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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 243

Le jeudi 28 novembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 28 novembre 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’honorable Gerald J. Comeau. c.p.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le 4 décembre de l’année dernière, nous avons perdu notre ancien collègue l’honorable Gerald Comeau. Son décès n’a pas encore été souligné par le Sénat, et je ne voulais pas qu’une année entière s’écoule sans que nous nous souvenions de lui. Je me lève donc aujourd’hui pour rendre hommage à notre ami, à ce grand homme.

Comme le sénateur Comeau aimait bien rire, je ne pense pas qu’il m’en voudrait de raconter cette anecdote. Quelques jours avant sa victoire aux élections fédérales de 1984, Brian Mulroney se tenait devant un auditorium bondé en Nouvelle-Écosse aux côtés de son candidat de Sud-Ouest-Nova. M. Mulroney l’a présenté en disant : « Mon bon ami, Gerry Comeau. » On a alors entendu un journaliste demander : « A-t-il dit Perry Como? »

Ce journaliste ne savait peut-être pas qui était Gerry Comeau, mais les habitants de sa circonscription, eux, le savaient et l’ont élu pour qu’il siège en leur nom à la Chambre des communes. Malheureusement, il n’a pas été réélu en 1988, mais, moins de deux ans plus tard, il a été nommé au Sénat sur les conseils du premier ministre Mulroney.

Il existe une longue tradition qui consiste à nommer des sénateurs issus des communautés linguistiques minoritaires. Pour les Acadiens de la Nouvelle-Écosse, elle remonte à 1907. Le sénateur Comeau a eu l’honneur de poursuivre cette tradition. L’adoption de son projet de loi d’initiative parlementaire, en 2003, qui instaurait la Journée de la Fête nationale de l’Acadie, était ce qui le rendait le plus fier au Sénat. Il était aussi très fier, à bon droit, de ses années de travail à la présidence du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Le sénateur Comeau a été leader adjoint du gouvernement au Sénat pendant les cinq premières années du gouvernement du premier ministre Harper. Il s’est alors avéré très efficace pour mettre en œuvre le programme conservateur axé sur le gros bon sens du gouvernement Harper. Pendant assez longtemps à cette époque, après de longues années de gouvernement libéral, les sénateurs conservateurs étaient beaucoup moins nombreux que les sénateurs libéraux. Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose?

En grande partie grâce à ses bons rapports avec les autres sénateurs, le sénateur Comeau a réussi à atteindre les objectifs législatifs du gouvernement. Sa loyauté à l’égard du Sénat et de son parti, son sens du devoir et son intégrité ont été manifestes tout au long des 23 années qu’il a passées au Sénat. En reconnaissance des services qu’il a rendus au Canada, le premier ministre Harper l’a nommé au Conseil privé.

À la retraite, le sénateur Comeau est resté actif dans son milieu, notamment à titre de bénévole pour le Musée du moulin Bangor, en Nouvelle-Écosse. En nous quittant, en décembre dernier, il a laissé dans le deuil ses amis et collègues des quatre coins du Canada. Sa fidèle épouse, Aurore, avec qui il a vécu 53 ans, est malheureusement décédée en février dernier. Ils formaient une équipe extraordinaire. Au nom des membres du caucus conservateur, j’offre toutes nos condoléances à la famille Comeau. Qu’ils reposent en paix.

Lucy Maud Montgomery

Le cent cinquantième anniversaire de sa naissance

L’honorable Jane MacAdam : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une femme qui est généralement considérée comme l’une des auteures canadiennes les plus appréciées et dont les histoires et les personnages intemporels ont touché le cœur de millions de personnes dans le monde entier : Lucy Maud Montgomery. Ce samedi marque le 150e anniversaire de sa naissance, et je rends hommage non seulement à son génie littéraire, mais aussi à son héritage durable.

Née le 30 novembre 1874, Mme Montgomery a grandi sur l’Île-du-Prince-Édouard. Son environnement, qu’elle a décrit en teintes de rubis, d’émeraude et de saphir, deviendra plus tard la vive toile de fond de son œuvre la plus célèbre, Anne... la maison aux pignons verts.

Malgré la perte précoce de sa mère, une éducation stricte et solitaire chez ses grands-parents et la discrimination dont elle a été victime à une époque où les écrivaines étaient souvent ignorées, Mme Montgomery a conservé une imagination sans borne et un esprit résilient, deux qualités omniprésentes dans ses écrits. Le personnage bien-aimé d’Anne Shirley, à l’instar de sa créatrice, a osé rêver au-delà des limites imposées par sa situation.

À une époque où le rôle des femmes était largement confiné à l’espace domestique, la représentation par Mme Montgomery de personnages féminins forts et complexes était révolutionnaire. Ses héroïnes sortaient des sentiers battus : elles ont fait de grands rêves, ont poursuivi leurs études et se sont battues pour le droit de se faire entendre. Elles ont offert ainsi les premières représentations de femmes autonomes dans la littérature canadienne, tout en donnant une voix authentique aux expériences et à la vie intérieure des femmes.

Les histoires de Mme Montgomery ont été traduites dans plus de 36 langues et publiées sur toutes sortes de supports. La comédie musicale inspirée d’Anne... la maison aux pignons verts a vu le jour à Charlottetown en 1965 et elle est montée encore aujourd’hui. D’autres adaptations de ses histoires ont été vues par des millions de personnes et ont cumulé les prix et distinctions.

Je m’en voudrais de passer sous silence les difficultés personnelles de Lucy Maud Montgomery. En partageant cette partie de son histoire, la famille de Mme Montgomery espérait faire tomber les préjugés entourant la santé mentale et faire savoir aux autres qu’ils ne sont pas seuls. Le chapitre prince-édouardien de l’Association canadienne pour la santé mentale a dévoilé un banc commémoratif sur le terrain de la maison d’enfance de Mme Montgomery à l’occasion de la Journée mondiale de la prévention du suicide. La plaque installée sur le banc porte l’inscription suivante : « Ô vieille terre adorable, que tu es belle! Que je suis heureuse de vivre en ce bas monde! »

L’œuvre de Lucy Maud Montgomery a grandement contribué à faire connaître le Canada et l’Île-du-Prince-Édouard au reste de la planète littéraire et elle demeure une source d’inspiration pour nombre de grands auteurs qui continuent de se servir de la littérature pour remettre en question les normes sociétales.

Je vous invite à relire ou à découvrir vous-même les écrits de Mme Montgomery et à ressentir le charme de l’île qui l’a habitée toute sa vie.

Dans ses propres mots :

Quiconque n’a jamais marché sur les rivages, dans les champs ou le long des routes sinueuses rougeâtres de l’Île-du-Prince-Édouard sous un soleil couchant d’été, alors que la rosée s’installe, que les étoiles millénaires se pointent le bout du nez et que la mer garde en son étreinte la petite île qu’elle aime tant, celui-là n’a jamais connu la paix.

(1410)

Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Kaspars Ozoliņš, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Lettonie au Canada, du major-général Simon Bernard, commandant adjoint du Commandement des opérations interarmées du Canada, et d’autres membres des Forces armées canadiennes. Ils sont les invités des honorables sénateurs Patterson et Wells (Terre-Neuve-et-Labrador).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’opération Reassurance

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, je suis récemment allée en Pologne, en Estonie et en Lettonie avec mes collègues parlementaires, dans le cadre des travaux de l’Association parlementaire Canada-Europe, afin d’échanger avec des homologues gouvernementaux et de rencontrer des membres des Forces armées canadiennes servant dans les éléments de la force terrestre de l’opération Reassurance, la contribution du Canada aux vastes efforts de dissuasion de l’OTAN le long du flanc oriental de l’organisation. Avec la Lettonie comme pays hôte exceptionnel, un nombre sans précédent de 14 pays composeront la Brigade multinationale Lettonie de l’OTAN, sous le commandement de notre colonel canadien Cédric Aspirault.

C’est la plus multinationale de toutes les forces terrestres avancées de l’OTAN. Il sera extrêmement difficile de « décanadianiser » le quartier général pour réunir tous ces pays en une seule brigade cohésive. Cependant, c’est aussi un témoignage incroyable de la confiance que les autres pays accordent au Canada en tant que nation-cadre et aux dirigeants des Forces armées canadiennes.

En Lettonie, nous avons assisté à la conclusion de l’exercice Resolute Warrior, le premier exercice d’envergure en tant que brigade complète de l’une des forces terrestres avancées, mais aussi le premier exercice sur le terrain d’une brigade dirigée par le Canada en Europe en plus de 30 ans. De nombreux planificateurs du Commandement des opérations interarmées du Canada, qui ont pris part à cet exercice, se trouvent à la tribune aujourd’hui. D’un point de vue militaire au moins, la position de notre nation au sein de l’alliance est intacte grâce à l’excellence de nos soldats, marins et aviateurs.

Il est essentiel, toutefois, que le Canada poursuive son engagement. Pensez donc : l’ambassadeur de la Lettonie au Canada, qui est parmi nous aujourd’hui, était un jeune conscrit lorsque l’Union soviétique occupait la Lettonie. Il a alors courageusement critiqué ses supérieurs soviétiques. Il s’est alors fait dire que la Lettonie n’avait pas le droit d’être indépendante parce qu’elle n’avait jamais envahi un autre pays. Pensez-y un peu.

C’était le critère à remplir, selon l’État soviétique — et c’en est un aujourd’hui pour l’État russe — pour devenir un pays. La Lettonie partage ses frontières avec un pays dont le régime se sent autorisé à envahir ses voisins. C’est ce qu’il fera encore et encore si on ne l’en empêche pas. La Lettonie le sait, et les Canadiens devraient en prendre conscience.

Plus de 2 200 membres des Forces armées canadiennes étaient en Lettonie pour cet exercice. En tout, 1 700 militaires y seront déployés en permanence, à tour de rôle. Quelque 80 militaires canadiens et leur famille y sont maintenant affectés pour trois ans. Nous, parlementaires, devons donc nous assurer qu’ils ont le matériel et le soutien nécessaires.

Les décisions que nous prenons ici ont une profonde incidence sur chaque membre des forces armées. Nous ne pouvons pas leur demander de remplir leurs fonctions sans leur fournir les outils dont ils ont besoin pour y parvenir.

Au Forum d’Halifax sur la sécurité internationale, le week-end dernier, le président de HFX a déclaré que « toutes les questions internationales sont liées à la victoire de l’Ukraine sur la Russie de Poutine ».

Qu’il s’agisse de la sécurité de Taïwan ou de la stabilité du Moyen-Orient, et de toute la région, la victoire de l’Ukraine est essentielle à la paix mondiale. Je ne saurais trop insister là-dessus.

Nous n’oublierons pas les millions d’Ukrainiens qui ont été déplacés et qui souffrent énormément en raison de la Russie. Le soutien inébranlable du Canada est nécessaire aujourd’hui et le sera après la victoire non seulement pour défendre la souveraineté, de l’Ukraine mais aussi pour affirmer sa position en faveur de toutes les démocraties, de la liberté et de la dignité humaine.

Je vous remercie, Votre Honneur.

L’Association parlementaire Canada-Europe

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Patterson pour le récapitulatif exceptionnel qu’elle a fait de notre récent voyage en Europe. Comme chacun sait, les questions opérationnelles étaient au cœur de nos priorités, et très peu de gens sont aussi qualifiés qu’elle pour ce genre de travail.

J’ai eu le privilège de diriger la délégation de six membres de l’Association parlementaire Canada-Europe qui a pris part à ce voyage, alors je tiens à remercier mes compagnons de voyage, c’est-à-dire la sénatrice Patterson, évidemment, et le sénateur Brent Cotter, ainsi que trois députés : l’honorable Pam Damoff, Mme Viviane Lapointe et M. Stéphane Bergeron.

C’est difficile de résumer en trois minutes tout ce que nous avons vécu en Pologne, en Estonie et en Lettonie, trois pays directement exposés à la guerre en Ukraine et à l’agression constante de la Russie de Poutine. Voilà pourquoi la sénatrice Patterson et moi avons décidé de parler tous les deux de notre rapport à nos collègues et aux Canadiens.

Comme le savent la plupart d’entre vous, qui dit mission de diplomatie parlementaire dit réunions et discussions de haut niveau avec divers dirigeants du gouvernement et de la société civile. Pendant notre voyage, nous avons rencontré l’ambassadrice du Canada en Ukraine, Natakla Cmoc, la ministre des Affaires étrangères de la Lettonie, la sous-secrétaire aux Affaires politiques du ministère des Affaires étrangères d’Estonie, la Présidente du Parlement de Lettonie et le chef de la sécurité frontalière d’Estonie — un pays qui partage des centaines de kilomètres de frontière avec la Russie, frontière qui est mise à l’épreuve quotidiennement.

Nous avons également rencontré le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, et la générale Jennie Carignan, cheffe d’état‑major de la Défense du Canada. Le jour du Souvenir, j’ai eu l’honneur de déposer une gerbe au cimetière militaire national de l’Estonie. Ce fut un moment émouvant pour moi. En outre, j’ai participé à une réunion privée avec une quarantaine d’ambassadeurs européens, au cours de laquelle nous avons discuté de la logistique de la reconstruction de l’Ukraine après la guerre.

Toutes ces réunions ont été instructives et substantielles, y compris la conférence et le salon ReBuild Ukraine, à laquelle nous avons assisté à Varsovie. Notre délégation a rencontré des entreprises canadiennes lors de cette conférence et a pu voir les efforts qu’elles déploient pour contribuer à l’occasion économique et humanitaire qui se présentera. Ce soir-là, j’ai pris la parole lors d’un événement parrainé par l’ambassade du Canada et Ressources naturelles Canada, auquel participaient des entreprises canadiennes, des diplomates et des membres de la Chambre de commerce Canada-Ukraine.

Le sénateur Patterson a fourni une description excellente et complète de nos contributions à l’opération Reassurance. Bien que j’apprécie les réunions de haut niveau, la rencontre la plus importante a été celle avec les troupes canadiennes. Par une journée froide et pluvieuse sur un terrain boueux, j’ai serré la main du plus grand nombre possible de soldats et j’ai discuté avec eux dans la mesure du temps dont nous disposions. Ces femmes et ces hommes des Forces armées canadiennes servent dans cette région très dangereuse du monde avec dévouement et professionnalisme.

Chers collègues, plus de 2 200 Canadiens sont sur le terrain en Lettonie, et d’autres se trouvent en Lituanie, en Estonie et en Pologne, où ils jouent un rôle de coordination. Le Canada dirige une force d’opérations avancée de 14 pays dans le cadre de son engagement envers l’OTAN. Nos soldats nous représentent avec honneur et dignité, et je suis fier d’eux. Monter à bord des chars et des véhicules blindés de transport de troupes et assister aux exercices de tir réel avec le secrétaire général de l’OTAN et la cheffe d’état-major de la défense du Canada a été un honneur qui n’a été surpassé que par la rencontre avec les soldats sur leur lieu de travail et constitue un moment fort de ma fonction de sénateur représentant le Canada. Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Aaron Swanson, qui travaille au Bureau des relations internationales et du protocole du gouvernement de l’Ontario. Il est l’invité de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes

L’honorable Paulette Senior : Honorables sénateurs, c’est avec le cœur lourd que je prends la parole aujourd’hui, sur le territoire non cédé de la grande nation algonquine anishinabe, pour commencer à souligner la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes.

Chaque année, le 6 décembre, nous nous souvenons avec chagrin de l’un des pires féminicides de masse de ce pays, mais surtout, nous agissons. Cette année, j’exhorte chacun d’entre nous, ici et à l’autre endroit, à prendre le genre de mesures concrètes qui apportent un changement, le genre d’action qui va au-delà des rubans et des roses et qui consistent à investir des ressources transformationnelles dans des interventions communautaires et des initiatives de prévention fondées sur le genre, non pas pour réduire, mais pour mettre fin à toutes les formes de violence contre les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre, en particulier celles dont la race, l’identité autochtone, le handicap, la sexualité ou le statut font d’elles les membres de la société les plus vulnérables.

Honorables collègues, il y a 35 ans, la vie de 14 jeunes femmes brillantes — et tout leur potentiel prometteur — leur ont et nous ont été brutalement arrachés, mais il faut savoir que nous ne les oublierons jamais. En leur nom, nous nous engageons à agir, afin que le potentiel prometteur des générations actuelles et futures de jeunes femmes se réalise. Voici leurs noms : Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Annie-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St‑Arneault, Annie Turcotte et Barbara Klucznik-Widajewicz. En leur nom, nous déclarons que la violence fondée sur le genre est une pandémie mondiale et nous prenons les mesures et les décisions qui s’imposent pour l’éradiquer. Nous réclamons un financement considérable pour les lignes téléphoniques d’assistance, les refuges, les logements sûrs et abordables, l’éducation du public, les programmes de prévention, la formation sur les traumatismes, les protocoles de sécurité dans les lieux de travail et ainsi de suite. Nous nous engageons à enfin combler l’écart salarial entre les genres et à fournir des revenus suffisants pour vivre, afin que la pauvreté ne contraigne personne à rester dans une relation malsaine.

(1420)

Nous nous élevons contre le déséquilibre du pouvoir, la violence, la domination et l’agression. Nous cherchons des occasions de parfaire et d’affirmer le genre d’être humain que nous voulons incarner et connaître : des êtres humains mus par l’équité, l’entraide et la compassion.

Agissons ensemble en préservant dans nos cœurs la mémoire des femmes assassinées il y a 35 ans et des milliers de femmes assassinées avant et après elles. Nous ne les oublierons jamais. Merci. Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Rodrigo Malmierca Díaz, ambassadeur de la République de Cuba. Il est accompagné de Dany Tur de la Concepción, chef de mission adjoint. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Hartling.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du chef Joe Alphonse, du chef Roger William et du chef Francis Laceese. Ils sont accompagnés de représentants du gouvernement national des Tŝilhqot’in. Ils sont les invités des honorables sénatrices McCallum et Greenwood.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Présentation du trentième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Rosemary Moodie, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 28 novembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

TRENTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants), a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 30 mai 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

ROSEMARY MOODIE

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3337.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Dasko, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La réunion d’hiver de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue les 22 et 23 février 2024—Dépôt du rapport

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 23e réunion d’hiver de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Vienne, en Autriche, les 22 et 23 février 2024.

La session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 29 juin au 3 juillet 2024—Dépôt du rapport

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 31e session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Bucarest, en Roumanie, du 29 juin au 3 juillet 2024.

[Traduction]

Le décès de l’honorable Murray Sinclair, C.C., O.M., C.M.S.

Préavis d’interpellation

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur la vie et la carrière de feu l’honorable Murray Sinclair.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

La sécurité frontalière

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le gouvernement libéral—néo-démocrate peine à réagir à la menace de droits de douane de 25 % brandie par les États-Unis. L’autre jour, la ministre Anand a dit en entrevue que les frontières canadiennes sont étanches et sécurisées et que les personnes qui entrent illégalement au pays seront expulsées.

Après avoir rencontré les premiers ministres des provinces, hier, le ministre LeBlanc a dit aux journalistes qu’ils allaient « serrer la vis » — c’est lui qui l’a dit, pas moi — afin de mieux lutter contre les passages illégaux à la frontière, mais aucun plan visant à sécuriser la frontière n’a été présenté. Il y a à peine une semaine, monsieur le leader, 16 personnes ont été prises à entrer illégalement aux États-Unis par la frontière canadienne. Voilà pourquoi Donald Trump veut imposer des droits de douane.

Monsieur le leader, les premiers ministres des provinces et les Canadiens s’attendent à un plan détaillé. Quand pourront-ils en prendre connaissance?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Monsieur le sénateur, je vous recommande, à vous, aux autres membres de votre groupe parlementaire et à tous les citoyens, de lire un excellent article d’Andrew Coyne qui est paru aujourd’hui et qui présente ce que la plupart d’entre nous, en fait, considèrent comme une approche habile de la politique, de la stratégie et des négociations de façon à garder des munitions en réserve en prévision de ce qui pourrait arriver lorsque le président élu arrivera au pouvoir.

La réunion des premiers ministres qui a eu lieu hier n’est qu’une première étape dans l’élaboration d’un plan d’action adéquat et cohérent. Sénateur, commencer à émettre publiquement des hypothèses est peut-être une chose qui rapporte sur le plan politique, mais ce n’est pas dans l’intérêt du Canada que le gouvernement réfléchisse à voix haute à ce qu’il compte faire. Il discute déjà avec le président élu et il continuera d’être en rapport avec les gouvernements des autres pays.

Le sénateur Plett : Eh bien, je pense que c’est une bonne façon d’intervenir que de mettre fin aux passages illégaux. C’est là-dessus que porte ma question. Vous dites que ce n’est pas une bonne chose de nous informer de ce que vous allez faire.

Monsieur le leader, avant même que le président Trump menace d’imposer des droits de douane de 25 %, votre propre province, le Québec, a annoncé qu’elle allait envoyer sa police provinciale pour sécuriser la frontière. Si elle le fait, c’est parce qu’elle ne vous fait pas confiance. Le Québec sentirait-il le besoin d’intervenir si la frontière était aussi sécurisée que ce qu’affirme votre gouvernement?

Le sénateur Gold : Sénateur Plett, le ministre a annoncé les plans pour renforcer la sécurité à la frontière. Je sais, comme nous tous, que la GRC a avisé ses homologues américains et qu’elle a pu, en misant sur la collaboration, intervenir sur la question de ceux qui tentaient d’entrer aux États-Unis. Je le répète : le gouvernement travaille de façon sérieuse et responsable pour protéger nos frontières et nos intérêts.

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, Justin Trudeau s’est révélé être un dirigeant faible à un moment où nous pouvons difficilement nous le permettre. Après neuf ans sous le gouvernement de Justin Trudeau, les crimes violents, les crimes contre la propriété et les homicides ont augmenté de façon marquée au Canada, comme le souligne un récent rapport de l’Institut Fraser.

Étant donné que le taux de crimes violents au Canada surpasse maintenant celui des États-Unis, comment pouvez-vous continuer de défendre les politiques faibles du gouvernement, y compris la politique d’arrestation et de remise en liberté des récidivistes? Si on ajoute le trafic de fentanyl causé par l’inefficacité des politiques wokes du gouvernement sur les drogues, comment pouvez-vous être surpris que le prochain président donne suite à sa menace de rétablir l’ordre à nos frontières?

En passant, hier, vous m’avez accusé de propager de la mésinformation. Qu’est-ce que j’ai dit hier ou aujourd’hui qui n’est pas vrai, sénateur Gold? Les données statistiques ne mentent jamais.

(1430)

Le sénateur Gold : Je vais répondre à votre question. Je pense que votre allusion à la contrebande de fentanyl aux États-Unis dénature considérablement la différence entre la quantité de fentanyl qui a été passée ou que l’on a tenté de passer aux États‑Unis depuis le Canada et la quantité qui a été passée au Canada ou aux États-Unis depuis d’autres pays. C’était trompeur, et les faits sont accessibles au public, comme vous le savez.

Il n’est pas non plus avéré que les politiques du gouvernement en matière de droit pénal soient responsables de l’augmentation de la criminalité. Je sais qu’idéologiquement votre parti continue de considérer que la solution à la criminalité consiste simplement à jeter plus de gens en prison pour des périodes plus longues. Je sais que votre solution consiste à ne pas faire confiance à nos institutions, c’est-à-dire les tribunaux, le Service correctionnel du Canada ou la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Ce n’est pas la position du gouvernement.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, la seule chose à laquelle les Canadiens ne font pas confiance, c’est votre gouvernement.

Permettez-moi de vous présenter d’autres faits. Lors de la dernière présidence de M. Trump, Justin Trudeau a publié un gazouillis tristement célèbre — nous nous en souvenons tous — dans lequel il accueillait les demandeurs d’asile américains au Canada; cela est en grande partie à l’origine de la crise du logement que traverse actuellement le pays. Alors que notre propre frontière risque une fois de plus d’être débordée, M. Trump promettant une application encore plus stricte des règles en matière d’immigration, le gouvernement a-t-il un plan? S’il vous plaît, sénateur Gold, dites‑moi que quelqu’un a supprimé le compte Twitter de Justin Trudeau.

Le sénateur Gold : Je vais laisser de côté l’utilisation de Twitter dans l’environnement politique actuel, que je trouve relativement toxique, et me contenter de dire ce qui suit. Si je vous ai bien compris — et je vous laisse la possibilité, sénateur Housakos, de me corriger —, vous imputez aujourd’hui la crise du logement aux demandeurs d’asile, à ceux qui fuient la persécution dans d’autres pays. Vous devriez avoir honte.

Le sénateur Housakos : ... vous avez fait une volte-face sur ce point vous-même...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Cormier, vous avez la parole.

[Français]

L’emploi et le développement social

Le programme national d’alimentation dans les écoles

L’honorable René Cormier : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

Sénateur Gold, la semaine dernière, le gouvernement a proposé l’élimination temporaire de la TPS/TVH sur certains produits de malbouffe, comme les bonbons, les croustilles et le chocolat. Cette mesure entraînera inévitablement une hausse de la consommation de ces produits chez les enfants du pays.

Cette annonce survient alors que notre Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie vient de terminer l’étude du projet de loi C-252, qui vise à interdire la publicité d’aliments et de boissons malsaines auprès des enfants — et qui a par ailleurs reçu l’appui du gouvernement —, ainsi que dans le contexte des mesures mises de l’avant par le gouvernement en matière d’alimentation saine en milieu scolaire — je songe notamment au Programme national d’alimentation scolaire du Canada.

Si je salue la volonté du gouvernement d’alléger le fardeau fiscal des contribuables pendant la période des Fêtes, le discours tenu ne me paraît pas tout à fait cohérent avec une saine alimentation.

Comment le gouvernement concilie-t-il ces différentes mesures?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je vous remercie aussi d’avoir évoqué cet important projet de loi ainsi que le Programme national d’alimentation scolaire, qui permettra à plus de 400 000 enfants de plus de bénéficier des repas sains dont ils ont besoin à l’école et qui permettra aux familles d’économiser de l’argent.

Les Canadiens sont confrontés à des défis réels, et c’est la raison pour laquelle le gouvernement tient à soutenir les familles et à rendre la vie plus abordable.

C’est pourquoi le gouvernement a annoncé une série de mesures, dont une garderie à 10 $ par jour qui permettra aux familles d’économiser de milliers de dollars chaque année.

L’exonération de la TPS aidera à couvrir des dépenses saisonnières, afin que les Canadiens puissent se concentrer davantage sur les célébrations, leurs familles et leurs amis et qu’ils s’inquiètent moins du budget familial.

Pour ce qui est de votre question précise, c’est le temps des Fêtes; ce n’est pas le gouvernement qui doit dire aux familles quoi donner aux enfants pour célébrer avec eux pendant cette période.

Le sénateur Cormier : Je comprends très bien et je suis sensible à cette question.

Parlant du Programme national d’alimentation scolaire du Canada, comment et quand le gouvernement fédéral entend-il signer des ententes avec l’ensemble des gouvernements provinciaux et territoriaux? À ma connaissance, trois provinces seulement, soit l’Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador et le Manitoba, ont signé de telles ententes en date d’aujourd’hui.

Le sénateur Gold : Merci pour la question et merci de souligner davantage ce programme important.

Comme vous l’avez noté, certaines provinces ont déjà signé des accords. Je crois savoir que le travail en vue de conclure des accords avec les autres provinces est en cours et que le gouvernement espère qu’il aura bientôt d’autres bonnes nouvelles à partager avec les Canadiens.

[Traduction]

L’environnement et le changement climatique

Les émissions de gaz à effet de serre

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, ma question porte sur nos efforts visant à assainir la production d’électricité et à réduire nos émissions de gaz à effet de serre dans les territoires. Nous savons que le diésel est une option fiable pour le chauffage et l’électricité, surtout au Nunavut, mais il est coûteux à l’achat et au transport et il présente de sérieux inconvénients pour l’environnement.

Que fait le gouvernement fédéral pour réduire la dépendance du Nord à l’égard de la production d’électricité à partir de moteurs diésel? Comme l’a signalé le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles il y a près de 10 ans, les réseaux électriques des territoires étaient vieillissants, peu performants et à bout de souffle et la capacité financière manquait pour faire avancer les grands projets. Quelles sont les avancées et les réalisations depuis 2015 en matière d’écologisation du panier énergétique dans les territoires?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir mis en lumière ce qui est un vrai problème. Quand je me suis rendu dans le Nord avec le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans il y a de nombreuses années, j’ai constaté la dépendance à l’égard du diésel et les conséquences de celle-ci.

Le gouvernement a lancé le programme ARDEC Nord qui aide à soutenir les communautés nordiques et autochtones dans leur transition vers des sources d’énergie renouvelables, durables et abordables. Depuis 2016, pour répondre à votre question, le programme ARDEC a financé 140 projets et investi plus de 29 millions de dollars dans des projets de renforcement des capacités, d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique. Plus récemment, dans le cadre de ce programme, le gouvernement a annoncé un financement de 300 millions de dollars pour soutenir les communautés qui lancent leurs projets énergétiques, qu’il s’agisse d’énergie éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique ou de biomasse, ainsi qu’un modèle simplifié pour les communautés qui accèdent à ces ressources et au financement lié à l’énergie propre.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette réponse, sénateur Gold.

Selon le plan ministériel de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, on espère remplacer 7 millions de litres de diésel par de l’énergie propre d’ici 2030. En trois ans, nous n’avons remplacé en tout que 830 000 litres de diésel. Avez-vous bon espoir que nous pourrons atteindre notre objectif? Les petits réacteurs modulaires sont-ils considérés comme une solution de rechange fiable et abordable au diésel?

Le sénateur Gold : Merci. Le gouvernement croit qu’il est en voie de réduire la consommation de 7 millions de litres d’ici 2030. Je crois comprendre qu’on a épargné 1 million de litres de diésel en 2023-2024. La réduction annuelle estimée de 1 million de litres de diésel s’appuie sur l’établissement de capacités de production d’énergie propre de 3,6 millions de kilowatts, ce qui correspond à une réduction estimée de 2 800 tonnes de gaz à effet de serre.

La santé

Le système de soins de longue durée

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, toutes les personnes qui vivent au Canada ont le droit de vieillir dans la dignité, la sécurité et le confort, que ce soit auprès de leurs proches et de leurs amis ou, si besoin est, dans un établissement de soins de longue durée. Je suis consciente que, depuis plusieurs années, il y a eu de nombreux investissements de taille dans ce genre de soins, mais en tant que législatrice, je constate que le gouvernement fédéral a fait de la rédaction d’une loi sur les soins de longue durée une priorité ministérielle. Les consultations auprès des parties intéressées se sont conclues en 2023, un rapport Ce que nous avons entendu a été rendu public en août 2024, et le texte lui-même devrait être présenté d’ici la fin de l’année.

Sénateur Gold, quand le Parlement sera-t-il saisi d’une loi sur les soins de longue durée?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, car votre question nous rappelle à quel point il est important d’investir dans les soins de longue durée et de les améliorer. Le gouvernement demeure déterminé à répondre aux besoins des aînés, notamment en les aidant à obtenir les soins de santé sûrs et de qualité dont ils ont besoin et qu’ils méritent.

Chère collègue, je ne peux pas m’avancer sur le moment où ce projet de loi sera présenté, mais je peux assurer au Sénat que les travaux en ce sens vont bon train.

La sénatrice Osler : Je vous remercie, sénateur Gold. Le gouvernement fédéral a aussi mentionné la création de normes nationales sur les soins de longue durée parmi les aspects prioritaires du mandat du ministre. Quand adoptera-t-on des normes nationales afin que toutes les personnes ayant besoin de soins de longue durée puissent bénéficier de soins sûrs et offerts dans la dignité et le confort?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement consacre déjà près de 850 000 $ à l’élaboration de normes indépendantes sur les soins de longue durée dans le cadre de l’Organisation des normes en santé et du Groupe CSA. Je ne peux pas vous donner de date précise quant au moment où ces normes nationales seront promulguées, mais je peux assurer aux sénateurs que les travaux sont en cours.

Les affaires mondiales

Les relations canado-américaines

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement et porte sur les relations canado-américaines.

Le 6 novembre, soit le lendemain des élections américaines, je vous ai demandé ce que le gouvernement fédéral allait faire pour se préparer à l’arrivée de la nouvelle administration Trump. Hier a eu lieu la première rencontre du premier ministre fédéral et des premiers ministres provinciaux et territoriaux. Selon les médias, il semble que ce fut une bonne journée pour les relations fédérales-provinciales-territoriales.

(1440)

Je sais que nous en avons déjà parlé il y a peu de temps, mais je veux aborder la question d’une autre façon. Pourriez-vous nous dire ce sur quoi les premiers ministres, aux allégeances politiques différentes, se sont entendus hier?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Cardozo, je ne suis vraiment pas en mesure de parler des discussions qui ont eu lieu entre les premiers ministres, ni des sujets dont ils ont discuté ou des conclusions auxquelles ils sont parvenus ou non.

Comme je l’ai dit en réponse à des questions posées plus tôt à ce sujet, le gouvernement et les provinces, ainsi que le secteur privé et les parties prenantes, ne restent pas passifs face aux annonces faites par le président désigné et ceux qui ont été nommés à certains postes ni face aux pressions exercées par d’autres personnes — qu’il s’agisse de Canadiens ou d’Américains — pour que le gouvernement explique exactement comment il réagira. Le gouvernement agit de manière responsable et il continuera à le faire.

Le sénateur Cardozo : Merci. J’aimerais proposer que les sénateurs s’impliquent davantage dans certaines interactions entre le Canada et les États-Unis.

Le week-end dernier, huit sénateurs, dont moi-même, ont participé à la séance de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN à Montréal. Nous avons discuté avec divers homologues américains. Des sénateurs étaient présents à la COP 29 en Azerbaïdjan la semaine dernière. Trois sénateurs se rendent à la conférence des gouverneurs des États du Sud, et, bien sûr, il y a le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis.

Le sénateur Gold : Merci, sénateur Cardozo, de nous rappeler à quel point nous sommes nombreux à cultiver des relations avec nos homologues américains par l’intermédiaire des différentes associations parlementaires et autres auxquelles nous adhérons.

Comme je l’ai mentionné l’autre jour, je communiquerai volontiers au gouvernement l’intérêt des sénateurs à s’investir davantage, et je laisserai le gouvernement décider si, comment et quand de telles mesures peuvent être mises en place.

L’environnement et le changement climatique

Parcs Canada

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, cette année, le sénateur Plett et moi vous avons posé des questions à propos de l’abattage sélectif de daims envahissants qui se trouvent sur l’île Sidney, une des îles Gulf, en Colombie-Britannique. Votre gouvernement a payé des tireurs d’élite étrangers pour qu’ils tirent sur des daims avec des fusils semi-automatiques à partir d’un hélicoptère, au coût de 10 000 $ par daim.

Pour la phase suivante de l’abattage sélectif, cet automne, Parcs Canada a installé des clôtures faites de filets de pêche usagés, dans le but de rassembler les daims avant la chasse. Des daims se sont empêtrés dans les filets et sont morts en tentant de se libérer. Parcs Canada a donc décidé d’interrompre l’abattage sélectif.

Combien ces filets de pêche usagés ont-ils coûté aux contribuables, monsieur le leader? Combien la deuxième phase de l’abattage sélectif a-t-elle coûté jusqu’ici?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Martin, je tiens à dire, tout d’abord, que je suis consterné d’apprendre que des animaux ont souffert parce qu’ils s’étaient empêtrés dans les filets. Cela me préoccupe vraiment.

Je ne sais pas combien ont coûté ces filets. Je ne peux que supposer que Parcs Canada croyait pouvoir ainsi rassembler le troupeau de manière sécuritaire. Le résultat a toutefois été inattendu et tragique. Je ne sais pas avec exactitude quelle somme a été déboursée. Je ne sais pas non plus ce qui est prévu maintenant que, selon vos commentaires et mes suppositions, l’abattage sélectif a été suspendu, remis ou annulé.

La sénatrice Martin : Je crois comprendre que les néo‑démocrates—libéraux refusent de donner ces chiffres à la Fédération canadienne des contribuables, ce qui est très troublant.

Monsieur le leader, la première phase de cet abattage a coûté 834 000 $. J’ai déjà posé cette question à deux reprises, mais je n’ai pas reçu de réponse. Pourquoi les chasseurs de la Colombie-Britannique n’ont-ils pas été appelés dès le départ? Ils auraient fait ce travail sans qu’il en coûte quoi que ce soit aux contribuables. N’est-ce pas ça, le gros bon sens?

Le sénateur Gold : Oui, je me souviens que vous avez posé des questions, madame la sénatrice. Comme vous le savez, elles ont été immédiatement transmises au gouvernement. On ne m’a pas donné de réponse, et je regrette que vous n’en ayez pas encore reçu, mais je ferai un suivi, comme je le fais toujours.

[Français]

Les finances

Les mesures fiscales temporaires

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, le gouvernement a déposé le projet de loi C-78 sur le congé de TPS. Il y aura un congé de taxe sur les sapins de Noël, mais pas sur les boules, un congé sur les vêtements pour enfants, mais pas pour les grandeurs XL, sur les couches pour enfants, mais pas les couches pour les aînés, sur les journaux imprimés, mais pas sur les versions numériques, sur la bouteille de vin à 500 $, mais pas sur la flasque de gin à 30 $, sur les jeux vidéos sur support physique, mais pas sur la version numérique. Monsieur le leader, qui a préparé cette liste? Quels étaient les critères objectifs pour faire ces choix? Ne croyez-vous pas que cela sonne encore comme un plan dessiné sur un coin de table?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.

Pour ce qui est des détails du projet de loi, j’espère que le Sénat accordera assez de temps pour que le comité l’étudie comme il se doit.

Comme vous le savez, en ce qui concerne le projet de loi, un vote aura lieu ce soir à la Chambre des communes.

Le gouvernement a dû prendre des dispositions pour faire en sorte que cette aide à plusieurs familles canadiennes ne soit pas illimitée, non seulement en durée, parce que ces mesures visent à aider les familles pour le temps des Fêtes, mais sur plusieurs autres aspects. Il a donc fallu faire des distinctions entre les produits couverts ou non. C’était une décision pragmatique pour aider les familles qui en ont besoin.

Le sénateur Carignan : Pablo Rodriguez, qui était jusqu’à récemment ministre dans votre gouvernement, a écrit ceci sur cette mesure : « Ces mesures ne sont pas structurantes et risquent d’avoir un impact minime avec un coût extrêmement élevé. »

Ce n’est pas un commentaire conservateur, monsieur le leader; il provient d’un député qui était au Conseil des ministres il y a quelques semaines à peine. Vous pourriez peut-être aider le pauvre M. Rodriguez en nous disant en quoi un rabais de 5 % sur un sac de croustilles ou sur des sapins de Noël est une mesure structurante?

Le sénateur Gold : Ces mesures visent à aider des familles et leurs enfants qui ont besoin de joie pendant les Fêtes. Le gouvernement a pris une décision pour donner aux familles un coup de main durant cette période.

La sécurité publique

Le programme de rachat d’armes à feu

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, je reviens à la charge avec les lenteurs administratives entourant le contrôle des armes à feu. Cela fait quatre ans que le gouvernement a rendu un décret pour racheter 4 000 armes d’assaut interdites, des armes qui tuent. Or, rien n’a bougé. Le programme de rachat est prévu pour le printemps prochain, alors qu’on sera peut-être déjà en campagne électorale et qu’on sait que le Parti conservateur du Canada est contre ces mesures de contrôle. Pourquoi le gouvernement se traîne-t-il les pieds? Craint-il une autre controverse qui pourrait lui nuire en campagne électorale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse est assurément non à l’hypothèse que vous avez soulevée.

La question a été posée hier. J’ai fait un suivi immédiatement hier et encore ce matin. Malheureusement, je n’ai pas reçu la réponse tant désirée, non seulement par vous et le Sénat, mais aussi par moi. Le gouvernement travaille fort. Je ne vais pas citer tous les autres gestes que le gouvernement a posés pour réduire notamment l’accès aux armes à feu, mais aussi pour protéger ceux et celles qui sont victimes de violence par arme à feu. Je vais continuer de chercher la réponse, car c’est important.

La sénatrice Miville-Dechêne : La mairesse Valérie Plante et le collectif PolySeSouvient veulent que vous interdisiez davantage d’armes militaires dans la foulée de la flambée de violence armée à Montréal.

(1450)

Non seulement PolySeSouvient voudrait que les lois actuelles et les décrets soient appliqués, mais on aimerait que vous alliez plus loin encore. Comme ce décret a été ordonné il y a quatre ans, il me semble qu’on devrait déjà l’avoir mis en vigueur. Il est quand même remarquable —

Son Honneur la Présidente : Je regrette de vous annoncer que votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Gold : Je comprends très bien la déception et la frustration qui sont éprouvées. En fait, c’est à cette question que je viens de répondre, dans un premier temps, parce que j’ai demandé hier qu’on me fournisse la réponse. Comme je ne l’ai pas obtenue, j’ai posé à nouveau la question ce matin. Je vais donc continuer de faire de mon mieux pour obtenir la réponse à cette question.

[Traduction]

Les finances

Les mesures fiscales temporaires

L’honorable Krista Ross : Sénateur Gold, le projet de loi C-78 est censé donner un congé de TPS aux Canadiens de partout au pays et leur permettre de mieux faire face au coût de la vie, mais je crains qu’il nuise aux Canadiens de l’Atlantique. Les provinces qui ont harmonisé leur taxe de vente avec le gouvernement fédéral ont eu la surprise d’apprendre qu’elles seront privées de millions de dollars. Le Nouveau-Brunswick prévoit un manque à gagner de 62 millions de dollars, de l’argent qui devait servir à financer les programmes destinés aux Néo-Brunswickois. Ces fonds ne seront plus là pour la province. C’est sans parler du fait que les provinces maritimes qui ont exprimé leurs craintes n’ont toujours pas eu l’assurance qu’elles seront indemnisées pour cette perte soudaine.

Le projet de loi C-78 risque-t-il de réduire de plus de 1 % les recettes fiscales nettes totales du Nouveau-Brunswick dans une année civile donnée? Car cela signifierait qu’aux termes de l’entente sur la TVH qu’il a conclue, le gouvernement fédéral devrait l’indemniser. Avez-vous les projections effectuées par Finances Canada au moyen des données les plus récentes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie.

Non, je n’ai pas ces chiffres, mais je suppose que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux concernés, y compris celui du Nouveau-Brunswick, vont discuter de la question. Il se peut même que les discussions aient déjà commencé.

Ce projet de loi n’a pas encore été mis aux voix. Le vote a lieu aujourd’hui, et le texte nous sera renvoyé bientôt. Nous allons l’étudier et, j’ose espérer, l’adopter avant la pause des Fêtes. Il reste donc assez de temps pour mener ces discussions à terme et faire en sorte que toutes les provinces soient traitées équitablement.

La sénatrice Ross : En plus de pénaliser le Nouveau-Brunswick, le gouvernement fédéral alourdit le fardeau administratif des PME. Celles-ci doivent faire des pieds et des mains pour mettre en œuvre ces mesures temporaires. Selon un sondage réalisé dernièrement par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, près de 65 % des petites entreprises sont d’avis qu’il n’y a pas assez de temps pour les appliquer. Elles estiment que la mise en œuvre de ces mesures devrait leur coûter en moyenne 1 000 $.

Le gouvernement fédéral a-t-il consulté les petites entreprises ou les associations qui défendent leurs intérêts avant de présenter ce projet de loi? Dans la mesure où il ne reste que deux semaines avant l’entrée en vigueur de ces mesures, comment les petites entreprises devraient-elles administrer ce dossier, selon vous?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie de votre question. Il est certain qu’il faudra du temps et de l’énergie pour gérer ces changements. Dans certains cas, il faudra peut-être y consacrer des heures-personnes supplémentaires et, par conséquent, des ressources financières.

Je ne suis pas au courant des discussions qui ont eu lieu au préalable, mais j’ai bon espoir que toutes les entreprises feront ce qui s’impose pour donner un répit à leurs clients et concitoyens.

Les finances

Le coût de la vie

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, nous savons qu’à l’autre endroit, les députés libéraux aiment prétendre qu’ils sont autochtones ou qu’ils sont noirs, et nous découvrons maintenant qu’ils aiment également inventer de nouveaux mots. Lundi, la ministre des Finances a présenté aux Canadiens un nouveau terme : « vibecession ». L’année dernière, ils ont inventé le terme « rapporteur sur l’ingérence étrangère », et cette année, ils ont inventé un nouveau mot pour expliquer leur incompétence totale.

Apparemment, ce nouveau mot, « vibecession », éclaire les Canadiens qui ne se rendent pas compte à quel point l’économie va bien. Toutes les personnes qui n’ont pas les moyens de se nourrir, de se loger ou de faire le plein pour se rendre au travail sont tout simplement moroses.

Monsieur le leader, votre gouvernement croit-il vraiment que les Canadiens qui font la queue devant les banques alimentaires n’ont pas besoin d’aide, qu’ils s’imaginent simplement qu’ils ont faim, et que tout cela est dans leur tête? N’est-ce pas un peu insultant, monsieur le leader?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement ne croit pas que les gens qui ont faim ou qui font la queue devant les banques alimentaires n’ont pas vraiment besoin de l’aide qu’ils demandent, et il ne considère pas non plus le coût élevé du logement ou de la nourriture comme des problèmes imaginaires, au contraire.

C’est pourquoi le gouvernement a pris des mesures concrètes afin d’aider les Canadiens dans ses champs de compétence et au-delà, en utilisant son pouvoir de dépenser pour fournir, d’une manière généreuse — mais financièrement responsable — du soutien dans tous ces domaines.

Je n’essaierai d’interpréter pour vous ce que la ministre essayait de dire, sauf pour mentionner qu’il y a une différence entre les réalités vécues par les Canadiens dans leur vie quotidienne et les mesures macroéconomiques réelles qui montrent qu’en fait, la situation du Canada s’est améliorée à l’échelle macroéconomique.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, la semaine dernière, le premier ministre a prononcé les paroles de sagesse suivantes : « Laissons les banquiers s’occuper de l’économie. » Je pense qu’il devrait engager le sénateur Loffreda. Lui s’occuperait peut-être de l’économie.

Le sénateur Housakos : Il ferait un meilleur travail.

Le sénateur Plett : Quelqu’un a-t-il été surpris par ce que le premier ministre a dit, monsieur le leader? Personne ne croit qu’il se soucie de l’économie. N’est-ce pas la raison pour laquelle il faut tenir des élections sous le thème de la taxe sur le carbone : pour que quelqu’un se soucie de la taxe sur le carbone et équilibre le budget?

Le sénateur Gold : Je suis désolé, mais je vais faire abstraction du fait que vos questions ciblent directement une personne, qui, en l’occurrence, n’est pas moi.

Monsieur le sénateur, comme je viens d’essayer de le dire dans ma réponse, le fait est que le gouvernement a géré l’économie de manière responsable, comme le montrent les chiffres, ce qui est une question distincte du fait que, malheureusement, les Canadiens continuent d’avoir besoin de l’aide des gouvernements fédéral et provinciaux en cette période difficile.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Arnot, appuyée par l’honorable sénatrice Clement, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).

L’honorable David M. Arnot : Honorables sénateurs, je reprends aujourd’hui les thèmes que j’ai abordés hier.

Je tiens à vous rappeler que j’ai passé environ 30 minutes à présenter les trois thèmes suivants.

Premièrement, instituer un recours contre les condamnations injustifiées et les erreurs judiciaires est une nécessité. L’appel est lancé. Il n’y a aucun doute sur la nature du problème.

Deuxièmement, ce projet de loi est adapté à son objectif. Il s’inspire de pratiques exemplaires, en particulier du Royaume-Uni et de l’Écosse. Le projet de loi est solide. Tout défaut supposé n’est pas suffisamment grave pour justifier un amendement ou un rejet. Il y aura examen de la loi dans cinq ans, ce qui sera l’occasion de régler d’éventuels problèmes.

Troisièmement, ce projet de loi constitue le changement le plus novateur et le plus transformateur du système canadien de justice pénale du XXIe siècle. Il rend le système plus équitable et il fera du Canada un meilleur endroit.

Chers collègues, le projet de loi C-40 vise à transformer la façon dont les condamnations injustifiées sont examinées au Canada. Le projet de loi se veut une promesse de justice, car il vise à donner aux personnes qui ont été lésées par notre système judiciaire une chance équitable d’obtenir réparation. Il s’agit d’une étape cruciale, et bien qu’il ait suscité de nombreux débats à l’autre endroit et au Sénat, les points qui font l’objet d’un large consensus soulignent la nécessité et l’importance du projet de loi.

Je le répète : le projet de loi vise essentiellement à créer une commission indépendante pour traiter les allégations de condamnations injustifiées, une amélioration sur laquelle tout le monde peut s’entendre. Enlever cette responsabilité au ministre de la Justice pour la confier à un organisme impartial permettra de réduire au minimum toute ingérence politique et d’accroître l’accessibilité de la justice. C’est essentiel pour rétablir la confiance du public, surtout lorsque le système actuel n’a permis qu’à une trentaine d’affaires de faire l’objet de nouveaux procès ou d’être portées en appel au cours des deux dernières décennies.

Le projet de loi accentue la transparence. C’est là un autre de ses points forts. Obliger la commission à publier ses décisions en ligne assure la reddition de comptes, en plus de permettre aux Canadiens de comprendre le processus décisionnel.

(1500)

Partisans comme détracteurs, tous s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un meilleur modèle que le système opaque actuel, qui empêche souvent les demandeurs et le public d’avoir une bonne idée des décisions qui se prennent.

L’élargissement de l’admissibilité prévue dans la mesure législative constitue une autre réforme importante. Grâce à ce projet de loi, les personnes qui n’avaient auparavant aucun recours à leur disposition — pensons par exemple à celles qui plaidaient coupables — pourront désormais réclamer justice.

De nombreuses personnes vulnérables, notamment autochtones ou racisées, qui ont plaidé coupables sous la pression pourront ainsi demander réparation. Il en va de même pour celles qui ont plaidé coupables par crainte de recevoir une peine plus sévère.

Le projet de loi C-40 tient compte de cette réalité et assure un procès équitable aux Canadiens les plus marginalisés. Il offre en outre des services de soutien essentiels aux demandeurs. Ces services sont surtout importants pour les détenus, qui ont souvent un accès limité à l’assistance juridique. Ces mesures pratiques rendront la justice plus équitable et plus accessible pour les personnes qui en ont le plus besoin.

Cela dit, certains points importants méritent discussion. Voyons de quoi il s’agit.

D’aucuns ont critiqué l’abaissement du seuil pour les enquêtes. À l’heure actuelle, il faut prouver qu’il y a « vraisemblablement eu » une erreur judiciaire, mais dorénavant, il suffira qu’il y ait des « motifs raisonnables de conclure » qu’une telle erreur a pu se produire. Bien que certains craignent que ce relâchement donne lieu à des demandes frivoles, il est absolument essentiel pour découvrir les injustices cachées qui échappent au système actuel, surtout lorsque la personne en cause n’a pas les moyens de prouver seule son innocence.

Deuxièmement, le fait qu’il ne serait plus nécessaire d’épuiser tous les recours suscite aussi un débat. Pour certains, la commission devrait demeurer un dernier recours. Rappelons toutefois que les procédures d’appel trop rigides peuvent empêcher les personnes marginalisées, surtout celles qui ont des moyens limités ou qui sont mal représentées devant les tribunaux, d’avoir accès à la justice. En accordant à la commission le pouvoir discrétionnaire de lever cette obligation, on fait en sorte que le processus de contrôle reste axé sur l’équité, et non seulement sur le respect de la procédure.

Troisièmement, en ce qui concerne la composition de la commission, d’aucuns se demandent si l’inclusion de personnes qui ne sont pas des avocats nuira à la qualité des décisions. Or, les erreurs judiciaires découlent souvent d’autre chose que de simples erreurs juridiques. Les préjugés systémiques, les erreurs d’enquête et les préjugés sociaux y sont aussi pour beaucoup. L’inclusion, au sein de la commission, de points de vue divers en plus du savoir‑faire juridique contribuera à régler ces problèmes sous-jacents.

Quatrièmement, certains craignent que le nombre accru de demandes engorge le système au début. Toutefois, les autres pays s’étant dotés de commissions indépendantes, comme le Royaume-Uni et l’Écosse, ont réussi à gérer le nombre accru de dossiers sans sacrifier l’efficacité. Avec des ressources suffisantes, la commission canadienne saura aussi trouver l’équilibre et aider rapidement les personnes ayant été injustement condamnées. Selon les spécialistes étrangers, l’afflux initial s’équilibre rapidement.

Bref, ce projet de loi découle de l’idée admise par tous que les erreurs judiciaires sont de graves échecs moraux et qu’elles doivent être corrigées.

Aucun système n’est parfait, mais nous avons le devoir de créer des mécanismes qui nous permettent de cerner les lacunes et d’y remédier rapidement et efficacement. Le projet de loi C-40 nous offre un tel mécanisme — un processus transparent, inclusif et juste qui garantit qu’une personne qui a été victime d’une défaillance du système de justice ne le sera pas une deuxième fois.

On ne saurait exagérer l’importance d’adopter ce projet de loi. Il offre des solutions utiles à des problèmes systémiques qui existent depuis des décennies au pays. Il est temps de faire en sorte que le système de justice réponde aux besoins des Canadiens, en particulier ceux qui sont marginalisés.

J’ai eu de nombreuses bonnes discussions franches avec le ministre de la Justice, M. Virani. Je lui ai dit que j’appuyais le projet de loi parce que j’ai moi-même pu constater sa nécessité et que je ne parrainerais pas un projet de loi auquel je ne crois pas.

Honnêtement, je crois que le projet de loi C-40, tel que présenté, est l’effort le plus convaincant depuis des décennies pour offrir une solution en vue du redressement des erreurs judiciaires. Nous avons besoin de ce projet de loi afin de rendre le système judiciaire canadien plus juste, plus accessible, plus responsable et plus équitable pour tous.

Le projet de loi C-40 y pourvoit en prévoyant une voie pour traiter et atténuer de telles erreurs. Il offre à un citoyen canadien condamné pour un crime la possibilité de faire valoir que ses droits n’ont pas été respectés, que sa vie a été brisée et qu’il a droit à une réparation. Il donne à cette personne l’occasion de se faire entendre alors que, par le passé, personne ne voulait prêter l’oreille.

L’objectif global du projet de loi C-40 est de mieux détecter, réparer et prévenir les condamnations injustifiées. Ce projet de loi trace une nouvelle voie pour que le Canada traite les erreurs judiciaires de manière plus efficace et plus transparente, ce qui, en fin de compte, contribuera à renforcer la confiance du public dans notre système de justice pénale.

Tous les Canadiens doivent être convaincus que le système judiciaire est là pour les protéger — c’est le but — et qu’ils peuvent lui faire confiance.

Il s’agit de la plus importante modification du Code criminel depuis de nombreuses décennies. Si vous avez des doutes sur ce projet de loi, rappelez-vous, je vous prie, le témoignage convaincant de M. Guy Paul Morin. Il a parlé de sa douleur, de son anxiété, de ses craintes, de sa frustration, de son angoisse et de sa colère à l’égard des injustices dont il a été victime en étant accusé et condamné à tort.

Son témoignage convaincant lui a tiré des larmes, ainsi qu’à bon nombre de nos collègues sénateurs qui étaient présents dans la salle lorsqu’il l’a livré.

Ce projet de loi apporte une modification importante au Code criminel, parce qu’il corrige une lacune flagrante et connue du système de justice, une lacune qui existe depuis des décennies. Il entraînera un changement positif, novateur et transformationnel dans l’administration de la justice au Canada.

J’exhorte tous les sénateurs à appuyer l’adoption rapide du projet de loi C-40, sans amendement, pour que ces réformes importantes puissent être mises en œuvre dans l’intérêt de tous les Canadiens, en particulier des personnes qui ont peut-être été condamnées à tort et qui n’ont pas encore obtenu réparation.

Quelle que soit l’accusation portée en vertu du Code criminel, une condamnation injustifiée frappe l’administration de la justice en plein cœur, parce qu’elle ébranle la confiance du public dans le système.

Je suis fier de parrainer ce projet de loi. Je suis convaincu que cette mesure est bien conçue. À Noël, j’ai espoir de pouvoir dire à mes petits-enfants — j’en ai actuellement huit — que j’aurai joué un rôle modeste dans l’aboutissement de ce projet de loi.

Merci.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Arnot, la semaine dernière, au Comité sénatorial des affaires juridiques, vous, le parrain de ce projet de loi d’initiative ministérielle, avez appuyé, notamment par votre vote, l’ajout du paragraphe suivant à titre d’observation au rapport du comité sur le projet de loi C-40 :

Le comité tient à souligner que son étude du projet de loi C-40 s’est appuyée sur des mémoires et des témoignages, y compris une lettre du ministre de la Justice qui éclairera l’interprétation du projet de loi C-40 et guidera le mandat de la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, en particulier en ce qui concerne l’importance vitale de reconnaître et de corriger de manière significative et proactive les inégalités sexistes, racistes et autres inégalités systémiques, en particulier pour les femmes autochtones, en commençant par les cas identifiés dans le rapport intitulé Injustices et erreurs judiciaires subies par 12 femmes autochtones.

Un lien a été ajouté vers le rapport.

Sénateur Arnot, comme vous avez été juge d’une cour provinciale pendant de nombreuses années, vous êtes bien conscient de l’importance de l’indépendance de la commission dans le cadre des procédures d’examen des erreurs judiciaires. En fait, je crois comprendre que vous avez défendu l’indépendance judiciaire pendant votre carrière à la cour provinciale.

Sénateur Arnot, pourquoi pensez-vous qu’il est approprié pour le Comité sénatorial des affaires juridiques, par l’entremise de ce rapport, d’indiquer aux commissaires qui se pencheront sur de possibles cas de condamnation injustifiée qu’ils devraient commencer par ces cas en particulier?

Le sénateur Arnot : Il y avait un certain nombre d’observations, et elles avaient toutes mon assentiment. Elles sont là pour une raison, c’est-à-dire pour informer, il me semble, le ministre de la Justice et la future commission des intentions du Parlement, un principe que j’appuie à 100 %.

La sénatrice Batters : Cela dit, sénateur Arnot, cette observation renvoie à un rapport qui recense 12 cas potentiels d’erreurs judiciaires et elle demande à la commission de commencer par ces cas. N’y voyez-vous pas un risque d’ingérence qui minerait l’indépendance de la future commission?

(1510)

Le sénateur Arnot : Une observation n’est jamais qu’une suggestion. Au bout du compte, le dernier mot reviendra à la commission. Je suis fermement convaincu que les personnes qui y seront nommées seront professionnelles, neutres et intègres. Elles ne se laisseront pas influencer et n’accepteront pas de se faire dire quoi faire. Personne ne pourra leur dire comment créer les politiques et les pratiques qui seront les leurs.

Elles seront indépendantes, j’en suis persuadé. Je serais d’ailleurs très étonné qu’elles sentent de la pression pour étudier tel cas avant tel ou tel autre.

Le rapport dont vous parlez est celui de la sénatrice Pate. Il s’agit d’un document convaincant, et la coercition patente et manifeste qui a été constatée dans les 12 cas recensés confirme que les femmes autochtones ont besoin de protection.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Arnot, le temps réservé au débat est écoulé. Je vois que la sénatrice Batters veut poser une question complémentaire. Le sénateur Carignan veut aussi poser une question.

Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Arnot : Une heure environ. Oui, je voudrais plus de temps, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente : Le sénateur Arnot demande plus de temps. Avons-nous le consentement?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous avez cinq minutes de plus.

La sénatrice Batters : Sénateur Arnot, comme vous l’avez dit dans votre intervention, le critère qui permet de déterminer qu’il y a eu erreur judiciaire a été abaissé dans le projet de loi C-40. Il suffit de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise. Comme vous l’avez aussi dit, il faut également estimer que « cela servirait l’intérêt de la justice ».

J’ai posé une question à ce sujet au ministre de la Justice lorsqu’il s’est présenté devant le comité, mais je n’ai pas vraiment eu de réponse. Je vous la pose alors à vous : dans quelles circonstances ne serait-il pas dans l’intérêt de la justice de se pencher sur une possible erreur judiciaire?

Le sénateur Arnot : La formule « dans l’intérêt de la justice » se trouve dans le projet de loi pour donner une certaine souplesse, la possibilité de créer et une marge de manœuvre à la commission pour réagir à ce qui se présentera à elle. Voilà la raison d’être de cette formule. Elle est importante parce qu’elle s’ajoute au seuil fondamental.

Selon moi, elle permet à la commission d’aborder son mandat avec créativité, de la façon qu’elle jugera bonne. Je suis convaincu qu’il y a assez de paramètres pour que cela lui soit utile.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Merci, monsieur le sénateur. On a discuté du recours pour corriger les erreurs judiciaires pour nos militaires. J’ai entendu des témoins et j’ai participé aux audiences du comité, tout comme vous. J’ai entendu le témoignage extrêmement touchant de M. Morin, avec qui j’ai pu avoir des contacts par la suite, d’ailleurs. C’est terrible, ce qu’il a vécu.

Pourquoi priver un ou une de nos militaires qui serait victime d’une erreur judiciaire d’un recours que l’on accorde à toutes les autres personnes qui sont reconnues coupables, mais pas à nos militaires?

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Sénateur Carignan, vous avez proposé des amendements en ce sens. Je crois que le sénateur Dalphond a fait remarquer à l’époque que le projet de loi C-66, qui se trouve à l’autre endroit en ce moment, serait le meilleur moyen de le faire.

Pour proposer un tel amendement, il faut avoir des preuves. Or, nous n’avions pas vraiment de preuves que cette situation pourrait se produire. Je ne dis pas que cela ne se produirait pas ou que cela ne s’est pas produit, mais les médias n’ont certainement pas rapporté qu’un soldat a été incarcéré pendant 23 ans à la suite d’une condamnation injustifiée. Je ne pense pas que cela devrait être le cas. Je pense qu’il serait approprié de soulever cette question dans le cadre du projet de loi C-66.

L’autre raison majeure pour laquelle cela ne convenait pas cette fois-ci, c’est que nous aurions dû consulter le ministère de la Défense nationale et le juge-avocat général. Nous aurions dû disposer de plus de preuves avant de pouvoir l’inclure dans un amendement, ce qui n’a pas été le cas.

Je n’y suis pas du tout opposé. Je pense qu’au cours des cinq années à venir, nous aurons plus d’expérience avec cette commission et il se pourrait bien qu’à ce moment-là, on accepte des personnes qui estiment avoir été condamnées à tort dans le système de justice militaire.

Ce sera pour plus tard.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Arnot, ce n’est pas parce qu’on n’en a pas entendu dans les médias qu’il n’y en a pas eu. En Angleterre, il y a eu une douzaine de situations. Je pense que vous serez d’accord avec moi pour dire qu’un cas est un cas de trop. Il n’y a aucune raison pour qu’un membre ou une membre de nos forces armées soit traité de façon moindre qu’un civil.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Comme je l’ai dit, je ne suis pas du tout opposé à cette idée. Je ne pense pas que ce soit le bon moment pour y donner suite dans le cadre de ce projet de loi. Je crois qu’il serait possible de le faire plus tard, mais cela exigerait beaucoup de travail avec les soldats canadiens, le ministère de la Défense nationale et le Cabinet du juge-avocat général. Le système de justice militaire est une entité à part entière, et nous ne l’avons pas vraiment examiné de façon détaillée.

Je sais qu’il y a effectivement eu quelques cas d’erreurs judiciaires en Écosse et quelques cas au Royaume-Uni, mais je ne suis au courant d’aucun cas au Canada.

[Français]

L’honorable Réjean Aucoin : Je remercie le sénateur Arnot de son allocution.

Honorables sénateurs et sénatrices, merci de me donner l’occasion de m’exprimer aujourd’hui pour appuyer ce projet de loi essentiel pour la justice et les droits de la personne dans notre pays.

Le projet de loi C-40, qui vise à créer une commission indépendante pour traiter des cas de condamnations injustifiées au Canada, est un projet de loi très important. Les erreurs judiciaires demeurent une réalité douloureuse et inacceptable. Des vies sont brisées et des familles sont détruites lorsqu’une personne innocente est condamnée.

Je me dois d’abord de souligner certaines préoccupations partagées par plusieurs témoins dans le cadre des travaux du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je pense notamment à l’honorable juge à la retraite Harry LaForme et au professeur de droit Kent Roach, deux experts très respectés dans le domaine de la justice canadienne.

Selon le juge LaForme, pour que cette commission puisse travailler efficacement, elle se doit d’être dotée des pouvoirs d’enquête complets et d’être véritablement indépendante du gouvernement. Il craint que la proximité de la commission avec le gouvernement limite son efficacité et remette en question son impartialité.

Le professeur Roach a exprimé ses préoccupations quant au mandat du projet de loi, qui est trop centré sur des cas individuels, ce qui limiterait la capacité de la commission de traiter de problèmes systémiques plus larges.

Pour sa part, Mark Knox, avocat canadien et défenseur des droits des personnes condamnées à tort, a souligné sa crainte sur le risque de créer un processus bureaucratique trop lourd, trop lent, qui pourrait retarder la révision de certains dossiers.

Plusieurs autres témoins ont souligné l’importance d’une composition diversifiée de la commission, y compris des experts issus de différents horizons, notamment des personnes ayant une expérience dans la défense des droits des accusés et des communautés vulnérables, comme les communautés autochtones et noires, qui forment une grande partie de la population carcérale.

Les témoignages de Guy Paul Morin, Brian Anderson et Clarence Woodhouse ont été très touchants, quand ils ont décrit à quel point leur vie demeure aujourd’hui un enfer perpétuel, même après avoir été exonérés de leur crime.

Je cite l’avocat James Lockyer :

À eux trois, ils ont attendu plus de 100 ans que justice soit faite. Il est important que nous comprenions tous que s’il y avait eu une commission sur les erreurs du système de justice il y a 50 ans, cela leur aurait épargné des dizaines d’années de vie en prison.

Malgré ces préoccupations, il est crucial de reconnaître l’importance du projet de loi C-40 dans le système judiciaire canadien. Nous avons déjà vu trop de cas où des individus, après avoir passé de longues années derrière les barreaux, ont été innocentés bien trop tard. Une telle commission pourrait accélérer le processus de révision indépendant et des centaines de cas supplémentaires pourraient être étudiés. C’est, du moins, ce qui est arrivé lorsque des commissions semblables ont été établies en Angleterre et ailleurs.

Le Canada est un pays officiellement bilingue, et notre législation reflète cette réalité. La Loi sur les langues officielles garantit à tous les Canadiens le droit de recevoir des services du gouvernement dans la langue officielle de leur choix, qu’ils soient francophones ou anglophones. De plus, la Loi sur les compétences linguistiques exige que certains postes dans la fonction publique fédérale soient occupés par des individus capables de travailler dans les deux langues officielles. Ce n’est pas le cas du présent projet de loi. Cette commission doit absolument être accessible et sensible aux réalités culturelles et linguistiques du Canada. Cela signifie qu’un nombre suffisant de commissaires doivent être bilingues, non seulement pour garantir l’équité et la transparence, mais aussi pour respecter les droits linguistiques de tous les citoyens.

(1520)

Le Barreau du Québec a fait part au comité de sa crainte que les individus dont les cas seront étudiés par la commission ne puissent être adéquatement représentés dans leur langue si les commissaires ne maîtrisent pas à la fois le français et l’anglais.

Dans ma pratique de droit au sein des communautés acadiennes de la Nouvelle-Écosse et durant les trois années où j’ai été commissaire à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, j’ai pu observer à plusieurs reprises des clients accusés au criminel ou un détenu comparaissant devant la commission, et j’ai vu à quel point il était important pour ces personnes d’être bien comprises dans leur langue maternelle. Il est arrivé plusieurs fois que des juges ou des commissaires ne puissent pas comprendre les nuances qui imprègnent la langue et la culture acadiennes de la Nouvelle-Écosse.

Selon moi, il est impératif que les francophones et les anglophones de partout au Canada puissent se présenter et être compris par les commissaires en parlant leur langue. Le bilinguisme est non seulement une valeur canadienne, mais aussi une obligation légale inscrite dans nos textes de loi, la Loi sur les langues officielles garantissant ainsi un accès égal et équitable aux institutions fédérales pour les francophones et les anglophones. En veillant à ce que certains des commissaires soient bilingues, nous ne faisons pas qu’assurer l’accès équitable à la justice pour les francophones et les anglophones; nous envoyons aussi un message d’inclusion et de respect pour la diversité de nos deux communautés de langue officielle au Canada.

Encore une fois, comme je l’ai dit pour le projet de loi C-20, une simple référence à la Loi sur les langues officielles dans les critères de nomination des commissaires ne garantit aucunement que les commissaires nommés seront bilingues, car ils seront nommés à la discrétion du ministre de la Justice. Toutefois, il s’agirait d’un rappel à tous selon lequel on reconnaît que nos deux langues officielles sont importantes lors de la nomination de commissaires. Il aurait été simple et à propos d’ajouter cette référence à la loi.

Pour souligner l’importance du respect de cet article, notre collègue le sénateur Prosper et moi avons proposé une observation au comité, exhortant le gouvernement à veiller à ce que les groupes comme les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur soient représentés au sein de la commission et que celle-ci tienne compte des langues autochtones. Nous demandons également au gouvernement de respecter l’esprit et la lettre de la Loi sur les langues officielles en nommant des commissaires qui sont en mesure de parler et de comprendre couramment les deux langues officielles du Canada.

Le projet de loi C-40 représente une avancée importante pour la justice au Canada. Les critiques soulevées par de nombreux témoins doivent être intégrées comme des éléments constructifs pour renforcer la loi lors de sa révision dans cinq ans, puisque tous les témoins nous ont exhortés à adopter le projet de loi tel qu’il est rédigé actuellement. De plus, bien des personnes incarcérées faussement l’attendent avec impatience.

Honorables sénateurs et sénatrices, l’avocat James Lockyer, qui a travaillé de près sur les cas de Guy Paul Morin et David Milgaard, a témoigné en 2000 devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes avec Joyce Milgaard. Il avait alors demandé aux législateurs de créer une telle commission. Lors de sa comparution devant le comité le 30 octobre dernier, 24 ans plus tard, il nous disait ceci :

Pour l’instant, mettons en place la commission. À mon avis, il s’agira du changement le plus important dans notre système de justice pénale depuis l’entrée en vigueur de la Charte des droits et libertés en 1984. Nous ne savons pas si des élections auront lieu bientôt, mais je sais que, si le projet de loi C-40 n’est pas adopté au cours de la présente législature, il faudra attendre encore 24 ans avant que je ne revienne ici pour demander l’adoption d’une mesure équivalente au projet de loi C-40.

Faisons le don de la justice aux personnes faussement incarcérées. Je vous remercie. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, j’ai une question à poser.

Son Honneur la Présidente : La sénatrice Moncion a une question. Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Aucoin?

Le sénateur Aucoin : Bien sûr.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie. Si je vous ai bien compris, sénateur Aucoin, vous avez mentionné qu’encore une fois, les francophones doivent reléguer leurs droits aux oubliettes, parce qu’on demande de ne pas faire de modification à ce projet de loi. Il est important et urgent qu’on mette la commission en place, donc, encore une fois, on a mis de côté le fait qu’il serait bon d’avoir des gens qui parlent français ou qui sont bilingues à cette commission. Finalement, étant donné qu’on n’a pas inclus cette disposition dans la loi, on ne devrait pas apporter de changement, parce qu’on a besoin que cette commission soit mise en place? Vous ai-je bien compris?

Le sénateur Aucoin : Je vous remercie de la question. Vous avez bien compris. C’est bien le cas. C’est pour cela que nous avons proposé une observation. J’accepte les nombreux témoignages de gens qui ont été faussement incarcérés, des femmes, des Autochtones, des Noirs qui sont venus devant le comité pour nous supplier d’adopter le projet de loi immédiatement, quitte à le modifier plus tard ou à l’améliorer à la prochaine révision, qui se fera dans cinq ans.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre explication. Vous êtes probablement d’accord avec moi pour dire que si une disposition à cet effet était déjà incluse dans ce projet de loi, on ne serait pas obligé d’attendre cinq ans pour que cette reconnaissance des droits y soit et que nos droits soient reconnus dès la première journée.

Le sénateur Aucoin : Évidemment, je ne serais pas ici devant vous aujourd’hui pour vous en parler si c’était déjà inclus dans le projet de loi. J’essaie de dire au gouvernement de l’ajouter dans le projet de loi. Encore une fois, je dois me fier au gouvernement pour qu’il soit sensible à l’observation et qu’il la lise, et pour qu’il nomme des commissaires et du personnel bilingues à la commission. Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-40. Je n’ai pas l’intention de parler en détail du texte lui-même. D’autres l’ont fait avant moi, dont le sénateur Arnot, et je suis persuadé que d’autres après moi vont le faire aussi.

J’ai plutôt l’intention de parler, idéalement de manière humaine, de ce qui rend ce projet de loi absolument nécessaire, de souligner le travail des nombreuses personnes qui nous ont amenés jusqu’ici et de vous presser d’adopter cette mesure législative qui, bien qu’imparfaite, reste bonne. Elle améliorera le système de justice, le rendra plus juste et rendra hommage à ceux qui ont travaillé d’arrache-pied pour en arriver là.

Ce projet de loi est des plus sérieux. Il porte sur des événements tragiques d’une extrême importance et il tente d’améliorer les moyens employés pour corriger les erreurs judiciaires, qui sont des tragédies. Je me contenterai d’une seule observation que j’espère humoristique, qui servira à illustrer un de mes arguments.

Commençons par le caractère essentiel du projet de loi. Nous savons tous depuis longtemps que certaines personnes n’ayant commis aucun crime acceptent les conséquences d’un verdict de culpabilité afin d’éviter une peine plus sévère. Nous avons aussi entendu que certaines personnes se sentent en quelque sorte responsables d’événements pour lesquels elles n’ont rien à se reprocher et qu’elles avouent leur culpabilité même si elles n’auraient jamais dû le faire.

Nous avons entendu parler de situations où les policiers se sont entendus entre eux pour monter un dossier injuste contre une personne innocente. C’est ce qui est arrivé à Donald Marshall Jr.

La plupart du temps, les condamnations injustifiées sont attribuables à un très malheureux concours de circonstances, y compris, bien souvent, des témoins qui mentent et un juge des faits — qu’il s’agisse d’un juge ou d’un jury — qui ne parvient pas à distinguer le vrai du faux.

D’après les nombreux rapports d’examen concernant l’affaire David Milgaard — et je les ai tous lus —, c’est en grande partie cela, mais aussi, selon moi, l’étroitesse d’esprit de la police et la mauvaise interprétation de la preuve de la part du juge de première instance qui ont mené à la condamnation injustifiée de M. Milgaard.

(1530)

J’aimerais revenir brièvement à la distinction entre le vrai et le faux pour ce qui est de la crédibilité des témoignages. En droit pénal, la plupart des affaires reposent sur l’admission par le juge du témoignage présenté par une ou plusieurs personnes et sur le rejet du témoignage d’autres personnes. Parfois, les juges ne sont pas très bien outillés sur le plan culturel pour bien interpréter les témoignages. Dans un procès au criminel, j’ai déjà défendu un Autochtone qui était probablement innocent. Il avait une explication au sujet des circonstances, mais le juge a choisi de ne pas le croire parce que, comme il l’a expliqué : « Lorsque je lui ai posé des questions, il ne me regardait pas dans les yeux. »

Selon la culture de l’accusé, le fait de ne pas fixer du regard une personne en situation d’autorité était un signe de respect, alors il baissait le regard quand il donnait ses réponses. Cette façon de témoigner son respect a mené à sa condamnation.

Cependant, la réalité, c’est que, malgré ce qu’on peut en penser, de façon générale, personne, y compris les juges, n’est très doué pour distinguer le vrai du faux.

Un bon ami à moi, un excellent avocat de la défense en Nouvelle-Écosse qui est devenu un très bon juge par la suite, avait l’habitude de dire avec cynisme, mais sans avoir entièrement tort, que la plupart des décisions se basaient sur une appréciation des parjures, c’est-à-dire sur la question de savoir qui mentait le mieux.

Il y a plus d’une trentaine d’années, j’ai assisté à une conférence, à Victoria, en Colombie-Britannique, qui était destinée aux juges de l’Ouest canadien. L’un des organisateurs était le sénateur Arnot, qui était alors juge. Ce fut une conférence extraordinaire qui portait sur une grande variété de sujets. Il a notamment été question de l’aptitude à faire la différence entre la vérité et le mensonge, qui fait partie de la trousse à outils des juges. Nous avons alors fait des simulations. Il s’avère que personne parmi nous n’était très bon pour distinguer les mensonges subtils de la vérité. Nous faisions de notre mieux, comme le font habituellement les juges, mais nous sommes tous humains et, sur ce plan, il est très facile de faire des erreurs. Selon les études, à peu près personne n’est capable de toujours départager le vrai du faux. Il n’est donc pas étonnant qu’on puisse supposer qu’un nombre important de personnes actuellement derrière les barreaux aient malheureusement été condamnées injustement, parce que, même avec la meilleure volonté du monde, les personnes qui prennent des décisions peuvent toujours se tromper.

Tout cela explique que le nombre de victimes d’erreurs judiciaires est sans doute beaucoup plus important que la trentaine de personnes dont le verdict de culpabilité a été renversé au cours des dernières décennies au Canada.

Même avec ses imperfections, le projet de loi permettra à bien plus de gens qui prétendent avoir été condamnés à tort de faire revoir rapidement leur dossier par une instance décisionnaire indépendante à partir de critères d’examen un peu moins stricts.

J’en viens maintenant à mon lien personnel avec la question des condamnations injustifiées. Le sénateur Arnot a parlé avec bienveillance de mon rôle dans l’affaire David Milgaard. Je n’avais pas l’intention d’en parler en détail, mais je vais en parler un peu.

J’ai été nommé sous-procureur général de la Saskatchewan en août 1992. À ce moment-là, la condamnation de M. Milgaard avait été annulée par la Cour suprême du Canada et les procureurs de la Saskatchewan avaient décidé de ne pas refaire le procès de M. Milgaard. Celui-ci se trouvait donc dans un état d’animation suspendue — dans les limbes en quelque sorte — puisque sa condamnation avait été annulée, mais que son nom n’avait pas été blanchi.

En fait, le ministre de la Justice de l’époque — un homme bon — a déclaré publiquement dans des entrevues que, selon lui, David Milgaard était coupable.

J’ai commencé à travailler le 9 août 1992. Dès mon premier jour de travail, j’ai reçu un appel téléphonique d’une avocate très respectée, qui, si je puis dire, faisait partie de ce que l’on appelle le « regroupement des avocats des personnes injustement condamnées ». Dans les années 1980, en Nouvelle-Écosse, j’avais joué un petit rôle en aidant les avocats qui s’efforçaient de disculper Donald Marshall Jr., et je crois que cette avocate m’a téléphoné parce qu’elle était au courant de cela.

Elle m’a appelé et m’a demandé avec insistance de me pencher sérieusement sur le cas de M. Milgaard. Peu après, Joyce Milgaard, aidée par les avocats Hirsch Walsh et David Asper, m’a fait part d’allégations d’actes répréhensibles dans l’affaire de David Milgaard. Il y en avait 69 en tout.

J’ai examiné ces allégations d’actes répréhensibles et, après une nuit blanche — la seule nuit blanche de toute ma vie —, j’ai informé le ministre de la Justice que j’allais entamer une procédure d’examen de ces allégations d’actes répréhensibles.

Permettez-moi d’insister sur le mot « informé ». C’est la première de deux décisions que je qualifierais d’honorables que j’ai prises dans l’affaire de M. Milgaard. Il était essentiel que je ne suive pas les conseils d’un ministre dans cette affaire; je devais prendre moi-même les décisions, à titre de chef permanent du ministère de la Justice.

C’était particulièrement important parce que Mme Milgaard alléguait, entre autres choses, que le premier ministre de la Saskatchewan avait commis des actes répréhensibles à l’époque où il était procureur général et où M. Milgaard avait été traduit en justice pour le meurtre de Gail Miller.

À la décharge du ministre de la Justice et du premier ministre, personne n’a tenté de m’influencer ni d’intervenir dans ma décision. Le premier ministre lui-même s’est soumis à des interrogatoires de police concernant une allégation assez incroyable à son endroit.

J’ai retenu les services du sous-procureur général de l’Alberta de l’époque et d’un procureur de la Couronne chevronné et respecté de l’Alberta pour mener l’examen. Celui-ci a duré 14 mois et 14 policiers à temps plein y ont participé. Ils ont passé en revue les 69 allégations d’inconduite en lien avec le cas de M. Milgaard.

J’ai lu tous les documents originaux concernant l’affaire et le rapport d’examen de 250 pages. Dans l’ensemble, aucun point relevé dans l’examen n’a fait bouger les choses en ce qui concerne la culpabilité ou l’innocence de David Milgaard.

J’en arrive maintenant à la deuxième décision importante que j’ai prise dans ce dossier. En ma qualité de sous-procureur général, j’avais un pouvoir décisionnel en ce qui concerne la preuve matérielle liée au procès de David. En fait, elle était toujours en notre possession, si je peux m’exprimer ainsi. Il s’agissait, notamment, des vêtements de Gail Miller, qu’on croyait contenir une petite quantité de preuve matérielle très dégradée, fort probablement l’éjaculat sécrété par la personne qui l’avait violée et tuée. Vingt-cinq ans s’étaient écoulés depuis le meurtre, et on croyait généralement qu’il était très probable, les estimations étaient de plus de 80 %, que les preuves matérielles étaient trop dégradées pour obtenir des résultats d’ADN positifs. On m’a fortement conseillé de ne pas faire tester le matériel et d’envisager de tout simplement le jeter.

J’ai refusé de les écouter. De concert avec les avocats de M. Milgaard, j’ai autorisé qu’on teste l’échantillon dans un laboratoire indépendant d’excellente réputation. Il s’avère qu’il y avait bien assez d’ADN pour obtenir un résultat — heureusement — positif, un résultat qui pointait sans aucun doute possible vers Larry Fisher. Sans la possibilité d’obtenir des échantillons des agresseurs, Larry Fisher n’aurait jamais été reconnu coupable du meurtre de Gail Miller, justice n’aurait pas été rendue à son égard et David Milgaard serait resté dans des limbes juridiques le reste de sa vie. Il n’aurait jamais été équitablement dédommagé, ou du moins aussi équitablement dédommagé qu’il soit possible de le faire dans des circonstances aussi tragiques. Surtout, pour en revenir à la question d’aujourd’hui, il n’aurait jamais pu contribuer à la justice de ce pays de la manière que l’on peut voir dans le projet de loi C-40.

J’ai pris la bonne décision dans cette affaire. Le sénateur Arnot a gentiment laissé entendre que c’était honorable, voire héroïque. Je ne vois pas les choses ainsi. J’ai pris la bonne décision et j’ai fait en sorte qu’il soit possible de corriger un grave préjudice. C’était mon travail.

Pour terminer, ou presque, je tiens maintenant à parler des véritables héros de cette histoire. Pour ce faire, je prendrai la liberté, pour la première et la seule fois au Sénat, de me citer moi‑même. Il s’agit des observations que j’ai faites au début de l’examen du projet de loi par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles :

Pendant des années, avant d’être nommé sénateur, j’ai donné un cours de droit en éthique juridique. Chaque jour, j’essayais de raconter l’histoire d’un avocat aux étudiants. Mes histoires favorites étaient celles d’avocats qui avaient travaillé, souvent dans l’anonymat [...]

 — et souvent sans rémunération —

[...] au nom de clients cherchant à renverser des condamnations injustifiées. À mon avis, ce sont des héros. Je pense à des avocats comme Clayton Ruby, Archie Kaiser, Felix Cacchione, Steven Aronson, Anne Derrick et d’autres qui ont défendu Donald Marshall fils.

Plus près de chez nous, en Saskatchewan, en ce qui concerne David Milgaard, je me souviens de Hersh Wolch — qui nous a quitté — et de David Asper, qui a décrit son expérience de la représentation de M. Milgaard dans un livre intitulé In Search of the Ethical Lawyer, un recueil d’essais sur la pratique du droit et l’éthique.

Fait plus important et plus pertinent dans le contexte de notre discussion d’aujourd’hui, nombre des personnes qui ont été condamnées à tort par notre système de justice, mais en particulier M. Milgaard et M. Marshall, n’ont jamais été amères, même si une grande partie de leur vie a été gâchée en raison de condamnations injustifiées. Je suis convaincu que toute leur vie, elles se sont consacrées à améliorer le système de justice pour les autres.

Il y a quelques années, M. Milgaard a pris la parole à notre faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan devant un auditoire bondé d’étudiants en droit et d’avocats pour décrire son expérience et son engagement. Il a reçu l’ovation la plus importante, la plus forte et la plus longue que j’aie jamais entendue ou vue dans une faculté de droit canadienne — un petit témoignage de gratitude pour son immense contribution. Au cours de l’heure qu’il a passée avec eux, je crois que M. Milgaard a inspiré plus d’étudiants à poursuivre la justice avec intégrité que je ne l’ai fait en 30 ans d’enseignement. Son héritage, ainsi que le travail de ces avocats remarquables, nous rappelle la profonde responsabilité que nous avons dans l’examen de ce projet de loi et de ses répercussions sur notre système de justice.

(1540)

J’arrive maintenant à la fin. Pendant l’étude du projet de loi au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, nous avons entendu deux séries de témoignages dont je veux parler. L’un des témoins était James Lockyer, dont il a été question tout à l’heure. Il s’agit du doyen des avocats qui se consacrent à la défense des victimes d’erreurs judiciaires et d’un véritable héros qui cherche depuis longtemps à obtenir justice pour un grand nombre de personnes vulnérables de la société. M. Lockyer, qui préconise vivement la création d’une commission indépendante depuis plus d’une vingtaine d’années, admet que le projet de loi pourrait être amélioré, mais dit que nous sommes à un moment où nous devrions adopter tel quel le projet de loi le plus rapidement possible. Ce message me touche, je le prends au sérieux et j’espère que c’est aussi ce que vous ferez.

Nous avons entendu le témoignage de trois personnes qui ont été injustement reconnues coupables d’un crime et qui ont ensuite été blanchies : Guy Paul Morin, Clarence Woodhouse et Brian Anderson. Leurs témoignages étaient extrêmement poignants. Bon nombre des personnes présentes, y compris parmi les sénateurs — et jusqu’à la présidente —, ont été émues aux larmes.

Il y a peu de moments ici au Sénat qui marquent pour la vie. Le premier discours du sénateur Adler était de ceux-là. La réunion de ce matin aussi.

Le titre informel du projet de loi rend hommage à Joyce et à David Milgaard, ce qui est juste et bon. J’aimerais toutefois que vous vous souveniez d’un certain nombre d’autres victimes, qui vous sont et qui me sont inconnues, mais qui ont dû mettre une croix sur de larges pans de leur vie parce qu’elles ont été injustement reconnues coupables d’un crime. Nous ne les connaissons pas, nous ne les connaîtrons jamais et nous ne pourrons jamais corriger l’injustice qu’elles ont subie. Si nous adoptons ce projet de loi, nous pourrons toutefois honorer leurs voix anonymes, ne serait-ce que parce que nous pourrons corriger les erreurs judiciaires de demain.

Comme le disait Martin Luther King, le long cours de l’histoire penche en faveur de la justice — des mots qui s’appliquent parfaitement à la situation actuelle, selon moi. Ce projet de loi permettra de faire pencher l’histoire du Canada en faveur de la justice et des David Milgaard et Donald Marshall Jr de demain. Chers collègues, nous sommes à l’aube d’un grand jour pour la justice canadienne, et c’est un honneur pour moi d’avoir fait ma petite part. J’espère que c’est un honneur pour vous aussi. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Motion tendant à autoriser le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier la teneur du projet de loi—Adoption de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2024), déposé à la Chambre des communes le 23 mai 2024, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 10 décembre 2024.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et j’aimerais proposer un amendement à cette motion dans le but d’accorder du temps supplémentaire au comité pour lui permettre d’organiser d’autres réunions afin de terminer l’étude préalable du projet de loi C-71.

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution, aux mots « 10 décembre 2024 », des mots « 12 décembre 2024 ».

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson est adoptée.)

Projet de loi modificatif—Autorisation au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’étudier la teneur du projet de loi

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2024), déposé à la Chambre des communes le 23 mai 2024, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 12 décembre 2024.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 201 du gouvernement, qui vise à autoriser le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie à faire une étude préalable du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté.

Chers collègues, quand le sénateur Gold a donné préavis de la motion la semaine dernière, j’ai eu une impression de déjà-vu. Nous y revoilà. Le gouvernement Trudeau essaie de se débarrasser du Sénat le plus rapidement possible.

Pour la motion no 201, il y a deux contextes à considérer : le contexte juridique et le contexte politique. Tout d’abord, le contexte juridique a commencé en décembre 2023, quand la Cour supérieure de l’Ontario a ordonné au gouvernement fédéral de modifier la Loi sur la citoyenneté relativement aux Canadiens dépossédés de leur citoyenneté. La cour a d’abord donné au gouvernement Trudeau six mois, jusqu’au 20 juin 2024, pour adopter une loi. Le 23 mai 2024, moins d’un mois avant la première prolongation, le gouvernement a finalement présenté le projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. Comme le gouvernement était incapable de respecter l’échéance du 20 juin, la cour a accepté de lui accorder une prolongation jusqu’en août, puis jusqu’au 19 décembre 2024.

Mais comment en est-on arrivé au contexte politique actuel? Alors que l’échéance actuelle fixée par la Cour supérieure de l’Ontario est le 19 décembre 2024 — dans quelques jours à peine —, le gouvernement aurait pu faire adopter un projet de loi à la Chambre des communes depuis décembre de l’an dernier, il y a un an.

Un gouvernement responsable aurait respecté le délai fixé par le tribunal et présenté un projet de loi le plus rapidement possible. Il disposait déjà des bases nécessaires avec l’étude du projet de loi S-245 réalisée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes. Alors pourquoi n’a-t-il pas présenté le projet de loi C-71 plus tôt?

La réponse, chers collègues, est très simple. Bien que le gouvernement actuel ait récemment décidé d’affirmer qu’il se concentre sur les Canadiens, le gouvernement Trudeau n’a jamais été aussi concentré sur sa propre survie. Au printemps dernier, le gouvernement a déployé tous ses efforts pour maintenir son entente avec le NPD, en accordant la priorité à l’adoption des projets de loi C-50, C-58 et C-64 au Parlement, mais pas au projet de loi sur les Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté que le tribunal lui avait ordonné de présenter.

Si le gouvernement avait donné la priorité au projet de loi C-71 et non au projet de loi C-64, nous serions probablement en train de terminer notre étude sur le projet de loi C-71, tandis que le projet de loi C-64 serait très probablement encore à la Chambre des communes. Nous ne serions pas dans la situation fâcheuse où nous nous trouvons et qui nous est imposée par l’entêtement du gouvernement Trudeau à rester au pouvoir.

(1550)

Comme vous le savez tous, chers collègues, la Chambre des communes est paralysée depuis près de deux mois. Aucune mesure législative n’a progressé, et tant que le gouvernement ne produira pas les documents qu’on lui demande en version non caviardée ou qu’un parti politique n’acceptera pas d’aider le gouvernement à mettre fin à la paralysie, le projet de loi C-71 ne quittera pas les Communes. Au train où vont les choses, je doute fort que ce projet de loi avance d’un pouce avant la pause de Noël.

Chers collègues, pourquoi aurions-nous besoin d’une motion d’étude préalable s’il est très peu probable que le projet de loi C-71 soit adopté avant la date butoir?

Voilà pourquoi j’ai dit avoir une impression de déjà-vu et d’être revenu au printemps 2022. À l’époque, le sénateur Gold avait présenté les motions nos 41 et 42, sur l’étude préalable des projets de loi C-13 et C-11.

Généralement, les études préalables sont réservées aux mesures législatives comme les projets de loi d’exécution du budget, car elles permettent de proposer des amendements avant que la Chambre des communes se prononce, ou lorsqu’il faut respecter un délai imposé par la Cour suprême du Canada. Aucun de ces deux critères ne s’applique à la situation actuelle. L’étude préalable demandée ne vise qu’une seule chose, chers collègues, et c’est de se débarrasser au plus vite du Sénat pour des raisons d’ordre politique.

Aujourd’hui, avec la motion no 201, sur le projet de loi C-71, le sénateur Gold fait encore un mauvais usage des études préalables. Même s’il est ici question de respecter le délai imposé par les tribunaux, le gouvernement a attendu à moins d’un mois avant l’échéance pour proposer une motion d’étude préalable. Si cette motion avait été présentée en septembre, il aurait été plus facile d’y voir un geste posé de bonne foi par un gouvernement responsable.

Mais non, nous avons plutôt reçu un préavis de motion à la dernière minute, ce qui, à mes yeux, n’est pas le signe d’un gouvernement responsable, mais d’un gouvernement qui souhaite faire adopter son projet de loi en écartant le Sénat de l’équation.

Nous devons nous prononcer sur la motion no 201, mais savons-nous seulement quand le projet de loi C-71 nous sera renvoyé et si les amendements que nous pourrions proposer seront adoptés? Eh bien non, chers collègues. Tout ce que nous savons, c’est que le gouvernement a donné deux préavis de motion de clôture à la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-71. La Chambre considérera que le texte est adopté tel quel, sans étude en comité et sans étude à la troisième étape et qu’il peut être renvoyé directement au Sénat.

La semaine dernière, encore à la dernière minute, le leader du gouvernement a tout fait pour que le projet de loi C-71 soit adopté à toute vapeur par le Sénat et passe outre au second examen objectif en le soumettant à une étude préalable.

Quand elle est bien réalisée, une étude préalable peut enrichir le débat et avoir un effet positif. Dans le cas présent, l’étude préalable est utilisée comme un outil d’opportunisme en raison de l’incompétence pure et simple du gouvernement Trudeau, qui a donné la priorité à son attachement au pouvoir plutôt qu’à la gouvernance.

Il est décevant, mais pas étonnant qu’au lieu de s’opposer à l’ineptie du gouvernement Trudeau, le Sénat indépendant veuille se ranger à ses côtés. Lorsque le Sénat accepte une demande du gouvernement telle que la motion no 201, il lui permet de ne pas avoir à rendre autant de comptes à l’égard des projets de loi qu’il présente. Bien qu’une échéance imposée par un tribunal puisse justifier une étude préalable, de telles études ne devraient pas être utilisées pour mettre le Sénat entre le marteau et l’enclume, comme la motion no 201 tend à le faire.

Les sénateurs du caucus conservateur ne peuvent rester silencieux lorsqu’ils voient le gouvernement abuser des outils à sa disposition.

Trop souvent, nous avons vu un abaissement du seuil d’utilisation des outils importants que sont les études préalables et la fixation d’un délai. Nous avons fait part de nos préoccupations il y a deux ans lorsque le gouvernement a organisé des études préalables pour les projets de loi C-11 et C-13 alors que ce n’était pas nécessaire.

Nous avons exprimé nos préoccupations lorsque le gouvernement a fixé un délai en avril dernier pour imposer des modifications au Règlement du Sénat.

Aujourd’hui, nous réitérons nos préoccupations, car il n’est pas nécessaire de procéder à une étude préalable du projet de loi C-71.

Malheureusement, c’est ce que Justin Trudeau pense du Sénat, où le second examen objectif devient de plus en plus une considération secondaire. Un projet de loi comme le C-71, qui modifie les lois sur la façon dont une personne obtient la citoyenneté canadienne, devrait bénéficier du second examen objectif du Sénat. Utiliser l’étude préalable de cette manière afin d’accélérer l’adoption d’un projet de loi portant sur la citoyenneté canadienne sans avoir bien pesé le pour et le contre donne une impression exécrable de notre institution. À quoi servons-nous si ce n’est à faire un second examen objectif d’un projet de loi qui modifie la citoyenneté?

Nous n’appuyions pas un examen préalable, mais nous sommes conscients que la motion sera probablement adoptée. Le débat sur la motion de clôture à la Chambre signifie que le projet de loi C-71 ne serait pas étudié en comité ni à l’étape de la troisième lecture. Dans le cas de l’adoption de la motion de clôture, nous serions la seule Chambre à étudier l’impact et les conséquences du projet de loi C-71.

Par conséquent, comme nous nous attendons déjà à ce que le projet de loi soit adopté, nous espérons que le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie en profitera pour réaliser une étude préalable approfondie.

Je remercie la leader adjointe du gouvernement d’avoir présenté un amendement qui, à tout le moins, donne au comité un jour ou peut-être deux jours de plus.

De plus, si la Cour supérieure de justice de l’Ontario accorde une prolongation, l’urgence de l’adoption du projet de loi ne nuirait pas à leur étude. Le comité et le Sénat pourraient donc disposer du temps nécessaire pour s’acquitter de leur devoir constitutionnel de second examen objectif.

Pour conclure, chers collègues, le gouvernement Trudeau a créé ce désordre lui-même en privilégiant sa survie politique plutôt que la gouvernance. Avec la motion no 201, il cherche à passer outre un second examen objectif pour accélérer l’adoption du projet de loi dès qu’il sera présenté au Sénat, peu importe quand cela se fera. C’est pourquoi nous espérons que l’étude préalable sera sérieuse et approfondie. Croyez-moi, chers collègues, si la Cour supérieure de l’Ontario accorde une nouvelle prolongation, le gouvernement reviendra à la dernière minute — je vous le garantis — pour nous supplier d’adopter le projet de loi sans délai, compte tenu de l’étude préalable qui a déjà été réalisée.

Au cours de cette législature, le gouvernement Trudeau a eu recours à des motions d’étude préalable pour écarter le Sénat du chemin, et nous ne pouvons tout simplement pas l’accepter. Nous ne pouvons pas appuyer la motion no 201 et nous voterons contre.

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion modifiée est adoptée avec dissidence.)

(1600)

[Français]

La Loi sur la santé des animaux

Projet de loi modificatif—Quatorzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts—Report du vote

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Downe, tendant à l’adoption du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 29 octobre 2024.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Y a-t-il une entente sur la durée de la sonnerie?

Conformément à l’article 9-10(2) du Règlement, le vote est reporté à 17 h 30 à la prochaine séance du Sénat, et la sonnerie retentira à 17 h 15.

[Traduction]

Projet de loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais

Projet de loi modificatif—Seizième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais, tendant à l’adoption du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie (projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables), avec des amendements), présenté au Sénat le 5 novembre 2024.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je suis le porte-parole pour le projet de loi C-280. À l’étape de la troisième lecture, j’ai la possibilité de parler pendant 45 minutes. Étant donné que le débat sur ce projet de loi est axé, à mon avis, sur le rapport que nous avons reçu du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, si vous m’accordez 20 minutes aujourd’hui, je promets de ne pas prendre la parole à l’étape de la troisième lecture. Cela semble être un échange raisonnable. Lorsque Son Honneur m’interrompra pour m’indiquer la fin de mon intervention après 15 minutes, je demanderai votre indulgence pour avoir quelques minutes de plus.

Le projet de loi et l’amendement adopté par le comité ont été bien analysés dans les discours prononcés dans cette enceinte. Je vais me concentrer essentiellement sur quatre points.

Chers collègues, je voudrais commencer par vous faire part de mes impressions sur le débat qui s’est déroulé jusqu’à présent. J’ai l’impression que, ces derniers temps, à quelques exceptions près, y compris, bien sûr, lors de la période des questions, notre assemblée a — pour paraphraser Martin Luther King Jr. — vu la longue courbe de son histoire s’infléchir vers la civilité. C’était déjà le cas lorsque j’ai comparu devant le Comité des banques en tant que premier témoin concernant ce projet de loi. Je ne sais pas où se trouvaient le parrain de la Chambre et le sénateur MacDonald. Je pensais être entre amis, mais c’était un peu comme si j’étais dans un champ de tir, et que j’étais la cible. Étant donné la longue courbe de l’histoire qui tend vers la civilité, il s’agissait au moins de tirs amicaux.

Cela dit, je pense que le débat sur ce rapport, la semaine dernière, a marqué un recul par rapport à cette courbe. Nous jouissons d’un privilège remarquable au Sénat, où nous pouvons nous exprimer et où nous avons rarement des comptes à rendre à quelqu’un d’autre qu’à nous-mêmes. S’il ne s’agit pas d’un grand pouvoir, il s’agit d’un pouvoir inhabituel et spécial, qui s’accompagne d’une obligation de retenue, sans pour autant être une obligation au sens propre du terme. Je sais qu’il y a des règles strictes de décorum ici, mais je me concentre davantage sur la façon dont nous voulons que les gens se comportent en cet endroit. J’ai établi des balises, pour moi du moins, que j’appliquerai pour les remarques qui suivent. Voyons comment je me débrouille.

Je veux commencer par raconter deux histoires. J’intitulerai la première « Le voilier de Dan Hartney ». J’ai un ami de longue date qui est devenu vétérinaire et qui est allé s’établir à Vancouver. Il n’avait pas beaucoup d’argent, mais il avait très envie de se mettre à la voile, alors il a acheté un voilier. Quand je l’ai vu là-bas, je lui ai demandé : « Comment diable as-tu les moyens de t’offrir un voilier? » Le sénateur Loffreda voit où je veux en venir. Mon ami m’a dit : « La Banque Royale est maintenant l’heureuse propriétaire d’un voilier de plus. » Il a dit cela — avec beaucoup de clairvoyance — parce que, bien sûr, il n’avait pas l’argent pour acheter le bateau. Il avait contracté un emprunt auprès de la Banque Royale, et la Banque Royale était titulaire de ce qui s’appelait à l’époque une « hypothèque mobilière » sur le voilier. Cependant, la Banque Royale, d’un point de vue juridique, était l’heureuse propriétaire d’un voilier de plus. Je vous demande de retenir cela, car je vais y revenir.

J’aimerais maintenant essayer d’évoquer un exemple simple qui n’a pas de rapport direct avec le secteur des fruits et des légumes périssables, mais qui prépare le terrain pour discuter des tenants et des aboutissants du projet de loi dans le contexte de la faillite et l’insolvabilité. J’ai choisi de présenter un exemple qui s’inspire de l’entreprise dont mon grand-père était propriétaire il y a des dizaines d’années. Je ne parle pas de sa compagnie de plomberie et de chauffage, qui a été relativement prospère, mais de l’entreprise qu’il possédait pendant la Grande Dépression. C’était un petit magasin de friandises à Kamsack, en Saskatchewan.

La Grande Dépression a été difficile pour les plombiers, mais heureusement, mon grand-père avait appris d’un ami à faire des chocolats à la main. Il a pris un risque et il a ouvert un petit commerce de crème glacée et de chocolat, appelé Kandy Kitchen, à Kamsack. Il n’avait à peu près pas d’argent pour se lancer en affaires, alors il avait besoin de plusieurs choses. Il avait besoin de la banque afin d’obtenir l’argent nécessaire pour occuper l’immeuble et faire marcher son commerce, mais aussi pour acheter une bicyclette spéciale lui permettant d’aller vendre sa crème glacée dans les parcs où se déroulaient des tournois de baseball et dans les foires. Il avait aussi besoin que Mme Gorski lui fournisse la crème riche que produisait sa ferme et du vendeur de chocolat et de noix pour garnir ses stocks. Il avait également besoin de la rivière Assiniboine, qui coule près de Kamsack, pour s’approvisionner en glace. En février, il se rendait à la rivière et y découpait de gros blocs, qu’il enterrait ensuite sous des couches de paille et qu’il utilisait comme élément de congélation dans sa crème glacée maison. Étonnamment, la glace pouvait durer jusqu’au mois d’août.

Il avait enfin besoin de deux employés — Judy Kalmakoff et Ruth David — pour servir les clients, et il savait qu’il lui faudrait faire des paiements au titre de l’impôt sur le revenu. Si les régimes de retraite avaient existé, il aurait aussi dû verser des cotisations.

Mon grand-père a connu un succès modeste avec Kandy Kitchen. Les plombiers savent tout faire, chacun sait ça. Mais imaginez un instant que votre commerce va de plus en plus mal. Dans ce genre de situation, il est loin d’y avoir assez d’argent ou d’actifs pour satisfaire tout le monde, alors il faut déterminer qui reçoit de l’argent, et combien. Comment faire? La réponse se trouve en partie dans les forces du marché, qui sont modulées, le cas échéant, par les politiques établies dans les lois fédérales sur la faillite et l’insolvabilité. Ces lois définissent les raisons de politique publique qui justifient qu’on favorise tel créancier plutôt qu’un autre et servent à atténuer les conséquences parfois fâcheuses des forces du marché.

Il n’est pas surprenant que la banque, en raison de son pouvoir sur le marché, se fasse accorder la priorité. Grâce à son effet de levier, elle contracte une hypothèque sur le bâtiment et l’équipement. D’une certaine manière, comme le voilier de Dan Hartney, ces biens sont la propriété de la banque. Comme la sénatrice Moncion me l’a rappelé, il y avait probablement aussi une forme de charge flottante sur le stock qui se matérialiserait dès que la banque prenait conscience qu’elle ne recevrait pas l’argent qui lui était dû.

Dans la plupart des cas, la plupart des actifs y sont consacrés, vu le trop grand nombre de factures à payer, ce qui fait que les Mme Gorski, les Judy Kalmakoff et les Ruth David de ce monde se retrouvent largement sous-payées, si tant est qu’elles soient payées. D’une certaine façon, nous avons aidé certains de ces créanciers. La Loi sur le Programme de protection des salariés se porte à la défense des employés, dans une certaine mesure, et accorde la priorité absolue à certains éléments comme les versements d’impôt sur le revenu. Dernièrement, nous avons aussi créé des mécanismes de récupération des cotisations aux régimes de retraite. Cela dit, pour l’essentiel, les Mme Gorski de ce monde et les fournisseurs de mon grand-père sont carrément laissés en plan. C’est ce qui nous amène à ce projet de loi et, dans ce contexte, aux Mme Gorski de ce monde, c’est-à-dire les fournisseurs de fruits et légumes périssables.

Je tiens à insister sur le fait — ce qui devrait atténuer certains des arguments qui ont été présentés précédemment — que même pour les personnes qui sont passées à une catégorie supérieure, y compris ce groupe, personne n’a le dessus sur les prêteurs commerciaux s’ils étaient là en premier. Voici pourquoi : la Cour suprême du Canada l’a récemment précisé en ce qui concerne les parties qui se retrouvent en haut de la liste. Pour les remises d’impôt sur le revenu impayées, si les gens de l’impôt sur le revenu — la fiducie d’origine législative de l’Agence du revenu du Canada — arrivent avant la sûreté prise par le prêteur, et que l’élément d’actif de cette fiducie peut être retracé, c’est l’Agence du revenu du Canada qui l’emporte. Toutefois, s’ils arrivent plus tard, après la sûreté de la banque — dans ce cas, la Banque TD —, aucun élément d’actif n’est réputé être détenu en fiducie et la sûreté du prêt commercial l’emporte. Le voilier appartient vraiment à la banque.

(1610)

Ce que je tente de faire valoir, c’est que le débat que nous avons entendu la semaine dernière était un faux débat. La plupart du temps, la banque sera la première dans le dossier et l’emportera. Par conséquent, l’économie ne s’effondra pas. Que cela nous plaise ou non, cette fiducie placera très occasionnellement les producteurs de fruits et légumes frais devant la banque. En fait, il ne s’agit que marginalement d’un débat opposant les banquiers et les agriculteurs.

Passons maintenant aux raisons pour lesquelles j’appuie le projet de loi et pour lesquelles j’ai une certaine sympathie à l’égard de l’amendement du sénateur Varone. La principale raison pour laquelle j’appuie ce projet de loi est qu’il tente de soutenir ce que j’appellerais les « petites gens » dans la lutte pour l’indemnisation en cas de faillite et d’insolvabilité. Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, les principaux perdants dans la distribution des produits de la faillite sont les petits créanciers. Ce projet de loi, bien qu’imparfait, aide quelque peu ces petits créanciers du secteur des fruits et légumes. C’est une bonne chose pour de nombreuses raisons qui ont été expliquées ici et au comité.

C’est une bonne chose pour le secteur agricole et pour de nombreuses personnes qui dépendent du producteur — notamment les fournisseurs d’intrants et les employés —, car lorsque le producteur fait faillite, ils en souffrent également, et certains d’entre eux font faillite à leur tour. Comme je l’ai dit, j’aime bien l’amendement du sénateur Varone, qui se concentre sur les principales sources de fruits et légumes périssables, soit les producteurs. Cela améliore le projet de loi, mais ce n’est qu’une modeste amélioration, à mon avis.

Ensuite, je pense que l’engagement constructif avec les États-Unis auquel participe ce projet de loi revêt une grande importance, bien que le projet de loi soit modeste à cet égard. Au début de l’année, je me suis rendu à Washington avec la sénatrice Robinson et un petit nombre de députés pour rencontrer des membres de la Chambre des représentants et des hauts responsables de l’agriculture au sein du gouvernement américain. J’ai été invité principalement pour parler du projet de loi C-280. Au cours de ces échanges, je peux vous assurer que les membres du Congrès que nous avons rencontrés et les hauts responsables de l’agriculture ont accueilli avec enthousiasme la perspective du projet de loi C-280. Bien qu’aucune garantie n’ait été donnée, ils ont indiqué qu’il était probable — je pense qu’il est juste de le dire — qu’après l’adoption par le Canada du projet de loi C-280 dans la forme qu’ils ont vue, l’accès des producteurs canadiens au système de la Perishable Agricultural Commodities Act serait rétabli. Je dirais que c’est une probabilité.

Certains ont raison de dire que les systèmes canadien et américain ne sont pas parfaitement harmonisés. Cela dit, il appartient aux Américains de décider si l’harmonisation est suffisante pour répondre à leurs intérêts. Il convient de garder à l’esprit, comme nous l’avons entendu, que proportionnellement, les producteurs américains qui réalisent des ventes au Canada représentent un groupe beaucoup plus vaste que celui des producteurs canadiens qui réalisent des ventes aux États-Unis. J’ai le sentiment que les Américains tiennent grandement à conserver cette réciprocité.

L’amendement bien intentionné du sénateur Varone pourrait ou non compliquer la question de la réciprocité avec les États-Unis. Vous avez probablement tous vu la correspondance qui évoque cette possibilité, qui, à mon avis, pourrait ou non se concrétiser si nous avions affaire à un projet de loi amendé. Tout bien considéré, je pense que l’adoption du projet de loi sans amendement a de très bonnes chances de donner lieu à une réciprocité de la part des États-Unis. Le projet de loi amendé a un peu moins de chances d’y parvenir. Enfin, sur ce point, dans l’environnement actuel, nous pouvons mener un dialogue constructif avec les États-Unis sur la question du commerce, et ce d’une manière qui profite mutuellement à nos deux pays. Cela constituerait une déclaration très positive.

Mon troisième constat est que nous devons être ouverts et honnêtes sur les problèmes que pose le projet de loi — ou du moins sur ses limites. Ces problèmes ne sont pas expressément liés à l’amendement adopté par le comité. J’ai deux points à soulever ici. Le premier concerne l’efficacité de la fiducie rattachée. C’est en partie dû au fonctionnement du droit commercial, auquel j’ai fait allusion plus tôt, mais c’est aussi une fonction — au moins dans certaines circonstances — du fait que la fiducie créée par le projet de loi n’est pas rédigée dans des termes juridiques suffisamment stricts pour être rattachée le plus tôt possible, ce qui améliore ses chances de devenir une fiducie efficace en concurrence avec d’autres créances sur les actifs d’un débiteur. J’en ai déjà parlé.

Selon moi, le problème de l’identification et de la traçabilité des biens fiduciaires est plus grave. Il s’agit d’une fiducie, après tout, et il faut identifier les biens qui font l’objet de la fiducie. Comme je l’ai mentionné à l’étape de la deuxième lecture — et cela est confirmé par la décision de la Cour fédérale a rendu en 2018 concernant la Banque Toronto-Dominion et l’Agence du revenu du Canada, au sujet de la fiducie d’origine législative aux fins de l’impôt sur le revenu —, le projet de loi laisse inchangées les règles relatives à la nécessité de retracer les biens de la fiducie.

La raison en est que le projet de loi laisse en place les règles provinciales en matière de propriété et de droits civils, c’est-à-dire la façon dont les fiducies fonctionnent et sont interprétées. La préservation de la compétence provinciale en matière de droit des fiducies est explicite dans le projet de loi. Le projet de loi aurait pu inclure des dispositions permettant d’écarter les règles de traçabilité pour les besoins de la faillite et de l’insolvabilité. Le principe constitutionnel de la primauté de la législation fédérale donnerait la priorité aux règles fédérales en matière de faillite. Cela aurait pu être tentant pour l’auteur initial du projet de loi, mais cela introduit une nouvelle couche de complexité où Ottawa empiète sur les lois provinciales et les annule. Il s’agirait là d’une initiative fédérale-provinciale gênante, qui n’a pas été retenue dans le cas présent.

L’honorable René Cormier (Son Honneur le Président suppléant) : Sénateur Cotter, je regrette de devoir vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Cotter : Oui, j’aimerais avoir plus de temps.

Son Honneur le Président suppléant : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Cotter : Cela créerait aussi une autre complication, puisqu’il demeure absolument nécessaire d’identifier le bien qui est la propriété fiduciaire et de le suivre jusqu’au bout. Dans les faits, les fruits et légumes périssables seront certainement mêlés à ceux d’autres fournisseurs et l’argent généré sera également mêlé, de sorte que la question suivante restera en suspens : à quel bien la fiducie est-elle censée se rattacher? S’il est impossible de répondre à cette question, la fiducie échoue. Pour être tout à fait honnête, depuis que j’ai lu la décision de la Cour suprême, j’ai moins d’espoir que la fiducie présumée puisse être totalement efficace.

J’ai déjà utilisé une métaphore un peu ringarde qu’il m’apparaît pertinent de répéter. C’est l’histoire de deux types dans une chaloupe. Ils sont en train de descendre la rivière quand ils se rendent compte, soudainement, qu’ils sont sur le point de tomber dans une chute. L’un des types dit à l’autre : « Jette l’ancre. » Le deuxième lui répond : « Mais l’ancre n’est pas attachée à la chaloupe. » Le premier réplique : « Jette-la quand même, ce sera peut-être utile. » La situation dont nous discutons n’est pas aussi inquiétante que celle des deux types dans la chaloupe, mais je crois que nous devrions avoir certaines réserves quant à la possibilité d’une réussite totale. Cela dit, il semble que le jeu en vaut la chandelle.

Compte tenu de ces éléments, tout d’abord, le sénateur Varone a fait valoir que la fiducie ratisse trop large. Je pense avoir une légère préférence pour l’amendement du sénateur Varone à cet égard. Il y a des problèmes d’ordre pratique au sujet de l’applicabilité de la fiducie : je pense que c’est vrai, mais il aurait fallu modifier considérablement le projet de loi, et il est possible que le projet de loi soit un succès. Il y a un risque accru que le projet de loi amendé ne soit pas en harmonie avec la mesure américaine. Le risque n’est pas grand, mais je ne pense pas que cela en vaille la peine. On a déjà dit que l’autre endroit a approuvé ce projet de loi dans sa forme initiale. On a souvent recours à cet argument lorsque cela convient à la personne qui l’utilise. En ce qui me concerne, il s’agit toujours d’un point important, mais pas toujours déterminant. En l’occurrence, je le prends au sérieux.

En ce qui concerne le soutien au secteur agricole et agroalimentaire — je suis d’avis que nous sous-estimons constamment le secteur agricole et agroalimentaire en tant que pilier essentiel de notre économie, comme il est souligné dans le projet et le rapport dirigés par le sénateur Harder, que je félicite. C’est le cas aujourd’hui et ce le sera à l’avenir. Une meilleure reconnaissance du rôle de ce secteur serait bénéfique pour nous tous. Ce projet de loi est un petit signe de notre engagement envers de nombreuses personnes qui produisent nos aliments, et il serait vraiment malheureux que nous perdions l’occasion d’envoyer ce signe.

(1620)

Mon dernier point est qu’il y a un risque que les amendements coulent le projet de loi. Tout ce que je peux dire, c’est que vous avez étudié la question. Cela semble probable, et je préférerais un projet de loi imparfait à aucun projet de loi du tout.

À mon avis, même si l’amendement du sénateur Varone améliorera un peu le projet de loi, tout bien considéré, un projet de loi amendé compromettra certains de ses avantages. J’appuie l’adoption de ce projet de loi dans sa forme originale non modifiée et, par conséquent, avec tout le respect que je dois à ceux qui pensent le contraire, je voterai contre le rapport du comité. Merci beaucoup.

L’honorable Tony Loffreda : Je vous remercie de votre discours. Je reconnais que la situation est un peu différente quand la banque possède directement l’actif. Toutefois, quand on calcule les créances prioritaires — et l’argument de la réciprocité est plus solide que l’argument économique —, on constate que l’économie ne s’effondrera pas.

Cependant, quand les banquiers calculent les créances prioritaires, ils tiennent toujours compte du pire scénario envisageable, et non du meilleur. S’il existe une possibilité que la banque ne recouvre pas la créance prioritaire, celle-ci sera déduite des actifs potentiels. Ne convenez-vous pas qu’un risque élevé peut entraîner un meilleur rendement?

Le sénateur Cotter : Quand j’ai lu la décision de la Cour suprême dans l’affaire TD Canada Trust, il est devenu évident que les banques et les institutions financières qui prennent des garanties dès qu’une entreprise commence ses activités — ce qui est typique et peut contribuer à sa relance —, sont même à l’abri de la fiducie pour les versements d’impôt sur le revenu qui sont prévus plus tard. Cette fiducie est presque toujours créée plus tard.

Son Honneur le Président suppléant : Merci, monsieur le sénateur. Votre temps de parole est écoulé. Sénatrice Martin, vous avez la parole.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie sur le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).

Comme on l’a expliqué dans les discours précédents, le projet de loi C-280 a deux objectifs : tout d’abord, il établirait une fiducie présumée pour les produits agricoles périssables au Canada, donnant la priorité aux paiements aux fournisseurs de fruits et légumes frais en cas d’insolvabilité de l’acheteur. Grâce à cette protection, les agriculteurs, les distributeurs et tous les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement en denrées périssables disposeraient d’un mécanisme sûr et fiable pour recouvrer les fonds impayés.

Deuxièmement, le projet de loi C-280 contribuerait à rétablir le statut de partenaire commercial privilégié du Canada en rétablissant la réciprocité avec les États-Unis aux termes de la loi américaine sur les denrées agricoles périssables, ou PACA.

Avec la loi américaine sur les denrées agricoles périssables, le Canada a bénéficié d’une réciprocité pendant plus de 70 ans, avant de la perdre en 2014 en raison de l’absence d’un système réciproque de protection des paiements pour les exportateurs américains vers le Canada. Cette absence de réciprocité a rendu les exportateurs canadiens de fruits et légumes frais vulnérables sur l’un de leurs plus grands marchés, les obligeant à déposer une double caution coûteuse et en créant des conditions de concurrence inégales qui menacent l’économie agricole du Canada.

Il est important de comprendre que pour les producteurs canadiens, l’obtention de la réciprocité aux termes de la Perishable Agricultural Commodities Act n’est pas un rajustement mineur de la réglementation; il s’agit d’un impératif économique. De toutes les exportations de fruits et légumes frais canadiens, 85 % sont destinées aux États-Unis. Il est donc essentiel que le Canada mette en place un mécanisme de fiducie qui reflète les protections de la Perishable Agricultural Commodities Act. Sans cet alignement, les fournisseurs canadiens ne peuvent pas faire du commerce transfrontalier en toute confiance et notre secteur des fruits et légumes frais reste désavantagé sur un marché mondial de plus en plus compétitif.

Toutefois, les amendements apportés par le comité suscitent la crainte qu’ils compromettent gravement la capacité du Canada à obtenir le statut de partenaire commercial privilégié dont il a tant besoin, en restreignant la définition de « fournisseur » aux « producteurs ou détaillants » et en stipulant que les actifs sont réputés être détenus en fiducie à titre de créancier garanti plutôt que simplement réputés être détenus en fiducie.

La semaine dernière, nous avons entendu deux positions très différentes sur l’impact des amendements apportés par le comité. D’une part, les sénateurs MacDonald, Deacon, Black et Plett ont fait valoir, tout comme le sénateur Cotter aujourd’hui, que les amendements priveraient le Canada de la possibilité d’obtenir la réciprocité aux termes de la Perishable Agricultural Commodities Act. D’autre part, le sénateur Varone a affirmé que le projet de loi non amendé ne ferait rien pour protéger les agriculteurs et que, même avec ses amendements, il faudrait encore travailler pour « faire franchir aux agriculteurs la ligne d’arrivée de la réciprocité ».

Honorables sénateurs, je suis éducatrice de formation et non experte en faillite. Cependant, je suis membre du Comité sénatorial des banques et j’étais présente lorsqu’il a étudié ce projet de loi.

Au comité, nous avons entendu les meilleurs témoins que nous avons pu trouver qui étaient des experts dans ce domaine. Comme ce sont des experts, je crois que leurs témoignages devraient peser lourd dans la balance et éclairer notre décision à savoir si nous appuyons ou non les amendements dans le rapport dont nous sommes saisis.

À la suite du discours du sénateur Varone, la semaine dernière, j’ai passé un moment à relire ses commentaires et j’ai noté certains arguments qu’il avait présentés à l’appui de ses amendements. J’aimerais revoir chacun de ces arguments à la lumière des preuves et des témoignages des experts qui ont comparu devant le Comité des banques.

Le sénateur Varone a commencé son discours en disant que le libellé initial du projet de loi C-280 n’était « pas assez clair » et qu’il craignait que ses dispositions manquent de clarté et de précision. Il a soutenu que ce manque de clarté pourrait donner lieu à des difficultés de mise en œuvre, en particulier dans le cas des procédures d’insolvabilité, et que des ajustements étaient nécessaires afin que le projet de loi soit réalisable.

Cependant, Massimo Bergamini, directeur général des Producteurs de fruits et de légumes du Canada, nous a dit ceci au comité :

Les Producteurs de fruits et légumes du Canada militent en faveur de la protection financière contenue dans le projet de loi C-280 depuis près de 40 ans. Le secteur des fruits et légumes doit composer avec des produits périssables et de courtes fenêtres de vente. La réalité, c’est que les lois actuelles sur l’insolvabilité n’offrent aucune protection aux producteurs qui ne peuvent récupérer des biens qui perdent rapidement de la valeur. Le projet de loi C-280 viendrait combler cette lacune.

M. Bergamini est un expert qui représente l’industrie des fruits et légumes de tout le pays, laquelle soutient actuellement plus de 185 000 emplois. Il croit que le projet de loi cadre parfaitement avec les réalités particulières de l’industrie des fruits et légumes frais, et d’autres témoins étaient du même avis.

La deuxième préoccupation du sénateur Varone, c’était que le projet de loi, dans sa forme actuelle, viendrait perturber la hiérarchie des créanciers existante dans les procédures de faillite. Il a soutenu que le fait d’accorder la priorité aux vendeurs de fruits et légumes frais par l’entremise d’une fiducie réputée pourrait les élever injustement au-dessus des autres créanciers, comme les prêteurs garantis ou les employés, ce qui pourrait déstabiliser le cadre global de l’insolvabilité.

Cependant, Ron Lemaire, président de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, n’était pas d’accord. Dans une lettre soumise au comité, il a écrit :

[…] une fiducie réputée est le seul moyen grâce auquel le gouvernement du Canada peut offrir une protection financière efficace aux producteurs et aux divers vendeurs de fruits et légumes frais du Canada.

Cela ne perturbe pas la hiérarchie des créanciers, mais assure l’équité des paiements dus aux fournisseurs.

(1630)

M. Lemaire a clairement indiqué que la crainte du sénateur Varone n’était pas fondée. La fiducie réputée est une solution ciblée conçue pour remédier aux inégalités en matière de paiement sans perturber la hiérarchie générale des créanciers.

Le troisième argument du sénateur Varone était que le fait de donner la priorité aux vendeurs de fruits et légumes frais pouvait entraîner une augmentation des coûts d’emprunt et une réduction du crédit pour les petites entreprises. Cette affirmation a également été contestée par les témoins. Fred Webber, ancien président de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes, a dit ceci au comité :

Le projet de loi ouvrirait la voie au rétablissement de la protection financière des producteurs canadiens en vertu de la loi américaine sur les produits agricoles périssables. Cette loi fait ses preuves depuis plus de 30 ans et procure une stabilité financière aux fournisseurs sans perturber les marchés du crédit.

Richard Lee, directeur général de l’Ontario Greenhouse Vegetable Growers, a dit que « [le] libellé actuel du projet de loi veillerait à ce que la réciprocité avec les États-Unis soit rétablie » sans pour autant engendrer de risques financiers ou de fardeaux administratifs excessifs pour les entreprises canadiennes.

En outre, l’expérience des États-Unis dans le cadre de la loi américaine sur les produits agricoles périssables laisse penser que de tels mécanismes n’ont pas entraîné de problèmes de crédit généralisés ni de perturbations financières systémiques. La protection des vendeurs de fruits et légumes frais renforce la stabilité économique en réduisant la probabilité de faillites en cascade dans le secteur agricole, ce qui favorise la sécurité alimentaire et les économies locales.

La simple vérité, c’est que les dettes impayées représentent un plus grand danger pour les petites entreprises qui font partie de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes que les contraintes de crédit hypothétiques. Le projet de loi atténue les risques pour ces entreprises, qui sont essentielles à l’économie.

Le sénateur Varone a aussi laissé entendre que ses amendements étaient nécessaires pour assurer un équilibre plus équitable entre les intérêts des fournisseurs de fruits et légumes frais et d’autres parties prenantes dans le processus d’insolvabilité. Il a mentionné que le projet de loi initial avantageait trop un groupe au détriment d’un système équitable et transparent pour tous les créanciers.

Cependant, aucun témoignage au comité n’a confirmé cette préoccupation ni suggéré que les amendements étaient nécessaires. Au contraire, la majorité des témoignages et des données probantes ont laissé penser que le projet de loi sans amendement est une solution équitable et nécessaire compte tenu des vulnérabilités propres au secteur des fruits et des légumes frais.

Plutôt que de créer des iniquités, le projet de loi C-280 corrige des iniquités existantes. Les défis propres au secteur, dont le caractère périssable des produits et les longs délais de paiement, appellent une protection supplémentaire. D’autres secteurs, comme celui des producteurs de grains, ont déjà leurs propres protections financières sur mesure, et la fiducie réputée du projet de loi C-280 garantit simplement que les vendeurs de fruits et de légumes frais reçoivent les paiements qui leur sont dus, ce qui est équitable et ne s’apparente pas à un traitement préférentiel.

Enfin, selon le sénateur Varone, le texte initial du projet de loi déviait considérablement des normes et des principes canadiens d’insolvabilité, qui visent à équilibrer les intérêts plutôt qu’à avantager fortement des groupes particuliers. Le sénateur Varone a soutenu que ses amendements visaient à rapprocher la mesure législative des pratiques et des cadres juridiques établis.

Ron Lemaire, président de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, n’était pas d’accord. Il a dit que le mécanisme de protection contre la faillite dans ce projet de loi créerait « un outil essentiel et adapté à une industrie unique et qui ne bénéficie actuellement d’aucune protection ».

Sur ce point, il est important de noter que la législation canadienne en matière d’insolvabilité prévoit déjà des priorités sectorielles, telles que les superpriorités pour les producteurs agricoles. Une étude de la Bibliothèque du Parlement indique que l’article 81.2 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité :

[...] crée un droit spécial pour les agriculteurs, les pêcheurs et les aquiculteurs qui livrent des produits agricoles, aquatiques et aquicoles destinés à être utilisés dans le cadre des affaires d’un acheteur. Lorsque, subséquemment, l’acheteur fait faillite ou est mis sous séquestre et que ses produits sont livrés dans les 15 jours précédant la faillite ou la mise sous séquestre de l’acheteur, l’agriculteur, le pêcheur ou l’aquiculteur peut déposer une réclamation pour le solde impayé dans les 30 jours suivant la faillite ou la mise sous séquestre. Cette réclamation est garantie par une sûreté portant sur la totalité du stock appartenant à l’acheteur; elle a priorité sur tout autre droit, charge ou réclamation, sauf sur le droit du fournisseur impayé à la reprise de possession des marchandises.

Le projet de loi C-280 n’est pas une initiative inédite. Il s’aligne sur la disposition existante dont bénéficient les producteurs agricoles en répondant aux besoins distincts des fournisseurs de produits frais. Le projet de loi tient compte du fait que, si cette disposition existante bénéficie à une grande partie du secteur agricole, elle n’aide pas les producteurs de fruits et légumes en raison de la courte durée de conservation de leurs produits.

Malgré les préoccupations soulevées par le sénateur Varone, le projet de loi C-280 ne mine pas l’équité du système; il la renforce. Les experts que nous avons entendus au comité ne partageaient pas les préoccupations du sénateur Varone et estimaient que ses amendements étaient nuisibles à l’industrie, et non utiles, et qu’ils menaçaient la possibilité d’obtenir la réciprocité avec les États‑Unis.

En limitant l’application du terme « fournisseur » au « producteur » ou au « détaillant », on exclut des participants essentiels de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes, comme les emballeurs, les grossistes et les revendeurs. Cette exclusion va directement à l’encontre de l’approche inclusive de la Perishable Agricultural Commodities Act, ou PACA, qui protège l’ensemble de la chaîne de valeur. Les autorités des États-Unis ont clairement indiqué que la pleine réciprocité exige des protections comparables à celles de la PACA, qui couvre tous les fournisseurs de biens périssables, et non seulement les producteurs primaires ou les détaillants. Ainsi, l’amendement met en péril la possibilité pour le Canada de rétablir la réciprocité de la PACA.

De plus, en changeant le libellé du projet de loi pour désigner les produits des fournisseurs comme étant « détenus en fiducie à titre de créancier garanti » plutôt que simplement comme « fiducie réputée », on se trouve à abaisser le statut prioritaire des fournisseurs. En vertu de cette modification, les fournisseurs canadiens seraient en concurrence avec d’autres créanciers garantis pour le remboursement.

Honorables collègues, j’ai encore des choses à dire, mais je sais que mon temps de parole tire à sa fin. J’aimerais simplement dire — et vous avez déjà entendu bon nombre de ces arguments —, que je vous exhorte à rejeter le rapport du comité, à rétablir la forme originale et non amendée du projet de loi C-280 et à rétablir la réciprocité pour nos producteurs canadiens.

Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente : Le temps prévu est écoulé. Sénatrice Martin, demandez-vous plus de temps pour répondre à une question?

La sénatrice Martin : Oui, je demande plus de temps pour répondre à la question du sénateur.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Gold : Je vous remercie, chers collègues.

Comme je l’ai dit récemment au Sénat, le gouvernement adopte une position pour chacun des projets de loi qui aurait pour effet de changer les lois fédérales, y compris les projets de loi d’initiative parlementaire. En ma qualité de représentant du gouvernement, j’ai l’habitude de vous communiquer le point de vue du gouvernement ici, au Sénat. À titre d’exemple, comme vous le savez, je suis intervenu dernièrement à propos du projet de loi C-275, pour lequel le vote a été reporté. Nous en avons discuté aujourd’hui, et j’ai exprimé le point de vue du gouvernement, selon lequel nous ne devrions pas adopter d’amendements à ce projet de loi. Je voterai en ce sens la semaine prochaine.

Aujourd’hui, nous parlons du projet de loi C-280. Dans ce cas aussi, le gouvernement a pour position que cette mesure devrait être adoptée sans amendement.

Sénatrice Martin, nous avons entendu, tant de la part de collègues durant le débat que de la part de témoins pendant l’étude en comité, que la fiducie réputée doit continuer de s’étendre à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement pour protéger les producteurs, puisque les problèmes concernant les paiements peuvent entraîner des pertes financières indirectes pour les producteurs. Pourriez-vous nous expliquer un peu pourquoi cet enjeu vous amène à vous opposer aux amendements, vous aussi?

La sénatrice Martin : Comme je l’ai dit dans mon discours, pour obtenir la réciprocité en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act — dont nous avons joui pendant 70 ans —, cette loi prévoit des protections dans toute la chaîne d’approvisionnement. Pour que les producteurs américains bénéficient de ces protections, comme nous voudrions que les producteurs canadiens en bénéficient, nous devons veiller à la protection de toute la chaîne. C’est un secteur très vulnérable, comme d’autres personnes et moi-même l’avons expliqué. Ce sont des denrées périssables. Ces protections sont donc très importantes et nécessaires.

(1640)

Le sénateur Plett : Bravo!

La sénatrice Clement : Votre Honneur, je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente : L’honorable sénatrice Clement propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Petitclerc, que le débat soit ajournée à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Une heure? Le vote aura lieu à 17 h 40. Convoquez les sénateurs.

(1740)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Boehm Loffreda
Boniface MacAdam
Boudreau Massicotte
Boyer McBean
Busson McNair
Cardozo Moncion
Clement Pate
Cormier Petitclerc
Cotter Petten
Dasko Ravalia
Deacon (Ontario) Saint-Germain
Duncan Senior
Francis Simons
Gold Varone
Harder Wells (Alberta)
Kingston White
LaBoucane-Benson Youance—34

CONTRE
Les honorables sénateurs

Al Zaibak Osler
Batters Patterson
Burey Plett
Carignan Robinson
Housakos Ross
MacDonald Seidman
Martin Verner
McCallum Wallin—17
McPhedran

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, motions, article no 203 :

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 27 novembre 2024, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 3 décembre 2024, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif—Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boehm, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à l’adoption du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 7 novembre 2024.

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que membre du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour parler du 15e rapport de ce dernier, qui porte sur le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).

Je tiens à remercier sincèrement le sénateur Boehm, président du comité, du leadership constant et réfléchi dont il a fait preuve tout au long du processus d’examen. Comprendre les complexités de la politique commerciale, en particulier lorsqu’elle est liée à la gestion de l’offre, n’est pas une mince affaire.

Je tiens également à remercier notre collègue la sénatrice Gerba de son travail à titre de marraine du projet de loi.

Je suis conscient que la gestion de l’offre, qui est une pierre angulaire de la politique agricole du Canada, procure une stabilité aux producteurs de produits laitiers, de volaille et d’œufs en réglementant la production, en contrôlant les importations et en maintenant des prix équitables pour les consommateurs. La gestion de l’offre joue un rôle essentiel pour les provinces comme la mienne, où la production agricole n’atteint pas l’ampleur de celle d’autres régions. Elle soutient les collectivités rurales, protège le moyen de subsistance des petits agriculteurs et garantit aux Canadiens l’accès à des produits locaux de grande qualité. Comme nos collègues l’ont expliqué en détail, ce point est particulièrement important.

Cela dit, chers collègues, comme le comité l’a si bien indiqué, le projet de loi C-282 ne porte pas sur la gestion de l’offre. Il porte plutôt sur la façon dont le Canada mène les négociations commerciales sur la scène internationale. Cette distinction est essentielle.

La gestion de l’offre protège certes nos secteurs agricoles nationaux, mais ce projet de loi vise plutôt à modifier la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Le sénateur Deacon a d’ailleurs souligné cette distinction dans son discours, en précisant qu’il s’agit fondamentalement d’une mesure sur le commerce, et non d’une approbation ou d’une critique directe de la gestion de l’offre. Le projet de loi ne vise pas à revoir ou à redéfinir l’engagement de longue date du Canada à l’égard de la gestion de l’offre. Il limite plutôt la capacité du Canada à négocier sur la scène internationale.

(1750)

L’amendement présenté par le sénateur Harder est particulièrement utile, compte tenu du climat politique mondial actuel. Les négociations commerciales sont intrinsèquement complexes et requièrent une certaine souplesse pour s’adapter aux difficultés imprévues et aux priorités changeantes. Comme nous l’avons vu ces dernières années — et peut-être encore plus ces derniers jours —, le commerce peut rapidement devenir un outil politique donnant lieu à des conséquences économiques considérables pour les nations dépourvues de l’agilité voulue pour réagir efficacement. La dynamique incertaine du commerce mondial, y compris la possibilité de nouveaux droits de douane ou de mesures protectionnistes de la part de partenaires commerciaux clés, fait ressortir l’importance de préserver la capacité du Canada à négocier efficacement. Comme nous l’avons entendu au comité, les accords commerciaux ne sont pas statiques; ce sont des instruments dynamiques qui doivent témoigner à la fois des priorités nationales et des réalités mondiales.

L’amendement fait en sorte que le Canada ne soit pas indûment restreint par des règles rigides qui pourraient, par inadvertance, miner notre capacité à protéger des intérêts nationaux plus vastes. En autorisant des exceptions pour les accords existants, les renégociations et les discussions commerciales en cours, l’amendement sert de garde-fou. La souplesse qu’il confère permet à nos négociateurs de répondre aux menaces nouvelles et émergentes, qu’il s’agisse de droits de douane, de perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale ou de l’évolution des normes commerciales internationales, tout en respectant les principes de la gestion de l’offre.

Pour le Canada, il est primordial de maintenir sa crédibilité en tant que partenaire commercial fiable. Des changements soudains ou inflexibles à nos engagements pourraient éroder la confiance de nos alliés et de nos partenaires commerciaux, en particulier ceux des marchés essentiels tels que les États-Unis, l’Europe, le Mexique, le Royaume-Uni et l’Asie. Par ailleurs, nous devons défendre les protections qui soutiennent nos industries nationales, telles que la gestion de l’offre, qui est fondamentale pour la stabilité de l’agriculture canadienne.

Cet amendement parvient à établir un équilibre qui n’était pas facile à trouver. Il reconnaît l’importance de la gestion de l’offre tout en garantissant que le Canada dispose des outils diplomatiques et stratégiques nécessaires pour naviguer dans un environnement commercial mondial de plus en plus imprévisible.

Honorables sénateurs, en période d’incertitude, il n’est pas seulement prudent de préserver notre capacité à négocier librement et de manière responsable; c’est essentiel pour défendre les intérêts économiques et stratégiques du Canada sur la scène mondiale. Étant donné la complexité du long processus des échanges commerciaux, j’espère que ce sont la logique et le bon sens qui prévaudront.

Je vous remercie, chers collègues, pour votre dévouement à cette question importante et pour vos efforts continus en vue de maintenir un cadre législatif solide et équilibré pour le Canada.

Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice Mégie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-218, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-218.

Manifestement, nous avons la preuve encore ce soir que certains sénateurs refusent de faire progresser l’étude de bons projets de loi comme il se doit. Le gouvernement nous demande de faire des choses pour lui, puis ne nous appuie pas, alors je propose que nous rentrions chez nous pour la fin de semaine, et nous verrons bien si le gouvernement réussit à s’organiser et à nous présenter des projets de loi la semaine prochaine.

Peut-être que la semaine prochaine, les sénateurs respecteront ce qui avait été convenu plus tôt cette semaine pour que nous puissions faire progresser des projets de loi.

Je propose que nous rentrions tous à la maison, que nous réfléchissions à cela et que nous revenions la semaine prochaine. Cela dit, Votre Honneur, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 17 h 56, conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 3 décembre 2024, à 14 heures.)

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