Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 8 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 28 novembre 2002.
Le Comité permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures afin d'étudier les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion de grandes banques.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Notre premier témoin ce matin est M. Peter Downing.
M. Peter Downing, TG International Management Consultants: Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de me permettre d'exprimer mon opinion concernant l'intégration des déclarations sur les responsabilités envers la collectivité dans d'éventuelles évaluations des répercussions en matière d'intérêt public de la fusion de grandes banques. J'appuierai mon opinion à l'aide des quatre documents et de la copie de mon mémoire qui vous ont été remis.
Le tableau 1 comprend des exemples d'indicateurs de performance 96GRI que j'aborderai ultérieurement. Je vous ai remis trois déclarations sur les responsabilités envers la collectivité de même que le document de la VanCity à couverture bleue.
Je m'appuierai également sur le compte rendu des activités 2001 de la VanCity. J'ai fourni une copie d'un article que j'ai écrit intitulé «Tableau 1». Honorables sénateurs, veuillez examiner l'encadré situé à droite dans lequel il est inscrit: «Les rapports concernant le développement durable de la conscience sociale d'une entreprise seront-ils considérés comme des rapports préliminaires comme l'avait prédit l'ancien sénateur Stewart?» La déclaration du sénateur peut être valable aujourd'hui. J'ai également distribué le rapport communautaire de RBC Groupe financier et le rapport sur la reddition de comptes publics 2001 de la CIBC.
J'aimerais tout d'abord mettre les choses au clair. Je suis un capitaliste. Je suis favorable à l'entreprise. Je suis d'accord avec le principe de Peter F. Drucker selon lequel les gestionnaires doivent avant tout s'assurer que la société pour laquelle ils travaillent fasse des profits, puis qu'elle prenne de l'expansion. Je suis ni contre les bénéfices records ni contre les fusions bancaires. Je crois, toutefois, qu'un capitalisme responsable est la seule façon d'assurer une croissance à long terme de la valeur pour l'actionnaire au cours du XXIe siècle. Je suis d'accord avec le principe de M. Drucker selon lequel les cadres supérieurs doivent prendre des décisions dans l'intérêt commun afin de contrebalancer les sentiments hostiles profondément ancrés à l'égard des bénéfices. Voilà ce qu'une déclaration sur les responsabilités envers la collectivité efficace peut faire.
Alors que les états financiers des banques qui fusionnent seront destinés aux actionnaires et aux investisseurs, les déclarations sur les responsabilités envers la collectivité seront destinées aux intervenants et au public. Les institutions financières canadiennes, dont le total des capitaux propres s'élèvent à plus de 1 milliard de dollars, doivent produire pour la première fois une déclaration sur les responsabilités envers la collectivité annuelle. Le rapport du groupe de travail MacKay indiquait que les déclarations sur les responsabilités envers la collectivité constitueraient la base de discussions constructives et approfondies sur la façon dont les institutions financières peuvent mieux servir les Canadiens.
Ce matin, je demande au Comité permanent des banques et du commerce d'intervenir auprès d'éventuels promoteurs de projets de fusion bancaire de façon à ce qu'ils incluent une déclaration sur les responsabilités envers la collectivité efficace dans leurs évaluations des répercussions en matière d'intérêt public qui répondra à la question suivante: comment l'intérêt public sera-il mieux servi? Une déclaration sur les responsabilités envers la collectivité efficace comportera des renseignements semblables, progressistes et pertinents.
La divulgation des données de base, qui est maintenant autorisée en vertu du Règlement sur la déclaration annuelle entré en vigueur le 21 mars 2002, constitue une question d'intérêt public en matière de fusion bancaire. Les institutions financières, qui doivent publier des déclarations sur les responsabilités envers la collectivité, doivent décrire leur contribution de même que celle de leurs sociétés affiliées à l'économie et à la société canadiennes.
Le Règlement sur la déclaration annuelle entré en vigueur le 21 mars 2002 exige la divulgation de 12 données de base: une liste des sociétés affiliées établies au Canada de même que des détails concernant leurs objectifs et leur participation à la collectivité lorsque le développement communautaire signifie un enrichissement social, culturel, économique ou environnemental d'une collectivité. Ce règlement demande également aux sociétés d'indiquer six contributions économiques précises et quatre ou cinq contributions sociales des employés de la société.
Le problème est le suivant: les données de base concernant les six contributions économiques et les cinq contributions sociales, qui ont été choisies par le groupe de travail MacKay il y a quatre ans, seront maintenant considérées par les intervenants et le public comme limitées du point de vue de la portée comparativement au nombre sans cesse grandissant de méthodes de rapport en matière de développement durable généralement reconnues.
L'établissement de rapports sur le développement durable, également appelé «triple bilan», traite de l'aspect économique, environnemental et social concernant le rendement d'une organisation. Une déclaration sur les responsabilités envers la collectivité efficace devrait également traiter des intentions au plan politique de la loi. C'est ce que fait le compte rendu des activités 2001 de la VanCity.
Sept entreprises canadiennes ont volontairement mis en oeuvre ce que l'on appelle l'initiative d'établissement de rapports globale, qui comprend des directives concernant l'établissement de rapports sur le développement durable. Deux de ces entreprises sont originaires de la Colombie-Britannique: VanCity et B.C. Hydro. Deux de l'Alberta: TransAlta et Suncor Energy. Il y a également deux compagnies minières de l'Ontario: Inco et Cominco. Du Québec, il y a Hydro-Québec. Au Soudan, Talisman Energy a produit des rapports sur la responsabilité sociale de l'entreprise conformément au code d'éthique international auquel les entreprises canadiennes sont assujetties.
Deux institutions financières fédérales ont devancé la législation en matière de réforme bancaire en produisant des déclarations sur les responsabilités envers la collectivité pour la fin de leur année financière qui se terminait le 31 octobre 2001: RBC Groupe financier a émis son troisième rapport communautaire annuel et la CIBC a publié sa première déclaration sur les responsabilités envers la collectivité. La VanCity a également produit un compte rendu de ses activités 2001. Il s'agit du troisième rapport sur la responsabilité sociale semestriel produit par la VanCity et de la deuxième fois que ce rapport est volontairement produit à l'aide des données de base contenues dans les déclarations sur les responsabilités envers la collectivité.
À la fin du mois d'août, lors de son passage à Johannesburg dans le cadre du Sommet mondial sur le développement durable, le premier ministre Chrétien a fait une deuxième annonce importante qui n'a provoqué aucun commentaire au sein du public. Le premier ministre Chrétien a fait état des lignes directrices concernant l'initiative d'établissement de rapports globale lorsqu'il a mentionné qu'il était temps pour les entreprises d'informer la collectivité en ce qui concerne les répercussions économiques, environnementales et sociales de leurs opérations. Voilà l'objectif des déclarations sur les responsabilités envers la collectivité.
Le tableau 1 est un résumé de l'établissement de rapports sur le développement durable ou triple bilan. Ce type de rapports contient des données sur l'environnement de même que sur le rendement économique et social. Dans ce cas, l'initiative d'établissement de rapports globale comprend 96 indicateurs de performance. Le Règlement sur la déclaration annuelle comporte 12 indicateurs de performance qui permettent d'analyser la production économique.
Je vous demande d'examiner ces données puisque les indicateurs de performance sociaux vont bien au-delà des sommes versées par les entreprises à des œuvres de bienfaisance. Vous remarquerez sous le titre indicateurs de performance sociaux que l'on étudie certains éléments comme le maintien de l'effectif et la satisfaction au travail. La VanCity évalue ces deux éléments auprès de ses propres employés. Elle tient également compte des droits de la personne et des fournisseurs. Dans ce cas, elle tient même compte des questions sociales sur lesquelles le service peut avoir des répercussions. Il s'agit des mêmes questions sociales que les banques examinent lorsqu'elles doivent fournir des services à des personnes âgées ou à des personnes handicapées. Il s'agit d'une analyse assez approfondie. Sous le titre économie, on se demande si le produit peut avoir d'importantes répercussions économiques. Ce type de rapports sur le développement durable est beaucoup plus détaillé que ne l'exige le Règlement. En ce qui concerne les fusions bancaires, on s'inquiète au sujet des prêts consentis à des petites entreprises.
Je vais maintenant vous parler de l'état des connaissances actuel en ce qui concerne les déclarations sur les responsabilités envers la collectivité. Il y a quatre ans, le sénateur Stewart parlait de «déclarations préliminaires». Bien qu'ils soient considérés comme les premiers documents de ce type à voir le jour, le rapport communautaire de RBC Groupe financier et le rapport sur la reddition de comptes publics 2001 de la CIBC ne constituaient pas des rapports comparables, progressifs et fiables. Le rapport produit par la VanCity répondait toutefois à tous ces critères.
Le groupe de travail MacKay a indiqué que le format et le contenu des déclarations annuelles devraient être déterminés par chacune des institutions. Bien que cette mesure évite l'imposition de restrictions, la mise en œuvre d'un cadre d'établissement de rapports sur les responsabilités envers la collectivité unique, ce qui signifie en pratique aucun cadre de présentation des rapports, rendra encore plus difficile la comparaison du rendement économique et social des diverses institutions financières. Il sera d'autant plus difficile pour le public de comprendre les enjeux concernant les évaluations des répercussions en matière d'intérêt public effectuées par les promoteurs de projets de fusion bancaire.
Par exemple, RBC Groupe financier et la CIBC n'ont pas comparé l'information financière de l'exercice avec celle des années précédentes. RBC Groupe financier a présenté des données économiques viables en ce qui a trait à ses opérations au Canada et partout ailleurs dans le monde tandis que la CIBC n'a présenté que des données relatives à ses opérations au Canada. RBC Groupe financier a indiqué le nombre de personnes qu'il emploi à l'échelle mondiale, c'est-à-dire 67 000 employés, et a déclaré avoir payé un impôt sur les sociétés de 2,2 milliards de dollars comme montant forfaitaire. Dans ce cas, le Règlement sur la déclaration annuelle a demandé que tous les employés soient divisés entre les employés à temps plein et les employés à temps partiel. Le Règlement exige également que l'impôt soit divisé entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. C'est ce qu'a fait la CIBC. Elle a divisé ses employés selon la province et le territoire, et a divisé les impôts qu'elle a payés en impôts fédéraux et en impôts provinciaux. Elle a également indiqué les cotisations qu'elle a payées pour les employés. Le document présenté par la CIBC était beaucoup plus complet.
J'aimerais attirer votre attention sur le rapport de la VanCity. À la page 14, vous constaterez que la VanCity a indiqué les principaux indicateurs de performance pour les six dernières années. Il s'agit d'une excellente méthode d'établissement de rapports sur le développement durable. Vous remarquerez également qu'elle a indiqué à quel endroit vous pouvez obtenir de plus amples renseignements dans le rapport. Cela rend donc le rapport plus transparent.
La VanCity fournit maintenant des données concernant sa performance économique. Chose qu'elle ne faisait pas auparavant. Je dois dire que je lui ai écrit afin de lui dire qu'elle devrait indiquer les données concernant le triple bilan. Elle ne m'a jamais répondu, mais cette année elle a ajouté ces données.
À la page 15, on retrouve une série d'objectifs de rendement indiquant les éléments qu'elle a examinés de même que l'année au cours de laquelle elle prévoyait prendre des mesures et où elle en est rendue en ce qui concerne l'atteinte de ces objectifs. Il s'agit d'un énoncé de rendement et non pas d'un énoncé préliminaire. À la page 16 figure une liste de ses prochains objectifs de même qu'un plan d'action. C'est tout à l'honneur de la VanCity, mais elle pourrait bien être la seule organisation au monde ayant suivi le principe de Peter F. Drucker à la lettre, c'est-à-dire à avoir fait en sorte que ses cadres supérieurs prennent des mesures appropriées. En fait, la VanCity a demandé à certains de ses cadres supérieurs de mettre en œuvre ces mesures. Je ne connais pas d'autres entreprises ayant fait état de la mise en œuvre de ce type de mesures dans leurs rapports annuels.
Le président: Est-ce vraiment nécessaire? Cela nécessite beaucoup de temps, d'efforts et d'argent. Je présume que cette méthode est destinée aux investisseurs plus discrets. La personne moyenne ne lirait pas ces données.
M. Downing: Non, la personne moyenne pourrait ne pas les consulter.
Le président: Vous avez déjà utilisé 20 minutes du temps qui vous est alloué, alors si vous pouviez accélérer un peu afin de permettre aux sénateurs de vous poser des questions.
M. Downing: Ce que je veux dire c'est que la VanCity a produit un rapport progressiste qui tenait compte de l'intérêt public.
Elle a produit des déclarations qu'elle n'a pas soutenues. Elle a modifié le format de ses rapports, ce qui équivaut à changer votre état des résultats d'une année à l'autre et n'a pas fait état des conséquences de ces changements. La question d'intérêt public qui nous importe est que l'intégrité des rapports portant sur la reddition de comptes publics deviendra tout aussi importante pour les intervenants et le public que les présentations des promoteurs de projets de fusion bancaire concernant les répercussions en matière d'intérêt public. Si le public ne croit pas aux résultats de cette évaluation, nous avons alors des problèmes.
Le compte rendu des activités 2001 de la VanCity constituera la norme en matière d'établissement de rapports et sera utilisé par les intervenants majeurs et stratégiques afin d'évaluer l'efficience d'autres déclarations sur les responsabilités. Les attentes en matière d'intérêt public ne seront pas atteintes si des institutions financières restreignent la divulgation des données de base comme le stipule le Règlement. Dans le fond, les méthodes utilisées pour produire des communiqués d'intérêt public peuvent être prolongées par une mauvaise analyse des répercussions en matière d'intérêt public.
Je demande que des déclarations sur les responsabilités progressives et fiables fassent partie intégrante des évaluations des répercussions en matière d'intérêt public effectuées par les promoteurs de projets de fusion bancaire et du processus d'établissement de rapports utilisé une fois la fusion achevée. Comme le recommandait le groupe de travail MacKay, le ministre des Finances devrait être en mesure de faire respecter les engagements pris lors des fusions bancaires.
Une déclaration sur les responsabilités envers la collectivité annuelle efficace contribuera à rendre les institutions financières canadiennes encore plus compétitives tant au Canada qu'à l'étranger.
Le sénateur Meighen: Je comprends ce que vous dites. Nous tentons de déterminer si la notion d'intérêt public est claire ou si nous devons tenter de l'expliquer davantage. Vous avez suggéré d'effectuer des évaluations des répercussions en matière d'intérêt en fonction de déclarations sur les responsabilités annuelles améliorées plus détaillées. Avez-vous un élément à ajouter afin que nous puissions mieux définir la notion d'intérêt public?
M. Downing: En ce qui concerne les Canadiens, je définis l'intérêt public comme l'intérêt commun.
Le sénateur Meighen: Voilà une définition concise et je me demande qui pourrait faire mieux. C'est un peu comme tenter de définir la beauté; c'est très suggestif. Évidemment, ce qui peut être au mieux des intérêts des Canadiens variera d'une année à l'autre et d'une décennie à l'autre. Je tente de trouver une définition qui serait complète et intemporelle. Je n'y parviens pas.
M. Downing: Pour déterminer l'intérêt commun, nous devons examiner les conséquences de l'environnement, de l'économie et de la société. Je suis d'accord, ces notions changent au fil du temps. Cela constitue toutefois un point de départ et un cadre avec lesquels nous pouvons travailler plutôt que de demander à cinq banques de produire cinq types de déclaration différents n'ayant aucun point en commun.
Le sénateur Meighen: Je comprends. En général, croyez-vous que les fusions bancaires se font au mieux des intérêts du Canada et des Canadiens ou que cela dépend des intervenants?
M. Downing: Cela dépend des intervenants. Je ne suis pas contre les fusions, mais je ne crois pas que ce soit la meilleure solution. Si le marché est en mesure d'accepter une fusion, je ne vois pas pourquoi nous devrions l'empêcher en partant du fait que les autres conditions sont satisfaites. Je suis d'accord avec les fusions bancaires si elles satisfont toutes les conditions.
Le sénateur Meighen: Un certain nombre des témoins que nous avons interrogés ont fait état d'une certaine amélioration de l'efficience à la suite de fusions bancaires. Nous nous demandons toutefois combien de fusions bancaires devraient être effectuées. Et si nous n'avions plus qu'une seule banque. De part sa nature, nous présumons que cette banque serait particulièrement inefficace. M. Greenwood a affirmé qu'un minimum de trois banques serait nécessaire afin d'assurer l'efficience du marché.
M. Downing: Voilà une façon intéressante d'aborder la question. Personnellement, je ne crois pas que les fusions rendent les banques plus efficientes, certainement pas après avoir lu certains documents et entendu certains commentaires. Les banques peuvent vouloir fusionner selon le marché. Toutefois, je ne crois pas qu'il serait dans l'intérêt commun des Canadiens de se retrouver avec une seule banque.
Le sénateur Meighen: Croyez-vous qu'il est important pour le Canada d'avoir une banque suffisamment importante pour occuper une place de choix sur les marchés internationaux? Une banque qui ferait partie des 20 plus importantes institutions financières au monde.
M. Downing: Ce serait bien. Est-ce que cela signifie qu'elle pourrait augmenter sa part de marché en Asie du Sud- Est? Je ne crois pas. Cela pourrait sans aucun doute l'aider aux États-Unis, mais je ne crois pas que cela aurait des répercussions ailleurs dans le monde.
Le sénateur Meighen: Et les entreprises canadiennes établies dans ces régions?
M. Downing: Cela pourrait les aider jusqu'à un certain point, mais il existe un grand nombre de banques américaines et de banques étrangères. Elles auraient du retard à rattraper si elles se rendaient jusque-là. Si elles demeuraient des partenaires des États-Unis, elles auraient peut-être une plus grande chance de croître. Je ne les considère pas comme des concurrents sérieux.
Le sénateur Meighen: Si elles prenaient de l'expansion, elles pourraient faire des affaires à l'extérieur du Canada. Selon elles, elles ont très peu de chances de croître au Canada.
M. Downing: Je suis d'accord. Connaîtraient-elles du succès? Cette question reste en suspens.
Le sénateur Meighen: La VanCity est une organisation qui a maintes fois attiré notre attention de façon positive. L'une des choses que nous avons remarquées en tant que membres du Comité permanent des banques et du commerce au cours des années est que le Canada se distingue par la présence de banques de deuxième et de troisième rangs. Croyez-vous que nous pouvons faire quelque chose en ce qui concerne la croissance des coopératives d'épargne et de crédit, des banques à rayonnement local, des banques régionales et des services bancaires offerts dans les épiceries. Autrement dit, pouvez-vous trouver des solutions de rechange aux banques à charte?
M. Downing: Au moment de la publication du rapport MacKay, je croyais que les coopératives d'épargne et de crédit allaient se multiplier.
Le sénateur Meighen: Et pourquoi ce ne fut pas le cas?
M. Downing: Le représentant de la Coopérative de crédit du service civil, Limitée (CS CO-OP) pourrait peut-être répondre à cette question. Plutôt que de multiplier le nombre de coopératives d'épargne et de crédit, nous avons augmenté le nombre de guichets automatiques bancaires (GAB) dans les épiceries. Je ne sais pas si cela a nuit aux opérations de la CS CO-OP. Peut-être n'ont-ils pas été assez agressifs lors de leur mise en marché. Peut-être n'ont-ils pas déployé tous les efforts nécessaires pour attirer de nouveaux clients.
Le sénateur Setlakwe: Puisque nous sommes en faveur des fusions bancaires, la plupart des PDG qui sont venus témoigner ici ont manifesté un certain intérêt envers les fusions comme façon de prendre de l'expansion aux États-Unis. La Banque de Nouvelle-Écosse est déjà établie dans quelques pays étrangers.
Puisque certaines banques canadiennes ont déjà réussi par elles-mêmes à prendre de l'expansion aux États-Unis, les fusions bancaires représentent-elles la seule solution qui s'offre à elles?
M. Downing: Je suis déconcerté par ce que vous me dites. Je ne suis pas contre les fusions bancaires. Je crois qu'il est préférable de prendre de l'expansion par ses propres moyens. Les banques n'ont aucunement été gênées dans leurs démarches. En se fusionnant, elles offrent peut-être de meilleures garanties, mais cela ne les a pas empêcher de continuer. À l'exception de cette année, les banques ont fait des bénéfices records. Dans certains cas, elles font plus d'argent que jamais aux États-Unis. Je ne crois pas que les fusions bancaires soient l'unique solution pour prendre de l'expansion aux États-Unis.
Le sénateur Setlakwe: Je me demande jusqu'à quel point les pertes subies par le marché américain auront des conséquences sur les bénéfices des entreprises canadiennes lorsque je consulte certains rapports comme celui publié ce matin par la CIBC.
M. Downing: Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100. Il se peut que des banques canadiennes établies aux États-Unis ne connaissent pas le succès escompté et que les Canadiens devront assumer les pertes.
Le sénateur Mahovlich: Les actionnaires tiennent-ils un tant soit peu compte des intérêts du public ou s'ils ne tiennent compte que du résultat?
M. Downing: Je ne connais pas les sommes en chiffres des banques, mais je crois qu'entre 60 à 70 p. 100 de leurs banques sont la propriété de caisses de retraite. La personne moyenne ne connaît pas la valeur de sa caisse de retraite.
Lorsque je vois des actionnaires, je pense immédiatement aux caisses de retraite puisque ce sont eux qui détiennent le plus grand nombre de votes. Le simple passant a très peu de pouvoir. Pour moi, les actionnaires représentent les caisses de retraite.
Le sénateur Mahovlich: Je me souviens de la White Rose corporation. Il s'agissait d'une entreprise canadienne. Je crois qu'elle était la seule société pétrolière canadienne à ce moment-là.
La Shell Oil Company est arrivée et a fait une offre. Le président de la White Rose a refusé l'offre d'achat de Shell, mais lorsqu'il l'a présentée aux actionnaires, ceux-ci ont décidé de vendre l'entreprise.
La White Rose était une très grande entreprise canadienne. Je ne connais pas l'intérêt public à cette époque, mais je crois que les Canadiens auraient voulu que la White Rose reste une entreprise canadienne. Nous devons surveiller de près les actionnaires.
M. Downing: Les actionnaires détiennent certains pouvoirs en ce qui concerne les caisses de retraite. Si un nombre suffisant de personnes demandent à leurs caisses de retraite d'effectuer un certain type d'investissement, alors les caisses de retraite s'exécuteront. Je ne crois pas que les fonctionnaires ont un très grand pouvoir sur leurs caisses de retraite.
Si vous voulez que votre caisse de retraite reste au Canada, et je ne suis nullement contre cela, vous devez atteindre les personnes qui ont le pouvoir de décider, c'est-à-dire les conseils d'administration.
Je sais que les PDG sont en faveur des fusions bancaires. Lorsqu'ils se présentent devant nous et demandent des fusions bancaires, ils ont déjà reçu l'approbation de leurs conseils d'administration. Il existe toutefois un autre niveau.
Le sénateur Kelleher: Le ministre Manley a demandé au comité de l'aider à définir le terme «intérêt public.» La plupart des cadres supérieurs des banques qui sont venus témoigner ici ont confirmé la nécessité de définir ce terme et ont tenté de le faire.
Toutefois, M. Clark, le président de la Banque Toronto-Dominion crois que la définition actuelle est suffisamment claire. Je pense qu'il croit que les banques pourraient être ensevelies sous une tonne de nouveaux règlements ou critères, alourdissant ainsi davantage les opérations des banques. M. Clark estime que le nombre de règlements auxquels les banques sont assujetties est suffisant et ne voudrait pas qu'il y en ait d'autres.
Monsieur Downing, pourrions-nous connaître votre opinion à ce sujet?
M. Downing: Ces fusions bancaires, au meilleur de ma connaissance, permettront aux banques d'économiser 1 milliard de dollars. Les banques obtiennent 1 milliard de dollars d'un seul coup, argent qu'elles pourront ensuite utiliser pour faire croître leurs entreprises. Je ne suis pas tellement sympathique à l'idée de devoir travailler fort pour faire 1 milliard de dollars. Voilà l'une des conséquences des fusions bancaires. Vous devez travailler, et alors? C'est difficile de faire un 1 milliard de dollars, et ça devrait l'être.
Le sénateur Kelleher: J'ai toujours trouvé cela difficile.
Votre réponse ne me surprend guère étant donné le contenu de votre exposé de ce matin.
Le président: Vous avez dit que les fusions bancaires ne représentaient pas la meilleure façon de prendre de l'expansion. Je ne sais pas si vous avez tort ou raison.
Êtes-vous surpris d'apprendre que le Canada dispose d'un secteur des services financiers d'excellence? La plupart des grands patrons de la finance estiment que la Canada possède l'un des meilleurs systèmes au monde.
Croyez-vous qu'il serait raisonnable d'encourager le plus possible les banques à prendre de l'expansion de façon exponentielle afin de rapatrier encore plus de bénéfices et d'emplois au Canada?
M. Downing: Les banques font sans aucun doute preuve d'une très grande efficience.
Elles pourraient s'établir aux États-Unis et connaître un certain succès, mais c'est une autre paire de manches. C'est plus facile de connaître le succès au Canada qu'aux États-Unis.
Le président: Vous n'obtenez pas la bonne marque de qualité simplement parce que vous avez recours à la fusion. Tout dépend de deux choses: une idée et une vision, et une personne pour les mettre à exécution. Parfois, l'exécution ne fonctionne pas, mais là n'est pas notre problème en ce moment. Nous devons décider si nous croyons ou non que la vision constitue une bonne idée ou alors présenter des commentaires à cet effet.
Comme le sénateur Setlakwe le souligne, la CIBC a échoué dans l'une de ses initiatives aux États-Unis, mais cela ne signifie pas que toutes les autres banques ne devraient pas essayer de suivre le même processus.
Mme Brisebois: Vous devez prendre certains risques. Nous sommes en affaire pour prendre des risques.
Le président: N'est-ce pas là ce dont est constitué le monde des affaires?
M. Downing: C'est exact. Vous prenez des risques. Les statistiques démontrent que dans la majorité des cas, les fusions n'ont pas été couronnées de succès. Entre 58 et 60 p. 100 des fusions ne produisent pas de nouvelle valeur pour l'actionnaire. Peut-être que les autres 40 p. 100 ont été très réussies.
Entre 58 et 60 p. 100 des fusions ne produisent pas de nouvelle valeur ou de valeur ajoutée. Elles ne sont pas si réussies pour les actionnaires.
Le président: Vous parlez des fusions en général?
M. Downing: C'est exact. Elles ne représentent pas nécessairement une bonne affaire.
Le président: Pouvez-vous me dire comment vous en êtes arrivé à ces chiffres?
M. Downing: Je peux vous les fournir. Nous en discutons depuis quelques années maintenant. Même dans le cadre du rapport MacKay, ces renseignements portaient sur les fusions bancaires aux États-Unis.
Le président: Vous parlez seulement des fusions bancaires?
M. Downing: Je parle des fusions en général. Si vous examinez les fusions de Nortel et de JDS, vous verrez qu'elles n'ont pas été une réussite.
Le président: Vous faites allusion au domaine des télécommunications, qui représente une bien triste histoire, mais la tournure des événements n'a pas été causée par les fusions.
Le sénateur Mahovlich: Leur échec a été causé en partie par les fusions.
Le président: J'aimerais que nous insistions sur cette déclaration.
Le sénateur Meighen: M. Downing dispose de certaines statistiques.
Le président: Si vous avez des statistiques à ce sujet, veuillez les transmettre au greffier du comité. Nous aimerions les examiner. Il existe de fantastiques institutions aux États-Unis qui ont atteint leur rendement actuel grâce aux fusions. Si vous observiez les 20 plus grandes banques au monde, vous ne reconnaîtriez probablement pas la plupart des noms.
M. Downing: Je serai heureux de trouver ces renseignements pour vous.
Le président: Cela serait apprécié.
Le sénateur Setlakwe: Vous dites qu'une entreprise peut accroître ses activités aussi facilement par la fusion que si elle demeure seule?
M. Downing: C'est exact. À la lumière de cette option, je préférerais poursuivre seul. Cela ne signifie pas que les autres personnes feraient de même. Quant à moi, la fusion entre CLARICA et Sun Life peut être une réussite.
Le président: La Banque Royale est passée de la position 20 à la position 55. Je ne sais pas si cela est bon ou mauvais pour le Canada. J'ai des raisons de croire que c'est mauvais. Nous tenons des audiences afin de tenter de déterminer ce qu'il en est.
M. Downing: J'espère avoir apporté quelque chose à vos délibérations.
Le président: Les prochains témoins que nous entendrons proviennent du Conseil canadien du commerce de détail.
Mme Diane J. Brisebois, présidente-directrice générale, Conseil canadien du commerce de détail: Le Conseil canadien du commerce de détail maintient la position exprimée dans le passé; nous ne faisons pas opposition aux fusions. L'essai pertinent est plutôt pragmatique, c'est-à-dire qu'il représente l'incidence qu'une fusion aurait sur la concurrence en ce qui a trait à la prestation de services financiers de même qu'en ce qui concerne la qualité et la disponibilité de ces services offerts aux Canadiens.
Avant de poursuivre avec mes commentaires, je souhaite vous faire remarquer que nous sommes en présence d'un grand commerçant de Thetford Mines, le sénateur Setlakwe. La vente au détail effectuée au centre-ville animé de Thetford Mines est incroyablement florissante. Il s'agit peut-être d'une publicité dissimulée, mais je crois que je l'aurais fait de toute façon.
Le président: Mme Brisebois, je dois vous dire que toutes ces audiences ont porté sur Thetford Mines et que nous devons y mettre un terme. En fait, l'honorable sénateur a demandé à notre comité d'en faire une marge libre d'impôt.
Mme Brisebois: Nous pourrions appuyer une telle recommandation, monsieur le président.
Nous appuyons pleinement l'objectif visant à établir un secteur financier fort et concurrentiel au Canada et pour le Canada. Cela signifie de maintenir le secteur financier continuellement conforme aux besoins de toutes les collectivités, afin de disposer d'un accès local et pratique aux services financiers, et ce, à des prix concurrentiels.
Lors de notre présentation du projet de loi C-8, nous avons recommandé que la consultation proposée sur les fusions bancaires soit prolongée, particulièrement de façon à ce qu'elle comprenne une consultation portant sur les recours négociés par les participants aux fusions et par le Bureau de la concurrence. Nous serons heureux de fournir au comité des exemples liés à cette question à la fin de notre exposé. Nous croyons qu'il s'agit là d'une question très importante à soulever.
Nous sommes une association commerciale. Nous avons commencé nos activités en 1963. Nous représentons 9 000 membres dans l'ensemble du pays, dans des entreprises diverses, y compris des grands magasins nationaux et régionaux, des magasins à prix réduits, des magasins de masse, des boutiques spécialisées, des magasins autonomes et des commerçants virtuels.
Nos membres représentent plus des deux tiers des ventes au détail de fournitures de tout genre au Canada. Près de 90 p. 100 de nos membres sont de petits détaillants indépendants qui possèdent un ou deux magasins. Le Conseil canadien du commerce de détail dessert ses membres par le biais de son bureau principal de Toronto. Nous avons également des bureaux à Vancouver et des bureaux affiliés à Montréal, à Winnipeg et à Edmonton.
L'association consulte régulièrement ses membres en ce qui concerne les questions délicates liées aux services financiers et au système de paiement. En fait, lorsque nous interrogeons nos membres, les questions liées aux fusions bancaires et aux systèmes de paiement font toujours partie des trois plus grandes préoccupations.
Le Conseil canadien du commerce de détail prône la législation et les politiques qui facilitent l'accessibilité des services financiers à des prix concurrentiels sur lesquels les détaillants peuvent compter dans le cadre de leurs activités quotidiennes.
En 2001, ce secteur représentait 5,4 p. 100 du produit intérieur brut, le PIB, et offrait 1,8 millions d'emplois, ou 12 p. 100 des emplois. La valeur totale de la vente au détail était de 290 milliards de dollars. Les ventes de fournitures de tout genre, excluant les automobiles et la nourriture, représentaient 105 milliards de dollars.
Le détail représente le troisième secteur en importance au Canada avec plus de 215 000 établissements, soit approximativement 10 p. 100 des établissements commerciaux du pays. Le commerce de détail est l'un des secteurs d'activités les plus répandus dans les régions, comprenant des entreprises situées dans pratiquement toutes les collectivités, y compris dans les régions les plus éloignées du pays.
L'une des caractéristiques dominantes du secteur du commerce de détail est la petite taille de la plupart de ces établissements. Près de 46 p. 100 des établissements de vente au détail ont quatre employés ou moins. Soixante-dix pour cent des entreprises ont moins de 10 employés et la plupart des petits établissements sont exploités en propre.
Les grands travaux du Conseil canadien du commerce de détail sur les questions liées aux institutions financières et aux services financiers ont permis d'approfondir notre reconnaissance de la diversité et la complexité des besoins des détaillants. Tous nos détaillants ont un même besoin; avoir accès à des services de haute qualité, à des prix concurrentiels. À cet égard, le Conseil canadien du commerce de détail appuie le besoin d'une consultation portant sur les fusions potentielles parmi les banques canadiennes. Tel que précisé plus tôt, en principe, le Conseil canadien du commerce de détail ne s'oppose pas aux fusions.
Cette présentation abordera deux domaines dans lesquels nous croyons qu'une consultation doit être approfondie et appuyée par des recherches substantielles et approfondies. Ces deux domaines sont les suivants: les prêts aux petites entreprises et l'accessibilité aux services bancaires locaux.
L'accessibilité des prêts aux petites entreprises est une préoccupation courante et se trouve en tête de liste pour tous nos détaillants. Le Conseil canadien du commerce de détail a reçu de nombreux appels de ses membres qui affirment que les décisions des banques en matière d'accord de prêt ne sont pas adaptées et qu'elles sont souvent axées sur des politiques dépendant de la cote de solvabilité d'un tiers de confiance qui peut ne pas être précise ou ne pas être à jour.
Des membres nous ont mentionné que leurs succursales bancaires locales avaient de moins en moins d'influence sur les décisions liées aux accords de prêt. Ils nous disent que les décisions liées aux prêts ne font pas toujours preuve de compréhension des réalités locales ou des nouvelles occasions d'affaire. Nous recommandons que les consultations comprennent explicitement l'accessibilité des prêts aux petites entreprises, y compris la rapidité d'exécution et les critères liés aux décisions sur les prêts prises par les institutions financières. Les préoccupations légitimes à ce sujet ne doivent pas être sous-estimées. Ils ont lu des rapports des médias qui soulignaient le degré de risque pris par les institutions financières pour accroître leurs marchés. L'importance des pertes encourues est difficile à comprendre pour la plupart de nos détaillants. Nos membres des petites et moyennes entreprises se sont fâchés, ce qui est parfaitement compréhensible, lorsqu'ils se sont fait dire qu'ils représentaient trop de risques pour obtenir un prêt, et ce, même en étant bons clients d'une banque depuis 10 ans.
Cette situation est encore pire que de se faire dire par un centre bancaire régional que le crédit a été refusé parce que l'institution financière a atteint son quota pour le type de financement recherché par le détaillant. Le comité devra tenir compte de l'incidence que les fusions pourraient avoir sur l'équilibre des priorités en matière de prêts pour les nouvelles institutions financières plus grosses, et du fait qu'elles seront plus ou moins disposées à financer les petits et moyens détaillants et à prolonger les prêts qui leur sont accordés.
Nos détaillants dépendent des institutions bancaires dans chacune des collectivités du Canada. Les détaillants sont de grands utilisateurs réguliers des services bancaires locaux. Ces services ne sont pas réservés exclusivement aux détaillants. Par contre, ils sont essentiels au fonctionnement journalier de leur commerce de détail et ils représentent des éléments fondamentaux du système financier canadien. Les grandes banques ont connu une croissance en offrant des services bancaires de base aux collectivités locales, et les marchés en étaient considérablement protégés.
Les détaillants croient avec raison que leur contribution à la croissance des banques canadiennes à titre de clients leur donne droit d'exiger que ces banques maintiennent leur obligation visant à servir les collectivités ayant favorisé leur croissance. Les services financiers doivent être accessibles dans la région et être offerts à des heures pratiques. Il serait très peu pratique et même nuisible pour les clients et pour l'économie canadienne s'il devenait de plus en plus nécessaire pour les petits détaillants exploités en propre de fermer leurs magasins pour parcourir une longue distance afin d'obtenir des services, ce qui est en fait le cas de nos jours dans certains régions du pays.
Ce défi pourrait être particulièrement nuisible pour les détaillants se trouvant dans les plus petites collectivités ne pouvant plus choisir une succursale locale, mais il pourrait également avoir des répercussions sur les détaillants des grands centres. Dans les petites collectivités, la disparition d'une succursale locale pourrait forcer les détaillants à parcourir de longues distances pour obtenir des services financiers qui ne peuvent pas être obtenus autrement qu'en personne.
En plus du fardeau imposé par les coûts et les délais supplémentaires liés au déplacement, certains risques personnels additionnels peuvent entrer en ligne de compte lors du transport des recettes à une succursale éloignée. Même dans les zones urbaines, la disparition d'une succursale dans une collectivité locale peut augmenter considérablement le temps nécessaire pour se rendre à une succursale afin d'obtenir un service, même si la distance physique n'est pas énorme. En plus des restrictions actuelles imposées par les banques en ce qui concerne les heures de service, cette disparition d'une succursale locale pourrait nuire à la capacité de l'entrepreneur à exploiter son magasin.
Cette réalité n'affecte pas seulement les commerçants indépendants. Le gérant d'un magasin à succursales multiples fait face à des exigences similaires visant à effectuer différentes transactions avec la succursale locale et pourrait souffrir des mêmes coûts liés aux délais et des mêmes pressions en matière de risque. Les détaillants ont besoin d'un accès en temps opportun à des installations de crédita qui comprennent les circonstances et les besoins liés aux marchés locaux. Ils doivent avoir l'occasion de s'asseoir avec leur banquier en personne pour négocier les conditions des services offerts dans le contexte des réalités locales.
Les détaillants ont besoin des services d'une institution financière locale pour effectuer des dépôts rapides d'espèces et de chèques afin de maintenir des soldes de dépôt suffisants pour couvrir les dépenses. Ils ont besoin d'un accès pratique aux installations de dépôts de nuit pour leur permettre d'effectuer des dépôts de nuit lorsque les banques sont fermées.
Un modèle de liste des services financiers utilisés par les détaillants se trouve dans le tableau joint au présent rapport. La liste comprend la fréquence à laquelle les détaillants utilisent chacun des services, si le service est accessible à distance ou s'il exige une interaction en succursale. Les banques ont fait des progrès en mettant en œuvre des possibilités sur Internet; toutefois, de tels services représentent habituellement des coûts supplémentaires pour le détaillant et ne remplacent pas le besoin d'une interaction personnelle.
Nous avons dressé une liste des produits et services nécessaires aux détaillants variés, leur fréquence d'utilisation et le mode d'accès aux services afin de vous donner une idée de la relation entretenue par nos détaillants avec leur succursale locale et avec leur institution financière locale.
Le tableau démontre que les détaillants doivent souvent et continuellement visiter leur succursale. Certains services importants, notamment les dépôts en espèces et en chèques et l'obtention de monnaie, peuvent entraîner de fréquentes visites à la succursale. Cette réalité découle de la nature du commerce de détail qui engendre un grand volume d'opérations de paiement.
Bien qu'un grand pourcentage des opérations de paiement soit sous forme électronique, les recettes des ventes au comptant demeurent essentielles à la gestion des fonds pour les petits détaillants. Presque tous les services exigent une certaine forme d'interaction personnelle avec la banque ou les services de traitement afin de négocier et de lancer le service et d'apporter d'autres changements à l'entente sur la prestation de services, et ce, même si le détaillant jouit d'une relation de longue date avec l'institution.
Un commerçant dépend de sa succursale et de son institution financière. La charte elle-même démontre à quel point les services d'une institution financière font partie intégrante des activités d'un détaillant.
Nos détaillants ne s'opposent pas aux fusions, mais ils jugent extrêmement important que deux questions soient abordées avant l'approbation des fusions: comment nous pouvons aborder les prêts aux petites entreprises et l'accès aux services dans les collectivités qu'ils desservent.
Nous espérons que cette position apporte une aide, et nous espérons avoir le plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Meighen: Comment pouvons-nous déterminer le mieux quelles collectivités doivent disposer d'une succursale d'une banque à charte? Certaines collectivités doivent être trop petites pour justifier une succursale de banque. Si mon hypothèse est juste, où faites-vous la distinction?
M. Ken J. Morrison, conseiller en matière de services bancaires et de services de paiement, Conseil canadien du commerce de détail: Je voulais commencer en mentionnant Thetford Mines, mais je ne devrais probablement pas le faire.
Le sénateur Meighen: Il s'agit d'une vaste collectivité florissante. Je fais allusion à de plus petites localités.
M. Morrison: C'est une question difficile. Il faut tenir compte du coût lié à la prestation de services à ces collectivités. Nous croyons que les banques devraient s'établir dans ces collectivités et observer ce qui s'y passe. Elles devraient tenir compte du fait que leur institution pourrait permettre une plus grande réussite au sein de la collectivité, et ce, maintenant comme pour l'avenir. Nous croyons qu'elles devraient suivre le modèles des anciennes banques à ce sujet. Il y a plusieurs années, les banquiers vivaient dans les collectivités, voyaient ce qui se passait et étaient conscients de ce qui se passait.
Le sénateur Meighen: Supposons que ce qu'ils voient ne soit pas favorable. La collectivité n'est peut-être pas aussi prospère qu'elle l'a déjà été, et il n'y a pas de garantie à l'effet que la situation pourra changer.
Mme Brisebois: Je sais que je parle au nom de détaillants d'une petite ville lorsque je dis que nous ne nous attendons pas à obtenir une garantie à l'effet qu'il y aurait des succursales dans chacune des collectivités. Toutefois, nous avons besoin d'un ensemble de lignes directrices pour aider les intervenants à s'entendre quant au niveau de service minimum nécessaire. Il n'existe pas de bonne ou de mauvaise réponse. Chaque collectivité est différente, et les besoins de chacune sont différents. Certaines collectivités ont une vocation commerciale tandis que d'autres ont une vocation résidentielle, ce qui fait que leurs besoins en matière de ressources bancaires sont très différents l'une de l'autre.
J'aimerais examiner les données démographiques et la concentration d'entreprises dans cette collectivité. Ensuite, j'aimerais examiner le nombre de succursales bancaires se trouvant présentement dans la collectivité et le comparer au nombre de succursales qu'il y aurait après une fusion. J'aimerais ensuite trouver un scénario de réussite.
Il est difficile de répondre à cette question et y répondre efficacement sera un défi de taille pour nous.
Le sénateur Meighen: Je lis dans votre présentation que vous souhaitez tenir une consultation publique plus approfondie dans les régions touchées. Cette analyse ne s'avère-t-elle pas inutile dans un contexte de fusion bancaire, dans les discussions avec le Bureau de la concurrence ou dans le cadre de l'EIIP, conformément aux lignes directrices du ministère des Finances? Ne doivent-ils pas aborder ces points?
Mme Brisebois: Nous croyons qu'il est important que le bureau discute de ces questions et qu'il les énonce. M. Morrison peut nous présenter l'exemple de la TD Canada Trust et les renseignements qui n'ont pas été fournis après la fusion, de même que les effets de cette fusion sur notre secteur. Nous croyons que les raisons pour lesquelles la fusion a été acceptée doivent être exposées clairement, de même que l'incidence qu'elle aura et les décisions prises qui en découlent.
M. Morrison: L'exemple porte sur la possibilité de tenir une consultation sur les recours négociés par le Bureau de la concurrence entre les parties comprises dans la fusion. Dans l'exemple spécifique de la TD et de Canada Trust, une des exigences de cette fusion était que Canada Trust et la Banque TD vendent ensemble une partie de leurs activités liées aux cartes de crédit, notamment celles de MasterCard, qu'ils ont vendu à une entité effectuant un gros volume de traitement.
Au premier abord, cette entreprise ressemblait à un organisme qui pourrait entrer en jeu et faire ce que le Bureau de la concurrence s'attendait qu'elle fasse. Toutefois, cela ne représentait pas une occasion d'affaire pour l'ensemble des détaillants. Cette réalité portait sur l'acceptation de transactions par carte de crédit par les magasins de détail. Les détaillants n'ont pas eu l'occasion d'interroger cet organisme pour déterminer quels services devraient demeurer au Canada. L'organisme n'avait pas de bureau central au Canada.
Mme Brisebois: Les magasins de détail n'ont pas eu l'occasion de demander si cet organisme pouvait offrir les services offerts par la TD et par Canada Trust. En fait, ils n'ont pas été en mesure d'offrir ces services pendant au moins 30 jours.
Nous soutenons qu'il n'est pas très bon qu'une décision soit prise et que des discussions soient tenues par le bureau. Tous les intervenants touchés doivent prendre part à certaines discussions, et les discussions doivent être plus accessibles au public.
Dans ce cas, il y a eu une incidence négative sur l'industrie. Nous ne faisons plus affaire avec ce tiers en raison des problèmes vécus par nos détaillants en ce qui a trait au manque de services et au manque de soutien.
Nous croyons que ce problème aurait pu être résolu s'il avait fait l'objet d'une discussion sur le moment.
Le sénateur Meighen: Je suis surpris que le Bureau de la concurrence ne leur ait pas demandé quelles étaient leurs intentions et s'ils pouvaient offrir les mêmes services. Supposons qu'ils ont été interrogés, et qu'ils ont assuré qu'ils feraient tout ce que l'ancienne société émettrice de carte de crédit faisait.
Mme Brisebois: Voilà pourquoi nous avons signalé le besoin d'une étude de marché approfondie afin de s'assurer que la personne qui offre le nouveau service est vraiment en mesure de le faire.
Le sénateur Meighen: Ils en étaient incapables ou ils ont refusé? Étaient-ils intrinsèquement incapables d'assurer ce service?
M. Morrison: Ils en étaient capables. Un organisme qui prend possession d'une partie d'une entreprise au Canada ne connaît pas nécessairement la croissance attendue. On n'y retrouve pas nécessairement d'économies d'échelle. Ensuite, ils commencent à rationaliser le processus de décision.
Le sénateur Meighen: Comment pouvons-nous l'éviter, monsieur Morrison?
M. Morrison: Une des exigences pourrait être de disposer d'engagements bien documentés et bien arrêtés et de connaître les recours qui ont été négociés dans le cadre de ce processus. Selon moi, il ne suffit pas qu'un organisme dise: «Je m'engage à fournir des services aux 10 collectivités dans lesquelles j'achète des succursales. Je m'engage à fournir le même niveau de service pour la MasterCard ou les autres cartes de crédit. J'ai besoin de données spécifiques pour une période prolongée afin d'être certain que le service sera offert».
Le président: Je ne comprends pas. Si un détaillant accepte la MasterCard, n'est-ce pas là juste une question de glisser la carte dans l'appareil? Vous pourriez peut-être trouver ce qui n'allait pas? Ne voulait-il pas faire des affaires?
Mme Brisebois: C'est un peu plus complexe que ça.
M. Morrison: Si je me rends dans un magasin et que j'utilise ma carte de décrit, le détaillant la fait glisser dans son appareil. Un organisme est nécessaire pour prendre cette transaction et la transmettre à la banque ou à l'institution financière qui a émis votre carte. Il s'assure que les fonds nécessaires s'y trouvent puis dépose cette transaction dans le compte bancaire du détaillant.
Le sénateur Meighen: Certaines personnes du milieu bancaire nous ont mentionné que le profil de risque des demandeurs de prêts pour de petites entreprises varient. Certains comportent plus de risques que d'autres. Les banques à charte estiment qu'il ne serait pas sage, du point de vue des relations publiques, d'augmenter le taux préférentiel de plus de 3 p. 100. Est-ce que vos membres accepteraient plus de prêts si certains étaient faits à des taux plus élevés ou un plus petit nombre de prêts à des taux plus bas? Y a-t-il un engouement pour les prêts à taux préférentiel de 5 p. 100 ou de 6 p. 100?
Mme Brisebois: La nature des prêts constitue un risque en soi, donc je ne crois pas que nous devrions en débattre. Toutefois, je ne peux vraiment pas répondre à cette question. Nous pouvons vous fournir des renseignements et des données en ce qui a trait à la relation existant entre les détaillants et les institutions financières, de même que certains problèmes que nous avons connus dans le passé.
Est-ce que cela a quelque chose à voir avec le coût ou la fréquence des prêts? Je ne peux pas répondre à cette question.
Cependant, il n'y a pas de doute que, sans étoffer davantage, c'est un sujet qui revient toujours sur le tapis lorsqu'il y a une discussion. La frustration est palpable. Il peut s'agir d'un manque d'information ou de compréhension mais c'est certainement un sujet de préoccupation majeur pour toutes nos petites entreprises. De fait, il s'agit de leur principale préoccupation.
Le sénateur Meighen: Les banques affirment qu'il y a de plus en plus de transactions électroniques. C'est une bonne chose parce que les gens peuvent effectuer des transactions bancaires sans devoir se rendre à la succursale. Les montants des frais exigés pour les transferts électroniques m'étonnent.
Les banques vous ont sûrement donné une justification à propos des montants des frais. De quoi s'agit-il? J'aurais cru que les banques réduiraient les frais parce que cela permettait d'éliminer le facteur humain.
Mme Brisebois: Je pense que la plupart d'entre nous croyaient que ce serait le cas.
Le sénateur Meighen: Vous a-t-on donné des explications à ce sujet?
M. Morrison: Non. À vrai dire sénateur, les frais étaient modiques au début mais ils ne le sont plus.
Mme Brisebois: Non, le taux des frais ne correspond à aucune formule observée dans le domaine des affaires où l'on essaie généralement de réaliser des économies d'échelle. Il semble que plus le nombre de transactions s'accroît, plus les coûts augmentent au lieu de diminuer.
C'est une formule intéressante qui causerait bien des ennuis aux détaillants si ceux-ci dirigeaient leurs entreprises de cette façon, mais elle fonctionne pour les banques.
Si nous examinons les frais que les marchands ont versé aux institutions financières concernant toutes sortes de services, et non seulement ceux qui sont liés à des dispositifs électroniques, nous nous apercevons que ces frais n'ont pas diminué. Nous en avons régulièrement beaucoup discuté avec des représentants des institutions financières.
Le sénateur Meighen: Les membres présents ont-ils une opinion concernant la question d'offrir des choix aux grandes banques à charte? Y a-t-il une propension à voir les banques de second rang telles que les coopératives d'épargne et de crédit, les banques régionales et les banques de l'annexe II prendre de l'expansion?
Nous avons tous été un peu surpris de constater que les banques de second rang n'ont pas pris davantage d'essor. Beaucoup de Canadiens se demandent toujours pourquoi l'essor des banques de deuxième et de troisième rangs n'a pas été plus marqué.
M. Morrison: Nous continuons d'espérer la concrétisation d'une certaine croissance. J'ai lu qu'une telle tendance se dessinait. Il est difficile pour une nouvelle organisation de s'infiltrer dans un créneau où une grande part de marché est occupée depuis longtemps par un petit nombre de joueurs.
La relation entre un marchand et une institution financière devient souvent si enracinée qu'il est difficile pour le détaillant d'établir une nouvelle relation avec une coopérative d'épargne et de crédit. Si la banque déménage, celui-ci peut éprouver le besoin de se rendre dans une autre ville plutôt que de changer d'institution.
Le sénateur Meighen: C'est peut-être difficile, mais ça dépend de l'importance de son attachement à cette autre institution financière. Les détaillants peuvent parfois être irrités, mais s'ils sont satisfaits, ils ne changeront pas d'institution financière.
M. Morrison: Et s'ils ne sont pas satisfaits, ils changeront d'institution.
Les détaillants doivent également se poser la question suivante: Pendant combien de temps la nouvelle institution financière demeurera-t-elle dans la collectivité? Peuvent-ils changer d'institution? Ce qui semble bien établi aujourd'hui peut changer demain.
Le président: J'ai l'impression que les grandes banques ne favorisent pas les petites entreprises. Si les fusions se réalisent, la situation sera-t-elle meilleure ou pire?
Mme Brisebois: Ça dépend des fusions et de ceux entre qui celles-ci se produiront. Ça dépend également de la façon dont le présent comité et de futurs comités réussiront à établir des lignes directrices et des dispositions concernant ces fusions. Il y a trop de «si». Nous ne nous opposons pas aux fusions bancaires. Nous sommes cependant davantage préoccupés par la qualité du service, la concurrence et l'accessibilité au service. Si ces trois points sont garantis, j'imagine que nous pourrons approuver les fusions. Nous entretiendrons toujours, à l'occasion, un rapport ambigu avec nos institutions financières, mais il en va de l'intérêt des deux parties d'essayer de travailler ensemble et c'est ce que nous essayons d'accomplir.
Le sénateur Setlakwe: Je suis activement engagé dans votre collectivité depuis un certain nombre d'années et je pourrais passer l'après-midi à poser des questions au sujet du système bancaire et du secteur du commerce de détail. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit puisque je l'ai expérimenté. Nous ne devons pas tant nous préoccuper de la fusion des banques que de l'importance des changements qui se produisent dans les banques avant et après les fusions. C'est ce dont se soucie l'ensemble des détaillants.
Vous avez parlé d'un rapport personnel entre un directeur de banque et un détaillant. Je constate que la relation entre ceux-ci s'est détériorée parce que les directeurs de banques ont été éliminés ou que les banques ont réalisé des fusions avec des institutions financières situées dans d'autres villes et que les services ne sont plus aussi personnalisés qu'ils pourraient ou qu'ils devraient l'être. Il s'agit d'un important aspect du commerce de détail qui influence toutes sortes de détaillants.
Lorsque vous parlez de services qui seront disponibles si les fusions se réalisent, je crois que vous devriez également parler des types de services qui seront disponibles à ce moment-là. Je constate que les services actuels laissent à désirer.
Dans la province de Québec, de nombreux commerces de détail sont directement ou indirectement contrôlés par le gouvernement du Québec. Dans un grand nombre de cas, cela se produit parce que les institutions financières ordinaires ne sont pas disponibles ou qu'elles ne sont pas intéressées à financer ce type d'entreprise. Je soupçonne que les banques ne sont pas intéressées à obtenir un rendement de 3 p. 100 sur leur investissement lorsque le PDG indique que ses actionnaires s'attendent à obtenir un rendement de 18 à 20 p. 100 sur leur investissement. Le gouvernement accorde les prêts et ne se préoccupe ni du montant investi ni des rendements et des pertes puisque le gouvernement ne sait pas ce qu'il fait. Les pertes sont parfois énormes, et le gouvernement ne devrait pas accorder le financement. Ce sont les banques qui devraient accorder du financement. J'aimerais que vous exprimiez vos opinions à ce sujet.
Mme Brisebois: Je préfère ne pas émettre de commentaire au sujet de la façon d'agir du gouvernement du Québec dans sa sagesse de soutenir ou de ne pas soutenir des services financiers. Je suis cependant d'accord avec vous en ce qui concerne les défis que doivent affronter les détaillants et la façon dont ils sont perçus relativement aux risques inhérents aux prêts.
Le message le plus important qui ressort de votre intervention est que le défi majeur que doivent affronter de nombreux détaillants n'est pas qu'une décision relative à un prêt soit prise par un directeur d'une succursale locale, mais bien par un directeur dont le bureau est situé à une distance de 300 kilomètres. Si le directeur d'une succursale régionale située à Calgary décide d'accorder un prêt à un détaillant de Lethbridge, il ne comprendra pas grand chose en ce qui concerne la réalité de l'environnement et du type d'entreprise que dirige l'emprunteur. Cette situation donne lieu à une énorme quantité de défis.
La situation actuelle n'est pas parfaite, mais il n'est cependant pas encore temps de sonner l'alarme. Nous devons nous assurer que les fusions de banques ne fassent pas obstacle à la concurrence mais qu'elles contribuent plutôt à augmenter celle-ci au sein du marché.
Je crois que la plupart des détaillants pensent que plus la concurrence sera forte sur le marché, plus il y aura de services offerts aux échelons locaux et régionaux. Il y a plus d'une réponse au sujet de ce défi en ce qui concerne la façon dont les commerces de détail perçoivent les activités bancaires et inversement. Un environnement concurrentiel serait certainement utile aux commerces de détail du Canada.
Le sénateur Setlakwe: Permettez-moi de résumer la situation: les banques fusionnent et prennent de l'expansion. Ça prend de trois à cinq ans pour que leur système informatique fonctionne adéquatement. Elles s'intéressent manifestement aux nouvelles activités qu'elles tentent de créer. Dans quelle mesure pourront-elles maintenir le niveau d'accessibilité dont elles disposent maintenant si elles agissent ainsi?
Mme Brisebois: C'est supposer alors que les fusions ne permettent pas à d'autres concurrents de combler le vide. Il s'agit donc d'une question importante: Comment encourager d'autres groupes financiers, des institutions financières et d'autres corporations à s'engager au sein du marché afin de combler le vide qui peut exister après une fusion, tout en supposant qu'il y ait un vide? Les enjeux se résument aux problèmes liés à la concurrence, aux banques étrangères et au choix des personnes qui devraient déterminer les succursales dont il faudrait se débarrasser s'il y avait une fusion et qu'on supposait que ces dernières ne sont pas productives. Il s'agit des problèmes auxquels il faut s'attaquer.
Si ces problèmes sont abordés de façon appropriée, je crois que les services demeureront concurrentiels et que, de fait, ils pourraient même s'améliorer.
Le sénateur Setlakwe: D'après ce que nous avons entendu, les seuls nouveaux joueurs qui feraient leur apparition au sein du marché seraient les coopératives d'épargne et de crédit qui achèteraient des succursales dont se débarrasseraient des banques à charte ordinaires. Cela permettrait éventuellement aux caisses populaires du Québec d'étendre leurs activités.
Les banques étrangères font des allées et venues au Canada. La banque HSBC est la plus importante banque étrangère faisant actuellement affaire au Canada. La HSBC a choisi la vision traditionnelle en s'installant dans les zones régionales et métropolitaines. C'est très bien, mais s'agit-il du seul joueur à avoir adopté une telle attitude? Y en aura-t-il d'autres? Je ne sais pas. Ça ne semble certainement pas être le cas en ce moment. La HSBC n'a fusionné avec aucune autre banque. Son port d'attache est l'Angleterre et ses dirigeants traitent l'expansion de la banque dans d'autres pays sur une base individuelle. Je crois que c'est la meilleure façon de procéder.
Il y a une banque canadienne qui agit comme la HSBC. La Banque de Nouvelle-Écosse est très présente aux Philippines, par exemple, mais n'a pas fusionné avec une banque des Philippines. Il se peut qu'elle ait quelque chose à voir avec des banques locales, mais elle conserve la mainmise sur son argent, son investissement et sur les gens qui lui sont liés. Ça ne se passe pas ainsi au Canada et ça m'inquiète.
Le sénateur Kelleher: Vous avez cité un certain nombre d'éléments qui préoccupent de nombreux détaillants. Quel est le meilleur moyen de traiter ces préoccupations?
Il y a en réalité trois sources qui entrent en jeu lors d'une proposition de fusion. L'une d'elles est liée au Bureau de la concurrence et l'autre au ministère des Finances. La troisième est plutôt nébuleuse et n'entre en jeu qu'après que les deux premières se soient concrétisées. Je fais référence à l'intérêt public.
M. Clark, le nouveau président de TD Canada Trust croit que la définition actuelle de l'intérêt public est suffisamment claire. Il craint que les nouveaux règlements et les nouveaux critères ne s'accumulent dans le cadre d'un processus de fusion et que tout le monde soit pris plus qu'il ne faut dans la paperasserie.
De quoi devriez-vous vous préoccuper davantage? Du bureau de la concurrence, du ministère des Finances ou de l'intérêt public? Vous êtes sûrement tous conscients du flot de paperasserie coûteuse auquel vos membres doivent faire face. Je ne suis pas certain que vous soyez très enclin à accepter qu'il s'en ajoute encore au processus.
J'aimerais que vous me disiez dans quel cadre vous croyez que vos préoccupations devraient entrer en jeu. Où devraient-elles se situer afin que tous en soient avisés avant de prendre une décision?
Mme Brisebois: Je suppose qu'elles devraient faire partie des trois sources. Il faut qu'il y ait des discussions avec les différents ministères qui doivent traiter des fusions. Les discussions se déroulent de façon continue avec le Bureau de la concurrence au sujet de la disponibilité des services et de la nature concurrentielle du marché.
Nos membres tentent de trouver un moyen d'assurer que les intéressés et les comités qui étudient les fusions bancaires connaissent les préoccupations de la collectivité. Nos membres désirent savoir si ces derniers sont ouverts aux suggestions concernant les moyens de traiter ces préoccupations.
Nos membres sont extrêmement sensibles à la paperasserie. Je doute qu'ils soutiennent des mécanismes qui compliqueraient la tâche des institutions financières qui désirent exercer leur activité au Canada. Le problème de la disponibilité et du prix concurrentiel des services demeure cependant une préoccupation fondamentale. Il faut s'attaquer à ce problème. Nous y attaquons-nous dans le cadre des présents débats? Faut-il s'y attaquer de concert avec le Bureau de la concurrence ou le ministère des Finances? Je crois que tous les éléments mentionnés sont appropriés.
Nous tentons principalement de répondre aux besoins et aux préoccupations de nos membres d'une façon qui ne soit coûteuse pour personne. Nous visons à assurer une position concurrentielle sur le marché.
Je n'essaie pas de répondre aux questions d'un point de vue général. Je crois cependant qu'il s'agit d'une situation complexe. C'est la première fois que nous devons affronter ce problème. Je pense qu'il s'agit d'une situation inquiétante pour de nombreuses personnes parce qu'elles n'ont aucune idée de ce à quoi ressemblera le monde si les fusions se produisent.
J'ai lu certaines autres propositions et je constate que la plupart d'entre elles se font l'écho de nos préoccupations concernant la disponibilité et la qualité des services ainsi que la concurrence qui existe sur le marché. Nous savons tous que notre pays dispose d'une économie vigoureuse en matière de commerce de détail et que celle-ci permet de créer plus d'emplois que dans tout autre secteur. Nous devons nous assurer que le secteur du commerce de détail est fiable, solide et doté des services et du soutien qui lui permettent de croître et de prospérer.
Le sénateur Kelleher: Vous avez mentionné les problèmes créés par la fusion de Canada Trust et de la banque TD. Vous ne vous y êtes cependant pas attardé très longuement dans votre mémoire.
Mme Brisebois: Cette fusion est abordée à la page 4 du mémoire. Nous avons été clairs au sujet des consultations menées avec le Bureau de la concurrence en ce qui concerne les décisions prises après une fusion. M. Morrison a donné l'exemple pertinent de services de cartes de crédit aux marchands qui ont été vendus à un tiers sans que l'industrie ne sache ou ne comprenne l'impact d'une telle transaction. Je crois que ce sont des secteurs où nous pouvons jouer un rôle. Nous recommandons que les secteurs touchés soient consultés lors du transfert de services vers d'autres organismes. Nous pouvons fournir des renseignements sur la façon dont fonctionnent les entreprises maintenant ainsi que sur le pour et le contre concernant les changements qui pourraient se produire. Il s'agit d'un aspect important de la consultation.
Le sénateur Kelleher: Ce qu'a dit M. Morrison ne fait pas partie du mémoire. Le mémoire ne contient pas d'explications au sujet des problèmes éprouvés avec les compagnies de cartes de crédit. Pourriez-vous nous transmettre un supplément offrant un aperçu de ces problèmes? La documentation écrite a plus d'incidence auprès des bureaucrates du gouvernement et des exemples précis peuvent permettre d'obtenir le changement désiré.
Le Président: Merci. Il me fait plaisir d'accueillir notre témoin suivant qui représente l'Association des consommateurs du Canada.
M. Robert R. Kerton, doyen de la faculté des lettres de l'Université de Waterloo et représentant de l'Association des consommateurs du Canada: L'Association des consommateurs du Canada est une société sans but lucratif fondée il y a 52 ans. Elle possède des unités dans toutes les provinces et dans tous les territoires. L'ACC a été le principal groupe de défense de l'intérêt public à préconiser l'adoption de la Loi sur la concurrence.
Mes connaissances sont davantage liées au point de vue du consommateur en matière d'opérations bancaires qu'aux autres aspects de l'entreprise. J'ai aidé à superviser une certaine partie de la documentation relative au groupe de travail MacKay et j'ai également supervisé la rédaction de deux volumes qui ont été publiés et qui portent sur la recherche et l'intérêt des consommateurs.
Les banques canadiennes ont-elles presque atteint leur taille optimale? Sont-elles en bonne posture? Offrent-elles de bons services à leur clientèle?
Pour trouver des données ou des signes qui servent à expliquer cette question, nous pouvons étudier trois éléments. Penchons-nous d'abord sur les grandes fusions qui se sont produites. Je propose que nous étudiions la fusion de la FleetBoston qui a eu lieu en 1998. Cette fusion a permis de regrouper des banques américaines et de créer la septième plus importante banque au monde. La valeur des actions est en chute libre depuis la fusion en raison de problèmes d'ordre culturel et stratégique. La fusion n'a pas réussi.
Prenons ensuite l'exemple de la Banque de Tokyo Mitsubishi. Où est rendue cette banque aujourd'hui? Sa situation n'est pas très rose. Il n'est pas vrai que la taille de ces banques les a beaucoup aidées.
En troisième lieu, il faut considérer les études économiques indépendantes qui ont été réalisées au sujet des économies d'échelle des banques, et ainsi de suite. Des spécialistes indépendants ont recueilli une multitude de preuves et la plupart de ces preuves sont convaincantes.
Il y a souvent des arguments irréfutables en faveur de la fusion des petites banques. Cependant, lorsque celles-ci ont atteint une taille imposante, ce qui est le cas de nos banques canadiennes, nous devons nous poser la question suivante: Leur rendement s'est-il amélioré à cause des fusions? Il faut être prudents afin de ne pas créer un dinosaure au lieu d'un système amélioré puisque nous savons tous que les dinosaures n'ont pas connu une fin très heureuse.
Je crois qu'il existe deux stratégies d'expansion viables. Le Plan A vise à offrir un service de grande qualité axé sur la clientèle qui soit meilleur que celui des concurrents. L'étape suivante consiste à explorer d'autres marchés, à se surpasser et à étendre ainsi son marché. Le Plan B vise à monopoliser les marchés intérieurs afin de toucher des revenus encore plus élevés et à utiliser ensuite cet argent pour effectuer des percées à l'étranger. Le Plan A constitue la méthode de croissance profitable.
Certaines personnes qui se sont présentées devant ce comité favorisent le Plan B même si elles n'en ont jamais vraiment exposé les grandes lignes de cette façon. Le plan B contribuera à diminuer la compétitivité des entreprises canadiennes qui devront même verser des frais plus élevés. Le niveau de vie du consommateur canadien diminuera. L'économie nationale subira les contrecoups de l'expansion sur les marchés étrangers.
Il n'est pas nécessairement vrai que le fait de recueillir plus d'argent auprès des Canadiens tout en prenant de l'expansion à l'étranger soit bénéfique pour le Canada. Si vous vous reportez aux années 80, vous constaterez que les prêts à l'étranger n'ont pas été la force des banques canadiennes. C'est dans ce domaine qu'ont pu être observées les pertes les plus importantes.
Reportons-nous aux données de l'Institut national de la qualité qui indiquent les classements de 1997 en ce qui concerne les entreprises du secteur des services. Les organismes dont les services sont véritablement axés sur la clientèle tels que les hôtels et les pharmacies se classent en tête de liste. Il s'agit de domaines assez concurrentiels qui s'efforcent de faire passer l'intérêt du client avant tout. Ils ont un bon rendement. Si vous parcourez la liste vous constaterez que les coopératives d'épargne et de crédit se classent au troisième rang. Ce classement indique un excellent rendement. Parcourez de nouveau la liste et vous constaterez que les banques se classent au 17e rang. Ce nombre signifie qu'il s'agit, au mieux, d'un rendement moyen.
Si nous observons les données internationales, nous remarquons que la Suède représente le meilleur exemple en matière de rendement qualitatif. Ce pays dispose d'un système concentré.
Lorsqu'un système est monopolisé, le client ne fait pas l'objet d'autant d'attention. Tous ceux qui empruntent l'autoroute 407 comprennent jusqu'à quel point un monopole est synonyme d'indifférence en ce qui concerne les besoins de la clientèle. Les entreprises de câblodistribution constituent un autre exemple de service à la clientèle médiocre. Elles se classent au 20e rang, c'est-à-dire presque au bas de la liste. Le monopole exercé par les entreprises de câblodistribution signifie que celles-ci ne sont pas vraiment intéressées à répondre à vos appels.
Le service à la clientèle est l'un des aspects qui souffre de la mise en place des fusions et qui affecte la souplesse de la banque. Lorsque je fais référence au Plan A, «A» représente la souplesse dont nous désirons profiter de la part des banques canadiennes. Nous agissons probablement du mieux que nous le pouvons compte tenu de la structure existante.
Le sénateur Oliver: L'objectif principal de ces réunions est de protéger l'intérêt du public en ce qui concerne les fusions. Je crois que l'intérêt du public entrera en ligne de compte lorsque le BSIF et le Bureau de la concurrence auront terminé leurs évaluations. Il y aura ensuite d'autres discussions concernant l'accès au crédit des consommateurs et la façon dont les employés et les banques seront traités au cours de la période de transition.
Selon vous, quelles sont les données dont il faut tenir compte en matière d'intérêt public? Quels sont certains des éléments clés qui devraient faire partie de la liste des préoccupations relatives à l'intérêt public et qui devraient être analysés par ce comité et par le comité de la Chambre des communes? Devrions-nous nous préoccuper de l'accès au crédit des petites entreprises ou est-ce un sujet qui relève du Bureau de la concurrence?
M. Kerton: Le Bureau de la concurrence peut traiter plusieurs de ces considérations relatives à l'intérêt public. L'accès au crédit représente une question intéressante parce que, si la concurrence que vous devez affronter est vigoureuse, vos vendeurs feront des pieds et des mains pour trouver des emprunteurs. C'est ce que recherche le petit emprunteur. Cependant, après 1980, les grands emprunteurs ont constaté qu'il était trop onéreux de traiter avec les institutions canadiennes et ont, par conséquent, décidé d'emprunter à New York et à Zurich, évitant ainsi de passer par un intermédiaire. Cette procédure s'appelle la «désintermédiation» financière.
Dans ce cas il est possible d'observer le fonctionnement des marchés. Les entreprises s'aperçoivent que les banques canadiennes sont moins efficaces que les vendeurs qui sont à l'étranger.
Les très grandes entreprises, particulièrement les multinationales, ont pu s'échapper, laissant les petites entreprises traiter avec des institutions qui ne font pas preuve d'autant de souplesse que ce que nous aurions espéré.
Lorsque le Bureau de la concurrence tient compte de ces questions, il se penche sur la concurrence étrangère, que le groupe engagé dans la fusion ait échoué ou qu'il soit sur le point d'échouer, et sur la disponibilité de produits de remplacement ou de barrières pour affronter la nouvelle concurrence qui apparaît sur le marché. L'entrée sur le marché doit être examinée parce que ce phénomène n'a pas été souvent observé. Nous avons tenté d'assouplir certains règlements. Vous remarquerez que la part de marché de la Banque ING est très faible.
Le sénateur Oliver: Elle augmente. Il ne s'agit que d'une banque virtuelle mais sa part de marché augmente.
M. Kerton: Nous voulons une force qui soit assez solide pour insuffler une concurrence réelle sur le marché. Nous avons tenté d'obtenir une hypothèque auprès de la Banque ING et celle-ci ne nous est pas apparue comme un choix très utile.
Il y a dix ans, la Banque de Montréal avait une stratégie qui lui permettait de maintenir son taux hypothécaire à un niveau légèrement inférieur à celui de ses concurrents. L'Association des consommateurs peut applaudir cette stratégie en tant que stratégie basée sur la qualité et la concurrence par les prix. Toutefois, sa part de marché n'a augmenté que lentement et marginalement. Cette situation semble être très délicate. Les coûts liés à un changement de banque sont apparemment élevés. On peut essayer de trouver des façons de maîtriser cette situation.
L'un des sept facteurs dont le Bureau de la concurrence tient compte, et qui est très important, est l'éventuelle suppression d'un concurrent puissant. Lorsqu'il n'y a plus que cinq ou six grandes banques, elles se retrouvent dans une situation où elles n'ont plus aucun élément de discussion. Elles pratiquent le «parallélisme conscient», ce qui signifie qu'elles agissent toutes de la même façon. Lorsque c'est le cas, le service au petit prêteur n'est pas nécessaire. Le taux de rendement visé passe à 16 ou 17 p. 100 sur le capital et les petits clients qui n'offrent que des rendements de 6 ou 7 p. 100 ne sont plus indispensables.
Le sénateur Oliver: Vous abordez des questions que le Bureau de la concurrence peut examiner, doit examiner, et a l'habitude d'examiner. La suppression d'un concurrent n'est pas considérée commet faisant partie d'un test d'intérêt public.
Je suis intéressé par les éléments dont le BSIF ou le Bureau de la concurrence ne s'occupe pas, mais qui devraient être traités par les politiciens voulant se faire une idée de l'intérêt public. Quelles sont les questions que les deux autres agences ne traitent pas?
M. Kerton: Vous devriez essayer d'identifier tout d'abord les caractéristiques de la qualité, car l'un des éléments qui pâtit le plus du passage à une situation de monopole est l'attention aux clients. Nous avons besoin de mesures de la qualité.
Lorsque nous avons examiné la compagnie de téléphone, nous nous sommes demandé le temps qu'ils mettent à répondre à un appel d'un client concernant un problème. On peut mesurer le temps qu'il faut pour répondre à un client. C'est une question de qualité.
L'autre élément important est la qualité des documents. Les banques canadiennes implantées aux États-Unis doivent travailler à un degré de service plus élevé. Elles doivent produire des documents très intelligibles. Pour réussir sur le marché américain, il faut livrer des documents de meilleure qualité que ceux que nous utilisons sur les marchés canadiens, moins concurrentiels.
Une petite entreprise va s'intéresser à des questions de cet ordre plutôt que d'essayer d'attirer l'attention d'une banque pour un emprunt qui ne rapportera que 6 p. 100.
Le sénateur Oliver: Vous dites que grand n'est pas forcément meilleur. En tant que représentant d'une association de consommateurs, vous n'êtes pas en faveur des fusions interbancaires et certains de vos arguments indiquent que même sur le marché mondial il n'est pas prouvé que les fusions aideraient nos banques canadiennes. C'est bien cela?
M. Kerton: Oui, absolument.
Vous pourriez aussi aborder la question de l'innovation. L'innovation est-elle favorisée ou défavorisée par la monopolisation du marché canadien?
Le sénateur Oliver: Les banques affirment que si elles fusionnent, elles pourront investir plus d'argent dans la technologie et l'innovation.
M. Kerton: Existe-t-il un bon moyen de déterminer où en sont les banques canadiennes dans ces domaines, par rapport aux banques des autres pays? Cela pourrait constituer un bon champ d'enquête.
Les preuves seraient mixtes. Certaines personnes appartenant au milieu bancaire utilisent les coefficients de rendement pour montrer la bonne utilisation qu'ils font du capital de leur banque. Les rapports peuvent être comparés à une banque australienne centralisée, ou à une banque américaine qui subit une concurrence plus forte.
Ça vaut le coup d'aborder ces questions. Je vous suggère d'ajouter le concept de qualité à la notion d'efficacité et de vous demander ce qui arrive aux innovations qui influent sur la qualité. Mon opinion est que les banques canadiennes sont en train de devenir les chefs de file en matière de technologie des GAB et autres technologies. Elles deviennent des chefs de file alors qu'elles n'ont que leur taille actuelle. Il est vrai qu'elles bénéficient d'une bonne coopération d'arrière- plan. Toutefois, il s'agit d'un bon arrangement, n'est-ce pas? Elles n'ont pas besoin de fusionner pour obtenir de la coopération dans le domaine de l'informatique.
Le sénateur Oliver: La plupart de nos banques aimeraient traverser la frontière et prendre de l'importance aux États- Unis. La CIBC a dû se retirer des États-Unis parce qu'elle perdait trop d'argent, n'ayant pas assez de poids pour mener à bien cette tâche.
M. Kerton: J'aurais dû amener les titres parus dans les journaux américains. Lorsque la CIBC et d'autres sont entrées pour absorber la Winn-Dixie, on lisait à la une des journaux: «Les banques géantes du Canada menacent les marchés américains». Ces banques sont déjà grandes.
J'ai pensé que la stratégie de la CIBC était bonne et qu'elle allait fonctionner, cependant elle a échoué car les clients américains sont habitués aux services bancaires au volant donc un GAB n'était pas aussi utile pour eux que pour nous au Canada. Le modèle bancaire est différent aux États-Unis. L'installation de GAB dans les supermarchés alors que les gens ont l'habitude d'effectuer leurs transactions sans sortir de leur voiture n'a finalement pas été une stratégie efficace.
Le sénateur Oliver: Alors pourquoi n'ont-ils pas installé de service bancaire au volant au supermarché?
M. Kerton: Je l'ignore et à ce point nous ne faisons que des suppositions sur les intentions des banques. Elles ont bien abattu leurs cartes mais elles ont échoué. Je ne pense pas vouloir les critiquer pour avoir essayé. C'est justement ce que nous voulons qu'elles fassent. Nous préférons les voir essayer de nouvelles stratégies et réussir, au lieu de faire d'énormes emprunts pour tenter de gagner une petite part des grosses sommes disponibles sur le marché monétaire américain, avant l'arrêt de la dernière vague de fusions.
Le consommateur canadien doit être plus inquiet si l'intention des banques est de rassembler des fonds au niveau national, pour aller ensuite sur le marché monétaire New Yorkais et essayer de concurrencer des firmes spécialisées en matière de fusions. Vous ne voulez pas que les banques canadiennes vendent à perte. C'est ce qui est arrivé, dans une certaine mesure. Pensez à la retraite que nous avons dû organiser en raison de l'état de guerre qui régnait aux Canaries dans les années 80. Deux des principales banques ont passé 800 millions de dollars aux profits et pertes, chaque année, pendant cinq ans. Où ont-elles pris cet argent? Il provenait du marché de détail. Autrement dit cet argent provenait de nos frais bancaires.
Si leur argument est de vouloir aller à l'étranger, alors elles doivent réussir grâce à leur rapidité et leur souplesse, Plan A, et non par l'utilisation des recettes des monopoles du marché canadien, Plan B, pour subventionner les mésaventures qui ont lieu à l'étranger.
Le président: Monsieur Kerton, considéreriez-vous que l'achat de la Harris Bank par la Banque de Montréal est un bon investissement?
M. Kerton: Absolument, oui.
Le président: Ils sont allés aux Etats-Unis, ont acheté une banque et ils ont bien fait. Je crois que nous parlons là d'une administration médiocre plutôt que d'une mauvaise stratégie.
M. Kerton: Au cours des 10 dernières années les banques n'ont pas acquis de succursales américaines car elles se vendaient excessivement cher. On devrait féliciter les banques canadiennes pour cela. Ne pas acheter a été une bonne stratégie et nous avons ainsi évité des pertes d'argent.
L'achat de la Harris Bank a été un achat positif. Il ne s'agissait pas d'un géant bancaire américain. Toutefois, on voit désormais les banques canadiennes se rendre sur le marché américain et racheter des chaînes de 100 ou 200 succursales parce que les prix des avoirs américains ont chuté. Par conséquent, ce qui se passe est considéré comme étant très judicieux dans le domaine de l'économie. C'est-à-dire acheter des avoirs à des prix raisonnables au lieu de dépenser des fortunes pour les acquérir.
Regardez l'enquête sur les fusions dans le BusinessWeek du mois d'octobre. Cette enquête inclut les fusions les plus importantes des trois ou quatre dernières années. Soixante et un pour cent de ces fusions ont été des échecs; l'acquéreur payait trop cher. C'est également le cas pour la fusion de la FleetBoston. Le phénomène des fusions bancaires n'a pas de bonnes bases en économie; il repose sur des prévisions de bénéfices irréalistes et des prix d'achat trop élevés.
Les banques canadiennes n'ont pas fait cela. Je ne vois aucune raison de les critiquer pour un choix de stratégie raisonnable, même si ça n'a pas été une pleine réussite.
Le président: Je trouve que certains des renseignements que vous venez de nous donner sont incomplets. Vous parlez de l'échec des fusions des banques japonaises. Cependant, vous ne précisez pas qu'au Japon, c'est le gouvernement qui dirigeait la plupart des prêts importants. La situation est différente au Canada.
M. Kerton: J'ai utilisé l'exemple des banques japonaises parce qu'elles avaient déjà été utilisées en 1996 pour démontrer que les banques canadiennes étaient trop petites. Sans cela, je n'aurais pas choisi cet exemple.
Le président: Vous venez de le faire. Vous les avez citées en exemple.
M. Kerton: Nous devons demeurer tout aussi prudents maintenant. On nous a dit que les banques canadiennes étaient trop petites pour rivaliser avec les géants bancaires japonais, et c'est finalement faux. Les banques canadiennes réagissent plus vivement que les banques japonaises.
Le président: Elles sont trop petites pour rivaliser avec les banques japonaises au Japon.
M. Kerton: Vous ne voulez pas être obligé d'aller au Japon pour faire des emprunts forcés comme l'ordonne la banque.
Le président: Comme l'ordonne le gouvernement.
M. Kerton: Bien sûr. Veuillez m'excuser.
Les banques canadiennes possèdent cette capacité d'évaluation. Il est raisonnable d'acheter un établissement de taille moyenne à l'étranger et des gestionnaires bien avisés, car ce sont ces personnes qui comprennent la culture.
Citibanque a réussi en Asie au cours des années 70 et 80 grâce à sa façon de procéder; elle a surclassé toutes les banques locales en achetant les opérateurs locaux les mieux avisés et a amélioré ses niveaux de service, que les banques locales étaient incapables d'atteindre.
Le président: Votre message est: «Soyez un bon homme d'affaires.»
M. Kerton: Vous devez faire preuve de rapidité et de souplesse. L'idée que vous devez grossir et devenir un gros dinosaure nous préoccupe. À long terme, ce dinosaure peut être racheté ou englouti par une banque étrangère, en fonction des modifications législatives futures.
C'est une question de concurrence. Jusqu'à quel point ces institutions financières géantes sont-elles capables de servir l'ensemble des utilisateurs canadiens, des entreprises jusqu'aux consommateurs? La réponse dépend fortement de la concurrence, et dans une certaine mesure, du degré d'agressivité du consommateur. Les consommateurs peuvent aider les banques à réagir plus vivement et à améliorer la qualité de leur service. Donc lorsque vous vous rendez à l'étranger, la banque peut très bien fournir un niveau de service plus élevé que les banques américaines, par exemple.
La partie n'est pourtant pas terminée. La méthode d'expansion aux États-Unis consistant à être souple et rapide, à acheter des banques de taille moyenne et à utiliser une technologie de pointe afin d'augmenter la part de marché, est plus lente que la méthode qui consiste à s'engloutir les uns les autres une fois de retour au Canada. Toutefois, à long terme, elle a une plus grande chance de servir les Canadiens.
Le président: Je vous remercie de votre participation.
Notre témoin suivant est également un téléparticipant, donc nous procédons simplement au changement.
Nous poursuivons notre étude des implications que les fusions de grandes banques ont dans l'intérêt public.
M. Larry M. Pollock, président et chef de la direction, Canadian Western Bank: Canadian Western Bank a vu le jour en 1948, à titre de banque de l'annexe 1. Nos actions sont inscrites à la Bourse de Toronto et font partie de l'indice 300. Nous possédons 27 succursales à travers le Canada. Notre siège social se trouve ici à Edmonton. Nous employons 600 personnes. Nous possédons, en exclusivité, une société de fiducie dont le siège se trouve à Vancouver. Ce qui fait la particularité de notre banque, c'est que nous desservons quelque 7 000 comptes de prêts commerciaux et 87 p. 100 de nos prêts sont de nature commerciale. Nous comptons également 180 000 comptes de dépôt.
Notre stratégie consiste à offrir un service personnel de très grande qualité, et notre croissance s'est établie entre 10 et 15 p. 100 par année. Ces chiffres démontrent que les petites banques peuvent croître.
Canadian Western Bank appuie le processus des fusions pour plusieurs raisons. Selon les normes mondiales, les grandes banques canadiennes sont petites. Les fusions accroissent la taille, ce qui augmente le capital. Le capital accru offre la possibilité de devenir concurrentiel en termes de technologie et d'offrir des produits qui exigent un volume important. Lorsque je parle de volume, je veux dire celui d'articles comme les cartes de crédit et cetera.
Traditionnellement, le Canada n'a pas favorisé le démarrage des petites banques. Le système fiscal, par exemple, constitue l'un des obstacles taxant le capital avant même qu'il n'y ait eu des bénéfices. Nous devrions établir un milieu qui favorise les nouvelles banques, de manière qu'elles puissent concurrencer les grandes.
Les États-Unis disposent de quelques banques d'envergure mondiale et de plus de 8 000 petites banques qui se font concurrence dans l'offre de services aux collectivités. Nous devrions permettre à nos grandes banques de devenir concurrentielles au niveau mondial par le biais des fusions, et permettre aux petites banques de se substituer aux grandes là où les fusions ont entraîné un vide.
Comment remplir le vide? Nous devrions soutenir les nouvelles banques et trouver un moyen de transformer les coopératives d'épargne et de crédit importantes en banques communautaires ou régionales. Pour ce faire, nous aurons besoin d'un organe de réglementation fédéral commun, des exigences uniformes concernant les capitaux, des structures qui font en sorte qu'on puisse avoir accès aux marchés des capitaux pour augmenter le capital et une formule uniforme d'assurance des dépôts à travers la SADC.
Le régime fiscal devrait être révisé; une coopérative d'épargne et de crédit dont les actifs atteignent 7 milliards de dollars est imposable en tant que petite entreprise, tandis qu'une banque dont les actifs ne dépassent pas un milliard de dollars est imposée en tant que grande entreprise. Il faut en arriver à rééquilibrer les choses si nous souhaitons voir croître et prospérer les petites banques.
Les obligations résiduaires résultant des fusions pourraient faire en sorte que les petites banques, comme la Canadian Western Bank, la Banque Laurentienne du Canada, les coopératives d'épargne et de crédit et les banques étrangères soient autorisées à acquérir les succursales excédentaires et leurs clients. Cela serait défini avant l'approbation de la fusion. Les mises à pied constituent une autre obligation résiduaire. L'une des conditions pour l'approbation de la fusion serait de limiter les réductions des effectifs. Pour pallier la perte de services dans les petites agglomérations, on pourrait obliger les banques fusionnées à conserver au moins un emplacement ouvert au public.
Les Canadiens sont nombreux à utiliser les guichets automatiques bancaires. La perte d'accès aux services ne devrait pas être quantifiée uniquement en fonction des fermetures de succursales, mais également en fonction de toutes les formes de services. La fusion des grandes banques permettra au Canada de mettre au point un système plus efficace de commercialisation de produits financiers et fera de la place aux nouveaux arrivants. Nous devons établir un milieu favorable à l'épanouissement de la concurrence. Le statu quo ne fera que maintenir, à peu de choses près, les parts de marchés au même niveau, et la stature internationale des grandes banques du Canada s'érodera. Nous ne croyons pas que cela constitue le scénario idéal.
Je crois qu'en ce qui concerne le Canada, il est très important de mettre au point un système bancaire concurrentiel au plan international pour permettre à nos entreprises de préserver leur capacité concurrentielle tant au niveau canadien qu'au niveau international. Un système surréglementé, surtaxé et suffocant fera sûrement en sorte que nos banques deviennent des institutions de deuxième ordre. Les Canadiens, dont les épargnes et les retraites sont investies dans des actions de banques ne réaliseront jamais la vraie valeur de leurs investissements si les banques ne peuvent pas croître et prospérer.
Il est dommage que les Canadiens ne croient pas qu'ils bénéficient d'un excellent accès au service offert par le système bancaire. Ils bénéficient d'un excellent service et des prix peu élevés que leur offrent nos banques. Prenons une mesure courageuse et progressiste vers un développement plus grand de notre système bancaire en permettant à nos importantes institutions d'être concurrentielles mondialement et, parallèlement, de développer un milieu où les nouvelles petites banques à vocation régionale ont accès à des capitaux, à une structure fiscale favorable et un régime réglementaire qui harmonise les objectifs communs.
Le sénateur Meighen: On nous demande de faire au ministre des commentaires sur la question de l'intérêt public. Vous êtes de ceux qui croient que les fusions des banques sont dans l'intérêt public.
M. Pollock: Oui, absolument.
Le sénateur Meighen: Évidemment, vous pensez que les fusions vous apporteront de nouvelles possibilités d'affaires.
M. Pollock: En examinant le passé, vous constaterez que la part de marché des cinq grandes banques n'a pas beaucoup évolué. Si nous maintenons le statu quo dans ce pays, l'espace manquera aux petites institutions pour grandir et se développer. Si nous permettons à nos banques plus importantes de fusionner et de former une entité plus efficace au plan de la technologie, nos clients peuvent utiliser cette entité pour faire émettre des lettres de crédit, pour financer le commerce, pour des cartes de crédit, pour la compensation et pour d'autres choses que les petites banques ne peuvent offrir qu'à prix très élevé, mais qui pourraient tirer avantage des banques plus importantes et plus efficaces.
Le sénateur Meighen: L'un de nos témoins d'hier a dit que les fusions n'étaient pas mauvaises, tant qu'il reste au moins trois grandes banques. En convenez-vous?
M. Pollock: Je crois qu'il serait bon d'en avoir plus d'une. Il y aurait quand même de la concurrence au sommet s'il y avait deux banques. Je crois que cela dépend de la façon dont le marché restant sera desservi. S'il est bien desservi, je ne pense pas que le choix d'un nombre particulier de banques constitue un critère de croissance et de développement de notre système.
Le sénateur Meighen: Nous ne choisirions pas facilement le nombre un, n'est-ce pas?
M. Pollock: Cela dépend si le nombre deux est de 10 ou 20 p. 100 plus petit que le nombre un, il pourrait toujours y avoir de la concurrence. La majorité des autres pays ont en général un acteur dominant et plusieurs plus petits. Je ne m'arrête pas à un nombre particulier.
Le sénateur Meighen: À la page 2 de votre document d'information, vous dites que nous devrions soutenir de nouvelles banques et trouver le moyen de transformer les grandes coopératives d'épargne et de crédit du Canada en banques communautaires ou régionales. Pourquoi devraient-elles être transformées? Pour instaurer une plus grande concurrence?
M. Pollock: Les banques moins importantes sont très peu nombreuses dans ce pays. Nous sommes une banque, parmi d'autres, qui a survécu et prospéré en exploitant un créneau précis. Non seulement il nous a fallu livrer concurrence aux grandes banques, mais également à des coopératives d'épargne et de crédit ainsi qu'à d'autres institutions telles que la Alberta Treasury Branch, qui compte des dépôts de 12 milliards de dollars. L'assurance dépôt est présente partout, mais nous opérons surtout dans les quatre provinces de l'Ouest: la Colombie-Britannique impose une limite de 100 000 $ d'assurance dans le cas des coopératives d'épargne et de crédit, en Alberta il n'y a pas de limite et tous les dépôts sont assurés pour la totalité de la somme, les chiffres diffèrent au Manitoba et en Saskatchewan.
Nous devons nous contenter de la limite de 60 000 $ imposée par la SADC, ainsi si un client voulait déposer un million de dollars, il peut le faire dans une coopérative d'épargne et de crédit et obtenir une garantie totale sur ces fonds. Il ne peut pas le faire chez nous, il ne peut être assuré que pour la somme de 60 000 $. Il nous faut livrer concurrence à ce niveau. Si des coopératives d'épargne et de crédit importantes, comme VanCity et CoastCapital, qui sont nettement plus grandes que nous, normalisaient l'assurance dépôt et les règlements, elles pourraient sortir de leur sphère et nous livrer concurrence. Leurs clients pourraient changer de province tout en conserver la même assurance. Elles pourraient également croître et s'étendre. Je ne prétends pas qu'il faille les limiter, nous devrions leur délier les mains et les laisser concurrencer les autres en vue d'accroître leurs parts de marché. En allant au fond des choses, vous constaterez que les parts de marché n'ont pas beaucoup évolué, mais elles se sont mutuellement consolidées pour croître.
Le sénateur Meighen: Vous avez également fait remarquer qu'une coopérative d'épargne et de crédit est imposée à un taux inférieur à celui de votre banque. Est-ce dû au fait que ce soit des entités séparées?
M. Pollock: Elles sont taxées en tant que petites entreprises, conformément à une politique qui date de plusieurs années. Elles étaient qualifiées de petites entreprises, mais elles ne sont plus petites maintenant. Je ne sais pas si l'on peut classer parmi les petites entreprises une coopérative d'épargne et de crédit dont les actifs atteignent 7 milliards de dollars. Une coopérative d'épargne et de crédit peut déduire des impôts les dividendes qu'elle accorde à ses sociétaires, alors qu'une banque est imposée, à titre de grande entreprise, à un taux plus élevé et ne peut déduire ses dividendes. Il y a des anomalies. Nous pourrions adopter un système qui leur permette de se transformer en banques. La CS CO-OP d'Ottawa a maintenant une charte bancaire et VanCity a sa propre Citizen's Bank, mais aucune des deux n'a eu le courage de se démutualiser.
Le sénateur Meighen: Je n'ai jamais compris pourquoi nous n'avons pas du tout d'institutions financières de deuxième niveau qui s'agrandissent. Comme vous le dites, si l'on permettait aux banques de fusionner, peut-être que cela établirait un terrain favorable à leur expansion.
M. Pollock: Oui.
Le sénateur Meighen: Nous avons entendu des témoignages voulant que la banque électronique constitue un moyen de répondre aux besoins des collectivités qui ne bénéficieraient pas d'une ou deux succursales. Toutefois, les frais des opérations bancaires électroniques ne semblent pas diminuer inversement au volume croissant. Ai-je raison? Quelle en est l'explication?
M. Pollock: C'est au client de choisir d'utiliser ou non ces services. Si d'effectuer un transfert électronique coûte dix cents de plus que quand on le fait en ville, je vous dirais qu'il en coûte plus cher d'essence que de faire un transfert électronique. De nombreux habitants des campagnes utilisent très adroitement tous les types de services électroniques, en particulier Internet.
Le sénateur Meighen: Ce service est-il en expansion dans votre banque?
M. Pollock: Oui, très peu. Nous visons à nous spécialiser et à offrir un service personnalisé haut de gamme appuyé par des services électroniques. Le client privilégie le service personnalisé, s'il ne souhaite pas bénéficier d'un service personnalisé, il n'a qu'à se prévaloir des versions électroniques de ce service. D'autres institutions ont adopté le cheminement inverse. Elles enregistrent le client en espérant ne plus jamais le revoir.
Notre créneau est quelque peu différent. Nous avons été capables de réaliser une croissance des ventes au détail de plus de 10 p. 100 en offrant un service personnalisé et en étant différent.
Le sénateur Meighen: Toutes les banques disent qu'elles apprécient leurs activités de détail. Les clients au détail ne trouvent pas toujours qu'ils sont appréciés autant qu'ils voudraient l'être.
M. Pollock: Voilà qui m'enchante. Le succès de notre banque est attribuable à notre particularité. Nous avons trouvé un créneau, celui de desservir les petites et moyennes entreprises de l'Ouest canadien. Nous avons réalisé une expansion de plus de 10 p. 100 par année au cours de nos 18 ans et ce, parce qu'il y a un marché réel à desservir.
Nos prêts sont constitués de 80 p. 100 de prêts commerciaux. Nous pensons que nous pouvons surclasser de nombreuses banques tout en obtenant un meilleur rendement du capital investi. Nous réalisons le meilleur rendement du capital investi du secteur. Nous avons la plus faible base de coûts ou coefficient de rendement du revenu du secteur. Nous avons également le coefficient le plus élevé du secteur en termes de rapport entre avoir des actionnaires et passif, mais nous pouvons faire concurrence aux autres. Vous pouvez être un acteur commercial tant que vous le faites correctement. Trouvez un créneau.
Je dis que toutes les petites institutions évolueront. Elles choisiront des créneaux et en deviendront des spécialistes. Une banque comme la nôtre peut concurrencer n'importe laquelle des cinq grandes en matière de prêts commerciaux de marché moyen, mais nous pourrions trouver difficile de les concurrencer au détail, marché dont les clients recherchent des services de courtage, de fonds mutuels, et cetera. En majorité, nos services au détail sont très simples.
Le sénateur Setlakwe: Quand prévoyez-vous pénétrer l'est canadien?
M. Pollock: On nous le demande sans cesse. Nous sommes partis de zéro part du marché de l'ouest canadien pour atteindre 4 ou 5 p. 100. En ce qui nous concerne, le terrain ici est fertile et les fruits faciles à cueillir.
Le sénateur Setlakwe: Vous ai-je bien compris lorsque vous avez dit que vous étiez en faveur des fusions parce qu'elles vous offriraient de meilleures chances de vous élargir si les grandes banques évacuaient le terrain?
M. Pollock: C'est possible. Cela forcerait les autorités de réglementation et les décideurs à examiner le secteur au Canada et à conclure, «établissons un milieu qui permette aux petites institutions de croître et de prospérer plus facilement qu'avant.»
J'ai examiné, l'autre jour, le bilan d'une banque récemment constituée. Elle n'avait pas encore réalisé de profit, ce qui ne me surprend pas. Toutefois, elle remet déjà des chèques à l'impôt. En réalité, elle se fait confisquer son capital avant d'avoir eu la possibilité de s'élargir et de produire un flux de bénéfices.
Ce genre de chose devrait être changé pour permettre à ces institutions de croître et de se développer. Elles pourraient ensuite payer des impôts à partir de ses revenus, plutôt qu'à partir de sa source de capital.
Le sénateur Setlakwe: Souhaiteriez-vous que dans l'éventualité de leur fusion, elles évacuent un secteur que vous pourriez occuper plus facilement?
M. Pollock: Oui, je le crois. J'adopte par ailleurs l'approche des 40 000 pieds et pose la question de savoir ce qui satisfait le mieux à l'intérêt du pays. Il existe dans ce pays des clients corporatifs et commerciaux de forte taille qui traitent à l'échelle du globe. Si nos banques ne sont pas commercialement concurrentielles face aux plus importantes banques du monde, la question se pose de savoir comment ces entités commerciales seront desservies? Elles devront avoir recours à des banques américaines ou européennes pour répondre à leurs besoins. J'en ai vu des exemples pratiques. Nous ne pourrions pas nous appuyer sur la grande banque pour ces services financiers commerciaux et lettres de crédit à d'autres pays dans lesquels elle oblitérera, pour notre compte, ces facilités.
Le sénateur Prud'homme: Je suis un nouveau membre de ce comité, bien qu'ayant passé 40 ans à l'écoute au Parlement. Les banques disent qu'il est plus facile d'être concurrentiel lorsqu'on est grand, et qu'elles pourraient être plus grandes si elles pouvaient pénétrer le marché des États-Unis. J'ai des doutes lorsque je les entends dire qu'elles devraient s'installer aux États-Unis.
Je voudrais que vous m'aidiez dans ma réflexion. À l'occasion, nous comparons des choses qui ne devraient pas l'être. Tous les pays d'Europe sont petits à comparer avec le Canada. Le Canada est vaste et reflète une diversité et des susceptibilités régionales. Je me méfie des comparaisons avec l'Europe où il est plus facile d'être plus petit.
Je ne crois pas que l'ensemble de la région sera mieux desservi en allant tous azimuts, trop vite et sans avoir analysé et examiné soigneusement les tenants et les aboutissants pour les régions moins importantes. Les habitants des Prairies se méfient des grandes banques, parce qu'une grande banque est synonyme de Toronto. Cela est peut-être injustifié, mais c'est ce que j'entends dire tout le temps.
Est-ce juste de comparer le Canada à d'autres pays? J'ai accumulé pendant 30 ans des prévisions d'économistes. Je m'étonne de voir ce que les économistes avaient prédit il y a 20 ans pour notre période actuelle. Il va sans dire qu'ils s'étaient complètement fourvoyés.
Nous avons toujours dit que le Canada dépensait beaucoup plus d'argent en énergie que n'importe lequel des pays européens. Il semble que ne tenions pas compte du fait que le Canada soit un grand pays et que nous voyageons plus, ce qui revient donc plus cher. Nous en arrivons toujours à la conclusion que le Canada est énergivore à comparer à n'importe lequel des petits pays.
Êtes-vous convaincu du fait que nous ne puissions pas avoir, au Canada, le meilleur système bancaire en instaurant une plus grande concurrence à l'intérieur du Canada, en multipliant les banques de plus petite taille dans les régions moins importantes, plutôt qu'en réalisant ce qui semble être le rêve de tous les grands banquiers, c'est à dire d'aller aux États-Unis où une mauvaise décision pourrait balayer nos banques?
M. Pollock: J'en ai eu un exemple utile récemment. Au cours d'une transaction importante, l'un de nos clients avait acheté des biens d'un autre pays, de l'ordre de plusieurs centaines de millions de dollars. Il lui fallait échanger une somme importante en devises. Aucune des banques canadiennes ne pouvait l'accommoder. La transaction a donc été réalisée conjointement par deux banques, l'une européenne et l'autre américaine.
Pour servir un fabricant, ou quelqu'un qui achète de nombreux biens étrangers, le plus efficacement possible — s'agissant de prêts ou d'autres services — seules les grandes institutions sont en mesure de le faire. À l'autre extrême, de nombreuses moyennes et petites entreprises, ainsi que des particuliers, se suffiraient de quelques institutions de deuxième échelon ou d'acteurs régionaux de plus petite taille.
Il y a deux aspects à la question. Il ne s'agit pas seulement du service aux Canadiens dans le statu quo. Pour progresser et rester en tête du peloton mondial, nous devrions peut-être disposer d'institutions qui soient bien placées mondialement pour livrer concurrence à n'importe qui en vue d'instaurer un autre échelon d'institutions qui sont en mesure de répondre aux besoins du public.
Le sénateur Kelleher: Comme vous le savez, le gouvernement nous a demandé d'examiner le sens du terme «intérêt public». Le président de la Banque Toronto Dominion a dit, lors de sa comparution devant nous, ignorer pourquoi il fallait l'examiner. Il me semble clair que le terme «intérêt public» signifie l'intérêt public. Je m'inquiète du fait que nous puissions être freinés par de nombreux règlements et de nouveaux critères. Nous avons suffisamment de paperasserie dans le secteur bancaire et je ne voudrais pas voir autre chose venir alourdir ce qui l'est déjà suffisamment.
Par ailleurs, certains PDG déclarent que le terme intérêt public signifie une certaine chose et d'autres prétendent que c'est autre chose. Qu'en pensez-vous?
M. Pollock: Je suis PDG de cette banque depuis 14 des 18 ans d'existence de la banque. Au cours des dernières années, j'ai remarqué que la réglementation a évolué positivement à plusieurs égards au fil des années. Elle est devenue également quelque peu pesante et coûteuse du fait du nombre important d'organes de réglementation qui régissent les banques. Par exemple, les banques vendent actuellement une assurance vie pour créditeur en vue d'assurer les prêts qu'elles accordent. Les provinces s'attaquent au gouvernement fédéral en arguant essentiellement que c'est d'elles que relève la réglementation de l'assurance vie pour créditeur vendue dans les provinces. Vous ne pouvez, toutefois, pas réglementer un produit au sein d'une institution de taille qui vend ce produit partout et qui fait des affaires dans d'autres pays.
Vous devriez probablement envisager la normalisation des règlements de façon à ce qu'Ottawa le fasse pour le bien de tout le pays. Nous avons, maintenant, des autorités de réglementation dans chaque province en plus de celles d'Ottawa, comme la SADC. Une entité peut devoir répondre aux mêmes questions et transmettre le même rapport à tous ces organes. La réduction de cette paperasserie réduirait les coûts. Nous subissons les coûts les plus élevés du monde en termes de réglementation, compte tenu du PIB d'une banque. Peut-être que la correction est allée trop loin, et que nous devrions envisager de la réduire.
Le président: Nous poursuivons notre étude sur les répercussions des fusions des grandes banques sur l'intérêt public. Notre dernier témoin aujourd'hui nous vient de l'Université de Toronto, il s'agit de Mme Wendy K. Dobson de la Rotman School of Management.
Mme Dobson et moi-même avons oeuvré pendant plusieurs années au sein du conseil d'administration de la Banque Toronto Dominion. Nous avons jugé qu'il fallait en informer les honorables sénateurs.
Mme Wendy K. Dobson, École de gestion Rotman, Université de Toronto: Honorables sénateurs, comme l'a dit le président, je comparais devant vous en qualité d'universitaire, mais je siège au conseil d'administration d'une banque canadienne.
Il est important d'évaluer l'impact sur l'intérêt public dans un contexte plus large, et c'est ce que je viens proposer aujourd'hui.
Le contexte est celui de la bonne politique du secteur financier, ce qu'elle est et le motif de son importance.
Mes commentaires se fondent sur deux prémisses et une observation, premièrement, le secteur financier compte parmi les producteurs et employeurs importants du Canada, et un secteur inefficace affaiblirait la tenue de l'ensemble de la productivité du Canada. Deuxièmement, le secteur des services financiers est sensible aux évolutions internationales en matière de technologie et de concurrence. Mon observation porte sur le processus public d'évaluation, lequel, dans son état actuel, constitue un obstacle, plutôt qu'un soutien à une bonne politique relativement au secteur financier.
Le Canada éprouve des difficultés de productivité. La productivité par travailleur n'atteint que 80 p. 100 de celle d'un travailleur américain. Notre revenu par habitant est nettement inférieur à celui des États-Unis et même à ceux de pays comme l'Irlande, la Norvège et le Danemark. À moins d'accorder l'importance qu'il faut à la productivité dans notre économie, notre mauvais rendement affaiblira les niveaux de vie, il menacera notre capacité de soutenir de précieux programmes sociaux, et menacera notre récente volonté de devenir un «tigre du Nord».
Les raisons de la mauvaise performance font partie d'un ensemble plus grand comprenant les investissements, les incitatifs, les aspirations et les institutions. Le gouvernement fédéral devrait s'assurer, alors qu'il établit des cadres de politique qui régissent les principales industries canadiennes, que ces politiques visent à améliorer la productivité.
Le cadre de la politique relative au secteur financier exhibe plusieurs lacunes, mais celle qui affecte le plus négativement le potentiel productif du secteur bancaire est probablement celle du cadre de travail des fusions bancaires. Celles-ci sont autorisées, suite à un processus d'examen public irréaliste qui est supposé protéger les intérêts du consommateur ordinaire. En effet, le cadre empêche les fusions du fait que le processus est onéreux et ses critères d'examen, nébuleux. Il est discriminatoire. Aucune autre fusion industrielle n'est assujettie à pareil processus, politisé et incertain.
L'intérêt du consommateur est important, mais les objectifs à long terme de la politique, les intérêts des producteurs et l'intérêt national sont aussi importants. L'examen de l'intérêt national à long terme révèle que le gouvernement assume la responsabilité d'assurer que les services financiers — l'un des secteurs les plus forts et les plus importants du Canada — deviennent plus, plutôt que moins, efficaces et productifs.
Lorsque le secteur des services financiers est bien développé, il constitue une source de croissance à long terme. Les institutions financières disposent des capacités pour rassembler les capitaux et les ressources pour grouper les risques que représentent pour eux les emprunteurs et ainsi assurer une utilisation efficiente du capital. Elles constituent les institutions qui facilitent l'innovation et l'entrepreneuriat en fournissant le capital, à un prix tenant compte des risques qu'il y a à prêter de l'argent à des entreprises qui n'ont pas fait leurs preuves. La révolution des technologies de l'information et des communications, qui a sensiblement modifié les télécommunications et d'autres industries, est également en voie de modifier la capacité des banques et d'autres institutions financières à gérer les risques de manière radicalement différente de celle qu'elles utilisaient il y a cinq ans.
Nos grandes banques et nos compagnies d'assurance contribuent à la croissance à long terme de l'économie du savoir, elles constituent elles-mêmes des entreprises axées sur le savoir. Elles emploient beaucoup de gens et leur fournissent des aptitudes poussées en matière de prise de décision, d'applications électroniques et de gestion du risque.
Quoiqu'on puisse penser de l'efficacité des fusions et des acquisitions en tant que stratégies d'affaires, le secteur des services financiers mondial a dû faire face à une concurrence croissante et à des capacités excédentaires en se livrant rapidement à des consolidations au cours des dernières années. Il serait bon d'examiner les arguments concernant cette tendance en tant que contexte des jugements portés sur le processus d'évaluation de l'impact sur l'intérêt public.
Les résultats de la recherche internationale sur les consolidations ne sont pas clairs sur la question de savoir si, au- delà d'une certaine taille, la croissance d'une banque perpétue son efficacité. Quelques analystes ont signalé que le succès en matière de concurrence internationale peut tout aussi bien être tributaire du choix d'activités spécialisées fondées sur des économies de gamme, plutôt que des économies d'échelle. Celles-ci sont produites en se livrant à une seule activité à grande échelle, cela accroît significativement l'efficacité de celui qui s'y livre, les économies de gamme sont produites en se livrant à plus d'une activité à la fois et ce faisant, plus efficacement.
Pour justifier les fusions, les banques canadiennes ont déclaré que la taille est essentielle à la réussite face aux monstres mondiaux qui viennent les concurrencer chez elles et à l'étranger. Elles ont prétendu que l'accès peu cher aux capitaux et la capacité de se tenir à la pointe de la technologie sont tributaires de la taille. Il en est de même de la reconnaissance d'une marque, du fait qu'elle influe sur la participation à des entreprises rentables. Quels que soient les résultats de la recherche, en fin de compte, ce sont les banques qui doivent être concurrentielles sur un marché international complexe. Ce sont elles, et non les décideurs politiques, qui devraient décider de leurs stratégies commerciales.
Bien qu'il existe encore des petites banques rentables, les méga banques ne semblent pas vouloir disparaître. Contrairement aux pronostics, de nombreuses fusions de taille se sont avérées gérables. Celles-ci se sont en général conclues au sein de pays et entre des piliers du secteur. La prémisse des décideurs politiques canadiens voulant que les banques du Canada doivent chercher des partenaires de fusion à l'étranger n'est absolument pas faisable compte tenu des réalités. Il semble, plutôt, que les fusions soient nécessaires étant donné la taille de plus en plus importante des clients des banques, le besoin de rayonnement mondial de ces mêmes clients et leur besoin d'emprunter des fonds. Des bilans bien fournis sont nécessaires à l'instauration d'une marque, et les grandes marques ont tendance à transiger entre elles. Dans le contexte mondial, la taille moyenne des actifs des 10 plus grandes banques du monde équivaut à trois ou quatre fois la taille de la plus grande banque du Canada.
Que devons-nous faire? La bonne politique financière qui favorise la croissance de la productivité et qui n'est pas discriminatoire nous a échappé et cela est dû en partie à une énigme à la base de la politique, celle de la structure de l'industrie des services financiers. Bien sûr ce groupe, et d'autres, ont effectué des études sur cette question. Le Canada ne dispose pas d'un réseau de deuxième échelon constitué de petites institutions d'épargne comme celles qu'on peut trouver en Europe. Les autres solutions, comme celle de déclarer les banques secteur stratégique des industries canadiennes concurrentielles, n'ont jamais fait l'objet d'études sérieuses comme il le faudrait. Nous avons plutôt pris pour acquis qu'alors que les institutions de premier échelon se livrent à des consolidations, la concurrence s'estompera et les consommateurs ainsi que les employés en souffriront.
Pourquoi sommes-nous sûrs que c'est ainsi que les choses se dérouleront? Au sein d'une industrie axée sur le savoir, la satisfaction des clients et des employés est essentielle aux succès d'une entreprise. Depuis 1999, lors de l'acquisition de la Société Canada Trust par la Banque TD, celle-ci a démontré que les craintes qu'inspiraient la réorganisation des succursales et la satisfaction de la clientèle peuvent être convenablement apaisées.
En conclusion, je crois qu'une bonne politique des institutions financières évite d'être discriminatoire à l'endroit des banques et traite la fusion des banques comme n'importe quel autre type de fusion. Parallèlement, il faut ne plus décourager la pénétration du marché canadien par des banques étrangères en vue de répondre aux craintes voulant que les concentrations internes réduisent la concurrence. Les transactions des fusions internes devraient faire l'objet d'un examen par le BSIF, le Bureau de la concurrence et d'un examen des politiques par le ministre des Finances.
S'il n'est pas possible d'éliminer le processus d'évaluation de l'intérêt public, il devrait être limité à un cadre réaliste et court et à un objectif qui complète, sans les dédoubler, les autres examens.
Le secteur bancaire est un secteur canadien clé — un secteur que nous gérons bien et qui est internationalement concurrentiel. Le contexte politisé des dernières années a lié les mains des banques en les reléguant aux petites ligues internationales. Il se pourrait qu'il soit déjà trop tard pour rattraper le temps perdu, mais je crois que nous devons essayer.
Le président: Merci.
Le sénateur Meighen: J'apprécie la franchise et la brièveté de votre rapport. Il est évident que vous n'approuvez pas les évaluations de l'impact sur l'intérêt public. Comme vous le dites, en bout de ligne, si nous devons les faire, faisons- les de manière rapide et réaliste. Les deux à la fois.
Qu'en est-il des évaluations de l'impact sur l'intérêt public, ÉIIP, que prévoient les lignes directrices du ministère des Finances sur les fusions? J'ai été frappé par tout ce que couvre ce document, beaucoup plus de choses qu'il n'est nécessaire de savoir sur une fusion de banques. Que nous faudrait-il de plus? Si elles étaient bien faites et la réaction bonne, il me semble que cela répondrait à la question centrale. Qu'en pensez-vous?
Mme Dobson: En ce qui concerne l'ensemble du processus d'examen, le BSIF, le Bureau de la concurrence et le ministère des Finances ont élaboré des critères logiques d'examen. Je m'inquiète entre autres des possibilités de chevauchement. Au sein du secteur public, nous avons tendance à ignorer et à sous estimer le fonctionnement du marché. Dans un secteur axé sur le savoir, comme celui des banques ou de toute entreprise de taille et moderne, les décisions sur les fusions et les acquisitions se prennent en fonction de renseignements exclusifs d'intérêt commercial. Ce sont des renseignements sensibles et stratégiques. Ils sont divulgués sous le sceau de la confidentialité au ministre des Finances.
Toutefois, compte tenu du processus qui dure des mois, qui définit ce qui peut être examiné de manière publique et très ouverte, et qui, à l'occasion, dédouble ce que d'autres groupes d'experts font déjà aux frais des contribuables, je ne pense pas que cela favorise l'intérêt public à long terme. Je dis cela en termes de l'impact qu'a l'incertitude, à propos du processus et de ce qui est précisément constitué et anticipé, sur le processus décisionnel d'une entreprise du secteur privé.
Comme membre du conseil d'administration d'une entreprise privée, j'assume la responsabilité de faire en sorte que les intérêts de l'entreprise soient défendus, plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'une transaction complexe telle qu'une fusion, laquelle entraîne des conséquences graves si jamais elle ne se préoccupe pas du moral des employés et de la productivité de l'entreprise.
C'est, entre autres, de cela que je m'inquiète.
Le sénateur Meighen: Je voudrais que vous nous donniez votre avis sur une autre proposition intéressante avancée par l'un de nos témoins à savoir qu'il était conseillé, si possible, de faire en sorte que dans le contexte des fusions des grandes banques, toutes ces fusions soient mises de l'avant en même temps. En d'autres termes, si deux banques envisagent une fusion, on définirait une période au cours de laquelle toutes les autres parties envisageant d'éventuelles fusions soient dans l'obligation de divulguer cette intention. Par conséquent, le sort des deux propositions pourrait être décidé simultanément en sélectionnant la meilleure fusion. Trouvez-vous un intérêt quelconque à cette proposition?
Mme Dobson: Si le marché le dictait et que les banques y trouvaient leur intérêt...
Le sénateur Meighen: Elles n'y sont pas obligées.
Mme Dobson: ... J'imagine qu'un tel processus pourrait être mis en place. Cependant, pour permettre aux autorités de réglementation de dire qu'elles voudraient que tout le monde se présente et révèle ses cartes, je devrais examiner la façon dont cela pourrait fonctionner avant d'émettre un jugement sur l'idée. En principe, moins les autorités réglementaires interviennent dans le processus, le mieux cela vaut.
Le sénateur Meighen: Vous avez mentionné que la productivité au Canada s'établissait à 80 p. 100 de celle des États- Unis. Comment mesurez-vous la productivité par travailleur, particulièrement lorsqu'il entre en jeu des facteurs tant qualitatifs que quantitatifs?
Comment se comparent aux États-Unis les autres pays du G-8?
Mme Dobson: Il existe de nombreuses mesures de la productivité. La plus exacte de ces mesures s'appelle le facteur de productivité «totale», lorsque l'on examine ce qui advient à la productivité quand des modifications mineures sont apportées non seulement à la quantité de main-d'oeuvre et de capitaux, mais également à la technologie, l'amélioration de l'organisation et des aptitudes. Il s'agit là d'une mesure complexe.
La mesure de la productivité de la main-d'œuvre varie souvent d'un pays à l'autre. La mesure la plus simple est celle qui consiste à quantifier la production par heure de travail de l'employé.
En ce qui concerne la comparaison avec d'autres pays, j'ai bien peur d'avoir préparé ce document d'information à minuit et je n'ai pas fait toute la recherche à laquelle vous, honorables sénateurs, vous attendez en termes de productivité des différents pays. Je ne peux donc pas répondre à cette question aujourd'hui.
Le sénateur Meighen: La proportion de 80 p. 100 a-t-elle été constante?
Mme Dobson: L'écart de productivité, pour lequel cette partie du Canada est bien connue, est né à la fin des années 70, sa perpétuation est suffisamment durable pour affecter notre niveau relatif de vie.
Le sénateur Setlakwe: Vous déclarez dans votre document d'information que:
La révolution des technologies de l'information et des communications, qui a sensiblement modifié les télécommunications et d'autres industries, est également en voie de modifier la capacité des banques et d'autres institutions financières à gérer les risques de manière radicalement différente de celle qu'elles utilisaient il y a cinq ans.
Pouvez-vous vous étendre sur cette question?
Mme Dobson: Oui, mais pas beaucoup.
Je fais référence à la capacité de centraliser l'information et d'améliorer le processus d'évaluation par le biais d'instruments informatisés, amélioration qui permettra de mesurer le risque et d'en calculer le coût. Ces opérations se sont nettement améliorées grâce à des techniques informatisées.
Le sénateur Setlakwe: Il y a eu des plaintes, dont je suis sûr que vous avez entendu parler étant donné que vous siégez au conseil d'administration d'une banque, voulant que ce même facteur a éliminé les relations personnelles entre les représentants des banques et les consommateurs. À votre avis, ce facteur est-il important?
Mme Dobson: Je comprends certainement les plaintes concernant la disparition de la communication face à face ainsi que le roulement du personnel dans les succursales bancaires. Toutefois, si l'on examine la façon dont une entreprise doit être gérée, on constate que l'une des sources de faiblesse que causent l'évaluation informatisée et centralisée ainsi que les modifications des prix, il faudrait regrouper à l'intention de l'institution certaines conséquences et évaluer les risques de nombre de ces décisions, autrefois centralisées, qui ont une portée sur l'ensemble de l'institution.
Lorsqu'il faut encore progresser en matière de tarification des risques, il devrait être théoriquement possible d'imputer un prix plus élevé pour les transactions jugées plus risquées. Cela n'est pas toujours bien accueilli. En termes statistiques, cependant et en termes de gestion des risques, et si vous considérez les banques comme étant des institutions qui se spécialisent dans le groupage et la gestion des risques, c'est bien ce qu'elles devraient faire.
Le président: Ce matin, le sénateur Meighen a discuté avec l'un des témoins du point dont vous venez de parler. Il y a deux ans, une banque canadienne nous avait dit, au cours d'une audience qui se tenait à Toronto, que pour des raisons de relations avec les clients, elles ne dépasseraient jamais 3 p. 100 de plus que le taux préférentiel. Et pourtant, nous savons que la Banque de développement du Canada — une entité gouvernementale — ira jusqu'à 9 ou 10 p. 100 de plus que le taux préférentiel. Pensez-vous que les banques doivent réellement se montrer aussi timides à ce chapitre?
Mme Dobson: Cela fait partie d'une série de problèmes dont certains sont propres au Canada, alors que d'autres touchent également d'autres pays.
Le fait qu'au moment de la récession nombre de clients aient eu l'impression d'être mal servis est propre au Canada. C'est de là qu'est née la réaction négative du public, réaction qui a trouvé son expression dans la législation actuelle. Toutefois, les clients canadiens, comme ceux de tous les autres pays, ont tendance à ne pas aimer les banques. Elles ne sont pas très populaires.
Je ne suis pas ici en qualité d'administratrice de banque, je le suis à titre d'universitaire. Je prétends que les banques devraient tarifer les risques. Génériquement, je répondrais à votre question en vous disant que les banques devraient être moins timides et devraient tarifer les risques.
Le président: Les États-Unis comptent 9 000 banques dont la majorité est constituée de banques communautaires. Elles tarifient les risques. Lors d'une visite à Washington, il y a quelques mois, on nous a fait remarquer que nos banques ne tarifient pas les risques parce que nous n'avions pas suffisamment de banques. Nous avons rétorqué que nos banques craignaient démesurément de tarifier les risques, sauf celle qui appartient au gouvernement.
Mme Dobson: Cette crainte vient du fait que la politique canadienne des services financiers a été politisée. J'ai plaidé ouvertement en faveur de sa dépolitisation et de regarder les choses en face s'agissant de la politique régissant le secteur financier.
Le sénateur Kelleher: Les chefs des cinq grandes banques, qui ont comparu devant nous, nous ont dit que l'une des principales raisons justifiant les fusions est qu'elles peuvent s'agrandir et essayer de se mesurer aux autres à l'international. Quelle importance revêt pour l'économie le fait que les banques soient autorisées à fusionner et ce faisant, de croître en vue de devenir de sérieuses concurrentes internationales?
Mme Dobson: Vous le dites à quelqu'un qui couvre le monde et qui pense en termes mondiaux. Je suis très ambitieuse lorsqu'il s'agit du niveau de vie des Canadiens. Je connais bien l'intensité de la concurrence au-delà de nos frontières ainsi que celle de la concurrence dans le secteur financier. J'ai étudié les structures financières de nombreux pays ainsi que les systèmes financier et monétaire internationaux. À l'occasion, je désespère de la façon dont la discussion, au Canada, reflète un repli sur soi.
D'autres pays ont traité ces questions de manière tout à fait différente. Essentiellement, ils ont établi une prémisse voulant que si leur secteur financier n'était pas assez solide et concurrentiel, ils devaient prendre les mesures nécessaires pour préserver sa capacité concurrentielle à l'international.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, des bilans riches constituent un élément d'une importance critique lorsqu'il faut pénétrer des territoires présentant des risques plus importants, ce qui constitue la principale caractéristique du commerce outre frontières. Les entreprises canadiennes qui cherchent à réaliser des affaires à l'étranger devraient pouvoir compter sur les institutions financières et sur les banques canadiennes ainsi que sur d'autres institutions des marchés de capitaux.
Je désespère également du fait que notre cadre politique lie les mains de nos banques et les empêche d'enrichir leurs bilans ainsi que de prendre les mesures nécessaires pour devenir concurrentielles. Je crois que nos banques sont déjà en train d'accéder aux ligues mineures internationales.
Le sénateur Kelleher: Dans la présentation qu'il nous a faite, le président de la Banque Toronto Dominion a exprimé des inquiétudes du fait que le gouvernement nous ayant demandé de définir l'intérêt public, a pour conséquence que les banques se retrouvent sous le coup d'une réglementation et des critères encore plus lourds, s'ajoutant à un problème structurel déjà coûteux. Il a le sentiment que cette définition de l'intérêt public, telle qu'elle existe dans la loi actuelle est déjà satisfaisante, merci. Qu'en pensez-vous? Je sais que vous n'êtes pas en conflit d'intérêts.
Mme Dobson: C'est là une question que j'ai largement traitée, bien avant que le président de la Banque Toronto Dominion ne le devienne.
Dans cette législation, nous nous appuyons de plus en plus sur la réglementation. Nous avons placé les intérêts des consommateurs au sommet de notre liste. Étant donné qu'il est très difficile de définir les intérêts des producteurs et la façon de favoriser la technologie dans une banque, tout en les rendant politiquement attrayants, nous avons rompu l'équilibre et avons perdu de vue la notion de l'intérêt national. C'est l'une des raisons qui font que je suis ici aujourd'hui.
Les structures de la réglementation mises en place, qui augmente les coûts, pour les financer, des banques et d'autres institutions financières, suffit à voir aux intérêts des consommateurs. Nous devrions nous appuyer davantage sur les forces du marché, sur celles de la concurrence dans un secteur où il faut satisfaire à la fois les clients et les employés pour réussir en tant qu'institution axée sur le savoir.
La grande tendance dans le secteur banquier international est à la discipline du marché. Je m'y fierais pour aller au- delà de ce que nous avons déjà traité, dans notre optique de réglementation et d'interventionnisme, pour rassurer les consommateurs. En utilisant le mot consommateur, je ne suis d'ailleurs pas sûre que nous l'ayons jamais bien défini, je veux dire les consommateurs au détail, pas les clients des banques de gros, qui sont généralement de grandes entreprises comme la General Motors.
Le président: Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez fait allusion à l'Irlande. Vous avez qu'elle constituait un exemple incroyablement éloquent de la bonne façon de faire les choses. Il y 10 ou 15 ans à peine, le revenu par habitant était nettement inférieur à celui de la Grande-Bretagne, et maintenant, il l'a dépassé. Comment est-ce que le secteur financier s'est ajusté à cette renaissance?
Mme Dobson: Je ne peux pas répondre à cette question en peu de mots. Le «tigre celtique», comme on l'appelle, remonte à trente ans. Je ne me lancerai pas dans les motifs de leur succès. Je ne suis pas sûre d'avoir raison, par conséquent, je ne devrais peut-être pas en parler.
Le président: Hasardez-vous.
Mme Dobson: D'accord.
Leur économie est beaucoup moins importante et il n'ont d'autre choix que celui d'adopter des stratégies de créneaux. Je crois qu'ils ont établi des politiques favorisant des centres bancaires internationaux. Nous avions parlé de politiques semblables dans les années 80, mais sans résultat; il y a toutes sortes de prétextes avancés pour ne pas le faire. Je crois, toutefois, qu'il s'agit là d'un élément de la structure mise en place en Irlande.
Le sénateur Setlakwe: Ils ont également éliminé l'impôt sur les gains en capital.
Le président: C'est vrai.
Mme Dobson: Il y a toute une liste, et nous ne pouvons prendre une seule chose hors contexte et dire «c'est pour cela qu'elle est devenue un tigre celtique». S'il existe un facteur unique variable, c'est celui des grandes filiales de l'Union européenne qui leur sont devenues accessibles pour des motifs régionaux, et qu'ils ont exploité astucieusement et efficacement.
Le président: Lorsque nous avons réalisé notre étude sur les gains en capital, le recours à l'exemple de Bertie Ahern sur l'élimination de cet impôt nous a été très utile.
Nous avons posé cette dernière question aux autres témoins et je souhaiterais vivement avoir votre avis là-dessus. Des économistes reconnus ont toujours soutenu que si nous ne faisons que conserver le statu quo au sein des services financiers, l'industrie en quelque sorte s'étiolera jusqu'à sa disparition. Dans cette éventualité, d'ici 10 à 15 ans, nous serions complètement dominés par des institutions financières étrangères et nos grandes entreprises éprouveraient des difficultés à transiger avec des banques canadiennes du fait qu'elles seront trop petites, et cetera. Comment réagissez- vous à ce scénario?
Mme Dobson: Je crois que c'est déjà en cours.
Le président: La Banque Royale, par exemple, me dit qu'elle n'est actuellement pas de taille à pénétrer la majorité des consortiums financiers. La TD s'était classé première au palmarès des prêteurs de l'ensemble de l'Amérique du Nord, pas seulement du Canada. Maintenant, elle ne peut même plus participer à des consortiums financiers. Est-ce à l'avantage ou au désavantage du Canada? Je pense que c'est à son désavantage.
Mme Dobson: Comme je l'ai dit, le bilan est de la plus grande importance lorsqu'il s'agit de se livrer à des affaires internationales. Les bilans de nos banques ne s'enrichissent pas assez vite, donc elles perdent du terrain. Je crois que c'est déjà en cours. Vous n'entendrez pas un PDG l'avouer en public, mais quelqu'un devrait le faire.
Le président: Merci beaucoup de vous être jointe à nous. Vous êtes une bouffée d'air frais.
La séance est levée.