Délibérations du sous-comité des
Communications
Fascicule 2 - Témoignages du 17 mai 2000
OTTAWA, le mercredi 17 mai 2000
Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 17 h 45 pour étudier les politiques pour le XXIe siècle concernant les technologies de communication, leurs conséquences, la concurrence et l'impact pour les consommateurs.
Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous avons devant nous aujourd'hui deux spécialistes des communications, des hommes d'action connus aussi pour la qualité de leur réflexion. Ils nous parleront des questions concernant la concurrence, la convergence, les consommateurs et la politique gouvernementale pour le XXIe siècle. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Ian Angus et Ken Goldstein. Je voudrais également les remercier d'avoir accepté notre invitation à comparaître ensemble ici aujourd'hui.
M. Kenneth J. Goldstein, président, Communications Management Inc.: Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité ici ce soir. Je voudrais vous féliciter pour le plan de travail que vous vous êtes fixé.
En 10 minutes, j'essaierai de mettre l'accent sur certaines questions dans l'optique de l'industrie des médias, qui est celle dans laquelle je travaille. M. Angus vient de l'industrie des télécommunications. Vous constaterez des éléments de convergence intéressants.
La présidente: Nous savons qu'il y a certaines alliances commerciales qui réunissent ces deux mondes.
M. Goldstein: Oui.
J'ai préparé quelques transparents avec Powerpoint pour m'aider à présenter plus clairement mon exposé. Je commencerai en posant la question suivante: le XXe siècle a-t-il été celui des mass médias? On pourrait dire qu'au fil de ce siècle, nous avons eu d'abord les journaux et les revues, puis la télévision. On pourrait appeler le XXe siècle le siècle des médias; or, nous sommes maintenant au tournant du siècle et nous nous disons: «C'était peut-être une anomalie. Ce que nous pensions des médias ne concordait peut-être pas avec ce que nous réserve l'avenir. Peut-être devrons-nous dire au revoir à toute l'idée de mass médias.» C'est quelque chose à quoi nous devons réfléchir.
Votre comité veut mettre l'accent sur la convergence, c'est-à-dire sur l'effacement des frontières. Il serait utile de nous pencher sur trois sortes de frontières qui sont en train d'être effacées en ce moment même. Il y a d'abord celles qui séparent les pays. Par l'intermédiaire d'Internet, je peux actuellement avoir accès à la radio, à la télévision et à la presse écrite de n'importe quel endroit du monde, n'importe qui d'autre peut le faire dans le monde. Dans un récent discours, le ministre des Communications du gouvernement de l'Australie a dit qu'il fallait repenser de fond en comble les idées qui président à la réglementation. J'ai trouvé intéressant qu'il ait notamment donné pour raison qu'Internet supprime complètement les frontières. Il a cité l'exemple d'un journal qu'il lit régulièrement sur Internet -- le Globe and Mail. Il lit en Australie un journal qui est publié à Toronto.
Il y a aussi des frontières entre les différents types de médias. Il ne s'agit pas simplement du fait que des conglomérats achètent des médias de types différents, mais aussi que, de plus en plus, les différents médias acquièrent les mêmes caractéristiques. Si un journal présente des vidéoclips, ou si une station de radio présente un concert de musique rock et des extraits de films sur son site Web, ou si cette même station de radio vend des petites annonces classées, quel est donc leur secteur d'activités?
Enfin, il y a une frontière entre les médias et les non-médias. Vous avez probablement entendu parler de beer.com, qui a été créé il y a quelques mois. Ce site a été lancé par Interbrew, le propriétaire de Labatt. Il s'agit donc d'une entreprise extérieure aux médias qui commence à avoir des caractéristiques du type de celles des médias.
Ce qui se passe aujourd'hui diffère-t-il de ce qui se passait autrefois? Comparons donc l'entrée en scène de la télévision en couleur et celle d'Internet. Avec la télévision en couleur, on avait besoin d'un nouvel équipement pour produire, transmettre et recevoir. Avec Internet, on a aussi besoin d'un nouvel équipement pour produire, transmettre et recevoir. S'agit-il de la même chose? La réponse est «non», parce que l'Internet a aussi des répercussions sur les modèles commerciaux des détaillants. Ils commencent à l'utiliser pour vendre leurs produits et informer leur clientèle. Les entreprises des autres secteurs peuvent aussi devenir des entreprises des médias à cause d'Internet.
Nous sommes maintenant sur le point de voir se diffuser au moins une douzaine de nouveaux appareils numériques. Je vais les passer rapidement en revue, et nous pourrons y revenir ensuite si vous le voulez. Ce sont Internet, la radio terrestre numérique, les disques vidéo numériques ou DVD, le câble numérique, la télévision terrestre numérique, la diffusion directe par satellite, les système de distribution multipoint, la musique MP3, les appareils individuels numériques pour la musique, les magnétoscopes individuels, les jeux vidéos numériques, la radio numérique par satellite et les appareils qui relient les ordinateurs aux téléviseurs, aux postes de radio et aux chaînes stéréo.
Ne vous laissez pas influencer par ceux qui disent que les gens ne regarderont pas la télévision sur un ordinateur. Peu importe, puisqu'aujourd'hui, pour 90 $ américains, vous pouvez acheter un appareil qui relie votre ordinateur à un téléviseur n'importe où dans votre maison. Vous pouvez mettre un DVD dans l'ordinateur et le regarder sur le téléviseur de la salle familiale. L'important est qu'il pénétra dans votre maison et que vous pourrez le regarder, l'écouter ou jouer avec lui n'importe où dans la maison.
Que savons-nous de ces nouvelles technologies numériques? Chacune peut absorber les fonctions des autres. Elles peuvent collecter des «données numériques» à propos des consommateurs, c'est-à-dire les renseignements que vous fournissez quand vous vous inscrivez ou ceux qui concernent vos habitudes d'achat. Cette information est entièrement stockée de façon numérique. Cela permet aux médias d'empiéter sur leurs domaines respectifs. Même sans interactivité, il est possible de fournir du contenu à une échelle que nous commençons seulement à percevoir. Oubliez les trois canaux qu'il y avait dans notre enfance. Oubliez les 50 canaux que nous avons aujourd'hui. Oubliez l'univers des 500 canaux. En fait, on ne peut plus donner aucun chiffre. Cela étant, il n'y a plus maintenant qu'un seul canal, le vôtre, parce que vous le constituerez vous-même en choisissant ce qui vous convient.
Du son et des images de qualité supérieure nous arrivent sur Internet depuis trois directions. Cela aussi est important. Il n'y a pas juste une chose qui se passe. Trois choses se passent en même temps. Elles vont se recouper d'ici très peu de temps. La première est l'amélioration des vitesses de transmission. Vous avez entendu parler des modems utilisant le câble. Vous avez entendu parler du système LNPA offert par les compagnies de téléphone. Le Canada est le numéro un mondial pour ce qui est de la proportion de branchements à Internet utilisant les systèmes à grande vitesse.
Il y a des techniques de compression améliorées. Maintenant, sur Internet, la plupart du contenu vidéo est présenté en utilisant MPEG-2, sigle qui veut dire «groupe d'experts en image animée». MP3 c'est la même chose pour la musique. MPEG-4 va bientôt entrer en scène et vous permettra d'envoyer plus d'information en moins d'espace.
Enfin, il y a des dispositifs de stockage améliorés -- les magnétoscopes individuels. Ils vous permettent d'enregistrer numériquement pendant 30 heures sur un disque dur relié à votre téléviseur, mais cela ne veut pas dire que vous pouvez seulement enregistrer des émissions de télévision. Vous pouvez brancher l'appareil sur Internet. Pendant que vous dormez, vous pouvez commander quelque chose, et vous le trouverez le lendemain dans l'appareil de stockage.
J'ai établi nos propres projections pour le pourcentage de foyers canadiens qui ont accès à Internet et de ceux qui utilisent l'accès à grande vitesse. Ces projections ont tendance à être très prudentes, mais vous pouvez constater même ainsi qu'environ 36 p. 100 des foyers ont aujourd'hui accès à Internet, et qu'un sur six, soit 6 p. 100 de l'ensemble des foyers, utilise l'accès à grande vitesse. Nous dépasserons 60 p. 100 d'ici cinq ans pour ce qui est de l'accès à Internet dans l'ensemble, et au moins un tiers de tous les foyers utiliseront probablement l'accès à grande vitesse, qui permet de recevoir la télévision sur Internet -- pas nécessairement pour regarder un film ou une épreuve sportive, mais il est certain que les nouvelles sont de plus en plus diffusées sur Internet et que cette tendance va s'accentuer très rapidement.
J'ai calculé deux indicateurs très intéressants au sujet de ce qui se passera dans les 12 prochains mois au Canada pour Internet. Quand le pourcentage de foyers ayant accès à Internet dépassera 40 p. 100, plus de la moitié du revenu dans notre pays sera généré dans des foyers abonnés à Internet. Quand ce pourcentage dépassera 44 p. 100, cela sera supérieur à la diffusion combinée de tous les quotidiens du pays. Cela vous donne une idée du glissement qui commence à se produire.
Parallèlement à cette évolution de la technologie, les consommateurs changent. La génération de l'après-guerre était celle de la télévision. Ces enfants, la génération Y, sont celle d'Internet. C'est la génération des multimédias. Si, comme je le fais régulièrement, vous avez jamais observé un adolescent qui navigue sur Internet, regarde la télévision, participe à un groupe de discussion et dit «Oui, papa, je fais mes devoirs.», vous avez une idée de ce qu'est un consommateur multimédia d'Internet.
Dans le monde des médias, les annonceurs publicitaires changent. Ils veulent un ciblage plus précis. Ils ne veulent pas gaspiller leurs achats publicitaires. Ils commencent à tester de multiplexage des annonces. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que la maison Kraft, par exemple, achètera un annonce dans une émission et que, grâce aux données numériques concernant les consommateurs qui reçoivent cette émission, la publicité présentée dans une maison où vit un couple dont les enfants sont partis leur montrera comment utiliser la mayonnaise Miracle Whip pour faire une recette. Dans une maison où il y a de jeunes enfants, l'annonce montrera du beurre d'arachides Kraft ou des caramels Kraft. Il s'agit du même annonceur, de la même émission, du même créneau publicitaire, mais des annonces différentes seront ciblées sur des foyers différents. On est en train de tester ce procédé.
On est en train d'abandonner les mesures démographiques. Bien entendu, les annonceurs cherchent à mettre au point des stratégies combinant plusieurs plates-formes, ce qui, dans le jargon de cette industrie, veut dire: «Ne me vendez pas simplement le journal ou la télévision, je veux être présent dans tous les médias.» Bien entendu, les annonceurs eux-mêmes acquièrent des caractéristiques identiques à celles des médias.
Les sources de revenu changent. Actuellement, les principales sont la publicité et les abonnements. Vous pensez probablement que la télévision est financée par la publicité. Le fait est que le Canada a été le premier pays au monde où les abonnements ont dépassé la publicité comme source principale de revenu, cela s'est produit en 1991. Le prochain secteur de croissance sera les transactions. Il y a un lien direct entre les médias et le commerce électronique.
Tout cela a un incidence sur la chaîne de valeurs de la télévision. Quand vous voyez se dérouler cette chaîne des valeurs, n'oubliez pas que chaque industrie connaît actuellement le même type de bouleversement en ce qui concerne ces valeurs. La chaîne de valeurs actuelle est assez simple. Il y a les producteurs de contenu, les annonceurs publicitaires et les diffuseurs. Les diffuseurs regroupent l'information provenant des deux autres et, par l'entremise des EDR, les sociétés de distribution par câble ou par satellite, ils les transmettent aux consommateurs.
Que se passe-t-il quand une société comme Labatt met en place beer.com? On constate alors que les annonceurs publicitaires s'adressent directement aux consommateurs. Ils établiront des liens avec les producteurs de contenu pour combler toutes les lacunes. Il y a quelques mois, Labatt cherchait à embaucher un juriste spécialisé pour acheter des droits de diffusion.
J'ai dessiné un lien entre les annonceurs publicitaires et les EDR, parce qu'ils contrôleront les données numériques concernant les consommateurs. Ils voudront obtenir une partie de ce que rapporte la publicité. Alanis Morisette et d'autres ont déjà publié de la musique sur Internet. L'intermédiaire traditionnel est laissé de côté.
Les consultants utilisent le terme «désintermédiation». Là où j'ai grandi, dans les quartiers nord de Winnipeg, on appelait cela l'élimination de l'intermédiaire. L'effet est le même. Cela se produit dans toutes les industries. Les médias sont un modèle pour d'autres industries. Aujourd'hui, le principal problème que doit résoudre une entreprise quelconque est de décider si elle garde le même grossiste ou détaillant ou si elle s'adresse directement au consommateur. Dans ce dernier cas, comment gérer ou raffiner ces changements? C'est un des principaux problèmes à résoudre.
Cela soulève d'importantes questions pour les médias. Vous pourriez mettre l'accent sur elles. Il y a d'abord les droits d'auteur, ce qui pose un énorme problème pour Internet. Vous avez entendu parler de icravetv.com. C'était en fait une initiative idiote. Vous pourrez me poser d'autres questions à ce sujet tout à l'heure si vous le voulez. Elle a toutefois fait ressortir combien tout le monde est vulnérable dans le monde des droits d'auteur.
Il y a aussi la concurrence. Comment définir le marché? La radio constitue-t-elle un marché? Les journaux constituent-ils un marché? Si la radio vend des petites annonces et si les journaux présentent des clips sonores, les deux font-ils partie du même marché? Nous aurons besoin d'un nouveau mode de réglementation. Cela ne fait aucun doute.
Les guides-horaires électroniques vont devenir absolument essentiels. Si le seul résultat de vos délibérations est l'élaboration d'une politique concernant les guides-horaires électroniques, vous nous aurez rendu un grand service à nous tous. Notre pays est très en retard. Les Européens et les Britanniques sont très en avance. Nous nous dirigeons vers un monde où il est possible que ces guides deviennent les nouveaux canaux. Nous devons tous penser à la priorité à accorder au contenu canadien et aux services canadiens sur ces guides.
Le dernier problème à résoudre est celui du contrôle des données numériques, des renseignements sur les consommateurs. Les distributeurs par câble ou par satellite pourront-ils utiliser ces renseignements pour s'arroger une plus grande part du gâteau au détriment de certains joueurs qui ont certaines obligations en vertu de la défense de l'intérêt public? Y aura-t-il des règles claires? Bien entendu, toute la question de la protection de la vie privée est fondamentale.
Je ne pourrai pas m'empêcher d'ajouter trois questions plus générales concernant la société. Premièrement, que ferons-nous à propos du clivage entre les gens informés et les autres?
Deuxièmement, comment préserverons-nous notre expérience commune? L'Internet nous relie tous, mais, vu qu'il offre un tel choix, il entraîne une forte fragmentation. Comment ferons-nous fonctionner une démocratie moderne dans une société où nous avons tous beaucoup moins de choses en commun? Je sais que c'est une question facile, et vous y répondrez dans les 15 ou 20 minutes qui viennent.
La troisième question est la capacité à utiliser les médias. Nous venons de traverser une période d'environ 70 ans pendant laquelle nous avons tiré profit non pas tant de la réglementation, mais de ce que j'appelle la coïncidence des oligopoles. Il y avait un nombre très limité de joueurs. De ce fait, personne n'était incité à repousser les limites du bon goût. Maintenant, le nombre de joueurs est énorme, et il y a des choses inacceptables en même temps que de bonnes choses. Nous ne pouvons pas compter sur l'organisme de réglementation ni sur la structure de l'industrie pour protéger nos enfants. C'est nous, les parents et les enseignants, qui devons apprendre à le faire. La capacité à utiliser les médias constitue donc un problème.
M. Ian Angus, président, Angus TeleManagement Group Inc.: Honorables sénateurs, le côté d'où je viens est celui des télécommunications. Nous sommes un cabinet de consultants. J'espère, peut-être durant les délibérations du comité, apporter une contribution concernant certains des sujets à traiter. Pour le moment, je parlerai des tendances qui président aux changements qui se produisent actuellement et continueront probablement de se produire pendant un certain temps dans l'industrie des télécommunications. Ces choses se produisent davantage dans les coulisses que sur le devant de la scène.
J'ai toujours trouvé amusantes les grandes déclarations que faisaient Bell Canada et d'autres, comme on peut le voir si on consulte les documents du CRTC en remontant jusqu'à 1991. De grands économistes affirmaient que l'industrie des télécommunications était arrivée à maturité et ne connaîtrait guère de changements à l'avenir. Nous sommes alors entrés dans une décennie au cours de laquelle les changements survenus dans cette industrie ont été les plus grands qu'elle ait jamais connus et sa croissance a été plus forte que jamais. Je vous citerai quelques exemples.
Loin de sembler être une industrie parvenue à maturité, les télécommunications, en l'an 2000, ont l'air d'être dans leur adolescence. Cette industrie est en proie à des douleurs de croissance intenses et à des transformations très rapides. Cinq tendances se manifestent et ont donc une incidence sur ses clients, sur ceux qui la réglementent, sur ceux qui définissent ses orientations, et cetera.
La première tendance est la croissance absolument sans précédent de la demande de télécommunications, qui s'est développée au cours des années 90. Pensez à ceux qui disaient qu'elle était parvenue à maturité il y a 10 ans et regardez ensuite des chiffres comme les suivants. Le trafic interurbain s'est accru de 12 p. 100 par an au Canada depuis 1995, soit un total de 80 p. 100 au cours des cinq dernières années. Ces statistiques s'appliquent à l'ensemble de l'Amérique du Nord. En 1993, il y avait 3,5 millions de numéros de téléphone sans frais en service. Aujourd'hui, il y en a plus de 21 millions. Il avait fallu 25 ans pour atteindre le chiffre de 3 millions, et il a fallu seulement sept années de plus pour parvenir à 21 millions. À tout moment, 40 p. 100 des communications réalisées sur le réseau de AT&T se font en utilisant un numéro 1-800. En 1990, il y avait environ 1 million de téléphones sans fil au Canada. Aujourd'hui, il y en a 7 millions.
Ce type de croissance est spectaculaire, et il s'agit simplement des téléphones. Le gros secteur de croissance, comme tout le monde peut le constater parce que c'est une évidence aveuglante, est Internet. En 1990, Internet existait, mais c'était un réseau destiné aux chercheurs universitaires. Presque personne n'en connaissait l'existence. Aujourd'hui, plus de 50 p. 100 des adultes utilisent Internet chez eux ou au travail. Il est difficile d'obtenir des estimations fiables, mais on considère généralement que le trafic sur Internet double tous les 100 jours.
Cela a eu de profondes répercussions sur la structure de l'industrie des télécommunications dans notre pays et ailleurs, ne serait-ce qu'à cause des investissements massifs dans l'infrastructure nécessaires pour maintenir cette croissance. Dans certaines régions du pays -- tout récemment à Terre-Neuve --, il a fallu réduire l'utilisation du téléphone parce qu'elle était si forte que les appels aux services d'urgence ou au numéro 911 ne passaient plus.
Une autre conséquence est que ce type d'activité attire de nouvelles sociétés. Toute industrie connaissant une telle croissance attirera des investisseurs et de nouvelles entreprises. Il y a un afflux constant de nouvelles entreprises.
Cette croissance du trafic n'est pas due à un accroissement des activités traditionnelles; elle concerne de nouveaux secteurs. Nous entendons constamment les entreprises traditionnelles de télécommunication parler des gros efforts qu'elles font, mais les statistiques révèlent habituellement une baisse dans un secteur et une croissance dans un autre. Par exemple, en 1998, les recettes de Bell Canada provenant de l'interurbain ont chuté d'environ 367 millions de dollars. Les prix baissaient, mais, en même temps, les recettes provenant d'autres secteurs ont augmenté de plus de 400 millions de dollars, sans compter les téléphones cellulaires ni Internet. Ce type de fluctuation se produit constamment dans cette industrie. La plupart des changements sont dus à la croissance des nouveaux secteurs et à la détérioration des anciens secteurs. La demande est énorme. «Nous voulons plus de largeur de bande. Nous voulons des tonalités.» C'est presque devenu un slogan pour les Nord-Américains et pour d'autres gens dans le monde entier.
La deuxième tendance, qui est peut-être plus difficile à déceler, est la baisse sans précédent du coût de la prestation des services de télécommunication qui s'est produite durant les années 90. Depuis 1992, les tarifs des appels interurbains ont diminué d'environ 50 p. 100 au Canada. Cela est dû en partie à la parution de nouveaux concurrents, mais bien davantage à la révolution survenue dans la technologie des fibres optiques. Celle-ci a commencé vers 1995, quand, en un bref laps de temps, la capacité des fibres, qui était déjà grande, est devenue presque illimitée en utilisant simplement des technologies disponibles dans le commerce. En 1992, une compagnie de téléphone qui voulait construire un réseau pouvait acheter un système permettant de transmettre environ 2,5 milliards de bits par seconde au moyen des fibres optiques. Aujourd'hui, pour le même prix, elle peut en acheter un qui pourra en transmettre 80 milliards par seconde. Nortel et Lucent, les principales sociétés de ce secteur, annoncent que les systèmes qui seront disponibles dans le commerce l'année prochaine, pourront traiter des billions de bits par seconde, des térabits.
L'élément clé est que ce qui coûte cher quand on construit un réseau basé sur les fibres optiques est l'installation des fibres. On fait cela en modifiant l'équipement électronique qui établit les connections. Il y a quelques années, la revue The Economist avait dit que cela sonnait la mort de la distance. Il ne coûtait pas plus cher d'envoyer un bit d'ici à Moscou que de l'autre côté de la rue.
Cela se traduit aussi, en ce qui concerne les services aux particuliers et aux entreprises, par la mort de l'interurbain. Au cours des huit dernières années, sous l'effet de la concurrence et des progrès de la technologie, le service téléphonique interurbain a perdu tout intérêt en tant que catégorie distincte; il n'existera plus très longtemps sous cette forme. Il a déjà disparu à certains endroits. Au Canada, les quatre principales sociétés de télécommunication proposent, pour le téléphone cellulaire, des abonnements aux termes desquels le prix à la minute est le même, qu'on appelle de l'autre côté de la rue ou à San Francisco. Avec les plans d'appels interurbains à 20 $ par mois offerts par de nombreuses sociétés depuis deux ou trois ans, je peux maintenant payer 20 $ par mois pour ma ligne téléphonique et 20 $ par mois pour mon téléphone cellulaire. Pour 40 $ par mois, je peux maintenant appeler dans tout le Canada sans frais supplémentaires. Tout appel effectué au Canada est un appel local si je le fais le soir ou pendant la fin de semaine. Étant donné que je ne suis pas chez moi le reste du temps, c'est très bien. Croyez-moi, ma fille adolescente est au courant. Il y a un mois, une société suédoise a aboli les services interurbains. Le tarif est le même dans tout le pays.
La gratuité totale ou quasi totale des appels interurbains se heurte encore à certains obstacles, principalement d'ordre réglementaire et structurel. Par exemple, pour les appels internationaux, les compagnies doivent se transmettre les appels, et chacune d'entre elles veut être payée, mais les prix sont en baisse. Maintenant, depuis Toronto, un appel en Angleterre me coûte moins cher qu'un appel à Montréal il y a cinq ans. La baisse des tarifs a continué.
Cela a un effet énorme sur cette industrie, parce que, pendant le premier cycle de son existence, tout était financé par les appels interurbains. C'est ainsi que nous avons maintenu le bas prix des tarifs locaux, que nous avons payé l'installation de téléphones au Nunavut et financé la R-D. Tout était payé par les appels interurbains. Dans certains pays du Tiers monde la totalité de l'infrastructure des télécommunications est construite grâce au revenu que fournissent les appels interurbains provenant du Canada et des États-Unis. D'un seul coup, cela disparaît, et cette disparition est très rapide.
La troisième tendance est l'ampleur énorme du changement technologique et l'introduction de nouveaux services sur les marchés locaux et pour l'accès à Internet. Ces derniers temps, on a pu fréquemment lire dans les journaux que la concurrence locale a été un échec au Canada: si vous regardez autour de vous, disent-ils, combien y a-t-il de compagnies qui essaient de vous vendre des services téléphoniques locaux? C'est vrai si, quand on parle de concurrence locale, on veut dire que quelqu'un d'autre fait tout ce que fait Bell Canada -- installer un fil dans la maison, installer un téléphone, me donner une tonalité, et cetera. Cela ne se fait guère et ne se fera probablement jamais beaucoup. Toutefois, si ce qu'on veut dire par là est qu'il y a de plus en plus de façons d'avoir accès au réseau de télécommunications depuis n'importe quel endroit, nous avons alors une concurrence énorme. Près d'un tiers de tous les numéros de téléphone locaux -- 28 p. 100 à Toronto -- correspondent à des téléphones mobiles, et presque tous les appels cellulaires sont locaux. Peu d'appels interurbains sont effectués avec des téléphones cellulaires. En fait, outre la compagnie de téléphone proprement dite, quatre sociétés essaient actuellement de me vendre un téléphone local. Toutefois, ils ne ressemblent pas à mon téléphone traditionnel, si bien que je ne le considère pas comme un concurrent.
Plus d'un demi-million de foyers canadiens disposent d'un service d'accès à Internet à grande vitesse; c'est un service de télécommunication, mais il est fourni par les câblodistributeurs. Dans certaines parties du pays, ces derniers offrent des services téléphoniques -- principalement à Halifax, où cela se fait beaucoup -- et, dans d'autres, la compagnie de téléphone offre la télévision. Je ne veux pas dire par là que le marché local est extrêmement concurrentiel et ne doit pas être réglementé. Il est certain que les entreprises en place ont un énorme avantage, ne serait-ce que parce qu'elles sont là depuis un siècle et connaissent tout le monde. Cela veut dire que la concurrence locale se développe et que son développement prend des formes tout à fait inattendues. Nous ne verrons sans doute pas proliférer des clones des compagnies de téléphone. On constate plutôt que de nouvelles sociétés se lancent dans certains secteurs du marché quand la technologie leur permet de le faire. Cela va devenir beaucoup plus fréquent, surtout dans le domaine du téléphone sans fil. Une entreprise de télévision du nom de Look Communications vient de commencer à proposer ce type de service à toute personne intéressée à Hamilton.
La quatrième tendance est l'accélération et l'innovation. L'histoire des innovations introduite par l'industrie du téléphone est très impressionnante. Celle-ci fait des choses merveilleuses depuis un siècle et demi. Toutefois, comme elle a eu à faire à un contrôle absolu sur son réseau, elle pouvait gérer prudemment l'innovation. J'ai travaillé longtemps pour Bell Canada. Si vous vouliez lancer un téléphone d'une nouvelle couleur, on pouvait passer trois ou quatre années à faire des analyses économiques avant que qui que ce soit envisage sa commercialisation, parce qu'on voulait être absolument sûr qu'il ne nuirait pas à un autre produit. Il fallait déterminer le créneau qu'il allait occuper et s'assurer que les plus menus détails étaient réglés.
Avec la concurrence, ce type de situation a disparu. Les produits traditionnels des télécommunications sont introduits à un rythme beaucoup plus rapide. Les choses ne se passent pas comme dans les années 80, quand les compagnies de téléphone canadiennes ont décidé de ne pas introduire les services que désiraient les entreprises parce qu'elles n'étaient pas obligées de le faire; il y a alors eu une concurrence de la part de compagnies américaines qui fournissaient des services qu'on ne pouvait pas obtenir ici.
Mais c'est à ce moment-là qu'est apparu Internet. Maintenant, l'innovation n'est plus limitée aux laboratoires de Bell-Northern Research, et des centaines de milliers de gens intelligents essaient de déterminer ce qu'ils peuvent faire avec les réseaux. Certains d'entre eux finissent par faire des choses comme les virus, et nous savons quelles conséquences ils peuvent avoir. Cependant, d'autres inventent des choses auxquelles personne n'avait encore pensé. Le meilleur exemple de cela est peut-être la possibilité de réaliser des appels téléphoniques sur Internet. Ce système a été mis au point par deux jeunes Israéliens pendant leurs loisirs. Personne n'essayait de le faire dans l'industrie parce que tout le monde savait que c'était impossible. Or, ces deux-là ne savaient pas que c'était impossible à faire. Ils ont examiné les derniers développements en matière de technologie des microprocesseurs et pensé que cela pourrait marcher. Ce système a été présenté au début de 1995 et s'est diffusé sur toute la planète en quelques mois. Aujourd'hui, dans le monde, il n'y a aucune société de télécommunication qui ne soit pas en train de faire d'énormes recherches pour voir comment l'adapter à son propre secteur. Les gens le font maintenant de façon commerciale. Quand il y a autant de gens qui cherchent à innover, le «possible» devient très rapidement «probable». L'Internet fait aussi autre chose: il fournit une méthode complète pour distribuer très rapidement des produits et des services nouveaux.
M. Goldstein a parlé de la cinquième tendance, la disparition des obstacles entre les modes traditionnels de communication et les catégories traditionnelles. Que nous soyons chargés de la réglementation ou de l'élaboration des politiques, fournisseurs ou usagers, nous avons traditionnellement divisé cet énorme domaine en divers petits secteurs bien délimités. Il y a la voix et les données, les appels interurbains et les appels locaux, les services intérieurs et internationaux, les télécommunications et la radiodiffusion, et tous sont différents. Les règles et les prix sont différents dans chaque cas. Un service pouvait en subventionner un autre, parce que nous faisions une distinction entre eux. Au Canada, nous avons deux lois différentes, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion, qui ont été adoptées à deux ans de distance, parce que nous savions qu'il s'agissait de deux domaines tout à fait différents et qu'il était tout à fait raisonnable d'avoir deux lois différentes pour les régir.
Dans mon bureau, à Toronto, je suis souvent assis devant un ordinateur qui, par l'intermédiaire d'un modem et d'une ligne téléphonique, est relié à un fournisseur de service Internet, et j'écoute du blues sur une station de radio de la Nouvelle Orléans que j'aime bien. Quand j'entends parler l'annonceur de la Nouvelle Orléans, je me demande parfois: est-ce une transmission de voix ou de données, une communication locale ou interurbaine? Je n'ai pas fait un appel interurbain. Est-ce du domaine des télécommunications ou de la radiodiffusion? Est-ce national ou international? On pourrait couper les cheveux en quatre, mais le fait est que ces questions n'ont tout simplement plus aucun sens. Les mots qu'on emploie ont l'air d'avoir un sens, mais si on y regarde de plus près, ces catégories ne sont plus valables. Or, nous continuons à essayer de les réglementer et de les gérer, et il y a des sociétés qui sont créées pour faire seulement une de ces choses. La technologie qui sous-tend cela change tellement vite que les obstacles ont disparu et que les façons de les surmonter sont dépassées.
En conclusion, je ferai rapidement quatre prévisions et demie. Premièrement, la demande continuera de croître, mais de façon imprévisible. Si quelqu'un dit «La tendance va dans ce sens, disons donc à l'industrie d'investir de ce côté-là», il est garanti que les innovations se feront ailleurs. Il en est ainsi dans cette industrie depuis quelque temps, et cela ne va pas changer.
Deuxièmement, le prix de la transmission continuera à baisser. Une société qui s'occupe principalement du transport de bits appartient uniquement au secteur primaire et elle sera aussi viable du point de vue économique que la culture du blé pour ce qui est de réaliser des profits importants.
Troisièmement, la concurrence locale se développera, mais différemment de ce que quiconque aurait pu imaginer. Il y aura de nombreux types différents de technologies et de services d'accès pour des usages différents.
Quatrièmement, la structure de base de notre industrie sera modifiée à plusieurs reprises au fur et à mesure de la disparition progressive de ces obstacles et de l'apparition de nouveaux secteurs. Il y aura beaucoup plus de sociétés qui achèteront des entreprises actives dans des domaines autres que le leur -- des compagnies de téléphone qui achèteront des réseaux de télévision, et cetera -- non pas parce qu'elles ont des stratégies brillantes ou d'excellentes idées à propos de l'évolution de la situation, mais parce qu'elles essaient désespérément de se prémunir contre les changements.
Enfin, en résumé, on parle depuis quelque temps de la menace d'une remonopolisation de notre industrie. À mon avis, il n'en est rien. Il est certainement vrai que certaines sociétés vont faire faillite, et qu'il y aura plus d'entreprises dans certains secteurs que dans d'autres, mais les changements qui se produisent sont d'une telle ampleur que la situation va constamment changer. L'industrie des télécommunications en est au stade où se trouvait l'informatique en 1984, quand IBM était le roi incontesté et que Wang, Digital, Data General et quelques autres étaient les princes invincibles. Ces trois-là ont disparu, et IBM connaît de grosses difficultés. Qui avait jamais entendu parler de Microsoft en 1984? Voilà où en sont les télécommunications en l'an 2000.
Le sénateur Finestone: J'ai beaucoup aimé vos exposés. Ils étaient brefs et pertinents. Cela ne veut pas dire que je comprends ce dont vous parlez, mais je fais un effort.
Le tableau qui figure à la page 10 de l'exposé de M. Goldstein suscite ma curiosité. Vous avez parlé de l'accès à grande vitesse. Vous avez dit que, quand l'accès à Internet dépassera 40 p. 100, les foyers qui utilisent Internet généreront plus de la moitié de l'ensemble du revenu des ménages au Canada. Quand plus de 44 p. 100 des foyers auront accès à Internet, cela dépassera le nombre total de journaux diffusés au Canada. Vous parlez aussi du fait que plus de 46 p. 100 des enfants de cinq ans et plus connaissent l'informatique et naviguent sur Internet. Ils voient les mêmes choses que vous et moi. Peut-être traitent-ils cette information différemment, mais ils regardent néanmoins des images de guerre, de la pornographie et toutes les choses horribles de ce genre.
Que faire pour la sensibilisation aux médias si les parents qui n'ont pas connu cette technologie dans leur jeunesse ne savent pas s'en servir? Il y a les cookies. Le matériel éducatif les dépasse très souvent, même si l'impact visuel peut avoir un effet épouvantable. Vous parlez de 44 p. 100. Les enfants et les jeunes ne sont pas exactement accrochés aux grands journaux, mais ils le sont à la télévision. Que pourrons-nous faire face à cette habileté à utiliser les médias ou à cette façon de bien les connaître pour permettre à chacun de préserver un certain contrôle sur lui-même ou son identité et préserver la spécificité canadienne dans ce monde du cyberespace?
M. Goldstein: J'ajouterai une statistique pour souligner ce que vous avez dit; si vous vivez aujourd'hui dans un foyer canadien où il y a des enfants et si vous n'êtes pas branché sur Internet, vous faites probablement partie d'une minorité. Je dirais que plus de la moitié des enfants y ont accès à l'école et ne l'ont pas à la maison.
Nous cherchons tous à trouver des analogies quand il se produit quelque chose d'aussi spectaculaire. La meilleure à laquelle je peux penser est que nous sommes tous comme des immigrants dans ce nouveau territoire de la technologie. C'est la même chose que ce qui est arrivé au temps de mes grands-parents, quand les enfants allaient à l'école et faisaient l'éducation de leurs parents. Je pense que nous devons constater que ce phénomène se reproduit. Cette fois-ci, nous sommes des immigrants qui nous trouvons au seuil non pas d'un territoire, mais d'une technologie.
Je siège au conseil d'administration d'une organisation qui s'appelle le Réseau éducation-médias. Et si vous n'avez pas parlé à ses membres, vous devriez le faire. Ils font un travail merveilleux.
Le sénateur Finestone: Le greffier aurait-il l'amabilité d'en prendre note?
M. Goldstein: Ils mettent sur pied des programmes pour permettre aux éducateurs d'éduquer les enfants. La «sensibilisation aux médias» signifie qu'on comprend que ce qui est présenté sur un écran qui ressemble à un téléviseur n'est pas nécessairement vrai. Cela signifie qu'on comprend la différence entre le bon grain et l'ivraie sur Internet. C'est difficile.
Le problème est que si nous pensons que nous pouvons contrôler cela est si nous disons «Adoptons une loi ou un règlement», nous aurons chaud au coeur pendant six mois parce que nous penserons que nous avons réglé le problème, mais nous ne l'aurons pas réglé. Nous devons implanter ces outils pédagogiques dans les systèmes.
Le sénateur Finestone: J'aimerais savoir si M. Angus a quelque chose à ajouter. Si nous adoptons des lois, nous ne résoudrons pas ce problème. Pouvons-nous réglementer quoi que ce soit dans ce monde sans frontière, y compris le contenu canadien, les produits canadiens ou ce que nous rapportent les investissements dans le domaine culturel? Le mode de réglementation traditionnel du CRTC est presque dépassé. Vous parlez de la radiodiffusion, des télécommunications et des droits d'auteur. La propriété intellectuelle joue également un rôle à cet égard.
M. Goldstein: Oui.
Le sénateur Finestone: Pouvons-nous imposer une réglementation dans ce monde sans frontière?
M. Goldstein: Non. Vous ne pouvez certainement pas réglementer ce secteur comme on le faisait autrefois. Nous sommes dans une période de transition durant laquelle nous pouvons élaborer des règlements qui permettront aux Canadiens d'atteindre peut-être un peu plus rapidement leur but. Toutefois, de façon générale, à plus long terme, nous nous écartons du type de réglementation que nous avons connu et qui ne sera tout simplement plus adapté.
M. Angus a mentionné les deux jeunes gens d'Israël qui ne savaient pas qu'on ne pouvait pas utiliser Internet pour téléphoner. Je ne sais pas ce que font les jeunes de 18 ans dans les garages et les salles de jeu familial dans le monde entier.
Le sénateur Finestone: N'ouvrez pas le message «I love you»!
M. Goldstein: Vous avez peut-être entendu parler de Napster. Un jeune garçon avait décidé d'échanger des fichiers musicaux avec un ami. On peut maintenant obtenir 800 000 sélections musicales différentes gratuitement, et l'industrie du disque poursuit ces jeunes gens à droite et à gauche.
Voilà pourquoi j'ai commencé mon exposé en disant que le modèle des mass médias que nous avons tous connu dans notre jeunesse deviendra peut-être une anomalie. Nous devons tourner la page et parler de la fragmentation. Ce terme n'est pas anodin. Il laisse entendre que quelque chose était entier et est maintenant fragmenté. J'ai dit que la fragmentation est normale.
M. Angus: Cela m'inquiète beaucoup moins. Quand elles étaient adolescentes, mes deux filles ont été accrochées à Internet. L'une d'elles a finalement terminé l'université. L'autre fréquente l'école secondaire, publie son propre magasine en ligne et a un petit ami au New Jersey avec lequel elle parle sur Internet parce que j'en ai eu assez du fait que les communications téléphoniques avec les États-Unis ne sont pas gratuites. Je suis sûr qu'elles ont vu de la pornographie sur Internet et, probablement, des choses pires que ce que je voyais quand j'avais leur âge. J'ai essayé d'être le meilleur père possible et de les aider à comprendre de quoi il retourne.
Elles se sont fait des amis. Je suis allé voir une pièce à Toronto avec celle qui a maintenant 16 ans. Le lendemain matin, j'ai découvert qu'à son retour, elle a longuement discuté de la pièce tard le soir avec un garçon qu'elle connaît en Afrique du Sud et qu'elle n'a jamais rencontré. C'est cela les groupes de discussion sur Internet.
Le sénateur Finestone: Combien cela coûte-t-il?
M. Angus: Rien. C'était gratuit. Cela a coûté le prix de notre abonnement à Internet, qui est de 20 $ par mois.
Je suis sûr que nous allons à nouveau connaître une période comme les années 80. À cette époque, dans toutes les conférences sur les ordinateurs ou la bureautique auxquelles je participais, il y avait une séance sur la difficulté à amener les cadres à utiliser un ordinateur. Il y avait quelqu'un qui expliquait qu'on ne pouvait pas amener les chefs à utiliser des ordinateurs; ils ne voudraient jamais le faire; il fallait user de subterfuges; au lieu de parler de machine à écrire, on parlait de l'utilisation du clavier, et cetera. Ce type de séance a disparu, parce que dès que les ordinateurs ont commencé à faire les choses que les chefs voulaient faire, ces derniers ont commencé à les utiliser.
De la même façon, ce sont les jeunes qui ont tendance à savoir utiliser Internet. Par ailleurs, j'observe également la famille de ma femme. Elle a été élevée dans une exploitation agricole en Alberta. Elle se souvient encore de l'arrivée de l'électricité et de la première ligne de téléphone. Dans sa famille, on se rendait à l'école à cheval à travers la forêt. Or, ma femme et tous ses frères et soeurs, qui sont maintenant éparpillés dans toute l'Amérique du Nord, communiquent régulièrement entre eux sur Internet. Voilà comment sa famille reste unie.
Je crois que notre génération fera la même chose. J'observe des foyers de personnes âgées où les gens sont absolument fascinés par Internet une fois qu'on leur donne l'occasion de le découvrir. Je ne pense pas qu'il y aura un problème à long terme.
Le sénateur Finestone: J'aimerais vous interroger au sujet des répercussions financières éventuelles des difficultés qui découlent de toutes ces innovations. Comme il ne savait pas que c'était impossible, il l'a fait et, maintenant, il est milliardaire. Je vous interrogerai plus tard là-dessus.
Le sénateur Johnson: Je vous remercie tous deux pour vos excellents exposés. Il faudra que nous les consultions à nouveau.
Monsieur Angus, vous avez indiqué que rien ne peut être plus dynamique et chaotique que l'industrie des télécommunications l'est actuellement. Monsieur Goldstein, vous nous dites la même chose à cet égard. À quoi pouvons-nous nous attendre? Personnellement, je suis en contact avec mes frères et soeurs dans le monde entier. Je ne connais aucune autre façon de faire cela maintenant. Tout se passe par courrier électronique et par Internet.
Par où peut-on maintenant commencer à imposer une réglementation? Le guide-horaire électronique? Est-ce le seul endroit? Si vous pensez à ce que nous pouvons faire dans le cadre de notre travail ou à ce que peut faire le CRTC ou je ne sais qui, est-ce vraiment sur ce domaine que nous devrions mettre l'accent, ou est-ce même possible?
M. Angus: Aux États-Unis, dans un rapport publié il y a quelques années, la Commission fédérale des communications demandait pourquoi, quand la concurrence s'instaure, la réglementation s'intensifie au lieu de diminuer. Quand il y a beaucoup de concurrents et de nouveaux arrivants sur le marché, il y a soudain davantage d'interfaces, c'est-à-dire plus d'endroits où il y a des conflits. Ce rapport donnait à entendre que, durant la transition vers un monde ouvert à la concurrence, un des principaux rôles des organismes de réglementation est de résoudre les différends, et nous sommes dans une période de transition.
Je suis frappé par la façon dont le CRTC, pour ce qui est des télécommunications -- je ne suis pas un expert au sujet de ce qu'il fait dans le domaine de la radiodiffusion --, a su changer d'attitude et encourager toutes les sociétés de télécommunication à utiliser la médiation, à se rencontrer et à régler leurs problèmes entre elles avant de commencer à se poursuivre mutuellement. Il y a là un rôle pour les organismes de réglementation.
Pour revenir à la question du sénateur Finestone, face aux problèmes que posent certaines choses déplorables qu'on trouve sur Internet -- il y en a énormément --, une des choses à faire est d'encourager la qualité, la présentation de meilleurs produits et la production de choses intéressantes. Parler de l'imposition d'un certain pourcentage de contenu canadien sur Internet n'a aucun sens. Il est impossible de le faire. Ce serait un pourcentage de quoi? En revanche, on peut dire que nous ferons de notre mieux pour faire en sorte qu'il y ait davantage de produits canadiens et pour encourager les entreprises canadiennes à produire davantage de choses et à les rendre accessibles.
Le sénateur Finestone: Comment cela pourra-t-il leur rapporter de l'argent?
M. Angus: C'est un énorme problème dans le monde d'Internet.
Le sénateur Finestone: Il y a les droits d'auteurs. Si vous pouvez présenter votre livre, votre chanson ou votre film sur Internet, comme certains le font, qui va payer?
M. Angus: Certains sont en train d'étudier différentes méthodes de micropaiements, les façons de faire payer des sommes minimes pour visionner certaines choses. La difficulté est que, quand on essaie de faire payer un cent à quelqu'un pour faire quelque chose, les frais de facturation sont supérieurs au cent que l'on reçoit. Tant que nous ne pourrons pas trouver de nouvelles méthodes pour le paiement des transactions, cela posera d'énormes problèmes. Je suis d'accord avec vous. La question de savoir qui sera payé et comment se feront les paiements sur Internet reste très délicate.
Le sénateur Johnson: Pensez-vous que les sociétés de télévision telles que nous les connaissons aujourd'hui vont disparaître?
M. Goldstein: Elles sont en train de se transformer en ce moment même. J'ai été impressionné par ce que M. Angus a dit à la fin de son exposé. Il m'a rappelé quelque chose que j'ai dit un jour. Il y a 10 ans, les appels interurbains coûtaient cher et l'assistance-annuaire était gratuite.
Le sénateur Johnson: Maintenant, c'est le contraire.
M. Goldstein: C'est exact. C'est un bon exemple de ce changement de paradigme dont on parle souvent.
Ce petit ordinateur portatif n'est pas le plus cher qu'on puisse acheter, mais il est plus puissant que l'ordinateur installé dans Appolo 13.
Le sénateur Johnson: Est-ce un Toshiba?
M. Goldstein: Oui. En ce qui concerne l'avenir de la réglementation, il se joue à bien des endroits en même temps en ce moment. Au fil du temps, vous constaterez une diminution de l'importance des modes traditionnels d'octroi des licences et des conditions de licence. Le CRTC s'en est rendu compte, comme le montre son cadre numérique pour l'accord de licence aux services spécialisés. Il va d'abord procéder de façon habituelle pour accorder des licences pour une dizaine de services, qui sont postulés par quelque 90 entreprises, puis, en fait, il ouvrira la porte toute grande alors qu'il y aura 360 postulants.
L'évolution sera lente. On ne peut pas remplacer les méthodes anciennes par des méthodes nouvelles du jour au lendemain. Très souvent, c'est frustrant, mais, conformément à notre tradition canadienne, nous avancerons lentement, pas à pas. Nous constaterons que ce que fait la Commission du droit d'auteur prendra plus d'importance. Vous constaterez que la législation sur les droits d'auteur prendra plus d'importance. Vous constaterez que les activités concernant les droits d'auteur seront liées aux formes de chiffrage, aux micropaiements et aux choses de ce genre. Vous constaterez également un accroissement des activités du Bureau de la concurrence.
De nouveaux modèles sont en train de prendre forme. Je ne parle pas de quoi que ce soit de particulier dont serait saisi actuellement le Bureau de la concurrence. Les frontières sont en train de s'effacer, et je ne voudrais pas être la première entreprise élaborant ce nouveau modèle, mais plutôt la dernière encore régie par les vieilles règles sur la concurrence, si vous voyez à quoi je veux en venir. Si je dis que je veux regrouper tel ou tel élément, et que c'est le nouveau modèle et que c'est bon pour le Canada, et si les règles sont en place, alors, quand on dira deux ans plus tard que le monde a changé et qu'il est temps de modifier ces règles, j'aurai pris deux ans de retard pour m'aligner sur les nouvelles tendances.
Je pense que l'octroi de licence perdra peu à peu son importance, et que les choses qui compteront de plus en plus seront la concurrence et les droits d'auteur. Toute la question des guides-horaires électroniques et de la façon de traiter ces données numériques déterminera le cadre régissant ce que les Canadiens peuvent faire.
Les gens parlent de la propriété étrangère. Ils pensent que c'est quelque chose d'important. Ce sera probablement une question dont les gens voudront discuter à l'avenir. Microsoft possède actuellement 9 p. 100 de Rogers Communications.
Je n'en ai pas parlé personnellement avec Bill Gates, mais je ne pense pas qu'il attache une importance particulière au fait de posséder 9, 13 ou 22 p. 100 de Rogers. Ce qui l'intéresse est que son logiciel soit dans la boîte placée sur le téléviseur. Ce que fait ce logiciel et ce vers quoi il nous dirige pourrait bien être plus important que le fait de savoir à qui appartient l'entreprise.
Le sénateur Johnson: Puis-je vous renvoyer à la page 15 de votre mémoire, où vous parlez de la chaîne des valeurs de la télévision et du fait de ne plus passer par les diffuseurs et les EDR? Où se situe ce nouveau genre qu'est la transmission sur le Web dans votre tableau? Ce ne sont pas des diffuseurs traditionnels.
M. Goldstein: Non. Il peut s'agir de diffuseurs utilisant la transmission sur le Web, mais aussi de producteurs de contenu. En ce qui concerne ces derniers, j'ai utilisé l'exemple d'Alanis Morisette, qui a utilisé cette technique pour diffuser certaines de ses chansons. Paramount ou Warner Brothers peuvent également le faire pour envoyer leurs films directement depuis Hollywood.
Le sénateur Johnson: Par l'entremise d'une autre société?
M. Goldstein: Par l'entremise d'Internet.
Le sénateur Finestone: Comment ces entreprises pourront-elles recouvrer leur investissement?
M. Goldstein: Elles auront codé le film afin que vous ayez à payer pour pouvoir le visionner. Il y aura d'abord le dispositif accompagnant votre téléviseur qui permet de stocker 30 heures d'émission, puis il sera présenté en temps réel sur votre téléviseur. Cela peut se faire.
En même temps, on constate que les annonceurs publicitaires commencent à avoir des caractéristiques semblables à celles des médias. Permettez-moi de vous donner des exemples en arrondissant les chiffres. Chaque fois que l'un de nous entre dans une succursale de notre banque pour faire une transaction -- c'est-à-dire faire un dépôt ou encaisser quelque chose --, cela coûte 1 $ à la banque. Chaque fois que nous faisons cela sur Internet, cela coûte 1 cent à la Banque. La différence entre un dollar et un cent est ce qu'on appelle un incitatif. Qu'est-ce qui pourrait empêcher n'importe laquelle de nos banques de dire, dans cinq ans: «Il est dans notre intérêt que vous effectuiez vos transactions bancaires avec nous sur Internet. Nous faisons de grosses économies sur nos frais d'administration. Nous utiliserons une partie de l'argent économisé pour vous permettre de regarder des rediffusions d'épisodes de Seinfeld sur le site Web de la Banque Royale.» On a aussi créé une façon complètement différente d'acheter des émissions. Au lieu qu'un diffuseur vous dise «Voilà ce que nous coûte la rediffusion d'épisodes de Seinfeld; je pense que je peux obtenir telle quantité d'annonces publicitaires; j'espère qu'il me restera un peu d'argent quand j'aurai terminé», l'équation est complètement différente. On voit maintenant les choses de la façon suivante: «Si je peux amener 100 000 personnes à faire leurs transactions avec moi sur Internet au lieu d'aller dans une succursale, voilà ce que je peux économiser sur les frais administratifs pour offrir le même programme que mes concurrents.»
Le sénateur Perrault: J'ai une question très sérieuse. Envisagez-vous qu'à un moment donné, les sénateurs ou les députés seront remplacés par l'intelligence artificielle? Cet exposé me rend tellement perplexe qu'il dépasse quasiment mes capacités de compréhension. J'ai commencé à m'intéresser aux ordinateurs en 1988 et j'ai tripoté le clavier pendant longtemps. Je n'ai pas encore maîtrisé l'informatique. On a parfois l'idée qu'à cause du nombre de nouveaux abonnés chaque jour et du nombre d'entreprises qui participent à cela, tout va disparaître dans un trou noir dans l'espace.
Jusqu'à quel point le système peut-il absorber cette quantité énorme de matière? Vous dites que les gens utilisent Internet pour différentes choses. Un ami m'a dit: «C'est fantastique. Je peux avoir accès à Guerre et paix de Tolstoï sur Internet.» Pouvez-vous imaginer de rester aussi longtemps devant un écran?
Les progrès ont été extrêmement rapides. Vous avez tous deux présenté vos exposés ce soir avec beaucoup d'éloquence. Il serait peut-être bon de dispenser une formation ici, sur la Colline parlementaire, aux sénateurs et aux autres qui veulent avoir accès à Internet et à cette technologie et en savoir plus sur ce système pour répondre le mieux possible à leurs besoins. Je pense que ce serait utile.
M. Goldstein: Vous devriez faire venir quelques jeunes gens de 18 ans pour vous montrer comment l'utiliser.
Le sénateur Perrault: Vous pourriez probablement nous proposer des noms.
M. Goldstein: Il vous faut des adolescents.
Le sénateur Perrault: Il y a quelques années, Marshall McLuhan parlait d'un village global. Il existe maintenant, n'est-ce pas?
M. Angus: M. Goldstein a parlé du problème de la fragmentation, mais il y a d'autres choses à dire à ce sujet. Je travaille à titre bénévole à la station radiophonique communautaire de l'Université de Toronto. Quelqu'un m'expliquait l'autre jour qu'il appartenait à un groupe de discussion sur le Web destiné aux Goths. Les Goths sont les enfants qui s'habillent en noir et ont le visage maquillé de noir. Ils ont l'air bien gentils, mais s'habillent bizarrement. Je trouvais un peu étrange que ces gens qui essaient de se faire passer pour des vampires aient un groupe de discussion sur le Web. Il m'a alors dit: «Imaginez que vous soyez le seul Goth vivant dans une zone rurale de l'Ontario, le seul Goth à des centaines de milles à la ronde. Grâce à Internet, vous avez d'un seul coup d'autres gens avec qui parler de ce qui vous intéresse.» Voilà ce que nous constatons maintenant. L'envers de la fragmentation est le fait qu'Internet construit une communauté. Je le constate spécialement à propos des élèves du secondaire. Les jeunes gens qui, autrefois, auraient été isolés parce qu'ils étaient les seuls de leur école à s'intéresser à un sujet donné peuvent maintenant trouver les 300 autres personnes qui s'intéressent à cela quelque part au Canada et leur parler. C'est un aspect positif d'Internet.
Le sénateur Perrault: Il y a aussi beaucoup de collèges en ligne, n'est-ce pas?
M. Angus: Oui.
M. Goldstein: Je pense, comme M. Angus, que nous devons trouver une façon de concilier ces divers intérêts que partage un nombre limité de personnes, qu'il s'agisse de modèles réduits de trains ou de la politique des télécommunications. Vous pouvez trouver dans le monde entier des gens qui s'intéressent à la même chose. Comment concilier cela avec l'idée qu'on partage quelque chose avec d'autres et que ce qui compte vraiment, c'est le tout -- c'est-à-dire l'expérience commune à tous les membres d'une même nation.
Je peux aller sur Internet ou regarder aujourd'hui le bulletin de nouvelles à la télévision et suivre l'actualité sportive ou celle du monde des affaires, mais je ne serai pas au courant de ce qu'a fait le conseiller scolaire local. Vous avez commencé par une question sur l'intelligence artificielle. C'est une question sérieuse, pas pour ce qui est de remplacer les sénateurs ou les députés, mais, d'ici cinq ans, le gouvernement du Canada pourrait devenir la plus grande entreprise canadienne ayant une présence sur Internet. Il faudra que le gouvernement du Canada comprenne que, pour y parvenir, il doit posséder les mêmes caractéristiques que les médias. Ce sera extrêmement difficile à faire. Vous pouvez placer les formulaires de déclaration d'impôt sur Internet, et personne ne les utilisera à moins que vous ajoutiez quelque chose pour inciter les gens à s'en servir vraiment. Jeter des feuilles de papier sur Internet et les présenter sous forme électronique ne représente que 10 p. 100 de ce qu'il faut faire. Les 90 p. 100 restants consistent à comprendre ce qu'est un moyen de communication, et non pas seulement de transaction, et à concilier ces différents éléments.
Le sénateur Johnson: Comment deviendra-t-il la plus grosse entreprise sur Internet? Du simple fait de sa taille?
M. Goldstein: Du simple fait de la taille du gouvernement. Si vous commencez à placer sur Internet les déclarations d'impôt et toutes les choses que fait maintenant le gouvernement, il y aura une interaction croissante.
Le sénateur Finestone: Comment protégerez-vous cette information contre les fraudeurs?
La présidente: Nous y reviendrons tout à l'heure, sénateur Finestone. Pourriez-vous laisser le sénateur Perrault continuer?
Le sénateur Perrault: En ce qui concerne l'accès à grande vitesse, j'ai encore un vieux système, et la connexion à Internet prend beaucoup de temps. Est-ce que le téléphone est mieux que le câble, ou est-ce l'inverse?
M. Angus: C'est une de ces choses dont on peut discuter éternellement. Ce sont des systèmes différents qui fonctionnent différemment. J'ai utilisé les deux. Je dirais que, s'ils sont bien conçus, ils sont à peu près équivalents, mais l'un ou l'autre peut être mal conçu. Je l'ai déjà constaté dans les deux cas. Cela peut faire l'objet d'une discussion sans fin, parce qu'un des systèmes est meilleur pour telle chose, et l'autre pour telle autre chose. C'est blanc bonnet et bonnet blanc.
Le sénateur Perrault: J'ai reçu il y a quelques mois un courriel d'un jeune homme de Kiev. Je ne l'ai jamais rencontré et je ne sais rien de lui, mais il me disait qu'il en avait assez du régime politique de son pays et qu'il voulait fonder un nouveau parti. Il voulait que je lui envoie des manuels sur l'organisation d'un parti. Je lui ai envoyé ces manuels, et il a maintenant été élu député à Kiev et a fondé un parti politique. Les possibilités sont incroyables.
Le sénateur Oliver: Je ne suis pas membre du comité, mais votre sujet m'intéresse. J'avais une série de questions, mais elles portent toutes sur la même chose, la politique gouvernementale.
Quand je suis arrivé, M. Goldstein parlait du clivage entre les gens informés et ceux qui ne le sont pas. Je ne savais pas s'il parlait de cela dans un contexte international ou national, mais, dans un contexte national, c'est un domaine pour lequel une bonne politique gouvernementale canadienne est nécessaire, parce qu'il s'agit d'offrir une largeur de bande suffisante aux gens des régions rurales et éloignées du Canada. Aucun des témoins n'a parlé de cela. Vu notre rôle de législateurs, j'aimerais entendre vos idées à ce sujet.
Il me semble que la politique gouvernementale, ce n'est pas la réglementation et les contrôles, comme ce que font le CRTC, le Bureau de la concurrence ou la Commission du droit d'auteur. Il s'agit plutôt du genre de chose que le Parlement devrait faire pour veiller à ce que les Canadiennes et les Canadiens puissent être pleinement associés à ces développements à ces tendances dont vous avez parlés. Cette question n'a pas été abordée, et j'espère que vous pourrez nous aider à cet égard.
M. Angus: C'est un sujet énorme. J'ai toujours été atterré par le fait qu'au Canada, nous disons que 99 p. 100 des foyers ont le téléphone, alors que ces statistiques n'incluent pas les Premières nations, parce que nous ne les incluons pas. Si nous le faisions, ce pourcentage serait plus faible, mais pas de beaucoup, parce que les autochtones ne sont pas si nombreux. En particulier dans un pays de la taille du Canada, vu notre étendue, il y a des zones où il est exceptionnellement difficile de fournir des communications à grande vitesse.
Le sénateur Oliver: Avec le téléphone, l'accès était universel. C'est le genre de question que, j'espère, vous allez aborder.
M. Angus: J'ai trouvé encourageant que le CRTC, dans sa décision sur l'accès universel, ait étendu cette définition pour inclure la capacité à avoir accès à Internet au moyen d'un appel local afin de ne pas avoir à payer des frais d'interurbain pour cela. Je trouve encourageant que la plus grosse expérience concernant l'utilisation plus importante des services Internet à grande vitesse offerts par plusieurs entreprises se déroule actuellement à Sturgeon Falls, en Ontario, plutôt qu'à Toronto. C'est un fait positif.
Au XXIe siècle, surtout dans les petites villes et les zones rurales, il faut faire ce qu'on a fait à la fin du XIXe siècle et au début du XXe quand des groupes locaux et des coopératives locales ont assuré la mise en place de la plus grande partie du réseau téléphonique en dehors des principales villes du pays. Je pense que cela deviendra plus fréquent. Si le gouvernement fédéral veut intervenir, il a beaucoup à faire pour encourager les gens des petites villes et des zones rurales et mettre à leur disposition les ressources et les technologies requises pour les transmissions à grande vitesse par fibres optiques ou sans fil, systèmes qui sont tous deux extrêmement bien adaptés à leur situation. Cela paraîtra probablement coûteux à quelqu'un qui s'attend à faire des bénéfices aussi élevés qu'à Toronto, mais ce n'est pas abusivement cher par rapport à l'assiette fiscale d'une municipalité.
Le sénateur Finestone: Je ne sais pas si ce que vous dites au sujet des communautés autochtones est une hypothèse ou un fait réel. J'ai passé les trois derniers étés dans le nord, dans le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Chaque classe est connectée à Internet par ordinateur. Tous les centres de service de santé ont des ordinateurs appropriés. Des modèles plus perfectionnés leur seraient utiles, c'est incontestable, mais il ne fait aucun doute qu'ils sont informatisés. Toutes ces communautés sont branchées. On voit des enfants à bicyclette avec un téléphone cellulaire. Je ne connais aucune étude qui aurait signalé une telle chose.
Je suis convaincue que les divertissements sont un élément important de la vie dans les petites villes. Si vous regardez toutes les sociétés de câblodistribution qui figurent sur notre liste, vous constaterez qu'une énorme quantité d'entre elles reçoivent des émissions diffusées par satellite et les transmettent. Il y a de longues années, il existait un réseau du nom de Cancom; a-t-il disparu?
M. Angus: Non, il existe encore. Je parlais du fait que nous avons une statistique que nous citons toujours avec fierté, alors qu'elle ne compte pas une partie de notre population, ce qui me gêne. Il est vrai aussi que nous avons de nombreuses activités dans les régions éloignées.
Vous avez lu beaucoup de choses dans les journaux à propos de la créativité de Rogers, de Shaw et Videotron. Il est frappant de constater qu'un des participants à l'expérience en cours à Sturgeon Falls est une société du nom de Regional Cable Services, qui est une petite entreprise de câblodistribution comme il y en a d'autres dans tout le pays. Beaucoup de ces petits câblodistributeurs font des choses impressionnantes.
M. Goldstein: La question du clivage entre les gens bien informés et ceux qui ne le sont pas pose un vrai problème, et c'est ce que je voulais dire. Je pense que c'est un problème mondial, même si je parlais dans le contexte du Canada. Il y a, à cet égard, des éléments positifs et des éléments négatifs. L'élément positif est que, comme nous en avons discuté, les différents secteurs de cette industrie ne se subventionnent plus mutuellement. Si nous avons pu répandre le service téléphonique, c'est en partie parce qu'il y avait cette aide financière mutuelle et que les bénéfices réalisés pouvaient servir à faire de bonnes choses.
Quand on réduit tout cela et qu'on renforce la concurrence, on ne peut pas réglementer l'utilisation des bénéfices, parce qu'ils n'existent plus. Voilà le problème. C'est pour cette raison que nous ne pouvons pas refaire exactement la même chose qu'autrefois. Il y a des solutions technologiques. M. Angus a en mentionné une. La diffusion par satellite pourrait constituer une telle solution, de même que la diffusion sans fil. Le gouvernement devra probablement envisager d'investir de l'argent dans cela et de dire que c'est une priorité. En fin de compte, il conserve encore son pouvoir de dépenser. Toutefois, je vous encouragerais à examiner en même temps toutes ces chaînes de valeurs. Certaines des décisions que prendront votre comité et les parlementaires dans leur ensemble seront déterminantes en ce qui concerne la façon dont le système encouragera certaines entreprises désireuses d'offrir un service à la population. Je vais vous donner un exemple.
Nous parlons du passage de la transmission directe au système numérique. Les Américains ont commencé de façon un peu hésitante, mais un problème reste à régler. Ces nouveaux signaux numériques seront-ils transmis par le câble? Aux États-Unis, on parle à ce sujet de «must carry», et ici, de «distribution prioritaire». Si vous n'avez pas une politique sur la distribution prioritaire, le radiodiffuseur risque d'avoir à investir pour améliorer tout son système de transmission afin de toucher seulement 25 p. 100 de son public. Si, par exemple, vous établissez une règle à ce sujet afin que le radiodiffuseur soit encouragé à faire cet investissement, l'Internet pourrait être transmis par la même voie numérique au moins dans un sens. On peut utiliser le téléphone pour les liens dans l'autre sens. Les décisions que vous prendrez au sujet de la croissance des entreprises détermineront, en partie, la mesure dans laquelle les gens seront encouragés à offrir des services ailleurs que dans les zones offrant des bénéfices garantis.
Le sénateur Oliver: C'est une bonne réponse.
Le sénateur Finestone: J'ai des préoccupations à propos du droit au respect de la vie privée et du commerce électronique. Vous avez fait allusion au fait qu'il y a actuellement divers moyens d'avoir accès au commerce électronique. Appliquerons-nous une réglementation à ce type de commerce?
Nous venons d'adopter le projet de loi C-6, un projet de loi sur la protection de la vie privée qui contient également la Loi sur le Conseil canadien des normes et impose certaines responsabilités concernant le chiffrage des données ou l'existence d'une relation de confiance, c'est d'ailleurs un moyen de faire en sorte que mes renseignements personnels ne soient pas retransmis ou exposés à des transgressions. J'ai le droit fondamental de ne pas vivre sous surveillance. Pensez-vous que cette loi est suffisante? Pensez-vous que nous avons besoin d'une protection supplémentaire? Je parle du commerce électronique, pas de la vie en général. La situation vous paraît-elle satisfaisante en ce qui concerne le commerce électronique? Pensez-vous que nous avons besoin de plus de protection dans le cyberespace?
M. Goldstein: J'aimerais que cette loi soit promulguée pour voir ce qui se passe pendant un moment avant de dire si nous devons faire davantage ou si nous sommes allés trop loin. Je pense que c'est un premier pas satisfaisant.
Je pense que la capacité à utiliser les médias joue aussi un rôle à cet égard, de même que toute la question de comprendre ce que c'est qu'informer et sensibiliser la population. C'est un changement aussi fondamental que celui qui consiste à compter davantage sur la famille et sur l'école que sur les organes de réglementation pour la technologie. Nous devons éduquer les gens pour qu'ils comprennent ces questions concernant la protection de la vie privée.
Il y a toutes sortes de règles qui régissent la vente d'actions, mais il y a néanmoins des gens qui vendent des actions fictives et d'autres choses par téléphone en exerçant des pressions. Ils violent la loi. Il y a des personnages peu recommandables.
Les organisations comme Concerned Children's Advertisers, le Réseau éducation-médias, et d'autres diront: «Ce sont des normes. Il y a des gens qui suivent ces normes, et voici ceux qui ne les suivent pas.» Il est dans l'intérêt de toute personne responsable qui veut commercer sur Internet d'encourager l'adoption de codes d'éthique dans chaque industrie, parce qu'ils ne veulent pas qu'on les confonde avec ceux qui font des affaires douteuses à la sauvette. C'est une des façons de le faire.
Le sénateur Finestone: Notre pays est tellement diversifié, nous avons besoin de certains principes fondamentaux d'application générale pouvant servir de référence. On peut alors déterminer si on se conforme ou non aux règles et aux normes.
M. Angus: Pour ce qui est de la protection de la vie privée, Internet cause de nombreux problèmes que nous ne pouvons même pas encore imaginer. Je suis en partie d'accord avec M. Goldstein quand il dit que la sensibilisation aux médias se rattache étroitement à cette question -- non seulement dans le sens où les gens doivent savoir à qui ils donnent leur adresse ou leur numéro de téléphone sur Internet, mais aussi dans le sens où les organisations non gouvernementales et d'autres types d'organes de surveillance ont un important rôle à jouer. Je pense au cas de Double Click. C'est une société américaine qui diffuse des banderoles publicitaires. Il s'est avéré qu'elle surveillait sur quelle banderole publicitaire vous cliquiez. Elle compilait cette information, puis la vendait.
Finalement, elle a été dénoncée non pas par la police ou des fonctionnaires, mais par le genre de gens qui ont une présence sur Internet et se soucient de la protection de la vie privée. Ils ont soulevé le problème. Ils ont crié au scandale sur Internet. Ils ont fini par forcer Double Click à changer d'attitude. Double Click n'était pas une entreprise de vente sous pression. C'était une société respectable dont tous les magasines ont parlé pour la citer comme un excellent exemple en matière de commerce électronique. Elle était simplement active dans un domaine entièrement nouveau. Toute la question d'encourager les entreprises présentes sur Internet à se surveiller elles-mêmes ainsi qu'à aider et éduquer les usagers est très importante.
Le sénateur Johnson: Pour ce qui est précisément de cette question, c'est un ensemble de règles internationales que nous devrons mettre au point. N'est-ce pas sur cette voie que nous nous engageons? Il est bien que les pays fassent des choses, mais ceci traverse toutes les frontières de l'univers. Avez-vous vu des signes que d'autres pays s'engagent sur cette voie?
M. Angus: Le problème que pose Internet est que certains pays pourraient décider de devenir un refuge pour les gens qui enfreignent les règles. Nous avons constaté cela dans l'industrie téléphonique; beaucoup accueillent des services téléphoniques axés sur le sexe ou diverses autres choses. C'est une façon de gagner de l'argent. Sur Internet, l'utilisateur final n'a aucun moyen d'être sûr qu'un site Web qui donne l'impression d'être installé au Canada est réellement situé au Canada. Il pourrait se trouver dans n'importe quel pays qui a choisi de ne se soucier aucunement de nos lois. En fin de compte, je ne sais pas comment vous allez régler ce problème.
M. Goldstein: Il y a une réunion du G-8 à ce sujet en ce moment même. C'est intéressant, parce que les Américains disent qu'il faut pratiquer la plus grande ouverture possible. Si vous examinez les activités de la Federal Trade Commission, la Commission fédérale du commerce, aux États-Unis, vous constateriez qu'elle a fait de la protection de la vie privée un de ses chevaux de bataille.
Le sénateur Johnson: C'est un gros problème.
M. Goldstein: Cet organisme a fait des choses très intéressantes. Il a toutefois trouvé un moyen terme. Sa démarche n'est pas nécessairement de nature législative ou réglementaire. Il a choisi de procéder comme suit: «Premièrement, regroupons les gens pour sensibiliser la population à ce sujet, puis dénonçons ceux que nous croyons être des brebis galeuses.»
Le sénateur Finestone: Je voulais vous interroger au sujet de toute cette affaire des noms de domaine et de leur utilisation frauduleuse. Comment un nom est-il attribué à une société? Comment le fait-on enregistrer? Comment quelqu'un peut-il prendre votre nom et en changer une partie ou une lettre pour se faire passer pour vous? Cela amène à se poser des questions. Il y a deux décisions qui ont été prises à ce sujet, une au Royaume-Uni, et l'autre aux États-Unis. L'une était fondée sur la liberté d'expression et l'autre sur la responsabilité du fournisseur de service Internet. Or, les accusés avaient pris un nom de domaine et l'avait utilisé de façon frauduleuse. Que faire face à cela?
M. Goldstein: Pour ce qui est du nom de domaine, il y a eu toute une ruée vers les noms de domaine il y a environ trois ans. Les gens disaient: «Je vais chercher les noms de toutes les grandes compagnies que je peux trouver et je vais les enregistrer -- non pas parce que je suis dans le même secteur d'activité que Procter & Gamble ou IBM, mais parce que ces entreprises me paieront quelque chose pour utiliser ce nom.» Lentement mais sûrement, les lois existantes concernant le droit d'auteur et les marques de commerce règlent ce problème. Récemment, une nouvelle loi sur le droit d'auteur a été adoptée aux États-Unis. Elle porte, en fait, sur le cas de quelqu'un qui est maintenant célèbre pour sa façon de protéger son nom.
Le sénateur Finestone: Où s'adresse-t-on pour acheter un nom?
M. Goldstein: Il y a des registraires. Pour quelques dollars, on peut l'enregistrer. C'est ainsi que cela a commencé. Même avant Internet, il y avait des gens qui s'appropriaient les noms d'autres personnes. Il y avait des procès. Cela n'a pas changé. Ça va continuer.
À mon avis, il y a une question plus importante que vous pourriez envisager d'examiner, celle du «deep linking», le fait de savoir si je peux créer un site Internet, y diffuser des messages publicitaires et offrir un service établissant un contact direct avec votre site, si bien que l'usager peut avoir accès à votre contenu sans passer par vos annonces. Il y a encore très peu de jurisprudence à ce sujet, et on ne sait pas ce que cela va donner.
M. Angus: Pour ce qui est des noms de domaine, cette situation est due en partie au fait que le système n'a pas été créé par des grands génies qui auraient planifié l'énorme réseau d'Internet. Il a été créé par quelques informaticiens qui voulaient communiquer entre eux. Cela a commencé par un petit réseau dont tous les membres se connaissaient, et aucun d'eux n'aurait agit de façon frauduleuse parce que chacun d'eux connaissait tous les autres. C'est devenu une entreprise gigantesque dont les activités ne sont pas supervisées. Beaucoup d'efforts sont actuellement entrepris pour régler certaines de ces questions.
Un cas qui s'est produit cette semaine illustre combien il est difficile de protéger un nom. Bell Atlantic et GTE sont en train de fusionner aux États-Unis. La nouvelle société s'appellera Verizon. Cela ne veut rien dire du tout. Les dirigeants ont enregistré le nom verizon.com et, par mesure de prudence, ils ont aussi enregistré verizonsucks.com, parce qu'ils pensaient que leurs adversaires pourraient l'enregistrer. Un groupe de gens qui n'aime pas ces sociétés a alors enregistré verizonreallysucks.com. Verizon leur a envoyé une lettre pour les accuser d'avoir violé le droit d'auteur et les a menacés de poursuites judiciaires. Ces gens-là ont alors enregistré «verizonshouldspendlessmoneyonlawyersandmoreonimprovingitsnetwork.com.». Cela montre donc, en fin de compte, que si quelqu'un veut l'emporter sur le système, il peut le faire.
La présidente: Monsieur Goldstein et monsieur Angus, je ne saurais assez vous remercier pour vos remarquables exposés. Comme vous pouvez le voir, vous nous avez vraiment forcés à réfléchir. Nous vous en sommes reconnaissants. Je suis sûre que, probablement au cours des prochaines semaines, nos recherchistes s'adresseront à vous pour vous poser des questions supplémentaires. Je sais que nous pourrons compter sur votre entière coopération.
La séance est levée.