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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 10 - Témoignages - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le mercredi 2 octobre 1996

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 14 heures pour examiner l'état du système financier canadien (examen de la législation régissant les institutions financières).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous avons devant nous une longue après-midi qui, à en juger par la journée d'hier, pourrait s'avérer intéressante.

Nous entendrons d'abord cet après-midi Mme Catherine Swift qui, comme nous le savons tous, est présidente de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je lui demanderai de commencer son intervention.

Mme Catherine Swift, présidente, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: Monsieur le président, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis accompagnée de mon collègue Garth Whyte qui est notre vice-président, Affaires nationales et recherche. Il s'est occupé de ce genre de questions par le passé et continuera de le faire à l'avenir.

Nous avons préparé une brève déclaration à laquelle nous avons joint un certain nombre de tableaux. Vu certaines données récentes à notre disposition, nous avons pensé qu'il serait utile de vous donner le point de vue des petites entreprises sur certaines des questions abordées dans le Livre blanc.

Tout examen de cette nature intéresse bien entendu considérablement nos membres. Nous en avons actuellement environ 87 000 dans les PME de l'ensemble du Canada. Ils sont représentés dans tous les secteurs de l'économie dans chaque région du pays. C'est un groupe varié et qui est présent partout.

La question financière la plus importante n'a pas été directement traitée dans le Livre blanc, mais certains de ses éléments y ont trait. Je parle de toute la question de l'accès à un financement dans des conditions équitables et à un coût raisonnable.

Bien entendu, la concurrence entre les institutions financières est un facteur clé auquel nos membres s'intéressent vivement. Ils ne croient pas et n'ont jamais cru que les petites entreprises étaient particulièrement bien servies par la concentration dans ce secteur. Rétrospectivement parlant, c'est l'une des raisons principales pour lesquelles nos membres s'opposaient fermement à ce que les grandes banques aient un accès sans limite à la vente d'assurance et à la location-vente d'automobiles.

Je demanderai aux membres du comité de consulter les tableaux figurant aux pages 3 et 4 de notre mémoire. Le premier, page 3, montre des données que nous collectons constamment. C'est une sorte de sondage permanent que nous effectuons depuis une vingtaine d'années. Le tableau en question indique les problèmes généraux concernant l'accès de nos membres à un financement, situation qui nous paraît troublante. Bien entendu, quand les temps sont durs, les prêteurs sont un peu plus stricts que d'habitude. Depuis quelques années, les taux d'intérêt sont bas et l'économie est en période de croissance, même s'il ne s'agit pas d'une croissance très forte. En général, pendant une période comme celle-ci, ces problèmes devraient s'amoindrir. Or, tel n'a pas été le cas.

Bien entendu, plusieurs facteurs différents contribuent aux réponses de nos membres à ces questions; le problème global que pose le financement nous paraît toutefois troublant. Si nous examinons la période indiquée sur le tableau, nous constatons que la tendance a été à la hausse, même s'il y a parfois des hauts et des bas en fonction des conditions économiques, des taux d'intérêt, et cetera.

Il y a dans ce document un autre tableau contenant les statistiques de la Banque du Canada relativement aux prêts aux petites entreprises. Il indique que, même si les prêts accordés aux grandes sociétés ont augmenté depuis la récession du début des années 1990, il y a eu une stagnation du côté des petites entreprises. On peut constater que le nombre de prêts inférieurs à 200 000 $, ceux que l'on considère généralement comme typiques pour les petites entreprises, a diminué alors que le montant moyen prêté à celles-ci est d'environ 70 000 $, ce qui ne représente pas une somme énorme.

Nous aimerions commenter quelques autres points signalés dans le Livre blanc. On parle beaucoup du renforcement de la protection des consommateurs et d'autres questions touchant la consommation et nous aimerions vous encourager à considérer aussi les petites entreprises comme des consommateurs dans ce contexte. Un petit entrepreneur qui s'adresse à une institution financière a plus de choses en commun avec un particulier qu'une grande société. En conséquence, nous constatons que nombre des questions intéressant les consommateurs concernent également directement nos membres.

La question des frais de service est importante pour eux. Ces frais sont en augmentation depuis quelque temps déjà. En soi, cela ne serait pas inquiétant si l'augmentation de ces frais permettait d'obtenir un meilleur service. Dans l'ensemble, nos membres ne pensent pas qu'il en est ainsi. Certains tableaux dans notre mémoire portent spécifiquement sur ces questions.

Ce qui nous gène quelque peu est que c'est en général les entreprises les plus petites qui ont le plus de problèmes en ce qui concerne le coût des frais de service et l'accès aux institutions financières. Toutes les données relatives à la création d'emplois montrent que ce sont ces petites entreprises -- en fait, celles qui ont moins de cinq employés -- qui créent le plus d'emplois. Il ne semble donc pas particulièrement salutaire du point de vue macro-économique que les créateurs d'emploi les plus remarquables soient ceux qui ont le plus de difficultés de financement. Là encore, s'il y avait un niveau satisfaisant de concurrence dans notre marché, ces questions n'auraient pas autant d'importance. Toutefois, surtout dans les régions rurales, il n'y a pratiquement aucune concurrence. Même dans les régions urbaines, elle est relativement limitée pour les gens que nous représentons, les consommateurs que sont les petits entrepreneurs.

Les opérations avec apparentés constituent également une question intéressante. Suite à cet examen, nous n'avons que des renseignements très généraux à ce sujet. Nous effectuons toutefois une enquête complète auprès de nos membres à propos des questions financières approximativement tous les trois ans. Nous allons bientôt effectuer la prochaine. Nous y inclurons plusieurs questions au sujet des opérations avec apparentés. Les problèmes à cet égard surgissent surtout du fait de la concentration croissante dans notre marché financier.

Votre comité manifeste un intérêt considérable pour la question des banques étrangères. Nos membres ne sont pas tous du même avis à ce sujet. Comme vous le savez sans doute, les positions qu'adopte notre organisation reflètent exclusivement les opinions exprimées par nos membres dans différentes sortes d'enquêtes, de sondages, et cetera. En juillet dernier, nous leur avons demandé si l'on devrait libéraliser l'accès des banques étrangères sans qu'elles aient à créer un réseau de succursales. Leur réponse figure dans notre mémoire. Trente pour cent de nos membres étaient pour, 47 p. 100 étaient contre et environ 13 p. 100 étaient sans opinion. Les petits entrepreneurs semblent penser de façon générale qu'il peut être bon qu'une institution financière soit canadienne. Ces données ne constituent toutefois qu'un examen préliminaire de toute cette question. Nous pratiquerons sans doute des recherches plus approfondies à ce sujet avant de nous prononcer définitivement.

Nous avons constaté que les méthodes utilisées par certains prêteurs américains, notamment Wells Fargo, sont tout à fait intéressantes. Je crois savoir que ses représentants vont comparaître devant vous et ils pourront alors expliquer en détail comment ils procèdent. Certaines de ces méthodes américaines nous paraissent intéressantes et nous nous demandons si nos membres changeraient d'avis s'ils recevaient peut-être plus de renseignements à ce sujet.

De façon générale, nos membres souhaiteraient toutefois plus de concurrence. Le marché financier canadien a une structure très concentrée. On a déjà un peu parlé de l'introduction des transactions bancaires électroniques et du fait que cela pourrait finir par résoudre peut-être le problème de la concentration. À notre avis, cela pourrait fort bien présenter des avantages pour nos membres. Il est néanmoins encore trop tôt pour se prononcer.

Nous aimerions également signaler que ce que l'on appelle les transactions virtuelles pourrait également poser des problèmes. Nous savons, par exemple, que de nombreux services offerts aux particuliers -- les hypothèques, les prêts normaux pour l'achat d'une automobile, et cetera -- sont assez faciles à standardiser. Ce n'est toutefois pas le cas pour de nombreux services fournis aux petites entreprises qui nécessitent une intervention individuelle pour être adaptés à chaque situation. Même si les transactions électroniques peuvent nous paraître présenter des avantages, nous nous demandons si une dépersonnalisation accrue ne finira pas par défavoriser les petites entreprises. Il est toutefois évidemment trop tôt pour porter un jugement là-dessus. Nous lançons seulement une mise en garde.

Nous sommes heureux des initiatives du comité de l'industrie de la Chambre des communes en ce qui concerne le contrôle permanent de la qualité du service fourni aux petites entreprises par les banques. Nous pensons que ces établissements réagissent quand on les surveille de près et nous recommandons que l'on continue à prendre des mesures de ce genre.

Nous avons également demandé aux banques et aux institutions financières de nous donner plus de détails sur leurs services aux petites entreprises. À l'heure actuelle, les données de la Banque du Canada ne sont tout simplement pas assez désagrégées ou complètes pour nous donner une bonne idée de ce qui se passe dans ce secteur. Nos propres chiffres sur les parts de marché, qui couvrent le premier semestre de cette année, figurent à la page 6 de notre mémoire. Ils montrent que les institutions financières qui font apparemment plus d'efforts pour répondre aux besoins de nos membres augmentent leur part de marché. Leurs bénéfices donnent à penser qu'elles n'ont pas vraiment de problème sur ce plan-là non plus. Nous avons certainement l'impression que mieux servir ce marché n'est pas seulement positif pour l'économie, évidemment, et pour les petites entreprises qui peuvent recevoir de meilleurs services, mais que cela ne semble pas non plus nuire aux institutions financières.

Pour terminer, monsieur le président, je voudrais dire une chose que nous nous sentons toujours tenus d'expliquer. En effet, toute cette question des services financiers et de leurs répercussions sur les petites entreprises n'est pas le seul problème qui se pose. Les impôts relativement élevés et les règlements très contraignants que nous avons au Canada constituent également un gros obstacle à la survie des petites entreprises. À notre avis, si le régime fiscal et les règlements étaient plus favorables aux petites entreprises et si nous avions plus facilement accès à un financement et aux services financiers en général, la conjonction de ces facteurs s'avérerait positive pour notre économie dans son ensemble et pour la création d'emplois.

Merci, monsieur le président. Nous serons heureux d'essayer de répondre à toutes vos questions éventuelles.

Le président: Madame Swift, avant de donner la parole aux sénateurs Meighen et Austin, je voudrais vous poser une question qui fait suite à certaines dépositions que nous avons entendues.

Quel rôle les coopératives de crédit jouent-elles dans les petites villes, pas seulement dans l'Ouest du Canada mais de façon générale? Je vous demande cela parce que, à la page 1 de votre mémoire et, d'ailleurs, dans votre intervention orale aussi, vous signalez que les petites entreprises, surtout celles des régions rurales, ont souvent un choix limité en matière d'institutions financières. D'après ce que nous ont dit les coopératives de crédit, il nous semble que, dans diverses régions semi-rurales ou rurales du Canada, elles se mettent à fortement concurrencer les banques. Est-ce également l'impression de vos membres?

Mme Swift: Oui. À la page 6 de notre mémoire, vous trouverez un tableau indiquant les parts de marché. Il reflète bien la situation. Vous pouvez constater que, de 1988 à 1996, les coopératives de crédit sont passées de 10 à 15 p. 100.

Le président: Vous avez regroupé les coopératives de crédit et les caisses populaires, n'est-ce pas?

Mme Swift: Oui. On pourrait toutefois désagréger ces données parce que les caisses ont une implantation régionale.

Le président: Ce serait utile.

Mme Swift: Nous pouvons le faire. Même en incluant les caisses, il s'agit seulement d'environ 15 p. 100 du marché. Comme on le sait, le reste, c'est-à-dire à peu près 80 p. 100, est entre les mains des six grandes banques. Nos membres considèrent dans l'ensemble que leurs rapports avec les coopératives de crédit sont plus satisfaisants, ce qui est positif. Bien entendu, on est toutefois encore loin d'une véritable concurrence au niveau local.

Le président: Par contre, pour ce qui est des cinq plus grandes, je constate que, de toute évidence, leur part diminue régulièrement alors que celle des coopératives de crédit augmente régulièrement.

Mme Swift: C'est exact.

Le président: Dans la mesure où le mouvement coopératif prend de l'expansion, la concurrence s'accroîtra également dans les régions rurales.

Mme Swift: Ces établissements sont de plus en plus soucieux de répondre à nos besoins. Tel n'a pas toujours été le cas. Je crois qu'il ne s'agit pas simplement de leur présence, mais également des marchés ciblés par ces institutions. Il est hors de doute que, depuis une dizaine d'années, elles s'intéressent plus au marché que nous représentons qu'auparavant.

M. Garth Whyte, vice-président, Affaires nationales et recherche, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: Monsieur le président, vous avez soulevé la question des coopératives de crédit. Je voudrais signaler qu'une question qui ne se pose pas pour le moment est celle de l'expansion des banques dans le secteur des assurances.

Le président: Elle ne se pose pas pour le moment.

M. Whyte: C'est exact. Elle pourrait toutefois se poser indirectement parce que, comme vous le savez, la réglementation des coopératives de crédit est du ressort des provinces. Je ne sais pas si cette question sera ou non discutée.

Le président: Dans certaines provinces, notamment au Québec et en Colombie-Britannique, les coopératives de crédit ont le droit de vendre des produits d'assurance. La question ne se pose pas dans le sens où nous n'en discutons pas ici. Par contre, je serais curieux de savoir ce que vous nous auriez dit si elle se posait. Pourquoi ne pas nous le dire de toute façon?

M. Whyte: Je me suis très directement occupé de cela dans l'Ouest. Pour ce qui est des parts de marché, nous avons remarqué que celle des coopératives de crédit augmente dans l'Ouest, tout comme au Québec. Je suppose aussi que cela fera l'objet d'un débat dans les autres provinces où ce droit à l'expansion ne leur est pas reconnu. Elles insisteront pour cela.

Le président: Vous êtes en faveur de cela, n'est-ce pas?

M. Whyte: Non, pas du tout.

Le président: Je ne parle pas des banques, mais des coopératives de crédit.

Mme Swift: Pour ce qui est plus précisément de l'assurance, non. Nous ne sommes en faveur de cela pour aucune institution financières.

Le président: C'est intéressant.

Mme Swift: Nous ne faisons pas de distinction. Pour nous, les institutions financières sont toutes les mêmes.

Le président: Vous faites part de votre préoccupation au sujet des frais de service. Avez-vous eu des données comparatives à ce sujet?

Mme Swift: Vous voulez dire selon les catégories d'institutions?

Le président: Non. Je m'intéresse beaucoup plus à une comparaison entre des données comparables concernant les banques canadiennes et américaines.

Mme Swift: Ils sont en général plus élevés aux États-Unis qu'au Canada.

Le président: De beaucoup?

Mme Swift: Je n'ai pas vu de chiffres vraiment récents à ce sujet. Les frais de service constituent assurément un problème depuis quelque temps. Nous essayons de ne pas isoler ces données. La question des frais de service a été soulevée à propos du Livre blanc et c'est pourquoi nous en avons parlé. Nous avons aussi eu des données récentes à leur sujet. Nous essayons plutôt de prendre en considération le coût total du crédit dont les frais de service sont une composante clé. Les deux autres sont les garanties requises et les taux d'intérêt prélevés.

Quand on compare les États-Unis et le Canada, on constate que les frais de service, pris isolément, ont tendance à être plus élevés aux États-Unis alors que les deux autres éléments le sont souvent moins. En conséquence, c'est le coût global qui nous paraît le plus pertinent. On ne peut pas isoler un facteur. Les autres ont généralement tendance à être plus favorables. Il nous semble que, dans l'ensemble, les conditions d'accès au crédit sont plus favorables aux États-Unis.

Le président: Avez-vous des données là-dessus?

Mme Swift: Nous avons des données anciennes, mais aucune récente. Nous avons fait une étude il y a quelques années en collaboration avec une petite organisation du monde des affaires des États-Unis.

Le président: C'était il y a environ cinq ans; nous en avons parlé vous et moi.

Mme Swift: Nous n'avons rien pour le moment. Nous pourrions peut-être préparer quelque chose.

Le président: Il me semble que ces renseignements pourraient être intéressants pour le comité à un moment donné du simple fait que le secteur des services financiers est en train de se transformer dans l'ensemble du monde industrialisé. Se limiter à la situation au Canada sans la situer dans un contexte plus général peut parfois donner une impression erronée.

Le sénateur Meighen: Je vous souhaite la bienvenue. Je me posais des questions au sujet des rapports entre vos membres et les autres institutions financières. Qu'en est-il des sociétés de prêt-bail? Pouvez-vous nous dire si vos membres traitent plus ou moins fréquemment avec ces sociétés?

Mme Swift: Les données dont nous disposons semblent l'indiquer, mais il faut sans doute les désagréger un peu plus. La chute de la part de marché des banques à charte n'est pas simplement due, entre autres choses, au fait que les institutions financières plus classiques prennent la relève; nos membres utilisent également des sources de crédit tout à fait différentes, notamment, sans aucun doute, le prêt-bail. Avec la récession, les banques ont réellement mené la vie dure à nombre de nos membres. On en a vu beaucoup d'exemples, par exemple les taux élevés de faillite, et cetera. Certains de nos membres ont également cherché d'autres solutions, en demandant par exemple un crédit auprès de leurs fournisseurs. Les petites entreprises ont peut-être cherché des sources de crédit plus diversifiées et le prêt-bail était l'une d'entre elles.

Le sénateur Meighen: Cela se ferait-il au même rythme que ce que vous avez appelé, je crois, la concentration des banques à charte? En d'autres termes, vos membres ont-ils accès à plus de sources de crédit maintenant qu'il y a quelque temps?

Mme Swift: Je dirais que oui. Plus des trois quarts du marché restent néanmoins sous la domination de six protagonistes.

Le sénateur Meighen: Le pourcentage est en diminution.

Mme Swift: Vous avez raison, sénateur. Il a diminué par rapport à il y a 10 ans, ce qui nous paraît positif. Un autre problème est toutefois que cela n'est pas vrai partout. Il y a souvent de grandes différences d'une région ou d'un secteur à l'autre. Il peut y avoir de la concurrence là où l'on a le choix entre de nombreuses sources de crédit. Bien entendu, ce n'est pas toujours le cas. Il y a une certaine diversité.

Nous pensons qu'il y a maintenant plus d'options qu'autrefois. Là encore, compte tenu des divers changements technologiques, nous espérons que la situation ne pourra que s'améliorer à l'avenir.

Le sénateur Meighen: Qu'en est-il des institutions financières gouvernementales? Vos membres considèrent-ils qu'il est intéressant de traiter avec elles?

M. Whyte: Nous avons présenté un mémoire à ce sujet au comité il y a environ un an. Oui, elles ont une petite part du marché. La Banque fédérale de développement ne joue toutefois qu'un rôle marginal. Elle n'a pas beaucoup de succursales. On entend dire que la Société du crédit agricole est en pleine déroute à certains endroits.

Le sénateur Meighen: On croirait entendre un porte-parole des banques.

M. Whyte: Nous ne sommes pas en désaccord avec elles sur tout. Le problème est la concurrence. Au Québec, par exemple, où il y a les caisses populaires et la Banque nationale, la concurrence est plus vive et les gens se plaignent moins du service fourni par les banques qu'ailleurs.

Si un organisme gouvernemental doit faire directement concurrence au secteur privé, non pas pour répondre à un besoin mais simplement pour essayer de s'approprier les meilleurs prêts, nous ne pensons pas qu'il rende service aux gens qu'il est censé aider.

De même, comme l'a fait, me semble-t-il, le comité du sénateur Kirby, nous avons demandé la fusion de tous les groupes différents qui existent; l'APECA, le Bureau de diversification de l'économie de l'Ouest, la Société du crédit agricole, la Banque fédérale de développement et le CDRA. Ils occupent certains créneaux, mais ils ne satisfont pas vraiment les besoins de beaucoup de nos membres.

Le sénateur Meighen: Nos efforts pour en convaincre le gouvernement ont lamentablement échoué.

M. Whyte: À notre avis, non.

Mme Swift: De façon générale, nous ne pensons pas que ces institutions aient un rôle quelconque à jouer à moins qu'elles ne fournissent un service qui n'est pas offert par le secteur privé. Or, ce n'est pas le cas et cela ne l'a jamais été. Nous conservons toujours notre optimisme, bien sûr, notamment pour ce qui est du nouveau mandat de la Banque de développement mais on en est encore aux premiers balbutiements. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu l'impression qu'elle jouait un rôle important ou occupait les créneaux où il nous semble que des institutions gouvernementales auraient un rôle à jouer.

Le sénateur Meighen: Dans le deuxième paragraphe à la page 2 de votre mémoire, vous déclarez:

En ce qui concerne l'accès des banques étrangères et la possibilité pour celles-ci de mettre en place un réseau de succursales sans avoir une filiale canadienne, les avis des petites entreprises sont partagés.

Cela me paraît laisser entendre que si les banques étrangères étaient autorisées à pénétrer sur notre marché sans créer une filiale, elles mettraient automatiquement en place un réseau de succursales. Êtes-vous sûrs de cela?

Mme Swift: Non, mais c'est cette question qui avait été posée à ce moment-là. Nous avons essayé de poser des questions relativement précises et on pouvait se demander comment exactement aborder ce problème. On s'est finalement entendu sur cette question. Je suis d'accord avec vous; rien n'indique nécessairement que cela se passerait ainsi.

Le sénateur Meighen: Pourquoi voudraient-elles le faire? Ça coûte cher.

Mme Swift: Oui, ça coûte très cher.

Le sénateur Meighen: Si on les autorisait à procéder ainsi, elles pourraient faire venir des fonds des États-Unis; elles pourraient acheter un bureau et ce serait parti.

Mme Swift: Oui; cela s'est déjà plus ou moins passé comme ça.

M. Whyte: Nous allons rencontrer des gens d'Industrie Canada ce soir pour parler d'Internet et de tout le secteur du commerce électronique. C'est une autre façon d'encourager la concurrence et c'est très attrayant.

Mme Swift: Il se trouve simplement que c'est la dernière question que nous avons posée à ce sujet. Je pense qu'il faudrait que nous sachions mieux, de façon plus approfondie, ce qu'en pensent nos membres parce que la réponse à cette question semble pouvoir être interprétée de plusieurs façons différentes.

Le sénateur Meighen: Je pense que vous ne posez pas la bonne question.

Mme Swift: C'est une observation très juste.

M. Whyte: Notre échantillon n'était pas assez grand pour permettre une ventilation sectorielle. C'est peut-être un problème de sensibilisation. Certains secteurs sont beaucoup plus favorables, mais nous n'avons pas pu effectuer une ventilation.

Le président: Indépendamment de la formulation exacte de la question -- car je pense, comme le sénateur Meighen, que, dans la situation actuelle, ce n'était sans doute pas la bonne question --, la position que vous adoptez me gêne car on dirait que vous voulez avoir le beurre et l'argent du beurre. Votre logique est apparemment la suivante: le secteur bancaire est trop concentré et nous voulons donc une concurrence accrue; nous ne sommes cependant pas en faveur de la façon la plus simple de le faire, c'est-à-dire d'autoriser l'accès des concurrents étrangers à notre marché, et nous voulons simplement une concurrence accrue entre les seules institutions canadiennes, ce qui, nous en convenons, est probablement irréalisable.

Le dilemme me paraît donc le suivant: voulez-vous véritablement qu'il y ait plus de concurrence?

Mme Swift: C'est une bonne remarque. Quand nous avons consulté nos membres à ce sujet au fil des ans, nous avons eu des réactions différentes. Je ne sais pas si ce que vous venez de dire reflète exactement le point de vue de nos membres.

Le président: J'essayais de refléter la réalité.

Mme Swift: Je ne suis pas sûre qu'il en soit ainsi, mais nous n'avons pas de renseignements détaillés à ce sujet nous permettant de vous donner la bonne réponse.

M. Whyte: Nous supposons que les décideurs sont en avance sur l'opinion publique relativement à cette question. C'est un peu comme pour la réforme du Régime de pensions du Canada. Nos membres n'aiment pas les impôts sur la masse salariale, mais quand nous leur avons fourni des renseignements sur le RPC, ils se sont rendu compte qu'une augmentation du RPC ou du RRQ était nécessaire. Ils sont de même en faveur d'une concurrence sans restriction, mais ils craignent sans doute que cela n'affaiblisse la structure actuelle. Il faut examiner cela de façon plus détaillée.

Le sénateur Austin: Monsieur le président, j'avais préparé quelques questions concernant ce dont a parlé le sénateur Meighen, c'est-à-dire l'utilité des institutions financières gouvernementales et des organisations régionales. Je pense avoir la réponse à ces questions.

Vous savez sans doute ce que nous a déclaré le ministre de l'Industrie, l'honorable John Manley, le 3 juillet. Il a annoncé que ces organismes financiers gouvernementaux auront assez de souplesse pour répondre à l'évolution des besoins des PME canadiennes et des secteurs qui reçoivent des services insuffisants. Il vous a donc généreusement laissé un peu de temps avant que vous ne deviez faire le bilan du réseau des centres de service aux entreprises du Canada et à tout ce qui va aller avec.

Je voudrais maintenant passer aux ventes liées et savoir si vos membres vous citent des cas où les institutions financières auraient fait pression sur eux pour qu'ils regroupent toutes leurs transactions financières et s'il s'agit bien de ventes liées ou plutôt, à votre avis, simplement d'un dynamisme commercial normal.

Mme Swift: J'avais deux ou trois phrases là-dessus dans le texte de notre mémoire. Je les ai omises par inadvertance, excusez-moi.

Oui, ils nous signalent des problèmes de ce genre. D'après nos statistiques, il y a, à tout moment, la moitié de nos membres qui ont recours à une banque. Beaucoup d'entre eux sont solidement établis et utilisent une banque pour traiter les chèques, obtenir une marge de crédit, et cetera., mais, en fin de compte, ils sont plus importants pour la banque qu'elle ne l'est pour eux. Nos membres ont en général des entreprises solides existant depuis plus longtemps que la majorité des autres. Les 50 p. 100 restants nous paraissent plus vulnérables et plus exposés à des offres de ventes liées. Nous avons reçu des plaintes de ce genre et c'est un autre domaine à propos duquel nous rassemblerons des informations plus détaillées dans le prochain sondage sur les banques que nous sommes en train de préparer. Nous avons actuellement des preuves isolées à ce sujet, mais pour ce qui est de la fréquence et de la gravité des cas, par exemple, des d'accorder une marge de crédit, il nous faudrait des données plus précises. Cela se produit assurément, mais il nous faudra quelques mois avant de savoir de façon plus scientifique ce qu'il en est de la fréquence et de la gravité de ces cas.

Le sénateur Austin: J'ai toujours pensé que votre mandat politique consistait en partie à représenter non seulement vos membres mais d'autres, en particulier les plus petites ou celles de taille moyenne, avant qu'elles n'atteignent votre niveau, mais vous essayez de parler au nom de la totalité d'entre elles.

Mme Swift: Oui.

Le sénateur Austin: C'est parce que c'est un secteur particulier de l'économie.

Nous serions évidemment heureux de tout renseignement que vous pourriez nous donner au sujet des petites entreprises. Pour aborder un sujet un peu différent des ventes liées, c'est-à-dire la question de l'accès de vos membres à des conseils en matière d'investissement, pensez-vous que la concentration qui existe dans le secteur financier a une incidence sur la qualité ou la diversité des services offerts à vos membres par des conseillers financiers ou y en a-t-il de nouveaux qui apparaissent sur le marché et vous offrent une gamme satisfaisante de services de consultation en matière d'investissements et de gestion financière?

Mme Swift: J'ai déjà entendu parler de cela. Nous n'avons fait aucun sondage expressément sur cette question. Si quelque chose inquiète nos membres, nous en entendons parler, que nous les interrogions ou non à ce sujet. Ils nous le font savoir spontanément. Peu de problèmes de ce genre nous ont été signalés.

Nos membres ont en général une petite entreprise qui compte moins de 10 employés et ils n'ont pas énormément d'argent. Ils investissent plutôt dans leur propre entreprise que n'importe où ailleurs. Certains ont peut-être beaucoup d'argent à investir, mais, dans l'ensemble, leurs craintes au sujet de la concentration tiennent plutôt au fait que, vu leurs besoins financiers particuliers, ils ont l'impression que leurs possibilités de choix sont trop limitées ou ils constatent des débordements du côté des assurances ou du prêt-bail.

C'est en partie une question de principe parce qu'ils pensent qu'il vaut mieux avoir plus de choix; ils sont en quelque sorte en faveur de la libre entreprise. Toutefois, c'est également dû au fait que la plupart de nos membres n'ont pas toujours eu des expériences très positives avec les banques à charte et ils n'ont donc guère envie qu'elles s'emparent d'une autre catégorie de services.

Nous n'avons pas reçu beaucoup de plaintes spontanées à ce sujet, mais nous devrions peut-être nous pencher là-dessus à l'avenir. Je ne pense cependant pas que nos membres aient jamais abondamment utilisé ces services.

Le sénateur Austin: Il est probablement impossible de répondre à ma dernière question, mais on craint que les institutions financières, en particulier les banques, ne tiennent pas suffisamment compte des besoins des petites entreprises indépendantes. Or, vous savez qu'elles disent devoir éviter les risques, évaluer chaque cas et c'est généralement dans votre secteur que les risques sont les plus grands et que les banques, au-delà de leur rôle de prêteurs, risquent le plus d'y être exposées elles aussi.

Voyez-vous une façon de régler ce dilemme ou s'agit-il de l'éternel débat entre deux intérêts divergents? Je vous ferai une suggestion. Je ne suis pas en faveur de cela, je vous en parle seulement par jeu. Il s'agit de l'achat de crédit en gros. Vos membres pourraient-ils constituer un groupe pour obtenir une marge de crédit auprès d'une institution financière, acheter du crédit en gros et en assurer ensuite la répartition? Pensez-vous que cela pourrait améliorer votre situation?

Mme Swift: C'est une suggestion intéressante.

Le sénateur Austin: Je pense aux entreprises de télécommunication qui achètent des lignes téléphoniques.

Mme Swift: Je ferai quelques commentaires d'ordre plus général.

Il y aura éternellement un débat, et c'est sans doute souhaitable. Parfois, dans le passé, je pense à la fin des années 1970, certaines grandes banques ont accordé du crédit aux agriculteurs de façon trop libérale. Les cours de certaines denrées se sont écroulés, et cetera. Les banques ont dit à ces gens-là: «Prenez donc ces 2000 000 $ et achetez-vous une nouvelle moissonneuse-batteuse.» En fin de compte, leurs biens ont été saisis.

Une certaine tension entre les deux parties nous paraît salutaire. Toutefois, les banquiers nous ont dit que, notamment lors de la dernière récession, ils avaient pris des décisions incroyablement précipitées. Certains banquiers ontariens nous ont dit, par exemple -- j'ai trouvé que c'était un exemple intéressant -- qu'ils n'avaient pas l'expérience de la récession parce que la situation n'avait pas été aussi mauvaise en Ontario que dans le reste du pays au début des années 1980. Je suppose que beaucoup de ces gens, étant relativement jeunes, n'avaient rien vu d'aussi grave pendant leur carrière. Ils ont eu très peur et ont serré la vis de façon prématurée. Ils le reconnaissent maintenant, mais c'est ce qui s'est passé. Ils ont mis beaucoup d'entreprises en faillite et ont fait perdre leur emploi à beaucoup de gens. C'est peut-être un peu tard, mais il est rassurant de constater qu'ils se sont finalement rendus compte de leur erreur.

Nous pensons que les banques peuvent faire bien des choses positives pour modifier leur culture d'entreprise. Certaines semblent essayer de le faire maintenant. Là encore, cela commence seulement. Il faut plus de deux ans pour évaluer dans quelle mesure une grande institution comme une banque à charte canadienne peut changer de comportement. Des mesures telles qu'une meilleure formation du personnel chargé des comptes-clients nous paraissent toutefois représenter de grandes améliorations et les institutions financières reconnaissent elles-mêmes qu'elles doivent aller plus loin sur cette voie.

Vu l'état d'esprit qui prévaut chez elles, il est important, pour les motiver, qu'un marché leur paraisse pouvoir être une source de profit. Jusqu'à il y a quelques années, la plupart des banques examinaient chacun des éléments d'un compte au lieu de le considérer globalement pour en déterminer la profitabilité. Certains banquiers nous ont dit que les petites entreprises dans leur ensemble constituent la partie la plus profitable de leur clientèle.

À notre avis, les banques doivent faire un effort d'éducation interne et se rendre compte qu'elles ne font pas de la philanthropie, mais que cette clientèle est une bonne source de profit, bonne aussi bien pour le bilan que pour leurs actionnaires. Il y a une telle différence d'attitude entre une petite entreprise et une grande société comme une banque qu'il faut des idées de ce genre pour que les politiques nécessaires soient adoptées. La Banque de Montréal et la Banque de Nouvelle-Écosse sont deux bons exemples d'établissements qui ont sérieusement essayé d'améliorer le service offert à leurs clientèles depuis quelques années. Leur part de marché augmente et leurs bénéfices font très bonne figure. Nous pensons donc que certaines choses peuvent se faire.

Votre suggestion est intéressante. Il est indispensable de personnaliser les services bancaires, à la différence de produits plus standardisés comme les appels interurbains. C'est d'autant plus compliqué. Les banques le font déjà parce qu'elles évaluent leurs risques sur l'ensemble de leur portefeuille. Même si l'on reproche souvent aux petites entreprises le risque qu'elles sont censées présenter, elles n'ont pas entraîné des milliards de dollars de perte aux banques comme l'ont fait certaines des énormes entreprises qui ont fait faillite. En fait, ce secteur est, dans son ensemble, incroyablement stable au fil des ans et les petites entreprises sont également de loyaux clients des institutions financières.

Nous pensons qu'il y a de nombreuses choses que l'on peut faire. Ce n'est évidemment pas facile, sinon nous ne serions pas ici. Il nous paraît également très positif que certaines de ces sociétés essaient de trouver des solutions concrètes et nous aimerions que cela soit plus souvent le cas.

Le sénateur Austin: D'après les chiffres que j'ai vus, plus de 60 p. 100 des nouvelles entreprises sont créées par des femmes. Est-ce le cas au Canada, d'après vous?

Mme Swift: La proportion tend actuellement à s'égaliser.

Le sénateur Austin: Je parle du nombre d'entreprises plutôt que de leur valeur.

Mme Swift: C'est un nombre énorme, oui.

Le sénateur Austin: Pensez-vous que les banques traitent de la même façon toutes les petites entreprises demandant un prêt, qu'elles soient dirigées par des femmes ou des hommes?

Mme Swift: Nous avons fait beaucoup de recherches là-dessus au fil des ans. Les résultats varient selon les périodes. Nous avons effectué des vérifications statistiques rigoureuses pour compléter les preuves isolées de différence de traitement que l'on nous présentait. Nous avons toutefois constaté que, pendant la récession, le problème était bien pire. Il est difficile de savoir si c'est parce que, quand la situation était très mauvaise de toute façon, les banquiers se sentaient plus menacés. Il nous semble que la situation s'est améliorée petit à petit. On s'est beaucoup penché sur cette question. Certaines de nos membres nous disent encore parfois spontanément qu'il y a des problèmes et qu'elles se sentent souvent traitées différemment, mais nous pensons que le problème diminue et que les institutions financières font un effort véritable pour traiter les femmes de la même façon que les hommes.

Le président: Je vous remercie beaucoup de vous être présentés devant nous, madame Swift et monsieur Whyte. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants. Si vous pouviez nous fournir ces données supplémentaires, cela nous serait utile.

Chers collègues, les témoins suivants représentent l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc. Il s'agit de Mark Daniels, président, et de M. Bob Astley, président et directeur général de la Mutuelle du Canada. Vous pouvez commencer.

M. Bob Astley, président et directeur général, Mutuelle du Canada, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc.: Merci, monsieur le président. De nombreux employés de l'association sont venus ici avec Mark et moi. Si nous abordons des questions techniques auxquelles nous ne pouvons pas répondre de façon satisfaisante, nous pourrons leur demander d'intervenir.

Comme les membres du comité le savent sans doute, notre secteur a comparu ici plusieurs fois au fil des ans. Nous sommes heureux de pouvoir engager un dialogue et d'entendre le point de vue des membres du comité.

C'est dans cet esprit de coopération constructive que nous vous présentons aujourd'hui nos idées et nos remarques au sujet du Livre blanc. Notre comparution ici ne nous paraît pas représenter l'aboutissement d'un processus. En fait, je pense que rien n'est jamais terminé en matière de législation, de réglementation ou de politique dans quelque secteur de notre économie que ce soit.

Nous considérons toutefois ceci comme un important pas en avant dans le cadre des activités menant à l'adoption d'une loi avant l'expiration des dispositions actuelles à la fin mars 1997, c'est-à-dire dans sept mois seulement. Dans l'intervalle, les autres membres de mon secteur et moi-même resterons évidemment à votre disposition pour apporter d'autres contributions aux travaux de votre comité sur ces questions sous toute forme pouvant vous paraître utile.

Je vous donnerai d'abord un bref aperçu de ce que nous pensons du Livre blanc avant de passer aux principaux points traités dans notre mémoire.

Notre secteur est fortement en faveur du Livre blanc, aussi bien en ce qui concerne ses options politiques fondamentales que ses propositions spécifiques. Nous convenons avec le gouvernement que les dispositions instaurées en 1992 donnent dans l'ensemble de bons résultats et devraient rester en grande partie inchangées. Il n'est tout simplement pas nécessaire d'y apporter d'importantes modifications. Nous convenons également qu'il faut leur apporter certains ajustements afin qu'elles répondent encore mieux aux besoins de la réalité quotidienne du monde des affaires.

Nous sommes également tout à fait d'accord avec l'engagement figurant dans le Livre blanc relativement à la mise en place de lois révisées d'ici au 31 mars 1997, date de l'expiration des lois actuelles. Il est très important que ces dispositions soient adoptées en temps utile pour préserver la confiance et la continuité au sein du secteur des services financiers au Canada.

Comme le comité le sait très bien, dans ce secteur, la confiance et la continuité sont des facteurs essentiels pour nos clients et pour notre capacité à répondre à leurs attentes. C'est la confiance qui prime. Ces facteurs sont également essentiels pour nous permettre d'être concurrentiels sur les marchés internationaux. À notre avis, l'adoption en temps utile de mesures révisées servira au mieux les intérêts des millions de clients et de parties prenantes de ce secteur au Canada et même dans le monde entier.

Monsieur le président, je vais maintenant passer à notre mémoire. Comme vous l'avez remarqué sans doute, nous mettons principalement l'accent sur deux catégories de questions. Nous commentons d'abord les propositions du Livre blanc exigeant que des mesures législatives soient prises d'ici au 31 mars 1997 et nous abordons ensuite d'autres questions traitées dans le Livre blanc.

Je commencerai par les questions devant faire l'objet d'une mesure législative avant mars 1997. Premièrement, en ce qui concerne les opérations avec apparentés, je voudrais attirer l'attention du comité sur les propositions de modification du régime des opérations avec apparentés mis en place en 1992. Le Livre blanc contient plusieurs propositions destinées à simplifier ce régime, notamment en donnant une définition plus stricte du mot «apparentés» et en soustrayant certaines transactions entre les filiales d'une institution financière à ces exigences.

Je dirais clairement que notre secteur est fortement en faveur de l'adoption de règles efficaces concernant ces transactions. L'expérience montre que c'est bien une saine politique. Toutefois, à notre avis, les modifications proposées dans le Livre blanc ne simplifient pas suffisamment les règles actuelles pour créer un système véritablement applicable dans le monde réel.

Ces propositions réduiront le nombre des apparentés d'une société d'assurance, mais la liste pourrait néanmoins en être très longue. Avec une telle définition, il est presque impossible d'identifier et de contrôler les apparentés, surtout pour les sociétés qui sont affiliées avec d'autres à l'étranger. Les modifications que nous proposons reposent sur cette conception et ont un caractère spécifique. Elles permettraient au régime des opérations avec apparentés d'être plus clair et de mieux fonctionner.

Nous pensons en particulier qu'il faudrait renforcer le pouvoir discrétionnaire dont dispose le surintendant pour accorder des exemptions à l'interdiction générale frappant les transactions avec apparentés. Ce pouvoir est important parce qu'il est impossible de prévoir toutes les sortes de transactions qui devraient être autorisées dans le cadre de ce régime et de les mentionner dans la loi.

Nous recommandons également que l'on assouplisse le régime en inscrivant certaines des règles pertinentes dans les règlements plutôt que dans la loi.

Vu la complexité croissante des transactions commerciales et de la structure des entreprises, les exigences légales relatives aux opérations avec apparentés risquent d'être rapidement dépassées. Il nous paraît encourageant que votre comité ait commenté en des termes analogues la Loi sur les corporations commerciales canadiennes.

Pour ce qui est de la régie interne des institutions, nous apprécions l'intérêt particulier que le comité a porté à cette question et les recommandations figurant dans votre rapport du mois d'août nous ont paru intéressantes. Ce rapport mettait notamment l'accent sur les exigences concernant la résidence des membres du conseil d'administration. Vous remarquerez que nous recommandons dans notre mémoire que ces exigences soient harmonisées avec celles de la LCC et que les conseils d'administration soient composés en majeure partie de résidents du Canada. Ces sociétés pourraient ainsi disposer d'un bassin plus large pour la sélection de leurs administrateurs et cela refléterait mieux le fait qu'elles réalisent 43 p. 100 environ de leur chiffre d'affaires à l'extérieur du Canada.

Le Livre blanc propose plusieurs modifications en ce qui concerne cette régie interne et nous y répondons dans notre mémoire. Je n'ai pas l'intention de vous exposer nos commentaires à ce sujet de façon détaillée. Je signalerai toutefois, monsieur le président, que toutes les questions pertinentes ont été examinées de façon approfondie en 1992, date à laquelle des changements importants ont été effectués.

Les droits des souscripteurs ont été analysés et discutés abondamment en préparation des modifications de 1992 et le nouveau régime a fortement modernisé et renforcé ces droits. L'expérience des quatre dernières années montre que le nouveau système donne satisfaction. En conséquence, nous recommandons que le régime actuel reste inchangé pour le moment. Il ne nous paraît pas exister de motif suffisant pour revenir sur des décisions très fructueuses qui ne remontent qu'à 1992.

Pour ce qui est des modifications de détail, le Livre blanc en contient plusieurs et nous les commentons dans notre mémoire. Nous en avons également ajouté d'autres.

Je ne voudrais pas que vous croyiez que ces amendements «de détail» ne sont pas importants. Ils ne suscitent peut-être pas la controverse, mais ils sont loin d'être sans importance. Ils pourraient contribuer très fortement à assurer une bonne application pratique des dispositions de la loi.

Je dois dire à ce sujet, monsieur le président, que nous nous félicitons de la coopération dont le ministère des Finances et le Bureau du surintendant des institutions financières ont fait preuve à notre égard relativement à certaines de ces questions.

Monsieur le président, le Livre blanc avance plusieurs autres idées à propos desquelles il ne propose pas de légiférer pour le moment, mais qui pourraient faire l'objet de consultations de longue durée. Je citerai d'abord la protection des renseignements personnels. Les sociétés d'assurance-vie et d'assurance-maladie sont depuis longtemps conscientes qu'il est important d'assurer une telle protection et elles ont cherché à répondre aux craintes exprimées à cet égard, comme il en est fait état dans le Livre blanc.

Notre secteur a donné l'exemple en adoptant des lignes directrices sur cette question en 1980 et les membres de l'association doivent s'engager à respecter la vie privée de leurs clients. Nous avons mis à jour ces lignes directrices il y a trois ans seulement et nous vérifions actuellement si de nouvelles mises à jour sont nécessaires en particulier pour les faire concorder avec le nouveau modèle de code sur les renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation.

Nous sommes d'avis que l'application généralisée de tels codes autoréglementés répondant aux mêmes critères que celui de l'ACN, satisferait les exigences des consommateurs à cet égard. Cependant, si le gouvernement décide d'appliquer les propositions du Livre blanc, il devrait, selon nous, faire attention à ne pas susciter de querelle de compétence avec les provinces et à ne pas créer de chevauchement et de dédoublement au niveau fédéral.

En ce qui concerne la disponibilité des services financiers de base, le Livre blanc signale que le gouvernement collaborera avec les consommateurs, les groupes communautaires et les institutions financières à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une stratégie destinée à faciliter l'accès à ces services. À notre connaissance, il s'agira principalement de services de base tels que l'encaissement d'un chèque et l'ouverture d'un compte de dépôt, mais nous proposons volontiers notre participation pour apporter toute contribution pouvant être utile.

Passons maintenant à une question à laquelle nous nous intéressons beaucoup; il paraît très positif à notre secteur que le gouvernement annonce dans le Livre blanc qu'il va mettre sur pied un comité consultatif pour étudier les questions touchant le système de paiements. Comme vous le savez, nous demandons que des modifications soient apportées à ce système depuis de longues années déjà. C'est, à notre avis, essentiel pour que toutes les institutions financières, y compris les sociétés d'assurance-vie, soient placées sur un pied d'égalité, et qu'elles puissent toutes offrir à leurs clients un accès facile à leur argent.

Nous avons présenté au ministère des Finances, en décembre 1995, un mémoire sur la nécessité de modifier le système de paiements; nous expliquions que notre secteur souhaite participer à part entière à ce système. Cette participation comporte trois aspects fondamentaux: premièrement, l'accès direct au système, sans avoir besoin de passer par une filiale ou un concurrent; deuxièmement, une participation véritable à la régie des éléments clés de ce système, comme l'Association canadienne des paiements et Interac; troisièmement, la possibilité de participer pleinement à l'évolution de ce système. En conséquence, nous accueillons avec joie cet important examen et nous serons heureux d'y participer et d'y contribuer de quelque façon que ce soit.

Pour finir, nous saluons chaleureusement la décision du gouvernement, annoncée dans le Livre blanc, de mener un examen approfondi d'un cadre approprié pour le secteur financier au XXIe siècle. Les membres du comité se souviendront que, lorsque nous avions comparu devant vous en avril 1995, nous avions notamment recommandé que l'on procède à un examen public à grande échelle de l'avenir du système financier canadien et qu'un groupe de travail soit mis sur pied pour aider le gouvernement dans cette tâche. Nous avons également à l'époque fait certaines suggestions quant à la procédure à suivre.

Nous disions qu'il faudrait porter une attention particulière à la concentration croissante de la propriété et de la gestion des institutions financières du Canada entre les mains de quelques grandes sociétés. Nous recommandions une méthode tout à fait impartiale et permettant la participation de tous les actionnaires. Il faudrait, selon nous, non seulement réaliser des études mais également effectuer des consultations qui pourraient avoir lieu tout au long du processus d'examen. Ces consultations devraient encourager la participation du public afin de déterminer le point de vue des consommateurs au sujet des questions importantes. Monsieur le président, nous pensons que ces suggestions restent valables et nous les recommandons au gouvernement.

Pour conclure, nous pensons, dans notre secteur, que le Livre blanc constitue un pas important dans la réalisation de l'examen de 1997. Nous serons heureux de collaborer avec les hauts fonctionnaires et les parlementaires pour que de nouvelles lois puissent entrer en vigueur le 31 mars 1997. Nous serons également heureux de participer aux consultations proposées dans le Livre blanc.

M. Daniels et moi-même nous ferons un plaisir d'essayer de répondre à vos questions et commentaires éventuels.

Le président: Merci, monsieur Astley. Avant de donner la parole au sénateur Angus, j'aimerais vous poser une question ou faire un commentaire. Je commencerai par féliciter M. Daniels et ses collaborateurs. Votre mémoire est de loin le mieux présenté que nous ayons eu. Je parle bien de sa présentation et non pas de son contenu. Les notes placées en marge sont très utiles.

M. Astley a fait allusion aux recommandations du comité concernant les modifications des dispositions de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes concernant la régie interne et, plus particulièrement, la composition du conseil d'administration qui vous paraît souhaitable. Il serait utile pour nous -- et, en fait, pour le gouvernement -- que vous puissiez examiner notre rapport final en nous disant clairement si vous n'êtes pas d'accord avec certaines des recommandations qui ont des chances de finalement être incluses, nous dit-on, dans la LCCC au sujet de la régie interne. Vous savez aussi bien que moi, monsieur Daniels, que si certaines modifications sont apportées à cette loi, la tendance sera à les incorporer également automatiquement dans d'autres lois. On me dit qu'il y a de fortes chances que toutes nos recommandations à ce sujet soient intégrées dans la LCCC et il nous serait donc utile de savoir si vous n'êtes pas d'accord avec certaines d'entre elles. Je vous remercie d'en avoir commenté une avec laquelle vous êtes d'accord. S'il y en a que vous n'appréciez pas, il serait utile que vous nous le fassiez savoir.

Je ferai un commentaire général à propos de votre rapport. J'ai été très surpris par votre position au sujet de la régie interne des institutions et du document sur les meilleures pratiques proposées par l'OSFI. J'ai l'impression qu'en fait, vous n'êtes en faveur d'aucune des modifications proposées dans le Livre blanc, et qui, pour la plupart, visent à rendre le processus plus transparent. Je pense en particulier au commentaire concernant l'élargissement de la définition des apparentés ainsi qu'à la question des conseils parallèles qui a été expressément soulevée par notre comité il y a quelque temps. Je parle également de la recommandation de rendre plus transparente la comptabilité des comptes avec participation.

Oublions pour un instant les exemples précis; l'impression générale que vous donnez est que selon vous: «Le statu quo est satisfaisant et nous ne devrions peut-être pas nous mêler de modifier les procédures concernant la régie interne, de les rendre plus transparentes ou d'en élargir l'application.» À en juger par les nombreuses audiences publiques que mes collègues et moi-même avons organisées dans l'ensemble du pays au printemps dernier, tel n'est pas l'état d'esprit du grand public ou des investisseurs. Je suis franchement étonné que ce soit le vôtre. Voulez-vous répondre de façon générale sans nécessairement détailler chacune de vos objections?

M. Astley: Monsieur le président, je serais heureux d'essayer de vous répondre. Nous pourrons éventuellement revenir sur chacun des points précis que vous avez mentionnés.

Je dirai d'abord que notre objectif est le même que celui du gouvernement, nous souhaitons que l'on instaure un régime qui repose sur des principes sains, qui protège les intérêts des parties prenantes, mais qui soit également applicable. De nombreuses initiatives ont déjà été prises dans ce domaine, comme celles qu'a proposé le comité Dey pour la bourse de Toronto, et la loi de 1992 elle-même a mis en place des modifications concernant toutes les institutions financières.

En ce qui concerne les conseils d'administration, on a accordé beaucoup d'attention à leur mode de fonctionnement, à la composition des comités, à leur mandat et aux autres questions de ce genre. Les sociétés d'assurance-vie pour leur part, s'intéressent à cette orientation et elles pensent, comme le gouvernement, qu'une bonne régie interne est l'une des caractéristiques d'un régime efficace de gestion des services financiers. Nous essayons de faire en sorte que tous ces éléments puisent fonctionner correctement, surtout en ce qui concerne les opérations avec apparentés. L'expérience des quatre dernières années nous a montré que c'est devenu un processus bureaucratique à cause de toutes les exigences à satisfaire.

Nous pensons à l'évolution et aux différentes autres mesures qui sont en cours, notamment une autoévaluation des pratiques internes dans 10 secteurs différents par le conseil et les normes relatives aux saines pratiques commerciales que le BSIF et les entreprises du secteur sont en train d'élaborer conjointement. Beaucoup de ces choses vont de l'avant.

Nous sommes d'accord avec les objectifs, mais nous voulons être sûrs que toutes les nouvelles initiatives, comme un document sur les meilleures pratiques, amélioreraient vraiment la situation. À cet égard, nous ne sommes pas convaincus qu'un ensemble spécifique de lignes directrices sur les meilleures pratiques visant le secteur des services financiers améliorerait les choses compte tenu des débats qui ont lieu sur d'autres questions et de l'attention portée à ces questions.

Le président: Les dirigeants n'interprètent peut-être pas cette notion d'«amélioration de la situation» de la même façon que les souscripteurs, les actionnaires ou le grand public parce que, pour eux, il est important non seulement que le processus soit équitable, mais qu'il en soit manifestement ainsi. C'est, par exemple, dans cette optique que les personnes affiliées ont proposé des changements pour le mettre en conformité avec la définition du membre indépendant du conseil d'administration que notre comité a proposée il y a six ou huit ans environ et qui a maintenant été adoptée par la CVMO. Notre comité s'est également opposé à la création de conseils parallèles du fait qu'on ne savait pas très bien devant qui ils seraient responsables, et cetera.

Pour les dirigeants, ces changements ne constituent peut-être pas une amélioration, mais plutôt une gêne et un obstacle, ce qui ne justifie pas pour autant que les responsables politiques décident de ne pas les mettre en oeuvre. J'ai eu l'impression que, pour ce qui est des nombreuses propositions de changements figurant dans la partie du Livre blanc traitant de la régie interne, la plupart d'entre eux étaient censés représenter un progrès alors que les gens de ce secteur adoptaient apparemment une orientation opposée. C'est ce qui m'a surpris.

Le sénateur Angus: De façon générale, vous semblez être tout à fait satisfait de l'orientation adoptée. Cela reflète ce que vous avez dit la dernière fois que vous vous êtes présentés devant nous. Vous préférez le statu quo. Cet examen préalable à une décision éventuelle du groupe de travail de procéder à une refonte de la législation fait plus ou moins suite à vos propres suggestions -- à part deux ou trois éléments mineurs concernant, par exemple, ce que vous dites dans votre mémoire au sujet des opérations avec apparentés. En d'autres termes, cela vous paraît satisfaisant. Mon interprétation est-elle juste?

M. Astley: Je qualifierais cela peut-être un peu différemment. En parlant de l'acceptabilité du statu quo, nous avons dit que ces nombreux amendements émanant du Livre blanc étaient des amendements de détail.

Le sénateur Angus: Oui. Vous dites qu'ils sont importants.

M. Astley: La plupart le sont parce qu'ils permettent de mieux régir les sociétés et créent des conditions favorables à leurs opérations.

Le sénateur Angus: À cette réserve près et compte tenu du fait que ces amendements sont introduits, vous êtes satisfaits du Livre blanc et de la façon dont il répond à la nécessité d'apporter ces amendements de détail, n'est-ce pas? En d'autres termes, vous n'avez rien d'important à ajouter pour le moment.

M. Astley: C'est exact. En ce qui concerne l'avenir, les groupes de travail sur le système de paiements et l'avenir des services financiers au Canada sont d'importantes tribunes de consultation. Nous nous réjouissons de leur création et nous serons heureux de contribuer également à leurs travaux.

Pour ce qui est de la mise à jour des lois elles-mêmes, nous sommes satisfaits des amendements présentés. Nous sommes d'accord avec la plupart d'entre eux.

Le sénateur Angus: Comme vous pouvez l'imaginer -- et comme vous l'avez lu dans les journaux --, bien des gens nous ont fait savoir qu'ils n'étaient pas à leur goût. Certains déplorent que, si des banques étrangères veulent faire affaire dans notre pays, elles doivent continuer à passer par une filiale, et cetera. Avez-vous des commentaires à ce sujet? Cette question des banques étrangères a-t-elle une incidence quelconque sur votre secteur?

M. Astley: Elle est reliée à celle de la concentration et de la possibilité de s'adresser à de nouveaux concurrents. C'est un bon sujet pour le groupe de travail sur l'avenir des services financiers au Canada. C'est le genre de question que celui-ci devrait étudier à fond. Pour ce qui est de la mise à jour de 1997, nous n'avons pas d'idées très tranchées là-dessus.

Le sénateur Angus: Voulez-vous dire que, par exemple, si le Livre blanc était allé assez loin -- c'est-à-dire s'il avait abaissé les exigences relatives à l'accès des banques étrangères et s'il leur était plus facile de pénétrer sur notre marché à moindres frais qu'actuellement, et cetera --, cette mesure devrait être examinée en détail? Nous avons appris, par exemple, que le nombre de banques étrangères actives dans notre pays est passé de 59 à 47. En fait, il n'y a plus que deux banques britanniques ici. Pour vous, cette question est si importante qu'on ne peut pas se contenter d'apporter quelques aménagements; il faudrait auparavant procéder à un examen approfondi, n'est-ce pas?

M. Astley: Oui. C'est vraiment un des principes sur lesquels repose l'ensemble du monde des services financiers. C'est dans ce contexte qu'il faudrait envisager nos commentaires.

Le sénateur Angus: À la page 3 de votre mémoire, vous déclarez que les amendements proposés dans le Livre blanc relativement à la simplification du régime des opérations avec apparentés ne vont pas assez loin pour améliorer ce système. Vous présentez une recommandation spécifique à cet égard dans votre mémoire. Avez-vous porté cela à l'attention de l'OSFI ou du ministère des Finances?

M. Astley: Oui. Je demanderai à monsieur Daniels, ou à un autre de nos collègues ici, de m'aider à vous répondre.

M. Mark Daniels, président, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc.: Monsieur le président, en ce qui concerne les opérations avec apparentés et différentes autres questions abordées dans les premières pages, comme la régie interne et certaines des choses qui s'y rattachent, nous en parlons avec l'OSFI et le ministère des Finances. Ils nous prêtent une oreille attentive.

Le sénateur Angus: J'allais y venir. Si vous en parlez avec eux, êtes-vous satisfaits de leur réaction?

M. Daniels: Elle est toujours satisfaisante du point de vue de nos relations de travail avec eux. Mais on ne connaît pas le résultat final avant de voir si des modifications sont proposées ou si notre point de vue est reflété dans la loi quand elle est déposée.

Il est évident qu'ils nous prêtent une oreille attentive. Là encore, nous ne critiquons pas les principes appliqués aux opérations avec apparentés. Nous essayons de créer un contexte plus favorable sur la base de l'expérience que nous avons acquise depuis deux ans. Le Livre blanc lui-même essaie d'assouplir ces contraintes. Nous leur disons qu'ils en ont négligé une. Je pense qu'ils nous prêtent une oreille attentive, mais je ne sais pas jusqu'à quel point.

Le sénateur Angus: C'est peut-être une des modifications que vous avez portées à leur attention au départ. Toutefois, on ne le retrouve pas dans les amendements de détail qu'ils ont énumérés ou peut-être n'étiez-vous pas intervenu assez clairement à ce sujet auparavant.

M. Daniels: Cela a toujours figuré sur notre liste. En 1992, cela avait été défini de façon très stricte et il en avait été abondamment discuté à l'époque. Les événements ont montré que c'est un peu contraignant.

Le sénateur Meighen: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Astley et monsieur Daniels. À la page 6 de votre mémoire, vous signalez dans une note marginale que votre secteur est d'accord avec les propositions du Livre blanc concernant les activités internes en matière de traitement de l'information et d'opérations financières spécialisées. C'était, bien entendu, une recommandation spécifique figurant dans le Livre blanc; nous l'avons tous lue et nous avons trouvé qu'elle paraissait très raisonnable. Quelqu'un nous a alors signalé qu'il fallait peut-être l'examiner de plus près. Plus particulièrement en ce qui concerne les renseignements personnels, pourquoi ferait-on passer le traitement de l'information et les activités financières spécialisées à l'interne alors qu'il est sans doute plus difficile d'assurer la confidentialité en utilisant le cloisonnement ou un autre système qu'en réalisant ces tâches à l'extérieur, dans une filiale, en interdisant toute transmission de ces renseignements de la filiale à la société-mère?

Premièrement, êtes-vous d'accord avec cette déclaration? Deuxièmement, dans les conditions actuelles, cela ne semblait pas être une grande source d'économies. Nous nous demandons donc pourquoi le Livre blanc contient cette suggestion et pourquoi vous l'appuyez, ceci permettant peut-être de comprendre cela.

M. Astley: Ce commentaire au sujet du traitement de l'information reflète notre impression que la loi de 1992 autorisait de façon générale les assureurs, tout comme les banques et les sociétés de fiducie, à effectuer certaines activités soit par l'intermédiaire d'une filiale soit à l'interne. Nous pensions que le traitement de l'information rentrait dans cette catégorie et que, selon les dispositions prises par une société ou sa propre structure, il était raisonnable que ce type de choix soit prévu.

J'indiquerai également qu'une filiale contrôlée à 100 p. 100 est en quelque sorte une extension de la société-mère. Elle peut être constituée en société tout à fait indépendante, mais -- puisqu'elle est entièrement sous son contrôle --, elle présente nombre des caractères d'un département interne. Voilà ce qui explique notre jugement.

Pour dire vrai, nous ne pensions pas, à ce propos, à la protection des renseignements personnels. En fait, nous voudrions être sûrs que cette question est traitée et étudiée de façon satisfaisante, qu'il s'agisse d'une filiale ou d'un département interne. Il faudrait qu'il y ait, par exemple, des règles de fonctionnement, des cloisonnements et d'autres mécanismes efficaces garantissant des procédures satisfaisantes quant à l'utilisation des renseignements personnels confidentiels. Pour nous, ce n'était pas une question de vie privée, mais plutôt une question d'ordre général concernant la possibilité pour une société de faire effectuer ce travail à son choix à l'interne ou par une filiale.

Le sénateur Meighen: Monsieur Astley, je suppose que vous ne considérez pas cela nécessairement non plus comme une question de coût.

M. Astley: Ce ne serait pas principalement une question de coût.

M. Daniels: Monsieur le président, disons, en passant, que, pour nous, cela revenait à éliminer une contrainte peut-être inutile. Nous savons que le comité a examiné la question de savoir si cela a des incidences sur la protection des renseignements personnels. Nous nous sommes présentés ici et en avons parlé dans d'autres contextes. Si des problèmes de fond se posent, il est évident qu'il faut y réfléchir. Ce n'était certainement pas ce à quoi nous pensions quand nous nous sommes prononcés sur le Livre blanc.

Le président: Pouvons-nous vous demander d'examiner la déposition présentée hier par Jim Burns devant le comité précisément au sujet de cette question, étant donné sa vaste expérience de votre secteur? Pouvez-vous nous dire si, selon vous, son avis ou le vôtre représentent ce qu'était votre point de vue lorsque vous avez réfléchi à cette question compte tenu de l'optique dans laquelle il l'a soulevée? Cela nous serait utile.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, il a été question aujourd'hui de la nécessité d'assurer la confidentialité et de renforcer les dispositions correspondantes. J'aimerais savoir si, à votre avis, votre secteur a un avenir sur l'Internet? Nous parlons des banques, des quasi-banques et des banques sans succursale. Il me semble qu'il se passe beaucoup de choses de ce côté-là, mais il n'en est pas fait mention dans votre mémoire. Il est certainement possible d'offrir certains de vos produits sur Internet. Dans ce cas, quel type de réglementation faudrait-il pour préserver la confidentialité et les données relatives aux cartes de crédit, à propos desquelles beaucoup de gens semblent s'inquiéter?

M. Astley: Nous ne négligeons pas du tout cela, sénateur. En fait, de nombreuses sociétés ont des pages d'accueil sur le réseau Internet.

Le sénateur Perrault: Elles prolifèrent, mais je remarque que les compagnies d'assurance y sont très peu représentées. Pourquoi?

M. Astley: Il y en a quelques-unes sur Internet, dont la mienne ainsi que quelques autres plus grandes. Je connais au moins un assureur aux États-Unis qui utilise beaucoup Internet pour commercialiser ses produits. Le problème touchant la confidentialité et la sécurité des flux de données se pose pour les assurances au même titre que pour les transactions bancaires ou par carte de crédit. La grande inconnue est de savoir dans quelle mesure les consommateurs utiliseront vraiment ce service ou s'en serviront surtout comme source d'information.

Le sénateur Perrault: Il devrait être relativement facile de vendre, par exemple, des assurances-voyage sur Internet.

M. Astley: Peut-être. Nous n'avons aucune expérience de cela et nous n'en savons donc en fait rien. Vous voulez sans doute dire, je pense, qu'un moyen de communication électronique comme Internet soulève toutes sortes de questions en matière de réglementation auxquelles personnes n'a de réponse.

Le sénateur Perrault: J'ai cherché si vous en parliez dans votre mémoire, mais il est peut-être trop tôt pour cela. Je suppose qu'on commence seulement à s'engager sur cette voie.

M. Astley: Les questions touchant la réglementation des activités sur Internet et les autres formes de commerce électroniques constituent en réalité un domaine nouveau à propos duquel personne n'a encore d'idées vraiment précises. Je sais que, dans le monde entier, les autorités cherchent des solutions.

Le sénateur Perrault: Les références à la distribution de l'information figurant à la page 7 de votre mémoire m'ont plutôt surpris par leur côté démodé. Vous dites que les principes de régie interne reflétant le rôle d'investisseurs que jouent les actionnaires ne devraient pas s'appliquer aux souscripteurs et qu'il coûte beaucoup plus cher d'envoyer des avis à un grand nombre de souscripteurs qu'aux actionnaires. Pourquoi ne placez-vous pas cela sur Internet pour assurer une large diffusion pratiquement sans frais? N'est-il pas un peu vieillot de dire qu'il y aurait trop de paperasse à envoyer?

M. Astley: C'est une bonne suggestion, sénateur. Je suis sûr que c'est ce que vont précisément faire de plus en plus de sociétés. Nous ne pouvons toutefois pas être sûrs de joindre tous les souscripteurs. Internet ne fait que rendre l'information disponible.

Le sénateur Perrault: Peut-être pourriez-vous leur annoncer par lettre: «Si vous voulez obtenir les toutes dernières nouvelles au sujet de notre société, consultez WWW, et cetera.» Il me semble que, comme vous le dites, l'apparition de cette inforoute soulève de nombreuses questions. Toutefois, cela pourrait faire l'objet d'une étude ultérieure.

M. Daniels: Puis-je ajouter quelque chose, sénateur? Vous parlez de la diffusion de renseignements sur Internet, par exemple, mais si vous ne trouvez rien à ce sujet dans ce document, ni même directement dans le Livre blanc, c'est en partie parce que le domaine de la distribution des produits d'assurance est entièrement du ressort des provinces. Nous devons malheureusement traiter avec 12 gouvernements, y compris le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Ces questions se posent de plus en plus fréquemment. Cela va certainement faire l'objet d'une de ces réglementations qui nous tombent dessus de temps à autre comme une tornade.

Le sénateur Perrault: Y a-t-il des compagnies implantées ailleurs qu'au Canada qui vendent maintenant des produits d'assurance sur Internet?

M. Astley: Oui.

Le sénateur Perrault: Quel pourcentage de leurs activités cela peut-il représenter?

M. Astley: C'est une proportion minuscule des nouvelles ventes de l'ensemble du secteur, certainement bien moins de un pour cent des ventes. C'est toutefois un domaine nouveau à propos duquel il est difficile de faire des prévisions, tout comme il était difficile de prévoir la pénétration des services bancaires à domicile, que ce soit par téléphone, par ordinateur ou autrement. Chacun sait que cette technologie existe. Ce que personne ne peut prévoir, c'est à quelle vitesse la majorité de nos clients vont l'accepter et l'intégrer dans leur vie quotidienne.

Le sénateur Perrault: Un des problèmes est sans doute qu'un certain savoir-faire est nécessaire pour y avoir accès.

M. Astley: Il y a des habitudes et des modes de comportement qu'il n'est pas facile de modifier.

Le président: Monsieur Astley et monsieur Daniels, merci. J'espère que vous nous enverrez les réponses écrites que nous vous avons demandées d'ici une quinzaine de jours si possible.

Sénateurs, le témoin suivant, le commissaire à la protection de la vie privée, M. Bruce Phillips, ne peut pas venir aujourd'hui parce qu'il est malade.

Nous allons maintenant entendre le président de Beacon Securities Limited.

M. Lonsdale W. Holland, président, Beacon Securities Limited: Monsieur le président, merci de me donner l'occasion de parler devant vous. Dans mon très court mémoire, j'ai essayé d'expliquer, dans notre optique étroite, combien ces choses sont importantes. C'est comme quand on dit qu'une femme est «un petit peu enceinte», ce qui est impossible. Ces propositions représentent en fait la mise en marche à grande échelle d'un processus très lourd de conséquences.

Même les choses les plus insignifiantes devraient être bien faites. C'est le maillon le plus faible qui détermine la solidité d'une chaîne. Un tas de sable n'est rien d'autre qu'une grande quantité de petits grains.

Je voudrais parler simplement de l'un de ces grains de sable. Nous sommes une petite société de courtage régionale. Nous avons lu récemment dans le journal que RBC Dominion Securities and Richardson Greenshields allaient fusionner et que, d'ici quelques années, il n'y aurait plus dans cette entreprise aucun employé faisant moins d'environ 250 000 $.

Nous avons 12 chargés des ventes aux particuliers, des conseillers en investissement; un seul d'entre eux s'occupe de ce dont il est question ici. Nous offrons en fait des services personnalisés à des petits clients dans un petit secteur. L'important est de leur offrir un service adéquat. Nous avons des clients qui aiment traiter avec nous parce qu'ils ont été mécontents du service offert par certaines de ces grandes entreprises ou, dans certains cas, certaines banques.

Lorsque la banque reçoit le formulaire demandant le transfert du REÉR d'un client, elle lui téléphone pour lui demander de venir discuter de l'ensemble de son portefeuille ou de son programme de prêts en lui laissant entendre que, s'il retire ce compte de la banque, il se peut qu'elle ait à réexaminer l'ensemble de sa situation et cesser peut-être de lui accorder un crédit.

J'ai 12 courtiers. Trois sont venus me parler de clients à qui cela est arrivé. Ils représentent 25 p. 100 de mon personnel de vente. Je n'ai pas demandé aux autres si c'était aussi arrivé à leurs clients. J'aurais peut-être dû le faire, mais je sais que cela se produit.

Ce n'est réellement bon ni pour l'économie, ni pour les particuliers, surtout pour les petits clients qui, dans de nombreux cas, sont ceux qui ont le plus besoin d'aide et qui sont le plus souvent victimes de ces pratiques.

Quelqu'un disait que, si on partage un lit avec un éléphant, il faut être sur ses gardes. Ce sont les petits clients qui devront être le plus sur leurs gardes et qui auront le plus besoin d'aide.

Dans le même ordre d'idées, plus de 80 p. 100 de ce secteur est aujourd'hui entre les mains de cinq entreprises. Nous sommes animés par l'appât du gain. Nous voulons toujours gagner plus. C'est peut-être ce qui fait marcher le système, mais il vient un moment où une réglementation est nécessaire.

Je vais vous donner un exemple. Demandez aux quatre principaux membres d'un syndicat financier s'il ne vaudrait pas mieux qu'ils ne soient que trois. Si celui qui répond est l'un des trois, il dira que oui. Si on dit ensuite qu'il n'en faudrait que deux, puis un, ils seront tous d'accord. Pourquoi? Par appât du gain. Ils ont l'impression qu'ils auront une plus grosse part du gâteau.

Dans notre pays, la plupart des placements de titres sont effectués par les cinq principales sociétés. Il y a plus d'une centaine de petites maisons, comme la mienne, dans l'ensemble du pays qui souvent ne sont pas même prises en considération. Toute une partie de la population est donc obligée de traiter avec les grandes sociétés. Les consommateurs qui ne sont pas assez gros pour traiter avec elles ne peuvent parfois s'adresser qu'à une banque ou un courtier en fonds mutuels et non pas à un établissement offrant une gamme complète de services.

Hier, il y a eu une émission d'obligations en Nouvelle-Écosse et aujourd'hui, c'était au Nouveau-Brunswick. Dans les deux cas, les syndicats de placement pouvaient disposer de cinq pour cent. Il se trouve que je suis associé à la vente des deux et je n'ai donc pas de problème cette fois-ci. Beaucoup d'autres entreprises ont essayé de se joindre à un de ces syndicats ou aimeraient le faire, mais la quantité offerte n'était pas suffisante pour couvrir ne serait-ce qu'une petite partie de leurs besoins.

J'ai parlé de ces problèmes avec mes collègues de l'ensemble du pays. Certains, comme moi, ont beaucoup d'expérience et observent la situation depuis longtemps. Le sénateur Angus a mentionné Midland pour qui j'ai travaillé pendant 31 ans. Il y a huit ans, j'ai fondé ma propre société. Nous réalisons un profit et nous nous amusons bien.

Je vous raconterais volontiers un peu plus tard ce qui se passe lorsqu'une petite société comme la nôtre essaie de renégocier une hypothèque. Ce serait un autre sujet. Je m'en tiendrai là.

Le président: Je comprends que la mainmise de ces cinq grandes entreprises sur 80 p. 100 du marché vous inquiète. Je ne sais pas ce que le gouvernement peut faire à ce sujet. Je ne sais pas comment on pourrait imposer des limites pour que ce chiffre ne soit pas dépassé.

M. Holland: Ce n'est pas que leur mainmise sur 80 p. 100 du marché gêne, mais je ne pense pas que cela soit bon pour l'économie. Je trouve par contre gênant que, quand un de mes courtiers demande à une de ces sociétés de transférer un compte ailleurs, celle-ci appelle le client et lui dise: «En fait, nous ne pensons pas que vous devriez faire sortir l'argent de là où il est pour le moment.» Un prêt accordé pour un REÉR ne fait jamais partie de la garantie du client, tout au moins pas à ma connaissance.

Dans un autre cas, quelqu'un avait reçu un héritage d'un parent qui se trouvait avoir traité avec la même institution financière.

L'héritier voulait retirer l'argent et il s'est fait dire: «Si vous le faites, cela aura des répercussions sur les transactions que vous effectuez chez nous, mais si vous vous adressez à la société d'investissement avec laquelle nous sommes associés, nous pourrons peut-être vous accorder des conditions plus favorables pour quelque chose d'autre.» Pour des choses comme cela, nous ne pouvons pas leur faire concurrence. Ce que j'essaie de dire, c'est que s'il y avait un cloisonnement, le problème ne se poserait pas.

Le sénateur Angus: Les courtiers en valeurs mobilières savent très bien que le montant des transactions avec les gouvernements est limité, de même que le montant total des transactions réalisables au Canada. Quelqu'un m'a dit l'autre jour que lorsqu'un courtier d'une des cinq grandes sociétés fait des appels ces temps-ci, il n'a besoin d'en faire qu'un nombre X, alors qu'il en faisait cinq fois plus autrefois. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec ça ou non. Vous leur disputez le marché en appelant les mêmes personnes. Disons qu'il y a une émission de titres de Bell Canada. D'après vous, il serait donc difficile de pouvoir en vendre.

M. Holland: Je dis deux choses. D'abord, c'est difficile, en effet. Deuxièmement, un fort pourcentage de la population du Canada est empêché d'y participer, voilà tout.

Le sénateur Angus: Je le sais.

M. Holland: Ce n'est vraiment pas bon pour l'économie.

Le sénateur Angus: Comment régler cela du point de vue politique?

M. Holland: Une solution pourrait être de dire que 10 p. 100 des titres doivent être offerts à un syndicat de placement et il y a une centaine de sociétés de courtage qui pourraient éventuellement y participer. Bien souvent, aucun syndicat de placement n'est associé à une telle vente.

Le sénateur Angus: Je me souviens, par exemple, qu'il avait été question de cela lors de la privatisation du CN et d'Air Canada. Des syndicats de placement avaient été créés pour des distributeurs locaux ou des sociétés comme la vôtre, n'est-ce pas?

M. Holland: En fin de compte, nous avons participé à cette offre, mais il y avait en plus un syndicat de placement auquel participaient d'autres courtiers qui n'étaient pas directement associés à cette vente. Là encore, je pense que la part du syndicat était de cinq pour cent. Il y a toutefois beaucoup de gens dans la population, surtout des petits épargnants, qui n'ont rien pu avoir. On ne peut souvent pas répondre totalement à la demande, mais la distribution serait certainement beaucoup plus large, ce qui serait bon pour la société concernée, l'économie et la population.

Le sénateur Angus: Disons que nous recommandions qu'on impose, par exemple, une restriction ou une part obligatoire de 10 p. 100. Où cela figurerait-il? Comment le faire?

M. Holland: Vous pourriez simplement énoncer une politique indiquant à ce secteur que vous aimeriez que plus de gens participent à la distribution.

Le sénateur Angus: Je prends note de votre remarque et certains sont assurément d'accord avec vous. Je me rappelle un témoin, il y a des années, qui avait fondé Midland. C'était une petite entreprise. Un client en a parlé à des amis à Montréal; ils se sont montrés très dynamiques et l'entreprise a prospéré. Je vois que nous avons cette après-midi des témoins représentant la société qui a succédé à l'entreprise initiale. Certaines petites maisons se sont lancées à Montréal, comme Beacon. Elles sont dynamiques parce qu'elles ont l'impression qu'elles doivent faire des efforts particuliers. Y a-t-il maintenant une telle concentration, surtout puisque les banques possèdent la majorité de ces cinq grandes sociétés de courtage, qu'il est tout simplement impossible de se tailler une part du marché, même pour les petites entreprises les plus dynamiques comme la vôtre?

M. Holland: Pas du tout. Nous réalisons un profit depuis le premier jour et notre croissance continue. Pour diverses raisons, il y a plus d'entreprises dans ce secteur aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Bien sûr, elles ont, ensemble, une part de marché plus petite qu'il y a 10 ans. Inversement, celle des grandes entreprises est plus grande qu'il y a 10 ans. Cette tendance va peut-être continuer.

Les entreprises comme la nôtre ont, à bien des égards, diverses possibilités. Bien des gens ne veulent pas traiter uniquement avec, par exemple, une ou deux banques seulement. Ils veulent pouvoir traiter avec des gens extérieurs à elles. Dans certains cas, les banques peuvent leur faire concurrence, directement ou indirectement, cela nous offre donc des possibilités.

Nous avons aussi d'autres possibilités si nous avons un petit créneau. Depuis six ans, nous organisons chaque année un séminaire sur les investissements. J'étais à St. Andrews. J'avais invité 42 experts financiers du Canada et quatre des États-Unis, ainsi que trois ministres des Finances et le sous-ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, parce que le ministre était occupé ailleurs et n'était pas disponible. Il y avait aussi les présidents ou les PDG de quatre entreprises de services publics et 17 conférenciers en deux jours. Nous faisons quelque chose qui n'a pas d'équivalent dans notre région.

Le sénateur Angus: C'est un programme de marketing.

M. Holland: Oui. J'ai entendu dire qu'il y a deux ou trois ans, deux grandes entreprises ont demandé à certains de nos conférenciers: «Devrions-nous faire quelque chose comme ça?» Nous avions simplement imité ce que Pemberton Securities faisait avec beaucoup de succès dans l'Ouest depuis des années. Différentes personnes ont dit à ces deux grandes entreprises qu'on ne pouvait faire qu'un seul séminaire comme ça. Nous avons décidé de le faire. Elles n'ont sans doute pas à réinventer la roue puisque nous l'avons fait. C'est un hasard bénéfique pour nous parce que cela nous fait mieux connaître.

Si vous me le permettez, je voudrais dire quelque chose au sujet du refinancement des hypothèques. Notre édifice nous appartient. Il y a un peu plus d'un an, j'ai voulu le refinancer. La moitié de notre hypothèque était remboursable en tout temps et il restait un an avant l'échéance de l'autre moitié, dont le taux d'intérêt était de 7,65 p. 100. À cette époque, le taux préférentiel était de 8,25 p. 100 et, pour une hypothèque d'un an, le taux était de neuf pour cent. Nous avons été obligés de payer trois mois d'intérêt à la banque alors que celle-ci allait pouvoir en même temps prendre notre argent et gagner 1,35 p. 100. Elle nous faisait payer quelque chose pour l'aider à améliorer son bilan. Je ne sais pas comment cela s'explique sinon qu'elle était sans doute très mécontente que j'aille emprunter ailleurs. Elle me pénalisait. J'ai trouvé ça très désagréable. Quand j'ai lu cette remarque dans le Livre blanc, j'ai pensé que je devais en parler.

Le sénateur Angus: Cette question de ce qu'on appelle les ventes liées et l'interdistribution est très troublante. Pendant que vous parliez, je pensais aux cinq grandes sociétés de courtage. Elles appartiennent toutes à une banque ou à une autre, si bien que, quand des titres sont émis, l'effet de concentration est doublé. Il y a, d'un côté, les banques et, de l'autre, les maisons de courtage. Si vous traitez avec une banque qui s'occupe maintenant aussi de conseils en investissement, elle vous dira peut-être: «Nous remarquons que vous avez effectué quelques transactions avec Beacon, qui ne participera probablement pas au placement de ces titres. Si vous en voulez, vous devriez vous adresser à Wood Gundy ou à RBC.» Est-ce ce que vous voulez dire?

M. Holland: Non, mais c'est probablement ce qui va se passer puisque toutes les banques possèdent leurs propres grosses sociétés de conseils en investissement. Elles gèrent un volume de plus de 20 milliards de dollars et elles assurent le placement de titres, c'est donc dans leur intérêt. Elles auront certainement un droit de préemption. Là encore, les petites gens se trouveront défavorisées.

Je ne mettais pas l'accent sur les comptes placés auprès de courtiers parce qu'il ne s'exerce aucune coercition dans ce cas-là. Par contre, lorsque le compte est placé auprès d'une banque, celle-ci veut se protéger et ne met pas de gants. Les gens ont parfois l'impression que la banque les menace parce que leur ligne de crédit est importante pour elle. Ils ne savent pas jusqu'à quel point elle fera pression sur eux.

Le sénateur Angus: Vos moyens sont relativement limités -- je ne parle pas de vos moyens financiers --, mais êtes-vous au courant d'un cas où, par exemple, un de vos clients aurait contracté, pour sa petite entreprise ou pour lui-même, un emprunt d'un montant «X». La banque sait qu'il a un portefeuille et elle veut l'utiliser comme garantie. Elle en diminue la valeur d'évaluation pour pouvoir l'avoir et dit ensuite: «Si vous ne voulez pas le donner en garantie, il faut que vous traitiez avec nous.»

M. Holland: Nous n'avons pas eu à faire face à une situation de ce genre, mais nous avons eu des clients dont le REÉR était détenu par une banque. Je ne connais pas les montants exacts, mais, dans les trois cas auxquels je pense, c'était moins de 100 pour l'un d'eux et un peu plus de 100 pour les deux autres. Ils ont voulu les transférer. Ils ont subi de fortes pressions et ont fini par les laisser en place. Ils ne se sentaient pas dans une position assez solide pour transférer leur REÉR. Ils voulaient le faire parce que l'employé de la banque qui s'occupait de leurs investissements ne leur fournissait pas un rendement satisfaisant.

Le sénateur Angus: S'agissait-il de régimes autogérés?

M. Holland: Ils étaient placés dans des fonds mutuels à la banque. Ces fonds n'étaient pas assez importants pour qu'ils s'adressent à leur courtier, parce que les courtiers veulent avoir des comptes plus gros.

Le sénateur Meighen: Monsieur Holland, vous répondez certainement à un besoin. Vous réalisez un profit chaque année. De toute évidence, il y a des gens qui veulent traiter avec une maison indépendante -- il y en a tout au moins un certain nombre qui attachent de l'importance à cela.

Vous avez mentionné une chose qui pourrait vous aider à participer à un syndicat de placement. Y a-t-il autre chose du même genre qui pourrait faciliter la tâche d'une organisation comme la vôtre?

M. Holland: Nous traitons aussi avec les institutions les plus connues dans toutes les provinces du pays. Nous avons, en Nouvelle-Écosse, des employés qui traitent seulement avec des particuliers dont les moyens sont, dans l'ensemble, plutôt réduits. Nous avons du mal à augmenter ce type d'activités, qui constitue le créneau que nous visons. Nous n'essayons pas de concurrencer RBCDS, Wood Gundy, ou qui que ce soit d'autre parce que les gens de ces sociétés disposent de services de soutien que nous n'avons pas. Nos employés sont des professionnels qui fournissent un service personnalisé à une clientèle qui, de façon générale, n'intéresse pas ces grands groupes.

Le sénateur Meighen: Une organisation du nom de CARP s'est présentée devant nous hier. Elle s'occupe des personnes âgées. Ses représentants nous ont expliqué avec véhémence que les employés des grandes institutions financières manquent parfois de compétence ou de motivation pour traiter individuellement avec des personnes âgées dans l'esprit desquelles l'éventail des possibilités qui leur sont offertes crée souvent appréhension et confusion. Je suis sûr que vous conviendriez très bien à ces gens-là.

M. Holland: Nous essayons de traiter avec eux et avec d'autres qui sont dans des situations analogues. Nos employés ont une qualification professionnelle bien supérieure à celle de ceux avec lesquels ils traitent dans les banques. On les empêche de s'adresser à des entreprises qui leur offriraient un meilleur service.

Le sénateur Angus: Pour les mêmes raisons?

M. Holland: Oui.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Holland, de vous être présenté devant nous aujourd'hui.

Les prochains témoins représentent l'Independent Investment Dealers Association et leur porte-parole est M. Robert Schultz, président du conseil et chef de la direction de Midland Walwyn. Je lui demanderai de s'asseoir à la table.

Je vous ai distribué à tous un article du Globe and Mail d'aujourd'hui qui donne un avant-goût des commentaires de M. Schultz. Nous avons tous cet article qui explique vos objectifs. Bienvenue au comité. Veuillez nous présenter les personnes qui sont avec vous. Vous pourrez ensuite prononcer votre déclaration d'ouverture. À en juger par votre article et votre mémoire, nous aurons de nombreuses questions à vous poser. Merci d'être venu de Toronto pour nous voir.

M. Robert Schultz, président du conseil et chef de la direction, Midland Walwyn Capital Inc., Independent Investment Dealers: Merci de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui des ventes liées, monsieur le président.

Je suis accompagné de Peter Bailey, chef de la direction de Gordon Capital Corporation, et de Lorie Waisberg, c.r., partenaire, Goodman Phillips and Vineberg.

Les quatre piliers ont été démantelés en 1987. Ils sont apparemment tombés tous du même côté, ce qui a permis aux banques de s'introduire dans les affaires de tout le monde. Nous ne voyons pas pourquoi nous ne devrions pas être capables de livrer directement concurrence aux banques. Nous comprenons que le programme de la série actuelle d'audiences est déterminé par le Livre blanc du ministère. Nous croyons toutefois que, vu la façon dont l'examen se déroule, certaines grandes questions relatives à la structure de notre secteur des services financiers ne sont pas prises en compte. Il est essentiel que le groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers se penche sur ces questions.

Nous allons vous parler aujourd'hui de la vente liée, parce qu'il s'agit de la plus grande question concurrentielle soulevée dans le Livre blanc que les courtiers non bancaires doivent affronter tous les jours.

Les grandes banques à charte canadiennes ont réussi à dominer le secteur des valeurs mobilières au cours des dix dernières années. Depuis quelque temps, les banques ne ménagent pas leurs efforts afin d'intégrer les activités de leurs courtiers en valeurs mobilières à leurs propres opérations. Cela a donné naissance au problème de la vente liée, tant pour les particuliers que pour les sociétés.

Le Livre blanc du ministère des Finances décrit la vente liée comme ce qui se produit lorsqu'une société oblige un client à acheter un produit pour pouvoir s'en procurer un autre.

Ceux qui s'opposent au projet d'inclure tous les produits et services financiers dans l'interdiction de la Loi sur les banques en matière de vente liée font valoir les quatre grandes objections suivantes: premièrement, la vente liée n'existe pas; deuxièmement, si elle existe, il s'agit de cas isolés; troisièmement, la Loi sur la concurrence offre suffisamment de protection contre la vente liée; et quatrièmement, on confond la vente liée avec l'interdistribution avantageuse ou les services bancaires sur mesure.

Permettez-moi de répondre à ces objections. Commençons par voir s'il se produit effectivement de la vente liée. La plupart des gens ne veulent pas s'exprimer publiquement à ce sujet parce que parler de l'incident risque seulement de leur faire perdre le crédit à propos duquel ils s'inquiétaient au départ. J'ai reçu beaucoup de plaintes de la part de mes conseillers et de mes clients. Si la plupart des gens sont réticents à en parler, certains Canadiens sont prêts depuis peu à raconter publiquement ce qui leur est arrivé. Je suis content de présenter au comité les détails de trois incidents dont mon bureau a pris connaissance depuis peu.

Deuxièmement, les banques ont prétendu que s'il existe effectivement des cas de vente liée, ils sont isolés et rares. Là n'est pas la question. Comme l'Association des consommateurs du Canada l'indiquait dernièrement, un consommateur victime de coercition ne devrait pas être obligé de prouver, comme l'exige actuellement la Loi sur la concurrence, que l'institution visée contraint régulièrement ses clients. Le consommateur devrait plutôt être tenu de prouver seulement qu'il a lui-même été victime de coercition.

Nous sommes d'accord. Un seul cas de vente liée est un cas de trop. Aucun consommateur canadien ne devrait faire l'objet d'une vente liée abusive, même s'il s'agit d'un incident isolé.

Troisièmement, il a été dit que la Loi sur la concurrence est l'instrument qui convient pour corriger ce problème. Laissez-moi vous dire pourquoi cette loi ne permet pas de le régler. Conformément à l'article 77 de la Loi, le directeur peut demander au Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance de redressement de la vente liée. Au Canada, la vente liée n'est pas illégale tant que le tribunal n'a pas déterminé qu'il s'agit d'un comportement inopportun. Pour ce faire, il doit constater que la vente liée est une pratique et qu'elle aurait pour effet d'affaiblir considérablement la concurrence.

Le fardeau de la preuve constitue un gros obstacle. Nous croyons que l'article 77 de la Loi sur la concurrence ne constitue pas une réponse appropriée dans le cas d'une utilisation coercitive du pouvoir d'autorisation de crédit.

En ce qui concerne la quatrième objection, nous comprenons évidemment la différence entre la vente liée et l'interdistribution. Elle s'appelle coercition. Nous ne cherchons pas à proscrire l'interdistribution avantageuse ou les services bancaires sur mesure. Nous voulons proscrire la coercition en empêchant la possibilité d'utiliser le pouvoir d'autorisation de crédit pour exercer de la pression sur les clients ou les forcer à acheter un produit ou un service d'un fournisseur que le consommateur ne choisirait pas de son plein gré.

Je cède maintenant la parole à mon collègue Peter Bailey, qui vous décrira le recours que nous souhaitons.

M. Peter Bailey, chef de la direction, Gordon Capital Corporation, Independent Investment Dealers: Monsieur le président, aux États-Unis, les lois antitrust régissent la vente liée et les autres comportements anticoncurrentiels dans tous les secteurs de l'économie depuis plus de 75 ans. En 1970, le Congrès américain a néanmoins amendé expressément la Bank Holding Company Act afin d'interdire la vente liée par les banques. Nous voulons que les Canadiens bénéficient de la même protection. Nous sommes appuyés en ce sens par l'Association des consommateurs et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, les deux principaux porte-parole des consommateurs de services financiers.

Le paragraphe 416(5) de la Loi sur les banques interdit actuellement la vente coercitive de produits d'assurance par les banques. Ce passage stipule que la banque ne peut exercer de pression sur un emprunteur pour lui faire souscrire, auprès d'une compagnie d'assurance donnée, une assurance à son profit. Cette interdiction fait partie de notre législation bancaire depuis des années. Nous croyons que maintenant que les banques sont présentes dans tous les domaines de services financiers, il y a lieu d'élargir l'article afin d'interdire aux banques de faire de la vente coercitive d'un service ou d'un produit financier.

Nous proposons par conséquent que le paragraphe 416(5) de la loi soit modifié comme suit: «La banque ne peut exercer de pression sur un emprunteur pour lui faire acheter ou obtenir un produit ou un service financier d'un fournisseur particulier. Advenant toutefois qu'un produit ou un service financier soit requis en rapport avec un prêt, la banque peut exiger que le fournisseur choisi par l'emprunteur soit agréé par elle, la banque ne pouvant refuser son agrément sans motif valable.»

Vous constaterez que les mots clés du paragraphe 416(5) font en sorte qu'une banque doit exercer de la pression pour commettre une infraction. Nous évitons de cette façon de tomber dans le piège d'interdire par inadvertance l'interdistribution avantageuse ou les services bancaires sur mesure.

Nous croyons en bref qu'il faut régler la question de la vente liée. Nous pensons que notre solution est conforme au but de la Loi sur les banques et qu'elle constitue une réponse raisonnable à un problème réel.

Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions au sujet de notre proposition.

Le président: Merci beaucoup, messieurs.

Je veux être sûr de bien comprendre votre proposition. Depuis très longtemps, comme l'a dit M. Bailey, la Loi sur les banques empêche celles-ci d'exiger l'achat d'une assurance -- ce qu'elle exige souvent comme garantie pour un prêt au cas où un client mourrait avant d'avoir fini de payer son emprunt ou son hypothèque -- auprès d'une société d'assurance lui appartenant. Elle peut le proposer, mais pas l'exiger.

Vous nous dites en fait que, étant donné que les banques offrent toute une série d'autres services financiers, il faudrait, maintenant que les piliers se sont écroulés, interdire de la même façon d'orienter un client vers un courtier, une société de fiducie ou un autre établissement spécifique. Cela résume-t-il votre proposition?

M. Bailey: Oui.

Le sénateur Angus: Je crois que leurs propositions sont très claires.

Gordon Capital n'a aucun lien avec une banque quelconque, n'est-ce pas?

M. Bailey: Non.

Le sénateur Angus: Je pensais que vous aviez été liés avec la CIBC à un moment donné.

M. Bailey: Non, jamais.

Le sénateur Angus: Pas du tout?

M. Bailey: Non.

Le sénateur Angus: Des témoins représentant les coopératives de crédit nous ont parlé cette semaine de leurs rapports avec Midland. Participez-vous à une coentreprise?

M. Schultz: Nous occupons du volet services pour un département de valeurs mobilières ou d'investissement que Credit Union Central essaie de créer. Nous leur fournissons des services administratifs contre rémunération. Pour faciliter le lancement de cette activité, nous avons offert un prêt à cette association sous la forme d'une participation de 20 p. 100 à ses activités, mais elle peut nous rembourser quand elle le veut, après quoi nous ne serons plus qu'une tierce partie fournissant des services.

Le sénateur Angus: Je ne veux pas laisser entendre que vous avez conclu des ventes liées avec les coopératives de crédit, mais je voulais soulever cette question d'entrée de jeu pour des raisons de crédibilité.

M. Schultz: Nous avons présenté une offre en concurrence avec d'autres.

Le sénateur Angus: Très bien.

Vous avez parlé de trois incidents. Pouvez-vous nous les présenter brièvement et nous dire pourquoi les modifications à l'article 416 que vous proposez pourraient régler les problèmes correspondants?

M. Schultz: Je vais vous expliquer le cas de John et June Gallin de Guelph, en Ontario. C'est un couple en retraite et tous deux sont clients de la Banque Royale depuis plus de 50 ans. En mai 1996, ils ont vendu la maison qu'ils avaient à la campagne pour en acheter une nouvelle dans un ensemble pour retraités en ville. Pour effectuer cette transaction, il leur fallait un financement provisoire de 145 000 $ pendant une semaine. Ils en ont fait la demande à la Banque Royale qui leur a dit que c'était possible, mais qu'ils devraient payer des frais d'écritures de 1 000 $ et que s'ils transféraient tous leurs actifs financiers -- notamment un REÉR géré par nous -- à la Banque Royale, ils en seraient exonérés.

Les Gallin ont demandé à rencontrer le directeur de leur succursale pour parler de cette offre qu'ils jugeaient tout à fait déraisonnable. Ils n'ont pas pu obtenir de rendez-vous avec lui, ce que je trouve remarquable puisqu'ils étaient clients de cette banque depuis 50 ans.

Il s'agit fondamentalement d'une vente manifestement coercitive. Au premier abord, l'exonération des frais d'administration proposée par la banque semble constituer un exemple de services bancaires sur mesure. C'est une pratique courante et acceptable qu'utilise habituellement une banque quand elle offre à un client d'abaisser le taux de son hypothèque d'un quart de pour cent s'il regroupe tous ses comptes chez elle. Un montant de 1 000 $ pour les frais administratifs est tout à fait déraisonnable. S'il s'agissait d'un intérêt sur l'emprunt, le taux serait d'environ 38 p. 100 par an et cela constitue également des frais de service disproportionnés. En fait, la proposition de les en exonérer montre que ces frais sont totalement arbitraires et visent simplement à faire pression sur les clients. C'est manifestement un exemple du type d'attitude qu'à notre avis, l'amendement que nous proposons interdirait.

Le sénateur Angus: L'un d'entre vous a-t-il jamais entendu parler de frais d'écritures? J'ai déjà entendu parler de commissions d'engagement et de divers autres types de frais que les banques font payer, par exemple, en cas de cession-bail, mais je n'ai jamais entendu l'expression «frais d'écritures».

M. Schultz: Non. Je cite seulement ce qu'ils m'ont raconté.

Le sénateur Angus: C'est donc peut-être un nouveau truc qui peut rapporter beaucoup.

Cela ne vous paraît-il pas illégal actuellement?

M. Schultz: C'est illégal actuellement en vertu de la Loi sur la concurrence, mais les faits sont très difficiles à prouver.

M. Waisberg: Pour que ce soit déclaré illégal, il faudrait entamer un procès et prouver deux choses au tribunal: premièrement, que c'est une pratique établie et, deuxièmement, qu'elle a pour effet de réduire fortement la concurrence. On peut penser que la deuxième exigence ne serait pas satisfaite.

Le sénateur Angus: Je comprends. Toutefois, vous ne connaissez aucune autre loi qui rende cela illégal.

M. Waisberg: Si le chiffre était un peu plus élevé, ce serait peut-être de l'usure.

Le sénateur Angus: Trente-huit pour cent est un taux très usuraire.

Passez maintenant au cas de Rhonda Oxley, s'il vous plaît.

M. Schultz: Il s'agit de Rhonda Oxley d'Orillia, en Ontario, qui travaille pour le Retirement Council of Canada. Elle a été cliente de différentes institutions financières. Lorsque l'hypothèque qu'elle avait contractée auprès de la Banque Laurentienne a dû être renouvelée, elle a décidé de s'adresser à d'autres institutions pour chercher à obtenir une meilleure hypothèque.

Le sénateur Angus: Vous voulez dire un meilleur taux?

M. Schultz: De meilleures conditions, et cetera.

Elle s'est adressée à la Banque de Nouvelle-Écosse où l'agent des hypothèques lui a fait savoir que la banque approuverait plus facilement sa demande si elle traitait d'autres affaires avec elle. On lui a en particulier suggéré de transférer le compte VISA qu'elle avait avec CIBC. C'est un exemple flagrant de vente liée. On lui a clairement laissé entendre que, sans cela, sa demande serait rejetée. Un consommateur ne pourrait pas interpréter cela autrement. C'est un exemple manifeste des pressions que l'amendement proposé par les courtiers indépendants interdirait.

Le docteur Vernon Bowes, de Dartmouth en Nouvelle-Écosse, est le chef de médecine de laboratoire de l'hôpital de Dartmouth et il a été client de plusieurs institutions financières. En 1996, il a sollicité un emprunt personnel auprès de la Banque Royale du Canada pour payer un arriéré d'impôt à Revenu Canada. Il avait, à l'époque, contracté quatre dettes, dont une hypothèque auprès de la Banque Royale et de CIBC.

On lui a dit que, vu son endettement, ses capacités financières étaient probablement insuffisantes pour que l'emprunt puisse être approuvé. L'agente a néanmoins entrepris d'obtenir l'approbation du centre de prêts de la banque. Elle a ensuite indiqué au docteur Bowes que la banque lui accorderait ce prêt s'il regroupait toutes ses dettes existantes dans un seul emprunt auprès d'elle. Elle exigerait également qu'il transfère son REÉR à la banque pour lui donner une garantie.

C'est ce que confirme un document intitulé «Demande de crédit en cours», remis au docteur Bowes par la banque, qui précise:

Ce regroupement nécessiterait que toutes les activités nous soient transférées -- REÉR, hypothèque -- à leur renouvellement.

Dans ce cas-ci, la vente liée est plus subtile, mais c'est néanmoins une tentative de s'attirer la clientèle de la victime par la coercition. Il n'y a rien à redire au fait que la banque demande que les dettes existantes soient regroupées. Aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, il est toutefois illégal d'utiliser un REÉR comme garantie pour un prêt. Il est impossible que la succursale et le centre de prêts de la banque n'aient pas été au courant. Dans ces conditions, le fait de prétexter que le REÉR du docteur Bowes devait constituer une garantie ne peut être considéré que comme une forme à peine voilée de vente liée.

La banque a choisi de faire du dépôt de son REÉR une condition de l'accord de crédit tout en prétendant que cela constituait une garantie nécessaire. Cela revient non seulement à pratiquer une vente liée, mais aussi à induire le consommateur en erreur. C'est un exemple manifeste du type de pression que l'amendement proposé par les courtiers indépendants interdirait.

Le sénateur Angus: Je déduis de vos propos qu'il s'agit là simplement de la pointe de l'iceberg, qu'il est difficile d'obtenir que les gens signalent leurs problèmes et qu'il n'est pas facile d'obtenir des preuves. Êtes-vous en train de dire au comité que c'est une pratique couramment employée par les grandes banques?

M. Schultz: Nous pensons que c'est une pratique répandue, mais là n'est pas le problème, à notre avis. Le problème est qu'un seul cas de vente liée est un cas de trop. Ce qui compte, c'est les conséquences qui en résultent pour le consommateur. Plusieurs anciens banquiers qui travaillent pour notre organisation ont confirmé que cela se fait à grande échelle. Toutefois, comme je l'ai dit, là n'est pas le problème.

Le sénateur Angus: Il est certainement là en partie. Pourquoi chaque cas est-il un cas de trop? Parce que c'est une pratique qui va à l'encontre de la liberté de choix, je suppose.

M. Schultz: C'est un acte de coercition à l'endroit des consommateurs. L'Association des consommateurs est d'accord sur ce point. C'est le principal organisme qui fait du lobbying au nom des consommateurs. Toute personne exposée à une telle coercition se trouve dans une situation très délicate. Elle devrait pouvoir confier ses affaires à ceux de qui elle juge obtenir les meilleurs services.

Le sénateur Angus: Je pense que vos deux sociétés sont membres de l'ACCOVAM?

M. Schultz: C'est exact.

Le sénateur Angus: L'ACCOVAM a également comparu devant nous. Est-ce le type de question qu'elle pourrait étudier?

M. Bailey: L'ACCOVAM est un organisme d'autoréglementation. Comme vous le savez bien, messieurs, notre secteur est très fortement réglementé. L'ACCOVAM consacre beaucoup de temps à cela. Depuis une dizaine d'années, une dissension importante est apparue entre les activités de ses membres. Nous ne présentons donc plus un front uni en tout temps face à n'importe quel problème comme autrefois. Chacun suit maintenant sa propre musique. Je ne pense pas que cela regarde vraiment l'ACCOVAM.

Le sénateur Angus: Quoi qu'il en soit, vous n'avez pas porté cette question à son attention, n'est-ce pas?

M. Schultz: Cette situation poserait des problèmes à l'Association parce qu'elle est composée de sociétés indépendantes ainsi que de sociétés appartenant à des banques. Il est difficile pour ses employés à plein temps de prendre position sur cette question. Ce n'est pas la première à propos de laquelle il y a des divergences de vue entre les membres.

Le sénateur Angus: Vous avez raison de dire que chaque cas de vente liée est un cas de trop, mais indépendamment de cela, la suppression de cette pratique n'offre-t-elle pas d'autres avantages aux courtiers indépendants comme vous?

M. Schultz: Ce que nous visons ici,7 c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde. Nous pensons que, si nous pouvions y parvenir, cela présenterait des avantages non seulement pour nous, mais aussi pour les consommateurs. C'est l'élément principal.

Le sénateur Angus: Vous avez évidemment consulté le Livre blanc qui contient des dispositions spécifiques concernant la vente liée. Souhaitez-vous faire d'autres commentaires sur le Livre blanc du gouvernement en ce qui concerne les dispositions législatives prévues pour le 31 mars 1997?

M. Schultz: Pour ce qui est du Livre blanc, c'est la principale question en ce qui nous concerne. Il y en a d'autres, comme l'appartenance à l'Association canadienne des paiements et à Interac, mais, si je comprends bien, c'est un autre comité qui s'en occupe indépendamment du Livre blanc.

Le sénateur Angus: Avez-vous eu l'occasion de discuter de cette question avec le BSIF ou le ministère des Finances?

M. Schultz: Nous en avons discuté avec le ministère des Finances l'automne dernier.

Le sénateur Angus: Lui avez-vous présenté la modification que vous proposez, celle que vous avez expliquée ici?

M. Waisberg: Oui.

Le sénateur Angus: Elle ne figure toutefois pas dans la liste des modifications de détail.

Le sénateur Meighen: Mes commentaires s'adressent surtout à M. Waisberg. Vu notre autorité morale, le précédent que constitue la Loi sur les banques et nos convictions personnelles, nous sommes tous d'accord, je pense, pour dire que, la vente liée n'est pas une pratique que quiconque -- et certainement pas un législateur -- souhaite encourager. Je ne sais pas comment formuler ma question sans paraître vous manquer de respect. Bien au contraire, monsieur Waisberg, je connais votre réputation et vos talents. Avez-vous vérifié à fond la portée de ce libellé de votre proposition pour le paragraphe 416(5)? Par exemple, y a-t-il une différence entre les termes «pression» et «coercition»?

M. Waisberg: Je peux vous citer la formulation actuelle de ce paragraphe. Nous voulions le changer le moins possible. Le libellé actuel du paragraphe 416(5) stipule qu'aucune banque «ne doit exercer de pression sur un employeur pour placer une assurance offrant une garantie à la banque auprès d'une société d'assurance quelconque». Il y a aussi des précisions supplémentaires dans un autre paragraphe.

Le sénateur Meighen: Je constate, dans l'article du Globe and Mail, que les institutions financières ont, dans les trois cas, une réponse, qui vaut ce qu'elle vaut. En fait, il y a une contradiction apparente, tout au moins pour les Gallin, quant à ce qui aurait été dit ou non. Il serait peut-être raisonnablement difficile de convaincre un juge de la véracité de l'une ou l'autre version. Vous indiquez ici que le libellé que vous proposez, dont le mot clé est «pression», préviendrait le risque d'interdire par inadvertance des formes avantageuses d'interdistribution ou de services sur mesure. C'est ce qui me préoccupe. Je me demande s'il en est vraiment ainsi. Avez-vous quelque chose à ajouter pour me rassurer à cet égard?

M. Waisberg: Pour nous, l'interdistribution ou les services sur mesure ne sont pas des techniques de marketing qui s'accompagnent nécessairement de pression. Elles sont liées à des facteurs économiques, à certains types de rapport. «Laissez-nous vous montrer ce que nous pouvons faire pour votre REÉR. Voici ce que nous avons fait pour d'autres gens. Confiez-nous votre hypothèque ainsi que vos autres comptes et nous vous accorderons un quart de point de réduction.» De telles déclarations ne constituent pas une pression. Le consommateur est libre de choisir sur la base de ce qu'on lui offre.

Ce qui nous déplaît est l'exercice de pressions forçant le consommateur à traiter avec ce vendeur à moins qu'il ne dispose de vastes ressources.

Le sénateur Meighen: Il me semble que c'est une forme de pression, même si c'est donnant -- «j'aurai droit à une réduction d'un quart de point si j'apporte d'autres comptes.» Dans le cas des Gallin, d'après l'une des versions, la banque a déclaré: «Nous laissons tomber les frais de 1 000 $ ou nous en réduirons le montant.» Quelle est la différence?

M. Waisberg: C'est une question de degré. Voilà pourquoi il y a des gens chargés d'établir les faits. Vous ne jouez pas ce rôle en ce moment.

Si les prétendus frais d'écritures s'étaient montés à 100 $, par exemple, cela n'aurait pas paru choquant. Par contre, vu la nature du prêt, sa durée, et cetera, un chiffre de 1 000 $ est exagéré.

Le sénateur Meighen: Et si la vérité était que la banque avait déclaré: «Nous vous en exonérerons»?

Le sénateur Angus: C'est la vérité.

Le sénateur Meighen: «Nous allons réduire le montant», alors. En d'autres termes, à votre avis, y a-t-il une distinction à faire? Est-ce le montant de 1 000 $ qui rend la chose inacceptable, et illégale d'après votre proposition, ou est-ce le fait de le réduire ou d'en exonérer le client?

M. Waisberg: Ce n'est ni la réduction, ni l'exonération.

Le sénateur Meighen: Alors, ce sont les 1 000 $?

M. Waisberg: Non, pas nécessairement. Si ces frais de 1 000 $ sont justifiables du point de vue économique, par exemple, parce que «nous exigeons 1 000 $ de tous nos clients pour les financements temporaires d'une semaine» et que c'est en rapport avec le travail nécessaire pour faire quelque chose comme ça, alors c'est très bien.

Le sénateur Meighen: Je pense que la distinction est très ténue. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas faire en sorte qu'il soit plus difficile de se livrer à des pratiques choquantes. Si la vente liée en est une, cette proposition fera peut-être l'affaire. Je pense que ce ne sera pas facile. Connaissez-vous de nombreux cas correspondant à l'article actuel, monsieur Waisberg?

M. Waisberg: Il n'y en a aucun qui corresponde à l'article 77.

Le sénateur Meighen: Cela veut-il dire que, d'après vous ou vos collègues, cela n'arrive pas?

M. Waisberg: Il y a évidemment des cas de vente liée. Le problème est de savoir s'ils s'accompagnent des deux ingrédients essentiels, c'est-à-dire, premièrement s'il s'agit d'une pratique, et, deuxièmement, si cela a pour effet de réduire la concurrence. C'est très difficile à démontrer.

Le sénateur Meighen: Je parle du paragraphe 416(5).

M. Waisberg: Je pensais que vous parliez de l'article 77. Je pense que les banques sont au courant de son existence et que ce n'est pas pratique courante chez elles parce que les conséquences en sont plutôt lourdes pour la banque et l'employé concerné.

Le sénateur Meighen: Peut-être.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ces cas vous ont-il été signalés par vos clients? Sont-ils venus vous dire: «Voilà ce qu'il nous est arrivé quand nous sommes allés voir notre banque»? Comment ces cas vous ont-ils été signalés?

M. Schultz: Ces gens ont appelé mon bureau pour raconter leur histoire quand la presse a annoncé que nous allions présenter un mémoire la semaine dernière au comité des finances de la Chambre.

La sénatrice Hervieux-Payette: Je dois dire qu'ils sont très courageux de donner leur nom, leur adresse et leur numéro de téléphone. Je les en félicite.

Si cela m'arrivait, je me demande si avec la création du poste d'ombudsman, cela réglerait le problème de ces gens-là qui pourraient dire: «Bon, je veux cette hypothèque et rien d'autre. Je ne veux pas de carte VISA, j'en ai une.»

Lorsque j'ouvre un dossier d'hypothèque dans une banque, je dois pratiquement raconter la vie de ma grand-mère ainsi que la mienne et celle de toute ma famille. C'est une enquête très approfondie. Quand on ouvre un compte dans une institution comme la vôtre, faut-il raconter toute sa vie? Il s'agit de pratiquement tous les aspects financiers de notre vie. Bien entendu, les banques savent qu'elles ont toutes sortes d'autres services qu'elles peuvent nous offrir. Avez-vous des exigences moindres quand quelqu'un ouvre un compte?

M. Schultz: La Loi sur les valeurs mobilières nous oblige à nous renseigner sur nos clients. Donc, quand vous ouvrez un compte, nous devons vous poser certaines questions sur vos antécédents, votre expérience en matière d'investissement, vos objectifs et d'autres détails concernant votre situation financière.

Cela dit, nous demandons moins de renseignements que ceux que vous donnez à une banque quand vous demandez un prêt ou une hypothèque.

La sénatrice Hervieux-Payette: Certains de vos membres offrent-ils un service de carte de crédit?

M. Schultz: Oui.

La sénatrice Hervieux-Payette: Et vous ne nous donnez pas de tuyaux sur la bourse?

Le sénateur Angus: Si.

La sénatrice Hervieux-Payette: S'il y a seulement trois cas de personnes courageuses, c'est insuffisant pour prouver que c'est une pratique courante. Néanmoins, par ailleurs, presque personne n'oserait défier toutes les banques de notre pays. Pour protéger les consommateurs, je serais en faveur de définir cela clairement dans nos recommandations.

Le président: Bien que vous ayez dit comment vous voulez modifier l'article 416 de la Loi sur les banques, ai-je raison de supposer que vous vous attendriez à ce que des dispositions identiques s'appliquent aux autres institutions recevant des dépôts, plus précisément les coopératives de crédit et les sociétés de fiducie, et que vous seriez même en faveur de cela?

M. Waisberg: C'est exact. Pour nous, ce qu'il y a de pire, ce sont les grands conglomérats financiers.

Le président: Il me semble peut-être mieux que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde, surtout compte tenu du fait que certains d'entre vous ont des liens avec les coopératives de crédit.

M. Waisberg: Ce n'est pas pire quand c'est fait par une société de fiducie ou une banque.

Le président: Je comprends que les cas cités étaient censés appuyer votre cause. Toutefois, si on le voulait, vous pourriez en tirer des conclusions quelque peu différentes.

Dans le premier cas, c'est, en fin de compte, Midland Walwyn qui leur a accordé un financement provisoire. On pourrait donc en conclure que la concurrence se porte bien et que quand les banques exigent des frais trop élevés, quelqu'un d'autre saute dans la brèche. Je pense qu'on pourrait donner une deuxième interprétation de ce cas.

M. Schultz: Le sénateur Meighen a posé tout à l'heure une question au sujet des rapports entre les services sur mesure et l'interdistribution, d'une part, et la vente liée, d'autre part. En fait, nous formons nos employés pour qu'ils essaient d'obtenir tous les comptes des clients; toutefois, il faut faire un effort pour y parvenir. Nous devons fournir le service. Nous n'avons aucun moyen d'exercer une coercition. Nous ne pouvons certainement pas dire: «Si vous ne nous confiez pas tous vos comptes, nous ne conclurons pas cette transaction avec vous.» Le problème, c'est la coercition.

Le président: Je signale simplement que, dans un sens, les Gallin ont rejeté la coercition et ont trouvé une autre source de financement, comme on peut s'y attendre quand une concurrence existe.

En fait, dans le cas de Rhonda Oxley, vous dites même dans vos propres notes que la banque lui a suggéré de retirer son compte VISA de CIBC. Le fait qu'elle l'ait seulement suggéré ne peut pas être considéré comme une pression.

Je ne suis pas tout à fait sûr que ces trois exemples seraient tombés sous le coup de la modification que vous proposez, et dont j'ai déjà dit que c'était à mon avis une bonne idée, si elle avait déjà été introduite.

Comme M. Waisberg l'a dit en répondant à la question du sénateur Meighen, le problème est de savoir si des accusations ont été portées en vertu de l'article 416 actuel. M. Waisberg a indiqué qu'il n'était au courant d'aucun cas parce qu'il pensait que les banques respectaient les règles puisque c'était la loi. Je pense que les institutions financières respecteront toujours les règles. Toutefois, comme ces exemples le montrent, il y a parfois une distinction très ténue entre ce qui constitue ou non une pression.

Je ne suis pas sûr à 100 p. 100 que vos trois cas appuient votre argumentation. Vous dites que les pouvoirs des institutions financières sont beaucoup plus vastes que lorsque les banques n'offraient que des assurances comme autres services financiers et, si l'article 416 était justifié quand elles pouvaient vendre des assurances, il l'est encore quand elles peuvent fournir une gamme d'autres services. C'est une évolution logique.

Je n'ai rien contre cet argument, mais je ne trouve pas vos exemples convaincants. J'aurais très facilement pu les contester. Je comprends néanmoins parfaitement la logique de votre position.

M. Schultz: Malheureusement, je ne pense pas que ces trois personnes partagent votre point de vue. Vous avez leurs numéros de téléphone et n'importe qui d'entre vous peut les appeler pour leur demander si elles pensent qu'elles ont été victimes de coercition.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé, messieurs.

Chers collègues, les prochains témoins représentent l'Association canadienne des sociétés fraternelles. M. Richard May est directeur de cette association et président de son comité législatif.

Veuillez présenter vos collègues et prononcer votre déclaration d'ouverture, nous pourrons ensuite passer aux questions.

M. Richard May, directeur de l'Association canadienne des sociétés fraternelles et président du comité législatif de l'Association canadienne des sociétés fraternelles: L'Association canadienne des sociétés fraternelles s'est déjà présentée à des audiences de comités du Sénat par le passé, mais ni Ralf Hensel ni moi-même n'étions là; c'est donc un plaisir nouveau pour nous.

Je m'appelle Richard May. Je travaille pour la Lutheran Life Insurance Society of Canada, dont le siège est situé à Waterloo en Ontario, mais je suis ici en tant que membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des sociétés fraternelles et président de son comité législatif.

Ralf Hensel est membre du comité législatif et il a largement participé aux discussions de détail et aux négociations concernant certains des changements à apporter aux dispositions législatives.

Notre association est un organisme bénévole qui représente 21 associations fraternelles canadiennes fortes d'environ 300 000 membres. Leur portefeuille d'assurance se monte à environ 9 milliards de dollars.

Le président: En capital assuré.

M. May: Les actifs de ces organisations se montent à approximativement 1,6 milliards de dollars.

Les associations fraternelles relèvent de la Loi sur les sociétés d'assurance qui contient un article les concernant expressément. Nous sommes venus vous expliquer certaines des différences existant entre les sociétés de secours mutuelles et les compagnies d'assurance régies par cette loi.

En gros, je dirai que ces associations sont certainement plus petites que les compagnies d'assurance et elles ne disposent pas du même type de ressources. Une bonne part de leurs activités consiste en des transactions non financières, c'est-à-dire caritatives, sociales et culturelles. On les perd souvent de vue quand on examine les mesures législatives concernant les institutions financières.

Un exemplaire de la réponse de l'AFC au Livre blanc a été remis à chacun de vous. Je voudrais maintenant souligner quatre éléments clés qui me paraissent particulièrement importants pour l'AFC. Nous sommes certainement en faveur de la proposition du Livre blanc relative à la création d'un groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens. Nous serons heureux de lui offrir notre aide et de contribuer à ses travaux.

Nous appuyons également les efforts visant à renforcer la protection des consommateurs en protégeant la confidentialité des dossiers personnels. Je ferai une réserve qui tient à l'une des caractéristiques particulières des sociétés de secours mutuelles puisque leurs membres se rencontrent de temps à autre à des fins caritatives, sociales et culturelles et que, pour cela, ils peuvent avoir à se contacter pour organiser des réunions, et cetera.

Je peux vous citer deux exemples précis. Si une nouvelle loge, filiale ou cour est sur le point d'être créée à un endroit donné, il faut que les membres intéressés en contactent d'autres et ils ont besoin d'avoir accès à l'identité de ces gens-là pour pouvoir le faire. De même, lors des élections à certains postes dans ces sociétés, il peut être nécessaire que différents membres proposent des candidatures et il faut pouvoir contacter d'autres personnes à cette fin. Un certain volume de renseignements doit donc être disponible pour que ces sociétés puissent continuer à fonctionner normalement.

Nous appuyons également les efforts visant à rendre la réglementation moins pesante. Cet objectif est énoncé clairement dans le Livre blanc. C'est particulièrement vrai pour les petites sociétés dont les exigences strictes en matière de régie interne pourraient menacer la survie. J'ajouterai, à titre d'information, que de nombreuses associations fraternelles du Canada comptent moins de 10 employés et même souvent moins de cinq. Des exigences très strictes en matière de régie interne constitueraient pour elles un lourd fardeau.

Des efforts sont entrepris pour peaufiner les dispositions législatives entrées en vigueur en 1992, tout particulièrement les articles concernant les sociétés de secours mutuel. L'article les concernant contient en effet des erreurs et des omissions importantes. On considère qu'elles se sont produites par inadvertance et nous collaborons étroitement avec le ministère des Finances et le Bureau du surintendant des institutions financières pour y remédier.

Les propositions du Livre blanc nous paraissent très salutaires. Nous sommes encouragés par le processus de consultation dont il est question à plusieurs reprises et nous serons heureux de faire notre part pour aider les responsables de la réglementation et les législateurs à mettre en oeuvre un système de régie interne efficace.

Ralf Hensel et moi-même exprimons notre reconnaissance envers les nombreux fonctionnaires du ministère des Finances et du BSIF que nous avons rencontrés. Nous avons été grandement encouragés par leur appui à nos efforts pour corriger certains des défauts que nous avons observés dans les articles de la loi concernant les associations fraternelles.

Nous remercions également les membres du comité du Sénat de nous recevoir aujourd'hui.

Le président: Merci. Votre mémoire ne demande pas de modifications précises. Il explique essentiellement que vous êtes d'accord avec l'orientation de nombre de ces changements, mais que, vu la taille de certaines de vos sociétés, il est important de leur épargner les coûts élevés de régie interne qui s'appliquent aux compagnies qui ont un chiffre d'affaires de plusieurs milliards de dollars. Vous sollicitez en fait des changements à la réglementation et même à la loi de façon à refléter le fait que, par exemple, les compagnies d'assurance ne sont pas toutes identiques. Certaines sont minuscules et d'autres très grosses.

Toutefois, en lisant votre mémoire, je n'ai remarqué aucun changement ciblé spécifique que vous aimeriez voir apporter. Est-il juste de dire que vous n'avez pas précisé que l'on devrait faire deux, trois ou cinq choses en particulier?

M. May: Nous avons choisi délibérément de ne pas parler de cela dans notre mémoire. Comme nous l'avons dit, nous en discutons avec le ministère des Finances et le BSIF. Nous avons étudié en détail certains des problèmes que nous aimerions voir régler. Nous sommes très satisfaits de l'appui qu'ils nous ont apporté. Je pense que nos points de vue sont très rapprochés.

Le président: En d'autres termes, vous avez l'impression que le BSIF et le ministère lui-même font bon accueil à vos suggestions. Êtes-vous maintenant raisonnablement convaincus que l'avis de vos membres sera pris en considération lorsqu'on réglera les menus détails de la loi et des règlements?

M. May: Nous sommes tout à fait satisfaits du cours que suivent les choses, oui. Nous sommes très satisfaits de leur réaction. Il est un petit peu plus difficile de savoir jusqu'à quel point leur réaction positive se concrétisera. En fait, c'est en partie pour cela que nous sommes ici aujourd'hui -- pour vous aider à mieux comprendre ce que sont les associations fraternelles et en quoi consistent nos priorités éventuelles ainsi que pour vous donner l'occasion de nous connaître un peu mieux.

Le président: C'est une initiative utile. Vous ne faites pas partie des organisations que nous rencontrons une fois ou deux par an. Y a-t-il des changements spécifiques -- et vous pourrez nous envoyer une lettre pour nous le dire -- qui vous aideraient à atteindre vos objectifs?

Au fil des ans, notre comité s'est petit à petit rendu compte qu'il est un peu absurde d'appliquer uniformément les mêmes règles à toutes les institutions, qu'elles aient cinq ou 20 000 employés. Du point de vue administratif, quand on élabore une loi et des règlements, on a naturellement tendance à procéder ainsi parce que c'est plus simple et plus facile.

Si vous pensez que nous pouvons vous être utiles dans certains cas particuliers, faites-le nous savoir. Notre pratique passée et notre inclination naturelle font que nous évitons traditionnellement l'uniformité dans la mesure où cela paraît raisonnable, étant donné les différences de taille entre diverses institutions.

M. May: Je comprends. Il y a certaines différences à cet égard même entre les associations fraternelles. La plupart sont très petites et quelques-unes d'entre elles peuvent être considérées comme de petits assureurs ou des assureurs de taille moyenne. Même au sein de la communauté que nous formons, les intérêts peuvent être légèrement divergents.

Nous ne présentons pas nécessairement le même point de vue au comité du Sénat, au BSIF ou au ministère des Finances. Nous préférons que de nombreuses questions soient traitées avec une certaine souplesse, ce qui peut être difficile à faire quand on établit un ensemble de règles. Nous faisons de notre mieux pour faciliter cette tâche, pour que ce facteur soit pris en considération et pour que les gens qui sont en train de rédiger la loi replacent cela dans un certain contexte.

Le président: Merci.

M. Ralf Hensel, membre du comité législatif de l'AFC, Association canadienne des sociétés fraternelles: Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, la structure de la régie interne préoccupe particulièrement les petites associations fraternelles. Nous représentons, M. May et moi-même, les deux associations les plus grandes, nous sommes donc un peu partiaux. Nous appliquons déjà beaucoup de ces règles parce qu'elles sont sages et nous conviennent; toutefois, nous avons également assez d'employés pour les appliquer. Comme l'a dit M. May, de nombreuses associations fraternelles plus petites ont très peu d'employés et cela leur serait très difficile.

Nous sommes certainement d'accord pour que l'on rende plus rigoureuses les dispositions relatives à la régie interne des sociétés si c'est nécessaire. Nous pensons cependant qu'il faudrait tenir compte de l'énorme différence de taille existant entre les membres de notre organisation. Il ne faudrait pas que nos membres plus petits soient étouffés par une réglementation trop lourde.

Le président: L'un d'entre vous représente-t-il l'OIF?

M. Hensel: Oui, moi.

M. May: Je représente Lutheran Life.

Le président: Messieurs, je vous remercie beaucoup d'être venus ici cet après-midi. Si vous voulez que nous essayions de vous venir en aide un peu plus tard au cas où les réactions positives ne se concrétiseraient pas, faites-le-nous savoir.

Sénateurs, nous allons entendre maintenant M. William Davis, de la Congress Financial Corporation of Canada. Monsieur, aux fins du compte rendu, veuillez nous présenter vos collègues avant de passer à votre déclaration.

M. William R. Davis, président, Congress Financial Corporation: Je suis accompagné ce soir de Jean Anderson, du cabinet d'avocats McMillan Binch de Toronto, qui représente la Congress Financial et sa compagnie-mère Corestates, de Ruth Brader, qui est avocate à Philadelphie pour Corestates et de M. Albert Mandia, président de Cashflex, une société de la Corestates, se joindra à nous.

Monsieur le président, membres du comité, nous vous remercions de nous avoir inclus dans votre programme de discussions sur les changements proposés à la législation du secteur financier qui a une incidence négative sur deux filiales de Corestates Financial qui ne sont pas des banques, soit la Congress Financial Corporation et Cashflex.

Je suis président de Congress Financial, société de financement qui fournit des prêts aux entreprises. Je suis accompagné d'Al Mandia, président de Cashflex, société de traitement des données; toutes deux sont actives au Canada. Nous vous ferons deux présentations distinctes. Pour ma part, je vais vous donner une idée générale de notre société et de l'incidence qu'aura sur elle la législation proposée; M. Mandia en fera de même pour Cashflex.

Congress Financial a son siège social à New York; depuis plus de 50 ans, elle fournit aux entreprises un financement reposant sur l'actif -- ce qui est une forme de prêts, et des services d'affacturage.

En décembre 1994, Congress ouvrait son siège canadien à Toronto en vertu d'une garantie reçue à l'époque. Nous estimions alors -- et nous continuons de le penser -- que le Canada avait besoin d'une société de financement aux petites entreprises qui ne peuvent obtenir des prêts auprès des banques traditionnelles.

Nous avons récemment reçu une lettre du ministère des Finances nous informant pour la première fois de cette proposition législative qui nous obligerait, en tant que filiale d'une institution financière étrangère, à devenir une banque de l'annexe II. Cela entraînerait pour nous des coûts considérables et de lourds contrôles administratifs. La lettre nous a beaucoup étonnés puisque nos activités au Canada étaient fondées sur des garanties approuvées par le BSIF et le ministère des Finances.

Depuis sa création, la Congress Financial Canada s'est limitée exclusivement à fournir un produit financier aux petites entreprises dont j'ai parlé. Beaucoup de nos clients, actuels et potentiels, ont besoin qu'on finance leur fonds de roulement pour stabiliser leurs entreprises, redresser une entreprise chancelante, assurer sa croissance financière et fournir des emplois.

La recherche que nous avions effectuée au Canada démontrait l'existence de ce besoin qui, à notre sens, demeure réel aujourd'hui. Depuis notre arrivée au Canada il y a 21 mois, nous avons examiné plus de 300 demandes d'emprunt provenant de petites entreprises et nous avons pour 188 millions d'engagements en cours auprès d'entreprises canadiennes. Nous comptons actuellement 89 employés canadiens, y compris notre directeur, et nous prévoyons d'ouvrir un bureau à Montréal d'ici la fin de l'année et, si tout va bien, à Vancouver très prochainement.

Beaucoup de nos clients actuels et potentiels nous sont envoyés par des banques, des comptables, des banques d'affaires ou autres intermédiaires. Certains ont été priés par leur banque de s'adresser ailleurs, suites aux directives sur la qualité du crédit, et si nous devions être assujettis à une réglementation et une surveillance semblables, nous nous demandons comment les autorités considéreraient ces prêts qui sont inscrits dans nos livres.

L'Association des banquiers canadiens pense comme nous que le financement reposant sur l'actif est un mode de financement viable. Dans le numéro de septembre-octobre 1995 de la revue Le banquier, publiée par les banques canadiennes, un article intitulé «Filling the gaps» était présenté comme un guide des sources alternatives de capitaux pour les petites et moyennes entreprises qui ne répondent pas actuellement aux critères de financement des banques. Cet article donnait des informations sur les sociétés qui accordent un financement reposant sur l'actif. Cela revient clairement à reconnaître cette forme de financement comme une solution de rechange en dehors du cadre des banques traditionnelles. On rappelait dans ce même numéro que les banques ne peuvent pas répondre aux besoins de tous les emprunteurs.

En résumé, nous ne sommes pas une banque, mais une société de financement. Congress s'approvisionne en capitaux grâce à une marge de crédit auprès de la Banque de Montréal et prête à son tour cet argent, à des taux d'intérêt légèrement plus élevés, à des entreprises admissibles. Nous n'acceptons pas de dépôts, nous n'avons pas besoin d'assurance-dépôts, d'un système de compensation de chèques et nous n'accordons pas de prêts aux consommateurs.

Nous avons récemment rencontré les représentants du ministère des Finances et du Bureau du surintendant des institutions financières pour leur expliquer notre activité et leur faire part de notre inquiétude et de notre déception face à cette proposition législative et à ses répercussions possibles sur nos clients présents et à venir.

Nous sommes venus sur le marché canadien avec certaines hypothèses économiques et à un coût considérable, en nous fondant sur certaines garanties, et il nous semble injuste que l'on change les règles de base après que nous avons engagé des ressources, des capitaux et notre réputation.

Fort de sa garantie, Congress a, de bonne foi, passé des contrats avec des clients, engagé du personnel et signé des baux dont l'annulation serait très coûteuse. Le coût additionnel et le fardeau administratif qu'entraîne cette loi, qui vise les banques offrant tous les services, se répercuterait nécessairement sur nos clients, et cela nous paraît injuste.

Nous ne voyons pas ce qui dans notre domaine d'activité justifierait ce type de régime et de contrôle. Nous n'y voyons aucun avantage pour nos clients, le gouvernement ou la population du Canada, ni certainement pour la Congress Financial Corporation. Cette loi ne semble avoir d'autre justification que le plaisir de légiférer; nous y voyons un gaspillage de ressources. Le régime proposé semble conçu seulement pour uniformiser les règles du jeu et créer un système avantageux principalement pour les banques, et non pour la clientèle.

Au Canada, nous ne sommes pas actifs dans le secteur bancaire. Nous ne souhaitons pas devenir une banque, et nos clients ne veulent pas que nous le devenions. Si nos coûts augmentent, nous devrons les transmettre à nos clients et, si cela n'est pas possible, nous devrons envisager de quitter ce marché. Nous n'avons pas une multitude de sources de revenus qui nous permettent d'absorber ces coûts, comme pourrait le faire une banque, et nous n'avons pas accès à des capitaux bon marché par le biais des dépôts.

Nos principaux concurrents, la General Electric Credit et Newcorp ne sont assujettis à aucune réglementation et sont pourtant actifs dans le même domaine que nous. Si nous vendions notre entreprise à l'un de ces concurrents, il pourrait faire travailler nos employés, maintenir notre portefeuille de prêts, et continuer exactement dans la même ligne, mais sans régime de réglementation.

Il faudrait oublier qui est notre société-mère pour s'intéresser davantage à l'activité qui est la nôtre au Canada. Nous sommes une société de services financiers qui doit être exemptée du régime de réglementation car dans notre secteur, il ne s'est posé aucun problème de solvabilité ou de protection des consommateurs. Il ne doit pas y avoir concurrence entre des institutions réglementées et non réglementées. Il faut considérer le coût et la disponibilité des fonds, ainsi que l'incidence sur les entreprises canadiennes. Je ne voudrais pas être obligé d'expliquer à nos consommateurs qu'ils doivent payer plus cher essentiellement parce que le ministère des Finances n'a pas su voir, au-delà de notre société-mère, l'activité spécifique qui est la nôtre au Canada. Il y a peut-être lieu de modifier la réglementation qui régit les banques, mais pas aux dépens de fournisseurs spécialisés tels que nous. Il faut regarder avant tout le genre de services que fournit la Congress aux entreprises et à l'économie canadienne, et non qui est notre société-mère.

Je vous remercie de votre attention.

M. Albert Mandia, président, Cashflex L.P. et Cashflex Inc.: Je vous sais gré de m'avoir invité devant ce comité sénatorial. Je m'appelle Albert Mandia et je suis président-directeur général de Cashflex Inc., société canadienne appartenant à la Corestates Bank des États-Unis.

Cashflex Inc. est entrée en activité en mai de cette année lorsque la CIBC a décidé de confier à Cashflex le traitement des envois de fonds. Aujourd'hui, de nombreuses sociétés sous-traitent ce type d'opérations qui n'est rentable qu'à grande échelle et avec de constants investissements technologiques.

En bref, nous estimons que pour être concurrentiel dans le traitement des envois de fonds, il faut se spécialiser. Nous sommes une société spécialisée. Il n'est pas nécessaire de réglementer ce type d'entreprise.

Sous sa forme la plus simple, le traitement des envois de fonds consiste à retirer du courrier à la poste, ouvrir des enveloppes, vérifier les chèques et les factures, coder les chèques et saisir les données puis les transmettre aux systèmes des comptes débiteurs de nos clients.

Notre contrat de sous-traitance avec CIBC a permis de préserver les emplois de plus de 100 citoyens canadiens qui travaillent dans nos centres de traitement à Montréal, Toronto et Calgary. Ces personnes risquent de perdre leur emploi.

En tant que société de traitement des envois de paiements, nous n'acceptons aucune forme de dépôt, et nous n'avons aucune intention de le faire. Nous ne participons en aucune manière au système canadien de paiements. Nous sommes une société de traitement, pas une banque. Nous n'avons aucune activité dans le secteur de la consommation.

Nous sommes en concurrence avec un grand nombre de sociétés non bancaires telles Household Finance, EDS, GTE, Fiserve et Qualtech, société canadienne. Les services de traitement des envois de fonds que fournissent ces concurrents hors secteur bancaire ne sont pas réglementés. Si nous vendions notre entreprises à Qualtech, par exemple, qui est une société canadienne, notre activité passerait d'un secteur entièrement réglementé -- selon la proposition du Livre blanc -- à un secteur sans réglementation aucune, sans que rien n'ait changé dans les faits.

Notre engagement sur le marché canadien est ferme. Cette année seulement, nous avons signé des baux de longue durée pour une valeur de plus de 2,1 millions de dollars à Montréal, Toronto et Calgary, où travaillent nos 100 employés canadiens. L'adoption de la proposition faite dans le Livre blanc mettrait en péril nos chances de succès au Canada. Notre marge de profit est très faible.

Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Monsieur Mandia, excusez-moi, mais si je vous ai bien compris, vous ne prêtez absolument pas d'argent. Vous traitez des informations.

M. Mandia: C'est exact.

Le président: Vous vérifiez des papiers, mais vous n'empruntez pas de l'argent et vous n'en prêtez pas non plus. Vous êtes une entreprise de traitement des données.

Le sénateur Angus: Vous n'émettez pas de carte de crédit, ni n'offrez aucun service qui puisse entrer dans la définition de service bancaire?

M. Mandia: Je ne connais pas cette définition, mais d'après ce que j'en sais, nous ne sommes pas une société de services financiers; nous faisons du traitement de données.

Le sénateur Meighen: Mais votre société-mère est une société de services financiers.

Le président: Comment êtes-vous touché par ces changements proposés, puisque toute définition sensée de «services bancaires» ne saurait s'appliquer à votre activité?

Le sénateur Angus: Parce que la société-mère est une banque étrangère.

M. Mandia: Nous appartenons indirectement à une banque.

Le président: Si vous apparteniez indirectement à une banque étrangère et que vous vendiez des épiceries, seriez-vous traité différemment?

Le sénateur Meighen: Oui.

Le sénateur Angus: C'est bien de cela qu'il s'agit.

M. Mandia: Oui, d'après la législation proposée.

Le sénateur Meighen: Vous êtes donc victime de votre filiation. Nous avons entendu d'autres témoins dont les services se rapprochent peut-être davantage du service bancaire, et certainement davantage que celui qu'offre la société de M. Mandia, mais celle-ci n'est frappée qu'en raison de sa filiation.

Madame Anderson, vous dites ici que la proposition du Livre blanc contrevient au principe du traitement national. Un autre témoin nous a donné un avis juridique à cet effet. Avez-vous un avis?

Mme Jean Anderson, McMillan Binch, Congress Financial Corporation of Canada: Nous n'avons pas préparé d'opinion officielle sur la question, mais nous pouvons certainement le faire.

Le sénateur Angus: C'est pourtant votre opinion, n'est-ce pas?

Mme Anderson: Oui. Nous estimons que cela enfreint à la fois l'esprit et le texte de l'ALÉNA.

Le sénateur Meighen: Autrement dit, il y aurait contravention de la disposition sur le traitement national.

Mme Anderson: Oui.

Le sénateur Angus: Les deux sociétés sont des filiales de Corestates directement ou par l'entremise d'un autre organisme, c'est bien cela?

M. Mandia: C'est exact.

Le sénateur Angus: Aux États-Unis, la Corestates est une institution de dépôt.

M. Davis: Elle offre de nombreux services financiers et ses banques acceptent des dépôts.

Le sénateur Angus: Elle correspond sans aucun doute à la définition que donnent nos lois d'une banque étrangère, n'est-ce pas?

M. Davis: Oui.

Le sénateur Angus: Est-ce aussi l'avis de votre avocat?

M. Mandia: Oui.

Le sénateur Angus: Nous avons déjà eu un représentant de la Congress.

M. Davis: C'était M. Wayne Eggets.

Le sénateur Angus: Est-il encore des vôtres?

M. Davis: Oui, c'est notre directeur résident.

Le sénateur Angus: Il a parlé de financement reposant sur l'actif, et de différentes sources de financement.

Vous avez dit que la Congress est entrée en activité sur la foi d'une garantie. Vous a-t-elle été donnée par Investissement Canada ou par le BSIF?

Mme Ruth Brader, avocate interne de Corestates Financial Corp, Congress Financial Corporation of Canada: C'était une garantie du Bureau du surintendant des institutions financières.

Mme Anderson: Nous avons demandé et obtenu un décret en vertu de l'article 521 de la Loi sur les banques. Congress et Corestates avaient en contrepartie pris des engagements quant à leurs activités au Canada.

Le sénateur Angus: Se sont-elles engagées à ne pas offrir d'autres services bancaires?

M. Davis: C'est exact.

Le président: Quand avez-vous obtenu ce décret en vertu de l'article 521?

Mme Anderson: Le 29 septembre 1994.

Le sénateur Angus: Et pour Cashflex, la procédure a-t-elle été la même?

Mme Anderson: Oui, la même.

Le sénateur Angus: Y a-t-il eu également un décret et une garantie?

Mme Anderson: Oui, les mêmes. Le décret a été émis fin 1995.

Le sénateur Angus: Vous êtes donc venus faire des investissements au Canada de bonne foi, vous avez signé des baux pour Cashflex à Montréal, Calgary et Toronto. Je suppose que la situation est semblable pour Congress. Vous avez agi de bonne foi. Personne ne vous a mis en garde. Vous avez obtenu des avis juridiques sur la démarche à suivre, vous l'avez respectée, et maintenant, on veut changer les règles du jeu.

Nous avons entendu hier des témoins qui avaient exactement le même problème. Leurs concurrents, dont les sociétés-mères ne sont pas considérées comme des banques étrangères, peuvent agir sans restriction. Vous avez mentionné tout à l'heure la Household Finance. Nous avons reçu ses représentants, tout comme ceux de Beneficial Finance et Avco.

D'une certaine manière, ces sociétés sont vos concurrentes, mais elles ne sont pas en concurrence directe avec Congress puisqu'elles n'accordent pas de prêts reposant sur l'actif et elles ne sont pas en concurrence directe avec Cashflex parce qu'elles ne font pas du traitement de chèques. Elles ont les mêmes problèmes parce qu'elles ont des concurrents qui ne sont soumis à aucune réglementation. Vous avez nommé des concurrents qui ne sont pas réglementés. C'est bien exact?

M. Davis: C'est exact.

Le sénateur Angus: Nous avons été surpris hier -- et nous n'avons peut-être pas encore saisi tous les tenants et aboutissants de l'affaire -- quand ces autres témoins nous ont appris qu'au dire du BSIF, ils devaient considérer que le Livre blanc avait déjà force de loi et commencer à respecter les règlements au même titre que les banques de l'annexe II. Est-ce que c'est aussi votre cas?

Mme Brader: Lorsque nous avons rencontré les réglementateurs, ils ont souhaité préparer une transition et examiner avec nous ce que nous ferions dans l'attente de l'adoption de cette loi. Ils n'étaient pas prêts à envisager d'autres scénarios. Ils ne voulaient pas parler de la loi, mais de notre transition vers un statut de banque de l'annexe II.

Je voudrais ajouter une chose. Il y a un autre fournisseur de services financiers au Canada -- qui est dans une situation semblable à la nôtre, bien que ses problèmes soient particuliers -- qui est aussi présent ce soir, et je veux parler de V and B Financial Services Inc., filiale de la Valley National Bank. Cette compagnie appuie notre prise de position.

Le sénateur Angus: Nous en connaissons une autre du nom de Wells Fargo. Vous êtes plusieurs. C'est pourquoi nous avons demandé au BSIF de revenir devant le comité pour parler de ces cas-là. Il nous serait très utile que vous nous fournissiez, dans le cas de vos deux compagnies, les copies des décrets et des garanties reçues, ainsi que de toute correspondance que vous détenez.

Vous avez tous deux dit que le BSIF vous avait conseillé un certain nombre de mesures en vue d'assurer la transition. Si vous avez reçu cela par écrit, pourriez-vous nous remettre le document? Existe-t-il des lettres?

M. Davis: Oui.

Mme Brader: Nous avons reçu une lettre, assez tardivement, mais nous l'avons.

Le sénateur Angus: Ces lettres provenaient-elles d'Ottawa ou de Toronto?

Mme Anderson: D'Ottawa.

Le sénateur Angus: Il nous serait extrêmement utile d'en recevoir des copies le plus rapidement possible.

Le président et moi en avons parlé et nous n'en revenons pas. Nous voulons être certains de bien comprendre la problématique. Nous ne voulons pas nous faire tromper. Vous nous avez présenté des arguments extrêmement convaincants, comme l'ont fait d'autres témoins. Les audiences ne seront pas longues. Nous essayons d'absorber le plus de renseignements possible, mais nous sommes ici depuis le début de la matinée et toute la journée d'hier également, nous avons entendu de nombreuses présentations sur des questions techniques.

Madame Anderson, pouvez-vous déclarer à ce comité sénatorial qu'à votre avis, les deux sociétés exercent actuellement leurs activités sans aucune réglementation?

Mme Anderson: Oui.

Le sénateur Angus: Est-il juste de dire que vous pourriez continuer à procéder de cette manière si votre société-mère n'était pas une banque étrangère?

Mme Anderson: C'est exact. Nous devons simplement fournir chaque année une déclaration à l'effet que nous respectons les engagements pris et remettre une copie de nos états financiers dans les six mois qui suivent la clôture de notre exercice. Ce sont là les seules exigences de rapport et de réglementation, à part ce qui est prévu dans notre engagement.

Le sénateur Angus: Madame Brader, vous venez de Philadelphie. Les représentants du BSIF vous ont-il manifesté une sympathie quelconque devant cette situation pour le moins étrange?

Mme Brader: Je dirais qu'ils se sont montrés un peu compréhensifs. Ils comprennent que nous n'approuvons pas cette loi. Ils ont bien compris nos arguments. Ils n'ont aucunement laissé entendre que les règlements avaient pour objet d'assurer la sécurité du consommateur ou du déposant canadien car, bien entendu, nous n'avons pas de déposant. Ce n'est pas la question. Simplement, ils souhaitent réglementer la population et, comme nous appartenons à une banque, nous devons nous plier.

Le sénateur Angus: Je comprends qu'il faille assurer une certaine solvabilité. Comme vous l'avez indiqué, vous avez une marge de crédit auprès de la Banque de Montréal et vos bénéfices proviennent de l'écart dans les taux d'intérêt.

M. Davis: C'est exact.

Le sénateur Angus: C'est une bonne affaire pour la Banque de Montréal qui n'est pas irritée par votre comparution ici, n'est-ce pas?

M. Davis: Nous espérons que non. Nous pensons que c'est une bonne affaire pour la banque.

Mme Brader: C'est elle qui a décidé d'accorder cette marge de crédit à la Congress Corporation.

Le sénateur Angus: Et partant, de financer votre activité.

Mme Brader: Précisément.

Le sénateur Angus: Le porte-parole de Cashflex a nommé certains de vos concurrents qui ne sont pas assujettis à cette réglementation potentielle. Pourriez-vous nous redonner leurs noms?

En outre, monsieur Davis, pourriez-vous nous fournir la liste de vos concurrents qui ne seraient pas assujettis à la réglementation et qui pourraient continuer leur activité?

M. Mandia: Certainement. Ces concurrents sont Household Finance, EDS, GTE et, surtout, Qualtech, qui est une société canadienne qui nous a d'ailleurs récemment pris des clients. Elle n'est pas assujettie à la réglementation. Dans notre milieu, les clients fondent souvent leurs décisions sur le prix. Si nous devions assumer le coût de la réglementation, nous serions défavorisés sur le plan compétitif.

Le sénateur Angus: Vous avez dit que la CIBC est le principal client qui vous a permis de pénétrer sur le marché.

M. Mandia: C'est exact, elle a décidé de nous confier ses opérations de traitement.

Le sénateur Angus: Mais vous avez d'autres clients.

M. Mandia: Oui, nous commençons à avoir d'autres clients.

Le sénateur Angus: Le marché est-il vaste? J'essaie de voir qui pourrait être intéressé à vous voir disparaître.

M. Mandia: Nous pensons que cela pourrait être effectivement un marché lucratif.

Mme Brader: Un autre client possible serait une compagnie gazière, par exemple, ou un grand distributeur de magazines qui reçoit de nombreux versements. Nous pourrions les percevoir et fournir les données aux clients sous forme électronique.

Le sénateur Angus: Vous percevez les paiements mais vous n'entrez pas en possession des fonds?

M. Mandia: Il n'y a pas d'argent comptant; ce ne sont que des chèques. Nous transférons les chèques par lots à la banque qui les inscrit et les dépose. Nous ne faisons pas de dépôt de chèques. Nous n'acceptons aucun dépôt.

M. Davis: Quant aux concurrents qui ne sont pas affiliés à des banques, il y a GECC, Textron Financial, AT&T, Newcourt et PenFund.

Le sénateur Angus: Toutes des sociétés américaines?

M. Davis: PenFund et Newcourt sont, sauf erreur, entièrement canadiennes.

Le président: Newcourt est certainement canadienne.

M. Davis: Les autres sont américaines mais ont des bureaux ici.

Le sénateur Angus: Mais leurs propriétaires bénéficiaires sont des industries ou d'autres types d'entreprises. Il me semble qu'il y a là une lacune.

Le président: À première vue, la situation de Cashflex en particulier est pour le moins bizarre. J'ai une dernière question pour Mme Brader.

Lorsque vous avez parlé aux représentants du BSIF ou du ministère et que l'on vous a informé de ce changement, a-t-on essayé de vous le justifier? Personne parmi nous n'a réussi à comprendre ce qui motive cette politique, mais vous avez parlé à des gens. Ils ne doivent venir devant notre comité qu'à la fin des audiences. Quelle est leur explication?

Mme Brader: Je n'en suis pas sûre, monsieur. Comme je l'ai dit, nous savons qu'ils ne prétendent pas qu'il s'agit de protéger le public canadien puisque nous n'acceptons pas de dépôt et que nous ne participons pas au système de paiements.

Le président: Ça n'a donc rien à voir avec le système des paiements et ce n'est pas pour assurer la sécurité des dépôts des consommateurs.

Mme Brader: Ce n'est pas une question de solvabilité. À part cela, il semble que ce soit surtout un désir d'avoir ce qu'ils appellent une réglementation ordonnée. Ils souhaitent créer un régime au sein duquel toute société qui a un lien avec une banque est réglementée comme une banque. C'est une approche institutionnelle plutôt que fonctionnelle.

Le sénateur Angus: Avez-vous traité avec des hauts fonctionnaires du BSIF?

Mme Brader: Oui.

Le président: Le régime de réglementation américain est lui aussi fondé sur l'institution plutôt que sur la fonction; Toutefois, on aurait pu s'attendre à un peu plus de sens pratique plutôt qu'à une méthode à l'emporte-pièce et à l'aveuglette. C'est de qui me paraît étrange.

Mme Brader: Cela sort de l'ordinaire.

Le président: Comme vous l'aurez remarqué, non seulement nous comprenons votre position, mais nous sommes tout à fait ahuris. Si la situation est ahurissante pour nous, nous imaginons que vous ayez pu réagir encore plus vivement.

Nous vous remercions d'être venus. Si vous avez des documents sur l'information que vous avez reçue, et ce que l'on attend de vous à la prochaine étape, il nous serait utile de les recevoir avant que nous n'entendions les représentants du BSIF et du ministère, qui doivent venir le 22 octobre.

Merci encore d'être venus.

Sénateurs, nos derniers témoins pour aujourd'hui seront les porte-parole de Démocratie en surveillance et de l'Association des consommateurs du Canada, chapitre national et chapitre du Québec. Mesdames et messieurs, veuillez prendre place et vous présenter, s'il vous plaît.

M. Robert Kerton, président, comité des services financiers et professeur de sciences économiques, Département des sciences économiques, Université de Waterloo, Association des consommateurs du Canada: Monsieur le président, je suis ici en ma qualité de président du comité des affaires économiques de l'Association des consommateurs du Canada. Je suis membre du Conseil de l'ACC depuis plusieurs années. Je suis accompagné de Mme Marnie McCall, avocate et directrice des politiques de l'Association. Vous reconnaissez peut-être Duff Conacher, qui représente Démocratie en surveillance.

Je voudrais d'abord rapidement féliciter le comité pour son dernier rapport, monsieur le président. Des progrès ont été réalisés auprès du ministère des Finances et des institutions de réglementation en vue d'une réglementation basée non seulement sur la solvabilité mais aussi sur la protection du consommateur et le fonctionnement du marché de manière à mieux servir les entreprises et les particuliers. Votre dernier rapport y a contribué.

Apparemment les consommateurs n'avaient pas de problème autrefois. Dans les années 70, on avait interrogé 170 consommateurs dans cinq villes dans le cadre d'une étude sur les problèmes de magasinage. Les répondants ont donné 24 points sur 25 aux services banquiers et financiers. Autrement dit, au début des années 70, les consommateurs ne voyaient aucun problème.

Récemment, l'Association des consommateurs du Canada, en coopération avec l'Institut national de la qualité, a interrogé plus de 9 000 consommateurs sur les problèmes et la qualité des différents services. Ce sondage montre un certain désarroi. De façon générale, les caisses populaires et les fiducies obtiennent un meilleur indice de qualité que les banques et les compagnies d'assurance.

Vous demanderez peut-être: «Que s'est-il passé entre ces deux études?» En guise de réponse, je vous renvoie à un document publié en Alberta, le rapport Cashion. Il date de 1989, mais il contient néanmoins des éléments utiles pour votre rapport. Ce n'est pas une critique, mais une suggestion constructive.

Le rapport conclut que la gamme des produits est déconcertante.

L'introduction de nouvelles lignes de produits a entraîné une variété ahurissante de nouveaux produits et de types de produits. Le comité a pu constater que de nouveaux produits et services sont introduits presque quotidiennement sur le marché. S'y retrouver parmi les centaines de choix offerts est difficile pour la très grande majorité des consommateurs.

Il faut être expert pour faire un choix intelligent dans le marché financier actuel.

On entend en outre beaucoup de choses qui n'aide pas le consommateur. Si vous voulez améliorer cette situation, comme je n'en doute pas, il faudra envisager de déréglementer, puisque la déréglementation favorisera la concurrence, et aussi introduire des mesures de transparence. Ce que nous recommandons le plus vivement, c'est la déclaration du coût de crédit, comme prévu dans les ententes fédérales-provinciales. C'est l'un des premiers succès obtenus dans l'harmonisation. Nous estimons que l'adoption de ces recommandations constituerait un progrès important.

Nous aimerions aller au-delà et recommander que le taux annuel soit indiqué de manière évidente dans le document. J'ai ici un document qui m'a été envoyé par une compagnie américaine et qui est conforme à la loi adoptée aux États-Unis en 1971. On peut se demander pourquoi, en 1996, les Canadiens ne peuvent pas obtenir les mêmes informations concernant leurs propres transactions financières. On m'offre ici un prêt extrêmement coûteux. Je ne vous recommande pas le vendeur. Je vous le montre simplement comme exemple de transparence.

Mme Marnie McCall, directrice, Recherche en matière de politiques, Association des consommateurs du Canada: Monsieur le président, nous appuyons également la recommandation du Livre blanc qui encourage l'adoption d'un code type pour la protection des renseignements personnels, connu sous le nom de code ACNOR. Nous aimerions cependant aller plus loin. Nous souhaitons non seulement que l'on encourage les institutions à adopter ce code, mais aussi qu'elles soient tenues d'en faire leur norme de base pour la protection des renseignements.

En outre, la recommandation actuelle ne prévoit aucune mesure d'exécution, ni aucune sanction en cas de non-observation. Si le code constituait un minimum obligatoire, nous souhaiterions également que soient prévues des mesures de vérification et d'exécution.

Comme chacun le sait, la protection des renseignements personnels préoccupe de plus en plus les consommateurs, surtout avec l'utilisation accrue de diverses formes de courrier électronique, de transactions bancaires électroniques et de services par Internet. Les possibilités d'enfreindre le caractère privé des renseignements personnels augmentent à la même allure que la facilitation des transactions bancaires. Plus nous avons recours aux services électroniques, plus il importe de ne pas prendre de retard en matière de protection des renseignements personnels.

M. Kerton: J'aimerais dire un mot à propos de la vente liée. Nous en avons parlé à notre assemblée annuelle, et notre association apprécie la position mesurée que vous avez adoptée, et qui consiste à dire: «Encourageons la concurrence. Permettons aux banques de vendre de l'assurance, par exemple, mais pas de manière à poser un risque pour le consommateur, c'est-à-dire pas directement dans la succursale bancaire.»

J'ai ici deux lettres que je devrais peut-être vous laisser. La première n'est qu'une copie conforme qui nous a été adressée. Elle vient de Peter Grant, que vous avez peut-être vu. Elle était adressée à Doug Peters, avec copie conforme à notre association. Ce consommateur étudiait la possibilité d'un prêt pour un nouveau véhicule. Il déclare que chaque fois qu'il a rencontré un agent des prêts à la banque, celui-ci a essayé de le convaincre de transférer tous ses services financiers à cette banque-là. On lui proposait notamment un prêt à taux escompté pour l'achat du véhicule ainsi qu'un taux préférentiel sur son hypothèque. Mais tout cela à la condition qu'il dépose ses REÉR auprès de cette banque et utilise les services de son courtier en placement pour les transactions mobilières.

La deuxième lettre m'a été adressée suite à des discussions dont on a fait état dans la Gazette de Montréal. Elle vient de l'Île-du-Prince-Édouard et est écrite par un agent de la Sun Life qui me dit que l'un de ses meilleurs clients s'est adressé à sa succursale pour emprunter l'argent nécessaire à sa cotisation au REÉR. On lui a proposé deux formules, au choix: a) X p. 100 s'il achetait son REÉR à la banque, b) X plus 2 1/2 p. 100 s'il le plaçait auprès d'une autre institution financière.

Ce type de coercition n'est pas la plus grave. Elle est claire. Peut-être est-il possible d'adopter une loi pour l'interdire.

Le deuxième problème tient au fait que lorsque le consommateur est à la banque, ou en présence d'un vendeur, il ne lui est pas facile de faire des comparaisons. On ne peut pas s'arrêter au milieu d'une transaction pour vérifier si on vous offre un bon prix d'une part et un prix très gonflé sur le deuxième produit. C'est pourquoi nous aimons la situation actuelle où nous encourageons les banques à offrir autant que possible de nouveaux produits d'assurance-vie, mais sans permettre que le consommateur ne se trouve captif et sans possibilité de s'informer comme il se doit.

Si nous n'avons pas ce type de choix, certains des bons vendeurs quitteront le marché, et nous nous retrouverons avec une concentration encore plus forte que maintenant.

Il y a d'autres problèmes, mais je vais résumer. Nous sommes depuis longtemps en faveur de l'adoption d'une mesure qui favorise une concurrence honnête. Il est vrai qu'une partie de cette concurrence s'adresserait à des gens qui ont beaucoup d'argent. Ce sont les plus rentables. Si vous êtes un concurrent potentiel, vous examinez le marché canadien, vous y constatez que ses pratiques ont 10 ou 20 ans de retard par rapport aux autres marchés, vous voyez donc une chance de faire de l'argent, vous y venez et vous en faites. Mais je ne crois pas que cela soit actuellement à l'avantage des consommateurs. Actuellement, beaucoup d'institutions financières vous donnent près de 0 p. 100 sur vos épargnes. Il doit y avoir de par le monde, ou même dans les institutions non traditionnelles au Canada, des vendeurs ou des sociétés de services financiers qui seraient prêts à vous donner un peu plus de 0 p. 100 pour avoir votre argent, et ce serait beaucoup plus intéressant pour les consommateurs.

Les études techniques ont démontré que dans les marchés à forte concentration, les consommateurs ne profitent pas immédiatement des fluctuations dans les taux d'intérêt. Autrement dit, au Canada ou dans les autres marchés concentrés, les fluctuations favorisent généralement les grandes institutions, qui sont beaucoup plus lentes à faire les ajustements dans l'intérêt des consommateurs.

Je vais maintenant laisser la parole à M. Conacher.

M. Duff Conacher, coordonnateur, Démocratie en surveillance: J'espère que le taux de présence des membres du comité à cette audience ne reflète pas le niveau d'intérêt du comité pour les problèmes des consommateurs. Plus tôt dans la journée, vous avez entendu les courtiers en valeurs mobilières essayer de se présenter comme des défenseurs des intérêts des consommateurs, et vous avez donc déjà entendu quelques-unes des plaintes de ces derniers, surtout en ce qui concerne la vente liée, et je n'en parlerai donc pas. M. Kerton l'a très bien fait.

J'espère que dans son rapport au gouvernement, le comité reflétera vigoureusement la position exprimée dans le rapport d'août 1995, voulant que toutes les propositions soient jugées sous l'angle de la sécurité du marché et d'une concurrence favorable aux consommateurs.

À ce propos, il y a un problème qui sous-tend toutes les propositions faites par le gouvernement dans le document de travail, et c'est celui de l'absence de moyens d'exécution. À la page 5 de notre mémoire, nous présentons cinq critères d'efficacité. Il doit y avoir une autorité indépendante et dotée des moyens nécessaires. Les institutions financières et l'organisme d'exécution doivent rendre des comptes au public. Il faut prévoir des mécanismes d'appel et des sanctions en cas de contravention, et le gouvernement doit appuyer les mesures qui auront été prises.

Ces critères n'ont été satisfaits dans aucune des propositions présentées par le gouvernement dans son document et, par conséquent, nous estimons que ces mesures resteront lettre morte.

J'ai aussi abordé dans le mémoire la question de l'observation volontaire, et du fait que son efficacité n'a pas été démontrée pour le genre de résultats que cherche le gouvernement. Elle fera peut-être ses preuves dans le cadre du projet des codes volontaires d'Industrie Canada, mais pour l'instant, nous n'avons aucune preuve de son efficacité. Par conséquent, nous recommandons que dans chaque domaine il y ait des exigences, des exigences strictes, comme l'ont recommandé les autres groupes de consommateurs.

Je vais les mentionner rapidement:

Tout d'abord, des règlements pour empêcher l'utilisation abusive des renseignements personnels. Bien que le document de travail le recommande, l'absence d'un organisme indépendant d'exécution lui enlève toute efficacité.

Deuxièmement, au-delà de la nécessité de déclarer pleinement, à l'avance, et de manière uniforme les frais d'administration, ainsi que de déclarer le coût du crédit à l'avance et de manière uniforme, nous estimons qu'il faut imposer de déclarer ce que coûte la prestation des services, et l'administration des cartes de crédit comparé à ce que cela rapporte. Actuellement, les rapports des banques et des fiducies sur les bénéfices ne contiennent pas suffisamment de renseignements pour savoir si les frais administratifs sont excessifs ou si ces institutions utilisent les bénéfices que leur rapportent ces frais pour compenser des pertes subies dans les opérations à l'étranger qui rapportent peu à l'économie ou aux consommateurs de ce pays. La publication de ces renseignements devrait être obligatoire; il existe des exemples aux États-Unis qui pourraient facilement être adaptés et adoptés ici au Canada.

En ce qui concerne l'accès aux services bancaires, nous appuyons pleinement les conclusions et les recommandations du groupe FS Centre, que vous entendrez demain, concernant la nécessité pour les banques et fiducies de permettre à toute personne qui le demande légitimement d'ouvrir un compte, d'encaisser des chèques du gouvernement sans frais et de limiter la retenue sur tous les fonds déposés. Nous jugeons convaincantes leurs recherches dans ce domaine.

Il y a d'autres questions concernant les problèmes structurels, les amendements dits techniques et l'affinement de la régie des sociétés. Nous sommes d'avis qu'il faut restreindre strictement les opérations intéressées et les conflits d'intérêt au sein des institutions financières, et s'assurer que les intérêts du consommateur et de la collectivité sont représentés au sein du conseil d'administration de ces institutions; il faut en outre permettre aux actionnaires de proposer des mesures de responsabilité sociale lors des assemblées d'actionnaires. Je sais que tout cela n'entre pas dans le cadre de la révision de la Loi sur les banques, mais je sais aussi que vous vous penchez sur les questions de régie des sociétés et que vous continuerez de le faire. C'est pourquoi il me paraît utile de soulever ces questions.

En ce qui concerne l'application, nous avons déjà comparu autrefois devant ce comité pour parler d'une association de consommateurs de services financiers basée sur le modèle des commissions de contrôle des services publics par les citoyens, ou CCSPC, aux États-Unis. Il y a du nouveau. Des groupes se sont constitués, qui comprennent l'Association des consommateurs du Canada et d'autres, et nous nous réunissons pour élaborer des modèles de mécanisme, ainsi que d'institutions à l'intention des consommateurs au Canada. C'est pourquoi nous demandons simplement au comité de recommander dans son rapport au gouvernement qu'il prenne les mesures nécessaires le moment venu -- lorsque les modèles auront été mis au point -- et d'inviter le gouvernement à agir même s'il ne peut pas le faire dans les délais prévus pour la révision de la Loi sur les banques et pour la révision de la législation touchant les fiducies et les compagnies d'assurance, qui doit être terminée fin mars 1997.

Il faut nommer un protecteur autonome des consommateurs des services financiers qui surveillera le respect des critères d'exécution. Les ombudsmans actuels sont nommés, payés et commandés par les banques et ils ne peuvent pas rendre de décision exécutoire. Ils sont inefficaces. Même avec un code sur la protection des renseignements personnels, à qui les consommateurs adresseraient-ils leurs plaintes? Leurs plaintes seront-elles entendues si les prétendues autorités d'exécution sont en situation de conflit d'intérêt fondamental?

Nous avons également soulevé des questions touchant le travail que vous avez fait dans d'autres domaines, mais qui selon nous devrait être inclus dans cette révision législative. Nous invitons le comité à recommander au gouvernement d'élargir la portée de cet examen et d'y inclure lesdites questions avant la fin de vos travaux l'an prochain ou, tout au moins, de s'assurer qu'il fait partie du mandat du groupe de travail qui se penchera sur des questions plus vastes au cours des 18 prochains mois. Parmi ces questions, il y a celle de la déclaration détaillée des statistiques sur les prêts et les exigences de réinvestissement pour lutter contre la discrimination dans les prêts.

Vous avez mon mémoire en main depuis une semaine environ et j'espère que vous avez eu le temps d'en prendre connaissance. J'attends vos questions.

Vous vous êtes certainement rendu compte, vu les délégations et le public que vous avez eus à ces audiences, que les vendeurs sont très bien organisés et ne manquent pas de ressources pour vous influencer, faire du lobbying, et faire entendre leurs points de vue dans les médias et ailleurs. Certains diront que la concurrence est parfaite lorsque des vendeurs de divers secteurs, tels des courtiers en placement, défendent publiquement leur position, se font concurrence et s'organisent pour défendre leurs intérêts. De notre point de vue, la concurrence sera parfaite lorsque les consommateurs seront encore mieux organisés que les vendeurs de manière à être sur un pied d'égalité avec eux et de pouvoir contrebalancer le pouvoir des banques, fiducies, compagnies d'assurance et autres lobbys du secteur financier. Nous espérons que vous considérerez la proposition de création d'une association des consommateurs des services financiers fondée sur le modèle des CCSPC dans ce but, et nous invitons le gouvernement à prendre des mesures en ce sens.

[Français]

Mme Madeleine Plamondon, Service d'aide au consommateur: Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités à venir témoigner devant votre comité. Nous avons déjà témoigné, la semaine dernière, à la révision quinquennale sur les intermédiaires de marché au Québec. Les observations que nous allons faire aujourd'hui vont dans le même sens que celles que nous avons présentées la semaine dernière.

La mondialisation a comme conséquence de laisser les forces du marché établir les règles du jeu et les gouvernements réglementent de moins en moins. Le contrôle leur échappe au profit des intervenants qui sont à l'extérieur, souvent, du pays et cela n'est jamais en faveur des citoyens.

Le consommateur se fie sur le gouvernement pour se faire protéger. J'espère que la révision de la législation va donner lieu à une protection accrue. Il ne peut pas y avoir de réorganisation sans réviser fondamentalement les droits des consommateurs.

J'ai déjà expliqué devant un comité sénatorial et devant beaucoup d'instances, depuis plusieurs années, toutes nos doléances comme consommateurs. Nous avons déjà témoigné devant votre comité sur la protection des renseignements personnels, le sénateur Flaherty était présent, il y avait eu un projet de règlement, cela est resté aux oubliettes, le gouvernement a changé et nous recommençons encore une fois l'exercice.

Le ministre Allan Rock a dit lors d'une émission de télévision, que nous n'aurions pas une loi cadre pour la protection des renseignements personnels avant l'an 2000. Il ne faudrait pas que vous attendiez l'an 2000 pour protéger les consommateurs et présenter une loi cadre pour la protection des renseignements personnels en ce qui concerne le secteur financier. Vous avez une occasion rêvée de montrer que tout ce que l'on vous a dit depuis plusieurs années, il est grand temps qu'on le fasse et non pas qu'en attende une loi cadre.

J'ai fait partie du comité de l'Association canadienne de normalisation pendant cinq ans, sur le code de la protection des renseignements personnels. J'ai fait partie pendant cinq ans du système de transfert électronique de fond avec des cotes volontaires. C'est pour cela qu'aujourd'hui, je tiens à vous dire que des cotes volontaires, ce n'est pas suffisant. On avait fait un «monitoring» de l'application des cotes volontaires et cela était illégal dans les institutions financières. Il n'y avait pas de mécanisme de recours adéquat. Le surintendant des institutions financières, à ce moment-là, nous avait dit qu'il ne pouvait pas remplir son rôle de protecteur du citoyen puisqu'il pourrait se retrouver dans des situations conflictuelles. C'est-à-dire que le surintendant pourrait recevoir une plainte qui toucherait les consommateurs massivement et cela mettrait en danger la solvabilité de l'institution. Il faut un mécanisme qui soit indépendant, qui soit à l'abri des influences du gouvernement et des industries, et qui soit capable d'agir en toute indépendance. Je n'irai pas plus loin là-dessus parce que l'on vous en a parlé amplement par le passé.

Nous avons fait quatre études sur la confidentialité des données, dont une dans les institutions financières et une dans la circulation dans le domaine des assurances. Nous avons fait des représentations à plusieurs instances dans des congrès autant à Chicago et à Washington. Nous avons participé à des colloques internationaux à Ottawa. Nous sommes devant vous aujourd'hui en espérant qu'il va se passer quelque chose. Vu le nombre de sénateurs qui sont présents aujourd'hui, je ne sais pas s'il va se passer quelque choise ou si vous allez attendre, comme Allan Rock, à l'an 2000.

Nous avons été à l'origine de la bataille sur les frais bancaires à travers le Canada où les banques ont été forcées, coincées, à afficher leurs frais. Suite à cela, on s'y comprend mieux. Il est parfois difficile de faire des comparaisons avec le nombre de comptes et les modalités de frais dans un même compte, dépendant de la balance détenue dans ce compte, et de pouvoir comparer à l'intérieur d'une même institution. Vous pouvez donc comprendre ce que cela représente entre les institutions.

Vous avez parlé de la divulgation des coûts de crédit, ce sont aussi des frais. Le divulgation des coûts de crédit, c'est de juridiction provinciale. Déjà, la Loi de la protection du consommateur a élaboré sur cela. Il faudrait que vous profitiez de l'occasion pour dire aux banques de divulguer leur coût de crédit. C'est la plus haute norme dans chacune des provinces: examiner avant la plus haute norme et appliquer la plus haute norme.

Au début de l'Accord de libre-échange, j'étais membre d'un comité et nous avons fini par adopter la norme qui était la moins haute, tellement que les gouvernements ne veulent plus réglementer quand il y a des accords internationaux. On se contente de la norme la plus basse et l'on évite de réglementer. Ce sont les courants de déréglementation. Il faut qu'il y ait un contre-discours à toute l'histoire de la mondialisation qui est de positionner les institutions financières plutôt que de protéger le marché intérieur domestique des consommateurs.

Nous n'essayons pas de positionner les banques, nous voulons protéger les consommateurs. Quand j'entend ou je lis dans la même page du Livre blanc que nous allons alléger la réglementation et que nous allons mieux défendre les consommateurs, permettez-moi d'en douter. Comment saurons-nous où le groupe de travail en est et s'il a tenu compte de la protection des consommateurs dans l'allégement de la réglementation au niveau des institutions financières?

J'ai apporté un contrat que j'ai pris au hasard dans nos dossiers et je vous donne un exemple pour vous faire voir comment il faut absolument en venir à déclarer des taux d'intérêt usuraires. Il y a quelqu'un qui a emprunté 4 032 $ et, en quatre ans à un taux de 40,97 p. 100 avec Avco, il va donner 4 223.77 $ d'intérêt. Il donne plus en intérêt en quatre ans que le montant que le montant initial emprunté. Un taux d'intérêt de plus de 30 p. 100, devrait être déclaré usuraire. Les émetteurs de cartes dans les grands magasins dans le moment, offrent un taux d'intérêt de 28,8 p. 100 et si vous ne payez pas pendant un an, cela équivaut à 32,9 p. 100. Dans le moment, la situation économique est difficile pour les consommateurs. Ce sont les consommateurs à plus faibles revenus qui doivent aller dans de telles institutions et payer de tels prix. Il faut en venir à ce que les services financiers de base soient accessibles aux consommateurs et que ceux qui ont les moyens ne reçoivent pas des taux préférentiels, car ils ont les moyens de payer de hauts taux d'intérêt. L'écart entre les plus riches et les plus pauvres s'agrandit toujours.

Pour ce qui est de la disponibilité des services financiers de base, on recommande que lorsque les clauses d'un contrat sont illisibles, elles soient interprétés en faveur du consommateur. D'ailleurs, l'article 1436 du Code civil du Québec dit que s'il y a une clause illisible ou incompréhensible pour une personne raisonnable, qu'elle soit déclarée nulle si le consommateur en souffre préjudice. Lisez les ententes des institutions financières que vous signez et vous ne comprendrez rien.

J'ai siégé pendant deux mandats au Conseil des assurances des personnes, et la farce qui courait autour de la table où il y avait bien souvent des assureurs et des intermédiaires était qu'il n'y avait que la veuve qui connaissait le contenu d'une police d'assurance. Vérifiez ce que la clause «valeur à neuf» veut dire sur votre police d'assurance, et vous m'en donnerez des nouvelles.

Le Service d'aide aux consommateurs recommande dans l'accès aux services de base que les vendeurs de services financiers se déclarent conseillers. Lorsque l'on est conseiller, cela veut dire que nous avons un choix. Dans le moment, on ne vent que ce que l'institution financière nous dit de vendre. Donc, le mot «conseiller» ne devrait pas être employé à tout venant et l'on devrait pouvoir offrir plusieurs produits; dire au consommateur qu'il peut donner, comme garanti pour un prêt, sa police d'assurance plutôt que de lui vendre une assurance supplémentaire.

Nous avons fait plusieurs études sur le crédit: le crédit à tout prix, les cartes de crédit, les problèmes pour les consommateurs et les profits pour les émetteurs. C'est une des rares formes de crédit où il n'y a pas d'entrevue ni au téléphone, ni entrevue en personne. Pourtant, des gens qui détiennent des cartes de crédit et font faillites, il y en a beaucoup.

Dans un des rapports du surintendant des faillites, il disait que dans une faillite répétée, il n'y avait parfois que des cartes de crédit. Nous découvrons que les gens ont une bonne cote de crédit, mais ils font face à une faillite. Une personne peut avoir une cote de crédit A1 au bureau de crédit, mais si celle-ci a payé le montant minimum sur sa carte, elle est encore un bon consommateur, elle s'interfinance avec ses cartes de crédit, sa marge de crédit et son prêt personnel.

Je n'irai pas plus loin parce que mon temps s'écoule. Nous sommes d'accord avec ce qui a été dit par les autres groupes de consommateurs. Lorsque vous parlez de revoir le système financier, il faudra voir comment la «fidélisation» du consommateur dans une institution se fait par le biais des paiements préautorisés.

Les gens qui veulent changer d'institution sont tellement craintifs qu'un paiement ne passera pas ou que leur chèque de paie ne soit pas déposé dans leur compte que c'est tout un aria que de vouloir changer d'institution quand il y a plusieurs transactions préautorisées dans une même institution. Il faudra que vous voyiez à ce que le processus soit simple et facilité pour que si un consommateur veut changer d'institution, il faudra que cela soit facile et qu'il ne soit pas obligé de déposer l'équivalent de son compte dans une autre institution pour rencontrer le transit. La «fidélisation» des consommateurs ne se fait plus avec les services personnalisés. On ne voit plus les consommateurs. La façon de les «fidéliser», c'est de les enchaîner avec des paiements préautorisés. Le consommateur qui a changé d'institution se retrouve dans une situation insécure parce qu'il doit avertir ceux qui déposent son chèque de paie, la Régie des rentes, et cetera. Cela est tout un exercice pour les consommateurs de vouloir changer cela. Il faut que vous garantissiez que l'argent comptant aussi va être acceptée partout, parce que de plus en plus, elle est refusée. Ils vous diront que les consommateurs trouve le «plastic» pratique et les paiements préautorisés. Le consommateur est forcé de les utiliser. Vous ne pouvez pas prendre une police d'assurance sans signer un contrat ou payer le câble pour la télévision ou votre auto, sans une carte de crédit. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie. Un certain nombre d'entre nous recevons les tableaux que vous publiez à l'occasion. Nous les trouvons intéressants et pleins d'informations.

Le sénateur Kenny: Monsieur Conacher, qui représentez-vous et qui vous finance?

M. Conacher: Démocratie en surveillance est un groupe de revendication des citoyens. Notre champs d'action est celui de la responsabilité des gouvernements et des entreprises. Nous existons depuis trois ans. Nous avons démarré grâce aux droits perçus sur un livre que j'ai écrit en collaboration avec Ralph Nader et intitulé Canada Firsts. C'est un recueil de quelques, 180 réalisations pour lesquelles les Canadiens ont été les premiers ou les meilleurs au monde.

Nous sommes financés par des dons du public et nous avons des adhérents dans tout le pays.

Le sénateur Kenny: Votre organisme est-il démocratique? Comptez-vous 10, 100, 10 000 membres?

M. Conacher: Nous avons environ 300 sympathisants à travers le pays. Notre structure prévoit que lorsque nous atteindrons un seuil suffisant pour nous le permettre, nous aurons un conseil d'administration élu.

Le sénateur Kenny: Dans votre déclaration, vous avez parlé des pertes que les banques essuient à l'étranger. J'imagine que vous vouliez parler de certaines expériences sud-américaines.

Êtes-vous inquiet du fait que les banques sont présentes en Amérique du Sud ou plutôt parce qu'elles y perdent de l'argent?

M. Conacher: Les deux à la fois, en fait. Nous estimons que les banques devraient être tenues de donner beaucoup plus de détails sur les personnes à qui elles prêtent, et aussi à qui elles refusent de l'argent.

Nous estimons que les banques devraient être tenues de révéler combien de personnes ont demandé des prêts dans les diverses catégories; combien de ces demandes ont été approuvées ou rejetées; de donner des comparaisons entre petites, moyennes et grandes entreprises, et selon les secteurs, ainsi que d'autres catégories. On peut alors savoir si par leur politique de prêt, les banques servent véritablement les consommateurs et l'économie canadiens et la création d'emplois, notamment. Comme 95 p. 100 des capitaux des banques canadiennes proviennent des dépôts de consommateurs canadiens, ceux-ci ont le droit d'être renseignés et de savoir ce que les banques font de leur argent.

Le sénateur Kenny: Est-ce que les consommateurs canadiens n'ont pas le droit de s'adresser ailleurs s'ils ne sont pas satisfaits de la façon dont se comporte leur banque?

M. Conacher: Actuellement ils n'ont aucun moyen de le savoir puisque les exigences en matière de déclaration sont minimes. Dans le domaine des hypothèques, des prêts aux consommateurs, aux petites entreprises et aux petites exploitations agricoles, les exigences de déclaration sont beaucoup plus strictes aux États-Unis qu'elles ne le sont au Canada. Nous demandons simplement que le Canada adopte une mesure qui a donné satisfaction dans le pays qu'on peut qualifier de «foyer du capitalisme», soit les États-Unis, d'exiger des banques qu'elles nous donnent les renseignements nécessaires afin que nous puissions savoir si elles se rendent coupables de discrimination injustifiée.

Le principe qui sous-tend notre demande et notre recommandation est simplement que la lumière est le meilleur des désinfectants. Si la lumière est faite sur les pratiques des banques en matière de prêts, il se peut bien qu'un grand nombre de consommateurs canadiens décident de s'adresser, par exemple, à des caisses populaires qui elles sont tenues d'accorder des prêts à leurs membres et qui, par conséquent, réinvestissent toujours dans l'économie canadienne.

M. Kerton: Sénateur Kenny, vous abordez là une question très importante qui nous a causé une grande frayeur récemment, car les banques ont parlé de fusionner au Canada pour être plus concurrentielles à l'étranger.

Les banques canadiennes ont fait d'excellentes affaires aux Caraïbes, ont obtenu des résultats catastrophiques au Mexique, et elles ont dû se retirer du marché européen parce qu'elles n'y étaient pas concurrentielles. Les compagnies d'assurance-vie s'en sont assez bien tirées dans quelques pays. Lorsque ces succès sont le fruit du travail et de l'efficacité, nous sommes tout à fait en faveur de ce type d'expansion.

Mais lorsque nous entendons parler de fusionnement au Canada, nous craignons le risque d'interfinancement. Les consommateurs canadiens deviendraient un marché monopolistique captif qui ne peut pas se tourner vers le marché international. Les consommateurs auront donc à payer des prix de monopole au Canada pour subventionner ces entreprises à l'étranger.

Ce n'est peut-être pas ce qu'envisagent les banques, mais c'est l'impression que cela donne. La concurrence dans les services, c'est très bien, mais cette deuxième méthode est une stratégie carnivore qui consiste à dévorer le marché national afin d'alimenter l'expansion à l'étranger. Ce type de croissance ne présente aucun intérêt pour le Canada.

Le sénateur Kenny: Prenons une chose à la fois. D'abord, pensez-vous que le système bancaire canadien ait dans l'ensemble bien servi les Canadiens?

M. Kerton: Moyennement.

Le sénateur Kenny: Raisonnablement?

M. Kerton: Si l'on compare au système extrêmement inefficace des États-Unis, on peut dire que les frais sont assez comparables à ceux de ce système inefficace. Dernièrement, les banques se sont rendu compte qu'elles commençaient à avoir de la concurrence, que ce soit par voie électronique ou autre, et elles ont décidé d'augmenter leur efficacité, et ces compressions ont entraîné la perte de beaucoup d'emplois. C'est probablement la preuve qu'elles n'étaient pas aussi concurrentielles qu'avant. Quand on a toutes ces succursales qui vous donnent de l'argent presque gratuitement, on a un avantage énorme par rapport aux banques américaines qui doivent emprunter et prêter sur chaque petit marché. Les banques canadiennes ont eu cet avantage mais elles n'en ont pas fait profiter les petites entreprises et les consommateurs.

Le sénateur Kenny: Qui représentez-vous? Représentez-vous une trentaine de personnes qui s'arrangent bien entre elles ou avez-vous lieu de croire que vous pouvez parler au nom de la plupart des utilisateurs des services bancaires?

Qu'est-ce qui serait fondamentalement inacceptable dans l'interfinancement? Pensez-vous qu'il n'y ait pas un élément d'interfinancement dans tout organisme, quelle que soit sa taille, comme par exemple à Eaton ou La Baie? Comment ces magasins se lancent-ils dans un nouveau domaine, offrent-ils un nouveau produit, ou ouvrent-ils une nouvelle succursale?

M. Kerton: Eaton ne bénéficie pas d'une charte qui interdit l'arrivée d'autres magasins. Eaton ne peut pas se protéger de la concurrence derrière l'obstacle de l'Association canadienne des paiements.

Le sénateur Kenny: Actuellement, vous avez un choix considérable. Chaque fois qu'une nouvelle succursale s'ouvre quelque part, elle est subventionnée par les succursales existantes. Voulez-vous dire qu'une banque ne devrait jamais s'implanter dans un autre pays parce qu'elle est subventionnée par quelqu'un d'autre?

M. Kerton: Je ne pense pas qu'elles doivent faire la fête sur le dos du marché canadien. Votre responsabilité, en tant que sénateurs, est d'élaborer des lois idéales pour les Canadiens, et cela comprend les clients, les consommateurs, les entreprises et les banques.

Le sénateur Kenny: C'est exact. Mais si des banques ouvrent des succursales en Amérique du Sud, on peut présumer que les entreprises canadiennes en profiteront.

M. Conway: Pas si elles ferment en même temps des succursales dans les quartiers pauvres de toutes les villes du pays.

Le sénateur Kenny: Vous semblez être d'accord si elles font des bénéfices dans ces régions, mais vous n'êtes pas content si elles y perdent de l'argent.

M. Kerton: Nous avons absorbé les mauvaises créances de Canary Wharf et d'autres. Les banques ont une période de cinq ans pour radier ces mauvaises créances, et elles gagnent 800 millions de dollars par an sur le marché national.

Le sénateur Kenny: Et leurs bonnes créances?

M. Kerton: Accorder des prêts, c'est leur métier, et elles sont censées bien le faire. Si elles le font bien, c'est parfait, mais il n'y a aucune raison qu'un marché captif subventionne des initiatives qui n'ont aucun mérite économique propre.

Le sénateur Kenny: Quand vous parlez d'«investissements», si je vous suis bien, vous suggérez que l'on sépare les investissements immobiliers, et que les banques considèrent cet aspect-là de leurs activités comme une entité distincte. Si, une année donnée, elles perdent de l'argent dans les prêts immobiliers, elles ne doivent pas compenser par les bénéfices obtenus dans un autre secteur.

M. Conway: Nous devons en être informés. L'interfinancement devrait fait l'objet d'une divulgation obligatoire. Après tout, elles se servent pour cela de l'argent des Canadiens.

Le sénateur Kenny: C'est l'argent de leurs actionnaires.

M. Kerton: Pas dans ce cas-ci.

M. Conway: Non, car 95 p. 100 du capital de base des banques proviennent des dépôts des consommateurs.

M. Kerton: Ça devrait être 92 p. 100.

M. Conway: Elles n'ont que 5 p. 100 de capitaux propres.

Le sénateur Kenny: Je ne suis pas ici pour défendre les banques, mais j'entends toutes sortes de choses et je ne comprends toujours pas très bien qui vous représentez.

[Françcais]

Mme Plamondon: Je représente 4 000 personnes qui ont payé leur cotisation de 14 $ par année à Shawinigan. Nous avons donc 4 000 personnes à Shawinigan, dans la région et dans la province. Je crois que cela est une bonne base pour venir vous parler, un bon échantillonnage de la population à Shawinigan. Nous pouvons vous donner les préoccupations des consommateurs.

Le consommateur voudrait savoir de quelle façon la compagnie qu'une banque va privilégier est alimentée en fond. Lorsque nous nous sommes prononcés contre la vente de l'assurance dans les banques, nous avons dit que les institutions financières avaleraient le secteur de l'assurance parce que celui-ci n'était pas encore prêt à être sur un «level playing field». Cela ne sera pas de la concurrence en faveur du consommateur si la banque dispose de beaucoup d'argent, qu'elle peut injecter des fonds dans une des ses filiales et quecette filiale est capable de faire concurrence de façon déloyale. parce qu'elle est alimentée par les fonds de la banque. On ne sert pas ainsi le consommateur.

Il faut que chacun ait les coudées franches et puissee faire concurrence. À court terme, il va y avoir concurrence, et à moyen terme il n'y, ten aura pas et encore moins à long terme.

Dans le moment, les compagnies d'assurance jouent un jeu dangereux. Les compagnies d'assurance disent publiquement qu'elle ne veulent pas que les banques vendent de l'assurance, mais en même temps, elles demandent combien elles peuvent recevoir pour leur compagnie d'assurance et des offres sont faites régulièrement. Il y aura donc des centralisations qui vont se faire et cela ne sera pas au bénéfice des consommateurs.

Il faut connaître le montant des fonds injectés par une banque dans une de ses filiales et de quelle façon cela affecte la concurrence.

[Traduction]

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, je sais que j'abuse de mon temps. Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je suis ravi que vous soyez des nôtres, et je pense qu'il est très utile de vous entendre. Instinctivement, j'ai toujours des doutes quand quelqu'un prétend représenter les consommateurs dans leur ensemble. Pour l'affirmer, il faut davantage de références que d'avoir écrit un livre avec Ralph Nader et d'avoir 300 personnes qui vous donnent de l'argent. Il faut pouvoir démontrer qu'on a un mandat avant de prétendre parler au nom de tous les consommateurs.

À Shawinigan, si vous avez 14 000 personnes...

Mme Plamondon: C'est 4 000, et elles payent 14 $ par an.

Le sénateur Kenny: C'est un bon nombre pour ce groupe. J'aimerais savoir comment vous les consultez et par quel mécanisme.

Mme Plamondon: Je le fais depuis 40 ans.

Le sénateur Kenny: C'est la première fois que j'ai le plaisir de vous rencontrer, madame.

Mme Plamondon: À Shawinigan, les gens me connaissent.

Le sénateur Kenny: Quand les gens comparaissent devant le comité et disent représenter les consommateurs, il serait bon qu'ils puissent nous dire: «Voici nos références en tant que porte-parole des consommateurs.»

Mme McCall: Permettez-moi de vous présenter l'Association des consommateurs du Canada. Nous sommes un organisme national, à but non lucratif et basé sur le travail de bénévoles, constitué en 1947. Nous avons des chapitres dans toutes les provinces et dans les territoires. Nous avons cinq bureaux régionaux qui offrent des informations et de l'aide aux consommateurs et qui reçoivent leurs plaintes. Nous comptons environ 10 000 membres. Nous publions une circulaire trimestrielle et un bulletin d'information qui est publié par Consumer Reports six fois par an et qui atteint quelque 200 000 Canadiens. Nous avons également un réseau de quelque 500 consommateurs auxquels nous remettons périodiquement des questionnaires sur des problèmes de consommation. Nous publions également ces questionnaires dans le journal et dans notre bulletin. Nous participons en outre à l'enquête qu'a entreprise l'Institut national pour la qualité auprès de 9 000 ménages. Voilà qui nous sommes.

Le sénateur Kenny: C'est impressionnant. Comment êtes-vous financé?

Mme McCall: En partie par les cotisations de nos membres, en partie par des dons et en partie par des subventions de financement de projets. Cette année, nous avons reçu des fonds pour cinq projets du Bureau de la consommation d'Industrie Canada. Nous avons également des projets en cours qui sont financés par le ministère de l'Agriculture et par le Secrétariat de l'alphabétisation du ministère du Développement des ressources humaines.

Le sénateur Kenny: Vous devez comprendre qu'une fois cela mis au compte rendu, votre témoignage peut être pris dans son juste contexte.

M. Kerton: Vous avez raison, nous avons négligé de nous présenter.

M. Conacher: Nous ne prétendons pas représenter les Canadiens. Vous ne m'entendrez jamais dire «les Canadiens». En général, nous essayons de donner sur ces questions la perspective du citoyen. Il serait bon que vous puissiez lire notre mémoire. Si vous n'êtes pas satisfait des références des personnes qui sont venues devant vous dans l'intention de représenter les intérêts des consommateurs, j'espère que vous recommanderez au gouvernement de favoriser la création d'une association des consommateurs de services financiers qui -- sans qu'il en coûte rien au gouvernement ou aux institutions financières -- rassemblerait des centaines de milliers de membres au sein d'un organisme bien doté et représentatif. Cette association représenterait les consommateurs de services financiers et serait financée et dirigée par ses membres. Elle aurait une structure démocratique et représenterait les intérêts des consommateurs de services financiers du pays tout entier.

Le sénateur Kenny: Je dois avouer que j'ai lu votre mémoire. Il ne m'a pas fait une excellente impression.

Le président: L'Association des consommateurs du Canada a résumé ces recommandations à la fin de son mémoire. Je sais d'après nos conversations privées que nous sommes essentiellement d'accord. Je dois cependant vous interroger sur deux de ces recommandations.

À propos de l'entrée des banques étrangères, vous recommandez que la Loi sur les banques réduise les obstacles. J'en déduis que vous êtes contre la proposition contenue dans le Libre blanc qui a pour effet d'accroître les obstacles.

M. Kerton: Nous sommes contre les propositions qui ont pour conséquence de rendre l'entrée plus difficile à ces banques. Il s'agit notamment d'Interac, de l'Association canadienne des paiements et des chartes. Quant à la très vaste question que vous soulevez, l'Association canadienne des paiements est actuellement l'organisme privé qui, par délégation d'autorité, décide seule qui peut gérer des sociétés financières au Canada. C'est de toute évidence contraire à l'intérêt public.

Le président: C'est une question sur laquelle se penche un autre groupe de travail.

Dans le Livre blanc, il y a un certain nombre de recommandations concernant les banques de l'annexe II ou de ces institutions qui le deviendront. De cette ligne, je déduis que vous êtes opposé à ces changements.

M. Kerton: Nous voulons faciliter l'arrivée de nouvelles banques, qu'elles viennent de l'étranger ou créées par d'autres institutions locales.

Le président: En ce qui concerne la disponibilité des services de base, vous recommandez l'élaboration de politiques institutionnelles appropriées afin que «tous ceux» qui désirent obtenir des services bancaires ou semblables puissent le faire.

Je comprends pourquoi il peut être utile que vos membres vous l'entendent dire, mais sur le plan pratique, vous ne voulez pas vraiment dire «tous», n'est-ce pas? Est-il possible d'envisager que toute personne souhaitant un service l'obtienne automatiquement, sachant que souvent les gens demandent des services qu'ils ne peuvent avoir? Bien des gens veulent des prêts qui n'y sont pas admissibles. Ce serait pure folie pour une institution. Bien des gens voudraient une assurance-vie et ils ne peuvent l'obtenir parce qu'ils sont déjà atteints d'une maladie mortelle. Cela m'a paru tellement peu pratique comparé au reste de votre mémoire que je me suis demandé s'il fallait vous prendre à la lettre.

Mme McCall: C'est moi qui ai rédigé cela, et c'est donc de ma faute si ce n'est pas clair.

Le président: C'était absolument clair, mais je ne pensais pas que vous le pensiez vraiment.

Mme McCall: Nous voulions parler des comptes de base, chèques ou d'épargne. En ce qui concerne les services bancaires ou de type bancaire, je songeais, comme l'a dit Mme Plamondon, à l'accès à des services tout à fait de base, que ce soit auprès d'une banque, d'une caisse populaire ou d'une fiducie.

Le président: Ce n'est pas ce qu'on comprend en vous lisant, et ça ne m'a pas paru réaliste.

M. Kerton: Pensiez-vous que nous défendions le droit des riches à recevoir des services moins chers?

Le président: Non. Je pensais tout simplement que l'universalité a ses limites.

Mme McCall: Merci de nous avoir permis de préciser notre pensée.

Le président: Nous aurons certainement l'occasion de vous entendre à nouveau lors de la publication du rapport du groupe de travail, qui doit avoir lieu dans un an, mais nous vous reverrons peut-être avant.

La séance est levée.


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