Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 13 juin 2000
Le comité sénatorial des pêches se réunit aujourd'hui à 19 heures pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, mesdames et messieurs, notre comité accueille ce soir des représentants du secteur de la pêche sportive en Colombie-Britannique. En Colombie-Britannique, la pêche sportive en eau salée et en eau douce génère, semble-t-il, des revenus actuels d'environ un milliard de dollars et emploie plus de 10 000 personnes dans les communautés de cette province. Plus de 600 000 pêcheurs à la ligne participent à ces activités. Le secteur inclut des centaines d'entreprises, allant des camps de pêche, des guides pêcheurs, aux marinas, en passant par les magasins d'accessoires pour la pêche, les vendeurs de bateaux, les motels et les terrains de camping.
C'est le ministère des Pêches et des Océans qui est responsable de la gestion quotidienne de la pêche sportive du saumon en rivière et dans les eaux côtières. Le MPO est également responsable de la protection de l'habitat du poisson. Plusieurs espèces sont exploitées, mais la plus grande partie de l'effort de pêche du secteur de la pêche sportive en Colombie-Britannique se concentre sur le saumon, tout particulièrement le coho, le quinnat et le saumon arc-en-ciel.
L'allocation des ressources en salmonidés entre les secteurs intéressés, les pêcheurs sportifs, commerciaux, et autochtones, a soulevé et soulève toujours une vive controverse. Au fil des ans, le secteur de la pêche sportive a cherché à obtenir une plus grande part de la ressource, soutenant que ce secteur assure plus de retombées positives pour l'économie de la province que le secteur de la pêche commerciale. J'aimerais ajouter que la salmoniculture dans la région est un autre sujet fort controversé.
Les porte-parole des associations suivantes sont des nôtres ce soir. Je vous les présenterai, puis nous pourrons entendre leurs exposés. Tout d'abord, nous accueillons M. Maynard du Conseil consultatif sur la pêche sportive. Il s'agit d'un conseil qui a pour responsabilité de conseiller le ministère des Pêches et des Océans. Il représente les pêcheurs à la ligne, les groupes de pêcheurs à la ligne, et les entreprises du secteur de la pêche sportive de Colombie-Britannique. Les ministres provinciaux y sont également représentés.
M. Wayne Harling représente la B.C. Wildlife Federation, la plus vieille organisation de conservation de l'environnement en Colombie-Britannique. La fédération représente quelque 1 400 clubs de chasse et pêche et plus de 3 000 membres dans cette province.
M. Tom Bird représente le Sport Fishing Institute of B.C., une société à but non lucratif administrée par un conseil d'administration. Parmi ses membres l'Institut compte des camps de pêche, des centres de villégiature, des services d'affrètement, des guides, des fabricants de matériel de pêche, des distributeurs, des magasins de matériel de pêche, des fabricants de bateaux, les compagnies aériennes locales et des pêcheurs à la ligne.
Nous accueillons enfin Mme Murphy, secrétaire de la Alberni Valley Sport Fishing Association. Si je me suis trompé dans mes présentations, mesdames et messieurs, n'hésitez pas à me reprendre. Ce ne sera pas la première fois. Bienvenue à cette réunion du comité. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires et de passer à la partie vraiment intéressante, les échanges.
Vous avez la parole, monsieur Maynard.
M. Jeremy Maynard, président, Conseil consultatif sur la pêche sportive: Nous sommes très heureux d'avoir cette occasion de nous adresser à votre comité et de répondre aux questions des sénateurs. Nous n'avons malheureusement pas pu rencontrer votre comité un peu plus tôt cette année lorsqu'il a visité la côte Ouest, mais nous sommes heureux d'avoir enfin cette occasion de vous parler.
On m'a dit que je disposais de 15 minutes, mais je n'aurai pas besoin de toute cette période parce que je saurai mieux répondre aux besoins du comité sénatorial en répondant aux questions de ses membres. J'aimerais vous donner quelques détails sur le processus de consultation, pour que les membres du comité comprennent mieux comment le processus de consultation se déroule ici en Colombie-Britannique. Nous croyons que ce processus est unique en son genre au Canada. Bien qu'on le conteste et que beaucoup de questions sont actuellement posées, tout compte fait, le processus fonctionne très bien et est à notre avis fort valide.
Le Conseil consultatif sur la pêche sportive repose sur des groupes de consultation répartis dans plus d'une vingtaine de communautés le long de la côte de la Colombie-Britannique et près des principaux cours d'eau intérieurs comme le Fraser et le Skeena, dans le Nord. Les intérêts des pêcheurs sportifs locaux sont représentés au sein de ces comités consultatifs qui rencontrent le personnel du ministère des Pêches et des Océans. Récemment, des représentants du Conseil consultatif sur la pêche sportive ont également rencontré les représentants du ministère provincial des Pêches. Nous élargissons actuellement la composition du conseil afin d'assurer une participation plus active de la province.
Chacun des conseils consultatifs locaux est différent, parce que chaque secteur de pêche ou chaque communauté est différent, même s'il y a certains éléments que l'on retrouve dans chacun des conseil consultatifs locaux. Par exemple, il y a des groupes de chasse et pêche qui sont affiliés à la B.C. Wildlife Federation. Ces conseils consultatifs locaux se réunissent lorsque nécessaire et utile. Par exemple, mon conseil consultatif local, à Campbell River, se rencontre une fois par mois d'octobre au mois de mai, mais ce n'est probablement pas typique. Habituellement il y a moins de réunions, mais l'horaire est souple et cela dépend des besoins de la communauté. Ces conseils consultatifs locaux sont représentés au sein des sous-comités sud et nord du Conseil consultatif sur la pêche sportive, qui se réunit au printemps et à l'automne à Nanaimo pour le Sud et à Smithers pour le Nord. Des représentants des principales organisations de pêche à la ligne comme le Sport Fishing Institute of B.C., la Wildlife Federation, la Fly Fishing Federation et d'autres organisations, ainsi que des membres de la Commission du saumon du Pacifique qui représente le secteur de la pêche sportive participent à ces réunions. Ces deux groupes, à leur tour, nomment des représentants au sein du conseil principal qui se réunit à Vancouver, habituellement deux fois par année et à l'occasion plus souvent.
Voilà comment le processus fonctionne. C'est une pyramide classique qui part de la base et reflète les besoins ou les désirs des membres, et les conseils vont des utilisateurs au ministère. Voilà notre processus de consultation.
Dans une certaine mesure, nous parlons principalement de la pêche en eau salée, quoiqu'on peut également traiter de pêche en eau douce, tout particulièrement pour les espèces anadromes, comme le saumon arc-en-ciel, qui revient de la mer pour être pêché dans les rivières. Habituellement, le Conseil consultatif sur la pêche sportive n'est pas vraiment appelé à offrir des conseils à la province sur les questions touchant la pêche en eau douce, dans les lacs et les rivières, pour les espèces qui ne séjournent aucunement en mer. C'est une distinction qu'il faut bien comprendre.
Comme tout le monde le sait, il y a eu d'importants défis à relever au niveau de la conservation pour toutes les espèces de salmonidés en Colombie-Britannique, et le secteur de la pêche sportive a eu son rôle à jouer. Nous avons participé à un programme très strict de conservation en ce qui a trait au coho, et je vous en parlerai en plus amples détails tout à l'heure. Parfois, tout particulièrement cette année, nous avons dû relever un important défi de conservation pour le quinnat sur la côte ouest de l'île de Vancouver.
En 1994, le groupe ARA Consultants Ltd. a été chargé par le ministère fédéral des Pêches et des Océans, ainsi que plusieurs ministères provinciaux, à procéder à une évaluation de la valeur nette de la pêche sportive, particulièrement pour le quinnat et le coho, et de comparer ce secteur à celui de la pêche commerciale. On a conclu qu'en 1994, la pêche sportive en eau salée en Colombie-Britannique générait des activités économiques de plus de 700 millions de dollars -- je crois en fait qu'il s'agissait de 720 millions de dollars.
En 1998, le ministère des Pêches de la Colombie-Britannique a jugé que les divers programmes de gestion et de conservation avaient réduit cette activité économique à un tel point qu'elle valait un peu moins de 300 millions de dollars. Ainsi, nos activités ont ralenti à un taux d'environ 100 millions de dollars chaque année entre 1994 et 1998. Nous ne savons pas vraiment quelle était l'importance de l'industrie en 1999, mais, comme vous le savez peut-être, on a poursuivi cette année-là des pratiques de pêche fort restrictives. Dans une certaine mesure, ces pratiques ont du bon et semblent viser un vrai effort de conservation, mais la façon dont les plans de gestion ont été élaborés présente de graves problèmes pour notre secteur. Bref, nous ne savons pas vraiment quelle est l'importance économique du secteur pour 1999, mais nous craignons que la tendance enregistrée dans les quatre années précédentes ne se soit maintenue. Nous croyons que, dans une large mesure, les choses n'ont pas vraiment changé.
Le Conseil consultatif sur la pêche sportive s'inquiète énormément de la capacité du ministère des Pêches et des océans d'adopter un régime de gestion en temps opportun pour le secteur de la pêche sportive. Pour ce qui est du quinnat, en 1996, 1998 et 1999, nous n'avons pas eu le régime de gestion -- les règles et règlements régissant la pêche récréative -- avant le début de la saison. L'automne dernier, la direction du Conseil consultatif sur la pêche sportive a rencontré des cadres du MPO dans la région pour essayer d'éviter que cette situation ne se répète pour la saison de l'an 2000. Je regrette de vous annoncer que ces efforts n'ont pas porté fruits et que nous n'avons toujours pas les règles et règlements pour la pêche sportive pour la saison 2000, même si nous sommes déjà à la mi-juin. L'impact de cette situation sur l'infrastructure de la pêche récréative prend des proportions catastrophiques, et nous n'arrivons pas à expliquer pourquoi le ministère semble absolument incapable de présenter les règlements en temps opportun. J'espère que nous pourrons discuter plus à fond de ce problème.
Outre les problèmes qui se posent au niveau de la gestion, il y a plusieurs changements importants dans la façon dont cette pêche est gérée. Par exemple, on a demandé qu'il y ait un plus grand contrôle de la gestion à l'échelle locale. Le conseil consultatif sur la pêche sportive se penche actuellement sur cette demande dans le cadre du processus du projet pilote Aquatic Management Board pour la côte ouest de l'Île de Vancouver. Je crois qu'il serait juste de dire que la pêche sportive -- tout particulièrement le Conseil consultatif sur la pêche sportive -- n'est pas du tout heureuse de la façon dont certaines mesures de gestion ont été prises par le MPO au cours des dernières années -- les mesures prises et le moment où elles ont été prises. Cependant, nous ne sommes pas tout à fait convaincus qu'il pourrait y avoir un meilleur responsable de la gestion que le gouvernement fédéral, en raison de la nature complexe et la zone couverte par les salmonidés. Tout particulièrement, nous sommes disposés à appuyer le gouvernement fédéral comme responsable privilégié de la gestion. Nous doutons de la capacité des groupes locaux de gérer la zone couverte par cette ressource migratoire.
Voici un aperçu de la situation pour ce secteur. Nous devons relever plusieurs défis, et nous avons l'impression d'être dans une situation un peu précaire, une situation dont nous ne sommes aucunement responsables. Je serai fort heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Le sénateur Robichaud: Comme vous le savez, lorsque les membres du comité se sont rendus sur la côte Ouest, notre principale question d'intérêt était l'aquaculture. Nous voulions connaître les problèmes de ce secteur, pas simplement exclusivement au niveau de l'aquaculture, mais également en ce qui a trait à la pêche commerciale. Dans quelle mesure votre secteur est-il touché par la question que nous avons étudiée sur la côte Ouest? Y a-t-il un lien entre ces secteurs et l'aquaculture? Peut-être y a-t-il d'autres questions que vous préféreriez aborder?
Mme Marilyn Murphy, secrétaire, Alberni Valley Sport Fishing Association: Je suis heureuse de voir que vous avez derrière vous une carte de l'Île de Vancouver. Je viens de Port Alberni, sur la côte ouest de l'Île de Vancouver. Lorsque vous avez visité la côté ouest, vous avez eu des réunions dans la région de Ucluelet avec la Regional Aquatic Management Society, des représentants de certaines premières nations, et vous avez entendu parler du secteur de la pêche sportive. Nous nous inquiétons du fait que certains de ceux qui ont participé à cette réunion ont dit représenter les intérêts des pêcheurs sportifs alors que ce n'était pas le cas. Cette question nous préoccupait, et nous avions également hâte de vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire part de nos préoccupations.
Le sénateur Robichaud: Est-ce que, lors de ces réunions sur la côte Ouest, on a dit des choses avec lesquelles vous ne seriez pas d'accord ou y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter aux fins du procès-verbal?
M. Wayne Harling, président, Saltwater Fisheries Committee, B.C. Wildlife Federation: Malheureusement, nous n'étions pas à ces réunions parce que nous ne savions pas qu'elles auraient lieu.
Le sénateur Robichaud: Voudriez-vous recevoir une copie de notre rapport de ce voyage lorsqu'il sera disponible pour que vous puissiez faire les commentaires appropriés?
M. Harling: Certainement.
M. Maynard: J'aimerais faire quelques observations supplémentaires sur votre première question. Vous avez dit que vous étiez venus sur la côte Ouest principalement pour étudier l'aquaculture et, également pour étudier les préoccupations du secteur de la pêche commerciale. Vous voulez savoir s'il y a des liens entre ces deux secteurs de la pêche et le nôtre. Il n'y a pas vraiment de liens entre l'aquaculture et la pêche sportive. Évidemment la question nous intéresse et, j'aimerais le signaler, il existe actuellement un processus avec le gouvernement provincial afin de conseiller ce dernier sur la mise en oeuvre de sa nouvelle politique sur la salmoniculture. Plusieurs secteurs sont représentés au sein du processus de consultation et j'y représente le secteur de la pêche sportive.
C'est avec le secteur de la pêche commerciale que nous avons le plus en commun. Les problèmes qui ont un impact sur ce secteur ont également eu un impact sur le nôtre. Évidemment il y a d'énormes différences, par exemple à l'égard de la surcapacité. Le secteur de la pêche commerciale ne s'intéresse aucunement au retrait de permis, sauf si cela assure de meilleures pratiques de pêche commerciale du saumon, car cela entraînerait évidemment une meilleure gestion des perspectives d'exploitation pour la pêche sportive, ce qui est certainement très important à nos yeux.
Nous avons une chose en commun, l'océan. L'océan Pacifique a été un environnement «hostile», faute d'un meilleur terme, pour le saumon au cours des dernières années. Les défis de conservation que doivent relever le secteur de la pêche sportive et commerciale proviennent justement de ce problème, d'un taux de survie peu encourageant en océan. Ça c'est un point que nous avons en commun.
Le changement du milieu océanique n'est pas à la portée du ministère des Pêches et des Océans. Nous savons que nous pouvons faire bien des choses, mais changer l'océan n'est pas de notre ressort. Nous devons nous y résigner. Et cette situation a d'importantes conséquences économiques, mais c'est la vie.
M. Harling: Il serait juste de dire que le Conseil consultatif sur la pêche sportive n'a pas de position sur la question. Mon organisation, la B.C. Wildlife Federation, a participé au processus d'examen de la salmoniculture.
Plus de 40 recommandations ont été formulées par le comité d'examen. Nous avons conclu que si l'on mettait en oeuvre ces recommandations, et que seul du saumon de l'Atlantique stérile était utilisé dans le processus d'élevage, nous ne nous opposerions pas à l'aquaculture. Si toutes les recommandations du comité d'examen étaient mises en oeuvre, l'aquaculture ne présenterait pas vraiment de danger.
Le sénateur Robichaud: Vous vous inquiétez cependant de l'élevage de saumon de l'Atlantique sur la côte Ouest?
M. Harling: Nous nous inquiétons de l'élevage de ce saumon si ceux qui s'échappent des enclos peuvent se reproduire une fois en liberté. Une de nos principales recommandations est qu'aucun saumon de l'Atlantique sauvage ne soit élevé en enclos. On n'a pas adopté cette recommandation.
Le sénateur Robichaud: Merci.
Le sénateur Watt: Vous faites donc la promotion de la pêche sportive commerciale. Y a-t-il des règlements qui vous empêchent de pêcher le poisson élevé en écloserie? Y a-t-il des règlements qui nous empêchent d'utiliser les stocks d'élevage?
M. Harling: Nous voudrions que le contraire se produise. Nous exhortons le gouvernement à assurer une pêche plus sélective du coho, par exemple, qui est un poisson marqué, un poisson dont la nageoire adipeuse a été coupée. Nous croyons que nous pouvons avoir une pêche sportive de ces stocks qui viennent des écloseries, minimisant ainsi l'impact de ce stock sur les stocks sauvages avec lesquels ils se mêlent dans l'océan simplement en pêchant ceux dont la nageoire adipeuse a été coupée.
Ce serait donc le contraire qui se produirait. Nous voulons, en fait, que le poisson venant d'écloseries soit destiné à la pêche et que le stock sauvage puisse retourner dans son cours d'eau d'origine.
M. Tom Bird, directeur exécutif, Sport Fishing Institute of B.C.: Le programme de marquage du poisson est tout à fait compatible avec la pêche sportive, en raison de la nature de cette pêche évidemment. Notre secteur n'est pas vraiment basé sur le volume exploité. Nous ne sortons pas avec 25 bateaux et ne pêchons pas 10 000 poissons par soir. Notre pêche prend plus de temps, et elle est beaucoup plus facile à contrôler.
La pêche sportive peut-être réglementée de façon très stricte simplement en raison des chiffres et en raison de la nature de cette pêche. Si vous et moi allions pêcher, nous ne serions peut-être pas très bons. Nous pourrions mettre hameçon à l'eau, et peut-être pêcher quelque chose, peut-être pas.
La pêche du poisson marqué, soit l'utilisation de stocks provenant d'un programme de mise en valeur ou d'une installation est parfaitement compatible avec la pêche sportive. En fait cela permettrait peut-être même d'assurer la survie de la pêche sportive.
Je répéterai ce que M. Harling a dit parce ce que c'est très important. Même si des millions des poissons sont marqués, dans bien des cas, nous n'avons pas vraiment l'occasion de pêcher ces poissons marqués, au lieu de pêcher les saumons sauvages ou ceux dont les stocks nous inquiètent. Depuis déjà un bon moment nous essayons d'avoir une approche plus générale de la pêche du poisson marqué.
Cela serait logique. Les Américains marquent des millions de poissons. Nous disons simplement que nous devrions pouvoir pêcher les poissons marqués. En fait dans certains cas, c'est le seul poisson que nous voulons pêcher.
Nous concentrerons nos efforts sur le poisson marqué. Cependant, nous avons eu beaucoup de mal à faire adopter cette approche par le ministère.
M. Harling: J'aimerais vous donner une petite idée des chiffres dont nous parlons. Le Canada a marqué 7 ou 8 millions de poissons pour cette année de reproduction. Les Américains ont marqué 32 millions de cohos. Ces poissons peuvent être pêchés. Il s'agit de poissons d'écloseries. Il s'agit de stocks mis en valeur, et dont l'état ne nous préoccupe aucunement.
En fait, lorsqu'il y a des écloseries visant à mettre en valeur des stocks qui sont faibles, on ne marque pas le poisson. On traite ce poisson comme un poisson sauvage, et on ne le pêche pas même s'il s'agit d'un poisson produit en écloserie. Notre taux de mortalité pour la pêche et la remise à l'eau de ce poisson serait d'environ 5 à 10 p. 100.
Mme Murphy: Il est intéressant de noter, qu'en ce moment, il y a une abondance de cohos sur la côte ouest de l'île de Vancouver que nous ne pouvons pas pêcher. Soixante pour cent de ces stocks ont une nageoire coupée. Nous ne pouvons pas pêcher ce poisson en raison de ce qui se passe ici.
Le sénateur Watt: À titre de défenseur de la pêche sportive, croyez-vous qu'il y a suffisamment de poissons pour les pêcheurs sportifs et les pêcheurs commerciaux?
M. Maynard: On a beaucoup parlé du conflit entre les deux secteurs. Parfois, il y a des contacts hostiles et peu agréables entre le secteur sportif et le secteur commercial. Certainement, les gens avec qui je suis en contact dans le secteur de la pêche sportive ne sont pas contre la pêche commerciale, sauf dans la mesure où elle a un impact négatif indu sur la pêche sportive; le fait est également que les valeurs relatives des deux secteurs sont très différentes.
L'étude effectuée par le groupe ARA a prouvé que la valeur d'un saumon coho ou quinnat, par exemple, pêché par un pêcheur sportif par opposition à un pêcheur commercial, est beaucoup plus importante pour le public canadien.
Il y a des zones où il y a une reconstitution importante des stocks de saumon, particulièrement de saumon rouge, de saumon rose et de kéta. Nous vivons dans un monde qui a faim, et c'est là une bonne source alimentaire. Il serait égoïste, et c'est le moins qu'on puisse dire, de ne pas exploiter ce poisson. S'il est prudent d'exploiter un certain pourcentage de ces poissons pour assurer un gagne-pain aux pêcheurs commerciaux et pour assurer une bonne ressource alimentaire, pourquoi ne pas le faire?
Les pêcheurs sportifs ne sont pas contre les pêcheurs commerciaux, sauf dans des cas particuliers.
M. Harling: Lorsqu'il y avait une quantité extraordinaire de cohos et de quinnats, le secteur sportif pêchait au maximum 18 p. 100 du coho et 27 p. 100 du quinnat. Même lorsque nous avions des prises maximum plus importantes qu'aujourd'hui, dans une pêche libre, nous n'arrivions jamais à pêcher tout le poisson disponible. C'est donc le secteur commercial qui a pêché la plus grande quantité de poissons.
On se retrouve aujourd'hui dans une situation où les pêcheurs commerciaux sont visés par des programmes très restrictifs, tout comme nous. Ces pourcentages ont changé, mais nous ne parlons pas ici de périodes d'abondance normale. Notre impact sur les autres espèces -- le saumon rouge, le kéta et le saumon rose -- est limité. Pendant les années de vaches grasses, nous pêchions environ 1 p. 100 du total des prises admissibles de chacune de ces trois espèces.
En fait, aux termes de la nouvelle politique d'allocation, même si nous avons un accès prioritaire au coho et au quinnat en périodes de faible abondance, nous n'aurons quand même pas la majorité des prises de quinnat ou de coho pendant les périodes de grande abondance.
M. Maynard: Dans ses commentaires liminaires, le président a dit que les questions d'allocation suscitaient une vive controverse. Il est vrai qu'historiquement cette question a suscité une controverse. Peut-être même que dans les rapports personnels entre pêcheurs cette question suscitait une controverse.
Cependant, le gouvernement a élaboré une politique d'allocation du saumon qui, à toutes fins pratiques, a réglé les choses pour un avenir prévisible. Il s'agit d'une série de politiques qui concrétisent l'orientation qu'avait annoncée M. David Anderson, qui était ministre des Pêches et des Océans à l'automne 1998. Ainsi, la politique d'allocation du saumon est chose faite. Nous pouvons en discuter, et vous pouvez facilement avoir accès au document auprès du ministère des Pêches et des Océans.
M. Harling: Nous en sommes venus à une entente avec les pêcheurs commerciaux; en effet ils ont reconnu que nous devrions avoir accès prioritaire. Nous avons également convenu que, pour qu'ils puissent pêcher le saumon rouge et le saumon rose, qui sont si abondants, ainsi que le kéta, ils devraient avoir accès à une prise accidentelle de coho et de quinnat. Nous en sommes venus à une entente, et cela fait partie de la politique d'allocation.
M. Murphy: Nous vivons à une époque fort intéressante. Le secteur commercial blâme les gestionnaires ou les responsables de la politique pour nombre des problèmes auxquels il est confronté, quand, en fait, le problème est dû à une faible abondance. Nous avons des problèmes avec l'océan et cela touche tout le monde. Il est difficile de blâmer l'océan qui est une entité si vague quand il est facile de blâmer les gestionnaires.
Le sénateur Watt: Je viens de l'extrémité nord du Québec, de la baie d'Ungava, où nous avons trois rivières de salmonidés. Le stock de ces rivières a chuté au fil des ans. En fait, il n'existe pratiquement plus de poisson en ce moment. Avez-vous vu du saumon de l'Atlantique dans votre région ou plus au nord vers l'Alaska?
M. Maynard: Je ne peux pas parler pour l'Alaska. Voulez-vous parler en fait des stocks naturels, qui auraient une route de migration dans cette région?
Le sénateur Watt: Oui.
M. Maynard: Non. Je pense que, si j'ai bien compris, le saumon de l'Atlantique ne s'est pas rendu vers l'Ouest, bien que tout semble indiquer que du saumon du Pacifique se dirige plus vers l'Est par l'Arctique, et qu'on en a vu, au cours des deux dernières années, à des endroits où on n'en avait jamais vu auparavant, tout au moins qu'on s'en souvienne.
M. Harling: Les scientifiques nous disent maintenant, tout au moins ceux qui font des travaux de recherche dans l'océan, que le saumon rouge de la Colombie-Britannique a changé sa région de distribution dans l'océan et qu'il se retrouve maintenant beaucoup autour des îles Aléoutiennes pendant l'hiver afin d'éviter l'eau chaude du Pacifique Nord. Au cours des années précédentes, des stocks de saumon rouge qui se dirigeaient vers l'intérieur de la Colombie-Britannique pour frayer dans les cours d'eau tributaires du Fraser n'ont pas eu les réserves nécessaires pour s'y rendre et frayaient dans les cours d'eau de l'île de Vancouver. Il y a quelque chose qui se produit dans l'océan qui a un impact sur l'abondance du poisson, et je ne parle pas ici de l'effort de pêche.
Un autre gros problème évidemment c'est la destruction de l'habitat. Un des stocks qui nous inquiète tout particulièrement est le coho du Thompson. J'ai vu les cours d'eau du bassin Thompson. Vous pourriez mettre 10 000 cohos dans chacun de ces cours d'eau et cela n'aura aucun impact sur le taux de remonte. Cet habitat est complètement détruit. Le saumon ne peut pas vraiment être élevé dans des cours d'eau à sec, et c'est ce que l'on retrouve là-bas à la fin de l'été -- des cours d'eau à sec.
Le sénateur Watt: Merci.
Le président: Vous avez rappelé que j'avais parlé de la controverse soulevée par la politique d'allocation, mais je suppose que les opinions varient selon que l'on a reçu plus de poissons ou pas. Cependant, j'ai l'impression que les pêcheurs commerciaux n'étaient toujours pas très heureux de la politique Anderson qui accorde la priorité à la pêche sportive. C'est pourquoi nous avons soulevé la question. Cependant, je comprends pourquoi vous appuyez la politique de M. Anderson puisqu'elle accordait la priorité au secteur sportif; je suppose donc le point de vue des pêcheurs sportifs est quelque peu différent. C'est pourquoi j'ai soulevé cet aspect dans mes commentaires liminaires.
Le sénateur Perrault: J'espère certainement qu'un jour on aura la paix entre tous les secteurs de pêcheurs. Il y a plusieurs années je me souviens qu'il y avait un dialogue permanent entre les pêcheurs commerciaux et les pêcheurs sportifs. Les pêcheurs sportifs disaient que leur secteur rapportait plus d'argent au Trésor public que le secteur commercial. Cependant, évidemment, les pêcheurs commerciaux eux aussi avaient leurs arguments. Rencontrez-vous à intervalle régulier les pêcheurs commerciaux pour discuter de certains des problèmes? Y a-t-il un comité consultatif qui essaie justement de trouver solution à ces conflits?
M. Maynard: Il n'y a rien d'officiel, quoique tout récemment, en fait au cours des derniers jours, le ministère a indiqué dans un communiqué officiel qu'il songeait à mettre en place un processus de consultation qui mettra à contribution les diverses intervenants de la pêche. Ce genre de dialogue sera peut-être plus formel.
Il y a déjà une consultation entre les intérêts de la pêche sportive et commerciale du saumon qui se fait à l'échelle individuelle et organisationnelle. Ce processus s'applique particulièrement à ceux qui représentent régulièrement les intérêts de la pêche sportive ou commerciale et qui ont participé à maintes reprises aux divers processus et entretiens de gestion. Étant des êtres humains, nous avons appris à nous connaître les uns les autres et, par conséquent, nous avons eu des entretiens très constructifs.
J'ajouterais qu'on a accordé la priorité à la pêche sportive les années de faible abondance pour le saumon quinnat et coho seulement, en se basant strictement sur le mérite. Le gouvernement fédéral a accepté les résultats du rapport du groupe ARA qui indiquaient clairement que le saumon quinnat ou coho avait une beaucoup plus grande valeur pour les Canadiens dans le contexte de la pêche sportive que dans celui de la pêche commerciale. L'accès prioritaire a été accordé uniquement en se fondant sur ce principe.
Du côté de la pêche commerciale, cela a suscité un sentiment d'amertume -- ce que je peux comprendre comme être humain -- cependant le fait est que le gouvernement, dans l'intérêt des Canadiens, non pas uniquement de la pêche sportive, ne s'est pas laisser arrêté par ce sentiment. Nous n'avons pas la priorité pour le saumon sockeye, le saumon rose ou le saumon kéta. Cependant, on nous a assuré une allocation pouvant atteindre jusqu'à 5 p. 100 pour ce poisson en particulier. Comme M. Harling l'a dit précédemment, nous n'avons jamais pris plus de 1 p. 100, au cours d'une année donnée, de la capture totale du poisson pour ces espèces. Nous sommes convaincus que cela sera une bonne chose pour nous.
M. Bird: Il y a plusieurs raisons pour cela. C'est un fait que la flotte de pêche commerciale en Colombie-Britannique a été manifestement surcapitalisée. Par conséquent, cette flotte a été réduite d'environ la moitié. En même temps, la politique d'accès prioritaire pour les espèces primaires de quinnat et de coho se basait non seulement sur la valeur, mais aussi sur le fait qu'en période de faible abondance, il est plus facile de gérer la pêche sportive que la pêche commerciale. Lorsqu'on parle d'une quantité très limitée de poissons, il est logique tant sur le plan économique que du point de vue de la gestion de la conservation, de reconnaître que s'il n'y a que 10 000 poissons, il ne peut y avoir une récolte commerciale et sportive rentable. Par conséquent, une décision a été prise.
Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que c'était une bonne décision de gestion. Naturellement, le problème c'est que nous devons faire face à une multitude de difficultés -- il y a tout un impact environnemental dans les océans dont personne n'est vraiment au courant. En même temps, la flotte de pêche commerciale a été réduite de moitié pour cette même raison, en plus du fait qu'elle était surcapitalisée.
Nous avons donc tous ces éléments en même temps, de sorte qu'il y a une certaine angoisse, une certaine préoccupation de la part de la pêche commerciale. De façon générale, la question de l'allocation est secondaire à la réalité de ce qui est en train d'arriver dans le secteur de la pêche en général.
Le sénateur Perrault: Comme vous le savez, bon nombre d'autres pays connaissent une crise semblable dans le secteur des pêches. La protéine de poisson est en train de diminuer dans le monde.
En 1970, j'ai été affecté aux Nations Unies. À l'époque, notre comité se querellait constamment relativement à la situation de la Palestine et du Moyen-Orient. Les Russes, les Américains, les Britanniques et les Français s'entendaient sur une chose: ils disaient qu'à moins que nous ne prenions des mesures extrêmes en vue de protéger l'environnement en réduisant les émissions de monoxyde de carbone et que nous réglions d'autres problèmes, d'ici l'an 2025 le climat aurait changé de façon irréversible partout dans le monde. Vingt-cinq années se sont écoulées et il y a peut-être quelque chose maintenant qui affecte l'existence même des poissons. Un scientifique a laissé entendre que les rayons qui passaient à travers le trou dans la couche d'ozone au pôle Nord tuaient le plancton dans les océans -- le plancton qui se retrouve dans la chaîne alimentaire du poisson. À votre avis, cette affirmation est-elle fondée?
M. Maynard: Nous ne sommes pas la direction des sciences.
Le sénateur Perrault: Vous devez avoir une théorie. Vous avez dit que les océans étaient inhospitaliers, ou quelque chose du genre.
M. Harling: Je ne peux pas affirmer s'il s'agit ou non d'un changement climatique à long terme attribuable au réchauffement de la planète ou si cela fait tout simplement partie d'un cycle naturel.
M. Maynard: Les représentants de la direction des sciences du ministère des Pêches et Océans ont fait d'excellents exposés sur la question. Lorsqu'un phénomène comme El Ni<#00F1>o déplace un courant d'eau chaude sur la côte ouest de l'Amérique du Nord, cela empêche le mouvement de remontée d'eau froide dans l'océan. Pour une raison ou autre, l'eau froide est beaucoup plus riche que l'eau chaude en nutriments. Lorsqu'on n'empêche le phénomène naturel de remontée d'eau froide qui apporte l'eau froide des canyons profonds de l'océan Pacifique et qui est riche en éléments nutritifs, les poissons ont moins à manger dans l'océan, et c'est le cas ici du saumon. Avec l'eau chaude, les prédateurs, notamment le maquereau, qui est un véritable prédateur des juvéniles chez le hareng, le saumoneau et d'autres espèces, se retrouvent bien au nord de leur territoire habituel. Donc en plus du problème de la mauvaise alimentation pour le saumoneau, en particulier, dans l'océan comme tel, il y a tout un nouvel élément de prédation.
Par conséquent, ces deux éléments font en sorte que la survie en océan à partir du moment où le petit poisson quitte la rivière jusqu'au moment où il y revient comme adulte deux, trois ou cinq ans plus tard, selon l'espèce, a diminué. Je pourrais vous donner des chiffres qui montrent très clairement que l'océan a un effet beaucoup plus considérable sur la santé du saumon coho que nous.
Dans les années 80, lorsque les conditions dans l'océan étaient considérées comme étant bonnes, pour 100 saumoneaux cohos qui quittaient la rivière, environ entre 8 et 14 jeunes adultes y revenaient pour frayer. Le taux de survie en océan était de 8 à 14 p. 100. En même temps, nous avions un pourcentage d'exploitation, c'est-à-dire un pourcentage de tous les poissons pêchés par toutes les différentes pêches -- sportive, commerciale et autochtone -- qui se situait entre 60 et 70 p. 100. Entre 60 et 70 jeunes adultes cohos dans l'océan avaient été pêchés avant la fin de l'été.
Au cours des deux dernières années, le ministre Anderson s'étant donné comme objectif un taux de mortalité de zéro, nous sommes passés d'un taux d'exploitation de 60 à 70 p. 100 à un objectif de zéro, ce qui est impossible à atteindre si les gens continuent à pêcher. Cependant, nous y sommes presque. Nous avons atteint un taux d'exploitation de 2 p. 100 pour le saumon coho. Cependant, en même temps, le taux de survie en océan du saumon coho, qui était de 8 à 14 p. 100, a chuté à moins de 2 p. 100 et souvent à 1 p. 100.
Nous avons changé nos pratiques de capture du poisson au-delà de toute imagination. Nous aurions sans doute tous vendu nos bateaux et accroché nos cannes à pêche il y a huit ans si nous avions su que nous aurions tous les problèmes que nous avons eus au cours des deux dernières années. Ces mesures extraordinaires ont coûté très cher sur le plan social et économique à la côte Ouest du Canada. Même maintenant certains stocks et certaines espèces de poisson ont énormément de mal à survivre, tout cela à cause de l'océan.
M. Harling: Pourtant, s'il y a une réduction du taux de survie en océan, c'est en raison de la dégradation à plus long terme de l'habitat en eau douce. C'est une attaque sur deux fronts.
Nous avons toujours eu un niveau élevé de prédateurs, notamment les phoques sur cette côte-ci à l'heure actuelle. Lorsque les stocks diminuent et qu'ils reviennent dans les rivières et qu'ils doivent attendre dans l'estuaire pendant un mois, attendre l'eau d'une petite rivière, les phoques peuvent faire beaucoup de dommages. Un phoque consomme entre quatre et six livres de nourriture par jour. Les phoques mangent exclusivement du saumon pendant 14 à 15 jours par an.
Il y a environ 60 000 phoques dans le bassin du détroit de Georgia seulement, et presque 200 000 sur toute la côte. Cela vous donne une idée des dommages que ces prédateurs peuvent causer.
Nous avons convaincu le ministère de procéder à une élimination limitée près de Courtenay. Depuis qu'on a éliminé une quarantaine de phoques, les stocks sont en train de se rétablir.
Nous ne disons pas qu'il devrait y avoir une élimination massive de phoques. Cela serait ridicule, mais il y a certaines régions spécifiques où, en en éliminant un petit nombre, cela pourrait donner des résultats positifs et ramener davantage de poissons dans ce cours d'eau.
Le sénateur Perrault: C'est une bonne idée. Merci.
Le président: Lorsque vous parliez du problème des phoques, j'ai vu beaucoup de gens autour de la table faire un signe affirmatif de la tête. Je pense que vous aviez un groupe de gens très réceptifs qui a écouté vos observations. Vous voudrez peut-être examiner la possibilité d'une capture sportive du phoque.
M. Harling: Par le passé, les Premières nations capturaient les phoques et ce serait une bonne chose qu'ils le fassent à nouveau.
Le président: Cela me semble être une bonne chose.
J'ai une petite question au sujet de la pêche sportive. Si vous attrapez un poisson et que vous le relâchez, est-ce que cela l'endommage de quelque façon que ce soit? Est-ce qu'il survit, ou est-ce qu'il meurt?
M. Bird: Je vais répondre à la question uniquement parce que j'ai certaines connaissances dans le domaine. J'ai été biologiste au ministère des Pêches et Océans et, vers la fin des années 80 et au début des années 90, nous avons fait de nombreuses études sur le taux de survie du saumon, études qui se poursuivent d'ailleurs. Un saumon de taille légale, particulièrement pour ce qui est du quinnat et du coho, que nous contrôlions, et nous en avons contrôlé des centaines, avait un taux de survie dans les 90 p. 100 -- c'est-à-dire un poisson qui avait été attrapé lors d'une pêche sportive.
M. Harling: Il y a certaines circonstances exceptionnelles spécifiques au milieu où le taux de mortalité peut être plus élevé, mais cela dépend de la méthode de pêche utilisée. Cela dépend également de la région spécifique où la pêche est effectuée. De façon générale, dans les eaux maritimes, je pense que le taux de survie est de 7 à 10 p. 100 pour le coho et de 12 à 15 p. 100 pour le quinnat. La principale cause de décès, c'est lorsque l'hameçon se prend dans les branchies ou dans la langue. Ils perdent alors tout leur sang et meurent. Le simple fait de les prendre ne pose pas de problème, car cela ne semble pas leur faire mal.
M. Bird: Lorsqu'on y songe, ces poissons survivent aux phoques, aux épaulards, aux roches, aux filets, aux harpons et tout le reste. Ils sont fait pour survivre. Si on en prend soin, ils survivent bien.
Le sénateur Mahovlich: En 1998, j'ai visité les îles de la Reine Charlotte où le poisson était abondant. Nous avons tous attrapé nos deux poissons, soit le nombre de poissons qu'on nous permettait de garder. La pêche était réglementée, et il m'a fait plaisir de voir de quelle façon les règlements étaient appliqués. Je pense qu'un des pêcheurs de notre groupe a pris un saumon quinnat de 54 livres -- un poisson bien en santé.
Les baleines ont-elles un impact sur les pêches? On me dit qu'il y a maintenant une abondance de baleines. Savez-vous si elles ont un effet sur les pêches?
M. Harling: Les baleines grises mangent du plancton. Elles font donc concurrence aux poissons pour ce qui est de la source alimentaire, mais il n'y a pas de relation prédateur-proie. C'est le cas cependant avec les rorquals.
Il y a plusieurs bandes de rorquals dont une se nourrit strictement de mammifères. Ces baleines ne mangent donc que les phoques et les lions de mer. Il y a quelques autres bandes de rorquals qui se nourrissent principalement de saumons, et surtout de saumon china. Elles sont là depuis très longtemps et leur nombre n'a pas vraiment augmenté. En fait, le nombre de baleines diminue dans certaines de ces bandes.
M. Bird: Ce n'est pas un problème.
M. Harling: Ce n'est pas un problème qui a beaucoup changé. Vous remarquerez que lorsque l'approvisionnement en poissons est bas, naturellement les prédateurs prennent un pourcentage plus élevé de ce qui est disponible. L'impact sur la ressource en terme de pourcentage augmente. La seule augmentation au niveau des prédateurs a été une augmentation considérable de la population de phoques. En 1970, il y avait environ 10 000 phoques sur toute la côte. Aujourd'hui, il y en a presque 200 000.
Le sénateur Mahovlich: On doit garder un certain équilibre. Il se peut que nous ayons à nous débarrasser de certains phoques.
M. Harling: Vous avez mentionné que votre limite était de deux poissons. Nous faisons encore mieux cette année, à Langara et dans plusieurs cas sur la côte ouest de l'île de Vancouver. La limite est toujours de deux poissons, sauf qu'un de ces poissons ne peut mesurer plus de 77 centimètres. Cette mesure vise à protéger les femelles avec les oeufs.
Il existe toutes sortes de façon de manipuler la prise sportive, les limites de prises et la limite de taille afin de limiter nos prises, tout en nous laissant la possibilité de pêcher et en assurant un impact minimal sur les stocks en question.
Le président: Le sénateur Mahovlich se remémorait avec plaisir sa partie de pêche lorsque nous sommes allés en Colombie-Britannique il y a quelques semaines.
Avant de faire un deuxième tour de table, j'ai une petite question. Vous avez parlé de certains groupes que nous avons rencontrés lorsque nous étions sur la côte Ouest. Notamment, la Regional Aquatic Management Society a voulu nous expliquer un nouveau processus d'allocation qui comprenait notamment l'attribution de permis de pêche, je suppose. Ce groupe a voulu expliquer une façon d'assurer l'allocation du poisson, une approche communautaire, par opposition au modèle de privatisation que met de l'avant le ministère. En fait, l'approche du ministère n'a pas eu beaucoup de succès sur la côte Est.
Le groupe a voulu nous présenter un modèle selon lequel, plutôt que d'allouer les stocks à des intérêts privés, ils seraient alloués à des intérêts communautaires. L'une de mes premières impressions était que cela profiterait en fait davantage à la pêche récréative et sportive si la gestion n'était pas privatisée, mais plutôt communautaire. J'ai maintenant l'impression que vous n'êtes pas d'accord avec ce modèle. Je crois comprendre que vous préférez un modèle de privatisation plutôt que l'autre modèle, n'est-ce pas?
M. Maynard: Monsieur le président, vous pourriez peut-être préciser ce que vous entendez par privatisation. En toute honnêteté, le mot privatisation n'est pas utilisé, tout au moins à ma connaissance, dans le contexte des entretiens sur le saumon ou sur le flétan.
Le président: Oui, ce serait les quotas individuels par bateau, les quotas individuels transférables. Ce serait les quotas qui sont soit alloués à un bateau de pêche ou rattachés à un permis de pêche qui autorise la personne à acheter les stocks. Cela ne s'est pas fait dans le secteur de la pêche au saumon. Cela ne se fait pas encore dans tous les secteurs de la pêche. Cela se fait surtout dans le secteur de la pêche aux poissons de fond, et pour d'autres stocks de poissons également je crois.
Monsieur Maynard: Vous avez raison. Oui, c'est surtout pour le flétan et la goberge. Les pêcheurs sportifs ne pêchent pas la goberge, car ce poisson se trouve généralement dans des eaux trop profondes. Cependant, les pêcheurs sportifs s'intéressent beaucoup au flétan, de sorte que c'est là un exemple de la façon dont cela pourrait fonctionner avec le saumon. Nous sommes d'avis que les ressources halieutiques, par exemple, doivent être gardées en fiducie pour le public, et gérées pour le public. Avec un permis approprié, il est possible d'avoir accès à ces ressources.
À ma connaissance, le système de quotas individuels par bateau pour la pêche commerciale au flétan n'a eu aucun impact sur la pêche sportive qui représente en moyenne environ entre 600 et 800 000 livres de flétans par année. Il y a peut-être des préoccupations à ce sujet, mais je ne suis pas au courant; je ne crois pas non plus que mes collègues ici soient au courant. À notre connaissance, il n'y a pas eu d'entretiens formels en vue d'adopter le système de quotas individuels par bateau pour le saumon.
Le président: Il y a un groupe qui le préconise. Si j'ai bonne mémoire, le Fraser Institute préconise les quotas individuels par bateau ou les quotas individuels transférables -- ce que nous appelons sur la côte Est la privatisation, mais sur la côte Ouest on parle de quotas individuels transférables. Le Fraser Institute préconise en fait la privatisation de pratiquement toutes les pêches. Êtes-vous au courant de la position du Fraser Institute?
M. Maynard: Non. Pour être équitable, il faut dire que le Fraser Institute est un groupe de défense de politique sociale qui se situe passablement à droite. Cela ne me surprend pas. Je n'ai rien contre ses membres, mais je soupçonne qu'ils n'ont pas examiné la question du point de vue de la pêche sportive. Je serais curieux de savoir ce qu'ils pensent de la pêche sportive ou récréative. Les deux types de pêche sont très différents. Comme M. Bird l'a dit précédemment, la pêche récréative n'est pas axée sur l'abondance, mais plutôt sur les possibilités.
Le président: L'impression que j'ai eue du Fraser Institute, c'est que si cela marche, il faut privatiser, sinon, il faut l'enterrer.
M. Harling: Ma propre organisation s'opposerait fermement à un système de QIB pour la pêche au saumon. Cela ne nous conviendrait pas du tout.
Le président: C'était la question suivante que j'allais vous poser. Y a-t-il des chances que l'on instaure un système de QIB ou de QIT pour la pêche sportive? Pourrait-elle être privatisée, de sorte qu'un pourvoyeur pourrait acheter un autre pourvoyeur et se voir allouer les un, deux ou trois poissons de ce dernier? Est-ce théoriquement possible? Dans l'affirmative, ne serait-il pas sage d'en parler avec les RAM, du moins sous cet angle, afin d'examiner la question?
M. Maynard: On pourrait examiner la question, mais on risque de priver la population canadienne de son droit de pêche. Si c'est là l'objectif, très bien, allez-y, mais à mon avis, ce ne serait pas dans l'intérêt de la population canadienne.
Le président: J'aurais tendance à être d'accord là-dessus.
Mme Murphy: Le saumon est une espèce très migratrice. Comment une espèce très migratrice qui traverse les eaux internationales et qui est propriété commune de tous les Canadiens peut-elle être allouée à une communauté côtière? On exclue presque ainsi d'autres Canadiens qui pourraient acheter des permis de pêche afin d'obtenir le droit d'accès à la pêche.
Le président: Le saumon n'est pas le seul poisson qui nage. Comme un premier ministre célèbre l'a dit un jour, le problème avec le poisson, c'est qu'il nage. Cependant, cela n'a pas empêché certains de promouvoir la privatisation au Canada depuis quelques années maintenant.
Le sénateur Robichaud: Vous avez parlé brièvement des phoques. Souvent, lorsqu'on nous parle des problèmes des stocks, on nous parle également des phoques. Vous avez dit que le nombre de phoques n'a cessé d'augmenter sur la côte Ouest. Je crois comprendre qu'il n'y a pas de captures. Je suppose que leurs prédateurs naturels ne sont pas aussi nombreux qu'ils l'ont déjà été, de sorte que leur nombre ne fait qu'augmenter.
M. Maynard: C'est exact. Les seuls prédateurs naturels réels des phoques sont les rorquals. Comme M. Harling l'a dit tout à l'heure, il y a différentes populations de rorquals. Les rorquals qu'on appelle migrateurs se nourrissent surtout de mammifères, de phoques et de lions de mer. Il y a toute une population résidente qui se trouve habituellement dans les eaux intérieures de Victoria, jusque sur la côte est de l'île de Vancouver, en été, qui mange surtout des poissons. C'est une question qui a piqué ma curiosité.
Je travaille depuis très longtemps comme guide indépendant pour la pêche sportive sur la rivière Campbell sur la côte est de l'île de Vancouver, et je suis souvent sur l'eau. J'ai assisté à une véritable explosion de la population de phoques au cours des 20 dernières années. Je suis curieux de savoir pourquoi il n'y a pas eu une explosion correspondante de la population de rorquals, car il y a une tonne d'aliments pour eux.
M. Harling: D'après les renseignements dont je dispose, ce segment de la population de rorquals qui s'alimentent de mammifères a augmenté dans une certaine mesure tandis que la population de rorquals qui mangent du poisson a diminué.
M. Bird: Le problème, c'est une question de temps. Si nous pouvions attendre 150 ans, la population de rorquals augmenterait et les phoques, s'ils continuent au même rythme, développeraient sans doute un problème de maladie, car il y a une explosion de la population dans le golfe. Nous n'avons malheureusement pas le temps d'attendre. Nous devons gérer le poisson, non pas les phoques.
Comme l'a dit M. Harling, notre position est bien arrêtée. Nous ne parlons pas d'éradication; plutôt, nous parlons de zones bien précises et de problèmes bien particuliers qui peuvent être réglés. Lorsqu'il faut attendre que la nature suive son cour, comme vous le savez, le problème, c'est que nous ne serons plus là pour en voir les résultats.
Le sénateur Robichaud: La gestion des stocks de saumon devrait être combinée à celle des stocks de phoques; sinon, ces efforts seront futiles, n'est-ce pas?
M. Harling: Jusqu'à présent, sauf pour le cas très exceptionnel de la rivière Puntledge à Courtenay, sur la côte est de l'île, l'abondance des phoques dans les divers estuaires n'a pas encore été bien évaluée. L'un des ruisseaux, le ruisseau Black Creek, au nord de Courtenay, est le ruisseau indicateur de la présence de coho. C'est ce ruisseau dont se sert le ministère pour évaluer l'abondance de coho.
Ce ruisseau est petit et souvent, les poissons qui y reviennent peuvent attendre deux ou trois semaines que l'eau monte. Bien sûr, s'il y a 100 phoques à l'embouchure de la rivière et que les poissons restent là à attendre, les phoques en mangent une bonne partie. L'estimation du taux de survie dans l'océan devient alors incertaine. Il arrive qu'une année, le niveau d'eau soit suffisant et que les poissons puissent remonter jusqu'à la rivière, ce qui réduit le niveau de prédation, alors que d'autres années, les poissons doivent attendre jusqu'à un mois. En un mois, les stocks de poisson dans ce ruisseau peuvent disparaître. C'est là le problème que nous connaissons dans bon nombre des ruisseaux de la côte est de l'Île de Vancouver et, je présume, ailleurs aussi.
Le sénateur Robichaud: Vous avez dit plus tôt que les pêcheurs sportifs capturent des poissons «d'élevage», des poissons qui ont été élevés et qui ne proviennent pas de stocks naturels. Pourriez-vous m'en dire plus long à ce sujet? Qui le fait et comment et pourquoi cette pratique n'est-elle pas plus répandue?
M. Harling: Des gens tels que moi le font. Il y a plusieurs écloseries communautaires qui permettent aux clubs locaux de chasse et pêche et aux sociétés de mise en valeur de produire du quinnat, du coho et d'autres espèces à partir de petits ruisseaux. On utilise des écloseries satellites. Le ministère exploite des installations de ce genre assez importantes.
L'une de nos difficultés dans le cadre du processus d'examen de la mise en valeur du saumon, c'est que le ministère a imposé une réduction des fonds. Il y a quelques années, on disposait d'environ 40 millions de dollars; cette somme est maintenant de 23 millions de dollars et diminue d'environ trois millions de dollars par année. Cela signifie que certaines de ces écloseries seront forcées de fermer leur porte. Toutefois, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de les fermer tout de suite -- surtout que l'on tente de mettre en valeur des stocks qui ont fait face à des problèmes de survie dans l'océan et à la perte d'habitats en eau douce. Mais c'est un problème auquel nous devrons faire face à court terme.
M. Maynard: Un processus d'examen est actuellement en cours sur la côte Ouest. Le ministère vient d'adopter une nouvelle politique pour le saumon sauvage. On a lié à cette politique un examen public de ce qu'on appelle sur la côte Ouest le programme de mise en valeur des salmonidés qui, en toute objectivité, a été un grand succès.
Presque tous ceux qui sont associés à la pêche au saumon -- et c'est une opinion que partagent bien des employés du ministère des Pêches et des Océans travaillant sur le terrain -- sont d'avis que le gouvernement fédéral actuel cherche à miner le programme de mise en valeur du saumon.
Actuellement, on tient un peu partout dans la province des journées porte ouverte. D'ailleurs, il y en aura une dans mon village de Campbell River demain soir. Ceux qui s'intéressent à la pêche sportive et les groupes d'intendance se préparent à indiquer clairement au gouvernement que ce n'est pas le moment de réduire le financement du programme de mise en valeur des salmonidés, tant pour ce qui est des efforts d'intendance communautaire et de mise en valeur que des grandes écloseries exploitées par le ministère des Pêches et des Océans.
Bien sûr, dans un monde parfait, les poissons sauvages nous suffiraient, mais nous ne vivons pas dans un monde parfait. Nous croyons donc que la mise en valeur présente bien des avantages. À une exception près, les études menées par les ONG et à l'interne par le ministère des Pêches et des Océans ont prouvé que chaque dollar investi dans le programme de mise en valeur des salmonidés a permis de générer de 1,20 $ à 1,60 $ pour le Canada. Ce programme est donc très rentable. Nous espérons qu'il restera un programme utile et qu'on n'en fera pas une coquille vide.
M. Harling: Je vous donne un exemple: dans la vallée inférieure du Fraser, 95 p. 100 des ruisseaux à saumon qui étaient productifs sont aujourd'hui menacés. Seulement 4,5 à 5 p. 100 d'entre eux sont considérés comme des cours d'eau sauvages. La plupart se trouvent derrière des barrages ou sur des pentes très abruptes et ne sont pas des rivières productrices de poisson au départ.
Comme l'a dit M. Maynard, dans un monde parfait nous n'aurions pas besoin du programme de mise en valeur des salmonidés. Le problème, justement c'est que nous ne vivons pas dans un monde parfait. Il ne fait aucun doute que dans certains de ces systèmes, dans la vallée inférieure du Fraser et dans le bassin Thompson sur la côte est de l'île de Vancouver, il n'y a qu'une alternative: on élève des poissons en écloserie ou on se passe de poisson. C'est aussi simple que cela.
M. Maynard: J'aimerais ajouter une chose, si vous me le permettez, en guise de complément à ce dont on a parlé plus tôt. M. Bird a fait allusion à la pêche sélective des poissons marqués dans le cas du coho. Dans une grande mesure -- c'était certainement le cas dans le passé -- le coho a permis d'assurer la subsistance des pêcheurs sportifs, surtout dans le sud de la Colombie-Britannique, dans le détroit de Georgie et sur la côte ouest de l'île de Vancouver. On y a beaucoup souffert de la destruction et de la modification de l'habitat d'eau douce, parce que, de tous les saumons, le coho est celui qui passe le plus de temps en eau douce avant d'aller en mer. Par conséquent, il est particulièrement vulnérable à la modification et à la destruction de l'habitat d'eau douce. De plus, le coho a souffert probablement plus que les autres espèces de saumon du faible taux de survie associé à El Nino du milieu jusqu'à la fin des années 90. Par conséquent, la pêche sportive et, reconnaissons-le, la pêche commerciale du coho ont souffert.
C'est grâce à la politique de répartition que la pêche sportive a eu gain de cause au chapitre du coho. Une fois que les besoins relatifs à la conservation et à la pêche d'espèces comestibles par les Premières nations sont comblés, notre accès est meilleur. La pêche récréative prime sur la pêche commerciale.
Ces deux dernières années, l'objectif est d'assurer une mortalité zéro des stocks de coho particulièrement menacés, soit surtout ceux de la rivière Thompson, un des principaux tributaires de l'intérieur sud du Fraser, et de la partie supérieure de la Skeena, dans le nord de la Colombie-Britannique. En général, le coho sauvage, surtout dans le sud de la Colombie-Britannique, est aussi en danger. On a surtout ciblé ces deux groupes, mais le coho sauvage en général se porte mal.
Les pêcheurs sportifs reconnaissent ce fait et ne souhaitent nullement capturer les derniers cohos sauvages d'une rivière ou d'une autre. Nous appuyons toute mesure de gestion qui permettra la reconstitution des stocks de coho sauvage. Je crois même pouvoir dire que la grande majorité des bénévoles à l'origine des efforts communautaires d'intendance en Colombie-Britannique, efforts qui sont déployés dans le cadre du programme de mise en valeur des salmonidés auquel nous avons fait allusion, proviennent de la pêche sportive, tout simplement parce que les pêcheurs sportifs sont plus nombreux.
Parallèlement, il faut du poisson pour assurer la subsistance de la pêche sportive. Nous voulons maintenir l'existence non seulement des poissons, mais aussi de la pêche.
Comme je l'ai dit plus tôt, l'activité économique dans le secteur récréatif a baissé de façon radicale. Elle est passée de plus de 700 millions de dollars par année à moins de 300 millions de dollars annuellement sur une période de quatre ans. Cette baisse se poursuit probablement. Nous ignorons ce qui s'est produit ces 18 derniers mois.
Pour en revenir à ce à quoi je voulais en venir, les saumons coho d'écloserie sont importants, à notre avis, car ils constituent pour les pêcheurs à la ligne une prise qui n'est pas menacée. Ces poissons se reconnaissent à leur petite nageoire sur le dos, la nageoire adipeuse, qui a été coupée. Et cela ne blesse pas le poisson puisque cette nageoire n'est d'aucune utilité.
Depuis 1992 ou 1993, nous travaillons à faire exécuter ce programme par le ministère. Je crois pouvoir dire que certains éléments du ministère des Pêches et Océans ont résisté. La tâche n'a pas été facile, mais nous avons réussi.
Depuis deux ou trois ans, on marque les juvéniles dans les écloseries. On coupe cette petite nageoire avant de les relâcher en mer. Ces poissons servent d'outils de gestion. Pour l'an 2000, nous espérons que le ministère mettra en oeuvre une pêche sélective des cohos marqués à grande échelle. Les poissons sont là. Il faut qu'il y ait des poissons si nous voulons que la pêche continue d'exister, qu'elle ne s'effondre pas davantage. Pour l'instant, nous attendons les résultats.
C'est un autre exemple de l'absence de réglementation pour la pêche sportive en dépit de son importance.
M. Harling: D'ailleurs, il nous faut ces informations d'ici janvier 2001, car c'est à ce moment que la plupart des camps de pêche commencent à faire leur promotion. On nous a signalé des annulations, la pêche étant si imprévisible. Un type m'a indiqué que cela avait entraîné pour lui des pertes d'environ 40 000 $. Cela fait mal, et c'est attribuable au ministère qui refuse d'agir et de dresser un plan de pêche. Ce plan a encore été reporté. Honnêtement, je ne crois pas qu'il sera prêt avant juillet. On est si occupé à réorganiser le ministère sur la côte Ouest et à participer à des réunions de gestion qu'on n'a pas le temps de gérer la pêche.
Mme Murphy: J'aimerais ajouter une chose à la remarque qu'a faite M. Maynard il y a un moment. Il a parlé de l'approche de prudence en matière de conservation. La Loi sur les océans comporte toute une gamme de nouvelles mesures portant sur la gestion intégrée. Jusqu'à présent, le seul principe qui semble jouir d'une certaine popularité est celui de la prudence. Le concept d'une pêche durable et d'une gestion fondée sur des informations scientifiques reste négligée. Or, il est difficile d'appliquer le principe de prudence à la conservation sans soutenir une pêche durable.
M. Maynard: Si cela vous était utile, nous pourrions vous donner des exemples des conséquences sociales et économiques de certains des régimes de gestion des dernières années.
Le sénateur Robichaud: Il nous serait certainement utile que vous nous résumiez cela.
M. Maynard: Comme nous l'avons indiqué plus tôt, en 1998, le ministre Anderson a modifié de façon radicale la gestion du coho. Il a interdit à tous les pêcheurs de la Colombie-Britannique de conserver tout coho qu'ils pêcheraient en 1998. C'est ce qu'on a appelé l'objectif de la mortalité zéro. C'est vite devenu une camisole de force pour tous les pêcheurs, les pêcheurs sportifs, commerciaux et autochtones. Nous reconnaissons que la conservation du coho soulève des questions, et que certains stocks sont particulièrement préoccupants, mais les conséquences de la politique de mortalité zéro ont été énormes.
Ainsi, depuis deux ans, il y a ce qu'on appelle des zones rouges dans le détroit de Juan de Fuca, sur la côte sud-ouest de l'île de Vancouver. Dans les zones rouges, la pêche au saumon est interdite pour tous, y compris les pêcheurs autochtones, commerciaux et sportifs.
Dans cette zone-là, on voulait sauver le plus possible de cohos de la rivière Thompson. Si l'on avait permis la pêche sportive dans cette zone rouge tout en imposant la règle remise à l'eau du coho -- comme l'a dit M. Bird, son taux de survie est généralement très élevé -- d'après le ministère des Pêches et des Océans, entre 7 et 15 cohos de la rivière Thompson seraient morts chaque année.
L'an dernier, 16 000 poissons sont retournés à la rivière Thompson et, cette année, on s'attend à ce qu'il y en ait 20 000. Nous estimons qu'on ne peut mesurer la différence que représente 7 à 15 poissons dans un groupe de 16 000. Ce même ministère des Pêches et des Océans a estimé à 20 millions de dollars ou plus chaque année les retombées économiques de la pêche sportive dans la seule petite région du sud-ouest de l'île de Vancouver. Cela vous donne une idée de la dure réalité de la pêche récréative sur la côte Ouest. Nous jugeons cela excessif.
Nous sommes heureux que le ministre Dhaliwal ait indiqué récemment vouloir faire preuve d'une plus grande souplesse dans sa gestion du coho. Il aurait d'ailleurs supprimé les zones rouges du sud-ouest de l'île de Vancouver, ainsi que dans la région où le sénateur Mahovilch a pêché il y a deux ans, celle de Langara.
Toutefois, la zone rouge du fleuve Fraser existe toujours. Pêches et Océans vient de créer une énorme zone rouge pour le quinnat sur la côte ouest de l'Île de Vancouver. Nous ne sommes donc pas encore sortis de l'auberge.
Nous espérons que pour la gestion du coho en l'an 2000, la souplesse se traduira par la mise en oeuvre d'une pêche sélective des poissons marqués, comme nous l'avons décrit il y a un instant.
Le président: Un peu plus tôt, nous avons parlé des contingents individuels transférables. Si je me souviens bien, nous avons aussi traité de ce sujet dans le cadre d'une étude sur la privatisation que nous avons faite il y a quelques années. Il me faudrait relire les témoignages que nous avions entendus à l'époque.
Si ma mémoire est bonne, les scientifique d'une université proposaient la création de droits de pêche individuels transférables. Ainsi, chaque pêcheur aurait eu un droit de pêche qu'il aurait pu vendre à un autre. Ces droits auraient pu être accumulés pour former ce qu'on appelait un «droit de pêche individuel».
Je devrai relire les témoignages. On avait employé beaucoup de termes scientifiques qui m'avaient rebuté. Lorsque les scientifiques se lancent dans des explications trop compliquées, j'ai tendance à décrocher. Mais je relirai nos délibérations de l'époque. Si je trouve ce que je cherche, je vous l'enverrai, si vous me le permettez.
M. Harling: Je vous en saurais gré.
Le président: Au nom du comité, je vous remercie de votre participation à notre séance de ce soir. Votre témoignage nous a été extrêmement utile. Vous avez dit au sénateur Robichaud que vous aviez des informations à nous envoyer. N'hésitez pas à le faire. Nous aimerions que ces informations fassent partie du compte rendu officiel des délibérations de notre comité.
Nous avons déjà reçu des renseignements du ministère des Pêches de la Colombie-Britannique. Si vous avez autre chose d'utile à nous envoyer, des informations qui pourraient nous servir dans l'élaboration de notre rapport cet automne, n'hésitez pas à nous les faire parvenir. Nous aimerions beaucoup les inclure à notre compte rendu.
Une dernière observation avant que je ne lève la séance?
M. Harling: Vous avez dit que la Fédération de la faune de la Colombie-Britannique compte 3 000 membres. C'est plutôt 30 000 membres.
Le président: C'est toute une différence.
M. Harling: Je ne suis pas président de la Fédération. Je préside simplement le comité de la pêche côtière.
Le président: Nous espérons vous revoir bientôt, peut-être à notre prochaine visite en Colombie-Britannique. Nous ne manquerons pas de vous appeler.
Le président: Chers collègues, dans un moment nous passerons au sujet suivant à notre ordre du jour. Nous attendons seulement que deux ou trois autres personnes se joignent à nous.
J'en profite pour passer à l'adoption des motions. Vous devriez avoir une motion demandant que les documents présentés par le secteur de la pêche sportive soient officiellement déposés auprès de la greffière du comité. Qui veut en faire la proposition?
Le sénateur Watt: J'en faits la proposition.
D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: La motion est adoptée.
La deuxième motion porte sur une lettre du comité des Pêches adressée au ministre des Pêches et des Océans et demandant qu'on donne suite à la première recommandation du rapport: «Privatisation et permis à quota dans les pêches canadiennes». Je crois que vous avez tous cette lettre sous les yeux. Si vous êtes d'accord, chers collègues, j'enverrai cette lettre. Si vous préférez avoir encore un peu de temps, cela pourrait attendre à notre prochaine séance ou à l'automne.
Le sénateur Robichaud: C'est une bonne idée.
Le président: Nous pourrions demander au comité de direction, plutôt qu'au comité plénier, de s'en occuper.
Le sénateur Watt: Laissons cela au comité de direction.
Le président: D'accord. Nous pourrions quand même faire plus. À l'origine, le Conseil canadien des pêcheurs professionnels a demandé à me rencontrer pour le suivi de notre rapport. Après avoir passé en revue certains documents, nous avons constaté que certaines des questions que nous avions posées sont restées sans réponse.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Je trouve que c'est une très bonne idée de faire cela plutôt que de laisser un rapport dont les recommandations étaient très consultées.
Le sénateur Comeau: Oui, c'est une approche que j'aimerais commencer à utiliser de temps à autre dorénavant pour que l'on n'oublie pas notre travail.
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs les membres du comité, le sujet suivant est dans un tout autre ordre d'idée.
[Français]
J'aimerais que les membres du comité sachent que c'est la dernière soirée du sénateur Perry Poirier avec nous. Nous regrettons que sa présence avec nous ait été d'aussi courte durée, et je le dit avec grande sincérité. Nous sommes tous fiers de votre contribution au comité, et votre participation très active va nous manquer, ainsi que votre sens de l'humour et votre amitié. Même si votre séjour au Sénat aura été bien trop court, vous nous quittez avec nos meilleures pensées et nos meilleurs remerciements pour votre contribution.
Le sénateur Perry Poirier: Merci beaucoup.
Le sénateur Comeau: Ceci étant dit, je tiens à vous faire une présentation officielle en vous remettant une plaque que nous nous sommes procurés lors de notre voyage sur la côte Ouest. Cette plaque vous est remise à titre d'hommage. On peut y lire: «Le 23 août 2000, l'honorable sénateur Melvin Perry Poirier, à l'occasion de son départ du Sénat et en reconnaissance de sa précieuse contribution aux travaux du comité sénatorial permanent des pêches».
Je sais que vous aviez remarqué cette scène, et nous l'avons choisie pour vous. J'aimerais aussi dire à Mme Perry Poirier que nous la remercions également pour nous avoir laissé son mari si souvent.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich: Sur une note un peu plus sérieuse, sénateur Poirier, le comité des Pêches a décidé de vous offrir un trophée pour l'excellent travail que vous avez fait sur la côte Ouest plus particulièrement, surtout après que vous ayez remarqué là-bas une baleine de l'Île-du-Prince-Édouard. Cette sculpture est pour vous; je vous la remets au nom du Comité des pêches. C'est la première baleine de l'Île-du-Prince-Édouard, découverte par l'honorable Melvin Perry Poirier, le 30 mars 2000 à Tofino, Vancouver. Je vous offre mes félicitations et vous remercie sincèrement.
Le sénateur Perry Poirier: Je me disais bien que ce n'était pas passé inaperçu. Mais le sénateur Mahovlich n'a pas voulu me croire.
Le sénateur Mahovlich: Je crois que cette baleine est encore là-bas.
Le sénateur Perry Poirier: Elle y restera encore un moment.
Le président: Sénateur Poirier, avez-vous des remarques à faire?
Le sénateur Perry Poirier: Je remercie le comité de m'avoir invité à travailler avec lui.
Le sénateur Perrault: Nous aurions aimé que vous vous joigniez à nous il y a 20 ans.
Le président: Nous avons aussi pour vous une carte que tous les membres du comité ont signée. Trêve de plaisanteries: sénateur Poirier, nous avons beaucoup apprécié votre présence au sein du comité; cela a été un grand privilège pour nous de travailler avec vous. Merci beaucoup.
Le sénateur Perry Poirier: Merci de vos aimables propos. J'en suis touché.
La séance est levée.