Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches
Fascicule 6 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 4 avril 2000
Le comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 18 heures pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Avant de commencer, je tiens à dire aux membres que le ministre était censé arriver ici à 18 heures. Il est cependant en train de voter et sera ici immédiatement après le vote.
Monsieur Leclerc, allez-y, s'il vous plaît.
M. Michel Leclerc, conseiller spécial, Aquaculture, Secteur des politiques, ministère des Pêches et des Océans: J'aimerais vous parler de ce qui a été fait dans l'examen du cadre juridique touchant l'aquaculture, et répondre à vos questions sur le cadre réglementaire régissant l'aquaculture.
[Français]
Trois documents ont été remis au greffier du comité avant cette réunion. On y retrouve une liste des lois et règlements fédéraux et provinciaux qui ont un impact sur l'aquaculture au Canada, une liste des ministères et organismes fédéraux qui ont un rôle à jouer en aquaculture, ainsi qu'une copie de notre déclaration d'ouverture.
[Traduction]
Lorsque M. Yves Bastien a été nommé commissaire au développement de l'aquaculture le 16 décembre 1998, il a fixé trois objectifs. Le premier objectif était d'examiner exhaustivement le cadre juridique en matière d'aquaculture. Le deuxième était d'améliorer la perception publique de l'aquaculture. Le troisième objectif consistait à convaincre le secteur des pêches des avantages de l'aquaculture, et d'une participation plus active dans ce domaine.
L'équipe de l'examen juridique comprend du personnel du Bureau du commissaire au développement de l'aquaculture, ou le BCDA, qui gère le projet, du personnel des services juridiques du MPO, ainsi que d'autres employés des différents secteurs du MPO. D'autres ministères fédéraux qui s'intéressent à l'aquaculture cherchent aussi à trouver des moyens d'améliorer le cadre régissant l'aquaculture.
Deux groupes se sont concentrés sur l'aquaculture. Le premier s'est penché sur des questions réglementaires concernant l'aquaculture, comme la santé du poisson, et le besoin de considérer une approche lorsque le gouvernement ordonne l'élimination de poissons malades. Le deuxième groupe a examiné des règlements environnementaux tels que les articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches. L'article 35 porte sur la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, et l'article 36 interdit le dépôt de substances nocives dans des eaux où vivent des poissons.
Un troisième groupe étudie les liens entre les programmes de protection des eaux navigables et l'aquaculture.
Ces trois groupes rendent compte à un comité directeur de sous-ministres adjoints représentant plusieurs ministères fédéraux.
[Français]
Le cadre juridique de l'aquaculture est beaucoup plus complexe que le grand public pourrait le croire. Uniquement sur la scène fédérale, 17 ministères et organismes fédéraux gèrent des programmes ayant un impact direct sur l'aquaculture au Canada.
En outre, tous les gouvernements provinciaux et territoriaux participent directement à la gestion et au développement de l'industrie. Jusqu'ici l'examen juridique a porté exclusivement sur les lois et les programmes fédéraux. Le Bureau du commissaire n'a pas prévu dans son examen une étude exhaustive des lois et pratiques de gestion provinciale.
L'examen des lois et règlements provinciaux incomberait probablement au groupe de travail fédéral-provincial sur l'aquaculture qui relève du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture.
[Traduction]
La première conclusion que le commissaire a tirée de son examen est que, bien qu'une réglementation soit nécessaire, la plupart des lois actuelles ont été adoptées avant l'établissement et le développement de l'aquaculture. Le cadre réglementaire actuel n'est donc pas tout à fait adéquat pour la gestion de l'industrie de l'aquaculture, et devrait être mis au point. Comme l'aquaculture est touchée par une vingtaine de lois fédérales et encore plus de règlements, une réforme viserait des objectifs assez évidents. Mais cette réforme ne peut pas s'effectuer en un jour.
Le MPO, le Bureau du commissaire et d'autres ministères fédéraux sont en train d'évaluer s'il faut modifier le cadre réglementaire fédéral pour régulariser la situation et, si oui, de quelle façon. Une des options viserait l'élaboration d'une loi fédérale sur l'aquaculture pour soutenir la croissance de l'industrie. Comme Yves Bastien l'a mentionné quand il s'est présenté devant vous, aucune décision n'a encore été prise à cet égard.
Quels que soient les changements qui seront apportés aux règlements fédéraux sur l'aquaculture, ces changements auront pour but de reconnaître la légitimité de l'industrie et de promouvoir sa durabilité, tout en reconnaissant et en respectant d'autres intérêts.
Toutes les provinces et tous les territoires disposent de lois qui influent sur l'aquaculture. Les activités d'aquaculture sont assujetties à la législation et à la réglementation du gouvernement fédéral et de la province ou du territoire où se trouvent les installations d'aquaculture.
Dans la Stratégie fédérale de développement de l'aquaculture, il est clair qu'il faut chercher à rationaliser et uniformiser davantage les cadres réglementaires. Vu les responsabilités que se partagent le gouvernement fédéral et les provinces, nous collaborons avec les provinces dans ce domaine par l'intermédiaire du groupe de travail sur l'aquaculture, qui relève du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture.
Des protocoles d'entente ont aussi été conclus entre le gouvernement fédéral et sept provinces et territoires, soit la Colombie-Britannique, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve et le Yukon. En général, ces protocoles d'entente stipulent que les deux paliers de gouvernement sont responsables conjointement de la R-D. Le gouvernement fédéral assume des responsabilités concernant l'administration des baux et la limitation du risque d'introduction d'une nouvelle maladie du poisson au Canada et de son transfert d'une province à l'autre. Les provinces, pour leur part, sont chargées de délivrer des permis pour les opérations en aquaculture, sauf dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, qui a choisi en 1928 de laisser cette responsabilité au gouvernement fédéral.
[Français]
Mon objectif était de vous donner un bref aperçu de l'environnement juridictionnel de l'industrie. On a voulu décrire l'approche du gouvernement fédéral pour créer un cadre réglementaire plus approprié et plus efficace pour l'aquaculture au Canada.
Le sénateur Robichaud: Vous soulignez que vous avez des protocoles d'entente avec toutes les provinces, excepté l'Île-du-Prince-Édouard. Pouvez-vous nous dire en fait comment les aquaculteurs sont desservis par, d'une part, les provinces à qui le gouvernement fédéral a transféré la responsabilité, et d'autre part, par le fédéral qui a encore la responsabilité à l'Île-du-Prince-Édouard? Est-ce qu'il y a une différence dans la délivrance de permis ou de baux?
M. Leclerc: Le gouvernement fédéral a un protocole signé avec l'Île-du-Prince-Édouard. Ce protocole assigne au gouvernement fédéral l'émission des permis pour que les aquaculteurs puissent opérer leurs sites. C'est unique. Dans toutes les autres provinces, c'est en vertu des lois provinciales que les permis pour les sites d'aquaculture sont émis.
La deuxième partie de votre question touchait aux relations d'affaires des aquaculteurs dans leurs opérations de tous les jours? Ce problème est touché par le commissaire dans sa révision légale. On n'a pas encore reçu les recommandations du commissaire. On sait que c'est un point sur lequel il s'est penché pour faciliter les opérations pour les aquaculteurs qui font affaires avec un grand nombre d'agences fédérales et les gouvernements provinciaux.
Le sénateur Robichaud: On est en train dans ma région de mener une certaine expérience -- plus ou moins un projet-pilote -- d'ensemencement du pétoncle dans le détroit de Northumberland. Vous avez là des gens du Nouveau-Brunswick qui vont récolter la semence du côté du détroit qui est plus près de la province du Nouveau-Brunswick, mais par contre, ils cherchent des endroits pour ensemencer qui seraient peut-être plus près de l'Île-du-Prince-Édouard que du Nouveau-Brunswick ou vice-versa. Est-ce que cela peut poser un problème en ce qui concerne l'autorité que peut permettre ces baux?
M. Leclerc: Ce problème est posé par la double juridiction simultanée. L'autre aspect du problème que vous soulevez, c'est que la récolte des semences est une activité de pêche. Il est vrai que les aquaculteurs ne cueillent pas les naissains, les semences et les oeufs en même temps que les pêcheurs commerciaux. Nous devons résoudre ce cas avec un règlement pour faciliter la vie des aquaculteurs. Cela peut causer des problèmes mais le commissaire y verra lorsqu'il fera ses recommandations au ministre.
Le sénateur Robichaud: Est-ce que la question a déjà été posée?
M. Leclerc: J'en suis certain. Il y a eu de nombreuses consultations avec les aquaculteurs. Je ne me rappelle pas exactement en quelle année. Une étude a été tenue avec un «business impact test» où l'on a demandé aux aquaculteurs quels règlements nuisaient à leur capacité de fonctionner. L'accès aux <#0139>ufs et aux naissains a été un des problèmes soulevé. Je n'ai pas les détails. Le problème que vous soulevez en est un que les aquaculteurs citeraient comme problématique.
[Traduction]
Le sénateur Carney: Lorsque nous avons visité les collectivités côtières la semaine dernière, j'ai été frappée de constater à quel point le développement de l'aquaculture est source de préoccupations là où il y a du poisson sauvage et du saumon migrateur. C'est ce qui est ressorti partout sur la côte. Vous n'avez pas mentionné cette question dans les objectifs du commissaire au développement de l'aquaculture. Tous ces objectifs prônent l'aquaculture. Aucun ne consiste à évaluer si la côte Ouest se prête à l'aquaculture là où le saumon de l'Atlantique côtoie le saumon du Pacifique.
Par exemple, le premier objectif est d'examiner exhaustivement le cadre juridique. Vous faites valoir que le cadre actuel n'est peut-être pas adéquat puisqu'il existait avant le développement de l'aquaculture. Le deuxième objectif est d'améliorer la perception publique de l'aquaculture, soit les relations publiques. Le troisième objectif consiste à convaincre le secteur des pêches des avantages de l'aquaculture et d'une participation plus active, ce qui revient à promouvoir l'aquaculture.
Il n'est question nulle part dans ces objectifs de savoir si on a raison de promouvoir l'aquaculture dans les eaux que fréquente le poisson sauvage migrateur, surtout le saumon. Vous dites dans votre exposé écrit:
Quels que soient les changements qui seront apportés aux règlements fédéraux sur l'aquaculture, ces changements auront pour but de reconnaître la légitimité de l'industrie et de promouvoir sa durabilité...
Ce sont là deux façons de se porter à la défense de cette industrie.
...tout en reconnaissant et en respectant d'autres intérêts.
Pourquoi votre ministère évite-t-il de parler du problème qui pourrait se poser si le saumon de l'Atlantique élevé dans des parcs en filet s'en échappait et s'établissait dans les frayères du saumon sauvage du Pacifique? Pourquoi n'est-ce pas là l'un des objectifs?
Nous avons été stupéfiés par le peu de recherches effectuées et je pense parler au nom du groupe. Nous avons été stupéfaits de constater qu'on fait la promotion de l'aquaculture sans vraiment savoir quel impact elle peut avoir lorsqu'elle est pratiquée dans les eaux propres au saumon du Pacifique. Pouvez-vous nous expliquer cette omission?
M. Leclerc: Il s'agit probablement plus d'une omission dans mon texte que d'une omission de la part du gouvernement lorsqu'il parle de créer un cadre réglementaire approprié pour l'aquaculture.
Le sénateur Carney: Que voulez-vous dire au juste? Vous ne nous avez pas indiqué si le MPO s'était demandé si c'était une bonne idée ou non de faire l'élevage du poisson, quand on pense à tous les problèmes qui peuvent s'ensuivre, dans l'habitat naturel du poisson sauvage. Pouvez-vous répondre à cette question? Pourquoi votre bureau, ou le MPO, ne s'est-il pas penché sur cette question?
M. Leclerc: Au cours de l'examen juridique effectué par le commissaire, il a été question des intérêts environnementaux. En fait, nous nous sommes penchés sur la question de l'emplacement des installations d'aquaculture et du respect d'autres utilisations des ressources aquatiques. En ce qui concerne les oiseaux migrateurs...
Le sénateur Carney: Nous ne parlons pas d'oiseaux migrateurs; nous parlons du poisson, du saumon. Nous parlons de l'élevage du poisson dans des criques qui servent d'habitat sauvage aux poissons sauvages. Nous ne parlons pas d'oiseaux. Je vous demanderais de vous en tenir à la question, s'il vous plaît. Pourquoi votre ministère n'examine-t-il pas l'impact que pourrait avoir l'élevage du saumon de l'Atlantique dans des ruisseaux, des rivières et des eaux océaniques qui servent de frayères au saumon migrateur du Pacifique? C'est bien simple. Vous n'en avez pas du tout parlé dans vos objectifs. Pourquoi?
M. Leclerc: Ce n'est pas une question à laquelle je peux répondre parce que je n'ai pas été mêlé de très près à la gestion des pêches et aux efforts qui ont été faits pour intégrer la prise de décisions à l'aquaculture et à la pêche aux poissons sauvages. Si vous le voulez, je peux obtenir plus de détails à ce sujet et revenir plus tard.
Le sénateur Carney: Tout ce que j'aimerais savoir, c'est si vous êtes au courant de recherches qui peuvent avoir été faites au MPO au sujet de l'impact du poisson d'élevage sur le poisson sauvage, un point c'est tout. C'est une question qui préoccupe les collectivités côtières autochtones et non autochtones.
On était pas mal en faveur de systèmes fermés sur la côte, mais l'inquiétude était grande et presque généralisée à propos de l'emplacement de fermes d'élevage dans des eaux fréquentées par des poissons sauvages menacés par une détérioration de leur habitat, des catastrophes naturelles et les politiques en matière de pêche.
Vous êtes le conseiller spécial en aquaculture du sous-ministre délégué, Secteur des politiques, au MPO. Quelles sont les études qui ont été faites au MPO sur l'impact de l'introduction du saumon de l'Atlantique dans une pêcherie sauvage?
M. Leclerc: Il est regrettable que la directrice de l'Aquaculture et des Sciences océaniques ne soit pas ici ce soir, parce qu'elle aurait pu vous fournir cette information. Ce n'est pas un domaine dans lequel je suis un expert.
Le sénateur Carney: La seule preuve que nous ayons, c'est qu'une étude de 5 000 $ à 10 000 $ a été réalisée par un bureau régional du MPO. Il y a un professeur à l'Université de Victoria qui est en train de faire une étude. Autant que nous sachions, il est la seule personne à faire des études dans ce domaine. Il ne reçoit aucune aide financière du MPO. Nous aimerions savoir s'il y a des études en cours et, dans la négative, pourquoi il n'y en a pas. Pourquoi les trois objectifs du commissaire au développement de l'aquaculture sont-ils axés sur la défense de l'industrie?
M. Leclerc: Deux éléments se rapportent aux objectifs du comité. Je ne veux pas parler au nom du commissaire. Le rôle qu'il joue est un peu celui d'un défenseur. En fait, il a deux rôles: le premier est de promouvoir les intérêts de l'industrie et le deuxième de créer un cadre réglementaire qui tienne compte à la fois des besoins de l'industrie de l'aquaculture et des autres utilisateurs des ressources.
Le sénateur Carney: Ils sont contradictoires. Je vous suggérerais d'examiner la question.
Le président: La directrice générale intérimaire devait comparaître devant nous ce soir. Elle aurait pu répondre à ces questions, j'en suis certain, mais elle a dû s'absenter pour cause de maladie. Nous vous mettons sur la sellette en vous demandant de répondre à des questions qui ne relèvent pas de votre mandat. Nous le savons et nous espérons que vous transmettrez nos questions à la directrice générale intérimaire.
Le sénateur Robertson: Vous vous occupez strictement d'aquaculture?
M. Leclerc: Mon rôle est de donner des conseils au sous-ministre délégué du Secteur des politiques sur des questions touchant les politiques, les lois et les règlements. Je ne suis pas un expert. Je m'y connais de plus en plus, mais je ne suis pas un spécialiste des sciences halieutiques ni des opérations en aquaculture.
Le sénateur Robertson: Nous sommes allés dans l'est, où nous avons rencontré des pêcheurs et des chercheurs. C'était très intéressant. Je me demandais si vous connaissiez l'Association des pêcheurs professionnels de Botsford. La connaissez-vous?
M. Leclerc: Non.
Le sénateur Robertson: Alors, il ne me servirait à rien de vous poser ma question.
Le président: Nous pourrons peut-être la poser au ministre plus tard, ou à la directrice générale.
Le sénateur Robertson: Mon autre question a trait aux changements dans l'administration des pêches de la côte Est. On nous a fait part de certaines préoccupations à ce sujet lorsque nous nous sommes rendus sur la côte Est. Les chercheurs, surtout, qui étaient habitués de travailler avec les bureaux de Halifax et de Moncton, se sont dits touchés par ces changements. J'aimerais savoir de quoi il s'agit au juste.
M. Leclerc: David Bevan, qui comparaîtra avec le ministre plus tard pourrait peut-être répondre à ces questions.
Le sénateur Perrault: Les membres du comité sont unanimes à penser que notre visite sur la côte Ouest la semaine dernière a été utile et fructueuse. Il y a de toute évidence des différences d'opinion importantes entre ceux qui pêchent le saumon sauvage et ceux qui font de l'aquaculture. J'espère que tous les aspects de cette question font l'objet d'études.
Nous avons entendu des témoignages alarmants à propos des maladies dans les parcs d'aquaculture; par contre, des gens nous ont dit aussi que c'est la voie de l'avenir. On nous a donné l'assurance que l'introduction du saumon de l'Atlantique sur la côte Ouest n'avait donné lieu à aucun cas d'infection.
Pour moi qui suis de la Colombie-Britannique -- et je sais que mes collègues de la Colombie-Britannique ici sont tous de mon avis -- il est de la plus haute importance que les bonnes décisions soient prises, et rapidement.
L'industrie de la pêche de la côte Ouest est précieuse. La somme de 100 millions de dollars a été allouée il y a quelques mois à un programme de mise en valeur des salmonidés. Au même moment, les Maritimes ont reçu 700 millions de dollars et plus. Pourquoi une telle disparité entre les producteurs de poisson de la côte Est et ceux de la Colombie-Britannique?
M. Leclerc: Vous me posez encore une fois une question qui a plus à voir avec les sciences. Cependant, j'essaierai d'obtenir les réponses à ces questions, notamment en ce qui concerne les recherches et le financement du programme de mise en valeur.
Le sénateur Perrault: Notre président a reçu une lettre selon laquelle le programme de 100 millions de dollars, annoncé le 19 juin 1998, pour la remise en valeur de l'habitat du poisson sur la côte Ouest faisait partie de la somme de 400 millions de dollars allouée pour reconstituer les ressources, restructurer la pêche et aider les résidents des collectivités de pêcheurs à s'adapter aux changements dans l'industrie. Le même jour, le gouvernement a annoncé l'octroi de la somme de 730 millions de dollars pour la restructuration de l'industrie du poisson de fond dans l'Atlantique. Nos deux industries sont importantes. Nous comprenons tout à fait les difficultés auxquelles les pêcheurs de la côte Est sont confrontés.
Le sénateur Cook: Le troisième objectif d'Yves Bastien est de convaincre le secteur des pêches des avantages de l'aquaculture et d'une participation plus active dans ce domaine. Est-ce que l'aquaculture se heurte à des résistances? N'est-ce pas la voie de l'avenir?
Pouvez-vous m'aider à essayer de comprendre ce que vous essayez de dire ici?
M. Leclerc: Le comité a entendu le témoignage de pêcheurs commerciaux. Leurs craintes ont à voir avec le poisson élevé en pisciculture. Ils ont peur des maladies. Ils éprouvent des craintes pour ce qui est de l'allocation aux sites. Ils ont peur que les aquiculteurs jouissent d'un accès privilégié aux sites marins. L'objectif que vous avez cité est celui du commissaire au développement de l'aquaculture, mais la position du ministère, c'est que nous devons reconnaître tous les utilisateurs des ressources aquatiques. Le troisième objectif que vous avez cité a trait à la défense de l'industrie.
La réponse du ministère serait d'adopter une approche équilibrée des intérêts de toutes les parties. Les objectifs que j'ai mentionnés sont ceux du commissaire au développement de l'aquaculture.
Le sénateur Cook: Oui, mais examinons la question sous un autre angle. Supposons que je sois un pêcheur et que je ne puisse plus pêcher la morue comme je l'ai toujours fait; je cherche une nouvelle façon de tirer ma subsistance de la mer. Avant de pouvoir me lancer dans l'élevage des pétoncles, par exemple, de devenir mytilicultrice, je dois tenir compte des exigences de 17 ministères fédéraux et d'une vingtaine de lois fédérales. C'est tout à fait différent du seul mode de vie que j'ai toujours connu. J'utilise cet exemple pour essayer de savoir si le MPO est sensible à l'incidence que ce genre de choses peut avoir sur les pêcheurs. C'est tellement compliqué alors que ce devrait être simplement un autre moyen de gagner ma vie.
Sur qui les responsabilités reposent-elles?
M. Leclerc: C'est un véritable problème. Nous reconnaissons que la complexité du cadre législatif et réglementaire ne facilite pas la vie des aquaculteurs. Il est probablement très intimidant pour ceux qui cherchent à trouver un autre moyen de gagner leur vie.
On atteindrait plusieurs objectifs différents en remaniant et en rationalisant le cadre législatif. L'approche que vous proposez en disant que ce serait mieux si tout était beaucoup plus simple pourrait être celle que nous choisirons lorsque nous aurons revu le cadre et les responsabilités. Idéalement, la prestation des services devrait être simplifiée et efficace pour tous ceux qui traitent avec le gouvernement. Un aquaculteur aurait à se procurer des permis en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables ou peut-être un permis de pêche en vertu de la Loi sur les pêches. Il faudrait qu'il se conforme à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs pour ce qui est de l'emplacement de sa ferme. Un grand nombre d'exigences réglementaires ont une incidence sur les aquaculteurs de sorte qu'il faudrait certainement que ce soit un objectif pour le ministère.
Le sénateur Cook: Il semble que des millions de dollars soient dépensés, mais sans tenir compte de celui ou celle qui en a besoin, c'est-à-dire le pêcheur, qui est en réalité une personne très simple qui connaît la terre, l'océan et les eaux et qui en fait partie. Nous compliquons une opération très simple; nous ne facilitons la tâche à personne. L'argent est dépensé ailleurs que là où nous voudrions obtenir des résultats.
M. Leclerc: Je ne suis pas certain de bien comprendre votre commentaire. Si vous voulez dire que l'argent devrait servir à aider les pêcheurs à se lancer en aquaculture...
Le sénateur Cook: Si c'est viable -- et je ne suis pas certaine que ce le soit. J'ai l'impression que nous ne nous concentrons pas sur ce que nous aimerions faire, c'est-à-dire offrir aux pêcheurs un autre moyen de gagner leur vie grâce aux ressources de la mer. C'est là mon dilemme.
M. Leclerc: C'est une observation intéressante. Je ne suis pas certain de pouvoir vous offrir une solution pour le moment. J'aimerais bien pouvoir le faire parce que tout le système est très compliqué. Il n'est pas amusant à gérer et j'imagine que ce n'est pas tellement plus drôle à l'autre bout.
Le sénateur Cook: À mon avis, il est tellement compliqué que les pêcheurs de mon coin n'oseront même pas essayer cette nouvelle chose qu'on appelle l'aquaculture. Il y a trop de règlements qui compliquent trop les choses. Nous ne faisons pas en sorte qu'il soit facile pour les pêcheurs de tirer leur subsistance de la mer de cette façon.
Le président: Comme vous pouvez le voir, monsieur Leclerc, nous ne sommes pas tous du même avis.
Le sénateur Mahovlich: La Norvège fait de l'aquaculture depuis plus de 25 ans et a une longueur d'avance sur nous. Les Norvégiens ont adopté une approche très dynamique. Les poissons sauvages leur posent un problème, mais cela ne semble pas les déranger. Ils continuent à faire de l'aquaculture. Est-ce la politique vers laquelle nous tendons? Pour faire concurrence au Chili et à la Norvège, allons-nous oublier nos pêcheries sauvages en Colombie-Britannique, les laisser sans protection et nous lancer en aquaculture?
M. Leclerc: Ce n'est pas la voie que choisirait le ministère des Pêches et des Océans. L'aquaculture est une industrie importante. Elle est en plein essor. Nous devons nous doter du cadre législatif nécessaire pour la soutenir. Nous devons avoir en place les programmes nécessaires à son soutien, mais pas aux dépens des pêcheries sauvages. Le défi ici serait de tenir compte des intérêts des deux parties et de les intégrer à notre gestion.
Le sénateur Mahovlich: Vous allez essayer d'assurer un juste équilibre?
M. Leclerc: Oui.
Le sénateur Mahovlich: Lors de notre passage dans l'Ouest, nous avons constaté que les collectivités souffraient vraiment. Des villages qui vivaient autrefois de la pêche ont dû se tourner davantage vers le tourisme. Les bateaux sont partis. Les vieilles traditions sont déjà en voie de disparition.
Le président: Mesdames et messieurs les sénateurs, le ministre vient d'arriver. Je vais m'interrompre et lui demander de présenter son exposé.
Bienvenue, monsieur Dhaliwal.
L'honorable Herb Dhaliwal, ministre des Pêches et des Océans: Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité pour exposer les travaux importants qu'effectue le ministère des Pêches et des Océans. Nous avons eu une très bonne séance en février et je me réjouis à l'idée de répondre à vos questions dans le cadre de nos échanges sur les enjeux actuels et futurs.
J'aimerais toucher un mot sur deux sujets importants qui intéressent sûrement tous les membres du comité. Le premier concerne l'aquaculture. Tout d'abord, je veux féliciter ce comité pour l'étude qu'il fait de l'aquaculture au Canada. Je crois savoir que vous revenez tout juste d'une semaine intensive d'audiences dans ma belle province de la Colombie-Britannique. Mon personnel vous a accordé son appui à l'occasion de votre passage. Je suis certain maintenant que vous comprenez mon enthousiasme vis-à-vis de ce secteur en pleine effervescence qui connaît actuellement un taux de croissance annuel de 15 p. 100 et qui a le potentiel de devenir encore plus prospère. Vous avez aussi une meilleure vision des défis que j'ai à relever en tant que ministre. Pour que l'aquaculture réalise son plein potentiel, nous devons trouver un juste équilibre entre les développements futurs et la priorité prépondérante de la protection de l'environnement. Le défi du gouvernement, c'est de s'assurer à la fois la confiance de la population et celle de l'industrie. L'aquaculture est certes un secteur en croissance au Canada, mais elle constitue aussi une réussite à un autre niveau.
Le gouvernement fédéral et les provinces travaillent en étroite collaboration avec l'industrie dans toutes les régions du pays afin de planifier, de promouvoir et de développer l'avenir prometteur de l'aquaculture. De fait, le Conseil des ministres des Pêches a adopté, au cours de sa dernière réunion, une résolution visant à faire du Canada un des chefs de file mondiaux dans le développement d'une aquaculture durable. J'espère que je pourrai vous en dire plus long, d'ici quelques mois, sur le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de l'aquaculture.
Le deuxième point sur lequel j'aimerais entretenir les sénateurs aujourd'hui est la question du jugement Marshall. Ce jugement a été l'un des premiers défis que j'ai eu à relever à mon entrée en fonction dans ce portefeuille, l'automne dernier. Je parle de défi parce que, tout en confirmant le droit des Premières nations de pratiquer la pêche commerciale, la Cour suprême a également réaffirmé mon pouvoir de réglementer la pêche pour assurer la conservation et maintenir l'ordre en mer. Comme ministre, j'assume mon rôle pour combiner l'application de ces deux principes.
Je reviens d'un voyage très fructueux sur la côte Est où j'ai pu constater des signes très encourageants d'un état d'esprit positif chez la majorité des membres de l'industrie. Je me suis rendu dans la région de la Miramichi que certains d'entre vous connaissent bien. Je suis allé en Nouvelle-Écosse -- dans la partie sud-ouest et à Halifax. La rencontre que nous avons eue là-bas a été excellente. Cela m'a renforcé dans mes convictions et m'a donné la preuve que par le dialogue nous pouvons résoudre nos différends et contribuer au succès de ce processus.
Par exemple, plus de 1 000 pêcheurs des Maritimes et du Québec se sont dit prêts à céder plus de 4 000 permis que nous pourrons peut-être attribuer à des communautés autochtones, pour nous aider ainsi à composer avec le jugement Marshall. Un tel transfert aurait des retombées positives sous deux aspects. Premièrement, les autochtones pourraient faire leur entrée dans la pêche commerciale et travailler côte à côte avec les pêcheurs non autochtones. Deuxièmement, on n'imposerait aucune pression additionnelle sur les stocks de poisson. Nous avons choisi dès le début la voie de la négociation plutôt que celle de la confrontation et cela commence à donner des résultats positifs.
Le but de ces négociations est d'offrir aux pêcheurs autochtones un accès à la pêche commerciale, des possibilités de formation et de développement économique. J'ai le plaisir d'annoncer que nous avons, jusqu'à aujourd'hui, signé six ententes et conclu huit accords de principe. J'ai confiance que nous parviendrons à conclure des ententes avec la majorité des bandes dans un avenir prochain.
Mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais vous donner plus de détails, mais nous sommes ici en terrain complètement nouveau et il est difficile de prévoir les résultats avec précision. Il y aura peut-être des frictions en cours de route, mais nous allons nous assurer que les pêches seront réglementées comme il se doit et que les impératifs de conservation seront observés. Le respect du droit issu des traités ne peut être assuré que par le dialogue, la négociation et la coopération de tout un chacun. Cela prend du temps, mais il n'y a pas d'autres façons.
Le président: Vous étiez en Nouvelle-Écosse la semaine dernière. Vous vous êtes rendu dans ma propre ville où vous avez rencontré des politiciens fédéraux, provinciaux et municipaux, y compris des conseillers. En tant que président du comité sénatorial des pêches, je me suis senti laissé-pour-compte; j'estime que j'aurais dû être invité à cette réunion dans ma propre ville. Quand il s'agit de traiter de sujets aussi importants, les sénateurs devraient compter autant que les conseillers municipaux.
Deuxièmement, au sujet du jugement Marshall, il me semble que votre personnel vous a assez mal assisté alors que vous veniez tout juste d'entrer en fonctions au ministère, puisqu'il n'y avait aucun plan d'urgence. Heureusement que les groupes de pêcheurs de l'ouest de la Nouvelle-Écosse avaient un statut d'intervenant et qu'ils ont pu demander une clarification à la Cour suprême après qu'elle ait rendu son premier jugement. Elle a donc eu la possibilité de préciser son point de vue et de vous donner une marge de manoeuvre un peu plus grande. Sans cette clarification, vous vous seriez retrouvé dans une situation plutôt délicate. Cette intervention vous a permis de gagner du temps.
Mon dernier commentaire concerne les quotas individuels transférables qui ont fait l'objet l'an dernier d'un rapport de notre comité. Dans ce rapport, nous demandions au ministère de mettre les quotas transférables en veilleuse et d'éviter d'en faire la promotion tant qu'une décision n'aurait pas été prise. Permettez-moi de résumer ce qu'un de vos fonctionnaires a déclaré à l'occasion d'un colloque sur la question, en Australie. Votre fonctionnaire a déclaré que l'apparition et la multiplication des quotas individuels dans les pêches canadiennes ne sont pas le résultat d'une politique nationale officielle visant un tel but. Votre fonctionnaire a déclaré également que bon nombre des avantages découlant des droits de propriété intégrale ont été obtenus sans que la modification des lois visant à autoriser un tel processus n'entraîne de bouleversements.
Tout cela s'est fait sans aucun débat public et les nouvelles politiques n'ont pas été soumises à l'approbation parlementaire. J'aimerais, monsieur le ministre, connaître vos réactions à ces commentaires.
M. Dhaliwal: Je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir fait parvenir une invitation. Vous auriez été le bienvenu. Beaucoup de gens se sont présentés sans invitation et nous les avons accueillis à bras ouverts. Je regrette de ne pas vous avoir envoyé une invitation; si vous étiez venu, nous vous aurions accueilli avec plaisir.
Le président: C'est ce que je ferai la prochaine fois.
M. Dhaliwal: La prochaine fois que nous aurons une réunion dans votre région de Nouvelle-Écosse, nous n'oublierons pas de vous faire parvenir une invitation.
Votre deuxième commentaire se rapporte à un plan d'urgence. Plusieurs personnes ont soulevé cette question au moment des événements. Je venais tout juste de devenir ministre et j'étais en fonctions depuis cinq ou six semaines. C'est toujours difficile de prévoir le contenu d'un jugement de la Cour suprême ainsi que les détails et le libellé de l'arrêt. Je ne suis pas un avocat, mais je sais que chaque mot compte. Si les prédictions avaient été justes, les journaux se seraient empressés de dire que le gouvernement aurait dû être prêt, et cetera. Avant le jugement, cette affaire n'intéressait ni les journalistes ni les politiciens. Ce n'est qu'après la décision que l'affaire est venue sur le tapis. C'est difficile pour un gouvernement et pour un ministère de bâtir des plans en prévision de situations que l'on ne connaît pas avec certitude.
Notre ministère a proposé une stratégie de pêche autochtone visant à intégrer la communauté autochtone. Nous avons fait des tentatives sur les deux côtes. Nous avons racheté des permis par l'intermédiaire du Programme de transfert des allocations. Mais, monsieur le président, nous nous sommes heurtés à une grande résistance. Il y a eu beaucoup de résistance de la part des gens qui nous ont accusés d'augmenter le nombre de pêcheurs. Cela s'est passé sur la côte Ouest. Parfois, les tribunaux nous aident à faire accepter une situation qui est extrêmement difficile sur le plan politique, car elle suscite une grande résistance. Les gens veulent conserver le statu quo.
J'aurais aimé disposer d'un plan. Cependant, il était difficile de prévoir la décision et son libellé, étant donné que le traité avait été signé en 1760. Je pense que personne ne pouvait prédire la décision. Je n'avais rien pu prévoir avant la décision. Ce n'est pas toujours possible.
Quant aux quotas individuels, je vais demander à un de mes fonctionnaires d'en parler, car je ne connais pas cette question dans les détails. Les quotas individuels ont été adoptés en consultation avec l'industrie et non pas imposés par le ministère. Ils ont été instaurés après consultation avec l'industrie qui a joué un rôle important dans le processus. Un des problèmes qui se pose dans le secteur de la pêche, c'est que tous les pêcheurs cherchent à faire le plus grand nombre de prises possible dès l'ouverture de la pêche, pendant six ou huit heures. Tous les pêcheurs essaient d'attraper le plus de poissons possible en même temps. Ce n'est pas une bonne pratique de gestion des pêches que de laisser les pêcheurs attraper le plus de poissons possible dans le laps de temps le plus bref. Voilà également un autre aspect qui est difficile à gérer.
Dans les secteurs où nous avons pu obtenir la collaboration de l'industrie, nous avons adopté un programme de quotas individuels. Il n'est pas nécessaire de pêcher tout son quota en un jour ou une heure. Il n'y a rien qui presse et chaque pêcheur dispose d'un certain temps pour atteindre son quota.
Le sénateur Cook: En tant que Terre-Neuvienne, j'essaie de comprendre ce qu'est l'aquaculture. D'un côté, j'aimerais que l'aquaculture soit une façon pour les pêcheurs de Terre-Neuve qui ont perdu leur emploi de s'intégrer dans la nouvelle économie. Cependant, je commence à comprendre que l'aquaculture ne s'adresse pas vraiment aux pêcheurs comme je le souhaiterais, mais qu'il s'agit plutôt d'une nouvelle industrie dont les compétences se répartissent entre 15 ministères fédéraux et qui fait l'objet de 20 lois fédérales.
Qui peut s'intégrer à cette industrie et gagner honnêtement sa vie? Cela me paraît très compliqué. Je souhaite ardemment que l'aquaculture ouvre des perspectives nouvelles aux pêcheurs qui ne peuvent plus exercer leur activité à cause de moratoires ou pour d'autres raisons.
M. Dhaliwal: Des problèmes de compétence surgissent entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Nous avons mis sur pied un groupe de travail chargé de nous tenir au courant du résultat des discussions lorsque les ministres des Pêches du pays se réunissent pour examiner certains de ces problèmes juridiques. Il y a aussi le commissaire au développement de l'aquaculture qui examine le cadre juridique afin de déterminer quels sont les changements qu'il faudra apporter à la structure législative afin d'éliminer certains obstacles.
En Colombie-Britannique, l'aquaculture connaît une croissance de 10 à 15 p. 100 malgré les obstacles que vous avez évoqués. La province de Colombie-Britannique vient tout juste de lever le moratoire sur le poisson. Depuis une dizaine d'années, l'aquaculture a fait des bonds énormes. L'élevage des coquillages et crustacés est également très prospère.
Au Nouveau-Brunswick, l'aquaculture connaît de très bons résultats. Il y a eu quelques problèmes sur le plan sanitaire, mais, au Nouveau-Brunswick -- je demande à mon personnel de rectifier si je fais erreur --, le chiffre d'affaires des élevages de poisson s'élève à 160 millions de dollars. En Colombie-Britannique, le secteur a connu une énorme expansion depuis plusieurs années.
Nous essayons de régler les problèmes. J'espère que votre comité présentera des recommandations pour nous aider à faire avancer ce dossier et régler les obstacles juridiques. L'industrie obtient de très bons résultats.
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de visiter l'établissement ostréicole Fanny Bay Oysters. Lorsque j'y suis allé, en 1994, la compagnie employait une dizaine de personnes qui travaillaient dans une petite remorque.
Le sénateur Johnson: Où est-ce?
M. Dhaliwal: Dans l'île de Vancouver, près de Courtenay. Lorsque j'y suis retourné quatre ans plus tard, la compagnie était installée dans un immeuble de 10 000 pieds carrés et employait 20 personnes pour le conditionnement des huîtres. Le propriétaire a déclaré qu'il aimerait avoir plus d'espace car il a de la difficulté à répondre aux commandes qui viennent des marchés asiatiques. Il hésite à accepter des commandes, de peur de ne pas pouvoir les honorer. L'élevage des poissons et des coquillages est en pleine expansion.
L'autre secteur prometteur est celui de l'engraissement qui consiste à attraper de jeunes poissons et à les nourrir dans des bassins pour les faire grossir. Lorsque je suis allé au Boston Seafood Show, un des plus grands salons internationaux des fruits de mer, j'ai rencontré des gens qui pratiquaient l'engraissement. Ils m'ont dit que cette activité était très profitable.
On peut citer de nombreuses réussites dans le secteur de l'aquaculture.
Le sénateur Perrault: Notre passage sur la côte Ouest, la semaine dernière, s'est avéré très instructif. Nous sommes allés à Prince Rupert, Port MacNeil et dans beaucoup d'autres localités. Les gens nous ont parlé de leurs grandes appréhensions face à l'avenir.
Au cours d'un témoignage chargé d'émotion, un Canadien autochtone nous a dit qu'ils étaient tous pêcheurs dans sa famille, mais que son garçon n'était encore jamais monté sur un bateau. Je suppose que la tradition va s'éteindre avec lui. Cette communauté craint pour son avenir.
Oui, il est important, vital et nécessaire de protéger les migrations de poissons, mais il faut mettre autant d'énergie dans les programmes destinés à venir en aide à la population que dans les programmes de promotion de l'aquaculture ou de protection du saumon sauvage ou d'autres espèces.
Les efforts qui sont faits dans cette région pour développer l'industrie du tourisme sont utiles. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire avant de voir arriver par milliers des touristes brandissant leurs cartes de crédit.
Nous avons entendu ensuite des points de vue diamétralement opposés concernant le saumon sauvage et le saumon d'élevage. De manière générale, les Autochtones se montrent très prudents. Ils nous ont dit que les établissements d'élevage ne sont pas construits au bon endroit. J'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet. Ils prétendent qu'il faudrait installer les établissements de pisciculture à l'intérieur des terres, comme cela se fait dans certains pays qui ne permettent pas leur installation dans l'eau. Un adepte convaincu dont le comité se souvient certainement, a déclaré que pas un seul cas de transmission d'une infection aux poissons sauvages n'a pu être prouvé.
Le sénateur Meighen: Est-ce que c'était sur la côte Ouest?
Le sénateur Perrault: Monsieur le ministre, le programme ne doit pas se contenter d'encourager la pêche. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
M. Dhaliwal: Je vous félicite pour le travail que vous avez fait dans ce domaine. Vous vous êtes vraiment intéressé à la question. Vous m'avez appelé à plusieurs reprises au sujet de cette question importante.
Le gouvernement fédéral a pris un énorme engagement sur la côte Ouest où nous avons investi 400 millions de dollars dans divers secteurs, notamment dans l'amélioration de l'habitat, le développement communautaire, le rachat de permis sur une base volontaire. Nous avons pris un énorme engagement à l'égard de l'avenir des pêches.
Certaines de nos localités côtières ont souffert l'an dernier du fait que les migrations de saumon rouge ont été beaucoup plus faibles que prévu. La partie sud de la province a connu quelques mauvaises années. Voilà ce qui m'inquiète.
Je considère que l'aquaculture peut compléter la pêche, sans pour autant remplacer la pêche des poissons sauvages. Nous allons nous efforcer de concentrer nos efforts sur l'habitat. Nous avons également réduit la flotte de 50 p. 100 grâce à un programme de rachat volontaire. Par conséquent, la capacité est moins grande. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour préserver les établissements de pisciculture, car ils sont extrêmement importants pour la Colombie-Britannique.
Quant à l'emplacement des piscicultures, c'est une décision qui revient au gouvernement provincial. Depuis que le moratoire a été levé, le gouvernement étudie quel serait l'endroit idéal pour l'implantation de tels établissements. Je sais qu'avant de lever le moratoire, le gouvernement a effectué une étude extrêmement approfondie, pendant trois ans, sur les effets environnementaux de toute une gamme de facteurs. Nous travaillons en collaboration avec leurs représentants pour mettre en place une aquaculture durable. Il ne fait aucun doute que nous devons multiplier les recherches dans certains secteurs. Je cherche par tous les moyens à consacrer plus de fonds à ce secteur.
Nous voulons développer une aquaculture durable tout en tenant compte des préoccupations environnementales. L'aquaculture présente des possibilités extraordinaires pour les communautés locales et côtières. Parmi tous les pays du monde, c'est le Canada qui possède les côtes les plus longues. Nous sommes bordés par trois océans. C'est un atout extraordinaire pour le Canada.
La protection de nos océans est une de mes plus grandes priorités car, en protégeant nos océans, nous protégeons aussi nos ressources halieutiques.
Le sénateur Carney: Ce n'est jamais une bonne idée de contredire un ministre, en particulier s'il vient de Colombie-Britannique. Le moratoire n'a pas été levé, il a simplement été suspendu dans certains endroits, mais il y a des restrictions ailleurs. Je ne voulais pas que mes collègues du comité pensent que l'aquaculture avait carte blanche.
Pendant notre tournée, nous n'avons trouvé trace d'aucune étude de Pêches et Océans au sujet de l'incidence des poissons d'élevage sur le poisson sauvage. On nous a dit à plusieurs reprises que Pêches et Océans était convaincu que les saumons de l'Atlantique ne pouvaient pas s'échapper des établissements de pisciculture, et pourtant, ils le font. On nous a dit que les saumons de l'Atlantique ne pouvaient pas se reproduire dans les cours d'eau côtiers, et pourtant, ils le font. On nous a dit qu'ils ne pouvaient migrer, et pourtant, on en a trouvé en Alaska. Personne n'a fait d'étude pour savoir si le saumon de l'Atlantique pose une menace pour le saumon sauvage. Les établissements de pisciculture sont situés sur les voies migratoires du saumon sauvage. C'est un des problèmes. Et le partage des compétences ne fait que l'aggraver.
Quelles sont les études que vous consacrez aux conséquences que les élevages de poisson -- activité en pleine expansion selon vous -- peuvent avoir sur le poisson sauvage? L'aquaculture est un secteur en pleine expansion. Connaissez-vous des études sur le sujet?
M. Dhaliwal: Les activités de pisciculture existent en Colombie-Britannique depuis quelque temps. Ce n'est pas un secteur qui a vu le jour il y a trois ou quatre ans. La pisciculture existe depuis plusieurs années. Quand on fait de la pisciculture, le risque que certains poissons s'échappent des cages existe bel et bien. Personne ne prétend que c'est impossible. Les tempêtes ou les prédateurs provoquent des dégâts matériels dans les cages. Il y a toutes sortes de façons pour les poissons de s'échapper.
Ces situations sont inévitables, mais nous devons y réagir de la manière appropriée afin de pouvoir minimiser les problèmes lorsque des poissons s'échappent. C'est à ce niveau que nous devons travailler avec le gouvernement provincial afin d'adopter une approche commune à l'égard de ces situations.
Je vais demander à M. Davis de présenter d'autres commentaires.
Le sénateur Carney: Est-ce que des études sont en cours?
M. John Davis, sous-ministre adjoint, Secteur des sciences, ministère des Pêches et des Océans: J'aimerais vous donner d'autres informations.
Le sénateur Carney: Moi, je vous demande de répondre à ma deuxième question. Vous pouvez faire parvenir au comité par la poste les autres informations que vous pouvez avoir.
On consacre beaucoup de temps aux habitats et très peu aux humains. Par le passé, les politiques concernant la pêche ont eu pour conséquence de dévaster les localités côtières et d'entraîner la disparition de la flotte des petites embarcations de pêche. On a assisté à une concentration des permis de pêche dans les secteurs urbains et les localités de pêcheurs. Les communautés autochtones ont perdu leur capacité à pratiquer la pêche commerciale.
Est-ce que vous vous êtes penchés sur les permis communautaires, la toute nouvelle tendance sur la côte? Les localités veulent avoir le droit de répartir elles-mêmes leurs quotas de poisson et d'avoir leur propre flotte de bateaux de pêche. Est-ce que la question de la concentration des entreprises vous pose problème?
M. Dhaliwal: Ce qui me préoccupe, ce sont les répercussions de la pêche sur les localités. J'ai rencontré les pêcheurs de Campbell River. Nous avons mis en place un certain nombre de programmes d'adaptation dont le financement a été augmenté, pour aider les personnes touchées dans les localités côtières. Il y a un programme de départ à la retraite sur une base volontaire. Quant aux permis des localités côtières, c'est toujours une question difficile. On ne peut pas s'isoler dans de petites régions, parce que le poisson se déplace constamment le long de la côte. Il est impossible de gérer des stocks de poisson à l'échelle locale. C'est dans la nature même du poisson de se déplacer le long de la côte. Il est extrêmement difficile de gérer des stocks de poissons à l'échelle locale, mais nous voulons être à l'écoute de ces régions locales. Nous voulons nous pencher sur certaines espèces, mais ce n'est pas une priorité pour nous.
Le président: M. Davis pourra écrire au comité au sujet de la question posée par le sénateur Carney concernant la recherche. C'est important pour le comité.
Le sénateur Meighen: Ma question porte sur la côte Est, que je connais mieux que la côte Ouest. J'aimerais avoir des précisions concernant la question des maladies. Certaines organisations telles que la Fédération du saumon Atlantique ont réalisé des études scientifiques qui prouvent que l'ISA a été transmis par des poissons d'élevage aux poissons sauvages. On a constaté parallèlement une diminution de la population des poissons dans certaines rivières. J'ignore s'il y a une relation de cause à effet directe entre ces deux observations. Il faut bien préciser que les poissons s'échappent en grand nombre. C'est la réalité. D'après les remarques du sénateur Carney, la situation est la même dans le Pacifique.
J'aimerais avoir des renseignements sur les races de saumon de l'Atlantique. On me dit que dans le Maine, qui est tout près du Nouveau-Brunswick, on importe des races de saumon européen. Bien entendu, ces poissons s'échappent eux aussi et se mêlent aux poissons sauvages.
Troisièmement, je sais que le secteur de l'aquaculture fait de gros efforts pour mettre en place une réglementation. Quand pouvons-nous attendre qu'un règlement exige l'installation de sacs autour des cages?
M. Dhaliwal: Un dispositif de vidange autonome?
Le sénateur Meighen: En effet, puisque la pollution est un problème grave.
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous parler du financement? L'aquaculture tient à la fois de l'agriculture et de l'élevage du poisson. Pourquoi ne pas faire participer la SCA? Lors de notre premier voyage, beaucoup de propriétaires d'établissements d'élevage de coquillages et de poissons nous ont dit éprouver de la difficulté à obtenir du financement, en particulier pour le lancement des entreprises. Il faut attendre deux ou trois ans avant que l'argent commence à rentrer. Les poissons ne grandissent pas aussi vite que d'autres animaux. Il faut attendre quelque temps avant que le capital investi produise un certain rendement.
Monsieur le ministre, voilà quelles sont mes préoccupations -- la pollution, les poissons qui s'échappent et le financement.
M. Dhaliwal: Permettez-moi de commencer par la question de la SCA, la Société du crédit agricole. Vous serez content d'apprendre que la SCA finance l'aquaculture -- je crois que 50 millions de dollars lui sont consacrés. C'est le résultat d'un groupe de travail sur l'aquaculture que j'ai présidé et qui a fait enquête dans tout le pays. Une des recommandations que nous avions présentée au premier ministre, c'est que la SCA s'engage dans ce domaine, et elle l'a fait. Un tel financement est désormais disponible et je crois que la SCA consacre 50 millions de dollars à de tels projets.
On peut également obtenir du financement par l'intermédiaire de son agence de développement régional. Plusieurs projets ont été financés de cette manière.
Le secteur de l'aquaculture demande entre autres choses une certaine protection. Vous avez raison de rappeler l'existence des politiques agricoles. L'aquaculture est un secteur analogue, mais il n'existe pas d'assurance. Une des recommandations du groupe de travail était d'offrir le même type de programme au secteur de l'aquaculture.
Le sénateur Meighen: Une assurance-récolte?
M. Dhaliwal: Quelque chose de ce genre. Cela créerait une certaine stabilité et permettrait également aux exploitants de recevoir un certain financement. Cela contribuerait à une certaine stabilité et l'assurance permettrait de pallier à certains risques. J'espère que le comité présentera des recommandations à ce sujet. Je suis en faveur de certaines améliorations dans ce domaine. Cela pourrait être important pour l'industrie.
M. Davis: Nous partageons vos préoccupations et nous souhaitons poursuivre les recherches en ce qui a trait aux poissons qui s'échappent et aux maladies. C'est une question importante pour nous.
Sur la côte du Pacifique, nous avons mis en place un programme concernant le saumon de l'Atlantique dont je ferai parvenir les résultats au sénateur Carney. Nous avons mis en place un programme de surveillance du saumon de l'Atlantique. Nous avons examiné les caractères génétiques et le comportement du saumon du Pacifique et du saumon de l'Atlantique et nous avons tenté d'étudier les résultats d'éventuels croisements.
Dans le cas du saumon de l'Atlantique, la solution consiste à le placer dans des cages de meilleure conception, de manière à réduire le nombre de poissons qui s'échappent. On s'intéresse beaucoup aux systèmes autonomes. Cependant, leur rentabilité n'a pas encore été prouvée et nous étudions actuellement quels sont les systèmes disponibles dans l'industrie ainsi que dans les autres pays, dans l'espoir de proposer des innovations dans ce secteur.
Le sénateur Meighen: Pourriez-vous également faire parvenir au comité un rapport sur l'importation de saumon européen aux États-Unis? Je pense que ces importations ne sont pas autorisées au Canada, mais les Américains importent des poissons de race européenne.
Le sénateur Robertson: Vous avez mentionné 4 000 permis rachetés de pêcheurs des Maritimes et du Québec cessant leurs activités. Combien de permis existe-t-il au total -- 4 000 par rapport à combien?
M. Dhaliwal: Les permis se comptent par dizaines de milliers. Je ne peux pas vous en donner le nombre exact, mais je peux vous l'obtenir. À chaque espèce correspond un permis.
Le sénateur Robertson: Je ne savais pas qu'il y en avait autant.
Avez-vous entendu parler de l'Association des pêcheurs professionnels de Botsford?
M. Dhaliwal: Non.
Le sénateur Robertson: Botsford se trouve sur la côte Est, à 40 ou 50 milles de Shediac. Si la proposition concernant le complexe de pêche présenté par l'Association des pêcheurs professionnels de Botsford est approuvée, les gouvernements fédéral et provincial fourniront l'espace nécessaire pour l'installation de l'établissement d'aquaculture dans le détroit de Northumberland.
De quoi dépend la décision concernant le complexe? Dans combien de temps la décision sera-t-elle rendue? Où en est actuellement ce dossier?
Ma dernière question est la suivante: quelqu'un pourrait-il m'expliquer en quoi consiste la restructuration des pêches sur la côte Est? J'ai reçu beaucoup de plaintes à ce sujet, en particulier du secteur de la recherche.
M. Dhaliwal: En ce qui a trait au projet que vous avez évoqué, je devrai communiquer avec vous plus tard.
Quant à la restructuration du secteur des pêches de la côte Est, notre gouvernement a investi 1,1 milliard de dollars dans la restructuration. Sur ce montant, 400 millions ont été consacrés à la côte Ouest et 700 millions à la côte Est. La restructuration a consisté à racheter les permis dans les endroits où il y avait une surcapacité, de manière à résoudre ce problème. Il y avait aussi des programmes de formation. Nous prenons de nombreuses mesures pour faire en sorte que le secteur de la pêche soit à l'avenir un secteur durable. C'est un gros engagement de notre part.
Par-dessus tout ça viennent se greffer d'autres programmes tels que LSPA-1 et LSPA-2, PARPMN et d'autres programmes mis en place au moment de la crise de la morue. Le gouvernement conservateur avait consacré des fonds à cette question et par la suite nous avons créé le programme LSPA. Il y a eu d'importants investissements dans plusieurs secteurs des pêches de la côte Est, mais notre plus grand investissement, une somme de plus de 700 millions de dollars, vise à établir un secteur de la pêche durable.
Le sénateur Robertson: Je connais les chiffres, mais je me demande pourquoi la restructuration a occasionné le fractionnement des efforts de coordination et de coopération dans la région de l'Atlantique. Que peut-on faire pour s'assurer que les établissements de recherche travaillent en collaboration?
M. Dhaliwal: Nous avons d'excellents établissements de recherche. J'ai eu l'occasion d'en visiter quelques-uns. La R-D est un des secteurs que nous devons renforcer. De fait, le dernier budget m'a accordé plus de ressources. J'annoncerai en temps et lieu les projets que j'ai l'intention de mettre sur pied. Il y aura plus de fonds pour la R-D. J'aurai des bonnes nouvelles pour la région de l'Atlantique et la côte Ouest.
Comme vous le savez, j'ai annoncé il y a deux semaines l'injection de 13 millions de dollars dans l'application des politiques de conservation. Cette annonce a été très bien accueillie. En effet, c'est une question qui avait été soulevée à de nombreuses occasions. Ces deux annonces seront de très bonnes nouvelles pour l'industrie de la pêche.
Le sénateur Johnson: Premièrement, avez-vous l'intention de vous rendre au Manitoba dans un proche avenir pour examiner sur place la question du détournement du Devils Lake? Nous en avons discuté, vous et moi, à notre dernière rencontre. Vous m'avez fourni certaines réponses au sujet du biote et de l'étude environnementale sur laquelle nous essayons d'insister dans cette province. Pour ce qui est du biote, vous parlez surtout de la loi fédérale sur les espèces aquatiques nuisibles, qui est une loi américaine. J'en conclus que nous n'avons pas de loi de ce genre au Canada. Vous dites que certaines provinces prennent leur temps pour établir une politique dans ce domaine. Qu'est-ce que le Canada compte faire à ce sujet-là? Il me semble que nous ne devrions pas nous servir des lois américaines. Vous n'insistez toujours pas sur la nécessité d'examiner les retombées économiques. Vous dites que c'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui pilote le dossier du biote. Il y a deux jours, le gouverneur disait: «Nous tenons toujours à ce détournement, mais faites-nous confiance. Nous allons agir dans les meilleurs intérêts de votre pays.» Je ne peux pas croire que nous allons permettre ce genre de chose au Canada.
Le décret qu'a pris Clinton il y a quelques mois n'est pas une loi. Il précise que les deux pays ne veulent pas verser du biote nuisible dans leurs réseaux hydrographiques mutuels, mais il ne prévoit aucun moyen de les en empêcher. Il n'y a personne, ni d'un côté ni de l'autre, qui fait quoi que ce soit à ce sujet-là. Et, pendant ce temps-là, le Dakota du Nord continue de déverser de l'eau dans le réseau hydrographique du Manitoba, ou en tout cas il a l'intention d'y détourner de l'eau. Nous ne pouvons pas permettre ce précédent. Ce serait catastrophique pour le lac Winnipeg, qui est déjà fragile. La Commission mixte internationale doit déposer le 17 avril son rapport concernant les effets de l'inondation de 1997 sur ce lac. Il s'agit d'un lac fragile, d'un écosystème délicat, et pourtant, nous ne réussissons pas à obtenir le soutien du gouvernement pour le protéger.
Envisageriez-vous de venir nous voir? Nous voulons amener une délégation à Washington.
Personne ne vient jamais voir en quoi consiste notre problème. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire. Le gouvernement ne fait pas le nécessaire pour faire pression sur Washington et sur le président des États-Unis afin de les amener à mettre fin à ce déversement d'eau dans le lac Winnipeg.
M. Dhaliwal: Vous m'avez parlé de cette question la dernière fois, et je vous ai répondu. C'est le MAECI qui pilote ce dossier. Nous ne jouons qu'un rôle de soutien. Ce n'est pas un dossier auquel je consacre beaucoup de temps parce que c'est l'autre ministère qui a le premier rôle; mais nous travaillons avec lui.
Premièrement, il n'y aura aucun détournement tant qu'il n'y aura pas eu d'évaluation environnementale complète. Deuxièmement, je pense que le Canada a eu l'occasion de discuter de cette question avec la Commission mixte internationale.
Je ne joue pas un rôle de premier plan dans ce dossier. Nous n'avons qu'un rôle de soutien. C'est le ministre Lloyd Axworthy qui s'en occupe. Mais je peux vous assurer que je vais lui fournir tout ce dont il a besoin pour régler la question de manière efficace pour le Canada.
Le sénateur Johnson: Donc, c'est avec le ministre Axworthy que nous devrions aborder cette question, n'est-ce pas?
M. Dhaliwal: C'est lui qui est responsable du dossier; il sera donc mieux placé que moi pour vous informer des détails. Nous allons toutefois lui offrir tout le soutien qu'il nous demandera.
Le sénateur Johnson: Pourquoi le gouvernement du Canada est-il aussi réticent à réclamer une évaluation des incidences environnementales?
M. Dhaliwal: Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour communiquer avec le MAECI.
Le sénateur Mahovlich: Les Américains, et en particulier le gouverneur du Dakota du Nord, disent que leur problème s'arrête à la frontière.
Le sénateur Johnson: Nous devrions peut-être inviter le ministre Axworthy à venir discuter de cette question.
Le président: C'est ce que nous allons faire.
Le sénateur Mahovlich: Au sujet de l'aquaculture, il y a déjà eu un élevage de coquillages en Colombie-Britannique.
M. Dhaliwal: Oui.
Le sénateur Mahovlich: Il a fait faillite. Il n'est plus là, mais on m'a dit que les propriétaires n'avaient pas nettoyé leurs dégâts, qu'ils avaient tout laissé en plan et que les installations étaient toujours là.
Allons-nous nettoyer ce secteur ou tout simplement laisser les choses dans l'état où elles sont?
M. Dhaliwal: Je ne sais pas exactement où se trouve ce site. Il arrive que les sites se déplacent; parfois, à cause des courants, ils ne sont pas bien placés. Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, qui délivre les permis et décide des emplacements, examine actuellement les endroits où se trouvent ces sites.
Je n'ai cependant aucun renseignement sur le site dont vous parlez, monsieur le sénateur.
Le sénateur Mahovlich: La règle, en Norvège, était que les piscicultures devaient être à une certaine distance des rivières, peut-être à une vingtaine de milles, et aussi des autres entreprises du même genre. Notre côte est plus longue que celle de la Norvège, mais nos piscicultures ne sont pas tellement loin les unes des autres.
Y a-t-il des mesures en place au Canada à ce sujet-là?
M. Dhaliwal: Vous avez mis en plein dans le mille. Une des choses qu'il nous faut, c'est une stratégie d'aquaculture élaborée par les gouvernements fédéral et provinciaux. C'est une des questions dont s'occupe actuellement notre Conseil des ministres des Pêches, qui regroupe les ministres des Pêches de tout le Canada. Il y a un groupe de travail intergouvernemental qui se penche sur toute la question de l'aquaculture. J'aimerais bien que nous élaborions une stratégie touchant l'emplacement des piscicultures. Il y a des communautés qui ne s'intéressent pas à l'aquaculture; nous ne devrions donc pas implanter les piscicultures à ces endroits-là. Si nous n'avons pas l'appui de la communauté, nous ne devrions pas y favoriser l'aquaculture. Il nous faut une stratégie pour déterminer ce genre de choses.
Le sénateur Mahovlich: Monsieur Davis, les autochtones ont l'impression que les données scientifiques vont à l'encontre de leurs croyances spirituelles. Est-ce que vous partagez ces croyances?
M. Davis: Je ne dirais pas que les données scientifiques vont à l'encontre de leurs croyances spirituelles. Il y a énormément de controverse et d'inquiétude au sujet des incidences de l'aquaculture. Certaines Premières nations ont fait des commentaires parce qu'il se faisait de l'aquaculture dans leurs territoires traditionnels; cela nous ramène à certaines des questions que le ministre a soulevées. Nous devons établir un dialogue au sujet de l'emplacement de ces installations. Nous devons consulter les Premières nations et obtenir la participation de leurs communautés. Cela devrait aider à calmer leurs craintes.
Le sénateur Mahovlich: Saviez-vous qu'il y a une demande pour la pieuvre? Il y a une dame à Prince Rupert qui a hâte d'en commencer la production. Elle attend que votre ministère fasse une étude à ce sujet-là. Mais il ne se passe rien. Je n'ai pas mes notes; je ne peux donc pas vous dire son nom, ni celui de son entreprise.
M. Dhaliwal: Nous examinons actuellement un certain nombre de projets. C'en est peut-être un. Par exemple, il y a quelqu'un qui s'intéresse à l'élevage du tilapia sur la terre ferme. L'aquaculture terrestre n'existe pas au Canada. Quelqu'un a suggéré cette option. J'aimerais mettre davantage l'accent sur les nouvelles pêches, sur les nouvelles espèces que nous pourrions exploiter. Nous avons trop souvent des oeillères; nous ne pensons qu'aux espèces existantes. Il faut examiner les autres possibilités. Par exemple, sur la côte Ouest, il y a le panopéa du Pacifique. Personne ne s'était jamais intéressé à cette espèce jusqu'ici; et, tout à coup, elle connaît un important succès commercial.
En tant que ministre, je veux examiner les perspectives économiques liées à l'exploitation de nouvelles espèces. Nous n'avons pas prêté attention aux nouvelles possibilités; nous nous contentons des secteurs déjà établis. L'exemple que vous citez porte sur un autre secteur que nous devons examiner. Nous devons nous demander quelles sont les nouvelles espèces que nous pourrions exploiter, par exemple le panopéa du Pacifique, pour donner plus d'options aux communautés côtières. Il pourrait y avoir bien des possibilités en ce sens.
Le président: Le panopéa est une sorte de palourde.
Le sénateur Mahovlich: Je recommande qu'on le rebaptise.
Le sénateur Perry Poirier: Vous étiez à Shediac, et pourtant vous n'avez pas traversé la mare -- vous n'êtes pas allé à l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Dhaliwal: Il y avait des élections là-bas.
Le sénateur Perry Poirier: Il y en a qui s'en viennent. Est-ce que cela aurait changé quoi que ce soit? Il y a 700 millions de dollars alloués aux Maritimes. Sur cette somme, quelle est la part qui doit aller à l'Île-du-Prince-Édouard, pour les pêches?
M. Dhaliwal: Il faudra que je trouve ce renseignement et que je vous revienne à ce sujet-là.
Le sénateur Perry Poirier: Chez nous, les gens disent qu'ils vont aller pêcher dès l'ouverture de la saison, quoi qu'il arrive. Allez-vous envoyer l'armée?
M. Dhaliwal: J'espère que non.
Le sénateur Perry Poirier: Ils disent qu'ils vont aller pêcher.
M. Dhaliwal: J'aurais bien aimé visiter l'île. J'avais hâte d'y aller. Mais on m'a dit que, par simple courtoisie, je ne devais pas faire d'annonces en période électorale. Je vais y retourner. J'y suis déjà allé bien des fois depuis que je suis ministre des Pêches.
Par ailleurs, je suppose que votre deuxième question se rapporte à l'arrêt Marshall. Vous serez sans doute heureux d'apprendre que nous sommes en train de nous entendre avec les deux bandes de l'Île-du-Prince-Édouard: la bande Abegweit et la bande Lennox. Nous avons signé une entente provisoire avec la bande Abegweit, et la bande Lennox en a approuvé une. Je ne suis pas sûr qu'elle l'ait signée, mais j'ai rencontré le chef Sark; il va la soumettre à sa communauté. On me dit qu'il a le plein appui de sa communauté pour signer une entente et aller de l'avant.
Le sénateur Perry Poirier: Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire.
M. Dhaliwal: À ce que je sache, les choses se sont très bien passées. Je dois d'ailleurs souligner que c'est en grande partie grâce à ce qu'ont fait les pêcheurs commerciaux et Rory McLellan pour essayer de rapprocher les communautés touchées. Ils ont rencontré les communautés autochtones dès le premier jour pour essayer d'en arriver à une solution satisfaisante pour tout le monde. J'ai été en contact constant avec eux pendant longtemps. Nous avons signé six ententes. Nous avons aussi conclu sept ententes de principe, et j'espère pouvoir faire cette semaine des annonces à ce sujet-là. Les choses commencent à bouger.
Il y aura certainement des communautés qui ne voudront pas signer parce qu'elles croient fondamentalement que je n'ai pas compétence pour m'occuper de ces questions. Mais la Cour suprême a dit le contraire. J'ai le pouvoir de prendre des règlements et de veiller à la conservation des espèces. La cour l'a dit dans son premier arrêt, et elle l'a précisé de nouveau pour les gens qui n'avaient pas bien compris du premier coup. J'ai dit que nous aurions des pêches bien réglementées et que tout se déroulerait dans l'ordre, et je vais m'en assurer.
En même temps, nous voulons être certains de respecter intégralement le jugement de la Cour suprême; il faut que les communautés autochtones puissent bénéficier de ce traité. Nous travaillons avec toutes ces communautés, pour faire en sorte qu'elle puissent vraiment bénéficier de ce droit issu des traités et signer des ententes provisoires d'un an dans le but de nous assurer que nous aurons la paix sur l'eau et que les communautés pourront travailler ensemble. C'est une question très complexe. Nous avons 34 bandes; ce ne sera pas facile. Il y aura sûrement des périodes difficiles, mais je peux vous assurer que nous faisons tout ce que nous pouvons. Le dossier est sur le dessus de la pile, sur mon bureau, tout en haut de ma liste de priorités.
Le sénateur Perry Poirier: Nous sommes allés en Colombie-Britannique la semaine dernière. Vous avez mentionné quelque chose à propos de la cession volontaire de permis, mais il y a des gens, là-bas, qui semblent penser que ce n'était pas vraiment volontaire. Ils m'ont dit qu'ils avaient été forcés de vendre leurs permis parce qu'ils devaient de l'argent aux banques, par exemple; ils ont dû le faire pour éviter la faillite. C'est un des commentaires que j'ai entendus.
M. Dhaliwal: Notre programme ne les a pas obligés. Mais je comprends que certaines personnes se soient trouvées dans une situation financière difficile. Nous avons offert aux gens qui le désiraient de se retirer de l'industrie s'ils jugeaient que l'avenir y était bouché. Ils avaient la possibilité de soumettre des propositions, et nous avons accepté les meilleures. Nous leur avons offert de leur racheter leurs permis s'ils voulaient se retirer de l'industrie. Beaucoup de ces permis avaient été accordés pour des sommes minimes; il y a donc bien des gens qui ont pu tirer profit de cette occasion offerte aux pêcheurs.
[Français]
Le sénateur Robichaud: J'aimerais vous parler d'aquaculture. Je crois qu'il y a un énorme potentiel à exploiter dans le domaine de l'ensemencement. Vous allez certainement en entendre parler beaucoup plus à l'avenir. Mais la décision Marshall et votre visite au Nouveau-Brunswick m'incitent à vous demander vos commentaires sur cette visite. Je vous remercie et je vous félicite d'être venu dans la région rencontrer les communautés qui s'inquiètent beaucoup de la portée de cette décision avec l'ouverture des saisons de pêche.
La clarification de la Cour suprême a bien dit que vous aviez le droit de réglementer la pêche. Est-ce que cette réglementation que vous pouvez mettre en place s'appliquera à la pêche de substance? Je crois que le problème n'est pas l'accès des autochtones à la pêche commerciale.Vous l'avez dit, les pêcheurs sont prêts à partager cette ressource en autant que ce soit fait d'une façon réglementée. La pêche de subsistance chez nous pourrait commencer puisqu'il n'y a plus de glace sur la rivière et sur le détroit. Vous avez annoncé que vous aviez des fonds pour la protection et la surveillance. De quelle façon est-ce que cela va fonctionner? Les communautés sentent le besoin d'être rassurées.
[Traduction]
M. Dhaliwal: Je suis désolé que vous n'ayez pas été invité à ces rencontres. Vous n'êtes pas le seul.
Le sénateur Robichaud: J'ai reçu une invitation générale.
M. Dhaliwal: C'est une question très importante. Vous parlez du poisson de subsistance, consommé pendant certaines cérémonies. C'est une question découlant de l'arrêt Sparrow, en Colombie-Britannique, qui permettait de pêcher à des fins sociales et rituelles.
Le sénateur Robichaud: Ce poisson ne doit pas être vendu.
M. Dhaliwal: C'est exact. Nous avons eu des projets pilotes en Colombie-Britannique, mais ils sont réévalués chaque année. Il faut préciser très clairement que l'arrêt Sparrow accordait déjà aux autochtones le droit de pêcher à des fins sociales et rituelles. Cela se fait déjà; ce n'est pas nouveau. Ce n'est pas une conséquence de l'arrêt Marshall. C'est un droit de pêche qui existe déjà.
C'est la loi. Je ne peux pas changer la loi interprétée par la Cour suprême. Mais, dans le cadre des négociations, si certaines bandes jugent important de convertir ce droit en droit de pêche commerciale à la suite de l'arrêt Marshall, c'est-à-dire si elles veulent pouvoir faire ce genre de pêche pendant la saison régulière, notre représentant fédéral leur en parlera quand il les rencontrera une par une. Il examinera s'il est possible de transformer ce droit en droit de pêche commerciale. Ce que dit l'arrêt Sparrow, c'est que les bandes ont déjà ce droit en vertu de la loi existante; beaucoup d'entre elles disent qu'elles ne veulent pas y renoncer. C'est très important pour elles. Elles veulent continuer de pratiquer une pêche de subsistance.
Il y a des limites. Il faut établir des limites de quantité, parce que c'est une pêche de subsistance. Ce sont des limites que nous négocions. Il est important de nous assurer qu'il s'agit vraiment d'une pêche de subsistance et que c'est raisonnable. En définitive, ce sont les communautés des Premières nations qui vont prendre cette décision à la table de négociations, avec notre représentant fédéral.
À titre de ministre des Pêches, mon travail serait beaucoup plus facile si nous avions seulement une pêche commerciale et que nous y devrions intégrer cela. Mais je dois veiller à ce que la loi et l'arrêt Sparrow soient respectés, et je vais le faire.
Le sénateur Robichaud: Il y aura quand même des règlements. Personne ne pourra pêcher autant qu'il le voudra?
M. Dhaliwal: C'est réglementé parce que nous fixons le nombre de casiers. Nous l'avons toujours fait. La pêche de subsistance est limitée elle aussi, en ce qui concerne le nombre de casiers pouvant être installés. Cela se faisait déjà avant l'arrêt Marshall. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Même en Colombie-Britannique, nous disons chaque année, en fonction de l'abondance du poisson: «Vous allez avoir droit à une certaine quantité de poisson.» C'est ce qu'on appelle le total autorisé des captures, ou TAC. C'est la quantité autorisée, qui est négociée chaque année en fonction de l'abondance du poisson.
En vertu de l'arrêt Sparrow, c'est un droit prioritaire. Il vient tout de suite après la conservation. Après la conservation des espèces, le droit à la pêche de subsistance est l'élément le plus important. Et l'arrêt Marshall en fait maintenant un droit constitutionnel parce que les peuples autochtones sont protégés par la Constitution; nous devons donc garder cela à l'esprit quand nous parlons des pêches autochtones et de leur intégration.
Votre observation est intéressante, et nous en tenons compte. Comment pouvons-nous nous assurer qu'une pêche de subsistance est raisonnable et qu'elle ne dépasse pas le but visé?
Le sénateur Carney: Les Canadiens s'inquiètent de ce qu'ils mangent de nos jours. Une des choses que j'ai été étonnée d'apprendre au cours de notre dernier voyage, c'est qu'on met de la teinture pour colorer le poisson dans les pastilles de nourriture utilisées dans les piscicultures. Ces pastilles contiennent évidemment du poisson sauvage. On nous a montré une palette; les Japonais peuvent choisir du rouge, par exemple, parce que le saumon sockeye est rouge, ou n'importe quelle autre couleur pour teindre leur poisson. Cette teinture est mélangée aux autres produits de poisson qui servent à nourrir les poissons d'élevage.
Ce qui soulève la question de l'étiquetage. Il me semble que, si je risque de manger du saumon teint, je devrais pouvoir déterminer, en regardant la boîte, qu'elle contient du poisson d'élevage; cela devrait être indiqué. Dans le cas des aliments pour animaux familiers, je n'ai qu'à regarder sur la boîte pour savoir si la nourriture contient de la teinture. Il me semble que nous devrions être en mesure de savoir, simplement en regardant une boîte de poisson en conserve, si elle contient de la teinture. Seriez-vous prêt à appuyer ce genre d'étiquetage?
M. Dhaliwal: Les Canadiens sont en général très conscients de ce qu'ils mangent, tout comme ma femme, mes enfants et moi. Nous devons en savoir davantage sur ce que nous mangeons afin de pouvoir faire des choix. Je n'ai rien contre un étiquetage aussi détaillé, mais cela ne relève pas de mon mandat; ce n'est pas de mon ressort. C'est au ministre de l'Agriculture et à l'Agence canadienne d'inspection des aliments qu'il appartient de décider de l'étiquetage, en collaboration avec Santé Canada. Mais je serais prêt à appuyer un étiquetage détaillé.
Le sénateur Carney: Dans le cadre de votre examen de la réglementation relative à l'aquaculture, qui découle de 17 lois et touche 20 organismes gouvernementaux, je vous serais reconnaissante de transmettre cette préoccupation.
Sur un autre point, vous savez sans doute que certains pêcheurs autochtones ont dû vendre leurs bateaux lors du programme de rachat parce qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour acheter de l'équipement et des permis supplémentaires. Un autre résultat de ce programme, c'est qu'il y a maintenant des dentistes de Toronto qui détiennent des permis de pêche et qui les louent, alors que les gens des communautés locales, tant autochtones que non autochtones, ne peuvent plus pêcher.
Quand le sénateur Perrault et moi sommes allés à la commission des pêches autochtones, dans le cadre de notre voyage sur la côte, des gens nous ont dit qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce que les pêcheurs autochtones, ou les autres autochtones des communautés touchées, restent assis sur le quai sans rien faire pendant que les touristes américains viennent pêcher avec leurs bateaux à moteur, parce que ce sont des dentistes de Toronto qui détiennent les permis. C'est une chose qu'ils ne toléreront pas; et ils ne toléreront pas non plus la mise en conserve de trop grandes quantités de poisson.
Il faut absolument que votre ministère examine ces questions-là parce que, si nous ne faisons rien, nous aurons des problèmes dans ces communautés de la côte Ouest, où les autochtones se sont montrés jusqu'ici très coopératifs. Mais ils ne toléreront pas ce genre de choses, et je ne les blâme pas. Tous les gens qui s'intéressent à la pêche en Colombie-Britannique vous demanderaient sûrement de vous pencher sur ce problème, parce que la politique actuelle n'est pas viable.
Le sénateur Perrault: Un des témoins nous a parlé des risques de violence. Des gens nous ont dit qu'il y aurait de la violence.
M. Dhaliwal: Il est possible qu'il y ait effectivement des cas de location de permis. C'est une question dont j'entends parler depuis des années, mais on m'a dit qu'il ne s'agissait que de cas isolés, que ce n'était pas une situation généralisée. On m'a dit qu'il pouvait y avoir des cas isolés pour quelques espèces, en quantités minimes, mais je vais examiner la situation.
En ce qui a trait à la mise en conserve, c'est aussi un problème qui perdure. En revanche, il y a des limites à ce que les touristes américains peuvent prendre. Ils sont soumis aux mêmes règles que les autres. Le problème vient parfois du fait qu'il n'y a pas assez de surveillance pour s'assurer que les gens ne dépassent pas les limites permises. J'en suis très conscient. C'est pour cette raison que j'ai annoncé la semaine dernière l'injection de 13 millions de dollars afin de faire respecter la loi dans l'ensemble du pays. Il y aura une partie de cet argent qui ira à la côte Ouest, pour faire en sorte que la loi y soit appliquée plus rigoureusement.
Nous travaillons aussi de concert avec la province pour établir un protocole de collaboration entre les agents fédéraux et provinciaux, de manière à ce que nous puissions compter sur un effectif plus nombreux pour nous aider à faire respecter la loi. Nous travaillons ensemble dans ce sens. C'est une autre tâche que j'espère terminer avant la fin de mon mandat.
Vous avez soulevé des questions intéressantes, et je vais les examiner.
Le sénateur Carney: Nous avons entendu des commentaires très élogieux sur vous, monsieur le ministre, pendant notre tournée. Mais pas sur le MPO. Vous pourriez peut-être vous pencher aussi sur cet aspect de la question. Je tiens à vous assurer que nos commentaires ne portent pas sur vous, personnellement, ou sur votre façon de vous acquitter de vos responsabilités; mais il y a des problèmes dans votre ministère, comme nous le savons tous.
Le président: Monsieur le ministre, je constate avec plaisir que vous avez eu des commentaires positifs. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré une partie de votre temps. Merci de vos commentaires de ce soir. Nous apprécions votre enthousiasme. Nous vous souhaitons beaucoup de succès et nous espérons pouvoir travailler avec vous pour le bien de l'industrie.
M. Dhaliwal: Je suis toujours impressionné par les connaissances des membres de votre comité et la qualité de leurs questions. Les problèmes que vous avez évoqués ici sont extrêmement importants, tant pour moi que pour mon ministère, et je vais faire tout mon possible pour les régler.
J'attends avec impatience votre rapport sur l'aquaculture. Il me sera utile pour faire avancer ce dossier. Il y a d'immenses possibilités, mais nous devons être conscients des préoccupations environnementales et nous assurer que nous développons l'aquaculture de façon durable.
Je voudrais insister sur la nécessité de protéger nos océans pour les générations à venir. Nous avons beau parler, nous ne pourrons rien accomplir si nous ne protégeons pas nos océans. Nous devons mettre fin à la pollution; 80 p. 100 des matières qui polluent nos océans viennent de sources terrestres. Nous devons travailler tous ensemble pour faire en sorte que la Loi sur les océans contienne des mesures qui nous permettent de le faire. Je travaille actuellement à l'élaboration d'une stratégie visant une meilleure application de la Loi sur les océans. C'est important non seulement pour moi, en tant que ministre, mais pour tous les Canadiens. Nous devons protéger nos océans de la pollution et de la contamination, sans quoi nous aurons de sérieux problèmes plus tard. J'espère pouvoir laisser les océans à mes petits-enfants en aussi bon état que quand les gens de ma génération les ont reçus en héritage. Nous avons de sérieux problèmes de ce côté-là.
Le président: Les membres du comité sont-ils d'accord pour que nous joignions au compte rendu la lettre et les commentaires du ministre, ainsi que la présentation de M. Michel Leclerc?
Des voix: Oui.
Le président: Nous entendrons la semaine prochaine deux témoins représentant le Conseil canadien des pêcheurs professionnels. Nous pourrions discuter de la location de permis à ce moment-là.
Le sénateur Robertson: Pour en revenir à ce qu'a dit le sénateur Johnson au sujet de la pollution dans les lacs des environs de Winnipeg, nous n'avons évidemment pas choisi la bonne cible. Nous devrions plutôt persuader le ministre Axworthy de venir nous voir. S'il ne peut pas venir ici, nous pourrions le rencontrer à Winnipeg.
Le président: Si c'est ce que souhaite le comité, nous lui enverrons une invitation. C'est bien ce que vous voulez?
Des voix: Oui.
Le sénateur Robichaud: Avant que nous convoquions le ministre, j'aimerais que nous ayons un peu plus d'information pour être mieux préparés quand il viendra.
Le sénateur Johnson: Il y a déjà énormément d'information disponible. Je peux vous remettre une pile de documents.
Le président: Je recommande que le sénateur Johnson distribue cette information aux membres du comité. De toute façon, pourrions-nous prendre une décision définitive la semaine prochaine? Cela ne nous retarderait que d'une semaine.
Le sénateur Johnson: Serait-il possible d'inviter le premier ministre de la province?
Le président: Nous prendrons cette décision lors de notre séance de la semaine prochaine.
Le sénateur Johnson: Il pourrait nous fournir tous les détails avant notre rencontre avec le ministre Axworthy. Ce serait probablement la meilleure chose à faire.
Le président: Nous prendrons notre décision finale la semaine prochaine.
Le sénateur Johnson: Entre-temps, je vais vous remettre de la documentation avant que vous ne partiez.
La séance est levée.