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L’efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation 

Comité sénatorial permanent des finances nationales

QUATORZIÈME RAPPORT

Président: L’honorable Lowell Murray, C.P.
Vice-présidente: L’honorable Anne C. Cools

Mars 2002


MEMBRES DU COMITÉ

 Comité sénatorial permanent des finances nationales

 Président: sénateur Lowell Murray, C.P. 

Vice-présidente: sénateur Anne C. Cools

 Membres:

sénateur Tommy Banks
sénateur Roch Bolduc
sénateur Sharon Carstairs, C.P.(ouRobichaud, Fernand)*
sénateur William Doody
sénateur Marisa Ferretti-Barth
sénateur Isobel Finnerty
sénateur George Furey
sénateur Noel Kinsella
sénateur John Lynch-Staunton (or Kinsella, Noel)*
sénateur Frank Mahovlich
sénateur Terry Stratton
sénateur James Tunney
 

Autres sénateurs qui ont participés à l’étude:

sénateur Willie Adams
sénateur Joseph A. Day
sénateur Ione Christensen
sénateur Gérald J. Comeau
sénateur William Rompkey
sénateur John (Jack) Wiebe 

De la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement

M. Guy Beaumier
agent de recherche

 Tõnu Onu
Greffier du Comité

*Membres Ex-Officio


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Jounaux du Sénat du mardi 12 juin 2001 :

L’honorable sénateur Rompkey, C.P., propose, appuyé par l’honorable sénateur Watt, 

         Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’efficacité de la politique actuelle de péréquation pour ce qui est de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables;

         Que le Comité dépose son rapport au plus tard le 21 décembre 2001.

Après débat,

         En amendement, l’honorable sénateur Comeau propose, appuyé par l’honorable sénateur Lynch-Staunton, que la motion soit modifiée par l’ajout, après le mot « efficacité », des mots « et les améliorations possibles. »

La motion d’amendement, mise aux voix, est adoptée.

         Le Sénat reprend le débat sur la motion telle que modifiée, de l’honorable sénateur Rompkey, C.P., appuyé par l’honorable sénateur Watt,

         Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation pour ce qui est de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables;

         Que le Comité dépose son rapport au plus tard le 21 décembre 2001.

Après débat,

La motion, telle que modifiée, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat
Paul C. Bélisle
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Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 12 décembre 2001 

            L’honorable sénateur Kinsella, au nom de l’honorable sénateur Murray, C.P., propose, appuyé par l’honorable sénateur Cochrane : 

            Que la date de présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des finances nationales a sujet de son étude sur l’efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation, autorisée par le Sénat le 12 juin 2001, soit reportée au 26 février 2002. 

            Que le comité soit autorisé , par dérogation aux règles usuelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que le rapport soit réputé avoir été déposé à la chambre du Sénat  

La motion, mise aux voix, est adoptée. 

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Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 21 février 2002 

            L’honorable sénateur Murray, C.P., propose, appuyé par l’honorable sénateur Stratton: 

            Que la date de présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des finances nationales a sujet de son étude sur l’efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation, autorisée par le Sénat le 12 juin 2001, soit reportée au 22 mars 2002. 

Après débat,  

La motion, mise aux voix, est adoptée. 


Avant propos du Président

Le présent rapport décevra ceux qui espéraient que notre Comité souscrirait à une ou plusieurs des nombreuses modifications radicales proposées récemment, lesquelles, croyait-on, amélioreraient sans contredit le Programme de péréquation du gouvernement fédéral.  

Lorsque le Comité a entrepris son étude, un grand nombre de ses membres s’attendaient à ce qu’un examen plus poussé montre que ces modifications équivaudraient à une meilleure politique gouvernementale, en général, et seraient plus avantageuses pour les provinces bénéficiaires, en particulier. Nous avons obtenu la meilleure information qui soit sur ces propositions :  

  • l’introduction d’une « macro-formule » simple et facile à comprendre en remplacement du régime fiscal représentatif actuellement utilisé comme fondement de la péréquation;
  • la suppression des revenus provenant des ressources non renouvelables dans le calcul prévu par la formule, comme le préconisaient deux provinces de l’Atlantique et certains analystes universitaires;
  •  l’idée que la formule pouvait et devait être conçue pour tenir compte de différentes tensions de coûts touchant la prestation des services des gouvernements provinciaux.

Nous avons étudié minutieusement ces propositions et nous en avons longuement discuté, pendant 30 heures au cours de 18 séances du Comité. Nous en sommes arrivés à la conclusion que les avantages que ces modifications laissaient entrevoir demeurent à tout le moins impossibles à prouver. Dans certains cas, comme nos tableaux l’indiquent, elles entraîneraient de nouvelles iniquités susceptibles de semer la discorde entre les provinces. Il se pourrait que des circonstances futures permettent d’envisager ces propositions sous un autre éclairage, mais, pour le moment,  nous ne pouvons pas les retenir.

Nous déplorons la situation fâcheuse dans laquelle se trouvent les provinces moins bien nanties qui ont commencé à tirer profit de l’exploration des ressources pétrolières en mer pour tout simplement s’apercevoir que l’augmentation de leurs revenus entraînait une diminution des paiements de péréquation du gouvernement fédéral. Nous croyons qu’il faut régler ce problème dans le contexte des ententes conclues avec les provinces concernées ou dans le cadre d’autres programmes, nouveaux ou déjà en place, plutôt qu’au moyen de changements au régime de péréquation, ce qui entraînerait toute une série d’autres problèmes.

Il va sans dire que nous avons rejeté la notion, avancée par certains observateurs de la scène économique, que la péréquation n’a pas sa place, nuit à la croissance économique et crée une culture de la dépendance chez les provinces bénéficiaires. Au contraire, nous sommes tout à fait en faveur du concept. C’est pourquoi nous voudrions que des changements soient apportés à certains éléments du programme actuel qui, à notre avis, ne cadrent pas avec celui-ci. Nous recommandons en outre l’élimination du plafond imposé aux augmentations des paiements de péréquation et un retour à une norme des dix provinces pour le calcul de la capacité financière et, par conséquent, du droit à péréquation, des provinces. Ces mesures enrichiront le programme de péréquation, mais nous estimons que même si elles sont importantes pour les provinces bénéficiaires, les augmentations demeureront à la portée du trésor fédéral et conviennent à un programme qui est un des piliers du fédéralisme canadien.

Au bout du compte, il s’est produit deux faits qui montrent à quel point un programme comme celui de la péréquation est sensible à des événements imprévus. Une fois nos audiences publiques terminées, mais avant que nous ayons mis la dernière main à notre rapport, un changement dans la méthode utilisée par Statistique Canada pour le calcul de la valeur des propriétés résidentielles de même qu’une révision des données sur la croissance économiques semblaient devoir entraîner une réduction de plus de 800 millions de dollars des paiements de péréquation du Québec, une réduction de plus petite envergure pour Terre-Neuve et le Labrador et des augmentations pour d’autres provinces. Cet incident et ses répercussions sont décrits aux pages 21 et 22 et ont donné lieu à la recommandation 4, à la page22.

Après que ce rapport a été mis sous presse, Statistique Canada a publié les données du recensement de 2001. Plusieurs provinces ont vu leur population diminuer (Statistique Canada reverra ces chiffres plus tard) et leurs gouvernements se sont empressés de calculer l’incidence négative inévitable d’une telle situation sur leur droit à péréquation. Or, le gouvernement peut, en modifiant temporairement le régime s’il le faut, atténuer les effets très négatifs de pareils développements sur les provinces. Le régime actuel de péréquation lui offre une certaine souplesse et peut être adapté aux changements subits de circonstances.

Les sénateurs qui ont participé à cette étude spéciale représentent tant des provinces bénéficiaires que d’autres qui n’ont droit à aucun paiement. Nous sommes unanimes à penser qu’il s’agit d’un programme national important – voire, d’un programme qui nous définit. À titre de président, je remercie mes collègues de leur patience et de leur coopération. Ce projet s’est ajouté aux travaux habituels de notre comité, qui incluent l’examen du budget principal et des budgets supplémentaires des dépenses des divers ministères et organismes du gouvernement ainsi que des projets de loi que le Sénat nous renvoie. La charge déjà lourde de notre personnel et de nos conseillers s’en est trouvée considérablement alourdie. Je tiens à remercier tout spécialement encore une fois notre greffier, M. Tonu Onu, et notre attaché de recherche de la Bibliothèque du Parlement, M. Guy Beaumier.

Le président
Lowell Murray


TABLE DES MATIÈRES 

INTRODUCTION

TRANSFERTS FÉDÉRAUX AUX PROVINCES

HISTORIQUE
   A.  Les accords de location de domaine fiscal – 1947-1956
   B.  Les premiers systèmes de péréquation – 1957-1967
   C.  La péréquation et la crise du pétrole – 1967-1982
   D.  Modification constitutionnelle – les modalités – 1982-1987
   E.  Le passé récent de 1987 à nos jours

ÉLÉMENTS CLÉS DU PROGRAMME DE PÉRÉQUATION

LA PÉRÉQUATION ET LES RESSOURCES NATURELLES

LES ACCORDS ATLANTIQUES

QUESTIONS PRINCIPALES
   A.  La formule de péréquation actuelle
      1.  La formule macro
   B.  Le plafond applicable au total des paiements
   C.  Le plancher applicable aux paiements de péréquation
      1.  Changements de méthodologie
   D.  La norme englobent cinq provinces
   E.  Recettes provenant des ressources non renouvelables et le calcul de la péréquation
   F.  Paiements de péréquation et besoins de développement des provinces

Liste des recommandations

ANNEXES

Annexe A – Revenus pris en compte dans la péréquation
Annexe B – Formule macro et droit à péréquation des provinces
Liste des témoins


INTRODUCTION

Les possibilités de développement économique et partant la répartition de la richesse sont loin d’être égales au Canada. Pour atténuer les disparités, le gouvernement fédéral a élaboré un certain nombre de mécanismes de transfert. L’un de ceux-ci, le Programme de péréquation, est conçu pour assurer aux Canadiens des niveaux de service de leurs gouvernements provinciaux comparables moyennant des taux d’imposition comparables. Il importe de reconnaître que le mécanisme ne consiste pas à transférer des ressources des provinces riches aux provinces moins riches. Ce programme fédéral est financé par les revenus fiscaux provenant de l’ensemble des provinces et non pas seulement de celles considérées comme « nanties ». Faute d’un programme de ce genre, les services publics essentiels accuseraient de grandes différences à l’intérieur du pays. Ce programme traduit le sentiment de justice cher aux Canadiens, si cher que le Parlement en a entériné les principes dans la Constitution.  Malgré cela, le programme soulève toujours la controverse dans l’arène politique et suscite bien des analyses de la part d’universitaires.

L’adoption en juin 2001 du projet de loi C-18 : Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, a pour effet d’éliminer le plafond des paiements de péréquation aux provinces pour l’exercice 1999-2000.  À l’occasion du débat suscité par le projet de loi, d’aucuns ont demandé un nouvel examen du programme dans son ensemble.  C’est ainsi que le Sénat, par l’ordre de renvoi daté du 12 juin 2001, a autorisé le Comité sénatorial permanent des finances nationales à : 

Étudier, afin d’en faire rapport, l’efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation pour ce qui est de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Tous les gouvernements provinciaux ont été invités à soumettre leurs vues au Comité.  Cinq provinces bénéficiaires ont répondu à son invitation et, durant plusieurs semaines d’audiences, au cours de l’automne 2001, le Comité a entendu le premier ministre et le ministre des Finances de Terre-Neuve-et-Labrador, les ministres des Finances du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, du Manitoba, ainsi que le trésorier provincial de l’Île-du-Prince-Édouard. Il a aussi reçu les témoignages du Syndicat canadien de la fonction publique et de cinq universitaires spécialistes de la péréquation, à savoir M. Ken Boessenkool, les professeurs Dan Usher et Robin Boadway de l’Université Queen’s, le professeur Michel Boucher de l’École nationale d’administration publique de Québec et le professeur Paul Boothe, de l’Université de l’Alberta, ancien sous-ministre des Finances en Saskatchewan.

 

LES TRANSFERTS FÉDÉRAUX AUX PROVINCES

Le gouvernement fédéral accorde une aide financière annuelle aux provinces et aux territoires pour les aider à livrer leurs programmes et services aux Canadiens.  Grâce à ces transferts entre gouvernements, tous les Canadiens ont droit à des services publics d’un niveau comparable, peu importe où ils vivent.  Les transferts en question appuient des programmes provinciaux importants – tels que les soins de santé, l’enseignement postsecondaire et les programmes sociaux.  Pendant l’exercice 2001-2002, le gouvernement fédéral transférera un montant estimatif de 47,0 milliards de dollars aux provinces et aux territoires.

La plus grande partie des transferts fédéraux aux provinces et aux territoires se fait par l’entremise de trois grands programmes :  

1.         Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), versé aux provinces et territoires sous forme d’espèces et de points d’impôt, est un mécanisme de financement global qui offre une aide au titre des soins de santé, de l’enseignement postsecondaire, de l’aide sociale et des services sociaux.  En contrepartie des paiements du TCSPS, les provinces doivent appliquer les principes de la Loi canadienne sur la santé et sont tenues d’offrir de l’aide sociale sans imposer d’exigences minimales en matière de résidence.  En 1999, un nouvel accord quinquennal a été mis en place pour ce programme.  Pendant l’exercice 2001-2002, le TCSPS se chiffrera à 34,6 milliards de dollars, dont 18,3 sous forme d’espèces et 16,3 sous forme de transferts de points d’impôt.  La composante en espèces du transfert repose sur une affectation égale par habitant entre les provinces.  Parce que les points d’impôt varient d’une province à l’autre, la composante fiscale est assujettie à un mécanisme de péréquation se chiffrant à 1,2 milliards de dollars pour l’exercice 2001-2002.  Les provinces bénéficiaires qui ont droit à cette forme de péréquation reçoivent les fonds en même temps que les paiements de transfert au titre de péréquation. 

2.         Le programme de péréquation a pour objet de fournir des fonds aux provinces moins prospères pour leur permettre d’offrir des services publics comparables pour un niveau d’imposition sensiblement équivalent.  Les paiements de péréquation ne sont assortis d’aucune condition; les provinces peuvent les utiliser comme elles l’entendent.  Durant l’exercice 2001-2002, sept provinces auront droit à des paiements de péréquation dont le montant total estimatif se chiffrera à 10,4 milliards de dollars.  Le mode de calcul des droits à péréquation des provinces est décrit plus loin. 

3.         La formule de financement des territoires (FFT) est une forme de transfert qui permet de tenir compte des défis particuliers et des coûts supérieurs entourant la prestation de services publics dans le Nord canadien.  C’est la principale source de revenu des gouvernements territoriaux.  La FFT est conçue pour fournir aux trois gouvernements du Nord des apports financiers stables et prévisibles, qui leur permettent d’assurer des programmes et des services et d’avancer sur la voie de l’autonomie et de l’autosuffisance.  Le transfert équivaut à la différence entre les fonds dont le gouvernement territorial aura besoin pour assurer ses services et le montant estimatif des revenus fiscaux qu’il peut s’attendre à percevoir.  Cette différence – ou « écart » – représente le financement que le gouvernement fédéral verse.  Pour l’exercice 2001-2002, les paiements effectués dans le cadre de ce programme totaliseront 1,5 milliards de dollars. 

4.         Les transferts divers regroupent les transferts du gouvernement fédéral aux gouvernement provinciaux et territoriaux aux termes de plusieurs autres programmes, notamment le programme Travaux d'infrastructure Canada, plusieurs programme du ministère de la Justice relatifs aux jeunes contrevenants, à l’aide juridique et aux victimes de crimes violents, diverses subventions appuyant les transports maritimes et aériens, les transferts accordés par l’entremise de Parcs Canada pour aider à combattre les feux de forêt, les transferts visant à consolider les langues officielles etc.  Ces transferts comprennent aussi des subventions aux municipalités du gouvernement fédéral tenant lieu de paiement de taxes foncières. Pour l’exercice 2001-2002, la valeur de ces transferts atteindra 1,7 milliards de dollars.

HISTORIQUE([1])

Quand on passe en revue l’histoire des paiements de péréquation, on est frappé par l’ampleur des changements apportés au fil des années non seulement à la formule qui détermine les droits de péréquation mais aussi aux notions fondamentales qui sous-tendent le programme.  Les transferts fédéraux, qui étaient au départ un accord de location de domaine fiscal conclu juste après la guerre, ont évolué jusqu’à devenir une notion de redistribution de la richesse au début des années 1960 et à faire partie intégrante de la Constitution en 1982.  On trouvera ci-dessous un bref aperçu des principaux changements apportés au système au fil des années.

 

A. Les accords de location de domaine fiscal – 1947-1956

Pendant la Deuxième Guerre mondiale et immédiatement après, le gouvernement fédéral a conclu des accords de location de domaine fiscal avec au moins huit des provinces (l’Ontario et le Québec n’y ont pas toujours participé) dans le cadre desquels il percevait les impôts sur le revenu des particuliers, des sociétés ainsi que les droits de succession en échange de versements compensatoires aux provinces.  Les fonds versés aux provinces participantes étaient appelés versements de location de domaines fiscaux.  En 1947, le gouvernement fédéral a proposé de continuer de verser ces sommes aux provinces qui convenaient de ne pas percevoir d’impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés ainsi que des droits de successions.  Entre 1947 et 1951, il a proposé aux provinces participantes un paiement annuel par habitant de façon à compenser les revenus que la province convenait de céder.  Ces sommes étaient relevées chaque année à un taux équivalant à la croissance moyenne de la population de la province et du produit intérieur brut (PIB) au cours des trois années précédentes.  Certaines provinces, surtout l’Ontario et le Québec, ont choisi de ne pas participer à cet arrangement pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elles craignaient, d’une part, que le paiement par habitant ne reflète pas fidèlement la capacité d’une province de gagner ses propres revenus à partir des trois sources d’imposition visées par l’accord et, d’autre part que le relèvement annuel, représentant une moyenne mobile sur trois ans, ne traduirait pas la hausse annuelle effective du coût des services provinciaux au cours de l’année pendant laquelle le paiement a été fait.  Pour les provinces en désaccord, le gouvernement fédéral a réduit ses taux d’imposition du revenu des particuliers et des sociétés et ses impôts successoraux de sorte qu’elles ont disposé d’une plus grande latitude pour lever leurs propres impôts sur ces sources de revenu.

Dans l’accord de 1952-1957, le gouvernement proposait un autre régime aux provinces.  Il s’agissait d’un paiement fondé sur le rendement fiscal effectif dans une province au taux standard pour trois sources de revenu : impôt sur le revenu des particuliers, impôt sur le revenu des sociétés et impôt sur les successions.  Ce taux d’imposition standard était négocié avec les provinces.  L’autre particularité tenait au fait que le niveau des paiements pouvait croître à un taux correspondant à la progression démographique de la province et à la hausse du PIB au cours de l’année précédant l’année de paiement, au lieu d’être la moyenne des trois années antérieures.  Ainsi, les versements aux provinces étaient mieux alignés sur les dépenses de ces dernières.  On estime que ce sont ce relèvement des paiements et le recours aux rendements fiscaux qui ont convaincu l’Ontario d’adhérer à l’accord.  

B. Les premiers systèmes de péréquation – 1957-1967

Le système en vigueur de 1957 à 1961 était la première entente fiscale fédérale-provinciale à chercher à porter les revenus provinciaux à un niveau plus élevé que le rendement effectif des impôts pour la province.  En vertu des accords de location de domaine fiscal, le gouvernement fédéral ne versait aux provinces qu’un montant équivalant à celui qu’elles auraient pu lever par elles-mêmes.  La compensation continuait de se faire sous forme de subventions inconditionnelles.

Entre 1962 et 1967, les accords en vigueur précisaient que chaque province pouvait recevoir soit une somme forfaitaire, soit un paiement de péréquation qui portait leur rendement à la norme. Ces accords ont été les derniers à contenir des modalités visant des accords de location de domaine fiscal. Les années ultérieures, chaque province a levé ses propres impôts. Au début de la période, la base normale de la péréquation est passée du rendement moyen des deux provinces les plus riches à la moyenne des dix provinces, décision qui a été renversée plus tard par le gouvernement fédéral. Les recettes provenant des ressources naturelles non renouvelables ont été ajoutées au calcul de base. La formule d’aujourd’hui comprend toujours les assiettes fiscales moyennes et les taux d’imposition moyens de chaque sources de revenu, bien que les détails aient changé avec le temps.

 

C.  La péréquation et la crise du pétrole – 1967-1982  

Un certain nombre de modifications se sont produites au moment du renouvellement des systèmes de péréquation entre 1967 et 1982, mais la plus importante a fait suite à la flambée inattendue des cours mondiaux du pétrole et du gaz dans les années 1970. Cette flambée s’est traduite par de fortes hausses des revenus des provinces productrices de pétrole (surtout l’Alberta), et la norme par rapport à laquelle tous les revenus provinciaux étaient comparés pour établir les droits à péréquation s’en est trouvée relevée. Cette flambée a eu de telles répercussions sur les droits de péréquation que même l’Ontario et la Colombie-Britannique auraient eu droit à de tels paiements.  Par conséquent, les reconductions de 1972 et de 1977 ainsi que les modifications ponctuelles décidées en 1974, en 1979 et en 1980 visaient essentiellement à modifier la formule de manière à réduire l’incidence globale des recettes provinciales provenant des ressources naturelles.  Pour éviter que l’Ontario ne devienne une province bénéficiaire, il a été décidé qu’aucune province ayant un revenu par habitant supérieur à la moyenne nationale ne pourrait bénéficier du programme.  Au cours de la période, le nombre de sources de revenu sujettes à péréquation est passé de 3 à 29.

 

D.  Modification constitutionnelle – les modalités de 1982-1987

En 1982, quelques changements importants ont été apportés au système de péréquation.

  • Tout d’abord, l’engagement du Parlement et du gouvernement du Canada à l’égard de la notion de péréquation a été intégréeintégré à la Loi constitutionnelle de 1982. L’objectif principal du programme est énoncé au paragraphe 36(2) de la Constitution :    

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l’engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable.

 

  • En second lieu, les paiements de péréquation devaient être fondés sur le rendement moyen des impôts pour le Québec, l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Le fait que l’Alberta ne soit pas visée par cette formule a permis d’éviter les problèmes liés aux fortes fluctuations des revenus provenant du pétrole dans cette province. 

  • Enfin, le gouvernement fédéral a instauré des plafonds, c’est-à-dire des limites globales à l’augmentation annuelle des paiements de péréquation.  

 

E.  Le passé récent – de 1987 à nos jours

La structure de la formule de péréquation mise au point en 1982 est demeurée relativement inchangée jusqu’ici malgré les renégociations et les reconductions survenues en 1987, en 1992, 1994 et en 1999.  Les arrangements actuels ont été renégociés et reconduits pour cinq ans le 1er avril 1999.  La plupart des changements apportés en 1999 étaient plutôt d’ordre technique, sauf l’élimination du plafond pour l’exercice 1999-2000. 

 

LES ÉLÉMENTS CLÉS DU PROGRAMME DE PÉRÉQUATION 

La péréquation repose sur le principe que le gouvernement fédéral a pour responsabilité de veiller à ce que chaque province dispose de revenus suffisants pour fournir un niveau de service public comparable sans avoir recours à des niveaux de fiscalité excessifs.  Pour ce faire, le gouvernement fédéral accorde des subventions inconditionnelles représentant l’écart entre les recettes ou les impôts provinciaux effectifs et une mesure du niveau moyen ou représentatif des mêmes impôts ou recettes.  Le programme vise à ce que les recettes tirées des impôts et des sources de revenus connexes des provinces soit le reflet non des taux d’imposition et de la capacité fiscale de la province mais d’une notion plus large d’assiette fiscale moyenne et de taux d’imposition moyen, qui, ensemble, donnent un rendement moyen pour une source de recettes. 

Le droit aux paiements de péréquation est établi en fonction d’une formule qui permet de mesurer la capacité de générer des recettes de chaque province par rapport à une norme ou une moyenne nationale pour cinq provinces, laquelle est calculée à partir du rendement moyen de cinq provinces, à savoir le Québec, l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique.  Par le passé, le nombre minimum de provinces servant au calcul de la moyenne a été de deux et le maximum, de dix. 

Les provinces dont la capacité de générer des recettes est inférieure à la norme établie ont droit à des paiements de péréquation de la part du gouvernement fédéral, de façon à ramener leur capacité fiscale par habitant à la norme.  La capacité de générer des recettes (ou capacité fiscale) de chaque province est mesurée en fonction de 33 sources de recettes (ou assiettes fiscales), dont l’impôt sur le revenu des particuliers, l’impôt des sociétés, les taxes de vente, l’impôt foncier et bien d’autres sources (voir annexe A).  Lorsque la province affiche un rendement dépassant le rendement moyen du pays, elle ne reçoit aucune subvention. 

Actuellement, le gouvernement fédéral verse des paiements de péréquation à sept provinces: Terre Neuve, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan.  Les paiements de péréquation ne sont assujettis à aucune condition, c’est-à-dire que les provinces bénéficiaires peuvent les dépenser selon leurs propres priorités en matière de services publics.  Le programme fait l’objet de remaniements périodiques et de révisions tous les cinq ans, le dernier remontant à 1999.  Le ministère des Finances a indiqué que ces provinces recevraient, au cours de l’exercice 2001-2002, des paiements de péréquation de 10,4 milliards de dollars du gouvernement fédéral.  Au cours de cet exercice, les transferts fédéraux aux provinces et territoires devraient atteindre 47 milliards de dollars. 

Les paiements de péréquation sont assujettis à des dispositions « plafond » et « plancher ».  La disposition plancher protège les provinces contre toute réduction annuelle importante des paiements.  Elle limite actuellement la diminution des paiements à (1,6 p. 100 de la norme de péréquation (soit 95 $ environ par habitant).  Le Nouveau-Brunswick a reçu des paiements planchers pendant l’exercice 1992-1993, tandis que la Saskatchewan en a reçu quatre fois depuis l’exercice 1994-1995.

Le plafond a été établi en 1982 comme limite supérieure au taux de croissance des droits de péréquation.  Il vise à protéger le gouvernement fédéral contre des hausses de paiement rapides et au-dessus de ses moyens d’une année à l’autre.  Cette disposition permet aussi une progression annuelle du plafond qui soit compatible avec la croissance de  l’économie (PIB).  La dernière fois, la valeur du plafond pour l’année de base (1999-2000) a été fixée à 10 milliards de dollars.  Si l’ensemble des droits dépasse le plafond, les montants calculés sont réduits, par habitant, pour toutes les provinces bénéficiaires jusqu’à ce que le total ne dépasse plus le plafond.  Les dispositions plafonds se sont appliquées entre 1988-1989 et 1991-1992, puis en 1993-1994 et en 2000-2001.  Le plafond se serait appliqué pendant l’exercice 1999-2000, mais le gouvernement fédéral l’a levé cette année-là.  La Division des relations fédérales-provinciales du ministère des Finances évalue que l’absence d’un plafond aurait coûté 3,2 milliards de dollars au gouvernement fédéral depuis 1988-1989. 

Il faut bien comprendre que la manipulation des principaux éléments de la formule (le nombre de sources de recettes, la norme nationale, le plafond des paiements et le plancher des paiements) influe toujours sur le montant du financement reçu par les provinces. 

Le programme de péréquation est une source importante de recettes pour les sept provinces qui en bénéficient actuellement. Il représente en moyenne un dollar sur sept que perçoivent ces provinces par elles-mêmes. Comme l’indique le tableau I ci-après, Terre-Neuve a reçu 49 cents en paiement de péréquation pour chaque dollar de recettes provinciales pendant l’exercice 1997-1998, alors que le Québec a reçu 11 cents([2]) Le programme de péréquation n’a compté que pour 6 p. 100 des dépenses fédérales pendant la période.  

TABLEAU I

Paiements de péréquation en pourcentage des recettes propres des provinces

 

 

1994-1995

1995-1996

1996-1997

1997-1998

Terre-Neuve

46,8

42,4

45,7

49,0

Île-du-Prince-Édouard

38,3

37,3

38,6

39,1

Nouvelle-Écosse

36,6

37,6

36,3

37,2

Nouveau-Brunswick

30,6

27,6

29,2

30,8

Québec

12,2

12,2

11,4

10,8

Manitoba

22,0

20,2

21,3

21,8

Saskatchewan

8,5

5,2

4,2

3,5

Moyenne

16,9

16,1

15,8

15,3

 

Source :   David B. Perry, « Le coût de l’unité », Faits saillants en fiscalité canadienne, volume 7, no 3, 16 mars 1999.

 

Même si les examens périodiques du programme ont donné lieu à de nombreuses propositions en vue d’accroître l’efficacité ou l’équité du programme, le résultat final a toujours été une précision de la formule de base conçue en 1957.  La seule exception porte sur le traitement des revenus tirés des ressources naturelles non renouvelables.

 

LA PÉRÉQUATION ET LES RESSOURCES NATURELLES

Les revenus issus de ressources naturelles non renouvelables ont posé de nombreuses difficultés au fonctionnement du programme de péréquation.  La plus grande tient aux fluctuations des recettes provinciales tirées des ressources non renouvelables.  Les prix des produits de base peuvent varier considérablement avec de graves conséquences sur les droits de péréquation de certaines provinces.  Il peut en découler une réduction importante des droits d’une province ou une augmentation importante de ceux des autres provinces.  Cette deuxième possibilité s’est matérialisée dans les années 1970, lorsque la flambée des prix du pétrole a entraîné de fortes augmentations de l’ensemble des droits.  Cette hausse des droits menaçait aussi de hausser sensiblement un budget fédéral, déjà largement déficitaire.  Le gouvernement a réagi à l’augmentation des droits en établissant les dispositions plancher et plafond et en passant d’une norme nationale de dix provinces à une norme de cinq provinces.

Un autre problème survient lorsqu’il y a une forte concentration de ressources non renouvelables dans une province.  Cette concentration accroît la possibilité que la province adopte des mesures fiscales de nature à augmenter ses droits de péréquation.  À l’heure actuelle, le programme de péréquation est structuré de telle sorte que les droits d’une province déclinent lorsque les revenus propres à cette dernière augmentent. Lorsque la capacité fiscale d’une province augmente de 1 $, ses droits de péréquation diminuent d’autant.Cette mesure a pour but de faire en sorte que toutes les provinces bénéficiaires sont traitées équitablement.  Mais il est également possible qu’une province hésite à exploiter certaines ressources si elle ne tire pas de recettes supplémentaires de leur mise en valeur.  Afin de compenser cette possibilité, le programme contient depuis 1994 une disposition que l’on appelle la « solution générique » et qui vise à atténuer la réduction des paiements provoquée par une hausse rapide de la capacité fiscale découlant de la mise en valeur de ressources naturelles.  La solution générique atténue la réduction des droits de péréquation, de sorte qu’une augmentation de 1 $ des recettes tirées de l’exploitation de nouvelles ressources non renouvelables d’une province n’entraîne qu’une réduction de 70 cents de ses droits de péréquation.  La solution générique a été conçue afin que les provinces soient moins tentées d’établir des taux d’imposition des ressources qui visent à influer sur leurs droits de péréquation.

La capacité de générer des recettes d’une province est déterminée en partie en mesurant les recettes que la province pourrait obtenir si elle appliquait un taux d’imposition national moyen à des assiettes fiscales représentatives.  En règle générale, les droits de péréquation d’une province sont déterminés indépendamment des taux d’imposition provinciaux.  Les décisions fiscales des provinces ne sont donc pas faussées par d’éventuels paiements de péréquation.  Mais lorsque l’assiette fiscale se concentre surtout dans une seule province, le taux d’imposition de cette province exerce une influence démesurée sur le taux d’imposition moyen national utilisé pour calculer les droits.  Par conséquent, les droits de cette province ne sont plus indépendants du taux que la province choisit de fixer.  À l’extrême, le taux d’imposition provincial peut être la moyenne nationale.  Si les paiements de péréquation changent grandement lorsque la province modifie ses taux d’imposition, alors les décisions relatives au niveau des taux d’imposition peuvent devenir faussées. 

La solution générique s’est appliquée à Terre-Neuve et au Labrador (recettes des ressources extracôtières), à la Nouvelle-Écosse (recettes des ressources extracôtières), au Québec (amiante), et à la Saskatchewan (potasse).

 

LES ACCORDS ATLANTIQUES

La découverte de ressources pétrolières dans l’Atlantique, au large de la côte Est du Canada, a compliqué l’application du système de péréquation.  Les questions touchant la propriété de ces ressources, les revenus qu’elles génèrent et les droits à péréquation ont été résolues grâce à la signature d’accords relatifs aux ressources extracôtières entre le gouvernement fédéral et les provinces touchées. 

L’Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, conclu en 1986, accorde à la Nouvelle-Écosse une protection transitoire selon laquelle un certain pourcentage des recettes provenant de l’exploitation de ses ressources pétrolières extracôtières est à l’abri des diminutions des paiements de péréquation.  L’accord prévoit une protection de dix ans, qui a débuté lors de l’exercice 1993-1994.  Bien que les ressources appartiennent au gouvernement fédéral, il a été convenu que la province pouvait les imposer comme si elle en était l’unique propriétaire.  Le gouvernement fédéral reconnaissait ainsi que les revenus de la province augmenteraient considérablement une fois ces ressources en exploitation et que ses paiements de péréquation diminueraient en conséquence.  Pour protéger la province contre un manque à gagner, le gouvernement fédéral a accepté de verser à la Nouvelle-Écosse une compensation équivalente à 90 p. 100 de la diminution de ses paiements de péréquation la première année, ce niveau de protection devant baisser de dix points de pourcentage chaque année jusqu’à ce qu’il atteigne celui que prévoit la solution générique (c.-à-d. 30 p. 100).  Actuellement, la Nouvelle-Écosse reçoit la totalité des recettes provenant de l’exploitation du pétrole au large de ses côtes, mais ses droits de péréquation ont été aussi réduits d’un dollar pour chaque dollar de nouvelles recettes.  Conformément à la solution générique, elle touche cependant une indemnité de 30 cents sur chaque dollar de réduction de ses droits aux paiements de péréquation par suite de l’augmentation des recettes d’exploitation de ses ressources extracôtières. 

L’Accord atlantique Canada-Terre-Neuve, signé en 1985, accorde à Terre-Neuve une protection provisoire contre toute réduction importante de ses paiements de péréquation par suite de l’exploitation du pétrole au large de ses côtes.  La formule de protection est légèrement plus complexe que celle que contient l’accord touchant la Nouvelle-Écosse, en ce sens qu’elle prévoit une compensation plancher, qui garantit que les paiements versés à Terre-Neuve équivaudront au moins à une proportion donnée des droits de péréquation établis pour l’année précédente.  Le programme, mis en place lors de l’exercice 1999-2000, s’échelonnera sur 12 ans.  Comme la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve bénéficie de la solution générique, ce qui lui permet de soustraire 30 p. 100 à toute baisse de ses paiements de péréquation due à une hausse des recettes tirées de l’exploitation de ses ressources extracôtières. Malheureusement, la province ne touche pas des revenus aussi généreux que l’Accord le donne à entendre. Même si elle a droit à un pourcentage important des recettes les premières années, sa part est réduite parce que les entreprises de l’industrie des ressources peuvent d’abord recouvrer leurs frais d’exploitation et de mise en valeur. La province a donc reçu un pourcentage élevé de recettes nettes relativement modestes.

 

QUESTIONS PRINCIPALES

Étant donné les disparités importantes entre les économies des diverses provinces canadiennes, il n’est pas surprenant que la politique de péréquation soit constamment l’objet de critiques et de projets de remaniement.  La politique a créé des attentes qui n’ont pas toujours été comblées, surtout aux yeux des provinces bénéficiaires.  Par ailleurs, les gouvernements fédéral et provinciaux sont touchés différemment par le programme de péréquation et leurs intérêts sont parfois difficiles à concilier.  Des économistes et des politologues du secteur privé ont reproché au programme d’être injuste, inefficient, inefficace ou inopérant([3]). Bien qu’un grand nombre de critiques aient été portées à l’attention du Comité, elles n’ont pas toutes résisté à l’examen.  Dans certains cas, des allégations précises n’ont pu être prouvées, tandis que dans d’autres le Comité n’a pu rejeter ou confirmer une proposition donnée. 

À l’instar de certains autres témoins, M. Boessenkool s’est dit d’avis que les provinces bénéficiaires sont devenues trop tributaires des paiements de péréquation et que le moment est propice « pour que les provinces maritimes réduisent leur dépendance à l’égard des transferts fédéraux et deviennent maîtresses chez elles ».  Il a souligné que le programme était gêné par la présence dans sa formule des ressources naturelles non renouvelables, ce qui « engendre des incitatifs pervers ».  Les effets indésirables de cet aspect du mécanisme sont si forts que « les paiements de péréquation peuvent nuire aux meilleurs intérêts économiques des provinces, lorsqu’ils punissent celles qui procèdent à une mise en valeur responsable de leurs ressources non renouvelables ».  Étant donné que les provinces n’ont d’autre choix que de prendre en compte les conséquences de leurs politiques de développement, selon M. Boessenkool, la péréquation risque d’amener les provinces bénéficiaires à être « fort peu incitées à réduire leur dépendance envers la péréquation au profit de l’exploitation de leurs ressources naturelles ».  

M. Boessenkool n’a pas été le seul témoin à souligner les lacunes du Programme de péréquation.  D’après le professeur Boucher, les incitatifs négatifs qu’il comporte pourraient en fait s’étendre à des secteurs de l’économie autres que celui des ressources non renouvelables. Même si les politiques sont conçues dans un but précis, a-t-il rappelé au Comité, elles entraînent souvent des conséquences non désirées.  Cela se produit lorsque les personnes touchées par les mesures modifient leur comportement de manière à tirer avantage des aspects positifs de celles‑ci.  Parmi les divers effets du Programme de péréquation, il a évoqué l’influence que celui-ci peut avoir sur le comportement des gouvernements provinciaux.  La péréquation « amène aussi les administrations provinciales à s’abstenir de modifier leurs propres politiques », dit-il, parce que les programmes leur permettent de se soustraire « aux conséquences coûteuses de celles-ci ».  À son avis, la péréquation « fait en sorte que le coût d’une mesure provinciale inefficace est refilé non seulement aux consommateurs et aux producteurs, mais aussi aux gens des autres régions ».  Il craint que « la péréquation ne conduise les gouvernements provinciaux à manipuler l’assiette fiscale et à tirer de la péréquation des sommes supplémentaires qu’ils ne pourraient pas obtenir autrement ». 

Bien que divers aspects du programme de péréquation soulèvent des interrogations et des débats, l’impression générale est que le programme est bien accueilli par les pouvoirs publics et les observateurs du secteur privé.   Le Comité a toutefois également établi qu’il était possible d’améliorer le fonctionnement du programme.  Il a dégagé certains thèmes récurrents dans les exposés qui lui ont été présentés, auxquels il convient d’attacher davantage d’importance.  Dans la présente section, le Comité se penche sur certaines questions soulevées pendant les audiences et formule des recommandations qui devraient contribuer à la mise sur pied d’une politique de péréquation plus efficace et de meilleure qualité. 

Parmi les nombreuses questions soulevées, le Comité s’est concentré sur celles qui semblent retenir l’attention de presque tous les témoins.  Il s’était appuyé sur les cinq grands principes suivants dans son examen de ces questions : 

1.         Le programme doit être équitable.  Le système doit prévoir une juste répartition des droits de péréquation entre les provinces.  

2.         Les paiements de péréquation doivent être suffisants pour permettre aux provinces bénéficiaires de fournir des services comparables aux autres sans avoir recours à des taux d’imposition déraisonnables.  

3.         Il faut assurer la durabilité du programme

4.         Le programme doit être conçu de manière à ce que ses effets sur les autres politiques gouvernementales soient complètement neutres.  Les changements apportés au programme ne doivent pas modifier le comportement des gouvernements, et les politiques fiscales des provinces ne doivent pas influer sur leurs droits de péréquation.  

5.         Le fonctionnement du système de péréquation doit être transparent.  Les formules et les critères doivent être aussi clairs que possible.

 

Comme cela se produit souvent, ces lignes directrices ne seront pas toutes applicables également aux divers éléments du programme de péréquation. En cas de conflit entre deux ou plusieurs de ces principes directeurs, les décideurs devront chercher à établir un équilibre entre les éléments clés du programme. Les débats au sein du Comité lui-même au sujet des propositions qui lui ont été soumises reflètent cette réalité. Rappelons qu’il s’agit uniquement des questions que les témoins ont le plus souvent soulevées.  

 

A. La formule de péréquation actuelle  

La formule utilisée actuellement, appelée régime fiscal représentatif (RFR),  pour établir les droits des provinces est critiquée pour un certain nombre de raisons. 

Tout d’abord, elle est perçue comme étant si complexe que rares sont ceux qui comprennent le programme de péréquation.  On en est ainsi venu à estimer que le gouvernement fédéral pêche par manque de transparence et de responsabilité dans sa prise de décision et dans ses mesures relatives au programme de péréquation. Le RFR est complexe en raison du nombre de calculs exigés pour déduire les droits d’une province. Il tient compte de 33 sources de recettes provinciales. Il Elle consiste à calculer les recettes provenant de ces 33 sources, à les convertir pour obtenir un chiffre par habitant, à établir une moyenne et à faire une comparaison avec la norme nationale. L’écart enregistré pour chaque province par rapport à cette norme détermine ses droits aux paiements de péréquation. L’idée est simple, mais la mise en oeuvre est plus complexe, à telle enseigne que seuls quelques fonctionnaires et spécialistes indépendants en maîtrise les particularités. 

Une autre difficulté que présente la formule tient au fait que la liste des sources de recettes qui devraient être incluses et la façon dont ces sources devraient être définies et mesurées sont loin de faire l’unanimité.  L’inclusion des ressources naturelles non renouvelables en est un bon exemple. 

Une troisième difficulté tient aux effets fortuits du RFR sur l’établissement des politiques provinciales. Certains croient que l’inclusion de certaines sources de recettes pourrait avoir des effets indésirables sur les choix des gouvernements provinciaux. Par exemple, M. Boessenkool et le professeur Boucher ont fait remarquer que le niveau des transferts dans certaines provinces est si important que les décisions stratégiques sont parfois prises en tenant compte de leurs effets possibles sur les droits des provinces. Ces préoccupations les ont poussés, ainsi que plusieurs témoins, à affirmer qu’il pourrait être utile de simplifier la formule en supprimant certaines sources de recettes, comme celles provenant des ressources naturelles non renouvelables.

Si l’on ne corrige pas le nombre de sources de revenus, il semblerait n’y avoir qu’une seule autre façon de simplifier la formule de péréquation.  Les professeurs Booth et Usher ont expliqué au Comité que l’on s’était penché sur la possibilité de fonder le calcul des droits de péréquation sur une seule variable. C’est ce qu’on a appelé la « formule macro ».

 

1. La formule macro 

Selon cette approche une variable unique sert à déterminer les droits à péréquation.  Elle, rendrait le programme plus compréhensible et les interventions des pouvoirs publics plus transparentes, permettrait de réduire ou d’éliminer certains effets négatifs de la formule actuelle et apporterait également une plus grande stabilité dans la planification budgétaire parce qu’il serait plus facile de prévoir les droits de péréquation des provinces et, par conséquent, leurs revenus. 

Les témoins n’ont toutefois pas pu indiquer au Comité la variable particulière à utiliser. Au cours des audiences, une variante du revenu provincial a souvent été citée comme candidat potentiel, mais il y a eu trop peu d’études sur le sujet pour que l’on puisse prédire les effets de l’une ou l’autre variable, par rapport à ceux de la formule utilisée actuellement. La variable sélectionnée pour la formule est importante en raison des ses éventuels effets de distribution. Il est probable que certaines variables de revenu privilégieront certaines provinces au détriment d’autres. Des témoins ont dit craindre que ces lacunes soient finalement pires que celles de l’actuelle formule. De plus, ces lacunes peuvent mener à des ajustements pour rendre la formule aussi compliquée qu’elle est actuellement. 

Nous présentons deux séries de tableau à l’annexe B pour illustrer les problèmes que pourrait causer une formule macro.  La première montre l’écart entre les droits à péréquation en vertu d’une variable macro et en vertu du régime fiscal représentatif (RFR) à l’aide d’une norme établie pour cinq provinces entre les exercices 1992-1993 et 1998-1999.  Les cinq variables retenues pour l’examen étaient le produit intérieur brut aux prix du marché, le produit intérieur brut au coût des facteurs; le produit intérieur net aux prix du marché; le produit intérieur net au coût des facteurs; et le revenu des particuliers au palier provincial.  Dans ces calculs, le plancher et le plafond n’ont aucune incidence sur les résultats.  L’exercice est répété pour la série 2 à l’aide d’une norme établie pour dix provinces.  Nous ne cherchons pas ici à analyser tous les effets du recours à une formule macro pour calculer les droits à péréquation des provinces.  Un certain nombre d’observations s’imposent néanmoins : 

  • Tout d’abord, dans les deux séries, le coût cumulatif du programme est inférieur à ce qu’il aurait été autrement si l’on avait utilisé la formule RFR.  Autrement dit, le gâteau est plus petit pour les cinq variables macros quelle que soit la norme utilisée pour établir les droits à péréquation.

  • En second lieu, avec une norme établie sur cinq provinces, les paiements cumulatifs au Québec, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick sont inférieurs s’ils sont calculés avec chaque formule macro qui ne l’auraient été si on avait utilisé la formule RFR.

  • En troisième lieu, si l’on utilise la norme établie sur dix provinces, les paiements cumulatifs pour le Québec, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard sont inférieurs si l’on utilise chaque formule macro à ce qu’ils auraient été si l’on avait utilisé la formule RFR.

  • En quatrième lieu, dans tous les cas sauf deux si l’on utilise la formule macro, la Saskatchewan reçoit des paiements de péréquation excessivement élevés, sauf si l’on utilise une norme établie pour dix provinces et une formule macro fondée sur l’une ou l’autre forme de PIB.

La plupart des observateurs se rendront compte que les effets de distribution des cinq variables utilisées à l’annexe B rendront le concept difficile à faire accepter aux provinces.  On peut prétendre qu’une autre variable pour une formule macro pourrait donner des résultats plus acceptables, mais le Comité ignore de quelle variable il pourrait bien s’agir.  Ce qui est manifeste, c’est que l’incidence d’une formule macro peut être très différente de celle d’une formule RFR sur les droits à péréquation des provinces.  Il faut bien comprendre ces effets avant de choisir une variable macro particulière pour remplacer la formule RFR dans le programme de péréquation. 

C’est peut-être en raison des effets incertains de la formule sur la péréquation qu’aucune province entendue n’a été disposée à appuyer l’utilisation d’une telle formule. De plus, trois des provinces bénéficiaires ne voulaient voir aucune assiette fiscale retirée du processus de péréquation. Elles estiment, en effet, que la formule globale est la seule qui permette de comparer équitablement la capacité des provinces à offrir des programmes. À leur avis, toutes les sources de recettes doivent entrer dans le calcul de la péréquation. 

Enfin, le gouvernement a commencé à analyser les éventuelles conséquences de l’adoption d’une formule macro. Le ministère des Finances tient depuis un certain temps des discussions avec les intéressés sur la nature de cette formule macro et étudie actuellement les répercussions de différentes options sur les droits de péréquation. Comme le ministère n’a pas terminé ce travail, il n’a pas pu commenter les avantages et les inconvénients du concept. Le Comité est conscient qu’il est nécessaire de rendre le programme de péréquation plus simple et plus transparent et encourage donc les deux ordres de gouvernement à continuer d’examiner diverses formules de calcul des paiements de péréquation. 

Le peu d’indications disponibles donne à penser que la formule macro serait injuste pour de trop nombreuses provinces.  Les provinces ne seraient donc probablement pas favorables à un changement si profond du régime de péréquation.  Les différentes variantes de la formule macro présentent tout simplement trop de problèmes pratiques.  En conséquence le Comité recommande :

 

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement fédéral n’adopte pas de formule macro  actuellement pour déterminer les droits des provinces dans le cadre du Programme de péréquation.

 

B. Le plafond applicable au total des paiements

Le plafond applicable au total des paiements limite le taux d’augmentation des dépenses fédérales au titre du programme.  Les gouvernements provinciaux et certains universitaires y voient une limitation déraisonnable de la hausse des paiements de péréquation, qui est contraire à l’esprit du programme. Le gouvernement fédéral est d’avis que le plafond fait partie intégrante du programme de péréquation puisqu’il garantit sa viabilité à long terme et fait en sorte que le fédéral continue d’en avoir les moyens. Ce programme étant conçu pour tenir compte de la situation économique de chaque province et des disparités fiscales qui en résultent, le gouvernement fédéral maintient qu’il est difficile d’évaluer quels seraient les coûts supplémentaires futurs de la suppression du plafond. Certaines provinces ont souligné que les risques sont minimes pour le Trésor fédéral puisque les obligations du gouvernement fédéral au chapitre de la péréquation ne peuvent augmenter que si les revenus fédéraux font de même. En fait, le plafond a été appliqué à six reprises depuis sa création en 1982 : pour les exercices 1988-1989 à 1991-1992, 1993-1994 et 2000-2001. Selon le ministère des Finances, cela a permis de réduire le montant total des transferts de péréquation de 3,2 milliards de dollars en 20 ans. C’est un chiffre important en termes absolus, mais ces économies semblent moins considérables si on les place dans le contexte des dépenses fédérales au cours de la période. 

Toutefois, les provinces estiment que limiter la progression des paiements lors des périodes de croissance économique empêche  des provinces récipiendaires à maintenir le niveau des services disponibles dans les provinces plus riches.  Il en résulte une disparité accrue entre les régions.  La suppression du plafond amenuiserait ces disparités parce qu’elle permettrait de verser plus d’argent aux provinces bénéficiaires qui pourraient ainsi offrir des services comparables à ceux des autres provinces.  Sans ce financement supplémentaire, il devient difficile pour les provinces bénéficiaires de maintenir le niveau de service dont jouissent les autres provinces. 

Bien que le Comité comprenne les préoccupations d’ordre budgétaire du gouvernement fédéral, il convient avec les provinces que le fédéral est en mesure d’honorer ses obligations au chapitre de la péréquation, ses revenus ayant suffisamment progressé. En fait, comme l’illustre le tableau II ci-après, depuis que le plafond a été instauré, lors de l’exercice 1982-1983, les revenus de l’État ont crû plus rapidement que les droits à péréquation.

TABLEAU II
CROISSANCE DES REVENUS DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET DES DROITS À PÉRÉQUATION 
DE 1982-1983 à 2000-2001 

 

 

 

 

 

ANNÉE

REVENU

Croissance des revenus

Droits (avant-plafond)

Croissance des droits

 

En millions de $

1982-1983=100

En millions de $

1982-1983=100

 

 

 

 

 

1982-1983

60 662

100

4 162

100

1983-1984

64 168

106

4 625

111

1984-1985

71 056

117

4 687

113

1985-1986

76 933

127

5 143

124

1986-1987

85 931

142

5 775

139

1987-1988

97 612

161

6 589

158

1988-1989

104 067

172

7 738

186

1989-1990

113 707

187

9 225

222

1990-1991

119 353

197

9 062

218

1991-1992

122 032

201

7 673

184

1992-1993

120 380

198

7 784

187

1993-1994

115 984

191

8 116

195

1994-1995

123 323

203

8 607

207

1995-1996

130 301

215

8 759

210

1996-1997

140 896

232

8 959

215

1997-1998

153 162

252

9 738

234

1998-1999

155 671

257

9 602

231

1999-2000

165 708

273

10 770

259

2000-2001

178 590

294

11 052

266

 

 

 

 

 

Source : Ministère des Finances

En conséquence, le Comité recommande :   

RECOMMANDATION 2  

Que lle gouvernement fédéral supprime le plafond applicable aux paiements de péréquation versés aux provinces.   

 

C. Leplancher applicable aux paiements de péréquation  

De l’avis de certains, la suppression du plafond devrait s’accompagner d’une suppression du plancher. Selon eux, l’augmentation potentielle des obligations fédérales par suite de la suppression du plafond devrait être compensée par une suppression du plancher, ce qui pourrait réduire à long terme les coûts du programme pour le gouvernement fédéral. Toutefois, le surcroît de dépenses fédérales associé aux dispositions relatives au plancher est faible par comparaison aux dépenses qui découleraient d’une suppression du plafond. En outre, ce serait surtout un risque pour les provinces, et non pour le gouvernement fédéral, si le plancher était éliminé. Une baisse marquée des paiements de péréquation pourrait avoir de sérieuses répercussions sur le niveau et la qualité des services offerts par les provinces touchées. Le programme de péréquation étant conçu pour aider les provinces à fournir des services nécessaires à leurs citoyens, il est raisonnable de conserver le plancher pour que le niveau et la qualité des services ne soient pas indûment touchés par l’instabilité du système. 

Le plancher a des répercussions sur les paiements de péréquation quand les droits de péréquation d’une province tombent au-dessous du seuil établi, ce qui peut se produire quand sa capacité fiscale augmente ou que sa population diminue.  Ce plancher permet d’éviter qu’une chute  substantielle et soudaine des transferts fédéraux ne nuise pas à la situation économique des provinces.  À l’heure actuelle, le plancher limite les baisses par habitant à 1,6 p. 100 de la norme, soit à environ 95 $ par personne.  Depuis leur mise en place, les dispositions relatives au plancher ont été appliquées à cinq reprises, une fois pour le Nouveau-Brunswick et quatre pour la Saskatchewan.  Le ministère des Finances évalue à 538,6 millions de dollars le coût additionnel pour le gouvernement fédéral pour la période.  Cela ne semble pas représenter une dépense fédérale exorbitante pour assurer pendant 20 ans une certaine stabilité des services provinciaux.  De l’avis du Comité, il ne faut pas modifier les dispositions relatives au plancher.  En conséquence, le Comité recommande :

 

RECOMMANDATION 3

Que le gouvernement maintienne le plancher du programme de péréquation.

 

1.  Changements de méthodologie  

Même si le plancher a pour objet d’éviter aux provinces toute chute importante de leurs paiements de péréquation, cela risque toujours de se produire par suite des redressements des droits à péréquation décidés chaque année, quand le montant qu’une province aurait dû recevoir ne concorde pas avec celui reçu au cours de l’une quelconque des trois années antérieures. Cela est arrivé récemment au Québec, dont les droits à péréquation pour 2002-2003 ont accusé un recul imprévu de 800 millions de dollars. Il a été établi qu’au cours des exercices 1999-2000, 2000-2001 et 2001-2002, cette province avait reçu 800 millions de dollars de trop (un peu plus de 200 millions de dollars au cours de chacune des deux premières années et un peu moins de 400 millions de dollars la dernière année). Le plancher n’est pas entré en ligne de compte, car il ne s’applique qu’au recul d’une année sur l’autre. Pour les exercices en question, le plancher pour le Québec s’élevait à 694,8 millions de dollars. Même si le montant total du redressement est supérieur à ce chiffre, la chute des droits à péréquation du Québec n’a jamais atteint ce seuil au cours d’une seule année.  

Les modifications des droits à péréquation de cette province tiennent à deux facteurs. Tout d’abord, étant donné que l’économie québécoise s’est comportée relativement mieux que l’économie nationale, la part des paiements de péréquation que reçoit le Québec a chuté. Cela représente un recul de 334 millions de dollars. Ensuite, le nouveau mode de calcul par Statistique Canada des valeurs globales des propriétés résidentielles coûtera au Québec 466 millions de dollars. Étant donné que la valeur des propriétés résidentielles constitue l’une des 33 bases de revenu à partir desquelles sont déterminés les droits à péréquation d’une province, tout changement de son mode de calcul se répercute sur le programme de péréquation. En septembre, Statistique Canada a abandonné le système qui consistait à évaluer les valeurs des propriétés foncières dans chaque province en fonction d’un indice national des prix, pour passer à un indice des prix province par province. Le nouveau système, reconnu à l’échelle internationale, est considéré comme plus précis. Une fois ces nouvelles données adoptées par Statistique Canada, selon le règlement relatif au Programme de péréquation, seules les données les plus exactes doivent être utilisées pour établir les droits de péréquation.

Le Québec est la province qui souffre le plus de ce changement, mais celui-ci se répercute aussi sur les autres provinces. La province de Terre-Neuve-et-Labrador perdra 6 millions de dollars, tandis que toutes les autres y gagneront, notamment la Colombie-Britannique, qui touchera 226 millions de dollars.  

La baisse de 800 millions de dollars des paiements de péréquation versés au Québec représente un manque à gagner substantiel dans les finances de la province. Pour répondre aux commentaires reçus de cette dernière, le ministre des Finances a annoncé que l’application de la nouvelle méthode serait reportée d’un an lorsqu’elle a des conséquences préjudiciables pour une province. Cette annonce ne s’applique qu’aux 466 millions de dollars touchés par le changement de méthode d’estimation des valeurs foncières. Les droits à péréquation du Québec reculeront de 344 millions de dollars.  

Les prévisions économiques sont difficiles dans le meilleur des cas, mais elles sont véritablement impossibles si les règles changent sans préavis. Toutes les provinces, comme le gouvernement fédéral, peuvent appliquer la formule de péréquation. On peut donc avancer que le Québec aurait pu prévoir la réduction de 344 millions de dollars de ses droits à péréquation due à des raisons économiques. Toutefois, faute d’une consultation préalable concernant l’introduction d’une nouvelle formule d’évaluation des propriétés foncières, le Québec ne pouvait pas savoir qu’il perdrait 466 millions de dollars en une année. De toute évidence, il est nécessaire d’opérer certains changements pour que les provinces puissent prévoir avec plus de certitude le niveau de leurs droits à péréquation. Pour ce faire, il faudrait un dialogue plus ouvert entre Statistique Canada et les provinces avant l’adoption de toute nouvelle méthodologie. De fait, le ministre des Finances s’attend à ce que le report des changements permette aux provinces et à Statistique Canada d’en revoir la teneur de façon plus précise. À la suite de cet examen, toute répercussion préjudiciable découlant du changement de méthode sera échelonnée sur cinq ans.  

Le Comité estime que les provinces ne devraient pas avoir à subir ce type de surprise budgétaire. Étant donné les éventuelles répercussions sur les droits à péréquation des changements apportés à la méthode utilisée pour évaluer les composantes de la formule de péréquation, il faudrait mettre en place un processus de consultation préalable des provinces. Le Comité n’a pas l’intention de s’ingérer dans les affaires de Statistique Canada pour ce qui est de choisir la méthodologie la plus appropriée ou les données à utiliser pour établir les droits à péréquation. Il est toutefois nécessaire de veiller à réduire au minimum la confusion et la discorde. Par conséquent, le Comité recommande :

 

Recommandation 4

Que le gouvernement fédéral établisse un processus de consultation avec les provinces et Statistique Canada, de manière à ce que les gouvernements provinciaux aient la possibilité d’évaluer et de commenter les changements du mode de calcul des variables entrant dans la formule de péréquation.

 

D. La norme englobant cinq provinces    

La norme actuelle, établie en fonction de cinq provinces, élimine l’incidence des quatre provinces atlantiques, qui sont pauvres, et l’Alberta, province riche, dans le calcul des droits à péréquation. Cela est injuste aux yeux des provinces bénéficiaires parce que cela ne permet pas de comparer vraiment la capacité fiscale de toutes les provinces. Elles estiment que l’on ne peut parler de comparabilité que si toutes les provinces sont prises ne compte dans l’établissement de la norme, faute de quoi les droits sont moindres.  Il est ainsi beaucoup plus difficile pour une provinces bénéficiaires de continuer à offrir des services comparables à ceux assurés par les provinces économiquement plus fortes. Par ailleurs, la situation pourra se dégrader parce que le sous-financement du programme signifiera que les provinces bénéficiaires devront soit puiser à même les investissements réservés au développement économique, soit réduire la qualité générale des services qu’elles fournissent. Dans l’un comme dans l’autre cas, ces provinces seront moins attrayantes pour les investisseurs. L’élargissement de l’écart entre la capacité des diverses provinces à fournir des services comparables est peu compatible avec l’esprit des dispositions constitutionnelles sur la péréquation. 

Le tableau III ci-après établit une comparaison entre les droits à péréquation des provinces entre 1994-1995 et 2001-2002 selon la norme actuelle établit sur cinq provinces et selon une norme établie sur dix provinces.  Pour toutes les provinces qui sont actuellement bénéficiaires de paiements de péréquation, les sommes reçues auraient été plus importantes.  La Colombie-Britannique aurait également eu droit à des paiements.  Le surcroît va de 156 millions de dollar s pour l’Île-du-Prince-Édouard à 8,4 milliards de dollars pour le Québec. 

 

TABLEAU III  
Droit à péréquation et effet cumulatif des normes de 1994-1995 à 2001-2002  
En millions de dollars 

PROVINCE

 

Total des paiements selon une norme de cinq provinces

 

Total des paiemenTS selon une norme de dix provinces

 

ÉCART

TERRE-NEUVE

 

8 439

 

9 065

 

626

Île-du-Prince-Édouard

 

1 824

 

1 980

 

156

Nouvelle-Écosse

 

9 844

 

10 914

 

1 070

NOUVEAU-BRUNSWICK

 

8 691

 

9 553

 

862

QUÉBEC

 

37 621

 

46 003

 

8 382

ONTARIO

 

0

 

0

 

0

MANITOBA

 

9 053

 

10 355

 

1 302

SASKATCHEWAN

 

1 949

 

3 063

 

1 114

ALBERTA

 

0

 

0

 

0

Colombie-Britannique

 

0

 

928

 

928

TOTAL

 

77 421

 

91 861

 

14 440

Source : Ministère des Finances 

La norme sert de point de comparaison de la capacité fiscale des différentes provinces. Le Comité reconnaît qu'une norme englobant les dix provinces entraînerait probablement des droits de péréquation plus élevés que la norme établie en fonction de cinq provinces. Le ministère des Finances estime que l'application d'une norme englobant les dix provinces depuis l'exercice 1982-1983 aurait coûté près de 31 milliards de dollars de plus au gouvernement fédéral. Le Comité reconnaît qu'une telle norme serait plus volatile et qu'elle pourrait entraîner des fluctuations importantes dans les droits de péréquation des provinces. Il estime néanmoins qu'une norme établie en fonction de cinq provinces ne répond pas à l'objet du programme, qui est d'assurer un financement adéquat aux provinces pour que leurs résidents jouissent de services comparables. La stabilité du niveau des paiements de péréquation est souhaitable, mais elle ne doit pas se faire en ramenant les paiements à un niveau insuffisant. Par exemple, la norme établie en fonction de cinq provinces a certes permis au gouvernement fédéral d'économiser 31 milliards de dollars depuis 20 ans, mais elle a imposé un fardeau plus lourd aux provinces bénéficiaires, ce qui s'est traduit par une réduction des services offerts à certains Canadiens. En conséquence, le Comité recommande :


RECOMMANDATION 5 

Que le gouvernement fédéral rétablisse la norme englobant dix provinces pour établir les droits de péréquation des provinces. 



E. Recettes provenant des ressources non renouvelables et calcul de la péréquation

Il s'agit probablement de la question la plus controversée concernant le programme de péréquation. Le traitement à réserver aux recettes provenant des ressources naturelles non renouvelables suscite en effet de profonds désaccords entre les provinces et chez les observateurs. La proposition d'exclusion des ressources non renouvelables dans le calcul de la péréquation a reçu l'appui, à des degrés divers, de plusieurs témoins et des gouvernements provinciaux de Terre-Neuve et Labrador et de la Nouvelle-Écosse. Certains font remarquer que, d'un point de vue strictement comptable, ces recettes provinciales devraient être considérées comme le produit de la vente d'un bien, et non comme un revenu devant être inclus dans le calcul de la péréquation. D'autres ont fait valoir que le retrait des recettes provenant des ressources non renouvelables, dans la formule de calcul, assurerait une plus grande stabilité dans le total des paiements et réduirait par conséquent la nécessité de conserver un plafond ou un plancher. En outre, il serait alors possible de revenir à une norme incluant 10 provinces pour calculer les droits de péréquation.

Les détracteurs d'une telle proposition soulignent pour leur part que les recettes provenant des ressources sont incluses dans le programme, sous une forme ou sous une autre, depuis 1962. L'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ne sont pas en faveur de la réduction du nombre de sources de recettes devant entrer dans le calcul de la péréquation. À leurs yeux, pour mesurer équitablement les besoins de chaque province au chapitre de la péréquation, il faut mesurer sa capacité de tirer des revenus de toutes les sources susceptibles d'entraîner des disparités. Selon le ministère des Finances, le retrait des recettes provenant de l'exploitation des ressources naturelles abaisserait la capacité fiscale établie pour les provinces riches en ressources, qui auraient ainsi droit à des paiements plus élevés. Le ministère estime que, si ces ressources n'avaient pas été incluses dans le calcul de la péréquation, le gouvernement fédéral aurait dû assumer un coût supplémentaire de 270 millions de dollars pour l'exercice 2001-2002. Et ce montant risquerait d'augmenter avec le temps, avec l'intensification des activités d'exploitation gazière et pétrolière au large des côtes. 

Sur le plan de la répartition des paiements, par suite de cette proposition la Saskatchewan recevrait des sommes plus élevées, la Colombie-Britannique commencerait probablement à recevoir des paiements, tandis que toutes les autres provinces bénéficiaires toucheraient des sommes moindres. Le tableau IV ci-après porte sur l'effet qu'a sur l'ensemble des droits à péréquation le fait que les ressources naturelles non renouvelables sont exclues de la formule RFR entre 1994-1995 et 2001-2002. Cette exclusion a pour principal effet de réduire les droits à péréquation de toutes les provinces actuellement bénéficiaires autres que la Saskatchewan. Même si les paiements fédéraux au titre de la péréquation auraient augmenté de 1,6 milliards de dollars, l'effet de distribution se serait traduit par un recul des droits à péréquation des provinces, se chiffrant entre 63 millions de dollars pour Terre-Neuve et 3,5 milliards de dollars pour le Québec. Du même coup, les droits de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan auraient augmenté de 754 millions et de 5,6 milliards de dollars respectivement.

TABLEAU IV

DROITS À PÉRÉQUATION ET RESSOURCES NATURELLES EFFET CUMULATIF DE 1994-1995 À 2001-2002  
EN MILLIONS DE DOLLARS

 

 

 

 

 

 

 

PROVINCE

 

TOTAL DES PAIEMENTS SELON UNE NORME SUR CINQ PROVINCES, TOUTES SOURCES DE REVENU

 

TOTAL DES DROITS SELON UNE NORME SUR CINQ PROVINCES HORS REVENUS ISSUS DE RESSOURCES NON RENOUVELABLES

 

ÉCART

TERRE-NEUVE

 

8 439

 

8 376

 

-63

Île-du-Prince-Édouard

 

1 824

 

1 749

 

-75

Nouvelle-Écosse

 

9 844

 

9 402

 

-442

Nouveau-Brunswick

 

8 691

 

8 462

 

-229

QUéBEC

 

37 621

 

34 058

 

-3 563

ONTARIO

 

0

 

0

 

0

MANITOBA

 

9 053

 

8 655

 

-398

SASKATCHEWAN

 

1 949

 

7 566

 

5 617

ALBERTA

 

0

 

0

 

0

Colombie-Britannique

 

0

 

754

 

754

TOTAL

 

77 421

 

79 022

 

1 601

 

Source : Ministère des Finances

 

 

 

 

Comme il est mentionné au début du présent rapport, l'instabilité des revenus issus des ressources naturellement non renouvelables peut donner lieu à de fortes fluctuations des droits des provinces et, partant, soulever des préoccupations quant aux influences négatives sur les décisions en matière de fiscalité et de développement provincial. Même si le Comité n'est pas convaincu que les provinces menaceraient les investissements au chapitre de la création d'emploi dans le simple but de préserver leurs paiements de péréquation, certains estiment que cela pourrait se produire, ce qui a motivé l'insertion de dispositions spéciales dans des accords comme l'Accord atlantique et la solution générique, qui protègent les provinces bénéficiaires contre toute dégringolade de leurs droits à péréquation causée par des hausses des revenus provenant de leurs ressources non renouvelables. Si l'on élimine ce type de revenu du programme de péréquation, ces dispositions ne se justifieraient plus.

Les deux provinces atlantiques qui exploitent actuellement le pétrole et le gaz au large de leurs côtes ont souligné que, si elles pouvaient garder une plus grosse part de ces paiements, elles pourraient entreprendre des activités de développement économique qui leur permettraient de rattraper leur retard par rapport au reste du Canada. À leur avis, le retrait des ressources non renouvelables, dans le calcul de la péréquation, permettrait d'atteindre cet objectif. Elles pourraient ainsi recevoir des fonds provenant de la vente de ressources non renouvelables, sans réduction de leurs droits. Ces fonds " supplémentaires " pourraient alors être investis dans le développement économique des diverses provinces. Même s'il se répercute sur le développement économique, le programme de péréquation n'est pas conçu pour stimuler la croissance de l'économie. 

De plus, le Comité est d'avis qu'il est dans l'intérêt du pays de conserver un programme fidèle à son esprit, à savoir aider les provinces à fournir des services comparables pour un coût analogue. Après mûr examen de ce qui précède, le Comité croit que les revenus des ressources naturelles provinciales non renouvelables font partie du programme de péréquation. Par conséquent, le Comité recommande que :

RECOMMANDATION 6

Le gouvernement fédéral continue à inclure les ressources naturelles provinciales non renouvelables dans la base du revenu pour les paiements de péréquation.

Quoiqu'il en soit, le Comité a pris conscience, à la faveur de ses audiences, des difficultés constantes que certaines provinces bénéficiaires rencontrent pour promouvoir le développement économique de leur région. Ces provinces sont mécontentes du fait que tout gain au chapitre du développement se traduit par une perte au chapitre des paiements de péréquation, si bien que leur situation globale piétine. Le Comité est conscient que les deux provinces de l'Est estiment ne pas pouvoir réaliser tous les bénéfices attendus de l'exploitation de leurs ressources au large des côtes, par suite de l'effet combiné de certaines dispositions des accords relatifs à la côte Est, des règles du Programme de péréquation et de certains changements apportés à d'autres programmes économiques fédéraux. Cette situation, affirment-elles, continue de les empêcher d'améliorer leurs conditions économiques et d'atteindre le statut de province non bénéficiaire. Le Comité estime qu'il est justifié actuellement au moins de réexaminer la façon dont le programme traite des réussites des provinces en matière de développement économique et d'augmentation des capacités fiscales. Plus précisément, le Comité craint que la solution générique ne permette pas aux régions en développement de conserver assez de leurs droits à péréquation lorsque leurs recettes tirées de ressources non renouvelables augmentent. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 7

Que le gouvernement modifie la solution générique de manière à accroître la part des droits à péréquation d'une province qui est protégée lorsque ses recettes tirées de ressources naturelles non renouvelables augmentent.

Qui plus est, le Comité croit que le moment est venu de réévaluer les portions pertinentes des Accords atlantiques qui portent sur la péréquation pour déterminer si elles ont atteint les objectifs pour lesquelles elles ont été conçues. Au cours des années qui ont suivi l'entrée en vigueur des accords, alors que les provinces avaient le droit de protéger la majeure partie de leurs droits à péréquation contre les effets de nouvelles recettes, le niveau réel des recettes dont disposaient les provinces était très bas, à cause de la nécessité pour elles de fournir un financement aux sociétés d'exploitation des ressources. Il se peut que les Accords aient été appliqués de façon techniquement adéquate sans concrétiser le mandat dont ils étaient dotés. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 8

Que le gouvernement procède à l'évaluation des dispositions concernant la péréquation contenues dans les Accords atlantiques, afin d'établir si ceux-ci ont atteint l'objectif pour lequel ils ont été créés.



F. Paiements de péréquation et besoins de développement des provinces

D'après certains, les paiements de péréquation ne seraient pas satisfaisants parce qu'ils ne tiennent pas compte des besoins de développement différents de chacune des provinces. En gros, pour eux le coût de la prestation de services diffère selon les provinces et les provinces qui connaissent des difficultés particulières pour ce qui est de la prestation de services à la population devraient recevoir plus de fonds. Ainsi, les droits de péréquation augmenteraient et le niveau de services s'améliorerait. Les tenants de cette proposition estiment qu'elle atténuerait les disparités économiques entre les provinces. On n'a pas prouvé cette prétention à la satisfaction du Comité.

Le Comité est d'avis que l'adoption d'une proposition comme celle-là ne ferait que compliquer encore davantage un programme déjà compliqué, sans apporter nécessairement d'avantages additionnels. Le Comité reconnaît qu'il serait théoriquement possible de tenir compte des différents besoins de développement dans le calcul des droits de péréquation, mais il a rejeté cette idée parce qu'il la juge peu pratique et peut-être même contraire aux besoins apparents des provinces qui bénéficient actuellement de la péréquation. En définitive, le Comité n'a pas pu établir quelles seraient les provinces qui bénéficieraient de cette proposition et celles qui pourraient en souffrir. Certains ont également suggéré que le coût global du programme serait plus élevé ou que, s'il y avait un plafond applicable au total des paiements, la répartition des paiements serait modifiée de façon difficilement prévisible pour le moment. Par conséquent, le Comité :

Ne peut recommander actuellement un système de paiements de péréquation qui viserait à aligner les droits à la péréquation sur le coût local de la prestation des services.

CONCLUSION

Au Canada, la péréquation est devenue un élément essentiel des accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Son importance s'est accrue au fil des ans, de sorte qu'elle fait dorénavant partie intégrante du tissu économique et social de notre pays. De fait, son intégration dans la Constitution, en 1982, montre combien elle compte dans la fédération canadienne. Aujourd'hui, les Canadiens non seulement en acceptent le principe mais ils y souscrivent pleinement, car la péréquation leur garantit que, quelle que soit la province où ils sont domiciliés, ils peuvent s'attendre à recevoir des services publics comparables. C'est là un facteur incontestable de l'équité et de l'efficacité de notre société.

Certains critiquent le programme. Les uns considèrent qu'il influe négativement sur le comportement des provinces. Il est vrai qu'il comporte des inconvénients, le Comité le reconnaît, mais il a aussi des avantages qui compensent largement ses points faibles. Le Comité est conscient que certaines améliorations s'imposent. Comme le premier ministre et les ministres des Finances des provinces qui ont comparu devant lui, il est d'avis que le programme a besoin d'être renforcé, sans toutefois être complètement refondu. C'est précisément ce qui pourra être réalisé, estime-t-il, si ses recommandations sont adoptées. 

Un programme de péréquation efficace doit atténuer les disparités fiscales au sein de la fédération, mais d'importantes différences économiques entre les provinces demeureront néanmoins. Le Comité sait que de nombreux observateurs souhaiteraient l'adjonction d'un volet " développement régional " au mandat du programme, mais il ne souscrit pas à cette suggestion. Comme nous l'avons dit, l'objectif premier de la péréquation est de réduire les disparités fiscales, et non les disparités économiques entre les provinces. Toutefois, si les disparités économiques pouvaient être atténuées davantage, le Programme de péréquation serait mieux à même de satisfaire à l'intention de la Constitution. Le Comité estime qu'une coopération plus poussée des deux ordres de gouvernement en faveur de la croissance économique réduira les disparités économiques entre les régions et les provinces, ce qui entraînera du même coup une diminution du besoin des paiements de péréquation.


Liste des recommandations 

RECOMMANDATION 1 
Que le gouvernement fédéral n’adopte pas de formule macro actuellement pour déterminer les droits des provinces dans le cadre du Programme de péréquation. 

 

RECOMMANDATION 2
Que le gouvernement fédéral supprime le plafond applicable aux paiements de péréquation versés aux provinces.

 

RECOMMANDATION 3
Que le gouvernement maintienne le plancher du programme de péréquation.

 

RECOMMANDATION 4
Que le gouvernement fédéral établisse un processus de consultation avec les provinces et Statistique Canada, de manière à ce que les gouvernements provinciaux aient la possibilité d’évaluer et de commenter les changements du mode de calcul des variables entrant dans la formule de péréquation.

 

RECOMMANDATION 5 
Que le gouvernement fédéral rétablisse la norme englobant dix provinces pour établir les droits de péréquation des provinces.

 

RECOMMANDATION 6
Le gouvernement fédéral continue à inclure les ressources naturelles provinciales non renouvelables dans la base du revenu pour les paiements de péréquation.

 

RECOMMANDATION 7
Que le gouvernement modifie la solution générique de manière à accroître la part des droits à péréquation d’une province qui est protégée lorsque ses recettes tirées de ressources naturelles non renouvelables augmentent.

 

RECOMMANDATION 8
Que le gouvernement procède à l’évaluation des dispositions concernant la péréquation contenues dans les Accords atlantiques, afin d’établir si ceux-ci ont atteint l’objectif pour lequel ils ont été créés.


([1])        Pour en savoir plus sur les événements qui jalonnent l’histoire de la péréquation au Canada de 1945 à la fin des années 1980, voir l’ouvrage de J. Harvey Perry, 1989, A Fiscal History of Canada – the Post War Years, Association canadienne d’études fiscales, Toronto, 1989.

([2])            David B. Perry, « Le coût de l’unité », Faits saillants en fiscalité canadienne, volume 7, no 3, 16 mars 1999.

([3])        Voir : Dan Usher, 1995. The Uneasy Case for Equalization Payments, The Fraser Institute, Vancouver, 1995.  Kenneth J. Boessenkool, Taking Off the Shackles: Equalization and the Development of Non-Renewable Resources in Atlantic Canada, The Atlantic Institute for Market Studies, mai 2001.  Roland T. Martin, Equalization: Milestone or Millstone?, the Atlantic Institute for Market Studies, mai 2001.


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