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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LA RÉGIE DES SOCIÉTÉS

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Le président: L'honorable Michael Kirby
Le vice-président: L'honorable W. David Angus

Août 1996


LISTE DES RECOMMANDATIONS

INTRODUCTION

1. Le Comité recommande fortement de mener une étude des principes de la régie des sociétés dans le contexte des sociétés d'État. Il estime que les principes généraux de la régie des sociétés doivent s'appliquer aux sociétés d'État.

2. Le Comité recommande de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions de manière qu'elle s'annule dans un délai de dix ans à moins d'être examinée et adoptée à nouveau par le Parlement.

3. Le Comité recommande que, sous réserve de mesures de sauvegarde, un certain nombre de détails techniques et de modalités d'application qui figurent dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions relèvent plutôt des règlements d'application et qu'on utilise davantage le règlement d'application pour modifier la loi.

4. Le Comité recommande que les règlements d'application de la Loi canadienne sur les sociétés par actions soient déposés au Parlement et ne prennent effet que 30 jours après leur dépôt.

5. Le Comité recommande au gouvernement fédéral d'envisager d'incorporer par renvoi dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions les lois provinciales qui chevauchent la LCSA.

6. Le Comité attache une grande importance à la question de la compétence des administrateurs et encourage vivement les initiatives d'éducation visant à élargir et à enrichir le bassin national d'administrateurs et d'aspirants administrateurs.

LES RESPONSABILITÉ DES ADMINISTRATEURS

7. Le Comité recommande de modifier rle paragraphe 123(4) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions de manière que la responsabilité des administrateurs ne soit pas engagée à l'égard des paiements irréguliers d'une société (art. 118), des salaires impayés (art. 119) et des manquements à leurs obligations (art. 122) lorsqu'ils ont exercé, pour prévenir le manquement, le degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances analogues.

8. Le Comité recommande que le fait de s'en remettre de bonne foi aux états financiers, aux rapports d'experts et à l'information fournie par des dirigeants ou des professionnels fasse partie de la défense de diligence raisonnable.1. Recommander

9. Le Comité recommande que, avant d'édicter une disposition sur la responsabilité des administrateurs, le gouvernement fédéral démontre qu'elle aura un effet favorable sur la conduite des entreprises et qu'elle servira l'objectif de la loi. Si l'Équipe souscrit aux recommandations du comité sur la régie d'entreprise de la Bourse de Toronto en ce qui concerne la responsabilité des administrateurs, elle pourrait aussi :

2. Recommander

10. 3. Recommander qu'avantLe Comité recommande au gouvernement fédéral d'examiner toutes les lois fédérales qui font encourir une responsabilité personnelle aux administrateurs en vue de déterminer si cette responsabilité a un effet sur la conduite des entreprises et si elle sert les objectifs de la loi.

11. Le Comité recommande au gouvernement fédéral de veiller à ce que les lois qui engagent la responsabilité personnelle des administrateurs contiennent une disposition leur permettant d'invoquer la défense de diligence raisonnable.

12. Le Comité recommande d'inclure dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions une défense de diligence raisonnable qui vaudrait pour toutes les lois fédérales qui engagent la responsabilité des administrateurs de sociétés sauf lorsqu'elles prévoient une défense de diligence raisonnable qui est identique ou similaire à la défense prévue par la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

13. Le Comité recommande de ne fixer aucune limite à la responsabilité des administrateurs.

14. Le Comité recommande que l'article 119 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions soit abrogé et que le gouvernement fédéral envisage d'insérer dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité des dispositions concernant les salaires impayés des employés.

LE POUR ET LE CONTRE D'UN PRÉSIDENT NON-DIRIGEANT

15. Le Comité recommande fortement que les sociétés ouvertes visées par le LCSA séparent les postes de président du conseil d'administration et de directeur général. Le Comité ne recommande toutefois pas d'inscrire cette séparation dans la LCSA.

LA CONDITION DE RÉSIDENCE DES ADMINISTRATEURS

16. Le Comité recommande de maintenir la condition de résidence de la LCSA pour le conseil d'administration à l'exclusion de ses comités.

LES TRANSACTIONS D'INITIÉS

17. Le Comité recommande de conserver et de moderniser les dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions relatives à la production de rapports sur les transactions d'initiés et d'éliminer dans la mesure du possible les rapports produits en double au moyen de décrets d'exemption.

18. Le Comité recommande de ramener à dix jours de ramener à dix joursle délai dont disposent les personnes qui deviennent des initiés et les initiés qui effectuent une transaction pour produire un rapport.

(Ce délai est déjà exigé dans les lois de l'Alberta, du Québec, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan.)

19. Le Comité recommande q2. Le Comité recommande que le délai de production des rapports d'initiés soit prescrit par règlement et non dans la loi elle-même. Il serait ainsi plus facile de modifier les délais fédéraux et des harmoniser avec ceux des provinces.

COMMUNICATIONS RELATIVES AUX ACTIONNAIRES

ET SOLLICITATION DE PROCURATIONS

20. Le Comité recommande de modifier la LCSA de manière à obliger les courtiers attitrés à fournir aux émetteurs, sur demande et dans un délai donné, une liste de tous les actionnaires véritables. L'émetteur pourrait, à l'aide de cette liste, communiquer directement avec les actionnaires non inscrits en ce qui concerne les activités et les affaires de la société. Les intermédiaires seraient autorisés à ne pas divulguer aux émetteurs les nom et adresse des actionnaires qui en font la demande par écrit.

21. Le Comité recommande d'apporter à la LCSA les modifications nécessaires pour encourager et faciliter les communications entre actionnaires.

OFFRES D'ACHAT VISANT À LA MAINMISE ET

TRANSFORMATIONS EN SOCIÉTÉ FERMÉE

22. Le Comité recommande de porter de 10 à 20 p. 100 le seuil des offres d'achat visant à la mainmise prévu par la LCSA.

23. Le Comité recommande de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions de manière à porter à 45 jours la période minimale d'une offre d'achat visant à la mainmise.

24. Le Comité recommande de prescrire par règlement la période minimale d'une offre.

25. Le Comité recommande de ne pas modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions en ce qui concerne les transformation en société fermée.

LA RÉGIE DES SOCIÉTÉS ET

LES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

26. Le Comité recommande au gouvernement de constituer d'ici à deux ans une base de données qui permette d'analyser l'influence des investisseurs institutionnels sur les marchés en général et sur la régie des sociétés en particulier.

27. Le Comité recommande au gouvernement d'étudier l'impact sur les marchés financiers canadiens de la règle sur les biens étrangers en vue de sa suppression graduelle à court terme.

INTRODUCTION

CONTEXTE

Le 21 août 1995, le ministre de l'Industrie John Manley a demandé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce de sonder des gens d'affaires et des investisseurs chevronnés sur certains enjeux de politique liés à la modernisation de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA). Le Comité a tenu ses audiences en février 1996 dans cinq villes et 59 personnes du milieu des affaires lui ont, à son invitation, exposé leur point de vue oralement et par écrit.

Adoptée en 1975, la LCSA avait pour but de réviser et de réformer la législation régissant les sociétés par actions de régime fédéral. Les dernières grandes modifications de la loi remontent à 1978.

En 1994, le Parlement a adopté le projet de loi C-12, première phase de la révision de la loi . Il s'agissait essentiellement de modifications de forme.

Le projet de loi C-12 obligeait le ministre de l'Industrie à soumettre au Parlement d'ici juin 1997 des recommandations concernant les modifications de fond à apporter à la loi. Les audiences du Comité sénatorial des banques et du commerce et le rapport qui en est issu constituent un élément important du processus qui aboutira à la deuxième phase de la révision de la LCSA.

La phase II a porté, en accord avec les parties prenantes, sur les questions suivantes :

la responsabilité des administrateurs, des vérificateurs et d'autres personnes associées à une société;

les communications relatives aux actionnaires, c'est-à-dire aussi bien entre les sociétés et leurs actionnaires qu'entre les actionnaires eux-mêmes;

les conditions de citoyenneté et de résidence que doivent respecter les membres des conseils d'administration et de leurs comités;

l'aide financière que les sociétés accordent, entre autres, aux administrateurs, aux dirigeants et aux actionnaires;

les règles sur les transactions d'initiés;

les règles sur les offres publiques d'achat.

Un document d'information produit par Industrie Canada (Annexe 1) contient une liste de questions dont les réponses orienteront la phase II de la révision de la LCSA. Ce document fait ressortir le rôle précis du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce dans le processus de révision de la LCSA.

Enfin, le ministre a demandé que le Comité se penche aussi sur la responsabilité des vérificateurs (Annexe 2). Le Comité a jugé qu'il s'agissait là d'une question qui mérite d'être examinée à part. Il ressort des opinions exprimées pendant les audiences que la question de la responsabilité conjointe et individuelle des conseillers professionnels mérite plus ample examen. Le Comité tiendra sous peu à ce sujet des audiences au cours desquelles il examinera l'évolution de la question en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Au Royaume-Uni, la Law Commission a étudié l'opportunité de remplacer la responsabilité conjointe et individuelle par la responsabilité proportionnelle. Dans le document de consultation qu'elle a publié récemment, elle déclare qu'aucun changement ne s'impose. «La responsabilité conjointe et solidaire assortie de droits de contribution étendus contre les défendeurs est en gros équitable (...) la responsabilité proportionnelle ne ferait que remplacer la sévérité à l'égard des défendeurs par l'injustice à l'égard des demandeurs(<1>).»

Aux États-Unis, en 1995, le Congrès a adopté une loi sur les valeurs mobilières qui ne maintient la responsabilité conjointe et individuelle que pour ceux qui commettent ou laissent commettre une fraude en valeurs mobilières. Il existe un système de responsabilité proportionnelle pour les codéfendeurs trouvés moins coupables. Par ailleurs, dix États ont abandonné la responsabilité conjointe et individuelle et plusieurs ont adopté la responsabilité proportionnelle assortie d'exceptions.

En Australie, le rapport final d'une enquête sur la responsabilité conjointe et individuelle (ouverte par le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud) a été rendu public en février 1995. Il recommande essentiellement de remplacer la responsabilité conjointe et individuelle par une responsabilité proportionnelle au degré de culpabilité du défendeur.

Durant les audiences, deux autres questions ont fait surface que le Comité a jugé d'une importance suffisante pour leur consacrer un chapitre distinct. Il s'agit des avantages et des inconvénients d'un président non-dirigeant et du rôle des investisseurs institutionnels dans la régie des sociétés (y compris la règle sur les biens étrangers).

Le Comité formule dans le corps du texte ses recommandations particulières et dans l'introduction ses recommandations générales, dont voici la première :

1. Le Comité recommande fortement de mener une étude des principes de régie des sociétés dans le contexte des sociétés d'État. Il estime que les principes généraux de la régie des sociétés doivent s'appliquer aux sociétés d'État.

APERÇU

La législation canadienne sur les sociétés a fait l'objet d'une refonte dans les années 1970 et 1980. L'adoption en 1975 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions a peut-être été le changement le plus important. Élaborée à partir d'un grand rapport(<2>), la LCSA constituait :

...une synthèse de ce qu'il y avait de mieux dans les lois des pays du Commonwealth ainsi que des États américains et des provinces canadiennes...(<3>)

La LCSA (...) a été conçue comme un instrument de politique devant servir de modèle aux autres lois fédérales et provinciales sur les sociétés dans le but à la fois de simplifier et d'améliorer par une plus grande mesure d'uniformité l'administration des sociétés elles-mêmes et l'établissement d'une société canadienne(<4>).

La LCSA est effectivement devenue un modèle puisque le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario et Terre-Neuve en ont adopté une semblable(<5>).

L'environnement industriel, commercial et juridique canadien a changé considérablement depuis 1975. Cependant, mis à part les modifications techniques adoptées en 1994 (projet de loi C-12), la LCSA est restée à peu près la même depuis son adoption.

Composée de dix grandes sociétés ouvertes canadiennes, la Coalition pour la réforme de la LCSA estime qu'une loi fédérale sur les sociétés par actions doit reposer sur les quatre principes suivants :

( flexibilité

( efficience

( certitude

( équilibre.

Le Comité convient que les modifications apportées à la LCSA doivent respecter ces principes.

Dans ses recommandations, le Comité a cherché à s'assurer qu'une LCSA modifiée pourra s'adapter à l'évolution des pratiques des entreprises, de la régie des sociétés et du marché. On lui a suggéré diverses façons de la mettre à jour et de l'améliorer régulièrement, entre autres : l'obligation d'examiner et de réviser périodiquement la loi, le recours accru aux règlements d'application; l'incorporation par renvoi des lois provinciales pertinentes. Ces suggestions sont examinées ci-après.

A. Examen obligatoire de la LCSA

Le Comité croit fermement que l'examen périodique convient particulièrement aux lois d'encadrement du marché comme la LCSA. Nombreuses sont les lois qui prévoient qu'un comité parlementaire doit examiner leurs dispositions et leur fonctionnement après un certain délai. D'autre part, la Loi sur les banques, entre autres, contient une mesure de temporarisation qui prévoit que les banques cesseront d'exercer leur activité après un délai donné. Pour s'assurer que les banques continueront d'exercer leur activité, le Parlement doit périodiquement adopter une nouvelle loi sur les banques.

Le Comité note, toutefois, qu'aucun mécanisme législatif n'exige l'examen et la révision périodiques de la LCSA. Il estime donc que la LCSA devrait contenir une mesure de temporarisation afin qu'elle soit régulièrement examinée et mise à jour.

2. Le Comité recommande de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions de manière qu'elle s'annule dans un délai de dix ans à moins d'être examinée et adoptée à nouveau par le Parlement.

B. Recours aux règlements d'application

Voici ce que la Coalition avait à dire sur le contenu de la LCSA et les questions qu'il vaudrait mieux traiter par voie de règlement :

Il faudrait que la loi traite des aspects de la régie des sociétés qui ne doivent être modifiés par le Parlement que lorsque, de l'avis général, il y a lieu de le faire. Un grand nombre des détails et des modalités qui figurent actuellement dans la loi pourraient relever des règlements d'application(<6>).

Le Comité est favorable à l'utilisation accrue des règlements pour poursuivre la modernisation de la LCSA et son harmonisation avec les lois provinciales sur les sociétés et les valeurs mobilières. Il a déjà, en fait, formulé des recommandations qui prévoient que certains changements pourraient être apportés à la LCSA par règlement plutôt que par modification législative.

Cependant, la possibilité d'apporter par règlement certains changements à la LCSA doit être assujettie à des conditions garantissant que les parties intéressées seront dûment consultées et que le rôle du Parlement dans le processus législatif ne s'en trouvera pas diminué. En l'absence de telles mesures de sauvegarde, la Comité ne se prononcerait pas en faveur d'un recours généralisé aux règlements.

3. Le Comité recommande que, sous réserve de mesures de sauvegarde, un certain nombre de détails techniques et de modalités d'application qui figurent dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions relèvent plutôt des règlements d'application et qu'on utilise davantage le règlement d'application pour modifier la loi.

4. Le Comité recommande que les règlements d'application de la Loi canadienne sur les sociétés par actions soient déposés au Parlement et ne prennent effet que 30 jours après leur dépôt.

C. Harmonisation

Le Comité reconnaît qu'il y a passablement de chevauchement et de double emploi entre certaines dispositions de la LCSA et celles des lois provinciales sur les valeurs mobilières. C'est tout particulièrement évident en matière de délit d'initiés et d'offre publique d'achat.

Ce chevauchement et ce double emploi peuvent imposer un fardeau considérable aux particuliers et aux sociétés qui doivent se conformer à la fois à la LCSA et aux lois de plusieurs provinces.

Le Comité engage le gouvernement fédéral à faire des efforts concertés pour harmoniser les exigences fédérales et provinciales partout où il y a chevauchement et double emploi. On pourrait y arriver en uniformisant la terminologie et les définitions, en recourant à la transmission électronique des déclarations et en exemptant de la LCSA certaines déclarations exigées en vertu des lois provinciales.

Plus fondamentalement, la Coalition propose que soient incorporées par renvoi dans la LCSA les lois provinciales correspondantes(<7>). L'incorporation par renvoi est utilisée lorsqu'une assemblée législative souhaite adopter la même loi qu'une autre. Grâce à cette technique, la loi actuelle et future d'une assemblée peut devenir la loi d'une autre assemblée.

Voici ce qu'a déclaré un témoin :

La LCSA servira de modèle aux autres lois régissant les sociétés qui adopteront sans doute sa souplesse et ses méthodes d'harmonisation. De cette façon, toute innovation adoptée au niveau fédéral pourra se répercuter immédiatement au niveau provincial. L'harmonisation et l'élimination des chevauchements permettent d'économiser de l'argent ainsi que du temps. Le fait que les sociétés puissent se conformer aux règles de leur province plutôt qu'aux règles semblables mais non identiques de la LCSA permet une plus grande certitude...(<8>)

Le Comité reconnaît que l'incorporation par renvoi est un bon moyen de promouvoir l'harmonisation et la modernisation de la LCSA.

5. Le Comité recommande au gouvernement fédéral d'envisager d'incorporer par renvoi dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions les lois provinciales qui chevauchent la LCSA.

D. Titres et qualités des administrateurs

Les témoignages que le Comité a reçus ont surtout porté, bien entendu, sur la régie des sociétés en général et les dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions en particulier. Le Comité note, cependant, que les témoins insistent sur la compétence des administrateurs et comprennent l'ampleur de leurs responsabilités.

Les témoins parlent des lourdes responsabilités qui incombent aux administrateurs dans l'environnement actuel et de la relation entre ces responsabilités et les dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Il ressort implicitement ou explicitement de leurs propos que les administrateurs doivent avoir une grande compétence pour pouvoir exercer leurs fonctions de conseil et de surveillance de façon telle que les sociétés canadiennes puissent prospérer sur le marché mondial hautement concurrentiel d'aujourd'hui.

Un certain nombre de témoins, dont sir Graham Day, soulignent combien il est difficile de former un conseil d'administration étant donné l'éventail des compétences des individus et le niveau de formation qu'ils apportent à l'exercice de leurs nouvelles fonctions.

Bien qu'il n'y ait pas de mécanisme attestant que telle ou telle personne est apte à faire partie d'un conseil d'administration, la plupart des administrateurs ont acquis dans leur vie professionnelle certaines des compétences qui leur sont nécessaires, par exemple, en matière de droit et de comptabilité. En général, cependant, l'expérience du milieu de travail a doté des compétences de base ceux qui sont nouvellement nommés à un poste d'administrateur.

Plusieurs témoins ont déclaré devant le Comité que certaines sociétés soignent davantage la formation de leurs nouveaux administrateurs. On organise de plus en plus à leur intention des cours, des séminaires et des réunions avec les dirigeants de la société.

Sir Graham Day estime que, en plus de ces programmes internes, les entreprises pourraient offrir toutes sortes de programmes d'éducation et de formation en collaboration avec les établissements d'enseignement supérieur. On pourrait concevoir des programmes pour les nouveaux administrateurs et des cours de recyclage pour les administrateurs d'expérience. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a place à l'innovation dans ce domaine.

6. Le Comité attache une grande importance à la question de la compétence des administrateurs et encourage vivement les initiatives d'éducation visant à élargir et à enrichir le bassin national d'administrateurs et d'aspirants administrateurs.

CHAPITRE 1

LA RESPONSABILITÉ DES ADMINISTRATEURS

INTRODUCTION

La responsabilité des administrateurs est un aspect capital de la régie des sociétés et des travaux du Comité. Une lourdeur excessive des responsabilités, nous a-t-on dit, peut avoir une incidence négative sur la compétitivité des sociétés canadiennes, car elle peut dissuader des personnes qualifiées de siéger aux conseils d'administration ou inciter des administrateurs compétents à démissionner au moment où les sociétés ont le plus besoin de leur savoir-faire.

Mais il faut aussi respecter l'obligation de rendre compte. Le documentDocument de consultation d'Industrie Canada sur la responsabilité des administrateurs souligne que : «Une obligation de rendre compte qui est inadéquate peut entraîner des préjudices pour d'autres parties et pour l'environnement, déboucher sur de graves erreurs d'affectation des ressources et nuire à la prospérité canadienne. La responsabilité des personnes morales, y compris celle des administrateurs, est un mécanisme important et efficace de conformité à la réglementation et de répartition du risque»(<9>).

La Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et les lois provinciales sur le même sujet font encourir des responsabilités aux administrateurs de sociétés. Les administrateurs peuvent en outre être tenus responsables devant leur société en cas de non-respect de leur obligation fiduciaire et de leur devoir de prudence. Ces devoirs et responsabilités sont étudiés plus en détail dans le présent chapitre.

L'OBLIGATION FIDUCIAIRE

Une «obligation fiduciaire» incombe parfois aux personnes qui sont dans une position où elles peuvent faire courir des risques financiers à d'autres. Aussi bien la common law que le Code civil du Québec imposent des obligations fiduciaires aux administrateurs de sociétés. L'une des plus importantes concerne le devoir de divulguer ou d'éviter toute situation de conflits d'intérêts(<10>).

En vertu de l'alinéa 122(1)a) de la LCSA, tout directeur et tout administrateur d'une société, lorsqu'il exerce ses pouvoirs et remplit ses devoirs, doit «agir avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société». Cette disposition codifie l'essentiel de la common law dans ce domaine. La plupart des lois provinciales relatives aux sociétés prévoient un devoir légal de prudence qui est identique ou très semblable à celui que prescrit l'alinéa 122(1)a) de la LCSA(<11>).

Le fait d'exiger des administrateurs qu'ils agissent avec intégrité et bonne foi, au mieux des intérêts de la société, vise à faire en sorte qu'ils évitent les situations où leur devoir à cet égard est incompatible avec leurs intérêts personnels. Il s'agit là d'une règle stricte, d'après laquelle les administrateurs doivent faire passer leurs propres intérêts après ceux de la société. L'obligation fiduciaire des administrateurs est donc rendue à la société plutôt qu'aux actionnaires, aux gestionnaires, aux autres administrateurs, aux employés, aux créanciers ou à l'ensemble de la société(<12>).

Elle comporte plusieurs éléments dont voici une bonne description :

L'obligation fiduciaire exige de l'administrateur qu'il soit intègre dans ses rapports avec les autres administrateurs et avec la société; il doit bien sûr ne pas agir de manière à les induire en erreur, mais ne pas non plus leur cacher les renseignements utiles et nécessaires. Il ne doit pas obtenir des avantages au détriment de la société, soit en détournant des occasions ou des profits pour lui-même, soit en se plaçant dans une situation de conflit. Tout avantage reçu par un administrateur grâce à sa situation fiduciaire appartient à la société, et cet administrateur doit en rendre compte(<13>).

L'affaire judiciaire la plus importante au Canada sur ce sujet est Canadian Aero Service Limited c. O'Malley(<14>). Dans son jugement, la Cour suprême du Canada a arrêté que les administrateurs et les membres de la haute direction des sociétés étaient «liés par des liens fiduciaires qui, d'une manière générale, commandent la loyauté, la bonne foi et l'absence de conflit d'intérêts et d'obligations»(<15>). La Cour souligne également que «les critères généraux de loyauté, de bonne foi et d'évitement de conflits d'intérêts et d'obligations, auxquels la conduite d'un administrateur ou d'un fonctionnaire supérieur doit être conforme, doivent, dans chaque cas, être examinés en regard de nombreux facteurs qu'il serait présomptueux de tenter d'essayer d'énumérer de façon exhaustive»(<16>).

Le principe fiduciaire s'applique, entre autres, lorsqu'un administrateur est partie prenante dans un gros contrat avec la société ou qu'il possède un intérêt majeur dans une entité qui est partie à un contrat avec la société. Ces situations sont maintenant prévues dans l'article 120 de la LCSA. Cette disposition, de même que les dispositions analogues des lois provinciales sur les sociétés, exige des administrateurs qu'ils fassent connaître leurs intérêts et qu'ils s'abstiennent de voter sur les résolutions du conseil d'administration relative au contrat en question.

LE DEVOIR DE PRUDENCE

À l'obligation fiduciaire des administrateurs s'ajoute le devoir de prudence. La norme légale concernant le soin, la diligence et la compétence dont ils doivent faire preuve est issue de la common law. L'une des principales causes en la matière est Re City Equitable Insurance Co. Ltd.(<17>), dont les conclusions sont résumées par le professeur Bruce Welling dans Corporate Law In Canada :

(i) l'administrateur n'a pas à faire preuve d'une compétence supérieure à celle qu'on peut raisonnablement attendre d'une personne ayant ses* connaissances et son* expérience;

(ii) l'administrateur n'est pas responsable des erreurs de jugement en matière d'affaires, car sa fonction première consiste à utiliser ses talents pour inciter la société à prendre des risques;

(iii) l'administrateur n'est pas tenu d'accorder son attention continuelle aux affaires de la société. Sauf motifs de soupçons, il a tout à fait raison de faire confiance à l'intégrité des dirigeants de la société(<18>).

Cette norme a été codifiée dans de nombreux statuts de sociétés et, de norme subjective, est passée au rang de norme objective(<19>). L'alinéa 122(1)b) de la LCSA oblige les administrateurs à «agir avec soin, diligence et compétence, comme le ferait en pareilles circonstances un bon père de famille», dans l'exercice de leurs fonctions. Encore une fois, la plupart des lois provinciales sur les sociétés contiennent une disposition identique ou très semblable(<20>).

Il n'existe pas de réponse définitive quant à ce qui constitue, de la part d'un administrateur, une conduite prudente, la définition dépendant beaucoup des circonstances.

Le devoir de prudence n'est pas aussi rigide que l'obligation fiduciaire. Cela est dû au fait que les décisions d'affaires peuvent comporter un degré de risque variable et qu'il ne faut pas pénaliser les administrateurs lorsqu'ils prennent une décision erronée. Ainsi, si les administrateurs agissent correctement pour en arriver à une décision, qu'ils tiennent compte des renseignements pertinents, qu'ils posent les questions appropriées et envisagent une voie à suivre de façon réfléchie, les tribunaux hésiteront à remettre cette décision en question, même si elle s'avère mal fondée sur le plan de la gestion des affaires.

LES RESPONSABILITÉS LÉGALES DES ADMINISTRATEURS

A. Contexte

Comme nous l'avons dit plus haut, la LCSA ainsi que les lois provinciales correspondantes imposent diverses responsabilités aux administrateurs de sociétés. En outre, ils peuvent, aux termes de lois fédérales et provinciales, être tenus responsables, entre autres, d'infractions environnementales, des salaires, des retenues à la source, des remises de la TPS et de la taxe sur la vente au détail. Le Comité s'est fait dire Groupe de travail qu'entre 100 et 200 lois canadiennes engageaient la responsabilité des administrateurs. (Il est fait état de certaines de ces lois à l'Annexe 3.)

Parmi les lois fédérales qui rendent les administrateurs personnellement responsables, citons : la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique(<21>), la Loi canadienne sur la protection de l'environnement(LCPE)(<22>), la Loi sur les pêches(LP)(<23>), la Loi canadienne sur les sociétés par actions(LCSA)(<24>), la Loi sur la faillite et l'insolvabilité(LFI)(<25>), la Loi sur la taxe d'accise(LTA)(<26>), le Code canadien du travail(CCT)(<27>), la Loi sur la concurrence(LC)(<28>), le Régime de pensions du Canada(RPC)(<29>), la Loi sur l'assurance-chômage(LAC)(<30>), la Loi de l'impôt sur le revenu(LIR)(<31>), la Loi sur les produits dangereux (LPD)(<32>), la Loi sur le contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses(LCRMD)(<33>) et la Loi sur le transport des matières dangereuses de 1992(LTMD)(<34>).

Le nombre des infractions et le montant des amendes dont les administrateurs peuvent être tenus personnellement responsables sont importants. Dans le seul secteur de l'environnement, ils peuvent être tenus responsables en vertu de plusieurs lois fédérales et provinciales. Aux termes de l'article 122 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, par exemple, un administrateur est responsable d'une infraction commise par une société s'il fait partie de «ceux de ses dirigeants, administrateurs ou mandataires qui l'ont ordonnée ou autorisée, ou qui y ont consenti ou participé». Par ailleurs, la Loi sur la protection de l'environnement de l'Ontario porte que les administrateurs qui omettent de prendre des mesures raisonnables pour empêcher une société de causer ou d'autoriser le déversement d'une substance en contravention de la loi sont coupables d'une infraction. Ces lois prévoient des amendes de plusieurs milliers de dollars de même que des peines d'emprisonnement. Ces lois générales sur la protection de l'environnement sont appuyées par d'autres lois portant sur des questions comme les pesticides, la pollution de l'eau et l'exploitation minière, lesquelles engagent aussi la responsabilité des administrateurs dans les actions de la société.

À ce sujet, le documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs d'Industrie Canada fait observer ce qui suit :

La théorie sous-jacente à la responsabilité civile de l'administrateur est la suivante : le risque de voir sa responsabilité engagée oblige l'administrateur à porter une attention accrue à ses obligations légales de gestion de la société. On a l'impression que cela aura pour effet d'inciter l'administrateur à faire preuve de prévention quant à la surveillance des mesures que doit prendre la société pour respecter les exigences des lois. On s'attend à ce que, par conséquent, l'administrateur fasse en sorte que la société adopte des mesures de prévention ou de surveillance pour accroître les chances de conformité et que (dans les cas opportuns) des mesures correctives soient prises pour mitiger et corriger les conséquences de la non-conformité(<35>).

La responsabilité des administrateurs est essentiellement ou bien directe ou bien indirecte. La première concerne les situations où la loi exige de l'administrateur qu'il fasse telle action (par exemple, déposer un rapport ou tenir certains dossiers à jour) ou qu'il s'abstienne de faire telle autre action. La seconde découle de dispositions législatives qui rendent les administrateurs responsables lorsqu'une société contrevient à la loi(<36>).

L'hon. Donald Macdonald répartit en quatre grandes catégories les transgressions dont les administrateurs peuvent être tenus responsables au Canada(<37>). Il y a d'abord les infractions criminelles ou quasi criminelles. Essentiellement, ce sont les fautes personnelles que peuvent commettre les administrateurs et pour lesquelles ils peuvent être punis. Citons par exemple la violation des règles sur les transactions d'initiés.

Les transgressions de la deuxième catégorie concernent les obligations financières, c'est-à-dire la responsabilité personnelle des administrateurs dans les cas où une société néglige d'effectuer certains versements pécuniaires, comme le paiement de salaires aux employés. Certaines de ces transgressions entraînent une responsabilité absolue pour les administrateurs.

La troisième catégorie concerne les obligations que M. Macdonald appelle «d'intérêt public». Ce sont des lois ou des règlements d'intérêt public qui imposent certaines responsabilités aux administrateurs et aux cadres afin que les sociétés se comportent en bons citoyens. Comme l'a souligné M. Macdonald, les administrateurs ne sont normalement pas tenus responsables de ce type de contraventions s'ils sont en mesure de prouver qu'ils ont fait preuve d'une diligence raisonnable pour veiller à ce que la société respecte les lois.

À la quatrième catégorie appartiennent les infractions «à base de connaissance», pour lesquelles il est possible d'invoquer la défense de diligence raisonnable. Comme l'a fait remarquer M. Macdonald, «ces lois prévoient généralement qu'un administrateur ou un cadre peut encourir une amende ou une peine d'emprisonnement s'il a ordonné ou autorisé la violation d'une loi par une société ou s'il y a consenti, acquiescé ou participé»(<38>).

Depuis quelques années, la question de la responsabilité des administrateurs fait couler beaucoup d'encre. En démissionnant du conseil d'administration de grandes sociétés canadiennes de crainte d'être tenues responsables des dettes de ces dernières, certaines personnes très en vue ont attiré l'attention des médias et du public en général sur la question(<39>) de même que les deux administrateurs de Bata Industries Ltd. qui ont été jugés personnellement responsables de dommages causés à l'environnement(<40>).

C'est alors qu'on a commencé à parler de la «frilosité» des administrateurs, du peu d'empressement que de bons éléments éprouveraient à devenir administrateurs de sociétés de peur d'endosser de lourdes responsabilités personnelles. On craint que les sociétés ne perdent ainsi de bons administrateurs ou de bons candidats à leur conseil d'administration. Un témoin M. Dan Pekarsky a déclaré au Comité à l'Équipe de travail que cette frilosité faisait hésiter des membres compétents et expérimentés du monde des affaires et du grand public à devenir administrateurs(<41>). Il a dit souhaiter une politique qui assure l'équilibre entre l'obligation de rendre des comptes aux actionnaires et la responsabilité personnelle relative aux actions des sociétés(<42>).

Les incidences de cette frilosité sur les petites sociétés sont particulièrement inquiétantes. Souvent, les nouvelles entreprises n'ont pas à leur service de personnes suffisamment formées ou expérimentées pour prévoir ou prévenir d'éventuels problèmes judiciaires ou ne disposent pas de fonds suffisants pour assurer adéquatement leurs administrateurs et leurs dirigeants. M. Jan Peeters, président de Fonorola Inc., s'est dit d'avis que les obligations qui retombent sur les administrateurs de sociétés nuisaient considérablement aux efforts des petites et moyennes entreprises pour attirer de bons administrateurs(<43>).

Dans son rapport de 1994, le comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada examine la responsabilité des administrateurs. Il admet «en principe que la responsabilité personnelle des administrateurs est un moyen acceptable et efficace d'influencer la conduite des entreprises»(<44>). Néanmoins, il s'interroge sur les incidences de la responsabilité des administrateurs et sur l'absence d'une vision globale de la responsabilité personnelle des particuliers(<45>).

La plupart des témoins du Comité l'Équipe de travail ont évoqué la responsabilité des administrateurs. Presque tous sont préoccupés par l'extension qu'elle prend depuis une vingtaine d'années et par son effet sur la régie des sociétés et l'administration des affaires. M. L.R. Wilson, M. L.R. Wilson, président du conseil, président du conseil et président-et chef de la direction des Entreprises Bell Canada Inc., a résumé la question en ces termes :

Concernant la responsabilité des administrateurs, il faut attirer des hommes et des femmes qualifiés. Abstraction faite des grosses sociétés rentables bien financées et bien assurées, il faut les inciter à siéger au conseil d'administration d'entreprises qui ont besoin de leur aide, notamment des sociétés en difficulté ou de petites entreprises dont la réussite est essentielle à la création d'emploi et à la reprise de l'économie au Canada.

Le défi (...) consiste à atteindre un bon équilibre. Il faut encourager les personnes les plus compétentes à accepter le rôle d'administrateur, à assumer des risques commerciaux raisonnables qui servent les intérêts de la société et à remplir leurs obligations avec diligence. D'autre part, il faut éviter de les exposer à un risque personnel déraisonnable(<46>).

La responsabilité des administrateurs pourrait entraîner des coûts économiques. Selon M. Wilson, elle risque d'entraver la création d'emplois si les entreprises devaient, à cause d'elle, éprouver du mal à attirer de bons administrateurs. Une aversion pour le risque peut également nuire à l'innovation et compromettre la compétitivité des entreprises canadiennes(<47>).

B. La responsabilité des administrateurs aux termes de la LCSA

Selon le documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs, les administrateurs peuvent, en vertu de la LCSA, être tenus responsables :

lorsqu'ils autorisent l'émission d'actions en contrepartie d'un apport autre qu'en numéraire et que la juste valeur de cet apport est inférieure à celle de l'apport en numéraire que la société aurait dû recevoir (par. 118(1));

de certaines sommes versées (aide financière, rachats d'actions, dividendes, commissions, etc.) lorsque la société n'est pas solvable (par. 118(2));

des dettes contractées envers les employés au titre, par exemple, des salaires et des indemnités de vacances (art. 119);

à l'égard des transactions d'initiés irrégulières(<48>) (art. 131);

dans l'éventualité d'un recours en cas d'abus(<49>) (art. 241).

Les lois sur les sociétés de certaines provinces, dont l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Ontario, font encourir des responsabilités identiques ou très semblables aux administrateurs.

C. Les mécanismes de défense

1. La défense de bonne foi

La LCSA permet aux administrateurs d'invoquer la défense de bonne foi à l'égard de bon nombre des obligations dont ils sont responsables en vertu de la loi. D'après le paragraphe 123(4), la responsabilité de l'administrateur n'est pas engagée à l'égard d'émissions d'actions ou de paiements irréguliers (art. 118), de salaires impayés (art. 119) et de contraventions à l'obligation fiduciaire et au devoir de prudence (art. 122) s'il s'appuie de bonne foi sur :

(i) des états financiers de la société reflétant équitablement sa situation d'après l'un de ses dirigeants ou le vérificateur;

(ii) les rapports des personnes dont la profession permet d'accorder foi à leurs déclarations, notamment les avocats, comptables, ingénieurs ou estimateurs.

Voici ce qu'on peut lire dans le documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs au sujet de la défense de bonne foi :

La défense de bonne foi comporte des lacunes quant à la nature limitée des circonstances dans lesquelles elle peut servir à exonérer l'administrateur. Elle permet à l'administrateur de justifier ses actes par une source de renseignements fiable, mais ne lui permet pas, en l'absence de cette justification précise, de démontrer qu'il a agi raisonnablement dans les circonstances(<50>).

2. La défense de diligence raisonnable

Certains sont d'avis qu'il y aurait lieu de remplacer la défense de bonne foi prévue dans la LCSA par une défense de diligence raisonnable. En fait, le comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada recommande, dans son rapport, de modifier les lois qui engagent la responsabilité des administrateurs de manière à leur accorder une défense de diligence raisonnable efficace(<51>). Voici le passage en question :

L'existence d'une défense de diligence raisonnable incitera le conseil à établir, au sein de la société, un système qui permette d'éviter la conduite réprimée par la loi applicable. Ce système n'empêchera pas nécessairement la conduite en question, mais il en réduira sensiblement le risque(<52>).

Quant au documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs, il donne de la diligence raisonnable la définition suivante :

L'administrateur aura été raisonnablement diligent s'il a exercé le degré de soin, de diligence et de compétence dont aurait fait preuve une personne prudente et avisée dans des circonstances comparables, pour éviter l'acte illégal. La norme est objective du fait que l'administrateur doit exercer la compétence et prendre les précautions raisonnables dont on pourrait s'attendre d'une personne raisonnable dans les circonstances(<53>).

Certaines des lois fédérales qui engagent la responsabilité des administrateurs prévoient une défense de diligence raisonnable. C'est le cas, pour certaines infractions, de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, dont la violation est sanctionnée par des amendes et des peines d'emprisonnement importantes. En vertu de l'article 125, nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction s'il est établi qu'il a exercé «toute la diligence convenable» pour l'empêcher. Une disposition analogue figure dans la Loi sur les pêches. Là encore, nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction s'il établit qu'il «a pris les mesures nécessaires pour l'empêcher» ou s'il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l'existence de faits qui, avérés, l'innocenteraient (art. 78.6).

Les administrateurs peuvent avoir à endosser de lourdes responsabilités aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu si leur société omet de déduire ou de retenir une somme du salaire de ses employés. L'administrateur n'est pas responsable de l'omission, toutefois, «lorsqu'il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables» (par. 227.1(3))(<54>).

En quoi consiste la diligence raisonnable? Cela dépend de la loi, de la société et de la situation. Néanmoins, d'une manière générale, on peut affirmer qu'elle implique :

l'instauration d'un mécanisme visant à empêcher la non-conformité;

la formation des employés à l'utilisation de ce mécanisme;

l'établissement d'une documentation;

la surveillance et l'ajustement du mécanisme;

la délégation d'une autorité suffisante aux employés compétents;

une possibilité de recours en cas de défaillance du mécanisme(<55>).

Donc, les administrateurs doivent connaître leurs propres obligations juridiques et celles de leur société, être au courant des transactions et des affaires de la société et savoir comment le conseil d'administration fonctionne. Ils doivent posséder les outils nécessaires pour remplir leurs fonctions; ils doivent se doter de systèmes d'information réguliers, s'assurer qu'ils peuvent faire confiance aux dirigeants et consulter des experts au besoin. Ils doivent exercer leurs fonctions avec diligence et consigner leurs activités, exercer leur jugement en toute indépendance et faire connaître leurs buts et leurs attentes(<56>).

Presque tous les témoins qui ont parlé de la responsabilité des administrateurs sont d'avis que ces derniers doivent disposer d'une défense de diligence raisonnable, sauf en cas de malhonnêteté, d'activité frauduleuse, de mauvaise foi ou de transactions intéressées. En d'autres termes, les administrateurs qui s'acquittent consciencieusement de leurs fonctions avec intégrité et objectivité et qui prennent toutes les mesures raisonnables pour empêcher la perpétration d'actes illégaux doivent être exonérés(<57>). Les témoins ont également fait observer que la défense de bonne foi prévue dans la LCSA comportait des limites et qu'elle était peut-être dépassée.

Le Comité 'Équipe de travails'est demandé s'il fallait faire de la défense de bonne foi la seule défense des administrateurs de sociétés aux termes du paragraphe 123(4) de la LCSA. Compte tenu des arguments probants en faveur de la défense de diligence raisonnable et de la faiblesse inhérente de la défense de bonne foi, le Comité est tout à fait d'accord pour qu'on modifie d'avis qu'il faudrait modifier la la LCSA de manière à accorder une défense de diligence raisonnable aux administrateurs. On alignerait ainsi cette loi sur les autres lois fédérales qui engagent la responsabilité des administrateurs tout en assurant à ces derniers un traitement plus équitable. Une défense de ce genre encouragerait les sociétés à mettre des mécanismes en place et à accorder aux administrateurs qui remplissent les conditions de diligence raisonnable une certaine marge de manoeuvre quant à leurs responsabilités personnelles, ce qui contribuerait à améliorer la régie des sociétés au Canada.

7. LES OPTIONS QUI S'OFFRENT A L'ÉQUIPE DE TRAVAIL

1. RLe Comité recommande de modifier rle paragraphe 123(4) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions de manière que la responsabilité des administrateurs ne soit pas engagée à l'égard des paiements irréguliers d'une société (art. 118), des salaires impayés (art. 119) et des manquements à leurs obligations (art. 122) lorsqu'ils ont exercé, pour prévenir le manquement, le degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances analogues.

Tout en considérant qu'il convient de remplacer la défense de bonne foi par la défense de diligence raisonnable, le Comité ne voudrait pas voir la défense de bonne foi disparaître complètement de la LCSA. La définition de la défense de diligence raisonnable pourrait viser en partie à indiquer aux administrateurs et aux tribunaux ce que c'est que d'«agir raisonnablement dans les circonstances». Le fait de s'en remettre de bonne foi aux états financiers, aux rapports d'experts et à l'information fournie par les dirigeants et les conseillers professionnels pourrait faire partie de la diligence raisonnable. Une définition ainsi conçue aiderait à fixer les administrateurs tout en permettant aux tribunaux d'y ajouter des éléments.

8. Le Comité recommande que le fait de s'en remettre de bonne foi aux états financiers, aux rapports d'experts et à l'information fournie par des dirigeants ou des professionnels fasse partie de la défense de diligence raisonnable.

2. Si la LCSA était modifiée pour y inclure une défense de diligence raisonnable, cette défense devrait-elle être définie? Si oui, cette définition devrait-elle être partielle ou complète? [l'Équipe de travail n'a entendu aucun commentaire sur la définition des éléments de la défense de diligence raisonnable.]

3. Maintenir le statu quo, c'est-à-dire la défense de bonne foi.

EXAMEN DE LA LÉGISLATION RELATIVE À

LA RESPONSABILITÉ DES ADMINISTRATEURS

Bien que le Comité 'Équipe de travail s'intéresse avant tout à la responsabilité des administrateurs dans l'optique de la LCSA, les témoignages qu'il'elle a reçus portaient souvent sur la responsabilité des administrateurs dans un contexte plus large. De plus, le Comité rl'Équipe remarque qu'il est souvent question de la responsabilité des administrateurs dans les communications du comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise.

Le comité de la Bourse de Toronto se dit inquiet de l'évolution de la responsabilité des administrateurs et de l'ampleur qu'elle prend. Il se préoccupe surtout de l'effet cumulatif des interventions des gouvernements fédéral et provinciaux. Les lois ont été édictées isolément les unes des autres sans qu'on se demande quel sera l'effet global de cette responsabilité ni s'il convient de limiter les risques auxquels s'exposent les administrateurs(<58>).

Le comité de la Bourse de Toronto recommande que les gouvernements fédéral et provinciaux examinent toutes les lois qui engagent la responsabilité des administrateurs en se demandant si, ce faisant, elles influent vraiment sur la conduite des entreprises(<59>). Le comité recommande aussi que, à la lumière de cette étude, toutes les assemblées législatives révoquent les lois de ce genre qui ne servent plus les fins pour lesquelles elles ont été édictées et que celles qui ne seront pas révoquées soient modifiées, au besoin, pour permettre aux administrateurs d'invoquer la défense de diligence raisonnable(<60>).

Exprimant un avis analogue, un témoin a demandé que le gouvernement fédéral réexamine toutes les lois fédérales qui engagent la responsabilité des administrateurs afin de fixer des limites raisonnables aux situations pouvant entraîner une telle responsabilité(<61>). Il a en outre suggéré que des négociations fédérales-provinciales soient amorcées en vue de prévoir des contraintes analogues à l'échelon provincial.

Le ComitéL'Équipe de travail constate toutefois que le groupe de travail interministériel du gouvernement fédéral sur la responsabilité des administrateurs ne partage pas l'inquiétude du monde des affaires à propos des effets de la responsabilité des administrateurs. Voici sa conclusion :

[...] le groupe de travail n'a pas recueilli de preuves lui permettant de conclure que la responsabilité des administrateurs était devenue tellement lourde que le marché ne pouvait plus s'en accommoder. Un examen des responsabilités prévues dans les lois et de la manière dont celles-ci se traduisent dans la réglementation fédérale permet de constater que, dans la pratique, les administrateurs externes des sociétés ne sont assujettis qu'à une responsabilité limitée. Certains membres du groupe de travail continuent de craindre que les administrateurs de petites entreprises aient de la difficulté à remplir les responsabilités qui leur sont imposées. Toutefois, d'après les éléments qui lui ont été soumis, rien ne permet au groupe de travail de conclure qu'un nombre important d'administrateurs démissionnent pour éviter les responsabilités auxquelles ils font face. Les démissions d'administrateurs qui ont fait l'objet d'une certaine publicité se résument à une poignée de sociétés qui éprouvaient des difficultés financières graves et qui ne s'étaient pas suffisamment assurées pour protéger leurs administrateurs de façon adéquate(<62>).

En dépit de ces conclusions, le Comité l'Équipe de travail estime que la responsabilité des administrateurs pose un véritable problème dans le monde d'aujourd'hui. Une multitude de lois contiennent des dispositions à ce sujet. Répondent-elles à un besoin réel ou à un objectif gouvernemental légitime, ou s'agit-il simplement de dispositions uniformes que les rédacteurs insèrent systématiquement dans toutes les lois?

L'imposition d'une responsabilité aux administrateurs peut certes dans certains cas être utile et améliorer le respect de la loi, mais le Comité estime essentiel de trouver le juste milieu entre la responsabilité de l'administrateur vis-à-vis de la société par actions qu'il sert et sa responsabilité vis-à-vis de la collectivité. Comme un témoin l'a fait remarquer :

À mon avis, il est futile de menacer un administrateur de ruine personnelle et il n'est pas logique que des dispositions législatives amènent des administrateurs à démissionner [...] dans des moments de crise alors que c'est à ces moments-là qu'on a le plus besoin d'avis sûrs et objectifs. Il faut aussi se garder de faire courir un risque personnel à un administrateur simplement parce qu'il a posé le meilleur jugement possible, en toute honnêteté, à l'égard des risques nécessaires que doit prendre une société(<63>).

Selon le Comitél'Équipe, les lois ne devraient pas contenir de dispositions sur la responsabilité des administrateurs sauf lorsqu'il est possible de démontrer qu'elles auront un effet positif sur la conduite des entreprises et qu'elles serviront l'objectif de la loi.

9. Le Comité recommande que, avant d'édicter une disposition sur la responsabilité des administrateurs, le gouvernement fédéral démontre qu'elle aura un effet favorable sur la conduite des entreprises et qu'elle servira l'objectif de la loi.

10. Le Comité recommande au gouvernement fédéral d'examiner toutes les lois fédérales qui font encourir une responsabilité personnelle aux administrateurs en vue de déterminer si cette responsabilité a un effet sur la conduite des entreprises et si elle sert les objectifs de la loi.

11. Le Comité recommande au gouvernement fédéral de veiller à ce que les lois qui engagent la responsabilité des administrateurs contiennent une disposition leur permettant d'invoquer la défense de diligence raisonnable.

12. Le Comité recommande d'inclure dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions une défense de diligence raisonnable qui vaudrait pour toutes les lois fédérales qui engagent la responsabilité des administrateurs de sociétés sauf lorsqu'elles prévoient une défense de diligence raisonnable qui est identique ou similaire à la défense prévue par la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

LA LIMITATION DE LA RESPONSABILITÉ

La question de savoir s'il convient de limiter la responsabilité des administrateurs est extrêmement controversée. Elle a fait l'objet d'un vaste débat aux États-Unis à la fin des années 80 à la suite du jugement rendu par la Cour suprême de l'État du Delaware dans l'affaire Smith c. Van Gorkom(<64>). Cette affaire est survenue après que les administrateurs de la société Trans Union eurent approuvé la fusion de leur société. La version préliminaire de l'entente de fusion, négociée par M. Van Gorkom, président-directeur général de la société, a été soumise au conseil d'administration sans préavis et sans documentation d'accompagnement. Après s'être entretenus pendant moins de deux heures, les administrateurs ont approuvé la fusion. En dépit du fait que le prix par action négocié était considérablement plus élevé que le prix du marché, la Cour suprême du Delaware a tenu les administrateurs de la société responsables devant les actionnaires d'une somme de plusieurs millions de dollars.

Ce jugement marque un tournant en ce qui concerne la responsabilité des administrateurs aux États-Unis. Elle aurait provoqué une crise dans le domaine des assurances pour administrateurs et dirigeants de sociétés et contribué une certaine frilosité de la part des administrateurs.

Les États ont réagi à ce jugement de trois façons. Certains ont révisé leur loi sur les sociétés de manière à permettre à celles-ci de modifier leurs statuts pour limiter la responsabilité personnelle de leurs administrateurs en cas de manquement à certains types d'obligations. D'autres ont choisi de limiter le montant des dommages-intérêts pouvant être infligés aux administrateurs dans certaines circonstances précises. D'autres, enfin, ont choisi d'assouplir ou d'éliminer par une loi la responsabilité des administrateurs.

Le documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs décrit contient d'intéressants commentaires sur chacune de ces approches :

L'«option des statuts» est la préférée; c'est le Delaware qui a été le premier à l'adopter en 1986. À l'occasion des modifications de 1986, on a ajouté à la DGCL l'alinéa 102b)(7) qui autorise la société à éliminer ou à limiter dans ses statuts, avec l'approbation des actionnaires, la responsabilité personnelle de ses administrateurs envers la société et ses actionnaires pour manquement à l'obligation fiduciaire. [...] En vertu de l'alinéa 102b)(7), les actionnaires peuvent établir une limite de responsabilité selon le montant de leur choix et peuvent décider de chaque limite selon l'opération particulière en cause.

L'approche de la «limitation des dommages-intérêts», adoptée par la Virginie, restreint le montant des dommages-intérêts qui peuvent être imposés au dirigeant ou à l'administrateur dans le cadre d'une poursuite intentée par la société ou pour le compte de celle-ci ou directement par les actionnaires, à 100 000 $ ou au montant de la rémunération au comptant versée aux administrateurs par la société au cours du dernier exercice, selon le plus élevé de ces deux montants. De plus, la disposition autorise les actionnaires à réduire ou à éliminer (mais non à augmenter) cette limite au «montant pécuniaire indiqué» dans les statuts ou les règlements administratifs.

L'«approche autonome» signifie [...] que la norme de responsabilité est établie par la loi elle-même. Les actionnaires n'ont pas leur mot à dire sur le fait que les administrateurs devraient ou non engager leur responsabilité à l'égard de dommages-intérêts dans des circonstances autres que celles qui sont prescrites par la loi. Par exemple, en vertu de la loi de la Floride, l'administrateur n'est tenu de verser des dommages-intérêts à la société ou à un tiers que dans cinq circonstances précises (<65>).

L'idée de limiter la responsabilité des administrateurs a été évoquée par plusieurs témoins. Certains étaient pour, d'autres contre; certains n'étaient pas sûrs qu'il s'agissait d'une solution utile, d'autres n'étaient pas convaincus que cette mesure soit nécessaire tout en laissant entendre qu'ils pourraient l'appuyer si la situation se détériorait en matière de responsabilité des administrateurs.

Le président-directeur général des Entreprises Bell Canada Inc. estime qu'il faut envisager de limiter la responsabilité des administrateurs, sauf dans certaines situations précises. Il cite la Loi sur les sociétés de l'État de Virginie comme modèle. M. Wilson s'inquiète de la lourdeur des exigences de la diligence raisonnable, laissant entendre que des procédures artificielles et des règles inutiles pourraient être mise en place afin que les administrateurs puissent se protéger eux-mêmes contre la responsabilité personnelle.

Administrateur de société de longue date, M. William Dimma déplore le temps que doivent consacrer les conseils d'administration aux procédures de diligence raisonnable. Il estime qu'elles retardent leur prise de décision et qu'elles entraînent des formalités inutiles. Comme l'a souligné l'un des témoins :

Il ne devrait pas être nécessaire d'obtenir le feu vert sur la légalité etou l'équité de toutes les décisions qui sont prises. On ne devrait pas avoir à structurer artificiellement des dossiers de manière à pouvoir démontrer, après coup, que toutes les questions pertinentes ont été posées et que tous les documents utiles ont été réunis(<66>).

L'honorable Douglas Everett pense que la limitation de la responsabilité pourrait constituer un bon moyen d'empêcher les poursuites judiciaires non fondées. Quant à madame Mme Maureen Kempston Darkes, présidente et directrice générale, General Motors du Canada Ltée, elle estime qu'il y a des questions à poser avant d'inscrire une limite qu'il s'agit là d'une idée valable. Mais, ajoute-t-elle, dans les lois. Voici ce qu'elle a déclaré :

[...] si vous imposez une limite, la question qui se pose est de savoir si cela n'aura pas pour effet simplement de faire porter le risque de la culpabilité par la partie lésée. Étant donné les lourdes responsabilités auxquelles les administrateurs de sociétés peuvent avoir à faire face de nos jours, on pourrait soutenir que, en l'absence d'une certaine limite, les sociétés auront du mal à trouver de bons candidats à leurs conseils d'administration. [...]

La meilleure approche consisterait peut-être à donner au législateur une directive générale pour qu'il tienne compte de l'effet cumulatif des responsabilités imposées aux administrateurs(<67>).

Le documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs soulève plusieurs objections. Premièrement, limiter la responsabilité à laquelle s'exposent les administrateurs a pour effet de reporter le risque sur d'autres : la société, les assureurs et la partie lésée. Deuxièmement, l'imposition d'une limite ne tiendrait pas compte des différences entre les grandes et les petites sociétés. Troisièmement, les lois américaines qui limitent la responsabilité des administrateurs ont été adoptées en réaction aux poursuites que des actionnaires avaient intentées contre les administrateurs plutôt que par suite des responsabilités prescrites par les lois(<68>).

M. Gordon Cummings, président-directeur général de l'Alberta Wheat Pool, fait écho à ces préoccupations. Il s'interroge sur l'opportunité de transférer le risque et la responsabilité des administrateurs à la partie lésée. Il se demande aussi s'il convient d'imposer une limite alors qu'au Canada, on se préoccupe davantage des responsabilités légales des administrateurs que des interventions des actionnaires. D'ailleurs, comment établir une limite qui soit équitable dans toutes les situations(?<69>)?

À ce propos, le comité de la Bourse de Toronto recommande de ne pas limiter la responsabilité des administrateurs :

Nous ne croyons pas qu'il soit possible de limiter la responsabilité des administrateurs en modifiant simplement la loi qui régit la société. Toute limitation exigerait une coordination entre les pouvoirs publics qui imposent la responsabilité personnelle aux administrateurs d'une société donnée -- ce qui est impossible dans la pratique(<70>).

Le Comité a envisagé les solutions suivantes au sujet de la limitation de la responsabilité des administrateurs :

1. recommander la limitation de la responsabilité des administrateurs;

2. recommander que le gouvernement examine l'opportunité de limiter la responsabilité des administrateurs et qu'il fasse rapport au Comité dans un délai donné;

3. limiter la responsabilité des administrateurs aux manquements à leur devoir de prudence. Les actionnaires auraient la possibilité d'ajouter aux statuts de la société une disposition limitant la responsabilité des administrateurs envers la société ou ses actionnaires à l'égard des dommages-intérêts relatifs à la violation de leur devoir de prudence. Un montant minimal serait fixé;

4. recommander de ne pas limiter la responsabilité des administrateurs.

LES OPTIONS QUI S'OFFRENT A L'ÉQUIPE DE TRAVAIL

1. Recommander l'imposition d'une limite à la responsabilité des administrateurs. Si cette option était retenue, il faudrait réfléchir à la manière dont la limite serait mise en oeuvre. Aurait-elle un rapport avec la rémunération de l'administrateur ou consisterait-elle en un montant fixe, quelles que soient les circonstances? S'appliquerait-elle uniquement aux responsabilités découlant de la LCSA ou à toutes celles prévues dans les lois fédérales?

2. Recommander que le gouvernement examine la question de l'imposition d'une limite aux responsabilités des administrateurs et qu'il fasse rapport au Comité dans un délai précis.

3. Limiter la responsabilité des administrateurs aux atteintes à leur devoir de soin. Les actionnaires auraient la possibilité d'ajouter aux statuts de la société une disposition limitant la responsabilité des administrateurs envers la société ou ses actionnaires à l'égard des dommages-intérêts relatifs à la violation de leur devoir de soin. Un montant minimal serait fixé.

4. Recommander qu'aucune limite ne soit imposée à la responsabilité des administrateurs.

Après discussion, le Comité a conclu qu'il n'était pas opportun de limiter la responsabilité des administrateurs. À son avis, les objections à une telle mesures énoncées dans le document de consultation sur la responsabilité des administrateurs et celles qui figurent dans le présent chapitre sont valables. Plus important encore, le Comité est convaincu que la LCSA n'est pas un instrument efficace pour l'imposition d'une telle limite. Pour qu'une limite soit vraiment utile, il faudrait qu'elle s'applique à la responsabilité aux termes des lois fédérales et provinciales. Tant que les gouvernements fédéral et provinciaux ne se seront pas entendus à ce sujet et n'auront pas trouvé une solution commune, il vaudrait mieux chercher d'autres solutions au problème de la responsabilité des administrateurs. Une révision des lois qui engagent la responsabilité des administrateurs et l'ajout de dispositions permettant aux administrateurs d'invoquer la défense de diligence raisonnable feraient beaucoup pour atténuer le problème.

13. Le Comité recommande de ne fixer aucune limite à la responsabilité des administrateurs.

LA RESPONSABILITÉ DES DIRIGEANTS

Certains témoins estiment que la responsabilité des actions d'une société devrait revenir à ses dirigeants plutôt qu'à ses administrateurs. Un témoinM. Jan Peeters a plaidé fortement en faveur de l'imposition d'une responsabilité légale aux seuls dirigeants d'entreprise. Selon lui, les administrateurs indépendants n'ont pas à assumer ces responsabilités, puisqu'ils doivent compter sur les renseignements que leur fournissent les dirigeants au sujet des activités de la société. D'autres personnes pensentM. Tullio Cedraschi pense que divers niveaux de responsabilité légale pour les dirigeants et les administrateurs pourrait constituer une bonne solution.

Cette idée de transférer la responsabilité des administrateurs aux dirigeants a été bien accueillie par d'autres témoins. Voici ce qu'a déclaré un dirigeant de société et consultant : M. W. Mackness a déclaré :

[...] si un dirigeant est coupable d'un acte criminel [...] c'est lui qui doit être le premier à être attaqué. [...] Je ne conçois pas qu'un administrateur soit tenu d'en répondre, s'il s'est bien acquitté de ses responsabilités(<71>).

Une façon de tenir compte des différences entre les administrateurs externes et les administrateurs internes - c'est-à-dire ceux qui sont indépendants et ceux qui ont des responsabilités de gestion - consiste à faire assumer une plus grande responsabilité aux dirigeants. On peut décrire ces différences de la manière suivante :

[...] à moins qu'ils ne soient membres d'un comité spécial, les administrateurs de l'extérieur sont désavantagés sur le plan de la surveillance et de l'orientation des activités de la société. Les administrateurs internes, en revanche, sont généralement actifs en tant que gestionnaires au sein de la société ou sont des actionnaires dominants qui ont tout intérêt à investir beaucoup dans des activités de contrôle et d'orientation. Ces administrateurs-là connaissent mieux le fonctionnement et la situation de la société, disposent de renseignements plus détaillés et plus à jour, sont mieux placés pour influer sur les actions de la société et touchent une rémunération correspondant davantage au niveau potentiel de responsabilité que font peser sur eux les lois et la common law(<72>).

Si l'argument voulant que ce soient les dirigeants, et non les administrateurs, qui assument le fardeau de la responsabilité est convaincant, le Comité n'a pas assez d'information sur les conséquences d'une telle proposition pour la commenter ou formuler une opinion. Actuellement, bon nombre des lois qui imposent une responsabilité aux administrateurs imposent la même responsabilité aux dirigeants. Cependant, la question de savoir si cette responsabilité doit être répartie de façon inégale a d'importantes répercussions sur la régie des sociétés, lesquelles devront être étudiées attentivement avant qu'on ne puisse formuler des propositions à ce sujet.

M. Louis Comeau estime que l'obligation de rendre compte devrait revenir davantage aux dirigeants qu'aux membres du conseil d'administration.

LES OPTIONS QUI S'OFFRENT A L'ÉQUIPE DE TRAVAIL

1. Recommander que la responsabilité légale prévue dans la LCSA et dans les autres lois incombe aux dirigeants plutôt qu'aux administrateurs des entreprises.

2. Recommander que la question de l'imposition de la responsabilité aux dirigeants des sociétés fasse l'objet d'une étude plus poussée.

3. Maintenir le statu quo.

LA RESPONSABILITÉ DES ADMINISTRATEURS À L'ÉGARD DES SALAIRES

A. Contexte

La responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires des employés fait depuis longtemps partie de la législation canadienne sur les sociétés. De fait, le documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs souligne qu'elle existe au niveau fédéral depuis 1869(<73>).

Depuis quelques années, c'est un aspect qui revient souvent dans le débat sur la responsabilité des administrateurs. Au début des années 90, on a vu des administrateurs donner leur démission en cascade de crainte d'être tenus responsables des obligations des sociétés à l'égard de leurs employés, ce qui représentait des millions de dollars. Ce phénomène a attiré l'attention sur la question de la responsabilité des administrateurs en général et à l'égard des salaires des employés, en particulier.

Le paragraphe 119(1) de la LCSA dispose que les administrateurs sont responsables, jusqu'à concurrence de six mois, du salaire qui est dû aux employés de la société. Plus précisément, les administrateurs sont solidairement responsables envers les employés des dettes pour services rendus contractées par la société pendant leur mandat, et ce jusqu'à concurrence de six mois de salaire. Cependant, la responsabilité des administrateurs n'est engagée que dans l'un ou l'autre des cas suivants :

l'exécution n'a pu satisfaire au montant accordé par jugement à la suite d'une action intentée dans les six mois de l'échéance;

l'existence de la créance est établie dans les six mois soit du début des procédures de liquidation ou de dissolution de la société soit de sa dissolution;

la société a entamé une procédure de faillite et l'existence de la créance est établie dans les six mois du début de la procédure.

En outre, la responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires n'est engagée que si l'action est intentée pendant leur mandat ou dans les deux ans suivant la fin de leur mandat.

Aux termes du paragraphe 123(4) de la LCSA, l'administrateur peut être exonéré de sa responsabilité à l'égard des salaires non payés s'il s'est appuyé de bonne foi sur

(i) des états financiers reflétant équitablement la situation de la société d'après l'un de ses dirigeants ou le vérificateur ou

(ii) des rapports de personnes dont la profession permet d'accorder foi à leurs déclarations, notamment des avocats, comptables, ingénieurs ou estimateurs.

La responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires est une exception au grand principe voulant que nul ne soit responsable des dettes d'autrui. Cette responsabilité existe dans des situations où la société ne peut satisfaire à ses obligations à l'égard de ses employés, en d'autres termes, lorsqu'elle cesse d'être solvable.

En 1993, dans l'affaire Barrette c. les héritiers de feu H. Roy Crabtree(<74>), la Cour suprême du Canada avait été priée de déterminer si l'indemnité de départ constituait une «dette» au sens du paragraphe 119(1) à l'égard de laquelle les administrateurs d'une société seraient responsables. La Cour a arrêté que la responsabilité des administrateurs se limitait aux dettes liées aux services que les employés rendent à la société et que l'indemnité de départ ne constituait pas une dette liée à de tels services, mais plutôt une concession accordée par suite de l'interruption de la relation d'emploi.

Écrivant au nom de la Cour, madame le juge L'Heureux-Dubé a fait les commentaires suivants au sujet de l'objectif de l'article 119 :

En l'absence de tout autre motif, il me semble qu'on a forcément voulu protéger dans une certaine mesure ceux qui étaient employés par ces sociétés dans des postes qui ne leur permettent pas de juger de manière spécialement éclairée de la véritable situation financière de la société. Les administrateurs sont personnellement au courant de cette situation ou devraient l'être, et si, tout en étant conscients de la situation délicate de la société et particulièrement du risque d'effondrement rapide et d'insolvabilité, ils continuent d'avoir recours aux services des employés qui n'ont aucun moyen d'obtenir ces renseignements et qui consacrent leur temps et leur travail, souvent, en se fiant uniquement à la bonne foi et à la respectabilité des administrateurs de la société, il n'est pas inéquitable que ces administrateurs soient tenus personnellement responsables, dans des limites raisonnables, de l'arriéré des salaires versés en rémunération de leurs services(<75>).

Le documentDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs souligne que toutes les provinces, à l'exception des provinces de l'Atlantique, imposent aux administrateurs une responsabilité à l'égard des salaires. Dans certaines, elle est définie dans les lois sur les sociétés, ailleurs, dans les lois sur les normes d'emploi et, ailleurs encore, dans les deux(<76>). En Saskatchewan, la Business Corporations Act(<77>) dispose que les administrateurs sont solidairement responsables, conformément à la Labour Standards Act, de toutes les dettes envers les employés pour des services rendus à la société pendant leur mandat d'administrateurs. D'autre part, la Business Corporation Act du Yukon contient une disposition semblable(<78>). Les lois sur les sociétés du Manitoba, de l'Alberta et de l'Ontario, en revanche, contiennent des dispositions sur la responsabilité à l'égard des salaires qui sont essentiellement analogues à l'article 119 de la LCSA.

À l'échelon fédéral, la responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires des employés figure dans la LCSA et dans le Code canadien du travail. Selon l'article 251.18 du Code canadien du travail, les administrateurs sont solidairement responsables des salaires des employés de la société, jusqu'à concurrence de six mois, à condition que le droit au salaire ait été acquis pendant que les administrateurs en question étaient en fonction et qu'un recouvrement auprès de la société soit impossible ou improbable.

Une question essentielle sur laquelle le Comitél'Équipe de travail s'est penché est celle du maintien de la responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires dans la LCSA. Il s'est aussi demandé s'il serait bon de prévoir dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité des mesures additionnelles relativements aux salaires impayés des employés.

Plusieurs témoins ont fait des commentaires sur les importantes responsabilités que les administrateurs peuvent avoir à assumer à l'égard des salaires des employés, notamment dans les industries de main-d'oeuvre. Le président-directeur général de la Compagnie de la Baie d'Hudson a fait remarquer que la responsabilité totale à l'égard des salaires dans sa société, sur une période de six mois, équivalait à quelque 400 millions de dollars(<79>). De fait, les témoins étaient d'avis que la responsabilité à l'égard des salaires était l'une des plus lourdes de toutes celles que les administrateurs doivent assumer.

Certains ont demandé que l'on envisage très sérieusement l'abrogation de l'article 119 de la LCSA. M. Peter Dey Le président et directeur exécutif de Morgan Stanley Canada Ltée a affirmé que la responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires était désuète et qu'il fallait la supprimer. Voici son raisonnement :

D'après ce que j'en sais, cela remonte à une centaine d'années, lorsque les sociétés avaient peu d'actionnaires et que l'on voulait protéger les employés contre les propriétaires peu scrupuleux. En cent ans les choses ont beaucoup changé. Nous avons maintenant des sociétés à grand nombre d'actionnaires qui comptent des dizaines de milliers d'employés. Les dispositions de ce genre devraient être abrogées(<80>).

Un autre témoinM. Donald Macdonald a plaidé fortement en faveur de l'abrogation de l'article 119 :. Ses commentaires à ce sujet méritent d'être cités ici :

[...] je propose que l'article 119 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions soit supprimé. La disposition est anachronique et ne correspond plus à la réalité des affaires, 125 ans après son adoption. Cet article va [...] tout à fait à l'encontre de la réflexion en cours au Canada depuis une décennie en matière de régie des sociétés [...]

S'il n'est pas raisonnable de punir de la sorte les membres d'un conseil d'administration, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille oublier les difficultés des employés d'une entreprise insolvable. Il vaudrait mieux toutefois prévoir, dans la Loi sur la faillite, une disposition visant à protéger les employés à titre de créanciers de leur employeur(<81>).

D'autres témoins étaient d'avis que la responsabilité à l'égard des salaires relève de la loi relative à la faillite et non de la loi concernant les sociétés.

L'OPTION QUI S'OFFRE A L'ÉQUIPE DE TRAVAIL

1. Abroger l'article 119 de la LCSA et prévoir dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité des mesures visant à couvrir les salaires impayés des employés.

B. La responsabilité à l'égard des salaires dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité

Aux termes de l'actuelle Loi sur la faillite et l'insolvabilité , les travailleurs dont l'employeur fait faillite détiennent une créance privilégiée(<82>) équivalant à six mois de salaire impayé, jusqu'à concurrence de 2 000 $ et, s'il s'agit de commis-vendeurs, aux frais engagés sur la même période, jusqu'à un maximum de 1 000 $. Lorsqu'un employeur insolvable présente un projet de réorganisation de son entreprise conformément à la Loi, les salaires impayés et les frais des commis-vendeurs doivent être acquittés immédiatement jusqu'à concurrence de ces montants, dès l'approbation par la cour de la proposition.

Le fait, pour les employés, que leurs salaires impayés constituent une créance privilégiée ne leur apporte pas, aux yeux de l'Équipe de travail, une protection suffisante. Comme cette créance passe après celles des créanciers garantis et après certaines créances de la Couronne, ainsi que des autres créanciers privilégiés qui ont préséance en vertu de l'ordre des priorités fixé par la LFI, les travailleurs n'ont guère de chances de recouvrer entièrement les sommes auxquelles ils ont droit.

Si l'on choisissait de remplacer la responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires impayés par une forme quelconque de protection dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité , il faudrait modifier cette dernière de manière à mieux protéger les employés.

Depuis le début des années 70, deux Deux des moyens possibles d'indemniser les employés pour leurs salaires perdus lors de la faillite de leur employeur ont été envisagés pourraient être : un mécanisme de protection des salariés, ou encore et une «super-priorité» (premier rang) pour les créances salarialesliées aux salaires.

i1.) Le mécanisme de protection des salariés

La notion d'un mécanisme de protection des salariés remonte à 1975, lors de la première tentative pour modifier la loi sur la faillite. Le Comité sénatorial des la banques et du commerce avait alors rejeté l'idée d'une super-priorité pour les créances liées aux salaires et proposé la mise en place d'un fonds de protection des salariés, financé par des cotisations des employeurs et des employés et auquel les rémunérations en souffrance pourraient être imputées en cas de faillite de l'employeur. L'idée n'a jamais été concrétisée dans une loi, mais il en a été à nouveau question dans deux études subséquentes sur la loi relative à la faillite (en 1981 et en 1986), et elle a refait surface dans le cadre de la dernière série de modifications à la loi sur la faillite présentées en 1991 (projet de loi C-22).

En 1991, donc, on avait proposé la mise en place d'un fonds de protection des salariés financé par les cotisations des employeurs qui pourrait servir à indemniser les employés pour leurs salaires, leurs congés annuels et leurs frais de commis-vendeurs, dans l'éventualité d'une faillite, d'une liquidation ou d'une mise sous séquestre de leur entreprise.

Les compensations prélevées sur le fonds auraient été équivalentes à 90 p. 100 des salaires impayés et des congés annuels gagnés au cours des six mois précédents, jusqu'à concurrence de 2 000 $, et à 90 p. 100 des dépenses engagées par les commis-vendeurs au cours de la même période, jusqu'à concurrence de 1 000 $. Les cotisations aux régimes de pension, de même que les indemnités de départ et de cessation d'emploi, n'auraient pas été prises en compte.

Les propositions concernant la protection des salariés ont été rejetées par le comité parlementaire qui étudiait la loi et n'ont jamais été intégrées dans un texte législatif.

S'il est vrai qu'un mécanisme de protection des salariés intégré dans la LFI garantirait aux employés le recouvrement de leurs salaires impayés, il est peu probable qu'un tel dispositif puisse être mis en place en ce moment. En effet, il est douteux que le milieu des affaires souscrive à l'imposition d'une taxe à cette fin ou que le gouvernement, en cette époque de contrôle et de réduction des dépenses, accepte de financer un tel programme avec les recettes de l'État.

L'OPTION QUI S'OFFRE A L'ÉQUIPE DE TRAVAIL

1. Recommander qu'un mécanisme de protection des salariés soit intégré dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité

2.ii) La super-priorité

L'autre solution consisterait à donner aux employés un privilège de premier rang sur les biens de leur employeur en cas de faillite. Cette «super-priorité» placerait les créances des employés à l'égard de leurs salaires devant celles de tous les autres créanciers, y compris les créanciers garantis.

Comme celle du régime de protection des salariés, cette idée n'est pas nouvelle. Elle a été avancée plusieurs fois lors des nombreuses tentatives avortées visant à modifier la législation sur la faillite au cours des années 70 et au début des années 80. De plus, au fil des ans, de nombreux projets de loi d'initiative parlementaire allant dans le même sens ont été présentés. Enfin, en 1991, le Comité permanent des consommateurs et des sociétés et de l'administration gouvernementale de la Chambre des communes a rejeté un mécanisme de protection des salariés en faveur d'une super-priorité pour les salaires impayés.

M. Donald Macdonald a suggéré que l'on intègre des dispositions protégeant les employés contre les pertes de salaires dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Il a recommandé que les employés reçoivent un privilège de premier rang sur tous les biens qui composent le patrimoine de l'employeur en faillite, avec préséance pour les créanciers garantis et les créances de la Couronne. D'autres témoins étaient d'avis que la super-priorité pourrait constituer une solution valable.

Dans le passé, l'idée de la super-priorité a été fermement rejetée par des membres des milieux financiers, qui souhaitaient maintenir leur préséance en tant que créanciers garantis. De plus, certains ont dit craindre que la super-priorité puisse avoir un effet négatif sur la capacité des petites entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre de trouver du financement.

Les réserves exprimées dans le passé au sujet de la super-priorité restent valables. De surcroît, s'il est vrai que la super-priorité améliorerait considérablement les chances des travailleurs de recouvrer leurs salaires impayés en cas de faillite de leur employeur, il n'existerait aucune garantie absolue de recouvrement ou de remboursement dans les cas où les employeurs se contentent de «quitter» leur entreprise, sans qu'une procédure de faillite ne soit intentée contre eux.

L'OPTION QUI S'OFFRE A L'ÉQUIPE DE TRAVAIL

1. Recommander que soit donné aux employés un privilège de premier rang, au titre de leurs salaires impayés, sur les biens qui composent le patrimoine de l'employeur en faillite.

QUELQUES AUTRES OPTIONS EN CE QUI CONCERNE LES SALAIRES

Faire peser la responsabilité à l'égard des salaires sur les épaules des dirigeants de la société et non pas des administrateurs.

Imposer la responsabilité à l'égard des salaires impayés aux gros actionnaires de la société plutôt qu'aux administrateurs.

Continuer d'imposer la responsabilité à l'égard des salaires impayés aux administrateurs, tout en établissant des niveaux différents de responsabilité pour les administrateurs qui sont aussi des dirigeants, des propriétaires ou des gestionnaires, par rapport à ceux qui sont de l'extérieur.

Abroger l'article 119 de la LCSA et le remplacer par une disposition dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, qui imposerait une responsabilité à l'égard des salaires aux administrateurs.

C. Opinions du Comité

Le Comité a envisagé les solutions suivantes au sujet de la responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires :

1. faire peser la responsabilité à l'égard des salaires sur les épaules des dirigeants de la société et non des administrateurs;

2. imposer la responsabilité à l'égard des salaires impayés aux gros actionnaires de la société plutôt qu'aux administrateurs;

3. continuer d'imposer la responsabilité à l'égard des salaires impayés aux administrateurs, tout en établissant des niveaux différents de responsabilité pour les administrateurs qui sont aussi des dirigeants, propriétaires ou gestionnaires par opposition à ceux qui sont de l'extérieur;

4. abroger l'article 119 de la LCSA et le remplacer par une disposition de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qui imposerait aux administrateurs une responsabilité à l'égard des salaires;

5. conserver l'article 119 de la LCSA.

Étant donné que lAprès discussion, le Comité a conclu que l'article 119 de la LCSA avait pour objectif principal de protéger les employés dans le cas où leur société ferait faillite ou deviendrait insolvable. En conséquence, le Comité souscrit à l'opinion que la responsabilité , il serait peut-être approprié de transférer la responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires devrait figurer dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI) et ce, pour au moins deux raisons. . Plusieurs raisons plaident en faveur de cette solution. Premièrement, les salaires constituent une dette de la société à l'égard de ses employés et comme tels, devraient être régis par une loi dont l'objectif est d'assurer le paiement ordonné des dettes.

Deuxièmement, cette idée d'intégrer la responsabilité des administrateurs dans les lois sur la faillite n'est pas nouvelle. Dès 1978, on a tenté (projet de loi S-11) de modifier la loi de l'époque sur la faillite afin d'instaurer une responsabilité des administrateurs à l'égard des salaires.

Troisièmement, le fait d'ajouter une responsabilité à l'égard des salaires à toutes celles que les administrateurs doivent assumer lorsque survient une faillite n'irait pas à l'encontre des principes fondamentaux de la LFI. Dans sa forme actuelle, cette Loi tient les administrateurs responsables des dividendes versés lorsque la société est insolvable ou dont le versement rendrait la société insolvable.

Par ailleurs,Enfin, et c'est peut-être le point le plus important, l'adoption de cette solution aurait pour effet de créer une norme cohérente à l'échelle du pays en ce qui concerne la responsabilité à l'égard des salaires, une norme qui serait applicable à toutes les sociétés dans les cas de failliteadministrateurs en cas de faillite de leur société.

14. Le Comité recommande que l'article 119 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions soit abrogé et que le gouvernement fédéral envisage d'insérer dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité des dispositions concernant les salaires impayés des employés.

5. Maintenir le statu quo : n'apporter aucun changement à l'article 119 de la LCSA. (À noter toutefois que, si la défense de diligence raisonnable est approuvée par l'Équipe de travail, la situation des administrateurs s'en trouvera améliorée.)

CHAPITRE 2

LE POUR ET LE CONTRE D'UN PRÉSIDENT NON-DIRIGEANT

Au cours des audiences, il a été beaucoup question des avantages et des inconvénients d'une séparation entre la présidence du conseil d'administration et la direction de la société. Le rapport du comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada recommande que

chaque conseil d'administration se dote des structures et des procédures nécessaires pour fonctionner indépendamment de la direction. Il s'agirait, à cette fin, (i) de nommer un président qui n'est pas membre de la direction avec pour fonction de veiller à ce que le conseil s'acquitte de ses responsabilités ou (ii) de confier cette fonction à un comité du conseil, le comité de régie, par exemple, ou à un administrateur, parfois appelé l'«administrateur principal»(<83>).

Aux États-Unis,

D'une façon générale, le président du conseil d'administration est aussi directeur général, quoique la séparation entre les deux postes fasse l'objet de nombreuses discussions et qu'elle soit de plus en plus fréquente dans la pratique. Toutefois, s'il arrive souvent que les actionnaires réclament une telle séparation en présentant des résolutions aux assemblées annuelles, rien n'est fait pour l'intégrer dans la réglementation ou dans les lois(<84>).

En fait,

comme le directeur général agit aussi comme président du conseil d'administration dans plus de 80 p. 100 des sociétés publiques américaines, il n'est pas étonnant que la plupart des directeurs généraux envisagent avec inquiétude l'habilitation du conseil d'administration. Depuis toujours en effet, pour les dirigeants de sociétés, un conseil d'administration puissant et actif représente une source d'ennuis, sinon d'interventions indésirables dans la gestion de la société. [...] Les hauts dirigeants qui se refusent à habiliter les conseils d'administration devront changer d'attitude. Autrement, avec leurs sociétés, ils seront au nombre des perdants, car l'habilitation du conseil d'administration représente une tendance irrésistible(<85>).

L'un des exposés les plus pénétrants sur cette question figure dans Inside the Boardroom de William G. Bowen. Il s'agit d'une étude sur laquelle l'un des témoins qui a comparu devant le comité a en partie fondé son témoignage. La présente section évoque les arguments de Bowen tout autant que les témoignages reçus par le Comité.

Bowen distingue deux types de présidents du conseil d'administration non-dirigeants : celui qui a été directeur général de la société et celui qui vient de l'extérieur. À son avis, il faut qu'un conseil d'administration ait un président non-dirigeant qui n'a jamais été directeur général de la société.

Le raisonnement à l'appui de cette idée tient essentiellement à la crainte de concentrer le pouvoir de façon excessive entre les mains d'une même personne.

Le président-directeur général porte deux casquettes. Il ne lui est pas possible de réussir dans les deux rôles. [...] Sa position est délicate, car le conseil d'administration doit laisser le directeur général présenter les rapports et recommandations qui s'imposent, il doit l'appuyer et même parfois le protéger. D'autre part, il doit veiller à ce que les suggestions et les contestations, voire les critiques, soient entendues et prises en considération. À mon sens, personne ne peut faire tout cela et agir en tant que directeur général en même temps. Je le sais, j'ai essayé. Le président du conseil qui est également directeur général établit l'ordre du jour, dirige les réunions, présente les recommandations de la haute direction, anime les discussions et sollicite l'appui à ses propres recommandations. Lorsque quelqu'un fait tout cela et que, en plus, il choisit lui-même les autres membres du conseil, on se trouve, je pense, devant une dictature. Elle est peut-être inoffensive, éclairée même, mais c'est quand même une dictature. D'après moi, celui qui est à la fois président du conseil et directeur général porte avant tout sa casquette de directeur général et ce n'est qu'à l'occasion qu'il assume son rôle plus neutre et plus impartial de président du conseil(<86>).

La démarcation est très fine entre poser au directeur général des questions pénétrantes et le mettre sur la sellette. Étant donné les normes de comportement social en vigueur, peut-on penser raisonnablement que les membres d'un conseil d'administration puissent approfondir un problème en présence de leur président, si celui-ci est également directeur général? Si la société est saine, cela ne constitue pas un problème, bien entendu. Toutefois, que se passe-t-il lorsqu'un danger apparaît? Tardera-t-on à reconnaître les problèmes naissants susceptibles d'entraîner des difficultés graves pour le conseil d'administration? À quel moment les administrateurs seront-ils disposés à discuter en l'absence du président-directeur général?

Beaucoup des témoins qui ont comparu devant le Comité étaient de cet avis. Voici ce qu'a déclaré l'un d'entre eux :

À mon sens, le poste de président du conseil et celui de directeur général devraient être clairement séparés. [...] Les responsabilités d'un président du conseil consistent entre autres à établir l'horaire des réunions, à obtenir de l'information et à communiquer les préoccupations des administrateurs à un dirigeant ou au directeur général. Si la même personne porte les deux casquettes, cela nuit au fonctionnement de l'organisation, selon moi. [...] La tentation, pour tout directeur général, non pas de mal utiliser le conseil d'administration, mais de le contrôler et d'en rendre le fonctionnement difficile, est irrésistible.

J'entends par là qu'il n'est pas objectif à l'égard de l'équipe qu'il a constituée. Si le groupe est composé de hauts dirigeants, de vice-présidents et de spécialistes des finances, etc., il estime que ceux-ci font un très bon travail. Il se considère comme faisant partie de l'équipe. Si un membre du conseil d'administration diffère d'opinion, il doit s'adresser au président du conseil et lui dire : il faut que nous examinions cette question. Or, si le président du conseil est aussi le directeur général, vous vous trouvez inévitablement à froisser cette personne, puisque c'est elle qui a constitué l'équipe. Vous êtes en train de remettre en question sa capacité à cet égard. À mon avis, il est impossible d'être aussi objectif(<87>).

Le cumul des fonctions de président du conseil et de directeur général semble réduire la possibilité d'obtenir une véritable «deuxième opinion». Si les deux fonctions sont séparées, il est clair que le directeur général doit répondre au conseil d'administration, et non l'inverse.

Dans la pratique, le fait que le président du conseil ne soit pas le directeur général a pour résultat que le conseil d'administration assume un rôle clairement défini, qui consiste à nommer les membres du conseil, former des comités, établir les ordres du jour et, au besoin, choisir des conseillers indépendants. Ces pouvoirs, apparemment anodins[...] peuvent être très importants. Enfin, la présence d'un président du conseil distinct facilite l'examen régulier du rendement du directeur général et élimine la possibilité qu'un directeur général puisse présider une discussion où il est question de son propre avenir(<88>).

De nombreux témoins étaient de cet avis.

Face à n'importe quelle situation, deux têtes valent habituellement mieux qu'une. Plus il y a d'idées qui s'affrontent, mieux c'est.

Deuxièmement, un président du conseil peut avoir certaines expériences et certaines activités qui lui permettent d'apporter une perspective différente de celle d'un directeur général préoccupé par un certain nombre de questions précises(<89>).

Par ailleurs,

Le conseil d'administration doit protéger à la fois les intérêts des actionnaires et ceux des gestionnaires. Comme les actionnaires, le conseil d'administration ne s'occupe pas et ne doit pas s'occuper de la gestion courante de l'entreprise. Il doit donc remplir ses obligations d'une manière différente, c'est-à-dire en choisissant, en rétribuant, en appréciant et, au besoin, en renvoyant le directeur général de même qu'en prévoyant son remplacement et celui des hauts dirigeants de la société. Le fait qu'une même personne cumule les fonctions de président du conseil et de directeur général entraîne un conflit flagrant dans l'exercice de ces responsabilités et de ces rôles, car il n'est guère probable qu'un directeur général se congédie lui-même.

En fait, je pense que toute la notion de régie d'entreprise est fondée sur l'idée que les intérêts des actionnaires et ceux des gestionnaires peuvent être divergents et que, de fait, cela se produit souvent. À notre avis, en continuant de ne pas séparer le rôle du président du conseil et celui du directeur général, on fausse l'équilibre des intérêts en faveur de la haute direction. C'est pourquoi cet aspect devrait faire l'objet d'un débat, et peut-être de mesures, qui soient légèrement différentes du reste des discussions sur la composition du conseil d'administration.

[...]

Les deux rôles sont très différents. Peu importe l'intelligence et la compétence de l'intéressé, je ne crois pas qu'il puisse porter deux casquettes en même temps(<90>).

Un autre témoin a ajouté que le rôle du président non-dirigeant est

particulièrement utile lorsqu'il y a un actionnaire externe important—de toute évidence, lorsqu'il détient des actions de contrôle, même quand il s'agit d'une part conséquente d'actions minoritaires—car on est ainsi certain d'avoir quelqu'un qui suive de près la conduite des affaires de la société et qui garantisse que cet actionnaire important ne bénéficie pas d'un traitement de faveur indu par rapport aux autres actionnaires(<91>).

Si la plupart des témoins étaient en faveur d'un président non-dirigeant, bon nombre ont mis des bémols à cette règle générale.

Je pense qu'il y a deux exceptions. Dans le cas où un actionnaire majoritaire joue un rôle actif au niveau de l'entreprise, il est manifestement superflu de nommer quelqu'un d'autre comme président du conseil. C'est cet actionnaire majoritaire qui a le pouvoir de décision et qui dirige l'entreprise. Qui pourrait prétendre l'en empêcher?

Il serait également inutile d'avoir un président du conseil distinct dans le cas d'une société contrôlée par une multinationale étrangère. De nombreuses entreprises canadiennes ont des actionnaires autres que l'actionnaire principal, mais à quoi pourrait donc servir un intermédiaire entre le patron à New York et le directeur général d'une filiale? Il est évident que l'administrateur qui détient des procurations équivalant à 60 p. 100 des actions est automatiquement le président du conseil, car le directeur général de la filiale canadienne doit bien évidemment lui rendre des comptes. À quoi bon faire semblant d'avoir quelqu'un d'indépendant entre les deux? Ce n'est pas ainsi que les choses se passent(<92>).

Par ailleurs, un certain nombre de témoins ont fait valoir que, dans une société jeune et en croissance, l'autorité d'un président dirigeant est nécessaire. De plus, la petite société n'a guère les moyens de se payer un président non-dirigeant. C'est surtout dans les sociétés à grand nombre d'actionnaires, arrivées à maturité, que la séparation est importante.

En dépit de ces arguments convaincants en faveur du président non-dirigeant, Bowen note que cette idée n'a guère de succès auprès des directeurs généraux. La séparation des postes, pensent-ils, leur donne moins de pouvoirs pour diriger efficacement leur entreprise. La prise de décision peut devenir problématique lorsqu'il y a possibilité de rivalité entre le président du conseil et le directeur général. Il peut en résulter des compromis nuisibles à la bonne marche de la société. Il peut également arriver que le président non-dirigeant serve de bouclier au directeur général et le dispense de rendre des comptes en cas de mauvais rendement (quoique cela semble plus probable dans le cas d'un président dirigeant). Enfin, on peut se demander qui est porte-parole de l'organisme devant le public. S'il y en a deux, n'y a-t-il pas possibilité de confusion au sujet de la stratégie de l'entreprise ou de la situation de l'organisme?

Un témoin a évoqué l'origine de l'idée d'un président non-dirigeant. C'est sir Adrian Cadbury qui l'a lancée dans le contexte britannique.

Pour comprendre sa perspective, il faut savoir quelle était la composition des conseils d'administration britanniques, à l'époque.

En général [...] les deux tiers des membres étaient des dirigeants de la société contre un tiers de non-dirigeants. Ainsi, vous aviez par exemple 12 hommes assis autour d'une table, avec un président-directeur général. Celui-ci était donc entouré de huit subordonnés et de quatre administrateurs non-dirigeants. Je comprends le point de vue de Cadbury. Je pense aussi que, dans de telles circonstances, le cumul des postes de directeur général et de président du conseil entraînait une trop forte concentration des pouvoirs. Toute l'indépendance du conseil d'administration était en cause(<93>).

Le témoin a poursuivi son raisonnement en soulignant que :

Dans la plupart des sociétés canadiennes à grand nombre d'actionnaires, la situation est tout à fait différente. Normalement, la majorité des administrateurs sont des administrateurs indépendants.

[...] Dans ces conditions, il n'y a vraiment pas de problème. Et même à supposer qu'il y en ait un, je ne pense pas qu'on puisse le résoudre en séparant les rôles. Un homme résolu va simplement contourner l'obstacle(<94>).

Le même témoin a évoqué le cas d'une société américaine «en situation difficile», la société Apple, où les postes de directeur général et de président du conseil ont été réunis récemment. Selon ce témoin :

Le nouveau titulaire voulait que tout le monde comprenne clairement qui était le chef; il a donc assumé les trois titres : président du conseil, président et directeur général(<95>).

Pour ce témoin, au bout du compte, c'était une question d'autorité.

Dans l'esprit de certains, il y a d'abord la haute direction, qui forme un groupe uni et solidaire. Puis, il y a, d'un côté, le conseil d'administration et, de l'autre, une bande d'actionnaires. Je peux vous assurer que la réalité est tout autre. Dans la haute direction, les conflits et les divergences de vue sont fréquents. Si vous demandez quelque chose à un dirigeant et que vous n'obtenez pas la réponse souhaitée, vous pouvez toujours tenter votre chance auprès d'un autre. C'est pourquoi je dis que quelqu'un doit être le patron. Il peut dire : «Écoutez, je représente les membres du conseil, parce qu'ils m'ont délégué leur autorité, et voici ce que nous allons faire»(<96>).

Devant l'évidente controverse que soulève cette question, Bowen a envisagé la possibilité de créer un administrateur «principal». Cette personne serait reconnue officiellement comme jouant un rôle particulier au sein du conseil et servirait d'intermédiaire entre les administrateurs de l'extérieur et le président-directeur général. Toutefois, bien entendu, le fait de singulariser l'un des administrateurs en lui donnant un rôle «spécial» risque de créer un problème psychologique.

Les témoins n'étaient, en général, guère enthousiasmés par cette idée, car, soutenaient-ils, il ne s'agit pas de porter un titre, mais de jouer un rôle.

D'après mon expérience, les conseils d'administration comportent généralement deux ou trois ou même quatre membres qui, selon le sujet débattu, jouent le rôle de leader et orientent le conseil. D'ailleurs, d'une certaine manière, les présidents de comités agissent en fait comme des administrateurs «principaux»(<97>).

Bowen préfère éviter le terme «administrateur principal». Il préférerait un comité du conseil chargé de la régie d'entreprise, qui répondrait du bon fonctionnement du conseil lui-même. Celui-ci aurait pour fonctions, entre autres, de nommer les nouveaux administrateurs et de mesurer le rendement de ceux qui sont en place. Un tel comité refléterait le caractère collectif du conseil.

Convient-il d'imposer par une loi la séparation des postes de président du conseil et de directeur général? La plupart des témoins estiment nécessaire que l'on conserve une certaine souplesse, notamment pour les sociétés qui en sont à leurs débuts. Voici ce qu'a déclaré un témoin, qui est en faveur de la séparation, mais non pas d'une loi qui l'imposerait :

Je constate que les choses évoluent sans que la loi y soit pour rien. D'ici à trois ou cinq ans, la majorité des sociétés canadiennes, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité, auront un président du conseil non-dirigeant(<98>).

Le Comité est convaincu que la séparation entre les rôles de président du conseil et de directeur général est une bonne formule pour les sociétés cotées en bourse. Laisser la même personne agir comme président du conseil et directeur général entraîne indéniablement, pour cette personne, un conflit dans l'exercice de ses responsabilités.

Le Comité a examiné les options suivantes :

1. recommander qu'une séparation entre les postes de président du conseil et de directeur général soit inscrite dans la loi et devienne applicable à toutes les sociétés par actions inscrites en bourse qui relèvent de la LCSA;

2. recommander que la séparation entre les postes de président du conseil et de directeur général soit inscrite dans la loi, mais qu'elle ne s'applique qu'aux sociétés à grand nombre d'actionnaires inscrites en bourse qui relèvent de la LCSA;

L'expression «à grand nombre d'actionnaires» signifie qu'aucun des actionnaires

a) ne détient plus de 10 p. 100 des droits de vote rattachés aux actions en circulation; ou

b) ne possède un ensemble d'actions dont la valeur comptable globale dépasse 10 p. 100 de l'avoir des actionnaires.

3. recommander que les sociétés ouvertes qui relèvent de la LCSA procèdent à la séparation des postes de président du conseil et de directeur général sans toutefois l'imposer au moyen de la LCSA.

Après discussion, le Comité a choisi l'option suivante :

15. Le Comité recommande fortement que les sociétés ouvertes visées par la LCSA séparent les postes de président du conseil et de directeur général. Le Comité ne recommande toutefois pas d'inscrire cette séparation dans la LCSA.

CHAPITRE 3

LA RÉSIDENCE DES ADMINISTRATEURS

INTRODUCTION

La Loi canadienne sur les sociétés par actions contient sept conditions de résidence. Une a trait au siège social, une autre aux assemblées d'actionnaires, deux se rapportent à la conservation des registres et trois concernent la résidence des administrateurs(<99>).

Au mois d'août 1995, Industrie Canada publiait un document de consultation, Exigences relatives au lieu de résidence (document de consultation sur la résidence des administrateurs). Le document traite de certaines dispositions de la LCSA concernant le lieu de résidence. Comme les témoins qui ont comparu devant le Comité ont surtout traité de la résidence des administrateurs, le présent chapitre sera consacré à une discussion des conditions fixées par la LCSA en la matière.

CONTEXTE

Les dispositions de la LCSA sur le lieu de résidence exigent que le conseil d'administration se compose en majorité de résidents canadiens(<100>), prévoient que les administrateurs ne peuvent délibérer lors des réunions que si la majorité des administrateurs présents sont des résidents canadiens(<101>) et exigent que les comités du conseil d'administration se composent en majorité de résidents canadiens(<102>).

Adoptées en 1975, ces dispositions visent à répondre aux préoccupations relatives à l'envergure de l'investissement étranger direct au Canada(<103>). Bon nombre de ces préoccupations ont été exprimées dans certaines études concernant l'investissement étranger au Canada, qui ont examiné, entre autres, la nécessité de prévoir une présence canadienne au sein des conseils d'administration(<104>).

En plus de promouvoir les intérêts nationaux du Canada et d'imposer une présence canadienne substantielle au sein des conseils d'administration des sociétés régies par la loi, les conditions de résidence visent à garantir que des administrateurs résidant au Canada pourront répondre des décisions de la société. D'aucuns maintiennent que les conditions de résidence facilitent l'exécution des lois, en particulier lorsque ces lois responsabilisent les administrateurs à l'égard des activités de la société, et procurent des éléments d'actif locaux susceptibles de satisfaire aux jugements. Ainsi, parce qu'ils courent de plus grands risques, les administrateurs locaux ont davantage intérêt à ce que la société respecte la loi(<105>).

La LCSA n'est pas la seule loi sur les sociétés au Canada à imposer des conditions de résidence aux administrateurs. On en trouve également dans les lois de l'Ontario, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de Terre-Neuve et de la Colombie-Britannique(<106>). Par contre, quatre provinces n'en imposent pas, soit la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et le Québec(<107>).

Il est relativement facile d'échapper aux conditions de résidence de la LCSA. La façon la plus évidente est de se constituer en société là où il n'y a pas de conditions de résidence à remplir. Une autre façon est de recourir à la convention unanime des actionnaires, par laquelle ceux-ci peuvent restreindre les pouvoirs des administrateurs et se les transférer. En outre, les sociétés mères peuvent nommer comme administrateurs des prête-noms ou encore choisir des administrateurs qui ne présenteront pas une «perspective canadienne»(<108>).

Il est par ailleurs intéressant de noter que, même si les comités du conseil d'administration doivent se composer en majorité de résidents canadiens, il n'y a pas de quorum de résidents canadiens à respecter aux réunions.

La nécessité d'imposer des conditions de résidence aux administrateurs de sociétés suscite un débat considérable. Certains prétendent que les exigences influent négativement sur la capacité des sociétés canadiennes à vocation mondiale de pénétrer les marchés étrangers tandis que d'autres font valoir qu'elles restreignent la venue d'investissements au Canada(<109>). D'autres encore maintiennent qu'elles n'ont plus leur raison d'être à une époque où l'important est de voir à ce que les entreprises canadiennes soient plus dynamiques sur les marchés étrangers plutôt que d'amener des investissements étrangers sur les marchés canadiens. Par ailleurs, comme le précise le document de consultation, très peu de pays imposent des conditions de résidence aux administrateurs(<110>).

Quoi qu'il en soit, les conditions de résidence peuvent se justifier dans la mesure où elles encouragent la conformité aux lois, facilitent la signification de documents judiciaires, favorisent la participation canadienne à la prise de décisions des entreprises multinationales et aident les entreprises étrangères à comprendre le contexte politique, social et économique du Canada(<111>).

OPINIONS DES TÉMOINS

Le lieu de résidence des administrateurs a suscité passablement de discussion durant les audiences du Comité. Le principal argument favorable, exprimé par l'un des témoins, est qu'une société qui fait des affaires au Canada devrait avoir un conseil d'administration capable de fournir une perspective canadienne sur les sujets abordés et qu'il y va de l'intérêt national d'inclure cette condition dans une mesure législative :

Selon mon expérience, il est toujours avantageux pour une compagnie d'avoir comme conseillers les meilleurs administrateurs locaux possible. C'est ce que notre compagnie fait partout où elle le peut. Il serait difficile de mener avec succès des activités dans un pays étranger sans administrateurs locaux.

J'ai connu des situations où la présence d'une majorité canadienne au sein du conseil servait au mieux tout autant les intérêts de la compagnie que ceux du Canada. Les compagnies qui sont implantées au Canada avec un siège social à l'étranger n'ont pas toujours les moyens nécessaires pour faire de la bonne prospective. Compter un certain nombre d'administrateurs canadiens et même parfois une majorité d'administrateurs canadiens sert au mieux leurs intérêts. Mon expérience me porte à croire que c'est là une condition dont les sociétés peuvent s'accommoder et qui sert sans doute les intérêts du Canada.(<112>)

Cette société, qui fait des affaires dans le monde entier, ne s'est aucunement sentie brimée par la nécessité d'avoir une majorité d'administrateurs canadiens lorsqu'il s'est agi d'attirer des administrateurs étrangers.

Un autre témoin a formulé un argument semblable en faveur du maintien des conditions de résidence :

Étant donné que de plus en plus de compagnies seront contrôlées par des organismes étrangers, il est opportun que les conseils d'administration continuent à être composés d'une majorité de résidents canadiens. Pour un investisseur étranger, c'est d'ailleurs tout à fait souhaitable.

Pour commencer, il est dans son intérêt de s'assurer qu'il y a un bon conseil d'administration en prise sur la situation du pays où il siège et prend ses principales décisions.

Deuxièmement, les membres du conseil peuvent également devenir de bons représentants de la compagnie dans la collectivité. Il y a une solide justification pratique pour les compagnies à procéder de cette façon. Il faut conserver la condition de résidence(<113>).

Le même témoin a soutenu que la condition de résidence devrait être étendue à tous les comités du conseil d'administration et que, de plus, c'est la résidence qui compte et non la citoyenneté. En effet, les Canadiens qui ont longtemps vécu à l'étranger ne sont peut-être pas au fait de la situation au pays.

L'un des témoins a soutenu que la condition de résidence ou de citoyenneté avait son utilité :

lorsque la société ou le secteur industriel en cause est considéré si important pour l'économie nationale qu'il ne peut, en aucune circonstance, subir le risque d'être géré sans que l'intérêt national entre en ligne de compte(<114>).

C'est là la seule justification de la condition de résidence.

Un autre témoin s'y oppose fortement :

En règle générale, je trouve malheureux qu'on exige qu'il y ait une majorité d'administrateurs canadiens au sein des conseils. Si vous voulez favoriser la croissance des entreprises au Canada, vous devez vous rendre à l'évidence que vous n'avez qu'un bassin de 20 millions de personnes où puiser l'expertise requise. C'est très peu. La croissance dynamique des entreprises crée une situation où tout le monde veut avoir le même groupe d'administrateurs parce qu'ils bénéficient de l'appui du milieu financier. La condition de résidence est un peu contraire au principe selon lequel il faut trouver les meilleurs administrateurs possible(<115>).

La condition de résidence ne jouit pas d'un appui massif.

OPINIONS DU COMITÉ

Le Comité a envisagé les solutions suivantes :

  1. maintenir telle quelle la condition de résidence;
  2. éliminer la condition de résidence;
  3. assouplir la condition de résidence en exigeant seulement :

(i) que le comité de vérification se compose d'une majorité de résidents canadiens;

ou

(ii) qu'au moins deux ou trois membres du conseil soient résidents canadiens;

ou

(iii)que la condition de résidence s'applique au conseil d'administration, mais non à ses comités.

Le Comité convient qu'une société implantée au Canada doit être dotée d'un conseil d'administration capable de juger les questions débattues d'un point de vue canadien. Il a convenu après discussion que la condition de résidence devait rester dans la LCSA, mais il n'estime pas nécessaire de l'étendre aux comités du conseil d'administration.

16. Le Comité recommande de maintenir la condition de résidence de la LCSA pour le conseil d'administration à l'exclusion de ses comités.

CHAPITRE 4

LES TRANSACTIONS D'INITIÉS

INTERACTION ENTRE LE DROIT DES SOCIÉTÉS

ET LE DROIT DES VALEURS MOBILIÈRES

Le gouvernement fédéral et les provinces ont le droit de créer des sociétés. Les pouvoirs des provinces en la matière sont énoncés au paragraphe 92(11) de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel autorise leur législature à légiférer relativement à «l'incorporation des compagnies pour des objets provinciaux». Quant aux pouvoirs du gouvernement fédéral en la matière, il ne sont pas énoncés explicitement à l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais sont issus de l'interprétation judiciaire du pouvoir fédéral de faire des lois «pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada».

Concrètement, la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces signifie qu'une province peut accorder à une société constituée en vertu d'une loi provinciale le droit d'exercer ses activités sur son propre territoire, mais pas dans les autres provinces. Cependant, les sociétés constituées en vertu d'une loi provinciale ont le droit d'exercer leurs activités dans d'autres provinces si elles respectent les conditions de celles-ci. En revanche, les sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale peuvent exercer leurs activités partout au Canada.

Il faut se garder de confondre le pouvoir de constituer des sociétés et le pouvoir de réglementer les activités commerciales d'une société. Ce dernier dépend de deux facteurs que le professeur Bruce Welling décrit fort bien :

L'un de ces facteurs tient à la question classique de la répartition des pouvoirs du droit constitutionnel canadien : l'activité que la société entend exercer relève-t-elle de l'un des secteurs de compétence énumérés à l'article 91 (pouvoirs du gouvernement fédéral) ou à l'article 92 (pouvoirs des provinces)? L'autre facteur, plus subtil, fait intervenir une question de droit des sociétés, à savoir si l'activité en question est si intimement liée à la nature fondamentale de la société que la loi régissant celle-ci se trouve en fait être la loi régissant l'existence même de la société(<116>).

La principale source de la compétence des provinces en matière de réglementation de l'activité des sociétés est le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère à leur législature le droit de faire des lois concernant «la propriété et les droits civils dans la province». Les provinces peuvent invoquer ce large pouvoir, qui englobe les relations de travail et les contrats, pour réglementer la majorité des activités d'une société, quel que soit le territoire où elle est constituée.

Dans l'ensemble, on peut dire que la plupart des sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale sont assujetties aux lois provinciales régissant leurs activités(<117>). La principale exception à cette règle tient au fait qu'une province ne doit pas porter atteinte «au statut et aux pouvoirs essentiels» d'une société de régime fédéral. Cela veut dire que si une loi provinciale valide porte atteinte au statut et aux pouvoirs essentiels d'une société de régime fédéral, elle ne s'applique pas à la société fédérale(<118>).

Beaucoup des causes concernant le statut et les pouvoirs essentiels se rattachent à la réglementation des valeurs mobilières, qui relève historiquement de la compétence des provinces. Dans l'une d'entre elles, les tribunaux ont statué qu'une loi provinciale forçant toutes les sociétés désireuses de vendre leurs actions dans la province à se procurer au préalable un certificat d'une commission provinciale était ultra vires dans le cas d'une société de régime fédéral qui vend ses propres actions. Ils ont conclu que l'aptitude d'une société à mobiliser des capitaux était une condition essentielle de son existence et que l'application de la loi provinciale en question à la société de régime fédéral compromettrait sensiblement son statut et ses pouvoirs essentiels<119>). En revanche, les tribunaux ont arrêté qu'une loi provinciale exigeant que tous les courtiers en valeurs soient accrédités et que les sociétés vendent leurs actions par l'intermédiaire de ces courtiers s'appliquait aux sociétés de régime fédéral(<120>).

Il n'existe pas de démarcation claire entre le droit des sociétés et le droit des valeurs mobilières. Un juriste signale qu'il n'est pas facile de dire où se termine le premier et où commence le second :

La limite se trouve au point où les actions d'une société sont offertes à des investisseurs anonymes et non détenues exclusivement par un groupe de personnes dont les intérêts communs dépassent les actions qu'elles détiennent. Au sein de ce groupe de personnes étroitement liées, de nombreuses questions interpersonnelles entrent en jeu et peuvent être résolues par renvoi à la loi ou à l'acte constitutif de la société. Lorsque des titres sont offerts à l'ensemble des investisseurs, que ce soit par la voie d'une bourse ou autrement, le caractère des titres en tant que bien - car ils sont alors davantage des mécanismes de placement qu'un titre de participation à la régie de l'entreprise - l'emporte(<121>).

Le caractère mouvant de la ligne de démarcation entre le droit des sociétés et le droit des valeurs mobilières est attesté par la réglementation des transactions d'initiés -- un secteur régi à la fois par les lois sur les sociétés et les lois sur les valeurs mobilières.

LA RÉGLEMENTATION DES TRANSACTIONS D'INITIÉS

A. Contexte

En général, on entend par «initiés» les personnes qui ont accès à des renseignements confidentiels dont la divulgation pourrait avoir une incidence sur la valeur des titres d'une société. Il y a transaction d'initié lorsque vend ou achète les titres d'une société quelqu'un qui a accès à des renseignements confidentiels inconnus des actionnaires ou du grand public(<122>). Comme le signale le document de consultation d'Industrie Canada, les transactions d'initiés ne sont pas en soi illégales. Les initiés peuvent effectuer des opérations sur les titres d'une société à condition qu'elles ne soient pas fondées sur des renseignements confidentiels. Ce qui est interdit, ce sont les transactions d'initiés reposant sur des informations confidentielles(<123>).

En 1965, une étude du gouvernement de l'Ontario sur la législation des valeurs mobilières (le rapport Kimber) recommandait que les transactions d'initiés soient réglementées. Le rapport ne proposait pas d'interdire les transactions d'initiés, mais de forcer les initiés à divulguer leurs opérations et de leur interdire de se livrer à des opérations irrégulières(<124>).

Ces recommandations se sont concrétisées dans les législations provinciales et dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions(<125>). Au niveau provincial, les transactions d'initiés relèvent généralement des lois sur les sociétés et sur le commerce des valeurs mobilières encore que la loi sur les sociétés de certaines provinces soit muette à leur sujet. Les initiés d'une société relevant de la LCSA sont souvent assujettis à la fois aux lois provinciales sur le commerce des valeurs mobilières et aux dispositions applicables de la LCSA.

Le fait que les initiés des sociétés de régime fédéral soient assujettis à deux régimes de déclaration et de responsabilité est un sujet de préoccupation. Les chevauchements des législations fédérale et ontarienne ont fait l'objet d'une décision de la Cour suprême du Canada en 1982. Dans l'affaire Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, en effet, la Cour a statué que les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario qui prévoient l'indemnisation des pertes résultant de transactions d'initiés s'appliquaient à une société de régime fédéral pourtant déjà assujettie aux dispositions similaires de la législation fédérale. Par une décision majoritaire, la Cour a arrêté que les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario et de la Loi sur les corporations canadiennes en matière de transactions d'initiés étaient également valables. Au nom de la majorité, le juge Dickson a conclu que les dispositions contestées de la Loi sur les corporations canadiennes visaient un objectif général relativement aux sociétés et avaient un lien rationnel et fonctionnel avec le droit des sociétés(<126>).

Les dispositions prévoyant des garanties contre la malversation des gestionnaires font strictement partie de ce qu'on peut appeler à juste titre la constitution de la compagnie. Les rapports réguliers entre la compagnie et ses dirigeants sont au coeur du droit corporatif et, depuis l'origine des compagnies, ces rapports sont régis par la loi qui sanctionne la constitution en corporation de la compagnie [...] les dispositions contestées de la Loi sur les corporations canadiennes visent à préserver l'intégrité des compagnies constituées en vertu de la loi fédérale et à protéger les actionnaires de ces compagnies; elles visent des pratiques préjudiciables à une compagnie ou à l'ensemble de ses actionnaires auxquelles s'adonnent des personnes qui, parce qu'elles détiennent des postes de confiance ou autres, connaissent des renseignements auxquels n'ont pas accès tous les actionnaires(<127>).

La majorité de la Cour a trouvé que les dispositions applicables de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario constituaient un exercice valable de la compétence des provinces en matière de propriété et de droits civils et qu'elles «ne neutralisent pas les fonctions et les activités d'une compagnie constituée en vertu d'une loi fédérale et ne portent pas atteinte à son statut ou à ses pouvoirs essentiels»(<128>). La plupart des juges ont déterminé que les dispositions relatives aux transactions d'initiés relevaient à la fois du droit des sociétés et du droit des valeurs mobilières.

Trois juges ont cependant estimé que les dispositions fédérales relatives aux transactions d'initiés étaient ultra vires, mais que celles de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario étaient constitutionnelles. Ils ont conclu que les dispositions de la loi ontarienne visaient à réglementer la possession et le commerce des valeurs mobilières. La loi sur les valeurs mobilières vise d'abord non pas à constituer les sociétés, mais à réglementer le commerce de leurs titres(<129>).

Quant aux dispositions fédérales sur les transactions d'initiés, la minorité a estimé que, comme elles n'étaient pas essentielles à l'établissement et au fonctionnement d'une société fédérale, elles étaient inconstitutionnelles(<130>).

Il importe de noter que, dans l'affaire Multiple Access, la majorité de la Cour et, en dépit de sa conclusion au sujet des dispositions fédérales, la minorité ont évoqué les incidences de la décision sur la réglementation éventuelle du commerce des valeurs mobilières au niveau fédéral. À cet égard, le juge Dickson a déclaré ce qui suit :

Je ne veux pas, par mes propos en l'espèce, préjudicier au pouvoir constitutionnel du Parlement d'adopter une législation générale concernant les valeurs mobilières conformément à son pouvoir de faire des lois relatives aux échanges et au commerce interprovinciaux et internationaux. Cela revêt une importance particulière compte tenu du caractère interprovincial et, à vrai dire, international du secteur des valeurs mobilières(<131>).

La minorité aussi a pris soin de préciser que la cause ne mettait pas en question le pouvoir fédéral de légiférer dans le domaine du commerce en raison de la nature extraprovinciale du commerce des valeurs mobilières. Elle a laissé la porte ouverte à l'intervention du gouvernement fédéral dans le commerce des valeurs mobilières.

Je me permets de dire qu'on contestera de plus en plus à l'avenir la position dominante qu'occupe maintenant l'organisme de réglementation du commerce des valeurs mobilières de la province où se trouve la Bourse la plus importante du pays. À mesure que s'accroîtront le nombre et l'importance des opérations multi-provinciales relatives aux valeurs mobilières, il en sera de même de la pression qui s'exerce sur le système de réglementation actuellement déséquilibré. Il reste à voir si cela précipitera une modification de l'évaluation, au niveau national, des exigences constitutionnelles et de la politique législative fédérale. En attendant, la décision en l'espèce doit être fonction des positions adoptées par les parties. Par conséquent, les motifs en l'espèce reflètent uniquement le litige tel qu'il a été exposé par les partisans et les adversaires des arguments traditionnels sur l'aspect constitutionnel des lois relatives aux sociétés et aux valeurs mobilières(<132>).

B. Les transactions d'initiés et la Loi canadienne sur les sociétés par actions

Les dispositions en question figurent dans la Partie XI de la loi. Elles portent pour la plupart sur les initiés des «sociétés ayant fait appel au public», c'est-à-dire des sociétés dont les actions émises et en circulation font partie d'une émission publique et sont détenues par plus d'une personne.

On entend par «initié» tout administrateur ou dirigeant d'une société ayant fait appel au public, la société ayant fait appel au public qui achète ou autrement acquiert (sauf par voie de rachat) ses propres actions ou des actions émises par une filiale, ou le véritable propriétaire de plus de 10 p. 100 d'une société ayant fait appel au public ou la personne qui exerce le contrôle ou a la haute main sur plus de 10 p. 100 des votes dont sont assorties les actions d'une société ayant fait appel au public.

1. Obligation de produire des rapports

Aux termes de la LCSA, quiconque devient l'initié d'une société ayant fait appel au public doit dans les dix jours de la fin du mois où il le devient envoyer un rapport au directeur. Il doit en outre produire un rapport dans les dix jours de la fin du mois où il effectue une transaction sur les titres de la société.

Quiconque omet de produire un tel rapport sans motif valable est passible d'une amende maximale de 5 000 $ et(ou) d'une peine d'emprisonnement maximale de six mois. S'il s'agit d'une société, ceux de ses administrateurs et de ses dirigeants qui ont sciemment autorisé ou permis ou accepté cette omission sont passibles des mêmes peines.

2. Interdiction des transactions spéculatives

La LCSA interdit aux initiés d'une société ayant fait appel au public de vendre des actions dont ils ne sont pas propriétaires ou sur lesquelles ils n'ont pas de droit de propriété (vente à découvert) ou d'acheter ou de vendre une option de vente ou d'achat sur ces actions (art. 130). Les initiés peuvent vendre les actions dont ils sont propriétaires et qu'ils ont entièrement libérées ou les actions dont ils ne sont pas propriétaires mais qui résultent de la concession d'actions dont ils sont propriétaires ou qu'ils ont l'option ou le droit d'acquérir.

3. Responsabilité civile

Aux termes du paragraphe 131(44) de la LCSA, l'initié (au sens x termes du paragraphe 131(1)) qui, à l'occasion d'une opération portant sur une valeur mobilière de la société, utilise à son profit un renseignement confidentiel dont il est raisonnable de prévoir que, s'il était généralement connu, il provoquerait une modification sensible du prix de cette valeur, est tenu d'indemniser toute personne ayant subi une perte directement par la suite de cette transaction et est redevable envers la société des profits ou avantages directs qu'il a obtenus. Ces dispositions concernant la responsabilité civile s'appliquent aux sociétés qu'elles aient ou non fait appel au public.

Toute action visant à faire respecter cette disposition doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte des faits qui la motivent ou, lorsqu'il s'agit de transactions devant faire l'objet d'un rapport, à compter du dépôt du rapport (para. 131(5)).

C. Les transactions d'initiés et les lois provinciales

Comme on l'a vu, les transactions d'initiés sont aussi régies par les lois provinciales. Un certain nombre de lois provinciales sur les valeurs mobilières obligent les initiés à déclarer leurs transactions portant sur les actions de la société dont ils sont des initiés. Ces exigences s'appliquent aux initiés qui font des opérations sur les titres d'émetteurs assujettis, c'est-à-dire des sociétés ouvertes qui doivent déposer des rapports auprès des autorités provinciales des valeurs mobilières. Ces lois contiennent aussi des dispositions sur la responsabilité des initiés qui se livrent à des transactions irrégulières.

La plupart des lois provinciales sur les sociétés contiennent aussi des dispositions sur les transactions d'initiés. Certaines visent uniquement les sociétés qui ne font pas appel au public (Ontario, Alberta). D'autres visent toutes les sociétés de régie provinciale et ne font pas de distinction entre les sociétés ouvertes et les sociétés fermées (Manitoba, Saskatchewan, Colombie-Britannique). Il y en a cependant qui ne contiennent aucune disposition sur les transactions d'initiés (Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Québec).

MODIFICATION DE LA LCSA

Le document de consultation sur les transactions d'initiés propose trois séries de modifications pouvant être apportées aux dispositions de la LCSA en matière de transactions d'initiés :

abroger les dispositions de la LCSA et laisser aux provinces le soin de réglementer les transactions d'initiés;

abroger uniquement les dispositions sur la production de rapports d'initiés de la LCSA et laisser aux provinces le soin de régir la collecte des renseignements utiles au moyen de leurs lois sur les valeurs mobilières;

conserver les dispositions de la LCSA, mais les harmoniser avec celles des provinces(<133>).

A. Abrogation des dispositions de la LCSA en matière de transactions d'initiés

Le document de consultation expose des arguments pour et contre l'abrogation des dispositions de la LCSA relatives aux transactions d'initiés. Les principaux arguments en faveur de l'abrogation tiennent à ce que ces dispositions font largement double emploi avec les dispositions des lois provinciales sur les valeurs mobilières des sociétés ouvertes et font porter aux sociétés un fardeau réglementaire et financier inutile qui risque de compromettre la compétitivité des sociétés de régime fédéral(<134>).

Il existe par ailleurs des arguments tout aussi persuasifs contre l'abrogation. Le document de consultation en signale quelques-uns :

les règles sur les transactions d'initiés visent des objectifs importants du droit des sociétés, notamment favoriser de bonnes relations entre la direction et les actionnaires et prévenir les conflits d'intérêts;

la réduction du double emploi serait limitée et les mécanismes d'exécution seraient restreints;

comme il subsiste des différences importantes entre les lois provinciales sur les valeurs mobilières, le maintien des dispositions de la LCSA garantit un niveau minimum de réglementation des sociétés assujetties à la LCSA;

les dispositions permettent au gouvernement fédéral de participer à la réglementation des transactions d'initiés et assurent l'application de conditions uniformes aux sociétés assujetties à la LCSA;

les dispositions permettent au gouvernement fédéral d'atteindre ses grands objectifs dans le domaine(<135>).

Bien que lLes transactions d'initiés ontaient fait l'objet de nombreuses discussions au sein du Comité, . Certains témoins ont parlé du double emploi que représente l'obligation de produire un rapport d'initiés aux termes de la LCSA, mais cela ne semble pas poser de grandes difficultés ni représenter un fardeau excessif. On semble considérer comme une réalité acceptée le fait que les initiés des sociétés ouvertes doivent se conformer non seulement à la réglementation fédérale mais aussi à une réglementation provinciale dans certaines provinces.

Ppeu de témoins ont demandé l'abrogation des dispositions de la LCSA en matière de transactions d'initiés. Cependant, l', mais un d'entre eux a dit estimer que la LCSA ne constituait pas un bon moyen de réglementer les transactions d'initiés au niveau fédéral.

Le Comité estime important de conserver les dispositions de la LCSA concernant les transactions d'initiés. En revanche, il reconnaît que le régime fédéral des transactions d'initié est démodé et qu'il a été supplanté par les lois provinciales sur les valeurs mobilières.

Le Comité préférerait que le gouvernement fédéral s'emploie à harmoniser le régime des transactions d'initiés de la LCSA avec les exigences provinciales de manière à éliminer les chevauchements et le double emploi.

Il y aurait plusieurs façons d'harmoniser les exigences fédérales et provinciales, par exemple, en incorporant par renvoi dans la LCSA les dispositions provinciales correspondantes en matière de valeurs mobilières.

Les règlements d'application de la LCSA pourraient également servir à mettre en place le gros du régime fédéral des transactions d'initiés. Les dispositions fédérales pourraient alors être mises à jour au besoin dans les meilleurs délais.

ACTIONS POSSIBLES

A. Abroger toutes les dispositions de la LCSA relatives aux transactions d'initiés

B. Conserver les dispositions de la LCSA relatives aux transactions d'initiés

B. Abrogation des dispositions de la LCSA en matière de rapports d'initiés

Comme on l'a vu, les dispositions de la LCSA relatives aux transactions d'initiés ont trois volets : rapports d'initiés, interdiction des transactions spéculatives et responsabilité civile.

Dans le document de consultation sur les transactions d'initiés, on étudie l'opportunité de ne retenir des dispositions de la LCSA en matière de transactions d'initiés que celles qui portent sur, mais aussi l'abrogation d les rapports d'initiés.

Presque tous les initiés qui sont tenus de produire un rapport aux termes de la LCSA doivent aussi en déposer un auprès des autorités provinciales des valeurs mobilières compétentes. Si elles ne sont pas parfaitement identiques, les dispositions des lois provinciales sur les valeurs mobilières et de la LCSA concernant la définition d'un «initié» ainsi que la notion provinciale d'«émetteur assujetti» et la notion fédérale de «société ayant fait appel au public» se recoupent. Une «société ayant fait appel au public» aux termes de la LCSA est un «émetteur assujetti» aux fins des transactions d'initiés sauf dans les cas suivants :

si la société régie par la LCSA ne fait appel au public qu'à l'étranger;

si la société régie par la LCSA ne fait appel au public que dans l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon;

si l'organisme provincial de réglementation des valeurs mobilières dispense un émetteur assujetti de produire des rapports d'initiés et qu'une dispense équivalente n'est pas accordée en vertu de la LCSA(<136>).

En outre, la définition d'initié au sens de la LCSA est un peu plus vaste que celle qui figure dans les lois provinciales sur les valeurs mobilières, car elle englobe :

les sociétés ayant fait appel au public qui achètent des titres émis par leurs filiales;

les actionnaires porteurs de 10 p. 100 des titres de sociétés qui deviennent des initiés de sociétés ayant fait appel au public ou dont la société ayant fait appel au public devient un initié, ainsi que les administrateurs et dirigeants des propriétaires de 10 p. 100 des actions;

un administrateur, un dirigeant ou un actionnaire porteur de 10 p. 100 des titres d'une société ayant fait appel au public qui effectue un regroupement d'entreprises avec une personne morale(<137>).

Malgré ces différences, seul un petit groupe de personnes seraient assujetties uniquement aux dispositions de la LCSA. La grande majorité des initiés sont assujettis aux deux régimes.

On a tenté de rendre la vie plus facile aux initiés qui doivent produire des rapports sous plus d'un régime. Le formulaire de dépôt des rapports d'initiés de la LCSA est identique à celui de plusieurs lois provinciales sur les valeurs mobilières. Aux termes du paragraphe 127(8) de la LCSA, le directeur peut dispenser un initié de produire un rapport. En outre, l'article 258.2 de la LCSA, qui a été édicté en 1994, mais qui n'est pas encore entré en vigueur, permettra au directeur d'accorder une dispense globale à l'égard de la production de rapports lorsque la personne concernée doit produire des rapports similaires aux termes d'une autre loi fédérale ou d'une loi provinciale(<138>).

Les rapports d'initiés ont fait l'objet de nombreuses discussions. Certains témoins ont parlé des rapports en double que doivent produire les initiés des sociétés assujetties à la LCSA, mais cela ne semble pas en général poser de grandes difficultés ni représenter un fardeau excessif. On semble s'accommoder du fait que les initiés des sociétés ouvertes doivent se conformer non seulement à la réglementation fédérale mais aussi à plusieurs réglementations provinciales.

Les témoins ne cherchaient pas tant à faire abroger Peu de témoins ont réclamé l'abrogation desles conditions de la LCSA en matière de rapports d'initiés , mais un témoin a dit estimer que la LCSA n'était pas le bon vecteur pour la réglementation des transactions d'initiés au niveau fédéral. Les témoins étaient plus enclins à recommander qu'à obtenir l'harmonisation des conditions législatives fédérales et provinciales. L'un d'entre eux a demandé que la LCSA «ne réglemente pas les questions qui n'ont pas fini d'évoluer ou qui évoluent constamment, mais plutôt qu'elle établisse un mécanisme incorporant les meilleurs changements apportés aux règles, règlements et lois connexes qui se chevauchent»(<139>).

Selon un autre témoin :

Pour une plus grande uniformité, il faut que la loi fédérale soit extrêmement souple. Ainsi, si quelqu'un trouve un modèle que tout le monde reconnaît comme étant le meilleur -- par exemple dans la réglementation des transactions d'initiés -- on pourra l'intégrer à la loi fédérale. On obtient ainsi de l'uniformité et la loi fédérale reste un modèle du genre(<140>).

Un autre témoin a plaidé pour une plus grande harmonisation des mesures législatives fédérales et provinciales qui touchent les marchés financiers :

Je propose au départ que la Loi sur les sociétés par actions évolue avec la réalité commerciale d'aujourd'hui. Si le gouvernement fédéral estime qu'il a un rôle à jouer dans la réglementation du marché des capitaux et que le meilleur moyen de s'en acquitter est d'avoir recours à la Loi sur les sociétés par actions, alors les modalités de la loi qui influent sur l'activité du marché des capitaux doivent, à défaut d'être identiques aux dispositions provinciales, être du moins compatibles(<141>).

Le Comité ne voit pas la nécessité de supprimer les dispositions de la LCSA sur les transactions d'initiés. Lorsqu'il y a chevauchement et doubles emploi, le directeur devrait recourir à des dispenses individuelles et, lorsque c'est possible, à des dispenses générales pour réduire le fardeau que représente la production de rapports en double. Il faudrait par ailleurs promouvoir dans la mesure du possible la transmission électronique des rapports et moderniser les dispositions applicables de la LCSA.

17. Le Comité recommande de conserver et de moderniser les dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions relatives à la production de rapports sur les transactions d'initiés et d'éliminer dans la mesure du possible les rapports produits en double au moyen de décrets d'exemption.

ACTIONS POSSIBLES

A. Abroger les dispositions de la LCSA sur les rapports d'initiés

B. Conserver les dispositions de la LCSA sur les rapports d'initiés et recourir à des dispenses pour éviter les doubles emplois.

C. Si l'on conserve les dispositions de la LCSA sur les rapports d'initiés, moderniser celles-ci.

D. Statu quo

MODERNISATION DES DISPOSITIONS DE LA LCSA SUR

LES RAPPORTS D'INITIÉS

Le document de consultation sur les transactions d'initiés contient plusieurs propositions en vue de moderniser les dispositions de la LCSA relatives aux transactions d'initiés et aux rapports d'initiés. Comme on a surtout parlé, pendant les audiences du Comité, du délai de production des rapports d'initiés, la discussion qui suit se bornera à cette question.

La LCSA exige le dépôt d'un rapport d'initiés dans les dix jours de la fin du mois où une personne devient un initié ou du mois où un initié effectue une transaction. Les lois de l'Ontario, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve prévoient le même délai. D'autres provinces, comme l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Québec et la Saskatchewan, exigent la production d'un rapport dans les dix jours suivant l'acquisition du statut d'initié ou la transaction d'initié(<142>).

Ainsi, aux termes de la LCSA, une transaction effectuée au début d'un mois n'a pas à être déclarée avant le 10 du mois suivant. Quand la transaction est finalement publiée dans le Bulletin des corporations, trois mois se sont déjà écoulés.

Plusieurs témoins ont dit estimer que les transactions d'initiés devraient être déclarées plus rapidement, certains recommandant qu'elles le soient le jour même. Un témoin a fait valoir l'opportunité d'une déclaration rapide des transactions d'initiés :

... l'une des principales préoccupations qu'on a dans le cas d'une société ouverte a trait à la divulgation en temps utile. La divulgation en temps utile suppose que quand vous savez quelque chose, tous les autres doivent être au courant. J'ai déjà été initié et j'ai produit des rapports dans le cas d'un certain nombre d'organisations, et je suis d'ailleurs dans cette même position au moment où je vous parle. Les rapports sont mensuels. Essentiellement, il y a un retard d'un mois. Selon moi, à l'ère des communications universelles instantanées et de l'informatique, il faudrait que le rapport se fasse le jour même de la transaction. C'est possible. À mon avis, si ce n'est pas le même jour, cela va à l'encontre du principe de la divulgation en temps utile. Si un rapport d'initié est publié six semaines après la vente d'un gros bloc d'actions, c'est trop tard(<143>).

Un autre témoin voudrait aussi que l'on accélère la déclaration des transactions d'initiés, mais il pense que certaines grands investisseurs institutionnels auraient peut-être du mal à déclarer leurs transactions sur une base quotidienne.

Le Comité souscrit à l'idée d'une déclaration plus rapide des transactions d'initiés. Il note que les modifications de la LCSA adoptées en 1994 (mais qui ne sont pas encore en vigueur) prévoient la production d'avis et de documents par voie électronique(<144>). La LCSA sera donc est adaptée à la production plus rapide des rapports.aux impératifs de l'ère de l'électronique.

Le Comité ne recommanderait pas cependant la déclaration au jour le jour des transactions d'initiés tant que les communications instantanées ne seront pas répandues et qu'on n'aura pas démontré que les initiés sont en mesure de se conformer à une telle exigence. Dans l'intervalle, le Comité penche pour deux propositions qui amélioreraient l'actualité des informations déclarées :

18. Le Comité recommande de ramener à dix jours le délai dont disposent les personnes qui deviennent des initiés et les initiés qui effectuent une transaction pour produire un rapport.

19. Le Comité recommande 2. Le Comité recommande qque le délai de production des rapports d'initiés soit prescrit par règlement et non dans la loi elle-même. Il serait ainsi plus facile de modifier les délais fédéraux et de les harmoniser avec ceux des provinces.

Cela peut se faire concurremment avec la recommandation 1.

3.Statu quo. Ne pas modifier les exigences relatives à la production des rapports d'initiés.

CHAPITRE 5

COMMUNICATIONS RELATIVES AUX ACTIONNAIRES

ET SOLLICITATION DE PROCURATIONS

INTRODUCTION

Industrie Canada a fait paraître en août 1995 un document de consultation intitulé Communications relatives aux actionnaires et sollicitation de procurations(<145>).

On y aborde les questions suivantes :

Faut-il modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) pour obliger les intermédiaires à fournir aux émetteurs d'actions une liste des actionnaires véritables?

Faut-il harmoniser la LCSA avec l'instruction générale canadienne 41 en modifiant la définition de «courtier attitré»?

Faut-il modifier la LCSA en ce qui concerne :

a) la date de référence pour déterminer les actionnaires habiles à recevoir l'avis de convocation aux assemblées annuelles ou extraordinaires;

b) la période pendant laquelle l'avis de convocation aux assemblées annuelles est envoyé aux actionnaires;

c) la date de référence aux fins autres que l'avis de convocation ou le vote aux assemblées annuelles ou extraordinaires?

La LCSA devrait-elle prévoir une date de référence fixe pour l'exercice du droit de vote?

La LCSA devrait-elle prévoir un droit de vote pour les actions prêtées?

Faut-il modifier les règles relatives à la sollicitation obligatoire de procurations pour les harmoniser avec les lois provinciales sur les valeurs mobilières et sur les sociétés par actions; en particulier pour,

a) obliger les sociétés ayant fait appel au public à solliciter des procurations;

b) exempter la direction des sociétés qui n'ont pas fait appel au public et qui comptent moins de 50 actionnaires (et non plus quinze comme c'est actuellement le cas) de l'obligation d'envoyer un formulaire de procuration à chaque actionnaire habile à recevoir avis de convocation aux assemblées des actionnaires?

Faut-il modifier les règles relatives à la sollicitation de procurations en fonction des modifications adoptées récemment par la Securities and Exchange Commission des États-Unis, en particulier en ce qui concerne les communications entre actionnaires?

Durant les audiences, plusieurs témoins se sont prononcés sur la question de savoir s'il faut modifier la LCSA de manière à obliger les intermédiaires à remettre aux émetteurs d'actions une liste des actionnaires véritables et sur la question des communications entre actionnaires. Le présent chapitre porte donc exclusivement sur cestte questions.

COMMUNICATIONS ENTRE LES SOCIÉTÉS ET LEURS ACTIONNAIRES

A. Contexte

Le contexte de la question est bien décrit dans le document de consultation sur les communications relatives aux actionnaires fait état de trois . On y donne éléments qui influent sur la capacité des sociétés à communiquer avec leurs actionnaires : le système du prête-nom, le système du dépositaire et l'instruction générale canadienne 41.

On trouvera ci-dessous un aperçu de ce que contient à ce sujet le document de consultation.

B. Le système du prête-nom

La LCSA porte qu'une société par actions doit envoyer à ses actionnaires des informations comme les avis de convocation aux assemblées, la documentation relative aux procurations et les états financiers vérifiés. Or, l'existence de deux types d'actionnaires, les actionnaires «véritables» et les actionnaires «inscrits», crée des difficultés à cet égard.

Les actionnaires véritables sont des personnes qui ont acheté des actions, à qui sont versés des dividendes et qui réalisent des gains en capital, mais ils ne sont pas nécessairement inscrits aux registres de la société pour les fins du vote aux assemblées annuelles. Le propriétaire inscrit des actions est souvent un dépositaire, un courtier ou un autre intermédiaire.

Comme on l'explique dans le document de consultation, auparavant, les actionnaires détenaient en général leurs certificats d'actions et leur nom figurait dans les livres de la société en tant qu'actionnaire. Or, la situation a évolué au cours des dernières décennies et il arrive souvent aujourd'hui que les actions de sociétés ouvertes soient inscrites au nom d'un prête-nom et non à celui de l'acheteur.

Dans le système du prête-nom, ce sont des intermédiaires qui détiennent les actions et qui possèdent la liste des actionnaires véritables qu'ils représentent. Pour la société émettrice, l'actionnaire inscrit est l'intermédiaire, si bien que celle-ci ne connaît pas les propriétaires véritables de ses actions(<146>).

C. Le système du dépositaire

Le système du dépositaire a accru la distance entre la société et les actionnaires véritables. Dans les années 70, on a institué le système de dépositaires de titres pour faciliter le commerce et le règlement des titres du fait de l'élimination de la nécessité de livrer les certificats d'actions entre les intermédiaires. La plupart des titres sont maintenant détenus en dépôt par des intermédiaires dans des organismes de compensation; les changements de propriétaire sont réalisés par simple transfert comptable dans les comptes appropriés. Les systèmes du prête-nom et du dépositaire se distinguent en particulier par le fait que, lorsque des actions sont négociées, il n'est pas nécessaire de modifier le registre des actionnaires inscrits de la société(<147>).

D. L'instruction générale canadienne 41

L'instruction générale canadienne 41 instituée en 1987 par les autorités canadiennes en valeurs mobilières énonce les obligations des émetteurs d'actions, des intermédiaires et des organismes de compensation relativement aux communications avec les actionnaires. Elle crée un régime dans lequel les émetteurs font parvenir les formulaires de procuration aux actionnaires par l'entremise des intermédiaires(<148>).

L'instruction générale canadienne 41 est critiquée sous plusieurs angles. On étudie actuellement l'opportunité de permettre aux sociétés d'obtenir des intermédiaires les noms de leurs véritables actionnaires(<149>).

MODIFICATIONS DE LA LCSA

Plusieurs témoins ont décrit l'évolution des communications avec les actionnaires depuis une vingtaine d'années. L'un d'entre eux a fait remarquer qu'il était maintenant beaucoup plus difficile qu'avant d'identifier les actionnaires d'une société.

Au début des années 70, on pouvait identifier entre 60 et 70 p. 100 des actionnaires d'une grande société à capital ouvert, qu'il s'agisse d'entreprises ou de particuliers, et on pouvait ainsi trouver un moyen de communiquer avec eux. À cette époque, on entendait beaucoup plus parler des particuliers. Vingt ans plus tard, au début des années 90, cette proportion était tombée à environ 10 p. 100. De 80 à 90 p. 100 des actionnaires de nombreuses grandes sociétés à capital ouvert achètent leurs actions par ordinateur auprès de grands établissements financiers de sorte que l'entreprise ne connaît même plus ses actionnaires(<150>).

Un autre a décrit les effets du système de détention informatique des actions :

À l'heure actuelle, des courtiers peuvent être propriétaires d'actions grâce à l'électronique. La même chose vaut pour les banques si les actions sont utilisées en guise de nantissement contre des prêts. Il n'y a rien sur papier. Si vous insistez pour que la transaction soit consignée sur papier, on vous fait toutes sortes de difficultés. On vous réclame même un droit spécial. La transaction est organisée de telle façon que si vous voulez vendre les actions, vous ne pouvez jamais les vendre au moment opportun. Il vous faut aller chercher le papier et le transmettre vous-même [...] Si vous les détenez électroniquement, la société dont vous êtes actionnaire ignorera votre identité, avec le résultat que vous ne recevrez pas les états financiers ou tout autre état que publie la société à l'intention de ses actionnaires.

Si vous êtes un actionnaire averti, vous pouvez exiger cette information. On vous la remettra à l'occasion de l'assemblée annuelle, mais pas dans le cadre des états financiers et des communications spéciales [...] Même si les sociétés fournissent l'information en question, elle arrive trop tard pour qu'on puisse en tirer parti(<151>).

Un autre témoin encore a expliqué combien il trouvait frustrant de ne pas connaître l'identité de ses actionnaires :

Je trouve extrêmement frustrant personnellement d'ignorer qui sont mes actionnaires. Lorsque j'ai procédé à ma première émission publique il y a quelques années, j'ai été très étonné de constater tout à coup que j'avais perdu la possibilité de savoir qui étaient mes actionnaires. Je ne pouvais plus communiquer directement avec eux [...]

Je traite donc avec une série d'intermédiaires. Je suis en communication avec un fiduciaire qui, lui, distribue les documents aux actionnaires. Il est impensable, surtout dans le domaine des communications où j'oeuvre, que je puisse ignorer qui sont mes actionnaires et que je ne sois pas en mesure de leur envoyer des documents. C'est tellement facile de nos jours avec, entre autres, les fichiers d'accès de l'Internet. C'est presque inexcusable(<152>).

M. L.R. Wilson a expliqué pourquoi il était important d'établir de bonnes communications avec les actionnaires et commenté la proposition contenue dans le document de consultation :

Selon le rapport de la Bourse de Toronto sur la régie des sociétés, l'une des responsabilités principales d'un conseil d'administration est de s'assurer que la société s'est dotée d'une politique lui permettant de communiquer efficacement avec ses actionnaires. De plus, elle doit prévoir un dispositif par lequel les actionnaires peuvent communiquer avec la société. Pour atteindre cet objectif et établir des voies de communication efficaces avec les actionnaires, il faut un mécanisme qui permette, d'une part, de savoir qui sont ces actionnaires et, d'autre part, de communiquer directement avec eux.

Actuellement, plus de 70 p. 100 des actions de BCE sont détenues par des porteurs d'actions nominatives, dont des caisses de dépôt de valeurs. Selon les règles actuelles, nous ne pouvons communiquer directement avec les actionnaires non inscrits. Il paraît que la proposition mise de l'avant par Industrie Canada à cet égard est de permettre la communication directe avec les propriétaires bénéficiaires consentants, mais seulement dans le cadre des «obligations de communication de la LCSA concernant la régie d'entreprise».

Je ne vois aucune raison de limiter la communication directe de cette façon. À moins qu'un actionnaire demande expressément que son identité ne soit pas divulguée, nous devrions pouvoir communiquer directement avec tous nos actionnaires pour toute question concernant les activités de la société, tout comme nous pouvons le faire avec nos actionnaires inscrits(<153>).

D'après les témoignages entendus, il faut améliorer le système de communication avec les actionnaires de manière qu'il fonctionne de façon efficace et qu'il soit moins lourd et moins coûteux.

Le Comité a conclu de son examen des dispositions de la LCSA qu'il fallait les modifier pour améliorer les communications avec les actionnaires.convient que la situation actuelle laisse à désirer et recommande ce qui suit.

20. Le Comité recommande de

ACTIONS POSSIBLES

modifier la LCSA de manière à obliger Modifier La LCSA pour exiger que les courtiers attitrés(<154>) à fournir fournissent aux émetteurs, sur demande et dans un délai donné, une liste de tous les actionnaires véritables. L'émetteur pourrait, à l'aide de cette liste, communiquer directement avec les actionnaires non inscrits en ce qui concerne les activités et les affaires de la société. Les intermédiaires seraient autorisés à ne pas divulguer aux émetteurs les nom et adresse des actionnaires qui en font la demande par écrit.

Même recommandation que la précédente, mais les intermédiaires seraient forcés de divulguer les noms de tous les actionnaires, ce qui pourrait contrevenir à certaines mesures législatives concernant la protection de la vie privée.

Statu quo.

En recommandant de faciliter les communications entre les sociétés et leurs actionnaires, le Comité note qu'il pourrait s'avérer nécessaire d'apporter d'autres modifications à la LCSA pour élargir la définition de courtier attitré de manière à englober tous les intermédiaires.

COMMUNICATIONS ENTRE LES ACTIONNAIRES

A. Introduction

Le document de consultation sur les communications relatives aux actionnaires parle aussi des communications entre les actionnaires.

Les interprétations possibles du paragraphe 147c) de la LCSA, où l'on définit la sollicitation comme comprenant «l'envoi [...] de toute communication aux actionnaires, concerté en vue de l'obtention, du refus ou de la révocation de la procuration», peuvent créer des difficultés aux actionnaires.

Le document de consultation fait remarquer que, selon cette définition, presque toute expression d'un point de vue, y compris dans une discussion officieuse ou dans une lettre personnelle critiquant la qualité de la direction d'une société, risque d'être interprétée comme de la sollicitation au sens de l'article 147. Or, toute personne coupable de violation de l'article 147 est passible d'une amende et d'une peine d'emprisonnement. En outre, les contrevenants peuvent être obligés de préparer et d'envoyer la documentation relative aux procurations à tous les actionnaires(<155>).

Le document de consultation propose des moyens de faciliter les communications entre les actionnaires. Premièrement, il recommande que les communications écrites entre actionnaires soient dispensées de l'application des dispositions relatives à la transmission des circulaires et à la divulgation. Cette dispense serait accordée lorsque la personne qui communique ne cherche pas à obtenir une procuration et que les communications écrites sont rendues publiques par d'autres moyens(<156>).

Voici d'autres recommandations visant à faciliter les communications entre les actionnaires :

modifier la définition de «sollicitation» de façon à préciser qu'un actionnaire peut annoncer publiquement ses intentions de vote sans devoir se conformer aux règles relatives aux procurations;

dispenser les sollicitations faites dans une annonce radiodiffusée, un discours ou une lettre publique des exigences de transmission des circulaires, à la condition que la circulaire définitive soit déposée auprès du directeur;

permettre aux sociétés et aux parties qui sollicitent des procurations d'entreprendre une sollicitation en se fondant sur une version préliminaire d'une circulaire déposée auprès du directeur;

obliger les sociétés à fournir aux actionnaires copie de la liste des véritables propriétaires qui ne s'opposent pas à la divulgation de leur identité, lorsque la société connaît leurs noms, en plus de la liste des actionnaires inscrits exigée actuellement(<157>).

Le document de consultation signale que la Securities and Exchange Commission des États-Unis a modifié les règles relatives aux procurations en 1992 afin de favoriser des communications plus ouvertes entre les actionnaires(<158>).

B. Opinions des témoins

Les témoins qui ont abordé la question sont d'accord pour qu'on modifie les règles relatives aux procurations afin de faciliter les communications entre actionnaires.

Le président du conseil, président et chef de la direction de BCE Inc. n'est pas contre l'assouplissement des règles, mais il tient à ce qu'on mette en place les contrepoids nécessaires pour prévenir les abus.

Les nouvelles règles sur les communications entre actionnaires doivent être équilibrées. Il faut mettre en place des freins et des contrepoids qui permettent d'atteindre l'objectif louable d'améliorer la communication entre les actionnaires tout en prévenant les abus.

Par exemple, il devrait y avoir des règles sur les modalités de communication des renseignements aux médias de façon à concilier les intérêts de la société et de ses actionnaires avec les intérêts des actionnaires dissidents. Une entreprise doit avoir le temps d'expliquer ou de réfuter une position ou encore corriger des inexactitudes diffusées dans le cadre d'une campagne médiatique amorcée par un actionnaire dissident(<159>).

Le président et directeur général du Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario a fait un exposé détaillé sur les règles relatives aux procurations. Il a dit que son organisme souscrivait aux modifications proposées dans le document de consultation, car elles amélioreraient la régie des sociétés et permettraient aux investisseurs institutionnels de communiquer plus librement entre eux. En raison du niveau de détail de cette présentation, il est utile d'en citer un long extrait.

Parmi les questions traitées dans les documents de consultation, celle qui retient le plus notre attention concerne les modifications qu'il est proposé d'apporter à la règle sur les procurations régissant les communications relatives aux actionnaires. Ces modifications devraient être accueillies avec enthousiasme par quiconque se soucie de la régie des sociétés, processus qui repose sur la participation des actionnaires aux affaires de la société et la communication entre eux. Les actionnaires doivent être informés. Ils doivent se tenir au courant des affaires de la société. Ils doivent en examiner les politiques, les perspectives et les décisions. Quand des décisions douteuses sont prises, ils doivent signaler leurs objections. Quand il survient de bonnes idées dont la société devrait tenir compte, les actionnaires doivent insister pour qu'elle les prenne en considération. Pour sa part, la société doit tenir compte des vues des actionnaires et du marché, qui est son meilleur critique, sur sa performance.

Ce processus repose sur la communication continue. Les actionnaires doivent s'entretenir avec beaucoup d'intervenants sur le marché. Ils doivent s'entretenir les uns avec les autres afin de savoir si leurs opinions sont généralement partagées ou si elles sont minoritaires. Ils doivent s'entretenir avec la société, à titre individuel ou collectif. Quand un problème se présente, ils doivent pouvoir discuter de leurs préoccupations; quand la société présente une proposition qui doit être contestée, ils doivent pouvoir intervenir.

Les règles canadiennes sur les procurations [...] font obstacle à ces communications informelles entre les actionnaires, ce qui réduit l'efficacité du processus de surveillance. Cela nuit aux actionnaires, aux sociétés et à l'intégrité du processus en tant que tel. Les réformes proposées dans le document de consultation permettraient de corriger les plus gros défauts des règles et mettraient ainsi en branle un processus de surveillance plus sain, plus efficace et surtout moins litigieux.

Les règles sur les procurations ont été conçues pour empêcher que les investisseurs ne soient mal informés, trompés ou manipulés par la sollicitation de procurations de la part de la direction ou des investisseurs de l'extérieur. Elles atteignent leur objectif en exigeant des solliciteurs de procurations qu'ils diffusent et déposent une circulaire contenant des renseignements détaillés et complets sur leur organisation, leurs projets d'investissement et leurs transactions passées. En outre, toute communication, qu'il s'agisse d'une lettre, d'une annonce ou d'un discours, déclenche l'obligation de diffuser une circulaire de sollicitation dissidente. Lorsqu'un attaquant et une équipe de direction se livrent une concurrence acharnée pour le contrôle de la société, les règles relatives aux circulaires de sollicitation dissidentes semblent justifiées. Cependant, même dans ces cas-là, on peut démontrer qu'elles entravent de manière fondamentale la liberté d'expression et le droit qu'ont les investisseurs de communiquer librement au sujet de biens qui leur appartiennent.

Ce n'est toutefois pas l'incidence des règles dans les cas où le contrôle est contesté qui m'intéresse ici. Si les lois existantes ont des conséquences énormes pour la régie des sociétés, c'est qu'elles ne s'appliquent pas uniquement à ces circonstances extrêmes. Elles s'appliquent aussi à toutes les communications ou presque entre investisseurs au sujet d'une question de politique importante de la société. Ce résultat tient surtout au fait que le terme "sollicitation" est définie comme toute communication dont il y a lieu de penser qu'elle pourrait conduire à l'octroi, au refus ou à la révocation d'une procuration. À toutes fins utiles, on peut donc dire qu'il y a sollicitation dès qu'un actionnaire fait part à un autre actionnaire de son opinion.

Les règles ont été élaborées dans un but précis et dans une bonne intention. Il s'agissait d'empêcher les actionnaires et les dirigeants peu scrupuleux de s'arroger un avantage indu dans le processus de sollicitation. C'est d'ailleurs ce qui se produisait régulièrement sur le marché américain jusqu'à ce que, au milieu des années 1950, on introduise dans les règles sur les procurations une définition restreinte du terme "sollicitation" qui ressemble à celle qui figure maintenant dans les règles canadiennes. Si louable qu'ait été le but visé, les règles n'en ont pas moins pour effet de donner le frisson dans un monde où les investisseurs institutionnels souhaitent avoir une part active dans la surveillance des sociétés. Les communications informelles sont essentielles à l'efficacité du processus de surveillance. Selon les règles, ces communications ne peuvent avoir lieu que dans des circonstances bien précises. Ainsi, les actionnaires sont empêchés de discuter entre eux de leurs opinions, de leurs vues et de leurs préoccupations ou encore de solutions possibles sans avoir d'abord diffusé une circulaire de sollicitation dissidente. Les actionnaires qui, en l'absence de ces règles, travailleraient en collaboration les uns avec les autres et avec la direction, se trouvent ainsi isolés chacun dans leur coin. Ils agissent seuls et se gardent bien d'avoir la moindre communication pouvant être considérée comme une sollicitation de procurations.

(...) les employés du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario se heurtent constamment aux restrictions que leur imposent ces règles. Il est souvent arrivé ces dernières années que les régimes de retraite s'inquiètent du rendement d'une société ou s'opposent à une de ses décisions ou encore souhaitent influer sur un vote relatif à ses politiques. Dans ces cas-là, les employés du régime ont effectué des recherches vigoureuses et ont souvent demandé discrètement conseil aux dirigeants et aux administrateurs de la société. Nous craignons que les communications entre actionnaires puissent être considérées, aux termes des règles actuelles sur les procurations, comme des activités visant à solliciter des procurations. Nous sommes quelque peu frustrés par cet élément du cadre réglementaire canadien, qui est censé protéger les actionnaires, mais qui constitue une entrave considérable à cette activité des plus banales et manifestement des plus nécessaires à laquelle les actionnaires pourraient et devraient se livrer pour se protéger, c'est-à-dire avoir des échanges de vues.

À notre avis, les modifications que la Direction générale propose d'apporter aux règles sont le moyen tout indiqué pour corriger la situation. D'après les nouvelles règles, les investisseurs désintéressés seraient autorisés à communiquer librement avec les autres actionnaires sans avoir d'abord à diffuser une circulaire de sollicitation dissidente avec tous les problèmes que cela comporte. Nous sommes d'avis que la réforme proposée aura un effet considérable sur l'efficacité du processus de régie des sociétés et permettra aux institutions comme la nôtre de communiquer entre elles de façon informelle au sujet des sociétés dans lesquelles nous investissons. Nous croyons que le fait de modifier les règles sur la procuration dans le sens proposé par la Direction générale permettrait en fin de compte d'accroître le respect des principes de la régie des sociétés.

Il existe des données empiriques assez convaincantes à l'appui des prédictions que je viens de faire. De 1956 à la fin de 1992, les règles américaines sur les procurations étaient à peu près identiques aux règles restrictives qui existent actuellement au Canada. À la fin de 1992, après trois années de débats et d'examens attentifs, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a apporté à ces règles des modifications à peu près identiques à celles qui sont maintenant proposées au Canada.

Nous avons longuement discuté avec les spécialistes de la régie des sociétés aux États-Unis des effets des nouvelles règles, qui étaient quelque peu controversées, surtout dans le milieu des affaires, au moment où elles ont été adoptées. On est maintenant presque unanime à dire que les modifications apportées aux règles américaines ont été très bénéfiques et ont conduit à une nouvelle participation souhaitable et éclairée à la régie des sociétés. Cette opinion est partagée par tous les analystes de cette question, y compris par beaucoup de ceux qui disaient craindre l'effet des nouvelles règles(<160>).

Le Comité souscrit à la proposition contenue dans le document de consultation visant à promouvoir des communications ouvertes et utiles entre actionnaires.

21. Le Comité recommande d'apporter à la LCSA les modifications nécessaires pour encourager et faciliter les communications entre actionnaires.

CHAPITRE 6

OFFRES D'ACHAT VISANT À LA MAINMISE ET

TRANSFORMATIONS EN SOCIÉTÉ FERMÉE

INTRODUCTION

De façon générale, une offre d'achat visant à la mainmise ou offre publique d'achat est une «offre soumise à la totalité ou à la plupart des actionnaires en vue d'acquérir des actions d'une société à la suite de laquelle le pollicitant, s'il réussit, acquerra suffisamment d'actions pour contrôler la société visée»(<161>). La définition qu'en donne la Loi canadienne sur les sociétés par actions est quelque peu différente :

La pollicitation, y compris celle que fait une société émettrice de racheter ses propres actions, mais à l'exception des offres franches, que fait presque simultanément un pollicitant à des actionnaires en vue d'acquérir des actions qui, avec celles dont ce pollicitant et les personnes de son groupe ou avec lesquelles il a des liens ont, même indirectement, le contrôle ou la propriété effective, représentent plus de dix pour cent des actions d'une catégorie émises par la société pollicitée(<162>).

Les dispositions de la LCSA sur les offres d'achat visant à la mainmise figuraient dans la Loi sur les corporations canadiennes (1970) avant d'être intégrées à la LCSA en 1975(<163>). Elles ont pour principal objectif de protéger les droits et les intérêts des parties concernées, à savoir le pollicitant, les actionnaires et la société visée, entre autres :

en exigeant que des renseignements liés à la décision d'accepter ou de refuser l'offre soient communiqués aux actionnaires à qui est soumise une offre d'achat visant à la mainmise (pollicités);

en accordant aux pollicités un délai pour évaluer ces renseignements et prendre une décision éclairée;

en exigeant que soient communiqués au conseil d'administration de la société visée des renseignements liés à la décision de recommander l'acceptation ou le refus de l'offre;

en accordant au conseil d'administration de la société visée un délai pour évaluer l'offre;

en veillant à ce que l'offre est soumise à tous les actionnaires qui détiennent les actions visées; et

en exigeant que les actionnaires bénéficient d'une égalité de traitement à la fois en ce qui concerne le prix offert et le pourcentage de leurs actions qui sera pris en livraison advenant une offre partielle sursouscrite(<164>).

Les dispositions de la LCSA sur les offres d'achat visant à la mainmise s'appliquent à toutes les sociétés ouvertes ou comptant plus de 15 actionnaires. Les lois provinciales sur les valeurs mobilières régissent elles aussi les offres publiques d'achat. Par conséquent, lorsqu'une offre publique d'achat vise une société relevant de la LCSA, il faut respecter à la fois les dispositions de cette loi et celles des lois sur les valeurs mobilières des provinces où les actions de la société en question sont négociées(<165>).

En février 1996, Industrie Canada a publié un document de consultation sur les offres d'achat visant à la mainmise (La Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Offres d'achat visant à la mainmise) traitant de trois grandes questions : (1) l'abrogation des dispositions de la LCSA en la matière, (2) la modification des dispositions de la LCSA en la matière et (3) les mesures de défense. Ce document recommande de maintenir les dispositions de la LCSA et propose 23 modifications à leur apporter.

Dans l'ensemble, les témoins du Comité ont parlé surtout du seuil relatif aux offres d'achat visant à la mainmise, de l'allongement de la période minimale d'une offre et des mécanismes de défense. En conséquence, le reste du présent chapitre portera exclusivement sur ces questions.

SEUIL DES OFFRES D'ACHAT VISANT À LA MAINMISE

À l'heure actuelle, les dispositions de la LCSA s'appliquent si un pollicitant, après avoir fait une offre sur les actions d'une société, acquiert le contrôle ou la propriété de plus de 10 p. 100 des actions de n'importe quelle catégorie. Dans les lois provinciales, le seuil est de 20 p. 100. Selon le document de consultation, les offrants doivent normalement acquérir au moins 20 p. 100 des actions d'une société ouverte pour en prendre le contrôle(<166>).

Pour harmoniser les seuils des lois fédérale et provinciales, le document de consultation recommande de porter de 10 à 20 p. 100 le seuil de la LCSA(<167>).

Les témoins qui se sont exprimés sur cette question sont pour le relèvement du seuil à 20 p. 100. Le Comité a envisagé de maintenir le seuil fixé par la LCSA, mais les arguments en faveur de l'harmonisation sont persuasifs. Il se déclare donc en faveur de l'harmonisation des seuils des lois fédérale et provinciales.

22. Le Comité recommande de porter de 10 à 20 p. 100 le seuil des offres d'achat visant à la mainmise prévu par la LCSA.

B. Statu quo.

ALLONGEMENT DE LA PÉRIODE MINIMALE D'UNE OFFRE

A. Contexte

Les dispositions de la LCSA sur les offres d'achat visant à la mainmise établissent une distinction entre une «offre qui porte sur la totalité des actions» et une «offre qui ne porte pas sur toutes les actions». Dans les deux cas, le pollicité doit avoir au moins 21 jours après la date de l'offre pour déposer ses actions, mais les autres délais ne sont pas les mêmes. Dans le cas d'une offre portant sur la totalité des actions, il n'y a pas de délai pour le dépôt des actions tandis que dans le cas d'une offre ne portant pas sur toutes les actions, les actions doivent être déposées dans les 35 jours de la date de l'offre. La période minimale qui doit s'écouler avant qu'un polliciteur puisse prendre livraison des actions varie elle aussi. Elle est de dix jours pour les offres visant toutes les actions et de 21 jours pour celles visant une partie seulement des actions(<168>).

Le document de consultation note que les sociétés assujetties à la LCSA peuvent éprouver des difficultés du fait que la LCSA et les lois provinciales sur les valeurs mobilières ne prescrivent pas les mêmes délais. La LCSA, par exemple, prévoit une période minimale de dix jours au cours de laquelle les actionnaires pollicités peuvent retirer les actions déposées. Les lois provinciales prévoient une période de 21 jours(<169>).

Selon le document de consultation, les délais relativement courts de la LCSA ne permettent peut-être pas aux sociétés visées et à leurs administrateurs de bien analyser une offre, de faire des recommandations aux actionnaires ou de rechercher au besoin des offres concurrentes(<170>).

L'idée de porter à plus de 21 jours la période dont disposent les actionnaires pour étudier une offre n'est pas nouvelle. Comme le signale le document de consultation, en 1990, les administrateurs canadiens des valeurs mobilières ont proposé de porter de 21 à 35 jours la période minimale d'une offre ainsi que d'autres délais connexes. Il ajoute que, en septembre 1995, le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario a recommandé de modifier les lois provinciales sur les valeurs mobilières et la LCSA de manière à porter la période minimale d'une offre de 21 à 35 jours(<171>).

B. Moyens de défense - Pilule empoisonnée

Les propositions visant à rallonger la période minimale d'une offre sont aussi motivées par le recours croissant à la «pilule empoisonnée» ou au régime de droits des actionnaires. La pilule empoisonnée vise à faire échouer une offre d'achat non désirée ou de donner à la direction de la société plus de temps pour examiner l'une offre. Elle a pour effet d'allonger le délai de 21 jours dont disposent les actionnaires pour étudier une offre d'achat, les sociétés concernées en profitant le plus souvent pour offrir aux actionnaires, mais pas au polliciteur, des actions nouvelles à un prix bien inférieur au cours de manière à rendre prohibitif le coût de la prise de contrôle(<172>).

Un numéro récent de Business Quarterly(<173>) définit ainsi un régime de droits des actionnaires :

Dans un régime de droits des actionnaires, les détenteurs des actions ordinaires reçoivent un droit - une option d'achat - pour chacune de leurs actions. Les droits expirent à une date fixe et ne sont pas assortis d'un vote. Ils sont sans valeur à l'origine parce que le prix auquel ils peuvent être exercés est supérieur au cours de l'action. Ils s'échangent avec les actions de telle sorte qu'un actionnaire ne peut pas vendre un droit sans vendre l'action à laquelle il est rattaché [...]

Si un événement soi-disant déclencheur se produit, les droits peuvent se négocier séparément des actions. Au Canada, le déclencheur le plus courant est l'acquisition par un groupe ou un particulier (l'acquéreur) de plus d'un pourcentage donné des actions (seuil). Les droits peuvent alors servir à acheter des actions à 50 p. 100 de leurs cours. Cependant, les droits du groupe responsable de l'événement déclencheur deviennent nuls. Tous les actionnaires sauf l'acquéreur peuvent exercer leurs droits d'achat à la moitié du cours. Il s'ensuit une dilution substantielle des actions de l'acquéreur, ce qui rend une prise de contrôle extrêmement coûteuse.

Il existe essentiellement deux théories opposées sur les effets de la pilule empoisonnée. Certains affirment qu'elle sert les intérêts des actionnaires, car elle permet à la direction de bloquer une offre trop faible, de forcer le pollicitant à faire une offre plus alléchante ou de chercher une meilleure offre ailleurs. Selon cette théorie, la direction cherche ainsi à accroître le patrimoine des actionnaires(<174>).

La seconde théorie veut que la pilule empoisonnée serve davantage les intérêts des gestionnaires que ceux des actionnaires. Comme les cadres supérieurs et les administrateurs d'une société sont généralement remplacés après une prise de contrôle, les mesures conçues pour décourager ou bloquer une prise de contrôle servent en fait à protéger leurs postes(<175>).

Les premières formes de la pilule empoisonnée étaient souvent critiquées par les actionnaires parce qu'elles donnaient une trop grande latitude aux gestionnaires. Il semble que, au Canada, les pilules empoisonnées soient aujourd'hui moins onéreuses et plus acceptables par les actionnaires.

Plusieurs témoins se sont dits d'avis que l'on avait supprimé les pires inconvénients des pilules empoisonnées. L'un d'entre eux a noté qu'elles ont beaucoup changé depuis deux ou trois ans, surtout à la suite des réserves exprimées par les investisseurs institutionnels(<176>).

M. Jean-Claude Delorme s'est exprimé en ces termes :

Pour ce qui est des «shareholder rights plans», ou les pilules empoisonnées particulièrement, je crois que la situation a beaucoup évolué depuis que l'on a eu les premières pilules empoisonnées au début des années 80. Un grand nombre d'entreprises ont des plans maintenant, des plans soi-disant de droits des actionnaires, qui sont essentiellement acceptables comparativement à ce qu'ils étaient il y a 10 ou 15 ans.

Je crois qu'ici, la tendance des actionnaires est dans le sens où l'on accepte des plans de ce type dans la mesure où ils ont pour effet simplement de prolonger la période pendant laquelle une offre publique d'achat peut être valable.

Or, la loi prescrit que ce délai doit être d'un minimum de 21 jours. Dans certains cas, on s'y conforme. Dans d'autres cas, les circonstances exigeraient, ne serait-ce que pour le bénéfice des actionnaires ou à cause de la complexité des choses, une période un peu plus longue.

On pourrait peut-être considérer la possibilité de prolonger ce délai, par exemple, à 45 jours(<177>).

Un autre témoin a expliqué comment sa société avait modifié sa pilule empoisonnée après en avoir discuté avec les actionnaires :

Dans ce que nous appelons notre «pilule empoisonnée», nous avons commencé par 90 jours. Nous avons maintenu cette disposition pendant cinq ans, de 1990 à 1995. Au moment du renouvellement, au cours des négociations avec les actionnaires institutionnels, il nous a fallu ramener ce délai à 75 jours. Ils ont voté pour cette mesure parce que nous sommes parvenus à les convaincre qu'il n'est pas possible en moins de 75 jours de procéder à une évaluation d'une société internationale comme la nôtre(<178>).

Les témoins trouvent en général que la période de 21 jours dont disposent les actionnaires pour déposer leurs actions à la suite d'une offre publique d'achat est trop courte. Pour certains, la pilule empoisonnée sert à obvier à cet inconvénient; autrement dit, elle sert à allonger la période de 21 jours et à donner ainsi le temps nécessaire pour bien analyser une offre ou contrer une offre publique d'achat. Un témoin a même soutenu que le maintien du délai à 21 jours contribue à encourager le recours à la pilule empoisonnée(<179>). Un autre est d'avis que les régimes de droits des actionnaires ne servent qu'à gagner du temps et qu'il y aurait peut-être moins de pilules empoisonnées si la période était portée à 45 jours(<180>).

Si l'on s'entend en général sur le fait que la période de 21 jours est trop courte, les avis sont partagés sur la durée idéale. Le document de consultation recommande d'accorder au pollicité au moins 45 jours pour déposer ses actions à compter de la date de l'offre. Certains témoins estiment que cette période serait acceptable, mais d'autres penchent pour une période moins longue.

Un des témoins estime au contraire qu'il n'est pas nécessaire de légiférer pour régler le problème. Selon lui, les régimes de droits des actionnaires sont la solution à ce problème.

Les règles qui régissent les offres publiques d'achat prévoient un délai de 21 jours avant que les gens puissent souscrire à des actions et les payer. Or, on fait toujours remarquer que pour une grosse multinationale, un délai de 21 jours n'est pas suffisant pour lui permettre de réagir utilement, c'est-à-dire constituer l'avoir des actionnaires et tester les solutions de rechange sur le marché.

Tout le monde en est conscient, mais le délai de 21 jours avait simplement pour but de donner aux actionnaires de la société cible le temps d'absorber l'information contenue dans l'offre. Ce délai ne visait pas à permettre aux actionnaires et au conseil d'administration visés de gérer les affaires de la société. C'est une responsabilité qui incombe à la société.

Le milieu a alors fait preuve de créativité. Il a conçu le régime de droits des actionnaires par opposition à la pilule empoisonnée et a réussi à trouver une solution aux problèmes d'obligations fiduciaires des administrateurs visés. Certaines sociétés ont besoin de 90 jours, d'autres de 60 jours et d'autres encore de quatre ou cinq mois, mais c'est une solution élaborée par le secteur privé et pouvant être adaptée aux circonstances de chaque société. Elle n'a pas à être inscrite dans une loi. Le milieu l'a trouvée lui-même. Ce sont les sociétés qui ont trouvé ce mécanisme. Les actionnaires ont la possibilité de se prononcer à ce sujet. S'ils ne sont pas d'accord, ils négocient avec le conseil d'administration de la société et s'entendent sur un délai qui leur convient, que ce soit 30, 60 ou 90 jours. Si je signale ce point, c'est qu'il s'agit d'un exemple où, selon moi, une solution du secteur privé est plus souple et efficace qu'une solution législative(<181>).

Le Comité note que les sociétés assujetties à la LCSA peuvent éprouver des difficultés du fait que les lois provinciales sur les valeurs mobilières et la LCSA prévoient des délais différents et que les actionnaires et la direction n'ont pas toujours suffisamment de temps pour bien étudier une offre.

La pilule empoisonnée et le régime de droits des actionnaires servent à gagner du temps. L'étude de la situation donne cependant à penser que le recours à ces mécanismes ne serait sans doute pas aussi répandu si la période minimale d'une offre était portée à plus de 21 jours. Le Comité a envisagé le maintien de la période minimale d'offre actuelle, mais après discussion, il a conclu qu'une période plus longue serait plus avantageuse pour les actionnaires.

23. Le Comité recommande de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions de manière à porter à 45 jours la période minimale d'une offre d'achat visant à la mainmise.

24. Le Comité recommande de prescrire par règlement la période minimale d'une offre.

LES TRANSFORMATIONS EN SOCIÉTÉ FERMÉE

A. Introduction

En août 1995, Industrie Canada a publié le document de consultation Les transformations en société fermée(<182>) (document de consultation sur les TSF) dans le cadre de son examen de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Selon ce document, l'expression «transformation en société fermée» ou «TSF» est «une expression générique qui s'applique à différentes opérations de sociétés. Ces opérations ont pour résultat la suppression, moyennant compensation, de la participation d'un actionnaire dans le capital-actions de la société, mais sans le consentement dudit actionnaire et sans substitution d'un droit de valeur équivalente dans une valeur mobilière participante de la société ou d'une tierce partie»(<183>).

Les diverses formes de TSF ne sont pas toutes visées ou permises par la LCSA. L'article 206 de la loi énonce les règles relatives aux acquisitions obligatoires. Il permet à un pollicitant qui a obtenu 90 p. 100 des actions visées par une OPA d'acquérir le reste des actions au prix initialement proposé dans l'offre. Le pollicité peut accepter l'offre ou décider d'exiger le paiement de la juste valeur de ses actions. Dans les deux cas, le pollicitant devient propriétaire des actions dès qu'il paie la contrepartie à la société.

Le document de consultation sur les TSF signale que l'ancien directeur au sens de la LCSA était d'avis que les acquisitions obligatoires étaient les seules transformations en société privée autorisées par la LCSA(<184>). En 1994, cette politique a été remplacée par une politique qui autorise les TSF lorsque l'on peut garantir l'équité de ces opérations(<185>).

Le document de consultation examine les cinq questions suivantes liées aux transformations en société fermée :

Y a-t-il lieu de modifier la LCSA de façon à y autoriser expressément les TSF et à prescrire des critères d'équité?

Si la LCSA est modifiée de façon à énoncer expressément les normes d'équité à l'égard des TSF, quelles devraient être ces normes?

Les TSF devraient-elles être autorisées dans le cas des sociétés privées? Si oui, dans quelles conditions?

La LCSA devrait-elle être modifiée de façon à confirmer que les regroupements d'actions donnent ouverture à l'exercice des droits à la dissidence et à l'expertise?

Y a-t-il lieu de modifier la LCSA de façon à autoriser les acquisitions obligatoires?

B. Opinions des témoins

Peu Un petit nombre de témoins ont parlé des transformations en société fermée.

Le président de la commission des valeurs mobilières de l'Alberta estime que les transformations en société fermée ne sont pas en soi bonnes ou mauvaises. Ce qui importe selon lui, c'est une bonne divulgation de l'information(<186>). Le président-directeur général du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario est d'avis que les réformes proposées «s'inscrivent dans le cadre des efforts pour mettre davantage l'accent sur l'auto-réglementation des sociétés, les actionnaires institutionnels étant appelés à jouer le rôle critique pour ce qui est de veiller à ce qu'on obtienne des résultats acceptables»(<187>).

L'exposé le plus détaillé a été celui du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario (OMERS). L'OMERS tient surtout à protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Son président-directeur général estime que :

...les pratiques actuelles en matière d'évaluation et d'opinion sur l'équité, malgré de grandes améliorations, demeurent déficientes de ce point de vue. Nous recommandons au comité de faire en sorte qu'on demande toujours des évaluations au cours de ce processus, et qu'elles soient effectuées par des évaluateurs indépendants, qualifiés et sans conflits d'intérêts, et qu'il existe une obligation de divulgation de l'information aux actionnaires minoritaires de sorte que, peu importe qui représente le processus, les actionnaires minoritaires eux-mêmes puissent être bien informés(<188>).

Dans le cas de toute entreprise qui veut devenir une société fermée, la loi devrait stipuler qu'il faut présenter des évaluations. Nous croyons que la loi devrait préciser que ces évaluations doivent être effectuées par des gens compétents(<189>).

Le Comité note qu'il se fait des améliorations en matière de divulgation des transformations en société fermée. Jointes aux normes récemment proposées concernant les évaluations et les opinions sur l'équité du prix offert, ces améliorations vont sans doute rehausser les normes en la matière.

25. Le Comité recommande de ne pas modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions en ce qui concerne les transformations en société fermée.

CHAPITRE 7

LA RÉGIE DES SOCIÉTÉS ET LES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

A. Contexte

Les spécialistes de la régie des sociétés et les décideurs s'intéressent de plus en plus aux investisseurs institutionnels parce que ceux-ci occupent une place grandissante sur le marché des valeurs mobilières et qu'ils prennent une part plus active qu'avant à la régie des sociétés.

Les caisses de retraite privées et publiques, les fonds communs de placement, les banques et quasi-banques, les compagnies d'assurance et les fondations publiques et privées sont des investisseurs institutionnels. Aux États-Unis, ils détenaient, à la fin de 1990, plus de six billions de dollars US, soit 45 p. 100 de tous les actifs financiers comparé à 21 p. 100 en 1950. Sur le marché des actions, leur part est passée de 23 p. 100 en 1955 à 53 p. 100 en 1992. Aux États-Unis, les investisseurs institutionnels détiennent pour plus d'un billion de dollars US d'actions, dont 90 p. 100 sont entre les mains de caisses de retraite privées, publiques et syndicales. Cela signifie que les caisses de retraite possèdent 47 p. 100 de la totalité des actions aux États-Unis, ce qui explique pourquoi elles ont été à l'avant-garde de l'activisme institutionnel.

La position des investisseurs institutionnels est à peu près la même au Canada. À la fin de 1993, la valeur comptable des actifs financiers des caisses de retraite administrées par des fiduciaires, des fonds communs de placement, des compagnies d'assurance, des banques et des quasi-banques atteignait 1 283 milliards de dollars, dont 142 milliards de dollars en actions. [...] Les caisses de retraite publiques et privées au Canada contrôlent collectivement des éléments d'actif dont la valeur comptable atteint près de 250 milliards de dollars et un portefeuille d'actions dont la valeur comptable atteint 70 milliards de dollars. Mentionnons qu'au Canada, la part des actions en circulation détenue par des investisseurs institutionnels n'atteint que 35 p. 100 contre 53 p. 100 aux États-Unis. Néanmoins, ces portefeuilles institutionnels sont très importants.

Ce dernier chiffre paraît plus impressionnant quand on tient compte du manque de liquidités relatif du marché canadien des actions. On estime que seulement 5,3 p. 100 des actions échangées à la Bourse de Toronto peuvent être considérées comme des titres d'entreprises à propriété dispersée. La plupart des actions (59,4 p. 100) des entreprises inscrites à la Bourse de Toronto s'échangent sur des marchés peu liquides, ce qui accroît le prix du mécanisme de sortie. [On pense aussi] qu'entre 50 et 60 p. 100 des actions des entreprises à propriété dispersée pour lesquelles il y a un marché actif sont entre les mains d'investisseurs institutionnels. Ainsi, la taille et la puissance des investisseurs institutionnels, tant aux États-Unis qu'au Canada, ont augmenté sensiblement au cours des trente dernières années.

Aux États-Unis, cette évolution s'est accompagnée d'un appel en faveur d'une intervention plus active des investisseurs institutionnels dans la régie des entreprises. Au Canada comme aux États-Unis, l'importance croissante des investisseurs institutionnels sur le marché des actions a entraîné une sensibilisation accrue aux problèmes de régie et aux avantages que pourrait comporter, pour les actionnaires, une intervention institutionnelle plus énergique. La vague de fusions et de prises de contrôle qui a déferlé sur le Canada durant les années 80 et les tentatives subséquentes des gestionnaires d'entreprises en vue d'adopter des stratégies axées sur la pilule empoisonnée, a suscité un intérêt à l'égard des questions de régie et de protection des actionnaires minoritaires (<190>).

Jeffrey MacIntosh, qui a longuement étudié le rôle des investisseurs institutionnels au Canada, résume les façons dont les investisseurs institutionnels peuvent exercer leur influence :

Voter contre l'avis des gestionnaires (souvent de concert avec d'autres investisseurs institutionnels).

Menacer d'exercer leurs droits de dissidence.

Intenter une action en justice pour faire interdire une transaction.

Obtenir l'appui des responsables de la réglementation du commerce des valeurs mobilières afin d'empêcher une transaction.

Exprimer publiquement leur insatisfaction à l'égard des dirigeants ou des orientations qu'ils recommandent.

Chercher à obtenir les procurations nécessaires pour déloger les dirigeants (dans de rares cas).

Appuyer des regroupements d'institutions (comme l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite) et les courtiers à ristourne (comme Fairvest Securities) qui appuient activement la cause des investisseurs institutionnels.

Élaborer des lignes directrices sur la façon dont les votes seront exercés par procuration, individuellement ou par l'intermédiaire d'organisations représentatives, en traitant de questions telles que les pilules empoisonnées, la rémunération des dirigeants, les actions privilégiées «carte blanche», etc.

Rencontrer les dirigeants, individuellement ou en groupe, pour discuter de leurs sujets de préoccupation(<191>).

Il a aussi examiné les facteurs qui tendent à limiter la capacité d'intervention des investisseurs institutionnels :

Les investisseurs institutionnels ne sont pas à l'abri des problèmes d'abstentionnisme (la hausse de la valeur de l'entreprise profitera aux actionnaires qui ne contribuent pas à l'effort et, notamment, elle pourrait profiter aux rivaux de l'institution).

Il peut y avoir cooptation des investisseurs institutionnels par les dirigeants (une banque pourrait voter avec les dirigeants de crainte de perdre les dépôts et/ou les prêts commerciaux de l'entreprise).

Les gestionnaires de caisses de retraite pourraient adopter une «règle d'or», soit un arrangement mutuel par lequel les gestionnaires de fonds nommés par la direction d'une entreprise s'abstiendront de tout activisme en retour d'un comportement semblable de la part d'autres gestionnaires de fonds.

Les pressions politiques exercées sur les caisses de retraite publiques.

Une capacité de surveillance limitée à cause de l'étendue des portefeuilles, d'un personnel restreint et d'une capacité limitée d'intervenir activement dans la gestion.

La nécessité ou le désir de maintenir des portefeuilles liquides, menant à l'acquisition de petits blocs d'actions sans influence significative sur le vote.

Les contraintes juridiques ou institutionnelles appliquées aux activités de surveillance.

Les problèmes d'encadrement dans les institutions qui investissent dans les entreprises.

Une culture institutionnelle marquée par la «passivité».

La crainte de représailles politiques à la suite d'une intervention trop directe dans les activités des entreprises.

La crainte que les démarches entreprises auprès d'autres actionnaires pour discuter de certaines préoccupations au sujet de la direction ne déclenche une «ruée vers la sortie» qui entraînerait une chute du cours des actions.

Les conflits possibles au niveau des responsabilités fiduciaires entre la nécessité de maximiser la valeur de la caisse de retraite et celle de l'entreprise, lorsque les gestionnaires de la caisse de retraite deviennent administrateurs de cette dernière.

La prolifération des actions sans droit de vote au Canada.

La difficulté d'identifier les autres actionnaires.

Les pilules empoisonnées(<192>).

MacIntosh et Schwartz concluent que, dans l'ensemble, les données théoriques et empiriques recueillies aux États-Unis confortent ceux qui estiment que les actionnaires institutionnels augmentent la valeur d'une société. Leurs recherches tendent à montrer qu'il en va de même au Canada. «Nos données appuient aussi dans une certaine mesure l'hypothèse selon laquelle la surveillance exercée par les investisseurs institutionnels réduit le risque que les actionnaires dominants se livrent à des opérations de redistribution de la richesse»(<193>).

Enfin, Patry et Poitevin tirent la conclusion suivante de leur recherche :

Manifestement, les possibilités qu'offre l'activisme institutionnel sont beaucoup moins grandes au Canada qu'aux États-Unis. Le nombre de sociétés à propriété dispersée est plus restreint au Canada, ce qui limite le nombre de cas où les investisseurs institutionnels pourraient jouer un rôle de pivot. Pour la plupart des investisseurs et dans la plupart des circonstances, une attitude passive est le choix rationnel à faire. Nous croyons aussi que le bon sens pointe en direction des caisses de retraite publiques et privées comme candidates les plus prometteuses en matière d'activisme, de surveillance et d'intervention auprès des gestionnaires.

Nous sommes d'avis que les faiblesses observées dans la régie des caisses de retraite doivent être résolues avant que nous puissions espérer améliorer de façon significative l'organisation interne de ces caisses et donc tirer un dividende d'une meilleure régie des entreprises canadiennes.

Étant donné que les caisses de retraite pourraient jouer, dans un avenir rapproché, un rôle plus important au niveau de la régie des entreprises canadiennes, nous pensons que les questions génériques liées au processus et aux procédures sont celles qui ont le plus de chances de surgir. Nous faisons aussi l'hypothèse que les caisses de retraite préféreront des modes d'intervention informels aux modes formels, ainsi que des stratégies de conciliation à des stratégies de confrontation sur les questions de régie d'entreprise. Des progrès rapides pourraient être faits si les plus importantes caisses trouvaient des moyens de coordonner leur position. Une analyse détaillée des portefeuilles d'actions des 20 plus importantes caisses de retraite, par exemple, pourrait éclairer cette question(<194>).

B. Opinions des témoins

Un témoin a soutenu que :

[...] les investisseurs institutionnels pourraient critiquer davantage les entreprises qui ne sont pas performantes. [...] Les actionnaires devraient manifester leur mécontentement en privé. Ensuite, ils doivent le faire en public(<195>).

En fait, un témoin a déclaré :

[...] ce qui m'irrite depuis toujours, c'est le fait qu'un bon nombre de gros actionnaires ne remplissent même pas la circulaire de procuration. J'ai entendu toutes sortes d'excuses, toutes inacceptables. Si je suis une institution et que je détiens des actions pour votre compte, je deviens alors votre fondé de pouvoir et je dois considérer ces actions comme une sorte de «fiducie», et je dois m'en servir pour voter pour ou contre les administrateurs qu'on propose, dans un sens ou dans l'autre, et ce qui m'irrite profondément, c'est de voir des investisseurs qui ne participent pas à la gestion des entreprises(<196>).

Le Canada est en retard sur les États-Unis à cet égard.

Un témoin a cité le cas de CalPERS (California Public Employees' Retirement System) :

CalPERS de la Californie est sans doute un pionnier dans le domaine de la performance des sociétés. Ses positions énoncées avec beaucoup de fermeté et sa démarche extrêmement conséquente en ce qui concerne les sociétés ont eu pour effet d'amener certaines sociétés à remplacer leur directeur général. N'eût été la présence de cet investisseur très énergique, je ne suis pas sûr que les principes relatifs à l'administration des sociétés auraient connu les progrès qu'ils ont connus dans d'autres pays depuis quelques années(<197>).

Selon certains témoins, les investisseurs institutionnels commencent à jouer un rôle nouveau et élargi dans les sociétés canadiennes. Le chef de la direction de BCE Inc. :

Notre plus gros actionnaire nous a dernièrement rendu visite avec une liste de questions très structurée dont beaucoup concernaient la régie de notre entreprise. Il s'intéressait au genre de choses examinées par le conseil d'administration et au rôle réel de celui-ci au niveau des décisions d'orientation stratégique de l'entreprise. C'est le nouveau dada des investisseurs institutionnels(<198>).

D'autres témoins ont confirmé cette observation.

Ils essaient de faire plus que cela. J'ignore dans quelle mesure ils le font de façon efficace ou avisée, parce qu'ils sont limités par leurs propres contraintes. Certains investisseurs institutionnels – je songe à la Caisse et à l'OMERS – préparent une liste de choses qu'ils n'aiment pas. Par exemple, ils n'aiment pas les actions A et B. Ils n'aiment pas que quelqu'un ait plus d'influence que quelqu'un d'autre, ou que des catégories différentes d'actionnaires élisent des catégories différentes d'administrateurs(<199>).

Ce que dit ce témoin, en fait, c'est que la participation accrue des investisseurs institutionnels – Caisse de dépôt, fonds de pension, fonds communs de placement – est actuellement le facteur qui influe le plus sur le marché des valeurs mobilières. (On trouvera à l'annexe 4 la liste des plus importants fonds du Canada.)

L'institutionnalisation de la participation a déjà eu une incidence profonde sur le marché boursier canadien et le système de régie des sociétés. Cette tendance a inspiré un grand nombre, la majorité en fait, des changements importants auxquels nous avons assisté ces dernières années dans les domaines de la régie des sociétés, du comportement des administrateurs et du droit des sociétés(<200>).

Les témoins représentant les investisseurs institutionnels signalent que les institutions investissent à long terme et qu'elles possèdent des intérêts substantiels dans les sociétés canadiennes. Elles ont la volonté et les moyens de surveiller la qualité et l'efficacité des dirigeants et des administrateurs des sociétés. Cette tâche ne convient pas aux gens qui placent de l'argent à court terme et aux petits investisseurs. En théorie, les gros actionnaires font un travail qui sert les intérêts des petits actionnaires.

Un témoin a cité un cas où un actionnaire majoritaire

croyait pouvoir vendre ses parts pour une somme égale à dix fois plus que ce qu'auraient obtenu les actionnaires minoritaires s'ils avaient eu le même nombre d'actions, et on avait même prévu une entente selon laquelle, si l'un des partenaires vendait à un tiers, le second partenaire devait en faire autant. Les régimes de retraite ont décidé de prendre position publiquement et se sont payé une pleine page de publicité dans le Globe & Mail où ils réclamaient justice. Les actionnaires minoritaires ont eu gain de cause. C'est toutefois l'exception(<201>).

Selon ce témoin, dans ce cas particulier, les petits investisseurs auraient été impuissants et l'intervention des investisseurs institutionnels leur a été bénéfique. Il a ajouté :

J'estime que l'intérêt du grand actionnaire est semblable à celui du petit actionnaire, et qu'il est faux de croire que le grand actionnaire a une stratégie secrète qui n'est pas dans l'intérêt du petit actionnaire. Lorsque tel est le cas, c'est tout à fait illégal(<202>).

Un autre témoin cependant n'était pas de cet avis :

Je ne pense pas que ce soit aux investisseurs institutionnels qu'il appartienne d'être les chiens de garde des sociétés canadiennes, mais il ne fait aucun doute que, du fait qu'ils connaissent davantage le milieu et qu'ils ont plus de ressources à leur disposition, ils pourront faire des placements qui profiteront aux autres actionnaires. Les investisseurs institutionnels devraient jouer ce rôle de chien de garde au regard des placements qu'ils font eux-mêmes dans des sociétés données, car ce ne sont pas tous les investisseurs qui ont les mêmes intérêts ou objectifs en matière d'investissement ou de répartition des éléments d'actif. Aussi, je vois mal comment un investisseur institutionnel ou la communauté des investisseurs institutionnels pourrait intervenir au nom des investisseurs en général(<203>).

Ce n'était pas toujours le cas dans le passé, car beaucoup de gros actionnaires tenaient à administrer la société uniquement dans leur propre intérêt. Ils avaient des intérêts à protéger dans un régime qui leur était avantageux. Les nouveaux investisseurs institutionnels en revanche sont indépendants et s'intéressent à des objectifs de valeur à long terme.

Les fonds de pension, auxquels la loi interdit de posséder plus de 30 p. 100 des actions avec droit de vote d'une société, affirment qu'ils ne cherchent pas à contrôler les sociétés. Dans la plupart des cas, ils ne veulent même pas être représentés au conseil d'administration. Il reste cependant qu'une part de 5 p. 100 seulement des actions d'une société peut parfois permettre à l'actionnaire d'exercer une grande influence.

Il y a d'autres façons de participer activement à la régie d'entreprise.

Dans la plupart des cas, la première manière consiste à vendre, ce qui donne d'ailleurs un excellent signal au marché. Nous possédions des actions d'une société canadienne, que nous ne nommerons pas non plus, qui comptait trop d'options. Nous avons décidé de vendre. Évidemment, le président ne s'est pas ravisé la journée même, mais je suis certain que cela lui a donné à réfléchir dans les semaines qui ont suivi, lorsqu'il a vu qu'un actionnaire responsable avait estimé que ce qu'il avait fait était excessif. Et croyez-moi, c'était effectivement excessif. Vous seriez étonnés si je vous donnais les chiffres.

En vendant des actions, on envoie un message aux dirigeants. Ils ont constamment besoin de capitaux supplémentaires. Pour les obtenir, ils doivent s'adresser au marché des obligations et ils ont besoin du soutien des marchés financiers; par conséquent, lorsque les fonds communs de placement, les sociétés d'assurance, les caisses de retraite, les actionnaires bien nantis et même les petits épargnants se mettent à vendre leurs actions, c'est une indication très claire pour les gestionnaires. Cela ne leur plaît pas. Cela fait baisser le cours des actions et réduit leur accès au capital. Ils veillent donc à faire disparaître les frictions (<204>).

D'autres estiment que cela n'est pas toujours possible. Lorsqu'un témoin a demandé à des investisseurs institutionnels pourquoi ils ne vendaient pas leurs parts s'ils n'étaient pas satisfaits, on lui a fait la réponse suivante :

La réponse comportait deux volets. Premièrement, cela ne suffit pas. Nous estimons avoir, à l'endroit de ceux qui nous ont confié leur argent, une obligation autre que celle de placer un ordre de vente massif, en supposant même que nous puissions le faire sans que cela se répercute sur le marché. Le fait est que nos investissements sont tels que nous ne pouvons placer un ordre de vente massif sans réduire la valeur des actions. Nous risquerions ainsi de manquer à notre devoir envers ceux qui nous ont fait confiance.

Deuxièmement, nous avons dans ce pays des règles sur les biens étrangers qui nous obligent à investir un certain pourcentage de nos fonds dans des valeurs mobilières canadiennes. Il y a si peu de valeurs mobilières qui peuvent faire l'objet de tels investissements par rapport aux fonds énormes dont nous disposons que, obligation fiduciaire ou non, nous sommes obligés de nous comporter en investisseur actif. Nous ne pouvons, à toutes fins pratiques, sortir du dilemme en vendant(<205>).

Il semble donc inévitable que les investisseurs institutionnels jouent un rôle de plus en plus grand dans la régie des sociétés.

Dans le contexte actuel, où les institutions continuent à jouer un rôle important dans la régie des sociétés, demandant des comptes aux dirigeants, aux administrateurs et aux gros actionnaires actifs, il devient moins nécessaire de passer par la voie réglementaire pour assurer la bonne administration des sociétés(<206>).

[...]

Il est souvent arrivé ces dernières années que notre fonds de pension s'inquiète du rendement d'une société ou s'oppose à une de ses décisions ou encore souhaite avoir son mot à dire dans les politiques qu'elle adopte. Dans ces cas-là, nos employés font des recherches rigoureuses et demandent souvent discrètement conseil aux dirigeants et aux administrateurs de la société(<207>).

Le représentant du Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario a dit qu'il avait demandé à plusieurs conseils d'administration d'envisager des changements à la direction de la société, mais cela uniquement après une recherche poussée.

Les représentants de la Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario (OMERS) et du Régime de pensions du Canadien national ont dit que c'était là l'attitude qu'ils avaient adoptée eux aussi : agir discrètement en coulisse. M. Sillcox de l'OMERS a déclaré :

Nous avons surtout été réactifs en matière de régie des sociétés. Si nous regrettons quelque chose, c'est de ne pas avoir pris davantage les devants. Mais si nous l'avions fait, nous l'aurions fait en privé. Des questions se sont posées au sujet d'une industrie et je suis assez bien informé pour savoir comment les choses se passeront. Cela se fera sans bruit. Il faudra des années pour changer les choses, car ces changements ne seront pas acceptés du jour au lendemain. La situation va s'améliorer. Nous nous retrouvons tous un peu plus sous les feux des projecteurs. Ce n'est pas agréable, mais c'est quelque chose que nous devons faire. Nous n'allons pas discuter de ces choses-là en public si ce n'est pas nécessaire. Si nous devons le faire du fait que les négociations ont échoué, nous divulguerons les faits, mais seulement en dernier ressort, pour tenter de rectifier la situation. Ou bien c'est vous qui avez tort ou la cible est mal choisie. C'est quelque chose qui ne se produit pas souvent sur le marché canadien. C'est peut-être parce que le marché est tellement petit et que nous nous connaissons assez bien les uns les autres(<208>).

M. Cedraschi du Régime de pensions du Canadien national a exprimé des vues analogues :

Si je détiens un pourcentage important des parts d'une société, et c'est habituellement une société canadienne, je peux vendre, solution que je continue de privilégier, mais je peux aussi appeler le directeur général et dire : «Pourrions-nous avoir un entretien d'une demi-heure; je voudrais vous faire part de mes inquiétudes». Lorsque j'agis ainsi, je suis certain que d'autres investisseurs en font autant. Si vous connaissez l'un des administrateurs, vous pouvez vous adresser à lui ainsi : «Est-ce que la situation ne vous préoccupe pas?»

En général, il est préférable d'agir ainsi que de signaler la situation au New York Times pour obtenir beaucoup de publicité. En fait, après un appel téléphonique d'un actionnaire important représentant un grand régime de retraite comptant 55 000 retraités et une vingtaine de milliers d'employés, pas un seul directeur général refusera de fournir une explication. À mon avis, l'approche discrète est la plus efficace.

Ce n'est pas une bonne chose que de voir les actionnaires et les gestionnaires se quereller en public. Cela donne une mauvaise image du système capitaliste. Il est parfois préférable de faire preuve de discrétion (<209>).

Dans l'ensemble, donc, on estime que

Au Canada, les investisseurs institutionnels sont moins visibles et se font moins entendre. D'après mon expérience, ceux qui s'intéressent activement à la gestion de leur portefeuille ont des rencontres régulières avec la direction des sociétés dans lesquelles ils ont des intérêts. À ces rencontres, on entre généralement dans les détails parce que les analystes qui représentent les investisseurs institutionnels connaissent normalement très bien non seulement la société, mais son secteur d'activité. Très peu de ces investisseurs cherchent toutefois à attirer l'attention des médias sur leur position ou sur l'évaluation qu'ils font des sociétés en question. Au Canada, les investisseurs institutionnels – et je veux parler ici de ceux qui s'intéressent de façon active à la gestion de leur portefeuille – sont tout aussi persévérants que dans d'autres pays, mais peut-être un peu plus discrets(<210>).

Ce que le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario n'a pas réussi à faire, mais voudrait faire, c'est de discuter avec les autres actionnaires de la politique de la société. Aux termes de la loi actuelle, il faut d'abord préparer une circulaire de sollicitation dissidente. Aux États-Unis, cela n'est plus nécessaire, car la loi a été modifiée en 1992 pour faciliter les communications entre actionnaires. On semble satisfait de ce changement. Voir à ce sujet le chapitre 5.

Étant donné les ressources considérables des investisseurs institutionnels et le fait que ceux-ci ont accès aux cadres supérieurs des sociétés, il y a lieu de se demander si les investisseurs institutionnels ont accès à des renseignements d'«initiés». Les représentants des investisseurs institutionnels comme ceux des sociétés qui ont comparu devant le Comité ont affirmé que ce n'était pas le cas et que chacune des parties se gardait bien de divulguer des renseignements d'initiés.

Les représentants d'investisseurs institutionnels ont admis que certains renseignements pourraient être divulgués durant des échanges entre investisseurs institutionnels ou entre des investisseurs institutionnels et des sociétés, mais que cela ne serait pas facile à contrôler.

Je ne sais pas bien jusqu'où irait un système dans lequel il faudrait annoncer que vous allez rencontrer quelqu'un en face ou rapporter que vous avez rencontré quelqu'un par hasard à un déjeuner d'affaires ou à une audience d'un comité sénatorial. Je crois que nous nous créerions ainsi un tas de difficultés(<211>).

Il ne faudrait pas, selon eux, que la surveillance nuise à l'investissement ou compromette le rendement des bénéficiaires des fonds.

Les vues exprimées concordent donc généralement avec les résultats de recherche décrits précédemment. Les investisseurs institutionnels jouent un rôle croissant dans la régie d'entreprise au Canada. Il sera particulièrement intéressant d'observer l'effet que les pressions exercées par les grands investisseurs institutionnels auront sur les sociétés ouvertes en matière de régie d'entreprise.

Un témoin :

Je crois que les principes de régie sont génériques. Il serait très facile de prendre certains des principes que nous énumérons dans ce rapport et de les adapter à d'autres organismes. Je sais que des organismes sans but lucratif ont examiné de près ces principes. Je sais que les sociétés d'États les examinent. Je ne crois pas qu'il serait si difficile pour les caisses de retraite d'élaborer un ensemble de lignes directrices qui seraient applicables à leur propre régie interne.

Il y a un vide ici. C'est presque du déjà-vu. Ce secteur de la communauté financière se voit offrir l'occasion de prendre les devants en examinant de près sa régie et de contrôler le plan d'action, mais il doit le faire de façon constructive pour régler certains des problèmes que vous avez fait ressortir(<212>).

Enfin, quand on lui a demandé si l'on pourrait imaginer des règles régissant les investisseurs institutionnels qui seraient aussi utiles que celles qui régissent la Bourse de Toronto, un témoin a répondu ceci :

Pour le moment, je ne le pense pas [...] La situation actuelle me paraît acceptable. Je ne proposerais pas de directives mais je pense que vous devriez signaler dans votre rapport la possibilité d'un problème à ce sujet, étant donné les différences appréciables de la structure de l'investissement au Canada par rapport à d'autres pays. Jusqu'ici je ne vois pas de raison particulière de s'inquiéter, mais il pourrait y avoir des problèmes [...]. À mon avis, il n'est pas nécessaire de s'y attaquer maintenant, mais j'ai l'impression que cela pourrait changer(<213>).

C. Opinions du Comité

Le Comité note avec intérêt le rôle grandissant des investisseurs institutionnels, notamment les caisses de retraite et les fonds communs de placement, dans l'économie en général et dans la régie des sociétés en particulier. Ces institutions grossissent rapidement, et leur impact économique progresse avec leur actif. En outre, l'impression est répandue que les investisseurs institutionnels ont un accès privilégié à l'information. On a aussi soulevé des questions sur les règles qui s'appliquent à la régie des investisseurs institutionnels.

26. Le Comité recommande au gouvernement de constituer d'ici à deux ans une base de données qui permette d'analyser l'influence des investisseurs institutionnels sur les marchés en général et sur la régie des sociétés en particulier.

LA RÈGLE SUR LES BIENS ÉTRANGERS

A. Contexte

Il y a une règle qui influe beaucoup sur les politique de placement des fonds de pension canadiens et pourrait donc aussi influer sur la régie des sociétés. Il s'agit de la règle sur les biens étrangers qui plafonne à 20 p. 100 la proportion des titres étrangers détenus dans les REER et les fonds de pension des Canadiens. (Le plafond est passé de 10 à 20 p. 100 au cours des six dernières années.)

La règle sur les biens étrangers a été instituée pour diriger les ressources vers les émetteurs d'actions et d'obligations du Canada et éventuellement vers l'industrie canadienne des services financiers. Cette politique repose sur la prémisse que, en l'absence de plafond, les émetteurs de titres, les souscripteurs et les distributeurs au Canada ne pourraient pas attirer des investisseurs à un «prix» acceptable.

L'auteur d'une étude commandée par l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite et l'Institut des fonds d'investissement du Canada dit n'avoir aucunement l'intention de débattre de la valeur de cette règle au moment où elle a été instituée il y a 25 ans, mais il conclut qu'elle n'en a aucune aujourd'hui. Il estime en outre qu'elle entraîne un coût possible à long terme de 20 points de base par an (700 millions de dollars selon l'actif des REER et des fonds de pension en 1994)(<214>). Le principal argument en faveur de l'abolition de cette règle est que la diversification est un atout essentiel pour les investisseurs.

L'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite recommande :

que le gouvernement fédéral porte le plafond progressivement à 30 p. 100 de l'actif des REER et des fonds de pension canadiens, après quoi le plafond devrait être supprimé<215> ).

B. Opinions des témoins

Les témoins qui ont abordé cette question étaient contre une telle restriction :

[...] nous sommes tenus d'investir 80 p. 100 de nos fonds sur le marché canadien et seulement 20 p. 100 sur les marchés étrangers. Or, le marché canadien ne représente que 3 p. 100 des marchés financiers dans le monde. Notre responsabilité comme fiduciaire est de rentabiliser nos investissements, mais une grande partie des marchés financiers nous sont interdits.

[...]

La règle applicable aux placements en biens étrangers nous empêche vraiment de faire des investissements nous permettant de répondre aux objectifs qui nous sont fixés aux termes du droit fiduciaire et des lois qui nous régissent, et cela pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la prudence dont il faut faire preuve dans la gestion d'une caisse de retraite(<216>).

Un autre administrateur de fonds a fait le commentaire suivant :

Pour un fonds important, la règle n'est pas trop contraignante, mais je crois qu'elle peut poser des difficultés à un fonds de petite taille qui voudrait accroître ses placements à l'étranger. Le marché canadien ne représente que 3 p. 100 du marché mondial et nous sommes déjà une grosse institution si bien que nous avons beaucoup de mal à bouger rapidement sur le marché canadien et que nous sommes forcés d'investir vraiment à long terme(<217>).

Enfin, le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a dit ce qui suit :

Malheureusement, une fois qu'on a établi une telle règle, il est très difficile de s'en défaire. Et le fait de la supprimer entraîne des bouleversements. Plus on attend, plus il est difficile de le faire.

Le Canada n'est pas un marché de grande envergure. Vous n'avez qu'à consulter l'indice Morgan Stanley pour vous rendre compte que les titres canadiens représentent moins de 2 p. 100 de la valeur du capital-actions à l'échelle mondiale. Il existe un certain nombre d'importants émetteurs canadiens, mais le Canada n'a aucune signification particulière pour eux comme marché financier. À mesure que certains des nouveaux marchés en développement vont trouver leur vitesse de croisière au fil des quelques prochaines années -- je pense à l'Inde, à la Chine, à la Russie -- le Canada va progressivement perdre de l'importance. À un moment donné, si nous n'arrivons pas à actualiser régulièrement notre infrastructure réglementaire, nous allons tout simplement devenir une quantité négligeable pour les investisseurs institutionnels de la planète, puisque nous allons représenter un marché dont il ne vaudra même pas la peine de s'inquiéter.

La règle sur les biens étrangers est de nature à faire en sorte que les investisseurs de l'extérieur n'accordent pas au marché canadien toute l'importance qu'il mérite. À l'échelle mondiale, elle est tout à fait hors norme(<218>).

L'assouplissement ou l'abolition de la règle aurait aussi pour effet d'imposer une plus grande discipline aux émetteurs de titres du secteur public, car leur clientèle actuellement captive serait alors mieux en mesure d'envisager d'autres possibilités de placement.

C. Opinions du Comité

Le Comité est d'avis qu'il faudrait à terme supprimer la règle sur les biens étrangers. Il est cependant conscient du fait que la modification de cette règle pourrait avoir des répercussions imprévues sur les marchés financiers canadiens. Il est donc important que les décideurs étudient soigneusement les conséquences de l'élimination progressive de cette règle sur les marchés financiers.

27. Le Comité recommande au gouvernement d'étudier l'impact sur les marchés financiers canadiens de la règle sur les biens étrangers en vue de sa suppression graduelle à court terme.



NOTES

<1>() «Law Commission overhauls the Issue of Joint and Several Liability», Insurance Day, 15 mai 1996, p. 8.

<2>() Robert W.V. Dickerson, John L. Howard et Leon Getz, Propositions pour un nouveau droit des corporations commerciales canadiennes, Information Canada, 1971.

<3>() Sénat du Canada, Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:55 (M. John Howard).

<4>() Ibid., 1:83.

<5>() Bruce L. Welling, Corporate Law in Canada, 2e édition, Butterworths, 1991, p. 51.

<6>() Coalition pour la réforme de la LCSA, Reforming the Canada Business Corporations Act : Statement of Principles, p. 3.

<7>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:82 (M. John Howard).

<8>() Ibid., 1:69 (Mme Rhonnda Grant).

<9>() Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, dDocument de consultation, rResponsabilité des administrateurs, novembre 1995, p. 1 (ci-après appelé leDocument de consultation sur la responsabilité des administrateurs).

<10>() Ibid., p. 4.

<11>() Les lois sur les sociétés de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Québec ne contiennent pas de disposition analogue. Dans les deux premières de ces provinces, la common law s'applique tandis qu'au Québec la loi sur les sociétés incorpore les règles du droit civil en la matière.

<12>() The Regulatory Consulting Group Inc., Directors' Absolute Civil Liability Under Federal Legislation, rapport final, 10 août 1994, p. 6.

<13>() Ibid., p. 7.

<14>() [1974] R.C.S. 592.

<15>() Ibid., p. 606.

<16>() Ibid., p. 620.

<17>() [1924] All E.R. Rep. 485 (Eng., C.A.).

(*) C'est nous qui soulignons.

<18>() Welling (1991), p. 330.

<19>() Dickerson, Howard, Getz, Propositions pour un nouveau droit des corporations commerciales, 1971, volume 1, p. 92.

<20>() En Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est la common law qui continue de s'appliquer. Le Code civil du Québec prescrit une norme semblable.

<21>() L.R.C. 1985, chap. A-16.

<22>() L.R.C. 1985, chap. 16 (4e suppl.), modifiée.

<23>() L.R.C. 1985, chap. F-14, modifiée.

<24>() L.R.C. 1985, chap. C-44, modifiée.

<25>() L.R.C. 1985, chap. B-3, modifiée.

<26>() L.R.C. 1985, chap. E-15, modifiée.

<27>() L.R.C. 1985, chap. L-2, modifiée.

<28>() L.R.C. 1985, chap. C-34, modifiée.

<29>() L.R.C. 1985, chap C-8, modifiée.

<30>() L.R.C. 1985, chap. U-1, modifiée.

<31>() L.R.C. 1985, chap. 1 (5e suppl.), modifiée.

<32>() L.R.C. 1985, chap. H-3, modifiée.

<33>() L.R.C. 1985, chap. 24 (3e suppl.), modifiée.

<34>() L.R.C. 1992, chap. 34, modifiée.

<35>() Document de consultation sur la responsabilité des administrateurs, p. 26.

<36>() Margot Priest, R. Mecredy-Williams, Barbara R. C. Doherty, James W. O'Reilly, Directors' Duties in Canada: Managing Risk, CCH Canadian Limited, 1995, p. 147.

<37>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 6, 22 février 1996, 6:6-7 (L'hon. Donald Macdonald).

<38>() Ibid., 6:7.

<39>() En 1992, des administrateurs de Westar Mining, Canadian Airlines et Peoples Jewellers ont démissionné de peur d'engager leur responsabilité.

<40>() R. c. Bata Industries Ltd. (1992), 7 C.E.L.R. (N.S.) 245, confirmé (1993), 11 C.E.L.R. (N.S.) 208 (Cour de l'Ontario, Division provinciale).

<41>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:63 (M. Dan Pekarsky).

<42>() Ibid., 1:64.

<43>() Ibid., fascicule no 4, 20 février 1996, 4:29 (M. Jan Peeters).

<44>() Rapport du comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada, Where Were the Directors?, décembre 1994, p. 33, par. 5.53, p. 33.

<45>() Ibid., p. 35, par. 5.60, p. 35.

<46>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no.4, 20 février 1996, 4:63-64 (M. L.R. Wilson).

<47>() Director's Absolute Civil Liability Under Federal Legislation, rapport final, p. 68.

<48>() Aux termes de la LCSA, la transaction d'initiés irrégulière intéresse les initiés d'une société, par exemple les administrateurs, qui à l'occasion d'opérations portant sur des valeurs mobilières de l'entreprise, utilisent à leur profit un renseignement confidentiel dont il est raisonnable de prévoir que, s'il était généralement connu, il provoquerait une modification sensible du prix de ces valeurs.

<49>() Le recours en cas d'abus permet au plaignant de demander au tribunal de rendre une ordonnance à l'égard des actes ou des omissions d'une société ou de ses administrateurs qui auraient exercé leurs pouvoirs d'une manière abusive à l'égard des droits des détenteurs de valeurs mobilières, des créanciers, des administrateurs ou des dirigeants de l'entreprise.

<50>() Document de consultation sur la responsabilité des administrateurs, p. 26.

<51>() Rapport du Comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada, Where Were the Directors?, décembre 1994, p. 36, par. 5.62, p. 36.

<52>() Ibid.

<53>() Document sur la responsabilité des administrateurs, p. 27.

<54>() La même disposition concernant la diligence raisonnable s'applique aux responsabilités des administrateurs aux termes du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l'assurance-chômage.

<55>() Directors' Duties in Canada: Managing Risk, p. 28-29.

<56>() Ibid., p. 171-181.

<57>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:64. (M. D. Pekarsky).

<58>() Comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada, p. 34-35, par. 5.59-60, p. 34-35.

<59>() Ibid., p. 35, par. 5.60, p. 35.

<60>(() Ibid., p. 36, par. 5.62, p. 36.

<61>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 4, 20 février 1996, 4:66. (M. L.R. Wilson).

<62>() Groupe de travail interministériel sur la responsabilité des administrateurs, 6 avril 1993, p. 27.

<63>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:64 (M. D. Pekarsky).

<64>() 488 A2d 858 (Del. 1985).

<65>() Document de consultation sur la responsabilité des administrateurs, p. 44-45.

<66>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 4, 20 février 1996, 4:66 (M. L.R. Wilson).

<67>() Ibid., fascicule no 6, 6:110 (Mme M. Kempston Darkes).

<68>() Document de consultation sur la responsabilité des administrateurs, p. 45-46.

<69>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:148 (M. G. Cummings).

<70>() Rapport du comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada, par. 5.63, p. 36.

<71>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 2, 15 février 1996, 2:42 (M. W. Mackness).

<72>() Directors' Absolute Civil Liability Under Federal Legislation (1994), p. 73.

<73>() Document de consultation sur la responsabilité des administrateurs, p. 6.

<74>() (1993), 101 D.L.R. (4e) 66 (CSC).

<75>() Ibid., p. 76.

<76>() Document de consultation sur la responsabilité des administrateurs, p. 8.

<77>() R.S.S. 1978, c. B-10, art. 114.

<78>() Revised Statutes of the Yukon, 1986, c. 15, art. 121.

<79>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 5, 21 février 1996, 5:11 (M.G. Kosich).

<80>() Ibid., 5:97 (M. Peter Dey).

<81>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:9 (M. Donald Macdonald).

<82>() La créance privilégiée passe après celle du créancier garanti mais avant celle du créancier ordinaire.

<83>() Rapport du Comité de la Bourse de Toronto sur la régie d'entreprise au Canada, p. 41, par. 6:15.

<84>() International Task Force on Corporate Governance, Who Holds the Reins? An Overview of Corporate Governance Practice in Japan, Germany, France, United States of America, Canada and the United Kingdom, International Capital Markets Goup, juin 1995, p. 58.

<85>() Jay W Lorsh, «Empowering the Board»; Harvard Business Review, janvier-février 1995, p. 107.

<86>() Kenneth Dayton, cité dans William G. Bowen, Inside the Boardroom, John Wiley and Sons, 1994, p. 83-84.

<87>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 2, 15 février 1996, 2:64-65 (M. Bob Kozminski).

<88>() Bowen (1994), p. 86.

<89>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 3,19 février 1996, 3:30 (M. David J. Hennigar).

<90>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1996, 5:17-18 (M. Dale Richmond).

<91>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:16 (L'hon. Donald, Macdonald).

<92>() Ibid. fascicule no 4, 20 février 1996, 4:82.(M. Jim Burns).

<93>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1996, 5:149 (M. John D. McNeil).

<94>() Ibid..

<95>() Ibid.

<96>() Ibid., 5:153.

<97>() Ibid., 5:150.

<98>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:104 (L'hon. Peter Lougheed).

<99>() Industrie Canada, la Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Exigences relatives au lieu de résidence , août 1995, p. 1 (Document de consultation sur la résidence des administrateurs).

<100>() La LCSA prévoit une exception à cette règle pour les sociétés mères qui gagnent au Canada moins de 5 p. 100 de leurs revenus bruts; dans leur cas, un tiers des administrateurs doivent être des résidents canadiens (par. 105(4)).

<101>() LCSA, par. 114(3).

<102>() LCSA, par. 115(2).

<103>() Document de consultation sur la résidence des administrateurs, p. 3.

<104>() Rapport de la Commission royale d'enquête sur les perspectives économiques du Canada, novembre 1957, Propriété étrangère et structure de l'industrie canadienne, rapport du groupe d'études ad hoc chargé d'étudier la structure de l'industrie canadienne, janvier 1968, Rapport sur les investissements étrangers directs au Canada, 1972.

<105>() Document de consultation sur la résidence des administrateurs, p. 8 et 9.

<106>() Ibid., p. 14.

<107>() Ibid., p. 15.

<108>() Ibid., p. 17.

<109>() Ibid., p. 1.

<110>() Ibid., p. 24 - 25.

<111>() Ibid., p. 27.

<112>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 4, 20 février, 1996, 4:71-72 (M. L.R. Wilson).

<113>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:17 (L'hon. Donald Macdonald).

<114>() Ibid., 6:89 (Sir Graham Day).

<115>() Ibid., fascicule no 1, 13 février 1996, 1:32 (M. J.P. Bryan).

<116>() Welling (1991), p. 11.

<117>() Il importe de noter que l'aéronautique, la radiodiffusion, les réseaux de téléphonie, l'énergie atomique et le transport interprovincial, entre autres, relèvent du gouvernement fédéral. Dans ces cas, l'essentiel des activités commerciales d'une société serait régi par la législation fédérale.

<118>() Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 3e édition, Carswell, 1992, p. 612.

<119>() Ibid., p. 614.

<120>() Ibid., p. 615 (Lymburn c. Mayland [1932] A.C. 318).

<121>() Welling (1991), p. 362-363.

<122>() Multiple Access Ltd. c. McCutcheon et al. [1982] 2 R.C.S., p. 164.

<123>() Industrie Canada, La Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Transactions d'initiés, février 1996, p. 3.

<124>() J.R. Kimber, président, The Report of the Attorney General's Committee on Securities Legislation in Ontario, Toronto, 1965.

<125>() Des dispositions relatives aux transactions d'initiés ont été introduites dans la Loi sur les corporations canadiennes en 1970, puis dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions en 1975.

<126>() Multiple Access Ltd. c. McCutcheon et al. [1982] 2 S.C.R., p. 182.

<127>() Ibid., p. 179-180.

<128>() Ibid., p. 185.

<129>() Ibid., p. 219.

<130>() Ibid., p. 224.

<131>() Ibid., p. 173.

<132>() Ibid., p. 225.

<133>() Document de consultation sur les transactions d'initiés, p. 7.

<134>() Ibid., p. 8.

<135>() Ibid., p. 9-11.

<136>() Ibid., p. 13.

<137>() Ibid., p. 14.

<138>() L'article 258.2 est ainsi libellé : «Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, dans les circonstances réglementaires, le directeur peut, par ordonnance rendue selon les modalités qu'il estime utiles, prévoir qu'il n'est pas nécessaire de lui envoyer tels avis ou documents ou catégories d'avis ou de documents si les renseignements y figurant sont semblables à ceux qui figurent dans des documents devant être rendus publics aux termes d'une autre loi fédérale ou d'une loi provinciale».

<139>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:69 (Mme Rhondda Grant)secrétaire générale et codirectrice du Contentieux, Affaires générales, Nova Corporation,.

<140>() Ibid., 1:80 (M. John L. Howard).

<141>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1996, 5:80 (M. Peter Dey).

<142>() Document de consultation sur les transactions d'initiés, p. 16.

<143>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:149 (M. Gordon Cummings) chef de la direction, Alberta Wheat Pool,.

<144>() LCSA, par. 258.1(1).

<145>() Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Communications relatives aux actionnaires et sollicitation de procurations, août 1995 (Document de consultation sur les communications relatives aux actionnaires)..

<146>() Ibid., p. 3-4.

<147>() Ibid., p. 4.

<148>() Ibid., p. 5.

<149>() Ibid., p. 7.

<150>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:134 (M. Bob Blair)p..

<151>() Ibid., fascicule no 3, 19 février 1996, 3:24-25 (M. J. William E. Mingo)p..

<152>() Ibid., fascicule no 4, 20 février 1996, 4:26 (M. Jan Peeters)p..

<153>() Ibid., 4:66-67 (M. L.R. Wilson)p..

<154>() Aux termes de l'article 147 de la LCSA, un «courtier attitré» est un «courtier ou négociant en valeurs mobilières tenu d'être enregistré pour faire le commerce des valeurs mobilières en vertu de toute loi applicable».

<155>() Document de consultation sur les communications relatives aux actionnaires, p. 32.

<156>() Ibid., Sommaire, p. iii.

<157>() Ibid.

<158>() Document de consultation sur les communications relatives aux actionnaires, p. 32.

<159>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 4, 20 février 1996, 4:67 (M. L.R. Wilson).

<160>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:26-28 (M. Claude Lamoureux).

<161>() Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Offres d'achat visant à la mainmise, février 1996, p. 2 (Document de consultation sur les offres d'achat visant à la mainmise).

<162>() Loi canadienne sur les sociétés par actions , art. 194.

<163>() Document de consultation sur les offres d'achat visant à la mainmise.

<164>() Ibid., p. 4.

<165>() Ibid., p. 4.

<166>() Ibid., p. 15.

<167>() Ibid.

<168>() Ibid., p. 36.

<169>() Ibid., p. 34.

<170>() Ibid.

<171>() Ibid., p. 35.

<172>() Ibid., p. 5.

<173>() Liza Kessler, Ameera Dawood, «Poison Pills: How Toxic are They?», Business Quarterly, été 1995, vol. 59, no 4, p. 48.

<174>() Ibid., p. 49.

<175>() Ibid.

<176>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 3, 19 février 1996, 3:26 (M. J. William E. Mingo)p. --..

<177>() Ibid., fascicule no 4, 20 février 1996, 4:12 (M. Jean-Claude Delorme)p. --.

<178>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:134 (M. P.K. Pal)p. --.

<179>() Ibid.

<180>() Ibid., fascicule no. 1, 14 février 1996, 1:111 (M. George Watson)p. --.

<181>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1996, 5:86-87 (M. Peter Dey)p. --.

<182>() Industrie Canada, La Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Les transformations en société fermée, août 1995 (Document de consultation sur les TSF).

<183>() Document de consultation sur les TSF, p. 1.

<184>() Direction générale des corporations, Politique interne, 9 novembre 1989.

<185>() Direction générale des corporations, Politique interne, 22 septembre 1994.

<186>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 14 février 1996, 1:53 (M. Wllliam Hess)p. --.

<187>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:29 (M. Claude Lamoureux)p. --.

<188>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1996, 5:8 (M. Dale Richmond)p. --.

<189>() Ibid., 5:140.

<190>() Michel Patry et Michel Poitevin, «Pourquoi les investisseurs institutionnels ne sont pas de meilleurs actionnaires», dans Ronald J. Daniels et Randal Morck (dir.), La prise de décision dans les entreprises au Canada, University of Calgary Press, 1995, p. 412-413. En fait, le plus gros investisseur sur le marché des valeurs mobilières et le plus important administrateur de fonds publics du Canada est la Caisse de dépôt et de placement du Québec (placements de 12 milliards de dollars dans des actions canadiennes). Son portefeuille d'actions représente environ 4 p. 100 des actions négociées à la Bourse de Toronto. (Jean-Claude Delorme, «La régie d'entreprise en l'an 2000», dans Daniels et Morck (1995, p. 652.)

Le témoignage du porte-parole du Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario a fait ressortir l'importance des investisseurs institutionnels :

Au 31 décembre 1995, la Bourse de Toronto avait une valeur de 423 milliards de dollars. Le capital flottant valait 319 milliards de dollars. À la fin de l'année, notre portefeuille d'actions valait 11,5 milliards de dollars, ce qui représente environ 3,6 p. 100 du capital flottant de la Bourse. À titre de comparaison, le California Public Employees' Retirement System, le plus grand fonds de pension des États-Unis et une force reconnue dans la régie des sociétés américaines, possède sensiblement moins de 1 p. 100 de tous les capitaux propres des plus grandes sociétés ouvertes américaines.

En conclusion, le nombre d'actions que nous possédons dans certaines sociétés ouvertes est beaucoup plus important que notre place sur le marché. Notre régime de retraite possède plus de 10 p. 100 des actions en circulation de huit compagnies et plus de 5 p. 100 dans plus de 40 autres compagnies. (Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 6, 22 février 1996, 6:22, M. Claude Lamoureux).

<191>() Jeffrey MacIntosh et Lawrence P. Schwartz, «Les investisseurs institutionnels et les actionnaires dominants contribuent-ils à faire augmenter la valeur de l'entreprise?», dans Daniels et Morck (1991), p. 367-368.

<192>() Ibid., p. 368-369.

<193>() Ibid., p. 390.

<194>() Patry et Poitevin (1995), p. 438-439.

<195>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 1, 13 février 1996, 1:33 (M. J.P. Bryan).

<196>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:90-91 (Sir Graham Day).

<197>() Ibid., fascicule no 4, 20 février 1996, 4:15 (M. Jean-Claude Delorme).

<198>() Ibid., 4:74 (M. L.R. Wilson).

<199>() Ibid., fascicule no 3, 19 février 1996, 3:23 (M. J. William E. Mingo).

<200>() Ibid., fascicule no 4, 20 février 1996, 4:23 (M. Claude Lamoureux).

<201>() Ibid., 4:51 (M. Tullio Cedraschi).

<202>() Ibid., 4:53.

<203>() Ibid., 4:18 (M. Jean-Claude Delorme).

<204>() Ibid., 4:50 (M. Tullio Cedraschi).

<205>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1996, 5:94 (M. Tom Allen).

<206>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:24 (M. Claude Lamoureux).

<207>() Ibid., 6:27.

<208>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1996, 5:23 (M. Robert Sillcox).

<209>() Ibid., fascicule no 4, 20 février 1996, 4:51 (M. Tullio Cedraschi).

<210>() Ibid., 4:15. (M. Jean-Claude Delorme).

<211>() Ibid., fascicule no 5, 21 février 1995, 5:28 (M. Robert Sillcox).

<212>() Ibid., 5:95 (M. Peter Dey).

<213>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:105 (L'hon. Peter Lougheed).

<214>() Keith P. Ambachtsheer, Canada's 20 % Foreign Property Rule: Why and How It Should Be Eliminated, Toronto, septembre 1995.

<215>() Communiqué de presse, Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, 22 février 1996.

<216>() Délibérations du groupe de travail sur la régie des sociétés, fascicule no 5, 21 février 1996, 5:9 (M. Dale Richmond).

<217>() Ibid., fascicule no 6, 22 février 1996, 6:30 (M. Claude Lamoureux). Le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario réussit à tirer environ 30 p. 100 de ses recettes de l'étranger, malgré la règle sur les produits étrangers, par le recours aux produits dérivés. Le fonds échange les revenus tirés des obligations non négociables de l'Ontario contre des revenus d'autres sources fondés sur l'index Standard and Poors, par exemple.

<218>() Ibid., 6:69 (M. Edward Waitzer).

<219>() L.R.C. 1985, chap. A-16, modifiée.

<220>() L.R.C. 1985, chap. 16 (4e supplément), modifiée.

<221>() L.R.C. 1985, chap. F-14, modifiée.

<222>() L.R.C. 1985, chap. C-44, modifiée.

<223>() L.R.C. 1985, chap. B-3, modifiée.

<224>() L.R.C. 1985, chap. E-15, modifiée.

<225>() L.R.C. 1985, chap. L-2, modifié.

<226>() L.R.C. 1985, chap. C-34, modifiée.

<227>() L.R.C. 1985, chap. C-8, modifiée.

<228>() L.R.C. 1985, chap. U-1, modifiée.

<229>() L.R.C. 1985, chap. 1 (5e supplément), modifiée.

<230>() L.R.C. 1985, chap. H-3, modifiée.

<231>() L.R.C. 1985, chap. 24 (3e supplément), modifiée.

<232>() L.C. 1992, chap. 34, modifiée.

<233>() Il y a transaction d'initié irrégulière lorsque, à l'occasion d'opérations portant sur les valeurs mobilières d'une société, les administrateurs, entre autres initiés, utilisent à leur profit un renseignement confidentiel dont il est raisonnable de prévoir que, s'il était généralement connu, il provoquerait une modification sensible du prix des valeurs.

<234>() Le recours en cas d'abus permet au plaignant de demander au tribunal de redresser par ordonnance la situation provoquée par une société qui abuse des droits des détenteurs de valeurs mobilières, créanciers, administrateurs ou dirigeants, ou porte atteinte à leurs intérêts ou n'en tient pas compte en raison soit du comportement de la société ou de la façon dont ses administrateurs exercent leurs pouvoirs.

<235>() Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de discussion, La responsabilité des administrateurs, novembre 1995, p. 5.

<236>() Ibid., p. 5.

<237>() Le projet de loi C-109, version antérieure du projet de loi C-5, a été déposé à la Chambre des communes en novembre 1995. Il est mort au Feuilleton à la prorogation du Parlement. Le C-5 est à peu près identique au C-109.

<238>() On retrouve les dispositions de l'article 227.1 en matière de diligence raisonnable et de responsabilité des administrateurs dans la Loi sur le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-chômage.

<239>() L.R.O 1990, chap. E.19.

<240>() L.R.O. 1990, chap. O.40, art. 116.

<241>() Statutes of Alberta 1992, chap. E-13.3, art. 218.

<242>() L.R.Q. 1977, chap. Q-2.

<243>() Statutes of Nova Scotia, 1994-1995, chap. 1, art. 164.

<244>() L.R.O 1990, chap. I.2.

<245>() L.R.Q. 1977, chap. M-31, art. 241.

<246>() L.R.O. 1990, chap. O.1, art. 32.

<247>() L.R.Q. 1977, chap. S-2.1, art. 241.

<248>() L.N.-B. 1983, chap. O-0.2, art. 49, modifié.

<249>() L.R.M. 1987, chap. W210, art. 56.

<250>() L.R.O. 1990, chap. B.16, par. 131(1).

<251>() Ibid., par. 131(2).

<252>() Statutes of Alberta 1981, chap. B-15, par. 114(1).

<253>() Ibid., par. 114(2).

<254>() Ibid., par. 114(3).

<255>() L.R.M. 1987, chap. C255, par. 114(1).

<256>() L.R.Q. 1977, chap. C-38, art. 96.

<257>() S.B.C. 1980, chap. 10, art. 19, modifié.

<258>() Ibid., par. 103(6).

<259>() L.N.-B. 1981, chap. B-9.1, art. 76, modifiée.

<260>() R.S.B.C. 1979, chap. 69, art. 151.

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