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RAPPORT DU COMITÉ

Le mardi 6 novembre 2001

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement 
(anciennement intitulé le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure)

a l’honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT


1.      Le 22 mars 2001, votre Comité a reçu du Sénat l’ordre de renvoi suivant : 

Que la question de la reconnaissance officielle d'un troisième parti aux fins des procédures au Sénat soit renvoyée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour qu’il l’étudie et en fasse rapport.

2.   Votre comité a examiné cette question pendant plusieurs mois. Le 9 mai 2001, le sénateur Gerry St. Germain a témoigné devant votre comité au sujet de sa proposition visant la reconnaissance officielle d’un troisième parti au Sénat. Les membres de votre comité ont également discuté d’autres questions liées à la reconnaissance d’un troisième parti. 

3.   Le système parlementaire repose sur l’existence d’un gouvernement et d’une opposition, comme en témoigne l’aménagement de nombreuses salles accueillant les assemblées législatives, y compris le Sénat. En outre, il y a toujours eu, au Sénat, deux partis dominants, tour à tour parti ministériel et parti d’opposition. Cela correspond à l’histoire de la politique canadienne au niveau fédéral, du moins jusqu’à tout récemment. 

4.   Pour sa part, le Règlement du Sénat est rédigé en fonction de l’existence de seulement deux partis au Sénat. En fait, depuis la Confédération, la grande majorité des sénateurs ont appartenu soit au Parti libéral, soit au Parti progressiste‑conservateur.  Même s’il y a eu des sénateurs indépendants et s’il y en a encore aujourd’hui, et, plus rarement, des sénateurs d’autres partis, dans la Chambre haute, la question de la reconnaissance et des droits des tiers partis ne s’est jamais posée. À la Chambre des lords, au Royaume-Uni, il y a un important groupe d’indépendants (« cross benchers »). Il s’agit de pairs qui ne sont affiliés à aucun parti politique mais qui ont été reconnus comme groupe.  

5.   Depuis toujours, les procédures, dans les systèmes parlementaires, ne tiennent pas compte de l’existence des partis politiques. Dans le contexte parlementaire, les regroupements de membres étaient largement considérés comme une question d’ordre privé. Ce n’est qu’au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle que `les partis, au sens moderne du terme, se sont formés et ont vu le jour. Sur le plan électoral, au Canada, les partis n’ont pas été enregistrés et l’affiliation politique des candidats n’a pas été indiquée sur les bulletins de vote avant les années 1970. 

6.   Depuis le début des années 1950, plusieurs décisions accordant des droits limités aux partis autres que ceux du gouvernement et de l’opposition officielle ont été rendues à la Chambre des communes. En 1963, la Loi sur le Sénat et la Chambre des communes (aujourd’hui la Loi sur le Parlement du Canada) a été modifiée de manière à permettre à un chef de parti à la Chambre des communes autre que le premier ministre et le chef de l’opposition de recevoir une indemnité supplémentaire. Selon cette modification, seuls les députés qui dirigeaient un parti « comptant officiellement au moins 12 députés » pouvaient recevoir un traitement supplémentaire. Les leaders à la Chambre et les whips de ces partis touchent également des indemnités supplémentaires. Ce chiffre a ensuite servi à de nombreuses autres fins. Depuis 1968, les partis officiellement reconnus à la Chambre ont droit à des fonds pour la recherche. 

7.   De toute évidence, les partis politiques sont essentiels à la vie politique et au fonctionnement du Parlement. Depuis 1997, il y a cinq partis reconnus à la Chambre des communes. De plus, le Canada connaît actuellement une période de changement sans précédent en ce qui concerne les partis politiques.

8. Dans ce contexte, votre comité estime qu’il est sage et indiqué que le Sénat revoie ses procédures et ses pratiques concernant la reconnaissance des partis. Nous avons attentivement examiné les observations du sénateur St. Germain ainsi que les arguments présentés par d’autres sénateurs à la fois au Sénat et en Comité. Nous avons également examiné les procédures et les politiques d’autres organes législatifs, dont la Chambre des communes, les assemblées législatives des provinces et la Chambre des lords.

9.      Votre comité a bien tenu compte du rôle et des traditions du Sénat du Canada. Le rôle qui a été confié au Sénat en vertu de la Constitution canadienne consiste notamment à faire contrepoids à la chambre basse, qui est élue, et à l’exécutif. Le Sénat n’est pas habilité à prendre un vote de confiance, et le rejet d’une mesure législative du gouvernement  n’entraîne pas nécessairement la démission de celui‑ci.  Le parti ministériel n’a pas toujours la majorité au Sénat. Tandis que le gouvernement au pouvoir joue un rôle important dans le choix des travaux du Sénat, il peut se heurter à d’importantes contraintes pour ce qui est de contrôler le programme législatif. Le concept selon lequel l’opposition officielle, en tant que parti, assumerait la relève en cas de démission du gouvernement, n’existe pas au Sénat.  

10.  Il convient également de signaler que ce rapport porte uniquement sur la reconnaissance des partis politiques au Sénat. Votre comité n’est arrivé à aucune conclusion concernant la reconnaissance ou les droits des groupes de sénateurs autres que des partis. À différentes périodes de l’histoire du Sénat, des groupes de sénateurs, au sein d’un parti ou de partis distincts, ont décidé de travailler ensemble. Ce rapport n’entend aucunement traiter de ces situations.  

11.  La question de la reconnaissance des partis au Parlement a pris de l’importance au fil des ans. Il ne faut pas oublier que divers aspects d’ordre juridique, procédural et administratif se rattachent à la reconnaissance. 

12. Votre comité croit que le Sénat devrait reconnaître les partis. Même s’il n’est pas nécessaire ni souhaitable de définir ce qui constitue un parti, il faudrait néanmoins fixer certains critères de base. À notre avis, tout parti devrait répondre à deux exigences fondamentales : premièrement, une exigence relative à l’organisation (exigence objective), et deuxièmement, une exigence relative au nombre (nombre minimal de membres au Sénat).  

13. En ce qui concerne l’exigence objective, voici ce que recommande votre comité : un parti doit être enregistré comme parti en vertu de la Loi électorale du Canada au moment où la reconnaissance est demandée au Sénat. Votre comité tient toutefois à souligner que le moment en question est celui où le parti demande pour la première fois d’être reconnu comme parti au Sénat. Si, par la suite, il cesse d’être enregistré en vertu de la Loi électorale du Canada, il continuera d’être reconnu au Sénat tant qu’il respectera le nombre minimal de membres requis dans cette chambre. Ce n’est que s’il tombait sous ce seuil et qu’il demandait de nouveau d’être reconnu que son enregistrement en vertu de la Loi électorale du Canada serait utile. Même si cette loi ne s’applique pas au Sénat, il existe un rapport en raison de la nomination des sénateurs par le gouverneur général, sur la recommandation du premier ministre. De plus, l’enregistrement en vertu de la Loi électorale du Canada constitue un engagement face au système politique et représente un critère objectif pour déterminer la bonne foi d’une organisation.  

14. En ce qui concerne le nombre minimal de membres requis pour obtenir la reconnaissance au Sénat, votre comité estime qu’un parti doit compter au moins cinq membres au Sénat et cela, pour deux raisons. Premièrement, pour pouvoir fonctionner comme parti, un groupe doit avoir un leader, un leader adjoint et un whip et compter au moins deux autres membres. Sans ce nombre de membres, on conçoit difficilement comment le groupe de sénateurs pourrait fonctionner comme parti. Il va sans dire qu’un parti politique peut continuer d’avoir, comme cela s’est produit dans le passé, des représentants au Sénat, sans toutefois être reconnu comme parti. Deuxièmement, votre comité constate que, dans la plupart des assemblées législatives du pays, il est tenu compte, dans le calcul du nombre de membres requis pour qu’un parti soit reconnu, du nombre total de parlementaires de cette assemblée législative. Étant donné que la Chambre des communes compte actuellement 301 députés et qu’il faut au moins 12 membres pour qu’un parti soit reconnu, votre comité estime que cinq suffiraient. 

15. Si le Sénat veut reconnaître d’autres partis, il faudrait modifier la Loi sur le Parlement du Canada pour prévoir le versement d’indemnités au leader, au leader adjoint et au whip de ces partis.  

16. De plus, il faudra revoir le Règlement du Sénat et le modifier en conséquence. Sur le plan de la procédure, il faudrait accorder certains droits aux tiers partis.

17. En ce qui concerne le temps de parole, votre comité estime que seuls le leader du gouvernement au Sénat et le leader de l’opposition au Sénat devraient avoir droit à un temps de parole illimité lors des débats. En règle générale, les leaders des autres partis devraient avoir droit au même temps de parole que le parrain d’un projet de loi et le premier sénateur à prendre la parole immédiatement après celui‑ci, c’est‑à‑dire 45 minutes, comme le veut le paragraphe 37(3) du Règlement du Sénat

18. Pour ce qui est des comités sénatoriaux, votre comité estime que les tiers partis reconnus devraient compter au sein de ces comités un nombre de membres proportionnel à leur nombre de sièges au Sénat. Il ne conviendrait pas, à notre avis, que des membres d’un tiers parti reconnu soient membres d’office de comités sénatoriaux.  

19. La reconnaissance soulève d’autres questions, notamment des questions d’ordre administratif, comme les bureaux et l’attribution des sièges à la Chambre, des questions de fonds de recherche et d’autres questions de budget. Votre comité croit que l’examen de ces aspects pourrait être confié aux dirigeants ainsi qu’au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

 

       Par conséquent, votre comité recommande ce qui suit :

1.   Que le Sénat accorde la reconnaissance officielle aux partis qui sont enregistrés en tant que partis en vertu de la Loi électorale du Canada au moment où la reconnaissance est demandée au Sénat et qui comptent au moins cinq membres au Sénat. La reconnaissance sera retirée seulement si le nombre de membres du parti au Sénat tombe sous le seuil des cinq membres.

 

2.   Que l’on demande au gouvernement de proposer des modifications de la Loi sur le Parlement du Canada pour tenir compte de la décision du Sénat;

3.   Que le Règlement du Sénat soit revu et que votre comité propose des modifications par suite de l’adoption du présent rapport par le Sénat.  


Respectueusement soumis,

Le président,
JACK AUSTIN


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