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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 240

Le jeudi 21 novembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 21 novembre 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, près de six mois se sont écoulés depuis que le Rapport spécial sur l’ingérence étrangère dans les processus et les institutions démocratiques du Canada a révélé que des acteurs étrangers ont entretenu des relations avec :

[...] des députés et des sénateurs, dans l’optique qu’ils agissent en leur faveur et contre les intérêts du Canada.

Le rapport révèle également que :

[...] certains parlementaires sont, aux dires des services du renseignement, des participants mi-consentants ou volontaires aux efforts d’ingérence des États étrangers dans la politique du pays.

Tous les chefs des partis représentés à la Chambre des communes qui le souhaitaient ont pu consulter la version non caviardée du rapport. La cheffe du Parti vert — un parti non reconnu à la Chambre des communes — a lu le rapport non caviardé en juin et a déclaré : « Il n’existe pas de liste de députés ayant fait preuve d’un manque de loyauté à l’égard du Canada. »

Puis, le chef du NPD a lu le même rapport et en a tiré une conclusion complètement différente. En juin, il a déclaré : « Après avoir lu le rapport, je suis plus inquiet aujourd’hui que je ne l’étais hier. »

Il y a cinq semaines, alors qu’il comparaissait devant la Commission sur l’ingérence étrangère, le ministre de la Sécurité publique a déclaré qu’il est irresponsable de prétendre qu’il y a des traîtres qui siègent au Parlement.

Or, le lendemain, Justin Trudeau a déclaré, dans son témoignage, qu’il a :

[...] les noms d’un certain nombre de parlementaires, d’anciens parlementaires et de candidats du Parti conservateur du Canada qui sont impliqués dans des affaires d’ingérence étrangère ou qui sont à risque d’être ciblés, ou pour lesquels il existe des renseignements clairs relatifs à l’ingérence étrangère.

Je ne doute pas que les sénateurs ont remarqué que le premier ministre n’a pas utilisé le mot « députés », mais bien « parlementaires », ce qui inclut, bien sûr, les sénateurs.

Parmi ces affirmations et ces démentis, il n’y a aucun commentaire éclairé de la part de sénateurs. C’est parce que, contrairement à leurs homologues de la Chambre des communes, aucun leader d’un groupe reconnu au Sénat n’a été autorisé à lire le rapport non caviardé. Le fait qu’aucun leader du Sénat n’ait pu consulter le rapport complet n’est rien de moins qu’une honte.

Les sénateurs ont la responsabilité collective de dénoncer cette situation et d’exiger que le Sénat bénéficie d’un traitement égal. Chers collègues, à Ottawa, il faut se battre pour faire sa place. Si nous ne le faisons pas, le Sénat continuera d’être marginalisé et d’être considéré comme un simple club de discussion glorifié, dont les échanges sont toujours intéressants, mais pas vraiment importants.

Chers collègues, nous formons la seconde Chambre du Parlement, mais cela ne fait pas de nous des parlementaires de seconde zone. Nous ne devons pas non plus accepter d’être traités de la sorte. Le Sénat doit se tenir debout et dénoncer la situation.

Les leaders des groupes au Sénat ont le droit de savoir ce que contient la version intégrale du rapport et ils ont, s’il y a lieu, le devoir d’agir en conséquence. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Les élections provinciales à Terre-Neuve-et-Labrador

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je présente aujourd’hui le chapitre 85 de « Notre histoire ».

Le premier premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Joseph R. Smallwood, a dominé la scène politique de notre province pendant des décennies. Il a fait entrer Terre-Neuve-et-Labrador dans la Confédération en 1949 et a ensuite remporté six élections générales consécutives. Le 18 janvier 1972, M. Smallwood démissionne de son poste de premier ministre et est remplacé par Frank Moores, chef du Parti progressiste-conservateur. Ainsi prennent fin 23 ans de règne du Parti libéral, mais la transition n’est pas de tout repos.

Le 6 octobre 1971, M. Smallwood annonce que des élections provinciales auront lieu le 28 octobre. À la fin du dépouillement, le 29 octobre, le résultat est très proche de l’égalité. Les progressistes-conservateurs remportent 21 sièges, les libéraux, 20 et le New Labrador Party, 1. Six circonscriptions sont départagées par moins de 100 voix, et même dans un cas par une marge de huit voix seulement. On demande des recomptages dans les six circonscriptions, car les résultats ne permettent pas de dégager un vainqueur hors de tout doute.

Le parti formant le gouvernement, quel qu’il soit, aurait à élire l’un de ses membres à la présidence de la Chambre, ce qui veut dire qu’il aurait un siège de moins. S’ensuivent deux mois de recomptages et de poursuites judiciaires. En attendant, le résultat serré des élections sème la confusion et alimente les intrigues politiques. MM. Moores et Smallwood cherchent tous deux à obtenir le soutien de Tom Burgess, le seul et unique membre du New Labrador Party, qui détient la balance du pouvoir.

Le 12 novembre, M. Burgess annonce qu’il soutient les progressistes-conservateurs, ce qui leur donne une très faible majorité. Cependant, 10 jours plus tard, on apprend qu’il est impossible d’effectuer le recomptage des voix dans St. Barbe, car, après avoir compté les bulletins de vote, la scrutatrice du bureau de vote 13 de Sally’s Cove, une dame du nom d’Olive Payne, les a accidentellement mis dans le poêle à bois et les a brûlés, de sorte qu’aucun recomptage n’est possible puisque 106 bulletins de vote ont disparu.

L’affaire est portée devant les tribunaux, mais le juge conclut que la destruction des bulletins de vote est un malheureux accident, que Mme Payne n’a pas de motif politique et qu’elle n’a pas commis de crime. Le Parti progressiste-conservateur est donc à nouveau en territoire majoritaire, mais pas pour longtemps. Tom Burgess, le candidat du New Labrador Party qui avait joint le Parti progressiste-conservateur, déclare que le chef du Parti progressiste-conservateur lui avait promis un poste au Cabinet. Étant donné qu’il ne l’a pas obtenu, M. Burgess décide de quitter les rangs des progressistes-conservateurs et de joindre ceux des libéraux. Un autre député progressiste-conservateur, Hughie Shea, mécontent de ne pas avoir été nommé au Cabinet de M. Moores, quitte lui aussi le parti et rejoint les rangs des libéraux.

Cependant, comme le dit le vieil adage, « ce n’est jamais fini tant que ce n’est pas fini ». En effet, en un court laps de temps, Augustus Oldford et William Saunders, deux députés libéraux nouvellement élus, décident de renoncer à leur siège. Par conséquent, lorsque la Chambre d’assemblée commence enfin ses travaux le 1er mars 1972, 20 progressistes-conservateurs font face à 20 libéraux. Le progressiste-conservateur James Russell est élu Président. Le gouvernement ne compte donc plus que 19 élus contre 20 dans l’opposition.

Ce soir-là, le premier ministre Moores demande au lieutenant-gouverneur de dissoudre la Chambre d’assemblée et de déclencher des élections. Le lieutenant-gouverneur acquiesce à la demande, et cette élection générale, qui a lieu le 24 mai 1972, fournit une solide majorité aux progressistes-conservateurs, qui font élire 33 députés contre 9 pour les libéraux.

Après avoir perdu la course à la direction du Parti libéral en 1974, Joey finit par démissionner en juin 1977 à l’âge de 76 ans. Le règne de Joey sur Terre-Neuve-et-Labrador prend ainsi fin.

Merci.

La Journée nationale de l’enfant

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole pour poursuivre la célébration de la Journée nationale de l’enfant au Canada. La Journée nationale de l’enfant est une célébration de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, qui a été adoptée par les Nations unies le 20 novembre 1989. En signant cette convention, nous nous sommes engagés, ici, au Canada, à faire en sorte que chaque enfant ait la possibilité de réaliser son plein potentiel grâce au respect de ses droits.

Plus qu’une simple convention internationale, il s’agit d’un énoncé de valeurs pour les Canadiens, que nous, en tant que parlementaires, devons nous efforcer de faire respecter.

Dans le cadre des célébrations d’hier, je me suis jointe aux sénateurs Audette, Burey, Francis, Greenwood, Martin et Pate pour organiser un petit déjeuner avec UNICEF Canada et Campagne 2000. Lors de cette activité fort réussie, nous avons eu la chance d’assister à une présentation de l’honorable Présidente Gagné, ainsi que de Saeed Babalola et de Shennel Simpson, intervenants de Campagne 2000 et d’UNICEF Canada, respectivement.

Hier, nous avons accueilli environ 150 invités, donc, l’année prochaine, nous chercherons probablement un nouvel emplacement. Je tiens à remercier tous les collègues qui ont participé à l’activité, surtout la sénatrice Marty Deacon, de l’Ontario, qui a animé un séminaire improvisé au Sénat pour des dizaines de jeunes qui ont participé à l’activité.

À tous les jeunes qui se sont joints à nous, vous avez fait en sorte que cette matinée en vaille la peine. Je vous remercie d’avoir été des nôtres.

(1410)

Cet après-midi, je me suis jointe à UNICEF Canada pour une table ronde sur la santé en compagnie d’autres parlementaires et collaborateurs. Encore une fois, j’ai été inspirée par le sérieux et le travail acharné des jeunes qui défendent les intérêts des enfants et des jeunes dans nos systèmes de santé. Je leur suis très reconnaissante pour le temps qu’ils m’ont consacré.

Chers collègues, la Journée nationale de l’enfant est une excellente occasion d’échanger avec des enfants et des jeunes, mais cela ne doit pas se limiter à cette journée. Je nous encourage à continuer à aller vers les jeunes dans nos collectivités pour que leur voix — la voix des enfants — et leurs droits soient respectés et entendus partout au Canada chaque jour de l’année.

Merci, meegwetch.

Le décès de Raymond Ahenakew

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à Ray Ahenakew, qui est décédé en septembre dernier. Je connaissais Ray depuis de nombreuses années et j’avais beaucoup de respect pour lui. Sa grande compétence et son énergie positive le rendaient abordable et accessible. Son décès laissera des traces chez tous ceux qui l’ont connu. Il était un fils, un mari, un père, un grand-père, un frère, un ami et un mentor — mon mentor, à bien des égards.

Ray était un fier membre de la Première Nation Ahtahkakoop. C’était un leader et un pionnier qui a renforcé la participation des Premières Nations à l’économie de la Saskatchewan.

En tant que directeur général du Conseil tribal de Meadow Lake, il a mis en place un plan de développement économique à long terme couvrant la foresterie, les transports, le pétrole, l’exploitation minière et la gestion de l’environnement. L’achat de NorSask Forest Products, par exemple, a bénéficié à l’économie locale et a garanti aux membres du conseil des emplois dans l’exploitation forestière, le camionnage, le travail en usine et la plantation d’arbres.

Convaincu que l’éducation est un outil puissant pour l’avancement des Autochtones, Ray a été président du Saskatchewan Indian Institute of Technologies de 1982 à 1984 et président par intérim de 2005 à 2007. Il a aussi présidé la Saskatchewan Indian Gaming Authority et le National Labour Training Market Board de Développement des ressources humaines Canada.

Au-delà du développement économique, Ray était un joueur de hockey talentueux et un bon golfeur. Il faisait partie d’une génération de joueurs de hockey des Premières Nations de la Saskatchewan qui est arrivée après Freddy Sasakamoose, mais avant Eugene Arcand. Il a joué pour les Yorkton Terriers et dans diverses ligues intermédiaires de hockey senior.

Eugene Arcard, qui racontait son expérience en pensionnat, s’est souvenu du soutien que Ray lui avait apporté. Je le cite :

Ray savait ce que je vivais. Je lui ai dit : « Je n’en peux plus [...] ». Il m’a répondu : « Tu ne peux pas abandonner, mon vieux. Tu es arrivé à ce niveau et tu dois continuer parce que si tu abandonnes, ils vont juger le reste d’entre nous. »

En terminant, je citerai ce que la famille de cet homme formidable a dit pour honorer sa mémoire :

Nous sommes profondément reconnaissants et honorés que le Créateur l’ait fait nôtre. Il avait une solide éthique de travail et était un véritable défenseur des membres des Premières Nations et de sa communauté. L’amour, la force et le dévouement qu’il nous a légués resteront gravés dans notre mémoire à tous.

Merci, hiy kitatamihin.

L’Institut pour la citoyenneté canadienne

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole pour attirer votre attention sur un tout nouveau rapport de l’Institut pour la citoyenneté canadienne, intitulé Des occasions manquées 2024 : Analyse approfondie du phénomène de migration subséquente au Canada. Plus tôt cette semaine, j’ai tenu une séance d’information sur le rapport, qui brosse un tableau troublant de ce qui se passe au Canada en ce qui concerne les nouveaux arrivants.

Sur la scène internationale, le Canada est considéré comme une destination de choix pour les immigrants. Je suis fier du bilan impressionnant en matière d’attraction, de rétention et d’intégration des immigrants dans la grande famille canadienne. Malheureusement, ce que le rapport de l’Institut pour la citoyenneté canadienne nous indique, c’est qu’il y a des fissures dans les fondations et que nous devons réfléchir longuement et en profondeur à certains des défis associés à la rétention.

Voici ce qu’on peut lire plus loin dans le rapport :

Historiquement, le Canada s’est appuyé sur l’immigration pour stimuler la croissance économique, atténuer les pénuries de main-d’œuvre, améliorer le ratio travailleurs/retraités et favoriser le multiculturalisme. La migration subséquente, en particulier dans les premières années, compromet la capacité du Canada à atteindre ces objectifs. Lorsque les immigrants quittent le pays, les investissements dans les programmes d’établissement et d’intégration sont, pour ainsi dire, perdus.

Comme nous l’avons appris, à long terme, le Canada perd un immigrant sur cinq en raison de la migration subséquente. Nous avons également découvert que près de la moitié des migrants subséquents qui sont venus au Canada dans la catégorie de l’immigration économique ou à titre d’étudiants étrangers fuient le pays à un rythme alarmant, ce qui limite notre capacité à tirer profit de leurs compétences et de leur éducation.

[Français]

On apprend également que le Canada perd 35 % des immigrants francophones à long terme. Cette tendance est inquiétante, alors que le gouvernement fédéral vient d’annoncer une politique plus agressive en matière d’immigration francophone hors Québec.

C’est pour cette raison que l’institut recommande que nous développions davantage les services d’intégration pour les immigrants francophones en mettant l’accent sur la rétention.

[Traduction]

L’institut recommande également que le gouvernement intègre des objectifs de rétention dans son plan de politiques d’immigration. Le rapport propose ce qui suit :

Pour s’attaquer efficacement au problème de la rétention des immigrants, les responsables des politiques doivent mieux comprendre les conséquences à court et à long terme de la migration subséquente. Savoir qui quitte le Canada et à quel moment permettra [...] d’élaborer des politiques et des programmes adaptés [...]

Honorables sénateurs, le Canada restera toujours une destination attrayante pour les immigrants, et les Canadiens continueront d’accueillir chaleureusement les immigrants à bras ouverts. Cependant, il est manifeste que nous devons améliorer la rétention et l’intégration des personnes que le gouvernement sélectionne avec soin pour faire du Canada leur patrie. La croissance économique et la prospérité du pays en dépendent.

Merci, meegwetch.

La Fondation canadienne de la ménopause

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet d’une question complexe et multidimensionnelle qui touche des millions de femmes dans tout le pays. Bien que le Mois mondial de la ménopause ait eu lieu en octobre, il est essentiel que nous poursuivions cette conversation. Je tiens à exprimer ma gratitude à la Fondation canadienne de la ménopause pour son travail novateur de sensibilisation et de promotion du changement. Merci à Janet Ko, Trish Barbato et Elizabeth Gray-Smith.

La ménopause est plus qu’un enjeu de santé. C’est un enjeu qui touche à l’âge, l’égalité des sexes, l’économie et la main-d’œuvre. Au Canada, 10 millions de femmes de plus de 40 ans sont à un stade ou un autre de la ménopause, mais bon nombre d’entre elles ont du mal à gérer des symptômes qu’elles ne reconnaissent pas toujours comme faisant partie de cette transition. Avec plus de 30 symptômes possibles, la ménopause affecte le bien-être physique, mental et affectif. Lorsqu’elle n’est pas prise en charge, elle augmente le risque de problèmes de santé chroniques comme l’ostéoporose, les maladies cardiaques et les troubles génito-urinaires.

Au Canada, les femmes âgées de 45 à 55 ans constituent le segment de la main-d’œuvre qui connaît la plus forte croissance, et elles sont à un âge où nombre d’entre elles doivent composer avec les profonds bouleversements de la ménopause. Le rapport de la fondation souligne les conséquences réelles de l’inaction : 540 000 journées de travail perdues chaque année, 237 millions de dollars en perte de productivité et une perte stupéfiante de 3,5 milliards de dollars pour l’économie. Plus inquiétant encore, jusqu’à une femme sur dix quitte complètement le marché du travail, non pas parce qu’elle manque de talent ou de volonté, mais parce qu’elle est laissée seule face à ces problèmes, sans soutien adéquat. Les femmes sont l’épine dorsale de secteurs essentiels, et leur absence a des répercussions profondes aussi bien dans les milieux de travail que dans les familles et les communautés, et elle a un effet sur la stabilité et la croissance économiques du pays.

Honorables sénateurs, le Canada accuse un retard considérable par rapport à d’autres pays en ce qui concerne la ménopause. Des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni ont mis en œuvre des politiques avant-gardistes, des mesures de soutien en milieu de travail et des stratégies de santé publique pour mieux soutenir les femmes pendant cette transition. Il est temps que le Canada rattrape son retard.

Faire de la santé des femmes une priorité nationale signifie garantir un meilleur accès à l’information, à l’éducation et aux traitements de la ménopause. Cela signifie également qu’il faut déstigmatiser cette étape naturelle de la vie afin de favoriser la compréhension dans les milieux de travail, les familles et la société. Engageons-nous à bâtir un Canada où la ménopause est reconnue, comprise et soutenue.

Merci, meegwetch.


(1420)

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’infrastructure et les collectivités

La Banque de l’infrastructure du Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, la Banque de l’infrastructure du Canada de votre gouvernement est en fonction depuis l’exercice financier 2017-2018. Depuis le début, c’est un échec complet et un gaspillage total de l’argent des contribuables. Mardi, une réponse écrite a été déposée au Sénat à l’une de mes questions inscrites au Feuilleton. Elle montre qu’en 2022, près de 6,8 millions de dollars de primes ont été versés au personnel de la Banque de l’infrastructure du Canada.

Le sénateur Housakos : C’est scandaleux.

Le sénateur Plett : L’an dernier, ce montant a atteint les 8,1 millions de dollars — juste en primes.

Monsieur le leader, il vous déplaît de nous entendre dire : « Cela n’en vaut pas le coût ». Comment pouvez-vous justifier ces primes à la Banque de l’infrastructure du Canada, qui n’a produit aucune infrastructure?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Les primes versées aux cadres supérieurs, que ce soit dans le secteur public ou privé, sont négociées dans le cadre de leur rémunération globale. Je ne dispose d’aucune information sur les objectifs ou les paramètres qui ont été appliqués et au titre desquels ces montants ont été versés.

La Banque de l’infrastructure du Canada a été créée et conçue pour permettre d’accélérer la construction d’infrastructures fort nécessaires au Canada, qui a été négligée pendant trop longtemps. La banque travaille en partenariat avec le secteur privé et le secteur public.

Les projets d’envergure prennent du temps à développer, et les forces du marché jouent également un rôle dans la vitesse de progression des travaux, mais le gouvernement reste convaincu qu’il s’agit d’un outil nécessaire pour contribuer à la réalisation des objectifs du Canada.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, les indicateurs sur lesquels vous vous êtes fondés pour négocier étaient « si vous ne faites rien et que vous ne produisez rien, nous vous donnerons une prime ». La Banque de l’infrastructure du Canada n’a pas mené à bien un seul projet. Elle flambe de l’argent, elle manque de transparence et elle cumule les scandales. Contrairement aux promesses, elle n’a pas réussi à attirer des investissements du secteur privé, vraiment pas.

Est-ce que cela ressemble à une réussite, à votre avis? Il y a deux ans et demi, un comité de la Chambre a déclaré que la Banque de l’infrastructure devrait être abolie. Pourquoi existe-t-elle encore?

Le sénateur Housakos : Elle a été mise en place par le Parti libéral.

Le sénateur Gold : Comme je l’ai déjà dit, la Banque de l’infrastructure du Canada a été conçue pour offrir une plateforme supplémentaire qui pourrait servir à faire des investissements importants. Le gouvernement espère toujours que cela se concrétisera.

Les finances

Le coût de la vie

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Aujourd’hui, un journaliste a demandé au premier ministre Trudeau pourquoi le gouvernement enverrait de l’argent à des gens qui gagnent 150 000 $ par année, un revenu tout de même considérable. Notre dirigeant — ou plutôt le vôtre, ce grand premier ministre — a répondu :

[...] les prix ont augmenté pour tout le monde. Même les gens qui gagnent 140 000 $ vont moins souvent au restaurant et planifient plus soigneusement leurs achats à l’épicerie.

Le sénateur Plett : Oh mon Dieu.

Le sénateur Housakos : Incroyable.

Monsieur le leader, si le premier ministre pense que les gens qui gagnent 140 000 $ ont besoin de l’aide de son gouvernement pour pouvoir vivre au Canada, comment pense-t-il que les familles à faible revenu — les Canadiens véritablement pauvres — et les Canadiens de la classe moyenne s’en sortent?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur Housakos.

Le gouvernement a annoncé aujourd’hui différents programmes destinés à aider tous les Canadiens à joindre les deux bouts pendant la période des Fêtes qui approche, afin que les familles aient les moyens de payer les choses auxquelles elles ont droit, que ce soit un repas au restaurant ou encore des vêtements, des chaussures ou des sièges d’auto pour leurs enfants.

Vous n’avez certainement pas encore critiqué l’exonération de la TPS/TVH à l’échelle du pays, une mesure qui aidera tous les Canadiens à garder un peu plus d’argent dans leurs poches durant la période des Fêtes; j’attends d’ailleurs vos commentaires à ce sujet. En outre, la Remise pour les travailleurs canadiens est conçue pour laisser plus d’argent entre les mains des Canadiens, dont beaucoup sont parents de nombreux enfants et ont besoin de telles mesures.

Le sénateur Housakos : Cela fait neuf ans et demi que le gouvernement Trudeau fait gonfler le coût de la vie jusqu’à des sommets historiques. Aujourd’hui, à la veille des élections, il prend des demi-mesures.

Une fois de plus, le premier ministre a affirmé que les coûts avaient augmenté pour tout le monde. Ne faut-il pas en conclure que tous les coûts ont bel et bien augmenté pour tout le monde? Le premier ministre ne devrait-il pas s’attaquer à la cause première? Cela ne signifie-t-il pas d’abolir la taxe sur le carbone, qui est à l’origine de ce gâchis?

N’offrez pas aux gens qui font la queue devant les banques alimentaires un congé de TPS pendant deux mois, juste avant de rehausser à nouveau la taxe sur le carbone, comme vous le ferez très bientôt.

Ne devriez-vous pas abolir la taxe qui est à l’origine du problème?

Le sénateur Plett : Bravo!

Le sénateur Gold : Pour ce qui est peut-être la 100e fois dans cette enceinte, avec tout le respect que je vous dois, sénateur Housakos, votre compréhension de l’effet économique de la taxe sur le carbone et de la tarification de la pollution est tout simplement erronée. Encore une fois, peu importe le nombre de fois où vous taperez sur le même clou, le fait est que le gouvernement est déterminé à lutter contre les changements climatiques grâce à la tarification de la pollution. Il est également déterminé à investir dans les Canadiens, comme il l’a fait avec les annonces d’aujourd’hui auxquelles vous avez fait référence.

L’infrastructure et les collectivités

Le logement abordable

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, Montréal a failli déclarer l’état d’urgence pour les sans-abri cette semaine. Tout en reconnaissant l’urgence de la situation, la mairesse a indiqué que la déclaration de l’état d’urgence ne serait pas l’approche la plus efficace. Elle a insisté sur la nécessité de collaborer avec les gouvernements provincial et fédéral afin d’obtenir des ressources supplémentaires et de l’aide pour les sans-abri de la ville.

Quelles mesures le gouvernement fédéral prend-il pour collaborer efficacement avec les provinces et les municipalités afin d’uniformiser les politiques de logement et d’accélérer la création de logements abordables pour les Canadiens? L’abordabilité du logement ayant atteint un point critique, de nombreux Canadiens luttent pour obtenir un logement adéquat. Bien que diverses initiatives provinciales et municipales visent à résoudre cette crise, un leadership fédéral plus fort et une collaboration intergouvernementale s’avèrent essentiels.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénateur.

Le gouvernement a publié le document Résoudre la crise du logement : Plan du Canada sur le logement, qui présente une approche pangouvernementale ambitieuse pour s’attaquer à la crise du logement en construisant plus de logements, en facilitant l’achat ou la location d’un logement et en aidant les Canadiens qui n’ont pas les moyens d’acheter un logement. En ce qui concerne la rationalisation des politiques en matière de logement avec les provinces et les municipalités par l’entremise du Fonds pour accélérer la construction de logements, comme mes collègues le savent, le gouvernement a conclu 179 ententes avec des municipalités de l’ensemble du pays pour accélérer l’approbation des projets de logement.

De plus, dans notre ville, Montréal, le gouvernement a récemment annoncé un investissement de près de 71 millions de dollars pour la construction de 207 logements locatifs. Pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement fédéral a investi près de 364 millions de dollars dans les quatre projets visant à construire 989 logements à Montréal.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette réponse et de ces investissements.

Bien que la collaboration soit essentielle, le rôle du gouvernement fédéral dans le financement et l’élaboration des politiques est crucial. Étant donné les retards importants souvent associés aux programmes fédéraux de logement, pouvez-vous indiquer quand les Canadiens peuvent s’attendre à ce que ces diverses initiatives produisent des résultats concrets?

De plus, quelles mesures précises le gouvernement met-il en œuvre pour veiller à ce que le financement parvienne aux collectivités qui en ont le plus besoin, sans obstacles bureaucratiques indus?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

Outre les mesures que je viens d’énumérer — dont des efforts visant à faciliter l’approbation de logements plus simples à concevoir et à construire — dans le contexte des 179 ententes conclues avec des municipalités, je crois comprendre qu’elles visent la construction de 107 000 logements additionnels au cours des trois prochaines années et qu’elles permettront la construction de plus de 750 000 autres au cours des dix prochaines années.

Les finances

Le fonds du Régime de pensions du Canada

L’honorable Rosa Galvez : Sénateur Gold, le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, a reconnu que les institutions financières du Canada, notamment nos régimes de pension, investissent dans des projets d’énergie renouvelable et environnementaux à l’étranger, mais qu’ils s’entêtent à investir dans les combustibles fossiles au Canada. Cette tendance troublante nuit à la transition du Canada et a un effet négatif sur l’innovation, la compétitivité et la productivité du Canada.

Le gouvernement a publié une taxonomie de l’investissement durable à application volontaire. Que prévoit-il faire d’autre pour inverser cette tendance à la hausse des investissements dans le secteur canadien de l’énergie? Quels nouveaux pouvoirs peut-il accorder au Bureau du surintendant des institutions financières afin d’encourager plus d’investissements dans des projets d’énergie renouvelable qui sont alignés sur le climat?

(1430)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Je crois que la majorité d’entre nous comprend qu’au XXIe siècle, une économie concurrentielle est une économie carboneutre. Notre gouvernement saisit les avantages économiques du Canada afin d’attirer des investissements et de faire en sorte que les travailleurs et les collectivités du Canada obtiennent leur juste part dans la course mondiale vers la carboneutralité.

C’est pourquoi — comme vous l’avez mentionné — le gouvernement a publié des lignes directrices canadiennes sur l’investissement durable et la communication de renseignements en lien avec les changements climatiques pour les grandes entreprises. Cela permettra d’accélérer l’apport de capitaux privés, favorisera la croissance de notre économie et la création d’emplois rémunérateurs ainsi que l’atteinte des objectifs de carboneutralité d’ici 2050. Ces initiatives de finance durable vont attirer davantage de capitaux privés vers des activités essentielles à la création d’une économie carboneutre durable pour les Canadiens.

La sénatrice Galvez : On rapporte que M. Chambers, l’un des directeurs généraux d’Investissements RPC, siège également au conseil d’administration de Teine Energy, une société pétrolière et gazière qui plaide en faveur du retrait du plafonnement fédéral des émissions du secteur pétrolier et gazier. Le conflit d’intérêts entre ces deux fonctions est évident : d’un côté, il privilégie les profits à court terme et il alimente la crise climatique, et, de l’autre, il devrait se concentrer sur le bien-être à long terme des travailleurs.

En outre, au moins un administrateur au sein de 7 des 11 plus grands gestionnaires de régime de pensions au Canada est actuellement directeur ou cadre d’une entreprise de combustibles fossiles.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Je regrette, sénatrice Galvez, mais vous n’avez que 30 secondes pour une question complémentaire.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Merci d’avoir soulevé cette question, sénatrice. Je crois savoir où vous voulez en venir.

Le Canada se trouve dans une position unique et difficile parce que nous sommes un pays qui produit du pétrole et du gaz, et notre économie ainsi que le bien-être de nombreuses régions continuent d’en dépendre. Qui plus est, nous sommes un pays qui joue un rôle de premier plan dans la lutte contre les changements climatiques.

En ce qui concerne les régimes de pensions et les personnes qui siègent à leur conseil d’administration, il s’agit d’organismes indépendants qui prennent leurs propres décisions...

[Français]

Son Honneur la Présidente : C’est 30 secondes pour la réponse aussi.

[Traduction]

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, comme vous le savez, il est très difficile de garder un secret à Ottawa et de plus en plus de gens ont lu la version non caviardée du Rapport spécial sur l’ingérence étrangère dans les processus et les institutions démocratiques du Canada du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Je me pose la question suivante : un ministre, un membre du personnel politique ou un fonctionnaire fédéral vous a-t-il dit que des sénateurs étaient mentionnés dans le rapport non caviardé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Downe, j’apprécie votre ténacité sur cette question particulière. Comme je l’ai dit à maintes reprises, l’intérêt que vous et certains collègues avez manifesté a été communiqué au ministre; toutefois, à ma connaissance, il n’y a pas eu de changement de politique au sein du gouvernement.

Je n’ai pas accès à ce rapport. Je ne l’ai pas lu. À cet égard, je ne peux vraiment pas faire de commentaires sur d’autres questions. Je continuerai à transmettre le point de vue du Sénat au ministre concerné.

Le sénateur Downe : Je vous remercie, sénateur Gold, mais je ne vous ai pas demandé si vous aviez assisté à une séance d’information ou si vous aviez lu le rapport. Je sais que ce n’est pas le cas.

Ma question était la suivante : avez-vous entendu un ministre, un fonctionnaire fédéral ou un membre du personnel faire un commentaire sur la mention de sénateurs dans le rapport, un commentaire comme « ce sénateur a de la chance de ne pas être en prison »? Avez-vous entendu un commentaire sur un sénateur impliqué ou cité dans le rapport?

Le sénateur Gold : Je suis désolé si je n’ai pas été clair. La réponse est non, je n’ai pas entendu de tels commentaires.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement

Le Fonds pour accélérer la construction de logements

L’honorable Rodger Cuzner : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et porte sur le Fonds pour accélérer la construction de logements.

Compte tenu de la demande de logements qui existe partout au pays, la grande majorité des dirigeants qui ont eu accès à ce fonds ou qui en ont bénéficié ont réagi avec enthousiasme. Il semble répondre aux besoins des collectivités de partout au pays, des grandes villes — je pense que les investissements à Montréal sont évidemment impressionnants —, mais aussi des petites localités et des Premières Nations. C’est ce que nous disent constamment les maires de tout le pays.

Le représentant du gouvernement peut-il fournir à la Chambre des données réelles sur le nombre de villes concernées à l’échelle nationale, le montant d’argent versé, le nombre de logements construits et le nombre de logements en construction? Pourriez-vous nous faire part des mesures de rendement pertinentes de ce fonds?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Je n’ai pas toute l’information que vous avez demandée parce que les ententes en sont à diverses étapes de négociation et d’élaboration. Comme je l’ai mentionné dans une réponse à une question précédente, je pense qu’il existe 179 ententes de ce genre.

Vous avez tout à fait raison de souligner l’enthousiasme avec lequel les villes de tout le pays ont accueilli ce fonds et, en fait, l’enthousiasme avec lequel les élus de ces villes ont également applaudi l’initiative du gouvernement de travailler avec les municipalités pour accélérer la construction de logements dont on a grandement besoin.

Je ne manquerai pas de me renseigner pour savoir où en est ce dossier. C’est un projet en cours. Je suis convaincu que le gouvernement continuera de travailler avec les municipalités comme il le fera avec les provinces et les territoires, comme il l’a fait, afin de construire les logements dont les Canadiens ont absolument besoin.

Le sénateur Cuzner : Merci beaucoup. Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, j’ai cru comprendre que 16 municipalités et Premières Nations ont eu accès au fonds. J’ai lu récemment une citation du maire de Westville, Lennie White, qui a dit que ce programme « changera la donne » pour sa collectivité. En effet, cette dernière a reçu un investissement important, mais il s’étalera sur quatre ans.

Sénateur Gold, en cas de changement de gouvernement, pouvez-vous garantir au Sénat et aux dirigeants municipaux qui pilotent ces projets qu’ils pourront continuer de bénéficier de ces investissements qui changent la donne?

Le sénateur Gold : Tout comme je ne suis pas en mesure de fournir des garanties quant au financement futur sous le gouvernement actuel, je ne suis certainement pas en mesure de commenter ce que fera un futur gouvernement, si un nouveau parti est élu. Cependant, il n’est pas sans importance de noter que le chef du Parti conservateur a beaucoup répété qu’il était en faveur de supprimer le financement accordé à ce programme et à de nombreux autres programmes d’aide au logement.

Les finances

Le coût de la vie

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, selon un récent sondage mené par l’Armée du Salut, 58 % des parents ont de la difficulté à nourrir leur famille. Un parent sur quatre dit avoir mangé moins pour que ses enfants puissent manger. C’est aussi simple que cela.

Parmi ces parents, 90 % ont déclaré dépenser moins pour l’épicerie afin de pouvoir payer leurs factures, 86 % disent acheter des aliments moins nutritifs parce qu’ils sont moins chers, et 84 % réduisent leurs portions ou sautent carrément des repas parce que le panier d’épicerie est hors de prix. Ce ne sont pas que de simples statistiques ou des notes d’allocution conservatrices, monsieur le leader. Il s’agit de parents qui ont de la difficulté à nourrir leurs enfants. Pourquoi autant de Canadiens doivent-ils vivre ainsi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est à la fois terrible et inacceptable que des Canadiens et des familles canadiennes aient du mal à composer avec le coût de l’épicerie et aient à faire les compromis que vous avez mentionnés. La seule objection que je puisse avoir à votre observation, car je pense que nous tous ici sommes du même avis, concerne certaines suppositions implicites selon lesquelles le gouvernement ne fait pas ce qu’il peut dans ce domaine, même si vous avez le droit de croire qu’il devrait en faire davantage. Toutefois, il est également vrai que la hausse du coût des aliments — malgré les réponses toutes faites, les rimes, etc. — dépend de problèmes mondiaux, y compris des guerres, les changements climatiques et des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, sans parler de la réglementation des entreprises privées, ce qui ne relève pas de la compétence fédérale.

Chers collègues, nous voulons tous que les Canadiens soient bien nourris et déplorons le fait qu’ils soient encore confrontés à tant de problèmes. Le gouvernement est déterminé à faire sa part pour aider les Canadiens.

Le sénateur Plett : De toute évidence, ce n’est pas le cas de votre gouvernement, monsieur le leader. Je parle de parents aimants et responsables qui font passer leurs enfants avant tout. Ils font de leur mieux dans ces temps difficiles. Ils ont besoin que la taxe sur le carbone, qui fait grimper le prix de tout, disparaisse. Voilà le problème, monsieur le leader.

Le gouvernement néo-démocrate—libéral leur donnera-t-il l’occasion de voter en faveur d’une abolition de la taxe?

Le sénateur Gold : Eh bien, vous avez réussi à commencer en montrant de l’empathie envers les Canadiens, comme il se doit, puis vous les avez instrumentalisés une fois de plus pour établir une fausse correspondance entre l’effet de la taxe sur le carbone et le prix des aliments, avant de parler d’élections.

(1440)

Tant et aussi longtemps qu’il sera au pouvoir, le gouvernement actuel continuera de travailler dans l’intérêt des Canadiens, notamment en les aidant à relever les défis associés au coût de la vie.

[Français]

L’innovation, les sciences et le développement économique

Les paiements de transfert

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, le 15 mars 2021, Justin Trudeau annonçait que son gouvernement octroyait 50 millions de dollars à la compagnie Lion Électrique. Le ministre Champagne disait alors que cette subvention allait favoriser la création de bons emplois et la prospérité du Canada.

Depuis, Lion Électrique a réduit le nombre de ses employés et est maintenant au bord de la faillite. Le titre, qui se transigeait à 35 dollars américains, se transige actuellement à 22 cents américains. Il a donc perdu 94 % de sa valeur et il représente maintenant une action à petit prix qui sera rayée de la bourse de New York.

Sénateur Gold, le gouvernement considère-t-il que les montants prêtés à Lion Électrique sont perdus? Va-t-il investir d’autres sommes dans ce projet?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Dans le monde actuel, et surtout dans un monde en transition vers une économie qui dépend de moins en moins des produits pétroliers et qui met l’accent sur une autre façon de se nourrir avec l’énergie, c’est toujours un risque. C’est dommage que cette compagnie soit maintenant dans une position beaucoup plus précaire. Je n’ai pas d’information sur les intentions du gouvernement en ce qui concerne cette compagnie ou sur ce qu’il a l’intention de faire, mais c’est dommage que les investissements que le gouvernement du Canada a faits, comme les autres investissements qui ont été faits par les provinces pour les mêmes raisons, ne soient pas nécessairement toujours une réussite, comme ces gouvernements l’avaient anticipé.

Le sénateur Carignan : Il y a une poursuite contre les dirigeants de Lion devant les tribunaux américains. Il y est allégué qu’ils ont menti lors de l’entrée en bourse de Lion, qui s’est produite en même temps que le prêt du gouvernement. D’ailleurs, les dirigeants ont largement profité de cette entrée en bourse, en accumulant des millions de dollars de profits personnels.

A-t-on affaire à un autre exemple de corruption libérale, sénateur Gold, ou le gouvernement va-t-il donner un mandat à la vérificatrice générale et à la GRC pour qu’ils enquêtent sur cette affaire?

Le sénateur Gold : Ce n’est pas l’intention du gouvernement pour ce qui est de la vérificatrice générale. Je ne ferai pas de commentaire sur les sous-entendus par rapport à la corruption. Encore une fois, c’est une question que je vais laisser passer.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les travailleurs étrangers temporaires

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, en raison de la grande vulnérabilité des travailleurs étrangers temporaires, le gouvernement a lancé en 2019 un programme dans le but de permettre à des migrants exploités et victimes d’abus d’obtenir un permis de travail ouvert afin de fuir leur patron.

Or, une nouvelle étude de l’Université Laval révèle que, même en cas d’allégations graves, cette voie de sortie est très, très ardue, car il faut 20 à 30 heures pour préparer le dossier. De plus, l’aide d’un intervenant juridique est souvent requise et les délais sont de plus en plus importants — ils peuvent même aller jusqu’à cinq mois.

Ne pourrait-on pas faire mieux?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Je tiens à préciser que tout cas de harcèlement, d’abus ou d’exploitation à l’endroit de travailleurs étrangers temporaires est absolument inacceptable. Grâce au permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables, le gouvernement a permis aux travailleurs de se sortir plus facilement des situations d’abus.

Cela étant dit, et j’en arrive à votre question, chère collègue, le gouvernement surveille et améliore les politiques et les programmes pour s’assurer qu’ils servent au mieux les intérêts des travailleurs étrangers temporaires, afin qu’ils bénéficient des mêmes droits, d’un salaire équitable et d’une même protection. Je vais porter les préoccupations liées à cette étude à l’attention du ministère.

La sénatrice Miville-Dechêne : Il est important de savoir que la moitié des ouvriers agricoles qui font une demande de permis ouvert se la font refuser. Ils rapportent pourtant des menaces d’expulsion et des salaires en deçà de leur contrat. Cela reflète malheureusement le constat du rapporteur spécial des Nations unies, qui parlait du Canada comme d’un terrain fertile à l’esclavage moderne.

Pourquoi ne pas humaniser et accélérer le processus le plus rapidement possible?

Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit, le gouvernement a toujours la volonté d’améliorer les problèmes tels qu’ils ont été identifiés. Je vais porter cette situation à l’attention du ministre.

[Traduction]

Les niveaux d’immigration

L’honorable Krista Ross : Sénateur Gold, selon un rapport sur les perspectives du marché du travail au Nouveau-Brunswick publié en 2023, en raison de la croissance projetée de la population et du marché du travail entre 2022 et 2032, il y aura plus de 132 000 postes vacants, particulièrement dans les domaines de la santé, de la construction, de la technologie et de l’énergie. Selon les prévisions, seulement 54 % de ces postes vacants seront comblés par des jeunes qui feront leur entrée sur le marché du travail. Il faudra compter en grande partie sur l’immigration pour combler les 46 % de postes vacants restants, donc pour réduire l’écart entre la population et la croissance du marché du travail. La région de l’Atlantique a donc clairement besoin d’une approche à long terme en matière d’immigration.

Le gouvernement a déjà apporté des changements à ses politiques d’immigration qui nuisent à notre région. Tiendra-t-il compte des besoins des régions lorsqu’il apportera d’autres changements?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement prend toujours en considération les intérêts et les besoins régionaux ainsi que les intérêts et les besoins sectoriels.

Les changements que le gouvernement a annoncés au cours des derniers mois sont jugés nécessaires pour que les personnes qui viennent au Canada soient correctement accueillies à tous égards.

Il ne fait aucun doute, comme nous l’entendons de la part du secteur agricole et du secteur de la main-d’œuvre qualifiée, que ces changements créent des difficultés dans de nombreux secteurs. Il s’agit malheureusement d’un compromis inévitable, comme c’est souvent le cas avec les politiques publiques. Il s’agit de mesures temporaires qui seront en vigueur pendant deux ans, comme vous le savez, afin d’harmoniser les choses. Je suis sûr que le gouvernement sera attentif à ces besoins à l’avenir.

La sénatrice Ross : Merci, sénateur Gold.

Je ne conteste pas que certains de ces changements soient nécessaires. Ce que j’ai remarqué, c’est que le gouvernement aime souvent parler des mauvais acteurs et donner des exemples en se référant à certains collèges, mais rien de tout cela ne se produit dans le Canada atlantique. Au lieu de s’attaquer aux causes profondes de ces problèmes et de punir les mauvais acteurs, le gouvernement pénalise également ceux qui respectent les règles en toute bonne foi. À votre avis, pourquoi le gouvernement agit-il de la sorte?

Le sénateur Gold : Merci pour votre question. Le gouvernement se concentre sur les problèmes qui ont été relevés. Dans de nombreuses régions du pays, des établissements d’enseignement n’ont pas été honnêtes avec les étudiants, sans parler des acteurs malveillants en dehors du milieu de l’éducation qui vendent carrément l’apparence d’un emploi alors que l’emploi n’existe pas.

Le gouvernement est, une fois de plus, attentif aux différences et fait ce qu’il peut pour se concentrer sur...

Son Honneur la Présidente : Merci. Sénateur Housakos, vous avez la parole.

L’environnement et le changement climatique

Les émissions de carbone

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Sénateur Gold, le nouveau plafond des émissions imposé par le gouvernement néo-démocrate—libéral est un plafond pour les emplois bien rémunérés des travailleurs de la classe moyenne du secteur de l’énergie. À la suite de l’élection présidentielle aux États-Unis, voici ce que Bill Morneau avait à dire concernant ce plafond : « La sécurité énergétique sera cruciale [...] »

Il a poursuivi en disant :

Nous devrons nous demander si nous nous concentrons sur la sécurité énergétique de manière à faire nettement jouer au Canada un rôle important dans le secteur énergétique des États-Unis... Cela signifie que nous devons nous demander si le moment est bien choisi pour imposer un plafond sur les émissions.

C’est une excellente question. Que répondriez-vous à ce sujet à l’homme qui a été ministre des Finances au cours des cinq premières années de mandat du gouvernement Trudeau?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question.

Il y a bien des questions que les Canadiens peuvent et doivent poser face à l’incertitude qui nous attend compte tenu du résultat de la dernière élection.

Le gouvernement est d’avis que les politiques en place pour plafonner les émissions constituent un outil essentiel dans la transition vers une économie plus propre et plus durable qui continuera d’attirer l’investissement étranger et de fournir de bons emplois aux Canadiens.

(1450)

Le gouvernement respecte l’expertise de M. Morneau et d’autres personnes qui ont servi le pays par le passé, mais le gouvernement est d’avis qu’il s’agit d’un outil stratégique important qui sert les intérêts des Canadiens.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, cessez de vous servir de l’environnement comme excuse pour taxer les Canadiens; vos politiques n’ont nullement aidé l’environnement et elles affligent la classe moyenne.

Monsieur le leader, combien d’emplois seront perdus au Canada en raison du plafonnement de la production dans le secteur pétrolier et gazier? Encore combien d’investissements économiques s’ajouteront à tous ceux que nous avons perdus ces dernières années à cause de votre gouvernement? Pourriez-vous confirmer que votre gouvernement a effectué ce type d’analyse avant d’introduire le plafond? Dans l’affirmative, pouvez-vous vous engager à déposer les documents pertinents sur les répercussions de ce plafond?

Le sénateur Gold : Encore une fois, sénateur, je vous remercie de votre question.

L’actuel gouvernement a un plan climatique sérieux. Il a un plan sérieux pour aider les Canadiens à passer à une économie carboneutre. Ce plan est fondé sur sa propre analyse, sur la science et sur les meilleures opinions, y compris celles de la plupart des économistes, et il continuera d’avancer dans l’intérêt des Canadiens.


[Français]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Motion tendant à autoriser le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier la teneur du projet de loi—Ajournement du débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 20 novembre 2024, propose :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2024), déposé à la Chambre des communes le 23 mai 2024, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 10 décembre 2024.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler brièvement de la motion no 201 du gouvernement, qui demande au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de mener une étude sur le projet de loi C-71.

[Traduction]

Le projet de loi révise le cadre qui régit la citoyenneté par filiation, et il rétablit la citoyenneté à un groupe de personnes que l’on appelle souvent les « Canadiens dépossédés ». C’est une question que le Comité des affaires sociales a déjà examinée, notamment dans le contexte du projet de loi S-230, proposé par notre collègue la sénatrice Martin au cours de la dernière législature, et du projet de loi S-245, proposé au cours de la législature actuelle. Le Sénat a adopté ces deux projets de loi, mais aucun d’entre eux n’a encore été adopté à l’autre endroit.

Le projet de loi C-71 est la réponse législative du gouvernement à cette question. Chers collègues, il y a maintenant une certaine urgence à l’étudier en raison de l’approche d’une échéance fixée par la cour. Pour votre gouverne, chers collègues, je vous propose une brève chronologie des derniers événements afin de vous expliquer comment nous en sommes arrivés là.

En décembre dernier, la Cour supérieure de l’Ontario a invalidé la restriction de la citoyenneté par filiation à la première génération visant les Canadiens nés à l’étranger. Dans sa décision, la juge a reconnu que le droit de transmettre la citoyenneté ne devait pas être illimité, et elle a donné au gouvernement six mois — c’est-à-dire jusqu’en juin dernier — pour promulguer un nouveau projet de loi plus circonscrit.

Le gouvernement a présenté son projet de loi en mai, et il a réussi à obtenir deux prolongations du délai fixé par la Cour, d’abord jusqu’au mois d’août, puis jusqu’au 19 décembre, c’est-à-dire dans un peu moins d’un mois.

Le projet de loi C-71 a été débattu en deuxième lecture en septembre, mais, comme nous le savons, il n’y a pas eu beaucoup de progrès dans les travaux législatifs à l’autre endroit cet automne.

Le gouvernement a donné avis d’une motion qui permettrait l’adoption rapide du projet de loi C-71 à la Chambre des communes, mais, encore une fois, honorables collègues, on ne sait pas quand — ou même si — cela arrivera. Il y a donc des chances raisonnables que ce projet de loi soit renvoyé au Sénat en décembre, à l’approche de l’échéance fixée par la cour, mais nous disposerons alors de très peu de temps pour en débattre et pour l’étudier à ce moment-là.

[Français]

C’est pourquoi je propose que le comité commence son étude du projet de loi dès maintenant.

Si le comité juge le projet de loi acceptable, nous serons en mesure de le traiter le moment venu. De plus, si le comité estime que le projet de loi doit être modifié ou étudié davantage, cela restera toujours une option.

[Traduction]

Il est important de comprendre ce qui est en jeu si l’échéance de la cour est dépassée sans qu’une nouvelle mesure législative soit en place. Dans cette situation, il n’y aurait essentiellement aucune limite à la transmission de la citoyenneté canadienne par filiation. Une personne née à l’autre bout du monde d’un parent canadien qui ne met jamais les pieds au Canada et qui n’a aucun lien avec ce pays pourrait quand même transmettre la citoyenneté canadienne à ses enfants et peut-être aux générations futures, avec tous les droits et privilèges que confère la citoyenneté canadienne.

Même dans un pays aussi accueillant et ouvert que le Canada, certaines limites sont acceptables, comme la cour l’a reconnu. Le projet de loi C-71 respecterait la décision de la cour tout en mettant en place de telles limites.

[Français]

Je vous encourage, honorables sénateurs et sénatrices, à soutenir la motion dont nous sommes saisis afin que le comité puisse commencer son étude pour que le Sénat soit prêt à examiner le projet de loi C-71 le moment venu.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Oui.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, vous demandez la tenue d’une étude préalable. Vous venez de présenter la motion il y a cinq minutes. Vous nous avez signifié un préavis de motion hier, je crois. Avant cela, il n’y a rien eu. Pourtant, le Comité des affaires sociales a déjà commencé à fixer des dates pour une étude préalable.

Je suis curieux de savoir si le gouvernement a donné à la présidente du Comité des affaires sociales la directive de commencer à organiser des réunions avant même que le Sénat ne soit saisi d’une motion. Si ce n’est pas le cas, pourriez-vous chercher à savoir qui a donné la directive au comité de commencer à planifier une étude préalable avant même qu’un préavis de motion ait été présenté dans cette enceinte?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Non, mon bureau n’a pas donné de directive au comité; il ne le fait et ne le fera jamais. Par ailleurs, jouer à l’enquêteur pour le Sénat ne fait pas partie de mes fonctions de représentant du gouvernement.

La question d’une étude préalable a été soulevée avec les leaders il y a quelques semaines, comme vous le savez, et à nouveau au début de cette semaine quand j’ai exprimé mon intention de proposer la motion que j’ai présentée aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, mon bureau n’a rien à voir avec la décision que le comité directeur aurait pu prendre ou, comme vous l’avez dit, qu’il a prise. Je n’ai rien à ajouter ou à faire à cet égard.

Le sénateur Plett : Bien sûr qu’il est de votre devoir de découvrir pourquoi quelqu’un organise des réunions en fonction de projets de loi d’initiative ministérielle. Je vous demande pourquoi quelqu’un planifie des réunions en fonction d’un projet de loi du gouvernement et vous me répondez que vous êtes désolé, mais que ce n’est pas votre travail de le savoir. En fait, c’est tout à fait votre travail.

(1500)

Je vais passer à mon autre question, sénateur Gold. On nous dit aujourd’hui qu’un projet de loi nous sera possiblement renvoyé. Or, l’autre endroit n’a donné aucune indication en ce sens. Rien n’indique qu’il y aura un quelconque changement à l’autre endroit. Je pense que, à un moment donné, le gouvernement demandera et obtiendra une telle prolongation, selon toute vraisemblance. Vous prétendez toutefois que les Communes adopteront le projet de loi rapidement, possiblement sans aucune réunion de comité, pour ensuite le renvoyer avec précipitation au Sénat.

On nous dit que le comité sénatorial pense qu’une seule réunion pourrait être suffisante pour l’étude de ce projet de loi. Je suis désolé, sénateur Gold, mais je ne comprends pas pourquoi vous proposez cette motion. C’est un préambule à ma question. Rien n’indique que le comité sénatorial s’attend à avoir besoin de plus d’une réunion.

Qu’est-ce qui presse tant, si le comité sénatorial n’a besoin que d’une réunion? Cela revient essentiellement à un comité plénier. Même si la mesure législative peut être adoptée en une réunion, il faut agir maintenant. Pourtant, rien n’indique que le projet de loi est sur le point d’être renvoyé au Sénat.

Le sénateur Gold : Permettez-moi de vous expliquer le langage corporel que vous avez vu. Tout d’abord, avec tout le respect que je vous dois, mon bureau n’a rien eu à voir avec la décision que vous avez mentionnée, et je ne crois pas que ce soit ma responsabilité ni celle de notre bureau d’intervenir ou de demander des renseignements, honnêtement, quant aux raisons pour lesquelles un comité, qui est maître de sa propre procédure et de ses propres affaires, a décidé de soulever la question — je présume — auprès du comité directeur, mais je n’ai vraiment pas connaissance des circonstances.

Je n’étais pas non plus au courant, avant que vous en parliez, que la question du nombre de réunions avait été soulevée ou qu’on en avait discuté. Ce n’est certainement pas le point de vue du gouvernement, que ce projet de loi… Nous n’avons pas de point de vue, honnêtement, concernant le nombre de réunions, de séances ou de témoins que ce projet de loi exigerait. C’est précisément parce que nous respectons le rôle du Sénat, qui consiste à étudier convenablement les projets de loi comme il l’entend, et parce que nous respectons la capacité du comité de décider ce qu’il faut faire, quels témoins doivent être entendus et quelles améliorations doivent être proposées, que nous demandons au Sénat — dans le contexte de l’approche d’une échéance fixée par les tribunaux — de donner au Sénat et à ses comités le mandat de faire le travail pour lequel nous avons été nommés.

En tout respect, sénateur, ce qui presse, c’est simplement d’éviter une situation — qu’une prolongation soit demandée ou non et qu’elle soit accordée ou non — où le Sénat se retrouvait à court de temps pour faire le travail pour lequel nous estimons tous avoir été nommés ici, un travail que nous sommes tenus de faire aux termes de la Constitution.

C’est l’objectif de la motion.

L’honorable Scott Tannas : Sénateur Gold, j’ai écouté votre discours et nous sommes un certain nombre ici à ne pas apprécier la tenue d’études préliminaires sauf dans des circonstances exceptionnelles. Je crois que vos arguments quant à l’existence de telles circonstances sont assez solides, alors je pense qu’il vaut la peine d’étudier la question.

J’aimerais savoir si vous avez des informations concernant les intentions du gouvernement ou les mesures qu’il aurait prises quant à une requête devant les tribunaux.

Cela nous est déjà arrivé, vous vous en souviendrez. On nous avait forcés à prendre une décision à la va-vite afin de respecter une date fixée par un tribunal, et nous avions appris par la suite que le gouvernement avait obtenu une prolongation, alors que nous n’étions pas au courant.

Nous avions cependant appris à cette occasion qu’il existait un portail concernant les dossiers à la Cour suprême du Canada permettant de voir les requêtes, mais, malheureusement, à ce qu’on m’a dit, un tel portail n’existe pas pour le tribunal inférieur. La seule façon de le savoir dans ce cas-ci et de pouvoir en tenir compte serait que vous nous disiez quelles sont les intentions ou quelles mesures ont déjà été prises.

Merci.

Le sénateur Gold : Je me suis régulièrement renseigné, et, ce matin, ou du moins tard hier soir — et je pense que mon équipe m’aurait informé du contraire puisque nous suivons la situation de près —, aucune demande n’avait été présentée. Je n’ai pas encore été informé qu’une décision a été prise dans un sens ou dans l’autre.

Je tiens à profiter de l’occasion pour rappeler à mes collègues, en particulier à ceux qui sont nouveaux au Sénat, qu’une étude préalable n’empêche rien; même si une prolongation est autorisée, cette étude peut se poursuivre, et il est déjà arrivé que l’étude préalable soit transformée en étude en comité.

La capacité du Sénat à étudier pleinement ce projet de loi n’en sera pas diminuée. D’ailleurs, si une prolongation est demandée et accordée, il sera d’autant mieux que l’étude du Sénat puisse être achevée sans la pression d’une échéance fixée par un tribunal.

C’est la valeur — j’hésite à dire « vertu » — d’une étude préalable dans ces circonstances extraordinaires.

Je vous remercie de la question.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 20 novembre 2024, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 26 novembre 2024, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L’apport commercial et économique des entreprises autochtones à l’économie du Canada

Interpellation—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de passer aux autres affaires, interpellations, article no 13 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Klyne, attirant l’attention du Sénat sur l’apport commercial et économique continu des entreprises autochtones à l’économie du Canada.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour participer au débat sur l’interpellation no 13, qui attire l’attention du Sénat sur les contributions continues des entreprises autochtones au commerce et à l’économie du Canada.

Je tiens à remercier le sénateur Klyne d’avoir lancé cette importante discussion, qui permet aux sénateurs de souligner les contributions essentielles et souvent négligées des Premières Nations, des Inuits, des Métis ainsi que des personnes et des entreprises non inscrites au bien-être économique du Canada.

En tant que sénatrice représentant le Manitoba, c’est avec grand plaisir que je prends la parole pour souligner les contributions des Premières Nations, des Métis, des Inuits ainsi que des personnes et des entreprises non inscrites à l’économie du Manitoba.

La source de renseignements sur laquelle je vais principalement m’appuyer est un rapport de 2019 intitulé Indigenous Contributions to the Manitoba Economy. Ce rapport exhaustif de plus de 250 pages a été produit grâce à un partenariat de la Manitoba’s Southern Chiefs’ Organization Inc., de la Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. et du Rural Development Institute de l’Université de Brandon.

Comme l’indique le rapport, ses objectifs sont, en partie, les suivants :

Quantifier les sommes dépensées par les Autochtones et les Premières Nations du Manitoba afin de calculer leur contribution à l’économie provinciale.

Et :

Créer des projections de la population autochtone et de la main-d’œuvre.

Honorables sénateurs, il est important de noter que les contributions des Autochtones dans le secteur économique sont loin d’être nouvelles ou émergentes. Au contraire :

Les Premières Nations et les Inuits avaient établi des réseaux commerciaux et d’autres éléments des économies de marché en Amérique du Nord bien avant l’arrivée des Européens.

(1510)

Après l’arrivée des Européens, l’économie du Manitoba a été établie par les chasseurs et les commerçants des Premières Nations et des Métis, qui ont été responsables du développement de l’économie provinciale grâce au commerce des fourrures. Cependant, les systèmes économiques coloniaux se sont rapidement enracinés dans l’ensemble du pays, et la plupart d’entre eux avaient été créés et mis en œuvre de manière à empêcher expressément les Premières Nations de participer et de contribuer à l’économie ou de minimiser leur participation et leur contribution.

Cette situation a été bien documentée et ne devrait pas être une surprise, car la nature restrictive de plusieurs mesures législatives essentielles, notamment la Loi sur les Indiens, la Loi sur la gestion financière des premières nations et la Loi sur la gestion des terres des premières nations, ont toutes imposé un fardeau indu aux Premières Nations quand elles ont tenté de tirer parti des possibilités économiques ou de lancer des projets de leur propre chef.

En 2022, le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes a publié son deuxième rapport, intitulé Obstacles au développement économique dans les communautés autochtones. J’encourage mes honorables collègues à examiner ce rapport, car il donne un petit aperçu des nombreux obstacles systémiques, qu’ils soient sociaux, administratifs ou législatifs, qui empêchent souvent les Premières Nations, les Inuits, les Métis et les Indiens non inscrits de participer plus activement à l’économie du Canada.

Le rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord décrit avec beaucoup de précision ces innombrables obstacles et il indique ceci :

Surmonter les obstacles au développement économique dans les communautés autochtones contribuerait à la réconciliation économique et à l’amélioration des résultats socio-économiques des peuples autochtones. Ces obstacles continuent d’empêcher de nombreuses collectivités et entreprises inuites, métisses et des Premières Nations de participer pleinement à l’économie canadienne. Les obstacles au développement économique autochtone comprennent l’héritage du colonialisme, la non-reconnaissance de la compétence autochtone, les infrastructures inadéquates, les lourdeurs administratives, l’accès limité au capital et l’accès limité aux marchés publics fédéraux.

Chers collègues, c’est grâce à leur résilience indéfectible que les Premières Nations réussissent à s’adapter au nouveau contexte économique et à son évolution. De nouveaux entrepreneurs des Premières Nations continuent d’émerger; ils se consacrent souvent à un travail qui leur permet à la fois de produire des retombées financières et de promouvoir leur culture et leurs traditions.

De plus, les communautés des Premières Nations savent de mieux en mieux former des partenariats stratégiques avec divers gouvernements et diverses industries, ce qui les aide à instaurer des façons viables de créer leurs propres revenus.

Un rapport de 2019 sur les contributions des autochtones à l’économie du Manitoba dit ceci :

Les dirigeants autochtones adoptent et expriment de plus en plus le point de vue selon lequel, pour un développement économique réussi, il faut remplacer l’approche actuelle en la matière. Trop souvent, l’approche actuelle implique que d’autres imposent un programme de développement. Ici, le développement est présenté en termes purement économiques, comme un plus grand nombre d’emplois, un niveau de scolarité plus élevé et des revenus plus élevés. Cependant, pour de nombreux dirigeants et communautés autochtones, il faut privilégier une approche plus globale, où la valeur première du développement économique consiste à fournir un moyen de réinvestir dans la vie culturelle et les services sociaux de la communauté au bénéfice de tous […]

Je vais d’ailleurs en parler dans mon discours sur les consultations.

Une approche du développement économique conçue par les Autochtones commence à émerger. Elle met l’accent sur la réussite de la communauté plutôt que sur la réussite de l’individu et l’amélioration de la vie de tous plutôt que la création de disparités économiques. Cette approche comprend un point de vue qui tient compte de la communauté et qui est harmonisé avec les cultures autochtones.

Par conséquent, chers collègues, nous pouvons commencer à mieux comprendre le fait que les contributions économiques des Premières Nations, des Inuits, des Métis et des Indiens non inscrits au Canada sont beaucoup plus vastes que ce que bien des gens pourraient croire. Cela va bien au-delà des dollars et des cents de leur pouvoir d’achat individuel et collectif, de la valeur et des profits de leurs entreprises ou du nombre d’emplois qu’elles créent ou maintiennent. Les contributions que les gens apportent à l’économie canadienne commencent à avoir une incidence positive sur les valeurs et les principes fondamentaux sur lesquels ces entreprises et ces systèmes sont fondés.

Honorables sénateurs, lorsqu’on examine l’incidence que les Autochtones ont sur l’économie du Manitoba, il est utile de s’attarder d’abord aux données démographiques. En 2016, le Nord du Manitoba avait une population de 52 350 habitants, ce qui inclut les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Le Sud du Manitoba, lui, avait une population autochtone de 170 959 habitants. On arrive donc à une population totale de 223 310 habitants.

Pour étudier les dépenses, il est utile d’avoir les chiffres sur les ménages au sein de ces populations.

Dans le Nord, on estime qu’il y a 10 980 ménages, dont 27 % [...] vivent à l’extérieur des réserves. Dans le Sud, on estime qu’il y a 52 675 ménages, dont 85 % [...] vivent en dehors des réserves.

En 2016, les dépenses des ménages autochtones ont atteint 1 378,8 millions de dollars. Les ménages autochtones ont dépensé 493,4 millions de dollars dans le Nord [...] Dans le Sud, les dépenses des ménages ont totalisé 885,4 millions de dollars [...]

Pour mettre ces chiffres en perspective, chers collègues, le Manitoba a indiqué ces résultats :

En 2016, les retombées économiques des dépenses des ménages des Premières Nations de 1 378,8 millions de dollars ont contribué au PIB provincial à hauteur de 99,1 millions de dollars, créé ou maintenu 691 emplois et généré 38,7 millions de dollars en revenus de travail [...]

Honorables sénateurs, nous pouvons également prendre en compte une autre donnée sur la contribution des Premières Nations, des Métis, des Inuits et des Indiens non inscrits à l’économie du Manitoba : je parle des dépenses des gouvernements autochtones.

Le rapport Indigenous Contributions to the Manitoba Economy définit ainsi les dépenses des gouvernements autochtones :

[...] la rémunération, les charges et autres dépenses présentés dans les états financiers par les gouvernements des Premières Nations, les conseils tribaux et les organisations métisses et inuites [...]

Au cours de l’exercice 2015-2016, les dépenses des gouvernements autochtones se sont élevées à 1,45 milliard de dollars, dont 47 % dans le Nord et 53 % dans le Sud. Les effets de ces dépenses sur l’économie manitobaine sont considérables, puisque ces 1,45 milliard de dollars de dépenses ont eu une incidence de 953,2 millions de dollars sur le PIB, tout en créant ou en maintenant l’équivalent de 19 821 emplois et en contribuant à hauteur de 643,3 millions de dollars aux revenus de travail dans l’ensemble de l’économie manitobaine.

Chers collègues, au-delà des dépenses effectuées au Manitoba par les ménages et les gouvernements autochtones, les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les Autochtones non inscrits contribuent également à l’économie provinciale du Manitoba par l’intermédiaire des entreprises autochtones. Cette mesure prend en compte les activités commerciales plus courantes, allant du tourisme à la construction. Cependant, elle prend également en compte des estimations des activités économiques plus traditionnelles, comme la chasse, la pêche et le piégeage. En ce qui concerne ces activités courantes, en 2016, le Manitoba pouvait s’enorgueillir de compter 706 entreprises autochtones, 87 dans le Nord et 619 dans le Sud.

(1520)

Le rapport estime que ces 706 entreprises autochtones ont dépensé, collectivement, 6 milliards de dollars en 2016. Ces dépenses correspondent à une contribution de 1,1 milliard de dollars au PIB du Manitoba, à 13 688 emplois au Manitoba et à un revenu du travail de 566,4 millions de dollars.

Honorables sénateurs, pour résumer les différents constats présentés dans le rapport, en 2016, les Premières Nations, les Métis et les Inuits ainsi que leurs entreprises ont dépensé 9,3 milliards de dollars. Ils ont contribué à hauteur de 2,3 milliards de dollars au PIB du Manitoba, ce qui représente près de 4 % du PIB de la province. Leurs dépenses ont créé ou assuré plus de 35 700 emplois, soit 5,6 % des emplois dans la province. Ils ont versé 1,1 milliard de dollars de rémunérations à des travailleurs tout en payant 231 millions de dollars d’impôts, dont 43 % au gouvernement provincial et 57 % au gouvernement fédéral.

Ces chiffres, chers collègues, sont formidables. Ils représentent également la pointe de l’iceberg étant donné le potentiel de croissance dans ces différents domaines de contribution des Autochtones à l’économie du Canada.

Comme le souligne le rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de 2022, il subsiste de nombreux obstacles majeurs pour les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les Autochtones non inscrits dans ces domaines.

Les perspectives de croissance au Manitoba sont illimitées à mesure que de nouvelles possibilités se présentent, d’autant plus que la population autochtone est plus jeune que l’ensemble de la population manitobaine. Dans cette optique, la population autochtone restera essentielle à la concrétisation des perspectives économiques futures du Manitoba et du Canada.

Honorables sénateurs, il est essentiel de maintenir l’élan que les Premières Nations, les Inuits, les Métis et les peuples non inscrits ont pris grâce à leurs diverses contributions économiques. La voie la meilleure et la plus efficace pour libérer le plein potentiel des contributions économiques des Autochtones à...

Son Honneur la Présidente : Sénatrice McCallum, je suis désolée de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénatrice Pate, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.

Le sénateur C. Deacon : Honorables sénateurs, beaucoup d’entre vous se souviennent peut-être qu’à l’automne 2018, le Sénat a adopté le projet de loi C-83, qui visait à mettre fin à l’isolement cellulaire au Canada. Il y a eu un certain nombre de votes, et un amendement a été adopté. En fin de compte, l’amendement a été rejeté par le gouvernement, et tous les groupes et caucus au Sénat ont exprimé leur appui à la version non amendée du projet de loi. Après l’adoption du projet de loi, la regrettée sénatrice Josée Forest-Niesing, ainsi que les sénateurs Pate et Klyne, sont passés à l’action, en organisant des visites dans diverses prisons du pays pour leurs collègues du Sénat. Cette initiative visait à déterminer si la mise en œuvre du projet de loi allait vraiment permettre de remplacer l’isolement cellulaire par un placement dans des unités d’intervention structurée — je pense que seul le nom a changé — et de donner suite aux mesures jugées si importantes.

Beaucoup d’entre nous ont visité des établissements pénitentiaires. Je crois qu’environ 40 sénateurs ont effectué des visites de suivi. Je me suis rendu au pénitencier de Dorchester au Nouveau-Brunswick, à l’établissement de Springhill en Nouvelle-Écosse, ainsi qu’à l’établissement Nova pour femmes dans la même province. J’ai de vifs souvenirs de ma visite à l’établissement de Springhill, car la sénatrice Forest-Niesing était censée y être, mais elle est entrée à l’hôpital cette semaine-là et, malheureusement, n’en est jamais ressortie.

Ce travail est vraiment à sa mémoire. En effet, le projet de loi S-230 dont je parle aujourd’hui est une mesure législative qu’elle avait l’intention de présenter.

Le projet de loi inclut des recommandations du Sénat qui ont été acceptées et envoyées à la Chambre, mais que le gouvernement a rejetées. Le sujet a donc été étudié par le Sénat. Les 40 sénateurs qui ont fait ces visites ont notamment formulé des observations. La sénatrice Pate a consigné beaucoup de données, et son équipe a travaillé fort pour produire un rapport sur nos conclusions collectives, qui s’intitule Senators Go to Jail. Je pense qu’il a peut‑être été téléchargé à de nombreuses reprises parce que les gens ont mal compris le titre. Cela dit, c’est vraiment un document important. Je vais me contenter de dire que, après chaque visite, je me demandais pourquoi nous appelons nos prisons des « établissements correctionnels ». Parmi les personnes qui vont en prison, 99 % réintègrent la société. Je ne pense pas que nos façons de faire dans les prisons créent des conditions propices à la réussite. C’est plutôt le contraire.

Je pense que nous devons y réfléchir en tant que société, parce que, ma foi, pourquoi un entrepreneur s’en soucierait? Quand je pense aux sommes d’argent qu’on dépense, je pense aux établissements de santé mentale, et la sénatrice Pate en connaît beaucoup plus que moi à ce sujet. Dans les établissements de santé mentale pour femmes, on dépense un demi-million de dollars par an par personne. Est-ce qu’on obtient les résultats escomptés? Les prisons à sécurité maximale pour hommes coûtent plus de 200 000 $ par an par personne. Est-ce qu’on crée les conditions de réussite qui feront baisser les taux de récidive quand les gens qui sortent de prison? Est-ce qu’on leur donne les moyens de se réinsérer dans la société de façon fructueuse?

Là où le bât blesse, c’est avec les unités d’intervention structurée. Ceux d’entre nous qui sont mariés depuis longtemps savent que quand il y a escalade d’un conflit, on s’attire généralement beaucoup plus d’ennuis. Nous en avons tous fait l’expérience. Savoir désamorcer une situation est une compétence qui s’apprend et c’est une question de culture. Cette compétence est mise en pratique dans les établissements où elle est privilégiée. S’il faut recourir à l’isolement et à des unités d’intervention structurée, c’est qu’on a tout au long du processus et qu’on n’a pas créé les conditions de réussite.

Je respecte vraiment le travail assidu de la sénatrice Pate pour tenter d’apporter des changements culturels là où ce bât blesse, lorsqu’on fait fausse route et que des gens finissent dans ces unités d’intervention structurée. Nous avons commis des erreurs en cours de route. Nous dépensons beaucoup d’argent dans ce domaine.

Nous savons tous que des franges de la population sont surreprésentées dans les établissements correctionnels du Canada et que 50 % des femmes incarcérées sont des Autochtones. Nous savons tous que de nombreux groupes marginalisés sont surreprésentés dans le système carcéral. L’organisme de surveillance comptait une personne autochtone et une personne noire, qui contribuent toutes les deux à l’abandon de cette pratique et à la décision d’exercer une surveillance.

(1530)

Nous devons avoir voix au chapitre. Les sénateurs sont tous autorisés à entrer dans une prison pour la visiter, et nous avons la chance d’en sortir. Je l’ai fait à trois reprises et ce sont des expériences que je ne peux pas oublier. En tant qu’entrepreneur, je dois dire que nous dépensons beaucoup d’argent dans ce domaine. Il y a toutes sortes d’approches différentes qui sont adoptées ailleurs dans le monde.

Nous ne devons pas oublier que 99 % des personnes qui vont en prison en sortiront. Mettons-nous en place les conditions nécessaires à leur réussite? Risquent-elles de causer d’autres préjudices, que ce soit envers elles-mêmes, ceux qui les entourent ou leur collectivité, ou s’engageront-elles sur la voie de la réussite parce que la peine qu’elles purgent dans nos établissements correctionnels a marqué un tournant dans leur vie?

Je suis loin d’être convaincu que c’est ce qui se passe en ce moment. Je salue les efforts de la sénatrice Pate pour nous diriger vers une voie parallèle, possiblement sous la forme d’expériences dans certains établissements. Une telle approche nous aidera à emprunter un chemin légèrement différent à l’avenir.

Nous avons les ressources nécessaires. Le problème existe. Nous n’obtenons pas de résultats positifs.

Merci de votre travail, sénatrice Pate.

(Le débat est ajourné.)

La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif—Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boehm, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à l’adoption du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 7 novembre 2024.

L’honorable Andrew Cardozo : Chers collègues, je prends la parole afin d’exprimer mon appui au projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), et mon opposition au rapport présenté par le Comité des affaires étrangères et du commerce international, ainsi qu’à l’amendement qu’il a proposé.

Les industries des produits laitiers, de la volaille et des œufs nous ont demandé d’adopter le projet de loi dans sa forme originale, sans amendement. Si l’amendement proposé par le comité est adopté, le projet de loi ne s’appliquerait pas aux accords déjà en place, à la renégociation d’accords existants ou aux accords en cours de négociation. Le projet de loi serait alors inefficace.

Je veux profiter de l’occasion pour vous faire part de l’opinion de quelques Canadiens qui appuient le projet de loi.

Steve Verheul, négociateur en chef du Canada de 2017 à 2021, a dit ceci :

Je pense qu’il s’agit plutôt d’un message politique d’appui envoyé au secteur des produits laitiers et aux secteurs soumis à la gestion de l’offre en général [...]

Je ne crois pas que cette mesure aura un impact majeur sur les négociations.

La Fédération canadienne de l’agriculture a déclaré ceci :

Dans les faits, le projet de loi C-282 rehausse le seuil décisionnel au-delà duquel la sécurité alimentaire du pays pourrait faire l’objet de négociations sans l’aval exprès du Parlement. Rappelons que, dans l’éventualité où un futur gouvernement réclamerait ce genre de concession au Parlement, non seulement il rendrait le processus de négociation plus complexe, mais il ferait en sorte que la concession elle-même ait un poids démesuré dans le cadre des négociations.

[Français]

La Fédération des producteurs d’œufs du Québec a dit ceci :

Dans le cas des œufs, les 50 dernières années sous la gestion de l’offre ont prouvé qu’il n’y a pas eu de pénurie d’œufs au Canada. Ces derniers sont d’une qualité supérieure puisque les divers programmes que doivent respecter les producteurs assurent aux Canadiens un produit salubre qui est traçable de la ferme au détaillant, à haute teneur nutritive, qui respecte le bien-être animal et qui a une faible empreinte environnementale.

[Traduction]

Comme les producteurs d’œufs dans d’autres provinces nous l’ont expliqué dans leur mémoire au comité :

Les accords commerciaux contribuent de façon importante à la réalisation du plein potentiel du secteur agricole du Canada. Toutefois, les efforts pour atteindre ces cibles ambitieuses ne doivent pas se faire aux dépens de la stabilité de l’approvisionnement alimentaire et des communautés rurales [...] Le projet de loi C-282 empêchera que la production d’œufs, de volailles et de lait soit encore fragilisée au Canada et garantira que nous pouvons continuer de produire des aliments de base au pays.

Dans un mémoire présenté par Maurice Doyon, professeur d’agriculture à l’Université Laval, Bruce Muirhead, professeur d’histoire à l’Université Waterloo, et Jodey Nurse, chargée de cours à l’Institut d’études canadiennes de McGill, ces experts de la gestion de l’offre ont déclaré :

Les accords commerciaux internationaux ont déjà contribué à perturber les industries canadiennes des produits laitiers, des œufs et de la volaille, et tout autre exercice de négociation pourrait causer la restructuration complète de ces secteurs et des communautés desservies. La capacité de la gestion de l’offre à assurer la stabilité dans les campagnes ne doit pas être sous-estimée. Le modèle canadien de la gestion de l’offre a servi de mesure de protection des agriculteurs soumis à la gestion de l’offre contre les pires excès du soi-disant libre marché tout en fournissant aux consommateurs un produit nutritif à un prix compétitif.

Chers collègues, le projet de loi vise à envoyer un signal à nos partenaires commerciaux. La barre pour les concessions dans ce domaine est haute — elle n’est pas impossible à atteindre, mais elle est haute, parce qu’il s’agit d’un système qui fonctionne déjà bien pour nous.

On ne peut dire que le projet de loi affaiblit notre position que si l’objectif est de céder une partie des contingents du système de gestion de l’offre. Il pourrait arriver que nous devions le faire dans le cadre d’un accord global, mais cela ne doit pas être notre objectif. L’amendement proposé élimine cet avantage.

Chers collègues, je vous encourage à voter contre l’amendement et le rapport du comité sur le projet de loi C-282 et, ce faisant, à voter en faveur de la protection des industries agricoles, des emplois et de l’approvisionnement alimentaire du Canada.

Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’aurais une question, si le sénateur Cardozo accepte d’y répondre.

Le sénateur Cardozo : Oui.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Cardozo. Je suis d’accord, du moins en partie, mais peut-être pas entièrement. Je crois qu’il s’agit davantage d’un projet de loi sur le commerce que d’un projet de loi sur la gestion de l’offre.

Quoi qu’il en soit, vous avez commencé votre discours en indiquant que c’est une mesure que le secteur agricole voulait à peu près partout — du moins en ce qui concerne la gestion de l’offre — et vous avez laissé entendre que, pour ces raisons, nous devrions l’appuyer. Je suis en grande partie d’accord avec cela.

Ma question, sénateur Cardozo, porte sur le fait qu’il y a trois projets de loi consécutifs qui, bien qu’ils aient des titres différents, portent tous sur l’agriculture : les projets de loi C-275, C-280 et C-282.

Les projets de loi C-275 et C-280 ont également été considérablement amendés et, s’ils sont adoptés, ils risquent tout autant de mourir au Feuilleton que le projet de loi C-282. Je suis d’accord pour dire que cet amendement détruit à toutes fins utiles le projet de loi C-282.

Nous savons que les deux autres projets de loi ont reçu l’appui unanime des intervenants. Les agriculteurs sont venus nous supplier de ne pas apporter d’amendements.

Dans le cas du projet de loi C-280, les producteurs et les intervenants ont fait la même chose.

Cependant, les deux projets de loi ont été amendés au point où leur adoption les torpillerait littéralement.

Convenez-vous, sénateur Cardozo, que ces amendements devraient également être rejetés, comme vous le suggérez pour celui-ci?

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie beaucoup de votre question, sénateur Plett. La discussion d’aujourd’hui porte sur le projet de loi C-282. En ce qui concerne le projet de loi C-280 — je ne suis pas sûr s’il est approprié pour moi d’entrer dans les détails puisqu’il s’agit d’un tout autre sujet —, j’ai écouté votre discours, et mes sentiments ont été les mêmes que les vôtres au sujet de mon discours. J’ai été d’accord avec certaines parties et totalement en désaccord avec d’autres. Je pense avoir été d’accord avec une partie du contenu. Peut-être que certains aspects de l’approche auraient pu être différents.

(1540)

Cela dit, si cela ne vous dérange pas trop, je vais vous demander de retenir votre souffle jusqu’à mon vote sur ce projet de loi. Chose certaine, je suis tout ouïe en ce qui concerne le projet de loi C-280.

Le sénateur Plett : Je vous remercie, et j’ai une brève question complémentaire.

Certains d’entre nous deviennent émotifs lorsque quelque chose leur tient vraiment à cœur. C’est souvent mon cas. Je vais retenir mon souffle, mais il est possible que j’aie le souffle coupé après le vote. J’espère que ce ne sera pas le cas. Néanmoins, sénateur Cardozo, j’espère sincèrement que vous et tous les autres sénateurs allez voter en fonction du contenu de mon discours et non de la manière dont je l’ai présenté. Merci.

Le sénateur Cardozo : Merci, sénateur. Il y a quelques semaines, il y a eu un changement dans l’attribution des sièges au Sénat, et je constate que, curieusement, en étant assis plus près de vous et du même côté que vous, je suis parfois nettement d’accord avec vous sur certains points. Cela me cause de l’insomnie, mais j’essaie de me pencher sur la teneur des arguments en faisant abstraction de ce que je peux ressentir après une nuit blanche.

Le sénateur Plett : Mon épouse me dit la même chose.

Le sénateur Cardozo : Je préfère ne pas faire de commentaire à ce sujet.

L’honorable Peter M. Boehm : Le sénateur Cardozo accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cardozo : Bien sûr.

Le sénateur Boehm : Je vous remercie de vos observations, sénateur Cardozo. J’aimerais vous poser une question en plusieurs volets.

Seriez-vous d’accord pour dire que l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste négociés au cours de deux législatures sont de bons accords pour le Canada? Dans l’affirmative, seriez-vous d’accord pour dire que nos négociateurs ont fait un très bon travail et que, au bout du compte, dans les trois derniers cas, où il y a eu quelques concessions — en particulier dans le secteur laitier —, le gouvernement a versé une indemnité équitable aux producteurs? Si vous convenez de tout cela, seriez-vous d’accord pour dire que ce projet de loi est inutile?

Le sénateur Cardozo : Permettez-moi de citer à nouveau Steve Verheul, négociateur commercial en chef de 2017 à 2021. Je suppose que vous le connaissez bien et que vous avez travaillé avec lui. Il a dit : « Je pense qu’il s’agit plutôt d’un signal politique envoyé au secteur des produits laitiers et aux secteurs soumis à la gestion de l’offre en général. » Il a ajouté : « Je ne crois pas que cette mesure aura un impact majeur sur les négociations. »

Nous faisons toujours une combinaison de choses dans les projets de loi. Parfois, ils sont fortement axés sur l’envoi de signaux et l’explication de valeurs et, parfois, ils sont plus axés sur les détails administratifs. Ce projet de loi fait un peu les deux, mais il est peut-être un plus axé sur l’envoi de signaux et la prestation d’un fort appui à la gestion de l’offre dans le secteur laitier en ce moment.

Le sénateur Boehm : Merci, sénateur. Pensez-vous qu’en termes de signaux, ce projet de loi en envoie un intéressant à la nouvelle administration américaine?

Le sénateur Cardozo : C’est une question très intéressante. Nous réfléchissons tous beaucoup à ce que la nouvelle administration Trump signifie pour nous. Je suis souvent déchiré à ce sujet, car nous sommes un pays indépendant et non une colonie des États-Unis. Ils sont nos amis et notre partenaire commercial le plus solide. En fin de compte, nous devons trouver un équilibre entre ce qui relève de notre indépendance et ce qui relève d’un comportement de colonie américaine.

Pour chaque question, nous portons un jugement. Vous et moi pouvons arriver à des jugements légèrement différents sur cette question. Je ne dis pas du tout que vous seriez heureux que le Canada soit une colonie, mais nous portons tous des jugements sur toutes ces questions complexes.

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Cardozo, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cardozo : Certainement.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie de votre discours. Vous avez très bien représenté les intérêts du secteur canadien soumis à la gestion de l’offre, que la plupart d’entre nous soutiennent, même si certains d’entre nous sont favorables à l’amendement de ce projet de loi.

Pouvez-vous nous dire pourquoi vous accordez tant de crédit aux déclarations d’un négociateur commercial? Je ne connais pas ses antécédents et je ne sais pas ce qu’il pense du secteur assujetti à la gestion de l’offre. De nombreux autres négociateurs commerciaux et spécialistes nous ont dit qu’il allait y avoir un désastre.

Le sénateur Cardozo : Je ne dirais pas que Steve Verheul est simplement un négociateur commercial parmi d’autres. Il a été notre principal négociateur commercial durant des années clés et ce, assez récemment. J’écouterais également la voix des agriculteurs que j’ai cités, ainsi que de certains experts que j’ai également cités. C’est le genre de dossier à l’égard duquel je crois qu’il serait faux de dire que vous avez tort et que j’ai raison. Je crois que nous entendons tous différents points de vue, que nous écoutons attentivement et que certains nous influencent plus que d’autres. Je doute qu’il existe une bonne et une mauvaise position absolues sur cette question. La clé, c’est d’écouter les divers points de vue et de se former une opinion, qu’elle penche d’un côté ou de l’autre.

La sénatrice Coyle : Merci, sénateur Cardozo. Dix membres du Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international ont écouté attentivement le témoignage d’un large éventail de groupes, et ils recommandent en fait au Sénat d’amender le projet de loi de la manière précisée dans le rapport dont vous avez entendu parler.

Vous parlez du secteur agricole. Dans le discours que j’ai livré sur ce rapport mardi soir, vous m’avez entendue lire une longue liste — quoique non exhaustive — d’intervenants du secteur agricole et d’intervenants de secteurs non agricoles qui s’opposent avec véhémence à ce projet de loi. Je suis curieuse. Que pensez-vous de cela?

Son Honneur la Présidente : Sénateur Cardozo, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Une voix : Cinq minutes.

Son Honneur la Présidente : J’aimerais entendre le sénateur Cardozo dire ce qu’il veut.

Le sénateur Cardozo : Je serais ravi de répondre à la question de la sénatrice.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Cardozo : Merci. En effet, 10 sénateurs ont voté de la manière que vous avez indiquée. Il y a environ 447 parlementaires en tout, et lors de la première ronde à la Chambre des communes, la grande majorité des 338 députés ont voté oui. En termes de chiffres, il y en a quoi, 200 contre 10? Encore une fois, certaines personnes peuvent penser qu’on a raison ou qu’on a tort; ce n’est pas ce que je dis. Je pense que c’est une question complexe. En fin de compte, nous devons porter un jugement sur ce que nous entendons, ce que nous pensons, ce que nous croyons et ce sur quoi nous votons.

(Sur la motion de la sénatrice White, le débat est ajourné.)

(1550)

La Loi sur le gouverneur général

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Plett, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi modifiant la Loi sur le gouverneur général (pension de retraite et autres prestations).

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour et que le sénateur Carignan n’est pas prêt à prendre la parole à ce sujet. Par conséquent, avec le consentement au Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat au nom du sénateur Carignan pour le temps de parole qu’il lui reste.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice White, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-271, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je ne suis pas tout à fait prête à prendre la parole à ce sujet. Par conséquent, avec le consentement au Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

La Loi sur le directeur des poursuites pénales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice White, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-272, Loi modifiant la Loi sur le directeur des poursuites pénales.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je ne suis pas tout à fait prête à prendre la parole à ce sujet. Par conséquent, avec le consentement au Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le cadre national sur l’insuffisance cardiaque

Deuxième lecture—Ajournement du débat

À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 25 :

Deuxième lecture du projet de loi S-284, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur l’insuffisance cardiaque.

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je demande donc le consentement du Sénat pour que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance au nom de la sénatrice Martin.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi canadienne sur les sociétés par actions

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Julie Miville-Dechêne propose que le projet de loi S-285, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions (raison d’être d’une société), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

(Sur la motion de la sénatrice Miville-Dechêne, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-332, Loi modifiant le Code criminel (contrôle coercitif d’un partenaire intime).

L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, novembre est le Mois de la prévention de la violence familiale au Nouveau-Brunswick, ce qui nous rappelle de continuer à chercher des solutions pour prévenir et éliminer la violence entre partenaires intimes. Je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-332, qui vise à criminaliser le contrôle coercitif.

Ce sera l’un de mes derniers discours avant ma retraite. Depuis plusieurs mois, je réfléchis sérieusement à ce projet de loi, à ses ramifications et aux solutions possibles. Merci, sénatrice Miville-Dechêne, d’avoir parrainé cet important projet de loi. Merci aux autres membres de cette enceinte qui se sont exprimés sur les avantages et les inconvénients de ce projet de loi.

Le 6 décembre est la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Partout au Canada, nous nous souvenons du massacre à l’École Polytechnique de Montréal, où 14 étudiantes en génie ont été assassinées simplement parce qu’elles étaient des femmes. Partout au Canada, nous organisons des veillées à la chandelle pour honorer la mémoire de ces femmes et pour nous souvenir des nombreuses femmes et des nombreux enfants qui ont perdu la vie ou qui ont été victimes de la violence fondée sur le sexe. C’est l’occasion de réfléchir aux progrès accomplis et aux nombreux défis à relever en matière de violence fondée sur le sexe et d’en faire l’analyse.

Le 18 avril 2020, 20 personnes sont mortes, et 300 autres ont été blessées à Portapique, en Nouvelle-Écosse, et dans les localités avoisinantes. Personne n’oubliera jamais cette tragédie et les nombreuses familles et collectivités qu’elle a touchées. Le massacre a été perpétré par un tireur solitaire dont les actes ont été liés par la Commission des pertes massives à des antécédents de violence entre partenaires intimes et de contrôle coercitif. J’ai grandi dans une collectivité pas loin de Portapique, et j’ai du mal à croire ce qui s’y est passé.

Depuis plus de 45 ans, je m’efforce de comprendre la violence fondée sur le sexe et la violence entre partenaires intimes en menant des recherches, en enseignant à la Faculté des sciences infirmières de l’Université du Nouveau-Brunswick, en participant à des projets de développement communautaire, en travaillant avec des clients et leurs enfants, et en laissant les femmes parler de leurs expériences.

Nous n’avons pas beaucoup progressé dans ce dossier crucial. En tant qu’agente de l’éducation des adultes, agente de développement communautaire et conseillère, je sais à quel point ce travail demeure difficile.

Au début de ma carrière, j’avais beaucoup d’espoir grâce à des champions comme notre ancienne Présidente Muriel McQueen Fergusson, qui était déterminée à mettre fin à la violence contre les femmes.

Au cours des quatre dernières décennies, j’ai cru que beaucoup d’entre nous étaient sur le point d’éliminer la violence fondée sur le sexe grâce à la recherche, à l’éducation et à la formation, y compris l’adoption de lois et l’élaboration de nouvelles politiques. On a clarifié la définition de la violence entre partenaires intimes, et on a précisé les nombreux effets qu’elle a sur les enfants des victimes. Malgré cela, je suis triste de dire que la violence n’a pas disparu et qu’elle augmente même de jour en jour.

Mes recherches pour ce discours m’ont conduite aux travaux de Mme Carmen Gill, une sociologue de l’Université du Nouveau-Brunswick et une penseuse de premier plan dans le domaine du contrôle coercitif. Ses 38 années de recherches ont contribué à la définition du contrôle coercitif et de ses répercussions, et à la criminalisation de contrôle coercitif. Elles ont été utilisées au Royaume-Uni, en Écosse et en Australie. Ses recherches méritent certainement d’être étudiées. D’un autre côté, mon ancienne collègue Kristal LeBlanc, directrice générale du Centre courage à Shediac, un refuge pour femmes de premier plan et une ressource en matière de violence familiale, a des inquiétudes concernant les possibles conséquences imprévues de la criminalisation de contrôle coercitif. La longue expérience de Mme LeBlanc auprès des clients et avec les chiens de thérapie pour les tribunaux du centre ajoute une réelle valeur pratique à la discussion.

Chers collègues, nous avons progressé dans cette enceinte en actualisant le droit sur le divorce, en reconnaissant le contrôle coercitif comme un facteur dans la détermination de la garde des enfants, en adoptant le projet de loi C-233 visant à imposer une formation aux juges et en joignant notre voix à l’interpellation no 10 de la sénatrice Boniface sur la violence faite aux femmes en milieu rural. Le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale, du sénateur Manning, qui est actuellement à l’étape du rapport, est également un pas en avant. Nous avons maintenant le projet de loi C-332. Nous l’étudions en ce moment. Nous ne pouvons pas nous accorder de répit tant que les femmes et les enfants ne seront pas tous complètement protégés.

Qu’est-ce que le contrôle coercitif exactement? Nous pouvons commencer à comprendre cette notion en replaçant les actes distincts de violence entre partenaires intimes, comme l’agression, la séquestration ou le viol, dans le contexte d’un schéma général de comportements, plutôt qu’en les voyant comme des incidents isolés. Ce schéma peut inclure des comportements moins directement violents, comme que le harcèlement, les menaces, l’isolement, les insultes constantes et le rabaissement, mais l’intention de ceux qui ont recours au contrôle coercitif reste la même : détruire l’estime de soi et le contrôle de soi de la victime afin d’engendrer un état de peur chez elle.

Le contrôle coercitif est très majoritairement exercé par des hommes sur des femmes. En Angleterre et au Pays de Galles, où le contrôle coercitif est une infraction criminelle, 97 % des accusés poursuivis pour pareils délits étaient des hommes. Les raisons sont multiples, notamment les stéréotypes sexistes bien ancrés selon lesquels les hommes sont les partenaires actifs, les décideurs, et les femmes sont plus passives et restent à la maison. Mais l’évolution des rôles des hommes et des femmes a remis en question la capacité des hommes à exercer un contrôle sur la vie et le corps des femmes. Des comportements qui auraient pu être considérés comme normaux pour les hommes, comme le contrôle des comptes bancaires et des dépenses, ne sont plus le statu quo.

Pour les agresseurs, cela signifie qu’ils doivent recourir au contrôle coercitif pour parvenir à leurs fins. Il est essentiel de comprendre qu’il s’agit d’une question fortement genrée, ce qui n’exclut pas que certaines femmes soient aussi contrôlantes, mais elles sont l’exception à la règle. En outre, les femmes sont plus à risque en raison de leur position historiquement désavantageuse par rapport aux hommes, qui tendait à effacer leur pouvoir d’action. C’est doublement vrai pour les femmes racisées et autochtones.

(1600)

Le schéma compte beaucoup ici, car c’est la seule chose qui relie tous ces différents comportements, qui individuellement pourraient être considérés comme anodins, mais qui privent les victimes de leur sentiment d’identité, les empêchent d’agir en leur nom propre et dominent leur vie d’une manière telle que beaucoup d’entre elles sont finalement incapables d’y échapper.

Quand les agresseurs deviennent plus habiles à contrôler leur partenaire, il se peut qu’ils aient moins besoin de recourir à la violence pour imposer leur contrôle, mais l’effet est le même : la victime vit dans la crainte constante de son partenaire et elle est prise au piège. Pire encore, la victime devient complètement invisible aux yeux de la loi, puisqu’elle n’a aucun recours dans le système de justice pénale, étant donné que de nombreux comportements contrôlants ne sont pas criminels en soi.

Les recherches sur le contrôle coercitif ont montré que, bien que la violence physique soit un facteur très courant, il n’est pas nécessaire que les agresseurs y aient recours pour parvenir à dominer complètement leur partenaire.

Des chercheurs comme Evan Stark comparent le contrôle coercitif à la prise en otage. En effet, pour soumettre quelqu’un à sa volonté, l’auteur de ces crimes emploie les mêmes méthodes que celles utilisées contre les otages, les détenus et les prisonniers de guerre. Qu’il s’agisse de donner à la personne le sentiment qu’elle est sans cesse surveillée, de l’isoler, de la menacer, de la manipuler ou de lui offrir des récompenses inattendues tout en la punissant sévèrement pour des fautes qui semblent anodines, chacune de ces tactiques contribue à faire perdre à la victime tout contact avec la réalité et tout sentiment de contrôle. Dans de telles situations, la violence est utilisée comme moyen d’exercer un contrôle de manière à ce que la victime comprenne les conséquences des représailles auxquelles elle s’expose si jamais elle sort du cadre.

L’avantage de considérer la violence conjugale comme un comportement coercitif et contrôlant, c’est que cela nous permet de présenter l’expérience de la victime comme une situation extrême de contrainte et de captivité à laquelle elle ne peut pas échapper parce que le partenaire exerce sur elle un contrôle total et absolu. On peut ainsi souligner que ce comportement contrôlant est imposé de façon intentionnelle et répétée sur une période étendue, et que ses effets cumulatifs peuvent être bien pires que des actes de violence isolés.

Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’employer la violence physique pour piéger la victime, le fait d’y recourir peut avoir des conséquences mortelles. Des études sur la violence conjugale ont montré que le risque d’être tuée est de plus en plus élevé chez les femmes qui mettent un terme à une relation ou qui ont quitté leur conjoint récemment. La raison est simple. Lorsque son autorité est défiée, la personne qui exerce un contrôle coercitif peut soudainement intensifier ses tactiques, y compris en usant d’une violence explosive qui, malheureusement, entraîne trop souvent la mort de la victime.

Selon l’observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation, la présence de comportements coercitifs et contrôlants est un prédicteur important des meurtres de femmes. Une autre étude a montré que les agresseurs qui utilisent habituellement des tactiques de contrôle coercitif sans violence physique peuvent être tout aussi explosifs que les hommes qui recourent uniquement à des agressions physiques lorsque leur autorité a été contestée.

Cette constatation fait ressortir le fait que l’homicide d’un partenaire intime n’est pas nécessairement précédé de violence physique, mais que la violence non physique et le contrôle coercitif sont souvent présents. Le modèle de contrôle coercitif de la violence entre partenaires intimes peut donc être un outil puissant d’intervention précoce pour réduire le nombre de féminicides au Canada.

La Commission des pertes massives est parvenue à la même conclusion, a reconnu l’importance du contrôle coercitif dans la dynamique de la violence et a appelé à une meilleure éducation et à l’incorporation de la théorie à différents niveaux.

L’enquête du coroner du comté de Renfrew sur les meurtres de Carol Culleton, Anastasia Kuyk et Nathalie Warmerdam a également révélé que le contrôle coercitif était une caractéristique déterminante de la relation de l’accusé avec ses victimes. Le coroner recommande non seulement de renforcer la sensibilisation aux indicateurs de contrôle coercitif, mais aussi d’ériger le contrôle coercitif en infraction criminelle.

Comment le projet de loi C-332 s’accorde-t-il avec ces recommandations? C’est simple. Il modifie le Code criminel pour ériger en infraction le fait de se livrer de façon répétée à des actes de contrôle coercitif avec l’intention de faire croire à son partenaire intime que sa sécurité est en danger. Il fournit ensuite une liste des différentes manières dont le contrôle coercitif se manifeste, toute combinaison pouvant être interprétée comme une infraction.

Je tiens à féliciter le Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour son travail sur ce projet de loi, d’autant plus que la liste des comportements est exhaustive et approfondie, et qu’elle s’appuie sur une vaste expertise dans le domaine de la violence entre partenaires intimes. Le projet de loi C-332 changerait fondamentalement la façon dont le système judiciaire perçoit la violence entre partenaires intimes, ce qui lui permettrait de saisir les effets cumulatifs de ce crime sur les victimes ainsi que de détecter les comportements récurrents et leur incidence, au lieu de mettre l’accent sur des cas isolés de violence qui sont difficiles à prouver sans preuve matérielle.

Le projet de loi prévoit des peines sévères — jusqu’à 10 ans d’emprisonnement — qui reconnaissent la gravité du contrôle coercitif. Il prévoit également des protections pour les victimes, comme l’interdiction pour l’accusé de procéder à un contre-interrogatoire direct de la victime, ce qui montre, une fois de plus, que l’on comprend la dynamique du contrôle. C’est un aspect important du projet de loi, car, jusqu’à présent, le système judiciaire au Canada ne voyait pas l’impact cumulatif que le contrôle coercitif peut avoir sur les victimes et l’état de privation qu’il peut entraîner.

Le projet de loi C-332 s’inspire de l’expérience de l’Angleterre et du Pays de Galles, qui ont été les premiers à ériger en infraction le contrôle coercitif en 2015. Au début de 2019, grâce à la nouvelle loi, la police avait enregistré 17 616 infractions de contrôle coercitif, et 308 délinquants avaient été reconnus coupables et condamnés, écopant d’une peine moyenne de 20 mois.

Si ces chiffres peuvent sembler impressionnants, les chercheurs Stark et Hester, spécialisés dans la violence entre partenaires intimes, sont moins enthousiastes dans leur analyse. Ils ont fait valoir que même si le nombre de personnes arrêtées au titre de la nouvelle infraction augmentait, cela ne représentait qu’une infime partie des centaines de milliers de cas de violence entre partenaires signalés au cours de la même période.

L’Écosse a également édicté une loi sur le contrôle coercitif qui est considérée comme un modèle pour ce qui est de reconnaître les partenaires intimes actuels et anciens, car elle montre que l’on reconnaît que les abus se poursuivent même après la séparation.

Plusieurs États australiens ont également adopté des lois sur le contrôle coercitif, qu’il pourrait être utile d’examiner étant donné que l’expérience de l’Australie — en particulier avec les peuples aborigènes — se compare à celle du Canada.

S’attaquer à la violence entre partenaires intimes par la voie du Code criminel ne sera pas une mince affaire. Nous savons déjà à quel point il est difficile de poursuivre les auteurs d’actes comme les agressions qui sont déjà criminalisées dans le contexte de la violence entre partenaires intimes, et même si les délits de contrôle coercitif donneront absolument à certaines femmes les outils dont elles ont besoin pour s’extirper de situations dangereuses, de telles lois ne sont efficaces que dans la mesure où nous sommes capables de les mettre en application.

C’est là que le projet de loi C-332 commence à montrer quelques faiblesses. La capacité des forces de l’ordre à reconnaître les cas de contrôle coercitif dépend de la formation reçue par les premiers intervenants et des outils dont ils disposent, ainsi que de leurs attitudes et de leurs perceptions individuelles.

Les approches actuelles de l’intervention policière sont axées sur des incidents en particulier, et les poursuites sont rares à moins qu’il n’y ait des preuves physiques. Si le modèle de contrôle coercitif nous permet de faire le point sur le contexte historique de la violence, cela demande beaucoup d’efforts de la part de la victime et du policier qui intervient.

Sans une bonne compréhension de la dynamique en jeu, les stéréotypes négatifs adoptés par les forces de l’ordre au sujet des femmes risquent de se perpétuer. Il s’agit notamment de la croyance que seule la violence physique est réelle ou que les femmes commettent des actes de violence contre leur partenaire autant que les hommes.

Ce qui est plus grave encore, c’est que le fait de ne pas comprendre la nature extrêmement genrée du contrôle coercitif peut exposer les femmes au risque d’une réaction brutale de la part d’agresseurs qui sont manifestement habiles à manipuler le système judiciaire. Il y a un risque que des partenaires violents menacent leur conjointe de retourner le système judiciaire contre elle.

Le projet de loi C-332 ne dit rien au sujet de la formation pour les intervenants de l’appareil de justice criminelle.

Le modèle du contrôle coercitif fondé sur la violence entre partenaires intimes présente des avantages évidents : il présente une image beaucoup plus claire de l’impact sur les victimes, ainsi que du caractère prémédité du comportement et de sa persistance dans le temps et dans l’espace. Il permet de relier des incidents qui ne semblent pas avoir de lien entre eux et qui font partie d’un schéma que les victimes peuvent invoquer lorsqu’elles ont tenté de se défendre ou de s’enfuir.

Comme je l’ai indiqué dans mes précédentes interventions ici, je suis largement favorable à la criminalisation du contrôle coercitif, même si je suis fermement convaincue que cela doit se faire dans le cadre d’une approche pangouvernementale.

S’attaquer aux causes profondes de la violence, comme la pauvreté, s’assurer que rien n’empêche les femmes de partir et offrir toute la gamme des services requis, tels que des refuges et des logements, sont autant d’éléments essentiels de l’équation.

La sensibilisation et l’éducation sont également essentielles pour donner aux femmes et à leur entourage les moyens de prévenir la violence et, par la suite, d’intervenir si nécessaire. Le projet de loi C-332 n’aborde qu’un seul de ces éléments ce qui, à mon avis, ouvre la porte à certaines menaces.

Chers collègues, en hommage aux nombreuses femmes et jeunes filles qui ont été tuées et à celles qui ont été touchées par la violence fondée sur le sexe, je vous exhorte à appuyer le renvoi de ce projet de loi au comité pour un examen plus approfondi, afin que nous puissions mieux comprendre comment le rendre efficace pour que, dans les mois et les années à venir, nous n’ayons pas à entendre parler de la mort de femmes qui tentaient de fuir une relation violente et pour que les mots « jusqu’à ce que la mort nous sépare » ne deviennent pas leur réalité.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

(1610)

Projet de loi sur l’interdiction de l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-355, Loi visant à interdire l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage et apportant des modifications connexes à certaines lois.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole pour appuyer le projet de loi C-355, Loi visant à interdire l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage et apportant des modifications connexes à certaines lois. Mon discours sera bref. Je suis heureux de parler de cette mesure législative qui porte sur le bien-être des chevaux, mais qui illustre aussi nos valeurs en tant que société en ce qui concerne le degré de soins auquel tous les êtres vivants ont droit, en particulier les êtres doués de sensibilité.

Chaque année, des chevaux sont expédiés du Canada au Japon pour y être abattus. Ce n’est pas le cas d’un certain nombre d’autres pays développés, qui interdisent cette pratique. Selon l’Agence canadienne d’inspection des aliments, depuis 2013, environ 50 000 chevaux ont été envoyés au Japon pour y être abattus et mangés. D’autres organisations citent des chiffres similaires, peut-être jusqu’à 20 000 chevaux par an. Les chiffres réels ne sont pas si importants, mais ils sont considérables.

Ces chevaux sont soumis à de longs trajets et se retrouvent souvent sur des vols en partance d’Edmonton ou de Winnipeg d’une durée minimale de 12 heures. Si l’on tient compte du temps nécessaire au chargement, au déchargement et aux déplacements à destination et en partance des aéroports, la durée totale du voyage peut facilement doubler. En effet, la durée maximale autorisée est de 28 heures, y compris le chargement et le déchargement. Il peut s’agir d’une période pendant laquelle il n’est pas nécessaire de nourrir ou d’abreuver les chevaux. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une expérience exténuante.

Au-delà de la durée du transport, les conditions de transport des chevaux sont considérées par beaucoup comme inhumaines et inacceptables. Les rapports faisant état de chevaux blessés ou morts dressent un sombre tableau de leur transport. L’Agence canadienne d’inspection des aliments a récemment signalé cinq morts depuis 2013, mais des documents obtenus récemment du gouvernement japonais grâce à une demande d’accès à l’information montrent qu’entre 2023 et 2024, soit en une seule année, au moins 21 chevaux sont morts pendant leur transport par avion à partir du Canada à des fins d’abattage ou dans les jours qui ont suivi leur transport.

Il va sans dire que j’ai quelques réserves au sujet de la qualité de la surveillance de ces pratiques. Je note que l’Agence canadienne d’inspection des aliments affirme maintenant que ses chiffres sont en cours d’examen.

Sénateurs, il me semble que le statu quo est insuffisant en ce qui concerne le transport des chevaux par voie aérienne. On peut débattre de la question de savoir si nous disposons des mécanismes d’application ou de surveillance nécessaires, mais, ce qui est certain, c’est que nous infligeons collectivement aux chevaux ce que n’importe qui qualifierait de mauvais traitements.

Le projet de loi C-355 contribuera à rectifier la situation en interdisant l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage, en alignant nos pratiques sur les normes éthiques auxquelles les Canadiens s’attendent et qu’ils méritent, et qui ont été adoptées dans les pays voisins.

L’opinion publique sur cette question est largement en faveur d’un changement : plus de 36 000 Canadiens ont signé une pétition pour interdire l’exportation de chevaux destinés à l’abattage. En outre, le gouvernement s’est engagé à interdire cette pratique en 2021, mais aucune mesure n’avait été prise jusqu’à ce que ce projet de loi soit présenté, même si cet engagement figurait dans la lettre de mandat de la ministre de l’Agriculture cette année-là. À cet égard, je félicite le sénateur Dalphond d’avoir parrainé ce projet de loi au Sénat.

Personnellement, je n’aime pas beaucoup les animaux, mais je suis tout à fait déterminé à faire avancer ce dossier. Les chevaux, contrairement à de nombreux autres animaux domestiques, donnent leur vie au service des humains. À bien des égards, ils méritent une vie et une mort honorables. En particulier, ils méritent de ne pas être exploités, comme beaucoup le sont, puis maltraités pour servir de repas haut de gamme dans d’autres pays.

Un long et épuisant vol vers leur mort est cruel. Quel sens peut‑on donner à cela?

En conclusion, j’exhorte tous mes collègues sénateurs à appuyer ce projet de loi. Saisissons l’occasion de défendre le traitement sans cruauté des chevaux. En interdisant l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage, nous pouvons faire un pas important vers la fin de souffrances inutiles et l’harmonisation de nos pratiques avec nos valeurs collectives.

Merci.

L’honorable Robert Black : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Cotter? Merci.

Je l’ai déjà mentionné à un autre intervenant. Il s’agit d’une activité qui génère 20 millions de dollars par an au Canada. Qu’allons-nous dire à nos producteurs de chevaux s’ils ne peuvent plus poursuivre leurs activités? C’est leur gagne-pain. Comment leur expliquer la situation?

Le sénateur Cotter : Dans bien des régions, je leur dirais d’emblée d’élever des vaches.

Le sénateur Black : Et si nous disions à tous les avocats en exercice de devenir enseignants? C’est la même chose. Peut-on faire cela? C’est une question.

Le sénateur Cotter : J’allais dire que c’est comme comparer des pommes et des oranges, mais peut-être des chevaux et des vaches. Je ne pense pas que nous ayons déclaré que le comportement de tous les avocats est contraire à l’éthique. D’accord, c’est peut-être le cas de certains d’entre eux, mais il ne faut pas généraliser dans le cas de cette profession. En ce qui concerne les avocats, je dirais que certains devraient peut-être devenir enseignants. C’est ce que j’ai fait. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je suis un ami des animaux, en fait. Vous dites d’élever des vaches plutôt que des chevaux. Si c’est à un mauvais traitement que nous soumettons les chevaux, je ne sais pas si vous laissez entendre qu’il est acceptable de faire subir un mauvais traitement à des vaches, ce qui est ce que j’ai compris de votre réponse. Je dirais que traiter avec cruauté un animal, quel qu’il soit, devrait être passible d’une sanction.

Vous dites que ces chevaux doivent bénéficier d’une reconnaissance spéciale parce qu’ils donnent leur vie au service des gens. En fait, ceux qui donnent leur vie à l’abattoir le font pour les gens aussi, parce que les gens les mangent. Toutefois, ces animaux n’ont pas été au service des gens. Ce sont des animaux qui sont nés et qui ont été élevés à cette fin. Ce n’est pas que nous prenons un animal qui a servi avec diligence la Gendarmerie royale du Canada — oui, j’en viens à ma question, Votre Honneur — et qui a offert ses services, pour décider tout à coup de l’abattre.

Ma question est la suivante, sénateur Cotter : le projet de loi précise qu’il est correct d’abattre un cheval pour la consommation humaine. Animal Justice ne s’y oppose pas. L’organisme ne s’oppose pas non plus à ce que ce cheval soit envoyé par avion au Japon pour y être vendu, que ce soit comme cheval de selle, cheval de trait ou cheval de compagnie. Tout cela est correct. Ce qui serait mal, ce serait de l’expédier par avion pour qu’il soit abattu à l’étranger. Donc, on peut abattre un cheval, on peut l’expédier par avion, mais on ne peut pas faire les deux.

Comment justifiez-vous cela? Est-ce que cela a un quelconque sens? Il est tout aussi cruel de faire faire un voyage de 14 heures à ce cheval dans une caisse à d’autres fins que la préparation de sushis.

Le sénateur Cotter : Je suis d’accord avec vous, transporter un cheval de cette manière relève du mauvais traitement, peu importe la raison.

Le sénateur Plett : Je n’ai pas vraiment eu de réponse à ma première question. Le sénateur Cotter ne veut peut-être pas y répondre.

Je vous pose à nouveau la question. Vous dites qu’il est cruel de mettre les chevaux dans une caisse. J’imagine que vous avez vu les conditions de transport, que vous avez vu ces caisses dans un avion, et que c’est ainsi que savez que c’est de cette façon qu’on les transporte. Avez-vous également vu comment on les transporte de l’Ontario à Calgary par camion? On arrête à intervalles réguliers pour qu’ils puissent sortir, se reposer et boire de l’eau. Cependant, le transport par camion est beaucoup plus pénible que le transport par avion. Après le décollage, le trajet se passe assez bien.

Donc, encore une fois, on est en train de dire qu’il est acceptable de les transporter par camion d’un bout à l’autre du pays, de l’Ontario jusqu’à Calgary ou Edmonton, parce que dans ce cas-là, ce n’est pas un traitement cruel ou inusité. Cela signifierait que si on les expédie de l’Ontario vers là-bas, puis qu’on les abat, ce serait acceptable, mais que si on les met dans un avion, ce ne le serait plus. Il faut qu’il y ait une certaine logique dans tout cela, sénateur Cotter.

(1620)

À votre avis, en quoi est-ce logique qu’il soit acceptable de les expédier dans un camion qui démarre, arrête, tourne et prend des courbes où ces animaux se font bousculer, et que l’on affirme que ce n’est pas comme dans un avion? En avez-vous déjà vu dans des remorques? Bien sûr, vous en avez vu dans un avion parce que vous savez comment ils y sont traités.

Le sénateur Cotter : Je n’ai pas à tout vivre personnellement pour croire que c’est peut-être vrai, sénateur Plett. Je ne pense pas que vous ayez réellement passé 16 heures d’affilée dans un avion sans faire de pause pour quoi que ce soit. C’est la même chose pour les chevaux. À tout prendre, ils préféreraient traverser le pays en camion parce qu’ils aiment se tenir debout. Nous savons tous les deux qu’il y a des manières de tenter de faire preuve de compassion envers les chevaux, et je considère, par principe, que cette façon de traiter les chevaux est cruelle. C’est le transport qui me préoccupe.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Merci pour votre discours, monsieur le sénateur Cotter. Certains semblent dire qu’interdire la production de viande de cheval pour exporter l’animal vivant au Japon, c’est comme interdire aux avocats de pratiquer le droit. Il n’y a rien dans la loi qui interdit de vendre les chevaux pour l’abattage au Canada; c’est tout à fait permis. Il n’y a rien qui interdit de les faire abattre, puis de faire livrer la viande au Japon, congelée ou sous vide, et de la consommer sur place. Ce qu’on élimine, ce sont les transports qui sont stressants et qui font souffrir les animaux. Lorsque les avocats québécois se sont fait dire qu’ils ne pouvaient plus faire de l’assurance automobile...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Dalphond, avez-vous une question?

Le sénateur Dalphond : Oui. J’y arrive et ce sera un peu moins long que celle du sénateur Plett, je vous le promets. Donc, au Québec, lorsqu’on a aboli le droit pour les avocats de plaider dans des causes d’accidents d’automobile, ce n’est pas devenu illégal; les avocats ont tout simplement fait autre chose. N’est-il pas vrai que les fermiers qui produisent des chevaux peuvent toujours les vendre dans les abattoirs au Canada, ce qui fait en sorte que leurs chevaux leur rapportent de l’argent?

[Traduction]

Le sénateur Cotter : J’ai l’impression que ma petite intervention a donné l’occasion à certains de mes collègues de faire de petits discours et de poser ensuite une petite question. Je suis d’accord avec le sénateur Dalphond.

L’honorable Percy E. Downe : Votre Honneur, je ne suis pas certain du Règlement. Dois-je faire un discours, ou puis-je passer directement à une question? Je ne prononcerai pas de discours.

Avant de venir ici, je n’étais pas conscient de cet enjeu concernant les chevaux. Moi qui suis un Canadien de l’Atlantique, je me préoccupe grandement pour l’industrie du homard, dont la valeur était évaluée à plus de 3 milliards de dollars il y a deux ans. Nous exportons vers l’Asie. Comme vous le savez, sénateur Cotter, les Chinois tiennent à avoir des homards frais; ils ne veulent pas de homards surgelés. Quelles conséquences le projet de loi à l’étude aura-t-il sur ce marché? Comme les chevaux dont on parle, les homards sont expédiés en Asie vivants, par avion. La distance et les conditions sont donc semblables.

Le sénateur Cotter : Je crois que votre question nous amène sur un terrain glissant, sénateur. Je dirais, si je puis me permettre, que le point central de votre question porte sur l’endroit où on devrait tracer la ligne. Je ne sais pas vraiment où on devrait la tracer, mais j’imagine que c’est quelque part entre les chevaux et les homards.

J’ajouterais, pour être tout à fait clair, que je suis favorable à l’expédition de homards vivants.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets de la fraude d’identité sur la marginalisation accrue des peuples autochtones—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Campbell,

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la fausse représentation de l’ascendance autochtone, les normes d’auto-identification inadéquates et les effets profonds que cette fraude d’identité a sur la marginalisation accrue des peuples autochtones, en particulier les femmes autochtones;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2023.

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui à l’étude proposée par la sénatrice McCallum sur l’identité autochtone et les conséquences des fausses revendications de cette identité. Compte tenu de la complexité de l’identité autochtone, de son impact sur les politiques, de la représentation des peuples autochtones et de leurs droits au Canada, on ne saurait trop insister sur l’importance de réaliser cette étude.

En outre, je n’ai jamais autant ressenti la nécessité de cette étude que lors des récents événements entourant l’ancien ministre Randy Boissonnault. Apprendre qu’une personne occupant un poste aussi élevé que celui de ministre du gouvernement fédéral peut prétendre être autochtone pour faire avancer sa carrière et ses affaires personnelles, y compris en tentant d’obtenir frauduleusement des fonds de son propre gouvernement, a parfaitement mis en lumière ce que la sénatrice McCallum a décrit lorsqu’elle a présenté la motion.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Housakos : La sénatrice McCallum nous a dit ceci :

Jouer à l’Indien est une pratique de plus en plus courante selon laquelle des personnes non autochtones [...] revendiquent de manière particulièrement publique leur identité autochtone, parfois pour en tirer un grand profit financier et pour faire avancer leur carrière.

Il est crucial de comprendre que ces fausses prétentions ont des conséquences bien tangibles. Les personnes qui s’identifient à tort comme étant autochtones peuvent obtenir des avantages qui seraient normalement destinés à ceux qui ont des raisons légitimes de revendiquer le statut d’Autochtone. Ces avantages peuvent prendre la forme d’un financement, comme dans le cas de l’ancien ministre Boissonnault, d’une attestation dans des programmes liés à la formation ou à l’emploi ou d’un rôle dans les discussions sur les politiques publiques où le point de vue des Autochtones est essentiel, comme dans le cas, encore une fois, du député Boissonnault.

En plus de déformer la vérité, revendiquer frauduleusement ou sans motif valable l’identité autochtone perpétue et aggrave les inégalités systémiques. La légitimité des communautés autochtones se trouve amoindrie, et les voix des réels porteurs du patrimoine, de la culture et du vécu autochtones se font entendre moins fort. Les fausses prétentions peuvent déformer la perception qu’a le public de l’identité autochtone, surtout qu’elles viennent de personnes qui occupent des postes de pouvoir ou d’influence. Chers collègues, il ne s’agit pas d’un problème mineur, mais d’un enjeu majeur qui a une incidence sur la représentation, les droits et l’accès aux ressources dont les Autochtones ont longuement été privés.

J’aimerais également attirer votre attention sur une autre chose que la sénatrice McCallum a dite dans son discours. En citant le Groupement des femmes autochtones, elle a dit :

[...] le préjudice le plus insidieux causé par le « fauxtochtonisme » est celui qu’il inflige aux peuples autochtones qui renouent avec leur culture et leur identité.

Elle a poursuivi ainsi :

Les « fauxtochtones » revendiquent de manière perverse la vulnérabilité et la violence vécues par les peuples autochtones et l’utilisent ensuite à leurs propres fins insensibles et égocentriques.

En adoptant cette motion, le comité serait tenu d’examiner les incidences sociales, culturelles et juridiques des fausses revendications de patrimoine autochtone, ce qui constituerait une avancée essentielle pour garantir l’intégrité et l’authenticité de la représentation autochtone dans le discours national.

Je pense que le cas de M. Boissonnault met en évidence la nécessité de prévenir toute revendication de l’identité autochtone ayant pour but d’exploiter ou de marginaliser ceux qui portent depuis longtemps le fardeau de cette marginalisation. Les peuples autochtones du Canada ont subi des siècles de spoliation, d’effacement et de discrimination. Il faut protéger leurs voix, leurs expériences et leurs droits.

Deuxièmement, l’étude est essentielle pour établir des lignes directrices claires et équitables concernant l’identité autochtone. Il existe des critères d’appartenance à de nombreuses communautés autochtones, qu’ils soient définis par l’ascendance, la culture ou les liens familiaux. Cependant, ces critères peuvent parfois être mal compris, mal utilisés ou délibérément manipulés à des fins personnelles. La sénatrice LaBoucane-Benson en a parlé en sa qualité de Métisse dans son intervention sur cette motion :

[...] l’identité métisse n’est pas quelque chose que l’on peut revendiquer simplement en faisant quelques déclarations vagues sur l’existence d’un ancêtre autochtone. C’est plutôt quelque chose de très précis.

(1630)

Une étude permettrait de clarifier le critère et d’établir des lignes directrices pour identifier les Autochtones d’une manière qui est transparente et conforme aux normes de la communauté autochtone et qui n’est pas fondée uniquement sur l’auto-identification.

Troisièmement, une telle étude nous permettrait d’aborder les scénarios qui cherchent à définir ou à diluer l’identité autochtone à des fins politiques et économiques. En offrant une tribune où tenir des discussions fondées sur des données probantes solides, nous pourrons aller au-delà des stéréotypes et des idées fausses et prendre des mesures vers une véritable réconciliation.

Enfin, nous ne pouvons pas ignorer les considérations éthiques qui accompagnent les revendications identitaires autochtones. Pour de nombreux Autochtones, l’identité n’est pas une simple étiquette ou un symbole. Il s’agit d’une expérience vivante qui est ancrée dans la culture, la communauté, l’histoire et la résistance. Si nous traitons cette identité comme quelque chose qui peut être revendiquée sans conséquence, nous minons les fondements mêmes de la culture autochtone.

Chers collègues, à la lumière des récents événements, je pense qu’il est essentiel que nous commencions cette étude en entendant Randy Boissonnault lui-même, car il est la personne si manifestement au cœur de cette discussion. Son témoignage pourrait nous permettre d’expliquer ses affirmations et leurs répercussions. Comme il a déclaré quitter son poste de ministre afin de se concentrer à faire la lumière sur les troublantes allégations à son encontre, je dirais que nous lui fournirions l’occasion et la plateforme rêvées pour le faire. De plus, inviter M. Boissonnault permettrait de souligner tout le sérieux de cette étude. Cela démontrerait que nous ne cherchons pas simplement à tenir une discussion théorique, mais que nous sommes plutôt déterminés à nous attaquer à des problèmes réels et aux répercussions que ces fausses affirmations ont sur les communautés autochtones.

En conclusion, chers collègues, la demande visant la tenue d’une étude sur l’identité autochtone, qui a été formulée par la sénatrice Mary Jane McCallum, est non seulement opportune, mais aussi essentielle. Les fausses revendications d’identité autochtone, comme celles de Randy Boissonnault, sapent les efforts de ceux qui se battent depuis longtemps pour les droits, la reconnaissance et la justice des Autochtones. L’étude ne vise pas à pointer du doigt des gens en particulier, mais plutôt à garantir l’intégrité et l’authenticité de l’identité autochtone dans le tissu juridique, politique et social du Canada.

En tenant cette étude et en invitant Randy Boissonnault comme premier témoin, nous pouvons entamer un débat indispensable qui aura des répercussions durables sur notre perception de l’identité autochtone au Canada. C’est un débat qui doit être ancré dans le respect, la reddition de comptes et, surtout, la vérité.

Dans ce contexte, je tiens à revenir sur quelque chose qui a été dit à ce sujet hier, au Sénat, dans le cadre d’une réponse que j’ai reçue de la part du gouvernement concernant le cas de M. Boissonnault.

Chers collègues, dans le cas présent, un ministre qui représente le gouvernement a décidé de prétendre être autochtone alors qu’il ne l’est pas. Pendant des jours, voire des semaines, le premier ministre a refusé de le renvoyer pour ce comportement scandaleux, soit de le tenir essentiellement responsable de ses actes, ce qui est son rôle.

Au lieu de congédier quelqu’un qui a fait quelque chose d’aussi gravissime ou de lui demander de démissionner, le premier ministre nous a envoyé hier une déclaration où il écrit avoir accepté que le ministre renonce à ses fonctions pendant un certain temps. Ce n’est tout simplement pas suffisant, chers collègues. La politique ne doit pas s’immiscer dans quelque chose qui entache aussi gravement le tissu social canadien. Vient un moment où, même dans cette institution, il faut se tenir debout. De toute évidence, ce qui s’est passé au cours des derniers jours et des dernières semaines confirme encore plus la nécessité absolue de la motion de la sénatrice McCallum.

Pour être honnête, je suis un peu surpris que nous ne soyons pas plus nombreux à nous indigner de ce qui s’est passé au cours des dernières semaines. Lorsque j’ai posé une question légitime au leader du gouvernement au sujet de M. Boissonnault, il a dit que j’étais en train de racler le fond du panier parce que j’avais également souligné quelque chose que le Parti libéral du Canada a du mal à digérer, à savoir que nous avons actuellement un premier ministre et un chef de parti qui, à diverses reprises dans sa vie, a arboré le « blackface » en prétendant être une personne de couleur alors que ce n’est pas le cas.

Sénateur Gold, je sais que vous levez les yeux au ciel lorsqu’on en parle, mais au bout du compte, c’est la réalité, et ce n’est pas plus acceptable que ce que le ministre Boissonnault a fait au cours des dernières semaines. Il ne suffit pas de dire que les gens ont mal compris les choses ou que c’est une leçon de vie. Lorsqu’on occupe une fonction d’autorité aux plus hautes instances d’un pays, vient un moment où il faut se tenir debout, prendre le taureau par les cornes et exercer son autorité. Si on veut que les choses changent, on doit exiger que les gens répondent de leurs actes. Quand il n’y a pas de véritables conséquences, les choses ne changent jamais. Nous parlons constamment de la réconciliation nationale. Nous parlons de bien faire les choses pour les communautés autochtones, mais concrètement, nous ne faisons jamais ce qui doit être fait.

Motion d’amendement

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par adjonction après le premier paragraphe du nouveau paragraphe suivant :

« Que le comité invite l’honorable Randy Boissonnault, c.p., député, à comparaître comme premier témoin dans le cadre de cette étude; »;

2.par substitution, aux mots « 31 décembre 2023 », des mots « 15 juin 2025 ».

Afin de donner au comité l’occasion d’établir une nouvelle norme et de fixer une nouvelle date pour mener à bien cet important travail, j’espère, chers collègues, que l’appui sera général pour faire ce qu’il faut parce que du moment que quelqu’un a eu un comportement inacceptable, son identité n’a pas d’importance, même s’il s’agit du premier ministre qui vous a convoqué au Sénat du Canada. Nous devons les faire répondre de leurs actes, y compris les ministres.

Merci, chers collègues.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorable sénateur, je suis ravie que cette étude intéresse le Sénat. Je dois dire, éventuellement au nom d’autres sénateurs autochtones, que c’est une excellente nouvelle.

Comme j’ai parlé à M. Boissonnault à plusieurs reprises, je connais son histoire et je ne crois pas que vous obtiendrez le témoignage que vous avez en tête. Cela ne nous empêche pas de l’inviter à témoigner, si c’est ce que nous décidons.

Je suis désolée que vous ajoutiez cet élément à la motion extrêmement importante de la sénatrice McCallum. Nous devrons maintenant voter pour déterminer si Randy Boissonnault devrait être convoqué au lieu de nous prononcer sur la question plus vaste des « fauxtochtones » et de leur effet sur les Autochtones.

Voici ma question : pour utiliser notre temps aussi judicieusement que possible, pensez-vous qu’il vaudrait mieux convoquer quelqu’un qui pourrait ou non être un « fauxtochtone » pour l’interroger, ou plutôt appeler tous les experts autochtones du pays, qui comprennent vraiment les enjeux en cause? Dans son discours, la sénatrice McCallum a commencé à parler du problème, de la forme qu’il prend et de ce qu’on peut faire pour le régler. Croyez-vous qu’il vaudrait mieux consacrer notre temps à appeler ces gens ou plutôt à interroger quelqu’un qui pourrait ou non être un « fauxtochtone » et dont l’histoire n’apportera peut-être rien à la discussion?

Le sénateur Housakos : Il n’est pas forcément un « fauxtochtone », mais on lui a quand même demandé de quitter le Cabinet. Bien entendu, il n’y a pas de fumée sans feu. C’est la première chose. La deuxième, c’est que j’aimerais croire la leader adjointe du gouvernement au Sénat lorsqu’elle dit qu’elle lui a parlé et qu’elle peut affirmer que l’affaire se résume à peu de choses, mais, ne lui en déplaise, je préférerais que l’on arrive à cette conclusion grâce au travail du Sénat.

Deuxièmement, tout ce que je demande, c’est que M. Boissonnault prenne une heure de son temps pour expliquer son comportement aux sénateurs du Parlement du Canada. Cela n’empêche pas le comité — d’aucune façon — de convoquer tous les experts qui existent et d’effectuer une analyse et une étude rigoureuses et de longue haleine. M. Boissonnault passera une heure devant les Canadiens, pour répondre aux questions vigoureuses que lui posera une institution forte et non partisane, après quoi, bien sûr, le comité sera libre de convoquer de nombreux témoins. Je ne pense pas que l’un exclue l’autre.

Par ailleurs, on essaie de minimiser le fait qu’un ministre a clairement, au cours des derniers jours et des dernières semaines, fait preuve d’un comportement indigne de sa fonction, en balayant l’affaire du revers de la main et en disant : « Eh bien, vous savez, la leader adjointe du gouvernement au Sénat s’est entretenue avec lui et, chers collègues, soyez rassurés, il n’y a rien là. Tous les articles dans les médias sont le fruit de votre imagination, de même que le fait que le premier ministre ait demandé au ministre de démissionner. »

(1640)

Voilà le genre de comportement qui consiste à balayer les choses sous le tapis et qui ne permet jamais à notre pays d’aller au fond des choses et des faits. Lorsque nous adoptons ce genre de comportement, nous dévalorisons cette institution et le travail des parlementaires aux yeux des Canadiens.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Je n’ai pas dit qu’il l’était ou qu’il ne l’était pas. Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Ma question était la suivante : à quoi notre temps est-il mieux employé? À demander à quelqu’un qui pourrait ou non être un « fauxtochtone » de nous raconter son histoire, ou à parler à des gens qui comprennent réellement ce problème? Je veux vraiment parler du problème.

Le sénateur Housakos : Vous avez posé la même question, vous avez fait la même référence, et ma réponse reste inchangée.

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le débat est ajourné.)

[Français]

Un avenir à zéro émission nette

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Coyle, attirant l’attention du Sénat sur l’importance de trouver des solutions pour faire la transition de la société, de l’économie et de l’utilisation des ressources du Canada dans la poursuite d’un avenir juste, prospère, durable et paisible à zéro émission nette pour notre pays et la planète.

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour et je ne suis pas prête à intervenir, mais je le serai bientôt. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

[Traduction]

Les préoccupations continues concernant l’agriculture canadienne, les milieux humides et la réaffectation des terres forestières

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Black, attirant l’attention du Sénat sur les préoccupations que continuent de susciter la réaffectation des terres agricoles, des terres humides et des terres forestières du Canada, ainsi que la possible insécurité alimentaire, économique et sociale découlant de la capacité de production réduite de produits agricoles, de pâturages, de produits forestiers et d’aliments, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 16, qui porte sur les questions vitales de la gestion des terres agricoles, de la sécurité alimentaire et de la stabilité économique au Canada.

Tout d’abord, je tiens à remercier le sénateur Black d’avoir lancé cette importante conversation. L’agriculture touche tous les aspects de nos vies — de notre alimentation jusqu’aux paysages qui nous entourent dans nos collectivités —, et pourtant, c’est une question qui ne reçoit pas toujours l’attention qu’elle mérite.

Pour mieux comprendre l’importance de l’agriculture, nous devons nous pencher sur ses origines dans les provinces et les territoires. À Terre-Neuve-et-Labrador, des familles travaillent sans relâche pour cultiver leurs champs dans des conditions rigoureuses et difficiles, tirant leur subsistance d’une terre qui offre souvent peu en retour de leurs efforts. Pendant des générations, la production agricole ne se faisait pas à grande échelle. C’était une question de survie, de résilience et de lien indéfectible avec la terre.

Ce qui était au départ une activité complémentaire pour les familles de pêcheurs est devenu un secteur commercial florissant à la fin des années 1800, notamment grâce à des initiatives comme l’octroi de terres de la Couronne pour l’agriculture. Cependant, ce ne sont pas seulement les politiques qui ont contribué à cette transformation. C’est aussi la détermination de mes concitoyens de Terre-Neuve-et-Labrador. L’apport des femmes a été particulièrement crucial, car elles devaient souvent s’occuper des terres pendant que les hommes travaillaient dans le secteur des pêches. Ce leadership subsiste encore aujourd’hui, car près du quart des exploitants agricoles de Terre-Neuve-et-Labrador sont des femmes, ce qui témoigne de leur force et de leur contribution durable à l’agriculture.

Dans ma province, il ne faut pas avoir froid aux yeux pour œuvrer dans le secteur agricole. C’est un secteur qui non seulement exige beaucoup de travail, mais qui nécessite aussi d’importants investissements dans les terres, les équipements et les opérations. Pour les petites exploitations agricoles, passer à l’échelle commerciale peut sembler un défi insurmontable sans un soutien financier substantiel.

Les défis ne sont pas seulement économiques. Ils sont aussi générationnels. Près de 60 % des exploitants agricoles de Terre-Neuve-et-Labrador ont plus de 55 ans. Qui les remplacera? De nombreux jeunes considèrent l’agriculture comme un risque financier plutôt que comme une carrière viable, et qui peut les en blâmer? Les obstacles sont considérables et les récompenses semblent souvent incertaines. Pourtant, si nous n’attirons pas la prochaine génération, qu’adviendra-t-il de notre approvisionnement alimentaire? Qu’adviendra-t-il des collectivités qui dépendent de ces exploitations agricoles?

Le gouvernement provincial a pris des mesures pour résoudre ces problèmes en affectant 300 000 $ à des projets d’infrastructures agricoles, notamment pour soutenir les nouveaux agriculteurs. Ces initiatives sont prometteuses, mais ce n’est qu’un début. Soutenir un nouvel agriculteur et renforcer les systèmes alimentaires nécessitent des approches claires et adaptables qui reflètent les diverses réalités des agriculteurs de partout au Canada.

Dans ma province, la sécurité alimentaire n’est pas un concept théorique. C’est une réalité quotidienne. Dans les collectivités éloignées, l’accès aux produits frais peut être limité et coûteux. L’agriculture locale est donc très importante. Il ne s’agit pas seulement de nourrir les gens. C’est une question de résilience et d’indépendance.

Considérons ceci : à Terre-Neuve-et-Labrador, plus de 34 % des agriculteurs vendent directement aux consommateurs. C’est deux fois plus que la moyenne nationale. Ce lien entre l’agriculteur et le consommateur est quelque chose de spécial. Il est personnel. Il est local. Les exploitations agricoles comme Lester’s Farm à St. John’s incarnent cet esprit. Avec plus de 100 variétés de fruits et de légumes, Lester’s n’est pas seulement une exploitation agricole. Il s’agit d’un dépanneur communautaire. Les familles y affluent pour les fraises à cueillir, les étables où les enfants peuvent caresser les animaux et les marchés de producteurs. C’est là que les enfants apprennent que les aliments ne viennent pas d’un magasin, mais de la terre. Pourtant, les exploitations agricoles comme Lester’s subissent la pression de l’étalement urbain, de la hausse des coûts et de la diminution des terres agricoles. Si nous perdons ces exploitations agricoles, nous perdons quelque chose d’irremplaçable.

Chers collègues, c’est un constat que l’on ne fait pas seulement à Terre-Neuve-et-Labrador. Partout au Canada, les pressions exercées sur les terres agricoles — de l’étalement urbain au développement industriel — augmentent. Le sénateur Black a réclamé, à juste titre, une stratégie nationale pour protéger les terres agricoles, et je suis tout à fait d’accord, mais toute stratégie doit aller au-delà des solutions fragmentaires et refléter la complexité du milieu agricole. Les agriculteurs de tout le pays — des petits exploitants aux exploitants des secteurs qui ne sont pas soumis à la gestion de l’offre — font face à des défis uniques, et ces défis exigent des approches souples nuancées.

Dans ma province, nous avons pu constater le pouvoir de la collaboration. Grâce à des initiatives telles que le plan La voie à suivre, la province a dépassé l’an dernier son objectif de 20 % d’autosuffisance alimentaire. C’est un progrès, mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. Soutenir les nouveaux agriculteurs, adopter les technologies émergentes et investir dans des systèmes alimentaires diversifiés et durables sont des étapes essentielles pour renforcer la résilience. Partout au Canada, nous devons protéger les terres agricoles contre les pertes irréversibles et renforcer les systèmes alimentaires locaux afin que chaque communauté, rurale ou urbaine, ait accès à des aliments frais et abordables.

Je tiens à remercier le sénateur Black d’avoir lancé cette importante discussion. En soulevant cette initiative, vous nous avez rappelé qu’il était urgent de protéger les terres et les sols qui subviennent à nos besoins, de donner du pouvoir aux agriculteurs qui nous nourrissent et de veiller à ce que l’agriculture reste au cœur de nos communautés. Ensemble, nous pouvons construire un avenir où l’héritage agricole du Canada sera défini par la résilience, l’innovation et l’abondance.

Merci, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

L’avenir de CBC/Radio-Canada

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Cardozo, attirant l’attention du Sénat sur l’avenir de CBC/Radio-Canada.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur l’interpellation du sénateur Cardozo, l’interpellation no 22, qui attire l’attention du Sénat sur l’avenir de CBC/Radio-Canada.

(1650)

Je tiens à remercier Cheryl McKenzie, directrice exécutive des nouvelles et des actualités du Réseau de télévision des peuples autochtones, ou APTN. Il s’agit du premier réseau national de télévision autochtone au monde. Mme McKenzie a joué un rôle prépondérant dans la préparation de ces observations.

Chers collègues, certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi je parle d’APTN dans le cadre d’une interpellation qui porte sur CBC/Radio-Canada. La réponse se trouve dans un communiqué de presse conjoint de mars 2022 qui annonçait la nouvelle collaboration de ces deux entités, axée sur la création de plus de contenu autochtone pour que tous les Canadiens puissent en profiter et y avoir accès.

Le communiqué de presse de 2022 disait ce qui suit :

L’entente renforcera les capacités des deux réseaux à créer des contenus mettant à l’avant-plan les Premières Nations, les Inuit et les Métis, à accroître l’accessibilité et la visibilité de ces contenus, et à rassembler les populations autochtone et allochtone du pays.

Dans le cadre de ce nouveau partenariat, les deux diffuseurs se sont engagés à travailler de façon plus étroite sur des productions et du contenu de nouvelles autochtones, en prenant les mesures suivantes :

Offrir davantage de possibilités, de formations et de ressources aux créateurs autochtones [...]

Collaborer à des contenus de nouvelles et d’information, notamment par le partage de contenus et de ressources techniques [...]

Élargir l’auditoire des émissions autochtones [...]

Il est donc facile de comprendre pourquoi le succès futur de CBC/Radio-Canada est également de bon augure pour le succès et la croissance à venir d’APTN.

Honorables sénateurs, lancé en 1999, APTN s’adresse aux publics autochtone et allochtone du Canada depuis plus de 20 ans. Au cours de cette période, le réseau n’a jamais perdu de vue sa mission :

De faire connaître le parcours de nos peuples, célébrer nos cultures, inspirer nos enfants et honorer la sagesse de nos Aîné(e)s.

APTN vient de célébrer un jalon qui vaut la peine d’être mentionné. Le 1er septembre 2024, APTN célébrait son 25e anniversaire. C’est aussi la date à laquelle le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a approuvé le lancement de la chaîne en langues autochtones d’APTN. Aujourd’hui, APTN offre chaque semaine au moins 100 heures de programmation dans différentes langues autochtones.

APTN s’est toujours donné comme objectif de protéger les langues et les cultures autochtones et d’en faire la promotion. Il n’y a que sur l’Île de la Tortue et nulle part ailleurs sur la planète que les Autochtones peuvent s’instruire au sujet de leurs cérémonies, de leurs pratiques et de leurs cultures — toutes ancrées dans la langue — et travailler au maintien de leur mode de vie et de la vision du monde qu’avaient leurs ancêtres.

Le fait d’avoir une chaîne de télévision nationale très présente sur les médias sociaux qui se consacre à la diffusion des points de vue des Autochtones 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à longueur d’année est quelque chose qu’aucun autre diffuseur ne peut offrir. Personne ne fait plus qu’APTN pour atteindre les Autochtones et amplifier leur voix, longtemps réprimée.

En outre, chers collègues, APTN diffuse aussi deux bulletins de nouvelles quotidiens en anglais et un en français, tant sur la chaîne principale que sur les chaînes linguistiques. Cela permet à tous les peuples autochtones d’avoir accès à l’information et aux nouvelles pertinentes pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. L’objectif futur d’APTN, son aspiration, est d’avoir un jour accès aux ressources nécessaires pour permettre la diffusion de ces bulletins de nouvelles dans diverses langues autochtones.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne l’accessibilité au Canada, Nouvelles Nationales d’APTN, le bulletin de nouvelles hebdomadaire en français d’APTN, qui a été lancé en 2019, est aussi une première mondiale. Le CRTC l’a jugé si important qu’il en a fait l’une de conditions d’obtention de permis pour APTN. APTN est reconnaissant pour ce bulletin hebdomadaire en français, car il lui a permis de découvrir que de nombreux Autochtones au Canada ne parlent pas anglais, mais qu’ils s’expriment plutôt dans leur langue traditionnelle et en français.

Chers collègues, le cœur du mandat d’APTN a toujours été de servir les peuples autochtones. APTN diffuse sur de multiples plateformes des émissions réalisées par des Autochtones, destinées à des Autochtones et portant sur des Autochtones. À ce titre, la programmation est une expression des cultures autochtones. Cela diffère du mandat de diffuseurs publics, qui est de refléter la diversité du Canada, y compris les peuples autochtones.

À APTN, surtout dans la section des nouvelles et des actualités, les employés, en particulier les stagiaires et les étudiants en stage pratique, ont également accès à des possibilités de travail en première ligne plus rapidement que chez n’importe quel radiodiffuseur national. Par exemple, on m’a raconté l’histoire de personnes suivant un stage pratique de six semaines vers la fin de leurs études postsecondaires en journalisme et en radiodiffusion qui ont montré un tel potentiel qu’APTN leur a fourni la formation requise et la possibilité de présenter leur journal télévisé national de fin de semaine, qui est préenregistré.

Lorsque ces gens le méritaient, APTN leur confiait ensuite le rôle de présentateur de son journal télévisé national en direct. Où pourriez-vous voir un stagiaire jouir d’une telle occasion transformatrice?

À APTN, les journalistes et les professionnels de la radiodiffusion ont également le privilège de jouir d’une plus grande liberté créative et éditoriale dans la production de leur travail aux fins de radiodiffusion. Le processus éditorial d’APTN met l’accent sur le fait que les journalistes et les vidéojournalistes font partie intégrante des reportages les plus importants dans les diverses régions du Canada. Bien que leurs tâches leur soient toujours confiées par le siège social, il n’y a pas autant de niveaux de gestion et de rédacteurs que chez les autres radiodiffuseurs nationaux. En outre, la majorité des rédacteurs principaux sont des Autochtones.

Honorables sénateurs, il convient également de vous indiquer que ce n’est qu’à l’occasion de la 44e élection générale fédérale du Canada, en 2021, qu’un journaliste autochtone a fait partie du groupe qui a posé des questions directement aux chefs de parti lors du débat national télévisé en anglais. Cette avancée est attribuable à l’existence et à l’intégrité journalistique reconnue d’APTN News.

Certes, d’autres radiodiffuseurs nationaux comptaient des journalistes autochtones dans leurs effectifs avant 2021, mais APTN a contribué à faire avancer les choses en ce qui concerne le contenu autochtone et la participation des Autochtones dans les médias d’information et le paysage médiatique canadiens.

Toutefois, il convient de noter que le travail et l’incidence d’APTN ne se limitent pas aux frontières du Canada. En effet, APTN est un membre fondateur du World Indigenous Television Broadcasters Network, ou WITBN, au sein duquel les organismes membres collaborent pour diffuser des informations internationales sur les Autochtones selon le point de vue des Autochtones. La mission du WITBN, qui est d’une importance cruciale, est la suivante :

[...] unir les radiodiffuseurs du monde entier afin de préserver et de promouvoir les langues et les cultures autochtones grâce à des partenariats de collaboration et au partage de ressources, de connaissances et de programmes.

En travaillant ensemble, ils « [...] visent à accroître la portée et la compréhension des questions autochtones auprès de tous les publics [...] »

Honorables sénateurs, comme l’a déclaré Cheryl McKenzie, directrice exécutive des nouvelles et des actualités d’APTN :

Fondamentalement, les Autochtones ont un sentiment d’appartenance à l’égard d’APTN. C’est ce qui en fait un radiodiffuseur unique et aimé partout au Canada.

Ce sentiment de fierté, d’appartenance et d’importance règne depuis plus de 25 ans. Toutefois, sa capacité de continuer à élargir son audience et son contenu ainsi qu’à avancer sur la voie de la compréhension et de la réconciliation est indéniablement facilitée par son partenariat et sa collaboration avec CBC/Radio-Canada.

(1700)

Par conséquent, chers collègues, il est essentiel que CBC/Radio-Canada jouisse d’un avenir long et prospère. La stabilité et le succès à long terme de CBC/Radio-Canada ne pourront qu’être avantageux pour ATPN, les journalistes autochtones, les créateurs de contenu et tous ceux qui participent à la radiodiffusion et à la diffusion de nouvelles qui servent à protéger et à promouvoir les langues et les cultures autochtones au Canada.

Je vous remercie de votre attention et je remercie le sénateur Cardozo de m’avoir donné cette tribune pour mettre en lumière le travail essentiel d’APTN. Kinanâskomitinawow. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice White, le débat est ajourné.)

La hausse alarmante des infections transmissibles sexuellement et par le sang

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Cormier, attirant l’attention du Sénat sur la hausse alarmante des infections transmissibles sexuellement et par le sang au Canada, incluant le VIH/SIDA.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la récente interpellation du sénateur Cormier, qui attire l’attention du Sénat sur la hausse alarmante des infections transmissibles sexuellement et par le sang au Canada.

Le sénateur Cormier a déjà fait un travail exemplaire en parlant de la hausse du taux d’infection au VIH-sida dans son discours. Par conséquent, aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire de fantôme. C’est l’histoire d’une maladie différente, d’une maladie que l’on croyait vaincue, mais qui est revenue d’entre les morts pour hanter nos rues et nous prendre nos enfants.

Jadis, on l’appelait la grande vérole. Pendant des centaines d’années, elle a ravagé la planète, tuant des millions de personnes — des bébés et leur mère, des prostituées et des marins, des rois et des dictateurs, des compositeurs et des poètes. Parmi les personnes que l’on croit mortes de la grande vérole, il y a le tsar de Russie Ivan le Terrible et le roi Henri VIII d’Angleterre, le peintre Paul Gauguin, les écrivains Guy de Maupassant et Charles Baudelaire, le compositeur Robert Schumann et le gangster Al Capone. Ils ont tous été ses victimes. On croit également qu’Hitler, Lénine, Mussolini, Idi Amin, Oscar Wilde, Howard Hughes et même Abraham Lincoln en ont souffert.

La grande vérole était la syphilis, l’une des maladies les plus mortelles et les plus dévastatrices de l’histoire de l’humanité. La première épidémie de syphilis répertoriée en Europe a ravagé le port de Naples en 1495. Pendant des années, les historiens et les scientifiques ont cru que la maladie était arrivée en Europe avec les équipages de Christophe Colomb revenant du Nouveau Monde. Toutefois, les dernières découvertes archéologiques ont révélé qu’une forme apparentée de la maladie était peut-être présente en Europe avant même le contact avec les Amériques.

Shakespeare l’a surnommée « la maladie infinie » et, pendant des siècles, la syphilis, qui peut se propager par des rapports vaginaux, anaux ou oraux, a marqué le cours des événements humains, détruit des mariages, perturbé les ordres de succession royaux et renversé des empires.

Néanmoins, au XXe siècle, grâce à l’arrivée de la pénicilline, à des campagnes de santé publique vigoureuses, à des tests sanguins avant le mariage et à une meilleure compréhension de l’importance de l’utilisation du condom, nous pensions que cette maladie avait été reléguée aux livres d’histoire. Il y a 20 ans, elle a pratiquement été éradiquée au Canada. Comme la variole, il semblait que la grande vérole ne nous affligerait plus. Nous étions naïfs.

Je vais vous donner quelques chiffres en provenance de l’Alberta. Ce sont ceux que je connais le mieux puisque, en tant que journaliste, j’ai couvert le début de notre épidémie de syphilis, et parce que la région d’Edmonton semble avoir été l’épicentre de l’épidémie canadienne actuelle.

Entre 1992 et 2002, pas un cas de syphilis chez le nourrisson n’a été enregistré dans ma riche province. En fait, en 1996, il n’y a eu qu’un cas connu de syphilis infectieuse dans toute l’Alberta. Puis, subitement, entre 2005 et 2007, cinq nourrissons albertains sont morts de la syphilis, la plupart dans la région d’Edmonton. Neuf autres nourrissons présentaient à la naissance une syphilis congénitale qui peut entraîner des dommages aux os, au cœur et au cerveau.

À l’époque, l’Edmonton Journal, pour lequel je travaillais, a rapporté qu’il y avait environ 200 cas connus de syphilis dans toute la province. J’ai écrit plusieurs chroniques pour réclamer la prise de mesures. J’ai réclamé une campagne de santé publique pour alerter les Albertains, surtout les femmes enceintes. Cependant, le ministre de la Santé de l’époque, Ron Liepert, qui est maintenant député à l’autre endroit, ne voulait rien entendre. M. Liepert a personnellement annulé toute la campagne de sensibilisation à la syphilis que son ministère avait planifiée. À l’époque, il a dit :

Les Albertains qui présentent un risque élevé doivent assumer une plus grande responsabilité pour leur propre santé et ne pas laisser à la population générale le soin d’en assumer la responsabilité à leur place.

À l’époque, j’avais une formidable tribune dans les pages du journal, et j’ai répliqué dans un message. Voici ce que j’ai écrit :

Le retour de la syphilis au Canada serait une tragédie humaine, sans parler de la source d’embarras qu’il serait sur la scène internationale. Nous devons agir rapidement et vigoureusement, sans jugement moral, pour enrayer cette flambée épidémique.

Je crains qu’il ne s’agisse là que de paroles creuses, car entre 2018 et 2022, les Services de santé de l’Alberta ont déclaré que 50 bébés étaient mort-nés en Alberta en raison de la syphilis qu’ils avaient contractée de leur mère in utero. Ces mort-nés ne représentent que le cinquième de tous les nourrissons infectés par cette maladie.

En 2023, les nouvelles étaient encore plus lugubres. Selon les données des Services de santé de l’Alberta, l’an dernier, en Alberta, on a déclaré plus de 17 000 cas de syphilis chez des adolescents et des adultes, de même que 340 autres cas chez des bébés. Ce ne sont là que les cas dépistés. La maladie est fort probablement sous‑diagnostiquée, puisque de nos jours, ce ne sont plus tous les médecins qui savent en déceler les premiers signes.

La syphilis a été surnommée « le grand imitateur » parce que ses symptômes primaires et secondaires — ulcères indolores, éruption cutanée, fièvre, glandes enflées, maux de tête, perte de poids et douleurs musculaires et articulaires — peuvent facilement être confondus avec ceux d’autres maladies et mener à un diagnostic erroné. Il est également difficile d’en suivre la trace puisque la maladie peut se tapir et demeurer latente dans le corps pendant des années après l’infection initiale, sans que la personne touchée manifeste le moindre symptôme. Il est possible que les conséquences les plus dangereuses de cette maladie ne se manifestent que 10, 20 ou 30 ans après l’infection initiale. Alors, la syphilis peut devenir mortelle, attaquer le cœur, les vaisseaux sanguins, le système nerveux et le cerveau.

L’Alberta n’a pas connu de taux de syphilis aussi élevés depuis les années 1940. Même si les infections à la syphilis augmentent en flèche dans d’autres parties du Canada, notamment au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Saskatchewan et au Manitoba, l’Alberta a toujours la triste distinction d’être en tête du peloton.

En vérité, je me suis concentrée sur les taux de mortalité infantile parce qu’il s’agit des taux les plus choquants et possiblement de ceux qui risquent le plus de susciter de la sympathie envers les personnes infectées. Toutefois, les nourrissons ne meurent évidemment que parce que leurs parents sont porteurs de la maladie. Selon les données de 2022 de Statistique Canada, les hommes sont plus susceptibles d’être atteints de syphilis que les femmes. En 2022, 65 % des cas au Canada ont été décelés chez des hommes, mais le nombre de cas chez les femmes a fortement augmenté. En 2018, seulement 21 % des personnes atteintes de syphilis étaient des femmes. En 2022, ce pourcentage était passé à 35 %.

Selon la Société canadienne de pédiatrie, les facteurs de risque associés à la syphilis peuvent inclure l’usage de drogues injectables, de méthamphétamine en cristaux ou d’autres substances, la vente ou l’achat de services sexuels, le fait d’être en situation d’itinérance, l’utilisation irrégulière de condoms, le fait d’avoir plusieurs partenaires, et le fait d’avoir déjà contracté d’autres infections transmises sexuellement et par le sang.

Selon l’Association des femmes autochtones du Canada, les taux sont 13 fois plus élevés dans les communautés autochtones que dans les collectivités non autochtones.

Un autre facteur vient compliquer la situation : une personne au stade primaire de la syphilis, lorsqu’elle présente des ulcères semblables à ceux de la vérole, court un risque beaucoup plus élevé de contracter le VIH-sida en raison de ses plaies ouvertes. Bien sûr, nous ne vivons pas en 1495 ou en 1895. La syphilis est une infection bactérienne, pas un virus, et nous disposons aujourd’hui d’antibiotiques qui peuvent la guérir. Il n’est pas nécessaire de recourir à des cocktails de médicaments coûteux ou compliqués pour la traiter. Lorsqu’elle est détectée à un stade précoce, elle est tout à fait traitable. Si les mères atteintes de syphilis bénéficient d’un dépistage et de tests prénataux appropriés, il est possible d’empêcher que des bébés meurent ou naissent avec une syphilis congénitale. Mais nous ne faisons pas assez de tests et nous n’offrons pas assez de traitements.

Bien sûr, les femmes qui risquent le plus d’être porteuses de la syphilis et d’infecter leur bébé sont précisément celles qui ont le moins accès à des soins prénataux de qualité, mais le problème est plus complexe. Il n’y a pas que les hommes et les femmes qui sont socialement vulnérables et qui présentent un risque élevé à cause de la pauvreté, de l’itinérance ou de la toxicomanie qui ne bénéficient pas de soins de santé primaires uniformes. Nous traversons une crise chronique au Canada en ce qui concerne l’accès aux soins de santé primaires, ce qui signifie que des jeunes de tous les horizons qui ont une vie sexuelle active et des partenaires multiples — les étudiants universitaires ou les jeunes professionnels — n’ont pas non plus de médecin de famille. Ils ne se font pas examiner régulièrement, ce qui ne facilite pas le dépistage, le suivi ou le traitement de la syphilis. En outre, nous n’en faisons pas assez pour informer les gens des dangers de ce vieux fantôme.

J’ai peut-être été un peu dure, tout à l’heure, envers l’ancien ministre de la Santé de l’Alberta, Ron Liepert, car il est impossible de savoir si une campagne de santé publique plus vigoureuse et faite au bon moment aurait réellement empêché la multiplication des cas de syphilis. Cela dit, j’ai grandi pendant l’épidémie de sida et je me souviens des campagnes de santé publique, certes tardives, mais quand même très efficaces, qui encourageaient les gens à se protéger lorsqu’ils avaient des rapports sexuels. Je me souviens des combats menés pour que des distributrices de condoms soient installées dans les écoles secondaires de banlieue. Ces campagnes ont contribué à réduire l’incidence de l’infection par le VIH. Dans le cas de la syphilis, toutefois, les interventions ont été timides il y a 20 ans et nous ne tirons toujours pas la sonnette d’alarme avec assez de vigueur, puisque les gens pensent encore que la syphilis est une maladie de l’ancien temps ou encore une maladie qui n’est pas vraiment grave ni mortelle.

(1710)

Un autre défi se présente à nous aujourd’hui. Dans le sillage de la pandémie de COVID-19, nous avons assisté — partout en Amérique du Nord — à de vives réactions contre les campagnes de santé publique, les campagnes de vaccination, l’épidémiologie et la science. En 2007, le gouvernement de l’Alberta refusait de parler aux gens des risques que posait la syphilis parce qu’il était guidé par le puritanisme et la morale. Maintenant, nous sommes confrontés à un problème légèrement différent, soit l’érosion de la confiance de la population envers la santé publique, carrément.

Cette érosion de la confiance est due en partie à une vision déformée du libertarisme, qui assimile toute mesure ou campagne de santé publique, de la fluoration à la pasteurisation en passant par la vaccination des enfants, à une tyrannie de l’État. Elle vient aussi, en partie, de la peur des « grandes pharmaceutiques » ou de la « médecine conventionnelle », d’une croyance, répandue en partie par des campagnes de désinformation, que les médecins, les infirmières du réseau de la santé publique et les chercheurs du domaine médical qui consacrent leur vie à nous garder en santé sont devenus des ennemis, en quelque sorte.

Ce n’est pas seulement que la syphilis nous revienne du bas Moyen-Âge. C’est comme si certains de nos dirigeants voulaient eux aussi revenir à une mentalité médiévale qui rejette tous les progrès scientifiques du siècle dernier, comme ne le montre que trop clairement la nomination de Robert F. Kennedy Jr. à la tête du ministère américain de la Santé et des Services sociaux la semaine dernière.

Malheureusement, l’homophobie et la transphobie font partie de l’équation elles aussi. En Alberta, par exemple, le gouvernement Smith a annoncé que l’éducation sexuelle dans les écoles publiques serait désormais facultative et ne pourrait être dispensée qu’avec l’accord des parents. Auparavant, les parents qui souhaitaient retirer leurs enfants des cours d’éducation sexuelle avaient le droit de le faire, mais ils devaient signer un formulaire pour obtenir le retrait proactif de leurs enfants. Désormais, la province renverse ce protocole, et les enfants ne pourront assister à ces cours de santé que si leurs parents les y autorisent explicitement.

Cette mesure est prise sous prétexte de protéger les enfants et leur famille contre l’apprentissage « forcé » de l’homosexualité et de la transsexualité, mais, au bout du compte, de très nombreux enfants et adolescents n’auront pas l’occasion d’apprendre ce qu’est la bonne vieille reproduction hétérosexuelle et la santé sexuelle. Le résultat, on peut logiquement le supposer, pourrait bien être une augmentation des grossesses chez les adolescentes et des maladies sexuellement transmissibles.

Car, si je me suis concentrée sur la syphilis aujourd’hui, les taux de toutes sortes d’infections sexuellement transmissibles sont en hausse. Nous perdons des batailles que nous pensions avoir déjà gagnées, et nous nous battons maintenant non seulement contre la stigmatisation sociale et l’inertie, mais aussi contre une véritable campagne au nom de l’ignorance.

[Français]

Je tiens à remercier le sénateur René Cormier, mon courageux et sage collègue, d’avoir lancé cette interpellation en ce moment crucial. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’une vision comme la sienne pour nous inciter à agir. Merci, mon ami.

Merci, chers collègues. Hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L’honorable Ratna Omidvar, O.C., O.Ont.

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Clement, attirant l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Ratna Omidvar.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler d’un sujet plus joyeux, quoique doux-amer, en prenant part au débat sur l’interpellation concernant les contributions exceptionnelles de la sénatrice Ratna Omidvar au Sénat du Canada et à l’ensemble du pays.

Pendant que je préparais mes observations, une phrase du Songe d’une nuit d’été, la comédie de Shakespeare, me venait constamment à l’esprit : « [E]t, toute petite qu’elle est, elle est féroce. »

Je ne pense pas que vous puissiez reprocher à mon esprit de ne pas trouver de meilleure façon de décrire la sénatrice Omidvar, à part peut-être en disant qu’elle vole comme le papillon et pique comme l’abeille, une description qui n’est pas empruntée à Shakespeare, mais à Muhammad Ali.

C’est parce que Ratna Omidvar est une championne : une championne des droits de la personne au Canada et dans le monde entier, une championne de la réforme de l’immigration, une championne de la réforme fiscale, une championne de la réforme des soins de santé et une championne de la réforme du Sénat.

Le Sénat indépendant tel que nous le connaissons aujourd’hui n’existerait tout simplement pas sans ses premiers efforts — dont beaucoup ont été déployés en coulisse — pour restructurer et revigorer le travail des sénateurs indépendants et du premier Groupe des sénateurs indépendants. Faisant partie des sept premiers sénateurs indépendants nommés par le premier ministre en 2016, elle a fait un travail novateur pour jeter les bases du Sénat tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Elle a été une mentore remarquable pour les sénateurs qui ont suivi ses traces. Dès mon arrivée à Ottawa, un peu hébétée et désorientée, elle m’a prodigué ses conseils sur la manière de me comporter au Sénat. Elle a offert une « formation sur les règles » aux nouveaux sénateurs. Plus tard, elle m’a donné des conseils sur la manière de lancer une interpellation, de présenter une motion ou de trouver un excellent dosa dans les environs.

Si Ratna a été une véritable mentore, elle a été encore plus importante pour moi en tant que modèle, en tant qu’exemple de ce qu’une sénatrice peut et doit être. J’ai été émerveillée par sa capacité à transformer sa passion et ses idéaux en actions concrètes. Beaucoup de sénateurs ont des causes qu’ils défendent. Cependant, peu d’entre nous ont réussi de manière aussi tangible à faire avancer leurs idées jusqu’à ce qu’elles deviennent des lois. Sa capacité à se battre pour ses principes et à défendre ses idéaux tout en adoptant une approche pragmatique et sensée pour parvenir à un consensus et faire avancer les choses a été une source d’inspiration pour moi, et je sais qu’elle l’a été aussi pour d’autres.

Ratna Omidvar m’a dit un jour que sa véritable force résidait dans ses talents de rassembleuse et d’organisatrice. Même si je pense qu’elle a beaucoup d’autres dons, sa capacité à rassembler des personnes diverses, au-delà des lignes partisanes, pour travailler sur des questions qui transcendent l’idéologie, est certainement l’un de ses pouvoirs magiques. Elle sait comment entamer des conversations importantes. Elle ne sait pas seulement comment s’exprimer, mais aussi comment écouter, ce qui est tout aussi important.

J’ai également été inspirée par son énergie débordante, son enthousiasme inébranlable, sa vivacité d’esprit, sa grande intelligence et sa curiosité insatiable pour de nombreux sujets, qu’il s’agisse du sort des municipalités canadiennes, des défis auxquels les étudiants étrangers sont confrontés ou de l’établissement de relations entre les immigrants et les Autochtones du Canada.

Bien sûr, elle a dénoncé les violations des droits de la personne au Canada, en Iran, en Afghanistan, en Birmanie et à Hong Kong. Elle s’est toutefois montrée particulièrement implacable en critiquant la tyrannie du gouvernement russe et des oligarques russes, et en trouvant des façons créatives de défendre le peuple ukrainien.

Chaque fois que je crois tout connaître sur Ratna Omidvar, elle me surprend. Qui aurait cru, par exemple, qu’elle parle couramment l’allemand et qu’elle connaît si bien les problèmes de l’Allemagne moderne et unifiée? Na ja, sie ist eine bemerkenswerte Frau. Vraiment, c’est une femme remarquable. Et qui savait à quel point elle aurait l’air fantastique vêtue de blue-jeans et d’un chapeau de cowboy au Stampede de Calgary, comme une vraie fille des Prairies prête pour une longue chevauchée.

Après le Stampede, j’ai eu le plaisir d’accueillir Ratna à Edmonton, une ville qu’elle n’avait jamais visitée. J’étais déterminée à la convaincre de la beauté, de la diversité culturelle et de l’ingéniosité de notre ville. J’ai donc rempli son emploi du temps de réunions et d’événements. Mais je n’oublierai jamais un moment que nous avons partagé lors de notre visite du centre Indigenous Peoples’ Experience, au parc historique de Fort Edmonton. Ce centre, qui a ouvert ses portes en 2021, est — si je puis dire — un musée immersif remarquable, qui offre l’une des meilleures explications de l’histoire et de la culture des Premières Nations et des Métis que j’aie jamais vues. Il utilise des supports audiovisuels de manière très créative. Chaque fois que je le visite, je suis émue par son charme profond et lumineux et par la manière réfléchie et évocatrice dont il aborde la culture autochtone, les séquelles des pensionnats autochtones et la résilience des Autochtones. J’étais tellement heureuse de faire découvrir cet endroit à la sénatrice.

Je suis donc restée perplexe quand je me suis approchée de Ratna et que j’ai vu qu’elle tremblait presque d’indignation. Je me demandais ce qui n’allait pas. Elle m’a regardé avec indignation : « Pourquoi personne ne m’a jamais parlé de cet endroit? Tous les Canadiens devraient connaître cet endroit. Tous les Canadiens devraient le voir. »

J’ai trouvé que cela résumait parfaitement sa curiosité sans bornes, sa passion pour le savoir, pour les gens et pour la justice, sa quête incessante pour mieux comprendre les complexités de ce pays qu’elle aime tant.

Ratna est partie vivre de nombreuses autres aventures, à Berlin et à l’Université métropolitaine de Toronto. Mais j’ai hâte qu’elle tienne sa promesse et qu’elle ramène toute sa famille à Edmonton pour séjourner à Fort Edmonton Park. Car elle me manque déjà.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

L’honorable Jane Cordy

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice White, attirant l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Jane Cordy.

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une amie et collègue extraordinaire, la sénatrice Jane Cordy. Après une carrière remarquable comme enseignante dévouée et en qualité de membre de notre institution y ayant accumulé les plus longs états de service, elle a eu un impact considérable sur la vie d’innombrables personnes dans sa province et son pays.

Jane, vous avez été un modèle dans tous les sens du terme. Vous nous avez montré ce que signifie servir avec détermination et intégrité. Votre engagement envers votre province et votre pays nous a guidés et nous a rappelé de ne jamais perdre de vue nos responsabilités communes.

(1720)

Je me suis joint au Groupe progressiste du Sénat en grande partie grâce à vous. Vous avez rassemblé notre équipe, toujours avec beaucoup d’élégance et avec un respect, une attention et un soutien authentiques pour tous ceux qui vous entouraient.

Dans un environnement souvent agité et bruyant, vous nous avez montré que le véritable leadership ne consiste pas à se tenir au‑dessus des autres, mais plutôt à marcher à leurs côtés. Votre mentorat a été un cadeau que beaucoup d’entre nous chérissent. Vous étiez toujours là, que ce soit pour donner des conseils, donner un coup de main ou simplement être une amie.

Je vous remercie des innombrables façons dont vous m’avez appuyé et guidé, ainsi que de la chaleur et de la sagesse que vous avez partagées si généreusement.

Alors que vous entamez votre retraite, je ne vous souhaite que joie et épanouissement. Profitez de chaque moment passé avec votre merveilleux époux, Bob, et vos filles, leurs maris et leurs enfants — Michelle, William, Luke et Caleb Brown, et Alison, Matt, Liam et Cohen Ripley — ainsi qu’avec toute votre famille élargie et vos amis.

Je sais que vous savourerez chaque jour, que vous explorerez de nouvelles passions et que vous établirez probablement de nouveaux records sur les terrains de golf ou de pickleball ou autour des tables de bridge.

Enfin, ne pensez pas un seul instant que ces adieux nous sépareront. J’ai bien l’intention de rester en contact avec vous.

Félicitations, chère amie. Votre absence du Sénat est déjà profondément ressentie, mais votre héritage se perpétuera pour les générations à venir.

Wela’lin. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice White, le débat est ajourné.)

(À 17 h 22, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 26 novembre 2024, à 14 heures.)

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