Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 32 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 31 mai 1999
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-55 concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques, se réunit aujourd'hui, à 16 h 10, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Chers collègues, le comité sénatorial permanent des transports et des communications s'est réuni une dizaine de fois environ pour entendre des intervenants et des témoins nous parler du projet de loi C-55 concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques.
Aujourd'hui, nous avons l'honneur d'accueillir à nouveau notre ministre du Patrimoine, Mme Copps, qui nous adressera la parole avant que nous entreprenions l'étude article par article du projet de loi.
Je sais que Mme Copps a beaucoup de choses à nous dire.
L'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien: Honorables sénateurs, je vous remercie de me permettre de comparaître devant vous encore une fois. J'espère ne pas abuser de votre hospitalité.
[Français]
J'apprécie également la façon dont vous avez procédé avec le projet de loi C-55 durant les négociations qui ont été ardues et fructueuses.
Pour comprendre où nous sommes rendus dans le dossier des périodiques, nous devons comprendre d'où nous sommes partis. En 1960, M. O'Leary présidait la commission qui a jeté les bases de la politique fédérale sur les périodiques. Donc ce dossier n'existe pas seulement depuis trois ans.
[Traduction]
Dans ce temps-là, M. O'Leary était le plus éminent rédacteur en chef d'un quotidien au Canada. C'était l'époque où les rédacteurs en chef des quotidiens étaient fiers de défendre la culture canadienne et n'avaient pas peur d'adopter une politique éditoriale différente de celle des propriétaires des quotidiens. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et je le déplore. M. O'Leary est devenu un grand sénateur conservateur qui comprenait, comme les sénateurs qui sont membres du comité, qu'on peut être à la fois conservateur et ardent défenseur de la culture canadienne. Il est malheureux que certains éditorialistes d'aujourd'hui n'aient pas retenu la leçon.
En 1965, le Canada a pris des mesures pour faire cesser l'importation de magazines au tirage dédoublé. Disons, pour faire court, que les gouvernements des premiers ministres Diefenbaker, Pearson, Trudeau, Clark, Turner, Mulroney, Campbell et Chrétien ont tous suivi la même politique.
Il y a trois ans, les États-Unis ont contesté cette politique devant l'Organisation mondiale du commerce. Comme le Canada a perdu sa cause, trois possibilités s'offraient à nous: faire abstraction de la décision de l'OMC; accepter la décision mais ne rien faire; ou, enfin, accepter la décision de l'OMC et nous montrer le plus créatifs possible pour trouver de nouvelles façons de protéger notre industrie des magazines, promouvoir les articles canadiens et favoriser la culture canadienne.
Nous avons choisi la troisième voie: la seule qui soit raisonnable. Pour nous conformer à la décision de l'OMC, nous avons supprimé le numéro applicable du tarif des douanes, aboli la taxe d'accise, restructuré le programme des postes et harmonisé les tarifs postaux commerciaux. Nous avons aussi présenté le projet de loi C-55 qui s'appliquera aux magazines.
Dès le départ, les États-Unis se sont battu farouchement contre le projet de loi. Ils voulaient obtenir un accès parfaitement libre à la publicité canadienne pour tous les magazines américains mis en vente au Canada. Ils voulaient avoir un accès sans restriction à toutes les déductions fiscales dont jouissent actuellement les magazines canadiens. Ils exigeaient que le Canada n'adopte aucune loi quelle qu'elle soit et ont menacé d'imposer des mesures de représailles de trois milliards de dollars.
Oui, la bataille a été longue et ardue. Il est certain qu'avec les États-Unis, les négociations sur la culture et le commerce seront toujours longues et ardues.
Les États-Unis voulaient un accès illimité. Ils seront plafonnés à 12 p. 100 la première année, 15 p. 100 la deuxième et 18 p. 100 la troisième année, conformément aux amendements que j'ai déposé au comité. S'ils dépassent cette proportion, ils devront établir au Canada un magazine dont le contenu sera majoritairement canadien, c'est-à-dire investir considérablement dans la culture canadienne.
Nous demandons au Sénat d'étudier les amendements que nous proposons au projet de loi concernant les magazines, et j'espère qu'ils les adoptera et en fera rapport à la Chambre.
Je veux mentionner deux autres dispositions faisant partie des amendements présentés cette semaine. Premièrement, les investissements étrangers dans tous les secteurs culturels au Canada devront dorénavant être approuvés par le ministère du Patrimoine canadien. Je crois que c'est une reconnaissance importante de ce qu'avait compris le sénateur Gratton O'Leary: la culture n'est pas une industrie comme les autres.
Deuxièmement, un fonds sera probablement créé pour venir en aide à l'industrie canadienne des périodiques. Sur les instructions du premier ministre, je suis en train de chercher avec les éditeurs de magazines canadiens un moyen de les soutenir financièrement pour atténuer les pressions qu'ils ressentiront lorsqu'un faible pourcentage de magazines étrangers seront autorisés à avoir accès au marché publicitaire canadien. On a discuté de la forme que devrait prendre cette aide, mais aucune décision n'a encore été prise. En réalité, nous sommes encore en train de chercher avec l'industrie le programme le plus efficace pour soutenir le contenu canadien.
[Français]
J'ai déclaré à chacune de mes comparutions au Sénat et j'ai répété dans tous mes discours à ce sujet que le Canada veut encourager la concurrence et non la domination. Le Canada veut assurer une place aux histoires canadiennes sur les étagères de nos kiosques à journaux. J'ai aussi affirmé que le gouvernement était ouvert à toutes les solutions qui permettront d'atteindre nos objectifs réciproques. Nous avons trouvé une solution de compromis et nous allons atteindre nos objectifs.
J'aimerais insister sur le fait que les États-Unis reconnaissent pour la première fois le droit à un pays d'exiger une majorité de contenu original ou culturel dans ses négociations commerciales. C'est également la première fois qu'ils acceptent que l'on impose une limite d'accès aux revenus publicitaire de leur industrie des magazines.
[Traduction]
Comme l'a dit Ron Atkey, un ancien ministre du gouvernement conservateur:
C'est une réalisation de taille [...] Les États-Unis n'ont jamais accepté d'obligations de contenu dans le domaine culturel [...] C'est un précédent.
Je cite le Washington Post:
Pour la première fois, les États-Unis ont été obligés d'accepter le principe que, malgré le libre-échange, les pays étrangers peuvent prendre des mesures pour restreindre l'accès des entreprises américaines à leur marché dans l'espoir de protéger la viabilité de la culture locale. En l'occurrence, une industrie canadienne du magazine fournirait aux écrivains canadiens un débouché où raconter des histoires canadiennes et aborder des thèmes intéressant le Canada.
Je suis contente de voir que le Washington Post a compris.
Cet accord ne nous mènera pas au septième ciel; ce ne sera pas non plus le paradis terrestre. Néanmoins, c'est la première loi qui reconnaîtra, dans un accord commercial bilatéral avec les États-Unis, le droit d'un pays de traiter la culture à part des autres secteurs commerciaux. Nous croyons que c'est un progrès important.
[Français]
Cela a eu pour résultat de renforcer quelques-uns des principes les plus cruciaux liés au contenu canadien et de fournir au Canada les outils nécessaires pour préserver son industrie des périodiques et d'en favoriser son épanouissement. Cela paraissait presque impossible lorsque l'Organisation mondiale du commerce a fait connaître sa décision il y a deux ans. Donc, c'est une réalisation importante pour le Canada. Nous avons obtenu une série de mesures législatives et de mesures de réglementation ainsi que des appuis qui rejoignent les objectifs de la politique déjà établie il y a 39 ans.
[Traduction]
Cela dit, honorables sénateurs, je suis prête à écouter vos observations et à répondre à vos questions, dont certaines seront sans doute fort animées.
La présidente: Je pense que vous ne vous trompez pas. Le projet de loi a suscité tout un débat public et il a permis au comité d'entendre différents intervenants. Nous vous remercions pour cet exposé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Madame la présidente, le comité a-t-il plusieurs exemplaires du jeu d'amendements déposé par la ministre?
La présidente: Oui. Le greffier va les distribuer.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est sûrement pour en discuter que nous sommes réunis.
Madame la ministre, je vais donc m'en tenir au sujet à l'ordre du jour et au document dont il découle, c'est-à-dire, je suppose, l'entente conclue par les États-Unis et le Canada. L'entente a-t-elle été signée? Y a-t-il une entente signée en bonne et due forme dans laquelle les deux parties conviennent de l'interprétation et de l'adoption des amendements au projet de loi C-55 et dans laquelle aussi les États-Unis s'engagent à ne pas contester le projet de loi C-55 amendé, que ce soit en vertu de l'OMC, de l'ALENA ou d'une loi américaine quelconque? Est-ce qu'un tel document existe?
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pouvez-vous déposer ce document au comité?
Mme Copps: Il sera disponible après sa signature. Il n'a pas encore été signé. Le document renferme des clauses prévoyant expressément l'approbation du projet de loi C-55 amendé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Qui va signer le document?
Mme Copps: Il sera signé par des représentants des gouvernements canadien et américain, probablement d'ici quelques jours.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cette entente aura-t-elle force de loi? Quel type d'entente est-ce?
Mme Copps: C'est un traité.
Le sénateur Lynch-Staunton: Les traités sont habituellement signés par les chefs de gouvernement, n'est-ce pas, ou alors par un représentant qu'ils ont eux-mêmes désigné?
Mme Copps: Je suppose que les détails de la signature seront réglés cette semaine.
Le sénateur Forrestall: Un traité? Pourquoi un traité?
Mme Copps: Comme le projet de loi chemine actuellement au Sénat et à la Chambre des communes, l'entente conclue par le Canada et les États-Unis sera soumise aux mêmes conditions que tout autre traité.
Le sénateur Lynch-Staunton: Habituellement, on commence par signer un traité, puis on adopte une loi de mise en oeuvre.
Mme Copps: C'est une démarche sans précédent.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je présume que vous nous demandez d'adopter la loi de mise en oeuvre avant d'avoir pris connaissance du traité.
Mme Copps: Je vous demande d'adopter les amendements au projet de loi C-55.
Le sénateur Lynch-Staunton: Allez-vous nous les exposer?
Mme Copps: Il y a trois amendements.
Le sénateur Lynch-Staunton: Comme vous en êtes la marraine, vous êtes certainement en mesure de nous les expliquer et de préciser quel effet ils auront sur le projet de loi C-55.
Mme Copps: Ce n'est pas moi la marraine au Sénat.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous venez pourtant de nous dire que vous aviez déposé des amendements.
Mme Copps: Oui, je viens de vous remettre les amendements et je vais me faire un plaisir de vous les présenter si vous voulez, mais je ne suis pas la marraine des amendements au Sénat.
Le sénateur Lynch-Staunton: Nous n'allons pas ergoter pour savoir si vous en êtes ou non la marraine. C'est vous qui les avez proposés et c'est vous qui les appuyez. Pouvez-vous nous les expliquer pour nous aider à comprendre comment ils modifient le projet de loi C-55?
La présidente: Madame la ministre, sans présenter le projet de loi article par article, pouvez-vous nous expliquer les amendements comme le sénateur Lynch-Staunton le propose?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne vous demande pas un exposé article par article du projet de loi; je veux seulement que vous expliquiez le sens des amendements.
Mme Copps: Il y a trois amendements principaux; l'un concerne les exemptions de minimis, ce qui signifie que les sociétés américaines seront autorisées à tirer la première année 12 p. 100, l'année suivante 15 p. 100 et par la suite 18 p. 100 de leurs revenus publicitaires totaux du marché canadien.
Le deuxième amendement traite du fait qu'elles seront autorisées, en vertu de la Loi sur Investissement Canada, à prendre une participation minoritaire dans des magazines canadiens.
Le troisième prévoit qu'un magazine canadien lancé par une entreprise américaine doit avoir un contenu majoritairement canadien.
Voilà, en deux mots, les trois amendements.
Le sénateur Lynch-Staunton: Quel est l'amendement visant le contenu majoritairement canadien?
Mme Copps: C'est l'article 2, «Définitions».
Le sénateur Lynch-Staunton: Non, je veux parler des amendements.
Mme Copps: Oui. L'article 2 du projet de loi est amendé:
a) par substitution, à la ligne 22, page 2, de ce qui suit:
«valeur plus de cinquante pour cent de la valeur»
b) par substitution, à la ligne 28, page 2, de ce qui suit:
«moins la majorité des membres sont des»
Voilà pour la question du contenu.
c) par substitution, aux lignes 21 et 22, page 3, de ce qui suit:
«agissant comme tel et au moins la moitié des administrateurs ou autre ca-»
d) par substitution, aux lignes 29 à 32, page 3, de ce qui suit:
«indirect, d'au moins la majorité des actions avec droit de vote émises et en circulation représentant au moins la majorité des votes à l'exception de celles»
Le sénateur Lynch-Staunton: Ça, c'est la définition de la propriété canadienne.
Mme Copps: De la propriété canadienne à l'article visant les investissements. Je vous ai dit que les amendements se composaient de trois éléments fondamentaux. L'un d'eux, c'est la question de la propriété canadienne en vertu de la Loi sur Investissement Canada.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le premier amendement que j'ai sous les yeux ramène la propriété canadienne minimale de 75 p. 100 à plus de 50 p. 100.
Mme Copps: Pour une participation majoritaire.
Le sénateur Lynch-Staunton: À plus de 50 p. 100. C'est une modification sensible de ce qui était proposé au départ.
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le deuxième amendement modifie le pouvoir de réglementation que vous vous accordez, si je ne m'abuse. C'est une modification mineure du libellé, sauf que vous ajoutez un alinéa d). C'est bien ça?
Mme Copps: C'est exact.
Le sénateur Lynch-Staunton: On confère ainsi au ministre ou au gouverneur en conseil le droit de définir les termes «revenus qui proviennent des services publicitaires destinés au marché canadien». Est-ce un autre amendement de fond?
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le troisième amendement ajoutera deux nouveaux articles, les articles 21.1 et 21.2. Vous avez mentionné le projet d'article 21.1 qui prévoit l'augmentation graduelle sur trois ans du pourcentage qui passera de 12 p. 100 à 15 puis 18 p. 100. L'article 21.2 se rapporte à la Loi sur Investissement Canada. Pourriez-vous expliquer plus précisément l'incidence de cet amendement?
Mme Copps: Une entreprise américaine ne pourra pas créer au Canada un magazine n'ayant aucun contenu canadien; si elle veut établir un magazine au Canada, celui-ci devra avoir un contenu majoritairement canadien.
Le sénateur Lynch-Staunton: Qui décidera ce qu'est un contenu canadien? Comment est-ce défini?
Mme Copps: C'est défini à l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu depuis de nombreuses années déjà.
Le sénateur Lynch-Staunton: Si j'ai bien compris ce que nous ont dit plusieurs des témoins que nous avons entendus, le contenu canadien selon la définition de la Loi de l'impôt sur le revenu n'a pas nécessairement besoin d'être canadien en soi. Ce doit être une création qui paraît pour la première fois dans une publication canadienne, mais ça ne comprend pas un article écrit par un étranger et illustré par des photos prises par un autre étranger sur un sujet étranger. Néanmoins, tant que c'est inédit au Canada, ça peut être qualifié de contenu canadien.
Mme Copps: Inédit et publié nulle part ailleurs.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est vrai.
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Par conséquent, le mot important, c'est «contenu», non pas «canadien». Il n'est pas essentiel que le sujet soit canadien. Selon la loi, le contenu peut être qualifié de canadien mais le sujet n'a pas à être canadien.
Mme Copps: La définition a assez bien réussi pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est vrai, mais elle ne permettra peut-être pas d'atteindre votre objectif, auquel je souscris, celui d'avoir des articles canadiens écrits par des Canadiens pour des Canadiens.
Mme Copps: Dans les faits, sénateur, si l'on a un contenu inédit publié exclusivement pour le marché canadien et uniquement dans cette édition, il est peu vraisemblable qu'il soit dérivé d'une source étrangère.
Le sénateur Lynch-Staunton: Quand pourrons-nous savoir combien tout ceci va coûter et pourquoi ne peut-on pas nous le dire aujourd'hui? Vous nous avez déjà dit que le premier ministre vous avait donné instruction de trouver une forme quelconque d'aide financière pour les éditeurs canadiens dont le gouvernement sait, comme en fait foi cette directive, qu'ils seront pénalisés par vos amendements. Pouvez-vous nous donner une idée du montant en cause? Combien d'argent le gouvernement est-il prêt à engager pour compenser la perte de revenus qu'entraîneront ces amendements?
Mme Copps: Tout d'abord, ce ne sont pas ces amendements qui vont entraîner des pertes. Les pertes découlent de la décision de l'OMC qui a statué que notre loi en vigueur était incompatible avec nos obligations commerciales internationales.
Le projet de loi à l'étude aujourd'hui, le projet de loi C-55 amendé, vise à remplir le vide qui nous laisse sans aucune protection. Je vous demande d'étudier le projet de loi C-55 amendé justement parce que, dans l'ensemble, ce sera préférable à ce qu'on a maintenant, c'est-à-dire rien du tout.
Je ne vous demande pas de vous prononcer sur quelque aide financière que ce soit dont pourra décider le Cabinet plus tard, parce qu'il n'en est pas question dans le projet de loi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Non, il n'en est malheureusement pas question dans le projet de loi à l'étude, mais c'est néanmoins un élément qu'on ne peut pas ignorer. On a pu lire dans les journaux que cette aide pourrait atteindre les 100 millions de dollars par année. Vous êtes certainement en mesure de nous assurer qu'un tel montant est invraisemblable.
D'une part, madame la ministre, les éditeurs canadiens appuyaient sans réserve le projet de loi C-55. On apprend maintenant qu'ils sont bouleversés par les amendements et qu'ils sont prêts à accepter une forme de subvention quelconque, ce qui n'est pas le meilleur moyen de rassurer l'industrie canadienne sur sa capacité de survie. Les annonceurs canadiens, d'autre part, qui nous avaient dit vouloir contester le projet de loi C-55 devant les tribunaux, sont maintenant aux oiseaux. Voilà deux perceptions radicalement opposées du même sujet.
Ça coûtera assez cher aux contribuables canadiens. Avez-vous une idée de ce que coûteront chaque année les subventions à l'industrie pour la protéger contre la concurrence étrangère qui est interdite en ce moment?
Mme Copps: Vous présumez que cette aide prendra la forme d'une subvention.
Le sénateur Lynch-Staunton: «Subvention», «allégement fiscal» ou «crédit d'impôt», appelez ça comme vous voulez, ça va coûter quelque chose.
Mme Copps: Nous sommes en pourparlers avec l'industrie. Plus tard, l'industrie présentera un mémoire au Cabinet.
Le sénateur Lynch-Staunton: N'allez-vous pas devoir présenter un projet de loi au sujet des propositions qui seront faites?
Mme Copps: Ce n'est pas le sujet du projet de loi C-55.
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui. C'est essentiel à l'application du projet de loi C-55. Si on adopte vos amendements au projet de loi C-55, ça voudra dire qu'on donne au gouvernement le pouvoir de dépenser une somme inconnue pour subventionner l'industrie canadienne. La moindre des choses serait d'informer le Parlement du coût de cette subvention, allégement fiscal ou crédit d'impôt.
Mme Copps: Madame la présidente, je ne peux vous parler aujourd'hui que des amendements présentés au Sénat. Ces amendements se rapportent aux engagements que nous avons pris en concluant un traité international.
La suite à donner, c'est-à-dire le soutien à apporter à l'industrie des périodiques canadiens pour l'aider à s'adapter à la nouvelle situation qui ne sera pas facile, sera décidé ultérieurement au Cabinet.
La présidente: Vous avez raison, madame la ministre, de dire que les modalités d'indemnisation ne sont pas traitées dans le projet de loi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Non, mais si vous permettez, madame la présidente, je rappelle que la ministre a parlé d'un fonds pour les magazines dans son exposé. Elle a donc elle-même soulevé la question.
Mme Copps: C'était prémonitoire, sénateur. Je m'attendais probablement à ce que vous abordiez le sujet.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis donc autorisé à soulever la question en réponse à votre exposé. Je voudrais savoir combien ça va coûter. À combien s'élèvera ce fonds pour les magazines?
Mme Copps: Je vous ai déjà expliqué, sénateur, que j'étais en train d'étudier la question avec l'industrie.
Plusieurs solutions possibles sont envisagées. L'étude n'est pas terminée. Je serais mal venue de vous présenter quelque chose qui n'a été accepté ni par l'industrie ni par le Cabinet.
Le sénateur Lynch-Staunton: Alors permettez-moi de vous dire que vous n'auriez pas dû présenter ces amendements non plus. J'ignore pourquoi vous êtes si pressée de faire adopter le projet de loi. En réalité, on a là un tout nouveau projet de loi. Vous avez accepté des amendements qui modifient substantiellement l'esprit du projet de loi.
Mme Copps: Nous voulons faire adopter le projet de loi parce que, depuis l'an dernier, depuis que l'OMC a invalidé les mesures d'accise initiales, l'industrie canadienne n'est plus protégée du tout. Si le projet de loi n'est pas adopté, l'accès sera illimité.
Si vous êtes convaincu comme moi que l'accès doit être restreint quelque peu, j'espère que vous adopterez le projet de loi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je serais bien prêt à adopter le projet de loi, mais je ne peux pas le faire à cause de la façon dont vous le présentez. Je n'ai pas la moindre idée de ce que ça va coûter.
Vous répondez, comme vous l'avez fait à la Chambre, que la culture canadienne n'a pas de prix. Moi, je trouve qu'elle en a un. Vous auriez dû nous présenter tous les renseignements pertinents ensemble, mais vous le faites en pièces détachées. Malheureusement, vos amendements gâtent un bon projet de loi qui aurait pu être amélioré.
Le sénateur Forrestall: Je comprends le dilemme dans lequel vous vous trouvez quant à savoir si le projet de loi n'aurait pas besoin d'un préambule puisqu'il implique effectivement des dépenses. Mais nous allons laisser ça pour le moment.
Une fois que les choses seront décidées, qui sera le bénéficiaire de la subvention? Est-ce que ce sera l'annonceur ou l'éditeur?
Mme Copps: Sénateur, pour le moment, aucune solution précise n'est à l'étude, précisément parce que nous avons besoin de poursuivre nos travaux avec l'industrie. Franchement, ce ne sera peut-être pas une subvention. On optera peut-être pour une autre formule, comme celle qu'on trouve dans d'autres secteurs culturels. Il y en a toute une gamme depuis la subvention directe accordée par exemple par le Conseil des arts du Canada jusqu'à un système de crédits d'impôt pour la production télévisuelle. On pourrait même employer plus d'un moyen.
Le sénateur Spivak: Madame le ministre, je ne comprends pas que l'industrie des magazines se retrouve sans défense devant une offensive des Américains, parce que j'ai toujours cru qu'on avait une clause d'exemption pour la culture. Gordon Ritchie nous avait assurés que toute forme de représailles de la part des Américains serait illégale.
Les détracteurs de cette entente trouvent qu'on n'a pas pris en considération le nombre plus élevé des pages publicitaires dans les magazines américains ni la plus grande fréquence des périodiques quand on a fixé à 18 p. 100 la nouvelle proportion de publicité acceptée dans les éditions canadiennes de périodiques américains.
Par exemple, on a dit que 13 magazines américains destinés aux femmes vendaient en tout 19 000 pages de publicité dont 18 p. 100 pourront désormais être achetées par des annonceurs canadiens dans des éditions canadiennes, soit 3 400 pages. Les sept principales publications pour les femmes au Canada n'en vendent en tout que 4 800. Par conséquent, les Américains pourront vendre 3 400 pages de publicité dans un marché de 4 800, ce qui donne 63 p. 100 et non 18 p. 100. C'est un coup bas. Que répliquez-vous à cette critique?
Mme Copps: Tout d'abord, il faut tenir compte de la diffusion des livraisons de Time, par exemple, par rapport à Maclean's. Le Time compte en moyenne 12 pleines pages d'annonces par édition. Par conséquent, l'exemption prévue dans la loi lui permettra de vendre 12 p. 100 de ces 12 pages la première année, 15 p. 100 de ces 12 pages la deuxième année, et 18 p. 100 de ces 12 pages la troisième année. À 18 p. 100, on arrive à moins de trois pages pour le Time, ce qu'il faut évaluer par rapport au nombre de lecteurs de Maclean's et voir aussi si la publicité sera plus ciblée. Pour cet exemple, je me sers de l'édition américaine de Time.
Prenons maintenant un magazine d'intérêt général. Si quelqu'un décide d'annoncer dans Vogue par exemple, il lui faudra calculer le nombre d'abonnements dans un marché assez étendu au Canada, parce que le bassin de lecteurs s'étend sur six fuseaux horaires et six zones de distribution différentes. Il y a aussi un bassin de lecteurs anglophones de 22 à 23 millions de personnes. La comparaison n'est pas très avantageuse pour la création d'un magazine de ce type exclusivement canadien. Il faut alors se demander combien d'éditeurs en profiteront. L'an prochain, nous serons mieux en mesure d'évaluer combien il y en aura vraiment sur le marché.
Le lendemain de l'entente sur le projet de loi C-55, un certain nombre d'éditeurs de magazines américains auraient dit qu'ils allaient faire une étude pour voir si, éventuellement, ils établiront quelque chose ici.
Nous allons surveiller ça de très près à court et à long terme. Néanmoins, je pense que personne aujourd'hui ne peut affirmer catégoriquement que cette entente va nous faire perdre tant de revenus.
Nous admettons qu'il y aura certaines pertes. C'est pourquoi nous discutons d'ajustement. Cependant, je suis incapable de vous dire aujourd'hui que cette entente va nous faire perdre tant de pages dans tant de magazines. Ça dépend d'un grand nombre de facteurs commerciaux.
Le sénateur Spivak: Néanmoins, si les éditeurs décident de se prévaloir de ces 18 p. 100, ça équivaudra à 63 p. 100 de ce petit marché; est-ce que cette analyse est exacte ou non?
Mme Copps: À l'heure où on se parle, ce n'est qu'une hypothèse très peu réaliste. Je ne pense pas que ces 18 magazines pour femmes viennent s'établir au Canada parce qu'ils auraient à se partager une trop petite assiette publicitaire. Comme vous l'avez dit, selon les chiffres, on parle de 100 à 200 millions de dollars. Est-ce que ça vaut la peine pour 18 grands magazines féminins américains de venir s'établir au Canada?
Le sénateur Spivak: Les États-Unis ont manifestement appris comment arriver à leurs fins. Sauf votre respect, madame la ministre, je ne crois pas que ce soit une victoire pour le Canada de dire que les États-Unis ont admis qu'ils devaient avoir une petite place sur nos tablettes pour leurs propres magazines. Néanmoins, ils ont appris comment faire des menaces, comment intimider et comment fragmenter les secteurs économiques. Ils ont eu ce qu'ils voulaient.
Je veux vous interroger au sujet de la propriété étrangère. Quelle devrait être la réaction du gouvernement canadien -- et cet argument du terrain glissant qu'on a entendu au cours de nos audiences -- si les Américains demandent soit de prendre une participation majoritaire dans des stations de télévision, des entreprises de télécommunications ou des magazines établis, soit de les acheter? Quel précédent cette entente peut-elle créer pour la question de la propriété?
Mme Copps: Prenons comme exemple la radiodiffusion. Les limites à la propriété étrangère aux États-Unis sont deux fois plus sévères qu'au Canada. Ils seraient donc mal placés pour revendiquer quoi que ce soit.
Le sénateur Spivak: Rien ne les arrête. Ils prennent tout ce qui est à leur portée. Quel précédent va-t-on établir si on leur accorde un pourcentage accru de propriété étrangère?
Mme Copps: Le fait que les limites à la propriété étrangère sont semblables à celles que nous avons pour la radiodiffusion signifie que, grâce aux investissements de partenaires, il sera plus intéressant pour les magazines canadiens de se bâtir leur propre marché. L'obligation de s'en tenir à une participation minoritaire, ce qui est conforme à notre politique pour la radiodiffusion, a été approuvée par presque toute l'industrie du magazine.
Le sénateur Spivak: Je voudrais en revenir à la question de la légalité. Gordon Ritchie nous a parlé des mesures de représailles et je présume que c'est cette menace qui nous pousse à amender le projet de loi. S'il n'y avait pas eu de menace de représailles, on n'aurait rien changé au projet de loi C-55. M. Ritchie nous a dit premièrement que les Américains ne pouvaient pas imposer légalement des mesures de représailles sans s'adresser à l'OMC et, deuxièmement, que les mesures de représailles seraient loin des milliards de dollars étant donné la taille de notre marché des magazines. Même si tout ça c'est du passé, pour référence ultérieure et aussi pour que je comprenne bien, que pensez-vous de cette remarque? Est-ce que les mesures de représailles dont on nous a menacés étaient légales ou illégales? D'après moi, si elles étaient illégales, on n'avait pas d'affaire à leur donner quoi que ce soit. Ils vont nous écraser et faire ce qu'ils veulent de toute façon. J'aurais quand même voulu régler cette histoire de l'importance des mesures de représailles.
Mme Copps: Je pense que M. Ritchie avait parfaitement raison. Je ne suis pas certaine d'être d'accord avec ceux qui prétendent que le projet de loi C-55 non amendé était la meilleure solution possible. Nous avons d'ailleurs discuté de la possibilité d'adopter le projet de loi C-55 sans amendements. Votre comité a passé pas mal de temps à l'étude des ramifications juridiques. Je vous ai dit que, selon nos conseillers juridiques, nous étions en terrain sûr. Mais quand une loi est contestée devant un organisme international, on ne peut jamais être certain du résultat. Quand on peut arriver à s'entendre pour éviter un recours devant un organisme international, c'est toujours préférable.
Dès le départ j'ai dit que si les Américains proposaient quelque chose se rapportant précisément à la reconnaissance de l'unicité de la culture et du contenu, nous allions chercher à nous entendre. Cette entente nous assure qu'on ne sera pas traînés devant les tribunaux internationaux dans l'avenir.
En ce qui concerne l'exemption de la culture sous le régime de l'ALENA, la définition des dommages n'était pas claire. Nous étions en terrain inconnu. Nous aurions peut-être réussi à faire du chemin quand même, mais je crois qu'une entente est préférable.
Le sénateur Spivak: C'est très intéressant. Vous dites qu'une fois l'entente signée, les Américains ne pourront plus s'adresser à un tribunal international. Alors supposons que les choses ne se passent pas comme prévu et que certains segments de l'industrie, par exemple les revues spécialisées, subissent de lourds préjudices et que vous décidiez de présenter de nouvelles modifications ou un nouveau projet de loi. Est-ce que ce traité signifie que les Américains ne pourront plus revenir nous faire des menaces?
Mme Copps: Le traité porte sur la teneur du projet de loi C-55. Il prévoit que les Américains ne nous amèneront ni devant l'ALENA, ni devant l'OMC et qu'ils ne prendront pas de mesures en vertu de l'article 301.
Le sénateur Spivak: Pour ces dispositions-ci, mais ils pourraient le faire à propos d'autre chose, n'est-ce pas?
Mme Copps: L'entente porte sur les dispositions que renferme le projet de loi C-55 et rien d'autre. Il serait très difficile d'arriver à une entente interdisant toute mesure concernant des lois éventuelles.
Le sénateur Spivak: Je croyais que c'était le fait de l'exemption pour la culture. Je suppose que j'ai été naïve.
Mme Copps: J'ai consacré un temps fou à cette question justement parce que l'OMC ne prévoit pas d'exemption pour la culture.
Vous avez parlé tout à l'heure d'être sans défense. La décision de l'OMC nous a laissés effectivement sans défense et bien des gens ont dit que nous ne devions rien faire, qu'il était préférable de laisser le marché régler les choses. Nous avons pourtant décidé d'essayer une tactique différente et originale que voici. L'idée de nous adresser au Sénat est tout à fait originale. Il se trouve que je suis personnellement convaincue du rôle précieux que le Sénat a à jouer. Il a fait quelque chose d'historique quand il a reconnu l'importance du contenu canadien.
Je ne veux pas surestimer le projet de loi, mais je sais que c'est la première fois dans l'histoire que le gouvernement américain accepte qu'une loi étrangère autorisant la discrimination fondée sur le contenu ne puisse pas être contestée devant leurs tribunaux nationaux ou internationaux. On y est parvenu parce que le premier ministre était assez convaincu du bien-fondé de cette affaire pour en discuter avec le président américain lui-même.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous venez encore de parler de «traité». En vertu de la Constitution américaine, un traité doit être approuvé par le Sénat américain. Savez-vous quelles dispositions ont été prises pour que ce traité soit approuvé par le Sénat américain? Le mot «traité» est assez fort.
Mme Copps: Je ne suis pas responsable du Sénat du Canada pas plus que du Sénat des États-Unis. Peut-être que mon conseiller juridique peut vous expliquer comment ces ententes sont signées.
M. Jeff Richstone, conseiller juridique, Patrimoine Canadien: Honorables sénateurs, je vais vous parler de la Constitution des États-Unis. Je le fais sous toute réserve de droit puisque je ne suis pas un expert en droit constitutionnel américain. Je crois savoir que certains pouvoirs ont été conférés aux représentants au commerce des États-Unis par la loi américaine sur le commerce. Il y aura un échange de lettres. L'ambassadeur ou le représentant au commerce des États-Unis agira en vertu d'un pouvoir délégué pour signer l'échange de lettres au nom des États-Unis.
L'approbation du Sénat ne sera pas nécessaire comme pour les traités, sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas un traité alors?
M. Richstone: Le mot «traité» n'a pas un sens très strict en droit international.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il est dans la Constitution américaine.
M. Richstone: Nous sommes en train de nous lancer dans une discussion sur la Constitution américaine.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pas du tout.
M. Richstone: Ce sont des pouvoirs délégués par la loi américaine, semble-t-il, pour permettre à un ambassadeur ou à un représentant au commerce de signer un échange de lettres. Quant à savoir si cet échange de lettres constitue un traité au sens du droit constitutionnel américain, c'est une autre affaire. C'est certainement un traité au sens de la législation commerciale et en tant qu'échange de lettres entre nos deux pays.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne vais pas ergoter avec vous parce que je l'ai déjà fait sans grand résultat. Néanmoins, j'ai reçu une lettre expliquant si une infraction au projet de loi serait un crime ou non.
Vous dites que l'entente comme telle n'aurais pas besoin d'être approuvée par le Congrès américain. Cessons de jouer sur les mots. C'est une entente signée par des ambassadeurs ou des représentants des deux gouvernements, qui n'aurait pas besoin d'être ratifiée par le Congrès américain; c'est bien ça?
M. Richstone: C'est ce que les Américains m'ont expliqué.
Le sénateur Lynch-Staunton: Eux n'ont pas besoin d'adopter un projet de loi C-55 comme nous.
M. Richstone: Ils n'ont pas à adopter un projet de loi comme nous. Pour eux, c'est un simple échange de lettres qui a force obligatoire pour les deux gouvernements.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est donc pas un traité.
M. Richstone: C'est un traité au sens où c'est une entente internationale ayant force obligatoire.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous suggère de vérifier la définition du mot «traité» dans vos livres de droit.
Le sénateur Kinsella: Est-ce que l'entente sera soumise à la Convention de Vienne sur les traités?
M. Richstone: Il semble qu'elle sera effectivement soumise à la Convention de Vienne sur les traités parce que c'est un instrument international ayant force obligatoire. Il est signé en vertu d'un décret. Oui.
Le sénateur Forrestall: A-t-il une échéance? A-t-il un début et une fin? Il est possible que les recettes fiscales du Canada servent à payer des sociétés américaines. Est-ce que cet accord, quelle que soit sa forme -- qu'il soit gravé dans du béton, griffonné sur du bois, couché sur papier ou imprimé dans la mémoire de quelqu'un -- a une date d'entrée en vigueur et une date d'échéance? Je ne pense pas qu'on puisse parler dans ce contexte d'une disposition de temporarisation. C'est un terme bien canadien. Bref, a-t-il un début et une fin?
Mme Copps: Aucune société américaine ne recevra de l'argent en vertu du projet de loi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Comment pouvez-vous en être certaine? Vous ne l'avez pas encore signé.
Le sénateur Forrestall: Le traité a-t-il un début et une fin?
Mme Copps: La seule chose à étudier, madame la présidente, c'est le projet de loi C-55. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires et en réponse aux questions, si des discussions sont fructueuses entre l'industrie des magazines et le Cabinet, on en annoncera le résultat. Il vous faut pour le moment décider si vous voulez approuver les amendements au projet de loi C-55, indépendamment de toute autre mesure. On ne va pas vous demander maintenant de voter sur d'autres mesures qui pourraient éventuellement être proposées une fois que le Cabinet aura pris certaines décisions. On vous demande de vous prononcer sur le projet de loi C-55 amendé.
Le sénateur Forrestall: Vous n'avez pas répondu à ma question. Je veux savoir si l'entente a un début et une fin.
Mme Copps: Elle a un début et elle sera en vigueur tant qu'elle n'aura pas été résiliée. Il y a une clause de résiliation standard comme celle qu'on trouve dans tous les accords.
Le sénateur Lynch-Staunton: Où est-elle? Où est-elle?
Le sénateur Forrestall: Il n'y en avait pas dans le Traité d'Utrecht.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas un traité.
Le sénateur Fitzpatrick: Il est évident que le gouvernement canadien a pour objectif de promouvoir et de mettre en valeur les industries culturelles. Madame la ministre, croyez-vous que ces discussions sur le projet de loi ont amené les États-Unis à reconnaître qu'en plus d'être un principe du gouvernement canadien, cet objectif n'est pas incompatible avec le libre-échange, maintenant qu'on a conclu ce traité et qu'on est en train d'adopter le projet de loi?
Mme Copps: Oui, je le crois et c'est pourquoi je pense que cette reconnaissance par le gouvernement américain de la légitimité d'une exemption pour le contenu canadien est historique.
Le sénateur Kinsella: Madame la ministre, je trouve personnellement que vous étiez sur la bonne voie avec le projet de loi C-55 et je vous félicite pour tout le travail que vous avez fait sur cette question épineuse.
Il y a quelque chose dans le libellé actuel du projet de loi C-55 qui me préoccupe et c'est la question de savoir s'il est compatible avec nos obligations en vertu de la Charte, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression. On nous a demandé notre opinion à ce sujet à la dernière réunion. En définitive, j'arrive à la conclusion que le libellé actuel du projet de loi est compatible avec la Charte.
Cependant, je ne peux pas en dire autant du projet de loi amendé et je vais vous faire part de deux de mes craintes.
Pouvez-vous m'aider à comprendre l'esprit de l'amendement qui est apporté aux articles 20 et 21 du projet de loi?
L'amendement à l'article 21 constitue en fait l'essence du projet de loi amendé, me semble-t-il, surtout là où on dit que le nouveau rapport sera déterminé en fonction des revenus qui proviennent des services publicitaires destinés au marché canadien. Le mécanisme pour déterminer le pourcentage sera établi par l'amendement apporté à l'article 20. Est-ce que j'ai raison jusque-là?
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Kinsella: L'article 20 se trouve à la page 10 et l'article 21, à la page 11.
Au cours d'un examen antérieur du projet de loi C-55 et plus spécialement du droit des Canadiens à la liberté d'expression, les experts en droit constitutionnel nous ont dit que, tout compte fait, la restriction de ce droit dans les limites prévues par l'article 1 de la Charte serait jugée acceptable et que par conséquent, on ne considérerait pas que le projet de loi va à l'encontre des obligations imposées par la Charte.
Estimez-vous que le règlement qui établira le mécanisme ne sera pas aussi musclé qu'une disposition réglementaire permettant la restriction de la liberté d'expression? La version initiale du projet de loi C-55 contenait le mécanisme ou le processus de mise en application du projet de loi. Désormais, c'est le règlement qui permettra de restreindre la liberté d'expression.
Par exemple, si une revue américaine essayait de vendre de la publicité sur le marché canadien et que, comme industriel canadien, j'essayais d'y placer une annonce mais que le mécanisme instauré par le règlement indiquait que l'on a déjà atteint les 18 p. 100 pour le numéro de juin, on ne me permettrait pas d'exercer mon droit d'expression parce que le plafond de 18 p. 100 serait dépassé pour ce mois-là.
Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
Mme Copps: Vous voulez savoir si cela constituerait une violation plus grave de la Charte que les dispositions prévues dans la version initiale du projet de loi. Je laisse à notre conseiller juridique le soin de répondre à cette question.
M. Richstone: C'est plutôt l'inverse; en effet, l'interdiction prévue dans le projet de loi C-55 avant que cette motion d'amendement ne soit présentée était une interdiction globale. Cette motion ajoute une nouvelle exemption -- jusqu'à 18 p. 100. Elle atténue la vigueur de l'interdiction jusqu'à un certain pourcentage au cours d'une période donnée. Le pourcentage change tous les 18 mois. En fait, si la cour décrétait qu'il s'agit d'une violation de la Charte, alors on en discuterait. Cette disposition atténue la gravité de la violation de la Charte en autorisant jusqu'à un certain pourcentage.
On pourrait dire que ces dispositions ne contreviennent pas à celles de la Charte des droits, ou moins que l'interdiction globale. En fait, nous atténuons la vigueur de l'interdiction. On peut considérer que cette disposition est davantage conforme à la Charte.
Le sénateur Kinsella: Que se passe-t-il si l'on n'est pas là lorsque le plafond est atteint?
M. Richstone: Ce mécanisme laisse une certaine marge de manoeuvre par numéro. La violation de la liberté d'expression possible, selon certaines personnes, serait moins grave.
On pourrait dire que, dans bien des cas, la conformité à la Charte serait accrue.
Le sénateur Kinsella: Je suis content d'avoir posé cette question. On devrait inviter des experts en droit constitutionnel pour nous aider.
L'article 3 est la poutre maîtresse du projet de loi, d'après mon souvenir du premier examen que nous en avons fait. Il dit notamment ceci:
Il est interdit à tout éditeur étranger de fournir des services publicitaires destinés au marché canadien [...]
L'amendement proposé, l'article 21.1, dit que l'éditeur étranger est soustrait à l'application de la présente loi pour les services publicitaires qu'il offre. Par conséquent, le projet de loi prévoit à la fois la non-application de la loi et son application, ce qui est plutôt contradictoire. Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi. Des propositions aussi contradictoires sont-elles fréquentes dans les lois?
Mme Copps: Je dirais que les dispositions du projet de loi sont maintenues, sauf en ce qui concerne cette exemption. Nous vous avons demandé d'examiner une exemption.
[Français]
Le sénateur Joyal: Les représentants des éditeurs canadiens ont déclaré publiquement, pendant la période des discussions avec les représentants du commerce américains, qu'ils étaient prêts à accepter jusqu'à 10 p. 100 d'accessibilité des magazines étrangers au marché de la publicité canadienne. En pratique, l'impact du compromis n'est-il pas de 8 p. 100 et peut-il varier considérablement selon les magazines? Il y a certainement des magazines pour lesquels une présence étrangère a moins d'effets négatifs que pour d'autres.
Selon les témoins qui parlaient de la structure du marché des magazines au Canada, certains magazines sont plus vulnérables que d'autres aux variations du marché et peuvent moins absorber les contrecoups d'une présence plus grande, même de 1 ou 2 p. 100. Dans les discussions que vous pourriez avoir avec les représentants des magazines canadiens, votre approche ne devrait-elle pas être souple pour tenir compte de la grande diversité des impacts sur l'application de l'entente telle que vous nous l'avez décrite aujourd'hui?
Mme Copps: Oui. C'est justement la raison pour laquelle on veut avoir un dialogue accru avec l'industrie. Vous y trouvez des magazines qui dépendent en partie ou entièrement de la vente de publicités et d'autres qui ne dépendent pas d'une souscription générale, qui sont gratuits, par exemple, The Canadian Mining Association.
Ces magazines peuvent être plus affectés parce qu'ils n'ont pas la même marge de manoeuvre que ceux qui bénéficient de souscriptions dans une proportion de 50 à 60 p. 100. Des magazines comme Châtelaine ou Flair, dont les revenus dépendent de souscriptions, ont un peu plus de marge de manoeuvre. On veut aussi s'assurer que l'instrument que nous choisissons ait pour but de soutenir le contenu canadien.
[Traduction]
Mme Copps: Au cours de la conférence de presse, j'ai parlé de Canadian Bride, la revue qui, d'après les affirmations du National Post, n'existe pas. J'ai mentionné cette revue parce que c'est une revue canadienne qui a un bureau au Canada mais dont l'édition est en grande partie américaine.
Vous constaterez que les revues canadiennes qui ont un contenu canadien très limité sont minoritaires. Nous voulons nous assurer que l'outil pour lequel nous collaborons avec l'industrie soit un outil permettant la création d'un contenu nouveau et original et qu'il ne serve pas uniquement à améliorer la situation financière de l'éditeur. Nous devons prendre le temps nécessaire pour obtenir un mélange bien dosé. Tel est notre objectif.
[Français]
Le sénateur Joyal: Sur le 8 p. 100 dans l'entente intervenue -- je parle des frais que les éditeurs étaient prêts à accepter, soit jusqu'à 10 p. 100 -- le gouvernement est disposé à considérer une série d'interventions pour amenuiser l'impact que peut avoir la mise en application de cette entente avec les Américains. Selon vos propres termes, est ce que ces interventions pourraient prendre différentes formes, à savoir subventions directes, dégrèvements fiscaux ou d'autres avantages, qui pourraient leur être concédés à l'intérieur de la législation fiscale canadienne?
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Joyal: Si les amendements dont vous avez parlé sont adoptés par le Sénat, ne disposerez-vous pas, comme ministre du Patrimoine canadien, de deux outils?
Vous aurez, d'une part, les garanties du projet de loi amendé. D'autre part, vous aurez aussi un autre outil dont le gouvernement n'avait pas jugé opportun de se doter antérieurement.
Sur l'ensemble des ajustements à faire, indépendamment des négociations avec les Américains, on ne peut pas conclure que l'ensemble du secteur se trouvera davantage aidé à la fin du processus, quels que soient les montants d'argent qui feront l'objet de discussions dans le processus parlementaire.
Mme Copps: Lorsqu'on a répondu à la première décision de l'OMC d'en finir avec les taxes d'accises, nous avions quatre options. La première était de ne rien faire. La deuxième était une reconnaissance des services de la publicité telle qu'adoptée au projet de loi C-55. La troisième était précisément axée vers la création de contenu canadien. C'est la raison pour laquelle nous avions beaucoup travaillé sur le contenu. Je sais, par exemple, que Canadian Bride est un magazine qui n'a pas beaucoup de contenu canadien. La dernière concernait les subventions pures et simples.
Le projet de loi C-55 amendé propose un mélange possible des trois dernières options. Nous avons fixé un échéancier assez long sur l'application des exemptions qui représentent 12 p. 100 après 18 mois et un autre 6 p. 100 pour les 18 prochains mois, une période de transition de 36 mois. Nous aurons également la possibilité de voir exactement où on en est rendu.
La loi ne peut pas convenir à tous les magazines. Certains magazines de commerce, de consommation et quelques autres seront plus vulnérables. Il faudrait trouver un outils précis pour aider sans créer une aide inutile.
[Traduction]
Le sénateur Fitzpatrick: Je suppose que cette période de consultation de l'industrie sera prolongée. Pour le moment, nous ne savons pas encore s'il sera nécessaire d'octroyer des subventions ou d'autres avantages. La décision dépendra de la façon dont la situation évolue ou de la prospérité de ces revues. N'a-t-on fixé aucune échéance pour ce processus?
Mme Copps: Aucune échéance ferme n'a été fixée mais le Cabinet reconnaît qu'un ajustement est nécessaire. Compte tenu des chiffres et de la période de transition de trois ans pour l'application des exemptions, il est clair que nous serons confrontés à certaines difficultés. Le Cabinet a accepté d'examiner une proposition qui permettrait de les surmonter. La nature de cette proposition n'a toutefois pas encore été déterminée. On n'attendra certainement pas un an ou deux. La question sera résolue assez rapidement.
La présidente: Merci madame la ministre. Vous avez déjà comparu trois fois. Vous nous avez donné l'occasion de vous poser toutes les questions que nous voulions vous poser au sujet du projet de loi C-55. Vous avez aimablement accepté de nous tenir au courant de la situation pendant que nous écoutions les témoignages des divers intervenants. Merci beaucoup.
Mme Copps: Je tiens à vous remercier également. Je sais que c'est la première fois que nous suivons un tel processus. Contrairement à certains députés, j'estime que le Sénat peut également participer à des processus inédits.
La présidente: Nous étions décidés à remplir notre mandat. Merci beaucoup, madame la ministre.
Honorables sénateurs, nous passons maintenant au deuxième point à l'ordre du jour.
Le sénateur Kinsella: Madame la présidente, le sénateur Rompkey nous a rappelé qu'au cours d'une séance précédente, alors que nous nous préparions à passer à l'étude article par article du projet de loi, il a proposé de convoquer le ministre Marchi. Nous avons ensuite entendu le témoignage de la ministre Copps.
Il semble que les circonstances aient changé à la suite des amendements qui ont été proposés. La ministre nous l'a clairement expliqué.
La ministre Copps a fait du très beau travail, compte tenu des circonstances. Nous estimons pour la plupart que la culture canadienne doit être protégée et qu'il faut faire preuve de créativité en la matière.
J'apprécierais d'entendre le témoignage d'au moins un ou deux experts en droit constitutionnel. Je crois que ce projet de loi provoque un changement de dynamique. Les opinions sont partagées pour ce qui est de savoir si ce projet de loi sera invalidé par les tribunaux parce qu'il ne respecte pas le droit à la liberté d'expression qui est reconnu par la Charte.
En ce qui concerne par ailleurs la question de fond, il nous suffirait d'environ une journée pour entendre les témoignages des intervenants qui sont directement concernés, à savoir les associations d'éditeurs et d'annonceurs. Nous nous devons de connaître leur opinion sur ces amendements.
Je ne tiens pas à me faire accuser de retarder le processus. On sais que j'estimais que le projet de loi aurait dû être adopté sans amendements. Je proposerais de ne pas procéder immédiatement à l'étude article par article du projet de loi mais de demander au greffier de se mettre en contact avec la Canadian Magazine Publishers Association et avec l'Association canadienne des annonceurs, pour voir s'il n'y a pas moyen de les inviter à venir témoigner d'ici un jour ou deux. Il serait peut-être intéressant également d'entendre les commentaires des professeurs Monahan et Cameron.
Pour ce qui est des délais, nous pourrions avoir terminé d'ici la fin de la semaine. On pourrait alors faire rapport au Sénat. Un examen sérieux permettrait d'accélérer le processus à la Chambre. Le projet de loi serait renvoyé à la Chambre des communes à temps pour son adoption.
La présidente: S'agit-il d'une motion, sénateur Kinsella?
Le sénateur Kinsella: Si vous voulez. Nous préférerions entendre ces témoins avant de passer à l'étude article par article.
Le sénateur Joyal: La question que pose le sénateur Kinsella au sujet de la constitutionnalité du projet de loi m'a toujours préoccupé également. Les professeurs Monahan et Cameron ont fait pour nous une analyse approfondie du projet de loi. Un de leurs principaux arguments était que le projet de loi prévoyait une interdiction totale qui risquait d'être contraire aux dispositions de l'article 1 de la Charte. Était-ce raisonnable?
Le projet de loi ne propose pas une interdiction totale de l'accès au marché canadien. J'ai dit au témoin que le projet de loi devrait prévoir une exemption pour les revues à tirage limité. Une telle décision aurait eu des répercussions minimes et aurait permis d'éviter une interdiction totale, ce qui aurait raffermi la position du projet de loi. Les amendements proposés maintenant faciliteront l'accès au marché dans des limites raisonnables. Le problème de la constitutionnalité du projet de loi n'est plus aussi aigu qu'avant.
Le sénateur Kinsella a également proposé d'inviter un représentant des annonceurs ou des éditeurs à venir témoigner. Comme l'a mentionné la ministre, le gouvernement a suggéré la possibilité de créer un fonds pour compenser les inconvénients ou les répercussions négatives de la situation à laquelle nous sommes confrontés face aux États-Unis. Si l'on craint que le projet de loi puisse avoir des répercussions négatives pour les éditeurs ou les annonceurs, le problème pourrait être réglé dans le cadre de sa mise en application. Comme l'a mentionné la ministre, ces problèmes seront débattus et certaines négociations auront lieu.
Nous entendrons plus tard des témoins nous parler de problèmes éventuels à régler. Pour le moment, les questions que le sénateur Kinsella se pose seraient réglées plus facilement en suivant le processus, c'est-à-dire en adoptant le projet de loi et en laissant les parties concernées poursuivre leurs discussions ou exprimer leurs doléances.
La version initiale du projet de loi proposait une interdiction totale. Cependant, dans le cadre des entretiens que nous avons eus avec les Américains, les représentants des annonceurs ont indiqué qu'ils pourraient porter le pourcentage à 10 p. 100. Dans leur esprit, la flexibilité nécessaire faisait déjà partie de la dynamique de la situation. Dès lors, nous sommes en mesure d'agir sans leur causer du tort.
S'il ne restait aucune autre possibilité de discuter des répercussions du projet de loi, j'aurais les mêmes craintes que vous. Je serais aussi passablement convaincu que ces amendements seraient préjudiciables, surtout pour l'industrie. Cependant, étant donné que le gouvernement s'est engagé à prendre certaines initiatives après les discussions et après avoir entendu les commentaires des intervenants, je pense que le système prévu est raisonnable. C'est pourquoi j'estime qu'il faut poursuivre l'étude du projet de loi.
Le sénateur Spivak: Malgré tout le respect que je dois au sénateur Joyal, qui est un homme d'une très grande intelligence, je me permets de lui signaler qu'il ne raisonne pas de la même façon que les éditeurs. Il est clair que le gouvernement tient à ce que ce projet de loi soit adopté le plus vite possible. Le problème, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi important qui établira un précédent. Je viens de recevoir le texte des amendements. Le processus que l'on veut suivre est différent du processus habituel selon lequel le comité reçoit le projet de loi, l'examine, puis examine les amendements. De nouveaux amendements ont été préparés dans le cadre d'un processus auquel nous n'avons pas participé. Je n'en ai pas encore complètement saisi la teneur, étant donné que je n'ai eu que 10 minutes pour les examiner.
Il s'agit d'un projet de loi très important. Étant donné qu'il est absolument impossible de le bloquer ou de le rejeter, j'estime qu'il est nécessaire d'inviter au moins les éditeurs à témoigner, par respect des usages parlementaires. Ceux-ci ont fait beaucoup parler d'eux dans la presse. Il faut également connaître l'avis des annonceurs.
La question de la constitutionnalité du projet de loi me préoccupe moins que la survie de l'industrie canadienne de l'édition. Je ne pense pas demander une concession majeure. Je prie mes collègues d'y réfléchir, sinon on appliquerait en quelque sorte la clôture au débat. C'est un projet de loi très important. Je ne pense pas qu'il soit absolument nécessaire pour le moment de l'adopter en toute hâte.
La présidente: Sénateur Spivak, le leader du gouvernement au Sénat a reçu un exemplaire des amendements vendredi et a aimablement proposé de les transmettre au bureau du chef de l'opposition. Le bureau du sénateur Lynch-Staunton les a reçus vendredi.
Le sénateur Lynch-Staunton: La ministre a signalé que nous participions à un processus inédit. Personnellement, je ne tiens pas particulièrement à y participer. Le fait que l'on demande d'adopter des amendements qui sont proposés à la suite d'un accord tacite entre les États-Unis et le Canada me préoccupe. Il n'y a pas d'entente finale et il faut parfois attendre longtemps pour qu'une entente verbale débouche sur la signature d'un accord en bonne et due forme.
Je voudrais d'abord avoir des garanties que ces amendements sont une émanation naturelle de cette entente. J'estime en outre que nous devrions connaître la nature de l'entente en question.
Par ailleurs, d'après ce que la ministre nous a dit, cette entente prévoit la création d'un fonds spécial. Quelle que soit la nature de ce fonds, cette initiative entraînera pour les contribuables des frais d'un montant indéterminé.
En nous demandant d'adopter les amendements, on nous demande en fait d'adopter en quelque sorte un projet de loi de finances. C'est ce qu'il deviendra effectivement lorsque les amendements y seront intégrés.
En toute sincérité, je ne pense pas que ce soit notre rôle de prendre des engagements en matière de dépenses publiques, étant donné que nous ne sommes pas élus et que ce n'est pas dans nos habitudes. Ce projet de loi devrait être renvoyé à la Chambre des communes. La ministre devrait le défendre et l'expliquer aux députés, auxquels il appartient de décider des sommes qu'ils sont disposés à engager, en qualité de représentants élus. La version remaniée du projet de loi devrait ensuite être renvoyée au Sénat.
Nous procédons à rebours. C'est un processus inédit auquel nous ne devrions par participer. Ces amendements entraîneront des dépenses. Le Sénat n'a pas le droit de promouvoir des projets de loi de finances. Je suis certain que les légistes purs et durs rétorqueront que ce n'est pas le cas mais c'est un projet de loi qui entraînera des dépenses d'un montant indéterminé. Ce sont les deux raisons pour lesquelles j'estime qu'il ne faut pas procéder immédiatement à l'étude article par article. Nous devrions suivre les conseils du sénateur Kinsella et inviter les éditeurs, qui étaient initialement en faveur du projet de loi C-55 mais sont totalement opposés à la façon dont on a procédé, à témoigner. Il faudrait également inviter les annonceurs, qui étaient disposés à contester la validité du projet de loi devant les tribunaux mais sont maintenant satisfaits. Il s'agit d'une version modifiée du projet de loi, qui est totalement différente de sa version originale. C'est en fait un nouveau projet de loi et il devrait être traité comme tel.
La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires au sujet de la motion du sénateur Kinsella?
Le sénateur Forrestall: Madame la présidente, je n'arrive toujours pas à savoir si au moins un de ces amendements est un amendement de fond.
Étant donné que je ne suis toujours pas convaincu qu'un de ces amendements n'est pas un amendement de fond, je partage les opinions du sénateur Kinsella et j'estime que nous devrions entendre quelques autres témoignages.
Je dois avouer mon ignorance. Je ne sais pas très bien comment le Sénat doit procéder dans des cas semblables. Je sais toutefois qu'à la Chambre, on ne peut pas proposer un amendement de fond à un projet de loi qui a déjà été approuvé en principe. J'estime que nous avons approuvé ce projet de loi en principe. J'ai été surpris que la ministre n'ait pas examiné la validité de ces amendements sous cet angle.
Si certains sénateurs se demandent s'il s'agit d'amendements de fond, il faudrait régler cette question avant de passer à l'étape suivante.
Le sénateur Kinsella: Je vous assure que nous ne tenons pas à retarder les travaux du comité par plaisir. Comme leader de mon parti au Sénat, je vous signale que nous ne nous opposerions pas à une motion qui proposerait que notre comité siège mercredi après-midi, pendant que le Sénat siège, ou n'importe quel autre jour de la semaine, y compris vendredi matin.
Je remercie le sénateur Joyal pour les observations qu'il a faites au sujet de la question des amendements de fond. En ce qui concerne la conformité à la Charte, j'ai des doutes quant à la conformité des dispositions du projet de loi lorsque les amendements aux articles 20 et 21 y seront intégrés. L'article 20 dit que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour déterminer qui peut exercer le droit à la liberté d'expression. Le projet de loi C-55 précise qu'aucun éditeur étranger ne peut fournir à un annonceur canadien des services publicitaires destinés au marché canadien.
Le risque est bien plus grand, à mon avis. Le projet de loi modifié ne répondrait pas aux critères de la Charte prévoyant que les droits et libertés ne peuvent être modifiés que par une règle de droit. Il permettrait à la ministre de priver quelqu'un du droit d'exercer sa liberté d'expression.
J'ai peut-être tort, mais je pense que ce petit changement de forme change complètement la perspective.
La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires au sujet de la motion du sénateur Kinsella?
Le sénateur Joyal: Je voudrais faire un commentaire au sujet de la remarque qu'a faite le sénateur Forrestall, qui se demande si les amendements proposés ne vont pas à l'encontre du principe dont s'inspire le projet de loi. Je ne pense pas que ces amendements aillent à l'encontre de l'objectif du projet de loi qui est de réglementer l'accès des revues étrangères au marché canadien. Il ne changera pas. Les amendements qui sont proposés imposeraient certaines limites mais ne modifieraient pas l'objectif du projet de loi.
La Chambre des communes a modifié le projet de loi sans porter atteinte au principe sur lequel il repose et je ne pense pas que nous violions ce principe non plus. Je me suis posé la question et j'en ai discuté avec des collègues. J'ai lu les passages pertinents de l'ouvrage de Beauchesne. Il dit que le comité peut modifier les dispositions d'un projet de loi à un point tel que, lorsque rapport en est fait à la Chambre, il s'agit, pour ce qui est du fond, d'un projet de loi différent de celui qui avait été renvoyé au comité. Un comité peut rejeter tous les articles d'un projet de loi et les remplacer par de nouveaux articles se rapportant au sujet du projet de loi tel qu'il se présentait à l'étape de la deuxième lecture.
Autrement dit, le comité dispose d'une très grande latitude. Par conséquent, je ne pense pas qu'en proposant ces amendements, nous outrepassions nos droits. Bien que je trouve le commentaire du sénateur Forrestall pertinent, ma conclusion personnelle est que les amendements que nous proposons ne modifient pas le motif du projet de loi.
Je reconnais la validité de l'argument du sénateur Lynch-Staunton en ce qui concerne le fonds. Si les amendements, dont nous discuterons plus tard, comprenaient un amendement portant spécifiquement sur le fonds, je serais également d'avis que ce serait une initiative ne relevant pas de nos attributions mais de celles de la Chambre des communes. La ministre s'est toutefois engagée à demander l'approbation du Parlement par le biais du Budget des dépenses supplémentaire. Il n'est pas nécessaire d'examiner cette question immédiatement. Le gouvernement a pris un engagement à ce sujet, mais pas sous une forme qui nous oblige à l'examiner aujourd'hui même.
Lorsque nous aurons accompli notre tâche législative, l'industrie de l'édition et celle de la publicité n'auront qu'à insister auprès du gouvernement. Nous pourrions peut-être adopter une résolution pour faire connaître nos desiderata au gouvernement, puisque le Sénat a le droit de le faire.
Le sénateur Fitzpatrick: L'industrie traverse une période d'incertitude depuis un certain temps. La possibilité que des fonds publics soient affectés à cette forme de soutien sera examinée dans le cadre des entretiens avec les représentants de l'industrie et sera étudiée par le Cabinet. Je ne vois pas comment nous pourrions examiner la question en deux ou trois jours et je ne pense pas que cela rendrait service à l'industrie. Je ne vois pas pourquoi on retarderait l'étude article par article du projet de loi.
La présidente: La façon dont cette discussion s'est déroulée indique que nous avons tous abordé cette consultation avec une grande ouverture d'esprit. Avec votre consentement, je lis la motion en question. Le sénateur Kinsella a proposé la motion suivante:
Que le comité entende immédiatement les représentants de la Canadian Magazine Publishers Association, de l'Association canadienne des annonceurs et des experts en droit constitutionnel, s'ils peuvent se libérer.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion disent «oui».
Des voix: Oui.
La présidente: Que tous ceux qui sont contre disent non.
Des voix: Non.
La présidente: À mon avis, les «non» l'emportent.
Honorables sénateurs, acceptez-vous que le comité passe maintenant à l'étude article par article du projet de loi C-55?
Des voix: D'accord.
La présidente: Le titre est-il réservé?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Lynch-Staunton: Madame la présidente, l'étude article par article se fera sans témoins. Nous estimons que ce n'est pas la procédure normale. J'espère que le fait que nous n'admettons pas cette façon de procéder sera consigné dans les procès-verbaux. Ne nous demandez pas de voter au sujet des amendements. Continuez et nous donnerons notre opinion à une autre occasion.
La présidente: Je comprends, sénateur Lynch-Staunton. Nous procéderons toutefois à l'étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Bien entendu. Ne nous demandez toutefois pas de dire «oui» ou «non».
La présidente: Comme me l'a rappelé le vice-président, je n'essaierai d'influencer personne. Je me contenterai d'employer le terme «adopté».
Le titre est-il réservé?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 1 est-il réservé?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 2 est-il adopté?
Le sénateur Joyal: À propos de l'article 2, étant donné que mes collègues ont en main un exemplaire des amendements proposés, je propose:
That Bill C-55, in clause 2, be amended by
(a) replacing line 28 on page 1 with the following:
«ing in value more than half of the total valuex
(b) replacing lines 2 and 3 on page 2 with the following:
«(f) a non-profit organization in which more than half of its members are persons»
(c) replacing line 25 on page 2 with the following:
«officer and more than half of whose direc-»
(d) replacing line 33 on page 2 with the following:
«indirectly, in the aggregate more than half»
(e) replacing line 35 on page 2 with the following:
«shares representing more than half of the»
En Français:
[Traduction]
Que le projet de loi C-55, à l'article 2 soit modifié:
a) par substitution, à la ligne 22, page 2, de ce qui suit:
«valeur plus de 50 pour cent de la valeur»
b) par substitution, à la ligne 28, page 2, de ce qui suit:
«moins la majorité des membres sont des»
c) par substitution, aux lignes 21 et 22, page 3, de ce qui suit:
«agissant comme tel et au moins la motion des administrateurs ou autres ca-»
d) par substitution, aux lignes 29 à 32, page 3, de ce qui suit:
«indirect, d'au moins la majorité des actions avec droit de vote émises et en circulation représentant au moins la majorité des votes, à l'exception de celles»
e) par substitution, à la ligne 36, page 3, de ce qui suit:
«ou indirecte, de plus de 50 pour cent de la»
[Traduction]
La présidente: Y a-t-il des commentaires au sujet de l'amendement?
Je ne vois personne qui veuille entamer une discussion au sujet de l'amendement.
L'honorable sénateur Joyal propose...
Le sénateur Stewart: Est-il nécessaire de le répéter, madame la présidente?
Le sénateur Joyal: Suffit!
La présidente: On est d'accord sur ce point.
Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement disent oui.
Des voix: D'accord.
La présidente: À mon avis, les «oui» l'emportent.
L'article 3 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 4 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 5 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 6 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 7 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 8 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 9 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 10 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 11 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 12 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 13 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 14 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 15 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 16 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 17 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 18 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 19 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 20 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
Des voix: Non.
La présidente: Je suis désolée. Je me rétracte.
Sénateur Joyal, je n'avais pas vu votre bras levé. Je suis désolée.
Êtes-vous contre l'article 20?
Le sénateur Joyal: Non, madame la présidente. Je voudrais proposer que l'article 20 du projet de loi C-55...
Le sénateur Kinsella: J'invoque le Règlement.
La présidente: Le sénateur Kinsella invoque le Règlement.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, le compte rendu prouvera que la présidence a dit que l'article 20 est adopté. Le sténographe a-t-il relu ce passage? Cet article est adopté. Le rejet de cette décision doit être fait aux deux tiers des voix.
Que ferez-vous? Nous n'entendrons pas d'autres témoignages. Nous n'entendrons pas les commentaires d'experts. En outre, nous ne respecterons pas le Règlement du Sénat du Canada.
La présidente: Je crois qu'il existe un usage...
Sénateur Joyal.
Le sénateur Joyal: Madame la présidente, j'avais la main levée.
La présidente: Oui. C'est moi qui ne l'ai pas remarqué.
Le sénateur Kinsella: Dans quelles dispositions du Règlement cette situation est-elle prévue?
La présidente: C'est de ma faute. Je n'ai pas vu la main du sénateur Joyal.
Le sénateur Kinsella: Le Règlement ne prévoit pas ce genre de situation.
La présidente: Je voudrais avoir quelques minutes pour consulter le Règlement.
Le sénateur Kinsella: L'article 20 du projet de loi a été adopté par le comité et a été déclaré adopté par la présidence.
Une procédure spéciale est prévue pour modifier ce vote.
Le sénateur Joyal: Le vote n'a pas eu lieu comme tel, madame la présidente. Vous avez posé la question. Plusieurs membres ont dit: «D'accord». J'avais levé la main pour demander la permission de prendre la parole avant que vous n'ayez dit: «Adopté».
La présidente: Je crois que la discussion concerne le rappel au Règlement.
Le sénateur Joyal: D'après ce que j'ai cru comprendre, madame la présidente, vous avez demandé si l'article était adopté. Certains membres ont répondu: «D'accord». J'avais toutefois levé la main et je vous avais regardée pour vous demander la permission de prendre la parole. Vous avez dit «Adopté» sans m'avoir accordé cette permission.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il faut écouter l'enregistrement.
Le sénateur Joyal: C'est ce que j'ai entendu.
La présidente: Chers collègues, nous avons entendu deux types d'opinions contradictoires. Un collègue a invoqué le Règlement. D'autres collègues prétendent qu'ils n'ont pas entendu la présidence dire «Adopté». J'ai également suivi le conseil du sénateur Lynch-Staunton, à savoir ne pas demander un vote formel, comme nous le faisons habituellement...
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai jamais dit cela.
La présidente: ... ce qui aurait permis d'éviter cet incident.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit que les membres du comité qui sont assis de ce côté-ci de la table ne participeraient pas à l'étude article par article du projet de loi, ce qui ne voulait pas dire que nous refusions de participer à une procédure publique.
La présidente: J'ai suivi la recommandation du sénateur Lynch-Staunton, à savoir que l'on procède dès lors de façon plus informelle.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai jamais dit cela. Je regrette, mais je n'ai jamais dit comment il fallait procéder. J'ai dit que nous ne participerions pas à l'étude article par article parce que nous la jugions prématurée. Je ne vous ai pas conseillé de procéder autrement que d'habitude ni de procéder comme vous l'avez fait.
Suivez le Règlement. Le sénateur Kinsella a parfaitement raison. Si vous écoutez la bande enregistrée, vous entendrez que vous avez dit: «Adopté».
Le sénateur Kinsella: Il y a des dispositions réglementaires du comité et du Sénat qui s'appliquent à ce genre de situation. Soit que vous essayez de savoir si vous avez l'accord des deux tiers des membres qui vous permettrait de modifier cette décision ou que le sénateur Joyal propose l'amendement à l'étape du rapport.
Ne faisons pas de cet exercice une mascarade. Nous n'écoutons pas des témoins.
La présidente: Je vous suggère de suspendre la séance pendant cinq minutes. Je voudrais examiner le Règlement avec le greffier.
Je suggère de reprendre les délibérations à 18 heures.
La séance est suspendue.
Reprise des travaux à 18 h 15.
La présidente: Chers collègues, il semble y avoir eu une légère confusion au sujet de l'article 20. Je crois que j'ai eu une défaillance de mémoire. Si vous me demandez ce que j'ai dit, je vous avoue sincèrement que je ne m'en souviens pas. Par souci d'équité, nous considérerons que l'article est adopté.
Sénateur Kinsella, nous avons fait quelques recherches au sujet de votre rappel au Règlement. D'ailleurs, je vous signale que vous m'obligez à consulter le Beauchesne depuis quatre semaines. Je n'ai jamais appris autant sur les questions de procédure.
Vous avez fait un rappel au Règlement à propos de la majorité de deux tiers des voix prescrite pour réexaminer une motion et le greffier m'a signalé que le paragraphe 96(1) du Règlement du Sénat du Canada précise que toutes les questions dont est saisi un comité se décident à la majorité des voix. Par conséquent, nous continuons.
L'article 21 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
S'il n'y a pas d'amendements, l'article 21 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 22 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
Y a-t-il des articles nouveaux?
Le sénateur Joyal: J'ai deux articles nouveaux à proposer. Le premier est l'article 20.1. Je voudrais que le greffier en distribue un exemplaire à mes collègues.
Madame la présidente, je propose:
Que le projet de loi C-55 soit modifié par adjonction, après la ligne 37, page 10, de ce qui suit:
20.1 «Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour définir, pour l'application de l'article 21.1, les termes «revenus qui proviennent des services publicitaires destinés au marché canadien» et «revenus publicitaires totaux».
La version anglaise de l'amendement est la suivante:
[English]
That Bill C-55 be amended by adding, after line 40 on page 10, the following:
20.1 "The Governor in Council may make regulations defining, for the purpose of section 21.1, the expressions "revenue generated by the supply of advertising services directed at the Canadian market" and "revenues generated by the total supply of advertising services"."
[Traduction]
La présidente: Avez-vous des commentaires à faire au sujet de l'article 20.1?
Le sénateur Kinsella: C'est une belle tentative de la part du greffier, mais je crois que c'est totalement contraire au Règlement.
La présidente: Pourquoi?
Le sénateur Kinsella: Nous avons adopté les articles 20 et 21.
La prochaine étape consiste à revenir sur les questions qui ont été réservées. Vous essayez de modifier les articles 20 et 21 alors que ces deux articles ont été adoptés. Vous avez une possibilité de régler le problème et c'est à l'étape du rapport. Vous ne pouvez pas revenir en arrière pour essayer de contourner le processus de l'étude article par article.
Le sénateur Joyal: À ce propos, je signale au sénateur Kinsella que le paragraphe 690 de l'ouvrage de Beauchesne, intitulé «Ordre d'examen des dispositions» dit ceci:
Sauf indication contraire donnée par le comité lui-même, on aborde le texte du projet de loi dans l'ordre suivant:
(1) Articles;
(2) Articles nouveaux;
(3) Annexes;
(4) Annexes nouvelles;
(5) Préambule (exposé des motifs), s'il y a lieu;
(6) Titre.
Il ne fait aucun doute que le comité doit examiner les articles, les articles nouveaux, les annexes, les annexes nouvelles, le préambule et le titre. Il a le droit d'examiner les «articles nouveaux» avant d'examiner le «titre».
Le sénateur Kinsella: Le comité a opté pour l'étude article par article du projet de loi. C'est précisément ce que veut dire «étude article par article». Nous sommes arrivés à l'article 20 et l'on a demandé s'il était adopté. Une décision a été prise à son sujet. On ne peut pas revenir en arrière et modifier un article qui a été adopté dans le cadre de l'étude article par article d'un projet de loi.
La présidente: Je n'avais pas compris qu'il s'agissait d'un amendement. J'avais compris que le sénateur Joyal présentait une motion portant sur l'adoption d'un nouvel article et qu'il avait lu et distribué le texte de ce nouvel article, conformément au paragraphe 690.
Le sénateur Joyal: Exactement.
La présidente: Je pense que c'est l'article 20.1 que vous avez sous les yeux.
L'article 20.1 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le sénateur Lynch-Staunton: Discutez-vous d'un rappel au Règlement. Je ne parle pas de procédure pour le moment -- en fait, je suis heureux de ne pas participer à la discussion -- mais je voudrais que le sénateur Joyal m'explique comment cela modifie l'amendement que la ministre nous avait présenté.
Le sénateur Joyal: Il insiste sur la capacité du gouverneur en conseil, dans le contexte bien précis des revenus qui proviennent des services fournis, d'en faire un outil précis dans le cadre de l'objectif de la ministre.
Le sénateur Spivak: C'est par voie de règlement.
Le sénateur Joyal: C'est ce que la ministre a dit; je ne conteste pas ce que vous dites. Cependant, rien n'est changé par rapport à ce que la ministre a dit. Comme l'a mentionné Le sénateur Spivak, ce changement ne modifie en rien le pouvoir de prendre des règlements qui est conféré au gouverneur en conseil, comme le voulait la ministre. Cet amendement définit ce pouvoir dans le contexte précis des services publicitaires destinés au marché canadien. C'est l'objectif du nouvel article. On a préféré procéder ainsi que d'intégrer ce changement à l'article 20 du projet de loi.
Le sénateur Spivak: Qui représente un pouvoir plus étendu.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous enlevez au gouverneur en conseil le droit d'établir des critères en conservant les termes «prendre des règlements». C'est un changement majeur.
Le sénateur Joyal: L'article 20 resterait exactement tel qu'il est imprimé dans le projet de loi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous y ajouteriez ensuite l'article 20.1.
Le sénateur Joyal: L'article 20.1 est un nouvel article.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous rendez-vous compte que c'est un changement majeur par rapport à ce que la ministre avait suggéré?
Le sénateur Joyal: C'est un changement, parce que cet article précise que le gouverneur en conseil jouerait un nouveau rôle qui n'était pas prévu dans l'article 20. Ce changement est axé sur la définition des termes «revenus qui proviennent». Le gouverneur en conseil aurait le pouvoir de décider ce que ces termes veulent dire.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'alinéa c) proposé par la ministre et le texte de votre paragraphe sont différents.
Le sénateur Joyal: Ce paragraphe est effectivement légèrement différent du texte initial.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est un changement très important puisqu'il modifie le texte. Je ne voulais toutefois pas discuter de la façon de procéder mais de l'amendement. Comme pour tout ce projet de loi, c'est une façon très étrange de procéder.
La présidente: Y a-t-il d'autres articles supplémentaires?
Le sénateur Joyal: Oui, j'ai un article supplémentaire.
Le sénateur Kinsella: Rendrez-vous une décision sur le rappel au Règlement?
La présidente: Je n'ai pas entendu votre rappel au Règlement, sénateur Kinsella.
Le sénateur Kinsella: J'ai dit que la façon dont le sénateur Joyal essaie de procéder est antiréglementaire. Elle n'est pas conforme au Règlement parce que les articles 20 et 20.1 ont été adoptés. Le sénateur Joyal nous cite un commentaire de Beauchesne. Le Beauchesne est un recueil de commentaires intéressants qui s'appliquent parfois à la Chambre des communes. Par contre, citez-moi un cas où nous avons procédé ainsi au Sénat ou dans les comités du Sénat, et je serai prêt à y réfléchir.
La présidente: Je pense que votre observation est très importante, sénateur Kinsella. Cependant, comme je l'ai déjà signalé, à cause de toutes les discussions que nous avons eues au cours des dernières semaines, j'ai consulté très activement le Règlement du Sénat du Canada et le Beauchesne dont s'inspirent la plupart des règles du Sénat. Sachant que nous allions procéder à l'étude article par article aujourd'hui, j'ai lu le Beauchesne très attentivement, comme le greffier me l'avait conseillé.
Je décrète que nous procédons de façon réglementaire et le paragraphe 690 de Beauchesne me conforte dans cette opinion. Je répète ce qu'il dit:
Sauf indication contraire donnée par le Comité lui-même, on aborde le texte du projet de loi dans l'ordre suivant:
(1) Articles;
(2) Articles nouveaux;
(3) Annexes;
(4) Annexes nouvelles;
(5) Préambule (exposé des motifs), s'il y a lieu;
(6) Titre.
Y a-t-il d'autres articles nouveaux?
Le sénateur Joyal: Oui. Je voudrais proposer deux articles nouveaux. Il s'agit des articles 21.1 et 21.2. Je propose:
Que le projet de loi C-55 soit modifié par adjonction, après la ligne 8, page 11, de ce qui suit:
Exemption
21.1 L'éditeur étranger est soustrait à l'application de la présente loi si les revenus qui proviennent des services publicitaires destinés au marché canadien qu'il fournit par le truchement d'un numéro d'un périodique représentent, par rapport aux revenus publicitaires totaux:
a) pour la période de dix-huit mois qui commence le jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, au plus 12 p. 100;
b) pour la période de dix-huit mois qui suit la période visée à l'alinéa a), au plus 15 p. 100;
c) au plus 18 p. 100 par la suite.
Autre exemption
21.2(1) Est également soustrait à l'application de la présente loi l'éditeur étranger qui, après l'entrée en vigueur de la présente loi, effectue au Canada, dans le domaine de l'édition de périodiques, l'investissement visant un type précis d'activité commerciale lié au patrimoine culturel du Canada ou à l'identité nationale et désigné aux termes de l'alinéa 15a) de la Loi sur Investissement Canada, dès lors que celui-ci a fait l'objet d'un examen effectué en conformité avec la partie IV de cette loi et d'un avis -- réel ou présumé -- du ministre chargé de l'application de la même loi selon lequel il sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada.
Fin de l'exemption
(2) Toutefois, l'éditeur étranger frappé par une ordonnance judiciaire rendue en application des alinéas 40(2)e) ou f) de la Loi sur Investissement Canada ne bénéficie plus de l'exemption prévue au paragraphe (1).
Exemption ne visant que l'investissement
(3) L'exemption prévue au paragraphe (1) ne vise que l'investissement qui y est mentionné.
[Français]
Que le projet de loi C-55 soit modifié par adjonction, après la ligne 8, page 11, de ce qui suit:
Exemption -- pourcentages des revenus publicitaires autorisés
«21.1 L'éditeur étranger est soustrait à l'application de la présente loi si les revenus qui proviennent des services publicitaires destinés au marché canadien qu'il fournit par le truchement d'un numéro d'un périodique représentent, par rapport aux revenus publicitaires totaux:
a) pour la période de dix-huit mois qui commence le jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, au plus 12 p.100;
b) pour la période de dix-huit mois qui commence la période visée à l'alinéa a), au plus 15 p. 100;
c) au plus 18 p. 100 par la suite.
Autre exemption -- alinéa 15 a) de la Loi sur Investissement Canada
21.2 (1) Est également soustrait à l'application de la présente loi l'éditeur étranger qui, après l'entrée en vigueur de la présente loi, effectue au Canada, dans le domaine de l'édition de périodiques, l'investissement visant un type précis d'activité commerciale lié au patrimoine culturel du Canada ou à l'identité nationale et désigné aux termes de l'alinéa 15 a) de la Loi sur Investissement Canada, dès lors que celui-ci a fait l'objet d'un examen effectué en conformité avec la partie IV de cette loi et d'un avis -- réel ou présumé -- du ministre chargé de l'application de la même loi selon lequel il sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada.
Fin de l'exemption
(2) Toutefois, l'éditeur étranger frappé par une ordonnance judiciaire rendue en application des alinéas 40(2) e) ou f) de la Loi sur Investissement Canada ne bénéficie plus de l'exemption prévue au paragraphe (1).
Exemption ne visant que l'investissement
(3) l'exemption prévue au paragraphe (1) ne vise que l'investissement qui y est mentionné»
[Traduction]
Le sénateur Murray: Je suppose que ce sont des amendements ministériels.
Le sénateur Joyal: Oui.
Le sénateur Murray: C'est peut-être une question de forme, mais je voudrais savoir ce que signifie la phrase «for which that Minister is satisfied or is deemed to have been satisfied that the investment is likely to be of net benefit to Canada», qui a été traduite en français de la façon suivante:
d'un avis -- réel ou présumé -- du ministre chargé de l'application de la même loi [...]
Pourquoi a-t-on écrit «deemed to have been satisfied»?
Le sénateur Joyal: Ce sont les termes employés dans la Loi sur Investissement Canada. Le ministre est présumé être convaincu que certains éléments sont inclus dans la proposition.
Le sénateur Murray: C'est par conséquent automatique.
Le sénateur Joyal: Non, ce n'est pas automatique mais l'on présume que le ministre a accepté si ces éléments ont été déposés.
Le sénateur Murray: De quels éléments s'agirait-il en ce qui concerne le paragraphe 21.2(1)?
Le sénateur Joyal: L'objectif de la Loi sur Investissement Canada est de s'assurer que lorsqu'un investissement est effectué dans un «secteur stratégique», le ministre chargé de l'application de la loi, qui en l'occurrence sera la ministre du Patrimoine canadien...
Le sénateur Murray: Non, non. Je crois que ce sera le ministre de l'Industrie.
Le sénateur Joyal: Je rappelle au sénateur Murray la déclaration faite par la ministre Copps cet après-midi dans le cadre de son exposé liminaire. Elle a dit qu'elle sera la ministre chargée de faire des commentaires sur les répercussions de ces décisions pour s'assurer qu'elles sont à l'avantage du secteur qui est concerné.
Cela ne change pas. Il ne s'agit pas d'une modification apportée à la Loi sur Investissement Canada. Cet amendement donne à la ministre du Patrimoine des possibilités supplémentaires de faire connaître son avis, comme elle l'a mentionné dans son exposé liminaire.
La présidente: Les nouveaux articles 21.1 et 21.2 lus par le sénateur Joyal sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adoptés.
Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
La présidente: Adopté.
Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Lynch-Staunton: Madame la présidente, je présume que votre rapport contiendra des explications. Compte tenu de la nature du projet de loi et de l'importance des amendements, le Sénat mérite des explications.
La présidente: Oui. C'est ce que je ferai dans l'exposé que je ferai demain.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je parle du rapport.
La présidente: Je dois déposer le rapport ce soir et faire un exposé à son sujet demain.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne sais pas qui vous donne des instructions mais je demande, si mes collègues sont d'accord, que le rapport contienne des explications du fait que les amendements qui ont été approuvés par les membres du parti ministériel modifient considérablement le projet de loi qui a passé l'étape de la deuxième lecture. Je crois que le Sénat mérite des explications au sujet des changements que ces amendements apportent au projet de loi. Le Sénat nous a envoyé un projet de loi présentant certaines caractéristiques qui ont été considérablement modifiées par ces amendements. Il ne s'agit pas d'amendements de forme ni d'amendements visant à améliorer ou à modifier le projet de loi. Il s'agit d'amendements importants qui modifient la nature du projet de loi et le Sénat devrait être au courant de ce qui s'est passé en comité.
Nous tenons à préciser par ailleurs qu'il s'agit d'un rapport minoritaire. Nous ne sommes pas satisfaits de la façon dont on a procédé. Nous espérons que le rapport indiquera que nous n'avons pas participé à l'étude article par article. Nous voudrions y ajouter une brève note personnelle, dont le texte pourrait être prêt en fin de soirée ou demain, pour que le Sénat connaisse la nature exacte du projet de loi qu'on lui renvoie, qui est très différent de la version qu'il nous avait envoyée.
La présidente: Comme je l'ai dit, j'avais l'intention de présenter un bref rapport ce soir et de faire un exposé demain. Proposez-vous que j'inclue dans le rapport que je ferai ce soir des explications sur ce qui s'est passé au cours de cette séance et au cours de celles des dernières semaines?
Le sénateur Lynch-Staunton: Sauf votre respect, je vous signale qu'il ne s'agit pas de votre rapport, mais de celui du comité.
J'estime que les amendements nécessitent quelques explications dans le rapport du comité, parce qu'ils modifient considérablement la version originale du projet de loi. Le Sénat a droit à des explications pour pouvoir évaluer le rapport que vous déposerez ce soir. Quand vous donnerez vos explications demain, les sénateurs seront mieux au courant de la nature du rapport que vous aurez présenté.
La présidente: Le sénateur Lynch-Staunton a recommandé d'inclure dans le rapport des explications de la présidence.
Le sénateur Lynch-Staunton: Du comité.
La présidente: Il s'agit d'un rapport de la présidence présenté au nom du comité.
Le sénateur Joyal: Le sénateur Lynch-Staunton veut-il dire qu'il vous confiera la responsabilité de donner des explications sur les amendements? Je fais une distinction entre cette requête et le fait de s'être abstenu de participer à l'étude article par article.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'estime que lorsqu'on fait rapport d'un projet de loi au Sénat avec des amendements, le rapport doit contenir des explications à leur sujet. C'est un rapport du comité.
La présidente: On se pose deux questions différentes. D'une part, on se demande s'il convient d'ajouter des explications au rapport. D'autre part, on se demande quand ces explications devraient être données au Sénat. Ce soir ou demain?
Est-ce bien cela, sénateur Lynch-Staunton?
Le sénateur Lynch-Staunton: Les membres du parti ministériel rédigeront les explications. Nous voudrions y ajouter une note indiquant quelles sont nos opinions sur les amendements.
Le sénateur Joyal: Je me souviens d'un collègue qui a demandé que l'on mentionne qu'il s'abstenait de participer. Le Président a dit qu'une telle abstention ne devrait pas être mentionnée, ce qui m'a étonné.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est parce que cela n'avait rien à voir avec le sujet du projet du loi. C'est le motif que le Président a invoqué.
Le sénateur Joyal: J'en avais conclu qu'un comité ne pouvait pas mentionner des abstentions. Les comités ont diverses options lorsqu'ils font rapport de projets de loi. C'est aux sénateurs qui veulent que l'on mentionne leurs opinions qu'il appartient de prendre la parole et d'expliquer pourquoi ils se sont abstenus, pourquoi ils se sont opposés aux amendements et pourquoi ils estiment que le rapport devrait être assorti de certaines réserves. C'est ainsi que j'interprète les dispositions du Règlement concernant les rapports du comité.
Je voulais signaler le fait que je m'étais abstenu de participer à l'élaboration de ce rapport mais le Président a dit que cela allait à l'encontre des usages.
Par conséquent, j'estime qu'il faut se conformer aux usages concernant la façon dont les rapports sont structurés.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le Président ne s'opposerait jamais à un rapport de comité comprenant des observations des membres, que ce soit à titre collectif ou personnel. Dans le cas que vous avez mentionné, il a décrété que le fait de mentionner que deux sénateurs s'étaient abstenus était antiréglementaire ou irrégulier. Je peux vous citer plusieurs cas de rapports minoritaires. Celui qui me vient à l'esprit en premier lieu concerne des modifications à la Loi sur les brevets. Il s'agissait d'un long rapport minoritaire, qui était probablement plus long que le rapport majoritaire.
Étant donné les changements qui ont été apportés au projet de loi depuis que le Sénat l'a vu pour la première fois, le Sénat mérite mieux qu'une simple description des quatre amendements, sans notes explicatives.
Quoi qu'il en soit, c'est ce que je recommande.
La présidente: Comme je vous le disais, j'avais l'intention de faire un exposé sur le rapport demain.
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, et vous ferez de toute façon cet exposé.
La présidente: J'essayais de tenir compte de votre motion, sénateur Lynch-Staunton, dans laquelle vous proposez que le rapport sur le projet de loi que je présenterai ce soir contienne des explications.
Est-ce bien la teneur de votre motion, sénateur Lynch-Staunton?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne parle pas nécessairement de ce soir, madame la présidente. J'estime que tout rapport qui est déposé au Sénat devrait contenir des observations sur la nature des amendements et sur les répercussions qu'ils auront sur le projet de loi auquel le Sénat avait donné son approbation de principe à l'étape de la deuxième lecture. Il s'agit en l'occurrence d'amendements importants. Le Sénat mérite mieux qu'un simple rapport formel.
La présidente: Par conséquent, vous proposez que le rapport sur le projet de loi comprenne des observations sur la nature des amendements et sur les articles supplémentaires. Puis-je mettre la motion aux voix, sénateur Lynch-Staunton?
Le sénateur Lynch-Staunton: Comme vous voulez. Je suis certain que tous mes collègues sont d'accord.
La présidente: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
La présidente: La motion n'est pas adoptée.
Par conséquent, je présenterai le rapport sur le projet de loi ce soir.
Le sénateur Kinsella: Pourrait-on tenir un vote par appel nominal?
La présidente: Nous procéderons par appel nominal.
Le greffier lira le nom des sénateurs qui diront «pour» ou «contre».
M. Michel Patrice, greffier du comité: L'honorable sénateur Adams.
Le sénateur Adams: Abstention.
M. Patrice: L'honorable sénateur Fairbairn.
Le sénateur Fairbairn: Contre.
M. Patrice: L'honorable sénateur Fitzpatrick.
Le sénateur Fitzpatrick: Contre.
M. Patrice: L'honorable sénateur Forrestall.
Le sénateur Forrestall: Pour.
M. Patrice: L'honorable sénateur Joyal.
Le sénateur Joyal: Contre.
M. Patrice: L'honorable sénateur Kinsella.
Le sénateur Kinsella: Pour.
M. Patrice: L'honorable sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pour.
M. Patrice: L'honorable sénateur Milne.
Le sénateur Milne: Contre.
M. Patrice: L'honorable sénateur Poulin.
Le sénateur Poulin: Contre.
M. Patrice: L'honorable sénateur Spivak.
Le sénateur Spivak: Pour.
M. Patrice: L'honorable sénateur Stewart?
Le sénateur Stewart: Contre.
La présidente: Honorables sénateurs, cela fait quatre pour, six contre et une abstention.
Je déclare la motion rejetée. C'est terminé.
La séance est levée.