Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 8 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 24 septembre 1996
[Traduction]
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Conseil canadien des normes, se réunit aujourd'hui à 10 heures pour en faire l'examen.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui des représentants du ministère de l'Industrie qui témoigneront sur le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Conseil canadien des normes. Je demanderai aux témoins de prendre la parole.
M. Robert Main, directeur, Direction des affaires réglementaires et de la politique des normes, Régie d'entreprise, Secteur de la politique industrielle et scientifique, ministère de l'Industrie: Monsieur le président, je décrirai brièvement les principaux éléments du projet de loi à l'intention du comité.
Pour vous situer un peu le contexte, le nouveau président du Conseil canadien des normes a été chargé par le ministre de l'Industrie de revoir la mission et la structure du Conseil des normes en octobre 1994. Des consultations publiques ont eu lieu d'un bout à l'autre du pays en janvier 1995. Ces consultations ont permis de constater un vaste appui pour la consolidation du mandat du Conseil des normes, et plus particulièrement pour élargir ses attributions et alléger sa structure.
Les principales dispositions du projet de loi visent à moderniser les attributions et les pouvoirs du conseil, à en rationaliser la structure, à veiller à ce que les membres du conseil soient compétents et représentent le plus large éventail d'intérêts possible, à établir des structures pour soutenir la participation des gouvernements provinciaux et des organismes d'élaboration de normes ainsi qu'à apporter divers changements de régie interne.
Pour ce qui est de moderniser ou de redéfinir les attributions et les pouvoirs du conseil, cette mise à jour élargit sa mission afin qu'elle englobe tous les domaines de la normalisation. Dans le cadre de cette mission, le conseil est particulièrement chargé d'encourager la participation d'un nombre accru de bénévoles canadiens aux activités de normalisation, de promouvoir la communication entre les gouvernements et le secteur privé, de coordonner les efforts des intervenants et des organismes qui participent au système national de normes, de favoriser la qualité, le rendement et l'innovation technologique en ce qui concerne les produits et services canadiens grâce à des initiatives de normalisation et d'établir des stratégies et des objectifs à long terme.
La rationalisation du conseil réduit le nombre des membres du conseil, qui passe de 57 à 15. Il comptera 11 représentants du secteur privé, un représentant du gouvernement fédéral, deux représentants des provinces et des territoires et un représentant des organismes d'élaboration de normes sans droit de vote.
Afin que les compétences au conseil soient aussi vastes que possible, le projet de loi prévoit que les membres doivent représenter un large éventail d'intérêts. Lorsque nous parlons de membres du secteur privé au sein du conseil, nous incluons les représentants d'organisations qui représentent entre autres les consommateurs et les travailleurs. Il s'agit simplement d'organisations non gouvernementales. Elles doivent posséder les connaissances ou l'expérience nécessaires pour aider le conseil à remplir sa mission.
Le projet de loi crée officiellement deux comités consultatifs au sein du nouveau conseil des normes. Il s'agit d'un comité provincial-territorial auquel chaque province et territoire pourra nommer un représentant et dont les membres choisiront leur propre président et leur propre vice-président qui deviendront automatiquement membres d'office du conseil. Le deuxième comité est le comité consultatif des organismes d'élaboration de normes auquel les cinq organismes d'élaboration de normes pourront nommer un représentant. Son président, nommé par les membres, sera membre d'office du conseil sans droit de vote.
Le projet de loi apporte également divers changements de régie interne destinés entre autres à modifier les titres, à mieux définir le rôle du président du Conseil des normes et à préciser que les réunions du conseil peuvent prendre la forme de téléréunions et n'ont pas nécessairement à avoir lieu à Ottawa.
Le libellé de la loi a été modernisé et on a corrigé certains problèmes que présentait l'ancienne loi au niveau de la concordance des versions française et anglaise.
Voilà qui résume la loi que vous avez devant vous.
Le président: Je vous remercie, monsieur Main. J'aurais quelques questions avant de céder la parole à mes collègues.
Lorsqu'il y a compression des effectifs -- dans ce cas je crois que votre effectif est passé de 57 à 15 -- un certain nombre de groupes, de particuliers, de gouvernements, ne sont plus représentés. Qui sont les perdants dans ce cas-ci?
M. Main: Au risque de paraître désinvolte, je ne crois pas qu'il y ait vraiment eu de perdants. Nous avions de très nombreux membres par le passé qui ne représentaient pas vraiment de groupe d'intérêt en particulier. Nous voulons nommer au nouveau conseil des membres qui possèdent une solide expérience, jouissent d'une bonne réputation dans leur domaine de travail et qui représentent tout un éventail d'intérêts, tant des milieux d'affaires que d'autres secteurs de la société.
Le président: Comment sont nommés les membres?
M. Main: Par décret du conseil.
Le président: Comme on le faisait auparavant.
M. Main: Oui.
Le président: Si vous avez besoin d'un représentant des consommateurs, par exemple, est-ce le gouvernement qui le choisit ou est-ce que le gouvernement s'adresse à une association de consommateurs pour qu'elle lui propose un candidat? Quel est le processus?
M. Main: Aucun processus particulier n'est prévu. En fait, parfois, le gouvernement s'adresse aux organisations pour qu'elles lui proposent des candidats. Dans d'autres cas, il fait des propositions aux organisations pour voir comment elles sont accueillies.
Le sénateur Meighen: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Main, ainsi qu'à votre collègue.
J'aimerais connaître l'opinion du ministère concernant certains éléments qui sont absents du projet de loi, d'après ce que je crois comprendre, mais qui ont été recommandés par l'Association canadienne de normalisation lorsque le projet de loi a été présenté au comité de la Chambre. Je pense qu'on voulait entre autres que le projet de loi prévoit un examen quinquennal pour s'assurer que le conseil et le système national de normes demeurent pertinents. On voulait également que le projet de loi mentionne explicitement le rôle du conseil dans la promotion de l'harmonisation de l'accord sur le commerce intérieur. Cet accord est précisément l'un des derniers points dont nous avons traité avant le congé d'été et a fait l'objet de réserves de la part de certains membres du comité qui trouvent qu'il ne contient pas grand chose et se demandent s'il sera un outil efficace.
Dans le cadre de votre mission, il est prévu que vous devez contribuer à l'harmonisation du commerce. J'aimerais savoir si vous estimez posséder les outils nécessaires pour accomplir ce travail.
M. Main: Cela dépendra surtout des gens qui seront nommés au nouveau conseil puisque ce seront eux les outils en quelque sorte. Comme je l'ai dit plus tôt, l'objectif est de faire appel à des gens dont l'expérience et les connaissances sont suffisamment vastes pour qu'ils puissent nous faire profiter de leurs réflexions sur ce genre de questions.
Je dois avouer que par le passé, le conseil a surtout mis l'accent sur l'aspect administratif, c'est-à-dire l'administration du système de normes, l'accréditation des organisations de normes et ce genre de chose. Il existe au sein du conseil des fonctionnaires qui sont capables de s'occuper d'une bonne partie de ces tâches.
Nous espérons que la mission élargie du conseil lui permettra de mettre l'accent sur ce type même de questions de fond, de présenter des propositions, de dialoguer avec les gouvernements à tous les paliers au pays, de rassembler ce genre d'idées et d'exercer une influence dans ces domaines. C'est pourquoi nous avons inclus dans sa mission cette mention du commerce intérieur.
Le sénateur Meighen: Cependant, pour le meilleur ou pour le pire, vous n'avez aucun pouvoir au niveau de la mise en application, n'est-ce pas?
M. Main: Je pense que nous pouvons influencer le conseil. Un représentant de notre ministère fait partie du Conseil. Il s'agit du sous-ministre adjoint de l'Industrie et de la politique scientifique, d'Industrie Canada. Nous continuerons, comme par le passé, à présenter des recommandations qui pourront être transmises au conseil par son entremise. Il y a également l'autorité ministérielle.
Le sénateur Meighen: Et la disposition relative à l'examen du Conseil?
M. Main: C'est une possibilité que nous avons envisagée. Quant aux réserves concernant l'ajout d'une disposition prévoyant un examen, nous estimons que l'examen que nous avons effectué en janvier 1995 a eu beaucoup de succès. Nos réunions un peu partout dans le pays ont attiré beaucoup de gens et beaucoup de gens ont également répondu au long questionnaire qui leur a été envoyé. Nous sommes satisfaits des résultats et nous considérons qu'il s'agit d'une bonne initiative, qui vaut la peine d'être répétée périodiquement. Cependant, si on commence à imposer des délais bien précis, on se heurte à une foule de problèmes comme les élections, par exemple. C'est pourquoi nous avons hésité à imposer des délais aussi rigides.
Le sénateur St. Germain: Vous dites que la mission élargie du nouveau conseil vous permettra d'améliorer la situation du commerce international et national?
M. Main: Oui.
Le sénateur St. Germain: Pouvez-vous expliquer comment la compression des effectifs vous donnera plus d'impact et d'influence à cet égard?
M. Main: Oui. Auparavant, nous avions environ 41 membres provenant du secteur privé, ce qui est beaucoup. Si on y ajoute les représentants du gouvernement, cela portait le nombre des membres à 57. Il est plutôt difficile pour un conseil de cette taille de discuter en profondeur de questions de principe en vue de formuler des recommandations pratiques. À l'heure actuelle, nous faisons un effort concerté pour trouver des candidats à nommer au nouveau conseil, des personnes haut placées dans le secteur des affaires et dans d'autres secteurs de la société, des personnes qui possèdent de l'expérience que ce soit en affaires, au gouvernement ou dans le secteur bénévole et qui ont l'habitude de traiter de questions de fond à un niveau supérieur.
Nous avons rédigé l'énoncé de la mission du conseil afin de mettre l'accent sur un certain nombre de questions dont nous voulions que s'occupent les membres nommés au conseil. Nous espérons qu'un grand nombre des fonctions purement administratives du Conseil des normes seront confiées au personnel du conseil.
Le sénateur St. Germain: Êtes-vous en train de dire que vous voulez en faire un club plus exclusif de manière à attirer des gens de plus haut calibre?
M. Main: Je pense qu'il serait préférable de dire que nous voulons un conseil dont l'orientation est mieux définie.
Le sénateur Meighen: La rémunération des candidats est-elle la même que celle des membres du conseil précédent?
M. Main: C'est exact.
Le sénateur Meighen: Donc il s'agit essentiellement de bénévoles?
M. Main: C'est exact.
Le sénateur Meighen: Je constate que 51 p. 100 de votre budget, si je ne me trompe pas, provient des crédits du gouvernement.
M. Main: C'est exact.
Le sénateur Meighen: D'où provient l'autre 49 p. 100?
M. Main: Il provient du recouvrement des coûts pour les activités du conseil, la production de documents et ce type de service.
Le sénateur Meighen: Est-ce un chiffre approximatif ou est-ce un chiffre assez ferme?
M. Main: C'est un chiffre assez ferme pour l'instant, qui fluctue avec le temps. Je ne pourrais pas vous dire avec certitude s'il est déjà arrivé que la totalité de notre budget provienne de crédits parlementaires.
Michael McSweeney, qui est assis derrière moi, pourrait peut-être répondre à cette question. Il est le directeur exécutif du conseil. Les crédits parlementaires ont diminué proportionnellement aux recettes du Conseil des normes.
Le sénateur Meighen: La réduction des crédits vous incite sans doute à faire davantage appel au recouvrement des coûts.
M. Main: C'est exact.
Le sénateur Meighen: On vous demandera peut-être comment cela modifie votre rôle. Vous pouvez devenir un très bon organisme de surveillance, très influent, ou peut-être devenir une agence de recouvrement.
Dans le cadre de votre mission, vous pouvez offrir une aide financière aux organisations.
M. Main: Oui.
Le sénateur Meighen: Comment procédez-vous et qui aidez-vous?
M. Main: Le conseil aide des organismes et des particuliers à participer à des activités d'élaboration de normes à l'échelle internationale. Ces activités sont très nombreuses à l'ISO et à la CEI en Europe et les Canadiens y participent. Très souvent, les représentants de certains organismes comme les organismes de protection du consommateur par exemple n'ont pas beaucoup de revenus et le conseil les aide à participer à ce genre d'initiatives.
Le sénateur Meighen: Est-ce que cela consiste entre autres à payer leur billet d'avion?
M. Main: C'est exact, ou à y contribuer.
Le sénateur Kenny: J'aimerais des renseignements de nature plus générale. Pouvez-vous nous décrire le rapport qui existe entre l'élaboration de normes au Canada et cette activité dans d'autres pays. Comment cela influe-t-il sur le commerce? Plus précisément, je songe à la taille de notre marché par rapport à celle du marché américain. Si un produit est homologué aux États-Unis, cela signifie-t-il que nous allons automatiquement l'accepter? Acceptons-nous les normes d'autres pays? Est-ce que d'autres pays acceptent les nôtres? Comment fonctionne le système?
M. Main: Le système de normes est en train de se mondialiser très rapidement. Je crois que les avantages de la normalisation en matière de commerce sont bien connus. Si vous pouvez prouver que votre produit répond à la norme exigée dans le pays où vous voulez le vendre, vous avez alors un pied dans la place.
Très souvent, la question n'est pas simplement de savoir si nous acceptons les normes d'autres pays ou si les autres pays acceptent les nôtres. Il faut examiner les règlements. Lorsque les normes sont prescrites par voie de règlement, cela indique souvent qu'il pourrait y avoir entrave au commerce.
Prenons l'exemple de la sécurité en matière d'électricité au Canada. Il existe un code de l'électricité, qui comprend une série de normes dont la plupart ont par le passé été élaborées au Canada. De plus en plus, nous sommes en train d'adopter des normes internationales et de les intégrer au code du Canada. Les gouvernements provinciaux sont responsables de la réglementation de la sécurité en matière d'électricité. Ces règlements exigent que tout produit vendu dans une province en particulier réponde aux normes du code de l'électricité du Canada. Il peut s'agir de normes canadiennes; il peut s'agir de normes internationales. Enfin, il y a le système qui sert à déterminer si un produit satisfait réellement à cette norme.
Vous avez sans doute tous vu le sceau de l'Association canadienne de normalisation apposé sur un grand nombre d'appareils électriques. L'Association canadienne de normalisation est accréditée par le Conseil des normes pour attester que ces produits satisfont à ces normes.
Les organismes de réglementation ont l'assurance qu'un produit est homologué de façon fiable dans le cadre du programme d'accréditation du Conseil des normes. C'est un processus qui s'apparente à la vérification. Il permet de s'assurer que l'Association canadienne de normalisation fait ce qu'il faut, administre ses activités de manière à ce qu'on puisse se fier à son jugement lorsqu'elle détermine qu'un produit satisfait à une norme.
Depuis la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, le Conseil des normes accrédite des organismes d'homologation des États-Unis et peut-être du Mexique en vertu de l'ALÉNA. Un producteur aux États-Unis pourrait faire homologuer son produit par les Laboratoires des assureurs pour les États-Unis et pour le Canada. Ou il pourrait encore le produire au Canada ou le faire homologuer par l'Association canadienne de normalisation pour les États-Unis et le Canada ou, dans l'un ou l'autre pays, ce produit pourrait être homologué par l'organisation de l'autre pays pour sa vente dans les deux pays. Il y a beaucoup d'intégration de part et d'autre.
Pour ce qui est de l'élaboration des normes, il faut d'abord déterminer s'il y a lieu d'établir une norme pour un produit ou un service donné. La règle actuelle veut que l'on détermine d'abord s'il existe une norme internationale que nous pouvons adopter. Personne n'élabore de nouvelles normes à moins que cela soit nécessaire. S'il est impossible d'adopter ou d'adapter une norme internationale, alors, en dernier recours, on élabore sa propre norme. Il y a deux raisons à cela. La première, c'est le coût de l'élaboration de normes. C'est un processus très coûteux qui fait appel à un comité, ce qui prend beaucoup de temps, exige de nombreuses discussions et de nombreux déplacements. La deuxième, c'est que des normes élaborées de façon unilatérale par différentes administrations peuvent se transformer en obstacles commerciaux.
Le président: Vous venez d'aborder un aspect qui pourrait donner lieu à des discussions très intéressantes.
Le sénateur St. Germain: Lorsque je construisais des maisons, la SCHL exigeait toujours que soit apposé le sceau de la CSA. Est-ce qu'ils accepteront désormais le sceau des Laboratoires des assureurs?
M. Main: Je le crois.
Le sénateur St. Germain: Sont-ils désormais transférables, si c'est le terme exact?
M. Main: Les homologations peuvent être effectuées par les Laboratoires des assureurs. Si un produit doit être homologué selon une certaine norme, la SCHL exigera qu'il soit homologué par une organisation accréditée par le Conseil des normes du Canada.
Le sénateur St. Germain: Donc vous acceptez maintenant l'homologation des Laboratoires des assureurs?
M. Main: Oui, les Laboratoires des assureurs sont accrédités.
Le sénateur Kenny: Est-ce uniquement pour l'homologation? Si le produit porte ce sceau, est-ce suffisant, ou est-ce seulement pour l'homologation?
Je vois M. McSweeney qui hoche la tête.
M. Main: Mon collègue semble avoir un point de vue différent. Vous pourriez peut-être inviter Michael McSweeney à donner plus de précisions. Le CCN accrédite des organismes d'homologation des États-Unis.
Le président: J'aimerais qu'on évite d'utiliser des acronymes afin de ne pas compliquer la tâche des sténographes.
Monsieur McSweeney, vous pouvez vous approcher.
Les questions générales auxquelles nous aimerions avoir des réponses sont essentiellement les suivantes: vous avez un conseil qui a pour mandat d'accréditer un organisme, dans ce cas-ci l'ACS, qui, en théorie, établit les normes, n'est-ce pas?
M. Main: Les tâches du conseil sont nombreuses. Il accrédite les organismes qui élaborent des normes et qui homologuent les produits, de même que les laboratoires qui effectuent des essais afin de vérifier si les produits sont conforment aux normes établies. Il s'agit-là d'opérations distinctes.
Le président: Sont-ils tous accrédités ou approuvés par le conseil?
M. Main: Oui.
Le président: Est-ce que, dans un sens, vous les «contrôlez», les «gérez»? Ou faites-vous tout simplement les accréditer? Est-ce que le financement pour les essais ou l'élaboration de normes est assuré par le conseil ou par des organismes indépendants du secteur privé que vous avez accrédités?
M. Main: Le financement est fourni par des organismes indépendants du secteur privé qui ont été accrédités par le conseil. Il y a parmi eux des organismes à but lucratif et sans but lucratif.
Le président: Ils ne sont pas administrés par le gouvernement, que ce soit au palier fédéral ou provincial?
M. Main: Certains le sont. Je crois m'être mal exprimé. L'Office des normes générales du Canada, qui a pour mandat d'élaborer des normes, relève du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le Bureau de normalisation du Québec est une société d'État provinciale. Les autres organismes de normalisation au Canada sont indépendants.
Le président: Mais dans tous les cas, ils sont accrédités ou approuvés?
M. Main: Oui, par le Conseil des normes.
Le président: La question du sénateur St. Germain est la suivante: est-ce que les organismes correspondants aux États-Unis sont automatiquement accrédités au Canada dans le cadre de l'ALÉ, et maintenant de l'ALÉNA, et vice-versa?
M. Main: Non. Ils doivent présenter une demande au Conseil canadien des normes et satisfaire nos exigences.
Le président: Leur demande est-elle approuvée automatiquement?
M. Main: Monsieur McSweeney?
M. Micheal B. McSweeney, directeur général, Conseil canadien des normes: Non. La demande n'est pas approuvée automatiquement. Par exemple, nous accréditons uniquement les organismes qui s'occupent de l'essai et de l'homologation des normes, y compris l'ISO 9000, les normes de gestion de la qualité. Nous n'accréditons pas les organismes américains de normalisation, seulement les organismes canadiens.
Le président: Donc, si j'ai bien compris, lorsqu'on établit des normes à l'échelle nationale, on part du principe qu'il n'existe pas de normes internationales?
M. McSweeney: C'est exact.
Le président: Est-ce que la demande d'un organisme d'essai américain est automatiquement approuvé par le conseil?
M. McSweeney: Non. Nous les accréditons et ils effectuent les essais. Nous ne laissons pas leurs produits entrer tout simplement au Canada, comme l'a laissé entendre le sénateur Kenny. Ils effectuent des essais afin de vérifier si le produit est conforme aux normes canadiennes, pas aux normes américaines ou japonaises.
M. Main: Et ils ne sont pas automatiquement accrédités au Canada, tout simplement parce qu'ils l'ont été aux États-Unis. Ils doivent se soumettre au même processus d'accréditation que n'importe quel autre organisme canadien. Ils doivent faire leurs preuves.
Le président: Cela s'applique aussi bien aux essais qu'aux travaux d'homologation.
Le sénateur Kenny: Vous nous dites qu'un produit qui porte le sceau «UL» a été jugé conforme aux normes en vigueur dans un pays quelconque, pas nécessairement aux normes canadiennes. Toutefois, un produit peut être jugé conforme aux normes canadiennes. Il faut lire l'étiquette de plus près afin de vérifier s'il a été déclaré conforme aux normes canadiennes.
M. Main: C'est exact.
M. McSweeney: Aux États-Unis, la plupart des produits portent uniquement le sceau «UL». Si le produit a été testé au Canada et jugé conforme aux normes canadiennes, le sigle «UL» sera précédé d'un petit «c». Si le produit vendu au Canada ne porte que le sceau UL, cela veut dire qu'il est entré ici illégalement et que les inspecteurs n'ont pas bien fait leur travail.
Le président: Est-ce que cela veut dire que le produit est entré illégalement au Canada ou que vous savez que le produit acheté ici est conforme aux normes américaines, mais peut-être pas aux normes canadiennes?
M. Main: C'est cela.
Le président: Ce sont deux choses bien distinctes.
M. Main: C'est exact.
Le sénateur Kenny: Vous ne pouvez pas utiliser ce produit tant qu'il n'aura pas été jugé conforme aux normes canadiennes. Ce n'est pas parce qu'il a été déclaré conforme aux normes mexicaines par les laboratoires UL que vous pouvez l'utiliser au Canada.
M. Main: Les règlements qui permettent d'établir si un produit peut être utilisé au Canada sont appliqués au niveau du détaillant. Sur le plan juridique, cette responsabilité relève des provinces et ces produits ne peuvent être vendus légalement au Canada. Vous pouvez aller aux États-Unis, acheter un grille-pain, le mettre dans le coffre de votre voiture, le ramener au Canada, le brancher et l'utiliser, sans enfreindre aucune loi.
Le sénateur Kelleher: Je sais que, dans le domaine commercial, les normes peuvent servir de barrières non tarifaires.
Je me souviens d'une occasion en Nouvelle-Zélande où l'on m'a dit que le saumon canadien ne pouvait être vendu dans ce pays parce que chaque saumon devait être déclaré exempt de maladie par un vétérinaire, qui devait signer et apposer une étiquette sur le poisson. Il s'agit là d'une barrière non tarifaire.
Lorsque nous sommes confrontés à des cas comme celui-là, quelles mesures, s'il en est, le conseil peut-il prendre pour nous aider à éliminer ces barrières non tarifaires dans le domaine de la normalisation?
M. Main: Nous pouvons avoir recours, entre autres, à l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce de l'OMC. Les contrôles seraient appliqués de gouvernement à gouvernement par le biais de l'OMC ou, dans le cas d'échanges trilatéraux avec les États-Unis et le Mexique, par le truchement de l'ALÉNA. Le Conseil canadien des normes peut fournir au gouvernement des renseignements fort utiles et l'aider à réunir les spécialistes qui seront en mesure de régler ce dossier. Toutefois, il jouerait à ce chapitre un rôle purement consultatif.
Le sénateur Kelly: Est-ce que vous jouez un rôle important dans ce domaine? Est-ce que vous intervenez de votre propre initiative?
M. Main: J'essaie de me rappeler d'un cas où l'obstacle en question était une norme et non pas un règlement.
Le sénateur Kelleher: Il y en a eu quelques-uns avec l'Europe dans le domaine des appareils électriques.
M. Main: C'est possible. Y a-t-il du nouveau dans ce dossier?
M. McSweeney: Nous négocions actuellement avec l'Union européenne en vue de conclure une entente sur les normes de sécurité en matière d'électricité.
M. Main: Autrement dit, même si nous n'avons pas eu de problèmes particuliers à ce chapitre au cours des dernières années, des démarches ont été entreprises en vue d'harmoniser davantage les normes et de faire en sorte que tout le monde applique des normes qui ne correspondent pas en fait à des obstacles. De plus en plus de pays appliquent les normes internationales et reconnaissent les normes élaborées par les autres pays. Il s'agit d'un domaine où le conseil intervient activement.
La sénatrice Hervieux-Payette: Je crois comprendre que les membres du conseil ne sont pas rémunérés. Le poste qu'ils occupent n'est pas rémunéré.
M. Main: C'est exact.
La sénatrice Hervieux-Payette: Donc, c'est au seul chapitre des dépenses que nous réalisons des économies, puisque le nombre de conseillers est ramené de 57 à 15.
M. Main: C'est exact. Les dépenses sont remboursées.
La sénatrice Hervieux-Payette: Que pensent les provinces des mécanismes proposés? Ont-elles été consultées? Ont-elles approuvé les mécanismes qui visent à favoriser leur participation au processus?
M. Main: Oui. Dans chacune des villes où nous avons tenu des consultations, on nous a dit que le conseil devrait comprendre entre 10 et 15 personnes. Nous avons rencontré les représentants provinciaux au sein du conseil et discuté de la question avec eux. Ils ont déclaré que si le conseil voulait être en mesure de tenir des discussions sérieuses et approfondies sur les orientations qu'il doit suivre, il fallait réduire le nombre de membres. Nous avons convenu que le fait d'avoir 12 ou 13 représentants provinciaux ou territoriaux ne constituait manifestement pas une option.
Nous avions l'habitude d'avoir six représentants fédéraux au sein du conseil. Il est important de maintenir une présence provinciale parce que l'application des normes se fait en grande partie à l'échelle provinciale. Nous voulons un système national unifié. Certains ont proposé que l'on revienne au système de représentation proportionnelle qui existait auparavant entre les provinces et le gouvernement fédéral. Ils avaient 10 représentants, nous en avions six. Ils en ont maintenant deux, et le fédéral, un. Le projet de loi prévoit la création d'un comité consultatif sur lequel les provinces exercent un contrôle. Les provinces déterminent qui fait partie du comité et le comité détermine qui les représente au sein du conseil. Elles participeront aux délibérations du conseil.
Au moment de l'élaboration du projet de loi, le ministre a écrit à ses homologues provinciaux pour les informer des changements qu'il comptait proposer. Sept provinces lui ont répondu qu'elles appuyaient sa démarche. Aucune d'entre elle n'a exigé d'avoir un siège au sein du conseil.
La sénatrice Hervieux-Payette: Et le Québec?
M. Main: Le Québec fait partie de ce groupe.
La sénatrice Hervieux-Payette: Voilà de bonnes nouvelles.
Comment administrez-vous les normes obligatoires et volontaires? Est-ce le conseil qui se charge de les faire appliquer?
M. Main: Non. Le Conseil canadien des normes n'applique aucune norme, seulement les critères d'accréditation. Les normes obligatoires constituent tout simplement des normes volontaires qu'un gouvernement, un pays a décidé d'appliquer. Les normes de sécurité en matière d'électricité ont été élaborées de façon volontaire. Les organismes de réglementation ont dit, si vous voulez vendre un appareil électrique sur notre territoire, il doit être conforme à telle ou telle norme. Cette norme est devenue obligatoire, mais ce sont les organismes de réglementation qui se chargent de l'appliquer.
La sénatrice Hervieux-Payette: Il y a peut-être des Canadiens qui ne respectent pas les normes établies. Il y a peut-être aussi des gens qui exportent au Canada des produits qui ne sont pas conforment aux normes. Est-ce que vous interdisez l'entrée de ces produits à la frontière?
M. Main: Non. Prenons par exemple les normes de sécurité en matière d'électricité. Les règlements sont établis à l'échelle provinciale et appliqués par les détaillants. On effectue périodiquement des vérifications afin de s'assurer que les produits sont conformes aux règlements et donc aux normes.
La sénatrice Hervieux-Payette: Les Douanes n'interviennent pas?
M. Main: Elles ne vérifient pas les produits pour voir s'ils sont conformes aux normes. Si un produit dangereux était importé au Canada, je crois que les Douanes interviendraient.
La sénatrice Hervieux-Payette: Prenons l'exemple de pyjamas qui comportent des matières dangereuses. Ils ont l'air bien, mais leur qualité laisse à désirer. Qui va les retirer des tablettes?
M. Main: Un avertissement serait émis aux termes de la Loi sur les produits dangereux, qui est administrée par Santé Canada, et les Douanes se chargeraient d'intercepter le produit.
La sénatrice Hervieux-Payette: Donc, des mécanismes d'intervention sont prévus lorsque la santé des gens est exposée à un danger parce que des normes n'ont pas été respectées?
M. Main: C'est exact.
La sénatrice Hervieux-Payette: Nous avons un rôle à jouer, pas par le biais de votre organisme, mais à un autre palier?
M. Main: Oui, et bien que le conseil des normes applique un système de normalisation volontaire, il constitue un outil d'information important.
La sénatrice Hervieux-Payette: Est-ce que vous participez aux discussions de l'Organisation mondiale du commerce qui portent sur la normalisation? Qui est responsable de ces discussions? Nous savons tous que les normes constituent un des principaux obstacles au commerce.
M. Main: Oui. J'ai parlé plus tôt de l'accord relatif aux obstacles techniques au commerce, qui relève de l'Organisation mondiale du commerce. C'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui est responsable des négociations. Toutefois, le Conseil des normes est appelé à fournir des conseils sur les questions relatives à la normalisation qui sont abordées dans le cadre de ces négociations, ou dans le cadre de négociations bilatérales ou multilatérales.
Le président: Est-ce que l'application des normes relève entièrement des provinces?
M. Main: J'ai parlé des normes de sécurité en matière d'électricité. Les normes peuvent être incluses dans les règlements que le gouvernement fédéral applique, par exemple, aux gilets de sauvetage. C'est la Garde côtière qui serait chargée d'appliquer les règlements relatifs aux gilets de sauvetage. Il existe des normes pour ces gilets. Les règlements préciseraient que ces normes doivent être respectées. Je crois que c'est l'Office des normes générales du Canada qui établit ces normes.
Le président: Donc, en fait, vous n'avez pas vraiment de pouvoir d'intervention. Tout est fonction du secteur dans lequel se trouve le produit?
M. Main: Oui, et de l'organisme de réglementation qui en est responsable. On ne saurait trop insister sur le fait que le Conseil canadien des normes est chargé d'administrer un système de normalisation volontaire. Les gouvernements se servent des normes pour établir des règlements. C'est plus simple. C'est plus facile pour les entreprises de se conformer à ces règlements parce qu'elles ont participé à l'élaboration des normes. Toutefois, ils demeurent responsables de l'application des règlements.
La sénatrice Hervieux-Payette: Combien d'organismes sont accrédités?
M. McSweeney: Il y a cinq organismes de normalisation, 11 organismes d'accréditation, et environ 265 laboratoires d'essai. Il y a 14 organismes qui sont responsables des normes de gestion de la qualité. Sur les 11 organismes d'accréditation, trois sont américains, huit sont canadiens. Pour ce qui est des laboratoires d'essai, sur les 265, à peu près 20 sont américains.
La sénatrice Hervieux-Payette: Est-ce que ces organismes américains sont implantés au Canada?
M. McSweeney: Pas nécessairement. Ils peuvent se trouver aux États-Unis.
Le président: Le gouvernement fédéral exerce un contrôle sur combien d'entre eux?
M. McSweeney: L'Office des normes générales du Canada, qui élabore des normes et qui tient lieu d'organisme d'accréditation, octroie des contrats aux laboratoires pour qu'ils effectuent des essais et des vérifications de gestion de la qualité.
Le président: Il relève de Travaux publics?
M. McSweeney: Oui.
Le président: Donc, il constitue de loin le bureau le plus important qui oeuvre dans ce domaine au Canada, n'est-ce pas?
M. McSweeney: Oui. Il fait concurrence au Conseil canadien des normes dans le domaine de la normalisation.
M. Main: Mais le CCN est un organisme plus vaste.
Le sénateur St. Germain: Vous avez parlé des représentants provinciaux qui siègent au conseil. Je ne me préoccupe pas vraiment des provinces. De toute façon, elles ne sont jamais satisfaites. Ce qui m'intéresse surtout, ce sont les représentants de l'industrie. Quel impact est-ce que le fait de ramener le nombre de représentants de 50 à 11 aura-t-il sur l'industrie? Est-ce que les diverses entreprises au Canada bénéficieront d'une représentation équilibrée et adéquate au sein du conseil?
M. Main: Nous le croyons, oui. Nous avons analysé les chiffres. En toute sincérité, si nous avions voulu faire en sorte que tout le monde soit représenté, il aurait fallu accroître, et non diminuer, le nombre de membres au sein du conseil. Nous estimions avoir déjà suffisamment de problèmes avec le conseil existant, parce que bon nombre des membres ne portaient pas beaucoup d'attention aux questions qui intéressaient le conseil des normes. C'était plutôt le comité exécutif, et non l'ensemble des membres du conseil, qui s'occupait de tout. Comme je l'ai dit plus tôt, lorsqu'on a une cinquantaine de personnes dans une pièce, il est difficile de discuter en profondeur de questions de principe complexes. Le processus de nomination nous obligera à trouver des personnes qui oeuvrent dans divers secteurs, des personnes qui ont suffisamment de connaissances et d'expérience dans le domaine de la normalisation, des personnes qui sont respectées au sein de leur collectivité et qui ne se contenteront pas tout simplement d'exposer leur propre point de vue à la table de discussion.
Le sénateur St. Germain: Est-ce que l'Union européenne applique une seule norme? Si oui, est-ce que nous essayons d'établir le même genre de système avec nos partenaires de l'ALÉNA?
M. McSweeney: En Europe, chaque pays membre élabore ses propres normes, comme nous le faisons au Canada, mais il y a un organisme qui porte le nom de Centre européen des normes. Il y a un organisme de normalisation distinct pour les appareils électriques, soit le comité européen de normalisation électrotechnique. L'Union européenne est en train d'élaborer des normes, mais elle travaille en étroite collaboration avec l'ISO, l'Organisation internationale de normalisation, et la CEI, la Commission électronique internationale, qui élabore toutes les normes de sécurité en matière d'électricité. Nous faisons la même chose au Canada. Nous procédons de secteur en secteur. Par exemple, dans le secteur de l'électricité, nous travaillons en étroite collaboration avec un organisme appelé CANENA, qui regroupe des représentants du Canada, des États-Unis et du Mexique, par l'entremise duquel nous essayons non seulement d'établir des normes régionales, mais aussi d'harmoniser nos normes et de faire appliquer les normes internationales au Canada. Tout le monde travaille en vue d'atteindre le même objectif: une seule norme, un seul test et une seule marque.
Le président: Merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé.
Quelqu'un veut-il proposer que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement?
Le sénateur Meighen: Je le propose.
Le président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: Oui.
Le président: La motion est adoptée.
La séance est levée.