Délibérations du comité sénatorial permanent
des
banques et du commerce
Fascicule 2 -- Témoignages
Ottawa, le mardi 30 avril 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour étudier la situation du système financier au Canada et en particulier la régie d'entreprise.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous sommes ici ce matin pour entendre notre dernier témoin dans le cadre de notre étude sur la régie d'entreprise. Il s'agit de M. Bruce Malcolm, d'Alexander & Alexander, Reed Stenhouse.
Le sénateur Angus: Monsieur le président, je tiens à déclarer mes intérêts, afin que les membres du comité en soient informés. Je ne pense pas que cela ait le moindre effet. Je siège toutefois au conseil d'administration d'Alexander & Alexander, Reed Stenhouse.
Le président: Monsieur Malcolm, je tiens à vous remercier d'être venu nous parler de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres. Il serait utile que vous nous résumiez le mémoire que vous nous avez remis en ajoutant vos commentaires, si vous le désirez, après quoi nous vous poserons quelques questions.
M. Bruce A. Malcolm, directeur, Alexander & Alexander, Reed Stenhouse: Merci, monsieur le président. J'ai suivi plusieurs des audiences de votre comité à la télévision. Le sujet de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres a particulièrement retenu mon attention. Je m'y intéresse depuis plus de vingt ans. Apparemment, les témoins que vous avez entendus ont abordé la question sous trois angles différents soit la disponibilité de ce type d'assurance, son coût et la garantie offerte.
Le président: Votre firme fournit-elle ce genre d'assurance?
M. Malcolm: Nous sommes des courtiers. Nous ne la fournissons pas nous-mêmes.
Le président: J'aurais dû formuler la question de façon légèrement différente. L'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres compte-t-elle parmi les produits que vous vendez?
M. Malcolm: Oui. J'ai tenté d'aborder ces trois sujets dans mon mémoire. J'avais lu quelque part que la Loi sur les compagnies de 1869 rendait les administrateurs responsables du paiement des salaires des employés. M. Macdonald l'a mentionné lorsqu'il a comparu devant vous. Cela a attisé ma curiosité, car c'est un sujet qui a pris beaucoup d'importance 120 ans plus tard.
Lloyd a été la première compagnie à offrir une assurance aux administrateurs et aux cadres à la suite des lois adoptées en 1933 et 1934 aux États-Unis. Dans les années 30, certaines polices ont été émises à des sociétés comme Gaf et Federated Stores. Elles étaient formulées dans le style alambiqué typique des anciennes polices de Lloyd. Le problème c'est qu'il n'y avait pas d'harmonisation entre la loi fédérale et la loi des États. Autrement dit, dans certains États, une société pouvait indemniser un administrateur pour des dommages-intérêts, mais pas pour ses frais d'avocat. Le libellé visait à assurer une assurance-responsabilité.
Après la guerre, on a pris davantage conscience de la nécessité de cette assurance aux États-Unis. Pendant plusieurs années, il ne s'est pas passé grand chose. Cependant, de la fin des années 50 au début des années 60, l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres a suscité un regain d'intérêt. Plusieurs assureurs des États-Unis ont commencé à souscrire ce type d'assurance au début des années 60, mais Lloyd est restée en tête. En 1966, un consultant a déclaré que cette assurance était inutile au Canada étant donné que les administrateurs n'assumaient aucune responsabilité. En 1982, les institutions d'épargne des États-Unis ont été déréglementées. En même temps, le gouvernement américain a augmenté l'assurance-dépôt, d'abord de 25 000 à 40 000 dollars puis à 100 000 dollars. Entre 1982 et 1988, plus de 500 institutions d'épargne ont fait faillite aux États-Unis. Je crois que cela a coûté jusqu'ici au gouvernement américain 250 millions de dollars environ, qui seront répartis sur trente ans.
En même temps, au début des années 80, on a assisté à des rachats d'entreprises par effet de levier. Les actionnaires minoritaires d'un côté comme de l'autre ont eu le sentiment qu'on leur forçait la main et ils ont poursuivi les administrateurs. Au Canada, du milieu jusqu'à la fin des années 70, il y a eu une véritable explosion de mesures législatives, tant au niveau fédéral que provincial, qui imposaient aux administrateurs divers types de responsabilités. Ce mouvement et la publicité entourant les poursuites intentées aux États-Unis contre des administrateurs, ont suscité un certain intérêt pour l'assurance-responsabilité au Canada. Une compagnie américaine a payé, à elle seule, près d'un milliard de dollars d'indemnisation en dix ans, à la suite de la faillite des institutions d'épargne.
Le sénateur Angus: Elle existe toujours?
M. Malcolm: Oui.
Entre 1975 et 1980 environ, la demande d'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres a augmenté au Canada. Le marché existant était entièrement étranger. Vous deviez aller à Londres, à New York, à Los Angeles ou à Chicago pour négocier avec un assureur. Il n'y avait pas d'assureurs canadiens avec qui vous pouviez négocier.
Le marché étranger ne pouvait pas suffire à satisfaire à la demande. Par conséquent, de nouvelles compagnies se sont lancées dans l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres. Kansa, Inapro, Encon, une agence d'Ottawa, et plus particulièrement Chubb, se sont établies. AIG, l'un des principaux assureurs dans ce domaine, a ouvert des bureaux à Toronto et à Montréal. À la fin de 1982, il y avait un marché viable de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres au Canada.
Trois ans à peine après l'établissement de ce marché, les pertes subies par les assureurs américains sont devenues inacceptables tant pour les assureurs directs que les réassureurs. Le marché canadien de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres, qui n'en était encore qu'à ses débuts, a failli disparaître complètement. Kansa et Inapro se sont retirées. CNA et Harbor Insurance sont retournées aux États-Unis. Crum & Foster n'ont laissé derrière elles qu'un simple case postale. Encon a cessé de souscrire toute police pour laquelle il y avait un risque aux États-Unis.
Par conséquent, à la fin de 1985, il ne restait plus que trois assureurs offrant ce type d'assurance au Canada, AIG, Chubb et Lloyd -- et Chubb a beaucoup hésité à rester.
En 1986, CODA, la Corporate Officers and Directors Association, a été constituée. C'est une compagnie d'assurance captive établie aux Bermudes. Elle a été constituée pour fournir une assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres aux sociétés américaines pour qui ce genre d'assurance était devenu difficile à obtenir et très coûteux. On a essayé de créer le même genre de compagnie au Canada, mais l'intérêt n'était pas suffisant.
Le marché a été rouvert vers 1986. Les primes d'assurance ont atteint leur point culminant en 1987. La Guarantee Company of North America a été lancée. Elle s'appelle maintenant London Guarantee et elle était baptisée avant Wellington Guarantee. Le marché a repris confiance. AIG, Chubb et Encon, qui avaient toutes poursuivi leurs activités pendant des années difficiles, ont élargi leurs installations. Lloyd est restée sur ce marché. Depuis 1987, Cigna y est également retourné, ainsi que Liberty, Boreal et d'autres.
Aujourd'hui, vous pouvez négocier le libellé de votre police. Vous pouvez souscrire une assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres pour une offre publique d'achat. Cependant, comme il y a 16 ou 17 compagnies qui offrent ce type d'assurance, rien ne vous garanti que vous pourrez vous assurer, pas plus qu'on ne peut garantir qu'une banque consentira un prêt à un créancier non garanti.
Depuis dix ans, la responsabilité des administrateurs a fait couler beaucoup d'encre. Ce qui marche très fort actuellement aux États-Unis ce sont les recours collectifs concernant les valeurs mobilières.
La publication que j'ai dans la main a un tirage mensuel. Elle donne la liste de tous les recours collectifs touchant les valeurs mobilières qui sont actuellement devant les tribunaux américains. Elle relate toutes les fautes dont on accuse les administrateurs. J'attire votre attention sur cette publication étant donné que vous avez sans doute vu, dans le Globe and Mail de février, la photo montrant deux avocats et un plaignant sautant de joie après avoir gagné le premier recours collectif au Canada. Il est dit dans l'article qu'il n'est pas nécessaire de débourser un sou, car les avocats touchent des honoraires conditionnels. Je crois qu'une ou deux causes de ce genre sont actuellement devant les tribunaux au Canada. J'espère sincèrement que nous ne nous retrouverons pas dans la même situation qu'aux États-Unis.
Le problème que posent les recours collectifs, selon moi, est que quelqu'un peut porter une allégation et que le défendeur doit alors produire les livres de sa société pour les deux ou trois dernières années afin de se défendre. Les cadres de sa société doivent également perdre leur temps à aller au tribunal, et cetera.
Je pourrais vous donner une idée des différences qui existent entre les diverses polices d'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres, si cela vous intéresse, mais disons que la moitié des assureurs épellent le mot «défense» avec un «s» et l'autre avec un «c». La différence commence là et ils ne s'entendent sur rien d'autre.
Le sénateur Stewart: Je suis content que le témoin ait parlé de «fautes», car il m'a ainsi soufflé le mot à utiliser pour poser ma question. Vous nous avez relaté l'historique de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres. Quel genre de fautes leur reproche-t-on? Prenons d'abord les administrateurs et ensuite les cadres. Pourriez-vous nous dire quelles sont les fautes dont on les accuse et si ces allégations ont été jugées fondées au point ou l'assureur a dû casquer.
M. Malcolm: J'aurais dû mentionner que j'ai joint à la circulaire que je vous ai remise, une liste des poursuites intentées contre des administrateurs et des cadres.
Le sénateur Angus: Vous donnez la liste des compagnies, mais pas des sujets de plainte.
M. Malcolm: En fait, cette liste a été établie à partir de coupures de presse. Les sommes en jeu sont plus moins élevées. Cette liste est caractéristique de l'expérience canadienne en ce sens qu'il s'agit surtout de cas de faillite. J'ai inclus quelques cas où le juge a estimé que l'administrateur n'était pas responsable des impôts à la suite d'une faillite. Il y a là plusieurs recours collectifs.
L'affaire Newbridge est un recours collectif pour fausse représentation. La valeur des actions de la société n'a pas augmenté comme l'analyste l'avait dit et les actionnaires ont donc exercé un recours collectif aux États-Unis. L'affaire Cott est également un recours collectif exercé aux États-Unis. Pour ce qui est de l'affaire Loewen, cette société aurait pu régler à l'amiable un différent concernant un contrat, mais elle ne l'a pas fait et les plaignants ont obtenu je crois 500 millions de dollars, au Mississippi. Le prix des actions est tombé et des dommages-intérêts ont été réclamés aux administrateurs. Je connais la compagnie qui assure cette société et elle a un montant de garantie sur cette réclamation.
Le sénateur Angus: L'affaire a été réglée.
M. Malcolm: Je ne devrais sans doute pas en parler, car je n'en suis pas certain, mais il s'agit d'une somme importante.
Il y a dans la liste plusieurs actions en dommages environnementaux. Ce n'est probablement pas couvert par l'assurance, mais c'est quand même possible si vous achetez une extension couvrant la pollution.
Le sénateur Stewart: Dans un certain sens, vous mentionnez les faits. Dans le cas des administrateurs, n'ont-ils pas commis la faute, pour reprendre ce mot, de ne pas faire preuve de la diligence voulue?
M. Malcolm: Cela peut être toutes sortes de choses, mais j'hésiterais à parler de «faute» étant donné que, du point de vue de l'assurance, la police les protège contre toutes les poursuites qui peuvent être intentées contre eux. Il n'est même pas nécessaire qu'ils aient commis un acte répréhensible. Il s'agit de toute action en dommages-intérêts qui peut être intentée contre eux. Dans le cas des recours collectifs, l'allégation est presque toujours qu'un administrateur a fait de fausses représentations.
Il ressort assez clairement de la loi que les administrateurs assument beaucoup plus de responsabilités que les cadres, sauf le président-directeur général.
Le sénateur Stewart: Je vais vous poser une question que m'inspire cette dernière remarque. D'après certains témoignages que nous avons entendus, j'ai l'impression que, bien souvent, le président-directeur général domine le conseil d'administration d'une façon ou d'une autre. Dans ce cas du moins, il me semble injuste que les administrateurs soient tenus responsables et que ce soit eux qui aient besoin d'une assurance plutôt que le président-directeur général. Mais si j'ai bien compris, vous venez de dire que, lorsque vous parlez des dirigeants, cela n'inclut pas le président-directeur général.
M. Malcolm: La police couvre les administrateurs et les cadres.
J'ai appris énormément au sujet des administrateurs et des cadres en suivant vos audiences. Quelqu'un a dit qu'ils n'étaient pas tous à mettre dans le même panier et il est clair que la situation diffère dans les grosses sociétés. L'un de vos témoins a déclaré que ce ne sont pas les administrateurs qui devraient être tenus responsables, mais les cadres.
Je suis d'accord avec vous; la responsabilité n'est pas la même.
Le sénateur Angus: Monsieur Malcolm, je vous souhaite la bienvenue, moi aussi. C'est une bonne chose que vous comparaissiez. Si j'ai bien compris, vous nous rendez visite à la suite des audiences sur la régie d'entreprise qui ont été diffusées sur la chaîne CPAC.
M. Malcolm: C'est exact.
Le sénateur Angus: Êtes-vous maintenant à la retraite ou quel rôle jouez-vous dans le secteur de l'assurance?
M. Malcolm: Je pense à prendre ma retraite.
Le sénateur Angus: Il n'y a rien de mieux que de venir au Sénat. Il est agréable de vous voir ici.
Le sénateur Stewart: Vous parlez pour vous quand vous dites que c'est un bon endroit où prendre sa retraite.
Le sénateur Angus: Je n'ai pas dit cela. Vous devez être très susceptible. C'est un lieu intéressant où un homme comme notre témoin peut venir apprendre certaines choses.
Monsieur Malcolm, comme vous l'avez vu à la télévision, et comme les témoins nous l'ont dit, les administrateurs et bien d'autres ont le sentiment que leur responsabilité est illimitée et qu'il est très difficile de l'évaluer. C'est un genre de chèque en blanc. Les personnes qui acceptent de siéger au conseil d'administration d'une société sont souvent incapables de délimiter précisément leurs responsabilités. Leur avoir propre est en jeu. De nombreux témoins nous ont dit que cela empêchait parfois les sociétés de recruter des administrateurs, mais nous avons aussi entendu dire le contraire.
Des témoins ont également fait valoir qu'il faudrait imposer un plafond ou du moins prévoir une protection dans la loi afin que les administrateurs puissent limiter leurs responsabilités de façon raisonnable à la condition qu'ils fassent preuve de la diligence voulue. Cela comprend les dispositions archaïques de la loi qui remontent à plus de cent ans et qui font du salaire des employés une responsabilité absolue. Même si vous avez fait preuve de toute la diligence requise, vous devez quand même payer.
Pensez-vous, et c'est l'essentiel de votre témoignage, que l'assurance disponible suffise à couvrir toutes ces responsabilités inconnues?
M. Malcolm: Les assureurs ne savent pas plus que les autres ce que la responsabilité des administrateurs englobe vraiment. Ils essaient d'offrir une police qui couvre un certain nombre de risques.
Les polices couvrent les responsabilités des administrateurs pour six mois de salaire. Je pense que c'est deux mois en Colombie britannique et six mois au niveau fédéral. Cela peut être calculé. Je crois qu'un de vos témoins a calculé que la responsabilité des administrateurs de La Baie à l'égard des salaires et des avantages sociaux s'élevait à 600 millions de dollars. Au Canada, une entreprise de cette taille peut maintenant acheter une assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres de 500 millions de dollars ou plus.
Le sénateur Angus: Combien cela coûterait approximativement? Serait-ce prohibitif?
M. Malcolm: Une société qui a trois milliards de dollars d'actif paierait sans doute autour de 250 000 ou 300 000 dollars pour les premiers 25 millions de garantie. À partir de là, les prix baissent.
Il est intéressant de voir comment fonctionne le marché de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres. En 1985-1986, vous pouviez acheter une police de 25 millions de dollars et la payer peut-être 200 000 dollars. Un autre assureur venait vous dire: «Je vous assure pour 25 millions de plus» mais comme le marché était limité, vous deviez payer 200 000 dollars pour cette garantie supplémentaire. Je considère que c'était de l'escroquerie. Le montant à payer pour le supplément était révélateur.
Le sénateur Angus: Vous dites que c'était de l'escroquerie?
M. Malcolm: À mon avis, les assureurs profitaient de l'absence de marché. Le rétrécissement du marché n'était pourtant pas attribuable aux administrateurs canadiens, mais aux problèmes aux États-Unis.
Il y a eu ensuite une période pendant laquelle pour une garantie de plus de 25 millions de dollars, vous deviez payer entre 50 et 60 p. 100. Le prix de la police était de 100 000 dollars pour les premiers 25 millions, et de 50 000 à 60 000 dollars pour les 25 millions suivants. Dans le marché actuel, vous payez entre 35 et 40 p. 100.
Dans le contexte d'aujourd'hui, vous avez le choix. Vous pouvez négocier. Vous pouvez élargir votre garantie. Aucune police n'est la même. Les polices offertes par les 18 assureurs sont toutes différentes. Vous devez connaître ces différences et négocier. Un assureur ne couvrira aucune responsabilité concernant l'amiante. Un autre ne l'exclura pas spécifiquement, mais sa définition de la pollution pourrait l'exclure.
Le domaine des impôts fournit un exemple intéressant. Dans toutes les polices, que ce soit celles de la CODA ou les autres, une exclusion générale englobe tout ce qui est non assurable en droit. Malheureusement, seuls les avocats savent ce que c'est.
Le sénateur Angus: Vous semblez surtout dire qu'en tant que membres du comité sénatorial des banques sur le point de publier un rapport concernant la régie d'entreprise, nous n'avons pas lieu de nous inquiéter parce que l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres peut être facilement obtenue au Canada. Je voudrais explorer davantage la question avec vous, car j'ai l'impression que c'est tout à fait le contraire.
M. Malcolm: J'ai dit cela à propos des salaires. Les polices d'assurance couvrent l'obligation de payer les salaires à la suite d'une faillite. Le calcul est facile à faire. Dans un cas où le conseil d'administration a démissionné, je crois qu'il avait une assurance-responsabilité limitée à 15 millions et qu'il avait calculé que les salaires coûteraient 26 millions si bien que l'assurance n'était pas suffisante.
Dans le cas d'Interlink, le communiqué mentionnait qu'elle avait une assurance-responsabilité de 15 millions alors que les salaires à couvrir s'élevaient à 14 millions.
Pour ce qui est de la pollution, cela pose un problème, car aucun assureur ne veut y toucher. C'est un marché très limité. Lorsque les administrateurs sont tenus responsables dans des cas de pollution, la garantie est très limitée.
Les impôts posent également un problème, car certaines polices ne les excluent pas spécifiquement dans les définitions, mais les choses qui ne sont pas assurables en droit demeurent exclues. Aux États-Unis, les tribunaux ont décidé dans certaines causes que les impôts n'étaient pas assurables en droit. C'est contre l'intérêt public, même pour les administrateurs. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que le secteur de l'assurance couvre ce que les tribunaux déclarent non assurable en droit.
Le président: Si vous étiez un administrateur et si on vous disait que votre société vous assure jusqu'à certaines limites, avez-vous bien dit que cette limite comprend les salaires, mais pas les dommages environnementaux? Une police d'assurance-responsabilité protège-t-elle seulement les administrateurs pour certaines des choses dont ils sont responsables?
M. Malcolm: C'est exact.
Le sénateur Angus: Il y a des exclusions.
Le président: Je me risquerais à dire que de nombreux administrateurs l'ignorent.
Le sénateur Angus: Vous seriez étonné. Tout administrateur digne de ce nom demande généralement s'il bénéficie d'une assurance-responsabilité et il faudrait qu'il examine la police.
Le président: Je savais qu'il y avait une limite, mais je n'avais pas compris qu'il y avait des exclusions.
M. Malcolm: Les polices d'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres comportent une clause d'assurance très générale. Je vous l'ai indiqué dans mes notes. Il y a plusieurs exclusions précises dont les responsabilités nucléaires. Il n'est pas nécessaire de le spécifier dans la police étant donné que la loi sur la responsabilité nucléaire s'applique à la plupart des cas sauf pour les universités et les compagnies d'électricité. Les litiges antérieurs et en cours sont exclus. Un assureur ne va pas couvrir une cause déjà entamée. Les dommages corporels et les dommages matériels directs sont exclus parce qu'ils sont normalement couverts par une police de responsabilité générale. La responsabilité en matière de pollution est exclue de façon absolue.
À la suite de l'incident de l'Exxon Valdez, les assureurs ont mis au point une clause qui vous couvre si, à la suite de dommages environnementaux, le prix de vos actions tombe et les actionnaires intentent des poursuites contre vous. Vous êtes alors couvert de façon indirecte. Mais pour ce qui est de la garantie absolue en cas de pollution, elle est limitée.
Le sénateur Angus: Voilà où je voulais en venir, monsieur Malcolm. Je ne critique personne. Vous confirmez mon opinion et ce que d'autres témoins nous ont dit. Un témoin ou un chercheur nous a appris qu'il y avait, rien qu'en Ontario, 124 lois qui imposaient une responsabilité statutaire en cas de pollution sous une forme ou sous une autre.
Vous venez de dire que le secteur de l'assurance ne peut pas tout couvrir et je suis entièrement d'accord avec vous.
Vous avez déclaré qu'un assureur avait dû verser un milliard de dollars US sur cinq ans.
M. Malcolm: Non, près d'un milliard sur dix ans.
Le sénateur Angus: C'est beaucoup d'argent et cela exige une prime considérable. Vous avez mentionné le cas de La Baie pour qui seulement six mois de salaires représentaient un risque de 600 millions de dollars et vous avez précisé que l'assurance coûterait 350 000 dollars pour les premiers 25 millions. Je peux vous dire qu'une assurance de 600 millions, dans un marché où, comme vous le mentionnez dans votre mémoire, la plupart des polices se situent aux alentours de 100 millions, coûterait un prix exorbitant. Reconnaissez-vous qu'aujourd'hui il est possible de se procurer une assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres, à un prix élevé, mais que cette assurance est bien loin de couvrir la totalité du risque, ce risque inconnu qu'assument les administrateurs. Ma question fondamentale est celle-ci: étant donné la situation sur le marché de l'assurance, ne croyez-vous pas qu'il serait logique de limiter la responsabilité des administrateurs, de fixer un plafond ou d'invoquer la diligence raisonnable, comme l'a suggéré le sénateur Stewart?
M. Malcolm: Nous sommes presque de retour à la situation qui régnait aux États-Unis dans les années 30 où il n'y avait aucune harmonisation. C'est M. Crawford, je crois, qui a dit que son personnel avait noircit 42 pages rien qu'en dressant la liste des lois qui imposent une responsabilité aux administrateurs. Certaines de ces lois sont contradictoires si bien que si vous en appliquez une, vous en enfreignez une autre. Je ne pense pas que ce soit de la faute de l'assureur. Il n'y est pour rien.
Le sénateur Angus: La faute est peut-être du côté des législateurs étant donné que nous n'avons pas prévu de restrictions. On ne peut pas s'attendre, je le reconnais, à ce qu'un assureur couvre tous les risques possibles et imaginables. En même temps, si on vous demandait de siéger au conseil d'administration de Ford Motor sans assurance, seriez-vous rassuré étant donné la pléthore de responsabilités que vous auriez à assumer?
M. Malcolm: Si vous achetez une assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres, ce que bien plus de sociétés font à l'heure actuelle, vous devez savoir quelle est la garantie et quels sont les risques que vous acceptez d'assumer étant donné qu'il n'est possible de s'assurer entièrement auprès d'un assureur. Vous devez négocier avec chaque assureur et il y a des différences importantes d'un assureur à l'autre.
Le sénateur Angus: Je voudrais aborder une ou deux autres questions. Pour ce qui est de la capacité, vous avez raison de dire dans votre mémoire que plusieurs assureurs canadiens, quelques assureurs américains et même Lloyd, dans la mesure où il lui reste de quoi payer, s'intéressent à ce type d'assurance. Certains de ces gros assureurs aux gros moyens financiers s'intéressent-ils au marché des sociétés de Londres ou au marché européen, par exemple?
M. Malcolm: Je m'attends à ce qu'ils offrent une réassurance dans plusieurs cas. Comme vous le savez, les compagnies rejettent certains risques. Une bonne partie du marché londonien est représenté ici avec des compagnies comme Royal, Continental ou Guardian.
Le sénateur Angus: Par l'entremise d'Encon.
M. Malcolm: Toutes offrent une certaine assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres à des petits organismes sans but lucratif tels que des condominiums ou des commissions scolaires.
Le sénateur Angus: Où il n'y a pratiquement aucun risque.
M. Malcolm: Si vous lisez les ouvrages sur le sujet, vous verrez que la plupart mentionnent le cas du club de natation de Saskatchewan dont les administrateurs se sont fait prendre pour avoir omis de retenir l'impôt à la source sur le salaire d'un employé. Il s'agissait d'un organisme sans but lucratif.
Le sénateur Angus: Pour ce qui est de la capacité, vous dites que les compagnies d'assurance qui travaillent dans ce domaine au Canada commencent à offrir des garanties de 100 millions de dollars.
M. Malcolm: Non. La plupart ont une limite de 25 millions, et il y a une dizaine de compagnies qui peuvent aller jusqu'à 25 millions et d'autres jusqu'à 15 millions. Vous pouvez donc compléter la somme auprès d'autres compagnies canadiennes.
Le sénateur Angus: Est-ce par risque?
M. Malcolm: C'est la limite globale par risque.
Le sénateur Angus: Une compagnie peut couvrir un risque de 25 millions pour plusieurs assurés, n'est-ce pas?
M. Malcolm: Non. C'est pour une société. Autrement dit, elle assure une société pour un montant maximum de 25 millions de dollars et cette société peut compléter son assurance auprès d'autres assureurs canadiens jusqu'à concurrence de 250 millions de dollars. Elle devra ensuite s'adresser à des assureurs étrangers comme ACE, XL ou CODA afin de s'assurer pour 250 ou 300 millions de dollars de plus. Néanmoins, pour la tranche supérieure, elle n'aura sans doute à payer que 5 p. 100 de la prime pour ces 25 ou 50 millions.
Le sénateur Angus: Reconnaissez-vous que les administrateurs qui ont le plus besoin d'assurance sont ceux des sociétés qui sont les plus instables? La plupart des entreprises bien établies ne risquent jamais d'être incapables de payer les salaires ou de faire faillite. L'assurance est nécessaire pour les sociétés qui ont déjà des difficultés financières.
Le sénateur Stewart: Et qui n'ont pas les moyens de payer l'assurance.
Le sénateur Angus: Exactement. J'ai constaté que lorsque vous en avez vraiment besoin, vous n'avez pas les moyens de vous l'offrir. Dans le cas de PWA et Westar ainsi que quelques autres que vous mentionnez dans votre mémoire, ces sociétés ont manqué d'argent, elles étaient déficitaires et leurs administrateurs ont dit: «Nous partons parce que la responsabilité statutaire s'élève à 35 millions de dollars. À moins que quelqu'un ne trouve cet argent dans l'actif restant de la société ou auprès d'un syndicat bienveillant qui souhaite que l'entreprise continue ses activités, nous partons.» Ces sociétés ne peuvent pas s'offrir ce genre d'assurance.
Je sais quel serait le prix d'une assurance adéquate. C'est prohibitif. Je connais une grande société publique dont l'actif au Canada s'élève à sept milliards de dollars et qui a une assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres de 85 millions de dollars. Son coût est prohibitif et ces 85 millions sont très loin d'assurer une garantie suffisante. Par conséquent, même si les assureurs offrent cette assurance aux commissions scolaires, aux hôpitaux, etc., il n'y a pas vraiment de marché.
M. Malcolm: Il y a un marché et il devrait acheter cette assurance lorsqu'il ne connaît pas de difficultés financières. En effet, si vous allez voir un assureur alors que vous éprouvez des difficultés, il est très difficile de négocier et d'obtenir les meilleures conditions. Au Canada, cette assurance est généralement entrée en jeu à la suite d'une faillite. Nous avons eu toutefois notre lot de poursuites pour congédiement injustifié. Également plusieurs recours collectifs ont dû être payés par les assureurs. Il y a plusieurs cas d'administrateurs remboursés pour des salaires, pour des impôts et par conséquent, nous avons couvert des risques. Si vous vous fiez à l'expérience américaine...
Le sénateur Angus: Ce n'est pas ce que vous préconisez, n'est-ce pas?
M. Malcolm: Non.
Le sénateur Angus: Nous non plus.
M. Malcolm: Ce n'est pas ce que je préconise, mais les assureurs ont déboursé énormément d'argent au nom des administrateurs.
Le sénateur Angus: Voilà pourquoi ils ne veulent pas se trouver sur ce marché. Vous pouvez nous aider -- et je pense que vous le faites -- à jouer notre rôle de décideurs en répondant à la question suivante. Ne convenez-vous pas qu'il serait peut-être logique de restreindre la responsabilité illimitée à laquelle les administrateurs des sociétés publiques du Canada sont exposés? Du moment que l'on fait preuve de la diligence voulue en nommant les administrateurs afin que les conseils d'administration soient composés de personnes capables de lire et de compter et qui savent ce qu'est une action accréditive, du moment que la diligence raisonnable peut être invoquée et moyennant une ou deux autres restrictions, les assureurs seraient-ils rassurés et prêts à couvrir ce genre de responsabilité à un prix raisonnable?
M. Malcolm: Vous pouvez certainement négocier avec eux tout ce qui peut améliorer la situation d'un administrateur. Personnellement, je trouve difficile à accepter qu'un administrateur ne puisse pas invoquer la diligence raisonnable, mais la loi est ainsi depuis longtemps.
Le sénateur Angus: On nous a demandé de recommander des changements éventuels. Pensez-vous que ce serait un bon changement?
M. Malcolm: Personnellement, oui.
Le sénateur Angus: Merci. C'est ce que j'espérais vous entendre dire.
M. Malcolm: Je n'y vois aucune objection. Mais ensuite, il faudra trouver l'argent ailleurs.
Le sénateur Angus: De quel argent parlez-vous?
M. Malcolm: Si vous limitez la responsabilité des administrateurs ou si vous leur permettez de se défendre...
Le sénateur Angus: Cela dissuaderait peut-être les gens d'intenter ces poursuites stupides. Ce sont seulement des avocats. Vous avez mentionné le nom d'un des cabinets d'avocats dans votre mémoire. Ils vont à la pêche dans l'espoir de faire une grosse prise: «Voilà quelqu'un de riche; attrapons-le.»
Le sénateur Stewart: C'est très intéressant.
J'ai deux questions différentes à poser. Premièrement, vous avez une liste de poursuites en dommages-intérêts intentées contre des administrateurs et dont les journaux ont fait état, et je crois que c'est au Canada.
M. Malcolm: Oui.
Le sénateur Stewart: J'essaie de comprendre quel est le genre de poursuites qui peuvent être intentées. Nous en avons parlé un peu tout à l'heure. Je voudrais y revenir, mais j'aimerai savoir quelle est l'origine de l'action en justice. Dans certains cas, ce sont probablement les actionnaires.
M. Malcolm: Oui.
Le sénateur Stewart: Dans d'autres, ce sont des personnes à qui l'ont doit un salaire ou peut-être des membres du grand public.
M. Malcolm: Oui.
Le sénateur Stewart: Pouvez-vous nous dire, à l'aide de votre liste ou d'une autre, comment ces poursuites se répartissent? Selon quelle fréquence les actionnaires se plaignent-ils que les administrateurs n'ont pas bien fait leur travail?
M. Malcolm: J'ai examiné ma collection de coupures de presse et j'en ai extrait celles qui s'appliquaient à des entreprises canadiennes. J'en ai également toute une collection concernant les entreprises américaines.
La semaine dernière, il y a eu une plainte contre les administrateurs de Cornerbrook Pulp & Paper pour pollution.
Le sénateur Stewart: Mais la plainte n'émanait pas des actionnaires.
M. Malcolm: Elle émane d'un organisme gouvernemental. Il y a également une autre action en dommages-intérêts pour pollution contre Panamerica. Pour ce qui est de Domtar, un ancien PDG a intenté une poursuite pour congédiement injustifié. Pour Confederation Life, c'est une faillite. Pour Peoples Jewellers aussi. Je ne me souviens pas des détails pour Vidéotron. Royal Trustco est une faillite. Dans le cas de Seabright, c'est un différent contractuel auquel les actionnaires se sont trouvés mêlés. La réclamation contre Loewen a été faite par des actionnaires à la suite de ce contrat fumeux au Mississippi. Si je me souviens bien, STN est une faillite. Pour ce qui est de la Banque Commerciale du Canada, je crois que la bataille avec les assureurs se poursuit.
Le sénateur Stewart: Ce sont-là des renseignements utiles, car nous pouvons voir que les cas sont très variés. Ma question est la suivante: aurait-on des raisons de faire une distinction entre les actionnaires et les autres? Pourrait-on dire que les actionnaires ont acheté des actions et qu'ils auraient pu participer aux assemblées annuelles si bien qu'en principe ils exerçaient un certain contrôle sur les administrateurs?
M. Malcolm: Le cas de Newbridge Networks est intéressant. Il y a un an environ, la société a annoncé, un vendredi, que ses résultats pour les neuf mois ou trois mois précédents ne seraient pas spectaculaires, mais seulement très bons. Au Canada, comme le lundi était un jour férié, le marché boursier était fermé. Cependant, il était ouvert aux États-Unis. Cette déclaration a désavantagé ceux qui transigeaient sur le marché canadien et le prix des actions a baissé, je crois, de 35 p. 100. Cela a entraîné immédiatement un recours collectif. Quelle a été l'erreur commise par les administrateurs? Si vous lisez ce qu'en disent les journaux, avant que les administrateurs ne fassent ces déclarations le vendredi, ils avaient obtenu le feu vert des avocats de la société et d'avocats de l'extérieur, mais ils ont quand même été poursuivis.
Le sénateur Angus: Mais ils ne seront pas jugés responsables.
M. Malcolm: Vous devez vous défendre et c'est à vous de présenter des preuves. Le plaignant n'a rien à débourser pour intenter une poursuite tandis que les administrateurs doivent produire tous les livres de la société pour les trois dernières années, sans parler de tout le temps perdu si bien qu'ils optent pour un règlement à l'amiable. C'est toujours ce qui se passe. Il y a un grand nombre de ces cas dans la liste. Les administrateurs sont accusés de fausse représentation. La plupart du temps, c'est simplement parce que le prix des actions a baissé. Les administrateurs n'ont rien fait de répréhensible.
Le sénateur Stewart: C'est un exemple intéressant qui permet de tirer une conclusion importante.
Je voudrai en revenir à ce que vous dites dans votre mémoire. J'essaie de comprendre ce que vous nous racontez. À la page un, vous décrivez la situation qui régnait du milieu de l'année 1984 jusqu'en 1987. Vous dites ceci:
Le marché de l'assurance-responsabilité s'est resserré de façon générale et celui de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres a été touché par la faillite des institutions d'épargne (à la suite de la déréglementation en 1982) et les poursuites résultant des rachats par effet de levier du début et du milieu des années 80.
Si j'ai bien compris, et si je me trompe, dites-le moi, les poursuites résultant des rachats par effet de levier entrent dans une autre catégorie que celles qui ont fait suite à la faillite des institutions d'épargne après la déréglementation de 1982.
M. Malcolm: En effet.
Le sénateur Stewart: Pourrions-nous parler des conséquences de la faillite des institutions d'épargne qui a suivi la déréglementation? Voici où je veux en venir. Vous laissez entendre, peut-être sans le vouloir, que si la déréglementation n'avait pas eu lieu, ces faillites ne se seraient pas produites ou du moins pas avec une telle ampleur et il n'y aurait pas eu autant de poursuites en dommages-intérêts. Est-ce bien votre raisonnement?
M. Malcolm: C'est à peu près cela. Quand le gouvernement a déréglementé le secteur de l'épargne, en octobre 1982, ces institutions sont sorties du simple prêt hypothécaire pour se lancer dans les investissements spéculatifs. L'hôtel Phoenician, de Phoenix, est un véritable monument à Charles Keating. Les institutions d'épargne ont prêté de plus d'argent puis elles ont fait faillite. À peu près 500 d'entre elles se sont ainsi effondrées, ce qui a donné lieu à toutes sortes de poursuites contre leurs administrateurs.
Le sénateur Stewart: Vous semblez en tirer une conclusion. J'essaie de voir si c'est bien le cas. Vous semblez dire que si la déréglementation n'avait pas eu lieu, ces événements catastrophiques ne se seraient pas produits.
M. Malcolm: Tout d'abord, le gouvernement a augmenté l'assurance-dépôt. Il l'a portée de 25 000 dollars à 40 000 dollars puis à 100 000 dollars, tout cela étant garanti par les contribuables. Ensuite, les institutions d'épargne se sont lancées dans des domaines où elles n'auraient pas dû s'aventurer.
Le sénateur Stewart: Le gouvernement aurait-il dû les en empêcher?
M. Malcolm: Les organismes de réglementation ont essayé de le faire. L'histoire des «Charlie's Angels», les cinq sénateurs qui ont appuyé M. Keating, est tout à fait fascinante. C'est seulement en 1989 que les institutions d'épargne ont de nouveau été réglementées.
Le sénateur Stewart: Sénateur Angus, la question qui me tracasse est la suivante. D'une part, on demande au gouvernement de relåcher sa réglementation et de laisser le marché fonctionner à sa guise et, d'autre part, les gens disent que personne ne devrait perdre d'argent parce que c'est le contribuable ou le secteur de l'assurance qui doivent payer pour les catastrophes, qu'elles résultent des erreurs des administrateurs ou d'autres choses. Il faudrait sans doute un juste milieu. Je voudrais toutefois comprendre au moins le problème.
Le sénateur Angus: Voulez-vous dire sur le plan de l'assurance ou sur le plan de la réglementation des institutions financières?
Le sénateur Stewart: Sur les deux plans, car c'est sans doute une question d'équilibre.
Le sénateur Angus: Pour ce qui est des institutions d'épargne, le rapport que nous avons publié après nos audiences sur la faillite de Confederation recommandait d'établir ce genre d'équilibre. Aux États-Unis, ou bien le gouvernement n'avait pas les pouvoirs que nous essayons de conférer au Bureau du surintendant des institutions financières au moyen du projet de loi C-15, ou bien il ne surveillait pas la situation d'assez près. En ce qui concerne Charlie et ses anges, le témoin veut sans doute nous dire que le loup était dans la bergerie à Washington. Cela n'arriverait jamais ici.
M. Malcolm: C'est pourtant arrivé en Alberta.
Le président: Parlez-vous de Principal Trust?
M. Malcolm: Oui.
Le président: Cela relève de la réglementation provinciale.
M. Malcolm: Dans ce cas, je crois que l'organisme de réglementation s'est vu offrir une retraite anticipée ou s'est fait serrer la ceinture. Nous ne sommes pas à l'abri de ce genre de choses au Canada. Je crois à l'équilibre. L'équilibre est nécessaire.
Le président: Dans votre document vous dites deux choses qui m'étonnent. La première est que depuis dix ans, les primes d'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres ont baissé de 5 à 10 p. 100 par an. Cela m'étonne étant donné que les administrateurs estiment avoir eu de la difficulté à obtenir cette assurance et qu'ils ont l'impression que les primes augmentent. Vous dites qu'en réalité, elles ont diminué. Comment expliquez-vous ces deux perceptions différentes?
M. Malcolm: Les primes ont atteint leur niveau maximum en 1987.
Le président: Pour que tout soit bien clair, vous dites aussi que le montant total des primes payées au Canada pour l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres est resté relativement stationnaire depuis quatre ou cinq ans.
M. Malcolm: N'oubliez pas qu'il n'y a pas de statistiques à ce sujet. Ceux qui proposent des statistiques à cet égard sont Wyatt et, je crois, le Conference Board.
Le président: Vous dites que les données ne sont pas fiables pour les raisons que vous décrivez, n'est-ce pas?
M. Malcolm: Cela date de 1991. Si j'ai bien compris, il n'y a pas eu suffisamment de financement pour effectuer une autre étude depuis. Selon les estimations du secteur de l'assurance, les primes représentent une somme approximative de 100 millions de dollars. Ce chiffre est resté assez constant.
Le président: Laissons cette question de côté. Vous dites également que les primes ont diminué régulièrement depuis dix ans.
M. Malcolm: Lors des quatre à six renouvellements, il est normal que l'assuré ait obtenu quelque chose, que ce soit sur la police principale ou la police complémentaire. Comme je l'ai dit, les souscripteurs de polices complémentaires ont vraiment cherché à baisser leurs primes lorsque le marché était limité.
Le président: Cela me pose un problème mathématique. Disons que ma prime diminue pour un risque qui augmente tel que les recours collectifs. Personne ne contestera sans doute que ce genre de risque augmente. Apparemment, la seule façon dont le secteur de l'assurance peut survivre en pareil cas, si les primes diminuent, c'est en excluant ceux qui présentent les plus gros risques. Nous savons tous que si le risque augmente, les primes en font autant. Si les primes baissent alors que les risques augmentent, il y a quelque chose qui cloche. Que se passe-t-il?
M. Malcolm: Le risque que représente l'assurance des administrateurs est une question de perception en ce sens que la responsabilité a toujours existé, mais qu'on en a seulement pris conscience en 1975. C'est alors que tout le monde au Canada a voulu s'assurer. J'ai déjà fait valoir que les réformes apportées aux États-Unis avaient atténué le risque et qu'on devrait donc pouvoir négocier les primes.
Le président: Vous mentionnez constamment les États-Unis, alors que nous parlons des primes canadiennes. Si j'ai une société canadienne qui fait uniquement des affaires au Canada, la police d'assurance que vous me vendez ne doit pas tenir compte des risques existant aux États-Unis étant donné que je n'ai pas d'activités aux États-Unis. Y a-t-il une différence énorme entre une société qui achète ce genre de police et une autre qui achète une police identique, mais qui fait des affaires aux États-Unis?
M. Malcolm: L'assureur tient compte automatiquement du risque aux États-Unis. La prime sera plus élevée si la société est exposée à un risque aux États-Unis.
Le président: Pourriez-vous me dire à quel point elle sera plus élevée?
M. Malcolm: Si vous prenez la même entreprise et la même police, la prime pour le Canada sera de 50 à 60 p. 100 de la prime pour les États-Unis. S'il s'agit d'une société canadienne qui est exposée à des risques aux États-Unis, il s'agit de se demander de quel genre de secteur il s'agit, si c'est la technologie de pointe, si l'entreprise est cotée au Nasdaq, à la bourse de New York, si elle a une croissance radicale. Vous paierez plus parce que vous êtes exposé à des risques aux États-Unis, mais votre prime ne sera pas aussi élevée qu'elle le serait s'il s'agissait d'une société américaine. Elle atteindra de 60 à 80 p. 100.
Le président: Je voudrai comprendre en quoi consiste un risque accru. Pourriez-vous me fournir des précisions? Je suppose que c'est dû en partie aux recours collectifs.
M. Malcolm: Oui.
Le président: Y a-t-il d'autres facteurs? J'ai l'impression que les risques environnementaux sont à peu près comparables. Bien d'autres risques sont à peu près similaires. Est-ce à cause du risque de recours collectifs qu'il y a un écart de 40 à 50 p. 100 dans les primes payées par les sociétés américaines et les sociétés canadiennes?
M. Malcolm: Dans le cas de Loewen, par exemple, il s'agissait au départ non pas d'un recours collectif, mais d'un différend contractuel. Dans l'ensemble, les assureurs canadiens préfèrent ne pas s'en mêler. Ils assurent les risques américains.
Le président: Le problème ne se limite pas aux recours collectifs. Il y a aussi tout le système judiciaire américain.
M. Malcolm: Oui. C'est le cas pour la responsabilité des produits ou toute autre forme d'assurance-responsabilité.
Le sénateur Angus: Y compris l'indemnisation professionnelle?
M. Malcolm: Oui.
Le président: C'est dû au système américain en général plutôt qu'à des caractéristiques précises.
Le sénateur Angus: L'assurance que les cabinets juridiques doivent contracter pour la responsabilité professionnelle est un bon exemple. Un bon cabinet d'avocat de New York paiera environ 1600 dollars US par avocat alors qu'un cabinet comparable de Montréal, avec un bon courtier, paiera environ 500 dollars canadiens. C'est plus du triple.
Le président: Dans le document que vous nous avez envoyé, vous parlez d'une ou plusieurs sociétés qui font face à une série de poursuites en disant qu'elles ont un montant de garantie équivalant au montant maximum de la valeur nominale de la police.
M. Malcolm: Oui.
Le président: Je n'ai pas très bien compris si l'on a déjà accordé des dommages-intérêts ou si l'affaire est toujours devant les tribunaux. Est-il arrivé, au Canada, que les dommages accordés par un tribunal dépassent le montant maximum assuré par la police?
M. Malcolm: Cela pose un problème. Premièrement, la société dont j'ai parlé m'a dit qu'elle avait cinq polices pour lesquelles les pertes étaient limitées. Il peut s'agir de cinq millions, dix millions, de n'importe quel montant jusqu'à 25 millions. J'ignore de combien il s'agit. Le problème en ce qui concerne les règlements d'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres est que personne ne va en parler et qu'on est pas obligé de déclarer le montant versé. Les seuls renseignements que vous obtenez sont ceux qui figurent dans les journaux ou que vous obtenez en discutant avec les assureurs pour savoir ce qu'ils ont payé. Pour ce qui est des réclamations dont je me suis occupé, je sais combien était versé, tant en dommages-intérêts qu'en dépenses, mais je ne peux pas discuter des dossiers dont je me suis occupé personnellement.
Le président: Connaissez-vous des cas où les tribunaux ont accordé des dommages-intérêts qui dépassaient le montant maximum de la police et où les administrateurs ont dû assumer la différence?
M. Malcolm: Je n'en connais pas.
Le sénateur Angus: Au Canada?
M. Malcolm: Pas au Canada, mais aux États-Unis, oui.
Le sénateur Stewart: Ces renseignements ont été très intéressants et nous devons beaucoup au témoin.
Disons qu'une personne soit invitée à siéger au conseil d'administration d'une société et qu'elle ne soit pas très informée au sujet de l'assurance-responsabilité. Comment pourrait-elle combler cette lacune? Y a-t-il une source d'information fiable vers laquelle elle pourrait se tourner pour savoir quels sont les risques couverts, ceux qui ne le sont pas et si la garantie est suffisante?
M. Malcolm: J'ai toute une série d'ouvrages sur ce sujet, y compris celui-ci de Stikeman, Elliott. C'est un livre publié à Vancouver par un éditeur technique spécialisé. Il est très détaillé.
Le sénateur Stewart: Quel est son titre?
M. Malcolm: Directors' Liability in Canada.
Le sénateur Stewart: De quand date-t-il?
M. Malcolm: Il date de quelques années. C'est un bon ouvrage. Il couvre tout ainsi que la législation provinciale.
Le sénateur Angus: Il faudra le réécrire après notre rapport.
M. Malcolm: Inside Press a publié beaucoup de renseignements sur la responsabilité des administrateurs. J'ai également apporté une de ses publications. Canadian Institute Publications a également publié beaucoup de choses.
Le président: Parlez-vous de l'Institut canadien des actuaires ou des comptables?
M. Malcolm: L'ICA a publié toute une série de documents sur la responsabilité des administrateurs.
Le président: Vous avez mentionné l'Institut canadien, mais il y en a deux.
M. Malcolm: Il s'agit du Canadian Institute Publications. Le Practice in Law Institute des États-Unis a publié de nombreux ouvrages sur le sujet. J'ai apporté quelques numéros de la revue The Boardroom. Il est souvent question de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres. Directors' Monthly traite souvent de ce sujet, comme bien d'autres publications.
Le sénateur Stewart: C'est un sujet qui doit susciter de l'incertitude.
M. Malcolm: J'ai un manuel qui a été préparé à la suite d'une des études de Lloyd. Il y a là un historique de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres et un aperçu de ces responsabilités dans les divers pays tels que l'Allemagne, la France et plusieurs autres. Il y a aussi des exemples de libellés. Cela date de plusieurs années, mais il y a là de bons renseignements sur la loi de 1933 et la loi de 1934 des États-Unis. Il y a énormément d'informations sur le sujet y compris cet ouvrage de Stikeman, Elliott: Les dirigeants: leurs droits et leurs obligations.
Le sénateur Angus: Nous en avons une version anglaise.
M. Malcolm: Je ne l'ai obtenu qu'en français.
Le sénateur Angus: J'ai apporté un article intéressant pour compléter votre collection de coupures de presse de Lloyd qui, comme vous le savez, publie un supplément, deux fois par semaine, intitulé Insurance Day. Cela m'a intrigué et j'aimerai savoir ce que vous en pensez.
Au Royaume-Uni, on a récemment adopté une loi qui dispense les administrateurs de société de l'impôt sur l'assurance des administrateurs qu'ils obtiennent. Apparemment, les lois fiscales britanniques considéraient que c'était un avantage imposable. Voilà une raison de plus de ne pas vouloir être administrateur de société.
Le président: Voulez-vous dire que si quelqu'un gagnait une poursuite contre vous et que votre compagnie d'assurance payait les dommages-intérêts qui vous étaient réclamés, vous aviez de l'impôt à payer sur ce montant?
Le sénateur Angus: Non. La prime d'assurance était imposable. Si je siégeais au conseil d'administration d'une société je pouvais recevoir 100 dollars de jetons de présence, mais si je recevais également une assurance, c'était un avantage imposable.
M. Malcolm: Personnellement, je recommande toujours qu'un administrateur contribue au paiement de sa police d'assurance et cela pour deux raisons.
Le sénateur Angus: Qu'il paie les primes de sa poche?
M. Malcolm: Oui. Je le fais pour valider la police d'assurance. En théorie, comme il s'agit d'un contrat direct, l'assuré doit le payer à l'assureur. La question de savoir si la prime était un avantage imposable a également été soulevée. De plus, si la société a des frais juridiques, cela devient-il un avantage imposable pour l'administrateur? Un excellent article à ce sujet figure dans cette publication du Canadian Institute Publications. Il a été écrit par l'un des plus grands fiscalistes du Canada. C'est au sujet d'une lettre que le ministre des Finances a adressé à une compagnie d'assurance. Elle portait directement sur l'imposition de l'assurance-responsabilité des administrateurs et des cadres.
Voici ce qu'on peut y lire:
Je crois que Revenu Canada, Impôt a pour habitude de ne pas envoyer d'avis de cotisation à un administrateur pour l'indemnisation obtenue à ce titre dans le cadre d'une poursuite civile, pénale ou administrative lorsque l'administrateur a agit honnêtement et de bonne foi, dans le but de servir les intérêts de la société et s'il avait des raisons suffisantes de croire que sa conduite était légale. D'un autre côté, si l'administrateur d'une société reçoit une indemnisation de la société alors que ces conditions ne sont pas remplies, Revenu Canada, Impôt, pourrait considérer qu'il s'agit d'un avantage imposable.
Le sénateur Stewart: Qui a écrit cette lettre?
M. Malcolm: Le ministre des Finances, le 19 février 1992.
Le président: Merci beaucoup d'être venu témoigner ce matin, monsieur Malcolm. Comme vous pouvez le constater, nous avons beaucoup apprécié votre contribution.
La séance est levée.
Ottawa, le mardi 30 avril 1996
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, saisi du projet de loi C-15, loi modifiant la législation sur les institutions financières et édictant une loi nouvelle, se réunit aujourd'hui à 18 heures pour examiner le projet de loi en question.
Le sénateur Michael Kirby (président) préside la séance.
[Traduction]
Le président: Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-15, que la plupart d'entre nous ont connu sous la version C-100, loi modifiant la législation sur les institutions financières et édictant une loi nouvelle. En gros, ce texte de loi émane du livre blanc, publié en février de l'an dernier, qui découlait lui-même en partie du rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur les institutions financières, rapport qui faisait notamment suite aux audiences consacrées à la faillite de la Confédération Vie.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins de trois institutions. Bien qu'il y ait quatre personnes, l'une d'entre elles représente en fait deux institutions différentes, ce qui est preuve d'une grande souplesse. M. Nick Le Pan, anciennement sous-ministre adjoint des Finances, est aujourd'hui surintendant au Bureau du surintendant des institutions financières. M. Charles Freedman est sous-gouverneur de la Banque du Canada. M. Douglas R. Wyatt est avocat général au ministère des Finances. M. John Thompson est surintendant adjoint au Bureau du surintendant. Messieurs, je vous remercie de comparaître devant notre comité.
Je crois comprendre que M. Le Pan nous a distribué un texte. Je vais lui donner la parole pour sa déclaration liminaire, après quoi nous lui poserons des questions sur les sujets qui nous préoccupent.
M. Nick Le Pan, surintendant adjoint, Secteur de la politique, Bureau du surintendant des institutions financières: Je tiens à dire tout d'abord que je suis très heureux d'être ici à l'occasion de l'examen du projet de loi C-15. J'aimerais aborder les principales caractéristiques de ce projet de loi et commenter certains de ses éléments.
Le projet de loi, issu du Livre blanc, comme vient de le dire le président, repose sur quatre principes fondamentaux. Premièrement, le système financier canadien doit demeurer sûr et sain; deuxièmement, la propriété d'une institution financière est un privilège et non un droit, ce qui veut dire que la protection des souscripteurs, des déposants et des créanciers prime sur les intérêts des actionnaires; troisièmement, les institutions financières en difficulté doivent pouvoir compter sur une intervention rapide et axée sur le règlement des problèmes; et, quatrièmement, les mécanismes de surveillance et la réglementation doivent inciter adéquatement les institutions financières à régler leurs propres problèmes en temps opportun.
Je tiens à signaler que le projet de loi s'inspire largement du rapport de novembre 1994 de votre comité, intitulé «Les impératifs de la réglementation et de la protection: Trouver le juste milieu». Si vous me le permettez, je vais faire le point sur certaines parties importantes du projet de loi qui correspondent aux recommandations de votre comité.
Premièrement, le comité avait recommandé que l'on instaure des primes fondées sur les risques. Le projet de loi confère ce pouvoir à la SADC, et je crois savoir que la SIAP envisagera des mesures semblables à l'égard des sociétés d'assurance-vie.
Deuxièmement, le comité avait recommandé que le BSIF soit habilité à intervenir rapidement, notamment à fermer les portes d'une institution lorsque le solde de ces fonds propres est encore positif. Le projet de loi confère au BSIF un mandat d'intervention rapide. Il modifie en outre la Loi sur les liquidations et la législation régissant une institution financière, pour accélérer la fermeture rapide des établissements si cela se justifie, y compris lorsque le solde des fonds propres est positif.
Le Livre blanc contenait un «Guide en matière d'intervention à l'intention des institutions financières fédérales» énonçant les principaux paramètres de fonctionnement des institutions en difficulté et entérinant ainsi les principes de l'intervention rapide. Le BSIF adopte de plus en plus ces paramètres dans ses activités quotidiennes à l'égard des institutions.
Le comité avait aussi recommandé que la SADC, dans le cadre du Programme de restructuration des institutions financières (PRIF), soit autorisée à saisir directement l'actif d'une institution financière en difficulté. Le projet de loi le prévoit.
Le comité avait recommandé que l'on puisse appliquer aux sociétés d'assurance des mécanismes de rétablissement ou des solutions axées sur la continuité de l'exploitation. Le projet de loi modifie la Loi sur les liquidations pour faciliter la restructuration des sociétés d'assurance afin de protéger les souscripteurs, voire d'autres créanciers. Ces propositions donnent suite, dans une certaine mesure, à cette recommandation du comité. Toutefois, après une analyse attentive, nous avons conclu que des contraintes pratiques empêchent ce que j'appellerais le rétablissement intégral d'une société insolvable ou quasi-insolvable, en vertu des lois fédérales. Nous avons donc emprunté le chemin que vous aviez tracé mais nous ne sommes pas allés jusqu'au bout.
Le comité avait recommandé que le gouvernement crée un fonds de protection des souscripteurs, relevant d'administrateurs indépendants tenus de partager ces informations avec les instances de réglementation et dont le mandat prévoirait la participation aux mesures d'intervention rapide. Le projet de loi contient une disposition de partage des informations avec la SIAP, et le BSIF a engagé des pourparlers avec la SIAP relativement à l'interaction des deux entités face aux institutions en difficulté.
À l'origine, le gouvernement avait proposé de mettre sur pied un Office de protection des souscripteurs s'inspirant du modèle proposé par le comité sénatorial. Toutefois, l'industrie a finalement convaincu le gouvernement qu'elle pourrait atteindre elle-même les objectifs énoncés par le comité sénatorial en modifiant le mandat, l'administration interne et le fonctionnement de la SIAP. Les mesures pertinentes ont été prises, notamment la création d'un office indépendant doté du pouvoir d'intervenir rapidement. De ce fait, le gouvernement a retiré sa proposition à ce sujet.
Le comité avait recommandé une meilleure divulgation des renseignements, c'est-à-dire que les données dont ont besoin les intermédiaires spécialistes -- pour reprendre la terminologie du comité sénatorial --, afin de formuler des opinions avisées sur la santé d'une institution financière, soient divulguées rapidement. À la demande du gouvernement, le BSIF a dirigé une initiative axée sur cet objectif, après avoir consulté des analystes financiers, des agences de cotation et des institutions financières. En vertu de ce mécanisme de divulgation renforcé, le BSIF donnera plus facilement accès aux données qu'il recueille maintenant par le truchement des rapports de réglementation, et à la suite des nouvelles exigences imposées aux institutions financières mêmes, à savoir de produire des états financiers plus étoffés. De plus, celles-ci devront fournir de tels états sur demande, dans les cas où elles ne sont pas légalement tenues de le faire.
Le comité avait recommandé qu'il soit interdit à la société de portefeuille d'une institution financière d'utiliser la même dénomination sociale. Cette disposition figure dans le projet de loi qui comporte, en outre, une clause de droits acquis.
Le comité avait recommandé que la majorité des administrateurs d'une institution financière soient indépendants de la société de portefeuille de cette dernière. Les règles relatives aux administrateurs affiliés seront modifiées pour que les administrateurs de la société de portefeuille d'une institution financière soient considérés comme étant des administrateurs affiliés à l'institution, de sorte que celle-ci ne soit pas visée par les règles relatives aux administrateurs affiliés indépendants. Cette mesure sera mise en oeuvre par le truchement de modifications à la réglementation, car elle n'exige pas de modifications législatives.
Je pourrais continuer. Le comité a exercé une influence marquée sur ce projet de loi, et mes collègues et moi-même, tout comme les ministres, attacherons beaucoup d'importance à votre jugement. Je vous remercie de votre contribution.
D'autres modifications que j'estime importantes ont été apportées depuis la publication du Livre blanc. Ainsi, des changements figurant dans le projet de loi permettront de limiter l'émission d'actions privilégiées par les sociétés de secours mutuels, ce qui les aidera à recueillir ce genre de capitaux sans engendrer de problèmes d'administration interne.
D'autres changements feront en sorte que la protection de la SADC ne couvre que les instruments assortis d'une échéance de cinq ans, conformément à l'intention première.
Par contre, certaines recommandations ont été rejetées ou quelque peu remaniées. Je ne mentionnerai que quelques-unes mais vous voudrez peut-être en aborder d'autres pendant la période des questions. En voici deux.
Premièrement, le comité avait recommandé que l'on envisage d'obliger les institutions financières à intégrer à leur structure de capital une certaine proportion de dettes subordonnées pour les astreindre à une plus grande discipline. Nous avons examiné cette proposition en détail et avons conclu qu'elle ne serait pas pratique pour un certain nombre de sociétés, sans compter qu'elle pourrait être coûteuse pour les plus petites institutions, étant donné leur surface financière restreinte.
Deuxièmement, je voudrais aborder la question de l'indépendance entre l'actuaire désigné et le chef des services financiers de l'institution. Le comité avait recommandé d'interdire à une même personne de cumuler ces deux postes, mais il n'avait formulé aucune recommandation au sujet des autres postes. Le projet de loi contient des dispositions interdisant effectivement à l'actuaire désigné d'occuper également certains postes de direction, comme celui de chef de la direction ou de chef de l'exploitation.
Pour ce qui est des postes d'actuaire désigné et de chef des services financiers, le projet de loi est fondé sur le principe que, sans égard aux risques de conflit d'intérêts, le cumul des postes peut dans certains cas être parfaitement légitime. Ainsi, un établissement de petite taille peut fort bien confier ces deux postes à une même personne jusqu'à ce qu'il prenne suffisamment d'expansion pour justifier la nomination de deux personnes à temps plein. Les changements au sein de l'équipe de collaborateurs de l'actuaire désigné peuvent exiger une certaine période de transition, à mesure que les nouveaux employés apprennent les ficelles du métier, ce qui peut nécessiter un certain temps. Il peut aussi y avoir des cas où le comité de vérification du conseil d'administration estime que les mécanismes de surveillance et de contrepoids sont suffisamment efficaces pour permettre le cumul des deux fonctions.
En conséquence, on ne trouve pas d'interdiction globale dans le projet de loi. On a plutôt prévu que, si le comité de vérification atteste par écrit que les fonctions des deux postes sont remplies adéquatement et que les tåches actuarielles seront exécutées de manière indépendante, une même personne pourra cumuler les deux postes, sous réserve de l'accord du surintendant.
Le BSIF n'entend accorder que très rarement cette autorisation, mais il y a clairement des cas où il pourrait être parfaitement légitime de le faire. Je crois en conséquence que la méthode retenue dans le projet de loi est la meilleure possible pour assurer un certain équilibre entre l'état légitime et les risques de conflit.
Je suis bien conscient de l'importance de cette question pour le comité, et je propose que le BSIF tienne un registre des demandes approuvées et refusées en vertu de cette disposition. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il identifierait les personnes concernées mais plutôt qu'il exposerait ses raisons dans chaque cas, afin de pouvoir les communiquer au comité si celui-ci en fait la demande. Cela permettrait d'examiner l'efficacité de la nouvelle disposition et de voir s'il convient d'apporter d'autres modifications.
J'aimerais faire aussi quelques remarques sur le nouveau régime de fermeture d'une institution financière. Selon la législation actuelle, le ministre est tenu de se faire une opinion sur la situation financière ou la solvabilité d'une institution avant d'ordonner au surintendant d'en prendre le contrôle. Or, il ne peut se faire cette opinion qu'après avoir reçu le rapport du surintendant sur la situation financière de l'institution, ainsi que sa recommandation, et après avoir donné à l'institution la possibilité d'exprimer sa position. Manifestement, le rapport du surintendant est un élément clé de ce processus.
En vertu du projet de loi C-15, le surintendant, agent de réglementation, devra se prononcer sur la situation financière de l'institution et déterminer s'il est temps de demander à un tribunal d'émettre une ordonnance de liquidation. Il sera par ailleurs tenu d'offrir aux institutions concernées la possibilité d'exposer leur point de vue. L'objectif est de faire en sorte que la recommandation du surintendant à propos de la situation financière et de la solvabilité d'une institution soit aussi définitive que celle du ministre sous le régime actuel. De cette façon, le ministre pourra désormais concentrer son attention sur la question plus générale de l'intérêt public.
Je veux aussi faire une remarque sur les dispositions de la Loi sur les liquidations concernant la restructuration des sociétés d'assurance. Certaines des modifications envisagées visent à simplifier ou à préciser des dispositions actuelles. En conséquence, le fait qu'une disposition soit modifiée ne doit pas être interprété comme une volonté de modifier le fond même de la loi. De plus, on indique clairement dans le projet de loi que les modifications apportées s'appliqueront uniquement à l'avenir. Je voudrais consacrer quelques minutes à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, qui sera mise en oeuvre dans le cadre du projet de loi C-15.
Le préambule de cette loi décrit les objectifs de cette dernière, qui sont importants, ainsi que le rôle clé que doit jouer la Banque du Canada pour assurer l'efficacité et la stabilité du système financier. Cette Loi s'applique aux systèmes de compensation et de règlement qui sont susceptibles de causer un risque systémique -- c'est-à-dire le risque que la faillite d'une institution se propage dans le système de compensation ou de règlement ou à d'autres institutions. Pour éviter ce risque, il faut que les systèmes soient adéquatement protégés et qu'une instance -- en l'occurrence, la Banque du Canada -- exerce une surveillance adéquate. Tel est le premier but des dispositions de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements.
Le deuxième objectif est d'apporter aux pouvoirs de la Banque du Canada les modifications nécessaires pour que le «système de transfert de paiements de grande valeur» puisse être mis en oeuvre. C'est ce système qui assurera le règlement final et irrévocable, le même jour, des paiements de grande valeur. Le Canada est le seul pays du G-10 ne disposant pas encore d'un tel mécanisme.
Troisièmement, la loi établit un cadre statutaire pour la compensation des opérations symétriques, élément important de la compétitivité de nos institutions et de nos marchés.
La question des compétences fédérales et provinciales relatives à certaines de ces dispositions a fait l'objet d'un débat public. Comme vous le savez, des milliards de dollars transitent chaque jour dans ces systèmes. Il est certain que la faillite d'une institution financière, canadienne ou étrangère, qui menacerait la stabilité «du système» dans son ensemble, obligerait les banques centrales, dont la Banque du Canada, à devenir les prêteurs de dernier recours. Ces banques seraient appelées à intervenir pour gérer la situation. Voilà pourquoi elles doivent être habilitées à surveiller le risque systémique.
Je tiens à souligner que cette partie du projet de loi ne traite pas des questions plus vastes que sont la compétitivité du système de règlement des paiements au détail et l'accès au système de règlement des paiements ou son administration. Certes, ces questions sont pertinentes, et elles ont été soulevées récemment dans des mémoires adressés au gouvernement au sujet de la révision générale du système en 1997. Le gouvernement prend ces questions très au sérieux, mais le projet de loi dont vous êtes saisi est plus directement destiné à garantir que les outils adéquats seront mis en place pour faire face au risque systémique.
Je serais maintenant très heureux de répondre à toute question concernant ma déclaration liminaire ou le projet de loi lui-même.
Le sénateur Angus: Vous avez parcouru la liste de certaines recommandations que notre comité avait formulées dans son rapport «Trouvez le juste milieu». Vous auriez cependant pu nous lire une autre liste de recommandations qui n'avaient pas été reprises dans le livre blanc et que l'on ne retrouve pas non plus dans le projet de loi C-15.
Monsieur Le Pan, estimez-vous que le système demeure équilibré, au vu de ces dispositions, ou convenez-vous avec moi que celles-ci vont le déséquilibrer?
M. Le Pan: Dans quel sens?
Le sénateur Angus: Le comité avait proposé un ensemble intégré de propositions visant à assurer un certain équilibre entre la protection du consommateur et l'objet de la réglementation. Lorsqu'on a décidé de laisser de côté certains des éléments figurant dans cet ensemble équilibré de propositions, on a en fait déséquilibré le système, n'est-ce pas?
M. Le Pan: Dans un sens très large, le genre d'équilibre dont vous parlez a été préservé. J'hésite à faire des remarques sur tous les objectifs exprimés dans le rapport mais, lorsque je l'ai lu, j'y ai vu l'équilibre auquel vous faites allusion. Certains éléments qui me paraissent essentiels, comme la protection des consommateurs dont vous parliez, se retrouvent dans le projet de loi du fait de l'amélioration de la SIAP. J'ai perçu la même chose en ce qui concerne la divulgation des renseignements. La majeure partie des mesures proposées dans le rapport en matière de sécurité et de santé du système financier, sont dans le projet de loi.
Le principal domaine que le gouvernement n'a pas modifié dans son Livre blanc est celui des dépôts et de la coassurance. Quant à savoir si cette décision modifie l'équilibre dans un sens ou dans un autre, je n'en sais rien. À mon avis, plusieurs des éléments dont vous parlez pour assurer l'équilibre du système se retrouvent dans le projet de loi: protection des consommateurs, divulgation des renseignements et système plus favorable aux consommateurs.
Je suis tout à fait prêt à discuter avec vous des questions plus générales de coassurance, mais vous auriez beaucoup de mal à me convaincre que le fait de ne pas en avoir parlé dans le projet de loi signifie que le système est irrémédiablement déséquilibré dans un sens ou dans un autre. Dans son rapport, le comité avait clairement indiqué que l'adoption d'un système de coassurance nécessiterait notamment une plus grande divulgation des renseignements. Personnellement, j'estime qu'une plus grande divulgation s'impose de toute façon, même s'il n'y a rien au sujet de la coassurance, car les pertes des uns peuvent être assumées par les autres. Il y a un certain nombre de dispositions du système qui signifient que des gens risquent de subir des pertes, ne serait-ce que sur le plan des intérêts.
D'un point de vue plus fondamental, je ne suis pas certain que le système soit irrémédiablement déséquilibré.
Le sénateur Angus: C'est une remarque utile.
Au début, vous avez dit que notre rapport vous avait été utile et vous nous en avez remerciés. Il me semble donc nécessaire, pour être tout à fait équitable, de vous renvoyer la balle en vous disant qu'une bonne partie de notre rapport a été fortement influencée par les exposés savants que vous nous avez faits, tant à huis clos qu'en public.
Je ne faisais partie du comité que depuis peu de temps à ce moment-là. Le caractère extrêmement documenté et convaincant de vos exposés, notamment sur le cumul et la coassurance, m'avait fort impressionné. Vous aviez dit à l'époque qu'il était temps de démontrer, ne serait-ce que de manière purement très liminaire, que l'adoption du système de coassurance à un certain moment de notre histoire, pour faire face à une situation particulière, aurait peut-être été justifiée. Depuis, aviez-vous cependant ajouté, nul n'a avancé de justification valable à la coassurance. Dans notre rapport, nous disions que c'était là une chose à laquelle il fallait remédier. Nous avions entamé le travail dans notre rapport, en espérant que le livre blanc irait plus loin. Je suis donc troublé de voir que le gouvernement a manqué de courage à ce sujet.
M. Le Pan: Je vous comprends. Si cela peut vous consoler, je dois dire qu'il n'y a pas beaucoup de gouvernements qui ont commencé avec un système de garantie complète et qui l'ont ensuite modifié pour passer à un système de garantie partielle. C'est très difficile à faire.
Le sénateur Angus: Quand on commence, on va jusqu'au bout.
M. Le Pan: Oui, c'est ce que nous montre l'expérience des autres pays. Certains ont commencé avec moins de 100 p. 100 de garantie et ce sont retrouvés avec moins encore.
Il y a du pour et du contre. Il est difficile d'analyser les arguments sans se pencher sur des cas concrets. Et il est difficile d'expérimenter dans ce domaine sans imposer à beaucoup de monde ce que l'un des opposants à la coassurance dit être une mauvaise chose. Quand on commence, il est difficile de faire machine arrière. Si l'on décidait de s'écarter d'un système de garantie totale, il serait difficile de rassurer aussi bien les partisans de la coassurance que ses opposants.
La dernière question concernant la coassurance et l'assurance dépôt consiste à savoir quel lien elles ont avec la protection offerte pour des instruments concurrents qui ne sont d'ailleurs pas tous de régie fédérale. C'est là un facteur à ne pas négliger et qui est peut-être beaucoup plus complexe qu'on a pu le penser autrefois. Vous pourriez fort bien avoir toutes sortes de garanties circulant dans la nature, implicites et explicites, concernant des institutions provinciales, des institutions étrangères, etc.
Le sénateur Angus: Je suis d'accord avec vous.
Nous avons probablement assez parlé de coassurance. Comme il n'y a rien dans le projet de loi à ce sujet, il n'est pas nécessaire d'y consacrer beaucoup de temps. Je voudrais cependant vous poser une dernière question là-dessus. Pendant le débat consacré à cette question, après la publication de notre rapport, j'ai formé l'opinion qu'il serait préférable et plus facile d'abolir complètement l'assurance-dépôt que d'avoir cette sorte de franchise à la petite semaine qu'on essaie de manipuler. Qu'en pensez-vous?
M. Le Pan: J'hésite à exprimer une opinion à ce sujet, si vous êtes partisan d'une certaine forme de coassurance. J'ai participé à un certain nombre de conférences au cours desquelles le débat entre les partisans portait essentiellement sur la question de savoir «comment aller d'ici à là». Il y a autant de propositions que d'opinions au sujet de ce que l'on devrait faire à cet égard. Il est difficile d'envisager un plan très ferme. Trouver la bonne méthode dépendrait de beaucoup de choses. Il n'y a pas beaucoup de cas concrets que l'on puisse étudier pour évaluer les avantages et les inconvénients de tel mécanisme plutôt que tel autre. En dernière analyse, il doit s'agir d'une décision ne nature politique.
Le sénateur Angus: Tant que ce sera le cas, je suppose qu'il n'y aura pas de changement.
À la fin de vos remarques, vous avez abordé le rôle du ministre relativement à la fermeture d'un établissement. Peut-être que la manière la plus facile pour moi d'aborder cette question serait de vous demander de préciser votre pensée. Vous avez dit que le rôle du ministre, en vertu du projet de loi C-15, serait essentiellement de veiller à l'intérêt public. Qu'entendez-vous par là exactement? Votre agence -- si c'est comme cela que l'on peut appeler le BSIF -- est toujours tenue de rendre des comptes au gouvernement. C'est le gouvernement qui assume la responsabilité ultime. Certes, vous allez faire votre travail, vous allez exercer les nouveaux pouvoirs qui vous sont légitimement conférés par ce projet de loi. Vous auriez peut-être souhaité avoir des pouvoirs plus étendus, mais nous avons quand même fait des progrès. Quoi qu'il en soit, c'est le gouvernement qui sera sur la sellette et qui devra dire pourquoi vous avez fait telle ou telle chose. Je ne suis pas sûr qu'il faille dissocier le ministre de tout ce processus.
M. Le Pan: Premièrement, le ministre n'est pas totalement dissocié du processus. Le changement essentiel du projet de loi C-15 est d'entériner les rôles respectifs des parties concernées. Le rôle du surintendant est de porté un jugement sur la situation financière de l'établissement et sur sa solvabilité, alors que le rôle du ministre -- qui est en dernière analyse plus important -- est de protéger l'intérêt public. Autrement dit, le surintendant formule une opinion sur la solvabilité, mais c'est le ministre qui a la possibilité de mettre son veto à toute mesure, s'il y va de l'intérêt public. Je ne pense donc pas que le ministre soit complètement disparu de cette scène.
Cela dit, quand on parle d'intervention rapide, tout est quasiment terminé si l'on en n'arrive jamais à ce point. Il se peut qu'il y ait des gens ou des institutions financières qui penseront ne pas avoir été traités correctement. Cela nous ramène à l'idée voulant que la propriété soit un privilège et non un droit, mais c'est enfin de compte devant les tribunaux que les gens doivent finir par rendre des comptes. Ici, par exemple, ils sont assujettis à une révision judiciaire. Nous avons une certaine expérience avec cela, autant les ministres que les surintendants.
Dans le projet de loi, il s'agissait davantage de mieux délimiter les rôles respectifs que dissocier le ministre du processus. Si vous me permettez d'être tout à fait franc, tout cela trouve sa genèse dans l'idée, présente dans la loi actuelle, que le ministre doit parvenir à une opinion identique à celle du surintendant, au sujet de la situation financière, avant d'autoriser le surintendant à prendre le contrôle de l'institution. Au fond, cela place le ministre dans une situation où il pourrait être appelé à faire une analyse de la situation aussi attentive et aussi poussée que le surintendant ce qui, soyons honnêtes, n'est pas tout à fait juste à l'égard des ministres. Je les ai vus se débattre dans le processus de représentation. À mon sens, une relative séparation des pouvoirs, dans ce contexte, est parfaitement cohérente et correspond aux dispositions d'un certain nombre d'autres textes réglementaires.
Le sénateur Angus: C'est intéressant. C'est une fonction fondamentale du gouvernement. Dans bon nombre de lois, on dit que «seul le ministre peut, sur l'avis de» ou que «le ministre doit». J'aime bien l'approche que vous avez adoptée et je vous appuie.
Avant de changer de sujet, prenons un cas concret. Le surintendant pourrait-il aujourd'hui invoquer les pouvoirs existant dans le projet de loi pour dire: «Je pense vraiment qu'il faut fermer la Banque de Le Pan. Il faut la fermer ce soir. On ne peut pas attendre. Pouvons-nous appeler le ministre?» Les choses fonctionneraient-elles ainsi?
M. Le Pan: Je vais vous dire comment les choses se passeraient. À l'heure actuelle, le surintendant ne peut agir qu'au terme d'un long processus -- que nous rendons d'ailleurs plus transparent gråce au guide en matière d'intervention. Il y a donc déjà eu un processus assez poussé au niveau de l'établissement lui-même.
Le président: Oui, le guide d'intervention constitue ce qu'on peut appeler l'échelle, pour reprendre la terminologie que nous avons employée dans le passé.
M. Le Pan: Il y a donc déjà eu un processus assez poussé, qui a pu durer plusieurs mois, voire plusieurs années, selon la vitesse à laquelle la situation financière de l'institution s'est dégradée, et selon la nature des problèmes constatés.
Le sénateur Angus: Dans le système actuel, le ministre aura été régulièrement informé de la situation. Pas dans le nouveau système.
M. Le Pan: Je n'en suis pas sûr parce que, en dernière analyse, c'est quand même lui qui devra porter un jugement. C'est un système à deux volets. Le surintendant n'a pas l'indépendance totale d'aller se présenter au tribunal en plein milieu de la nuit pour fermer une institution financière par simple caprice. Les deux volets existent donc encore, la différence est simplement que les responsabilités des deux parties concernées sont quelque peu modifiées. Je ne partage pas du tout l'idée que le surintendant agirait purement de son propre chef, sans avoir informé le ministre pour lui permettre d'exercer ses propres responsabilités en vertu de la loi, sauf, peut-être, en cas de surprise absolue liée à un événement international. Mais cela ne devrait pas se produire plus à l'avenir que dans le régime actuel. Le surintendant doit rendre des comptes au ministre. S'il agissait purement de son propre chef, il exposerait le ministre à un risque juridique élevé, tout comme ce serait le cas aujourd'hui si le ministre n'avait pas été adéquatement informé. Il y aura donc des séances d'information du ministre, des notes qui lui seront adressées de temps à autre, puis une note exhaustive dressant l'historique de la situation, afin de lui permettre de décider s'il veut ou non exercer son veto dans l'intérêt public.
Je n'accepte donc pas le scénario que vous venez d'évoquer au sujet de la Banque Le Pan qui pourrait être fermée après un simple appel téléphonique en plein milieu de la nuit.
Le sénateur Angus: Ce serait probablement plus efficace.
M. Le Pan: Il faut faire des compromis quelque part. Les dispositions envisagées me donnent toute satisfaction. On y a longuement réfléchi, avant et après la publication du livre blanc -- parce qu'elles étaient présentées en détail dans ce document -- et on en a beaucoup parlé avec les milieux financiers et des juristes. Des gens des deux côtés ont contribué au processus, pour nous présenter les institutions, les créanciers, et cetera. Le changement des rôles relatifs n'a jamais suscité d'inquiétude particulièrement vive de qui que ce soit. On a de toute façon préservé un équilibre raisonnable entre la nécessité d'intervenir rapidement et le souci d'introduire les clapets de sûreté dont je parlais dans mon système à deux volets.
Le sénateur Kelleher: Je vous souhaite la bienvenue à cette heure tardive.
Pour faire suite à la question du sénateur Angus, je tiens à dire très clairement que je partage pleinement les recommandations de ce comité. Je tiens à ce que ces recommandations, que vous mettez en oeuvre, soient parfaitement comprises. En ma qualité titre d'avocat -- c'est à cause de cela que j'étais un peu inquiet --, il m'a été difficile de voir si le texte du projet de loi correspond bien à ce que nous avions envisagé. Croyez le ou non, j'ai pris la peine, la semaine dernière, de lire les notes qui nous ont été remises et j'ai été surpris de ne rien trouver au sujet d'un processus d'appel. J'ai demandé à M. Goldstein, notre chercheur, d'analyser le texte sous cet angle, car je me suis rendu compte que je ne pourrais pas lire tous les documents moi-même, la tåche étant monumentale. Il a donc préparé à notre attention une analyse dont vous avez reçu le texte. De ce fait, vous savez fort bien quelles questions je vais vous poser, ce qui va nous faciliter les choses. À mon avis, il faut que le contribuable, le propriétaire ou qui que ce soit ait le droit d'intenter un recours quelconque face à ce que j'appellerais l'action arbitraire d'un fonctionnaire -- et ne voyez là aucune critique adressée au BSIF; c'est simplement une procédure qui me paraît naturelle, si j'en juge d'après ma propre expérience. En conséquence, ce qui m'inquiète, en lisant la note de notre chercheur, c'est que les dispositions d'appel aient été abolies. Y a-t-il donc un recours quelconque? Je constate que le ministre n'intervient plus dans le processus. Or, si je songe à l'époque où j'étais moi-même ministre, je dois vous dire que j'aimerais voir dans ce projet de loi quelque chose qui obligerait, pour le moins, le BSIF à informer le ministre.
Le sénateur Angus: Pourquoi le BSIF?
Le sénateur Kelleher: Parce que c'est lui qui intervient. Je comprends que vous ne vouliez pas faire intervenir le ministre trop tôt dans le processus, pour qu'il n'ait pas à prendre la même décision deux fois, mais ne croyez-vous pas qu'il faudrait exiger au minimum que le ministre -- c'est-à-dire le gouvernement -- soit tenu informé des mesures qui seront prises?
Si vous me dites qu'il serait bien téméraire pour un fonctionnaire de prendre une telle décision sans prévenir le ministre, je vous rétorquerai qu'on a déjà vu de drôles de choses dans la fonction publique. Par exemple, dans l'affaire Airbus, nous avons un ministre de la Justice et un solliciteur général qui veulent nous faire croire qu'ils ne savaient strictement rien des mesures prises par les fonctionnaires. Je vous demande donc s'il ne serait pas légitime d'exiger ici que le ministre soit au moins informé. Après tout, c'est lui qui doit rendre des comptes au Parlement.
Deuxièmement, pour en revenir à cette question d'appel, je m'inquiète de constater que les dispositions qui existaient à ce sujet semblent avoir été retirées.
Je comprends parfaitement que vous ne vouliez pas que les mesures requises pour régler le problème soient interminablement bloquées devant les tribunaux. Je suis parfaitement d'accord avec vous là-dessus, mais cela ne doit pas nous empêcher de donner au moins le droit aux propriétaires de l'établissement financier de faire vérifier par une tierce partie les mesures décidées par le BSIF. Que pourriez-vous donc proposer à cet égard?
Je serai franc avec vous, je n'ai reçu ce document qu'aujourd'hui. Je n'ai rien à vous proposer mais je crois qu'il devrait y avoir un recours quelconque.
M. Le Pan: Je vais répondre à vos deux questions. La première concerne le rôle du ministre, la deuxième, le processus d'appel.
Je comprends ce que vous dites au sujet de votre expérience personnelle, mais je dois préciser que la situation dont nous parlons est légèrement différente dans la mesure où, dans le projet de loi, on oblige explicitement le surintendant à veiller à ce que le ministre n'appose pas son veto au nom de l'intérêt public, avant qu'une demande de liquidation ne soit adressée aux tribunaux. De ce fait, je ne pense pas que le ministre est totalement écarté du processus, d'un point de vue juridique.
Le sénateur Kelleher: Vous avez raison en ce qui concerne une demande de liquidation adressée à un tribunal. Cela résout peut-être ce problème.
M. Le Pan: Il existe d'autres cas où le ministre devra quand même intervenir, mais dans l'intérêt public, par exemple, au moyen d'une ordonnance d'exécution.
Le sénateur Kelleher: Mais c'est un processus négatif, pas positif. En effet, cela veut dire que le surintendant a les coudées franches tant et aussi longtemps que le ministre ne s'oppose pas à sa décision dans l'intérêt public. Pour ma part, je préférerais une procédure plus positive suivant laquelle vous seriez obligé de l'informer.
M. Le Pan: Le fait que le ministre ait le droit d'exercer ce veto signifie que le BSIF doit l'informer. Cette question d'information est bien distincte de celle de l'intervention du ministre. Si celui-ci intervient directement, je ne vois pas comment le surintendant pourrait ne pas l'informer. De fait, nous nous attendons clairement -- et je m'y attends aussi personnellement -- à ce qu'il le fasse.
Notre ministère a examiné avec le BSIF la procédure détaillée qui pourrait s'appliquer à cet égard. C'est similaire à ce que je décrivais au sénateur Angus. Il y aurait toujours des notes qui seraient adressées au ministre et celui-ci aurait toutes les informations requises pour prendre la décision.
Le sénateur Kelleher: Je préfère cependant toujours l'autre méthode, c'est-à-dire que l'on adopte des dispositions explicites établissant une obligation. Quoi qu'il en soit, vous connaissez maintenant mon point de vue là-dessus.
Que pouvez-vous donc me dire à présent au sujet du processus d'appel? Supposons que je sois le P.D.G. de la Banque Le Pan. J'estime que mon frère m'a roulé, que puis-je faire? Auprès de qui puis-je intenter un recours?
M. Le Pan: Je ne pense pas que nous avons totalement aboli le processus d'appel. Comme vous le dites, il est important que quiconque estimant avoir subi un préjudice dans tout ce processus puisse avoir un recours.
Dans le système actuel, on a le droit d'exposer sa position au surintendant, au sujet de sa décision, et ce droit demeure.
Le sénateur Kelleher: Est-ce prévu dans la loi actuelle?
M. Le Pan: Oui.
Le sénateur Kelleher: Et ce droit n'est pas aboli dans le projet de loi? Par conséquent, je pourrais toujours m'adresser à vous?
M. Le Pan: Oui. C'est ce qu'il faut faire en premier lieu.
Le sénateur Kelleher: Et si je ne suis pas d'accord avec vous?
M. Le Pan: Deuxièmement, si le ministre a la possibilité d'exercer son veto dans l'intérêt public, pour des raisons judiciaires, c'est-à-dire pour éviter une révision judiciaire, il se heurtera à de graves difficultés s'il refuse d'entendre les parties concernées. Dans le système actuel, les gens ont tout à fait le droit de faire connaître leur point de vue. Bien qu'il jouisse d'une latitude considérable à cet égard, il est clair que le ministre sera naturellement porté à entendre quiconque veut s'adresser à lui -- ne serait-ce que pour éviter le problème de la révision judiciaire qui se poserait si l'on refusait d'entendre la partie requérante.
Le sénateur Kelleher: Puis-je vous interrompre un instant? Je regrette mais je préfère intervenir tout de suite.
Nous savons bien cependant qu'il est des cas où des ministres ne veulent pas entendre certains requérants; ils ne veulent pas les rencontrer. Et cela n'a rien à voir avec le parti politique au pouvoir. C'est pourquoi j'aimerais que l'on aille un peu plus loin. Je suis parfaitement d'accord avec vous quand vous dites que le ministre qui refuserait d'entendre un requérant commettrait sans doute une gaffe politique, mais vous savez bien que cela arrive souvent. Les ministres disent simplement qu'ils ne sont pas disponibles.
M. Le Pan: Je comprends. Pour en revenir à votre première question, le fond du problème, pour moi, est de savoir s'il existe effectivement un processus d'appel. Au bout du compte, le processus d'appel se ramène à la révision judiciaire de la décision prise par le surintendant ou le ministre. Avant cela, il y a toujours la possibilité d'une argumentation devant le tribunal chargé de la liquidation. C'est en fait là que doit se faire l'argumentation sur le fond du litige, si celui-ci fait l'objet d'un différend.
Il est un fait que si une institution financière disparaît, c'est une valeur qui disparaît à jamais. Donc, la révision judiciaire, sous une forme ou une autre, constitue bien le recours ultime. Les choses peuvent aller plus loin, par exemple, si les gens veulent être indemnisés. Il leur appartient de décider. Mais cela n'est pas différent de ce qui existe déjà.
À la suite du changement dont vous parliez, le droit d'appel formel est désormais intenté au niveau de la Cour fédérale. Pour notre part, nous estimons que les recours prévus sont suffisants, à savoir que si quelqu'un veut arguer du bien fondé d'une cause, il doit d'abord s'adresser au tribunal chargé de la liquidation et que si c'est la procédure qu'il veut remettre en question, il doit alors opter pour une révision judiciaire. Tout cela par du principe selon lequel, quand on en arrive à cette étape, on a déjà parcouru beaucoup de chemin. Plusieurs étapes auront précédé celle-ci: il aura, notamment, été amplement question de la façon dont fonctionne la structure réglementaire et les gens auront eu, à maintes reprises, l'occasion de savoir ce qu'ils doivent faire pour participer au processus. Au bout du compte, dans certains cas, tout cela aura été déclenché par la décision officielle du surintendant d'exiger un apport de capital supplémentaire. Si nous voulons favoriser une intervention rapide, j'estime que nous devrons faire la part entre les droits des actionnaires et ceux des entreprises ou autres, et les droits des souscripteurs et des créanciers en général. Donc, je ne pense pas que nous ayons entièrement supprimé le processus dans ce cas.
Le sénateur Kelleher: Si je suis mis en liquidation, vous avez raison, j'ai le droit de porter ma cause devant les tribunaux. Mais si je fais l'objet d'une prise de contrôle, je ne suis pas mis en liquidation.
M. Le Pan: Prise de contrôle par qui?
Le sénateur Kelleher: Par vous, qui m'administrerez. Il y a une différence, d'après ce que je crois comprendre. Imaginons que je ne sois pas mauvais au point d'être mis en liquidation, que je ne sois pas une cause perdue. Comment ça se passerait quand vous me tomberiez dessus?
M. Le Pan: Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par «tomberiez dessus»?
Le président: Est-ce que vous voulez parler de prise de contrôle, sans que la liquidation soit envisagée?
Le sénateur Kelleher: Oui, l'intention ne serait pas de me mettre en liquidation.
M. Le Pan: Eh bien, il y a deux cas de figures possibles. Le premier, qui est explicitement prévu dans les textes, est celui de la prise de contrôle des actifs. Il ne peut s'agir que d'une proposition temporaire, valable pour un maximum de 16 jours, en attendant que le ministre prenne une décision définitive. Pendant ce temps là, il faut déterminer si le ministre va exercer son pouvoir, son droit de veto, et ainsi de suite. Cette étape intervient avant que la cause ne soit portée devant un tribunal chargé de la liquidation.
C'est ce qui est prévu dans la législation actuelle. Le droit de représentation auprès du ministre, relativement à la prise de contrôle des actifs, n'est assorti d'aucun droit d'appel en tant que tel. À ce stade, le surintendant se dit que ça sent le roussi, qu'il vaut mieux protéger les actifs parce qu'on ne sait jamais ce qui risque de se produire, qu'ils peuvent changer de main et que les capitaux risquent de disparaître. Il estime alors que mieux vaut prendre le contrôle des actifs avant que la compagnie ne parte en fumée. Mais il s'agit d'une procédure à court terme, temporaire, à laquelle on a eu que peu souvent recours en vertu de la législation actuelle. Je pense d'ailleurs qu'on ne l'appliquera pas plus dans le cadre de la nouvelle législation.
Si, comme vous le dites, il ne s'agit pas d'un cas de liquidation, cela revient à dire que le surintendant prendrait le contrôle de l'institution et l'administrerait pendant pas mal de temps. À ma connaissance, et depuis que je travaille dans ce secteur, nous n'avons jamais fait cela.
Le sénateur Kelleher: Est-ce qu'on ne vous donne pas des pouvoirs nouveaux et élargis?
M. Le Pan: Rien, dans ce projet de loi, ne prévoit que nous puissions prendre le contrôle d'une institution pour l'administrer sur une longue période.
Il n'est pas question de situation où l'on administrerait une institution pendant des mois et des mois. À toutes fins utiles, nous ne l'avons jamais fait. Mais d'aucuns estiment que nous devrions pouvoir le faire, afin de remettre l'institution sur les rails. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, je doute beaucoup que cette solution puisse être mise en oeuvre. Fondamentalement, la prise de contrôle par le BSIF annonce une liquidation à terme de quelques jours.
Quand le BSIF cherche une solution autre que la liquidation, il le fait à l'invitation des gestionnaires et des administrateurs de l'institution estimant qu'ils devraient peut-être vendre, éventuellement avec l'aide de la SADC. C'est ainsi que ça s'est produit dans le passé.
Le sénateur Kelleher: Mais pourquoi avait-on jugé que ce droit d'appel qu'on vient de retirer était nécessaire auparavant?
M. Le Pan: La disposition relative à la Cour fédérale est le résultat d'une réflexion après coup. On l'a ajoutée après l'exercice de 1992. Elle n'était pas là avant la version de 1992. Nous nous nous étions dit que si l'on essayait de parvenir à un équilibre raisonnable entre une fermeture rapide et l'absence de recours en Cour fédérale qui aurait visé à entraver la procédure de règlement -- relativement aux actifs, aux créanciers et au reste --, les gens risqueraient de se sentir frustrés. La seule cause devant la Cour fédérale dont j'aie entendu parler est débattue relativement à la révision judiciaire, et non sur des questions de faits. Nous avons donc estimé que ce changement serait approprié.
Le sénateur Kelleher: Quand vous enlevez quelque chose comme ça, et je vous avoue que je ne connais pas grand chose à la Loi sur la faillite, est-ce qu'on n'empêche pas d'une façon ou d'une autre, les propriétaires de ces institutions à se tourner vers les tribunaux afin de demander une révision de l'ordonnance?
M. Le Pan: Vous parlez d'une révision de la mesure prise ou de l'absence de mesure par le surintendant ou le ministre?
Le sénateur Kelleher: Oui.
M. Le Pan: Comme je le disais, ils peuvent se pourvoir en justice.
Le sénateur Kelleher: C'est la question que je vous pose. Si vous enlevez cela de la loi, est-ce que je conserve mon droit à une révision?
M. Le Pan: Vous avez le droit à une révision si vous invoquez le fait que le ministre ou le surintendant a agi de façon arbitraire et n'a pas, comme il aurait dû le faire, tenu compte de certains renseignements, et ainsi de suite.
Le président: Monsieur Wyatt, vous êtes d'accord avec cela?
M. Douglas R. Wyatt, avocat général, Services juridiques généraux, ministère des Finances: Oui. L'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale dispose que les mesures prises par le surintendant peuvent faire l'objet d'une révision judiciaire en cas d'erreur de droit, d'interprétation erronée de la preuve, d'iniquité en matière de procédure ou de juridiction -- qui sont les motifs habituellement invoqués pour une révision.
Le sénateur Stewart: Dans le projet de loi, définit-on l'«intérêt public», ou le sens découle-t-il de la jurisprudence?
M. Le Pan: Ce n'est pas défini dans ce projet de loi. Mais l'«intérêt public» a été utilisé dans bien d'autres lois.
M. Wyatt: Mais ce n'est pas défini dans ce projet de loi. Il n'y a pas de définition légale, claire, de ce qui est l'intérêt public. Il n'appartient pas au ministre de décider des motifs de son intervention.
Le président: Je m'adresse ici au sénateur Stewart. Je ne connais pas de loi où l'on définisse l'expression «intérêt public», même si je sais qu'il y a bien d'autres lois où il en est question. À votre connaissance, est-ce que ça été défini ailleurs?
Le sénateur Stewart: Non, je ne le pense pas. Quand j'ai appris que le ministre pouvait imposer son veto pour ce motif, j'ai cru comprendre ce que cela signifiait. Puis, j'ai commencé à me demander si je savais vraiment ce qu'était l'«intérêt public», si c'était défini dans la loi ou encore si le ministre savait ce qu'il fallait entendre par là. Si chaque ministre peut y aller de sa propre définition, alors la loi n'est pas bonne.
M. Le Pan: Peut-être vous faites-vous une idée différente de ce qu'est l'intérêt public. On peut s'attendre à ce que les gens perçoivent tous, à peu près de la même façon, la situation financière. Je ne pense pas que le simple fait de sous-entendre que différentes personnes puissent prendre des décisions différentes revienne à dire que cette loi est mauvaise.
Le sénateur Stewart: Imaginons deux ministres. L'un pourrait dire: «Fort bien. Cette personne que je connais se retrouve dans une situation très difficile mais je suis désolé, je ne vois pas de conséquences généralisées».
Un autre pourrait, de façon tout aussi consciencieuse, déclarer: «Certes, il n'y a pas là de conséquences généralisées, directes, mais il est regrettable que quelqu'un qui a essayé aussi fort soit obligé de traiter avec le BSIF de cette façon. J'estime que le BSIF n'a pas bien administré le dossier et qu'il a agi de façon contraire à l'intérêt du public».
Je peux donc formuler deux arguments en toute conscience et parvenir à deux conclusions différentes. Je n'aime pas ce libellé.
M. Le Pan: À toutes fins utiles, et sauf s'il y a eu vice de procédure ou erreur de fait, l'institution en question est soit insolvable, soit sur le point de l'être, soit encore très gravement sous-capitalisée.
Le cas échéant, en l'absence d'erreurs de fait ou de décisions arbitraires, il faut que l'intérêt du public domine assez nettement. Nous parlons ici d'une situation où, après évaluation, l'institution peut croire que son solde de fonds propres est positif alors que celui-ci s'érode rapidement.
L'évaluation de la situation est assez délicate pour qu'une institution ne détecte pas la différence entre un ou deux pour cent et moins un ou moins deux pour cent, de sorte qu'elle risque de se retrouver en situation d'insolvabilité.
Ce n'est que si l'intérêt du public était gravement menacé qu'un ministre pourrait être appelé à renverser la décision définitive de fermer immédiatement l'institution, puisque, après tout, tout le monde perdrait de plus en plus d'argent jour après jour.
En pratique, en vertu du système à deux volets que nous avons décrit, l'intérêt général du public doit être assez important pour que la décision soit renversée, encore une fois si la décision n'a pas été arbitraire. Un ministre pourrait juger que la décision a été arbitraire et en tenir compte. Il pourrait estimer que certains faits n'ont pas été pris en considération. Cependant, en l'absence de tels cas de figure, la procédure est adaptée.
Pour que nous puissions vraiment protéger les déposants et les souscripteurs d'institutions presque insolvables, nous devons être en présence d'un intérêt public réel et généralisé. Il doit être question de beaucoup plus que d'un vague sentiment consistant à ne pas aimer l'action de telle ou telle institution. Le critère d'intérêt public est à présent étroitement lié à la relation unissant le surintendant et le ministre, en ce qui a trait à leurs pouvoirs et à leurs responsabilités respectives, en vertu de la nouvelle loi. Ce critère sera maintenu. On trouve ici un mécanisme de surveillance et de contrepoids.
Gråce à ce mécanisme, il faut que l'intérêt du public soit relativement important avant que le ministre puisse exercer un veto quelconque. D'après ce que je crois savoir, le ministre risque de devoir injecter un certain montant pour régler le problème au nom du gouvernement, avant de pouvoir exercer son droit de veto.
Cela montre bien le sérieux de notre approche. Nous voulons être en mesure de fermer des institutions mais, par ailleurs, nous voulons disposer de stimulants qui nous permettront d'être rapidement mis au courant de ce genre de situation. Voilà pour un aspect. Nous ne désirons pas avoir la possibilité de fermer les institutions par simple plaisir, nous voulons inciter les gens à ne pas se placer dans une telle situation et à essayer d'injecter les capitaux nécessaires pour ne pas en arriver là.
Puisqu'il est question de protéger les souscripteurs, les déposants et les autres créanciers, nous savons de fait le genre d'intérêt public que nous défendons. Là n'est pas la question. Un tel sérieux est nécessaire, parce que le ministre devra justifier sa décision éventuelle de maintenir l'institution ouverte en appliquant son veto au nom de l'intérêt public, alors que le surintendant, de son côté, à déclaré qu'au mieux de ses connaissances et à supposer que tous les faits sont exacts --, l'institution en question est sur le point d'être insolvable ou l'est déjà. Or, pendant tout ce temps, des clients continuent à faire affaire avec l'établissement concerné. Quels risques une telle situation présente-t-elle sur un plan moral? Les ministres et les surintendants doivent parvenir au niveau de sérieux voulu pour de renverser la décision de fermer l'institution.
Le sénateur Stewart: Vous avez soulevé la possibilité que le ministre ait à trouver de l'argent pour soutenir son intervention au nom de l'intérêt du public. Est-il prévu qu'il soit tenu de faire rapport au Parlement?
M. Le Pan: Oui, dans la Loi sur l'administration financière.
Le sénateur Stewart: Mais sur ce point en particulier?
M. Le Pan: Sur le droit de veto?
Le sénateur Stewart: Oui. Doit-il informer ceux vers qui il se tournera pour pouvoir donner suite à son engagement financier, doit-il leur faire rapport?
M. Le Pan: Il ne pourra fournir aucune garantie avant de s'être adressé au Parlement. Il ne peut faire autrement.
J'ai été cité, à ce comité, au sujet de la demande d'un prêt-relai qui avait été adressée au ministre dans l'affaire de la Confédération Vie; le prêt avait été refusé. À l'époque, cette décision avait fait l'objet d'une enquête. En fin de compte, il faut avoir un crédit parlementaire.
Le sénateur Stewart: Autrement dit, si le ministre estime qu'il doit exercer son veto au nom de l'intérêt public et que, pour cela, il doit trouver de l'argent, il doit d'abord s'adresser au Parlement?
M. Le Pan: En fin de compte, il devra toujours comparaître devant le Parlement pour l'informer.
Le sénateur Stewart: Oui, en fin de compte. Mais comme vous avez excellé à nous rappeler le déroulement des événements, je vous demande comment les choses s'enchaînent ici.
M. Le Pan: Tout dépend des circonstances. Dans le cas de la Banque de la Colombie-Britannique, il a fallu comparaître devant le Parlement à 24 heures de préavis pour régler certains aspects concernant les créanciers privilégiés et d'autres questions. On a alors adopté d'urgence une mesure législative.
Dans certains cas, l'institution peut être techniquement insolvable ou sur le point de l'être et pourtant, pour une raison ou une autre, au nom de l'intérêt du public généralisé, il convient de ne protéger ni les déposants, ni les créanciers. On peut facilement imaginer que les ministres voudront obtenir des crédits, sur une base temporaire, à court terme. Il n'est pas possible d'établir d'avance une règle à ce sujet.
Il existe de nombreux précédents sur le plan des relations entre les ministres et le Parlement, pour ce qui est de l'utilisation des fonds. Il est difficile de savoir exactement comment les choses se passeraient ici, mais le ministre pourrait toujours demander un crédit ou déposer un avis de demande de crédit.
La situation ne serait pas différente, sous cette nouvelle loi, que sous le coup de la loi actuelle. C'est là une chose importante. Les ministres prendront toujours ce genre de décision si on le leur demande. Le projet de loi ne change rien à cela.
Le sénateur Kelleher: La loi actuelle confère un droit d'appel. Cette formule est plus facile que d'avoir à demander une révision judiciaire, laquelle impose un fardeau beaucoup plus lourd sur la partie requérante que l'appel, quand celui-ci est prévu dans la loi. C'est du moins ainsi que j'interprète le droit. Il n'y a certainement rien de bien savant dans tout ça. Il n'est pas facile de demander une révision judiciaire et pourtant, dans ce cas, c'est ce qu'on exige de la personne. Dans le cadre de la loi actuelle, la personne a un droit d'appel, n'est-ce pas?
M. Le Pan: Eh bien, on en revient à ma question de l'équilibre. Arrivée à ce stade, une institution est passée par plusieurs étapes. Par exemple, elle aura reçu un avis officiel d'insuffisance de capitaux en regard des dispositions de la loi, et se sera vue fixer un délai pour redresser la situation.
Ce qui se produisait le plus souvent, avant, c'est que l'institution ne parvenait pas à redresser la situation et un sursis lui était alors accordé à sa requête.
Là, on arrive au terme de la procédure. S'il y a un grave vice de procédure ou une grave erreur de fait, il ne sera pas difficile à la personne concernée de lancer une procédure de révision judiciaire.
À l'expérience, nous avons pu constater que, dans certains cas, les gens ne peuvent ou ne veulent pas agir, pourtant, ils se refusent à abandonner la partie. À un moment donné, nous n'avons d'autre choix que de fermer l'institution au nom de l'intérêt général. Ces gens-là appliquent des ratios de levier de 25 à 1 ou de 50 à 1.
Le sénateur Kelleher: Je ne vous contredis pas. Je suppose que telle est la raison pour laquelle vous deviez retirer cette disposition.
M. Le Pan: Il est un fait que nous ne voulions pas qu'un recours devant la Cour fédérale vienne entraver la procédure de liquidation quand celle-ci est justifiée. Cependant, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que tous les droits d'appel ont été supprimés. Les gens ont encore le droit de se prévaloir d'un processus judiciaire. Si, pour une raison ou une autre, le processus n'est pas suivi comme il faut, on pourra toujours se prévaloir du mécanisme en place.
Le sénateur Kelleher: Mais dans une certaine mesure, les droits d'appel sont réduits.
M. Le Pan: J'en conviens.
Le sénateur Stewart: À la page 2 de votre allocution d'ouverture, vous parlez des «intermédiaires spécialisés, des analystes et des agences de notation». De quel article du projet de loi est-il question ici?
M. Le Pan: Pour qu'elles soient effectives, il n'est pas nécessaire que certaines questions de divulgation fassent l'objet d'une modification dans la loi. Avant, il fallait simplement, dans certains cas, divulguer des informations réglementaires qui sont à présent recueillies par le BSIF. Aucun article du projet de loi ne porte sur cela.
Certains articles portent sur l'autorité réglementaire relative à certaines données que les institutions seront tenues de publier, ainsi que sur l'obligation faite aux institutions qui ne produisent normalement pas d'états financiers, d'en établir à la demande. Je vous dirai dans un instant où cela se trouve exactement dans le projet de loi.
Le sénateur Stewart: J'ai lu un article sur un cas qui s'est produit à Washington, à propos des liens entre certaines agences de notation et les institutions qu'elles évaluent. Êtes-vous au courant de l'incident qui vient d'avoir lieu dans ce domaine et qui a été rendu public il y a deux mois, à savoir que des institutions financières ont invité des agences de notation à les évaluer et que, dans ce cas, ces agences ont été portées à leur accorder une cote plutôt élevée. Êtes-vous au courant de cela?
M. Le Pan: Oui. Je ne suis pas certain de connaître tous les détails du cas que vous avez cité et qui s'est produit aux États-Unis il y a deux mois, mais je connais le problème en général.
Le sénateur Stewart: Je crois savoir que cela a fait du bruit aux États-Unis. Je me demande s'il s'est passé la même chose ici. Cette histoire m'a frappé parce que je n'ai pas manqué d'établir un rapport avec le changement d'évaluation qui s'est produit dans le cas de la Confédération Vie.
Le sénateur Perrault: Un changement spectaculaire.
Le sénateur Stewart: Un changement spectaculaire et soudain, presque instantané! Envisage-t-on de faire quoi que ce soit pour s'assurer que ces agences de notation, sur lesquelles certains comptent beaucoup, sont effectivement fiables dans leur jugement? Dans certains cas, les relations entre évaluateur et évalué ne sont-elles pas trop étroites?
M. Le Pan: J'en reviens à ma déclaration d'ouverture. Quand j'ai parlé des intermédiaires spécialistes, des spécialistes de l'analyse et des agences de notation, je voulais essentiellement dire que le BSIF a consacré beaucoup de temps à faire le point, avec eux, sur le genre de renseignements qu'ils obtiennent à présent des institutions, sur les institutions qui ne leur fournissent pas le genre de renseignements voulus -- il n'était pas forcément question de les citer nommément, mais de mentionner les groupes auxquels elles appartiennent -- et sur les autres renseignements susceptibles de leur être utiles. C'est à cela que je faisais allusion dans mon allocution d'ouverture. Le BSIF a amené les institutions à participer à un processus de consultation, dans le cadre de la formulation de notre mécanisme de divulgation renforcé.
Quant à votre question plus large, relativement aux liens qui unissent les agences de notation et les institutions, sachez que je suis au courant du problème que vous soulevez. Les agences de notation nieraient, avec véhémence, qu'elles ne sont pas indépendantes et qu'elles sont soucieuses de protéger leur crédibilité sur le marché. D'un autre côté, il y a des cas où les agences de notation évaluent, sans y être invitées, des institutions qui n'apprécient pas du tout la chose.
Au bout du compte, dans le contexte actuel, dans le cas des agences de notation, le mécanisme de surveillance et de contrepoids est essentiellement constitué par le marché et par la crédibilité de ces agences. On a déjà soulevé, de temps en temps, la question de savoir qui régit les agences de notation.
Il y a des propositions qui flottent dans l'air, et selon lesquelles le superviseur exigerait que les institutions obtiennent une notation qui ferait partie, officiellement, du processus de déclenchement automatique de certaines mesures. Je ne suis justement pas d'accord avec cela, à cause du genre de problème que vous avez soulevé. Les agences de notation se défendront elles-mêmes. Je ne veux pas porter de jugement quant à la justesse de leur jugement, dans tous les cas.
À l'analyse du taux d'impayés sur une longue période, information qui appartient au domaine public, j'ai récemment constaté des taux d'impayés sur des périodes de 30 ou 50 ans, toutes catégories confondues qui, à l'origine, avaient pourtant été notés triple A, double A, et ainsi de suite. Mais le taux d'impayés des faits initialement cotés triple A est minuscule. Sur une longue période, on parle de 0,2 p. 100. Donc, partant, les notations initiales sont assez justes.
Dans certains cas, on pourra toujours se demander si certaines agences interviennent trop rapidement ou trop lentement. Je m'attends à ce qu'on débatte de cette question jusqu'à la Trinité. Tout ce dossier des organismes de réglementation nous entraîne sur un terrain plutôt glissant.
Le sénateur Stewart: Je veux passer à autre chose qui découle de ce que vous dites à la page 3 de votre déclaration liminaire. Vous y expliquez pourquoi vous n'interdisez pas systématiquement le cumul des fonctions d'actuaire désigné et de chef des finances. Vous déclarez qu'il est prévu, dans le projet de loi, que si le comité de vérification atteste par écrit que les fonctions de ces deux postes peuvent être remplies adéquatement, une même personne pourra les occuper avec l'accord du surintendant. Quel article précise cela?
M. Le Pan: Par exemple, l'article 12 de la Loi sur les banques, qui traite de la divulgation, et on trouve d'autres articles semblables dans d'autres lois, comme dans la Loi sur le BSIF.
Le comité de vérification est mentionné à l'article 76, page 62.
Le sénateur Stewart: Oui, c'est exact. En fait c'est à la page 63.
a) le comité de vérification de la société fait parvenir au surintendant une déclaration écrite énonçant qu'il est convaincu que les fonctions des deux postes seront bien exercées et que les fonctions du poste d'actuaire seront exercées de façon indépendante;
b) le surintendant donne son autorisation.
Dans quelles circonstances le surintendant refuserait-il de donner son autorisation?
M. Le Pan: S'il jugeait, par exemple, que le comité de vérification n'a pas bien analysé la question. J'aimerais que M. Thompson vous en dise plus à ce sujet, parce que nous avons réfléchi au genre de critère qu'il faudrait retenir pour cela.
M. John R. Thompson, surintendant adjoint, Opérations, Bureau du surintendant des institutions financières: Avant cela, je dois préciser que nous sommes d'accord avec la recommandation de ce comité à savoir que, dans la plupart des cas, il convient de séparer les deux fonctions.
Nous refuserions la demande d'un comité de vérification si, par exemple, comme M. Le Pan l'a dit, nous n'étions pas d'accord avec ses recommandations. Nous pourrions juger que l'actuaire ou la personne en question ne possède pas l'expérience ou les qualifications voulues pour assumer la fonction d'actuaire et de chef des finances de l'institution, à cause des exigences qu'imposent les deux fonctions.
Si l'institution en question apparaissait sur notre liste des sociétés à problème que nous destinons au ministre, nous estimerions que la demande serait inappropriée, même si nous n'avions pas encore informé l'institution concernée de son placement dans cette catégorie. Dans la plupart des cas, les sociétés doivent être mises au courant qu'elles ont été signalées à l'attention du ministre en tant que société en difficulté, mais si cette décision est récente, il se peut que nous n'ayons pas encore transmis l'information. Voilà le genre de situation où nous pourrions refuser d'accepter une telle demande.
Le sénateur Stewart: Pouvez-vous jeter un coup d'oeil sur l'article 162, à la page 118?
On y lit:
Est édictée la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, en sa version de l'annexe.
L'annexe, elle, est intitulée «Loi régissant les systèmes de compensation et de règlement des paiements».
À la façon dont je comprends les choses, ce que nous avons ici, c'est une loi complète du Parlement -- pas simplement un amendement, mais bien une loi complète -- qui fait partie de l'annexe à une autre loi.
M. Le Pan: Ça ne fait pas partie d'une annexe à une autre loi, mais d'un projet de loi.
Le sénateur Stewart: Mais le projet de loi devient loi dès qu'il reçoit la sanction royale. Ce n'est pas ainsi que vous parviendrez à esquiver ce que j'affirme.
M. Le Pan: Mais il s'agit d'une loi complète présentée sous la forme d'une annexe.
Le sénateur Stewart: Combien de fois avez-vous fait cela avant?
M. Wyatt: Quelquefois. Je n'y ai pas beaucoup réfléchi avant que vous me posiez la question. Par exemple, la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection de la vie privée ont toutes deux été promulguées en tant qu'annexe. Nous avons eu assez souvent recours à cette pratique pour des projets de loi omnibus concernant le système financier. C'est une façon de faire qu'a adopté la section de rédaction des lois. Cela aurait pu faire partie du projet de loi, mais quand il est question d'une loi complète, on procède ainsi. Je crois me rappeler qu'on a appliqué la même démarche dans le cas de la loi sur le BSIF, mais il est possible que je me trompe.
À ma connaissance, personne ne s'y est objecté, ni à la Chambre des communes, ni au Sénat.
Le sénateur Stewart: Vous voulez dire pas encore.
M. Wyatt: Si vous voulez en faire un appel au règlement, vous devez d'abord nous en aviser.
Le sénateur Stewart: Ce n'est pas une question d'appel au règlement. J'estime simplement qu'il s'agit là d'une mauvaise pratique parlementaire et le comité devrait en prendre note. C'est une chose que d'avoir un projet omnibus modifiant toute une série de lois, mais c'en est une autre, assez étrange, que d'appliquer la méthode du kangourou, où un kangourou en transporte un autre.
Le sénateur Angus: Ça se trouverait dans les Statuts du Canada.
Le sénateur Perrault: Le comité a recommandé l'adoption d'une prime fondée sur les risques. Vous êtes d'accord et cela se reflète d'ailleurs dans le projet de loi.
Vous êtes-vous servi d'un barème de primes comme modèle pour établir ce système qui est recommandé?
M. Le Pan: Il n'existe actuellement pas au Canada de barème de primes fondé sur les risques.
Le sénateur Perrault: Dans d'autres pays, peut-être?
M. Le Pan: Les Américains ont utilisé une matrice à trois degrés en abscisse et trois degrés en ordonnée, permettant d'effectuer une sorte de classification à deux volets. D'un côté on trouve le niveau de capitalisation réparti en faible, moyen et élevé et, de l'autre, le jugement de l'organisme de supervision fondé sur une évaluation des actifs, de la gestion, des revenus, des liquidités, autrement dit de tous les facteurs normaux qui sont pris en compte depuis longtemps pour une telle évaluation. Les niveaux de prime diffèrent selon les résultats obtenus.
La SADC est en train d'élaborer une proposition destinée à implanter les primes fondées sur les risques. On en trouve une illustration à l'endos du Livre blanc, illustration qui s'inspire en partie du système américain. Il pourrait fort bien que cette proposition soit liée au système d'échelle dont nous avons parlé. Cela fait partie des différentes étapes. Et puis, on pourrait tenir compte d'autres facteurs. Le système américain a été imaginé il y a trois ou quatre ans. Il fait actuellement l'objet d'un réexamen. Il n'a pas encore été décidé de le réviser ou non, mais la SADC s'est tout de même entretenue avec l'agence de réglementation américaine pour savoir ce que son système avait donné.
Le ministre doit obligatoirement donner son approbation. Comme il ne s'agit pas d'un texte réglementaire, la proposition doit faire l'objet de consultations, avant que le système ne soit définitivement mis en place. Si les membres du comité sont intéressés à cet aspect, nous pourrons toujours revenir ici avec une proposition plus étoffée pour pouvoir en discuter.
Le sénateur Perrault: Pour l'instant, vous effectuez un travail de défrichage.
M. Le Pan: Exactement, en prévision de cette loi. Les capitaux propres et d'autres facteurs dont je vous ai parlé seront des éléments importants dont il faudra tenir compte dans l'élaboration de ces systèmes.
Le sénateur Perrault: Nous avons pas mal exploré cette question du processus suivi. Dans votre mémoire vous dites que le BSIF aurait le pouvoir d'intervenir rapidement, notamment pour fermer une institution quand le solde des fonds propres demeure positif. Avez-vous arrêté un critère minimum relativement à ce que vous entendez par «intervention rapide», ou faut-il qu'il y ait consensus?
M. Le Pan: Je vais demander à M. Thompson de vous répondre, mais avant cela, je voudrais faire une remarque d'ordre général.
Les mesures applicables sont classées selon une hiérarchie. Les échelles, publiées à l'endos du Livre blanc, traduisent l'évaluation d'une réalité. Nous avons retenu l'idée de points de repère chiffrés, qui a fort bien été accueillie aux États-Unis, dans la préparation du Livre blanc et de cette proposition, qui a d'ailleurs été rejetée. Le système américain est assez différent du nôtre, avec nos 14 000, ou plutôt maintenant 10 000 institutions de dépôt. Pour appliquer le système américain nous aurions besoin d'automatismes très complexes et nous préférons la souplesse à n'importe quel système de déclenchement automatique de l'intervention.
Je vais à présent demander à M. Thompson de vous parler plus en détail des procédures d'intervention.
M. Thompson: Je dois commencer par les échelles. L'attribution d'un échelon, à une institution donnée, dépend grandement du jugement que le surintendant porte relativement aux normes de capitalisation, à la capacité de l'institution de réaliser ce capital si sa rentabilité ou sa capitalisation sont insuffisantes, au rôle des paliers de gestion, à celui du conseil d'administration, aux questions touchant à l'administration de la société, à sa capacité d'accéder aux marchés de capitaux et à bien d'autres aspects encore.
Le sénateur Perrault: Donc, on tient compte de tous ces facteurs?
M. Thompson: Tous sont pris en compte.
Mais le classement d'une institution en fonction de ces échelons dépend en grande partie de sa capacité de se sortir du problème qu'elle rencontre. Dans les lignes directrices régissant notre intervention, vous constaterez qu'il est souvent fait allusion aux plans d'entreprise. Il s'agit en fait des plans de reconstruction que l'institution adopterait d'elle-même pour régler le problème financier auquel elle est confrontée.
Bien sûr, au bas de l'échelle, on a affaire à des institutions ayant tout essayé, mais n'ayant pas réussi à résoudre leurs problèmes financiers. En règle générale, on leur demande alors d'augmenter leur capital.
Le sénateur Perrault: Ce serait un test sur lequel tout repose?
M. Thompson: Oui, et le facteur déterminant serait le marché, si je puis dire, parce que nous aurions alors déclaré que l'institution est en très mauvaise posture financière.
Le sénateur Perrault: Ce serait alors au tour du marché de se prononcer.
M. Thompson: Exactement. Nous saurions quel genre de remède il faudrait appliquer. Mais avant cela, nous aurions suivi toute une procédure pour nous permettre de nous faire une bonne idée de la capacité de l'institution en question de redresser sa situation financière.
Le sénateur Perrault: M. Le Pan, à la page 2 de votre mémoire, vous dites une chose avec laquelle nous sommes tous d'accord:
Que les données dont les intermédiaires spécialistes ont besoin pour formuler des opinions avisées sur la santé d'une institution financière soient recensées et publiées rapidement...
Qui sont ces intermédiaires spécialisés et quel genre de compétences professionnelles doivent-ils posséder? Nous pouvons tous être d'accord avec une telle déclaration, mais rien ne nous garanti que leurs opinions seront avisées.
M. Le Pan: Non, mais dans une certaine mesure, c'est aux risques de l'acheteur. Le groupe auquel nous pensions ici comprend les agences de notation et les spécialistes de l'analyse, autrement dit les banques d'investissement qui coiffent les institutions et publient les rapports. Dans certains cas, il peut fort bien s'agir de gens gérant un fonds commun qu'ils auront investi dans ces institutions et qui n'est pas entièrement garanti par l'assurance-dépôt.
Le sénateur Perrault: Et puis, ça aiguise les esprits.
M. Le Pan: Très certainement. Ceux qui sont chargés d'administrer des fonds communs investis en partie dans des institutions financières ou ceux qui gèrent un groupe d'entreprises pour un employeur peuvent douter de la capacité de l'assureur de régler les sinistres. Si vous êtes un gros employeur, avec plusieurs entreprises dans un même groupe, c'est sans doute un aspect auquel vous devrez vous intéresser.
Le principe intermédiaire se trouve en fait dans le rapport de ce comité. Il est beaucoup plus axé sur la fonction d'analyse.
Il faut également être conscient de l'existence de certains mécanismes permettant la diffusion de ces renseignements à l'extérieur du milieu directement concerné. Tout le monde ne lit pas la rubrique sur les affaires, mais il y en a beaucoup plus qui le font qu'on ne compte d'intermédiaires spécialises, d'après la définition que j'en donne.
Le sénateur Perrault: Il y a plus de 10 ans?
M. Le Pan: Oui. Il arrive qu'on apprenne la situation économique déplorable d'une institution financière en lisant les pages spécialisées des journaux, avant même que celle-ci ne soit fermée. Si je me fie à mon expérience des 10 ou 15 dernières années, nous n'avons eu que très peu de véritables surprises dans ce domaine.
Voilà, c'est cela la notion d'intermédiaire spécialiste. Cependant, en plus des intermédiaires, il y a les gens qui sont chargés, pour d'autres, de gérer des fonds, des assurances et des entreprises, et nous leur fournissons plus d'informations.
Je me souviens également que quelques municipalités ont été entraînées dans la fermeture de deux ou trois banques, au milieu des années quatre-vingts. Si vous êtes trésorier d'une municipalité importante et que vous ne vouliez pas compter sur une agence de notation, ni sur personne d'autre pour contrôler la situation, eh bien, si vous avez d'importants fonds d'investis, nous vous donnerons les instruments nécessaires pour vous faire vous-même une idée de la situation. Quand on parle de fournir plus d'information, c'est pour protéger et pour aider les gens.
Le sénateur Perrault: C'est encourageant.
Le sénateur Stewart: J'ai une question ou deux au sujet de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, qui est proposée. Comment celle-ci va-t-elle fonctionner pour éviter les dangers systémiques? Il est beaucoup question ici de recueillir l'information. Cependant, au-delà de la question de l'accès à l'information dans le cas des banques, quand on craint un risque systémique, quelles dispositions permettront d'éviter que ce genre de risque ne se concrétise?
M. Charles Freedman, sous-gouverneur, Banque du Canada: Comme vous l'avez dit, nous commencerons par nous intéresser aux systèmes de compensation et de règlement des paiements. La loi dispose que la Banque du Canada puisse obtenir les renseignements nécessaires qui nous permettront de déterminer quels systèmes risquent de présenter des risques systémiques pour le système financier.
Nous ne pensons pas que les systèmes de compensation et de règlement des paiements susceptibles de présenter un risque systémique sont nombreux. Il est beaucoup plus question ici d'une situation où la faillite d'un participant du système risquerait d'occasionner un effet domino. Il pourrait, dans sa chute, entraîner d'autres systèmes.
À cet égard, nous nous proposons de travailler en étroite collaboration avec ces systèmes afin de nous assurer que leur structure est telle que les risques découlant d'une faillite puissent être limités ou contrôlés. Je vais vous citer le cas de trois systèmes, parce qu'il se trouve que nous avons collaboré étroitement avec eux en préparation de cette loi. D'abord, l'important système de transfert de valeurs, mis sur pied par l'Association canadienne des paiements, et qui est un système de règlement des paiements. Deuxièmement, il y a le système de compensation de la dette, où l'on retrouve la dette du gouvernement du Canada, c'est celui de la Caisse canadienne de dépôt des valeurs. Troisièmement, je vais vous parler d'un système en cours d'élaboration, baptisé Multinet, et qui est un système de compensation et de règlement des taux de change. Tous ces systèmes sont très semblables, en ce sens que de grandes quantités d'argent y transitent régulièrement.
Pour chaque système, nous avons tenu le raisonnement suivant. Supposons qu'un participant très important, comme une grande banque, fasse faillite. Quel effet cela aurait-il sur la capacité du système en question de compenser et de régler les paiements?
On a assisté à de nombreux développements, partout dans le monde, dans ce sens. Tous les systèmes ont leur propre plafond visant à limiter les risques que chaque institution pourrait faire courir à l'ensemble du système. Les institutions ont adopté des lignes de crédit bilatérales gråce auxquelles chacune a la capacité de limiter le risque qu'elle court à cause du système. Et puis, chaque institution doit offrir des garanties. Avec tout cela, nous sommes relativement conscients que, même en cas de faillite d'une grande institution -- en cas de faillite de ce que nous appelons le plus important participant net du système --, les pertes ne feraient pas basculer les autres participants ni les systèmes.
Plus encore, si un système ne présente pas des clapets de sécurité que nous jugeons satisfaisants, la loi donne à la banque le pouvoir d'émettre une directive pour contraindre le système -- que ce soit au niveau du centre de compensation ou, s'il n'y en a pas, du système des participants -- de cesser de faire courir au système un risque dû à la conduite d'activités susceptibles d'occasionner un risque systémique.
Le sénateur Stewart: Et quelle est la clause-dispositif dans ce cas?
M. Freedman: L'article 6, et cette directive ne vise que les systèmes désignés, c'est-à-dire les systèmes importants où l'on peut retrouver un risque systémique.
Le sénateur Stewart: Et combien d'années-personnes la banque devra-t-elle mobiliser pour l'administration de cette loi?
M. Freedman: Nous avons déjà plusieurs personnes qui travaillent dans ce domaine, parce que nous nous occupons déjà du système financier et de ce genre de systèmes de compensation et de règlement des paiements. Mais disons, une ou deux années-personnes. La loi nous permet d'imposer des frais aux systèmes de compensation et de règlement des paiements, au titre des coûts que nous subirons.
Le sénateur Stewart: Très intéressant! Quand les choses seront en place, il serait bon de faire venir ces gens pour savoir comment cela fonctionne.
Le président: Bien pensé.
J'ai trois ou quatre questions à vous poser sur des sujets différents. Je vais commencer par le système de règlement des paiements.
Monsieur Freedman, est-il raisonnable de supposer que, ce projet de loi donnant un rôle accru à la Banque du Canada en matière de système de règlement des paiements, il nous annonce en fait que la banque sera appelée à jouer un rôle de plus en plus important à cet égard?
M. Freedman: Je ne pense pas qu'on puisse tirer cette conclusion. La situation des systèmes de compensation et de règlement des paiements est tout à fait particulière.
La Banque du Canada s'est toujours préoccupée de l'intégrité du système financier et de sa capacité de résister aux chocs. Cet aspect est devenu de plus en plus important au cours des 10 à 15 dernières années. En fait, je dirais que ça remonte à l'époque du krach boursier de 1987, après que le président de la New York Fed eut prévenu les gens du risque potentiel que présentaient ces systèmes de compensation et de règlement des paiements.
Le nombre de faillites d'institutions financières a considérablement augmenté. La mise sur pied du système a fait que le risque est maintenant concentré au niveau de ces systèmes.
Étant donné le resserrement incroyable des relations entre les institutions qui achètent et celles qui vendent, nous craignons de plus en plus l'apparition de risques systémiques, au cas où quelque chose irait de travers. Si les gens se fient à certains éléments du système -- par exemple, la symétrie -- pour se protéger contre les risques qu'ils entrevoient, et s'il s'avère que la symétrie n'est pas correctement ancrée dans le droit, alors il y aura un risque dont les gens ne seront pas au courant.
Au cours des dernières années, nous avons entrepris un grand nombre d'initiatives sous l'égide des gouverneurs du G-10 -- autrement dit le groupe des 10 pays, et plusieurs de ces initiatives ont été publiées par la banque des règlements internationaux --, axées sur ce genre de risques, à l'échelle nationale comme à l'échelle internationale. Le Canada n'est pas le seul à se préoccuper de ce genre de situation, tous les grands pays s'en inquiètent aussi. Les risques échappent au phénomène des frontières. Dans le passé, nous n'avons pas participé autant que nous l'aurions dû à ce que vous pourriez appeler le système de règlement des paiements au détail.
Le président: Je comprends. Dans ma question, j'exprimais le souhait que vous commenciez à vous orienter dans ce sens.
M. Freedman: Nous devrons attendre et voir ce qu'il va advenir. Personnellement, je n'aurais pas tirer cette conclusion. C'est que les banques centrales sont particulièrement préoccupées par ces grands systèmes de compensation et de règlement des paiements.
Le président: Si le système de règlement des paiements canadien devait être ouvert -- et nombre de sources font pression en ce sens, ce que plusieurs membres de ce comité ont semblé approuvé à plusieurs reprises --, cette ouverture pourrait-elle être le fait du ministère ou celui de la banque?
M. Le Pan: La question du système de règlement des paiements est complexe, comme vous les savez et comme s'en rendent compte les autres membres du comité. Ce faisant, personnellement, je ne pense pas qu'il soit possible de faire la part des responsabilités entre le ministère, la banque et, en ce qui nous concerne, le BSIF.
Le président: Je serais très heureux que vous nous fournissiez une réponse conjointe et solidaire.
M. Le Pan: J'y viens. La question de l'accès à l'information, à laquelle vous faites allusion, pose un problème sur le plan de la politique publique, de la compétitivité et ainsi de suite, pour le système en général. D'un autre côté, je ne pense pas qu'il serait souhaitable d'agir, si nous devions effectivement agir, d'une façon qui risquerait d'augmenter le risque systémique. Cela ne revient pas à dire qu'on ne peut intervenir, mais on doit beaucoup plus le faire de façon conjointe et solidaire que de façon isolée, en jouant telle solution contre tel autre.
Le président: Si je vous comprends bien, vous dites que si le comité, dans sa sagesse, devait décider de tenir des audiences spéciales sur le système de règlement des paiements, en tant que sujet distinct, nous devrions accueillir les représentants des trois organisations et non d'une seule. C'est cela?
M. Le Pan: C'est cela.
M. Freedman: Je dois ajouter qu'à l'occasion de la préparation de cette loi et lors du traitement de ces questions financières complexes, les quatre organismes -- c'est-à-dire le ministère des Finances, la Banque du Canada, le BSIF et la SADC -- ont collaboré étroitement, dans toute une variété de situations et à plusieurs échelons de la hiérarchie, du niveau le plus élevé à notre niveau, le niveau de travail.
Le président: Vous risquez fort d'entendre parler de nous à ce propos.
Au sujet des conditions énoncées pour fixer les primes fondées sur les risques, est-ce que je me trompe en disant qu'en soi, la taille de l'institution ne devrait pas avoir d'importance? D'aucuns estiment, et je suis parfait désaccord avec eux, que les petites institutions présentent plus de risques que les grosses. Ai-je raison de dire que la taille n'est pas un facteur?
M. Le Pan: Oui.
Le président: Pourquoi le projet de loi permet-il à la SADC d'emprunter maintenant auprès d'autres sources que le Trésor? Est-ce que vous lui imposez des intérêts trop élevés?
M. Le Pan: La plupart des sociétés d'État peuvent emprunter sur le marché privé. On a adopté comme politique de les encourager à emprunter sur le marché, en partie pour des questions de reddition de comptes relativement aux coûts réels de leur exploitation. La SADC est au nombre des quelques organismes d'État qui n'a pas ce pouvoir, et je ne parle pas de ce qui se passe dans la pratique.
En outre, le gouvernement a annoncé, à l'époque de la parution du livre blanc, qu'il avait l'intention de facturer certains coûts à la SADC au titre de l'utilisation de son nom, autrement dit en retour de la garantie qu'il lui confère. Je pense que la nouveauté du projet de loi découle de ce genre de politique générale. Il s'est également posé la question de l'équité envers une société de compensation du secteur privé qui devrait éventuellement emprunter à un taux supérieur à celui pratiqué dans le secteur privé, sans bénéficier de la garantie du gouvernement. Je pense que cet aspect a pesé dans la décision de permettre à la SADC d'emprunter sur le marché et de lui facturer, en retour, des frais au titre de la garantie.
La SADC pourra continuer d'emprunter à court terme auprès du Trésor, surtout parce qu'elle doit pouvoir assez vite disposer de fonds relativement importants pour être en mesure d'intervenir quand une institution financière est en difficulté. Dans cette situation, il serait inconvenant de l'obliger à emprunter sur les marchés privés, du moins pour le court terme. En revanche, elle pourrait toujours, par la suite, se tourner vers ces mêmes marchés privés pour convertir l'emprunt.
Le président: J'ai une dernière question. Comme vous le savez, ce comité s'intéresse depuis longtemps aux renseignements que les institutions financières doivent rendre publiques. Le projet de loi prévoit que c'est le règlement découlant de la loi qui établira le genre d'informations que les institutions financières devront rendre publiques. Je me suis laissé dire que l'industrie et la fonction publique sont en discussion à propos de ce règlement. J'ai une question à deux volets. D'abord, pensez-vous parvenir à réaliser l'accord de tous les segments de l'industrie sur ce que devrait être ce règlement? Deuxièmement, celui-ci sera-t-il ensuite déposé auprès du comité?
M. Le Pan: Vous me posez plusieurs questions ici. D'abord, comme je l'ai dit plus tôt, tout ce qui découlera du mécanisme de divulgation renforcé ne sera dû qu'en faible partie au règlement, puisque ce mécanisme est déjà en vigueur par le truchement des renseignements que le BSIF recueille depuis le premier trimestre de cette année. Mais il y en a une partie qui sera tout de même due au règlement.
Le sénateur Angus: Cela a déjà commencé?
M. Le Pan: Nous disposons déjà de l'autorité nécessaire à cette fin.
Le président: Tout cela se rapporte aux discussions qui ont suivi la publication d'un autre rapport, après quoi nous avons eu un long entretien avec le surintendant, à cette tribune, sur le même sujet.
M. Le Pan: Cette question est en partie réglée. L'aspect juridique l'est. Tout a été réglé d'une façon ou d'une autre et les choses se poursuivent.
Le sénateur Angus: Bien.
M. Le Pan: Dans l'autre partie de votre question, vous vouliez savoir si nous avions réalisé le consensus parmi les institutions. Je dirais que, sur la plupart des plans, nous sommes parvenus à ce que j'appellerais un modus vivendi raisonnable. Les grandes lignes de ce que le gouvernement estimait nécessaire de divulguer sont énoncées dans les annexes du Livre blanc. Nous avons apporté quelques changements en cours de route quand les institutions nous ont opposé des raisons valables à certaines facettes de la divulgation. Je crois qu'elles sont assez satisfaites. Mais certains aspects sont encore en suspens. Par exemple, l'Institut canadien des actuaires et l'ICCA travaillent d'arrache-pied à la formulation d'une proposition relative à la divulgation des renseignements, vue sous l'angle actuariel, ce qui représente un enjeu de taille. On recense par ailleurs quelques propositions très détaillées qui devraient pouvoir être mises en oeuvre vers la fin de l'année ou tout au début de l'année prochaine. Il ne sera peut-être pas nécessaire de les traduire en règlements, si nous sommes satisfaits de ce que l'ICCA et l'Institut canadien des actuaires envisagent pour leur pratique respective. Enfin, certaines parties de ce mécanisme de divulgation renforcé seront visées par le règlement.
Si le comité est intéressé par les différentes facettes du régime de la divulgation, par tous les aspects traités dans le règlement, je serais très heureux de vous les communiquer, dès qu'ils auront été couchés sur papier, mais nous nous proposons, en outre, de regrouper, plus largement, tous les autres éléments tout aussi importants que celui-ci, comme je le disais plus tôt. Je serais très heureux de travailler à cela, si tel est le souhait du comité.
Le président: Plus tard. J'aimerais être mis au courant de tout le processus que vous suivrez mais, plus tard, je pense que nous aurons besoin d'un tel document parce que c'est là une question qui préoccupe le comité depuis quelque temps.
Je ne peux résister à la tentation de commenter le dernier point qu'a soulevé le sénateur Stewart à propos de l'intérêt public. Je pense que je vais faire circuler auprès de tous les membres -- et même mieux, auprès des avocats de la fonction publique, car je partage la préoccupation du sénateur -- une merveilleuse communication écrite, vieille de près de 20 ans, du professeur Bill Stanbury, de l'école de commerce de l'UBC, et dans laquelle il fait état de 30 définitions différentes de l'intérêt public, de Platon à nos jours. La seule conclusion raisonnable qu'on peut tirer de la lecture de ces définitions et de la façon dont elles ont été utilisées, c'est que l'expression «intérêt public» peut signifier à peu près n'importe quoi pour n'importe qui, dans n'importe quelle circonstance.
Je partage le point de vue du sénateur Stewart quand il dit que l'inclusion de la notion d'«intérêt public» dans une mesure législative revient à donner une carte blanche. Mais je ne suggère pas que l'on modifie cela dans la loi.
Le sénateur Angus: Ce ne serait pas dans l'intérêt public.
Le président: Cette disposition confère sans doute un maximum de souplesse aux décisionnaires.
M. Le Pan: Oui, mais tout se trouve équilibrer par la reddition de compte.
Le président: Je comprends. Mais certaines des définitions du professeur Stanbury, vieilles de 2000 ans, demeurent tout à fait valables aujourd'hui.
Le sénateur Stewart: J'ajouterai que le sénateur Allan MacEachen prend sa retraite du Sénat, après une longue carrière publique, et que son université a organisé à cette occasion une conférence sur le thème du bien public à l'aube du troisième millénaire, autrement dit de l'intérêt public. Tous ceux et toutes celles qui désirent obtenir une définition définitive devraient s'organiser pour y participer.
Le président: Pour vous montrer à quel point l'événement échappe aux clivages politiques, il se déroule à St. Francis Xavier qui, comme chacun sait, a exercé une attraction modeste sur certains membres du Parti conservateur.
Je tiens à remercier les témoins pour leur comparution.
Chers collègues sénateurs, allons-nous passer à l'étude article par article ou allons-nous en dispenser pour formuler une simple motion visant à renvoyer le projet de loi non modifié au Sénat?
Des voix: D'accord.
Le président: Je considère donc qu'une motion en ce sens est acceptée.
La séance est levée.