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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 25 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 20 février 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, chargé d'étudier le projet de loi S-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais) se réunit aujourd'hui à 16 h 05 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Chers collègues, aujourd'hui nous allons entendre trois organisations sous forme de panel.

Nous commencerons pas M. Marc Boily, président de la Fédération nationale des conseillères et des conseillers scolaires francophones.

[Français]

M. Marc Boily, président de la Fédération nationale des conseillères et conseillers scolaires francophones: Permettez- nous d'abord de vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant votre comité dans le cadre de l'étude du projet de loi S-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles.

Cela nous permettra d'ajouter aux nombreuses voix de la francophonie celles de conseillers scolaires oeuvrant au sein du système d'éducation en français de la minorité. Nous représentons l'ensemble des conseils et commissions scolaires mis en place pour offrir un enseignement en français, langue première, partout au Canada.

Ces 31 conseils sont le fruit d'une multitude de processus de mise en oeuvre des droits reconnus par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous représentons le seul niveau de gouvernement complètement francophone, dûment élu et ayant une raison d'être constitutionnelle au service de la francophonie.

Étant donné les longs processus ayant mené à notre création, nous croyons être, mieux que quiconque, en mesure de faire valoir la nécessité d'adopter des lois adéquates et claires et, ainsi, d'éviter que la francophonie ait à recourir en tous temps aux tribunaux pour assurer sa survie, son développement et son épanouissement.

D'entrée de jeu, nous vous confirmons que nous appuyons entièrement la démarche du sénateur Jean-Robert Gauthier, qui vise à donner plus de mordant à la Loi sur les langues officielles et à confirmer l'esprit même de la Constitution canadienne.

Avant d'aborder le contexte un peu plus légaliste de notre présentation, laissez-nous d'abord vous faire part de nos problématiques et par la suite vous expliquer le type de collaboration recherché avec le gouvernement canadien.

Le développement et l'épanouissement de la minorité passe d'abord par la mise en place de projets scolaires destinés à assurer la perpétuation de la langue et de la culture et ce, de génération en génération. L'absence de tels projets mène inévitablement à l'assimilation. En adoptant l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, le gouvernement visait à réparer les torts de l'Histoire et à faire en sorte que la francophonie puisse disposer d'un élément de développement indispensable, conforme aux principes mêmes de la dualité linguistique qui doivent guider les législateurs.

Avec le recours à une multitude de représentations devant les tribunaux, nous disposons maintenant de la gestion scolaire partout au Canada, la dernière province à se conformer à la Charte étant le Nouveau-Brunswick, dont les conseils scolaires sont en place depuis la rentrée 2001.

N'eut été de cette possibilité de recours juridiques, nous attendrions encore dans plusieurs provinces que le gouvernement, de bon gré, accepte d'entendre raison. Malheureusement et malgré tout, les outils dont nous disposons ne sont pas suffisants. En effet, 50 p. 100 des ayants droit à l'école française ne sont pas dans nos écoles. De ce pourcentage, une très forte proportion sont des enfants issus de familles exogames qui se voient privés de structures d'accueil à notre système, qui leur permettraient éventuellement d'évoluer dans un cadre linguistique adéquat.

En outre, nous constatons que l'école française — qui ne doit pas évoluer en vase clos — ne peut pas toujours remplir ses obligations d'épanouissement linguistique et culturel efficacement. Dans sa forme actuelle, le système d'éducation dont nous sommes dotés ne permet pas de le faire pour plusieurs raisons.

Nos écoles, malgré leur vocation tout à fait distincte, fonctionnent sur des modèles en tous points similaires à ceux qui desservent la majorité linguistique et font donc peu de cas de la nécessité de soutenir l'apprentissage linguistique à bas âge.

Nos écoles évoluent dans un cadre légal, semblable à celui de la majorité, même si elles doivent accentuer leur présence dans le domaine préscolaire, et même si elles doivent également souvent palier au peu d'infrastructures francophones hors du domaine scolaire.

Le système d'éducation est financé, à quelques dollars près, de la même façon que celui de la majorité, sans égard à cette correction de l'Histoire dont il a la responsabilité, et sans égard à la lenteur des gouvernements à mettre en place les structures dont nous avions droit dès 1982.

Notamment, cela a fait en sorte que plusieurs enfants ont dû avoir recours à l'école anglophone même s'ils étaient en droit de recevoir une éducation en français. Ainsi, les autres lois et programmes gouvernementaux, dont l'usage par les francophones permettrait d'assurer la mission de l'article 23, ne tiennent pas compte des besoins spécifiques de la francophonie.

Outre une démarche judiciaire contre le gouvernement du Canada, nous ne disposons d'aucun recours pour forcer qui que ce soit, les provinces ou les territoires, à le faire. Cette mission de l'article 23 exige une approche spécifique et différente de celle adoptée pour l'enseignement dans la langue de la majorité, plus coûteuse et capable de réparer les torts de l'Histoire, pour assurer ainsi le développement et l'épanouissement de la francophonie.

Cela veut dire des interventions en bas âge: un soutien aux familles, surtout aux familles exogames, où l'apprentissage du français est difficile; et un soutien communautaire, tant au plan des communications tels la radio et la télévision, que de la culture, des sports et des loisirs.

Le gouvernement canadien constitue le seul niveau de gouvernement qui a des obligations nettes et précises envers les minorités de langues officielles. Les principes non écrits, confirmés dans le Renvoi sur la sécession du Québec, mettent en effet clairement en évidence l'obligation positive d'agir.

À notre avis, il incombe donc à ce gouvernement de soutenir le développement et l'épanouissement de la minorité dans tous les secteurs de la vie en société, et de permettre aux francophones et aux Acadiens de se perpétuer.

Dans le contexte des conseils scolaires que nous représentons, il s'agit, pour le gouvernement fédéral, d'agir d'une façon plus intense en éducation en français langue première, et directement auprès des conseils que nous représentons. Il existe un coût associé à la survie d'un peuple.

Traditionnellement, le gouvernement canadien en a défrayé une modeste partie selon le bon gré des provinces et territoires, et en se réfugiant derrière la notion de partage de juridiction qui accordait primauté aux provinces en éducation. Nous savons, toutefois, que le gouvernement fédéral peut soutenir directement le développement de la minorité en éducation, et que son action doit se faire en tenant compte de ses responsabilités en matière linguistique et des immenses besoins des conseils scolaires.

Cela veut dire aussi que le gouvernement fédéral doit agir directement par ses programmes et, dans notre cas, surtout à Santé Canada en ce qui a trait au milieu préscolaire, et au ministère du Développement des ressources humaines pour les questions de main-d'œuvre, afin de consolider le rôle de l'école française en milieu minoritaire.

Nous avons en effet besoin du soutien direct du gouvernement fédéral qui, par ses responsabilités et sa capacité de dépenser, permettra à la francophonie de se doter de programmes d'intervention auprès de la famille et auprès de la jeune enfance, en conformité avec les besoins culturels et linguistiques des enfants. Il nous faut mettre en place des projets de pré-maternelle en bas âge ainsi que des projets de garderie homogène, et faire en sorte que les enfants n'auront pas été assimilés par les structures anglophones avant même d'entrer à l'école francophone. Ceci doit faire partie de notre système d'éducation et être soutenu activement par le gouvernement canadien, car il est celui qui en a la responsabilité.

Dans le domaine de la main-d'œuvre, nous ne disposons pas des infrastructures nécessaires au renouvellement du personnel, tant enseignant que dans d'autres domaines. Les besoins sont énormes et nos facultés modestes. La crise qui s'annonce est dramatique, plus grande encore que celle vécue par la majorité. Si nos petits conseils ne peuvent s'unir dans un cadre national, il nous sera impossible de faire face à la crise. Pourtant, aucun programme national du ministère du Développement des ressources humaines du Canada ne peut répondre à ces besoins.

La situation est la même dans le développement des ressources pédagogiques. Nous sommes présentement à la merci des conciliations difficiles qui pourraient se faire entre ministères provinciaux, alors que nous savons qu'une intervention nationale et fédérale est non seulement légale, donc possible, mais souhaitable. Les petits conseils et les petits ministères n'ont ni l'expertise ni la capacité de répondre à ces besoins. L'union des conseils scolaires et le soutien du gouvernement fédéral assurerait la qualité de l'éducation particulière dont a besoin la minorité.

Nous croyons donc important que le gouvernement canadien ne se limite pas à l'interprétation des tribunaux et que sa loi reconnaisse noir sur blanc cette obligation de développement et d'épanouissement, y compris en éducation.

La partie VII de la Loi sur les langues officielles doit donc disposer de plus de mordant. Elle doit permettre aux divers ministères d'agir directement en vertu de nouveaux programmes, conformément aux besoins de la minorité, et non seulement dans un cadre dilué où tous doivent s'adapter à une conception de l'intervention gouvernementale, ne tenant pas compte de nos besoins uniques et, par le fait même, spécifiques.

La modification proposée à l'article 41 permettrait, voire faciliterait, l'adoption de cette nouvelle approche, sans quoi nous devrons passer une autre décennie devant les tribunaux pour que les principes de droit mis en cause soient appliqués. Nous sacrifierons, ce faisant, une autre génération d'ayants droit à l'école française qui n'aura pu, faute de moyens, bénéficier de notre système.

Il nous faut réparer les erreurs du passé. Légalement, seul le gouvernement canadien peut et doit être en mesure de le faire. En dépend, nous le croyons, la survie même du pays.

Sans ce principe de dualité linguistique dont nous formons une des caractéristiques essentielles, notre pays n'aura guère de sens et pourrait en devenir plusieurs. En 1982, en adoptant la Charte des droits et libertés, le législateur voulait confirmer cette caractéristique même du pays. Vingt ans plus tard, ce pays reste à faire. Nous avons la gestion scolaire certes, mais avec des moyens et une latitude tellement limités que nous ne pouvons nous porter garants de l'avenir de nos enfants.

Trop de temps a été gaspillé devant les tribunaux, trop d'énergie à convaincre tous et chacun du bien-fondé du système que nous voulons mettre sur pied. Adopter la proposition du sénateur Gauthier consisterait, en ce sens, à faire un pas dans la bonne direction, le pas que le gouvernement devra, tôt ou tard, inévitablement franchir de bonne grâce ou avec l'aide des tribunaux.

M. Tory Colvin, président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law: Tout d'abord, je vous remercie de nous avoir invités à vous adresser la parole. Deuxièmement, j'aimerais parler surtout à ceux qui sont d'antécédent libéral et les prier de bien vouloir excuser mon prénom. Je vous assure que c'est une faute qui n'est nullement la mienne.

Comme vous l'avez peut-être remarqué, la Fédération des juristes d'expression française de common law représente les sept associations de juristes d'expression française de tout le Canada, c'est-à-dire des provinces où la majorité est anglophone. Ce sont toutes les provinces sauf, Terre-Neuve et Labrador, et l'Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes donc en mesure de vous donner un petit survol du problème à travers le pays.

Quand on regarde l'article 41 tel qu'il est à présent, on pourrait croire qu'il répond à notre problème, mais en écoutant ce que plaide devant les tribunaux le ministère de la Justice du Canada, et les discours de divers ministres de la Justice et de fonctionnaires, nous pouvons parfois nous demander si nous ne sommes pas en train de vivre à la hauteur des merveilles. Ce qui semble bien clair, en fait, devient tout simplement une déclaration politique et non pas juridique. Nous appuyons donc la mesure et les modifications proposées.

Nous nous trouvons dans toutes les causes qui essaient, soit de protéger les droits linguistiques acquis, comme, par exemple, la cause récemment plaidée devant le juge Blais sur les contraventions, soit lorsque nous essayons d'avancer ou d'éclaircir les droits linguistiques, comme dans l'affaire Beaulac, avec comme adversaire le gouvernement du Canada, c'est-à-dire le ministère de la Justice du Canada.

J'avoue que la première fois que j'ai plaidé une cause linguistique au niveau de la cour d'appel de l'Ontario, on m'avait indiqué que le ministère de la Justice du Canada voulait intervenir dans cette cause. J'étais ravi. De façon naïve, j'ai assumé qu'il serait de notre côté. C'était l'affaire Simard où nous demandions que la dénonciation, c'est-à- dire le document de base qui définit le procès, soit dans la langue du procès. Dans l'affaire Simard, c'était en anglais.

J'étais peut-être naïf, mais j'étais surpris de voir que Justice Canada, en fait, plaidait contre nous que la dénonciation pouvait être et devrait être dans la langue du policier et non pas dans la langue de l'accusé, bien que ce document soit adressé à l'accusé.

Je vous signale que nous sommes revenus à la charge dans ce même dossier, suite aux décisions Beaulac. Nous avons un jugement dans notre mémoire du nom de Boutin. Nous avons plaidé justement ce que nous avons plaidé dans Beaulac, mais en indiquant que Beaulac écarte la décision Simard. Cette décision sera contestée lors de sa première comparution à la cour d'appel, vendredi prochain. Elle sera probablement plaidée cet été. Jusqu'à ce jour, Justice Canada n'est pas intervenu.

Je ne veux pas vous lire tout ce que nous avons dans notre mémoire. Je vais vous parler un peu des problèmes pratiques qui, à mon avis, découlent du fait que le gouvernement donne l'impression que c'est une question politique et que les droits linguistiques ne sont pas des droits comme tels, mais plutôt des grâces qui peuvent être accordées ou retirées.

Le dossier des contraventions reflétait justement cela. On avait le droit à un procès en français pour une contravention. Ce droit fut retiré en ce qui a trait à la façon dont les procédures étaient envoyées au niveau municipal. La décision du juge Blais n'avance pas les droits linguistiques. La décision du juge Blais maintient tout simplement le statu quo.

Je vais vous parler ce qui se passe chez moi. Je suis avocat et je pratique à London, en Ontario. J'avoue qu'à London, nous sommes très chanceux comparé aux autres provinces, parce que l'Ontario nous a donné un statut bilingue, suite à l'adoption de la Loi sur les services en français et de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Donc, nous avons droit à un procès en français ou en anglais, au choix des justiciables. Théoriquement, ce devrait être magnifique. En fait, ce ne l'est pas.

Prenons, par exemple, la rupture de couple. Une femme veut la garde provisoire de ses enfants. Elle a peut-être peur que son mari les enlève. Elle veut plaider en français. Quand elle arrive pour fixer un procès en français pour la garde provisoire des enfants, on va lui demander d'attendre et de revenir dans un mois, parce qu'il faut trouver un juge qui parle français. Par contre, si elle accepte de procéder en anglais, elle peut le faire la semaine suivante parce qu'il y a des juges disponibles. Lorqu'on a besoin d'une pension alimentaire, d'une garde provisoire d'enfants, est-ce qu'on veut attendre un mois ou deux pour que cela se passe en français ou est-ce qu'on le fait aussitôt que possible? Le résultat, c'est que cela se fait en anglais, et ainsi, les statistiques indiquent qu'il n'y a pas de demande, qu'il n'y a pas de besoin de procès en français. Donc, on n'a pas besoin de nommer de juges bilingues, on n'a pas besoin d'avoir un cadre avec un greffier et un sténo bilingues. Tout cela existe, à mon avis, parce que le ministre de la Justice, le gouvernement canadien, n'a pas l'obligation juridique d'assurer un accès égal au système judiciaire.

Nous sommes chanceux en Ontario parce que dans la plupart des endroits, nous avons accès aux services en français. Imaginez ce qui se passe Nouvelle-Écosse, en Alberta ou en Colombie-Britannique! Pensez aux lois fédérales, aux faillites, aux divorces qu'on ne peut pas plaider en français à travers ce pays.

Il est temps, largement temps, que cette loi soit modifiée afin de lui donner du mordant, du pouvoir, et aussi de ne pas accorder une grâce, une tolérance de nos deux langues mais de les mettre sur un pied d'égalité, où l'accès est vraiment égal parce que le système le veut.

Nous parlons dans notre mémoire de la nécessité de formulaires bilingues. Les formulaires sont soit en anglais ou en français. Les questions posées sont les mêmes. Pourquoi ne pas les mettre sur le même formulaire? Ainsi, tous peuvent répondre dans leur langue.

Je vous signale que Justice Canada est en train de plaider contre nous dans une cause qui se déroule à la cour supérieure des Territoires du Nord-Ouest. Le ministère soutient qu'en créant un nouveau conseil gouvernemental pour les Territoires du Nord-Ouest, les obligations linguistiques qui existent au gouvernement fédéral n'existeront pas dans les Territoires. Il plaide que selon l'article 41, ce n'est pas une obligation, c'est une grâce accordée. Donc, les droits linguistiques qui existent parce que c'est un territoire fédéral seront retirés si Justice Canada maintient sa position et si elle a gain de cause. Cela, à mon avis, est inadmissible dans un pays qui se dit bilingue, dans un pays où, selon Beaulac, nous avons deux langues qui ont un statut égal.

Nous pourrions parler de bien d'autres aspects. Je trouve un peu étonnant qu'on nous dise que pour mettre en place la Loi sur les contraventions, cela va coûter 20 millions de dollars. Vu que la procédure à suivre dans les contraventions est pénale, et vu qu'on a droit à un procès pénal en français ou en anglais partout au pays, je dirais que le mécanisme doit forcément déjà exister. Donc, j'ai du mal à comprendre pourquoi cela va coûter 20 millions de dollars et pourquoi on ne peut pas le faire.

M. Georges Arès, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada: En tout premier lieu, permettez-moi de remercier le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de l'occasion qui m'est donnée d'exposer le point de vue de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada sur un sujet qui nous tient particulièrement à coeur. Avant d'entrer dans le texte du mémoire, j'aimerais présenter les gens qui m'accompagnent, Me François Boileau qui est le conseiller juridique de la Fédération ainsi que le directeur- général, M. Richard Barrette et Mme Diane Côté, agente de liaison de notre bureau.

La FCFA est un organisme national qui regroupe les associations francophones, porte-parole de neuf provinces et de trois territoires, ainsi que quatre organismes nationaux ayant le statut de membre associé. Elle a pour rôle de défendre et de promouvoir les droits et les intérêts des francophones à l'extérieur du Québec. Étant donné notre nature politique, vous nous excuserez d'être un peu moins juridique durant notre présentation.

La première question qu'on doit se poser est la suivante: pourquoi sommes-nous tous ici à débattre d'un projet de loi voulant modifier la partie VII de la Loi sur les langues officielles? Bien entendu, la SCFA désire appuyer les démarches entreprises par le sénateur Jean-Robert Gauthier, pour qui nous avons le plus grand respect.

Mais il y a plus, naturellement. Nous sommes ici parce que, depuis 1988, soit depuis l'entrée en vigueur de la partie VII, il semble que le gouvernement fédéral ait été incapable de faire exécuter ces articles de loi par l'ensemble de ses ministères, institutions et agences. Étant donné le très court laps de temps qui nous est imparti, nous nous épargnerons tous les détails chronologiques rappelant les tentatives infructueuses de tous les gouvernements qui se sont succédés depuis 1988. Il nous fera plaisir d'aborder ce cheminement lors de la période de questions.

Le sénateur Gauthier a déposé le projet de loi S-32 qui vise à renforcer le caractère exécutoire de l'article 41 car il se dit préoccupé par l'interprétation minimaliste que donne certaines institutions fédérales à la Loi sur les langues officielles. Il désire que la loi devienne un chien de garde et non pas seulement un chien de poche, pour reprendre ses propres expressions.

Il importe de rappeler qu'à notre avis, la partie VII est impérative, exécutoire et non seulement déclaratoire. Bien que nous reconnaissions naturellement qu'il existe toujours un autre côté à une médaille, nous croyons humblement que la partie VII possède déjà les attributs qui lui donnent son caractère impératif. Sans vouloir faire ici la liste de tous les arguments juridiques, mentionnons simplement que si le législateur n'avait pas voulu faire de la partie VII un véritable engagement du gouvernement fédéral et de ses institutions en faveur du développement et de l'épanouissement des communautés de langues officielles vivant en situation minoritaire, il n'aurait laissé en place que le préambule actuel, ce qui aurait été bien suffisant.

Partant du principe d'interprétation juridique bien connu que le législateur ne parle pas pour rien dire, ce dernier aurait été bien avisé de ne pas adopter la partie VII s'il n'avait pas voulu que cette partie dise quelque chose. De plus, la récente jurisprudence nous laisse entrevoir l'avenir avec confiance lorsqu'il est question d'interpréter les droits linguistiques devant les tribunaux.

La Cour suprême du Canada a clairement indiqué, notamment dans les arrêts Beaulac et Arsenault-Cameron, que les droits linguistiques ont un caractère réparateur et que, dès lors, il faut toujours interpréter ces droits de façon large et libérale.

De plus, nous pourrions ajouter que la Constitution canadienne comprend aussi comme principe directeur fondamental le respect des minorités, tout comme le fédéralisme, la démocratie et la primauté du droit. C'est en fonction de ce principe non écrit qu'est le respect des minorités que la communauté franco-ontarienne a pu courageusement défendre l'institution essentielle que représente l'Hôpital Montfort.

Récemment, le ministre Stéphane Dion, dans un discours prononcé devant l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario, le 24 janvier dernier, a indiqué:

[...] qu' il serait bien plus souhaitable que les gouvernants et les législateurs fassent preuve de leadership et adoptent dorénavant, d'eux-mêmes, sans y être poussés par les tribunaux, l'approche dynamique et libérale qui leur est indiquée par la jurisprudence.

Voilà une assertion avec laquelle nous sommes en parfait accord. Nous ne sommes pas convaincus que le débat serait productif pour toutes les parties impliquées, si nous devions aller devant les tribunaux, d'autant que les efforts consentis en termes d'énergie, d'argent et de temps seraient considérables.

Soyons cependant clairs. Les communautés francophones et acadienne n'hésiteront jamais à recourir aux tribunaux avant de faire reconnaître leurs droits. Aussi nous croyons qu'effectivement, il serait peut-être opportun de clarifier, si besoin est, la portée de la partie VII en ce qui touche l'engagement du gouvernement fédéral et des institutions.

Nous proposons de laisser tel quel le libellé actuel de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Cependant, dans un souci de clarté, nous proposons d'ajouter sensiblement le même passage prévu à l'alinéa 41(1)a) qui vise le ministère du Patrimoine canadien qui doit prendre toute mesure de nature à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement.

Autrement dit, si cet engagement plus précis devait être ajouté à l'article 41, cela clarifierait encore plus ce qui, pour nous, semble déjà pourtant très clair, à savoir que le gouvernement fédéral et ses institutions doivent prendre de telles mesures.

De plus, nous croyons qu'il serait utile que le gouverneur en conseil fixe des modalités par règlement, afin d'assurer la mise en place d'un régime d'application approprié par les institutions fédérales. Nous y reviendrons dans un instant afin de vous entretenir sur le rôle que doit jouer en ce moment le gouvernement fédéral et sur les actions qu'il doit entreprendre.

Nous avons souligné les ajouts que nous aimerions voir, soit les sous-alinéas 2 et 3 de l'article 41. Le nouveau paragraphe 41(3) permettrait au gouvernement fédéral de fixer les modalités d'application de la loi, comme il l'a fait en fonction du règlement sur l'application de la partie IV traitant des communications et des services.

L'avantage évident de ce paragraphe serait de contrer ce que d'aucuns croient comme étant un puits sans fond en ce qui touche les obligations de toutes les institutions fédérales. Ainsi, le gouvernement devrait prévoir, par règlement, que les institutions fédérales se dotent d'un mécanisme de consultation avec les communautés francophones et acadiennes afin de connaître leurs besoins et leurs attentes sur le plan du développement de leurs communautés.

Ces règlements d'application de la partie VII constitueraient un plancher minimum avec lequel les institutions fédérales devraient composer. En peu de mots, ce qui manque réellement depuis l'entrée en vigueur de la partie VII en 1998, c'est une volonté politique de rendre finalement exécutoire de façon concrète cette même partie VII.

Nous savons que le président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Stéphane Dion, est en train d'élaborer ce qu'il appelle un plan d'action et ce que nous, à la Fédération, appelons depuis plus de 25 ans une «politique de développement global».

En fait, nous avons déjà entamé des discussions avec le ministre afin que ce plan d'action soit cohérent avec les besoins exprimés par les communautés francophones et acadiennes pour assurer leur développement et leur épanouissement.

Nous attendons du gouvernement fédéral qu'il fasse preuve de leadership auprès des institutions fédérales d'abord, mais aussi auprès des autres paliers de gouvernement. Leadership ne veut pas nécessairement dire assumer toute la responsabilité, mais cela peut vouloir dire de prendre des mesures, en coopération avec les provinces et territoires, qui viseront réellement le développement et l'épanouissement des communautés.

L'existence du Programme d'appui aux langues officielles en éducation, le PLOE, est un bon exemple de leadership. L'éducation n'est pas de juridiction fédérale, mais le leadership fédéral y est présent et marqué.

Il existe un bon nombre d'autres dossiers où le gouvernement fédéral pourrait assumer son leadership. Nous n'avons qu'à penser au domaine de la santé où, tout récemment, un comité consultatif composé de hauts fonctionnaires du ministère de la Santé ainsi que de représentants du milieu communautaire des communautés francophones et acadiennes, créé par le ministre de la Santé, a identifié des secteurs de développement essentiels et surtout réalistes pour les communautés en matière d'accès à des soins de santé en français.

Voilà un domaine où le travail de consultation auprès de la communauté a été remarquable. Nous attendons maintenant le leadership politique, le coup de pouce, la suite à donner au rapport remis en octobre dernier, afin de démontrer, encore une fois, à quel point le gouvernement fédéral peut faire une différence majeure.

Mentionnons le domaine de l'immigration, où nous avons tout récemment conclu un accord avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration afin de créer un autre comité consultatif qui identifiera les besoins en termes de capacité d'accueil des communautés francophones et acadiennes ainsi que des mesures visant la promotion de ces communautés à l'extérieur du pays.

Dans son discours prononcé à Moncton le 15 février dernier, dans le cadre d'une conférence portant sur les droits linguistiques, dont le titre était fort révélateur: «Une application symétrique et asymétrique», le ministre Stéphane Dion a rappelé ce que tous savaient déjà. Il y a asymétrie en ce qui a trait aux langues officielles au Canada, les communautés francophones et acadiennes étant triplement minoritaires, ce qui n'enlève rien, cependant, aux droits de la communauté anglo-québécoise.

Toutefois, l'approche du ministre Dion est rafraîchissante à plus d'un titre. Non seulement le gouvernement fédéral reconnaît-il que les communautés vivant en situation minoritaire ne jouissent pas toutes des mêmes droits, mais ces communautés ont aussi des besoins différents en fonction de leur développement et de leur situation particulière. Qui plus est, le gouvernement fédéral dit recourir à un traitement asymétrique en fonction des besoins de ces communautés.

Le cadre d'action doit reposer sur une politique de développement global de la francophonie canadienne, une politique qui viendrait préciser et clarifier l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard des communautés ainsi que la portée des obligations énoncées à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

À ce jour, la loi s'est avérée insuffisante pour assurer la permanence des diverses initiatives instaurées pour appuyer le développement des communautés. Les mesures en ce sens dépendent encore trop souvent des dirigeants en place, menacées de sombrer dans l'oubli avec le départ des personnes qui les ont initiées. L'un des grands défis d'une politique de développement global consiste à enrayer la précarité des acquis et à garantir une certaine pérennité, sinon la continuité, des programmes d'appui destinés aux communautés francophones.

Une politique de développement global doit relever un autre défi important: réorienter l'approche fédérale pour qu'elle se fonde non plus sur la réalisation de projets épars comme c'est présentement le cas, mais plutôt sur une action concertée qui inciterait tous les ministères et organismes gouvernementaux à intégrer les considérations relatives au développement des communautés au moment même où ils élaborent leur politique et leur programme ministériel.

Pour revenir aux considérations propres au projet de loi sous étude, nous croyons que nous devrions aussi chercher à amender le projet de loi afin qu'on puisse permettre le recours judiciaire en vertu de la Loi sur les langues officielles même et non en fonction de la Loi sur la Cour fédérale comme c'est le cas actuellement. Vous voyez nos propositions, un ajout à l'article 82.1 où la partie VII serait ajoutée.

En conclusion, j'aimerais dire encore une fois que la SCFA du Canada réitère son appui au projet de loi S-32, tout en proposant humblement quelques modifications en espérant contribuer au débat. Nous regrettons qu'il soit nécessaire de proposer des modifications à la partie VII dans un pays qui dit reconnaître la dualité linguistique comme valeur fondamentale. Nous nous attendons que la politique de développement global que le ministre Dion est en train d'élaborer démontrera, pour reprendre ses mots, le leadership et l'approche dynamique et libérale nécessaires pour rendre la partie VII exécutoire dans la loi et dans les faits.

Nous attendons vos questions ainsi que vos commentaires.

Le sénateur Beaudoin: Ces trois exposés sont très intéressants. Je commencerai par M. Arès. L'article 41 pour moi est impératif. Je l'ai comparé à beaucoup d'autres articles que j'ai lus dans d'autres lois. Le texte, le libellé est tel que, d'après moi, il devient exécutoire. Le législateur ne légifère pas pour rien. Quand on légifère, c'est pour faire avancer les choses.

Maintenant, le sénateur Gauthier a dit que c'est bien beau, il pense exactement de la même façon, mais il faut faire quelque chose de pratique, par exemple, un amendement qui dirait clairement que l'article 41 est impératif. Je suis d'accord.

Si on attend un amendement constitutionnel, cela prend toujours un certain temps. Entre-temps, on ne peut pas s'appuyer sur un arrêt. Il n'y a pas d'arrêt sur l'article 41 qui dit qu'il est impératif ou non. C'est dommage mais c'est comme cela.

J'aimerais que vous me disiez comment la réglementation fédérale selon l'article 41 pourrait aider le débat actuel. On souffre d'une certaine maladie dans le système parlementaire. On donne beaucoup trop de pouvoir réglementaire. La plupart des lois indiquent que vous pourrez édicter des règlements, vous pourrez faire des arrêtés en conseil, et cetera. Cela donne un pouvoir immense à l'exécutif plutôt qu'au législatif.

Peut-être que vous êtes en train de me convaincre que pour l'article 41, cela pourrait être utile en attendant, soit qu'un amendement soit adopté, ou bien — et c'est ce que j'aimerais beaucoup — que la Cour suprême dise que l'article 41 est impératif.

Quelle serait votre réglementation?

M. Arès: Je n'ai pas compris la question.

Le sénateur Beaudoin: L'article 41, à mon avis, est impératif. D'autres disent que non, il est déclaratoire. Seule la Cour suprême peut régler le débat en examinant l'article 41 et en disant qu'il est impératif. Vous vous rappelez le cas de M. Forest, au Manitoba. Toutes les cours de justice lui ont donné tort en disant que c'était indicatif. Je lui avais dit qu'il gagnerait sa cause à la Cour suprême. Et il a gagné. L'article 133 est impératif. D'après moi, le même raisonnement vaut pour l'article 41.

En attendant d'être rendu à la Cour suprême, en attendant que l'amendement du sénateur Gauthier soit adopté, cela prend du temps, je me replierais sur votre décision d'avoir des règlements. Mais encore faut-il que le gouvernement ait la volonté politique de le rendre impératif dans des règlements.

M. Arès: C'est justement ce qu'on indique dans notre mémoire. Cela prend la volonté politique de déclarer l'article 41 exécutoire. Et quand nous examinons le langage, nous croyons aussi que le langage est suffisant pour que ce soit impératif. Le ministère de la Justice a des opinions différentes. Ces gens ont droit à leur opinion. Mais les politiques pourraient dire que l'article 41 est exécutoire.

Alors je pense que le leadership que l'on voudrait voir de la part du gouvernement fédéral devrait justement clarifier cela une fois pour toutes. Mme Adam a indiqué dans son rapport que cela prenait du leadership au plus haut niveau du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a maintenant une occasion de procéder sans nous obliger d'aller devant les tribunaux. Le discours de M. Dion indique justement ce que le gouvernement fédéral devrait faire.

Il ne devrait pas nous obliger à aller devant les tribunaux. Je pense que nous avons été très patients avec le gouvernement fédéral. Il n'y a pas eu de causes sur l'article 41. Vous avez raison. On a voulu donner autant que possible la marge de manoeuvre au gouvernement fédéral pour démontrer ce qu'ils peuvent faire. M. Dion était prêt à élaborer une politique, un plan d'action. Il a eu une occasion unique de démontrer le leadership nécessaire pour les communautés de langues officielles, en spécifiant que l'article est déjà exécutoire, et que tous les ministères, les agences et les institutions du gouvernement fédéral doivent favoriser l'épanouissement et le développement des communautés de langues officielles. Il a une occasion unique.

Le sénateur Beaudoin: Jeudi, à Moncton, le ministre M. Dion, a dit très clairement que nous avons des symétries dans la Constitution, c'est-à-dire que toutes les provinces peuvent être égales en principe, mais nous avons aussi, en matière linguistique, des asymétries. C'est clair, cela est vrai. La preuve c'est qu'en 1867, seul le Québec avait un embryon de bilinguisme. En 1870, Cartier espérait que le Manitoba devienne comme le Québec. Cela ne s'est pas réalisé.

Le ministre Dion a dit qu'il faut une asymétrie pour la langue française. Je conclus que si on a besoin d'une asymétrie pour les langues officielles, — parce que le français en Amérique du Nord représente que 2 p.100 et au Canada de 20 à 30 p.100, — il faut avoir une asymétrie dans nos textes de loi qui favorise le français. D'après moi cela peut se justifier. J'aimerais bien qu'un tribunal le déclare ou que les législateurs le déclarent. Ce serait déjà beaucoup.

M. Arès: Je suis d'accord, sénateur Beaudoin. J'aimerais rappeler que lorsque les citoyennes et citoyens canadiens se sont réunis à Halifax en 1991, lors des discussions de Charlottetown sur la question de l'asymétrie, la grande majorité des Canadiens, des citoyens et des citoyennes ordinaires étaient d'accord qu'il pourrait y avoir une asymétrie en faveur du français au Canada. Il a l'asymétrie à travers les pouvoirs du gouvernement du Québec.

Le sénateur Beaudoin: Cela, c'est un autre problème.

M. Arès: La société canadienne est prête à accepter une asymétrie quant à la langue française. Ce sont les législateurs qui discutaient à Charlottetown qui n'ont pas voulu cette asymétrie. Cela revient encore à une question de leadership politique et souvent, même, on ne prend pas en considération ce que disent les citoyens et les citoyennes ordinaires de ce pays. Ils étaient prêts, en 1991, à accepter cette asymétrie. Je suis content que M. Dion parle d'asymétrie et qu'il est nécessaire qu'il y ait un traitement asymétrique. Je pense que l'on fait du progrès, mais cela prend du temps.

Le sénateur Beaudoin: Il l'a très bien dit, — ma collègue, le sénateur Fraser était là également — il a fait un exposé très clair. Il a dit qu'il faut protéger la langue française parce qu'elle est dans une situation difficile, très minoritaire en Amérique du Nord.

Madame le sénateur a plaidé la cause des Québécois anglophones, et elle l'a très bien fait. Je pense que c'est dans la Constitution canadienne. Les droits du bilinguisme au Canada ont toujours été asymétriques. C'est seulement au niveau fédéral qu'ils sont égaux, du moins dans la Constitution. Au niveau provincial, jamais les dix provinces n'ont été bilingues. En 1867, c'était le Québec qui était bilingue sur ce plan, ensuite ce fut le Manitoba et, évidemment, le Nouveau-Brunswick qui, en 1982, a fait un progrès immense en déclarant l'égalité des deux communautés. Cela a toujours été asymétrique. Je pense qu'il faut continuer et je suis très favorable au projet de loi du sénateur Gauthier.

Le sénateur Rivest: Vous avez dit que le ministère de la Justice mentionne qu'il faut une volonté politique pour rendre cela obligatoire ou exécutoire. Voulez-vous dire qu'il faudrait le clarifier directement à l'article 41 du projet de loi? Le débat va continuer. Déjà, le ministère fédéral de la Justice dit avoir une volonté politique. Toutefois, il y aura toujours quelqu'un, quelque part, pour contester la volonté politique. Une volonté politique, c'est une volonté politique changeante, variable, et plus ou moins intense, selon les personnes qui interviennent. Vous maintenez cependant qu'une clarification juridique s'impose.

M. Arès: Absolument, sénateur Rivest. Dans l'histoire des communautés francophones et acadiennes, il est évident que s'il n'y avait pas eu des lois, des articles spécifiques dans la Constitution, on aurait eu beaucoup de misère à survivre jusqu'à aujourd'hui. Il est évident que lorsque les droits sont inscrits dans les lois, on peut faire d'immenses progrès face aux gouvernements qui se sont opposés à notre développement dans le passé. Nous appuyons le projet de loi S-32 du sénateur Gauthier. Il est nécessaire. Comme vous l'avez bien dit, il va toujours y avoir quelqu'un qui pourrait contester la volonté politique ou la changer, et faire en sorte que ce que nous pensons exécutoire ne le soit pas. À l'heure actuelle, le ministère de la Justice ne donne pas un avis juste sur l'interprétation de l'article 41. Dans les discussions de Charlottetown, on se battait sur la définition du mot «engager». Plusieurs autour de la table disaient que le mot «engager» c'était un mot trop fort et que cela obligeait le gouvernement. Maintenant on nous dit l'opposé. Le mont «engagement» ne veut rien dire, c'est simplement déclaratoire. On change d'opinion comme on veut pour satisfaire les besoins du moment. Il faut être clair dans la loi, si on veut éviter de telles situations. On appuie le projet de loi. On aimerait qu'il soit modifié pour que ce soit absolument clair, pour le ministère de la Justice et pour le politicien, que c'est exécutoire. Il n'y aurait alors plus de raison de se cacher derrière une interprétation qui dit que c'est simplement déclaratoire.

Le sénateur Rivest: Vous parlez maintenant de la politique globale de développement. Le Québec n'a pas été un modèle de sensibilité au problème de la francophonie canadienne dans son ensemble.

Dans le plan de développement que M. Dion va élaborer, vous pourriez peut-être lui demander d'inclure le gouvernement du Québec, qui a déjà des programmes à l'égard de la francophonie canadienne, et ce, afin qu'il puisse associer la volonté politique du gouvernement du Québec de mettre à la disposition de l'ensemble de la francophonie canadienne les ressources francophones du Québec et, ainsi, l'inclure dans le plan de développement.

M. Dion, dans l'élaboration même de sa politique, pourrait convenir avec le gouvernement du Québec d'un certain nombre de programmes de soutien à l'avance. Ceci ferait en sorte que quand M. Dion ferait connaître ses ressources, il y aurait la volonté politique fédérale, avec un programme fédéral au niveau des institutions, et le bassin francophone québécois serait déjà mis à disposition pour mettre en route des programmes. Cette dimension vous paraît-elle importante?

De toute façon, concernant les ressources, à un moment donné cela va prendre des professeurs. On parlait tantôt des conseils scolaires et des encadrements pédagogiques. On parle de la partie VII, mais au fond c'est très large parce qu'il s'agit de toute l'activité communautaire, des personnes âgées, des centres d'accueil, des services de santé, de l'aide à l'enfance, et cetera. C'est ce qui soutiendra la viabilité et le dynamisme de la communauté francophone. Des ressources francophones existent au Québec, et le fédéral ne peut pas passer par-dessus la tête du gouvernement du Québec, il faut qu'il l'associe à cela. Dans une certaine mesure, c'est la même chose pour le Nouveau-Brunswick, où il y a beaucoup de ressources francophones.

M. Arès: Je pense qu'étant donné les différences politiques, cela prendrait assez de temps pour arrimer les choses dans le plan d'action de M. Dion.

Le sénateur Rivest: Vous pourriez agir en tant que médiateur.

M. Arès: Effectivement, je pense qu'on a un rôle à jouer entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral et je pense qu'on le joue assez bien. Nous avons rencontré le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec à plusieurs occasions.

Le sénateur Rivest: En ce qui a trait au nouveau ministre, vous pourriez voir beaucoup d'ouverture de sa part.

M. Arès: Justement, nous l'avons rencontré la semaine dernière à Montréal, avec l'intention de voir comment le Québec, dans les différents domaines d'expertise qu'ils ont développés, pourrait être utile aux communautés de langues officielles. Ils sont prêts à examiner cela et à promouvoir un élargissement de la politique du gouvernement du Québec à l'égard de nos communautés dans d'autres domaines, comme la santé, par exemple. Je pense que nous pouvons jouer ce rôle d'intermédiaire et que nous le ferons. Nous avons été bien reçus par le gouvernement du Québec et nous travaillons très bien avec le ministre Dion.

Le sénateur Fraser: Un petit commentaire et ensuite une question pour M. Arès et M. Colvin. D'abord le commentaire. J'ai aussi écouté M. Dion avec beaucoup d'intérêt la semaine dernière. Je voudrais juste signaler que, à mon avis en tout cas, lorsqu'il parlait d'asymétrie et des différents besoins des communautés minoritaires, il ne disait pas qu'il n'y avait pas de besoins du côté anglo-québécois. Il disait seulement que ce ne sont pas les mêmes besoins et les mêmes problèmes. Je tenais à préciser cela.

Monsieur Arès, je trouve très intéressante votre proposition à l'article 41. Elle est même peut-être un peu séduisante, mais il y a quelque chose là-dedans qui ressemble à un souci que j'avais à propos du projet de loi, tel que formulé par le sénateur Gauthier. C'est pourquoi je pose la question aussi à Me Colvin. Lorsqu'on dit que le gouvernement fédéral doit prendre toutes les mesures nécessaires, il me semble que c'est vraiment immense ce qu'on crée comme obligation. Cela peut dépasser toute autre priorité qui pourrait être très légitime pour le gouvernement fédéral. On peut penser aux besoins des sans-abri, des personnes âgées, de toutes sortes de gens qui ont des besoins pressants et criants. Toutefois, si on dit que le gouvernement fédéral doit prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser les minorités linguistiques, il me semble que c'est tellement vaste que cela pourrait, à la fin, prendre presque toute la place.

Est-ce parce que je ne comprends pas la portée du langage juridique ici? Est-ce que j'exagère et est-ce que mes craintes sont sans fondement?

M. Arès: Je demanderais à Me Boileau de répondre car c'est lui qui a rédigé l'article.

Le sénateur Fraser: Je précise toutefois que je partage entièrement l'objectif d'obliger le gouvernement fédéral à favoriser les communautés. Ce n'est pas là mon problème.

M. Boileau: Votre question est très pertinente. Ce qu'on croit, c'est que le gouvernement fédéral doit agir. Il a une obligation d'agir. A-t-il une obligation quant au résultat? C'est la matière du débat. C'est pourquoi on laisse les mots: «favoriser l'épanouissement des minorités» et aussi les mots: «appuyer le développement». On n'a pas dit: «afin d'assurer l'épanouissement» ou «afin d'assurer le développement des communautés minoritaires de langues officielles». Il y a donc une différence. On a tenté de formuler un article qui serait réaliste, c'est pour cela que le mot a été utilisé. Aussi, c'est pour cela que le gouverneur en conseil pourrait, lui-même, fixer les modalités d'application par règlement.

Bien sûr, cela ne veut pas nécessairement dire que ce règlement ne serait pas contestable devant un tribunal. Mais au moins, il en aurait le loisir, comme il le fait en ce moment avec le règlement qu'il a fait sur l'application de la Partie IV, où on dit, par exemple, que 5 p.100 de la population, soit 5 000 personnes dans une région, constitue une région désignée. Où le gouvernement fédéral a-t-il pris ces chiffres? Cela n'a jamais été contesté. C'est un règlement d'application qui circonscrit la portée de la partie IV. Ce qu'on voudrait voir, c'est sensiblement la même chose, mais au niveau de la partie VII, afin justement que cela ne soit pas tous azimuts comme vous le mentionniez tantôt, mais qu'il y ait au moins une obligation d'agir. C'est fondamental.

M. Colvin: Je dirais que les mesures dont nous parlons au niveau juridique existent pour la plupart. Celui qui est accusé de meurtre, que ce soit en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve, en Colombie-Britannique, en Ontario ou au Québec, a un choix de langue. Il peut avoir son procès en français ou en anglais. Cela est la bataille de Beaulac, et ce n'est pas une question du niveau du français parlé ou compris. Il suffit tout simplement que la personne soit en mesure de plaider dans sa langue et de donner des instructions à son avocat dans sa langue.

Cela veut dire que le système judiciaire, dans toutes nos provinces, est déjà bilingue. Quand nous disons que cela devrait être élargi, nous ne parlons pas de tout détruire et de tout recommencer, loin de là, mais d'une volonté de dire tout simplement pourquoi pas un divorce? Pourquoi pas une faillite? Pourquoi pas une contravention d'excès de vitesse donnée sur le terrain de l'aéroport Pearson qui, théoriquement, maintenant ne se ferait pas en français, parce que les municipalités ne sont pas forcément bilingues en Ontario.

Cela veut dire que si vous avez une contravention de vitesse sur l'autoroute 401 en plein milieu de Toronto, vous auriez un choix de langue dans laquelle le procès aurait lieu, soit en français ou en anglais. Par contre, si cette même infraction se produit 200 mètres plus loin, sur le terrain de l'aéroport de Toronto, vous n'auriez plus forcément droit à un procès en français. C'est pour cela que je parle d'Alice au pays des merveilles.

Le sénateur Fraser: Selon vous, si j'ai bien compris, strictement dans le système juridique, prendre toutes les mesures nécessaires ne serait pas si vaste que cela.

M. Colvin: À mon avis, non. Il y a des choses à faire, bien sûr, mais nous vivons à une époque où la technologie peut nous offrir des réponses. On peut se servir du téléphone, composer un numéro et demander comment faire signifier un document ou déposer un document. La personne qui répond n'a pas forcément besoin d'être à Whitehorse ou à Halifax. La technologie favorise des ouvertures qui n'existaient pas auparavant. Je sais que Gérard Lévesque a beaucoup travaillé, par exemple, sur les formulaires bilingues et d'autres aspects. C'est notre encyclopédie vivante sur les problèmes linguistiques dans les tribunaux judiciaires. C'est pour cela que nous l'avons amené ici.

M. Gérard Lévesque, directeur général adjoint, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law: Le Canada a pris un quart de siècle avant d'appliquer le droit pour un accusé d'être jugé dans sa langue lors de procès criminels. La première loi sur les langues officielles comprenait un article qui stipulait que, dans la procédure criminelle, qui relevait de la compétence fédérale, un procès pouvait être tenu dans la langue officielle de l'accusé. Mais comme les procès en anglais étaient disponibles partout, cela revenait à dire que les procès en français seraient disponibles dans chaque province, si celle-ci permettait des procédures civiles en français.

Le gouvernement fédéral avait alors cru que les provinces offriraient d'abord le service en français. Le gouvernement fédéral aurait alors suivi, et aurait rendu disponible ces services pour des procès criminels. Ce n'est pas ce qui est arrivé. Les provinces du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario ont quelque peu agi dans ce sens, mais pas les autres provinces. Il a fallu un nombre incroyable de procès avant d'appliquer d'un bout à l'autre du pays le droit au procès criminel dans la langue de l'accusé. Il reste encore beaucoup de problèmes à régler, mais on a quand même vu beaucoup de progrès.

Par contre, nos communautés, suite au taux d'assimilation qu'elles ont subi, ne peuvent pas attendre un autre quart de siècle avant d'avoir droit à l'utilisation du français en matière de divorce ou de faillite. Le divorce est un bon exemple. Avant la loi de 1968, c'est le Sénat qui, pour une raison ou une autre, recevait les couples qui devaient divorcer. Il semble qu'on n soulevait pas de problèmes linguistiques à ce moment.

Lorsque M. Trudeau, en tant ministre de la Justice, a mis de l'avant le projet de loi sur le divorce, deux provinces disaient qu'elles n'étaient pas d'accord sur un aspect. C'est une chose qu'on voit souvent au gouvernement fédéral, quand il veut rédiger un projet de loi mais en confier la gestion aux provinces. Si les droits linguistiques ne sont pas traités dès le début, les communautés minoritaires sont pénalisées. Le gouvernement fédéral risque aussi d'être pénalisé financièrement, parce que les provinces diront: «Vous nous déléguez une gestion, mais nous voulons être payés pour le faire.»

Deux provinces, Québec et Terre-Neuve, n'étaient pas d'accord pour que les tribunaux provinciaux s'occupent de divorce. M. Trudeau ne les a pas contraintes. La compétence sur le divorce demeurait donc à la Cour fédérale pour ces deux provinces. C'est seulement à l'étape de la troisième lecture du projet de loi sur le divorce que les deux provinces qui n'étaient pas d'accord pour que leurs tribunaux s'occupent de divorce n'ont pas voulu non plus pénaliser leurs citoyens, alors que toutes les autres provinces auraient accès aux tribunaux provinciaux. Il faudrait que nos concitoyens aillent en Cour fédérale.

On retrouve la même situation à l'heure actuelle. Le gouvernement fédéral délègue la gestion aux provinces, sans s'occuper du droit linguistique, vis-à-vis un champ d'activité qui lui revient, le divorce. Les gens perdent leurs droits linguistiques. Comment obtenir un certificat de divorce en français ou dans les deux langues?

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral a laissé aux provinces le sort des minorités de langues officielles. Je vous donne un exemple. Quand on présente une requête conjointe en divorce, il faut que les deux conjoints la signent. En Ontario, toutes nos règles de procédure civile sont bilingues, mais les formulaires sont disponibles soit en français ou en anglais, pas en version bilingue. À Toronto, en 1968, j'ai tenté de présenter une requête en divorce où le français et l'anglais étaient imprimés côte à côte. Il s'agit de formules prescrites par règlement qui n'ont qu'à être signées s'il y a consentement. La cour m'a avisé qu'elle ne pouvait accepter une formule bilingue signée conjointement. Un des deux conjoints devait renoncer à son droit linguistique si l'un était anglophone et l'autre francophone. Cela n'avait aucun sens. S'il s'agissait d'un domaine de compétence fédérale, pourquoi un des conjoints devait-il renoncer à l'exercice de ses droits linguistiques. Il a fallu que le procureur général de l'Ontario intervienne pour qu'au comptoir de la cour, on accepte ma requête bilingue.

Le sénateur Rivest: Au Québec, comment ces requêtes sont-elles présentées?

M. Lévesque: Selon une des règles de procédure de l'Ontario, quand on dépose des documents en français, on a le droit de les déposer en partie ou en totalité en anglais. C'est très pratique si on veut donner à nos clients le service dans les deux langues.

En ce qui a trait aux formulaires et au droit d'utiliser le français, cela devra être débattu d'une province à l'autre si le fédéral n'insiste pas que, dans ces champs d'activité, il y a un exercice des droits linguistiques qui doit être respecté. On va voir cela à tous les niveaux. Le problème avec l'article 41 est que son interprétation minimaliste influence toutes les activités de justice Canada.

C'est le gouvernement fédéral qui procède à la nomination des juges des tribunaux supérieurs des provinces, c'est-à- dire la Cour supérieure et la Cour d'appel. Comment le gouvernement procédera-t-il afin de nommer un nombre adéquat de juges? Lors d'un procès qui s'est tenu à Sudbury en 1999, puisque la Cour supérieure n'offrait pas de services bilingues, durant six mois des juges bilingues d'autres régions ont dû se déplacer pour entendre le procès. Même chose pour la Cour supérieure de London, où se tiendra prochainement un procès dans les deux langues. C'est de cette façon qu'on procède pour les procès en français ou bilingues, partout où les services bilingues sont inadéquats.

C'est le gouvernement fédéral qui nomme les juges des cours d'appel et des cours supérieures. Lorsqu'on a consulté les provinces il y a quelques années pour voir si elles étaient d'accord pour mettre en oeuvre les recommandations de la commissaire aux langues officielles, dans son rapport sur une session équitable des deux langues devant les tribunaux au pays en 1995, la Nouvelle-Écosse était d'accord avec les propositions. Par contre:

[Traduction]

Aucun membre de la Cour d'appel ne peut présider une audience qui se déroule en français sans le recours à l'interprétation.

[Français]

Il faut que le gouvernement fédéral agisse. L'article 41 du projet de loi du sénateur Gauthier entraîne une obligation claire d'agir dans l'intérêt des citoyens en préservant leurs droits linguistiques.

[Traduction]

La présidente: Avant de céder la parole au sénateur Gauthier, j'aimerais signaler à M. Arès que, dans votre mémoire, vous proposez des changements au projet de loi du sénateur Gauthier en ce qui concerne l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Vous proposez également des modifications aux paragraphes 77(1) et 82(1).

Je tiens à préciser que le mandat du Sénat consiste à traiter uniquement de ce qui lui est présenté, et ce dont nous sommes saisis maintenant c'est le projet de loi du sénateur Gauthier qui propose une modification à l'article 41. C'est la seule modification que nous pouvons étudier. Je ne voudrais pas que vous sortiez d'ici en ayant des attentes qui ne correspondent pas au mandat qui a été confié au comité.

Chaque témoin dispose de 10 minutes, et je suis également tentée de proposer que les questions et réponses ne prennent pas plus de 10 minutes non plus.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Monsieur Boily, vous avez parlé de l'article 41 comme étant un article qui donnait au gouvernement le pouvoir de dépenser et qui ne créait pas de nouveau droit. Il indique que gouvernement fédéral doit assurer l'épanouissement, le développement et la promotion des communautés, et cetera.

Vous avez parlé des ayants droit dans le domaine scolaire. J'ai passé quelques 11 années de ma vie dans le domaine scolaire. Avez-vous des statistiques pour nous montrer combien il y a d'ayants droit au Canada, et combien d'élèves fréquentent les écoles françaises?

M. Boily: Nous avons une étude du commissariat aux langues officielles, faite cette année par Mme Angéline Martel, qui démontre que 150 000 de nos ayants droit ne fréquentent pas nos écoles francophones en milieu minoritaire. Notre réseau scolaire comprend environ 650 écoles et établissements scolaires. Il a environ 150 000 élèves au pays. Les chiffres ont nettement et clairement démontré que 150 000 de ces ayants droit ne fréquentent pas nos écoles, pour des raisons multiples: pénurie de ressources, de capacité, de droit de fréquenter les écoles françaises. Il y a toutes sortes de défis et de raisons.

Le sénateur Gauthier: Pouvez-vous m'envoyer une copie de cette étude?

M. Colvin: Certainement.

Le sénateur Gauthier: Monsieur Colvin, vous avez dit que la Cour suprême a changé récemment la donne avec certains jugements. Vous avez mentionné Beaulac, Arsenault et la sécession du Québec avec des principes non écrits. En ce qui a trait à ma proposition de l'article 41, je ne suis pas naïf, je sais très bien qu'elle peut être modifiée. J'aurais pu écrire un chapitre sur la loi. Je voulais initier un débat comme celui d'aujourd'hui.

À la fin de mon discours, lorsque j'ai présenté mon projet de loi, j'ai dit que si c'était un peu trop compliqué ou difficile de rendre exécutoire par amendement cet article, il fallait donc prier le gouvernement, par renvoi, de demander à la Cour suprême de nous dire si l'article 41, ou si vous voulez toute la partie VII, est exécutoire ou non. Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Colvin: Tout à fait. C'est une autre façon d'arriver au même résultat. Je vous assure que notre fédération et toutes les associations provinciales feront la queue pour être intervenantes dans une pareille cause. C'est une autre façon de procéder. J'avoue que quand je regarde la façon dont l'article 41 est présentement rédigé, j'ai beaucoup de mal à comprendre comment on peut croire que cela n'oblige pas le gouvernement à agir. On sait très bien qu'un droit qui est donné à un citoyen a comme contrepartie l'obligation du gouvernement de le faire respecter. Le droit à un procès équitable semble tout à fait simple. Mais en fait, cela impose au gouvernement d'avoir des juges qui n'ont pas déjà décidé la cause avant d'entendre les preuves. Nous connaissons tous les droits que cela engage. Je dirais que quand on parle de droits linguistiques, cela veut dire une obligation de la part du gouvernement.

Franchement, je suis toujours un peu étonné que l'article 41 ait été interprété de cette façon. Dans Alice au pays des merveilles, on mentionne qu'une loi «veut dire ce que cela veut dire quand je veux dire ce que cela veut dire.» C'est un peu à cela que nous avons affaire.

Le sénateur Gauthier: Cela me paraît un peu élitiste de la part de Justice Canada que de dire que l'article 41 est déclaratoire. C'est politique, comme on m'a dit récemment. Je fais la comparaison. On essaie d'arroser la plante par les feuilles au lieu d'aller aux racines. Cela m'inquiète un peu.

Vous avez mentionné 20 millions de dollars pour le jugement Blais sur la question des contraventions.

M. Colvin: Je crois que 'était dans un débat de ce même comité dont j'ai lu la transcription aujourd'hui. Cette somme était mentionnée. Je suis surpris de voir que cela coûte 20 millions de dollars pour ne pas bouger, pour ne rien faire, sauf respecter ce qui existe déjà.

M. Lévesque: Si je peux apporter un renseignement à ce sujet, c'est dans le procès verbal de la dernière session du comité où il a été mentionné que la mise en oeuvre de ce jugement coûterait 10 millions de dollars; d'autres disaient 20 millions. Il y a déjà eu des débats, et ce dossier est allé en cour parce qu'il n'y avait pas eu de volonté politique de reconnaître les droits linguistiques. Lorsque le fédéral a donné aux provinces des responsabilités en matière de la Loi sur les contraventions, ils n'ont pas pensé qu'il y avait un impact linguistique. Me Colvin et moi sommes venus devant le comité du Sénat et de la Chambre des communes en 1998. Nous avions proposé trois recommandations afin que la Loi sur les contraventions soit modifiée pour y inclure une garantie de maintien des droits linguistiques dans les cas où les provinces ou les municipalités prenaient en charge la poursuite des contraventions fédérales. Justice Canada a continué de dire non et a voulu poursuivre en utilisant le système d'administration de la justice des provinces, soutenant qu'elle n'avait pas de responsabilité à ce sujet. Il a fallu porter le cas en cour fédérale et il y a eu jugement qui nous a donné raison.

La deuxième recommandation était que le Comité mixte des langues officielles tienne une séance de travail au sujet du rapport du commissaire des langues officielles sur une cession équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux. Encore là, ce rapport recommandait des modifications à des lois fédérales pour garantir davantage l'exercice des droits linguistiques au Canada, et cela n'a pas encore été fait.

Enfin, notre troisième proposition recommandait que le Comité mixte des langues officielles tienne une séance de travail au sujet de la magistrature, parce qu'on a de la difficulté à avoir un nombre adéquat de juges bilingues.

Pour la cause Monfort en Cour d'appel de l'Ontario, il a fallu que le juge en chef emprunte d'une cour inférieure un juge bilingue, parce qu'il n'y a pas assez de juges bilingues à la Cour d'appel de l'Ontario. On a des juges francophones ou anglophones bilingues, mais ils ne sont pas nommés pas en nombre suffisant, de telle sorte que dès qu'il arrive une maladie, une retraite ou un conflit d'intérêts comme c'est arrivé dans le cas où un des juges francophones avait de la parenté à l'Hôpital Monfort, on perd la capacité linguistique qu'on avait. Dernièrement, on disait en riant au juge en chef qu'il allait bientôt devoir aller à la cour des petites créances de Toronto et emprunter des ressources bilingues pour siéger à la cour d'appel. Je n'aurais pas d'objection, parce que je siège à la cour des petites créances de Toronto. Mais cela ne donne pas une bonne impression quant à la responsabilité fédérale de nommer un nombre adéquat de juges bilingues pour les tribunaux supérieurs des provinces.

Le sénateur Gauthier: En 1988, j'étais dans la salle quand la loi a été modifiée ou que la nouvelle loi a été adoptée. Une des propositions, c'était que le ministre s'appuie sur le comité consultatif des communautés de langues officielles. En d'autres mots, le ministre aurait un comité consultatif qui le tiendrait au courant de ce qui se passe et lui donnerait un son de cloche plus réaliste que ce qui se fait actuellement. Les ministres écoutent leurs conseillers, des gens de leur cabinet ou du ministère qui parfois sont un peu dans les nuages. C'est mon point de vue. Seriez-vous d'accord que le ministre se dote d'un comité consultatif sur la situation des communautés linguistiques vivant en milieu minoritaire?

M. Arès: Je crois que tous les ministères devraient avoir des comités consultatifs. L'excellent travail qui a été fait par le comité consultatif en santé démontre, justement, que lorsqu'un ministère s'intéresse avec sincérité aux besoins des communautés, on peut faire un bon travail et on fait de bonnes recommandations au gouvernement. Je crois que tous les ministères devraient avoir un comité consultatif.

Pour ce qui est de l'article 41, on est consulté par le ministre Dion, dans son plan d'action. On travaille avec ses fonctionnaires, on fait part de notre façon de voir une politique de développement global, ce qui devrait être compris dans le cadre d'action, dans les axes stratégiques de développement. M. Dion fait preuve de bonne volonté et il nous consulte. J'aimerais voir ce processus se poursuivre et s'étendre aux autres ministères, agences et institutions.

La Société Radio-Canada a récemment a mis en place un comité consultatif, en grande partie composé de membres de nos communautés. On le demandait à Radio-Canada depuis longtemps. Ce sont des indications qu'on s'en va dans la bonne voie. Je suis d'accord qu'il devrait y en avoir.

Le sénateur Gauthier: Monsieur Colvin, récemment, le programme de contestation judiciaire à Winnipeg m'a envoyé une lettre — et tous les membres en ont reçu copie aujourd'hui — dans laquelle il affirme qu'on ne peut pas contester devant les tribunaux la portée de l'article 41. Il mentionne qu'à moins de trouver un droit linguistique aux articles 16 à 23 de la Charte pour lequel l'article 41 serait un prolongement naturel ou une manifestation de ce droit, il serait interdit de financer une cause qui demanderait aux tribunaux d'interpréter l'article 41 de la Loi sur les langues officielles.

J'ai expliqué au comité que nos moyens sont restreints, que nos ressources humaines sont plutôt minimes. En ce qui a trait à l'article 41, le programme de consultations judiciaires, mis en place suite à la cause Forest et auquel le sénateur Joyal a contribué, n'est pas disponible. Avez-vous une proposition à nous faire?

M. Colvin: M. Lévesque et moi débutons justement vendredi prochain une cause, à London, en Cour supérieure. Je vais lui demander de vous en parler parce qu'il connaît mieux que moi le programme des contestations judiciaires.

M. Lévesque: Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de présider le comité des droits linguistiques du programme des contestations judiciaires. C'est le contrat que le gouvernement fédéral signe avec le programme des contestations judiciaires, qui lui interdit de financer des causes en vertu de la Loi sur les langues officielles, pas seulement en vertu de l'article 41. C'est toute la loi. Il faut une disposition linguistique constitutionnelle et non pas une loi. C'est celle-là qui sera financée. Cela a été le cas pour l'article 23 au Manitoba, par exemple. On a demandé que la Loi sur les langues officielles soit considérée, mais à l'heure actuelle, le gouvernement fédéral ne procure pas de fonds. Dans le contrat, il dit: «Vous ne pouvez pas considérer ce financement.»

M. Paul Charbonneau, directeur général, Fédération nationale des conseillères et conseillers scolaires francophones: Je vous invite à prendre connaissance de notre mémoire dans lequel vous trouverez des réflexions de Me Doucet sur cette question. Vous parlez de comités consultatifs. Depuis peu, nous avons des conseils scolaires partout au pays. Avec le principe non écrit, le gouvernement fédéral a le droit de dépenser et d'agir directement auprès des conseils scolaires. L'article 41 modifié permettrait de renforcer et de confirmer cela.

La francophonie a voulu avoir des gouvernements, et il y en a en éducation. Cela a pris du temps. J'étais à la Commission nationale des parents lorsqu'on se battait pour cela. Maintenant, nous ne sommes pas consultatifs pour le gouvernement fédéral, certainement pas dans un cadre officiel. Le gouvernement fédéral se replie derrière la juridiction provinciale en éducation pour négocier un financement qui nous concerne, et à plusieurs endroits, nous ne sommes pas consultés.

Dans le dossier de l'éducation et avec les outils que vous vous procurerez par la modification à la loi, mais aussi par les principes non écrits dans le Renvoi sur la sécession du Québec, je suis d'avis que le gouvernement fédéral devrait, avec nous, décider des priorités et des besoins. Même si nous sommes là, ce n'est toujours pas le cas.

Le sénateur Joyal: Je voudrais d'abord mentionner que j'accorde beaucoup de crédibilité aux programmes de développement qu'un ministre veut proposer et négocier avec les intervenants et les représentants des minorités au Canada, qu'elles soient anglophones ou francophones. J'ai moi-même été responsable de ces programmes il y a 20 ans. J'ai vu certains de mes successeurs abolir des programmes que j'avais personnellement mis sur pied et que je croyais fondamentaux pour la survie des communautés. Le programme des contestations judiciaires en est un. Il a été aboli et rétabli. Ce que je ne souhaite pas, c'est qu'on remette à l'intérieur du pouvoir politique du jour, le respect des droits fondamentaux, parce que on se soumettrait à toutes sortes d'aléas.

Les gouvernements sont élus, défaits, réélus, et cetera. Les contingences sont différentes d'une période à l'autre, et il est très difficile, à chaque fois, d'encourager les minorités à revendiquer des protections semblables ou des options.

Il me semble que l'initiative proposée par le sénateur Gauthier, soit de garantir juridiquement, est souhaitable. Quand on est une minorité, anglophone ou francophone, en bout de ligne, la seule garantie qu'on a est la garantie juridique. Le pouvoir politique du jour peut être plus ou moins compréhensif, réceptif, mais il n'en demeure pas moins que le pouvoir politique des minorités est extrêmement limité.

Ceci dit, je ne suis pas d'avis qu'il n'y a pas de jugement sur l'impact exécutoire de l'article 41. Il y a un jugement. On lit, à la page 90 du jugement Blais du mois de mars 2001:

En conséquence, la partie demanderesse ne m'a pas convaincu que l'évolution récente de la jurisprudence et notamment l'arrêt Beaulac, supra aient donné à la Cour fédérale la possibilité d'intervenir, suite à un recours intenté en vertu de l'article 78(1)a) de la LLO quant à des allégations de violation de la partie VII de la LLO.

Le juge Blais, à mon avis, a été relativement clair. Il y aura peut-être un jour un autre jugement qui ira plus loin que la cour fédérale d'appel. Entre-temps, nous devons convenir que nous ne sommes pas protégés par un recours judiciaire, lorsqu'il s'agit d'appliquer la Partie VII de la loi, en particulier, l'article 41.

J'étais porté, comme vous, à croire qu'une des façons de mieux garantir le recours judiciaire était d'amender la partie 77 et tout simplement d'ajouter «VII» après la partie V de la loi. C'était un amendement très simple. On avait seulement à rajouter «VII» en chiffres romains.

L'approche du sénateur Gauthier est peut-être plus habile et, je dirais, plus importante, parce que d'une certaine façon, elle fait entrer l'obligation du gouvernement canadien à l'intérieur de la protection de la Charte, à l'article 16. J'ai réfléchi à cette approche. L'article 16(1) de la Charte établit le principe de l'égalité des deux langues officielles au Canada:

Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.

C'est le principe. Dans le projet de loi S-34, on lit:

Conformément aux paragraphes 16(1) et (3) de la Loi constitutionnelle de 1982 [...]

La partie 41 découle directement de 16(1). Dans la Charte, l'article 24 contient une disposition qui a été au coeur de tout le débat au moment de l'adoption et de la modification de la Charte, qui est de savoir si la Charte est exécutoire ou déclaratoire. C'est l'article 24 qui règle cela. Je cite l'article 24:

Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, [...]

— donc, les droits linguistiques de l'article 16 —

[...] peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

Ceci veut dire que le projet de loi S-32 fait passer l'article 41 amendé sous les dispositions de l'article 24 assujetti au programme des contestations judiciaires. Est-ce que l'amendement à la partie VII rattaché à 77 ou 78 est plus important? Comme l'a dit la présidente —

[Traduction]

Nous n'avons aucun pouvoir à ce stade pour modifier l'article dont vous parlez dans le projet de loi du sénateur Gauthier. Il y aurait un réel débat juridique si nous tentions de modifier l'article 41 pour incorporer une modification à l'article 77.

[Français]

Peut-être serait-il mieux d'adopter l'amendement à l'article 41 tel que le propose le sénateur Gauthier, puisqu'on tombe directement sous l'article 24 de la Charte. On tombe sous une protection constitutionnelle beaucoup plus forte que la Loi sur les langues officielles, que la Cour suprême a reconnue comme étant quasi constitutionnelle.

À l'époque de la version originale de la loi, j'ai été le premier à contester devant les tribunaux le fait que la Loi sur les langues officielles était exécutoire et non déclaratoire. Je l'ai fait à l'encontre du ministère fédéral de la Justice de l'époque, et ceux qui étaient là s'en souviendront.

En fait, ne serait-il pas préférable de rattacher l'obligation du gouvernement canadien de protéger les minorités de langues officielles sous l'article 16 plutôt que sous l'article 77? Vous avez dû examiner le texte du sénateur Gauthier qui, soit dit en passant, est en train d'amender la Constitution. On fait ici quelque chose de très sérieux, puisqu'on donne au gouvernement canadien une responsabilité constitutionnelle de soutenir les minorités de langues officielles.

En pratique, ce qu'on nous demande de faire aujourd'hui est très important, parce qu'on modifie un élément important de la Loi sur les langues officielles. L'article 24 constitutionnalise l'obligation de soutenir les minorités de langues officielles et la soumet aux tribunaux de façon formelle.

M. Boileau: Le sénateur Joyal a mentionné d'excellents points. La FCFA du Canada appuie le projet de loi S-32. Nous avons proposé des modifications afin qu'elles soient considérées par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ou par le sénateur Gauthier, mais nous appuyons le projet de loi S-32.

Nos propositions alternatives font également référence à l'article 82. Pour résumer vos propos, vous avez mentionné que la Loi sur les langues officielles, avec un article 41 amendé, serait constitutionnellement protégée en vertu de l'article 16(3), avec le principe de progression vers l'égalité du statut du français et de l'anglais.

La Loi sur les langues officielles est déjà quasi constitutionnelle, mais, à l'article 82, elle ne reconnaît pas que la partie VII fait partie de cette protection quasi constitutionnelle. L'article 41 amendé corrigerait cette lacune.

Pour rendre le tout encore plus clair, nous avons proposé qu'il n'y ait aucune ambiguïté et qu'on modifie l'article 82 en y incluant la partie VII. Il y aura certainement un débat juridique à cet effet. Par exemple, on peut tirer des renseignements de l'arrêt Viola et penser que l'ensemble de la Loi sur les langues officielles, y compris la partie VII, puisse avoir une portée quasi constitutionnelle.

L'arrêt Montfort indique bien que la Loi sur les services en français en Ontario a une portée quasi constitutionnelle et ce, même si dans le libellé, on ne le mentionne pas Le procureur général de l'Ontario a d'ailleurs reconnu que la Loi sur les services en français en Ontario avait une portée quasi constitutionnelle.

Dès lors, le mandat du Programme de contestation judiciaire, en fonction de l'accord de contribution signé avec le gouvernement fédéral, est une disposition constitutionnelle ou quasi constitutionnelle. On a pu faire un bout de chemin avec les parties de la Loi sur les langues officielles protégées par l'article 82. Le Programme de contestation judiciaire a pu financer des causes d'action portant sur la partie IV, par exemple, parce que cela reprenait presque mot à mot le libellé de la Charte canadienne des droits et libertés. Il n'y a que la partie VII qui est exclue de tout cela.

Effectivement, le projet de loi S-32, parrainé par le sénateur Gauthier, pourrait effectivement clarifier davantage ce que nous pensons être déjà le cas.

M. Lévesque: Le sénateur a raison de noter que le sénateur Gauthier a été très habile dans la rédaction de son projet de loi visant à modifier la Loi sur les langues officielles.

Si c'est important d'avoir ce changement, c'est que, malgré l'interprétation généreuse qui doit être donnée aux droits linguistiques depuis mai 1999 au Canada — avec l'arrêt Beaulac, — cela n'a pas eu les répercussions qu'on aurait dû avoir de la part des ministères et surtout de la part de Justice Canada.

Le sénateur Joyal se rappellera que, lorsqu'il était secrétaire d'État, une cause sur la gestion scolaire était entendue en Cour d'appel de l'Ontario. Il y avait 16 intervenants au sein de la communauté francophone et deux ou trois contre et Justice Canada avait demandé d'intervenir.

Là aussi, on croyait que l'intervention nous serait favorable, mais après une semaine de débats, on s'est aperçu que c'était le mémoire qui était le plus controversé. Grâce au secrétaire d'État et au député d'Ottawa-Vanier, il y a eu des discussions assez sérieuses, et, après les audiences, le ministère de la Justice a déposé un mémoire supplémentaire.

Cet exemple vise à démontrer que l'interprétation qui continue à être donnée est très minime au niveau des droits linguistiques au pays, et il nous faut absolument un changement. Ce qu'on pensait obtenir au moyen de l'article 41, on a, à l'heure actuelle, de bonnes chances de l'obtenir avec le projet de loi proposé par le sénateur Gauthier.

[Traduction]

La présidente: Je tiens à remercier nos témoins d'avoir comparu devant notre comité cet après-midi.

Je tiens à rappeler à mes collègues que nous nous réunirons ici demain matin à notre heure habituelle pour entendre un autre groupe de témoins. Nous allons aussi examiner brièvement le budget du comité étant donné qu'il doit être adopté d'ici la fin de cette semaine.

La séance est levée.


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