dont ils le disent, et il doit en être ainsi. La difficulté est de savoir où tracer la ligne entre, d’une part, des propos incisifs et percutants et, d’autre part, des propos déplacés ou intimidants. Nous reconnaissons également que toute tentative de codifier des règles de conduite concernant les propos tenus par les sénateurs — dans les débats ou en privé — nous oblige à trouver le difficile équilibre entre le maintien des normes de conduite les plus élevées et la protection de la liberté de parole.
Comme les sénateurs le savent, le conseiller sénatorial en éthique est chargé de mener des enquêtes et d’appliquer le code, tandis que le comité, lui, est chargé de fournir des directives générales et de recommander des sanctions ou des mesures correctives au Sénat en vue d’une décision définitive. Le Comité estime que les décisions relatives aux allégations de conduite inappropriée entre sénateurs doivent rester du ressort exclusif des sénateurs. Néanmoins, nous avons été intrigués par la présence de simples citoyens au sein du comité de déontologie de la Chambre des Lords et nous souhaitons en savoir davantage sur leur rôle.
(1720)
Enfin, le comité a demandé aux témoins si le cadre actuel du code permettait de régir la conduite des sénateurs sur les médias sociaux.
Même si les témoins semblaient d’accord pour dire que cette conduite devait être soumise à l’application de règles, certains estimaient que le code avait déjà une portée suffisamment étendue pour régir les cas d’inconduite sur les médias sociaux, tandis que d’autres ont fait valoir que des mesures supplémentaires s’imposaient afin d’ajouter le concept de conduite appropriée dans les médias sociaux.
Honorables sénateurs, je dois vous rappeler qu’il s’agit d’un rapport provisoire qui ne contient aucune conclusion ou recommandation. Nous ne demandons pas au Sénat de l’adopter, ni aux sénateurs de prendre des décisions à ce stade-ci, car nous estimons que notre rapport n’a fait qu’effleurer ces questions importantes.
Nous espérons que notre rapport suscitera d’autres discussions et une réflexion sérieuse qui encouragera tous les sénateurs à songer à l’évolution que devrait connaître notre régime d’éthique. Dans cet esprit, je conclurai en disant que le comité a l’intention d’entreprendre bientôt son examen périodique du code.
Conformément à l’ordre de renvoi qui nous a été adressé le 7 décembre 2023, nous espérons que tous les sénateurs prendront le temps de lire notre rapport parce qu’il fournit de l’information importante pour mettre en contexte les questions que nous souhaitons examiner. De plus, le rapport permettra de déterminer quelles sont les mises à jour nécessaires, le cas échéant, pour renforcer les dispositions relatives à la conduite dans notre code et réaffirmer les obligations des sénateurs afin qu’ils respectent les principes relatifs à l’éthique dans l’exercice de leurs fonctions.
Merci.
(Sur la motion du sénateur Cotter, le débat est ajourné.)
Affaires étrangères et commerce international
Motion tendant à autoriser le comité à étudier la situation au Liban—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Smith,
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la situation au Liban et à déterminer si un envoyé spécial devrait être nommé, dès que le comité sera formé, le cas échéant;
Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2022.
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour et je ne suis pas prêt à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-4(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
[Français]
Le Sénat
Motion concernant un retrait possible de l’Alberta du Régime de pensions du Canada—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Simons, appuyée par l’honorable sénatrice Greenwood,
Que le Sénat du Canada :
1.demande à l’actuaire en chef du Bureau du surintendant des institutions financières de publier une étude actuarielle portant sur :
a)un retrait possible de l’Alberta du Régime de pensions du Canada (RPC), y compris une analyse de la viabilité du RPC après un tel retrait par l’Alberta;
b)une estimation raisonnable du coût de sortie de la part de l’Alberta dans le fonds du Régime de pensions du Canada;
c)toute autre information que l’actuaire en chef juge pertinente dans le cadre de l’étude de cette question;
2.demande au Bureau du directeur parlementaire du budget d’étudier la possibilité que l’Alberta se retire du RPC, y compris les répercussions fiscales et/ou économiques d’un tel retrait du RPC sur les Canadiens.
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, cet article est ajourné au nom de l’honorable sénatrice Martin, et après mon intervention, je demande à ce que cet article demeure ajourné à son nom.
Son Honneur la Présidente : Est-ce que le consentement est accordé?
Des voix : D’accord.
[Traduction]
La sénatrice Ringuette : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’importante motion no 172 présentée par la sénatrice Simons. La motion demande à l’actuaire en chef du Bureau du surintendant des institutions financières et au directeur parlementaire du budget d’étudier les effets du retrait possible de l’Alberta du Régime de pensions du Canada, ou RPC. Ce ne sera pas une tâche facile pour le directeur parlementaire du budget parce que, à mon avis, il y a des contradictions entre l’article 95 et le paragraphe 113(2) du Régime de pensions du Canada.
J’estime aussi que cette loi élude ou omet de reconnaître la Charte des droits et libertés, ainsi que son incidence sur la façon dont la loi est interprétée.
C’est avant tout une question d’information. La motion réclame une étude. Un retrait éventuel de l’Alberta du Régime de pensions du Canada aura de vastes conséquences que nous devons comprendre. Je ne vois aucune objection à aller de l’avant avec cette motion.
Le gouvernement de l’Alberta a fait des affirmations qui sont, à juste titre, contestées. Je tiens tout d’abord à mentionner que les actifs du Régime de pensions du Canada sont administrés et investis par un fonds fiduciaire indépendant. Les actifs du fonds n’appartiennent ni au gouvernement fédéral ni aux provinces.
Ils appartiennent aux travailleurs, tout comme leur employeur, qui ont cotisé au régime pour que celui-ci offre un revenu de retraite de base, ainsi que des prestations de décès, des prestations de survivant et des prestations d’orphelin.
À mon humble avis, si on se retire du fonds au titre du paragraphe 113(2) de la loi, les retraits devraient être effectués par les travailleurs qui résident dans la province concernée, c’est-à-dire par les travailleurs qui souhaitent investir l’argent dans un autre système. Le processus serait donc dirigé par les travailleurs.
Aucune portion de ce fonds n’appartient à qui que ce soit d’autre ou à quelque entité gouvernementale que ce soit. Le non-respect de cette prémisse donnerait probablement lieu à une contestation constitutionnelle devant les tribunaux.
Lorsqu’on a négocié le Régime de pensions du Canada en 1965, la Charte des droits et libertés n’existait pas. Lorsque la Constitution a été rapatriée en 1982, 17 ans plus tard, on y a judicieusement inclus la Charte.
La liberté de circulation prévue à l’article 6 est importante pour les citoyens canadiens, car elle leur donne le droit de se déplacer librement au pays, d’y entrer ou d’en sortir. Nous devons aussi reconnaître que le principe établi en 1965 voulant qu’un travailleur réside dans la province où il travaille est considérablement dépassé.
Depuis des décennies, des Canadiens travaillent dans une province et résident dans une autre. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui qu’Internet permet aux gens de travailler pour une entreprise qui n’est pas dans leur province de résidence et qui n’est peut-être même pas établie au Canada.
J’aimerais mentionner ici que le Canada a conclu avec plus de 50 pays des accords concernant la cotisation des travailleurs au régime de pension. Cette situation renforce le fait que les actifs découlant de ces cotisations, même s’ils sont administrés par le Régime de pensions du Canada, sont directement liés aux travailleurs et à leurs futures prestations et non à la province ou au pays où les cotisations ont été faites.
Je tiens à souligner que l’étude du directeur parlementaire du budget doit également identifier les cotisations qui ont été versées au Régime de pensions du Canada pendant de nombreuses décennies par des travailleurs canadiens n’habitant pas en Alberta, mais plutôt dans d’autres provinces. Mentionnons notamment les milliers de travailleurs du Canada atlantique, sans qui le secteur des ressources de l’Alberta n’aurait peut-être pas été aussi productif.
Les cotisations versées au Régime de pensions du Canada par l’employeur et l’employé font partie des avantages sociaux d’un employé. Les actifs appartiennent à l’employé et à ses survivants et non à un gouvernement.
Prenons notre propre cas comme exemple. Les sénateurs habitent dans des provinces différentes, mais nous sommes payés par le Sénat du Canada, où nous travaillons. Les cotisations versées au Régime de pensions du Canada par le Sénat et nous-mêmes constituent un avantage absolu. En fait, depuis 2016, nos prestations de retraite sont directement liées au Régime de pensions du Canada et elles l’incluent. Alors, croyez-vous que les actifs collectifs des sénateurs ne venant pas de l’Ontario qui font partie du Régime de pensions du Canada appartiennent au gouvernement de l’Ontario? Je pense que non, car ces actifs ont été investis pour votre bénéfice personnel, et non pour le bénéfice futur du gouvernement de l’Ontario.
(1730)
Le Régime de pension du Canada a été créé pour mettre en place un programme de retraite complet pour tous les travailleurs canadiens. Si on commence à démanteler ce programme, nous aurons des régimes différents dans tout le pays, avec des prestations, des cotisations et des règles différentes. Cela risque de créer un obstacle déraisonnable à la mobilité entre les provinces et d’avoir une incidence sur les prestations de retraite.
La transférabilité, qui est liée à nos droits en matière de mobilité, est une autre question clé.
Dans un récent rapport, Bob Baldwin de l’Institut C.D. Howe fait valoir que « l’un des avantages du Régime de pensions du Canada est qu’il facilite la mobilité de la main-d’œuvre » et il ajoute qu’un des principaux enjeux d’un régime de pensions albertain sera de devoir négocier des accords de transférabilité avec d’autres provinces et avec le gouvernement fédéral.
Selon Patrick Marier, professeur de sciences politiques à l’Université Concordia, « [...] si on se retrouve avec un ensemble différent de règles et de prestations, la transférabilité devient un véritable problème. »
Cela soulève trois problèmes de taille. Premièrement, il faudra mener des négociations longues et complexes pour mettre au point des accords de transférabilité. Deuxièmement, le régime de retraite de l’Alberta devra probablement être très semblable au Régime de pensions du Canada pour faciliter ces accords.
Le troisième problème — et le plus important à prendre en considération — est la contestation probable, fondée sur le droit à la liberté de circulation garanti par la Charte, de l’interprétation du Régime de pensions du Canada, lors de laquelle les arguments serviront probablement à déterminer qui est le propriétaire légitime des actifs. Il s’agira d’un problème considérable pour les entreprises de l’Alberta.
Comme l’a écrit Frank McKenna dans le Financial Post :
De même, la transférabilité d’un régime de pension albertain vers le Régime de pensions du Canada n’est pas garantie et pourrait empêcher l’Alberta d’attirer des travailleurs extérieurs pour ses grands projets de ressources nécessitant une main–d’œuvre importante.
La Chambre de commerce de Calgary a également commenté les répercussions de cette mesure sur les travailleurs retraités :
Les questions relatives à la transférabilité du Régime de pensions du Canada au régime de pensions de l’Alberta iraient à l’encontre de nos efforts pour attirer les talents, et, bien que ces questions puissent être résolues en temps voulu, la question de la pénurie de main-d’œuvre est urgente, et nous ne pouvons pas nous permettre de compromettre notre capacité à attirer des talents en Alberta.
Le Congrès du travail du Canada a fait remarquer ce qui suit à juste titre : « Le Régime de pensions du Canada est entièrement transférable, il suit les travailleurs où qu’ils travaillent, quelle que soit la fréquence à laquelle ils changent d’emploi. »
Honorables sénateurs, s’il s’agit d’un objectif politique de l’Alberta, cela pourrait devenir un cauchemar pour les travailleurs et les employeurs, ce qui perturbera considérablement et entravera de façon involontaire le droit des Canadiens à se déplacer d’une province à l’autre, en particulier pour ceux qui ont travaillé en Alberta, qui ont payé des cotisations et qui, à leur retraite, sont en droit de recevoir les prestations qui leur sont dues.
Il faut recueillir davantage de renseignements financiers et juridiques à ce sujet avant de devoir gérer une situation potentiellement chaotique pour le Canada.
Merci.
[Français]
L’honorable Lucie Moncion : La sénatrice Ringuette accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Ringuette : Bien sûr.
La sénatrice Moncion : Comme d’habitude, vous avez fait vos devoirs. J’avais commencé à travailler sur ce dossier, parce que j’avais certaines préoccupations par rapport à la simplification des données qui nous avaient été présentées ici.
Vous avez fait ressortir l’information relative à la mobilité de la main-d’œuvre, une main-d’œuvre qui n’était pas nécessairement permanente, ce qui pouvait susciter d’éventuels enjeux pour des gens qui pourraient travailler temporairement ou habiter de façon permanente en Alberta.
Je voudrais que vous me répondiez par un oui ou un non : dans ce qui nous a été présenté à ce jour, y a-t-il une importante omission de données qui pourrait mener au problème que vous avez identifié dans votre allocution?
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de votre question, sénatrice Moncion. D’abord, c’est difficile en ce moment de parler de données, parce que nous n’avons pas les montants exacts. Par contre, la prémisse qui est avancée, soit que les contributions ont été faites pour un travailleur en Alberta, peu importe son lieu de résidence, est problématique.
Je vous donne comme exemple ma situation personnelle. Je n’ai pas travaillé en Alberta, mais j’ai travaillé au Québec pendant des années. Je travaille actuellement en Ontario, et ce, depuis des années. Je suis résidante du Nouveau-Brunswick et je vais prendre ma retraite au Nouveau-Brunswick. Au moment de prendre ma retraite, même si j’ai travaillé au Québec, je vais faire ma demande au Régime de pensions du Canada, et non à la Régie des rentes du Québec. Au moment de présenter ma demande, la contribution que j’ai faite au Québec va retourner au Régime de pensions du Canada pour mes années de contribution à la Régie des rentes du Québec.
Or, rien de cela n’a été discuté à ce jour. On présume et on fait valoir — et même encore dans cette Chambre, la semaine dernière — que le gouvernement de l’Alberta a droit à des milliards en capital qui, techniquement, ne lui appartiennent pas. Ce capital appartient aux travailleurs pour leur retraite. J’espère avoir répondu à votre question, sénatrice Moncion.
(Le débat est ajourné.)
La sanction royale
Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 31 octobre 2024
Madame la Présidente,
J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 31 octobre 2024 à 17 h 5.
Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.
Secrétaire du gouverneur général,
Ken MacKillop
L’honorable
La Présidente du Sénat
Ottawa
Projet de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 31 octobre 2024 :
Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires (projet de loi C-20, chapitre 25, 2024)
[Traduction]
L’ajournement
Adoption de la motion
Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, motions, article no 197 :
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 30 octobre 2024, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 5 novembre 2024, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(1740)
Le Sénat
Motion concernant les projets de loi contenant une « clause nonobstant »—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare,
Que le Sénat exprime le point de vue qu’il ne devrait pas adopter tout projet de loi qui contient une déclaration en vertu de l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, communément appelé la « clause nonobstant » ou « disposition de dérogation ».
L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je prends la parole à propos de la motion du sénateur Harder concernant la « clause nonobstant ». Je dois dire d’emblée que le sénateur Harder a posé dans cette enceinte une question très importante, que j’aurais préféré voir étudiée en détail au sein du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.
Cela dit, les sénateurs qui m’ont précédé ont fourni le contexte du débat sur cette motion. Je voudrais m’appuyer sur ce contexte et proposer un cadre provisoire pour l’examen des questions profondément importantes soulevées par la motion.
Au cours de ces quelques minutes, je vais présenter sept arguments, mais, premièrement, je commencerai par quelques réflexions sur la Charte. Vous vous souviendrez qu’elle ne s’applique qu’aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et à leurs actions, mais pas aux acteurs privés.
Deuxièmement, la Charte est organisée en sept catégories de droits, ce qui est particulièrement important pour le fonctionnement de la « clause nonobstant », qui ne s’applique qu’à l’annulation ou à la suspension de droits appartenant à certaines catégories.
Troisièmement, tous ces droits sont soumis à l’article 1, qui fixe une limite raisonnable à l’application de ces droits.
Quatrièmement, la « clause nonobstant » fournit une dérogation structurée, comme je le dis, à certains de ces droits, mais pas à tous, soit les droits énoncés à l’article 2, aux articles 7 à 14 et à l’article 15, mais pas les autres droits de la Charte.
Deuxièmement, cette dérogation aux droits par le gouvernement n’est pas quelque chose de nouveau. En effet, selon le concept de la suprématie parlementaire, une telle autorité existait dans l’ensemble de nos gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux avant le 15 avril 1982, date du rapatriement de la Constitution et de l’entrée en vigueur de la Charte. En fait, ce concept de suprématie parlementaire s’applique encore au Royaume-Uni.
Troisièmement, je pense qu’il est exagéré de dire que nos droits garantis par la Charte ne peuvent être limités que par la « clause nonobstant ». En effet, tout au long des négociations qui ont conduit à l’adoption de la Charte, tous les gouvernements étaient pleinement conscients de la nécessité d’inclure un mécanisme de limitation des droits. Le libellé négocié apparaît à l’article 1, qui précise que les droits et libertés énoncés dans la Charte :
[…] ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Je dirais également que la Cour suprême du Canada a mis au point une approche sophistiquée et très respectée en ce qui concerne l’interprétation de l’article 1 et son application à la limitation des droits garantis par la Charte.
Quatrièmement, il est important de comprendre qu’il a fallu négocier l’inclusion de la « clause nonobstant » dans la Constitution. Même si vous approuvez ce que le premier ministre Trudeau père avait dit à l’époque, comme c’est le cas du sénateur Harder — et c’est mon cas aussi, je dois l’admettre —, les déclarations de l’époque de M. Trudeau n’étaient rien d’autre que la complainte d’une personne qui venait de perdre.
Cinquièmement, il est utile d’examiner comment la « clause nonobstant » a fini par être incluse en 1982. Je vais d’ailleurs prendre un instant pour le rappeler.
Lorsque les négociations ont commencé en 1980 en vue du rapatriement de la Constitution du Royaume-Uni, la place d’une Charte des droits et libertés — une aspiration de longue date du premier ministre Trudeau père — a commencé à prendre forme. Lors de la conférence initiale des premiers ministres, en septembre 1980, les discussions ont porté sur un projet de charte fédérale. Il en a été peu question, mais à cette réunion, Allan Blakeney, alors premier ministre de la Saskatchewan, l’un des leaders intellectuels de la partie provinciale, a indiqué que la Saskatchewan et peut-être d’autres provinces seraient favorables à l’inscription de droits dans la Constitution si elle était accompagnée d’une disposition non obstante, c’est-à-dire d’une « clause nonobstant ». C’était la première fois que cette idée était officiellement abordée dans les négociations.
Cette idée a eu une plus grande résonance à la suite de l’avis de la Cour suprême du Canada sur ce qu’on appelle le renvoi relatif au rapatriement. Voici ce qui s’est passé. Selon l’avis de la Cour, ou ce qu’on appelle un avis consultatif, le gouvernement du Canada était légalement habilité à rapatrier unilatéralement la Constitution du Canada, mais, ce faisant, il contreviendrait à une convention constitutionnelle. Cet avis a poussé Ottawa à se montrer plus conciliant dans les négociations, et les provinces à trouver une approche plus souple à l’égard de la Charte, de crainte qu’Ottawa ne procède unilatéralement à ce rapatriement.
Voici ce qu’a dit Roy Romanow, qui était procureur général de la Saskatchewan à l’époque :
Ce que nous savons, c’est que l’avis de la Cour suprême a créé des conditions qui obligeaient les gouvernements du Canada à reprendre leur longue quête d’un accord constitutionnel.
Il y a donc eu des accommodements de dernière minute en ce qui concerne la disposition de dérogation. Lors de ce qu’on appelle la réunion de cuisine entre M. Chrétien, Roy McMurtry, alors procureur général de l’Ontario, et M. Romanow, alors procureur général de la Saskatchewan, un compromis a été proposé pour un ensemble de mesures. C’est ce qu’on appelle l’accord de la cuisine, qui portait notamment sur la disposition de dérogation. Bien qu’il se soit opposé à cette partie du compromis, le premier ministre Trudeau de l’époque a accepté à contrecœur. Voilà comment on en est arrivé là.
J’aimerais maintenant parler de différentes façons de concevoir le recours à l’article 33. Il s’agit du sixième point sur sept dans mes observations.
Bien sûr, une position par défaut veut que le gouvernement puisse utiliser la disposition de dérogation chaque fois qu’il le désire pour limiter les droits constitutionnels qui sont touchés. Cette utilisation est l’exercice le plus musclé de la suprématie parlementaire dans le contexte moderne et suscite, à juste titre, les plus vives critiques. Elle délégitime de façon anticipée de nombreux droits et, implicitement, la valeur de l’article 1 — la disposition sur les conditions permettant de restreindre un droit —, et la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, qui a élaboré une approche sophistiquée de l’article 1.
Ensuite, on pourrait aussi envisager l’utilisation de la disposition de dérogation seulement dans les cas où une décision de la Cour suprême a réaffirmé des droits et annulé une loi. Autrement dit, on utilise la disposition de dérogation, mais pas de façon anticipée. Cette approche est un peu plus justifiable parce qu’elle nécessite au moins un exercice parlementaire pour prendre en compte les droits protégés par la Constitution et d’autres droits et valeurs. C’est essentiellement l’argument avancé par le premier ministre Lougheed et le premier ministre Blakeney en faveur de l’utilisation de la disposition de dérogation en 1982.
Passons à une troisième approche, qui a été récemment formulée par Tsvi Kahana à la suite d’une étude approfondie de l’utilisation de la disposition de dérogation par les provinces. M. Kahana a élaboré une série de critères pour examiner le recours à la disposition de dérogation et il a déterminé les circonstances où elle est utilisée « tyranniquement », c’est-à-dire dans le cas où le pouvoir législatif a recours à la disposition de dérogation en imposant essentiellement la « tyrannie de la majorité » à une communauté minoritaire. De son point de vue, c’est une utilisation illégitime de l’article 33.
C’était également une source de préoccupation pour John Whyte, un éminent constitutionnaliste canadien et conseiller de gouvernements pendant les négociations. Le professeur Whyte a dit ceci :
[...] l’angoisse causée par l’exigence politique de droits consacrés ne peut pas rationnellement être calmée face au pouvoir législatif accordé par l’article 33. Cette angoisse est simplement la suivante : le pouvoir politique sera, tôt ou tard, exercé [...] pour imposer des fardeaux très lourds à des groupes de personnes en l’absence de toute justification rationnelle.
Enfin, on arrive à la fin de la liste — que la disposition de dérogation ne soit jamais utilisée. C’est le septième et dernier point de mon intervention, et je veux parler de deux arguments ou points de vue qui appuient cette dernière approche, au moins en ce qui concerne le gouvernement fédéral.
Le premier argument, c’est que l’on se souviendra que la disposition de dérogation adoptée en avril 1982 n’a pas été utilisée par le gouvernement fédéral, pas une seule fois, en plus de 42 ans.
(1750)
Retenez bien cela le temps que je vous parle d’une chose qui, de prime abord, semble complètement hors sujet.
En 1867, quand le Canada est devenu un pays, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique comprenait des dispositions, aujourd’hui les articles 55, 56 et 90 de la loi constitutionnelle. Ces dispositions, en particulier l’article 90, conféraient au gouvernement fédéral le pouvoir de désavouer ou de réserver la législation provinciale. Je vois le sénateur Gold opiner du bonnet. Il aurait probablement souhaité s’en servir de temps à autre. En d’autres termes, le Cabinet fédéral pouvait ordonner au gouverneur général de désavouer, c’est-à-dire d’annuler, toute législation provinciale. Il s’agit d’un pouvoir dont nous ne parlons presque jamais, et pour une bonne raison. Ce pouvoir a été utilisé périodiquement par Ottawa, mais il n’a pas été utilisé une seule fois depuis 1943.
Aujourd’hui, les pouvoirs de désaveu et de réserve, bien qu’ils se trouvent toujours dans la loi, sont généralement considérés comme dormants, ce qui suscite des débats à savoir s’ils sont, dans les faits, devenus obsolètes du fait de leur désuétude. Richard Albert, spécialiste du droit public comparé, soutient que les deux pouvoirs sont tombés dans la « désuétude constitutionnelle », qui, selon lui, se produit :
[...] lorsqu’une disposition constitutionnelle perd sa force contraignante pour les acteurs politiques en raison de sa non‑utilisation consciente et durable et de sa répudiation publique [...]
Andrew Heard, éminent politologue canadien, partage le même point de vue. Selon lui, ces pouvoirs reflètent une « époque révolue ». D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a dit la même chose dans le renvoi de 2014 relatif à la réforme du Sénat.
Ces opinions témoignent principalement de la sagesse qu’a gagnée notre pays au fil des décennies, qui fait qu’il n’est plus nécessaire que le gouvernement fédéral joue le rôle de parent vigilant à l’égard de provinces capricieuses et indisciplinées dans l’exercice de leurs pouvoirs législatifs.
Je pense que vous voyez où je veux en venir. Pour rappel, le gouvernement fédéral n’a pas invoqué la disposition de dérogation en 42 ans et demi. Je dirais qu’en conséquence, elle est tombée en désuétude, en désuétude constitutionnelle diraient certains observateurs, du moins pour ce qui est de l’échelon fédéral. Une convention constitutionnelle est donc en train de prendre forme, si ce n’est déjà fait, selon laquelle le gouvernement du Canada n’a pas recours à la disposition de dérogation.
De même que les pouvoirs de réserve et de désaveu n’ont pas été exercés au cours des 42 dernières années, on peut faire valoir que nous avons mûri en tant que pays, très franchement, avec l’aide de la Cour suprême du Canada et de sa propre expression des droits et de leurs limites. Nous avons mûri dans notre compréhension des droits fondamentaux et de leurs limites au point que l’ingérence parlementaire pour nier ces droits n’est plus nécessaire — d’où une convention, au moins en ce qui concerne le Parlement, portant que la disposition de dérogation est inopérante.
Mon deuxième argument — et j’essaierai d’être bref — est similaire au premier, mais repose sur des motifs différents. Il s’agit de l’évolution de notre conception des droits constitutionnels, les droits fondamentaux de tous les citoyens. Cette évolution nous a amenés à reconnaître par principe, en tant que citoyens, qu’il n’est plus sage de préserver la suprématie parlementaire d’une manière qui puisse nier les droits fondamentaux de la personne. Je suis plus à l’aise avec ce genre d’arguments. Elle reconnaît la légitimité des points de vue exprimés il y a 40 ans par ceux qui ont défendu la suprématie parlementaire afin de protéger les valeurs qui ont peut-être été mises en péril par une interprétation trop riche de l’existence des droits fondamentaux ou qui sont réputées l’avoir été. Parallèlement, elle reconnaît que les valeurs sociétales ont évolué et que la protection constitutionnelle des droits fondamentaux a renforcé, et non compromis, la capacité de notre pays à bien fonctionner.
Autrement dit, nous sommes dans une nouvelle ère où la préservation de certains droits, ceux qui sont inscrits, définis et circonscrits de manière adéquate dans la Charte, ne devrait pas être exposée aux aléas de la suprématie parlementaire. Comment pouvons-nous garantir cette position moderne et fondée sur des principes? Il pourrait être intéressant pour nous d’envisager une modification constitutionnelle pour supprimer l’article 33. Les modifications constitutionnelles sont difficiles à apporter, mais on soutient que seul le Parlement du Canada serait touché par une telle modification, soit uniquement l’échelon fédéral, donc elle pourrait être apportée de manière unilatérale.
Entretemps, étant donné que l’article 33 est devenu par convention inutilisable, ou que nous acceptons l’idée selon laquelle notre compréhension des droits au Canada a évolué, nous pouvons obliger le Parlement à respecter le principe selon lequel l’utilisation de l’article 33 dans les mesures législatives fédérales est le produit d’une époque révolue et qu’elle est désormais interdite. Merci beaucoup.
L’honorable Percy E. Downe : Sénateur, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Cotter : Bien sûr.
Le sénateur Downe : Je vous remercie de votre excellent discours. C’était non seulement instructif, mais aussi une leçon d’histoire pour ceux qui n’étaient pas là à l’époque. Ce que nous avons entendu dans votre discours, c’est ce qui s’est réellement passé, à savoir que les provinces ont insisté sur la disposition de dérogation.
Vous avez tout à fait raison de dire que les pouvoirs fédéraux sont inactifs depuis un certain nombre d’années pour ce qui est d’invalider des décisions des provinces, mais pour une province comme l’Île-du-Prince-Édouard, la disposition de dérogation est d’une importance capitale. Par exemple, cette province impose des restrictions foncières. C’est la seule province au Canada qui impose des restrictions sur la superficie des terres que les non-résidants de l’Île-du-Prince-Édouard peuvent posséder.
À un moment donné, il se peut que le gouvernement fédéral ou d’autres provinces disent que c’est tout simplement injuste. Qu’on ne peut pas restreindre les sociétés canadiennes...
Son Honneur la Présidente : Vous devez demander cinq minutes de plus.
Le sénateur Cotter : Puis-je avoir cinq minutes de plus?
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Downe : Supposons qu’il existe une restriction de 3 000 acres pour les sociétés et une plus petite superficie de terres pour les particuliers. Il se pourrait que, à un moment donné, le gouvernement fédéral décide d’intervenir. C’est pourquoi cette disposition existe. C’est une mesure de protection, surtout pour les petites provinces, contre toute éventualité.
Vous avez tout à fait raison de dire que ces pouvoirs sont inactifs. Ils n’ont pas été utilisés, mais permettez-moi de rappeler ce qui s’est passé aux États-Unis avec un président comme M. Trump, qui ne respecte pas les règles. Si quelqu’un comme lui devenait premier ministre du Canada, il pourrait se servir de son autorité pour réactiver ces pouvoirs. Partagez-vous cette inquiétude?
Le sénateur Cotter : Je ne vais pas répondre à la partie concernant le président Trump. Je ne vais pas me mouiller. Je répondrai peut-être mercredi prochain.
Sénateur Downe, je connais très bien les règles concernant les terrains à l’Île-du-Prince-Édouard. En fait, vous n’avez pas tout à fait raison. La Saskatchewan possède les mêmes règles, et j’ai passé beaucoup de temps à les encadrer lorsque j’étais sous-procureur général.
Vous parlez du recours à la disposition de dérogation par les provinces et du fait que si le gouvernement fédéral tentait d’intervenir d’une quelconque manière, il serait en contravention pour d’autres motifs constitutionnels liés à la répartition des pouvoirs.
J’essaie de limiter mes observations au recours — ou non — à la disposition de dérogation dans la sphère fédérale, car mon argumentaire échoue totalement dans la sphère provinciale, en ce qui concerne le fait que le recours à cette disposition tomberait en désuétude. Outre certaines contestations au Québec, je crois que cela fait maintenant 17 fois que des provinces l’utilisent, aussi récemment que cette année, y compris dans la mienne, dans un contexte de tyrannie de la majorité, si je puis m’exprimer ainsi. Cela dit, j’en resterai là.
Dans le cas présent, je pense que la discussion vise à déterminer dans quelle mesure le Parlement fédéral pourrait ou devrait — ou non — utiliser cette disposition et laisser les provinces s’en prévaloir à l’avenir.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(1800)
[Français]
L’honorable Ratna Omidvar, O.C., O.Ont.
Interpellation—Suite du débat
L’honorable Julie Miville-Dechêne, conformément au préavis donné par la sénatrice Clement le 23 octobre 2024 :
Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Ratna Omidvar.
— Honorables sénateurs, il s’agit donc d’un hommage à notre collègue partante, la sénatrice Ratna Omidvar.
[Traduction]
Ma relation avec la sénatrice Omidvar a démarré sur les chapeaux de roue. Je me souviens d’une femme menue, décidée et directe, qui me disait ce qu’il fallait faire et ne pas faire, avec beaucoup d’assurance. Je n’étais pas habituée à cela. J’étais un peu mal à l’aise. Par contre, Ratna est aussi celle qui m’a invitée dès ma première semaine au Sénat à souper dans son condo, alors que je me sentais vraiment seule et perdue.
Je me souviens aussi que, lors de mon premier discours sur mon projet de loi S-211 contre le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises, j’ai vu Ratna faire rapidement le tour du Sénat pour venir me chuchoter à l’oreille : « Julie, tu as oublié le plus important. Le travail forcé n’est pas seulement un fléau international, car il y a des victimes ici et nous devons en parler. » La sénatrice Omidvar avait tout à fait raison. J’avais choisi de me concentrer sur les pires cas de travail forcé à l’étranger, par exemple, les enfants forcés de travailler dans les mines, mais j’aurais dû penser à dire que le Canada avait aussi ses torts dans ce domaine, notamment parmi les travailleurs agricoles et d’autres travailleurs étrangers vulnérables. Cette anecdote m’a permis de tirer une leçon précieuse. Il ne faut pas faire la morale au reste du monde sans d’abord porter un regard critique sur se qui se passe dans son propre pays.
La sénatrice Omidvar et moi nous sommes rapprochées progressivement. Il y a eu un événement tournant. Quelques sénateurs anglophones de l’extérieur du Québec, des musulmans et des sikhs, dont la sénatrice Omidvar, m’ont demandé de contextualiser pour eux le projet de loi 21, la loi québécoise qui interdit les signes religieux visibles pour certains professionnels, le hidjab en particulier. La sénatrice Omidvar était curieuse, déterminée à comprendre et reconnaissante d’écouter une collègue québécoise lui donner une perspective historique sur cette loi controversée, qui était populaire dans bien des milieux au Québec, mais décriée dans le reste du Canada.
Ce qui a vraiment fait de nous des complices, c’est notre intérêt commun pour les femmes en Afghanistan et en Iran, en particulier le mouvement féministe, Femmes, vie, liberté. Ratna a vécu en Iran pendant cinq ans, je crois, avant de chercher refuge au Canada; alors, elle connaît la culture iranienne et les tensions qui existent entre les groupes de réfugiés. Pour ma part, j’étais proche des femmes de la diaspora iranienne de Montréal. Nous avons collaboré avec nos équipes pour rédiger des textes d’opinion en anglais et en français et appuyer des motions demandant au gouvernement canadien d’agir. Nous étions sur la même longueur d’onde. En prime pour moi, Ratna Omidvar avait une réelle profondeur. Ses paroles avaient de l’influence, et ce fut un privilège pour moi de soulever des questions et de défendre des causes à ses côtés.
Non seulement je perds une collègue et une partenaire, mais je perds également une amie et, dans certains cas, une mentore. Chère Ratna, je sais que vous continuerez de vous faire entendre haut et fort. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole sur les terres de la nation algonquine anishinabe dans cette auguste Chambre de second examen objectif à propos de l’interpellation no 31 dont l’objectif est de souligner le départ à la retraite de notre estimée collègue la sénatrice Ratna Omidvar, de chanter ses louanges en raison de ses contributions durables au Canada et ailleurs dans le monde et de lui souhaiter bonne continuation alors qu’elle entreprend, avec son dynamisme légendaire, le prochain chapitre exaltant de sa vie et de son service public.
La sénatrice Omidvar est une personne très respectée et fort appréciée au Sénat. Elle y a parlé de son expérience du déracinement et des difficultés concrètes vécues par sa famille et par elle en tant que réfugiés au Canada.
Récemment, lorsque nous avons rencontré des réfugiés et d’autres personnes déplacées originaires d’Haïti, de Syrie, d’Afghanistan, du Congo et de l’Ukraine à Antigonish, Ratna a pu les écouter avec une véritable empathie et leur raconter les problèmes qu’elle a elle-même vécus, les efforts considérables qu’elle a déployés et sa réussite subséquente.
La sénatrice Omidvar a également apporté au Sénat son bagage professionnel, d’abord celui d’éducatrice, puis celui acquis pendant les nombreuses années à la présidence de l’organisme Maytree de Toronto, où elle a mené des initiatives novatrices pour appuyer des immigrants aux niveaux local, national et international. Sa priorité était d’aider les gens à gagner leur vie, ce qui est d’une importance capitale pour la réussite de l’intégration et de l’inclusion au Canada. Elle a poursuivi ses travaux sur la diversité, la migration et l’inclusion à l’Université Ryerson, aujourd’hui l’Université métropolitaine de Toronto.
L’expérience approfondie de la sénatrice Omidvar dans le secteur de la société civile canadienne, son travail sur l’immigration et la réussite des réfugiés, et son attention particulière aux questions de diversité et d’inclusion l’ont bien préparée à son rôle au sein de cette enceinte.
En fait, sa première déclaration au Sénat concernait les excuses du Canada pour avoir refoulé 376 migrants pendjabis qui, en 1914 à Hong Kong, étaient montés à bord du Komagata Maru à destination de Vancouver, pour y trouver un endroit sûr où vivre. La politique d’immigration du Canada n’admettait que les Blancs à l’époque.
Comme dans tout ce qu’elle avait fait avant, la sénatrice Omidvar a été incroyablement productive durant son mandat au Sénat. Le travail d’un sénateur consiste à représenter sa région, à enquêter et surtout à légiférer.
La sénatrice Omidvar a parrainé plusieurs projets de loi cruciaux. Le projet de loi C-20 établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public, qui vient d’être adopté et de recevoir la sanction royale; le projet de loi S-279 relatif au traitement fiscal des organismes de bienfaisance; et le projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales, concernant la disposition des biens d’un État étranger.
En tant que présidente du Comité des affaires sociales, elle a piloté d’innombrables autres projets de loi au sein de ce comité très occupé : des projets de loi sur des mesures de soutien destinées aux personnes handicapées, la prévention du suicide, l’éducation préscolaire, la violence entre partenaires intimes, les emplois durables dans une économie carboneutre et l’assurance-médicaments.
En ce qui concerne la responsabilité d’enquêter, la sénatrice Omidvar a été vice-présidente du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance et, comme nous le savons tous, elle a guidé le Comité des affaires sociales, en qualité de présidente, dans son étude récemment achevée sur le programme canadien des travailleurs étrangers temporaires.
Elle a bien représenté les habitants de Toronto et de l’Ontario au Sénat et, en tant que citoyenne du monde, elle a attiré notre attention sur le sort des Iraniennes et des Afghanes opprimées ainsi que sur l’exploitation des étudiants étrangers au Canada, en nous rappelant également les contributions importantes de toutes ces personnes. Elle a représenté les travailleurs étrangers temporaires, et elle a veillé à ce que les différentes voix qui se font peu entendre soient entendues ici.
Ratna n’hésite jamais à attirer notre attention sur les nombreuses injustices dont sont victimes certaines personnes au Canada ou à l’étranger, mais elle ne s’y éternise jamais. La sénatrice Omidvar est toujours bien consciente des contributions que chacun apporte ou peut apporter lorsqu’on lui en donne réellement l’occasion. Elle sait reconnaître quelles sont les forces de chacun; elle nous voit dans toutes nos dimensions.
C’est pour ces nombreuses réalisations que Ratna a gagné notre respect, mais c’est pour sa façon de travailler et ses relations interpersonnelles qu’elle a gagné notre affection. Ratna Omidvar est une dirigeante motivée, sérieuse et accomplie, mais elle n’est pas un loup solitaire. Elle est une collaboratrice. Elle a l’esprit d’équipe. Elle est généreuse et bienveillante, et c’est un plaisir de travailler avec elle. Elle sait tendre la main à ses collègues sénateurs des deux côtés de cette enceinte, à nos collègues de l’autre endroit, aux ministres, aux Canadiens et à nos homologues du monde entier.
Lorsque je suis arrivée au Sénat — tout comme la sénatrice Miville-Dechêne vient de le raconter —, la sénatrice Omidvar s’est montrée très généreuse. Elle faisait partie d’un groupe de sénatrices qui ont pris un certain nombre de recrues sous leur aile.
(1810)
Tout au long de la période que nous avons passée ici, nous avons travaillé sur de nombreux dossiers en commun. En septembre, j’ai reçu la sénatrice Omidvar, son époux Mehran et son employée Stephanie Saunders à Antigonish, en Nouvelle-Écosse. La visite avait pour objectif d’examiner la situation des nouveaux arrivants dans cette région rurale et de relever les façons officielles et non officielles de les aider.
Bien sûr, nous avons rencontré le chocolatier le plus célèbre d’Antigonish, Tareq Hadhad, un ancien réfugié syrien qui est devenu PDG de Peace by Chocolate. Sans surprise, et comme par hasard, notre tout premier événement au Sénat — une collaboration — se concentrait sur les questions touchant les réfugiés. Parrainé conjointement avec le Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa, il réunissait le PDG de Peace by Chocolate Tareq Hadhad, le partenaire commercial de cette entreprise Sobeys et le ministre Hussen, qui était alors ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
Il y a quelques semaines, nous avons coorganisé avec plusieurs collègues un événement très enrichissant avec des femmes influentes de la société civile provenant de partout dans le monde.
La sénatrice Omidvar est membre des Sénateurs pour des solutions climatiques. Elle a contribué de façon notable à mon interpellation sur les solutions climatiques en établissant des liens entre les questions de migration et les changements climatiques. Bien évidemment, nous avons notre plan initial pour travailler ensemble à l’avenir. Elle n’est pas près de s’arrêter. Ce plan est axé sur la réussite de la migration, un modèle innovant de formation et d’emploi qui est avantageux pour les migrants, les pays d’accueil et les pays d’origine.
Ratna et moi avons un certain nombre de points communs, dont la date du 5 novembre. Ratna fêtait son cinquième anniversaire de naissance à Amritsar, en Inde, le jour où je suis venue au monde à Orillia, en Ontario. Nous voici toutes les deux sur le point de célébrer un anniversaire important, et je sais que nous partageons toutes les deux le même souhait pour notre anniversaire de mardi prochain, le 5 novembre. Ce souhait se nomme Kamala.
Très honorable collègue en partance, Ratna — ma sœur jumelle temporelle —, je tiens à vous souhaiter une retraite très heureuse, épanouissante et en bonne santé avec votre tendre et généreux époux, Mehran, avec vos filles adorables et accomplies, Ramona et Yasi, avec vos gendres, Vik et Dan, et avec ces petits-enfants si précieux que vous adorez chérir, Nylah, Elikah, Maisha, Zayan, Kiaan et Asher.
Je tiens à vous remercier sincèrement, Ratna, pour le don de notre amitié, et j’invite nos collègues à se joindre à moi pour vous remercier de la marque indélébile que vous avez laissée ici, au Sénat, ainsi que dans la vie des citoyens de notre pays et du monde entier.
Que notre respect et notre affection vous accompagnent, Ratnaben.
À l’occasion de la Divali, ce jour de lumière, nous vous présentons nos meilleurs vœux, chère collègue et amie. Bonne retraite, Ratna. Joyeux anniversaire, Ratna, et joyeuse Divali!
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)
(À 18 h 14, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 5 novembre 2024, à 14 heures.)