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Les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain Plan d'action pour le changement

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones


PARTIE IV : PROGRAMMES ET SERVICES

Les services offerts à la population autochtone des villes canadiennes ne répondent pas aux besoins des jeunes Autochtones.  C’est ce que concluait la Commission royale sur les peuples autochtones, en 1996.  La Commission soulignait que « les organismes de services négligent souvent les besoins particuliers des jeunes Autochtones ou les sous-estiment au moment d’élaborer et de mettre en œuvre leurs programmes »([1]).  Cette affirmation correspond aux témoignages que nous avons entendus.  Rares sont les organisations autochtones qui ont pour mandat précis ou exclusif de combler les besoins des jeunes.  Ainsi, bien que les centres d’amitié offrent certains programmes aux jeunes des milieux urbains, ils disposent de ressources limitées qu’ils doivent consacrer à plusieurs domaines différents, d’où un éventail et un niveau de services insuffisants en ce qui a trait aux initiatives destinées aux jeunes.  Pourtant, les besoins des jeunes sont complexes, variés et croissants.  La plupart des autres fournisseurs de services autochtones doivent composer avec une situation semblable .

Les témoignages présentés au Comité suggèrent également que les jeunes Autochtones des villes sont réticents à recourir aux services destinés à la population en général.  Ils préfèrent s’adresser aux organisations communautaires autochtones, qu’ils considèrent comme les principaux fournisseurs de services et auxquelles ils demandent parfois de servir d’intermédiaires entre eux et les organismes qui desservent l’ensemble de la population.  Leur réticence s’explique en bonne part par la discrimination qui s’exerce traditionnellement à l’égard des peuples autochtones.

Dans la présente section, nous présentons les principaux défis à relever en matière d’élaboration de programmes et de prestation de services destinés à la jeunesse autochtone des villes, à savoir : la capacité des collectivités et des jeunes Autochtones des villes de tirer profit des programmes et services offerts; le besoin d’obtenir du financement à long terme afin de surmonter les problèmes engendrés par les cycles de financement à court terme; la nécessité d’adopter une approche holistique; l’offre de programmes adaptés à la culture des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain; et la façon dont les fournisseurs de services destinés à la population en général peuvent cerner et combler les lacunes de leurs programmes afin de mieux rejoindre les jeunes Autochtones des villes.

 

Principes clés en vue d’une prestation de services efficace

1.1  Soutien des initiatives communautaires autochtones en milieu urbain

Les témoins s’entendent pour dire qu’on ne réussira pas à rejoindre la population autochtone urbaine, dont les jeunes, en recourant à une approche « universelle » en matière de prestation des services.  La meilleure façon d’atteindre les grands objectifs nationaux et provinciaux en matière de prestation des services consiste à fonder les décisions en la matière sur les conditions et les besoins régionaux et à soumettre ces décisions à l’approbation des collectivités.

Il peut toutefois être difficile de repérer les collectivités autochtones urbaines d’une région et d’établir des liens fructueux avec elles.  En milieu urbain, il n’est pas facile de savoir qui sont les porte-parole de la collectivité ni même de définir celle-ci.  Selon l’un des témoins :

Si les politiques et programmes sont déficients, c’est parce que les Autochtones des villes sont presque absents du milieu politique et de l’administration.  Dans de nombreuses villes, les Autochtones manquent de porte-parole capables de participer à la conception et à la mise en oeuvre des politiques et des programmes.  Cela est compréhensible dans une certaine mesure étant donné que les Autochtones des villes sont loin d’être homogènes.  Les Autochtones de toutes les grandes villes du Canada proviennent de groupes dont l’identité et le patrimoine sont divers.  Étant donné qu’un si grand nombre de cultures et d’identités autochtones seront représentées en milieu urbain, il n’est pas surprenant que leur représentation soit contestée ou absente([2]).

Mais cela ne nous empêche pas d’encourager la population autochtone urbaine à se définir comme une collectivité ayant des besoins propres, en dépit des défis considérables que cela comporte.  De plus, nous croyons fermement que les divers paliers de gouvernement doivent aider la population autochtone urbaine à élaborer ses propres solutions, plutôt que de lui imposer les leurs.  Les gouvernements doivent reconnaître que les Autochtones des milieux urbains connaissent la nature de leurs problèmes, qu’ils sont les mieux placés pour y trouver des solutions pertinentes et qu’ils ont besoin de ressources suffisantes pour mettre en œuvre des initiatives issues de la collectivité et correspondant à leurs priorités.  Cela dit, les gouvernements ne doivent pas se contenter de jouer un rôle passif de bailleurs de fonds.  Et il ne faut pas s’attendre à ce que les collectivités autochtones urbaines trouvent des solutions à tous leurs problèmes, qui se retrouvent également dans le contexte plus large de l’ensemble de la société canadienne.  Par conséquent, nous demandons avec insistance aux gouvernements de reconnaître que les initiatives conçues par les collectivités sont souvent plus efficaces que les programmes élaborés par des instances gouvernementales centralisées.  D’un point de vue structurel, les ministères doivent donc déléguer aux fournisseurs de services autochtones le pouvoir d’adapter les services et de réagir avec souplesse au contexte local.

 

1.2  Intégrer les jeunes aux processus décisionnels

Les jeunes Autochtones veulent s’engager et participer de façon tangible au débat sur leur avenir et à l’élaboration de solutions.  Selon les témoins, il est essentiel que les jeunes aient une voix et un sentiment d’engagement et d’appartenance à l’égard des questions qui les touchent([3]).  Les jeunes qui se sont présentés devant le Comité ont insisté sur le fait qu’il est très important pour eux de participer à la conception, à l’élaboration et à l’exécution des programmes.

Les jeunes Autochtones veulent participer au débat; ils ne veulent pas en faire l’objet, mais bien en être des participants à part entière et égale.  Nous ne voulons pas que vous nous disiez ce que nous devrions faire.  Nous voulons que vous et nos propres leaders travaillent avec nous pour découvrir ce que nous pouvons faire exactement, jusqu’où nous pouvons aller, comment nous pouvons atteindre les sommets, quels murs nous pouvons abattre, quelles limites nous pouvons repousser, quelles visions nous pouvons surpasser, quelles merveilles nous pouvons accomplir.  C’est pour cette raison que nous sommes ici aujourd’hui([4]).

Nous croyons que le plus important changement que vous pouvez et devriez recommander serait la participation des jeunes à toutes les facettes de la conception et de l’offre des programmes.  Nous croyons que les projets qui connaissent actuellement du succès comptent sur la participation des jeunes du début à la fin([5]).

Quand les jeunes entendent parler d’une initiative gouvernementale, ils disent qu’ils auraient aimé être consultés.  Ils aimeraient se réunir quelque part pour discuter de la question et révéler leur point de vue([6]).

Voici quelques-unes des opinions exprimées par des organisations politiques et des organismes autochtones :

D’après un examen des documents de plus en plus nombreux sur les pratiques exemplaires, celles-ci sont fortement axées sur la régie, l’administration, les aspects systémiques des organisations et la reddition des comptes.  L’une est que les projets sont plus efficaces – et c’est le principal élément qu’ont fait ressortir les jeunes – lorsqu’ils sont générés et administrés par des jeunes.  C’est maintenant la plus grande priorité de la stratégie de notre conseil d’administration axée sur les jeunes: nous devons avoir des projets qui sont générés et administrés par les jeunes([7]).

Comme le recommandait le rapport du groupe de travail de l’APN sur les questions urbaines, les jeunes des Premières nations devraient concevoir et offrir leurs propres programmes.  Ils sont les mieux placés pour rendre ces programmes pertinents, durables et adaptés à leur culture([8]).

 

1.3  Favoriser le renforcement des capacités des collectivités et des jeunes

Il faut toutefois prendre des mesures pour aider les jeunes à réussir dans leur entreprise.  Les initiatives relatives aux programmes et aux politiques dirigées par des jeunes sont plus fructueuses lorsqu’elles sont associées ou intégrées à d’autres services communautaires et qu’ils bénéficient des conseils des anciens, de leurs parents et de leurs mentors.

On fait davantage pour inciter les jeunes à participer à l’élaboration de politiques et de programmes, mais il reste que leur participation doit être stabilisée et inscrite dans les structures organisationnelles et les processus gouvernementaux.  On observe actuellement certaines tendances nouvelles et positives.  De plus en plus, les organisations autochtones établissent des conseils et des organes consultatifs composés de jeunes.  En mai 1988, les ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux responsables des questions autochtones et les dirigeants autochtones nationaux ont convenu d’élaborer une Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone.  Cette Stratégie vise à fournir un cadre de travail qui aidera les gouvernements, les institutions et les organisations autochtones à élaborer des politiques et à concevoir et offrir des programmes et des services destinés aux jeunes Autochtones.  Ces derniers jouent un rôle essentiel au sein de la Stratégie.

Ce genre de mesure est louable, mais d’une portée limitée.  Il faut intégrer les jeunes Autochtones de façon beaucoup plus étendue, au niveau communautaire.  Dans le cadre des initiatives communautaires destinées aux jeunes, il faut s’assurer d’obtenir leur avis et leurs suggestions, et faire en sorte qu’ils « participent au processus d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation »([9]).  Si les jeunes Autochtones sont encadrés et responsabilisés, dans des milieux sûrs et familiers, ils pourront plus facilement acquérir des qualités de chef.

Les gouvernements s’attendent à que les collectivités autochtones et les jeunes Autochtones participent de plus en plus aux processus liés aux programmes et aux politiques qui les concernent.  Ces attentes peuvent constituer un lourd fardeau pour le nombre relativement restreint de jeunes qui ont acquis les compétences et la confiance nécessaires pour participer à ces processus.  Les gouvernements doivent donc donner aux jeunes la capacité de concevoir et d’exécuter des programmes, ainsi que la formation et les ressources dont ils ont besoin pour s’acquitter de cette tâche.  Cette démarche est essentielle au renforcement des capacités des collectivités autochtones urbaines, et de leurs jeunes, de sorte qu’ils puissent gérer efficacement leurs relations avec les ministères et accéder à des sources de financement, plutôt que de systématiquement s’en remettre à une poignée de personnes surmenées.

Divers témoins ont souligné que, pour être efficaces, les modèles d’élaboration de programmes et de prestation de services devront encourager les jeunes à renforcer leurs capacités :

Comment peut-on avoir accès au financement si on est incapable de rédiger une proposition décente ou de tracer un profil des collectivités et si l’organisme pour lequel on travaille a déjà atteint la limite de ses possibilités?  Ces organismes sont un peu essoufflés parce qu’on leur demande déjà beaucoup en retour du financement qu’ils reçoivent([10]).

Nous ne répéterons jamais assez que les initiatives de mentorat et les stratégies favorisant l’acquisition de qualités de chef par les jeunes sont essentielles à la mise en valeur de leurs capacités.

 

1.4  Un financement sûr et souple

Plusieurs des témoins entendus par le Comité ont déploré que le financement des programmes soit de trop courte durée pour qu’ils puissent produire des résultats positifs.  Face aux besoins complexes des jeunes, les approches à court terme ne peuvent qu’échouer.  Pour que les organisations autochtones en milieu urbain puissent élaborer des solutions coordonnées et holistiques, elles doivent disposer d’un financement soutenu et suffisant.  Des témoins estiment que les cycles de financement de courte durée constituent une entrave matérielle à la capacité des organismes autochtones d’élaborer les stratégies à long terme nécessaires pour répondre aux besoins des jeunes :

Nous avons appris qu’il faut des années pour qu’un programme soit réellement efficace auprès des jeunes Autochtones de la rue.  Nos bâilleurs de fonds doivent comprendre que ces jeunes sont très traumatisés.  Robert était justement un de ces nombreux jeunes qui ont besoin qu’on s’occupe d’eux à long terme.  Les projets ponctuels qui durent à peine deux ans, ou même moins de cinq ans, sont de l’argent jeté par la fenêtre.  Il faut comprendre que plus la durée de vie d’un projet est brève, et moins il peut être efficace([11]).

La plupart du temps, les programmes pour jeunes ne reçoivent qu’un financement minimal à court terme et ne permettent pas aux jeunes de se concentrer sur des domaines très à risque comme le VIH/sida, l’abus de substances, la violence, l’itinérance et l’exploitation sexuelle.  Des fonds doivent être alloués aux programmes de sensibilisation et de prévention ayant trait à ces questions([12]).

Les projets qui sont ainsi financés sont des projets à court terme, ce qui ne nous permet pas de mettre à exécution quelque plan que ce soit à long terme([13]).

Tenter de survivre grâce à des subventions annuelles qu’il faut sans cesse solliciter impose un énorme fardeau administratif aux organisations autochtones.  Elles passent une bonne partie de l’année à remplir de complexes formulaires de demande de financement de programmes et à préparer les rapports exigés afin de rendre compte de l’utilisation des fonds.  Elles n’ont que peu de temps à consacrer aux initiatives elles-mêmes, qui ne durent pas assez longtemps pour en venir à fonctionner de façon autonome ou pour que la population autochtone urbaine accorde sa confiance aux services offerts.  Il n’est pas étonnant que les témoins se plaignent également du fait que le gouvernement fédéral finance bon nombre de projets pilotes mais qu’il n’ait pas suffisamment de fonds pour financer ceux qui s’avèrent efficaces.  Il faudrait aussi faire en sorte que les organismes reçoivent les fonds qui leur sont accordés, le cas échéant, sans subir d’inutiles délais bureaucratiques.

Les témoins ont aussi souligné que l’obligation d’adapter leurs demandes de financement à des critères préétablis constitue un autre problème, qui empêche souvent les organismes et les organisations de demander du financement pour des projets adaptés aux besoins particuliers de leur collectivité :

Si l’objectif consiste à éviter les obstacles futurs et à venir en aide aux jeunes Autochtones, nous recommandons vivement que les organismes de financement soient plus souples au niveau des conditions qu’ils imposent afin que les programmes puissent être novateurs et davantage axés sur les vrais besoins du groupe cible – en l’occurrence, les jeunes – et non uniquement sur les exigences de l’organisme subventionnaire([14]).

Nous sommes particulièrement sensibles à cette question et nous croyons que les programmes doivent être adaptés aux besoins.  Les organismes subventionnaires – qu’ils soient fédéraux, territoriaux ou provinciaux – doivent mettre en œuvre des processus à la fois souples et durables.  De plus, le processus de demande de subventions doit être simplifié, afin de s’assurer que les organismes de moindre envergure puissent eux aussi avoir accès au financement de leurs programmes([15]).

1.5  Une approche coordonnée et holistique

Les jeunes Autochtones sont mal servis par les modèles d’exécution de programmes gouvernementaux en place, qui mettent l’accent sur les services individuels plutôt que sur les services holistiques offerts à la collectivité.  L’adoption d’une approche holistique permet d’axer l’intervention sur la personne dans son ensemble plutôt que sur le problème.  C’est une façon de reconnaître que le bien-être des jeunes ne peut être dissocié de l’état de santé de leur collectivité et de leur famille.  C’est pourquoi il est essentiel d’établir une solide relation avec la collectivité et la culture des jeunes – ce qui leur permettra d’acquérir un sentiment d’appartenance et d’identité culturelle – pour obtenir de bons résultats.  À plusieurs reprises, on nous a dit que les besoins des jeunes Autochtones des villes ne doivent pas être considérés séparément des besoins de leur famille et de leur collectivité, mais qu’il faut les aborder de façon holistique et les intégrer aux programmes destinés à soutenir les familles.  Les gouvernements doivent donc combattre la fragmentation des services, une approche qui n’a guère connu de succès dans le passé.  À l’opposé, les stratégies visant à renforcer.

Idéalement, dans le cadre d’une approche holistique, les gouvernements et les ministères mettraient leurs ressources en commun au lieu de simplement les coordonner.  Il serait alors possible de répondre aux besoins interreliés, en matière de santé, d’éducation, de logement et d’emploi, non seulement des personnes mais aussi des familles et des collectivités, de façon planifiée, structurée et holistique.  Les initiatives gouvernementales horizontales permettraient aux fournisseurs de services autochtones de mieux planifier et coordonner les services offerts aux jeunes.  Comme les programmes des divers secteurs sont peu ou mal intégrés, il est difficile de répondre globalement à l’éventail des besoins des collectivités :

La plupart des programmes fédéraux portent sur un aspect particulier d’un ensemble de conditions très complexe et nos programmes sont rarement assez souples pour qu’on puisse les adapter aux défis et aux possibilités propres aux diverses collectivités([16]).

Cette situation condamne les prestataires de services à utiliser un « modèle d’intervention d’urgence » et diminue la capacité de la collectivité autochtone à fournir à ses jeunes un environnement dans lequel ils peuvent s’épanouir :

Il arrive très souvent au sein de la collectivité autochtone qu’une foule d’organisations se disputent des ressources limitées, si bien qu’une organisation donnée ne peut pratiquement pas offrir de programmes holistiques([17]).

On a déploré que les programmes fédéraux et provinciaux, qui se concentrent sur une facette unique ou particulière d’une question donnée, fonctionnent en vase clos, ce qui donne lieu à une multitude de programmes semblables, à différents paliers de prestation de services et à une gamme complexe de services de financement.

Il n’est donc pas étonnant que les organisations autochtones à la recherche de fonds pour leurs programmes d’aide aux jeunes subissent un stress aigu.  Remplir les demandes de financement exige parfois un temps fou.  La fragmentation des sources de financement et des programmes gouvernementaux oblige les organismes autochtones à consacrer une grande part de leur temps et de leur énergie à remplir une multitude de demandes de subventions, dans leur course aux fonds affectés aux divers programmes gouvernementaux.  En fin de compte, les subventions sont souvent accordées aux organismes les plus habiles à préparer des demandes plutôt qu’aux organismes qui en ont le plus besoin.

Du point de vue des clients, l’éventail des programmes porte à confusion, et il peut devenir à la fois un irritant et un obstacle pour les personnes qui tentent de s’y retrouver parmi les différents services disponibles.  Lorsqu’ils y parviennent, il arrive qu’ils reçoivent des services incohérents et mal coordonnés.  Nous nous inquiétons particulièrement du fait que certains jeunes n’accèdent pas aux services parce qu’ils ne savent pas très bien lesquels leur sont offerts, dans le cadre du « labyrinthe complexe » des programmes gouvernementaux.  Un témoin a affirmé :

Un système opérationnel et fonctionnel plus structuré pourrait aider les jeunes à mieux connaître les services, à mieux les utiliser et à en obtenir le soutien nécessaire([18]).

Du point de vue gouvernemental, le manque de coordination des programmes donne souvent lieu à des chevauchements coûteux et inutiles.  Il est urgent de réaliser une étude contextuelle afin d’inventorier les programmes actuels, de cerner les chevauchements entre les ministères et les organisations, de repérer les principales lacunes des programmes et de mieux utiliser les ressources.

Le Comité fait donc les recommandations suivantes :

 

Mesures recommandées

·        Que le gouvernement fédéral réalise obligatoirement un examen exhaustif des programmes offerts aux jeunes Autochtones, afin d’y repérer les lacunes et les chevauchements possibles.

·        Que le gouvernement fédéral établisse et finance adéquatement la création d’une base de données pouvant servir de « carrefour d’échange » où l’on pourra recueillir, partager, surveiller et diffuser l’information sur les programmes, les initiatives, les activités modèles et les modèles d’identification qui fonctionnent bien auprès des jeunes.

·        Que les gouvernements, les fournisseurs de services, les organismes communautaires et les jeunes aient accès au « carrefour d’échange ».

·        Qu’à partir de l’information recueillie, des rapports annuels soient préparés pour aider les gouvernements et les fournisseurs de services à mettre sur pied et à soutenir plus efficacement les programmes destinés aux jeunes Autochtones des régions urbaines.

 

1.6  Prestation de services par des Autochtones

On nous a dit à de multiples reprises que les organisations autochtones sont les mieux placées pour fournir des services à la population autochtone des villes.  Plusieurs jeunes Autochtones préfèrent, pour des raisons culturelles, s’adresser à des organismes et à un personnel autochtones pour obtenir les services dont ils ont besoin.  Plusieurs témoins nous ont dit se sentir mal à l’aise lorsqu’ils recourent aux services destinés à l’ensemble de la population.  Ils ont l’impression que le personnel non autochtone est souvent ignorant ou irrespectueux des cultures et des pratiques autochtones, qu’il ne comprend pas parfaitement leurs besoins, et qu’il entretient des stéréotypes négatifs.  L’un des témoins a affirmé :

Nous allons aborder ce soir un thème qui vous est bien connu.  Le fait est qu’il est préférable que ces services – l’éducation, les ressources humaines et la santé – soient assurés à la population autochtone citadine dans un environnement autochtone.  Le Centre canadien des Autochtones de Toronto ainsi que d’autres centres d’amitié et organismes autochtones de tout le Canada ont connu énormément de succès dans ce domaine parce que nous comprenons bien la situation des jeunes Autochtones([19]).

Il n’y a rien d’étonnant à ce que les jeunes Autochtones préfèrent recourir aux services d’organismes autochtones qui embauchent du personnel issu de la même collectivité qu’eux, dont le passé est similaire au leur et qui comprend bien leurs besoins.  Dans certains cas, les jeunes Autochtones préfèrent que ce soit leurs pairs qui offrent les programmes, surtout ceux qui ont trait à la santé sexuelle, aux loisirs et à l’itinérance.

1.7  Des programmes adaptés à la culture et des services offerts sans égard au statut

Certains des témoins qui se sont présentés devant le Comité maintiennent que les services offerts aux Autochtones doivent absolument être adaptés à leur culture.  Le Comité est d’accord avec eux.  Les témoignages que nous avons entendus nous ont convaincus que les jeunes Autochtones sont mieux servis par des organismes qui partagent leur culture et qui offrent des programmes adaptés à cette culture.  Il est particulièrement important de proposer de tels programmes en milieu urbain, là où les jeunes risquent le plus de se sentir coupés de leur famille, de leurs traditions et de leur culture.

Toutefois, la question de savoir s’il faut tenir compte du statut des Autochtones dans le cadre des services qui leur sont offerts en milieu urbain n’a pas fait l’unanimité.  Certains estiment que les services doivent s’adresser à tous les groupes d’Autochtones sans distinction et d’autres croient plutôt qu’il faudrait cibler un groupe particulier (celui des Métis, des membres des Premières nations ou des Inuits).  Après s’être penchés sur la question, les auteurs du Rapport de la Commission royale d’enquête sur les Peuples autochtones, publié en 1996, ont conclu que, bien que de nombreux Autochtones s’opposent à la prestation de services sans égard au statut, ils reconnaissent qu’il s’agit de la façon la plus efficace d’utiliser les rares ressources disponibles puisqu’on évite ainsi le dédoublement des services.

Dans le cadre d’une enquête récemment effectuée par la Canada West Foundation [novembre 2002], on a interviewé plus de 110 Autochtones travaillant à l’élaboration de politiques et de programmes destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain.  Cette enquête a révélé que les personnes interrogées considèrent la prestation de services sans égard au statut comme la méthode la plus fructueuse.  L’auteur de l’enquête, lorsqu’il s’est présenté devant le Comité, a déclaré ce qui suit :

Des politiques et des programmes de financement qui se fondent exclusivement sur l’identité peuvent se traduire par un double emploi inutile et coûteux.  Le fait de travailler avec un groupe ayant une identité spécifique à la fois peut créer de nombreuses complications et donner des résultats négatifs.  Par conséquent, le respect pour la diversité que l’on retrouve au sein des collectivités autochtones urbaines devrait prendre la forme de politiques et de programmes qui, lorsqu’ils sont appropriés, comportent des éléments culturels spécifiques aux différentes nations autochtones.  En même temps, cependant, les programmes ne devraient pas tenir compte du statut – mais plutôt respecter les traditions culturelles chez les Autochtones tout en étant offerts à tous les Autochtones des régions urbaines.  Par ailleurs, le gouvernement devrait encourager et récompenser la coopération en travaillant avec les organisations autochtones qui sont prêtes à travailler ensemble sur les questions urbaines([20]).

Le Comité estime que, compte tenu de la diversité qui caractérise la population autochtone vivant en milieu urbain, et afin d’éviter de fragmenter davantage les programmes, la prestation de services sans égard au statut constitue le meilleur modèle de prestation de services aux Autochtones, dans le cas de la majorité des programmes.  Nous croyons cependant que certains programmes – en particulier ceux qui visent à préserver la culture, notamment la langue et les institutions culturelles autochtones en milieu urbain – doivent s’adresser à des groupes précis.  Les gouvernements doivent appuyer les initiatives qui visent à préserver la culture et l’identité autochtones en milieu urbain, en raison des défis particuliers que cela pose.

1.8  Suggestions aux prestataires de services destinés à la population en général

Un certain nombre d’obstacles culturels détournent les jeunes autochtones des services destinés à l’ensemble de la population.  La discrimination héritée du passé, les sentiments de méfiance et de honte qui l’accompagnent, et l’impression, parmi les jeunes Autochtones, que les fournisseurs de services non autochtones ont des préjugés contre eux expliquent que plusieurs jeunes sont réticents à recourir aux services offerts à la population dans son ensemble.  Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’ils se tournent vers les organisations autochtones dotées d’un personnel autochtone qui, selon eux, comprend mieux leurs besoins.

Le Comité craint cependant que certains des besoins des jeunes Autochtones soient parfois négligés, soit parce que les prestataires de services autochtones ne disposent pas des ressources nécessaires pour s’occuper de tous les cas qui leur sont soumis, soit parce qu’ils n’offrent tout simplement pas certains des services requis.  Cette question est particulièrement aiguë en milieu urbain, où il n’est pas toujours facile d’accéder à des ressources adaptées à la culture autochtone.

Les organisations non autochtones peuvent fournir des services aux Autochtones, à la condition de le faire de façon appropriée, avec l’aide de personnel autochtone.  Le Comité estime important que le personnel non autochtone des organismes servant la population en général, mais dont la clientèle compte bon nombre d’Autochtones, suive des cours de sensibilisation interculturelle.  Le personnel non autochtone acquerra ainsi une meilleure compréhension de la culture et de l’histoire des Autochtones, ce qui pourra l’amener à manifester plus d’empathie à l’égard des jeunes Autochtones avec lesquels ils travaillent.

Il est nécessaire d’encourager les éducateurs, les employeurs et le personnel de soutien à mieux comprendre les besoins des jeunes Autochtones et les différentes questions qui les concernent.  Il faut établir des initiatives qui aideront ces différents groupes à « apprendre à se connaître » et à découvrir quelles sont les attentes et/ou les prévisions face aux jeunes et vice versa([21]).

Les fournisseurs de services non autochtones sont de plus en plus nombreux à reconnaître que les jeunes Autochtones sont davantage susceptibles de recourir aux services des organismes destinés à l’ensemble de la population qui comptent du personnel autochtone.  Lorsqu’il leur est impossible d’embaucher des employés autochtones, nous croyons qu’ils peuvent contourner la difficulté en nommant un agent de liaison autochtone qui viendra en aide aux clients autochtones et qui, par le biais de travaux d’approche communautaire, amènera les jeunes à se sentir en confiance par rapport aux services offerts.  Il faudra faire tous les efforts nécessaires pour que la personne servant d’agent de liaison avec les Autochtones soit elle-même autochtone.  Lorsque ce sera impossible, Il faudra fournir aux agents de liaison une formation culturelle adéquate.

Le Comité a été impressionné par le succès et l’originalité d’une initiative de cette nature mise sur pied par la Chambre de commerce de Winnipeg, l’Initiative d’emploi des Autochtones.  La directrice, une jeune femme dynamique appartenant aux Premières nations, joue le rôle d’agent de liaison entre le milieu des affaires et la collectivité autochtone.  On espère que l’Initiative, qui favorise la communication entre ces deux groupes, permettra d’améliorer les capacités de la collectivité autochtone, de répondre à ses besoins en matière d’emploi et d’améliorer les relations entre les deux groupes.  Fait étonnant, c’est la seule initiative du genre au Canada.

Le Comité croit fermement qu’il est avantageux d’établir des liens entre les organisations servant l’ensemble de la population, d’une part, et les collectivités autochtones et non autochtones, d’autre part.  Il juge aussi qu’il est important d’établir des relations personnelles et durables avec les Autochtones car il s’agit d’un moyen efficace de supprimer certains des obstacles auxquels ils se heurtent.

Bien que nous ne puissions formuler de recommandations sur des questions qui ne relèvent pas de notre compétence, nous souhaitons faire les remarques suivantes :


1.9  Conclusion : Principes clés pour une prestation efficace des services

La présente section de notre rapport repose sur les suggestions que nous ont faites les témoins afin d’améliorer la prestation de services et de programmes aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain et à leur collectivité.  La synthèse de ces témoignages nous a permis d’en tirer un certain nombre de principes clés de nature à améliorer la prestation des services dans les collectivités autochtones urbaines.  Se fondant sur ces principes, le Comité fait la recommandation suivante :

Mesure recommandée

Que le gouvernement fédéral veille à l’application des principes qui suivent dans le cadre des programmes de prestation de services qu’il finance et qui sont destinés aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain :

·        Dans toute la mesure du possible, le cas échéant, remettre les fonds directement aux fournisseurs de services autochtones en milieu urbain, afin de réduire les coûts administratifs.

·        Dans toute la mesure du possible, intégrer les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain et les organisations qui les représentent au processus de définition des besoins, à l’établissement des priorités, à l’élaboration des programmes et à la prestation des services.

·        Dans toute la mesure du possible, faire en sorte que les programmes soient élaborés dans la collectivité et reposent sur une participation et une prise en charge importante des Autochtones.

·        Garantir que le financement sera accordé pendant une période suffisamment longue pour que le programme puisse atteindre ses objectifs.

·        Proposer des modalités de financement souples, dans le but d’alléger le fardeau administratif des organisations autochtones participantes.

·        Consacrer les ressources à l’amélioration des capacités et des qualités de chef des jeunes Autochtones.

·        Examiner la possibilité de mettre en commun les fonds affectés à divers programmes fédéraux complémentaires ainsi que ceux accordés par d’autres paliers de gouvernement ou par des organisations.

·        Mettre en oeuvre des processus d’évaluation qui tiennent compte des commentaires et suggestions de la collectivité.

·        Repérer les chevauchements et les dédoublements de programmes et de services offerts par les divers paliers de gouvernement et proposer des mesures correctives s’il y a lieu.

·        Dans les cas où les organismes qui offrent des programmes à la population en général servent une forte proportion d’Autochtones, faire en sorte que ces organismes s’efforcent d’embaucher du personnel autochtone possédant la formation appropriée et de fournir au personnel non autochtone des cours de sensibilisation interculturelle.

·        Assurer un financement soutenu aux projets pilotes qui ont fait leurs preuves et intégrer ces initiatives aux pratiques ministérielles.

 

Réforme de la prestation des services : L’importance des partenariats

Si l’on veut supprimer l’écart entre les possibilités offertes aux citadins autochtones et celles dont jouissent les citadins non autochtones, les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux doivent s’engager à mettre en œuvre une approche fondée sur les partenariats et sur le partage des responsabilités avec les collectivités autochtones; à assouplir les programmes; et à coordonner les efforts des organismes gouvernementaux sans jamais perdre de vue les résultats obtenus au niveau des collectivités.  Comme l’a souligné l’un des témoins :

D’abord et avant tout, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent travailler ensemble à la politique autochtone urbaine.  Les deux paliers de gouvernements doivent laisser de côté la position qu’ils avaient adoptée par le passé selon laquelle ils disaient ne pas être responsables afin qu’ils puissent accepter officiellement leurs responsabilités partagées pour la politique autochtone urbaine.  Une fois cette responsabilité acceptée, l’institutionnalisation de la coordination de la coopération intergouvernementale sera beaucoup plus facile et beaucoup plus efficace.  En résumé, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent coopérer en matière d’élaboration des politiques et des programmes, coordonner leurs efforts grâce à des institutions communes et partager les coûts([22]).

Le Comité est fermement convaincu que les responsables de divers champs de compétence aux différents paliers de gouvernement doivent collaborer à l’établissement de mécanismes conjoints officiels en matière de prestation de programmes, afin d’éliminer les cloisonnements qui ont donné lieu à la fragmentation des services offerts aux Autochtones.  L’un des témoins a affirmé ce qui suit :

Les problèmes de compétence constituent une énorme difficulté pour les gouvernements.  C’est un vrai défi d’amener les ministères à renoncer au cloisonnement et à l’esprit de clocher et à collaborer, aux niveaux tant fédéral que provincial.  Il y a un degré limité de flexibilité dans certains de ces programmes.  Surtout au niveau local, quand des gens déterminent qu’il y a des améliorations à apporter dans un domaine, il est impossible de rien faire si le domaine en question ne s’inscrit pas entièrement dans le cadre d’un programme.  Nous devons trouver un moyen de coopérer davantage entre ministères([23]).

Des initiatives prometteuses visant à améliorer les liens horizontaux et verticaux entre les gouvernements ont été mises en œuvre au cours des dernières années.  En voici quelques exemples intéressants :

·        La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain : En 1998, le gouvernement fédéral lançait la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain afin de répondre aux besoins socio-économiques immédiats de la population autochtone urbaine.  L’objectif visé : prendre des mesures et établir des ententes de collaboration entre le gouvernement fédéral, d’autres gouvernements et les groupes autochtones locaux afin de mieux coordonner les programmes et les services.  La Stratégie, qui mise sur les programmes et les services fédéraux existants, vise également à améliorer la coordination au sein du gouvernement fédéral.  Elle devait avoir une portée nationale mais, jusqu’ici, elle n’a été mise en œuvre que dans les quatre provinces de l’Ouest et en Ontario.  En 2003, elle a été renouvelée pour une période de deux ans, et 17 millions de dollars ont été affectés à des projets pilotes destinés à explorer de nouvelles façons de mieux répondre aux besoins de la population autochtone urbaine.

·        Opération centre-ville de Winnipeg : L’initiative Opération centre-ville de Winnipeg résulte d’une entente tripartite entre les gouvernements fédéral, provincial et municipal.  Elle vise la revitalisation du noyau central de Winnipeg et l’amélioration des possibilités de développement économique pour les gens qui y habitent.  Entre autres choses, l’initiative soutient le développement industriel, elle propose des mesures incitatives en matière de logement et elle finance des projets de formation et d’aide à l’emploi, de même que des projets d’immobilisations stratégiques, dans le but de stimuler le développement du quartier et de la collectivité.  Les Autochtones ont beaucoup profité des retombées de l’initiative, puisqu’ils comptent pour une part importante de la population des quartiers visés, quand ils n’y sont pas majoritaires.  Les paliers de gouvernement ont travaillé en étroite collaboration avec la collectivité, et notamment avec un porte-parole issu du groupe des autochtones vivant en milieu urbain, pour mettre en œuvre des programmes qui correspondent aux priorités du milieu.

·        The Edmonton Urban Aboriginal Affairs Committee : Voilà un exemple de comité des questions autochtones urbaines qui a mis en place un mécanisme efficace donnant voix aux préoccupations des Autochtones.  Il joue un rôle global de catalyseur qui favorise la sensibilisation et le développement de tous les Autochtones qui habitent dans la ville d’Edmonton.  Le comité travaille en collaboration avec tous les paliers de gouvernement, les groupes et les organismes qui s’occupent de questions autochtones et des préoccupations des Autochtones d’Edmonton.  Il s’efforce de promouvoir les citoyens, les organismes, les organisations et les entreprises autochtones en milieu urbain ainsi que l’engagement et la participation des Autochtones à la vie municipale.  Enfin, il défend les intérêts de la population autochtone urbaine auprès du maire et des conseillers municipaux, avec lesquels il entretient des relations, notamment au moyen de rapports, de réunions et d’autres projets et événements, tout au long de l’année.

·        Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone : Des représentants des gouvernements fédéral/provinciaux/territoriaux et de la population autochtone ont collaboré à l’élaboration de la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone.  Elle a été mise sur pied afin de fournir un cadre permettant aux institutions gouvernementales et aux organisations autochtones d’élaborer des politiques et d’offrir des programmes et des services destinés aux jeunes Autochtones.

·        Calgary Urban Aboriginal Initiative (CUAI): L’initiative sur les questions autochtones urbaines de Calgary résulte d’un partenariat entre les gouvernements fédéral, municipal et provincial, les organisations autochtones et les prestataires de services.  Cette initiative a été mise sur pied afin de susciter une plus grande participation de la collectivité autochtone vivant en milieu urbain à la planification et à l’élaboration de politiques et de programmes.  Les membres de l’initiative s’efforcent de travailler au sein d’organisations en place, afin de réduire le plus possible le dédoublement des efforts.  Le succès de l’initiative dépend en grande partie de la volonté des gouvernements de collaborer entre eux, de travailler en partenariat avec les organisations autochtones et de reconnaître qu’il est important que les Autochtones s’engagent activement dans les domaines qui les concernent.

Les initiatives suivantes sont également dignes de mention:

·        Le gouvernement fédéral a collaboré avec le Manitoba et la Saskatchewan à la mise sur pied de guichets uniques fournissant des renseignements sur les services et les programmes à l’intention des Autochtones.  Il s’agit du Guichet unique pour les Autochtones, à Winnipeg, et du projet ASK-Sask, en Saskatchewan.  Ces initiatives visent à faciliter l’accès aux services.

·        L’énoncé de politique du cadre de collaboration (Framework for Cooperation Policy Statement) élaboré par le gouvernement de la Saskatchewan en 2001 crée un environnement qui favorise la collaboration entre les gouvernements fédéral et provincial.

·        En 1999, le Canada et le Manitoba ont signé un protocole d’entente visant une meilleure collaboration sur les questions autochtones en milieu urbain.

Ces différentes mesures montrent bien que les gouvernements fédéral et provinciaux, tout en conservant leurs champs de compétence propres, reconnaissent de plus en plus que, pour résoudre les problèmes des Autochtones en milieu urbain, tous les paliers de gouvernement, ainsi que les représentants de la collectivité autochtone, doivent travailler en collaboration.

Mais ce genre d’initiatives, si prometteuses soient-elles, risquent de devenir de simples réactions ponctuelles si personne n’assume la responsabilité de diriger les travaux relatifs aux politiques et aux mesures à prendre en matière de programmes et de services aux Autochtones vivant en milieu urbain.  Compte tenu de la relation historique existant entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones, le Comité estime que le gouvernement fédéral doit assumer un rôle de direction en ce qui a trait à la représentation des populations autochtones urbaines et à la coordination des initiatives intergouvernementales.

Par conséquent, nous faisons la recommandation suivante :

Mesure recommandée

Qu’étant donné ses rapports fondamentaux, constitutionnels et fiduciaires avec les peuples autochtones du Canada :

·        Le gouvernement fédéral assume un rôle de leader en matière de coordination des initiatives multilatérales relatives aux programmes et aux politiques destinés à la population autochtone vivant en milieu urbain.

·        Dans le cadre de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, le gouvernement fédéral facilite l’élaboration de mécanismes intergouvernementaux officiels afin de répondre aux préoccupations générales de la population autochtone urbaine du Canada en ce qui a trait aux politiques, et afin de supprimer les cloisonnements actuels en matière d’élaboration de programmes et de prestation de services.

·        Le gouvernement fédéral prenne des mesures pour assurer la présence et la participation d’organisations autochtones urbaines pertinentes au sein des mécanismes intergouvernementaux.

 

Miser sur la réussite – L’Initiative des centres urbains polyvalents

pour les jeunes Autochtones

Les organisations autochtones et les jeunes Autochtones ont dit le plus grand bien de l’Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones (ICUPJA) mise sur pied par le gouvernement fédéral.  D’un bout à l’autre du pays, on nous a dit que l’ICUPJA avait fourni aux jeunes les ressources dont ils avaient grand besoin pour concevoir et élaborer des initiatives communautaires répondant à leurs besoins propres.  Voici un petit échantillon des éloges exprimés à travers le pays au sujet de cette initiative :

Nous recommandons que l’Initiative des Centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones soit renouvelée pour cinq ans, compte tenu du succès remporté jusqu’à présent([24]).

Les ressources UMAYC ont servi à compléter les initiatives et les programmes existants tout en continuant de respecter les lignes directrices du programme UMAYC([25]).

Je voudrais maintenant aborder le problème du financement des centres autochtones urbains à vocation multiple en mettant l’accent sur l’importance que revêtent ces fonds pour des organismes comme le mien.  Les budgets doivent être renouvelés cette année et j’aimerais par conséquent que vous insistiez pour que le financement soit renouvelé.  Je recommanderais de maintenir le financement de la Maison de la jeunesse autochtone à vocation multiple en milieu urbain (UMAYC).  J’encourage le Sénat à insister pour que ce financement soit maintenu.  Ce centre pourrait jouer un rôle salutaire.  Il pourrait nous aider à garantir l’accès à ces programmes aux jeunes Autochtones au lieu qu’ils soient refoulés parce qu’ils n’appartiennent pas à un groupe autochtone précis([26]).

Parmi les politiques et programmes qui favorisent les pratiques exemplaires à Montréal, nommons le Centre polyvalent urbain de la jeunesse autochtone, basé au Centre d’amitié, et le Conseil de la jeunesse autochtone de Montréal([27]).

Le programme des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones s’est avéré très utile dans bien d’autres cas que notre projet […] Ces initiatives ont donné aux Autochtones de nombreuses possibilités d’obtenir les services et l’aide supplémentaires dont ils ont besoin.  Je félicite Patrimoine canadien pour cette initiative.  J’ignore si Mme Sheila Copps savait à quoi s’attendre lorsqu’elle a lancé ce projet, mais il a beaucoup aidé la communauté autochtone.  Je l’en félicite([28]).

Notre programme de relations communautaire et de recrutement comporte deux volets dont nous sommes vraiment très fiers; tous deux sont financés par des fonds de Patrimoine Canada et de UMAYC([29]).

Les maisons de la jeunesse autochtone à vocation multiple en milieu urbain sont un merveilleux exemple de l’intégration des six pratiques exemplaires, dont j’ai parlé, en un format adaptable et réalisable en milieu urbain([30]).

L’ICUPJA intègre plusieurs des principes clés et des pratiques exemplaires qui permettent une prestation efficace des services et qui ont été mentionnés ci-dessus.  L’Initiative est notamment adaptée à la culture de ses clients; elle est souple et elle peut être adaptée aux priorités de la collectivité; elle a été élaborée en étroite collaboration avec les jeunes; et les services sont conçus et offerts dans les collectivités.

À l’origine, le gouvernement fédéral a consacré 100 millions de dollars, sur cinq ans (1998-2003), à l’ICUPJA.  L’initiative devait améliorer les perspectives économiques, sociales et personnelles des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain grâce à l’établissement d’un réseau de centres urbains polyvalents pour les jeunes.  Le financement de l’Initiative a récemment été renouvelé pour deux autres années.

Les témoins ont exprimé deux réserves importantes au sujet de l’Initiative.  Ils regrettent tout d’abord qu’elle soit d’une durée limitée, d’autant plus que les jeunes Autochtones ont besoin d’efforts continus, et non cycliques, pour les aider à relever les nombreux défis auxquels ils font face.  Ils déplorent ensuite que, dans le cadre de l’Initiative, les fournisseurs doivent attendre longtemps avant de recevoir les fonds approuvés, ce qui leur cause d’importants problèmes.  Ainsi, les organismes ont souvent dû payer d’importants frais bancaires pour pouvoir continuer à offrir des programmes ou des services à leurs clients en attendant de recevoir les fonds accordés.  En plus de comporter des coûts humains, ces retards entraînent un gaspillage des fonds publics, qui ne sont pas utilisés dans l’intérêt général lorsqu’ils servent à payer des frais bancaires.

Malgré ces réserves, l’ICUPJA a connu beaucoup de succès, en permettant la création de programmes positifs destinés aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain.  Par conséquent, le Comité est fermement convaincu que le gouvernement fédéral doit continuer à appuyer cette initiative qui a fait ses preuves.

En conséquence, nous faisons la recommandation suivante :

Mesures recommandées

Que en raison du succès que connaît l’Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones (ICUPJA) et de l’importance de celle-ci pour les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain, le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du ministère du Patrimoine canadien :

·        Continue d’appuyer l’ICUPJA en s’engageant à fournir à l’Initiative un financement soutenu et à long terme.

·        Augmente les fonds affectés à l’ICUPJA afin que les collectivités autochtones urbaines et les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain puissent tirer tout le parti possible de cette fructueuse initiative.


([1])     Rapport de la Commission royale sur les Peuples autochtones, La dimension urbaine.  1996, volume 4, chapitre 7, p. 563.

([2])     Délibérations.  17 juin 2003, M. Calvin Hanselmann.

([3])     Délibérations, 16 avril 2002, Mme Jamie Gallant, Préposée à la jeunesse et au marché du travail, Congrès des peuples autochtones.

([4])     Délibérations, 16 avril 2002, Mme Jamie Gallant.

([5])     Délibérations, 11 juin 2002, Mme Ginger Gosnell, représentante des jeunes, Assemblée des premières nations.

([6])     Délibérations, 4 juin 2002, Mme Jelena Golic, intervenante auprès des jeunes, Association des femmes autochtones du Canada.

([7])     Délibérations, 1er mai 2002, Gail Valaskakis, directrice de la recherche, Fondation pour la guérison des Autochtones.

([8])     Délibérations, 11 juin 2002, Matthew Coon Come, chef national, Assemblée des premières nations.

([9])     Mémoire présenté par Nova Lawson, coordonnatrice, Aboriginal Initiatives, Lakehead University, p. 20 (traduction).

([10])    Délibérations, 11 juin 2002, Mme Ginger Gosnell.

([11])    Délibérations, 18 février 2003, Ken Richard, directeur exécutif, Native Child and Family Services.

([12])    Délibérations, 11 juin 2002, Mme Ginger Gosnell.

([13])    Délibérations, 17 mars 2003, Table ronde de la jeunesse de Winnipeg, M. Jason Whitford, coordonnateur régional pour la jeunesse, Assemblée des chefs du Manitoba.

([14])    Délibérations, 5 février 2003, M. Leonzo Barreno, directeur, Programme de développement des qualités de chef des jeunes Autochtones, Collège fédéré des Autochtones de la Saskatchewan.

([15])    Délibérations, 17 juin 2003, M. Calvin Hanselmann.

([16])    BCP, Urban Aboriginal Strategy:  An Analysis, p. 15 (traduction).

([17])    Délibérations, 23 avril 2002, Gerald Morin, président, Ralliement national des Métis.

([18])    Mémoire présenté par Nova Lawson, p. 24 (traduction).

([19])    Délibérations, 5 février 2003, M. Robert Adams, directeur général, Centre canadien des Autochtones de Toronto.

([20])    Délibérations, 17 juin 2003, M. Calvin Hanselmann.

([21])    Mémoire présenté par Nova Lawson, p. 12 (traduction).

([22])    Délibérations, 17 juin 2003, M. Calvin Hanselmann.

([23])    Délibérations, 27 novembre 2001, M. Fred Caron, sous-ministre adjoint, Secrétariat des affaires autochtones, Bureau du Conseil privé.

([24])    Délibérations, 30 avril 2002, Mme Jaime Koebel, présidente, Aboriginal Youth Council, Association nationale des centres d’amitié.

([25])    Délibérations, 23 avril 2002, M. Gerald Morin, président, Ralliement national des Métis.

([26])    Délibérations, 12 février 2003, John Potskin, directeur, Société urbaine pour la jeunesse autochtone.

([27])    Délibérations, 26 mars 2003, M. Eric Ravenelle, secrétaire, conseil d’administration, Centre d’amitié autochtone de Montréal.

([28])    Délibérations, 21 mars 2003, M. Lyle Donald, coordonnateur, Métis Cultural Dance Society.

([29])    Délibérations, 21 mars 2003, M. Lewis Cardinal, directeur des services aux étudiants autochtones, Université de l’Alberta.

([30])    Délibérations, 1er mai 2002, Mme Gail Valaskasis, directrice de la recherche, Fondation pour la guérison des Autochtones.


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