Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 242
Le mercredi 27 novembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 27 novembre 2024
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
La sanction royale
Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 27 novembre 2024
Madame la Présidente,
J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 27 novembre 2024 à 10 heures.
Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.
Secrétaire du gouverneur général,
Ken MacKillop
L’honorable
La Présidente du Sénat
Ottawa
Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mercredi 27 novembre 2024 :
Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois (projet de loi S-13, chapitre 30, 2024)
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Hommages
L’honorable Stephen Greene
L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, j’ai récemment appris que le film préféré du sénateur Greene est Casablanca. C’est un chef-d’œuvre du cinéma et l’un des films les plus cités du cinéma américain. En hommage à mon ami et collègue Stephen Greene, je tiens d’abord à adapter cette réplique classique : de toutes les Chambres hautes, de tous les parlements dans le monde, il fallait qu’il entrât dans la nôtre.
En rétrospective, tous les sénateurs auraient dû s’en douter en 2009. Nous savons maintenant, avec le recul, l’étendue de la contribution de ce fier Néo-Écossais.
Ce serait un euphémisme de dire que le sénateur Greene était un réformiste — et pas seulement parce qu’il a été candidat du Parti réformiste aux élections de 1993 et 1997 et chef de cabinet de Preston Manning. Il était un réformiste, mais aussi un réformateur. Que ce soit au niveau fédéral ou au sein du Cabinet du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, son rôle consistait à régler les problèmes qui nécessitaient de l’attention. En tant que secrétaire principal du premier ministre provincial, il a joué un rôle important dans l’amélioration de l’Accord atlantique en 2006.
Je vais peut-être susciter quelques réactions en disant cela, mais le sénateur Greene et son ami le sénateur Massicotte peuvent être considérés comme les premiers architectes de la modernisation du Sénat tel qu’on le connaît aujourd’hui. En 2015, le sénateur Greene a co-organisé les séances de travail sur la modernisation du Sénat, qui ont lancé de sérieuses discussions sur les changements à apporter au Sénat. Il est ensuite devenu membre du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat et il est allé défendre, à titre de témoin, les conclusions des séances de travail.
Après le départ du sénateur McInnis, le sénateur Greene l’a remplacé à la présidence du comité et il a présenté deux rapports sur les propositions de changements à apporter au fonctionnement du Sénat. Bon nombre des nouvelles règles qui sont en vigueur aujourd’hui tirent directement leur origine de ces balbutiements, en 2015, et de ces séances de travail, qui sont maintenant bien connues.
Je dois dire que le sénateur Greene fait partie des 11 membres fondateurs du Groupe des sénateurs canadiens. Sa participation a contribué grandement à la formation du noyau de membres et à réunir les « suspects habituels ». Pour les sénateurs qui sont trop jeunes, il s’agit encore une fois d’une allusion à Casablanca. Il s’est acquitté avec brio des fonctions d’agent de liaison adjoint.
Honorables sénateurs, lorsqu’on entre ici pour la première fois, on songe nécessairement à la trace qu’on laissera au Sénat, dans la politique canadienne et dans le fonctionnement du pays. Pour quelques chanceux, cette trace est un legs durable qui résistera à l’épreuve du temps.
Stephen, avant de sortir pour la dernière fois de cette enceinte, souvenez-vous que vous y avez laissé votre trace, c’est-à-dire un grand legs. Le Sénat ne sera plus le même sans vous. Vous laisserez un grand vide dans le monde de la politique. « Here’s looking at you, kid. »
Des voix : Bravo!
Le sénateur Tannas : Au nom de vos collègues du Groupe des sénateurs canadiens qui vous entourent, nous vous rendons hommage à vous, ainsi qu’à Shami — qui, soit dit en passant, est devenue ces derniers temps une véritable membre de la famille du Sénat —, et nous vous souhaitons à tous deux une heureuse retraite.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Tannas, il est toujours difficile de prendre la parole après vous.
Honorables sénateurs, mon film préféré est Le Parrain. Vous vous souviendrez de la scène où on envoie Robert Duvall, qui joue le rôle de Tom Hagen, présenter une demande à un producteur de films. Sa demande est rejetée, et il décide de l’annoncer immédiatement au parrain, car ce dernier aime être informé rapidement des mauvaises nouvelles. Je veux moi aussi vous informer d’une mauvaise nouvelle, chers collègues : le sénateur Greene nous quitte, et c’est vraiment une énorme perte.
C’est le mieux que je puisse faire, et ce n’est qu’une pâle imitation de votre intervention, Scott.
(1410)
C’est le cœur un peu tiraillé, et avec une certaine tristesse, que je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage aujourd’hui, au nom du bureau du représentant du gouvernement, à notre ami et collègue l’honorable Stephen Greene.
Que ce soit dans le privé ou dans la fonction publique fédérale et provinciale, le sénateur Greene a mené une carrière exemplaire. Après ses débuts à l’ambassade du Canada, il a occupé plusieurs fonctions, notamment au Service extérieur. Comme le sénateur Tannas l’a mentionné, il a été chef de cabinet du chef du Parti réformiste du Canada, Preston Manning, secrétaire principal et chef de cabinet adjoint du premier ministre de la Nouvelle-Écosse Rodney MacDonald, puis finalement, il a été nommé ici, au Sénat, où il a su mettre à profit sa grande sagesse et sa vaste expérience dans l’intérêt des Néo-Écossais et de l’ensemble des Canadiens.
Pendant ses années au Sénat, il a siégé au sein de nombreux comités — trop nombreux pour tous les nommer ici —, mais, un peu comme le sénateur Tannas, je veux surtout insister sur ce qu’il a fait à titre de président du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. Pendant ses années au Sénat, il s’est employé à moderniser le Sénat pour en faire une institution plus efficace au service de l’ensemble des Canadiens. Tout ce qu’il a fait dans ce dossier, et qui a entraîné la création du comité, et tous ses travaux de rédaction des rapports, comme on l’a déjà mentionné, témoignent de cet engagement. Ses efforts ont été déterminants.
Sénateur Greene, quand je suis arrivé au Sénat, je faisais partie d’une première vague de sénateurs nommés dans le cadre du nouveau système, alors que vous et beaucoup d’autres de vos collègues — dont certains sont encore ici, mais beaucoup sont partis — étiez déjà des vétérans ici. Vous n’êtes pas le seul à m’avoir impressionné par votre dévouement envers cet endroit et envers les Canadiens, mais vous ressortiez du lot, et je pense que nous avons également mentionné notre collègue. Malgré votre partisanerie et vos opinions bien arrêtées, vous avez compris la nécessité de collaborer avec les sénateurs, anciens et nouveaux, pour essayer d’améliorer cet endroit.
Pour moi, cela illustre ce qu’il y a de mieux au Sénat : que vous ayez abordé votre travail en tant que personne douce et noble animée d’opinions bien arrêtées. Vous et moi n’avons pas toujours été d’accord sur les orientations publiques. Vous êtes un peu plus libertaire que moi, peut-être, mais je vous apprécie profondément, ainsi que votre indépendance et votre intégrité. Vous nous manquerez. Au nom du bureau du représentant du gouvernement, je vous souhaite une excellente retraite bien méritée.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, mon film préféré est True Lies : le caméléon.
Chers collègues, en mon nom et au nom de l’ensemble de l’opposition du Sénat, je souhaite moi aussi souligner le départ à la retraite du sénateur Stephen Greene. Après une carrière bien remplie dans le secteur de la pêche, au service extérieur — bien entendu — et, oui, au sein du mouvement conservateur, le sénateur Greene a été nommé sur la recommandation du très honorable Stephen Harper en 2009 pour représenter la population de la Nouvelle-Écosse au Sénat et en tant que membre du Parti conservateur du Canada.
Même s’il vient au départ de Montréal, notre collègue a lentement, mais sûrement tissé des liens très étroits avec la province qu’il a choisi de faire sienne. Comme il l’a lui-même dit dans son tout premier discours : « La Nouvelle-Écosse est ma province par choix, et non par naissance. »
Le sénateur Greene accordait énormément d’importance à la réforme du Sénat; il s’agit d’ailleurs d’un des moments forts de sa carrière. Au risque d’en étonner certains, les réformes du Sénat n’ont pas débuté avec l’arrivée de Justin Trudeau. Elles ont commencé plus tôt, avec l’arrivée de Stephen Greene. Notre collègue milite depuis longtemps pour que le Sénat soit plus transparent et plus efficace et pour qu’il rende davantage de comptes. Le sénateur Greene a toujours dit que le Sénat devrait mieux refléter la volonté démocratique des Canadiens et que son fonctionnement devrait être plus efficient.
Chers collègues, sur une note plus légère, au moment de sa nomination, le sénateur Greene était membre du caucus conservateur et il l’est resté un certain temps après. Il est quelque peu paradoxal qu’il soit aujourd’hui membre du Groupe des sénateurs canadiens aux côtés du sénateur Smith, qui l’a arraché au caucus conservateur en 2017. Je ne sais pas si c’était intentionnel ou non.
Stephen, je sais que vous avez connu des problèmes difficiles au cours de la dernière année. Je veux que vous sachiez que nos pensées et nos prières vous accompagnent alors que vous passez à la prochaine étape de votre vie.
Chers collègues, le sénateur Greene a toujours été un homme de peu de mots, donc, honorable sénateur, je vous souhaite une belle retraite.
L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole en tant que représentant du Groupe des sénateurs indépendants, mais aussi en tant que collègue et ami du sénateur Stephen Greene, dont nous soulignons le départ à la retraite.
Le sénateur Greene a laissé sa marque sur notre institution, et pas seulement avec des mots, avec des gestes concrets qui ont provoqué des changements substantiels et aidé le Sénat à mieux servir les Canadiens.
Le passage du sénateur Greene dans notre assemblée se définit par son attachement sans faille à la réforme et à la modernisation de celle-ci. Il était profondément convaincu que le Sénat avait ce qu’il fallait pour mieux servir les Canadiens, et c’est ce qui a motivé une bonne partie de son travail. Que ce soit en réclamant la fin de la partisanerie institutionnalisée ou en remettant en question le statu quo, le sénateur Greene a incarné le véritable visage d’un sénateur : celui d’une personne prête à faire passer le bien public avant la complaisance politique, même lorsqu’il y a un prix à payer.
Pendant des années, le sénateur Greene a mené la lutte pour la modernisation du Sénat, prouvant qu’il y a moyen de progresser quand on sait surmonter les différences idéologiques. Pour lui, la modernisation du Sénat n’était pas qu’un simple dossier, c’était une mission. Sa collaboration avec des sénateurs de toutes les allégeances montre qu’il avait raison de croire que notre force réside dans la diversité de nos points de vue et que cette force peut être utilisée pour le bien des Canadiens.
Bien sûr, une réforme ne se fait jamais sans résistance. La détermination du sénateur Greene à remettre en question la partisanerie enracinée au Sénat l’a amené à faire preuve d’audace et à quitter son groupe politique. Il a choisi les principes plutôt que la commodité, une décision qui en dit long sur sa personnalité. Ce n’est pas tous les jours que quelqu’un renonce volontairement à la sécurité des lignes de parti, mais, encore une fois, le sénateur Greene n’a jamais été du genre à faire les choses à moitié.
Le sénateur Greene et moi avons eu notre part de débats — constructifs, bien sûr — sur la meilleure façon de moderniser le Sénat. Même si je ne peux pas dire que nous avons toujours été d’accord, je dirai ceci : travailler avec lui, c’était comme suivre un cours intensif en détermination. Il ne croit pas seulement à la réforme, il l’incarne.
Au-delà de la modernisation, son travail sur des questions comme la compétitivité des aéroports et l’équité régionale nous a rappelé que le Sénat a le potentiel de s’attaquer aux défis quotidiens auxquels les Canadiens sont confrontés. Ses efforts ne se limitaient pas à la théorie; ils visaient à trouver des solutions pratiques et sensées pour les familles, les entreprises et les collectivités.
Stephen, alors que vous quittez cette enceinte, j’espère que vous saurez que votre travail a été important — comme les sénateurs viennent de le souligner — non seulement pour cette institution, mais aussi pour les Canadiens qu’elle sert.
Merci, mon bon ami, de vos conseils, de votre dévouement et de votre exemple de ce que signifie accorder la priorité aux Canadiens. Je vous aime.
[Français]
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénatrices et sénateurs, j’ai le plaisir, au nom des sénateurs indépendants du Groupe progressiste du Sénat, de rendre hommage au sénateur Greene.
[Traduction]
Au cours de son mandat au service des Canadiens, le sénateur Greene a parcouru un chemin tortueux, mais axé sur des principes. Dans son premier discours au Sénat, il a déclaré :
Je crois d’abord et avant tout aux idées, peu m’importe d’où elles viennent et qui me les communique. Parfois, cela me porte à être partisan de deux partis plutôt que d’un seul.
Nommé à titre de conservateur en 2008, le sénateur Greene s’est présenté au Sénat comme étant « un ancien membre du Parti réformiste du Canada ».
(1420)
En 2016, au début de la réforme visant à rendre le Sénat plus indépendant, il est devenu le premier sénateur conservateur à parrainer un projet de loi du gouvernement — le sénateur Harder s’en souviendra —, soit le projet de loi S-4, qui portait sur les conventions fiscales conclues avec Israël et Taïwan. À titre de parrain, il a déclaré :
J’ai l’honneur d’être l’un des premiers sénateurs — et j’espère qu’il y en aura bien d’autres — qui, malgré le fait qu’ils soient généralement en désaccord avec le gouvernement actuel, ce qui est mon cas, savent reconnaître les bonnes idées et les bonnes politiques lorsqu’elles se présentent, et qui sont prêts à parrainer un projet de loi d’initiative ministérielle au Sénat lorsqu’ils ne sont pas contre les mesures proposées.
C’était une déclaration courageuse qui l’a mené à siéger à titre de sénateur non affilié, pour ensuite siéger quelques années à titre de membre du Groupe des sénateurs indépendants avant de devenir membre fondateur du Groupe des sénateurs canadiens.
Son esprit indépendant a mené à sa collaboration avec le sénateur Massicotte, qui était alors libéral, avec qui il s’est lancé dans une quête visant à encourager et à promouvoir la réforme du Sénat. Le sénateur Massicotte et lui ont envoyé des questionnaires, organisé des discussions fort animées et compilé les réponses pour cerner les sujets faisant le plus l’objet d’un consensus.
Dans une lettre d’opinion parue en 2017, il a résumé sa vision changeante du Sénat de la façon suivante :
La démocratie canadienne a besoin d’une chambre haute qui fonctionne bien, libre de toute contrainte partisane. Le Sénat ne peut être une copie de la Chambre des communes. Son rôle législatif doit être distinct et utile. Toutefois, du fait qu’il n’est pas élu, le Sénat doit aussi agir avec retenue.
Je dois dire que je suis d’accord avec lui.
Le sénateur Greene a montré par ses actes — pas seulement par ses paroles — que le fait de rester fidèle à soi-même, au service de sa province et de son pays, devrait l’emporter sur la partisanerie. C’est là une leçon et un héritage impressionnant qu’il laisse à chacun d’entre nous.
Au nom du Groupe progressiste du Sénat, je vous souhaite une très heureuse retraite et je vous offre nos meilleurs vœux, sénateur Greene.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la femme de l’honorable sénateur Greene, Shamimu Netonze, de sa fille, Lana Greene, de son beau-fils, Shabram Ali, de son frère, John Greene, de sa sœur, Barbara Greene, et de sa belle-sœur, Susan Greene. Ils sont accompagnés d’amis et de membres actuels et anciens du personnel de l’honorable sénateur.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’honorable Stephen Greene
Remerciements
L’honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, tout ce que je peux dire, c’est « wow »! Sénateur Tannas, sénateur Gold, sénateur Plett, sénateur Dalphond et enfin, et ce n’est pas le moindre, sénateur Massicotte, je vous remercie de tout cœur pour vos paroles élogieuses et aimables. Je ne crois pas les mériter, mais je vous remercie quand même.
Mesdames et messieurs, tout d’abord, j’aimerais remercier Stephen Harper de m’avoir nommé au Sénat et mon épouse, Shami Netonze, et sa complice au sein de mon bureau, Adelheid Ruppenstein, de m’avoir maintenu à cette fonction.
C’est peut-être difficile à croire, mais c’est un fait : lorsque l’on étudie une chose que l’on pense vraie, elle se révèle être l’opposé de ce que l’on croit.
Je pensais avoir été whip du caucus conservateur à une seule occasion. Il se trouve que je l’ai été à trois occasions. J’ai servi à titre de whip adjoint de janvier 2010 à 2011, puis à deux autres reprises par la suite.
Lorsque Justin Trudeau a formé un gouvernement majoritaire en 2015, j’étais leader de la majorité au sein du groupe des whips.
En mai 2017, il y a eu un virage important. On m’a donné un ultimatum : accepter un dîner de remerciement du ministre Trudeau pour avoir parrainé un projet de loi du gouvernement identique — à la virgule près — à un projet de loi de l’autre gouvernement dont j’avais fait la promotion. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme je l’avais prévu, et je me suis retrouvé de l’autre côté de l’enceinte. Cela a confirmé à mes yeux que le Sénat devait changer pour pouvoir fonctionner de manière indépendante.
Le 4 novembre 2019, un nouveau groupe a vu le jour, celui des sénateurs canadiens. J’étais l’un de ses 11 membres fondateurs, avec les sénateurs Doug Black, de l’Alberta, Rob Black, de l’Ontario, Larry Campbell, Diane Griffin, Elaine McCoy, David Richards, Scott Tannas, Josée Verner, Pamela Wallin et Vernon White. Quel groupe, n’est-ce pas?
Chers collègues, le 9 décembre 2021, je vous apprenais que j’étais atteint de la maladie de Parkinson. Le Parkinson est une maladie très personnelle qui touche chaque personne différemment. Personne n’en est atteint de la même façon que soi.
Quand on a plus de 60 ans et qu’on vit au Canada, les chances de développer le Parkinson sont d’environ 1 sur 105. Ne me remerciez pas.
Ce qui est étonnant, cela dit, c’est que je me suis rendu compte que toutes les personnes à qui j’ai parlé depuis que j’ai annoncé la nouvelle, il y a trois ans, ont été très gentilles et m’ont fait savoir que ma relation avec elles n’avait pas changé.
J’ai un mantra dans la vie : c’est toujours mieux d’être joyeux que d’être un rabat-joie.
Selon moi, la maladie de Parkinson montre qu’il est possible de vivre pleinement sa vie. Franklin Roosevelt en est un excellent exemple historique, car il ne serait sans doute pas devenu président s’il n’avait pas eu la polio. Cette maladie a permis à l’homme aux facultés sociales et politiques immenses qu’il était d’atteindre tout son potentiel en apprenant l’humilité et en devenant une personne pour qui les Américains avaient envie de voter. D’homme de talent, il est devenu homme d’humilité.
Pour veiller à votre propre confort, ce qui est nécessaire, vous devez être quelque chose comme un ingénieur civil ou un spécialiste en recherche opérationnelle parce que vous devez trouver toutes les étapes qui permettent de se rendre du point A au point B en vous ménageant au maximum.
Laissez-moi vous parler du fauteuil électrique spécial. Il contribue justement à votre confort. J’en ai un et le considère comme indispensable parce qu’il est doté d’un dispositif qui vous éjecte du fauteuil pour que vous puissiez vous mettre debout.
Imaginez-vous la scène : mon équipe joue cet après-midi, et je m’apprête à regarder ce grand match à la télévision. Il y a du maïs soufflé et une boisson sur la table, près de moi et à côté de mon cher fauteuil, parce que je ne veux rien renverser. Je jette un autre coup d’œil et je juge que, lorsque je serai assis, mes rafraîchissements seront probablement encore hors de portée. Je prends donc le temps de tout replacer : maïs soufflé, boissons, rafraîchissements, et cetera. Ça y est, je suis fin prêt, mais je me rends compte alors que la télécommande est à l’autre bout de la pièce. Il me faudrait un dispositif télécommandé pour aller chercher ma télécommande.
Ouf, je me dis alors que le match sera rendu à la mi-temps lorsque j’aurai atteint la console où se trouve la télécommande. Je finis par m’asseoir, mais je suis tellement vexé que je frappe sur le fauteuil avec mon poing et ma main. Sauf que, ce faisant, j’appuie sur le mauvais bouton, celui qui me fait lever d’un coup. Résultat : je suis éjecté de mon siège et je me retrouve de nouveau de l’autre côté de la pièce.
(1430)
Plus la maladie progresse, plus les petites tâches quotidiennes qu’on a toujours faites sans effort deviennent un défi.
Me voilà donc, de l’autre côté de la pièce, couvert de maïs soufflé, quand mon épouse tourne le coin. Elle me voit là, assis par terre et entouré de maïs soufflé, et voici ce qu’elle me dit : « Mais chéri, je croyais que tu devais t’asseoir dans ton fauteuil. »
Ne désespérez pas, cela dit, honorables sénateurs. Beaucoup d’efforts sont déployés chaque jour pour faciliter la vie des gens atteints de Parkinson.
Il y a toutefois une chose essentielle à se rappeler : le patient ne peut être un bon patient sans ceux qui l’entourent. Je tiens donc à remercier mon épouse Shami, mon beau-fils Shabram, mon frère John, ma sœur Barb, ma merveilleuse fille Lana ainsi que Rose et Reed.
Je remercie également mes anciens collaborateurs, Nolan Bauerle et Christopher Reed, et mon adjointe actuelle, Adelheid Ruppenstein, pour tout le soutien qu’ils m’ont apporté au fil des ans.
Honorables sénateurs, je ne peux pas partir sans remercier Paul Massicotte. Quand une personne réussit à tisser des liens intellectuels et émotionnels comme ceux qui nous unissent, Paul, elle ne peut pas se tromper et elle n’a pas besoin d’autres amis.
Je crois que peu de choses auraient changé si Paul n’avait pas été là, mais je pourrais en dire autant des sénateurs Tannas, Downe, Wallin, Verner, Diane Bellemare, Jane Cordy, Larry Campbell, Tom McInnis, Elaine McCoy et de nombreux autres. Plusieurs milliers d’huîtres ont donné leur vie pour l’indépendance du Sénat.
Chers collègues, passés et présents, ce fut un honneur et un privilège de vous côtoyer. Je chéris votre amitié autant que le temps que j’ai pu passer avec vous ici, au Sénat. Merci du plus profond de mon cœur.
Des voix : Bravo!
Hommages à l’occasion de son départ à la retraite
L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre collègue le sénateur Stephen Greene. Puisque vous et moi n’avons pas siégé longtemps ensemble, je vous fais part des réflexions de mon directeur des affaires parlementaires, Chris Reed, qui a été le conseiller parlementaire du sénateur Greene, puis son directeur, de février 2016 à mars 2023. Je suis ravie de vous transmettre ces paroles parce que nous savons tous que le personnel joue un rôle essentiel dans notre vie et dans notre réussite en tant que sénateurs.
C’est maintenant Chris qui parle, alors tenez-vous bien. Voici ce qu’il dit :
Sénateur — Stephen — Steve,
Que peut-on ajouter aux hommages qu’on vous a déjà rendus?
Je sais que vos collègues sénateurs rendront hommage à vos nombreuses réalisations professionnelles, alors par l’entremise de la sénatrice Patterson, que je remercie, je vais plutôt parler de la personne que vous êtes, Steve.
Vous rappelez-vous que, lorsque j’ai commencé à travailler dans votre bureau, vous m’avez dit de vous appeler Steve? Je pense que j’en suis finalement capable, maintenant.
Saviez-vous que l’un de vos musiciens préférés, Duke Ellington, avait reçu la Médaille présidentielle de la liberté? Comme vous avez toujours cru à la liberté, je suis sûr que vous le saviez déjà.
Saviez-vous aussi que Louis Armstrong avait repris la chanson The Bare Necessities?
Comme vous me connaissez bien, vous saviez sans doute que j’allais faire une blague de Disney.
Plus sérieusement, je ne vous remercierai jamais assez de toute l’aide que vous m’avez donnée.
Je vous suis reconnaissant, à vous et à Adelheid, de m’avoir accordé une chance à l’automne de 2015, malgré les nombreuses difficultés que je vivais sur le plan personnel et professionnel. Revenir travailler auprès de vous, ici, au Sénat, a été un énorme soulagement.
Surtout, vous m’avez rappelé ceci :
Il en faut peu pour être heureux
Vraiment très peu pour être heureux
Chassez de votre esprit tous vos soucis et vos luttes [...]
Vous m’en devez une. Chris poursuit ainsi :
Ah, que nous avons eu du plaisir.
Nous n’avons peut-être pas résolu tous les problèmes du monde, mais, tard le soir, devant un whisky single malt taiwanais, nous avons fait de notre mieux.
Bon, d’accord, nous avons probablement un peu empiré les choses.
Mais le Sénat qui existe aujourd’hui est, en partie, le fruit de votre travail. Pour cela, j’estime que vous devriez être reconnu et salué.
Merci, bien sûr, à Shami et Shabram de nous avoir laissé vous emprunter de temps en temps. De même, je remercie Lana, Rose et Reed d’avoir partagé leur père et grand-père avec les Canadiens.
Un dernier conseil, ou instruction, si vous me le permettez [...]
— j’entends sa voix dans ma tête en ce moment —
[...] la prochaine fois que le premier ministre vous invitera à dîner, dites simplement « NON ».
Steve, vous avez toujours été un non-conformiste — un réformateur implacable. Ne changez surtout pas.
Je vous offre nos meilleurs vœux alors que vous retournez chez vous et célébrez le prochain chapitre de votre vie.
Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre ami et collègue Stephen Greene. J’ai le privilège de le connaître depuis mon premier jour au Sénat, il y a six ans, lorsqu’il m’a serré la main en guise de bienvenue. Depuis lors, nous avons travaillé ensemble au Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international, d’abord sous la direction de notre ancien collègue Raynell Andreychuk.
En 2020, lorsque je suis devenu président, Stephen a été nommé au comité directeur, et j’ai beaucoup apprécié son esprit de collaboration et son expertise. Ses questions et ses commentaires lors des séances du comité ont toujours été réfléchis et parfois difficiles, comme il se doit, car il est important de garder les témoins et ses collègues sur le qui-vive.
Stephen s’est toujours intéressé de près aux questions internationales, ce qui l’a très bien servi, ainsi que les autres membres du comité, dont je fais partie.
Avant de siéger au Sénat, il a travaillé à l’ambassade du Canada à Washington sur les questions de pêche et il a traité des questions relatives à la frontière maritime du golfe du Maine avec les États-Unis pendant son affectation à notre consulat général à Boston.
Il a ajouté à cela une expérience considérable dans le secteur privé en travaillant pour Clearwater Fine Foods. Il s’agit là des questions que l’on qualifie d’« intermestiques » avec les États-Unis, et je soupçonne que nous serons confrontés à de nombreuses autres questions de ce genre au cours des prochaines années.
Toutefois, son esprit curieux est allé bien plus loin, de l’OTAN — j’ai beaucoup aimé notre mission commune à Londres en 2019, dans le cadre d’une session de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN — jusqu’à l’avenir de Taïwan, en passant par l’évolution du rôle du Canada dans le monde. Tous ces sujets, et bien d’autres encore, ont occupé une place importante dans ses réflexions et dans ses lectures exhaustives sur ces thèmes importants.
Ensuite, il y a son côté politique. Winston Churchill a dit un jour :
La politique est presque aussi excitante que la guerre, et tout aussi dangereuse — à la guerre vous pouvez être tué une fois seulement; en politique, plusieurs.
Eh bien, Stephen est plusieurs fois survivant.
Cela dit, peu importe où il a travaillé et quelle fonction il a remplie — que ce soit en tant que candidat fédéral pour le Parti réformiste du Canada, collaborateur d’un ancien gouvernement progressiste-conservateur en Nouvelle-Écosse, ou sénateur du Parti conservateur ou du Groupe des sénateurs canadiens —, il s’est imposé de manière convaincante tout en restant fidèle à ses principes, en particulier au fil de l’évolution du Sénat.
Si je me souviens bien, il a mentionné ses affiliations dans son discours émouvant, mémorable et franchement humoristique sur la maladie de Parkinson, dont il est atteint, en 2021, et il n’a pas manqué l’occasion de s’en prendre à tous les groupes, un peu comme dans son discours d’aujourd’hui.
Il me manquera au Sénat, comme à beaucoup d’autres. Il retournera dans la Nouvelle-Écosse qu’il aime tant, avec sa conjointe dévouée, Shami, pour prendre une retraite extrêmement bien méritée. Quant à savoir s’il est prêt à se poser, c’est une autre histoire.
Ayant eu l’occasion de connaître l’excellente équipe de Stephen au fil des ans, je m’en voudrais de ne pas souligner la chance qu’il a eue de travailler avec Adelheid Ruppenstein pendant 16 ans et avec Christopher Reed pendant de nombreuses années.
Stephen, je sais que le Sénat vous manquera et que vous nous manquerez, mais, si j’ose dire, l’herbe sera plus « Greene » du côté de la retraite.
Merci pour tout, cher ami.
Des voix : Bravo!
(1440)
L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, afin de rendre hommage à mon ami et collègue, permettez-moi de le citer :
Certaines personnes [...] croient qu’être non conformiste est une mauvaise chose, que le « non-conformisme » sous toutes ses formes devrait être éradiqué. Pas moi. En effet, j’associe le « non-conformisme » à une pensée nouvelle, élaborée et exprimée avec rigueur. C’est la volonté de s’affirmer en toute indépendance sans craindre de potentielles conséquences [...] Il s’agit donc de suivre sa propre conscience, ses propres convictions. Autrement dit, « non-conformisme » rime avec espoir et liberté.
Stephen Greene est — et a toujours été — non conformiste, et le Sénat n’en est que meilleur grâce à cela.
Si vous jetez un coup d’œil au curriculum vitæ de Stephen, vous verrez qu’on dirait qu’il est incapable de conserver un emploi. De notre ambassade à Washington jusqu’au bureau d’un premier ministre en Nouvelle-Écosse, il s’est inquiété des déficits hors de contrôle, a rejoint les rangs du Parti réformiste, a été candidat et chef de cabinet. Stephen a toujours été un faiseur, mais avec une capacité d’attention limitée.
Avec Stephen, toutefois, pas question de se battre contre des moulins à vent. Il est toujours concentré et déterminé.
Nous sommes arrivés ici en même temps, et même à cette époque, la réforme du Sénat était déjà bien présente dans son esprit. Il s’inquiétait du fait que la partisanerie minerait l’expérience que nous apportons tous ici en même temps que nos croyances politiques, car nous sommes ici pour servir les Canadiens et non des partis politiques ou des cercles sociaux.
La question n’est pas d’être nommé ou élu. Nul besoin de briguer les suffrages pour être pertinent. Nous pouvons et devons remettre en question les orientations publiques. En quoi un amendement proposé par le Sénat dans le but d’améliorer un projet de loi pourrait-il mettre en danger la démocratie? En fait, Stephen pense que si on abolissait le Sénat, il faudrait que les Canadiens l’inventent.
Stephen est spirituel, charmant, direct, réfléchi et drôle. Quand il a décidé de nous annoncer le diagnostic de sa maladie de Parkinson, il s’inquiétait surtout de notre réaction, alors il a fait un peu d’humour. Permettez-moi de vous rappeler les mots qu’il a prononcés ce jour-là :
[...] la maladie de Parkinson peut aussi causer de l’incontinence, ce qu’il ne faut pas confondre avec la façon dont certains sénateurs [...] ont parfois du mal à se contenir pendant leurs discours au Sénat. Je parle plutôt de ce qu’on entend généralement par incontinence. Cependant, je promets à mes chers voisins de banquette que je les avertirai suffisamment à l’avance [...]
Cela nous a fait réfléchir au pouvoir de l’espoir et de l’humour.
Ainsi, je dis à ce non-conformiste éternel : gardez votre humour, gardez espoir. Continuez à vous battre, continuez à changer les choses. Votre sagesse et votre sourire ironique nous manqueront, mais nous vous garderons toujours dans nos cœurs.
Des voix : Bravo!
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à l’honorable Stephen Greene, qui, comme moi, a élu domicile en Nouvelle-Écosse. C’est un homme doté d’un brillant esprit politique et d’un excellent sens des affaires, qui possède une vaste expérience tant en politique que dans l’exploitation d’entreprises. C’est un fervent partisan du conservatisme financier, un patriote autoproclamé, un grand admirateur des États-Unis d’Amérique, un réformateur indépendant d’esprit, une personne très drôle et un fidèle serviteur du Sénat, des Néo-Écossais et des Canadiens; tout cela, même si, au cours des dernières années, il a dû vivre avec les effets imprévisibles et débilitants de la maladie de Parkinson.
Après une carrière politique, où il s’est présenté deux fois comme candidat pour le Parti réformiste, a été chef de cabinet de Preston Manning et, plus tard, secrétaire principal du premier ministre de la Nouvelle-Écosse Rodney McDonald, il a travaillé dans le secteur des affaires, chez H.B. Nickerson and Sons puis chez Clearwater Fine Foods. Il a d’ailleurs contribué à faire de cette dernière entreprise la plus grande et la plus importante société de fruits de mer au Canada. Il a aussi travaillé pour le gouvernement, d’abord à l’ambassade canadienne à Washington, puis au consulat canadien à Boston, avant d’être nommé ici en 2008.
Pendant ses années au Sénat, le sénateur Greene, de concert avec le sénateur Massicotte, a contribué de façon importante à la modernisation du Sénat. Il a critiqué le caractère institutionnalisé et partisan du processus décisionnel qu’il a observé dans le Sénat bipolaire dont il était l’héritier en tant que nouveau sénateur conservateur. À l’époque, les votes de sénateurs étaient soumis à la discipline du parti, tout comme ceux des députés, de sorte que le public considérait le Sénat comme étant inutile et comme un gaspillage de fonds publics pour reprendre ses propos. Il croit que le Sénat est devenu plus pertinent depuis qu’il est devenu une assemblée multipolaire, où l’opposition peut venir de n’importe quel sénateur, peu importe le groupe auquel il appartient. Bien qu’il considère la partisanerie institutionnalisée comme un obstacle à un véritable second examen objectif, le sénateur Greene met également en garde contre les dangers du panurgisme.
Il a défendu des règles qui reflètent la réalité multipolaire du Sénat, et certaines d’entre elles sont en vigueur aujourd’hui.
Lors de son premier discours sur le budget de 2009, le sénateur Greene avait souligné ce qu’il défendait :
Je crois que ce budget, de concert avec les autres politiques [...] — qui revendique et défend notre Nord, qui protège notre environnement et investit dans l’économie verte, qui renforce les compétences de nos travailleurs et améliore le rendement de nos entreprises, qui fait rayonner le pouvoir, le prestige et les idéaux canadiens à l’étranger grâce à nos musiciens, nos artistes, nos sportifs ainsi que nos hommes et nos femmes en uniforme — je crois que tout cela donne au Canada et aux Canadiens la possibilité de revendiquer leur part du XXIe siècle.
Sénateur Greene, je me joins à tous mes collègues sénateurs aujourd’hui pour vous remercier de votre importante contribution à cette chambre et à la réforme du Sénat du Canada, et je vous souhaite, ainsi qu’à votre famille bien-aimée, santé et plénitude pour de nombreuses années à venir.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Hazel Robinson, la mère de l’honorable sénatrice Robinson, qui vient de recevoir la Médaille du couronnement du roi Charles III, et d’Antoinette Perry, ancienne lieutenante-gouverneure de l’Île-du-Prince-Édouard.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Peter MacAdam, l’époux de l’honorable sénatrice MacAdam, de son fils Mitchell MacAdam et de sa petite-fille Ivy.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La manifestation à Montréal
L’honorable Leo Housakos : « Le Parti disait de rejeter le témoignage des yeux et des oreilles. C’était le commandement final et le plus essentiel. » — George Orwell, 1984.
Honorables sénateurs, vendredi dernier, à Montréal, nous avons assisté à des scènes horribles et profondément troublantes. Les images et les rapports qui ont émergé d’une émeute pro-Hamas étaient épouvantables. Les tentatives de la mairesse Plante et du chef de la police de Montréal de minimiser ces scènes et de défendre les actes dégoûtants d’antisémitisme et de haine des juifs sont presque aussi épouvantables.
Les manifestants ont scandé des appels à la destruction d’Israël. Ils ont brandi des drapeaux du Hamas et ont même brûlé une effigie du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou dans une démonstration grotesque de haine et d’incitation à la haine. Il ne s’agissait pas des actions d’une poignée de personnes, ni d’une banale manifestation contre l’OTAN, ni d’un acte de liberté d’expression, mais d’une apologie de la violence et du terrorisme, visant à alimenter la division et la haine.
Pendant ce temps, où était le premier ministre Trudeau?
Le fait qu’il n’ait dénoncé ce rassemblement haineux que tard le lendemain constitue une approbation tacite du type d’extrémisme qui menace la sécurité et l’unité des communautés du pays. En outre, son commentaire de la veille concernant son intention d’arrêter Benjamin Nétanyahou était dangereux et incendiaire. Ce faisant, il a attisé les tensions de manière irresponsable et il a, au minimum, donné une raison d’agir à ceux qui cherchaient à troubler la paix et à promouvoir la violence vendredi soir.
La réaction des médias — ou plutôt leur absence de réaction — est tout aussi troublante. Des médias nationaux comme CBC/Radio-Canada et CTV, qui s’empressent de couvrir jusqu’au détail le plus insignifiant, y compris la présence de M. Trudeau à un concert de Taylor Swift le même soir à Toronto, ont choisi de minimiser l’importance du rassemblement pro-Hamas ou de le présenter sous un jour trompeur.
De plus, au lieu d’appeler la chose par son nom — une manifestation violente et haineuse —, ils ont faussement qualifié le rassemblement de « manifestation contre l’OTAN ». Ils ont aussi qualifié de « mannequin » l’effigie de M. Nétanyahou que des protestataires ont brûlée, atténuant ainsi intentionnellement la gravité de l’acte.
En ne couvrant pas correctement cet événement, les médias contribuent également à minimiser la menace bien réelle de l’extrémisme à laquelle nous sommes confrontés. Il est honteux qu’un pays comme le Canada, qui est connu pour ses valeurs de tolérance et de paix, connaisse maintenant une érosion de ces idéaux sous les yeux des personnes qui sont au pouvoir.
Justin Trudeau, les médias grand public et ceux qui refusent de dénoncer la haine contribuent à créer un environnement dangereux, où la violence est tolérée et où le terrorisme est en quelque sorte justifié.
Nous devons condamner les actes des personnes qui ont participé à ces manifestations et demander des comptes aux dirigeants et aux médias du Canada.
L’heure n’est pas au silence et à l’indifférence, mais au courage et à la clarté, le genre de courage et de clarté dont a fait preuve la société mère de Second Cup Canada à propos d’un incident affreux qui s’est produit au cours de l’émeute de vendredi, où une femme disait à des Juifs que la solution finale arrivait.
(1450)
Cette femme exploitait deux cafés à l’Hôpital général juif de Montréal. Imaginez un peu. La bonne nouvelle, c’est que son contrat de franchise a rapidement été suspendu et qu’il n’a fallu que quelques heures à l’entreprise pour faire savoir clairement qu’elle condamnait les gestes de cette dame.
N’est-il toutefois pas désolant, honorables collègues, que cette chaîne de cafés ait réussi, en quelques heures, à faire preuve de plus de courage et de leadership que le premier ministre, alors que le pays traverse une période de turbulence?
Assez, c’est assez.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Prasad Nair. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Bernard.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La rétention des immigrants
L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, le rapport Des occasions manquées 2024 publié récemment par le Conference Board du Canada dresse un portrait préoccupant : un nombre croissant d’immigrants choisissent de quitter le Canada, réputé pour être un pays d’adoption par excellence.
Le rapport présente deux grandes conclusions.
[Français]
Premièrement, on apprend qu’un immigrant sur cinq quitte le Canada dans les 25 ans et que plus d’un tiers, soit 34 %, le fait au cours des cinq premières années.
Deuxièmement, les immigrants économiques, notamment les anciens étudiants internationaux, sont les plus enclins à quitter le pays, en dépit du fait que ces talents sont essentiels pour combler nos pénuries de main-d’œuvre dans des secteurs clés.
Le rapport met également en lumière une donnée alarmante pour le Québec et la pérennité du français : 35 % des immigrants francophones ne restent pas au Canada à long terme. Cela met en péril non seulement notre diversité linguistique, mais aussi notre capacité à bâtir un avenir où le français demeure un pilier de notre identité nationale. Ce phénomène révèle une faiblesse structurelle dans nos politiques d’accueil et d’intégration. Il met également en péril tout ce qui a trait à l’établissement au pays durant les premières années.
Les premières années sont cruciales pour les nouveaux arrivants. Le manque d’accompagnement et de soutien adaptés est à l’origine de ce que nous observons aujourd’hui. Il est urgent que le gouvernement fédéral adopte une approche cohérente et proactive en matière de rétention des immigrants. Cela passe, d’une part, par une amélioration des politiques d’intégration dès l’arrivée, voire avant l’établissement et, d’autre part, par un soutien renforcé pour les immigrants économiques, particulièrement les francophones. Enfin, il faut une coordination accrue entre les provinces et le gouvernement fédéral pour avoir des stratégies adaptées à chaque région.
La rétention des immigrants est un enjeu fondamental pour la prospérité économique, la justice sociale et la préservation de nos valeurs. Agissons dès maintenant. Merci.
AFFAIRES COURANTES
L’étude de l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications
Dépôt du douzième rapport du Comité des transports et des communications
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Urgence : Renforcer la résilience climatique des infrastructures de transport essentielles du Canada. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Housakos, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 3 décembre 2024, à 14 heures.
[Français]
Le Groupe interparlementaire Canada-Japon
La réunion bilatérale, tenue du 13 au 17 mai 2024—Dépôt du rapport
L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la 22e réunion bilatérale, tenue à Tokyo et Tohoku, au Japon, du 13 au 17 mai 2024.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires mondiales
Le commerce entre le Canada et les États-Unis
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, aujourd’hui, il y aura une réunion virtuelle entre le premier ministre du Canada et les premiers ministres des provinces pour discuter des tarifs douaniers de 25 % que le président Trump menace d’imposer sur toutes les exportations canadiennes aux États-Unis. Monsieur le leader, cette réunion semble la seule mesure prévue pour contrer la menace qui plane au-dessus de nos têtes. À l’heure qu’il est, il ne fait aucun doute que le gouvernement libéral—néo-démocrate n’a aucune idée de ce qu’il doit faire, et ce, même si le président Trump parle de ces tarifs depuis le début de sa campagne électorale, qui a duré des mois. Monsieur le leader, quand aurons-nous un plan concret? Ce plan comprendra-t-il des mesures pour protéger nos frontières et mettre fin à la politique de libéralisation des drogues? Réparera-t-on le gâchis que votre gouvernement a créé dans le système d’immigration?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Effectivement, le premier ministre a convoqué les premiers ministres provinciaux à une rencontre qui aura lieu aujourd’hui. Le ministre de l’Immigration songe depuis quelques mois à ajuster le nombre d’immigrants admis. Il en a d’ailleurs discuté tout récemment devant le comité. Des mesures et des engagements ont été pris pour protéger nos frontières.
Dans votre question, vous laissez aussi entendre qu’il y a du laxisme en matière de drogue et de criminalité. Je m’abstiendrai de répondre parce qu’on se lasse d’entendre vos rengaines. En fait, le gouvernement libéral travaille tous les jours avec l’expérience, la rigueur et le sérieux qu’il a acquis en traitant avec l’administration actuelle et la précédente. Il s’emploiera encore sans relâche à protéger les intérêts des Canadiens dans tous les domaines.
Le bois d’œuvre
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je suis certes las de poser des questions au régime libéral incompétent, qui ne se soucie pas de ses politiques inefficaces en matière de drogues. Monsieur le leader, depuis des années, je vous entends balayer du revers de la main toutes les questions posées par la sénatrice Martin sur le bois d’œuvre, encore une fois parce que vous n’aimez pas la prémisse de ses questions.
L’ancien premier ministre Harper a conclu un accord 80 jours après son arrivée au pouvoir. Le premier ministre Trudeau avait promis qu’il conclurait un accord dans les 100 jours suivant son arrivée au pouvoir. C’était en mars 2016. Cet échec était un avant‑goût de ce que l’avenir nous réservait, n’est-ce pas? Où est le plan qui met notre pays et nos...
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Plett, je n’ai jamais contesté la prémisse des questions sur l’importance du bois d’œuvre. J’ai simplement dit que, pour conclure un accord, il faut deux parties. Le gouvernement a travaillé fort avec son partenaire du Sud, qui est de plus en plus protectionniste, et dans un climat difficile, et il continuera à travailler sérieusement dans l’intérêt des Canadiens.
La sécurité publique
La sécurité frontalière
L’honorable Leo Housakos : Si le sénateur Plett recevait cinq sous chaque fois que le leader du gouvernement rejette la prémisse de nos questions, il n’aurait même pas besoin d’être ici. Il serait en Floride.
(1500)
Sénateur Gold, la menace injustifiée d’imposer des droits de douane de 25 % sur les produits canadiens, mesure annoncée cette semaine par le président élu Trump, n’a rien à voir avec le commerce, et vous le savez. Cela a plutôt à voir avec les frontières poreuses du Canada et les graves conséquences que cela peut avoir pour nos deux pays. Les passages illégaux à la frontière vers les États-Unis et le trafic de fentanyl qui fait des ravages dans les collectivités américaines, résultat de l’approche laxiste de votre gouvernement à l’égard de l’immigration et des drogues, minent la crédibilité du Canada en tant que partenaire fiable et responsable. La récente déclaration de Marc Miller selon laquelle le Canada croira simplement les gens sur parole en ce qui concerne les 4,9 millions de visas qui expireront l’an prochain ne fait qu’ajouter à ces préoccupations.
Pourquoi votre gouvernement n’a-t-il pas pris cela au sérieux? Comment se fait-il que le premier ministre Trudeau et la vice‑première ministre Chrystia Freeland aient été surpris par cette annonce? Personne d’autre ne l’était. Maintenant que vous êtes au courant, quelles mesures allez-vous prendre pour sécuriser nos frontières, lutter contre le trafic de drogue et rétablir la confiance dans le système d’immigration canadien, qui est une catastrophe?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Housakos, le fait que vos questions renferment des renseignements trompeurs n’aide en rien les intérêts des Canadiens.
Malheureusement, il y a des drogues et des substances illégales, des armes à feu et d’autres choses qui traversent nos frontières dans les deux directions, et les travailleurs assidus de l’Agence des services frontaliers du Canada ne ménagent aucun effort pour lutter contre cette contrebande. Si vous regardez les statistiques — qui sont accessibles au public canadien —, vous verrez que l’ampleur du problème exprimé par le président Trump et ses laquais est extrêmement exagérée. J’aurais pensé qu’un parti qui aspire à diriger le pays aurait au moins eu l’intégrité et le courage de présenter des faits exacts.
Le sénateur Housakos : D’où sortez-vous, sénateur Gold? Les forces de sécurité canadiennes, y compris le Service canadien du renseignement de sécurité, parlent depuis des années de toutes les agences illicites au Canada et des organisations qui expédient des drogues aux États-Unis. D’où sortez-vous? Compte tenu du taux d’inflation déjà élevé, de la hausse des coûts de l’énergie et de l’affaiblissement de la croissance du PIB après neuf ans sous la direction de Justin Trudeau, allez-vous enfin reconsidérer votre plan visant à quadrupler la taxe sur le carbone afin de la faire passer à 61 ¢ le litre, une mesure qui risque d’accabler encore plus les Canadiens et de nuire à notre compétitivité en cette période critique? Cessez de faire l’autruche.
Le sénateur Gold : J’ai passé les cinq dernières années à vous écouter ressasser le même genre de discours, sénateur Housakos. Par respect pour le Sénat, je fais de mon mieux pour vous fournir des réponses et je ne fais pas semblant d’en avoir lorsque je n’en ai pas. Je poursuivrai dans cette veine, sénateur Housakos, aussi longtemps que j’occuperai ce poste.
Les ressources naturelles
La Stratégie sur les minéraux critiques
L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, Jerry DeMarco, le commissaire à l’environnement, a récemment déposé un rapport qui révèle d’importantes lacunes dans la manière dont le gouvernement fédéral surveille les incidences sociales et environnementales de sa Stratégie sur les minéraux critiques. Cette stratégie, qui prévoit jusqu’à 3,8 milliards de dollars pour la promotion de l’extraction de minéraux critiques, vise à répondre à une demande croissante et importante pour des matériaux essentiels aux technologies vertes. Le rapport met en lumière des préoccupations concernant le fait que l’augmentation des activités minières pourrait avoir des effets négatifs sur l’environnement, comme la déforestation, la perte de tourbières qui emprisonnent le carbone et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. De plus, on ne porte pas suffisamment d’attention aux incidences sociales sur les communautés autochtones, notamment pour évaluer les risques pour des sites revêtant une importance culturelle et les préoccupations accrues concernant la sécurité des femmes et des filles.
Sénateur Gold, le gouvernement va-t-il s’engager à mettre en œuvre de solides mécanismes de surveillance pendant que nous intensifions les activités de l’important secteur des minéraux critiques?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : En effet, il est essentiel, et le gouvernement remercie le commissaire de son important travail.
Il est important, chers collègues, de comprendre que la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques est une initiative pangouvernementale qui énonce une vision de la politique visant à accélérer l’exploitation des minéraux critiques au Canada. Il importe également de noter que la stratégie n’approuve aucun projet précis et ne mène pas d’évaluations d’impact ou environnementales. Au contraire, la stratégie et ses diverses initiatives respectent les compétences existantes et les cadres législatifs, réglementaires et stratégiques qui font du Canada un chef de file mondial en matière de normes environnementales, sociales et gouvernementales dans les chaînes de valeur des minéraux critiques.
Cependant, lorsque la loi fédérale sur les impacts s’applique, Ressources naturelles Canada demandera à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada d’étudier les avantages et la possibilité d’utiliser une évaluation régionale et stratégique pour comprendre les effets des activités futures, en collaboration avec les provinces et les territoires à cet égard.
La sénatrice Coyle : Merci, sénateur Gold. Bien que Ressources naturelles Canada ait accepté les recommandations du commissaire, le ministère a également déclaré qu’il ne peut pas déterminer à l’avance quels projets il financera, ce qui limite sa capacité d’évaluer les effets cumulatifs. Cette approche risque d’aggraver les effets environnementaux et sociaux négatifs, en particulier dans les régions densément peuplées par des communautés autochtones.
Quelles mesures concrètes le gouvernement prend-il pour améliorer sa capacité de surveiller et d’atténuer ces risques de manière proactive, en veillant à ce que les initiatives minières contribuent aux ambitions du Canada en matière de carboneutralité sans exacerber les dommages causés à l’environnement ou aux populations vulnérables?
Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit, le gouvernement a adopté une approche pangouvernementale et il collabore avec d’autres administrations pour effectuer ces évaluations.
Madame la sénatrice, en ce qui concerne l’incidence sur les communautés autochtones, favoriser la réconciliation représente un pilier essentiel de la stratégie. La stratégie a mis en place un financement pour soutenir la participation des groupes autochtones à l’exploitation minière, notamment jusqu’à 25 millions de dollars dans le cadre d’un seul programme, tandis que le Fonds pour l’infrastructure des minéraux critiques fournit jusqu’à 13,5 millions de dollars pour la participation des Autochtones. Elle permet de renforcer les capacités et les partenariats et d’accroître les connaissances.
La défense nationale
La Marine royale canadienne
L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, la Marine royale canadienne a accompli un excellent travail, que de nombreux Canadiens ne connaissent peut-être pas : elle a notamment dirigé des efforts multinationaux visant à interdire le trafic de drogue et la traite des personnes dans la mer d’Oman. Trois frégates ont été déployées pour soutenir la Stratégie du Canada pour l’Indo‑Pacifique. Ces frégates ont notamment traversé le détroit de Taïwan pour montrer qu’il s’agit d’eaux internationales dans lesquelles on peut naviguer librement. Cependant, la Marine royale canadienne a beaucoup de mal à recruter du personnel. Quelles mesures le gouvernement prend-il pour s’assurer que la marine dispose des experts dévoués dont elle a besoin pour assurer notre sécurité et renforcer la démocratie mondiale?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de souligner l’importance du travail accompli par les Forces armées canadiennes et par la marine pour assurer notre sécurité et notre avenir. À cet égard, le gouvernement étudie les moyens d’augmenter considérablement le recrutement dans la marine et dans les Forces armées canadiennes.
Le gouvernement a publié la Directive pour la reconstitution des Forces armées canadiennes et la Stratégie de maintien des effectifs des Forces armées canadiennes et il a annoncé que les résidents permanents pouvaient désormais s’enrôler dans les forces armées. J’ai également été informé que le gouvernement accélère les vérifications d’admissibilité, qu’il met en œuvre de nouvelles normes médicales d’enrôlement et qu’il reporte certains aspects des vérifications de sécurité préalables à l’enrôlement à l’étape postérieure à l’enrôlement. Le gouvernement continuera à examiner les moyens de faire encore plus pour diversifier et faire croître nos forces armées.
Le sénateur Kutcher : Merci, sénateur Gold. Le Canada subit de fortes pressions pour respecter de toute urgence ses engagements de 2 % envers l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ou l’OTAN. Une façon d’y parvenir serait d’investir immédiatement dans l’entretien des infrastructures actuelles de la Marine royale canadienne — qui, d’après ce que j’ai compris, n’arrive pas à suffire à la demande —, comme les travaux nécessaires à l’arsenal maritime de Halifax et à Shearwater. Pouvez-vous nous dire quand le gouvernement prévoit de faire ces investissements nécessaires qui, si j’ai bien compris, seraient pris en compte dans notre engagement envers l’OTAN?
Le sénateur Gold : Merci. Comme le gouvernement l’a annoncé, il prévoit atteindre notre engagement à l’égard de l’OTAN d’ici 2032. Il a déjà augmenté les dépenses militaires de 27 % sur les 12 prochains mois par rapport aux 12 mois précédents. Fait tout aussi important, le gouvernement a fait l’investissement le plus important dans la marine canadienne depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il a acheté des centaines de nouveaux avions pour notre force aérienne et il a réinvesti dans les capacités de pointe dont l’armée a besoin de toute urgence. Il continuera d’investir dans nos forces armées dans l’intérêt supérieur de notre pays.
Les finances
Les mesures fiscales temporaires
L’honorable Jim Quinn : Sénateur Gold, des provinces d’un océan à l’autre ont soulevé des inquiétudes au sujet du congé de TVH. Les ententes bilatérales sur la TVH stipulent sans ambiguïté que les provinces ont droit à une compensation lorsque le manque à gagner dépasse 1 %, ce qui est le cas ici. Jusqu’à maintenant, aucun engagement n’a été pris à l’égard d’une compensation. Plutôt, nous avons eu droit à des réponses vides aux questions des médias dans le but de rejeter les préoccupations du revers de la main, en particulier dans ma région, les provinces maritimes.
Pouvez-vous expliquer pourquoi le gouvernement fédéral ne s’est pas engagé à respecter son obligation, dans le cadre des ententes sur la TVH, de compenser les provinces maritimes pour leur manque à gagner fiscal en raison du congé de taxe de deux mois?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Elle est importante compte tenu des différents modèles de perception et de versement des taxes au pays. Le gouvernement est résolu à travailler avec les provinces. À vrai dire, des discussions sont en cours avec celles-ci. Une fois que ce sera fait, je suis sûr que le gouvernement fera les annonces qui s’imposent.
(1510)
Le gouvernement tient toutefois compte des répercussions sur les provinces et du manque à gagner qui pourrait en résulter, et il continuera à travailler avec les provinces, comme il le fait dans tant d’autres domaines où le gouvernement est un partenaire des provinces, qu’il s’agisse des soins de santé, de l’éducation ou d’autres questions essentielles à notre bien-être.
Le sénateur Quinn : Je constate que cette mesure a été conçue en vase clos. Étant donné que la première ministre Holt a été informée moins de 24 heures avant l’annonce du congé de TVH/TPS, que le premier ministre King l’a appris par communiqué de presse le jour même et que le premier ministre Houston était en pleine campagne électorale à ce moment-là, comment le gouvernement fédéral peut-il trouver raisonnable d’annoncer, dans un délai aussi court, un changement fiscal monumental sans consulter les provinces ou les commerçants qui sont censés mettre en œuvre cette mesure temporaire en l’espace de quelques semaines?
Le sénateur Gold : Merci encore pour votre question.
Le gouvernement a fait une annonce. Il n’a pas encore légiféré, mais nous espérons qu’un projet de loi sera présenté et adopté bientôt. Encore une fois, le gouvernement travaillera avec les provinces; il dialoguera avec elles pour veiller à ce que les répercussions sur les provinces et leurs entreprises soient équitables.
[Français]
Les services aux Autochtones
La discrimination fondée sur le sexe
L’honorable Michèle Audette : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Hier, une question a été posée au ministre Anandasangaree à propos du projet de loi C-38, qui modifie la Loi sur les Indiens. Je comprends qu’il a renvoyé la question à la ministre Hajdu. Dans une lettre datant de mars 2023, la ministre a reconnu que des violations de la Charte s’étaient produites dans l’affaire Nicholas. Aucune personne au Canada ne devrait voir ses droits constitutionnels violés, alors pourquoi se ferme-t-on les yeux sur les femmes autochtones discriminées par la Loi sur les Indiens? Pouvez-vous nous dire où nous en sommes avec ce projet de loi? Quand arrivera-t-il dans notre Chambre?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question et je la remercie également d’avoir soulevé cet enjeu important. Le processus d’émancipation a injustement privé des milliers de membres des Premières Nations de leur statut. Bien que cette pratique ait pris fin il y a 35 ans, son héritage néfaste demeure. Suivant l’exemple de ses partenaires des Premières Nations, le gouvernement s’efforce de cibler et d’éliminer ce type d’inégalité d’enregistrement à un niveau systémique.
Le projet de loi C-38 est la dernière étape de ce processus. Il annulera et rétablira le statut de ceux qui ont été lésés par l’émancipation et éliminera la discrimination fondée sur le sexe que l’on trouve encore dans la Loi sur les Indiens. Le gouvernement espère que tous les partis à l’autre endroit honoreront leur responsabilité commune de réconciliation et adopteront rapidement ce projet de loi.
La sénatrice Audette : Tout d’abord, sénateur Gold, je dois m’excuser, car je ne me suis pas levée. Je vous remercie pour votre réponse. Pouvez-vous poser la question à vos collègues de l’autre endroit? Quand ce projet de loi arrivera-t-il au Sénat?
Le sénateur Gold : Vous n’avez pas à vous excuser. Je vais poser la question à mes collègues et homologues de l’autre endroit. Malheureusement, cela n’est pas uniquement la responsabilité du gouvernement de débloquer ce qui passe depuis deux mois environ. Nous espérons, pour le bien-être des Canadiens, que le projet de loi arrivera dans cette Chambre afin qu’elle puisse faire son travail.
[Traduction]
Les finances
Le coût de la vie
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Gold, voici une question que j’espérais poser au ministre des Relations Couronne-Autochtones lors de la période des questions hier. Elle concerne l’incidence de la taxe sur le carbone sur les personnes qui habitent dans les réserves.
Dans une lettre d’opinion, Stephen Buffalo, président et directeur général du Conseil des ressources indiennes, s’est exprimé ainsi sur la taxe sur le carbone :
Bien des habitants des réserves ont un revenu fixe qui les maintient sous le seuil de la pauvreté. La hausse du prix des aliments, de l’essence, des véhicules et des matériaux de construction suscite un désespoir croissant, ce qui fait que la taxe sur le carbone se traduit par des factures impayées, des rendez-vous médicaux manqués et des possibilités d’études et de travail manquées parce que nous n’avons tout simplement pas les moyens de nous déplacer.
Qu’en pensez-vous, monsieur le leader? Cet homme a-t-il tort?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Ce n’est pas le rôle du gouvernement de critiquer ou de condamner les Canadiens qui ont du mal à joindre les deux bouts à cause du coût de la vie et du prix de l’épicerie, du logement, de l’essence, du chauffage et de tous les biens nécessaires ou souhaités. Le gouvernement estime plutôt que les prix et le coût de la vie en général sont très peu élevés par rapport à ce qu’il en coûterait si on ne faisait rien, que ce soit dans le dossier climatique, évidemment, mais aussi dans le dossier économique, et j’englobe le coût de l’épicerie là-dedans.
Le gouvernement entend continuer à mettre en œuvre un plan sérieux pour aider les Canadiens et l’économie nationale à faire la transition vers une économie plus verte et plus durable, pour le bien de nos enfants, de nos petits-enfants et des générations à venir.
La sénatrice Martin : La réalité des gens dans une réserve et ailleurs est tout simplement alarmante. Je crois comprendre que le Conseil des ressources indiennes tente depuis plus d’un an de rencontrer directement la ministre des Finances pour discuter de la taxe sur le carbone avec elle.
Monsieur le leader, pourriez-vous transmettre la demande de rencontre du Conseil des ressources indiennes à la ministre Freeland?
Le sénateur Gold : Je le ferai avec plaisir si vous me fournissez l’information nécessaire. Il y a d’autres options pour communiquer avec la ministre, qui était ici pour la période des questions, et avec les responsables du bien-être de ces gens, et j’espère qu’elles sont explorées.
Les mesures fiscales temporaires
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, la combine sur la TPS qui a été annoncée par le premier ministre la semaine dernière sera impossible à administrer. Un grand magasin aura les ressources pour déterminer si un produit est exempté de la TPS. Ce ne sera pas le cas du propriétaire d’un petit magasin de jouets. Le gouvernement pense que les Canadiens attendront jusqu’au 14 décembre pour acheter leur sapin de Noël. Pourtant, les sapins sont en vente partout, monsieur le leader, et nous sommes toujours en novembre. Les panachés à base de spiritueux seront exemptés, mais seulement si leur teneur en alcool est inférieure à 7 %. Les chaussures pour enfants seront exemptées, mais seulement si leur semelle intérieure mesure moins de 24,25 centimètres. C’est complètement ridicule, monsieur le leader. Je pourrais donner beaucoup d’autres exemples.
De qui vient cette idée idiote?
Le sénateur Housakos : Justin Trudeau.
Le sénateur Plett : Vient-elle du premier ministre lui-même?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. J’ai hâte que le projet de loi qui mettra en œuvre ce changement soit renvoyé au Sénat, très bientôt, je l’espère. Nous pourrons alors discuter de ces questions et de beaucoup d’autres dans le cadre de notre étude du projet de loi.
Le sénateur Plett : Je pose la question maintenant. Où est la réponse?
Environ six semaines après la fin supposée de ce congé de TPS de deux mois annoncé par le gouvernement néo-démocrate—libéral, le gouvernement augmentera la taxe qui a fait grimper tous les prix, monsieur le leader : une nouvelle hausse de 19 % de la taxe sur le carbone est prévue le 1er avril.
Monsieur le leader, les Canadiens en difficulté n’ont-ils pas besoin d’un allégement fiscal permanent? Est-ce que ce ne serait pas plus avantageux qu’une combine fiscale temporaire pour soudoyer les Canadiens?
Le sénateur Gold : La mesure présentée visait à fournir un effort ciblé et, effectivement, comme vous le dites, limité pour aider les Canadiens pendant la période des Fêtes. Elle a été prise en tenant compte des limites financières que le gouvernement s’est imposées pour agir de façon responsable. Le gouvernement continuera de maintenir le juste équilibre entre aider les Canadiens et le faire de façon responsable.
Les affaires mondiales
Les relations canado-américaines
L’honorable Paula Simons : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Dans la foulée des menaces de Donald Trump concernant l’imposition de tarifs douaniers, il est évident que les Canadiens doivent s’unir face aux grandes difficultés économiques qui guettent notre pays. À cette fin, je tenais à signaler que beaucoup de sénateurs entretiennent des relations avec des législateurs américains, qu’il s’agisse de membres de la Chambre des représentants des États-Unis, de sénateurs du Sénat des États-Unis ou de gouverneurs d’État. Le gouvernement a-t-il une stratégie en place pour exploiter le pouvoir du Sénat du Canada et des sénateurs pris individuellement ou pour inclure les sénateurs dans les discussions visant à déterminer comment nous présenterons un front uni de type « Équipe Canada »?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. Les relations que les sénateurs peuvent avoir à titre individuel sont des outils importants pour promouvoir les intérêts que nous partageons avec les législateurs américains.
(1520)
Le président désigné n’a pas été assermenté, et le Canada est important. Comme vous l’avez laissé entendre au début de votre question, le gouvernement est d’avis que nous, les Canadiens, devons nous serrer les coudes. Certains premiers ministres provinciaux, qui partent du principe qu’ils auraient intérêt à poursuivre leurs propres objectifs au sud de la frontière, ont en quelque sorte joué les électrons libres dans la presse. Je ne pense pas que ce soit une façon responsable de procéder, et j’espère, en fait, que la rencontre d’aujourd’hui débouchera sur un engagement commun à parler d’une seule voix au moment où nous faisons face aux véritables défis qui pourraient nous attendre quand la nouvelle administration entrera en fonction.
La sénatrice Simons : Ma question s’adresse de nouveau au représentant du gouvernement. Tous les groupes au Sénat ne seraient peut-être pas du même avis, mais nous sommes nombreux à croire que nous pourrions apporter à cette discussion quelque chose qui sera nécessaire et important au moment où le Canada se positionnera par rapport à l’administration Trump quand celui-ci sera assermenté. Pourriez-vous nous donner des assurances que le gouvernement prendra en considération le rôle du Sénat quand il s’agira de cerner les menaces économiques qui nous attendent?
Le sénateur Gold : En toute transparence, je ne peux pas m’engager sur ce que le gouvernement pourrait choisir de faire dans le cadre de ses relations étrangères avec les États-Unis. Toutefois, je ne manquerai pas de faire savoir au gouvernement, qui a énormément de respect pour le Sénat et pour ceux qui y siègent, que bon nombre d’entre nous seraient prêts à lui prêter main-forte si on le leur demandait.
[Français]
La sécurité publique
Le contrôle des armes à feu
L’honorable Manuelle Oudar : Sénateur Gold, nous sommes au début des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes. Chaque année, du 25 novembre au 6 décembre, on se mobilise à l’occasion de ces journées d’action contre les violences faites aux femmes. Selon l’ONU, une femme est tuée toutes les 10 minutes dans le monde. Ici, au Canada, 164 féminicides ont eu lieu en 2023, dont 22 par arme à feu.
Le projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu a reçu la sanction royale en 2023, il y a presque un an, après avoir été adopté par le Sénat. Selon un sondage pancanadien, 70 % des Canadiens sont en faveur d’un contrôle plus strict des armes à feu et près de 90 % sont d’accord pour que l’on retire leur permis aux personnes ayant commis des actes de violence conjugale. Quatre-vingt-dix pour cent sont d’accord pour que l’on retire le permis aux personnes ayant commis des actes de violence conjugale. Je le répète, parce que c’est important...
Son Honneur la Présidente : Je regrette, sénatrice Oudar, mais votre temps de parole est écoulé.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice, et je vous remercie également d’avoir soulevé cet enjeu important.
Le gouvernement actuel a pris les mesures de contrôle sur les armes à feu les plus strictes que le Canada a connues depuis les 25 dernières années et il s’est engagé à poursuivre le travail.
Durant son mandat, le gouvernement a mis en place un gel national sur l’achat, le transfert et l’importation d’armes à feu, des peines plus sévères pour les trafiquants d’armes, de nouvelles infractions pour la distribution de données informatiques dans le but de fabriquer une arme à feu prohibée et l’obligation de détenir un permis valide pour acquérir des canons d’armes à feu et des glissières d’armes de poing, ce qui permet au gouvernement de mieux lutter contre les armes à feu fantômes. Je crois savoir qu’environ 2 000 modèles d’armes à feu seront couverts par le programme de compensation; les deux phases devraient être opérationnelles d’ici l’expiration de l’ordonnance d’amnistie le 31 octobre 2025, et le travail va continuer.
La sénatrice Oudar : Merci, sénateur Gold, mais je vous parle plutôt de quelques dispositions qui sont très importantes, qui ne sont pas encore entrées en vigueur et qui nécessiteraient seulement un décret : l’article 6.1, qui rend inadmissible la détention d’un permis d’arme à feu pour une personne qui a fait l’objet d’une ordonnance de protection ou qui a été reconnue coupable de violence; l’article 70.1, qui oblige le contrôleur des armes à feu qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un titulaire de permis a pu se livrer à de la violence conjugale à révoquer le permis; enfin, l’article 70.2, qui révoque automatiquement le permis d’une personne qui a fait l’objet d’une ordonnance de protection. Qu’entend faire le gouvernement?
Le sénateur Gold : Je ne suis pas certain de bien avoir entendu votre question, mais pour ce qui est du statut de ces dispositions juridiques, je vais poser la question à la ministre pour faire le suivi à ce sujet.
[Traduction]
La justice
La Loi sur le divorce
L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Gold, récemment, des sénateurs vous ont questionné sur l’utilisation coercitive de l’aliénation parentale, une tactique utilisée par les conjoints violents — principalement des hommes — dans les affaires de garde d’enfants. Vous vous êtes appuyé sur les modifications apportées en 2019 à la Loi sur le divorce, qui étaient censées améliorer la réponse juridique. Cependant, le mois dernier, les experts indépendants élus par les Nations unies qui ont témoigné devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, lequel surveille l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ont publié leur rapport sur les progrès réalisés par le Canada pour mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui appelle le Canada à légiférer pour « [...] empêcher l’utilisation du syndrome d’aliénation parentale [...] dans le système juridique canadien ».
De plus, le comité a critiqué le manque de preuves du Canada sur l’effet réel de la réforme de la Loi sur le divorce. Pourquoi le gouvernement n’écoute-t-il pas les témoignages d’experts et ne protège-t-il pas les victimes de violence familiale?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement libéral est résolu à faire tout ce qu’il peut et doit faire pour combattre les fléaux que sont la violence familiale et le contrôle coercitif.
En ce qui concerne les autres mesures qui pourraient être envisagées et le suivi du rapport de l’ONU, que le gouvernement regarde avec respect et attention, je m’informerai auprès du ministre.
La sénatrice McPhedran : Merci. Une autre experte onusienne, la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, s’est prononcée clairement sur la notion d’« aliénation parentale ». Elle a dit ceci :
[…] des auteurs de violences utilisent le pseudo-concept d’aliénation parentale, non scientifique et largement réfuté, dans le cadre de procédures relevant du droit de la famille pour continuer à commettre des violences et maintenir leur emprise et pour contrer les allégations de violence domestique formulées par des mères qui cherchent à protéger leurs enfants.
Sur quels éléments de preuve le gouvernement s’appuie-t-il pour justifier son choix de ne pas mettre un frein aux allégations d’aliénation parentale devant les tribunaux?
Le sénateur Gold : Une fois de plus, sénatrice McPhedran, je ne voudrais pas induire le Sénat en erreur, mais je ne peux pas confirmer que, comme vous le supposez, le gouvernement se fonde sur des éléments de preuve pour faire fi de ces allégations. Je ne sais tout simplement pas ce qui est envisagé dans ce dossier. Je sais toutefois que la réforme du droit criminel exige du temps — ce qui est normal — et que les processus qui permettent de procéder aux analyses requises et de faire avancer les choses exigent du temps, comme il se doit. Je transmettrai ces questions au ministre.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat
L’honorable David M. Arnot propose que le projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui appuyer le projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires), que l’on appelle aussi « Loi de David et Joyce Milgaard ».
(1530)
Chers collègues, mon intervention de cet après-midi s’articule autour de trois thèmes. Le premier : je veux pouvoir vous dire ce que vous devez savoir, selon moi, au sujet du projet de loi C-40, c’est-à-dire ses tenants et aboutissants, information dont vous avez peut-être déjà une partie en main parce que vous l’avez entendue à l’étape de la deuxième lecture au Sénat. Je vous expliquerai aussi ce que vous devez absolument savoir, à mon avis, pour juger du bien-fondé de cette mesure législative. Le deuxième thème est le fait que l’étude du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a donné lieu à un rapport ne proposant aucun amendement, mais contenant un certain nombre d’observations. Ce rapport a été présenté hier par le président du comité, le sénateur Cotter. Le troisième thème, enfin, est de nature personnelle. Je décrirai les événements, le contexte et les raisons qui m’ont poussé à parrainer ce projet de loi au Sénat.
Commençons par les tenants et aboutissants du projet de loi C-40. Ce texte créera une commission indépendante chargée d’examiner les erreurs judiciaires à la place du ministre de la Justice. En créant un organisme décisionnel indépendant, on veut que le grand public et les personnes qui ont pu être injustement reconnues coupables d’une infraction fassent davantage confiance au processus d’examen. Cet organisme a été réclamé par diverses commissions d’enquête chargées de faire la lumière sur des erreurs judiciaires, des personnalités du domaine et les défenseurs des personnes qui ont été injustement reconnues coupables d’une infraction.
Cette mesure législative fait aussi suite à la création de commissions indépendantes semblables dans d’autres pays, notamment en Angleterre, au Pays de Galles, en Irlande du Nord, en Écosse et en Nouvelle-Zélande, ce qui a donné lieu à une augmentation considérable des demandes présentées. Il en résulte qu’un plus grand nombre de déclarations de culpabilité injustifiées y sont rectifiées comparativement au Canada.
Selon la Cour suprême du Canada, les déclarations de culpabilité injustifiées sont un fléau dans notre système de justice. Tous les acteurs du système de justice pénale doivent assumer leurs responsabilités et prendre des précautions raisonnables pour éviter ce genre de choses. Le système de justice n’est pas infaillible. Il est donc aussi essentiel de se doter d’un cadre efficace et efficient permettant de mettre le doigt sur les erreurs judiciaires lorsqu’elles se produisent et de les corriger.
Ce sont souvent les cours d’appel qui relèvent et corrigent les erreurs judiciaires lorsqu’une affaire est toujours devant les tribunaux. Les erreurs judiciaires sont un motif d’appel, et les cours d’appel ont le pouvoir d’annuler une condamnation ou un verdict et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès. Habituellement, les personnes qui estiment avoir été condamnées à tort doivent donc commencer par épuiser les recours qui leur permettent d’interjeter appel de la décision rendue. Toutefois, il arrive parfois que de nouveaux renseignements ou éléments de preuve qui remettent en cause la solidité d’un verdict ou la régularité de la procédure suivie surviennent lorsque les tribunaux ne sont plus saisis de l’affaire. La nature de la possible erreur judiciaire nécessite aussi parfois un examen et une enquête.
C’est le rôle de la nouvelle commission. Il s’agit d’une procédure d’enquête dans le cadre de laquelle on recueille des informations et des éléments de preuve pour déterminer si une erreur judiciaire a pu se produire et, s’il y a lieu, on renvoie l’affaire devant un tribunal pour qu’il prenne une décision finale quant au verdict. Par conséquent, le processus mené par la commission ne sera pas un processus mené parallèlement à celui d’une cour d’appel ou qui le remplacera.
Le projet de loi C-40 prévoit que la commission pourra faire des exceptions et accepter des demandes lorsqu’aucune autorisation de faire appel n’a été demandée. Le projet de loi énonce les facteurs pertinents dont la commission tiendra compte pour déterminer si elle peut accepter la demande et mener une enquête pour déterminer si une erreur judiciaire a pu être commise dans des circonstances exceptionnelles. Dans tous les cas, la commission aura les mêmes pouvoirs qu’une commission d’enquête en vertu de la Loi sur les enquêtes pour ordonner la production d’informations et d’éléments de preuve et exiger que des personnes témoignent sous serment.
La création d’une commission indépendante chargée exclusivement de l’examen des erreurs judiciaires vise à améliorer l’accès à la justice en facilitant et en accélérant l’examen des demandes des personnes qui ont possiblement été condamnées à tort, en particulier celles des Autochtones, des Noirs et des membres des communautés marginalisées.
Le projet de loi C-40 propose qu’il y ait au moins cinq et jusqu’à neuf commissaires à temps plein ou à temps partiel. Ainsi, la nouvelle commission pourrait examiner plus rapidement les plaintes pour erreur judiciaire, ce qui contribuerait à atténuer les répercussions dévastatrices qu’elles ont sur la personne condamnée, sa famille, les victimes et le système de justice dans son ensemble.
Le projet de loi C-40 autorise la nomination de commissaires qui doivent refléter la diversité canadienne et tenir compte de la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale, comme les Noirs et les Autochtones. Les commissaires doivent avoir des connaissances et une expérience en lien avec le mandat de la commission. Tous les commissaires ne seront pas des avocats, mais au moins le tiers d’entre eux devront compter au moins 10 ans d’expérience dans l’exercice du droit pénal.
Le vaste mandat de la commission lui permettra de relever ce qui pourrait être des erreurs judiciaires, de renvoyer ces cas aux tribunaux et de s’attaquer aux problèmes systémiques, le tout dans le but d’éviter les erreurs judiciaires. En plus des pouvoirs, obligations et fonctions qu’elle lui attribue, la mesure législative prévoit que la commission devra faire de la sensibilisation, faire connaître son mandat au grand public et aux demandeurs potentiels, leur fournir de l’information sur les erreurs judiciaires en général et publier ses décisions. Elle devra également offrir du soutien aux demandeurs démunis, sous forme d’assistance juridique, de mécanismes de réintégration, notamment pour se nourrir et se loger, de services de traduction et d’interprétation et d’aide en général pour présenter une demande. La commission aidera également les victimes en leur offrant de l’information, en leur envoyant des avis et en leur permettant de participer de la manière prévue dans la Charte canadienne des droits des victimes.
Pour ce qui est des réformes juridiques de fond, le projet de loi C-40 propose de modifier ainsi les critères de renvoi devant les tribunaux : pour commencer, le seuil juridique à franchir serait abaissé. À l’heure actuelle, le ministre de la Justice doit être convaincu qu’il y a vraisemblablement eu une erreur judiciaire pour agir. Si le projet de loi est adopté, la commission pourrait renvoyer une cause devant les tribunaux dès qu’elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise.
Deuxièmement, la commission doit également considérer qu’il est dans l’intérêt de la justice de procéder au renvoi. L’intérêt de la justice englobe à la fois des considérations relatives à l’administration de la justice, mais aussi, et c’est important, la situation de chacun. C’est pourquoi les facteurs spécifiques que la commission doit prendre en compte pour décider si une affaire doit être renvoyée devant les tribunaux sont également modifiés.
Troisièmement, la situation personnelle du demandeur est ajoutée à la loi, ainsi que les difficultés spécifiques rencontrées par les demandeurs appartenant à certaines populations pour obtenir des mesures de redressement en cas d’erreur judiciaire, particulièrement en ce qui touche la situation des demandeurs autochtones ou noirs.
La commission doit prendre en compte ces nouveaux facteurs, en plus des facteurs existants du processus ministériel repris dans le projet de loi, à savoir : la question de savoir si la demande repose sur une nouvelle question importante qui n’a pas été étudiée auparavant, la pertinence et la fiabilité des renseignements présentés et le fait que la demande ne doit pas tenir lieu d’appel ultérieur et que les mesures de redressement sont des recours extraordinaires.
Ce dernier facteur vise à tenir compte du fait que les renvois par le pouvoir exécutif sur des questions qui ont déjà été tranchées par les tribunaux constituent un recours exceptionnel. En règle générale, le pouvoir exécutif n’interfère pas dans les affaires qui relèvent du pouvoir judiciaire et, comme indiqué précédemment, les cours d’appel ont le pouvoir de traiter les erreurs judiciaires et d’y remédier, et ce devrait être elles qui s’en chargent le plus souvent.
Le processus de révision des erreurs judiciaires fonctionne de manière appropriée comme une soupape de sécurité. Il garantit l’existence d’un mécanisme permettant de procéder à un examen et d’enquêter sur une nouvelle question d’importance découverte après qu’une affaire soit sortie du système judiciaire, de sorte que les erreurs judiciaires potentielles ne soient pas négligées et puissent être corrigées.
C’est ici que se termine le premier sujet abordé dans mon discours. Le deuxième concerne les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
(1540)
Chers collègues, si mon compte est exact, le comité a entendu 37 témoins dans le cadre de huit séances, dont le ministre de la Justice, d’éminents experts canadiens, d’éminents experts internationaux, des défenseurs des personnes condamnées injustement, des défenseurs des victimes de crimes et des personnes qui ont elles‑mêmes été injustement condamnées.
Je vais commencer avec le puissant et fascinant témoignage de M. Guy Paul Morin, un des plus célèbres citoyens canadiens injustement condamnés. Voici ce qu’il a dit au comité :
Ce que ce projet de loi peut offrir à d’autres personnes qui se retrouveront dans ma situation à l’avenir, c’est de l’espoir. Ce ne devrait pas être au ministre de la Justice d’examiner les cas, étant donné qu’au départ, il fait partie du système qui m’a laissé tomber. Une nouvelle commission indépendante, ouverte à la réalité des erreurs judiciaires et vouée à la vérité et à l’équité contribuerait grandement à faire la lumière sur ces injustices.
Malgré mon exonération en 1995, la stigmatisation persiste. Elle a touché ma famille et mes enfants. Pas plus tard que cet été, je parlais au téléphone avec une cliente potentielle qui m’a dit que j’avais un nom difficile à porter. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, elle m’a répondu : « Parce que c’est le nom d’un tueur. » J’étais estomaqué et je lui ai répondu : « Vraiment? » C’est 29 ans après ma disculpation et 4 ans après l’annonce du véritable meurtrier.
Lorsqu’une personne est condamnée à tort, cela entache sa vie pour toujours, et le moins que nous puissions faire, c’est d’essayer d’identifier ces cas le plus rapidement possible et d’aider les personnes touchées à sortir du système carcéral et des tribunaux pour pouvoir commencer à refaire leur vie. Plus elles demeurent longtemps dans le système, plus leur nom et leur réputation sont ternis.
Après avoir entendu des témoignages aussi convaincants, le comité a examiné neuf amendements bien étayés présentés par notre collègue la sénatrice Batters — la porte-parole du projet de loi — et le sénateur Carignan. Le sénateur Carignan a demandé au comité d’envisager la possibilité que la nouvelle commission examine les requêtes des demandeurs qui affirment avoir été condamnés à tort en vertu de la Loi sur la défense nationale — autrement dit, des militaires. En étudiant cet amendement, le comité a reconnu que rien n’indiquait qu’il y ait eu des condamnations injustifiées; toutefois, cela ne veut pas dire qu’elles ne se sont pas produites dans le système de justice militaire. Je sais également que les fonctionnaires du ministère de la Défense nationale sont au courant de l’absence de mesures précises, tant dans le processus d’examen ministériel actuel que dans le projet de loi C-40.
Certes, l’idée d’incorporer le système de justice militaire dans le processus général d’examen des erreurs judiciaires, y compris par une nouvelle commission, pourrait être examinée à l’avenir. Toutefois, cela nécessiterait une évaluation détaillée des considérations politiques et statutaires et la prise en compte non seulement du Code criminel, mais aussi de la Loi sur la défense nationale. Ce travail devrait être effectué en consultation avec le ministère de la Défense nationale et le juge-avocat général.
Modifier le projet de loi C-40 pour y intégrer ce système de justice militaire à l’heure actuelle dépasse, à mon avis, la portée du projet de loi.
Cela dit, le comité a également entendu des experts tels que Me Kent Roach dire que la commission serait habilitée à traiter de toutes les lois canadiennes ayant entraîné une condamnation injustifiée. Comme autre possibilité, le comité a également envisagé que le projet de loi C-66, qui est à l’étude à l’autre endroit et qui porte sur l’examen du système de justice militaire, puisse être mieux adapté pour incorporer cet enjeu. C’est une idée intéressante qui a été avancée par le sénateur Dalphond.
Cinq autres amendements mûrement réfléchis ont été proposés par notre collègue le sénateur Carignan, qui a fait valoir que le comité doit répondre aux besoins des victimes, ce que ce projet de loi ne fait pas. En ce qui concerne les amendements qui visent à inclure les victimes, on a indiqué que le projet de loi exige déjà que la commission fournisse de l’information et des réponses aux victimes, y compris les personnes lésées par le crime ainsi que leur famille. Selon l’information reçue du ministère de la Justice, ces personnes peuvent recevoir autant ou aussi peu de correspondance de la part de la commission qu’ils le souhaitent. De plus, la commission sera assujettie à la Charte canadienne des droits des victimes, qui a préséance au Canada. Les victimes d’actes criminels ont des droits en matière d’information, de protection et de participation qui doivent être respectés.
Une commission sur les erreurs judiciaires devrait également se pencher sur les façons dont le système de justice a laissé tomber les victimes. C’est ce que fait le projet de loi C-40 dans sa forme actuelle, car il oblige la commission à établir des politiques de communication avec les victimes d’actes criminels. En vertu du projet de loi C-40, la commission est tenue d’établir des politiques et des pratiques qui répondent aux besoins des victimes d’actes criminels. Ce comité a entendu l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Benjamin Roebuck, dire qu’il était tout à fait prêt à travailler avec cette nouvelle commission pour élaborer ces politiques et ces pratiques. Le gouvernement a fait remarquer que le projet de loi prévoit des fonds pour la création d’un poste de coordonnateur des services aux victimes.
Bien que le projet de loi exige que la commission adopte des politiques relatives à la notification des victimes, il est nécessaire de faire preuve de nuance et de sensibilité à cet égard. Je pense que nous comprenons tous que certaines victimes ne voudraient pas de toute la notification obligatoire que ces amendements exigeraient.
Le facteur vraiment fondamental et critique ici, cependant — et que les témoins ont souligné l’un après l’autre —, c’est que les personnes condamnées à tort sont des victimes qui sont spécifiquement prises en considération par la mesure législative proposée. Il s’agit de citoyens canadiens qui sont devenus des victimes du système de justice. Être condamné à tort, c’est être victime d’un ou de plusieurs aspects du système de justice, de sorte que les droits garantis par la Charte, surtout la liberté, sont violés par l’État. Quand un citoyen canadien est accusé, blâmé et reconnu coupable d’un crime qu’il n’a pas commis, l’État fait une victime qui n’est que la création du système de justice pour résoudre un crime de même que la tragédie et l’horreur vécues par la victime du crime initial ou catalyseur.
Le projet de loi C-40 a été conçu en réponse à une situation particulière, celle des personnes qui ont été condamnées injustement; ces personnes sont au cœur du projet de loi. De toute évidence, la possibilité que la mauvaise personne ait été jugée coupable et emprisonnée a de profondes répercussions pour les victimes du crime commis à l’origine, leur famille, leurs amis et leur collectivité. Les condamnations injustifiées sont sans contredit source d’une terrible déception pour les victimes du crime commis à l’origine. Le projet de loi C-40 tient compte du fait que les victimes du crime, leur famille et leur collectivité sont touchées lorsqu’il y a une condamnation injustifiée.
Nous devrions tous reconnaître sans réserve qu’il faut accroître et améliorer le soutien offert aux victimes de crimes. Ces changements sont vraiment nécessaires, mais ils devront faire l’objet d’une autre mesure législative que celle-ci.
Le principe du projet de loi C-40, c’est que le crime commis à l’origine ne doit pas être la cause d’une autre injustice. C’est pourquoi il se concentre sur les besoins des personnes qui ont été condamnées injustement. Il se concentre sur les besoins de ces victimes-là, des gens comme Guy Paul Morin, Brian Anderson, Clarence Woodhouse, Donald Marshall junior et David Milgaard. Bref, le projet de loi porte sur les victimes d’erreurs judiciaires.
En fait, il aurait fallu adopter une mesure législative comme le projet de loi C-40 il y a plusieurs décennies, comme l’a proposé James Lockyer. C’est toutefois le premier projet de loi solide dans ce domaine. James Lockyer est avocat et expert canadien en matière d’erreurs judiciaires. Voici ce qu’il a déclaré au comité, avec force et passion :
Je pense que si David Milgaard était parmi nous aujourd’hui, il vous dirait : « Adoptez-le maintenant, sans amendement. J’ai passé 23 ans en prison pour un meurtre commis par quelqu’un d’autre. J’ai dû attendre 28 ans pour que l’ADN prouve une fois pour toutes que je n’étais pas le coupable, mais que quelqu’un d’autre l’était. Les personnes emprisonnées pour des crimes qu’elles n’ont pas commis ne devraient pas avoir à attendre aussi longtemps. Elles ont besoin d’aide maintenant. »
J’ai commencé le débat sur le deuxième thème de mon discours en citant les propos de Guy Paul Morin, et je le terminerai en citant les paroles de l’une des deux personnes mentionnées dans le titre abrégé du projet de loi, le regretté David Milgaard, qui avait affirmé : « Les personnes condamnées à tort ont déjà été déçues une fois par le système de justice. Les laisser tomber une seconde fois n’est pas une option négociable. »
Chers collègues, vous noterez que le rapport déposé par le sénateur Cotter l’autre jour contient plusieurs observations. Je remercie mes collègues du Sénat qui, dans leurs observations, ont tenu compte des questions de langue, mais aussi de l’incidence disproportionnée sur les personnes noires et autochtones, ainsi que sur les femmes.
(1550)
Je vous exhorte à lire ces observations. Ce sont de puissants messages adressés à la commission que le projet de loi vise à créer. Elles constituent également un message pour ceux d’entre nous qui seront présents lorsque les travaux de la commission seront examinés dans cinq ans, comme le prévoit la mesure législative. Sur ce, je conclus le deuxième thème de mon discours.
Le troisième thème, lui, est de nature personnelle. Il porte sur les raisons qui m’ont poussé à parrainer le projet de loi C-40. Je réfléchis à la façon dont ce projet de loi boucle la boucle de ma carrière. Le titre abrégé de ce projet de loi — Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire — est, comme nous le savons tous, aussi connu comme la Loi de David et Joyce Milgaard. La condamnation injustifiée de David Milgaard pour le meurtre, en 1969, de Gail Miller, une étudiante en soins infirmiers, a été bien étudiée par la communauté juridique au Canada, y compris les magistrats et les avocats. Les Canadiens en général connaissent également l’histoire de M. Milgaard, les 23 années qu’il a passées en prison et les efforts inlassables de sa mère, Joyce Milgaard, pour l’innocenter.
Dans le cadre des discussions sur ce projet de loi, la chanson Wheat Kings, composée et interprétée par The Tragically Hip, a été mentionnée à quelques reprises. Elle parle du « Paris des Prairies », c’est-à-dire la ville de Saskatoon. À l’époque du meurtre de Mme Miller, j’habitais le « Paris des Prairies ». Je me souviens du choc ressenti dans toute la Saskatchewan à la suite de l’acte horrible commis à l’encontre d’une jeune étudiante en soins infirmiers. Le sentiment de sécurité avait été ébranlé à Saskatoon, une ville où des milliers de jeunes adultes faisaient des études postsecondaires. À peine quelques années plus tard, j’étais moi-même un jeune étudiant en droit qui fréquentait les mêmes rues et les mêmes endroits que Mme Miller avait bien connus.
En tant que jeune avocat et procureur de la Couronne, j’ai poursuivi Larry Fisher seulement 12 ans après le meurtre de Mme Miller. M. Fisher a alors été emprisonné. Il a refusé de suivre quelque programme que ce soit, et il a été libéré du pénitencier fédéral en raison des dispositions sur la libération d’office. Après être sorti de prison, il est retourné dans sa ville, North Battleford, en Saskatchewan. Tard un soir, il a traqué, violé et égorgé une femme de 50 ans qui rentrait chez elle après avoir participé à un tournoi de Scrabble à l’église. Heureusement, cette femme n’a pas été assassinée, mais on l’avait de toute évidence laissée pour morte. C’était l’intention de l’agresseur.
Malheureusement, la preuve contre M. Fisher était purement circonstancielle. Il faisait nuit noire, la survivante n’a pas bien vu son agresseur et il n’y avait aucun autre témoin. Elle a été incapable d’identifier l’accusé, qui était présent dans la salle d’audience lors de l’enquête préliminaire, car elle n’avait jamais vu son visage. Heureusement, un policier de la Gendarmerie royale du Canada, le sergent d’état-major Bob Young, qui connaissait les antécédents et le caractère de M. Fisher, l’a trouvé chez lui, alors qu’il sortait une paire de jeans d’une machine à laver.
À la Cour du Banc de la Reine, M. Fisher était représenté par Morris Bodnar, un éminent criminaliste de la Saskatchewan. En 1981, dans l’un de mes derniers dossiers à titre de procureur principal de la Couronne, j’ai présenté avec M. Bodnar une proposition conjointe demandant que la cour ajoute 10 ans aux trois années de peine qui restaient et que Fisher devait automatiquement purger. Ce qui revenait, autrement dit, à une peine d’emprisonnement additionnelle de 13 ans.
À peine quelques mois plus tard la même année, alors que je venais d’être nommé juge de la cour provinciale, j’ai visité, dans la cadre de ma formation, un certain nombre d’établissements de justice en Saskatchewan, y compris le pénitencier fédéral. Il se trouve que lorsque je suis entré dans la prison fédérale où M. Fisher était détenu, celui-ci a fait exprès de rester à un endroit où il pourrait me voir et il m’a fixé du regard. Il m’a vu et je l’ai vu, ce qui a effectivement prouvé le pouvoir de la communication télégraphique dans la culture pénitentiaire.
Dix ans plus tard, en 1991, j’ai suivi avec un intérêt particulier le renversement beaucoup trop tardif de la condamnation de M. Milgaard à la Cour suprême du Canada. J’avais poursuivi Fisher, et je connaissais ses antécédents tourmentés et violents. J’ai également suivi le procès avec le point de vue d’un juge de la Saskatchewan. On a conclu que seules des preuves circonstancielles existaient contre M. Milgaard, et que, dans les faits, ce jeune de 16 ans, considéré comme un hippie par les enquêteurs de police, s’était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.
Il s’est fait manipuler par des détectives trop zélés, puis condamné sur la fausse déclaration d’une jeune femme, qui a tenté de revenir sur sa déclaration parce qu’elle s’était sentie forcée de dire aux policiers ce qu’ils souhaitaient entendre. M. Milgaard a été libéré de prison en 1992 et il a reçu une indemnisation financière en 1999.
Il se trouve que cela s’est produit en bonne partie grâce aux efforts de l’un de nos collèges et mon bon ami, le sénateur Brent Cotter. Il était sous-ministre de la Justice à l’époque, et la preuve génétique exonérait bel et bien M. Milgaard. M. Cotter a directement participé au processus qui a mené à l’adjudication d’une indemnité pécuniaire non négligeable, soit 10 millions de dollars, pour condamnation injustifiée.
L’exemple de ce fonctionnaire qui a décidé de suivre sa conscience et d’agir avec intégrité montre qu’il peut suffire d’une personne pour changer le cours des choses. Je m’égare, cela dit, et j’espère qu’il vous racontera lui-même cette partie-là de l’histoire la semaine prochaine. Sur ce, je conclus le troisième thème.
Qu’arrive-t-il maintenant? Chers collègues, c’est seulement en 2008 qu’une enquête sur cette erreur judiciaire a fini par recommander que le gouvernement fédéral crée un organisme indépendant pour étudier les allégations concernant ces erreurs. Seize ans plus tard — 16 longues années pour ce citoyen canadien injustement reconnu coupable d’un crime —, nous débattons de ce projet de loi, et je constate que la chanson des Tragically Hip que mes collègues et moi avons citée s’applique aussi au temps que M. Milgaard a passé en prison et à l’apathie de l’appareil judiciaire, car « personne ne s’intéresse à ce que tu n’as pas fait ».
Corrigeons maintenant les paroles de la chanson. Cette mesure législative est destinée aux victimes d’erreurs judiciaires, alors oui, l’appareil judiciaire s’intéresse à ce qu’elles n’ont pas fait.
Comme je l’ai dit, ainsi que bien d’autres sénateurs, ce projet de loi se fait attendre depuis longtemps. La commission indépendante qui sera créée pour examiner les erreurs judiciaires et enquêter sur ces dernières sera adéquatement financée avec un budget de 83,5 millions de dollars sur 5 ans, soit 16,7 millions de dollars par année. La commission sera dotée d’un personnel adéquat, ce qui inclut des avocats et d’autres personnes à l’expertise et à l’expérience diversifiées. Le personnel sera adapté aux enquêtes et à la surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans le système de justice. Si le projet de loi est adopté, la commission sera habilitée à renvoyer des affaires à une cour d’appel ou à ordonner un nouveau procès, même si les cas n’ont pas été renvoyés à la Cour suprême du Canada.
D’aucuns diront — à bon droit — que nous devons tout faire pour éviter que ce genre de chose se produise et qu’il faut agir en amont. Sans aller jusqu’à dire que je ne suis pas d’accord, le système de justice a besoin, comme je le disais plus tôt, d’un mécanisme efficace en aval pour lui servir de soupape de sécurité. Même si je peux vous garantir, par expérience, que les juges ne rendent aucune décision à la légère, que les procureurs préparent leur dossier avec le plus grand soin, que les avocats s’emploient à présenter les arguments les plus convaincants qui soient et que les policiers sont conscients d’être sous le regard du public, les erreurs, les préjugés et les préjudices demeurent possibles — ce qui n’excuse en rien les erreurs judiciaires, loin de là. Ce projet de loi nous rappelle que le système de justice requiert une vigilance et un professionnalisme sans égal de tous ceux qui en font partie.
Chers collègues, nous devons être vigilants si nous voulons que le système de justice soit juste. Nous devons être constamment aux aguets dès qu’il est question d’incarcération. Cette mesure législative aidera le système de justice à regagner la confiance des Canadiens.
Aucun système n’est parfait parce que personne n’est parfait et que les erreurs sont toujours possibles. Ce ne sont pas là des excuses. Ce sont des faits, des faits qui se rapportent à un système de justice qui va adhérer aux préceptes de la justice fondamentale et à la primauté du droit et qui doit toujours y aspirer en se reposant sur des mesures qui l’améliorent concrètement et qui le protègent contre les erreurs judiciaires.
(1600)
Son Honneur la Présidente : Je regrette, sénateur Arnot, mais je dois vous interrompre. Il est 16 heures, alors nous devons lever la séance.
Le sénateur Arnot : Vous auriez dû me laisser commencer plus tôt.
(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)