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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 15 février 2000

Le comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 19 heures pour entamer son étude des questions relatives à l'industrie des pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Avant d'inviter le ministre à nous faire sa déclaration, j'aimerais rappeler aux membres que la séance de ce soir est télévisée. Nous devrions donc éviter d'utiliser des sigles et peut-être utiliser les noms au long afin que les téléspectateurs puissent suivre nos délibérations.

Je rappelle à ceux d'entre vous qui ne connaissent peut-être pas le ministre Dhaliwal, qu'il a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 1993, comme député de Vancouver-Sud. Réélu en 1997, il représente la nouvelle circonscription de Vancouver-Sud--Burnaby. À titre de député, M. Dhaliwal a été secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans; il a aussi siégé au Comité permanent des pêches de la Chambre des communes et a été vice-président du Groupe de travail du caucus libéral sur l'aquaculture en 1996. M. Dhaliwal connaît donc bien les pêches et les océans.

M. Dhaliwal a été nommé ministre du Revenu national en juin 1997, puis ministre des Pêches et des Océans en août 1999.

M. Dhaliwal détient un baccalauréat en commerce de l'Université de la Colombie-Britannique. Homme d'affaires, il s'est occupé de transport, d'entretien d'immeubles et d'aménagement immobilier. Il a été actif dans de nombreuses organisations non gouvernementales, dont Centraide, l'Institut national canadien pour les aveugles, l'India Cultural Centre of Canada et l'Orientation Adjustment Services for Immigrant Society.

Monsieur le ministre, je vous cède maintenant la parole. Je vous en prie.

M. Herb Dhaliwal, ministre des Pêches et des Océans: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à votre comité ce soir. J'ai eu l'occasion de travailler avec certains des sénateurs présents et cela a toujours été un plaisir. J'ai également eu l'occasion de me rendre en Chine et j'y ai travaillé avec votre greffière, Barbara Reynolds. Elle est très compétente et ce fut un voyage très agréable.

En Chine, nous avons principalement traité de la question des mines terrestres antipersonnel. C'était la première fois qu'une organisation internationale inscrivait cette question à son ordre du jour. Plus que cela, elle a en fait été appuyée comme résolution. J'ai eu l'honneur de siéger au comité qui a rédigé la résolution finale et de représenter le Canada. Pour nous tous, ce fut un fier moment d'être à Beijing et d'adopter cette résolution visant à interdire les mines terrestres antipersonnel. Ce fut le coup d'envoi qui nous a permis de recueillir le consentement des parlementaires du monde entier sur cette question.

Je suis accompagné ce soir de fonctionnaires de mon ministère. Il s'agit de M. Stagg, de M. Bevan, de Mme Forand et de Mme Price. Je suis sûr qu'ils pourront m'aider à répondre aux questions d'ordre technique. J'essaierai cependant le plus possible de répondre moi-même. Monsieur le président, je vais maintenant faire ma déclaration, puis je serai prêt à répondre à vos questions.

C'est un honneur pour moi de venir vous faire part de mes réflexions sur la situation actuelle et les projets d'avenir de Pêches et Océans Canada. Si vous me le permettez, j'utiliserai le sigle «MPO», que les gens connaissent, je crois.

Je vois avec enthousiasme l'avenir des pêches au Canada. Je crois que nous traversons actuellement une époque remplie de perspectives. Des perspectives d'innovation, de coopération et de coordination. C'est un climat propice à la croissance, ainsi qu'au développement et à la promotion des ressources de nos océans, d'une façon sûre, durable et en harmonie avec nos partenaires internationaux.

J'ai un plan d'action pour tirer le maximum de ce potentiel. Je voudrais d'abord vous présenter les principes prépondérants de ce plan, que j'ai adoptés comme fondement de ma vision personnelle. Premièrement, je veux créer pour le XXIe siècle une pêche axée sur la conservation de la ressource, tout en développant des perspectives économiques nouvelles et novatrices, dont pourront profiter les Canadiens et Canadiennes et les autres habitants du monde. Deuxièmement, je vois le Canada comme un leader sur la scène mondiale. Notre pays doit s'imposer comme chef de file de la communauté internationale dans le domaine du développement durable en protégeant les richesses de nos océans au profit des générations à venir. Troisièmement, sur la scène nationale, je veux renforcer les programmes essentiels du ministère qui revêtent une importance vitale pour les Canadiens et Canadiennes.

J'ai adopté personnellement ces principes et j'en ai parlé avec les fonctionnaires de mon ministère. Ma vision constitue un complément et une reconnaissance du travail acharné qui s'accomplit au MPO et elle va contribuer à orienter ce travail pour l'avenir.

Les femmes et les hommes qui travaillent dans mon ministère ont élaboré un Plan stratégique -- une sorte d'itinéraire -- définissant les orientations pratiques qui vont nous aider à concrétiser ces principes. Nous reconnaissons qu'il est essentiel de planifier l'avenir avec confiance et crédibilité. Notre intention consiste à profiter des occasions qui se présentent et à nous imposer comme leader mondial du développement durable et productif des ressources halieutiques et océaniques.

Le Plan stratégique du ministère comporte quatre grands thèmes politiques dont j'aimerais vous parler ici ce soir. Ce sont la gestion des océans, les Pêches de l'avenir, l'aquaculture et les services maritimes.

Quand on parle de gestion des océans, il importe de se rappeler le nom de mon ministère, c'est-à-dire Pêches et Océans; les gens l'oublient parfois. Les deux parties sont d'égale importance et sont étroitement liées l'une à l'autre.

La vision de la Stratégie de gestion des océans, c'est de profiter de toutes les possibilités que nous offrent les océans. Cela nous oblige à trouver le juste équilibre entre la création de richesse et la nécessité de protéger nos océans et d'en assurer la santé à long terme. Ce sont là des objectifs que nous partageons à la fois ici, au Canada, ainsi que sur la scène internationale, avec d'autres États côtiers.

La Loi sur les océans du Canada est entrée en vigueur le 31 janvier 1997. J'étais à l'époque secrétaire parlementaire de M. Tobin et j'ai eu le grand privilège de travailler sur cette mesure législative et d'assister à son adoption. Pour mettre en oeuvre la Stratégie de gestion des océans, comme le prévoit la loi, nous travaillons en collaboration étroite avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, avec les organisations autochtones et avec un large éventail d'utilisateurs des océans dans divers dossiers importants. Plus particulièrement, nous travaillons en collaboration à l'établissement de projets pilotes concernant les zones de protection marine et la gestion intégrée. Ces deux programmes sous-tendent la Stratégie de gestion des océans.

L'objectif de ces projets pilotes est d'établir des rapports de travail pratiques et axés sur les résultats, qui vont nous permettre d'assurer le développement durable de nos océans. Nous devons poursuivre nos efforts de collaboration avec les autres gouvernements, l'industrie et les collectivités, et continuer à travailler en coordination et en collaboration avec d'autres pays. En ce début de XXIe siècle, c'est l'un des défis les plus importants que nous avons à relever. Il est essentiel que nous travaillions avec tous les intervenants et tous les intéressés pour nous doter de la capacité de dresser des plans efficaces à long terme.

Dans l'esprit de notre vision générale selon laquelle nous partageons les océans du monde avec les autres pays, j'aimerais souligner aussi que le Canada a ratifié l'Accord des Nations Unies sur la pêche, connu sous le sigle ENUP. Il s'agit d'un outil essentiel pour la conservation et la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks grands migrateurs en haute mer.

J'ai travaillé à cet accord dès le début. Je me rappelle aller aux Nations Unies où cela semblait être un défi énorme que de rassembler le reste du monde. Au début, même des pays comme les États-Unis doutaient de nos chances de succès. Le Canada, secondé par des nations aux vues similaires, a cependant réussi à faire signer cet accord. Environ 26 pays l'ont ratifié et nous avons besoin de 30 autres signatures pour qu'il prenne effet. C'est l'une de mes priorités -- à savoir, faire en sorte que les pays le signent -- parce que ce sera très avantageux pour le Canada.

Je tiens à vous remercier pour votre appui, qui nous a aidés à faire adopter la loi permettant au Canada de ratifier cet accord important. Le Canada est ainsi mieux placé pour promouvoir l'accord et amener d'autres États signataires à le ratifier. J'encourage les membres de ce comité à faire ce qu'ils pourront pour nous aider dans cet effort, de façon à ce que l'accord puisse être mis en vigueur le plus rapidement possible. Ensemble, les nations peuvent promouvoir l'utilisation durable des ressources fragiles des océans du monde.

Les océans ne nous appartiennent pas. Ils appartiennent à nos enfants, aux leurs et aux générations futures. Nous devons donc adopter les normes d'excellence les plus rigoureuses pour garantir aux générations présentes et futures la sécurité, la santé et la productivité des océans et des écosystèmes aquatiques.

Le deuxième thème politique clé est celui que j'appelle les Pêches de l'avenir. Il s'agit en quelque sorte d'une vue d'ensemble des mesures que nous prenons pour nous adapter aux réalités de la pêche au XXIe siècle, et je dirais même pour en tirer profit. Je suis fier de dire qu'il y a tout juste deux semaines, je me suis rendu à Terre-Neuve où j'ai signé un protocole d'entente sur l'exploitation des pêches en développement avec le ministre John Efford. Ce protocole d'entente montre comment les gouvernements peuvent accroître la coopération et la coordination afin d'encourager la diversification des pêches et de faciliter la croissance commerciale de ressources halieutiques nouvelles et sous-utilisées. C'est grâce à ce genre de collaboration fédérale-provinciale, que nous pouvons trouver de nouvelles occasions économiques pour tous les groupes de pêcheurs et que nous pouvons travailler avec l'industrie en vue de créer des pêches plus viables et stables grâce à la diversification. Je suis convaincu qu'il s'agit là du premier d'une série de nombreux accords qui s'ensuivront avec d'autres provinces.

Un des éléments clés des Pêches de l'avenir, c'est que les intervenants ont tout intérêt à assumer davantage de responsabilités dans la gestion de la ressource et de leur propre avenir. Ainsi, le ministère réoriente son rôle, pour se tourner davantage vers la conservation, l'élaboration des politiques et le contrôle de la performance. Nous sommes en train d'élaborer d'importants cadres politiques pour les côtes de l'Atlantique et du Pacifique. J'ai le plaisir de vous dire que la Révision de la politique concernant les pêches de l'Atlantique va bon train. De concert avec les intervenants, nous travaillons à l'établissement d'un ensemble de principes qui guideront la gestion à long terme des pêches de la côte Est. De même, sur la côte du Pacifique, nous avons amorcé des initiatives d'élaboration de principes directeurs pour orienter la gestion des pêches commerciales, autochtones et récréatives.

En parallèle avec ces initiatives d'élaboration de politiques, nous menons à bien le Programme d'adaptation et de restructuration des pêches canadiennes, connu sous le sigle d'ARPC, pour aider les collectivités côtières de l'Atlantique et du Pacifique à s'adapter aux changements qui se produisent dans les pêches. Je tiens à souligner que nos processus de révision des politiques se déroulent dans un climat d'ouverture et de transparence. Notre réussite dans ces entreprises va dépendre de l'ampleur de nos consultations et du degré de participation des intervenants. Comme je l'ai dit, en développant les Pêches de l'avenir, nous visons à établir une industrie constituée de professionnels de la pêche, une industrie qui assume la responsabilité de ses actes, dans laquelle les participants jouent un rôle actif et significatif dans le choix des orientations qu'ils prennent et dans la détermination de leur propre avenir.

À titre d'exemple de ce nouveau climat de travail, j'aimerais souligner le rôle que l'industrie a joué dans l'élaboration et l'adoption de cet important instrument que constitue le Code de conduite canadien sur les pratiques de pêche responsable.

J'aimerais aussi souligner le fait que l'inclusion est un principe important des Pêches de l'avenir. Des jugements récents des tribunaux, comme l'arrêt Marshall, et des règlements de traités en général ont mis en lumière la nécessité de continuer à rechercher des formules de partage de la ressource et à mettre l'accent sur la gestion responsable des ressources. Nous travaillons précisément sur ce dossier cet hiver, et je peux vous assurer que nous faisons des progrès. Nous partons du principe que tous les pêcheurs, autochtones comme non autochtones, veulent la même chose: des emplois durables et une ressource durable. Ces faits nouveaux représentent une occasion importante de travailler ensemble au développement d'une pêche durable, rentable, axée sur la conservation et réglementée.

Enfin, j'aimerais signaler que les Pêches de l'avenir constituent un dossier en chantier perpétuel, qui se compose de toute une série d'initiatives liées les unes aux autres, qui nous guideront sur le long terme.

Notre troisième objectif formulé dans le Plan stratégique est le dossier de l'aquaculture. Comme député représentant une circonscription de la Colombie-Britannique, je connais très bien ce dossier. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je m'intéresse de très près à l'aquaculture depuis que j'ai coprésidé, il y a cinq ans, un groupe de travail du caucus libéral sur ce dossier. Les connaissances que j'ai acquises depuis m'ont été d'une utilité considérable dans mes fonctions de ministre des Pêches et des Océans, qui m'ont amené à prendre le leadership de cet important secteur de développement économique.

Je vais vous énumérer, si vous le permettez, quelques faits concrets de l'évolution de ce dossier. En 1995, le gouvernement du Canada a rendu publique la Politique fédérale de développement de l'aquaculture et établissait ainsi un cadre pour orienter le fonctionnement quotidien de cette industrie et son expansion à l'avenir. En décembre 1998, M. Yves Bastien était nommé commissaire fédéral au développement de l'aquaculture. La création de ce poste était une suite directe à un engagement politique clé formulé par le gouvernement lors de la campagne électorale précédente. En avril 1999, le ministère des Pêches et des Océans a également nommé un directeur général pour assumer la responsabilité principale du dossier de l'aquaculture. En septembre dernier, à Québec, j'ai signé l'Entente de coopération intergouvernementale avec mes homologues des provinces et des territoires. Cette entente va nous permettre de fixer des priorités communes et de créer des perspectives de développement pour les secteurs de la pêche et de l'aquaculture. À cette même réunion, les ministres des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont adopté à l'unanimité l'objectif qui consiste à faire du Canada un chef de file mondial de l'aquaculture durable.

J'aimerais souligner, enfin, que le gouvernement du Canada et le premier ministre reconnaissent également l'importance de l'aquaculture. En fait, le premier ministre a évoqué à nouveau la priorité qu'il accordait à ce secteur dans un discours qu'il a prononcé à Charletttetown, en novembre dernier. Je félicite le comité pour ses projets d'étude de ce domaine palpitant et j'ai hâte de voir les résultats de vos travaux.

Dans l'intervalle, j'aimerais vous faire part de quelques-unes de mes idées sur les orientations que nous devrions prendre, à mon avis, pour aider cette industrie à réaliser son plein potentiel. Chaque jour, l'importance de l'aquaculture devient de plus en plus évidente. Selon les derniers chiffres disponibles, 25 p. 100 de la production mondiale de poisson et de fruits de mer provient de l'aquaculture. Actuellement à 3 p. 100, la contribution du Canada est modeste, mais en croissance. Avec des taux de croissance annuels se situant entre 10 et 20 p. 100, le chiffre d'affaires annuel de l'aquaculture canadienne pourrait facilement atteindre les 2 milliards de dollars d'ici à la fin de la présente décennie.

Ce sont de bonnes nouvelles. L'aquaculture est un des moyens que nous pouvons prendre pour fournir un apport important en protéines au reste du monde. C'est aussi une industrie qui peut fournir de l'emploi dans les localités côtières, notamment dans les collectivités durement touchées par la restructuration des pêches.

Notre vision pour ce secteur consiste à améliorer et à mettre en valeur l'aquaculture pour permettre à l'industrie canadienne de réaliser son plein potentiel, et ce, d'une façon durable. À cette fin, nous concentrons nos efforts dans quatre domaines: passer en revue le cadre légal et réglementaire de l'aquaculture, sous la direction du commissaire au développement de l'aquaculture; élaborer au MPO un cadre politique plus cohérent et de meilleure qualité pour l'aquaculture; favoriser la coopération fédérale-provinciale-territoriale par le truchement du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture; et bonifier les programmes du MPO à l'appui de la Stratégie fédérale de développement de l'aquaculture, qui a été rendue publique en 1995.

En menant à bien ces initiatives, nous voulons promouvoir des consultations auprès d'un large éventail d'intervenants et sur la base du principe d'inclusion. De cette façon, l'industrie pourra poursuivre des objectifs communs et axer sa croissance sur un modèle de développement écologique. Et je peux vous assurer que nous allons étudier tous les moyens possibles pour promouvoir et développer ce secteur emballant de l'économie d'une façon responsable et écologique.

La quatrième et dernière priorité, c'est de maintenir et d'améliorer la capacité du MPO dans la prestation de services maritimes. Pour la plupart d'entre vous, cela signifie la Garde côtière canadienne. Comme vous le savez, la Garde côtière canadienne s'est jointe au MPO en 1995, pour ainsi former ce que nous avons appelé le «nouveau MPO». Notre défi dans ce domaine consiste à maintenir et à améliorer la qualité des services maritimes, pour aujourd'hui et pour demain, malgré les contraintes budgétaires.

La Garde côtière traverse actuellement une période d'évolution et de modernisation. Jadis une organisation vouée à la prestation de services, elle fait actuellement un virage pour assumer un rôle davantage axé sur le leadership et sur la surveillance des opérations visant à gérer et à protéger les océans et voies navigables du Canada. Changer le rôle de la Garde côtière est une tâche complexe et de tous les instants. Grâce à l'innovation, à des réformes législatives et à l'usage de nouvelles technologies, nous parviendrons à préciser nos responsabilités et à maintenir nos normes élevées en matière de sécurité nautique, de commerce maritime et d'intervention environnementale.

La Garde côtière a également un rôle clé à assumer en fournissant au ministère un appui dans l'exercice de ses fonctions liées aux océans, à la protection de l'environnement, à la recherche sur les océans et à la gestion des pêches. La gestion des océans et de leurs ressources est différente en ce début de XXIe siècle de ce qu'elle était il y a 100 ans. En tout cas, nous reconnaissons désormais que les abondantes ressources de l'océan ne sont pas illimitées, ni exemptes de fluctuations. En même temps par contre, nous avons quelques occasions importantes à saisir. Nous nous orientons dorénavant sur quelques principes essentiels qui sous-tendent la Loi sur les océans: le développement durable, la gestion intégrée, l'approche de précaution et un style de leadership ouvert, transparent et inclusif.

En nous appuyant sur ces principes, nous avons l'occasion de créer un nouveau régime de gestion du milieu marin et des ressources, un régime qui va nous aider à aborder les nouvelles réalités de façon plus souple et avec plus d'efficacité. Ainsi, nous serons mieux préparés et plus aptes à réagir à un environnement dynamique, en constante évolution. Et nous avons, plus qu'auparavant, l'occasion de promouvoir un style de leadership différent et meilleur. Plutôt que de simplement fournir des services à des clients exigeants, nous travaillons maintenant avec eux. En travaillant de concert avec les citoyens et les autres paliers de gouvernement, nous pouvons tracer une orientation significative et façonner en collaboration l'avenir qui nous touche tous.

La participation des citoyens est un principe important pour l'ensemble du gouvernement canadien. Avec l'informatique et les technologies modernes de traitement de l'information, nous avons, plus que jamais auparavant, la possibilité de partager de l'information et de promouvoir une participation générale à l'élaboration des orientations et de nos services pour l'avenir. Je suis convaincu qu'avec une orientation appropriée et une coopération généralisée, les industries canadiennes des pêches et de l'océan vont non seulement survivre, mais aussi prospérer tout au long du XXIe siècle.

Monsieur le président, trois océans bordent notre pays. Certains diraient même que les Grands Lacs pourraient être le quatrième. Nous avons le plus long littoral du monde, ce qui devrait être considéré comme un immense atout pour notre pays et les Canadiens. Nous devrions tout faire pour le protéger pour nos enfants et les générations futures. C'est une chose que je me suis engagé à faire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre déclaration d'ouverture, qui nous sera très utile. Je m'attends à ce que notre comité collabore à la réalisation de certains des objectifs que vous avez définis ici ce soir.

Plaît-il aux membres du comité que l'exposé du ministre soit déposé auprès du greffier du comité?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Monsieur le président, je remercie le ministre d'avoir répondu à notre invitation. J'apprécie particulièrement son optimisme quant à l'avenir de la pêche. Vous avez mentionné, monsieur Dhaliwal, l'aquaculture, un domaine où il y a beaucoup de place pour l'innovation, et de la pêche de l'avenir.

Au Nouveau-Brunswick, surtout dans le sud-est, les pêcheurs commerciaux du homard sont préoccupés par un problème délicat. Pour eux, la pêche de l'avenir devra trouver une solution au problème immédiat que constitue la participation des autochtones à cette pêche. Pour certains pêcheurs, celle-ci demeure leur seule source de revenus.

La cour suprême a reconnu certains droits aux autochtones. On en a vu certains partir à la pêche sans respecter la réglementation. On partait tout simplement pêcher. Par la suite, la cour suprême a clarifié cette situation et a stipulé que le ministre pouvait réglementer les pêches.

Vous négociez actuellement des ententes avec différentes communautés, ce qui n'est pas facile, j'en conviens. Ce problème dure depuis déjà plusieurs années. Je ne m'attends pas à ce qu'on trouve une solution tout de suite. Les pêcheurs commerciaux sont inquiets. Ils se demandent si la pêche autochtone sera réglementée comme celle des pêcheurs commerciaux, même s'il n'y a pas d'entente avec les communautés autochtones.

[Traduction]

M. Dhaliwal: J'ai bien sûr eu l'occasion de visiter certaines des exploitations aquicoles de votre province, sénateur Robichaud, quand j'ai traversé le pays. J'ai été très impressionné par la croissance de cette industrie et par la façon dont votre province s'est tirée de certaines des difficultés qu'elle a éprouvées. Il est évidemment prioritaire pour moi de voir comment nous pouvons faire avancer le dossier de l'aquaculture.

Pour ce qui est de l'affaire Marshall, comme vous le savez, la décision que les tribunaux ont rendue l'année dernière reconnaît le droit issu du traité de 1760, qui était un traité de paix et d'amitié conclu avec les Micmacs et les Malécites. Les tribunaux ont décidé que le traité définissait un droit de pêche, de cueillette et de chasse. Mon ministère et moi-même continuons de dire que, premièrement, nous avons des pêches bien organisées et réglementées, que la conservation sera une priorité, et que, en tant que ministre, j'ai le plein pouvoir de réglementer les pêches. Ce droit issu du traité n'était pas un droit inconditionnel, mais un droit réglementé. C'est ce que nous avons dit dès la décision des tribunaux, et ceux-ci ont réaffirmé notre position.

Nous avons certainement fait des progrès. Nous discutons à l'heure actuelle avec M. McKenzie, qui a rencontré une assemblée plus importante de l'Atlantique. Il consulte actuellement chacune des bandes, l'une après l'autre, au sujet d'un accord provisoire pour la prochaine saison de pêche.

Nous avons aussi nommé un représentant adjoint, M. Thériault, qui voit à ce que les points de vue des pêcheurs commerciaux soient entendus. Nous devons négocier. Nous disons depuis le début que la négociation est le seul moyen de régler ce problème. En attendant, j'ai souligné plus tôt cette semaine et je répète que je ne vais pas tolérer de désordre sur l'eau et que nous aurons des pêches bien organisées et réglementées.

Le fait que la cour suprême a statué qu'il existe un droit issu du traité signifie que nous devons permettre à la collectivité autochtone de participer à la pêche. C'est la loi du pays. Nous devons nous assurer que nous le faisons, et nous le faisons. Les pêcheurs commerciaux ont demandé que cela se fasse grâce au retrait volontaire de permis, et c'est exactement ce que nous faisons. Nous examinons les nombreuses propositions dont nous avons été saisis en prévision de cet accès, non pas en intensifiant la pression sur la ressource, mais en retirant des permis au moyen d'un programme de retrait volontaire.

Il n'y a pas de solutions miracles. Il n'y a pas de solutions faciles. La façon de régler ce problème, c'est de négocier d'abord un accord provisoire, puis un accord plus général avec le ministère des Affaires indiennes. Nous continuons de travailler à cela; nous visons un objectif très précis, prioritaire pour moi.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Les pêcheurs avec qui j'ai parlé ne sont pas préoccupés par les autochtones qui participent à une pêche commerciale réglementée. Ils sont plutôt préoccupés par certains événements des dernières années lorsqu'ils occupaient un territoire encore méconnu et qu'ils ne voyaient pas d'agents des pêches appliquer la réglementation.

On saisissait souvent les prises et les agrès pour ensuite les retourner aux pêcheurs. Cette incertitude préoccupe énormément les pêcheurs. C'est le cas au Nouveau-Brunswick, au nord-est de la province, où la pêche au homard débute au mois de mai.

Quant au partage de la ressource, vous savez qu'il existe une pêche très lucrative dans le golfe du Saint-Laurent, soit la pêche au crabe des neiges. Y a-t-il des négociations en cours pour le partage de cette pêche? Est-ce que les pêcheurs qui ne sont pas actuellement détenteurs de permis sont inclus et est-ce qu'ils y participeront cette année?

[Traduction]

M. Dhaliwal: Pour commencer, je tiens à dire que j'étais à Moncton dimanche. J'avais une réunion avec la direction de l'Union des pêcheurs des Maritimes, ce qui m'a donné l'occasion de prononcer un discours devant ses membres et d'écouter leurs questions. C'est un fait qu'une certaine incertitude règne. Nous nous efforçons d'y remédier en tâchant de conclure des accords négociés avec les collectivités autochtones et les bandes des Premières nations. J'espère que dans un avenir prochain nous serons en mesure de faire certaines déclarations mais je ne peux toutefois pas promettre que nous aurons une entente avec tout le monde, parce qu'il s'agit de règlements négociés.

Si nous n'arrivons pas à conclure une entente, il faudra permettre un accès et nous le ferons volontiers. Nous disposerons aussi d'une structure pour régler la situation dans le cas où nous ne pourrions pas obtenir d'entente. Je suis pas mal certain cependant, et M. McKenzie notre représentant me l'a dit, que les entretiens se déroulent très bien. Nous devrons les mener à bien. Nous avons également un représentant adjoint, M. Thériault, que l'on consulte régulièrement. Donc, tout le monde est parfaitement au courant de ce qui se passe. Je vais faire l'impossible dans ce sens.

Nous devons mener à bien cette tâche. Il n'y a pas de solutions rapides ni faciles. Il s'agit de s'asseoir autour de la table et de négocier tout en ayant un cadre de réglementation pour être sûrs de pouvoir régler cette affaire.

L'autre question a trait aux saisons et aux règlements concernant les pêches. Notre négociation vise en partie à aboutir à des saisons et des règles analogues pour tous. Cela fait partie de la tactique entrevue par notre négociateur comme l'ont proposé bien des groupes de l'endroit et assurément d'un point de vue de gestion, c'est le meilleur moyen de régler la question. La négociation vise aussi en partie à créer des capacités, pour s'assurer que la collectivité autochtone pourra vraiment bénéficier de ce droit découlant d'un traité.

La négociation comprend diverses options, y compris l'accès à la ressource, mais également le renforcement des capacités pour les intéressés. Nous avons dit que d'autres options sont offertes parce que chaque bande a son propre ordre de priorités et a son opinion à elle sur les avantages qu'elle peut retirer de ce droit découlant d'un traité. Par conséquent, il faut négocier tous ensemble et envisager les besoins des différentes bandes et leurs attentes et nous devons combiner cela avec l'accès à la ressource que nous pouvons obtenir. La démarche n'est pas facile, elle est compliquée, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Le sénateur Watt: J'ai reçu une lettre du New Brunswick Aboriginal Peoples Council (Conseil des peuples autochtones du Nouveau-Brunswick). Tous les parlementaires j'imagine ont reçu une copie de la même lettre. Selon la teneur de la lettre, il semble que vous parlez de négociation; vous négociez avec les conseils de bande, les conseils tribaux, les gens qui vivent dans les réserves et vous voulez conclure des ententes en vertu de la Loi sur les Indiens. D'après cette lettre, il n'est pas question des Indiens hors réserve. L'auteur de la lettre était dans cette situation et aussi un descendant je crois des Micmacs et Malécites visés par ce traité.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne traite-t-on pas des sujets prescrits dans l'intérêt de ces groupes particuliers?

M. Dhaliwal: Sénateur Watt, en toute déférence pour le Conseil des Indiens, je suis au courant de l'occasion qui leur est offerte et j'ai toujours dit qu'il nous fallait un processus qui nous permette de l'examiner. Selon l'interprétation juridique, le Conseil des Indiens lui-même n'est pas considéré comme une manifestation moderne des signataires initiaux du traité de 1760. En fait, ils sont peut-être membres du Conseil des Indiens. Ils ont peut-être droit de revendiquer le droit découlant du traité. Comme divers ministères sont impliqués, le Bureau du Conseil privé a organisé une réunion qui je crois aura lieu au cours des deux prochaines semaines à Halifax. Y assisteront des représentants de mon ministère, du ministère de la Justice et du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord pour que nous puissions discuter avec eux de leurs préoccupations. Je crois qu'il devrait y avoir une formule pour cela. C'est ce que je dis depuis le début que c'est ce que nous sommes en train de faire.

Le sénateur Robertson: J'ai une question supplémentaire qui se rapporte à celle du sénateur Robichaud. J'aimerais soulever un point que certains intervenants ont qualifié de controversé. J'ai remarqué dans les médias des articles sur vos réunions sur la côte Est, où il en a été question. Je veux parler du plan relatif à l'achat de bateaux, d'engins et de permis appartenant aux pêcheurs existants et du fait qu'ils vont être remis aux pêcheurs autochtones. En apparence, cette mesure semble assez bonne. Toutefois, certains des pêcheurs établis se sont fortement endettés pour entrer dans cette industrie et considèrent qu'ils seront désavantagés au plan de la concurrence, car d'autres dans l'industrie ne seront pas tenus de faire les paiements importants auxquels ils sont tenus. Comment puis-je répondre aux pêcheurs qui me présentent ce problème? Je ne sais pas comment leur répondre.

M. Dhaliwal: Merci beaucoup, sénateur. Tout d'abord, il ne faut pas oublier que l'accès offert aux Premières nations, l'est pour l'ensemble de la collectivité. L'accès est offert à la collectivité, non aux particuliers. Les bateaux, les engins ou les permis ne sont pas remis à des particuliers mais à la collectivité et c'est cette dernière qui en décide le partage. Dans certains cas, lorsque nous achetons un permis, le bateau fait partie de l'achat. On ne peut pas acheter le permis seul, si bien que dans certains cas, nous n'avons pas le choix. Pour que les membres des collectivités puissent tirer avantage du droit issu de traités, nous devons faire en sorte qu'ils ont la formation afin de pouvoir réussir dans le domaine de la pêche et, en cas de besoin, nous devons leur fournir le matériel, mais cela fait partie d'une entente négociée. Cela fait partie de la négociation.

La négociation relative à la saison de pêche est une entente provisoire sous réserve de l'entente à long terme. Par conséquent, la possibilité ainsi offerte aux bandes des Premières nations ne leur permet pas de revendre les permis, tandis qu'un pêcheur particulier qui le souhaite peut le faire. Les permis sont destinés à la collectivité.

Bien sûr, il faut faire des concessions et des négociations si l'on veut offrir plus que ce que la loi prévoit en matière de droits issus de traités. C'est ce que nous essayons de faire. Les besoins varient d'une bande à l'autre et nous essayons de voir quels sont les besoins en matériel de la bande. Par exemple, si l'on dit qu'il est important d'avoir ces saisons et les mêmes règles, même si en vertu du droit issu de traités, les Autochtones ont droit à une subsistance convenable -- et cela n'est pas très clair -- c'est là que les négociations entrent en ligne de compte. Nous pouvons dire: «Nous allons vous donner la formation et d'autres choses, mais nous devons faire en sorte que vous suiviez également certains règlements.»

Le sénateur Robertson: Merci, votre réponse est quelque peu utile. Il va falloir continuer à surveiller la situation de très près.

J'ai deux questions qui découlent de notre séance de la semaine dernière avec l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture. À la page 7 de votre déclaration liminaire, vous dites: «Notre vision pour ce secteur consiste à améliorer et à mettre en valeur l'aquaculture pour permettre à l'industrie canadienne de réaliser son plein potentiel et ce, d'une façon durable.» Je ne pense pas que quiconque puisse être en désaccord avec cette vision. Toutefois, pour y parvenir, il va falloir se concentrer sur la santé du stock et le contrôle de la maladie. La semaine dernière, notre témoin nous a dit que le contrôle des maladies du poisson est un problème important qui se pose à l'industrie.

Tout d'abord, pouvez-vous me dire s'il y a suffisamment de vétérinaires compétents dans l'industrie? Deuxièmement, pourrait-on mieux s'arranger pour prévenir la poussée de maladies?

Bien sûr, vous êtes parfaitement au courant de la poussée d'AIS, l'anémie infectieuse du saumon, au large du comté de Charlotte, au Nouveau-Brunswick. Beaucoup s'inquiètent à ce sujet. Peut-être pourriez-vous m'indiquer les mesures que vous pensez prendre à ce sujet.

M. Dhaliwal: Je suis parfaitement au courant de l'infection AIS et des graves problèmes qu'elle pose. Nous devons réagir beaucoup plus rapidement que nous ne l'avons fait dans le passé. La santé des poissons est extrêmement importante et nous devons nous assurer d'avoir un système d'assurance et des systèmes d'inspection pertinents. Dans le domaine de l'aquaculture, le problème provient en partie du fait de la répartition de certaines compétences entre les gouvernements provinciaux et fédéral. Il faut envisager une certaine harmonisation. Il faut également dépenser plus d'argent dans le domaine de la R-D. C'est la raison pour laquelle je demande à mes collègues du Cabinet des ressources supplémentaires pour faire plus de R-D, afin d'avoir un délai de réaction plus rapide et de meilleures normes pour l'industrie et d'essayer de régler les divers problèmes de compétence que nous avons aux niveaux provincial et fédéral.

Avons-nous suffisamment de vétérinaires? Peut-être l'un de mes collègues pourrait-il répondre à cette question. Tout d'abord, cependant, David Bevan veut peut-être faire un commentaire à propos de votre question sur le rachat. Je n'ai peut-être pas toutes les connaissances techniques et il va être en mesure de vous donner des renseignements supplémentaires.

M. David Bevan, directeur général, Direction générale de la gestion des ressources, Pêches et Océans Canada: En ce qui concerne le rachat des permis et du matériel, nous essayons bien sûr d'offrir un véritable accès pour la pêche de ce printemps. Les Autochtones jouissent d'un droit issu de traités en matière d'accès et bien sûr, leur donner un permis ne suffit pas. Ils doivent pouvoir effectivement pêcher. En outre, nous achetons des entreprises entières, ce qui ne correspond pas à un seul permis, mais à un ensemble de permis. Nous achetons également le bateau, car nous ne voulons pas que les permis soient partagés. Si nous achetons un seul permis d'une entreprise, alors qu'elle en a plusieurs, il se peut qu'un de ses bateaux soit visé par un autre groupe de permis; le permis acheté est remis à une bande; il faut alors trouver un bateau. Nous voulons acheter toute l'entreprise -- les bateaux et les permis -- et la mettre à la disposition des Premières nations afin de leur offrir un accès complet sans avoir à prévoir plus de bateaux.

Le sénateur Robertson: Merci, c'est utile.

Mme Iola M. Price, directrice, Direction des sciences de l'aquaculture et des océans, Direction générale des sciences halieutiques et océaniques, Pêches et Océans Canada: D'excellents vétérinaires travaillent dans l'industrie. Certains travaillent pour des sociétés d'aquaculture, d'autres sont à leur compte, comme les vétérinaires spécialisés dans les maladies du chien ou du chat. Il y a également des vétérinaires qui relèvent de chaque ministère provincial des Pêches et de l'Aquaculture. Les provinces peuvent délivrer des licences aux vétérinaires. Le ministère des Pêches et Océans compte parmi son personnel au moins un vétérinaire, si pas deux, ainsi que des diagnosticiens de maladies du poisson qui font des travaux dans nos propres laboratoires et qui sont chargés du règlement sur la protection de la santé des poissons de la Loi sur les pêches. Nous avons des diagnosticiens à tous les niveaux -- privé, provincial et fédéral.

Le sénateur Robertson: Avez-vous réglé le problème des moules? De temps à autre les moules posent un gros problème sur l'Île. Y a-t-il des vétérinaires dans les établissements piscicoles?

Mme Price: Oui. Des vétérinaires sont mis à la disposition de tous les établissements piscicoles, par le secteur privé ou des organisations provinciales. Le MPO apporte également son appui en cas de besoin.

Je ne suis pas sûre de quel problème de moules vous voulez parler, sénateur. Je sais que M. Rideout a fait mention d'un incident qui remonte à 1988. Toutefois, je ne pense pas que c'est ce dont vous voulez parler. Voulez-vous parler des palourdes?

Le sénateur Robertson: Non; je vais chercher plus de renseignements à ce sujet. La semaine dernière, le témoin a abordé la question de l'assurance pour l'industrie de l'aquaculture. Selon lui, un exploitant doit avoir des poissons morts avant de pouvoir obtenir réparation, ce qui est assez étrange. Il suffit de comparer cette approche avec celle adoptée dans le cas d'animaux d'élevage qui tombent malades. Comme nous le savons tous, l'agriculteur est obligé de signaler ces cas. Lorsque le vétérinaire constate que les animaux sont malades, ces derniers sont alors détruits. Pourquoi n'avons-nous pas le même système dans l'aquaculture? Allons-nous avoir un système comparable à celui applicable aux animaux d'élevage?

M. Dhaliwal: C'est une très bonne question, sénateur. En fait, le groupe de travail sur l'aquaculture -- que j'ai coprésidé -- a recommandé entre autres que l'industrie de l'aquaculture puisse tirer avantage de programmes agricoles similaires. C'est un point qu'il faut certainement envisager, je suis tout à fait pour. Nous avons travaillé pour que les programmes de l'agriculture et de l'aquaculture ne soient pas trop différents. Les deux devraient offrir le même genre de possibilités.

Nous n'y sommes pas arrivés encore. C'est certainement un objectif que nous devrions poursuivre afin d'assurer une plus grande stabilité pour l'industrie. Je suis sûr que vous voudrez en faire une recommandation importante de votre rapport. J'espère que vous allez examiner la recommandation du groupe de travail en la matière.

Le sénateur Robertson: Poursuivez vos efforts, car nous allons continuer de poser cette question.

[Français]

Le sénateur Robichaud: M. Bevan a dit qu'en achetant un permis, ils achètent l'entreprise de pêche. Dans mon coin, sur la rivière de Richibouctou, deux communautés autochtones font partie des négociations. Pour cette petite zone dans la grande zone, est-ce que vous privilégieriez l'achat des entreprises locales afin de ne pas avoir une trop grande concentration dans cette zone? On pourrait aller chercher des permis dans la zone du sud. Il y en a maintenant à vendre parce que les dernières saisons n'ont pas été très lucratives.

[Traduction]

M. Dhaliwal: Nous avons voulu examiner l'effet de l'achat d'un permis sur une région précise ainsi que la question de la conservation. C'est pour cela que c'est compliqué. Après tout, comment donner accès aux Premières nations et quel en sera l'impact sur la région en question? C'est la raison pour laquelle nous devons avoir des choix et pouvoir faire preuve de souplesse.

Nous n'allons pas arriver à une solution définitive du jour au lendemain. Le processus va être progressif; ainsi l'impact ne sera pas perturbateur et nous pourrons prendre en compte les effets sur la région locale et faire en sorte que la conservation reste la priorité numéro un.

Le sénateur Meighen: Monsieur le ministre, dans l'un des comités où j'ai le privilège de siéger, le Comité des banques, nous allons parfois à la pêche aux informations; sans vouloir faire de jeu de mots, je dirais qu'il faut que j'aille à la pêche aux informations, étant donné que le sénateur Robertson qui réside à temps plein au Nouveau-Brunswick -- contrairement à moi-même qui passe une partie de mon temps seulement dans le comté de Charlotte -- a posé bien des questions que je voulais poser sur l'aquaculture, sujet sur lequel j'aimerais revenir.

Sans vouloir blâmer qui que ce soit, deux choses me frappent. Tout d'abord, il s'agit de toute évidence d'une industrie extrêmement importante, en pleine croissance. Comme vous l'avez dit dans votre déclaration, elle fournit un apport en protéines à un monde affamé. Lorsque cette industrie a commencé, je me rappelle que l'on disait qu'elle allégerait les pressions exercées sur les stocks de poissons sauvages. Par conséquent, il s'agit à mon avis d'une industrie fort nécessaire que j'appuie personnellement. Au fur et à mesure qu'elle prend de l'expansion, elle pose des problèmes de plus en plus difficiles.

En même temps, je remarque que, tout comme dans le cas de notre réaction à l'affaire Marshall, nous semblons essayer de rattraper le temps perdu. Peut-être était-il impossible de prévoir la décision Marshall. Peut-être était-il prématuré pour vous, pour votre prédécesseur ou pour votre ministère d'attaquer le problème de front et d'entamer de vastes négociations pour arriver à bout de ce problème alors que l'affaire était toujours devant les tribunaux. Néanmoins, nous essayons de rattraper le temps perdu, je crois qu'il est juste de le dire, sans pour autant vouloir tout critiquer. Les sénateurs Robichaud et Robertson ont fait remarquer que la saison est sur le point d'ouvrir.

Deux questions se présentent donc à nous. Permettez-moi d'aborder les effets négatifs de l'aquaculture. J'aimerais savoir où vous en êtes, au Nouveau-Brunswick principalement, étant donné que la compétence provinciale a un grand rôle à jouer à cet égard, à tout le moins sur la côte Est, et savoir aussi si ces questions vous paraissent urgentes.

La question de la viabilité de l'environnement se pose en premier lieu. Je veux parler des déchets des poissons eux-mêmes, des résidus de produits chimiques au fond de la mer qui proviennent d'un excédent de nourriture et de vaccins, ainsi que le fait qu'il devient de plus en plus manifeste que la maladie dont vous avez fait mention se propage des poissons d'élevage aux poissons sauvages. Il est juste de dire, je crois, que cela devient de plus en plus évident. Ne voyez-vous pas une contradiction possible de plus en plus importante entre le mandat du MPO qui consiste à protéger et gérer les poissons sauvages du Canada et la promotion de l'industrie de l'aquaculture? N'y a-t-il pas conflit entre les deux? Si oui, comme je pense que ce doit être le cas dans une certaine mesure, que faisons-nous pour assurer la survie des deux?

J'ai remarqué quelque part que de 300 à 400 millions de dollars -- ce qui me satisfait -- sont affectés à la côte Ouest pour une période de trois à cinq ans en vue de protéger et de revaloriser l'habitat. Comme vous le savez certainement, monsieur le ministre, la protection de l'habitat sur la côte Est est également importante. Je n'ai pas vu d'annonce semblable pour la côte Est. Je me demande si vous pouvez nous dire ce soir quand une annonce du même genre sera faite.

M. Dhaliwal: Sénateur, vos questions sont extrêmement importantes. J'aimerais répondre à votre dernière question pour commencer.

En 1999, le gouvernement actuel s'est engagé à assurer une pêche durable pour le Canada. Dans le cadre du PARPC, nous avons annoncé presque 1,1 milliard de dollars, 750 millions de dollars pour la côte Est, ce qui comprend divers rachats et autres programmes, et 400 millions de dollars pour la côte Ouest. Le programme de la côte Ouest représente 200 millions de dollars de rachats, 100 millions de dollars de revalorisation et mise en valeur de l'habitat et 100 millions de dollars dans divers domaines, y compris le développement communautaire, les engins de pêche plus sélectifs, etc.

Comme vous le voyez, c'est un engagement important de la part du gouvernement qui tient à développer la pêche de l'avenir afin d'en assurer la durabilité sur les deux côtes. Je mets en oeuvre ce PARPC, si bien que des fonds sont investis autant sur la côte Est que sur la côte Ouest du pays pour la revalorisation de l'habitat, le développement communautaire, les rachats -- tous ces domaines. Nous pouvons vous obtenir plus de détails sur la côte Est, si vous préférez, sans que je m'attarde personnellement là dessus.

Le gouvernement s'est engagé à faire les investissements nécessaires pour les poissons sauvages. De mon point de vue, nous ne cherchons pas à ce que l'aquaculture des poissons, au sujet de laquelle vous avez posé vos questions, remplace les stocks de poissons sauvages. Je ne pense pas que ce soit le cas. L'aquaculture s'ajoute aux stocks de poissons sauvages et nous devons continuer à faire les investissements nécessaires et gérer comme il le faut les stocks de poissons sauvages.

L'aquaculture, soit dit en passant, ne s'applique pas uniquement aux poissons, mais aussi aux crustacés et coquillages. On a tendance à penser que l'aquaculture ne vise que les poissons, mais elle va plus loin et est beaucoup plus importante. Les questions que vous avez posées s'appliquent davantage aux poissons.

Oui, les préoccupations environnementales existent. En Colombie-Britannique, comme vous le savez, l'environnement occupe une place extrêmement importante. La province de Colombie-Britannique a fait un long examen -- sur trois à quatre années -- et qui est complet -- des effets des poissons sur l'environnement. Récemment, le moratoire imposé à l'établissement de nouvelles exploitations piscicoles a été levé et on envisage maintenant une stratégie permettant de choisir les bons emplacements, de régler les problèmes de l'industrie dans le domaine de la pollution environnementale; on en est arrivé à la conclusion qu'il s'agit d'une industrie importante et qu'il est possible de régler les questions d'ordre environnemental.

Tous les ministres des Pêches du Canada, des provinces et des territoires ont adopté l'objectif qui consiste à faire du Canada un chef de file mondial de l'aquaculture. Nous voulons nous assurer que l'aquaculture est développée de façon durable. Nous nous sommes engagés à cet effet.

Nous avons un commissaire au développement de l'aquaculture qui travaille sur divers dossiers, comme je l'ai souligné, au niveau du cadre de réglementation et des rapports de travail avec les provinces. Nous avons un groupe de travail de ministres, un conseil national de ministres qui examine la question de l'aquaculture pour savoir comment la faire progresser. Nous devons régler les problèmes de compétence, mais cela doit se faire de façon durable, sinon, nous aurons des problèmes. La province a envisagé des systèmes autonomes et c'est un objectif que nous pouvons poursuivre.

Je crois que nous avons abordé la question fondamentale; nous voulons être un chef de file mondial et nous assurer que l'aquaculture se développe de façon durable. Beaucoup de questions se posent et la propagation des maladies en est une importante. Nous devons faire plus de recherches dans certains de ces domaines pour nous assurer que cela n'aura pas d'effet négatif. Nous n'avons pas encore de réponses à certaines de ces questions; ce sont des hypothèses, et les spécialistes de l'environnement ont présenté toutes sortes de renseignements qui, d'après eux, sont concluants. Ce n'est pas le cas. D'après moi, l'aquaculture de poissons n'est pas là pour remplacer les stocks de poissons sauvages; c'est simplement une autre possibilité de développement économique.

Il y a un autre point important qu'il convient de mentionner -- et cela vaut aussi bien pour la côte Est que pour la côte Ouest -- concernant nos petites collectivités, qui sont très durement touchées. Je sais que cette industrie créera de nombreux débouchés en Colombie-Britannique, des emplois payants, des emplois permanents à long terme. Nous sommes d'avis qu'elle peut être développée de façon durable. Est-ce qu'elle sera totalement respectueuse de l'environnement? Nous avons des papeteries qui doivent respecter certaines normes en matière de rejets d'effluents. Si nous voulions appliquer une politique de tolérance zéro, nous serions obligés de fermer toutes ces usines en Colombie-Britannique.

Les questions liées à l'environnement m'intéressent beaucoup, et nous devons nous y attaquer si nous voulons favoriser le développement de l'industrie. À défaut de cela, il n'y aura pas d'industrie.

Le sénateur Meighen: Merci, monsieur le ministre. Cette réponse est fort utile. J'appuie vos objectifs. Nous sommes sur la même longueur d'onde. J'attache beaucoup d'importance aux questions liées à l'environnement, et il semble y avoir de plus en plus de problèmes de ce côté-là.

Avez-vous dit qu'on avait imposé un moratoire sur la côte Ouest, qui vient à peine d'être levé, sur l'établissement de nouvelles piscicultures? Comptez-vous faire la même chose sur la côte Est?

M. Dhaliwal: Non. En fait, quand j'ai été nommé ministre des Pêches, j'ai encouragé la Colombie-Britannique à lever son moratoire en raison des débouchés qu'offrait l'aquaculture. Elle l'a fait en septembre ou en octobre de l'année dernière, et cherche présentement de nouveaux sites, car elle n'a pas l'intention d'en autoriser l'ouverture partout. Elle compte déplacer certaines piscicultures qui sont plutôt mal situées. Elle veut développer l'industrie. Nous devons collaborer ensemble en vue de trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Par exemple, s'il y a des échappées, nous devons trouver des moyens de les réduire.

Le sénateur Meighen: Ils sont difficiles à capturer.

M. Dhaliwal: Ils semblent rester dans la même zone. Comme ils y trouvent de la nourriture, ils ne se déplacent pas beaucoup, de sorte que nous pouvons intervenir. Nous devons trouver des moyens de corriger le problème. Ce sont là quelques-uns des enjeux importants sur lesquels nous devons nous pencher, tant au palier fédéral que provincial. Voilà pourquoi nous avons créé des groupes de travail, pour venir à bout de certains défis que vous avez mentionnés.

Le sénateur Watt: Pour revenir à l'affaire Marshall, vous avez dit, si j'ai bien compris, que vous essayez de conclure une entente avec les autochtones qui vivent hors des réserves. Il faut absolument trouver un terrain d'entente. Autrement, nous risquons d'avoir des problèmes. Je ne crois pas qu'ils vont accepter la situation sans rien dire. Ils sont prêts à lutter, si j'ai bien compris.

Pour ce qui est des négociations qui ont été entamées avec les deux conseils de bande, j'ai du mal à comprendre ce que vous êtes en train de négocier. Est-ce que ce sont les droits relatifs à la pêche de subsistance, les droits relatifs à la pêche commerciale, ou les deux? Il est important de comprendre la différence entre les deux.

M. Dhaliwal: Ce que nous sommes en train de négocier, c'est une entente provisoire sur le droit de pêche découlant du traité de paix et d'amitié de 1760.

Le sénateur Watt: Vous parlez de pêche de subsistance ou de pêche commerciale?

M. Dhaliwal: Il n'y a rien de défini de ce coté-là. Ils ont droit à une subsistance convenable. Toutefois, la négociation ne portera pas là-dessus parce que la question doit faire l'objet de négociations plus vastes, à long terme, avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord, les droits issus de traités englobant les droits de pêche, de cueillette et de chasse. La cueillette et la chasse ne sont pas de mon ressort. Je suis responsable des droits de pêche. Ce que nous essayons de faire, c'est de conclure une entente provisoire, mais une entente qui ne portera pas atteinte à la solution à long terme que nous devons trouver en vue de respecter le jugement de la cour suprême visant les droits issus de traité.

Le sénateur Watt: Je pense comprendre ce que vous dites, mais j'ai l'impression que vous ne comprenez pas le sens de mes questions. La pêche de subsistance signifie pêcher dans le but de pourvoir à ses besoins. Pas à des fins commerciales.

M. Dhaliwal: Je pensais à la vente du produit.

Le sénateur Watt: C'est ce que je veux savoir.

M. Dhaliwal: Si le poisson capturé sera vendu?

Le sénateur Watt: Ont-ils le droit de vendre le produit qui fait l'objet de négociations? Est-ce qu'ils sont également en train de négocier le droit de pratiquer la pêche de subsistance dans le but de pourvoir à leurs besoins? Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?

M. Dhaliwal: Je n'ai peut-être pas bien compris la question. Cette pêche est pratiquée à des fins commerciales pour qu'ils puissent vendre leur produit, comme le font les autres. Il y a deux types de pêche. Il y en a une qui est pratiquée à des fins de subsistance, sociale et rituelle, ce qui est différent.

Le sénateur Watt: C'est ce que j'appelle une subvention.

M. Dhaliwal: Cette pêche est pratiquée à des fins commerciales, pas seulement à des fins de subsistance, sociale et rituelle.

Le sénateur Watt: Il y a une autre question qui préoccupe beaucoup les habitants de l'Arctique -- le fait que la pêche commerciale dans l'Arctique a presque été détruite du jour au lendemain quand les piscicultures ont vu le jour à l'extrémité sud de l'Arctique. Je fais allusion ici à l'aquaculture. Quand ils ont tenté de lancer le concept il y a quelques années, la pêche commerciale dans l'Arctique a été détruite. Nous ne pouvions pas soutenir la concurrence en raison des coûts de transport et autres facteurs.

Vous avez dit que vous aimeriez protéger les deux -- c'est-à-dire, développer de nouveaux stocks et exploiter les stocks sauvages. Envisage-t-on, à un moment donné, d'entreprendre des discussions sur la façon dont les stocks sauvages peuvent être commercialisés, peut-être comme espèces exotiques ou autres? Voilà un problème qui se pose dans l'Arctique.

Il y en a un autre, et il s'agit de la loi sur la protection des mammifères marins, que vous connaissez sans doute déjà. Il s'agit d'une loi discriminatoire qui a été adoptée par le gouvernement américain. Toutefois, l'Alaska n'est pas visé par cette loi. Je suppose que l'Inuit qui vit en Alaska peut facilement acheter une peau du Canada et ensuite la transporter aux États-Unis. Une fois transformée en produit fini, elle peut être rapportée au Canada parce que les Américains peuvent importer n'importer quoi au Canada. Tout ce secteur offre des débouchés économiques importants.

Les phoques sont tellement nombreux qu'ils constituent nos principaux concurrents. Ils consomment tout le poisson. Si nous voulons reconstituer les stocks sauvages, nous devons commencer à réduire le nombre de phoques. Toutefois, la seule façon dont nous pouvons y arriver, c'est en vendant les produits du phoque à nos voisins. Nous aimerons, monsieur le ministre, que vous nous aidiez à trouver des solutions à ce problème.

M. Dhaliwal: Je vous remercie d'avoir porté ce point à mon attention. C'est une question que les députés qui viennent du Nord abordent souvent. Justement, j'ai rencontré Mickey Cantor, cette semaine, et je lui ai dit, «Les Premières nations et les autochtones ne comprennent pas pourquoi les produits du phoque ne peuvent être exportés chez vous.» Je vais certainement soulever la question avec mes collègues, les ministres du Commerce et des Affaires étrangères, afin de voir ce que nous pouvons faire pour modifier cette loi. Tous les membres du cabinet sont conscients du problème et souhaitent y trouver une solution.

Pour ce qui est des troupeaux de phoques, chaque fois que je me rends à Terre-Neuve, M. John Efford aborde la question avec moi. En fait, j'ai donné suite aux recommandations qu'a formulées le comité de la Chambre des communes. Nous allons créer un groupe d'experts qui aura pour mandat d'examiner la situation et de me soumettre des propositions. Comme vous le savez, c'est une question délicate et controversée. Voilà pourquoi nous avons demandé à un groupe d'experts de se pencher là-dessus et de formuler des recommandations.

Le sénateur Mahovlich: Est-il plus facile de discuter avec les Premières nations ou avec les syndicats?

M. Dhaliwal: C'est ce qui rend ma tâche si difficile.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce qu'ils sont tous les deux conscients du problème qui existe à l'échelle mondiale?

M. Dhaliwal: Je le pense, oui. Sauf que, dans le secteur de la pêche, les gens croient que si quelqu'un d'autre pratique la pêche, leur moyen de subsistance va disparaître. Voilà pourquoi la question est si délicate et explosive. Les gens ont l'impression que leur moyen de subsistance est menacé. Nous avons vu ce qui s'est passé l'année dernière. Nous voulons éviter qu'une telle situation se produise à nouveau; nous voulons faire en sorte que la loi soit respectée. La primauté du droit est très importante. Mon travail consiste à trouver un juste milieu, à communiquer, à sensibiliser les gens aux problèmes qui existent. C'est ce que nous essayons de faire.

Dans le cas des collectivités autochtones, nous essayons de leur fournir des permis existants pour éviter de soumettre la ressource à de nouvelles pressions. Autrement dit, nous donnons aux pêcheurs qui veulent, de leur propre chef, cesser de pratiquer la pêche, la possibilité de prendre leur retraite. C'est ce que nous faisons dans le cadre de la Stratégie sur les pêches autochtones.

Le sénateur Meighen veut savoir pourquoi nous n'avons pas fait plus de progrès. La question est très intéressante. Je fais de la politique depuis 1993 et j'ai appris qu'il est très difficile de prendre des décisions radicales. Imaginez si la cour suprême n'avait pas rendu ce jugement et que nous avions dit aux pêcheurs, «Nous allons leur permettre d'avoir accès à la ressource parce qu'il existe un traité qui date de 1760.» Nous n'aurions pas été en mesure de le faire. Nous n'aurions pas été en mesure de leur donner cet accès ou d'obtenir l'accord des gens. Ils auraient dit, «Pourquoi outrepasser les décisions des tribunaux? Vous n'avez pas le droit de le faire.» C'est ce que nous disent les pêcheurs de la côte Ouest quand ils nous parlent de la Stratégie sur les pêches autochtones. Ils disent que le gouvernement outrepasse les décisions des tribunaux quand il permet aux collectivités autochtones d'avoir accès à la ressource. Pour un ministre, introduire des politiques aussi radicales représenterait un véritable suicide. Toutefois, nous sommes parfois obligés de poser de tels gestes en raison de la primauté du droit. Voilà le problème.

Nous avons eu des discussions avant que le jugement ne soit rendu, mais il fallait l'accord des provinces, du gouvernement fédéral et des autochtones. Les provinces ne voulaient pas participer aux discussions. Elles n'étaient pas prêtes à le faire. Nous avons essayé de résoudre le problème. Nous avons essayé d'inclure les collectivités autochtones, par l'entremise de la Stratégie sur les pêches autochtones et le transfert des allocations. Toutefois, d'un point de vue politique, pas un seul ministre des Pêches n'aurait pris l'initiative de faire ce que les tribunaux nous obligent à faire. Franchement, celui qui aurait essayé de faire une chose pareille aurait été mis à la porte du cabinet. S'il avait dit, «J'ai besoin de tant d'argent pour faire ceci», les membres du cabinet lui auraient répondu, «Dehors.»

Par ailleurs, les tribunaux nous obligent parfois à faire des choses que nous aurions dû faire il y a longtemps. En ce qui concerne les autochtones, ce sont les tribunaux qui forcent les gouvernements à aller de l'avant. Les gouvernements n'ont pas décidé du jour au lendemain qu'il était temps de régler ce problème. Ce sont les tribunaux qui ont dit, «Vous devez agir dans ce dossier.» Voilà pourquoi nous avons pris ces mesures.

Le sénateur Mahovlich: Quand les tribunaux vont-ils se pencher sur le dossier de la chasse aux phoques?

M. Dhaliwal: J'espère que le groupe d'experts va nous soumettre un bon rapport et que nous pourrons trouver des solutions au problème. La question est controversée. Les écologistes vont nous dire, «Non.»

Le sénateur Mahovlich: Si les tribunaux disent «Oui», alors les écologistes ne pourront rien dire.

M. Dhaliwal: C'est exact. Je ne crois pas que la question du total des prises admissibles pour les phoques fasse présentement l'objet d'un examen par les tribunaux, même s'il y a des gens, comme le sénateur Watt, qui soutiennent qu'on devrait réduire le nombre de phoques.

Le sénateur Watt: Oui.

M. Dhaliwal: Le total des prises admissibles est fixé à 275 000. Je ne sais pas si cet objectif a été atteint, parce qu'il n'existe pas de marché pour les produits du phoque. Nous devons en développer un.

Les écologistes vont dire que nous capturons déjà trop de phoques, si l'on tient compte des prises du Groenland. La ressource n'est donc pas durable, nos prises étant trop élevées. Je n'ai pas fait des études scientifiques, mais je ne crois pas que nous puissions jouer avec l'écosystème, le changer.

Le sénateur Watt: Vous devez faire quelque chose maintenant.

M. Dhaliwal: Quand nous changeons l'écosystème, nous créons parfois, sans le vouloir, d'autres problèmes ailleurs. Il ne faut pas perdre cela de vue. La nature n'évolue peut-être pas aussi vite que nous le voulons, mais il faut absolument en préserver l'équilibre. Certaines personnes proposent qu'on procède à un abattage sélectif des phoques. Les phoques se nourrissent de hareng, le hareng se nourrit de larves, et cela a un impact sur la morue. On peut perturber autre chose sans le vouloir, et cela risque de nuire à l'objectif visé. Je n'aime pas l'idée d'essayer de contrôler l'écosystème. Nous devons nous assurer d'avoir des données scientifiques fiables avant de prendre de telles décisions.

Le sénateur Mahovlich: Une catastrophe a frappé le Danube. Le cyanure est en train de tuer tous les poissons. Est-ce que cela pourrait se produire ici au Canada, en Colombie-Britannique, par exemple, avec toutes les industries qu'on trouve là-bas?

M. Dhaliwal: Je ne le crois pas. Ce qui est arrive au Danube est catastrophique. Le cyanure a essentiellement tué le fleuve.

Le sénateur Mahovlich: C'est exact.

M. Dhaliwal: Et personne ne sait combien de temps il faudra attendre avant que la situation revienne à la normale, si elle peut revenir à la normale.

Le sénateur Mahovlich: Il y a eu un problème dans la Miramichi il y a quelques années, mais j'ai entendu dire que tout était rentré dans l'ordre.

M. Dhaliwal: Les pesticides utilisés par les agriculteurs créent certains problèmes. Le secteur de la pêche dans son ensemble est confronté à divers problèmes. Il y a des pesticides dans l'eau. Les municipalités déversent des eaux d'égout dans l'océan. On a tendance à croire que l'océan est très vaste, mais on finit par payer le prix à un moment donné.

Mon mandat consiste, en partie, à protéger nos océans pour les générations futures, car si nous n'avons pas des océans qui sont propres et productifs, la pêche en souffrira. La Colombie-Britannique a constaté, par exemple, que, dans le cas de certaines espèces, le nombre de poissons qui reviennent a diminué. Dans le passé, sur 100 qui migraient vers l'océan, 15 revenaient. Aujourd'hui, dans certains cas, un seul seulement revient. La productivité de nos océans est extrêmement importante. Je dois organiser des discussions à l'échelle nationale et internationale sur la façon dont nous devons protéger nos océans pour les générations futures, parce que si nous ne les protégeons pas, nous aurons de sérieux problèmes.

Le sénateur Johnson: J'aimerais qu'on discute de ma province, le Manitoba, et du problème auquel nous sommes confrontés là-bas, étant donné que le Dakota du Nord veut détourner les eaux du lac Devil afin qu'elles se déversent dans la rivière Rouge et le lac Winnipeg. J'ai passé beaucoup de temps la semaine dernière à l'Institut des eaux douces, à Winnipeg, qui, bien entendu, relève de votre ministère. Il fait de l'excellent travail dans plusieurs domaines.

J'aimerais, pour l'instant, me concentrer là-dessus. Je suis certaine que vous êtes au courant du dossier. Ceux qui vivent au Manitoba et qui se consacrent aux affaires publiques en parlent depuis déjà un bon moment. Le gouverneur Shafer, du Dakota du Nord, nous livre une dure bataille. Il a dit qu'à maintes reprises dans le passé, les biotes se trouvant dans le bassin du lac Devil se sont déplacés vers le Canada. Les scientifiques de l'Institut nous disent que c'est faux, que les eaux du lac n'ont jamais été transférés au Manitoba. Or, c'est ce qu'ils ont maintenant l'intention de faire.

De toute évidence, si vous vérifiez la qualité de l'eau du lac Devils vous vous rendrez compte que les poissons ne peuvent s'y reproduire et que les alevins ne survivent pas. Lorsqu'il laisse entendre que ce biote est une bonne idée pour le Manitoba, cela nous bouleverse, il va sans dire.

Le Dakota du Nord veut également revivifier le lac Devils une fois que son niveau aura été réduit, au moyen du projet de dérivation Garrison à partir de la rivière Missouri. Bien sûr, voilà que resurgit la question des espèces et des maladies présentes dans le bassin du Missouri mais non dans notre lac au Manitoba. Relier la rivière Missouri au bassin de la rivière Rouge et du lac Winnipeg, c'est une bombe écologique à retardement. Je ne crois pas que les gens soient conscients du désastre auquel cela pourrait donner lieu. Nous ne pouvons tout simplement pas courir le risque.

En fait, le président des États-Unis, dans son ordonnance 42 du 3 février dernier, a ordonné à tous les organismes fédéraux de satisfaire aux critères visant à empêcher l'invasion d'espèces indésirables. Il s'est ensuite engagé à empêcher toute nouvelle introduction, exportation, ou transfert interne d'espèces non indigènes et n'autorisera aucun projet de dérivation qui menacerait les eaux canadiennes. Malgré tout, lorsque le ministre Axworthy était à Washington la semaine dernière, je ne crois pas qu'on lui ait donné des apaisements. Faisant fi de l'ordonnance 42, l'État du Dakota du Nord contrevient à l'ordre donné par le président Clinton lui-même.

Quelles pressions le Canada va-t-il exercer maintenant? Avant même le début des travaux de construction, nous aurions dû commander une évaluation environnementale de ce projet et nous devons le faire avant que les travaux se poursuivent. Nous devons anticiper les événements. Pouvez-vous nous aider à cet égard? Disposons-nous au Canada d'une législation sur le transfert du biote et se rapportant aux mesures prises par le président Clinton au moyen de son ordonnance 42?

Je voulais parler de cette histoire du Manitoba aujourd'hui. Certaines des choses dont vous avez parlé en ce qui a trait aux maladies et aux transferts des eaux s'appliquent très pertinemment à toutes les lignes de côte de ce pays. Avec les grands océans de part et d'autres, les gens nous oublient souvent au centre du pays. Nous avons beaucoup d'eau et il se passe beaucoup de choses dont nous devons nous occuper.

M. Dhaliwal: Sénateur Johnson, j'ai prononcé lundi un discours à la 10e Conférence internationale sur les pêches aquatiques nuisibles et la moule zébrée. Des gens du monde entier y ont abordé cette question. Il y a entre autres été question de la rivière Rouge et de l'impact de cette situation sur l'écosystème. J'attends avec impatience de lire les conclusions de leurs délibérations, tout comme vous j'en suis convaincu. C'est très important.

C'est le ministre Axworthy qui s'occupe de ce dossier. J ne m'y connais pas assez pour répondre à votre question. Je suis bien sûr disposé à me renseigner davantage sur les mesures que prend le Canada et sur ce que nous pouvons faire en vertu de la loi. Je suis très inquiet des répercussions que cela aura sur l'écosystème.

Nous avons vu que des espèces nuisibles peuvent modifier l'ensemble de l'écosystème. La moule zébrée en est un bon exemple et la grande lamproie marine, une autre. Nous avons dépensé des millions de dollars dans les Grands Lacs pour venir à bout de la grande lamproie marine étant donné qu'elle risquait de détruire notre pêche sportive si nous n'agissions pas. C'est une question d'une très grande importance. Je vais demander aux gens qui m'accompagnent s'ils peuvent répondre à votre question.

M. Bevan: Nous devrons recommuniquer avec le comité à ce sujet.

M. Dhaliwal: Nous devrons communiquer avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur pour obtenir des précisions, mais je suis bien sûr au courant du problème.

Le sénateur Johnson: Ce qui presse le plus dans ma province, c'est de procéder avant toutes choses à une évaluation des répercussions environnementales. Je vous demande d'exercer des pressions à cet égard et de nous revenir là-dessus. Je sais que le ministre Axworthy s'occupe du dossier, mais l'environnement, l'eau et le poisson de nos océans relèvent de votre ministère. Même le président Clinton s'inquiète. Si nous ne continuons pas à exercer des pressions, notre pays aura de gros problèmes.

M. Dhaliwal: Sénateurs, je serais heureux de revenir n'importe quand.

La séance est levée.


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