Délibérations du sous-comité des
Communications
Fascicule 2 - Témoignages du 15 mai 2000
OTTAWA, le lundi 15 mai 2000
Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 17 h 12 pour étudier les politiques pour le XXIe siècle concernant les technologies des communications, leurs conséquences, la concurrence et l'impact pour les consommateurs.
Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Sénateurs, avant d'accueillir nos invités à cette table ronde, notre comité a deux questions administratives à régler.
Tout d'abord, vous le savez, un premier budget a été soumis au Bureau de régie interne par le président du comité sénatorial permanent des transports et des communications. On a discuté de ce budget avec ce comité, qui nous en a alloué un tiers. Demain matin, en ma qualité de présidente de notre étude spéciale, je dois comparaître devant le Bureau de régie interne et lui présenter un budget révisé. J'ai pris la liberté d'en changer le montant en l'abaissant.
J'ai besoin que l'on approuve ce budget par voie de motion pour que je puisse comparaître demain matin devant le Bureau de régie interne afin de représenter notre comité.
Le sénateur Finestone: Je me souviens d'avoir présenté la motion pour faire adopter le budget la dernière fois. Ce budget est nettement inférieur. Est-il possible d'atteindre les objectifs que l'on s'est fixés?
La présidente: Oui. Vous savez que depuis ce budget, nous avons révisé notre cadre de travail. Nous l'avons resserré et nous avons raccourci les délais correspondant à notre cheminement critique. Nous avons opéré des compressions horizontales et verticales de façon à pouvoir nous adapter à un budget très inférieur.
Le sénateur Finestone: Très bien. Je propose cette motion.
La présidente: Sommes-nous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
La présidente: En second lieu, chers collègues, je siège au sein du comité sur les banques, qui est présidé par le sénateur Kolber. On m'informe que ce comité organise une mission d'information. Cette mission comprendra des discussions lors d'une table ronde auxquelles participeront divers intervenants des États-Unis. Cette mission portera avant tout sur les échanges et sur le commerce électronique. Ce sera très intéressant. Elle aura lieu à Chicago à la fin mai.
Le comité va rencontrer des gens représentant tout un éventail de sociétés. Il y aura par exemple des administrateurs des associations locales de technologie et les responsables des gouvernements. Des représentants de l'État vont aussi rencontrer les dirigeants d'entreprises à capital de risque. J'ai pensé qu'il serait bon qu'un membre de notre comité y soit.
Je suis membre du comité sur les banques, mais je ne ferai pas le voyage. J'ai parlé au président du comité sur les banques, qui a accepté que notre attaché de recherche principal fasse partie de cette mission. Il pourra recueillir l'information qui nous intéresse.
Le sénateur Spivak: Je propose cette motion, madame la présidente.
La présidente: Nous sommes d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
La présidente: Voilà qui règle les problèmes d'organisation. Si vous n'avez rien d'autre à proposer sur le sujet, nous allons entendre nos témoins.
Je tiens à souhaiter tout particulièrement la bienvenue aux témoins qui vont participer aujourd'hui à notre première table ronde. Ils représentent différents organismes privés et gouvernementaux et ils connaissent très bien la question que nous étudions -- la concurrence, la convergence et les consommateurs.
Je vais demander aux responsables d'Industrie Canada de présenter le premier exposé.
M. Richard Simpson, directeur général, Groupe de travail sur le commerce électronique, Industrie Canada: Madame la présidente, le Groupe de travail sur le commerce électronique a été créé il y a un peu plus de deux ans pour examiner cette question du commerce électronique et proposer les stratégies de développement du Canada en cette matière. C'est pour moi un grand plaisir de venir vous en parler aujourd'hui.
Je vais faire quelques observations d'ordre général concernant la façon dont nous concevons le commerce électronique et l'économie canadienne. Je vous parlerai ensuite de nos projets précis dans ce domaine, notamment en ce qui a trait au cadre législatif canadien traitant de la protection des renseignements personnels.
Je vous ai fourni une transcription de certaines diapositives pour que vous puissiez avoir les grandes lignes de l'information que je vais vous présenter.
Tout d'abord, pour que nous puissions bien situer le commerce électronique, cette créature que l'on appelle commerce électronique n'est en fait qu'une partie, un sous-produit, d'un éventail bien plus large de forces liées à la technologie et au marché qui orientent l'économie moderne. Certaines d'entre elles nous apparaissent quotidiennement lorsque nous lisons les journaux. Il s'agit par exemple de la mondialisation des marchés et de la convergence très rapide des technologies, des industries et des marchés que l'on retrouve pratiquement dans le monde entier. Cette évolution est déterminée par la croissance d'Internet et alimentée par la profusion des techniques d'information et de communication dans toutes les économies et les sociétés.
À notre avis, le commerce électronique fait appel aux forces de la mondialisation et du passage à une économie fondée sur la connaissance. C'est aussi la matérialisation d'une chose dont nous parlons depuis un certain nombre d'années, en l'occurrence, la révolution apportée par l'inforoute. C'est en fait la manifestation sur le plan économique de l'inforoute, en dollars et en cents dans le monde des entreprises.
Le tableau de la page 2 vous indique à quel point cela fait une énorme différence quant à la façon dont les entreprises sont dirigées et dont les industries se développent. Les opérations des entreprises sont désormais 100 fois plus rapides et bien meilleur marché qu'auparavant.
Dans le tableau du bas de cette page, nous avons voulu opposer le schéma qui était essentiellement celui du passé, soit une économie linéaire et spatiale faisant appel à une distribution physique de biens corporels, et le monde actuel bien plus dynamique, matriciel, qui s'appuie sur des chaînes de transmission électronique qui irriguent toute l'économie.
Les diapositives de la page 3 résument le rôle que doit jouer selon nous le gouvernement fédéral en matière de commerce électronique. Il s'agit pour lui de créer le climat politique et juridique le plus favorable au commerce électronique et de faire que le Canada soit le lieu privilégié pour effectuer du commerce électronique, afin de promouvoir la transformation des entreprises canadiennes et attirer les investissements en provenance du monde entier.
Nous avons établi ce cadre politique et juridique grâce à un certaines initiatives parties d'un certain nombre d'exigences fondamentales du commerce électronique, qui sont exposées au bas de cette page. Tout d'abord, et c'est peut-être le plus important, il convient d'instaurer une grande confiance dans le marché numérique. C'est le grand principe à la base de nombre d'initiatives que nous avons prises et que je mentionnerai dans un instant au sujet de la protection du consommateur et des renseignements personnels.
Un certain nombre de démarches ont été entreprises, et d'autres sont en cours, pour clarifier les règles applicables aux marchés électroniques dans des domaines tels que la fiscalité, la propriété intellectuelle, et cetera.
Étant donné que le renforcement de l'infrastructure de l'information est la plate-forme sur laquelle s'appuie le commerce électronique, c'est là de toute évidence un élément indispensable si l'on veut faire efficacement du commerce électronique au Canada. Je suis sûr que M. Bjerring vous en dira davantage à ce sujet.
Il faut enfin que nous nous assurions que les avantages du commerce électronique s'étendent à l'ensemble de la société canadienne, au sein de l'économie mais aussi pour les besoins du développement social, municipal et culturel.
En haut de la page 4, vous trouverez dans leurs très grandes lignes les initiatives qui ont été prises pour doter le Canada d'un cadre politique en matière de commerce électronique qui nous apparaît comme étant à la pointe dans le monde. Je suis prêt à aborder en détail chacun de ces domaines si le comité le souhaite, mais je me contenterai ici de commenter deux ou trois d'entre eux qui figurent à la droite du tableau.
Il y a tout d'abord la protection du consommateur, qui intéresse particulièrement votre comité. Le ministre de l'Industrie a publié en novembre de l'année dernière un ensemble de directives pour la protection du consommateur sur les marchés électroniques. Cet ensemble de directives a été élaboré conjointement par l'industrie, les représentants des consommateurs et les gouvernements. Il vise à ce que l'on accorde une grande confiance aux opérations commerciales qui relèvent du commerce électronique.
Dans le domaine de la protection de la vie privée, il est bien possible que l'élément essentiel du cadre politique que je viens d'évoquer ait été l'adoption il y a un mois du projet de loi C-6. La partie 1 de cette loi sert de cadre législatif à la protection des renseignements personnels. Les parties 2 à 5 servent de base à la reconnaissance en droit et à l'utilisation des signatures électroniques, des dossiers électroniques et des preuves électroniques dans les domaines de compétence fédérale.
Je vous le répète, la partie 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques vise à protéger les renseignements personnels qui sont recueillis, utilisés ou communiqués par des organisations dans le cadre d'activités commerciales. Elle englobe par ailleurs un ensemble de pratiques équitables en matière de renseignements, confère un droit de regard au Commissaire fédéral à la protection de la vie privée et offre aux Canadiens qui veulent se plaindre un droit de recours devant la Cour fédérale du Canada.
Cette loi est un élément très important de la stratégie du commerce électronique en raison des risques particuliers que fait courir à la protection de la vie privée la croissance d'Internet et des réseaux d'information en général. Vous pouvez voir à la page 5 un certain nombre des caractéristiques qui découlent à l'heure actuelle de l'utilisation d'Internet et qui entraînent des difficultés nouvelles sur le plan de la protection des renseignements personnels, ainsi que les différents domaines dans lesquels la nouvelle loi a pu remédier à ces difficultés.
Une autre conséquence majeure de la croissance d'Internet sur la protection des renseignements personnels, c'est le fait que ce phénomène, par nature, déborde des frontières car Internet opère par-delà les frontières nationales et provinciales. Nous avons ici une diapositive qui fait état des principales initiatives prises dans d'autres pays, notamment de la directive de l'Union européenne, en vigueur depuis octobre 1998, qui contient un certain nombre de dispositions touchant la protection des tiers pour ce qui est des renseignements personnels. Cette question fait l'objet de négociations depuis un certain nombre de mois entre l'Union européenne et les États-Unis.
La dernière diapositive fait état des priorités de mise en oeuvre de cette loi. Nous allons prendre un certain nombre de mesures touchant l'élaboration de la réglementation pour garantir une application effective des dispositions de la partie 1 de la loi. Des exemptions seront prévues dans la loi en matière d'information publiquement disponible et sur un certain nombre d'autres points techniques.
Il y aura une deuxième activité de suivi importante pour ce qui est de l'harmonisation au plan international avec l'Union européenne et d'autres États disposant d'une loi sur la protection de la vie privée puis, dans un deuxième temps, avec les provinces.
Enfin, Industrie Canada ainsi que le Bureau du Commissaire à la vie privée vont mener une campagne d'information et de sensibilisation du public. Industrie Canada va surtout se charger de sensibiliser et de conseiller le monde des affaires concernant le respect de l'application de la nouvelle loi. Le Bureau du Commissaire à la vie privée prendra une très grande part à l'information du public concernant les droits des citoyens en vertu de la nouvelle loi.
Je vous ai donné là un rapide aperçu du commerce électronique ainsi que quelques renseignements au sujet de la loi. Je suis tout disposé à prendre part à la discussion qui va suivre.
M. Doug Hull, directeur général, Applications de l'autoroute de l'information, Industrie Canada: Je vais me référer au document intitulé «Bâtir une économie du savoir de calibre mondial pour le XXIe siècle.»
Vous trouverez dans ce document le cadre des politiques de l'inforoute et des programmes du gouvernement fédéral. Le Canada a une stratégie très différente de celle des autres pays en ce qui a trait à l'inforoute. Il se lance dans le numérique, soit en englobant Internet, alors que d'autres pays sont divisés au sujet du numérique.
Nous avons mis en place un programme à la suite du rapport publié il y a quelques années par le comité consultatif sur l'autoroute de l'information, qui a lancé le Canada dans cette voie.
Nous avons reproduit à la première page du document la déclaration du discours du Trône selon laquelle dans une société du savoir, l'avantage va aux pays qui sont innovateurs, qui recherchent des marchés dans le monde entier, qui investissent dans le perfectionnement des compétences de leur main-d'oeuvre et qui cherchent à améliorer leur productivité. Ce sont là les facteurs clés qui déterminent le niveau de vie au sein d'une société du savoir de calibre mondial. Internet, en raison des possibilités qu'il offre, joue un rôle très important lorsqu'on veut atteindre ces objectifs.
Le Canada est placé devant un certain nombre de tendances importantes. Vous pouvez en voir quelques-unes à la page 2. Vous les connaissez probablement. La mondialisation, du fait de l'abaissement des barrières commerciales, amène constamment le Canada à exercer globalement sa concurrence dans le monde en se fondant sur l'innovation. On privilégie désormais les travailleurs du savoir. Lorsqu'on considère l'évolution de l'emploi au cours des 10 dernières années, on s'aperçoit que les deux millions d'emplois créés au sein de l'économie canadienne sont pratiquement tous allés aux travailleurs du savoir, ceux qui possèdent le meilleur niveau d'instruction au sein de la société canadienne. Il y a d'ailleurs eu une perte nette d'emplois dans les secteurs n'exigeant au maximum qu'un diplôme d'études secondaires.
La technologie de l'information modèle les marchés et les entreprises. Pour l'essentiel, le coût de la transmission de l'information chute en flèche et, ce faisant, ouvre de nouveaux débouchés. Les entreprises peuvent désormais exercer leurs activités dans le monde entier mais, parallèlement, les grosses sociétés mondiales peuvent venir s'implanter sur tous les marchés du Canada. La concurrence est donc permanente.
Les niveaux de vie dépendent de la productivité. Nous n'avons pas les chiffres ici, mais il est tout à fait symptomatique de constater qu'il y a une corrélation directe entre la productivité de la main-d'oeuvre, plus particulièrement, et le niveau de vie au Canada.
Enfin, sur le plan de l'innovation, si notre économie ne réussit pas à innover, si nous ne lançons pas des produits et des services nouveaux sur le marché mondial, nous aurons bien du mal à rester hautement concurrentiels.
Le modèle d'innovation globale du gouvernement figure dans la diapositive suivante, qui fait état des différents cadres dans lequel on opère. L'inforoute est reliée au programme de connectivité, qui figure dans le cadre en haut et à gauche.
Cette stratégie de connectivité s'appuie sur six grands piliers. Je ne les passerai pas tous en revue. Mes collègues l'ont déjà fait partiellement et le feront plus tard. Je vais simplement indiquer rapidement en quoi ils consistent.
Mettre le Canada en ligne amène à se poser la question de savoir comment faire pour que les établissements canadiens -- les collèges, les universités, les écoles, les hôpitaux et les autres grandes institutions de la société et des collectivités canadiennes -- se branchent le plus rapidement possible pour être en ligne. Le gouvernement a un rôle majeur à jouer dans ce domaine, mais il y a d'autres éléments qui doivent aussi être mis en ligne. Nous avons des programmes tels que Rescol et Réseaubiblio et d'autres programmes encore. Le réseau CANARIE permet lui-même de mettre rapidement en ligne les universités et les collèges.
Il y a un autre élément clé, c'est celui des Collectivités ingénieuses. Comment faire en sorte que nos collectivités soient en pointe sur la scène internationale? Nombre de pays exercent leur concurrence grâce à leurs grosses sociétés multinationales. Le Canada n'a pas un très grand nombre de grosses sociétés nationales, mais il dispose de nombreuses collectivités qui n'hésitent pas à adopter rapidement les techniques de l'information et savent les adapter à leurs exigences sociales. En combinant l'action de nos collectivités et de nos grosses entreprises, nous pouvons en fait nous distinguer sur les marchés locaux et sur le marché mondial en attirant davantage l'attention sur ce que fait le Canada et sur ce qu'il a à offrir.
Quant au contenu canadien qui est offert en ligne, il faut voir qu'Internet est une mer d'information. Si nous n'arrivons pas à présenter un contenu typiquement canadien, nous serons submergés, en dernière analyse, par une mer de contenu avant tout américain. Il est très important de faire participer les institutions culturelles, les groupements communautaires et d'autres parties prenantes pour nous assurer que l'information peut être obtenue en recourant à des moyens électroniques.
Je ne vous parlerai pas du commerce électronique. M. Simpson a exposé la politique du gouvernement dans ce domaine.
Nous nous efforçons de faire en sorte que tous les ministères du gouvernement fédéral aient leur programme d'information en ligne en l'an 2004. Nous oeuvrons aussi avec les gouvernements provinciaux et les municipalités dans le même but. C'est un domaine très important de l'activité canadienne. Les Canadiens sont étroitement solidaires de leurs gouvernements. S'ils sont en mesure de se servir de puissantes sources de renseignement, comme celle de Statistique Canada, pour leur bien et pour celui de leurs entreprises, ils seront considérablement mieux placés face à la concurrence internationale.
Enfin, lorsqu'on parle d'un Canada branché au monde entier, on cherche à signaler que le Canada veut se distinguer sur le plan de l'inforoute. Nous ne cherchons pas à être les plus gros investisseurs dans la technologie, mais plutôt à en être les utilisateurs les plus avisés. D'autres pays qui, comme nous, ne peuvent pas se permettre de nos jours de lancer l'argent par la fenêtre, envisage de recourir à cette compétence en tant qu'utilisateurs. C'est ce que nous avons à partager avec le monde entier.
La diapositive qui suit nous montre que le fait d'être branché se traduit par un apprentissage à vie, qui lui-même contribue à assainir notre économie, à renforcer notre société et à dynamiser notre culture. C'est le fondement sur lequel nous pouvons nous appuyer dans notre pays pour faire ce que nous savons très bien faire. Nous savons très bien fournir des produits et des services d'information très puissants. La connectivité et Internet, dans bien des domaines, renforcent encore nos points forts.
Il convient de signaler l'existence de certains programmes de gouvernement en ligne. Je vais vous en exposer quelques-uns. CA*net 3 est le réseau de base à grande vitesse. Andy Bjerring est le président de CANARIE et le grand partisan de cette entreprise à l'échelle du pays. Il s'agit par là de fournir le grand réseau d'inforoute sur lequel chacun essaie de se brancher. Lorsque nous l'aurons mis en place, nous aurons non seulement donné plus de puissance à tous les éléments de ce secteur, mais nous aiderons aussi l'industrie canadienne à élaborer de nouveaux produits et à les commercialiser dans le monde entier.
La semaine dernière, le gouvernement a annoncé la création de 12 nouvelles Collectivités ingénieuses à l'échelle du pays, sur un total, je crois, de 129. Ce sont les collectivités qui guideront notre pays vers l'utilisation de la technologie de l'information. Je n'ai pas dit que l'on avait choisi ces collectivités en fonction de leur infrastructure mais -- et c'est plus important -- selon leur capacité à se servir de la technologie de l'information pour améliorer leurs perspectives sociales, économiques et même culturelles. Nous n'avons pas tenu compte de leur richesse. Nous nous sommes penchés sur leur ingéniosité, ce qui est l'essentiel dans ce domaine.
Le Programme d'accès communautaire est très important. C'est d'ailleurs l'un des piliers du programme de connectivité du gouvernement. Nous savons que de nombreux Canadiens seront raccordés à l'inforoute dans un certain temps si on leur laisse la possibilité d'avoir un ordinateur et un compte Internet.
Nous avons établi des points d'accès public dans tout le pays. Nous avons commencé par les campagnes canadiennes, où le besoin se fait le plus sentir. Nous avons maintenant établi 4 500 sites de ce type. Nombre d'entre eux se trouvent dans les écoles et les bibliothèques. Il y en a aussi beaucoup ailleurs. Les gens peuvent venir s'installer, utiliser Internet et trouver une aide. Il peut s'agir d'un étudiant travaillant sur le site ou d'un voisin qui peut les mettre en ligne et leur montrer comment se brancher sur toutes sortes de sites d'information des gouvernements, des établissements d'enseignement et des collectivités du pays.
Ces sites ont beaucoup de succès. Bien des gens les utilisent. Nous sommes en train maintenant d'aménager des points d'accès public de ce type dans les zones urbaines du pays, dans les 85 localités de plus de 50 000 habitants.
En ce qui concerne Rescol et Réseaubiblio, nous sommes parmi les premiers pays au monde -- et d'ailleurs probablement le premier au monde -- à raccorder nos écoles et nos bibliothèques à l'inforoute. Nous l'avons fait en mars 1998. Ce fut une grande entreprise nationale, les collectivités, les ministères de l'Éducation de l'ensemble du pays, les conseils scolaires, et cetera, faisant cause commune et rendant possible cette réalisation.
Nous sommes maintenant sur le point d'offrir un accès multimédia dans chaque salle de classe du pays, ce qui représentera une infrastructure très importante pour les écoles canadiennes. Nous recyclons des ordinateurs dans le cadre du Programme d'ordinateurs pour les écoles. Pas moins de 200 000 ordinateurs ont été recyclés en association avec l'industrie canadienne, les pionniers du téléphone et d'autres partenaires, l'objectif visé étant de 250 000 à la fin de cet exercice. Nous sommes ici en avance sur notre programme.
Nous raccordons les organisations bénévoles. Il y a 200 000 organisations bénévoles au Canada. Elles disposent d'un énorme réservoir de renseignements précieux sur pratiquement tout ce que l'on peut imaginer, depuis l'information sur l'environnement jusqu'à la santé en passant par les sports et les loisirs. Nombre de ces organisations ne se trouvent pas sur Internet. Si on pouvait les faire figurer rapidement, on pourrait plus facilement communiquer cette information à la population canadienne. Elles peuvent utiliser Internet dans le cadre des campagnes de levée de fonds et des opérations bénévoles. Nous allons mettre en ligne 10 000 organisations de ce type avant la fin du prochain exercice. Nous en avons environ 4 000 qui sont en ligne à l'heure actuelle.
Je n'entrerai pas pour le moment dans les détails de l'opération «access.ca». C'est trop compliqué pour aujourd'hui.
Le sénateur Finestone: Vous nous dites que c'est trop compliqué pour aujourd'hui. Il n'est pas sûr que vous ayez raison.
M. Hull: J'y reviendrai, par conséquent.
Le sénateur Finestone: Ce n'est pas nécessaire. C'était juste une remarque en passant.
M. Hull: Les Canadiens veulent pouvoir se brancher simplement sur l'inforoute. À mesure qu'Internet prend de l'ampleur, de nouveaux utilisateurs entrent en ligne et ils éprouvent en fait des difficultés à aller chercher l'information s'appliquant à leur collectivité. Nous sommes en train de mettre au point un logiciel très simple que tous les Canadiens pourront utiliser pour trouver l'information au sein de leur collectivité locale. C'est «access.ca».
Nous sommes en train de mettre en ligne les collections numérisées. Dans bien des cas, on fait appel à de jeunes Canadiens au chômage. Ils vont dans les établissements culturels, partout au pays, et ils font de la numérisation, mettant leur énergie créatrice au service du Canada pour que les collections culturelles importantes soient en ligne. C'est un programme très important. Nous avons déjà affiché en ligne quelque 380 collections.
Connexion travail et du RND est un logiciel puissant qui raccorde les jeunes diplômés des universités canadiennes à l'inforoute et au marché du travail en ligne.
En résumé, le Canada est l'un des pays les plus branchés au monde. Nous nous réévaluons tous les jours, mais nous sommes parmi les trois ou quatre premiers dans le monde.
Ce n'est pas nous qui dépensons le plus d'argent pour nous brancher, mais nous faisons appel à la bonne combinaison financière et intellectuelle. Lorsqu'on nous compare aux autres pays, il est indéniable que nous sommes l'un des grands exemples, sinon l'exemple, de partenariat très positif et bien conçu entre le public et le privé pour que le Canada soit branché et raccordé à tous les autres pays du monde.
Les États-Unis font surtout appel à un modèle axé sur le secteur privé. La force du Canada, c'est le partenariat entre la fonction publique et le secteur privé.
Ces chiffres témoignent de notre orientation. La population canadienne se branche rapidement. Nous allons avoir désormais un outil puissant d'information en provenance des gouvernements, des collectivités et des entreprises de commerce électronique. Le reste du document reprend en détail les données des trois ou quatre premières pages.
[Français]
M. Gault, directeur, Science, innovation et informatique: Je profite de cette occasion pour vous présenter le résultat de nos enquêtes et des activités de Statistique Canada.
Vous avez une copie de ma présentation «Un Canada branché: enquêtes et découvertes» ainsi que le dépliant jaune. Il s'agit du programme de ma division, pertinent au travail du comité.
[Traduction]
Compte tenu des objectifs du comité, je vais vous parler de l'utilisation d'Internet par les ménages et les entreprises, du commerce électronique et des préoccupations liées à la sécurité et à la protection de la vie privée.
Il y a certains éléments clés tels que l'accès à Internet par la population canadienne, la convergence des technologies et les moyens d'accès à Internet. Pour finir, je vous donnerai un projet de définition du commerce Internet, qui est en cours d'élaboration à l'OCDE.
Le taux d'utilisation d'Internet par les ménages et les entreprises est une statistique importante. Il nous indique combien de ménages utilisent Internet dans le cadre de leurs activités quotidiennes et sont en mesure, par conséquent, de tirer parti des avantages de l'ère électronique -- acheter, vendre, apprendre, enseigner, se divertir et prendre part aux opérations du gouvernement étant donné que nous serons le gouvernement le plus branché au monde en l'an 2004.
En 1998, plus d'un tiers des ménages canadiens utilisaient régulièrement Internet à partir de divers points d'accès -- lieu de travail, domicile ou école. Cette information ressort de l'Enquête sur l'utilisation d'Internet par les ménages. Nous faisons de nombreuses enquêtes auprès des ménages à Statistique Canada. Il ressort d'une autre enquête qu'environ un quart des ménages utilisent Internet chez eux. Ce résultat apparaît à la page 9 de la brochure bleue «Un coup d'oeil sur le Canada», qui vous donne d'autres renseignements intéressants.
L'Enquête sur l'utilisation d'Internet par les ménages nous révèle par ailleurs que les usagers d'Internet sont jeunes, instruits, riches et situés dans les régions urbaines. D'un point de vue géographique, ils ont davantage tendance à habiter l'Alberta, la Colombie-Britannique ou l'Ontario. C'est une répartition géographique assez particulière.
Vous trouverez davantage de détails sur les résultats de l'enquête de 1998 portant sur l'utilisation d'Internet par les ménages dans les deux documents qui vous ont été remis. L'article sur les «Tendances sociales canadiennes» est le plus facile à lire et c'est par là qu'il faut commencer. Le document plus détaillé s'intitule «Être branchés ou ne pas l'être: croissance de l'utilisation des services de communication par ordinateur.»
Nous allons divulguer dans une semaine les données qui ressortent de l'Enquête de 1999 sur l'utilisation d'Internet par les ménages. Nous communiquerons à votre comité les données les plus récentes dès que nous en disposerons.
Internet est utilisé entre autres pour acheter des biens et des services. Cette activité est appelée «commerce électronique». Nous avons posé en 1998 cette question des achats effectués au moyen d'Internet et nous savons que 3 pour cent des ménages se servaient d'Internet pour faire des achats. Ce pourcentage va augmenter.
Étant donné l'intérêt que revêt le commerce électronique, tout particulièrement pour notre service des politiques, nous avons rajouté à notre enquête de 1999 un module sur le commerce électronique. Cela nous permettra de recueillir davantage de données sur le montant des commandes et le type de produits achetés. J'espère pouvoir publier en juillet cette information sur le commerce électronique. Là encore, nous la mettrons à la disposition du comité dès qu'elle paraîtra.
Étant donné l'intérêt que revêtent les questions de sécurité et de protection de la vie privée, nous avons demandé aux ménages s'ils étaient disposés à utiliser une carte de crédit pour faire des achats par Internet. Lorsqu'on est prêt à donner un numéro de carte de crédit à quelqu'un d'autre sur Internet, cela veut dire que l'on a confiance dans le système.
Nous avons demandé aux gens s'ils s'inquiétaient au sujet de la sécurité et de la protection de la vie privée. En juillet, nous espérons pouvoir remettre à votre comité des données portant sur ces préoccupations, telles qu'elles ressortent de la prochaine Enquête sur l'utilisation d'Internet par les ménages.
Si les membres du comité ou leur personnel de soutien veulent le consulter en attendant, ce questionnaire se trouve en fait sur notre site Web. L'adresse du site Web figure dans la brochure jaune.
Nous voyons dans l'Internet un outil de communication sociale. Toutefois, la grande activité économique au sein d'Internet, c'est le commerce électronique, que ce soit entre entreprises, ce que l'on appelle en anglais «B to B», ou entre les entreprises et les consommateurs, soit «B to C».
Outre l'Enquête sur Enquête sur l'utilisation d'Internet par les ménages, nous avons effectué en 1999 une enquête sur les techniques d'information et de communication ainsi que sur le commerce électronique. Les données ont maintenant été recueillies et sont en cours d'analyse. Leur publication est prévue pour le mois de juin. On y recense l'utilisation des techniques d'information et de communication par les entreprises et les établissements publics. Le recours aux TIC est un indicateur témoignant de l'aptitude à utiliser Internet, et l'utilisation d'Internet pour les besoins d'activités commerciales électroniques comme la mise en marché, le contrôle des stocks ou l'information sur les produits, sont aussi d'importants indicateurs de l'activité des entreprises en plus du commerce électronique. Nous avons aussi relevé lors de cette enquête la présence sur Internet des entreprises, de sorte que nous pouvons savoir quelles sont les entreprises qui se branchent sur Internet pour une raison quelconque.
En matière de commerce électronique, cette enquête recense les achats et les ventes sur Internet ainsi que les quantités et les montants. Il s'agit d'une nouvelle enquête dans un nouveau domaine et nous faisons notre apprentissage. Nous espérons toutefois, je vous le répète, pouvoir publier d'excellentes données sur le commerce électronique le mois prochain afin que votre comité et l'ensemble de la population canadienne puisse les utiliser.
Dans le cadre de l'enquête sur les ménages, nous recueillons des données sur les préoccupations des entreprises qui ne se servent pas d'Internet pour faire du commerce électronique. On trouve un certain nombre de ces préoccupations sur la diapositive 8. J'insisterai sur les préoccupations liées aux risques de fraude, à la sécurité, au fait que les clients ne sont pas prêts à utiliser Internet et aux incertitudes des entreprises quant aux lois nationales et étrangères. Nous devrions être en mesure de vous fournir des renseignements à ce sujet.
Nous avons parlé jusqu'à maintenant de l'utilisation d'Internet. J'aimerais consacrer quelques instants à la façon de se brancher sur Internet. Trois enquêtes sont mentionnées sur la diapositive 9, toutes portant sur des industries qui permettent l'accès à Internet, en commençant par les FSI, les fournisseurs de services Internet.
La deuxième enquête, soit le rapport annuel pour les titulaires d'une licence d'entreprise de télédistribution, peut être considérée comme une enquête sur les câblodistributeurs, ce qui est une façon plus simple de décrire cette activité.
Enfin, il y a les enquêtes sur les télécommunications, soit sur les compagnies de téléphone, si vous préférez, qui vendent une capacité de distribution sur large bande aux fournisseurs de services au détail. Elles fournissent un service de gros.
Nous suivons de très près toutes ces industries étant donné que l'on en arrive au point, les honorables sénateurs le savent pertinemment, où les câblodistributeurs peuvent offrir des services de téléphone ainsi que l'accès à Internet alors que les compagnies de téléphone peuvent offrir de leur côté des services de câblodistribution ainsi que ce même accès à Internet. Il y a ensuite les fournisseurs de service Internet proprement dits. Nous allons pouvoir vous fournir des données sur toutes ces activités, et notamment vous parler avant la fin du mois des activités Internet des câblodistributeurs.
Toute cette documentation nous amène à nous demander où se situe le Canada par rapport aux autres pays. L'OCDE a fait de gros efforts, sous la direction de mon collègue, Richard Simpson, et avec une certaine participation de Statistique Canada, pour jeter un certain éclairage sur toutes ces questions. L'OCDE a un rôle fondamental à jouer pour établir des définitions et des lignes de conduite s'appliquant au recueil des données et aux comparaisons internationales.
Sur la diapositive 10, je vous donne une définition des transactions Internet qui, nous l'espérons, va durer jusqu'à la fin du mois et sera ensuite publiée par l'OCDE. Elle a été élaborée lors d'une séance récente de l'OCDE. Elle englobe toutes nos activités statistiques.
Je remercie les honorables sénateurs de m'avoir donné l'occasion de comparaître et je les assure que nous les appuierons dans leurs travaux à mesure que le comité poursuivra ses délibérations.
M. Andrew Bjerring, président-directeur général, CANARIE Inc.: Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir la possibilité d'aborder certaines questions qui figurent dans votre mandat et qui préoccupent grandement CANARIE.
Je m'en tiendrai dans mes commentaires à une question en particulier, même si bien d'autres points soulevés par mes collègues intéressent aussi énormément CANARIE.
La meilleure façon peut-être de présenter le grand problème que je veux évoquer, qui porte sur l'infrastructure de l'accès au réseau à large bande d'Internet, est de nous replacer dans le cadre de ma première diapositive, à savoir que nous considérons les réseaux à large bande comme un levier économique et social fondamental pour le XXIe siècle, non seulement dans notre pays, mais dans tous les pays du monde. Nous considérons que cette inforoute est pour le XXIe siècle l'équivalent des canaux, des routes et des chemins de fer qui ont été construits au XIXe et au XXe siècles. C'est pour cette raison que nous tenons à aborder directement la question de l'infrastructure des réseaux à large bande. Auparavant, toutefois, je vais vous présenter rapidement CANARIE pour que vous puissiez replacer mes propos dans leur contexte.
CANARIE a été fondée en 1993. C'est une organisation à but non lucratif. C'est une initiative qui résulte à l'origine de la collaboration entre l'industrie, les milieux universitaires et le gouvernement, avec à sa tête Industrie Canada.
Nous avons actuellement un conseil d'administration comptant 26 membres, la moitié en provenance du secteur privé et l'autre moitié des universités et d'autres organisations de la fonction publique. Ces sept dernières années et pour une période qui va s'étendre jusqu'aux trois ou quatre prochaines années, nous avons reçu au total 250 millions de dollars de subventions d'Industrie Canada visant un large éventail d'activités.
Les principaux domaines du programme, comme l'indique la diapositive suivante, portent sur la création de CA*net 3, le réseau canadien consacré à la recherche et à l'enseignement. C'est le réseau de recherche et d'enseignement le plus évolué au monde. C'est le plus rapide et celui qui utilise les techniques de pointe les plus récentes.
Nous nous intéressons aussi au cyberapprentissage, soit le recours à des réseaux d'apprentissage tout au long de la vie, et au commerce électronique. Depuis 1993, nous avons appuyé quelque 200 projets de développement technique auxquels ont participé par ailleurs de nombreuses organisations du secteur privé. Pratiquement toutes nos activités ont été menées en collaboration avec des organisations du secteur privé et de la fonction publique. En fait, nous avons oeuvré sur différents projets avec 500 organisations de tous types.
On trouvera une liste des autres activités de CANARIE sur la diapositive suivante. Parmi celles-ci, j'attire votre attention sur la régie de l'Internet. Vous avez peut-être vu à l'occasion dans votre journal des références au domaine «.ca». C'est le domaine de référence de plus haut niveau pour les entreprises, les particuliers et les organisations qui veulent indiquer dans leur adresse de site Web qu'ils sont canadiens et viennent du Canada. Le site Web d'Industrie Canada s'intitule «ic.gc.ca» soit «ic» pour Industrie Canada, «.gc» pour gouvernement du Canada et «.ca». L'organisation chargée d'accorder ces appellations est l'autorité canadienne pour les enregistrements Internet, et CANARIE se charge de gérer cette activité au sein de l'ACEI.
J'en arrive maintenant aux applications qui, à notre avis, exigent impérativement que l'on développe l'infrastructure des réseaux à large bande. Nous avons déjà mentionné le téléapprentissage. Il y a aussi, bien sûr, télésanté. Qu'elle figure ou non dans les enquêtes de Statistique Canada, cette application est certainement celle qui intéresse le plus la population canadienne. Notre gouvernement ainsi que les gouvernements provinciaux de tout le pays se sont particulièrement intéressés aux services gouvernementaux, comme l'a indiqué M. Hull, au commerce électronique, comme l'a indiqué M. Simpson, ainsi qu'aux loisirs. Ce sont les applications qui vont guider à l'avenir la mise en place des réseaux à large bande.
La question que l'on se pose est alors la suivante: Quels sont les avantages de l'accélération du développement des réseaux pour dispenser des services de ce type? Nous pensons qu'il y en a plusieurs et nous les avons fait figurer sur cette diapositive. L'adoption précoce des applications par les clients est importante, lorsque ces clients s'aperçoivent qu'ils ont intérêt à en disposer.
Bien évidemment, l'élaboration précoce de nouveaux services par les écoles, les universités, les collèges, les bibliothèques et les entreprises qui les fournissent revêt un grand intérêt pour le pays. À cet égard, M. Hull a parlé de «raccordement numérique» ou de «raccordement à l'Internet.» Il est important que nous relevions le plus vite possible un certain nombre des défis qui se posent dans notre pays pour éviter l'apparition de clivages numériques et empêcher qu'ils prennent de l'ampleur.
La création précoce d'entreprises et de services novateurs, la migration de première heure des entreprises traditionnelles vers le commerce électronique, la confirmation de la réputation d'innovateur et de chef de file du Canada et le rôle de vitrine de la technologie canadienne sont tous des avantages très importants qui nous paraissent devoir être tirés de l'aménagement précoce des réseaux à large bande et de leur adoption par la population et les entreprises canadiennes.
Cette longue introduction doit me permettre de vous présenter une série de termes qui nécessitent quelque explication. Le meilleur moyen est de partir des fibres optiques. Nous considérons que les fibres optiques sont le moyen idéal de transmission des réseaux à large bande. Très peu de foyers sont aujourd'hui câblés avec des fibres optiques. Nombre d'entreprises, surtout dans les grands centres urbains, le sont, et elles en tirent des avantages. Toutefois, à l'intérieur de nombreuses organisations, c'est la principale infrastructure choisie pour les réseaux à très large bande. Les sociétés de télécommunications font appel à la fibre optique pour les éléments à grande capacité de leur réseau mais, jusqu'à présent, elles n'ont pas réussi à démontrer l'intérêt commercial de l'installation de fibres optiques jusque chez les particuliers. C'est cette question que nous allons aborder ici.
Les réseaux de fibres optiques sont la meilleure solution en partie en raison du fait que leur capacité est pratiquement illimitée. Sur un seul ruban de fibre optique, qui n'est pas bien plus gros que votre pouce, on peut faire passer près de 1 000 fibres optiques. Chaque fibre optique peut acheminer 1 000 longueurs d'onde distinctes de lumière laser. Chacune de ces longueurs d'onde de lumière laser a la capacité d'acheminer des milliards de bits par seconde. Par conséquent, avec un câble pas plus gros que votre pouce, vous avez pratiquement une capacité de transmission illimitée.
De plus, cet outil est indépendant de la technologie, de l'électronique, que l'on met aux deux bouts. Par conséquent, il est neutre du point de vue des techniques employées. N'oublions pas que les satellites et les télécommunications sans fil joueront eux aussi un rôle important, mais ils ne le feront pas isolément. Ils le feront en association avec les fibres optiques là où cette solution convient.
Qu'est-ce qu'un réseau ou une installation de fibres noires? Je vous ai mentionné sur la diapositive suivante deux définitions qui me paraissent pertinentes. Selon la première, la fibre noire est la fibre qui n'est pas reliée à du matériel électronique et, par conséquent, qui n'est pas illuminée par la lumière laser. C'est tout simplement le câblage des fibres à la base. Il ne comporte aucun laser ou équipement électronique. Selon la deuxième, les entreprises traditionnelles qui acheminent les télécommunications ont tendance à fournir des services groupés et considèrent comme un tout l'accès à l'infrastructure et l'utilisation de leurs services. Elles sont peu enclines à offrir un accès à leur infrastructure de fibres optiques indépendamment des services qu'elles dispensent. C'est un point très important qu'il ne faut pas oublier.
Ce qui arrive maintenant -- soit depuis un an à peu près -- et ce qui est de plus en plus fréquent dans le monde, c'est l'installation de câbles en fibres optiques à l'usage exclusif d'organisations comme les conseils scolaires, les municipalités, les compagnies d'électricité, et cetera. Il y a aussi des accords de mise en commun novateurs qui font que des câbles en fibre optique sont installés par un ensemble d'organisations de ce type, qui s'en partagent ensuite l'accès de façon novatrice.
Les municipalités et les gouvernements d'autres pays investissent, et prévoient de très gros investissements, dans des projets visant à mettre en place l'infrastructure publique unique devant être utilisée pour fournir des services aux entreprises et aux consommateurs individuels. C'est une nouvelle forme d'infrastructure publique. Il s'agit d'une nouveauté pour nombre de pays, de municipalités et d'autres gouvernements qui envisagent des projets de ce type. C'est pour cette raison que j'ai jugé important d'évoquer la question devant le comité.
Je tiens à signaler maintenant que des projets de ce type ont été entrepris récemment. La moitié des commissions scolaires du Québec se dotent de leurs propres réseaux. Spokane entreprend un grand projet au sein de ses conseils scolaires. Sudbury en fait autant. Les universités du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique mettent en place leurs propres raccordements aux réseaux de fibres optiques. Ottawa a un projet auquel participent les laboratoires de recherche du CRC et du CNRC, mais aussi CANARIE, les écoles, les hôpitaux et certains participants du secteur privé dans le cadre d'un projet de mise en commun d'un réseau de fibres optiques.
Au niveau des municipalités, Stockholm a mis en train un projet de fibres noires à l'échelle de la ville, et il en est de même pour Palo Alto, en Californie, et Canberra, en Australie. L'État de Washington vient d'adopter une réglementation touchant la mise en place de réseaux de ce type par les municipalités de l'État. La Suède envisage d'adopter un projet de loi en vertu duquel l'équivalent de 10 milliards de dollars des États-Unis seront affectés à un projet national devant permettre de raccorder tous les foyers et toutes les entreprises du pays à une infrastructure publique de fibres optiques. La Norvège envisage un projet analogue.
Les principaux facteurs qui expliquent ces différents projets sont, tout d'abord, la chute du coût des fibres optiques et du matériel électronique permettant de faire passer la lumière; en second lieu, la croissance de la demande pour des services de réseau à large bande; enfin, en troisième lieu, la volonté d'accorder aux clients, par opposition à l'entreprise de télécommunications, un contrôle accru sur la technologie des réseaux.
Pour résumer, pour ce qui est des réseaux de fibres noires, le développement de nouvelles technologies et la prééminence croissante de l'Internet compromet le groupement traditionnel de l'infrastructure et des services des entreprises de télécommunications et conduit à une nouvelle ère où l'infrastructure des communications sera contrôlée par les clients. Il nous faut bien voir que jusqu'à un certain point, ce qui vient d'être mis en place dans les pays et les villes du monde entier n'est qu'un tout premier pas. Ce pourrait être toutefois le point de départ d'une tendance fondamentale venant bouleverser l'ensemble de l'industrie et déterminer l'utilisation des réseaux à large bande.
Pour ce qui est des mesures gouvernementales, la diapositive que vous êtes en train de regarder fait état d'un scénario possible. De nombreuses municipalités sont passées par l'étape un. Elles se penchent sur leurs besoins internes et raccordent leurs bureaux et leurs installations dans toute la ville. Elles se rendent compte alors qu'il y a d'autres institutions à l'intérieur des limites de la ville qui font exactement la même chose de leur côté et qu'une collaboration s'impose logiquement. Nous avons récemment fait un exposé à un comité de la municipalité de Toronto puis, par la suite, au directeur des services administratifs. Nous retournerons en juin pour faire un exposé à l'ensemble du conseil municipal. Les responsables envisagent sérieusement un projet de ce type. Il est évident que d'autres études s'imposent pour une ville ayant la taille de Toronto, mais la municipalité a déjà bien progressé et prend ce projet très au sérieux.
En vertu de ce scénario, lors d'une deuxième étape, le gouvernement fédéral et les provinces s'attaqueraient à la nécessité de disposer d'un cadre et éventuellement de fournir une aide financière à ces projets locaux tout en tenant compte des besoins des régions les plus éloignées pour qu'elles puissent adopter le numérique, pour faire en sorte que ce qui relève du domaine du possible pour les grandes villes ne se fasse pas au détriment des petites localités du pays.
L'étape trois a déjà passé le stade des discussions. Les municipalités qui entreprennent les projets de ce type reconnaissent que le cadre qu'elles ont instauré pourrait très bien servir de point de départ pour la mise en place d'un service s'adressant finalement à l'ensemble des foyers et des entreprises. Il serait nécessaire, bien entendu, de faire intervenir le secteur privé. Les municipalités qui ont accompli cette démarche se penchent sérieusement sur les moyens d'y parvenir.
L'étape quatre revient à encourager au plan national l'adoption de normes et de solutions communes pour garantir la complémentarité et l'uniformité des projets dans tout le pays.
Pour ce qui est des mesures requises du gouvernement fédéral, on pourrait offrir des mesures d'encouragement aux écoles, aux universités et aux bibliothèques. Les projets lancés en Suède, dans l'État de Washington, à Canberra, et cetera, doivent être surveillés de près. Il n'est peut-être pas possible au Canada d'adopter exactement la même démarche que celle d'autres pays, mais il s'agit là de toute évidence de projets ambitieux. Si nous les laissons tout simplement agir sans rien faire de comparable, nous perdrons notre capacité d'être à la pointe sur des projets de ce type.
Il convient de ne pas perdre de vue la possibilité de collaborer au sein d'un programme de développement des infrastructures portant sur des projets de ce type. Il y a un autre projet d'infrastructure en cours qu'il ne faut pas confondre avec celui-ci, mais il peut éventuellement y avoir des chevauchements entre les deux.
Je vous le répète, il convient d'examiner de très près la nécessité de disposer de normes et d'une nouvelle architecture de réseau ouvertes communes. Les solutions parcellaires débouchant sur une mosaïque de réseaux ne nous mèneront éventuellement à rien. Nous devons évidemment nous assurer de pouvoir répondre à l'avenir au défi de l'adoption du numérique.
Je vous remercie de nous avoir donné la possibilité d'intervenir ici ce soir.
La présidente: Les sénateurs vont poser leurs questions, mais si l'un des membres du groupe de témoins souhaite apporter un commentaire, qu'il n'hésite pas. C'est une table ronde.
Le sénateur Spivak: J'aurais tellement de questions à vous poser, mais je vais me limiter.
Pour ce qui est des statistiques, j'ai consulté la page qui fait état de la part que représentent les différents secteurs de l'économie dans le PIB et au niveau des exportations. On y parle de l'agriculture, mais on n'y mentionne pas, entre autres, l'exploitation forestière. J'aimerais savoir quel pourcentage du PIB, de nos exportations et de notre main-d'oeuvre, représente le secteur que l'on peut qualifier très généralement de secteur des communications et des télécommunications? Nombre de gens au Canada continuent à croire que l'agriculture et l'exploitation forestière jouent le plus grand rôle. Je sais que ces statistiques nous dépeignent une situation très différente, mais vous seriez surpris d'entendre les gens qui croient encore que l'agriculture et l'exploitation forestière sont les deux grands moteurs de notre économie. C'est peut-être vrai pour les exportations, mais je ne pense pas que ce soit le cas en ce qui concerne le PIB. Pourriez-vous me donner des précisions à ce sujet?
M. Gault: Votre question est intéressante. Je me ferai un plaisir de remettre au comité un état des pourcentages du PIB, des exportations et de la main-d'oeuvre représentés par le secteur de la technologie de l'information et des communications ainsi que par les différentes composantes de ce secteur. Votre question est très pertinente. Plutôt que de faire des suppositions et de me tromper, je ferai en sorte de donner les chiffres exacts au comité.
Sept emplois sur dix dans notre pays relèvent du secteur des services, par exemple, et près de 70 p. 100 de notre produit national brut provient du secteur des services et non pas des industries primaires, ce qui va évidemment dans le sens de votre question.
Le sénateur Spivak: Je vous posais la question parce que si l'on y pense bien, ces techniques auront d'énormes répercussions sur la compétitivité du Canada, sur son niveau de vie et sur bien d'autres choses.
J'ai de nombreuses questions à poser à M. Bjerring, mais je n'en poserai que quelques-unes.
Vous nous avez dit que le dernier tronçon est le plus important. Vous avez parlé à cet effet de fibres noires. C'est bien ça?
M. Bjerring: Oui.
Le sénateur Spivak: Comment toutes les entreprises qui participent à l'installation des réseaux des fibres optiques, ou les compagnies téléphoniques avec leurs câbles coaxiaux, et cetera, vont-elles pouvoir gagner de l'argent si tous les opérateurs dont vous parlez ici construisent leurs propres réseaux en fibres optiques en les branchant sur l'inforoute? C'est ce que je ne comprends pas. C'est peut-être une question pour l'élite, mais je m'y perds. La concurrence acharnée va s'appliquer à ceux qui auront l'avantage d'installer cette technologie dans les foyers, n'est-ce pas?
M. Bjerring: La majeure partie des gains monétaires qui vont être tirés du secteur des services au sein de la nouvelle économie, si vous voulez, iront aux organisations qui dispensent des services en passant par cette infrastructure. À l'heure actuelle, pour la plupart des entreprises, c'est au niveau des fournisseurs de services Internet, ceux qui ont un contenu à offrir, ceux qui ont des programmes à dispenser, que la majeure partie des activités vont se situer. Les sociétés de télécommunications vont vouloir exercer une grande concurrence dans ce domaine, et elles vont donc dispenser des services aux entreprises et aux particuliers. C'est là que vont se situer les activités à l'avenir.
À l'heure actuelle, elles disposent aussi d'une infrastructure dans lesquelles elles ont investi par le passé. De toute évidence, elles ne peuvent pas se permettre de la rejeter alors même qu'elles font tant d'efforts pour devenir compétitives au niveau des services. Il faut passer par une période de transition et c'est là le grand défi que doivent relever les sociétés de télécommunications.
Le sénateur Spivak: Prenons par exemple le cas de Nortel, qui s'efforce de rester en tête dans le domaine des fibres optiques et qui, pour s'assurer qu'elle reste la plus rapide, achète des sociétés d'un milliard de dollars.
N'y a-t-il par d'argent à gagner en mettant en place les infrastructures de pointe les plus complexes et les plus rapides? Ces entreprises vont-elles alors se recycler, lorsque toutes les collectivités disposeront de leur propre réseau, pour se mettre à dispenser des services? Je ne comprends pas le système.
M. Bjerring: Nortel, qui est un fabricant de matériel, continuera à fabriquer l'équipement nécessaire au fonctionnement de ces réseaux. Cela va considérablement accélérer les choses et renforcer le marché potentiel d'entreprises comme Nortel. Ceux qui veulent offrir un contenu et des services pourront alors rapidement disposer de l'infrastructure sur laquelle vont s'appuyer ces services. Nortel se réjouit de cette situation; ceux qui offrent des services s'en réjouissent aussi. Ceux qui risquent d'en souffrir sont ceux qui se contentent d'acheminer les communications, comme les compagnies téléphoniques ou les câblodistributeurs, qui doivent faire la transition et, de sociétés dépendant d'une infrastructure, se transformer en sociétés concurrentielles offrant des services compétitifs face à ceux des concurrents.
Le sénateur Spivak: Laissez-moi vous poser une dernière question. J'ai du mal à savoir ce qu'est CARNIE en réalité. C'est une installation de recherche. Elle investit par ailleurs de l'argent dans certains projets. Ainsi, par exemple, est-ce que c'est par l'intermédiaire de votre organisme que le gouvernement a investi récemment dans 724 Solutions? Est-ce que c'est autre chose?
M. Bjerring: C'est un programme différent.
Le sénateur Spivak: Vous avez fait certains investissements, mais j'aimerais que vous me précisiez comment vous investissez dans les projets et comment vous les mettez sur pied. Je comprends la partie qui a trait à la recherche.
M. Bjerring: Ces projets n'ont pas encore été annoncés et je ne pourrai donc pas vous en préciser tous les détails, mais nous avons récemment lancé un appel d'offres pour retenir 10 projets dans le domaine du cyberapprentissage, de l'apprentissage tout au long de la vie. Nous avons demandé que l'on nous fasse des propositions et nous avons reçu 100 propositions de différents consortiums dans le pays. La plupart d'entre eux englobaient des universités, des collèges et des participants du secteur privé opérant en groupe. Sur ces 100 projets, un comité de sélection national en a retenu 20 sur une liste de présélection, qui auront la possibilité d'élaborer des projets d'entreprise détaillés. Ce même comité les passera alors en revue et ramènera ce nombre à 10 projets, qui se regrouperont autour d'un thème central. Ces projets seront autonomes, mais le thème central sera l'élaboration d'éléments que l'on pourra qualifier «d'objets d'apprentissage», en l'occurrence, de petits modules multimédias comportant un ensemble d'outils que pourra utiliser un enseignant pour élaborer des plans de leçons. Les responsables des 10 projets collaboreront aux différents éléments et il y a deux projets d'application qui vont effectivement mettre au point des documents de cours de ce type devant être adaptés à un programme d'enseignement précis.
Le sénateur Spivak: Vos projets de développement relèvent plus ou moins du secteur à but non lucratif. Autrement dit, le produit final sera utilisé par les membres du secteur à but non lucratif. Vous ne participez pas à des projets de développement susceptibles d'être finalement utilisés par les entreprises. C'est bien ça?
M. Bjerring: Les projets de commerce électronique pourront très bien être utilisés en fin de compte par les entreprises mais, de toute évidence, ils s'adressent avant tout au secteur public -- les universités, les collèges et les écoles.
Le sénateur Spivak: Est-ce que vous faites les deux?
M. Bjerring: Oui.
Le sénateur Spivak: Vous investissez dans le développement de techniques susceptibles d'être utilisées par le secteur à but non lucratif comme par les entreprises, ce qui explique bien entendu qui sont les parties prenantes.
M. Bjerring: C'est exact.
Le sénateur Spivak: Tout le monde doit en profiter. Est-ce que cela s'apparente à l'institut de recherche de l'Université Harvard, qui ne facture pas son travail et dont les services sont utilisés par les entreprises, les universités, le corps enseignant, et cetera?
M. Bjerring: Cela s'y apparente à certains égards, parce que c'est un groupe dont font partie aussi bien le secteur privé que le secteur public.
Le sénateur Spivak: C'est financé par toutes les grandes sociétés de haute technologie, même si ce ne sont pas les seules qui en bénéficient. Tout le monde peut en bénéficier.
Le sénateur Finestone: Merci de cet excellent exposé. Il y a deux questions que j'aimerais évoquer avec vous et je vais commencer par vous, M. Bjerring, puisque vous avez déjà été mis sur la sellette.
Vous avez assisté à un colloque copatronné par le centre Simon Wiesenthal, au cours duquel on a discuté entre autres de la question des appellations, qui a eu un énorme impact au plan international ainsi qu'au Canada. D'après ce que vous avez pu voir, pouvez-vous nous dire si l'on se limite véritablement aux frontières canadiennes lorsqu'on parle de «.ca»? Dans quelle mesure l'appellation «.ca» permet au Canada de contrôler son propre environnement, de prendre des décisions au sujet du contenu? Il ne s'agit pas simplement de la société acheminant les télécommunications.
[Français]
Comme on le dit en français, il ne s'agit pas du contenant mais du contenu.
[Traduction]
Dans ce cas, c'est le contenu. C'est la partie vraiment intéressante de la technologie. On traite de la question technique mais aussi de ce qui a trait au contenu.
M. Bjerring: Je pourrais peut-être vous donner un exemple, parce que j'ai trouvé ce colloque très stimulant et particulièrement intéressant. Les discussions qui ont eu lieu au centre Simon Wiesenthal m'ont appris beaucoup de choses.
L'une des questions qui a été portée à mon attention, et je ne m'étais pas rendu compte qu'elle pouvait être aussi pernicieuse, c'est l'utilisation d'appellations enregistrées aux États-Unis sous le nom d'une personne sans que ce soit l'intéressé qui le fasse. Il ne s'agit pas dans ce cas de deux homonymes. C'est le résultat de la volonté tout à fait délibérée de déposer une appellation enregistrée sous le nom de cette personne comme si vous étiez celle-ci et de l'utiliser ensuite pour exercer des activités très préjudiciables. Dans ce cas, il s'agissait essentiellement de propagande haineuse dirigée directement contre cette personne, mais en utilisant une appellation enregistrée sous le nom de cette personne.
Aux États-Unis, il existe une procédure permettant de déposer des plaintes au sujet de l'utilisation d'appellations enregistrées. On parle d'un mécanisme de remplacement pour la résolution des conflits. Ce mécanisme, utilisé aux États-Unis pour les appellations enregistrées .com a été élaboré principalement en cherchant à utiliser les marques de commerce en tant qu'appellations enregistrées et résoudre par conséquent les plaintes intentées par les détenteurs d'une marque de commerce à l'encontre des personnes ayant usurpé cette marque de commerce en déposant une appellation enregistrée.
La question qui a été posée est la suivante: ne pourrions pas avoir au Canada une politique allant plus loin que celle qui existe aux États-Unis et permettant éventuellement de prendre en compte les plaintes portant sur les appellations enregistrées reprenant des noms de personnes? Nous avons fait figurer dans notre définition un mécanisme de remplacement pour la résolution des conflits qui fait en ce moment l'objet d'une consultation. À ma connaissance, nous n'avons pas encore reçu de plainte concernant le fait d'étendre ce mécanisme aux noms de personnes comme aux marques de commerce. Si nous mettons effectivement en place un mécanisme de rechange, nous nous donnerions la possibilité au Canada d'entendre justement le type de plaintes que l'on ne prend pas en compte aux États-Unis, de sorte que l'appellation «.ca» sera régie, de ce point de vue, par des règles différentes de celles qui sont suivies ailleurs. Ce n'est qu'un exemple, à mon avis, pour répondre à votre question implicite.
Le sénateur Finestone: Oui, jusqu'à un certain point. Je reviens toutefois d'une conférence au cours de laquelle nous avons examiné les effets de la mondialisation et de la technologie sur le monde dans lequel nous vivons ainsi que le rôle joué par les décideurs dans un tel cadre. Il est indéniable que même s'il y a des bons côtés, des avantages pour les entreprises et la possibilité de se raccorder, il y a aussi un mauvais côté. Ce qui m'a véritablement inquiété, c'est tout ce qui a trait à la xénophobie, à antisémitisme, à la haine de l'Islam et des Noirs, et à l'homophobie. Il y a un côté sombre et négatif dans une multitude de domaines. Cela m'amène à la question de savoir quels sont nos droits en matière de protection de la vie privée et que faire des lois contre la propagande haineuse, le racisme et le sexisme. Le Canada a quelques-unes des meilleures lois au monde, mais à quoi bon avoir des lois en théorie si on ne peut pas s'en servir?
J'ai une question à poser à l'un quelconque d'entre vous à l'exception du représentant de Statistique Canada. Statistique Canada recueille de l'information. Parfois, cette information est exacte, parfois elle est disponible et parfois on ne peut même pas l'utiliser parce que les droits sur la protection de la vie privée nous en empêchent. Toutefois, je ne veux pas discuter aujourd'hui de Statistique Canada.
J'ai relevé avec intérêt une réponse donnée par Industrie Canada, qui nous dit en fonçant dans le brouillard: «Faisons des affaires. Recueillons des données, transmettons-les et recoupons-les.» Il s'agit de savoir aussi quel contrôle on va exercer ici. Quel est le moyen d'accès? Qu'est-ce que l'on cherche? Quel est le moyen de contrôle dont on dispose sur ce que l'on cherche?
M. Simpson: Je vais essayer de vous répondre sans foncer dans le brouillard. Je vais m'efforcer d'aborder un certain nombre de points que vous avez soulevés parce que j'estime qu'ils sont essentiels si on veut bien comprendre le rôle du commerce électronique, la façon dont se développe cette économie mondiale.
Toute cette question du contenu, qu'il s'agisse des activités illégales ou des discours haineux qui peuvent enfreindre ou non la loi, selon les pays, font l'objet de discussion au plan international, parce que le réseau déborde des frontières, je vous l'ai dit tout à l'heure. Jusqu'alors, les différents pays réglaient ce genre de questions et s'étaient dotés d'un cadre juridique s'appliquant à la transmission de l'information pour les besoins des entreprises. Ces cadres nationaux doivent désormais s'appuyer sur une collaboration internationale beaucoup plus étroite qu'avant en raison du fait qu'une très grande partie des activités s'exercent par l'intermédiaire d'un réseau sans frontière appelé Internet.
Il serait impossible de couvrir toutes ces activités, mais je vais vous donner deux ou trois exemples d'initiatives en cours.
Nous avons parlé de la vie privée. Le Canada a adopté son cadre législatif protégeant les renseignements personnels. Parallèlement, toutefois, nous oeuvrons au sein de l'OCDE et dans un cadre bilatéral avec la communauté européenne pour garantir que les mesures de protection de la vie privée qui existent au Canada soient respectées au niveau international, sur les marchés internationaux, comme c'est le cas au Canada.
Le sénateur Finestone: Je ne sais pas si nous arriverons un jour à atteindre les normes de l'OCDE ou celles de l'Europe, ou encore si ce sont ces pays qui devront le faire. Il nous reste bien du chemin à parcourir.
M. Simpson: Nous y sommes presque, en fait.
Le sénateur Finestone: Je ne le crois pas.
M. Simpson: Nous passerons probablement très bientôt une entente avec la communauté européenne, maintenant que la loi est en place.
La présidente: Sur ce point, j'aimerais vous poser une question supplémentaire. Quels sont les autres pays qui ont une législation semblable à la nôtre, qui va entrer en vigueur en janvier, justement sur cette question, la protection de la vie privée?
M. Simpson: Il y a, bien entendu, la directive de la communauté européenne, qui va finalement amener tous les pays membres de la communauté à adopter des lois conformes à cette directive. C'est ainsi qu'entre autres l'Irlande et le Royaume-Uni ont une législation; d'autres sont en voie de l'adopter. Certains pays européens non membres de la communauté, comme la Suisse et la Hongrie, ont aussi une législation qui se conforme à la directive européenne.
Les États-Unis ont toute une mosaïque de lois. Ils ont une législation touchant l'information concernant les enfants. Dans son dernier discours aux membres de l'Union, le président Clinton a annoncé que les États-Unis allaient adopter une loi concernant l'information médicale et financière. Le Canada s'est doté d'un cadre législatif global s'appuyant sur une norme élaborée dans le secteur privé par les entreprises et les représentants des consommateurs et reprise par les directives de l'Association canadienne de normalisation -- c'est une norme ACNOR.
C'est la caractéristique bien particulière de la législation protégeant la vie privée qui a été conçue au Canada. Elle est à mi-chemin, à notre avis, entre la solution européenne, s'appuyant avant tout sur des mesures législatives détaillées, et celle des États-Unis, axée davantage sur le laisser faire, mais avec une mosaïque de lois ici et là pour remédier à des atteintes précises à la vie privée.
L'Australie, pour vous donner un autre exemple, a récemment annoncé qu'elle allait se doter d'un cadre législatif pour protéger les renseignements personnels, et l'on remarque avec intérêt que ce cadre se rapproche de celui du Canada. Cette législation est conçue à partir d'une norme élaborée par le secteur privé et vise à uniformiser la situation à l'échelle de l'Australie.
Le sénateur Finestone: Je considère que le projet de loi C-6, qui a été promulgué le 13 avril 2000, est une bonne législation. Il s'applique aux renseignements personnels dans le cadre du traitement des données et des activités commerciales. Il y a cependant de nombreuses questions qui entrent dans le cadre de la protection de la vie privée et des droits de la personne, et je ne pense pas que ce soit ici le lieu d'en parler. Il est certain que l'article 8 de la Convention européenne sur les droits de la personne, qui traite du consentement en toute connaissance de cause et, bien évidemment, du consentement secondaire, dispose expressément que le consentement doit être librement accordé, en toute connaissance de cause et avant tout par écrit. Ce n'est pas ce que nous avons fait au Canada. Je pense qu'il nous faudrait nous pencher sur la question. Toutefois, pour l'instant, je vais revenir au sujet qui me préoccupe.
Je suis préoccupé par certains aspects de la question étant donné que lorsqu'on détient de l'information sur quelqu'un, c'est en quelque sorte comme si l'on détenait de l'argent consigné pour le compte de cette personne. On le détient «en fiducie». Si l'on se propose de le transférer d'une manière ou d'une autre, de l'affecter ailleurs, on a besoin du consentement en toute connaissance de cause, et en fait de la signature, de l'intéressé. Pourquoi n'en serait-il pas de même en ce qui concerne votre signature. Ainsi, lorsque vous utilisez une carte de crédit sur Internet, comment pouvez-vous être sûr que votre signature sera protégée, que l'on ne va pas l'utiliser à des fins malhonnêtes? Comment lutter contre la fraude et les détournements? D'où va venir cette protection? Je ne dis pas que c'est impossible à régler, mais je vous demande si vous êtes satisfait de la situation actuelle et si vous pensez qu'elle ne se prête pas à la fraude ou aux détournements?
M. Simpson: Revenons à la question générale parce que je me suis probablement écarté de notre sujet en faisant au départ des commentaires sur la protection de la vie privée. La fraude est un bon exemple parce qu'elle renvoie directement à la protection des consommateurs -- en l'espèce, contre les comportements carrément illégaux et criminels. Sommes-nous satisfaits de la situation? La communauté internationale a de nombreux défis à relever pour faire respecter les législations et donner force de lois aux différentes règles s'appliquant à Internet. J'englobe dans le «contenu» les services et les transactions de même que l'information pure.
Parallèlement aux lignes de conduite adoptées par le Canada en matière de consommation, il y a un ensemble équivalent de règles adoptées par l'OCDE et dont ses membres ont normalisé l'usage pour protéger les droits des consommateurs sur le marché électronique. Ces règles sont entérinées et appliquées par le secteur privé, l'industrie et les gouvernements. Elles sont d'application volontaire et non imposées pas la législation des États membres, mais elles illustrent effectivement la façon dont on a abordé les questions débordant des frontières nationales. Le Conseil de l'Europe s'est attaqué aux problèmes posés par les activités criminelles menées par l'intermédiaire d'Internet et aux moyens de lutter contre ces activités de façon à protéger le public. Il s'agit, de manière générale, de sécurité publique.
De nouvelles organisations internationales qui ne sont pas avant tout de nature gouvernementale font leur apparition -- ainsi, la corporation chargée d'attribuer les noms et les numéros sur Internet, l'ICANN, qui se penche sur les principaux noms attribués au plan international. Ses activités portent sur les marques de commerce à l'échelle internationale et sur l'éventualité d'une mauvaise utilisation qui peut avoir non seulement des répercussions financières, mais aussi des conséquences sur le plan de l'intérêt général.
Le sénateur Finestone: Je vais vous donner un exemple qui a été porté à notre attention au cours d'une de nos audiences. C'est un homme que j'appellerai «Robert». Jean a demandé à souscrire une hypothèque sur une propriété qu'il voulait acheter. Sa demande a été refusée. Il s'est aperçu qu'il devait 350 000 $ à une banque. On alléguait par ailleurs qu'il devait de l'argent à d'autres créanciers. En réalité, il ne devait rien. Quelqu'un avait abusé de son nom. Robert n'en restait pas moins responsable de ces dettes. Par conséquent, il avait bien du mal à établir sa bonne foi chaque fois qu'il voulait faire une transaction. Je vous demande quels sont les moyens dont nous disposons pour que cette personne puisse asseoir à nouveau sa crédibilité personnelle? Comment faire figurer ce moyen de protection dans votre projet de loi -- le fait que chacun a des droits sur ses renseignements personnels et le droit de faire corriger cette information?
Il s'agit là d'un cas réel. La situation de Robert n'est pas réglée et il n'a pas encore obtenu son prêt. Toute sa vie en a été bouleversée.
M. Simpson: La nouvelle loi va régler ce genre de situation. Si la question n'a pas été réglée par la société concernée et par la personne qui se plaint, cette dernière peut alors s'adresser, pour obtenir réparation aux termes de la loi, soit en faisant appel au Commissaire à la protection de la vie privée, soit en s'adressant à la Cour fédérale. Je ne sais pas si dans l'exemple que vous avez mentionné, l'affaire relève uniquement de la compétence et de l'application de la loi et, par conséquent, doit être réglée aux termes de ses dispositions, ou si c'est une situation, du type de celle dont nous avons parlé, qui implique plusieurs champs de compétences.
Le sénateur Finestone: C'est un cas qui s'est effectivement produit. J'ai une autre question à vous poser au sujet d'une affaire qui a été portée à mon attention il y a deux semaines, le mardi 2 mai. Il s'agit d'une décision de «cyber-responsabilité» prononcée aux États-Unis dans une affaire portant sur des fournisseurs de services Internet. Il y avait deux situations contradictoires. La première portait sur prodigy.com. Êtes-vous au courant de l'affaire Prodigy.com à New York? Dans une autre affaire, une décision contraire a été prononcée en Angleterre. Elle concernait la responsabilité de l'Internet.
M. Simpson: Non, je ne suis pas au courant.
M. Bjerring: Non.
Le sénateur Finestone: Je ne veux pas faire perdre du temps au comité et je dirai simplement, madame la présidente, que les deux affaires étaient devant la justice. L'une s'est terminée par un règlement. L'autre a été tranchée en disant que les États-Unis s'appuyaient sur la liberté d'expression alors que la Grande-Bretagne partait du point de vue que la protection de la vie privée était sacrée et que c'était l'une des valeurs fondamentales d'une société.
J'aimerais que vous me donniez une réponse, parce que la question va bien plus loin que ça. Lorsque je vous l'ai posée au début, je vous ai demandé quelle était la situation, ce qui nous attendait à l'avenir.
Dans un article publié le 13 mai par l'Ottawa Citizen, on peut lire que 37 p. 100 des Canadiens âgés de cinq ans et plus utilisaient l'Internet. Je considère que c'est stupéfiant. Je peux vous confirmer que c'est vrai parce que mes petits-enfants savent très bien se servir de l'Internet. Ils ont leur propre courrier électronique, ce qui me paraît aberrant. Dans 48 p. 100 des cas, les gens utilisent quotidiennement cette technologie.
Qu'est-ce que regardent ces enfants? C'est ce que je vous ai demandé, monsieur Bjerring. Messieurs Simpson et Hull, vous faites partie des services du gouvernement: Que peut-on faire dans ce monde sans frontière, sur le plan de la législation et autre, au sujet de ce que regardent ces enfants de cinq ans et ces adolescents de 14 à 18 ans? Ils consacrent beaucoup de temps à cette activité. Qu'apprennent-ils au sujet des valeurs canadiennes visant à respecter les différences? Qu'apprennent-ils au sujet de la propagande haineuse, de l'antisémitisme et de la haine des Noirs, des lesbiennes et des hommes homosexuels.
Je considère que cette nouvelle technologie est formidable, mais elle a ses mauvais côtés. Je me demande cependant si quelqu'un y a pensé à Industrie Canada ou à CANARIE. Lorsque je mentionne la chose aux administrateurs qui siègent au sein de votre conseil, ils me répondent que je ne vois que le côté négatif. Pourtant, ce sont les choses négatives qui remettent en cause le système de valeurs de notre pays.
M. Hull: Il est indéniable qu'il y a de nombreuses activités pernicieuses qui ont lieu par l'intermédiaire de l'Internet. Les gouvernements, en dépit de leurs pouvoirs, restent parfois impuissants face à ce genre de choses. Finalement, on en revient aux valeurs individuelles. Si en raison de la façon dont ils ont été élevés au sein de leur famille, des gens veulent s'intéresser à des activités pernicieuses, ils vont le faire et le gouvernement ne peut rien pour les en empêcher. S'il s'en mêle, il est constamment en retard et doit faire du rattrapage.
L'important, c'est que les familles sachent ce qui se trouve sur Internet et apprennent à leurs enfants à s'en servir avec précaution. Il est important aussi que les enfants reçoivent à l'école une formation et un encadrement les amenant à respecter certaines règles lorsqu'ils utilisent l'Internet. Les familles et les réseaux scolaires canadiens font un excellent travail, mais la technologie évolue rapidement. Les parents ont du mal à savoir à quoi s'exposent leurs enfants lorsqu'ils ont recours à cette technologie. Bien des choses restent à faire pour que les parents prennent conscience des problèmes et s'assurent que leurs enfants sachent utiliser l'informatique avec mesure.
Les réseaux scolaires s'efforcent de répondre à ce besoin. La plupart des écoles informent les enfants de leurs politiques d'utilisation de l'Internet. Les enfants sont surveillés lorsqu'ils consultent l'information. Cette information s'adresse davantage à des adultes que celle qui leur serait dispensée probablement en classe, mais les élèves doivent être tenus au courant de ces normes parce qu'ils vont être plongés dans le monde de l'informatique. Ils doivent être formés quand ils sont jeunes.
Le problème fondamental que vous posez doit être réglé aussi bien au moyen des lois et des règlements que par une sensibilisation du public. C'est le grand domaine dans lequel nous pouvons faire des progrès.
M. Bjerring: Un simple commentaire dans la même veine, en tant que parent. Je suis d'accord avec les commentaires et les observations de M. Hull. Je pense qu'il est indéniable que la technologie va continuer à se développer et mettre à notre disposition davantage d'information, bonne ou mauvaise. En tant que parent, cette dernière doit nous inquiéter. Je pense que rien ne remplace une formation et une éducation appropriées devant permettre de juger de la valeur de l'information que l'on reçoit. Je ne crois pas qu'on puisse censurer l'information. Dans les cas extrêmes, les parents peuvent essayer de la censurer, ou d'utiliser des moyens techniques, mais ce ne sont que des pis-aller, des mesures temporaires; en fin de compte, davantage d'information sera disponible. Seule la formation et l'éducation donnent de bonnes réponses.
Vous nous avez demandé ce que faisait CANARIE. Nous avons en fait un programme qui s'intitule CA*net. L'Institut CA*net était jusqu'alors une organisation distincte, mais CANARIE administre désormais ce programme. Je pense que nous avons pratiquement décidé d'appuyer un programme d'éducation et de sensibilisation à Internet par l'entremise de l'Institut CA*net, de manière à contribuer à l'implantation définitive d'un programme dans ce domaine. C'est une excellente initiative canadienne et nous l'encouragerons dans toute la mesure de nos moyens.
M. Simpson: Une ou deux choses, rapidement, pour compléter ce qu'ont déclaré les autres témoins.
Il faut qu'il soit bien clair, toutefois, que les lois canadiennes s'appliquent à l'Internet.
Le sénateur Finestone: Merci, c'est ce que je voulais vous entendre dire.
M. Simpson: C'est le point de départ. Toutefois, étant donné la portée de l'Internet et les problèmes qu'il pose du point de vue de la répression de la criminalité étant donné que le réseau et le commerce électronique débordent des frontières nationales, il est très important de faire l'éducation du public. Les outils techniques sont eux aussi importants, pour permettre aux consommateurs d'assurer un contrôle effectif sur ce qui leur est communiqué par Internet.
Le sénateur Finestone: Une puce anti-violence réservée à l'usage des parents, par exemple?
M. Simpson: Pas une puce anti-violence, mais une méthode similaire. Outre la sensibilisation du public et les outils mis à la disposition du consommateur, il y a aussi le fait, et c'est peut-être encore plus important, que l'industrie elle-même prend des mesures pour remédier aux problèmes de contenu. Il existe un certain nombre de techniques de filtrage et de procédures d'enquête à posteriori, souvent en collaboration avec les organismes de répression. Ces différentes solutions, et d'autres encore, contribuent à apaiser les inquiétudes légitimes s'appliquant à l'information que l'on peut théoriquement trouver sur Internet.
Le sénateur Finestone: Madame la présidente, j'aimerais laisser cet article de journal à nos invités, si vous le permettez. Les témoins pourraient peut-être me donner des réponses. Je vous avoue que j'ai bien du mal à comprendre. Vous pourriez peut-être me dire ce que vont signifier pour le Canada et les fournisseurs de service Internet dans notre pays les décisions prononcées au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui sont contradictoires.
La présidente: Le greffier de notre comité va prendre en note la question et veiller à ce qu'une réponse soit déposée à notre intention.
J'ai une question qui fait suite à celle du sénateur Finestone. Pour les besoins de la démonstration, revenons à notre exemple du petit-fils ou de la petite-fille du sénateur Finestone, qui a cinq ans et qui commence à prendre conscience des réalités. Si cet enfant tape le mot «sexe» sur son ordinateur, est-ce qu'il y a des moyens techniques qui permettent aux parents d'empêcheur leur enfant d'avoir accès à toutes les données intéressantes qui apparaissent sur l'écran lorsqu'on tape ce mot?
M. Simpson: En plus de la technique de filtrage dont je vous ai parlé, il y a des moyens que l'on a expérimentés tant du côté des consommateurs que du côté des réseaux. Le problème, bien entendu, c'est qu'ils ne sont pas fiables à 100 p. 100. Oui, cependant, il y a des techniques, même si je ne les connais pas toutes. Je pourrais communiquer ultérieurement avec le comité pour lui donner des exemples précis. Il y a des entreprises canadiennes qui réussissent assez bien dans ce domaine -- Net Shepherd Inc. par exemple, qui fabrique des dispositifs de détection.
La présidente: Pourriez-vous faire parvenir une réponse complémentaire au greffier?
Le sénateur Banks: Messieurs, sachez que je ne suis pas membre de ce comité. C'est par hasard que je suis ici aujourd'hui. Je suis par ailleurs un tout nouveau venu, de sorte que je vous prie de m'excuser de la naïveté de ma question. Elle se réfère à un domaine que je suis de très près.
Mon domaine est celui de l'industrie du spectacle, du show business. De nombreuses réalités que vous avez évoquées aujourd'hui et au sujet desquelles mes collègues vous ont posé des questions ont des répercussions sur les détenteurs de droits d'auteur et sur toute cette notion de propriété intellectuelle qui s'applique à notre secteur.
C'est un secteur qui est loin d'être négligeable. M. Gault ne manquera pas de me corriger éventuellement, mais en 1997, le secteur des arts et de la culture a représenté pas moins de 2,9 p. 100 du PIB du Canada contre 2,3 p. 100 pour le secteur de l'agriculture, par exemple. Il y a beaucoup d'argent en jeu et il s'en vole beaucoup de nos jours. Pour prendre l'exemple de la musique, des générations entières arrivent à l'âge adulte sans penser que la musique est quelque chose que l'on achète. Elles croient que la musique, c'est quelque chose qui est dans l'air.
Je suis désolé d'entendre, même s'il semble que ce soit la formule obligée de nos jours, que le gouvernement ne peut rien faire pour réglementer Internet. Partout, les gouvernements ont renoncé à réglementer Internet parce que le réseau débordait des frontières. Si nous le bloquons ici, il va se déplacer ailleurs. Les gouvernements avaient pourtant dit la même chose au début du siècle sur toute la question des droits d'auteur s'appliquant à la propriété intellectuelle -- pour être plus précis, en ce qui a trait à la protection des chansons, par exemple. Ce n'est qu'au XXe siècle que l'on s'est mis à protéger les droits d'auteur sur les chansons. Les difficultés de la perception des droits et de la répression ainsi que les implications extraterritoriales faisaient que l'on pensait que les gouvernements ne pouvaient rien faire. Il n'en a rien été, puisqu'aujourd'hui la plupart des pays civilisés sont signataires des différentes conventions internationales sur le droit d'auteur. Chaque pays perçoit ses propres redevances pour le monde entier et les redistribue aux détenteurs des droits d'auteur dans les autres pays dans le cadre de différentes ententes internationales. Ces échanges portent sur des centaines de millions de dollars par an.
À l'heure actuelle, nous sommes aux prises avec ce vol généralisé -- il n'y a pas d'autre mot -- qu'il est impossible de réprimer parce que chacun le commet chez soi, sans y voir malice et sans aucun but de lucre. Il n'en reste pas moins que pour quelqu'un qui est producteur de disque et détenteur des droits d'auteur, ce qui est mon cas, lorsque cela lui coûte 180 000 $, ce que j'ai dû payer, un habitant d'Andorre peut diffuser ce disque sur Internet et dans le monde entier il est possible de le reproduire sans que le fournisseur du produit, Internet ou, si je puis me permettre, votre serviteur, ne touche un sou.
Au bout du compte, cette façon de faire a pour conséquence évidente et incroyable que personne ne pourra se permettre de produire un disque, un film ou une émission de radio ou de télévision si cette possibilité d'accès illimité subsiste. J'espère que quelqu'un, à un moment donné, sera en mesure de nous dire: «Nous devons réglementer Internet d'une manière ou d'une autre.» Vous savez certainement qu'il y a quelques semaines, certains détenteurs de droits d'auteur ont pris les choses en main et ont poursuivi personnellement MP3 et Napster ainsi que d'autres sites.
Je demande à chacun d'entre vous si vous avez quelque espoir qu'au bout du compte on parviendra à contrôler, à arrêter ou à limiter ce type de vol fait sans malice, sans but lucratif, mais extrêmement généralisé. M. Gault s'est référé à une évaluation des achats et des ventes. Y a-t-il un moyen d'évaluer le montant des vols sur Internet? C'est, comme l'a dit le sénateur Finestone, une épée à deux tranchants. Cette technologie est merveilleuse, mais elle a des conséquences imprévues qui sont terriblement coûteuses pour mon secteur.
M. Simpson: Pour ce qui est de la réglementation d'Internet afin d'empêcher que l'on fasse des copies illégales, je pense que ce n'est pas tant une réglementation d'Internet qu'il nous faut que l'établissement de règles de fonctionnement claires. Comme je l'ai dit au départ, pour que les règles de fonctionnement du commerce électronique soient claires du point de vue de l'économie de l'Internet, il faut absolument que la propriété intellectuelle soit aussi bien protégée sur le réseau informatique que sur les marchés traditionnels.
Il convient de distinguer plusieurs choses sur ce point. Il y a tout d'abord la question de l'application, parce que je considère que pour faire respecter les règles de la propriété intellectuelle, on rencontre toutes les complications que l'on a déjà évoquées dans d'autres domaines -- la protection du consommateur, le contenu pernicieux, les activités illégales. Cela vient du fait que désormais les compétences nationales en matière de protection de la propriété intellectuelle doivent s'appuyer sur une bonne structure internationale pour qu'elles puissent avoir des effets sur Internet. C'est en voie de se faire. Vous n'ignorez pas que l'OMPI a adopté des modifications aux traités qui sont en cours d'examen au Canada en vue d'une ratification officielle devant permettre de s'assurer qu'Internet relève du cadre international. Par conséquent, le traitement accordé au plan international ne dépendra pas des techniques utilisées.
Il s'agit ensuite, une fois que le droit aura été établi, de veiller à ce que l'application se fasse sur le plan public comme sur le plan privé. Vous avez indiqué que le droit d'auteur était complexe parce qu'il y a aussi des droits de poursuites privées. En réalité, je ne pense pas que l'on parte du principe que ce sont les gouvernements qui vont poursuivre, mais plutôt que ce sont les détenteurs de droits privés qui vont s'adresser à la justice aux termes de la législation sur le droit d'auteur.
Oui, c'est bien évidemment l'une des règles fondamentales du commerce électronique, et on ne sait pas vraiment comment elle va évoluer au plan mondial, ce qui est aussi le cas sur les marchés traditionnels. Cette forme de vol de la propriété intellectuelle dont vous parlez au sujet de l'Internet n'est certainement pas plus répandue que ce que l'on voit actuellement dans nombre de pays où l'on vend tout simplement des disques compacts dans la rue sans avoir payé les droits d'utilisation de cette musique ou de cette propriété intellectuelle. Des problèmes se posent dont sur le marché électronique comme en dehors.
M. Bjerring: Les violations des droits sur la propriété intellectuelle par l'intermédiaire d'Internet sont graves et la plupart des personnes qui s'en occupent prennent le problème au sérieux.
Il se peut que la technologie, qui nous pose actuellement des difficultés par l'intermédiaire de MP3, de Napster et d'autres intervenants, nous amène aussi à trouver des solutions, différentes cependant de celles qui avaient cours dans l'ancien système. Il se peut qu'à l'avenir nous ayons d'autres solutions face à des problèmes différents.
Prenons l'exemple des logiciels, où il y avait des problèmes du même type. Le piratage des logiciels est assimilable à n'importe quel type de piratage. Nombre de sociétés de logiciels se rendent compte maintenant qu'effectivement il leur en coûte de l'argent pour concevoir un logiciel et que ce n'est pas nécessairement en vendant ce logiciel, mais par un autre moyen, qu'elles vont se rembourser. Elles donnent ce logiciel et établissent de ce fait un lien avec le client, qu'elles peuvent ensuite facturer à d'autres titres, pour recueillir l'argent devant leur permettre de concevoir la génération suivante de logiciels.
Dans le domaine de la musique et du spectacle, il se peut que les artistes qui, à l'heure actuelle, se servent de cette technologie pour distribuer leur propriété intellectuelle, entreprennent d'étudier d'autres modèles d'entreprises. Il est bien évident qu'il faut que cela leur rapporte de l'argent pour qu'ils puissent élaborer d'autres produits à l'avenir; il se peut toutefois que les artistes perçoivent ces recettes selon des moyens différents en raison de la technologie employée et de l'évolution de ce secteur à l'avenir.
La présidente: Sénateurs, il est déjà 19 heures, je propose que nous consignions les questions qui nous restent et que les témoins y répondent par écrit en communiquant avec le greffier.
Le sénateur Spivak: Ma question fait suite à celle du sénateur Banks; elle porte sur la structure de l'industrie. Les artistes sont divisés lorsqu'il s'agit de savoir si cette nouvelle façon de vendre de la musique en ligne est susceptible de les avantager. Il y a ceux qui disent que certaines entreprises ont réalisé des profits exorbitants au détriment des artistes. Cela me rappelle le secteur agricole, où c'est le producteur qui gagne le moins.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la technologie élaborée par MP3 et Napster, qui est très perfectionnée d'après ce que j'ai entendu dire. J'ai lu un article dans lequel on nous disait que l'on pouvait s'en servir pour indemniser les artistes sans avoir à aller contre le courant. Apparemment, c'est une technologie très favorable à la vente de la musique. Elle fait baisser les coûts de transport, de manutention, et cetera.
J'aimerais savoir si vous pensez que cette technique peut être utilisée pour rationaliser le fonctionnement de l'industrie. Comme vous l'avez indiqué, cela ne s'applique pas seulement à la musique, mais à la littérature et à divers logiciels. C'est une chose que nous aimerions bien savoir.
Le sénateur Banks: J'aimerais que l'on fasse une nette distinction entre l'accès au réseau par les artistes, qui est une chose merveilleuse et tout à fait souhaitable, et ce dont parle le sénateur Spivak, la possibilité pour l'artiste ou son représentant de contrôler le point d'accès au réseau de la musique, du livre ou du film. Ce qui m'inquiète surtout, c'est le fait que quelqu'un puisse acheter le disque qu'a enregistré un musicien et le diffuse sur Internet. Qu'un jour, je gagne ou non de l'argent en conséquence, ça m'est égal, mais je sais qu'à partir de ce moment l'artiste ne gagnera plus rien. Ce qui me préoccupe, ce n'est pas que l'artiste lui-même puisse avoir des droits de propriété lui permettant de contrôler l'accès au réseau, c'est la possibilité d'empêcher que d'autres aient un accès illimité à ce réseau.
M. Simpson: La clé, c'est qu'ils n'ont pas les droits e propriété.
Le sénateur Banks: Ça ne fait aucune différence.
M. Simpson: Le problème de l'artiste qui possède des droits de propriété et qui se sert de l'Internet et du commerce électronique comme un nouveau moyen de distribution remettant fondamentalement en cause la structure de l'industrie n'a rien à voir avec une utilisation illégale d'un contenu, parce que dans ce cas on ne possède par les droits.
La présidente: C'est tout à fait vrai. Merci, monsieur Simpson.
Monsieur Gault, lorsque vous nous avez présenté les statistiques révélant le fait que les Canadiens se sont raccordés de plus en plus nombreux l'année dernière et cette année, il semble qu'il y a un fossé qui se creuse et que dans quelques années, les Canadiens qui ne figurent pas dans la description de ceux qui sont branchés vont être de toute évidence désavantagés.
Je pose la question à tous les membres du groupe. Quelles grandes recommandations de politique devrait-on mettre en pratique pour combler en partie ce fossé et éviter qu'il ne s'élargisse alors que nous nous engageons de plus en plus dans une économie fondée sur la connaissance?
En second lieu, comment se situent les entreprises canadiennes par rapport à leurs homologues des États-Unis pour ce qui est de l'utilisation du commerce électronique? Nous avons tous pris connaissance des statistiques du groupe de Boston et j'aimerais que vous m'en fassiez l'analyse.
Monsieur Simpson, pouvez-vous nous donner des exemples d'investissements dans le commerce électronique dans le Canada d'aujourd'hui?
Ma question suivante s'adresse avant tout à M. Bjerring. On m'a dit que dans le cadre des engagements qu'il a pris pour brancher la population canadienne, le gouvernement fédéral devrait jouer un plus grand rôle de coordination des travaux des provinces et des municipalités en vue d'établir des Collectivités ingénieuses en les dotant d'une infrastructure en fibres optiques et en leur apportant par ailleurs une aide financière. Êtes-vous d'accord avec ce projet? Pensez-vous qu'il soit nécessaire?
Par ailleurs, toujours à l'intention de M. Bjerring, dans le cadre de son rôle de coordonnateur, on a incité le gouvernement à se pencher sur les éléments essentiels d'un cadre de politiques permettant d'installer uniformément dans tout le pays une infrastructure de fibres optiques. Nous avons entendu dire, même par nos collègues, que certaines régions n'avaient pas accès à cet équipement. Le risque est alors que l'on crée des poches de Collectivités ingénieuses uniquement dans les grands centres de population, creusant ainsi un nouveau fossé entre les régions peuplées et celles qui ne le sont pas, ce qui semble être la règle dans notre pays. Avez-vous des recommandations de politiques publiques à faire à ce sujet?
Le sénateur Finestone: Que faisons-nous au sujet du décalage au niveau des services offerts au Québec et aux francophones? Je pense que les chiffres de Statistique Canada s'appliquant à la population canadienne sont faussés lorsqu'on tient compte du fait français au Québec, comparativement à l'analyse s'appliquant aux États-Unis, à la Suède et à d'autres pays, qui n'ont pas deux langues venant influer éventuellement sur les statistiques.
La présidente: Je tiens à remercier nos témoins. Nous vous remercions de votre contribution à notre étude.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre les autres témoins.
Mme Lynda Leonard, vice-présidente des Communications, Association canadienne de la technologie de l'information: Nous devons vous avouer, moi et ma collègue, que ni l'une ni l'autre ne sommes Gaylen Duncan. M. Duncan, le PDG de l'ACTI, est à Paris cette semaine en train de secouer le cocotier dans le cadre de la conférence du G-8 sur la cybertechnologie. Il s'efforce de faire avancer les choses sur plusieurs points que vous êtes en train d'étudier. J'espère que vous nous pardonnerez son absence.
L'ACTI est le porte-parole de l'industrie canadienne de la technologie. Nous représentons, directement et par l'intermédiaire des organisations qui nous sont affiliées, plus de 1 300 entreprises qui fabriquent des logiciels et du matériel d'ordinateur, qui dispensent des services de télécommunications et de consultation et qui élaborent des programmes numériques.
L'industrie TI est à la fine pointe de la nouvelle économie. Beaucoup de questions que vous examinez résultent directement d'innovations dans notre secteur. Nous avons une compréhension profonde de ces outils -- nous en connaissons à la fois le potentiel extraordinaire et les dangers. Nous comprenons aussi, peut-être mieux que tout autre secteur, à quel point ces outils changent profondément la façon dont nous vivons, travaillons et pensons.
Votre étude tombe à point nommé. Le Canada est à la croisée des chemins, prêt à entrer dans l'ère de l'information, à sortir de l'économie industrielle et à se lancer dans une toute nouvelle économie fondée avant tout sur le savoir. Nous avons besoin de bien mieux comprendre la nature de cette période de transition au Canada. L'ACTI est la première à saluer votre initiative.
Le Canada est bien placé pour être l'un des chefs de file de la nouvelle économie. Il possède l'une des meilleures infrastructures au monde en matière de communications. Nous avons retiré les avantages d'un régime de politiques généralement éclairées s'appliquant aux outils et aux procédés du monde câblé. Nous avons été le premier pays à déclarer que nous n'allions pas réglementer l'Internet. Nous avons été en tête des pays ayant instillé la concurrence dans des marchés des communications jusqu'alors fermés. Nous avons agi en collaboration et fait preuve d'innovation concernant l'élaboration d'une politique visant à protéger la vie privée des individus dans le cyberespace. Nous avons bien réussi sur de nombreux points.
Nous avons une lourde tâche qui nous attend. Nous avons veillé à disposer d'une main-d'oeuvre suffisamment qualifiée pour pouvoir innover, aujourd'hui comme demain. Nous devons inverser le courant magnétique en provenance du grand pays situé au sud de notre frontière, dont l'économie est plus débordante de vitalité. Surtout, nous devons communiquer efficacement avec la population canadienne, pour lui faire savoir que le monde a changé. Nous devons l'inciter à se préparer et à préparer ses enfants face à un avenir qui s'annonce très dynamique et tout à fait stimulant.
Mme Linda Oliver, directrice exécutive, Relations gouvernementales, Association canadienne de la technologie de l'information: Il me faut peut-être intervenir ici. Pour ne pas perdre de temps, j'évoquerai les principaux points que nous abordons dans notre mémoire. Je commencerai par vous dire que plus de 60 p. 100 de nos PDG se sont réunis récemment pour nous dire quels étaient les principaux points qui les préoccupaient.
Ils aimeraient, nous ont-ils dit, pouvoir compter au Canada sur un excellent cadre de travail TI. C'est ce qu'ils ont jugé nécessaire. Ils nous ont parlé d'un traitement fiscal plus équitable pour les entreprises. Ils voulaient dire par là qu'il fallait faire baisser l'impôt sur les entreprises, favoriser les investissements étrangers et réduire l'impôt sur les particuliers, qui est trop élevé.
La pénurie de main-d'oeuvre est une des conséquences de cette situation. Le Canada a besoin de pouvoir attirer et conserver chez lui les meilleurs éléments. Un certain nombre de nos cadres, parmi les meilleurs et les plus brillants, partent à l'étranger, surtout aux États-Unis. Ils le font pour trouver de meilleurs emplois, se voir offrir davantage de possibilités et travailler au sein d'une économie en pleine croissance. C'est aux États-Unis qu'il faut aller lorsqu'on travaille dans le secteur TI.
Les entreprises canadiennes sont à la traîne. Elles pourraient engager entre 30 000 et 50 000 travailleurs du savoir s'ils étaient disponibles. Les entreprises canadiennes sont désavantagées lorsqu'elles ne peuvent pas embaucher ces travailleurs. Elles reportent leurs projets, elles font de la sous-traitance ou elles déménagent ailleurs.
Je sais que l'on vous a déjà dit que les recherches sont insuffisantes. Il y a des recherches qui sont faites dans ce domaine, mais nous devons en faire davantage. Nous devons effectuer les recherches nécessaires et adopter très rapidement les politiques publiques qui s'imposent de manière à régler le problème. Nous devrions même envisager les moyens de rapatrier au Canada ces spécialistes du savoir.
Il est très important pour nos membres que le gouvernement soit en ligne. Il reste beaucoup de travail à faire pour que notre pays soit le plus branché au monde et pour que notre gouvernement soit en ligne en l'an 2000, conformément à ce qui a été annoncé dans le discours du Trône. En faisant un effort dans ce domaine, le gouvernement témoignerait de son engagement en faveur du commerce. Il encouragerait par la même occasion les entreprises et les consommateurs sur ce point. C'est l'un des domaines dans lequel il reste du travail à faire selon nous.
Enfin, sur le plan de la cybercriminalité, il faut que l'industrie participe à la recherche des solutions. C'est un problème technique qui exige des solutions techniques. Nous devons faire en sorte que les usagers, les entreprises et les gouvernements prennent conscience des questions de sécurité. Nous avons besoin de prôner une cyberéthique. Nous devons faire davantage d'effort pour lutter contre la criminalité en multipliant les cours universitaires et les budgets de recherche afin que l'Internet offre toutes les garanties de sécurité et puisse être utilisé librement par les entreprises.
Dans le document que nous avons déposé auprès de votre comité la semaine dernière, j'ai parlé du premier réseau télégraphique. Au nom de mes collègues d'AT&T, je me dois de mentionner que l'entreprise qui a installé le premier réseau télégraphique était l'ancêtre d'AT&T Canada.
Je vais m'arrêter là, madame la présidente. Ce sont les éléments essentiels que je voulais souligner. Je n'entrerai pas dans les détails mais, si vous avez des questions à me poser, je me ferai un plaisir d'y répondre par la suite.
M. Peter Barnes, président-directeur général, Association canadienne des télécommunications sans fil: Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de la possibilité qui nous est offerte de vous exposer la situation de l'industrie des télécommunications sans fil au Canada et de l'importance croissante qu'elle prend au sein de la société et de l'économie canadienne. Nous considérons que votre examen des questions de politique touchant l'industrie des communications à l'aube du XXIe siècle est importante et vient à point nommé.
On a beaucoup discuté de l'importance de faire du Canada le pays le plus branché au monde. L'ACTS préférerait que le Canada soit le pays «ayant le moins de fil» au monde. Nous n'allons pas vous demander de changer le titre de votre précédent rapport, madame la présidente, mais vous voyez ici où nous voulons en venir.
À l'échelle du monde et sur le plan national, les communications sans fil s'annoncent comme l'outil des générations à venir. Avant que nous examinions l'avenir des télécommunications sans fil, laissez-moi vous présenter rapidement notre association et l'industrie. Nous considérons que l'ACTS est la mieux placée pour parler des techniques de communications sans fil et de l'évolution de ces techniques au Canada. Nous représentons les téléphones cellulaires, les services de communications personnelles, les radiomessageries, les communications sans fil fixes à large bande, les services radios mobiles, les services mobiles de transmission par satellite ainsi que les entreprises qui conçoivent et qui fournissent des produits et des services à l'industrie. Nous comptons 350 membres.
Notre industrie a déjà contribué de manière significative au développement économique et social du Canada en faisant augmenter la productivité des entreprises et des particuliers. L'équipement et les services de communications mobiles sont non seulement favorables à la productivité, mais ils sont devenus par ailleurs un élément essentiel de l'infrastructure des communications au Canada. Un Canadien sur cinq possède un téléphone mobile. De plus en plus nombreux, les Canadiens adoptent les téléphones sans fil en tant que moyen unique de télécommunication. Vous êtes pour la plupart familiarisés avec les appareils mobiles, les téléphones cellulaires, les services de communications personnelles ainsi que les services de radiomessageries auxquels on pense normalement lorsqu'on se réfère aux communications sans fil. Aujourd'hui, je vais vous exposer rapidement les progrès intéressants qu'ont fait les techniques fixes de communications sans fil.
[Français]
L'an dernier et à nouveau cette année, Industrie Canada a distribué des licences d'exploitation de réseaux sans fil à large bande, des réseaux fixes. Ces réseaux offriront aux Canadiens une autre option d'accès à grande vitesse que celle que leur procurent déjà les techniques par fil et par fibre optique et leur mise en place est déjà en cours.
[Traduction]
La concession récente de licences aux fournisseurs de systèmes de télécommunications multipoints, ou SCM, que sont Inukshuk et SaskTel, préfigure le développement d'une structure d'information bon marché et de grande qualité permettant d'assurer la convergence des services, y compris en ce qui a trait aux télécommunications de base, au transfert des données et à l'accès Internet à haute vitesse pouvant répondre à un certain nombre de besoins de communication de la population canadienne quel que soit l'endroit où elle réside. Cela signifie que les collectivités éloignées pourront bénéficier du même accès Internet à haute vitesse que les localités urbaines.
De la même manière, les licences accordées à plusieurs opérateurs, notamment Stream Intelligent Networks, Norigen Communications, Wispra et AT&T Canada, dans les bandes de 24 et 38 gigahertz, permettront de mettre en place des réseaux de communications sans fil à large bande qui revêtiront une très grande importance dans de nombreuses régions du pays, notamment dans les régions rurales.
[Français]
Que ce soit par le truchement d'un réseau mobile ou fixe, les Canadiens pourront se brancher au moyen du sans fil. Nous appuyons, par conséquent, la stratégie de connexité mise de l'avant par le gouvernement dans le but de promouvoir le développement économique et social du pays. Nous prenons également bonne note du fait que le premier ministre a mis tous les secteurs de l'économie au défi de travailler ensemble à procurer au Canada 5 p. 100 du marché mondial du commerce électronique d'ici 2003.
En ce qui nous concerne, nous avons déjà commencé à fournir les outils nécessaires pour atteindre cet objectif. Les télécommunicateurs sans fil canadiens ont élaboré des services destinés à contenter notre désir d'avoir accès à Internet n'importe où et n'importe quand. Les grands fabricants de téléphones mobiles offrent aujourd'hui des appareils prêts pour Internet, permettant aux Canadiens et aux Canadiennes de parcourir le cyberespace, d'acheter des billets d'avion, de faire des opérations bancaires et d'exécuter d'autres transactions commerciales par voie électronique pendant leurs déplacements.
Cela mène à une nouvelle évolution majeure du commerce électronique, ce que nous appelons le commerce mobile. Diverses études portent à croire que l'accès au service Internet par appareil mobile atteindra les 45 p. 100 au Canada d'ici l'an 2009.
[Traduction]
Pourtant, notre industrie aura encore des défis à relever pour répondre à l'objectif du gouvernement qui est de brancher la population canadienne. Il s'agit de pouvoir accéder aux bandes de fréquences, de régler les questions fiscales et de faire reconnaître par les décideurs l'importance des communications sans fil, qui jouent un rôle essentiel pour raccorder la population canadienne à l'Internet.
Les bandes radio sont l'élément vital de notre industrie. C'est le moyen pour nos sociétés de télécommunications de servir nos consommateurs. À mesure que se fera la convergence entre la communication sans fil et l'Internet, davantage d'applications verront le jour, qui permettront un accès plus rapide débouchant sur un commerce électronique plus mobile, que nous appelons commerce-m. Pour accroître la vitesse de transmission, on a besoin d'un plus grand nombre de larges bandes, et il faut pour cela qu'Industrie Canada libère davantage de bandes sur le spectre.
Notre industrie s'est développée rapidement ces dernières années. Au cours des années 80, nous commercialisions des téléphones mobiles faisant appel à des techniques analogiques et offrant d'assez bons services de transmission de la voix. On a ensuite offert des services SCP, ou services de communications personnelles. Les techniques de la deuxième génération ont permis à notre industrie de mettre sur le marché des réseaux numériques faisant appel à des communications plus sûres, à des appareils plus petits et plus transportables et à la capacité de transmettre et de recevoir des données ainsi que d'accéder à l'Internet.
La communication sans fil de la troisième génération, ou 3G, promet d'être encore plus intéressante, les possibilités offertes par les communications sans fil sur Internet permettant à tous les Canadiens de travailler et de communiquer entre eux quel que soit l'endroit où ils se trouvent.
Bien évidemment, il faut faire de gros investissements pour bâtir ces réseaux. En 1998, au cours d'une période d'innovation et de forte croissance, les sociétés de télécommunications mobiles ont perdu plus d'un milliard de dollars. L'industrie n'a aucun contrôle sur nombre des coûts ayant entraîné ces pertes, qu'il s'agisse des impôts, des droits ou du coût de la réglementation.
[Français]
Les politiques et la réglementation en vigueur imposent à l'industrie des télécommunications sans fil des charges qui entravent sa capacité de multiplier des services novateurs pour brancher les Canadiens. De plus, tous les échelons de gouvernement -- fédéral, provincial et municipal -- semblent lorgner notre industrie comme une source de revenu additionnelle.
Les télécommunications sans fil relèvent de la compétence du CRTC et d'Industrie Canada. Bien que, comme l'y l'autorise la loi, le CRTC s'abstienne le plus souvent de réglementer les services sans fil, il continue néanmoins d'exercer une influence considérable sur la marche quotidienne de ces entreprises. De même, comme tous les télécommunicateurs sans fil doivent avoir accès au spectre des fréquences radioélectrique pour assurer leurs services, Industrie Canada a aussi une grande influence sur leurs activités.
En effet, selon la Loi sur les radiocommunications, le ministère réglemente et détermine l'attribution des fréquences du spectre, notamment en accordant des licences qui autorisent leur titulaire à employer certaines fréquences.
Sous ce rapport, le sans fil fait contraste avec son pendant par fil qui relève uniquement du CRTC et qui n'est que marginalement touché par les politiques générales d'Industrie Canada.
[Traduction]
Ces organismes de réglementation administrent des programmes qui ont de véritables répercussions sur le seuil de rentabilité des sociétés de télécommunications sans fil. Le régime d'octroi de licences d'Industrie Canada détermine les droits payés par les sociétés de télécommunications sans fil lorsqu'elles utilisent les bandes radios. On peut aussi citer le régime de contributions du CRTC. Laissez-moi vous dire quelques mots de ce régime.
«Contribution», c'est ainsi que l'on appelle le droit ou la taxe imposé par le CRTC sur les communications longue distance afin de subventionner le service téléphonique local. Le CRTC permet déjà que les opérateurs de téléphones mobiles versent une contribution et il est en train d'étudier combien d'autres opérateurs vont être tenus de payer et quelle va être la contribution des sociétés de télécommunications sans fil à l'avenir. Nous considérons cette contribution comme une taxe nous empêchant de fournir des services originaux et novateurs à la population canadienne dans l'ensemble du pays. Les subventions correspondant à ce genre de contributions devraient à notre avis être prélevées sur les comptes du Trésor du gouvernement, dans lesquels notre industrie a versé l'année dernière quelque 150 millions de dollars au seuil titre des droits de licence.
Sur les questions de la répartition des bandes et de la fiscalité, l'ACTS et l'industrie des télécommunications sans fil invitent le gouvernement à replacer la communication sans fil dans le cadre de sa stratégie du Canada branché. Ainsi, un certain nombre de sociétés de télécommunications sans fil se sont alliées à la communauté bancaire pour permettre aux consommateurs d'avoir accès aux données bancaires par l'intermédiaire de la communication sans fil. Nous incitons, par exemple, le gouvernement à mettre en place des portails auxquels on peut accéder par téléphone cellulaire, pour dispenser de l'information et appuyer le programme de branchement en ligne du gouvernement. La population canadienne disposera ainsi d'un autre excellent moyen de se brancher.
Pour conclure, je pense que les communications sans fil peuvent procurer au Canada un avantage concurrentiel alors que nous cherchons à exceller dans le monde du commerce-m. Il faut toutefois que le gouvernement et que l'industrie des télécommunications sans fil continuent à collaborer afin de raccorder la population canadienne à l'Internet. L'attribution d'un plus grand nombre de bandes, l'abaissement de la fiscalité dans notre secteur et une plus grande prise de conscience de l'importance des télécommunications sans fil pour raccorder la population canadienne contribueront largement à la réalisation de nos objectifs communs et à l'instauration d'une économie canadienne dynamique à l'aube du XXIe siècle.
Mme Jane Yale, présidente, Association canadienne de télévision par câble: Merci, madame la présidente et honorables sénateurs de m'avoir permis de prendre part ce soir à la première phase de votre enquête sur l'impact de la nouvelle technologie et son incidence sur la connectivité des Canadiens au sein de la nouvelle économie.
Je suis présidente de l'ACTC depuis août 1999, soit depuis un petit peu plus d'un an. J'ai à mes côtés deux anciens employés d'AT&T Canada. M. Peter Barnes est entré dans l'Association des télécommunications sans fil peu après que je me suis jointe à l'industrie du câble. Je tiens à vous présenter certains de mes collègues qui sont ici ce soir: M. Michael Hennessy, notre vice-président principal, Politique et planification, l'auteur de notre rapport sur la télévision électronique, auquel je ferai référence, Mme Elizabeth Roscoe, vice-présidente principale des Affaires extérieures, et Nick Masciantonio, notre directeur des Relations gouvernementales.
[Français]
Votre étude s'avère tout à fait pertinente étant donné qu'elle met l'accent sur les préoccupations auxquelles font face le secteur canadien des communications, les concepteurs des politiques s'adressant au public et les consommateurs canadiens.
En effet, ce processus s'inscrit dans les mêmes lignes que le travail précédent de ce sous-comité dont le rapport final intitulé "Au fil du progrès" est paru en mai 1999. Dans ce document, il y avait plusieurs observations essentielles sur la manière d'assurer le leadership canadien dans la nouvelle économie. En particulier, vous avez établi le lien entre les technologies de la communication et de la culture, ainsi que l'apparition de technologies puissantes qui offrent de nouvelles perspectives et sollicitent une nouvelle ouverture afin de répondre aux requêtes du public.
[Traduction]
Ces observations reflètent exactement les conclusions que nous avons tirées dans notre rapport publié récemment sur les communications au sein de la nouvelle économie, un rapport intitulé: «La télévision électronique: L'intégration de la culture et du commerce». Nous croyons fermement que ce rapport aborde toutes les questions soulevées et identifiées dans votre étude. Ce document a été distribué aux membres du sous-comité. Avant d'aborder les points principaux de notre rapport sur la télévision électronique, j'aimerais tout d'abord vous parler un peu de nous.
L'ACTC est l'association nationale de l'industrie du câble. Elle représente 846 câblodistributeurs titulaires d'une licence fédérale qui, collectivement, apportent la télévision par câble à plus de 7,3 millions de foyers canadiens d'un bout à l'autre du pays. Ce chiffre de 846 est trompeur étant donné que quatre de nos membres, que tout le monde connaît bien, soit Rogers, Shaw, Vidéotron et Cogeco, desservent à eux seuls plus de 80 p. 100 des foyers câblés au Canada.
Les changements rapides qui voient le jour dans le marché mondial des communications ont un impact tout aussi important sur nos membres que sur les autres secteurs. Bien sûr, le service de câble traditionnel occupe encore une part importante de nos activités; mais les câblodistributeurs d'aujourd'hui offrent beaucoup plus encore. Les câblodistributeurs font figure de chefs de file dans le marché de l'accès Internet à grande vitesse, que nous considérons essentiel pour relier les Canadiens à un univers en ligne plus stimulant. À travers le pays, dans les communautés grandes et petites, les câblodistributeurs ont mis leurs réseaux à niveau dans le but d'offrir l'accès Internet à grande vitesse à leurs abonnés résidentiels, ce qui représente plus de 6 millions de foyers ayant accès à ce service. À l'heure actuelle, plus de 600 000 Canadiens sont abonnés au service d'accès à grande vitesse par câble à Internet et on prévoit que ce nombre augmentera de 30 p. 100 d'ici à l'an 2003. La câblodistribution numérique est aujourd'hui disponible dans un nombre croissant de collectivités, et non seulement dans les grands centres urbains. Les câblodistributeurs ont consacré chaque année plus de 700 millions de dollars à cette technologie et, par conséquent, plus des deux tiers des foyers câblés sont aujourd'hui prêts à recevoir les services numériques. Ces services fournissent une qualité d'image et de son supérieure et promettent d'offrir un plus grand nombre d'émissions et de choix aux consommateurs. Nos membres s'allient aux chefs de file de la technologie pour se procurer les décodeurs et les applications interactives qui permettent d'offrir aux abonnés le commerce électronique et la télévision sur le Web.
Les entreprises de câblodistribution fournissent des services de télécommunications pour la transmission de la voix et des données. Leur vaste réseau de câble de fibre optique leur permet à la fois de desservir d'importants clients commerciaux et d'offrir des services téléphoniques aux consommateurs résidentiels. Les technologies de pointe, comme la téléphonie à protocole Internet, permettront d'augmenter le nombre d'occasions d'affaires du câble au sein du marché local des télécommunications.
Nous croyons que l'industrie du câble est très bien placée pour relever les défis de la nouvelle économie. Ces défis sont d'ailleurs bien articulés dans les termes de référence que votre sous-comité devra étudier. Parmi ces défis, on retrouve: la croissance rapide de l'environnement des communications, les questions d'accès, la vie privée et la sécurité des renseignements personnels, la confiance du consommateur face au commerce électronique, et l'incidence de la politique publique sur la nouvelle économie. Nous croyons sincèrement que ces questions sont fondamentalement liées et qu'il importe de les aborder sans délai de façon intégrée si l'on veut assurer une place de choix au Canada au sein de la nouvelle économie.
[Français]
C'est pour cette raison que nous avons produit notre rapport sur la télévision électronique. Ce document ne parle pas seulement de notre industrie. En fait, il s'agit d'une proposition visant le changement de notre politique publique en ce qui a trait au secteur des communications et de la technologie de l'information.
À travers ce document, nous abordons la nouvelle économie et ses retombées sur la croissance économique, la concurrence et le contenu canadien. Nous préparons ensuite le terrain pour amorcer un dialogue entre les radiodiffuseurs, les distributeurs, les entreprises de technologie et nos clients, dans le but d'assurer que le Canada s'approprie une très grande part de la nouvelle économie. Le rapport dresse le portrait de l'environnement des communications des années à venir au coeur de la nouvelle économie et fait état de l'impact des politiques qui découlent de cette évolution.
[Traduction]
Je vais maintenant vous présenter les principales conclusions de notre rapport. Dans notre rapport, nous décrivons de la façon suivante les principaux éléments de la nouvelle économie. Premièrement, les communications interactives numériques, l'Internet et le commerce mondial créent un nouveau modèle économique dicté par les exigences des consommateurs.
Deuxièmement, la création de nouvelles entreprises, précipitée par la convergence des communications, de la culture et de la technologie de l'information, est à la base de la croissance économique.
Troisièmement, les projets économiques entrepris dans le secteur des communications, des médias, de la technologie d'information, de la production et du détail portent sur les stratégies de consolidation et d'intégration qui permettront de mieux concurrencer.
Quatrièmement, ces nouvelles entreprises fourniront à la fois commerce électronique, divertissement et information aux foyers abonnés par l'entremise de câbles interactifs à large bande et à l'aide d'un écran de télévision ou d'un ordinateur muni de divers décodeurs numériques -- ce qu'on appelle en fait la télévision électronique.
Cinquièmement, la technologie donne aux consommateurs un pouvoir nouveau qui réduit la capacité des corps réglementaires nationaux de restreindre ou de contrôler l'accès au contenu.
En fait, nous croyons fermement que l'intégration, ou la création, de nouvelles entreprises, précipitée par la convergence des communications, de la culture et de la technologie de l'information, est à la base de la croissance économique et présente autant de défis que d'occasions uniques. Pour les décideurs politiques, ces défis consistent à modifier leur rôle de gestionnaire de marchés à celui de créateurs de mesures favorisant l'innovation et l'investissement; à se rendre à l'évidence que les consommateurs jouissent aujourd'hui d'un pouvoir inégalé qui limite la capacité des autorités nationales chargées de l'octroi des licences, de contrôler le choix ou de protéger les marchés; et à faire en sorte que le contenu, incluant la musique, les films et les émissions de radio et de télévision, soit accessible aux Canadiens par l'entremise de serveurs situés partout dans le monde.
[Français]
En termes d'occasions d'affaires, il faut reconnaître que grâce à la nouvelle technologie, le contenu canadien, sous toutes ses formes, sera accessible aux gens à travers le monde entier, par l'entremise de serveurs situés au Canada, et stimuler l'utilisation et la production de nouveaux médias. L'avenir n'a jamais été aussi prometteur pour la production et la distribution du contenu canadien.
Les coûts d'entrée baissent et les occasions d'afficher le contenu ne cessent de grandir, mais il n'y a pas de temps à perdre. Comme entreprises, nous devrons faire preuve de créativité si nous voulons obtenir la fidélité des consommateurs. Les décideurs politique, quant à eux, devront mettre en place des mesures positives qui permettront de concrétiser la télévision numérique au Canada. Au niveau réglementaire, on devrait avoir une meilleure flexibilité afin de permettre aux consommateurs d'imposer la demande.
[Traduction]
Quels sont donc les éléments clés de notre proposition? D'abord et avant tout, nous croyons sincèrement que la politique publique doit absolument fournir des mesures qui favorisent l'innovation, le déploiement d'infrastructures évoluées, l'investissement dans les nouveaux médias, l'intégration ou la création d'occasions uniques d'information et de divertissement à l'intention des clients.
Pour ce faire, nous proposons des politiques qui améliorent l'accès au capital de placement, augmentent la flexibilité et améliorent la concurrence des services de programmation dans le but de mieux répondre à la demande des clients, réduisent l'impôt direct et indirect, modifient le rôle du CRTC, le faisant passer de la réglementation traditionnelle à la résolution de litiges en matière de concurrence, assurent la déréglementation des petits systèmes, libéralisent les règlements en matière de propriété mixte, et donnent aux nouveaux médias davantage de flexibilité pour accéder aux fonds de production.
Voici donc un aperçu de nos propositions. Les détails figurent dans notre rapport et pour votre information vous trouverez ci-joint un exemplaire et un résumé de celui-ci.
Nous vous remercions de nous avoir donné cette occasion de comparaître et c'est avec plaisir que j'évoquerai avec vous ces sujets et que je répondrai à vos questions.
Le sénateur Finestone: Si vous me le permettez, je vais poser mes premières questions à Peter Barnes. Je suis fascinée par toute cette technique des communications sans fil, ce qui vous permet de me joindre dans le monde entier. Comment se fait-il que je ne peux pas utiliser mon téléphone sans fil pour appeler chez moi à Montréal lorsque je suis en Jordanie, à Cuba ou ailleurs?
M. Barnes: Cela s'explique en grande partie par les normes de fabrication et de transmission de chacune des entreprises dans les différents pays. Ainsi, en Amérique du Nord, on utilise une certaine norme, de la même façon que les prises électriques sont différentes ici et en Europe. En Europe, il peut arriver qu'il y ait différentes normes. Certaines entreprises d'Amérique du Nord ont les mêmes normes qu'en Europe, mais cela varie d'un endroit à l'autre.
À l'heure actuelle, tous les pays se réunissent sur la question. En fait, à la fin du mois et en juin, il y aura une conférence organisée à Istanbul par l'Union internationale des télécommunications, au cours de laquelle on va parler des bandes de fréquences allouées à cette troisième génération de téléphones dont je vous ai parlé. On va y évoquer entre autres l'adoption d'une norme universelle pour les télécommunications mobiles qui va régler ce problème. Ce qui s'est passé au départ, c'est qu'un pays a élaboré sa propre norme, un deuxième en a élaboré une autre, les fabricants exerçant différentes pressions selon les pays. Nous nous apprêtons désormais à adopter une norme mondiale. Il y a de plus en plus de téléphones qui peuvent fonctionner selon deux ou trois normes différentes, de sorte que l'on peut passer d'un pays à l'autre et continuer à utiliser son téléphone. La véritable solution, toutefois, ce ne sera pas de pouvoir adapter son téléphone à cinq ou six différentes normes, mais d'adopter une norme commune, ce qui sera probablement le cas pour la prochaine génération de téléphones, en 2001, 2002 ou 2003.
Le sénateur Finestone: J'entends parler de l'élaboration des normes depuis que les télévisions sont arrivées sur le marché. Il semble que les pays trouvent les moyens de bloquer la concurrence ou d'adopter des normes un peu différentes. Aujourd'hui, la signature des satellites est très large, bien plus large qu'elle ne l'était auparavant. Je me demande si le problème ne vient pas de l'étendue de cet accès au monde des communications sans fil. Vous nous dites qu'une personne sur cinq possède un téléphone sans fil, et pourtant il me semble que vous réclamez l'accès à un plus grand nombre de fréquences du spectre. Ce spectre s'est considérablement étendu, du fait de l'adoption des fibres optiques, et vous manquez encore de fréquences?
M. Barnes: Nous faisons appel au spectre de fréquences pour les communications radio sans fil, pas pour les fibres optiques. Là encore, c'est la vitesse de transmission qui importe, et les fibres optiques ne nous aident pas parce qu'il s'agit de transmission par la voie des airs. On a gagné en vitesse et en puissance pour ce qui est de l'utilisation du spectre des ondes radio, mais laissez-moi vous donner une ou deux statistiques à ce sujet.
Le Canada a mis sept ans pour atteindre le million d'abonnés au téléphone sans fil. Un peu plus tôt cette année, nous avons atteint les 7 millions, et il a fallu sept mois pour enregistrer le dernier million. Vous pouvez apprécier à quel point cette croissance est exponentielle. Industrie Canada a alloué des bandes de fréquences et a annoncé récemment que d'autres bandes seront mises aux enchères cet automne.
Nous disons que nous sommes dans la bonne voie et qu'il nous faut continuer. Il y aura une mise aux enchères cet automne, ce qui va aider les choses, mais il faut que les efforts faits par le gouvernement canadien lors de conférences comme celle d'Istanbul se poursuivent, pour s'assurer que les bandes de fréquence sont dégagées à temps et qu'il n'y ait pas de pénurie.
Un responsable aussi haut placé que le secrétaire général de l'Union internationale des télécommunications a évoqué en février les difficultés qui se poseraient si cette conférence ne débouchait pas sur des solutions. Je ne me souviens pas des mots précis qu'il a employés, mais ses prévisions sont assez spectaculaires. En fait, notre spectre de fréquences a une capacité limitée, de plus en plus de gens veulent s'en servir et si nous ne voulons pas causer un énorme embouteillage, nous devons l'élargir. Heureusement, on peut toujours utiliser davantage de bandes de fréquence en tournant un bouton, mais il faut que ces travaux se poursuivent. C'est davantage un encouragement qu'un cri d'alarme.
Le sénateur Finestone: Quel est le rôle du CRTC? Je me souviens de l'époque où il y avait beaucoup de compagnies de téléphones cellulaires ou portables qui voulaient pénétrer ce marché. Beaucoup de compagnies l'ont fait mais il y en a plusieurs qui sont en faillite aujourd'hui. Que pensez-vous du rôle que le CRTC devrait jouer et des répercussions financières que peut entraîner sa décision de rendre ce domaine plus concurrentiel? Ne risquons-nous pas en fin de compte de renforcer les monopoles?
M. Barnes: Ce secteur est extrêmement concurrentiel au Canada. Dans la plupart des grandes villes, on peut choisir entre quatre, voire même cinq fournisseurs de services de téléphonie mobile. C'est pourquoi les prix canadiens sont parmi les plus bas au monde. Je vais vous donner un exemple, le prix moyen de la minute à Toronto est d'environ 17 cents.
Le sénateur Finestone: S'agit-il de téléphone classique ou de téléphone cellulaire?
M. Barnes: C'est le prix de la minute pour un téléphone cellulaire. Aux États-Unis, le prix de la minute est de 25, 30 voire 40c. C'est la même chose dans les villes européennes.
Le sénateur Finestone: Est-ce là une bonne ou une mauvaise chose pour les propriétaires de ces actifs?
M. Barnes: Cela est bon pour le consommateur mais pas pour les entreprises, parce que la plupart d'entre elles ne font pas de bénéfice, ce qui est normal au début. Cependant, ces compagnies choisissent ce marché parce qu'elles pensent réussir; elles connaissent le marché et elles prennent leurs propres décisions. J'ai mentionné le CRTC parce qu'il envisage d'imposer d'autres taxes à l'industrie, ce qui est inquiétant. J'utilise le mot «taxes» dans un sens très large.
Le sénateur Finestone: Je pensais que seul le gouvernement pouvait lever des impôts.
M. Barnes: Lorsque c'est vous qui devez payer de l'argent et qu'un organisme du gouvernement vous dit que vous devez en verser davantage, cela y ressemble beaucoup.
Le sénateur Finestone: Devrions-nous cesser d'essayer de réglementer les marchés? Je pense que c'est vous madame Yale qui avez parlé de la réglementation des marchés et qui avez dit que l'on devrait plutôt trouver le moyen de favoriser l'innovation et l'investissement. L'ACTC semble penser que le CRTC devrait en fait disparaître. Je crois que M. Barnes reconnaît que cela n'est pas possible qu'il faut bien que quelqu'un se charge de réglementer les bandes, les fréquences et le reste.
Mme Yale: Je ne dirais pas que le CRTC doit disparaître; nous disons plutôt que le marché est complètement différent et que la réglementation doit changer elle aussi. Par exemple, nous pensions à une époque que la concurrence dans les télécommunications voulait dire qu'une entreprise voulait lutter contre Bell Canada. La concurrence dans le secteur du câble, c'était une compagnie qui voulait fournir un service de câblodistribution, qui n'était guère différente des entreprises existantes mais qui leur faisait concurrence.
Eh bien, aujourd'hui, la concurrence vient de domaines très divers. Il y a des entreprises de câblodiffusion qui ne s'occupent pas uniquement de câble; elles s'intéressent aux services numériques d'Internet et aux télécommunications. Elles fournissent toute une gamme de services qui viennent concurrencer Bell Canada. Il est intéressant de noter que Bell envisage d'acheter CTV et offre maintenant un service de télévision par satellite qui s'appelle ExpressVu qui fournit des services de câblodiffusion sans fil et qui offre également un service d'accès à Internet.
Chaque consommateur aura accès à un ensemble de fournisseurs qui lui offriront tous un ensemble de services. De nos jours, ce sont des grandes entreprises intégrées qui utilisent leur capacité de base, qu'elles soient dans le domaine des télécommunications, du câble ou du cellulaire, pour s'étendre dans d'autres directions et offrir des gammes complètes de services; c'est entre elles que se fait la concurrence. Il s'agit là d'un nouveau modèle mais la réglementation s'intéresse toujours au câble et aux télécommunications et elle ne s'est pas adoptée à ce nouvel environnement.
La concurrence est vive sur le marché de l'Internet, particulièrement pour ce qui est des télécommunications sans fil. La plupart des aspects qui étaient réglementés ont beaucoup perdu de leur importance. Chaque ménage, chaque client d'une entreprise de câble a accès à plusieurs fournisseurs de services de télévision. Il y a deux fournisseurs de services par satellite, un câblodistributeur et il y a bien souvent une autre forme de sans fil, comme les communications locales. Les consommateurs ont souvent accès à plusieurs fournisseurs de services. L'idée que les entreprises de câblodistribution ou les compagnies de téléphone peuvent augmenter leurs tarifs comme elles l'entendent et les questions traditionnelles que l'on se posait au sujet de la réglementation de ces tarifs sont maintenant choses du passé.
La présidente: Monsieur Barnes, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Barnes: Je voulais simplement faire une distinction entre les fréquences, qui sont attribuées par Industrie Canada, et le rôle du CRTC qui consiste davantage à réglementer les activités après coup, dans la mesure où il décide de le faire. Je pense que Mme Yale et moi sommes d'accord pour reconnaître que le CRTC doit jouer un rôle parce que, dans le cas de l'industrie du sans fil, il a décidé, comme la loi le lui permet, de s'abstenir de réglementer ce marché, parce qu'il reconnaît qu'il est déjà par nature concurrentiel.
Le sénateur Finestone: J'avais oublié qu'il y avait là deux rôles distincts. J'aimerais savoir si vous pensez qu'il est possible d'avoir aujourd'hui une maison où tous ces services sont acheminés par un seul fil, et où il n'y a pas de fil de téléphone, un fil pour le câble et où il n'est pas nécessaire de se préoccuper des antennes satellites? Savez-vous combien il y a de fils qui entrent dans une maison?
La présidente: Il ne faudrait pas poser cette question au spécialiste du sans fil.
Mme Yale: Je ne pense pas que la solution passe par le fil unique.
Le sénateur Finestone: Pourquoi pas?
Mme Yale: Il y a déjà deux réseaux pour chaque maison. Il existe de nombreuses façons d'avoir accès à ces services. Il y a la technologie traditionnelle du câble, il y a l'infrastructure à large bande du câble, il y a l'infrastructure des télécommunications et l'infrastructure du sans fil. Les consommateurs ont le privilège d'avoir à choisir entre ces différentes façons d'obtenir ces services.
Le sénateur Finestone: J'aimerais poser une question à un des témoins de l'ACTI. Je crois que lorsqu'on a demandé à Mme Leonard s'il fallait protéger le citoyen qui s'aventure dans le cyberespace; elle a répondu «nous ne réglementerons pas l'Internet.» Pouvez-vous me dire si vous pensez qu'il est possible de protéger la vie privée des citoyens, d'éviter les violations de la vie privée et de leur droit à la liberté, au respect des droits de la personne et de la décence, contre les atteintes via l'Internet s'il n'y a pas de règles? Avez-vous été heureuse d'entendre le gouvernement déclarer qu'il n'allait pas réglementer l'Internet?
Mme Leonard: C'est exact.
Le sénateur Finestone: Vous avez dit ensuite «nous pouvons protéger la vie privée des citoyens dans le cyberespace.» Comment allez-vous protéger la vie privée des citoyens dans le cyberespace s'il est en pratique impossible de réglementer ce domaine?
Mme Leonard: Il existe des outils comme le projet de loi C-6.
Le sénateur Finestone: À ce que je sache, le projet de loi C-6 ne fait rien contre l'homophobie, l'antisémitisme, le racisme, la négrophobie, ni contre toute cette haine. C'est pourquoi j'aimerais savoir ce que vous voulez vraiment dire lorsque vous déclarez cela.
Mme Leonard: Je crois que je comprends maintenant mieux votre question. Faites-vous plus particulièrement référence à la propagande haineuse?
Le sénateur Finestone: Il y a toutes sortes de haine dans ce domaine.
Mme Leonard: Pour moi, cela n'est pas la même chose que la vie privée.
Le sénateur Finestone: Si l'on porte atteinte à mon droit d'être considéré avec respect, à tous les droits qui m'appartiennent, à titre de valeur canadienne fondamentale, valeur que l'on attribue aux droits de la personne, et qu'il n'y a rien pour contrôler ou réglementer cela, et qu'il n'y a pas de règles, comment pensez-vous que cela puisse fonctionner?
Mme Leonard: Je peux vous dire que nous avons été très soulagés lorsque le CRTC a décidé l'année dernière de ne pas réglementer l'Internet. La raison essentielle, si je peux aller droit au but, pour laquelle il a décidé de s'abstenir de le faire est qu'il est pratiquement impossible de réglementer ce domaine. Il s'est trouvé en face d'un monde branché, sans frontières auquel nos normes conventionnelles, notre processus conventionnel de réglementation, ne s'appliquent pas. Cela dit, le CRTC reconnaît également qu'il existe des lois au Canada qui protègent les Canadiens contre la propagande haineuse, les atteintes à la vie privée, ainsi qu'à d'autres aspects qui nous importent.
Le sénateur Finestone: D'après votre expérience, pensez-vous que dans ce monde sans frontières, nous avons les moyens de contrôler ou d'influencer ce qui nous arrive du cyberespace ou par Internet?
Mme Leonard: Je le pense, en particulier, si l'on examine la façon dont Internet a pris naissance et comment il s'est développé au cours des deux premières générations. C'était au départ un moyen d'échanger de l'information au sein d'une communauté de chercheurs. Avec la deuxième génération, Internet est devenu un outil de démocratisation, qui a permis aux individus d'échanger de l'information et de disposer d'un certain pouvoir. Cela constitue pour moi un aspect très positif et très démocratique de l'Internet.
Il est vrai que l'Internet contient du matériel que certains trouvent choquant. Au départ, l'Internet était un milieu qui était capable de s'autoréglementer et de s'autocontrôler. Avec 275 millions d'utilisateurs dans le monde entier, il est devenu difficile de faire respecter ces valeurs. Cependant, ce sont eux qui constituent cet outil très puissant que nous avons créé. Une bonne partie des efforts qui sont déployés pour mettre au point des solutions technologies destinées à protéger la vie privée, à chiffrer l'information, vient du sentiment que nous avons créé cet outil très puissant.
Nous l'avons créé. Il est accessible à tous, gratuit, et il est sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Que pouvons-nous faire pour veiller à ce que les forces négatives qui s'y déploient ne nous privent pas de cet outil?
Le sénateur Finestone: Pensez-vous que nous allons pouvoir mettre au point des procédés de cryptographie ou des coupe-feu, quel que soit le nouveau terme qu'on utilise cette semaine, qui vont protéger ma carte bancaire et mon numéro de compte que j'utilise pour effectuer mes opérations bancaires sur Internet?
Mme Leonard: Oui, en un mot. Aucune solution ne permettra de résoudre ce problème de façon définitive. Cet environnement est très dynamique. Il y a des gens intelligents qui travaillent sur Internet, du côté du bien et du côté du mal. Voilà la bonne nouvelle. On est en train de mettre au point à Ottawa, à Montréal, des solutions technologiques qui vont être d'une grande utilité.
Le sénateur Finestone: Pensez-vous qu'il est possible d'assurer la sécurité des transactions bancaires et que je n'ai pas à m'inquiéter? Puis-je dire à mes électeurs qu'ils peuvent continuer à faire leurs opérations bancaires de cette façon sans s'inquiéter?
Mme Leonard: Il faut être vigilant. Il faut utiliser ces outils de façon intelligente; il faut être informé. Nous parlons dans notre mémoire d'un code des fibres éthiques, un code de conduite qu'il va falloir concevoir et diffuser et qui enseignera non seulement comment se conformer à l'éthique sur Internet mais qui présentera également le genre de normes de comportement que l'on peut espérer voir adopter par les usagers de l'Internet.
Je suis convaincue que même en renonçant à essayer de contrôler un domaine qui est par définition incontrôlable, Il est possible d'obtenir un environnement qui soit libre, accessible, très puissant et productif.
Mme Yale: J'ajouterais, au sujet de la sécurité des renseignements personnels, que finalement, si les gens ne sont pas sûrs de pouvoir utiliser leur carte de crédit pour le commerce électronique sans risquer quoi que ce soit, ils ne le feront pas. C'est pourquoi je crois que les entreprises vont comprendre qu'il est avantageux pour elles, sur le plan de la concurrence, de fournir aux consommateurs le genre de sécurité dont ils ont besoin pour effectuer en toute confiance des opérations en ligne. Les entreprises qui vont trouver les moyens d'assurer ce genre de sécurité vont réussir dans un environnement en ligne.
Les entreprises vont commencer à se concurrencer pour obtenir la confiance des consommateurs et pour trouver les façons d'offrir une technologie qui renforce la confiance et encourage les consommateurs à utiliser leurs services pour effectuer leurs opérations en ligne. Le marché va fournir ces solutions, et les Canadiens pourront faire des opérations en direct en toute confiance, comme ils ne l'ont encore jamais fait.
Le sénateur Finestone: Madame la présidente, je crois ce qu'on nous a dit et j'espère que tout ceci va se passer de cette façon. Cela ne change toutefois pas le fait que j'ai vu ce que mes petits-enfants pouvaient faire. Ils peuvent apprendre à fabriquer une bombe, ils peuvent apprendre à être destructeurs. Ils peuvent également apprendre à haïr les autres. Ils peuvent également apprendre à effectuer des opérations bancaires. Ils peuvent me montrer comment parler à la Maison blanche, ce qui m'a fort impressionné.
Je suis heureux de savoir que vous êtes tous très positifs et optimistes, et c'est comme cela que j'aimerais que les choses évoluent.
Le sénateur Banks: Je n'ai pas beaucoup d'espoir pour ce qui est de l'éducation et de l'autoréglementation, et je le regrette. J'espère que cela va se faire. J'aimerais poser des questions aux deux représentants de l'Association canadienne de la technologie de l'information.
J'espère que quelqu'un va dire, et ce sera peut-être vous, que ce n'est pas parce que les moyens conventionnels utilisés pour réglementer et surveiller les diverses autoroutes publiques n'ont pas été efficaces jusqu'ici et ne peuvent s'appliquer au cyberespace que nous ne parviendrons pas à le faire. J'espère que quelqu'un va trouver la façon d'y parvenir pour la simple raison que cela va lui rapporter de l'argent et aussi pour éviter que des enfants de 12 ans puissent fabriquer une bombe.
J'ai mentionné aux témoins précédents qu'à la fin du XXe siècle, tout le monde pensait qu'il était impossible de réglementer le droit d'auteur, qui était à l'époque une idée tout à fait nouvelle, à l'échelle internationale. On a trouvé le moyen de le faire, ce qui paraissait jusque-là impossible. Je suis un peu naïf, mais j'espère que la technologie pourra tout résoudre.
J'aimerais poser deux questions à M. Barnes. Il y a quelque chose qui me préoccupe beaucoup, et je sais que c'est également le cas pour vous. C'est une question technologique qui concerne le transport. La prolifération de la technologie du sans fil et la nécessité d'avoir une couverture de transpondeurs, et peut-être surtout, les émetteurs relais à faible puissance et les autres choses du genre causent des interférences graves avec les signaux radio tant commerciaux que publics. Tout cela réduit l'efficacité des schémas de propagation des antennes traditionnelles. Ces systèmes ne sont plus aussi efficaces. La prolifération des appareils sans fil, une évolution souhaitable, est une source d'interférence importante.
La deuxième partie de ce problème est que vous avez mentionné que vous seriez en mesure de supprimer les problèmes de couverture au Canada. J'aimerais bien savoir comment vous allez y parvenir puisque les derniers à essayer de le faire ont fait faillite il y a trois semaines. Cela va entraîner la chute de 60 satellites. Ils n'ont pas réussi à rentabiliser un système sans fil utilisant des transpondeurs. Il n'y avait tout simplement pas suffisamment de gens disposés à dépenser 2 500 $ pour acheter un téléphone.
Je signale en passant que j'ai été un de leurs premiers clients. J'ai payé mon premier téléphone cellulaire 3 500 $.
J'aimerais également poser une question à Mme Yale. Je viens du secteur du spectacle et, jusqu'à tout récemment, je ne pense pas que l'on pouvait vraiment dire que l'industrie du spectacle et les producteurs de télévision, par exemple, méprisent les entreprises de câblodistribution.
Nous pensons qu'il y a quelques années encore, avant que cela soit réglementé, il était facile de faire de l'argent en volant un produit et en le vendant très cher. Je sais que cela n'est plus possible. Je tenais simplement à vous indiquer quelle était ma partie.
J'aimerais que vous parliez de philosophie. Je sais que nous devons tous changer notre façon de faire. Dans l'optique de l'ancien système, vous êtes encore un peu des radiodiffuseurs, parce que vous offrez des spectacles ainsi que de l'information dans nos maisons.
Le Canada est le pays au monde qui est le plus branché, je crois. Traditionnellement, les producteurs produisent des émissions de télévision, qu'il s'agisse d'un présentateur en gros plan ou d'un spectacle de plusieurs millions de dollars. Je pense que vous représentez la télévision payante et la télévision à la carte ainsi que le câble. Est-ce bien exact?
Mme Yale: Dans la mesure où les membres de mon association font ce genre de chose mais il existe une autre association qui représente la plupart des diffuseurs, des fournisseurs spécialisés et des producteurs d'émissions payantes.
Le sénateur Banks: Mais ces programmes sont acheminés par le câble, on peut donc parler d'intégration verticale et vous représentez par conséquent ces personnes-là. Parlez-moi de la différence qui existe entre la somme qu'un diffuseur en situation de force et qui offre également des services de câblodistribution, tout en étant un diffuseur dans le sens traditionnel du terme, paie pour une émission de télévision, dans la mesure où il est parfois obligé de payer pour avoir certains types d'émissions de télévision, d'un côté, et ce que les membres de votre association paient habituellement pour une émission de télévision, et là je vous taquine un peu. À toutes fins pratiques toutes ces personnes ont accès à la même clientèle, à quelques points près, comment alors peut-on justifier un écart aussi important? Est-ce parce que nous sommes tous esclaves de nos habitudes? C'est une question philosophique. Il n'y a peut-être pas de réponse.
Mme Yale: L'essence de la télédiffusion, le modèle économique de cette activité, comme vous le savez, est de fournir aux annonceurs autant de paires d'yeux que cela est possible. L'émission est simplement un moyen de faire passer les annonces publicitaires.
Le sénateur Banks: Cela est également vrai pour les réseaux du câble.
Mme Yale: Il faut faire une différence entre les services fournis, comme les services spécialisés.
Le sénateur Banks: Je parle des émissions de divertissement.
Mme Yale: Il y a le modèle de la télédiffusion, qui comprend des réseaux de diffusion mais qui vivent uniquement des recettes publicitaires. Ces sociétés ne reçoivent pas les redevances d'abonnés comme le câble mais elles reçoivent cependant, en plus des recettes qui viennent des émissions qu'elles diffusent, des recettes qui découlent du fait qu'elles étendent leur marché grâce au câble. Elles ont donc un premier marché, le marché traditionnel, par la voie des ondes, et en plus les recettes provenant du câble qui reçoit des droits d'auteur pour la retransmission de ses signaux vers d'autres marchés. Les revenus des télédiffuseurs traditionnels proviennent de la publicité.
Les services spécialisés obtiennent des revenus de deux façons: grâce à la publicité, qui représente une partie de leurs revenus et grâce aux redevances de nos abonnés. En théorie, ces entreprises ne peuvent vivre uniquement de la publicité, parce que, par définition, elles s'adressaient, au départ au moins, à un marché restreint; elles visaient un auditoire plus ciblé et ne pouvaient offrir le genre d'auditoire de masse auquel les télédiffuseurs avaient accès.
Le sénateur Banks: Mais aujourd'hui?
Mme Yale: Aujourd'hui, ce sont encore les télédiffuseurs qui reçoivent la plus grosse partie des revenus de publicité et les services spécialisés doivent toujours combiner ces deux sources de revenus. Par contre, la télévision payante ne fait pas de publicité. Ces entreprises vivent exclusivement des abonnements, en partant du principe qu'elles s'adressent à un auditoire encore plus ciblé qui est disposé à assumer la totalité des coûts, tout comme la télévision à la carte. Ce sont là des modèles légèrement différents.
Ce qui est intéressant, en particulier pour les consommateurs, c'est qu'avec la technologie numérique, les consommateurs pourront, pour la première fois, choisir ces services à la carte grâce à ces boîtes numériques. D'un seul coup, il sera désormais possible d'offrir et de supprimer des services individuels, et non plus des bouquets de services. Vous allez voir arriver des entreprises qui offrent des services tout à fait différents au cours de la prochaine série d'audiences d'attribution des permis du CRTC. À l'heure actuelle, la grande majorité des ménages ont accès, gratuitement ou non, à la plupart de ces bouquets de services. Comme vous l'avez fait remarquer, quelle est finalement la différence entre un service spécialisé qui rejoint 85 p. 100 des ménages et un télédiffuseur qui a accès à 100 p. 100 des ménages? Il sera très intéressant de voir quels seront les nouveaux modèles commerciaux qui seront associés à ces nouveaux services uniquement numériques.
Le sénateur Banks: Est-il possible aujourd'hui d'acheminer ces services individuellement à ce 85 p. 100 de consommateurs?
Mme Yale: Non. Aujourd'hui, ces services ne sont transmis que par les quelque 300 000 boîtes numériques qui se trouvent dans les ménages câblés. Tous les services par satellite, ExpressVu et Star Choice, tous ces clients ne peuvent recevoir que des services numérisés. Tous ces clients ont la capacité de recevoir des services à la carte. La prochaine série de permis que le CRTC va attribuer à l'automne concernera uniquement des services qui exigent une boîte numérique. Il sera donc intéressant de voir comment ces services seront offerts, tant sur le plan des prix que du contenu. Ils vont s'adresser à un segment beaucoup plus étroit des consommateurs.
Le sénateur Finestone: Le CRTC et les politiques canadiennes exigent un certain contenu canadien. Quelles sont les répercussions de cette règle dans ce nouveau monde numérisé et ouvert à tous?
Mme Yale: Le CRTC a précisé le niveau de contenu canadien que tous les demandeurs de permis doivent offrir. Les fournisseurs de services doivent offrir un certain niveau de contenu canadien s'ils veulent obtenir un permis. Ce niveau est fixé à 50 p. 100. Il augmente progressivement entre la délivrance du permis jusqu'à son expiration, sept ans plus tard. Ces fournisseurs ont la possibilité d'augmenter le contenu canadien à mesure que leurs recettes augmentent. Les exigences en matière de contenu canadien sont relativement lourdes, même pour ce type de services.
Le sénateur Finestone: Pour la radio et la télévision.
Mme Yale: Il s'agit là uniquement des services de télévision.
Le sénateur Finestone: Et la radio?
Mme Yale: Pour la radio, ce sont les conditions traditionnelles qui s'appliquent. Le CRTC n'envisage pas d'attribuer de nouveaux permis pour le moment.
Le sénateur Finestone: Je ne pense pas que vous ayez bien compris ma question. Dans ce nouvel environnement qu'est l'Internet, quelles vont être les répercussions de ces exigences en matière de contenu canadien?
Mme Yale: C'est une question à laquelle personne n'a encore pu apporter de réponse. Pour ce qui des services offerts en direct sur Internet, on saura que les services canadiens sont appréciés lorsque les gens voudront les regarder.
Mme Oliver: Je suis d'accord avec Mme Yale sur ce point. C'est le marché qui va déterminer, dans une certaine mesure, le contenu canadien sur l'Internet. C'est la qualité et la popularité de ce contenu qui en fixera le niveau.
Mme Leonard: Il existe un potentiel énorme, en particulier dans l'environnement en ligne. Les Canadiens sont très ingénieux et ils ont la capacité de créer un contenu Internet qui soit innovateur, qui plaise et attire un auditoire mondial. Nous avons dès le début adopté ces outils, ce qui nous donne un certain avantage. Il y a eu également des mesures structurelles comme les activités multimédias qui se sont regroupées à Montréal de façon à créer des centres d'excellence pour que le contenu canadien soit d'une qualité telle que tous les pays se l'arrachent.
La présidente: Monsieur Barnes, une des principales questions que nous examinons, comme la lecture de notre mandat vous l'a indiqué, est celle de la protection la vie privée. Aujourd'hui encore, j'ai eu certaines difficultés avec mon cellulaire. Que font les entreprises de communications sans fil pour préserver notre vie privée?
M. Barnes: Nous travaillons dans deux directions pour protéger la vie privée. La première est le caractère privé de vos communications. La première génération de téléphones, ceux que nous appelons les téléphones analogues, utilisaient des ondes publiques. En syntonisant une certaine chaîne, vous pouviez entendre des conversations. La deuxième génération est numérique. Ces téléphones utilisent une technologie dans laquelle le canal transmet uniquement des zéros et des uns, ou une série de bips. On utilise des codes qui sont très sécuritaires. La troisième génération le sera encore davantage.
La présidente: Est-ce que la deuxième génération de téléphones existe déjà?
M. Barnes: Elle existe déjà mais cela dépend du type de téléphone que vous avez.
Le sénateur Banks: Mon téléphone n'a pas cette fonction.
La présidente: Ne m'appelez pas, je préfère vous appeler.
M. Barnes: Selon l'endroit où vous vous trouvez, vous êtes dans une zone analogue ou numérique. Le numérique est beaucoup plus sécuritaire que l'analogue, et de plus en plus de secteurs passent au numérique.
L'autre aspect de la question de la vie privée pour l'industrie du sans fil est de veiller à ce que les dossiers des clients, les opérations et la facturation soient sécuritaires. Sur ce point, nous avons commencé à élaborer avec nos membres un code de la vie privée qui sera applicable à l'ensemble de l'industrie et qui s'inspirera du code de l'ACNOR et sera conforme aux principes du projet de loi C-6. Nous travaillons sur ces deux aspects. L'amélioration de la technologie va renforcer le caractère privé des transmissions ainsi que celles des transactions que nous faisons avec nos clients.
La présidente: Madame Yale, avez-vous des suggestions sur la façon dont le gouvernement pourrait faciliter l'accès au capital d'investissement?
Mme Yale: Il existe plusieurs façons de le faire que nous examinons dans notre rapport. Il y a une première solution qui est évidente, et qui consiste à assouplir les restrictions en matière de propriété étrangère.
La présidente: Que recommandez-vous?
Mme Yale: Nous estimons que pour les entreprises de télécommunications et de câblodiffusion, les restrictions en matière de propriété étrangère ne sont plus justifiées pour ces entreprises de distribution. Nous avons recommandé que l'on abolisse les restrictions en matière de propriété étrangère. Pas pour les entreprises qui s'occupent du contenu mais celles qui s'occupent de distribution.
Il se pose également, dans le contexte des nouveaux médias, un problème grave, à savoir l'accès au capital de risque, problème qui est très différent de celui auquel font face les diffuseurs traditionnels, dans le sens où les entreprises de câblodiffusion, les entreprises de télécommunications ou de sans fil qui doivent faire de gros investissements en infrastructure n'ont accès qu'à des capitaux limités au Canada. La situation des nouveaux acteurs du monde des médias est différente. Ce sont des entreprises en général de petite taille et dont les besoins en capitaux ne sont pas très élevés mais les établissements financiers canadiens ont tendance à être très conservateurs. Il faudrait donc envisager de mettre en place pour ces acteurs des incitatifs financiers, de la part du gouvernement notamment, pour aider à financer les nouveaux médias.
La présidente: Pourriez-vous nous donner quelques exemples de mesures que l'on pourrait prendre?
Mme Yale: Il va falloir renouveler bientôt la politique relative aux Fonds de télévision canadienne et au financement des films et de la télévision traditionnelle. Une petite partie de ces fonds sont destinés aux productions qui utilisent les nouveaux médias. On a toutefois récemment annoncé que le Fonds de la télévision canadienne serait riche cette année, et qu'il aurait près de 18 millions de dollars de plus que l'on avait prévu au départ, à cause de la croissance des recettes provenant de la câblodiffusion et des satellites. Il me semble qu'il ne faudrait pas attribuer automatiquement ces fonds, qui vont continuer à augmenter, aux médias traditionnels. Nous devrions peut-être destiner une partie de ces fonds aux nouveaux médias, de façon à développer le contenu canadien en ligne, tant en anglais qu'en français, pour ainsi profiter de cette nouvelle économie.
La présidente: Madame Leonard et madame Oliver, vous avez mentionné qu'il fallait que le Canada aménage un environnement commercial dynamique. Si je ne me trompe, je crois que votre président ou votre vice-président a comparu devant le comité sénatorial permanent des banques et du commerce et qu'il a fait certaines suggestions. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cet environnement commercial dynamique?
Mme Leonard: Je ne peux qu'appuyer ce que Mme Yale a déclaré à propos de la situation qui régnait au Canada pour ce qui est du capital de risque. Cela ne touche pas uniquement la communauté du multimédia; c'est un problème grave pour toutes les nouvelles entreprises du secteur de la technologie de l'information.
Madame la présidente, vous avez mentionné le groupe de consultants de Boston au cours de la première série d'exposés. Si vous examinez cela, vous allez trouver une référence à une comparaison effectuée entre les placements initiaux lancés par la NASDAQ et par la bourse de Toronto pour les entreprises de l'Internet au cours des mêmes périodes. Ils en avaient près de 155 aux États-Unis contre 4 au Canada.
Le conservatisme et le manque d'information sont de graves obstacles au démarrage des entreprises de la nouvelle économie qui voudraient profiter de toutes ces opportunités. Au lieu de penser à mettre en place des innovations structurelles, je crois que la communication et l'éducation pourraient sensibiliser le secteur des investissements et faire comprendre qu'il s'agit là d'une domaine très prometteur et qu'il faut adopter une attitude moins conservatrice à son égard.
Par exemple, le Globe and Mail a publié la semaine dernière une série d'articles qui traitaient des manoeuvres qu'utilisaient certaines sociétés d'investissement et de valeurs mobilières pour mettre en marché les entreprises de l'Internet. Ces articles laissaient entendre que ces sociétés avaient recours à des pratiques douteuses. En fait, dans cette nouvelle économie en évolution constante, une économie où il faut faire concurrence avec le capital de risque des États-Unis, les règles du jeu doivent être complètement repensées. Il faudrait examiner si les entreprises qui ont recours à des pratiques qui vont légèrement au-delà de ce qui est habituellement accepté ne sont pas en fait en train de nous aider, de donner à ces nouvelles entreprises la possibilité de profiter des opportunités qu'offre la nouvelle économie, ce qu'il faut faire, pour que l'innovation et leurs activités demeurent au Canada, pour que ces entreprises ne soient pas obligés de recherche du capital aux États-Unis et d'y déménager.
La concurrence dont font l'objet nos travailleurs de la connaissance est un problème assez grave, parce que les entreprises américaines nous livrent une vive concurrence dans ce domaine. Il faut absolument faire quelque chose.
La présidente: Quelle serait votre principale recommandation pour corriger cette situation?
Mme Leonard: Il n'est pas possible de faire une seule recommandation. Il faudrait bien sûr examiner la fiscalité des particuliers et des sociétés, et les obstacles qu'il serait facile de supprimer. Le fardeau fiscal du travailleur moyen, sans parler d'un travailleur du domaine de pointe des TI, rend très attrayantes les offres d'emplois qui arrivent continuellement des États-Unis. Toutes les choses que nous avons réussi à obtenir, que nous avons réussi à mettre en place pour avoir cette qualité de vie spéciale que nous avons au Canada, tout cela s'efface lorsque l'on parle d'emploi haut de gamme. Ce sont des gens qui travaillent pour des employeurs qui peuvent leur fournir une excellente couverture médicale, des revenus qui leur permettent de se loger dans des collectivités où leur sécurité personnelle n'est pas en danger, et cetera. Si nous voulons garder nos cerveaux au Canada, il faut examiner les lacunes de notre régime fiscal qui pourraient les inciter à saisir ce genre d'offres d'emploi.
Il en va de même pour le secteur du capital de risque. Le conservatisme dont a parlé Mme Yale a amené un certain nombre d'entreprises du secteur des technologies de l'information à rechercher aux États-Unis les fonds nécessaires pour les deux premières phases de leurs activités. Habituellement, les investisseurs aiment bien être à la proximité des fonds qu'ils ont investis. C'est pourquoi ces entreprises ouvrent rapidement des bureaux là où il y a des fonds, et en fin de compte elles y déménagent leur entreprise. Cela entraîne une perte d'emplois, une perte de cerveaux, de connaissances, et de capacités novatrices dont le Canada a grandement besoin.
Le sénateur Banks: Pour les fins de la discussion, j'aimerais dire à Mme Yale au sujet du commentaire que j'ai fait il y a un instant au sujet du contenu, que vous avez d'ailleurs très bien pris, que je sais très bien que cette règle comportait de nombreuses exceptions bien avant que le règlement ne soit modifié.
Cependant, pour poursuivre la discussion sur le sujet dont vous parlez en ce moment, je ne crois pas qu'il faille attribuer uniquement au régime fiscal et à l'absence de fonds publics pour les nouveaux médias cette fuite des créateurs. Il existe de nombreux exemples d'entreprises, comme Nelvana, qui réussissent très bien; ces créateurs ne partent pas aux États-Unis. Ils sont très bien là où ils sont. Ils sont parmi les meilleurs au monde dans leur domaine.
Je crois qu'il existe une différence fondamentale entre les sociétés qui exploitent les réseaux de distribution aux États-Unis, d'une part, et au Canada, de l'autre, ainsi que pour ce qui est de leur attitude sur l'origine des fonds qu'il faut utiliser pour créer du contenu.
D'une façon générale, les Canadiens préfèrent la distribution. Ils le disent peut-être d'une autre façon mais ils considèrent que les entreprises de télédiffusion traditionnelles sont des sociétés publiques, qui doivent parfois mettre la main à la poche pour produire des émissions, mais pour eux, c'est une dépense qui appartient à la même catégorie que le loyer. Je ne suis pas en train de faire des hypothèses. Je sais que cela est vrai. Cela est même aussi à peu près vrai pour les entreprises de câblodistribution.
Pourquoi reprocher aux entreprises qui contrôlent la distribution d'investir dans la production des émissions qu'ils transmettent?
Pour ce qui est de supprimer les restrictions en matière de propriété pour les réseaux de câble, pensons-nous vraiment que les États-Unis vont supprimer les restrictions qui s'appliquent à ces réseaux? Ne serait-il pas juste et équitable d'abolir ces restrictions ensemble? Y a-t-il quelqu'un qui pense qu'ils vont le faire vraiment?
Mme Yale: Pour ce qui est des règles en matière de propriété étrangère, je dirais que les grandes sociétés de câblodistribution canadiennes n'ont pas beaucoup de difficulté à trouver les fonds dont elles ont besoin. Elles ont régulièrement recours au marché américain pour obtenir des capitaux. Je dirais qu'il s'agit là davantage pour elles d'un irritant que d'un besoin à combler.
Cela dit, la vraie question philosophique est de savoir si ces entreprises servent encore à quelque chose. Nous répondons à cette question en disant que toutes les questions qui intéressent les grandes orientations peuvent être réglées en adoptant des règlements. Il n'est pas nécessaire d'avoir des règles supplémentaires en matière de propriété étrangère pour veiller à ce que les entreprises de câblodistribution canadiennes qui détiennent des permis respectent les conditions qui leur sont imposés pour des motifs d'intérêt public, que cela touche les émissions à transmettre, les droits à percevoir ou l'obligation de financer la production d'émissions canadiennes. Si le CRTC adopte des règlements, toutes les entreprises qui ont un permis pour exercer leurs activités au Canada vont normalement respecter la loi.
Quant à la question de savoir si elles sont des entreprises de propriété canadienne, il existe de nombreux exemples de sociétés américaines qui exercent leurs activités au Canada dans d'autres domaines et qui respectent les lois applicables.
Le sénateur Banks: Vous pourriez donner le nom de quatre sociétés américaines qui aimeraient acheter certaines entreprises de câblodistribution canadiennes, si on leur en donnait la possibilité. Est-il acceptable d'avoir au Canada des entreprises de câblodistribution de propriété principalement américaine qui soient uniquement contrôlées par voie réglementaire? Cela n'est-il pas risqué?
Mme Yale: Cela n'est pas risqué pour mes membres. Je ne vois pas ce que l'on risquerait en autorisant cela. Comme je l'ai dit, il s'agit là davantage d'un irritant. La question que vous avez abordée en premier me paraît plus fondamentale: pourquoi est-ce que les sociétés de câblodistribution ne sont pas autorisées de nos jours à posséder des entreprises de programmation, de contenu? Aux États-Unis, la situation est complètement différente. On parle là-bas de chaînes du câble pour désigner bon nombre de services spécialisés, qu'il s'agisse de vidéoclips ou d'autres, parce que ces services sont la propriété des sociétés de câblodistribution. Ces sociétés sont très motivées à investir dans ces services et à veiller à ce qu'ils soient populaires. Les gens s'abonnent à ces services et cela leur procure des recettes.
Au Canada, il existe une situation qui me paraît anormale dans laquelle les sociétés de câblodistribution ne peuvent, en général, faire autre chose que distribuer des services de divertissement et ne sont pas autorisés à être propriétaires du contenu. À l'origine, on a adopté cette règle parce que l'on craignait que les sociétés de câblodistribution n'accorde la préférence à leurs services plutôt qu'à ceux des autres.
C'est une crainte qui pouvait se comprendre lorsque le nombre des chaînes était limité. De nos jours, avec le numérique, nous avons accès à une quantité impressionnante de chaînes. C'est pourquoi je pense que cette règle n'a plus raison d'être. En fait, une des principales recommandations que nous présentons dans notre rapport est que l'on devrait autoriser ces entreprises à s'introduire dans d'autres secteurs si elles pensent que cela est souhaitable pour elles. Nous constatons que BCE se propose d'acquérir CTV et que cette société reconnaît l'importance d'être à la fois un diffuseur et un fournisseur de contenu. Les sociétés de câblodistribution souhaiteraient avoir la même latitude.
Le sénateur Banks: Lorsque vous dites que les sociétés de câblodistribution devraient pouvoir être propriétaires de contenu, vous voulez dire qu'elles devraient pouvoir être propriétaires de stations de télévision commerciales, est-ce bien cela?
Mme Yale: De services spécialisés, de stations de télévision, de stations de radio, ou autre chose.
Le sénateur Banks: Rien n'empêche les câblodistributeurs d'investir dans le contenu, par exemple, d'investir dans un film ou dans une émission de télévision. Ils le font constamment.
Mme Yale: Oui, mais à l'heure actuelle, ils n'ont pas le droit d'être propriétaires d'une entreprise de ce genre. Nos membres ont effectivement investi dans ces services mais ils n'en sont pas directement propriétaires.
Le sénateur Banks: Par «entreprise», vous voulez dire station de télévision?
Mme Yale: Ou chaîne spécialisée.
Le sénateur Finestone: Ne faut-il pas avoir obtenu un temps d'antenne auprès d'un télédiffuseur pour obtenir du financement du Fonds canadien de télévision?
Mme Yale: C'est exact. Cependant, les câblodistributeurs ne sont pas propriétaires des télédiffuseurs. La règle veut que la diffusion et le contenu soient séparés. Les télédiffuseurs se servent du câble mais les câblodistributeurs ne peuvent être propriétaires d'entreprises de télédiffusion. C'est un règlement qui l'interdit.
La présidente: La propriété étrangère est une des questions abordées dans notre étude et sur laquelle s'affrontent différentes écoles de pensées. J'ai assisté à une conférence internationale il y a quelques mois au Canada. Un des intervenants a déclaré que si le Canada assouplissait ses règles en matière de propriété étrangère, cela reviendrait à vendre notre pays parce qu'avec un dollar aussi bas, les gens de l'extérieur seraient très intéressés à investir ici.
Comment concilier le fait que nos entreprises canadiennes ont besoin de capitaux et le refus de vendre nos entreprises, même s'il s'agissait uniquement des diffuseurs, à un moment où le dollar canadien est aussi bas? Quelles conditions pourrait-on imposer pour équilibrer ces différents besoins?
Mme Yale: C'est une question très intéressante. Selon un certain point de vue, si nous assouplissons nos règles en matière de propriété étrangère, des étrangers vont acheter nos sociétés canadiennes et celles-ci vont ensuite déménager. En fait, ce sont des industries qui ont besoin d'une infrastructure très lourde. Ces entreprises ne peuvent déménager. L'infrastructure est située ici et cela revient en fait à autoriser des capitaux étrangers à entrer au Canada pour financer le développement de cette infrastructure. Si nous disposons d'une infrastructure moderne et libre de se développer, les investisseurs seront prêts à investir ici dans cette infrastructure; cela contrera la tendance qu'ont les capitaux et ces entreprises à aller ailleurs.
J'ai participé récemment à une discussion sur une émission présentée par un câblodistributeur américain au cours de laquelle le propriétaire d'une entreprise de câblodistribution assez importante sur le plan international a déclaré que, pour lui, le climat canadien était si hostile qu'il n'était pas intéressé à y investir. Il a déclaré qu'il y avait trop de règles, qu'il ne pouvait être que propriétaire minoritaire, et cetera.
Lorsque nous évaluons les avantages qu'offrent ces restrictions en matière de propriété étrangère, nous ne tenons jamais compte des opportunités manquées et des investissements qui ne viendront pas au Canada pour développer cette infrastructure et attirer ensuite les activités commerciales qui suivent toujours ce genre d'infrastructure. En fin de compte, c'est l'infrastructure des communications qui est au centre de la nouvelle économie. Nous voulons en faire un secteur dynamique qui servira le Canada.
La présidente: Merci de votre exposé. Vous nous avez présenté un mémoire et un exposé, ainsi que des réponses, d'une qualité tout à fait extraordinaire.
Si nous avons d'autres questions à vous poser, notre greffier communiquera avec vous pour obtenir des réponses écrites, qui pourront être ensuite consignées au procès-verbal.
La séance est levée.