Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 18 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 4 novembre 2003
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-212, Loi concernant les frais d'utilisation, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Joseph A. Day (vice-président) occupe le fauteuil.
[Translation]
Le vice-président: Mesdames et Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous poursuivons nos audiences sur le projet de loi d'initiative parlementaire C- 212, Loi concernant les frais d'utilisation, dont les parrains sont M. Cullen à la Chambre des communes et M. Stollery au Sénat.
Ce matin, j'ai le plaisir d'accueillir des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Monsieur Morgan, la parole est à vous.
M. John Morgan, directeur exécutif, Division de la politique de gestion financière et comptabilité, Secrétariat du Conseil du Trésor: Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de cette occasion de comparaître devant votre comité afin de discuter du projet de loi d'initiative parlementaire C-212 et par association, de la politique du Conseil du Trésor sur les frais d'utilisation externe.
Pour ne pas prendre trop de temps et pour en laisser un peu à ma collègue des services juridiques, qui soulignera quelques problèmes juridiques que pose ce projet de loi, je ne vais pas lire mes notes d'allocution dans leur totalité.
Les frais d'utilisation sont d'une application difficile, et le gouvernement reconnaît d'emblée que sa performance dans certains programmes qui y font appel exige un examen. C'est pour cette raison que le gouvernement a entrepris un examen exhaustif de sa politique, afin d'améliorer la mise en oeuvre et la gestion continue de tous les frais d'utilisation externe. À notre avis, cependant, le projet de loi C-212 n'est pas la solution qu'il faut.
La présidente du Conseil du Trésor et le gouvernement appuient l'approche par la politique, parce que c'est le mécanisme le plus efficace et le plus approprié. L'approche par la politique est mieux adaptée pour fonctionner avec les divers facteurs, intervenants et objectifs de la politique générale, qui constituent l'environnement extérieur des frais d'utilisation externe. Nous croyons que le projet de loi C-212 n'est pas un outil assez sensible et souple pour cet environnement et qu'il pourrait avoir des conséquences imprévues et négatives.
Toutefois, certains appuient le projet de loi C-212. Par conséquent, mon objectif d'aujourd'hui est d'aider le comité de deux façons: d'abord en présentant une évaluation faite par le gouvernement des deux options tout en soulignant nos préoccupations sur le projet de loi et ensuite, en laissant au comité de la documentation aux fins d'un examen ultérieur.
Le projet de loi C-212 est axé sur trois principaux aspects: l'imputabilité accrue, la transparence accrue et le service et la performance améliorés. La politique révisée est aussi axée sur ces trois thèmes, mais les aborde d'une façon différente et à notre avis, plus globale et plus souple.
La politique révisée respecte le système parlementaire traditionnel en matière d'imputabilité, en vertu duquel les ministres fonctionnent dans le cadre de responsabilité qui leur est délégué par le Parlement. Ce cadre délégué établit que chaque ministre est responsable des décisions relatives à la gestion des programmes de son portefeuille, y compris des frais d'utilisation externe. Mais le système prévoit aussi une bonne mesure de surveillance pour ce qui est de l'établissement des frais, et cette surveillance offre au pouvoir exécutif et au Parlement la possibilité de participer au processus.
Par exemple, la plupart des propositions de frais d'utilisation externe suivent un processus qui prescrit l'examen par le Secrétariat du Conseil du Trésor, l'approbation des ministres du Conseil du Trésor, l'approbation des ministres du Comité spécial du Conseil, l'approbation du gouverneur en conseil, deux publications distinctes dans la Gazette du Canada et l'examen du Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation.
En outre, les comités de la Chambre peuvent, de leur propre initiative, examiner les activités des ministères des points de vue qu'ils jugent utiles. Le projet de loi C-212 impose des conditions obligatoires au présent examen de la Chambre et pourrait finir par remplacer la responsabilité ministérielle que le Parlement a choisi de déléguer. De plus, il ne précise pas comment et quand la Chambre des communes ferait ses examens par rapport au processus d'approbation existant.
Il semble que le projet de loi prévoit que l'examen du comité de la Chambre doit être fait avant que des frais soient instaurés, mais il ne précise pas si cet examen doit être fait avant ou après l'approbation du Conseil du Trésor, ou avant ou après l'approbation du Comité spécial du Conseil et ainsi de suite; il ne précise même pas si ces organismes participeront toujours au processus d'approbation.
Ce qui est clair aussi, c'est que le processus d'approbation prévu par le projet de loi serait allongé du fait de la période d'examen de 40 jours de séance du comité de la Chambre et de toute recommandation qui exigerait que le ministère y réponde. Ce résultat va à l'encontre des demandes des ministères et des intervenants que le gouvernement et la prestation de service soient plus souples.
Lors de sa comparution du 4 juin 2003 devant le Comité permanent de la Chambre sur les finances, le très honorable Herb Gray a expliqué comment les dispositions du projet de loi C-212 entraient en conflit avec le rôle actuel des divers comités du cabinet. J'encourage les membres du comité à lire son témoignage sur cette question importante.
La politique suit aussi le principe de la responsabilité ministérielle dans le domaine du règlement des différends. La politique révisée établit que les ministres et les administrateurs d'organismes doivent prendre la décision finale dans les différends relevant de leur portefeuille. La politique précise aussi qu'ils peuvent demander, lorsqu'ils le jugent utile, des conseils indépendants sur les différends à trancher.
Les dispositions du projet de loi C-212 prévoient que chaque ministère et organisme qui a recours aux frais d'utilisation mette à la disposition des personnes touchées un organisme indépendant de règlement des différends. Le gouvernement croit que cette exigence entraînera des coûts et un fardeau administratif considérables pour le processus des frais d'utilisation, alors que l'examen du mécanisme de règlement des différends montre qu'elle n'est pas nécessaire.
Plus globalement, le seul fait que les dispositions du projet de loi laissent place à une large interprétation renforce notre crainte qu'il ne soit pas assez clair, clarté qui, dans le cas du règlement des différends, peut avoir une incidence directe sur l'imputabilité. Nonobstant la déclaration de M. Cullen à l'effet que des détails pourront être précisés plus tard, dans des règlements, il semble raisonnable de demander que le projet de loi contienne une quantité de détails suffisante pour que nous puissions nous faire une idée claire de son orientation.
La politique révisée accroît le nombre de rapports sur les frais d'utilisation qu'il faudra remettre au Parlement, au public et aux personnes touchées. Ces rapports seront intégrés à des outils familiers et complètement transparents comme les Comptes publics du Canada, les rapports ministériels sur le rendement et les rapports sur les plans et les priorités. Ces documents contiendront des renseignements sur les coûts, les recettes, les différends, les pouvoirs d'imputation, les services et le rendement et bien sûr, ils pourront être examinés en détail par les comités intéressés.
Les rapports ministériels sur le rendement qui ont été soumis le 30 octobre 2003 sont les premiers documents à incorporer l'information additionnelle sur les frais d'utilisation externe. Comme on peut le constater dans les rapports du ministère des Anciens combattants et de la Commission canadienne de sûreté nucléaire que nous avons distribués aux membres de votre comité, nous croyons que le gouvernement a franchi un premier pas positif. Bien que certains rapports soient plus complets que d'autres, nous sommes confiants que par le dialogue continu avec les ministères, les parlementaires et les personnes touchées, nous atteindrons le niveau de divulgation que tous souhaitent.
Je tiens aussi à souligner que dans son exigence en matière de rapports incorporés au rapport sur les plans et les priorités, le RPP, la politique révisée offre la possibilité d'un examen des frais d'utilisation du ministère sur une période de planification de trois ans. C'est une nouvelle démarche qui vise à maximiser la transparence en amont des frais d'utilisation. Elle laissera aux personnes touchées et aux parlementaires le temps de poser des questions et d'effectuer un examen indépendant. Sur une échelle de trois ans, les ministères et organismes seront tenus de divulguer leur proposition de frais, dont les coûts et recettes attendus, la justification des frais d'utilisation, les plans d'analyse des consultations, de même que les régimes de règlement des différends envisagés.
Les RPP à venir mettront ces renseignements au jour jusqu'à ce que la proposition soit approuvée et mise en oeuvre. C'est alors, bien sûr, que le rapport incorporé au rapport ministériel sur le rendement prendra la relève. Ajoutez à ce rapport la consultation directe des personnes touchées et la publication dans la Gazette du Canada et vous avez une très grande transparence à chaque étape du cycle de la proposition de frais d'utilisation.
Par contre, le projet de loi ne prévoit aucune disposition sur la divulgation des frais d'utilisation externe prévus, bien qu'on puisse s'attendre à ce qu'il y ait un avis public lorsque la proposition de frais d'utilisation est renvoyée au comité pour examen. Ce type d'avis ne peut cependant pas se comparer au rapport sur les plans et les priorités.
Il semble au gouvernement que les principales préoccupations des utilisateurs payant les frais sont les services et le rendement. Les fonctionnaires affirment que les engagements de service ne sont pas toujours respectés et en concluent que la totalité de la mise en oeuvre des frais d'utilisation externe par le gouvernement est défectueuse. Lors de leur récente comparution devant votre comité, les autorités de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ont souligné que pour ce qui est de la santé, de la sécurité, des finances et de la sécurité publique, c'est le public canadien et non les utilisateurs payants qui sont les véritables clients des organismes de réglementation et qu'il ne faut donc pas évaluer le service uniquement en fonction de sa rapidité et de la satisfaction des utilisateurs payants.
Le service aux utilisateurs payants n'en demeure pas moins un enjeu très important, et la politique révisée le traite en conséquence. Pour répondre aux commentaires des personnes touchées et des parlementaires, la politique révisée exige des ministères qu'ils fixent, après consultation, des normes de service pour tous les programmes qui comportent des frais d'utilisation externe, et cette exigence s'applique également aux programmes dont les frais existent déjà et à ceux dont les frais d'utilisation seront modifiés ou instaurés plus tard.
La politique dicte aussi que les ministères mènent des consultations sur les options réalisables si les normes ne peuvent être respectées. L'une des options mentionnées est la réduction des frais d'utilisation, mais on pourrait envisager des options comme l'examen d'autres mécanismes de prestation de service ou la réorganisation des activités.
Cet aspect de la politique a pour but d'offrir aux intervenants assez de souplesse pour déterminer au départ, en consultation, l'option la mieux adaptée à leur propre situation.
Par contre, les dispositions du projet de loi C-212 sur l'établissement de normes de service ne semblent s'appliquer qu'aux frais d'utilisation instaurés ou modifiés après l'entrée en vigueur du projet de loi; c'est-à-dire que les programmes qui comportent déjà des frais d'utilisation ne seraient pas tenus d'établir des normes de service.
D'autres dispositions du projet de loi prévoient des conséquences explicites pour tout ministère qui n'atteindrait pas le niveau de service voulu. À cet égard, cependant, le projet de loi ne tient aucun compte des circonstances atténuantes, ni de l'opinion répandue qu'est celle de la Commission canadienne de sûreté nucléaire que le mandat en matière de santé et de sécurité doit prendre le pas sur les normes de service. Le projet de loi ne décrit que le traitement mathématique apparemment unique qui doit s'appliquer dans une situation donnée.
Le problème, c'est que ce type d'interaction punitive n'améliorera pas le service. En fait, le contraire est à craindre étant donné la pression accrue qui pourrait s'exercer sur les programmes qui fonctionnent déjà dans le cadre de limites budgétaires serrées. La démarche de la politique est délibérément proactive plutôt que punitive et elle est axée sur la consultation, la communication et la planification préalables entre les ministères et les personnes touchées. Elle permet l'examen de chaque cas selon les circonstances pour trouver la meilleure solution.
Certains diront que la politique est trop libérale ou trop indulgente. Mais compte tenu du grand intérêt actuellement suscité par les frais d'utilisation externe, on ne doit pas sous-estimer l'exigence de faire rapport du rendement tant aux personnes visées qu'aux parlementaires si l'on affiche un rendement moins qu'optimal.
Nous avons mis à votre disposition un tableau comparatif du projet de loi C-212 et de la politique sur les frais d'utilisation externe sous l'angle de l'imputabilité, de la transparence et du service. Je tiens cependant à souligner que d'autres éléments soulèvent des inquiétudes et que nous pourrions, si vous nous le demandez, vous fournir une analyse en ce sens.
Je tiens à vous remercier, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, pour cette occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi C-212. Si je peux être utile au comité, je serai heureux de l'aider.
Tout compte fait, nous devons nous assurer que nos cadres législatifs et politiques sont cohérents, dans l'intérêt de tous.
[English]
Mme Mylène Bouzigon, avocate générale principale, Direction des services juridiques, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: Monsieur le président, je comparais devant vous afin de souligner quelques-unes des difficultés que nous avons identifiées lors de notre étude du projet de loi C-212. Le projet de loi propose d'intéressantes formules et approches. Lors de ces présentations et de ces participations aux discussions entourant son projet de loi, M. Cullen a exprimé fort clairement les objectifs qu'il poursuivait lorsqu'il a fait la proposition de son projet.
Nous sommes d'avis que la façon dont on a abordé la rédaction du projet de loi est peu propice à l'atteinte de ces objectifs. De façon générale, le projet de loi énonce des règles de droit en utilisant des termes et formulations qui n'atteignent pas le degré de précision désirable lorsque le Parlement se prononce sur des règles dont l'application est justiciable.
Selon nous, le projet de loi, tel que rédigé, mènera les avocats représentant les usagers et l'appareil judiciaire à jouer un rôle plus grand dans le processus de détermination des frais d'utilisation. L'application des règles contenues dans une loi, si on les contraste à celles contenues à des politiques administratives requiert un certain degré de certitude de la part des administrés. Selon nous, le projet de loi C-212 n'offre pas cette certitude. J'aimerais illustrer mes propos à l'aide de quelques exemples.
Premièrement, le projet de loi ne décrit pas suffisamment les processus qu'il vise à mettre en place. Par contre, il ne contient pas non plus de pouvoirs réglementaires pour en fixer les modalités. La réduction des frais prévus à la clause 5.1 est l'un de ces processus. Nous ne savons pas à qui demander la réduction ni qui en décidera, peu ou pas de paramètres sont prescrits en ce qui touche les calculs de la réduction et ainsi de suite. Le processus de règlement des différends souffre des mêmes difficultés.
Deuxièmement, les modalités du projet de loi devront aussi s'interpréter à la lumière d'autres textes législatifs qui contiennent le pouvoir de fixer des frais. Certains de ces textes sont très détaillés. Bien que rien ne nous laisse croire à ce stade qu'il y ait conflit de loi au sens technique de ce terme, nous notons, avec une certaine inquiétude, qu'aucune étude ne semble avoir été faite afin de déterminer s'il y a lieu d'harmoniser ces différents textes afin de donner pleinement effet au texte du projet de loi.
Par ailleurs, nous avons noté que le texte du projet utilisait un vocabulaire différent de celui de la Loi sur la gestion des finances publiques, et ce, tout en établissant un processus d'imposition de frais qui fait double emploi avec celui déjà prévu aux articles 19 et 19.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Certains des concepts qui sont au cœur du projet de loi ne sont pas énoncés clairement. Ceci a un impact immédiat sur la détermination de la portée du projet de loi. Par exemple, nous ne pouvons déterminer avec certitude le type d'organisations couvertes par la définition d'organismes de réglementation. Bien que l'on ait exprimé l'intention d'en exclure les sociétés d'État, le libellé employé est bien assez large pour les inclure.
D'un point de vue terminologique, plusieurs des termes sont imprécis. Par exemple, celui de «client» qui n'est pas défini et qui parfois semble inclure les bénéficiaires de services, parfois semble les exclure. Beaucoup des termes utilisés dans les dispositions clés sont ainsi susceptibles d'être interprétés de plusieurs manières.
Les lois du Canada sont normalement reconnues comme des modèles de textes législatifs. Nous avons déposé auprès de vous un document portant l'en-tête du ministère de la Justice qui fait état, d'une façon plus détaillée, de certaines des difficultés que je viens d'exposer. Monsieur le président, il me fera plaisir de répondre à vos questions.
[Translation]
Le sénateur Oliver: Y a-t-il quoi que ce soit de bon dans ce projet de loi?
Le vice-président: Je vais bientôt vous donner la parole, sénateur Oliver.
Mme Shirreff fera-t-elle un exposé ou êtes-vous déjà prêt à répondre aux questions?
M. Morgan: Nous sommes prêts à répondre aux questions.
[English]
Le vice-président: Madame Bouzigon, avez-vous discuté du problème avec NAV Canada? Ils nous ont envoyé une lettre. Avez-vous discuté de cette position avec NAV Canada? Êtes-vous au courant de leur problème?
Mme Bouzigon: Oui.
Le vice-président: Dans votre présentation, à la page 3, est-ce le problème de NAV Canada dont vous parlez? Êtes- vous d'accord avec la position de NAV Canada?
Mme Bouzigon: Sans aller dans les détails de la présentation de NAV Canada, il nous semble aussi que la portée du projet de loi pourrait inclure NAV Canada, de la façon dont c'est décrit dans le projet de loi.
Le vice-président: Pouvez-vous expliquer le problème de NAV Canada?
Mme Bouzigon: Non, pas en détails.
Le vice-président: Nous n'avons pas encore reçu la présentation de NAV Canada. Si vous êtes au courant de leur problème ou de leur présentation, nous pourrions en discuter aujourd'hui. Si vous pouvez prendre quelques minutes pour étudier la lettre de NAV Canada, nous pourrions ensuite en discuter. Sinon, il sera nécessaire que nous entendions NAV Canada.
Le sénateur Comeau: Avez-vous distribué cette lettre?
Le vice-président: Est-ce que tout le monde a reçu la lettre?
Le sénateur Comeau: Non, vous ne devriez pas discuter des lettres qui vous sont envoyées à titre de président avant d'en avoir discuté avec nous.
Le vice-président: Je suis absolument d'accord. Je pensais que tout le monde avait reçu la lettre. Nous pouvons remettre une copie à tous. Je vous demande si NAV Canada sera entendu comme témoin.
Le sénateur Ringuette: J'ai une question d'ordre général qui semble faire le consensus autour de la table. Qu'y a-t-il de bon dans le projet de loi, selon vous?
[Translation]
M. Morgan: Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'espère que vous m'excuserez de vous répondre en anglais.
Bon nombre des principes sur lesquels s'appuie le projet de loi correspondent à ceux de la politique, comme la consultation des personnes touchées, la transparence et l'imputabilité. Le gouvernement appuie ces principes.
Cependant, il n'est pas d'accord pour les enchâsser dans une loi, parce qu'il estime plus efficace et plus souple d'adopter une politique pour régir les milliers de circonstances relatives aux frais d'utilisation. On impose des frais d'utilisation pour de multiples activités. L'adoption d'une loi détaillée pourrait avoir des conséquences inattendues.
Le sénateur Ringuette: Selon mon expérience, les lois s'accompagnent toujours d'un règlement préparé par la bureaucratie, en fonction de la politique du ministère pertinent. Quelle serait la différence dans ce cas-ci?
M. Morgan: La différence, c'est que ce projet de loi englobe tout. Il s'applique à tous les types de frais. Il dicte que les nouveaux frais doivent faire l'objet d'un examen de la Chambre et du comité.
Pour le moment, chacun des ministres, par application de ses lois respectives ou de la Loi sur la gestion des finances publiques, a le droit de fixer des frais d'utilisation. Il fait des propositions et les soumet au Comité spécial du Conseil pour approbation après que les ministres du Conseil du Trésor les ont examinées.
Ce projet de loi crée un nouveau processus d'établissement des frais. Il prévoit la participation directe de la Chambre à ces décisions.
Le sénateur Ringuette: C'est pourquoi la Chambre lui a donné son consentement unanime.
Croyez-vous que les divers ministères auraient des problèmes techniques pour justifier leurs frais d'utilisation?
M. Morgan: Je ne crois pas que ce soit un problème technique. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement appuie les principes généraux de la consultation.
Comme ces dispositions feraient partie d'une loi, les ministères et le gouvernement pourraient être poursuivis selon l'interprétation du projet de loi. Comme ma collègue l'a indiqué, il y a tellement d'incertitude quant à l'intention du projet de loi qu'il pourrait y avoir des complications ultérieures.
Le sénateur Ringuette: Convenez-vous que les frais d'utilisation de même que tout examen des frais d'utilisation perçus par un ministère ou un organisme devraient être soumis à la Chambre des communes et au Sénat?
M. Morgan: Je crois que c'est important si nous voulons assurer la transparence. Comme nous le précisons dans la politique révisée, les ministères sont tenus d'en faire mention dans leur rapport sur les plans et les priorités. Ils doivent y décrire très précisément les consultations qu'ils entendent mener pour examiner leurs propositions de frais au cours des trois prochaines années. Ils doivent également indiquer les activités qu'ils proposent dans le cadre de ces consultations.
Nous croyons qu'il faut assurer la transparence dans les rapports au Parlement et au public et que le rapport sur les plans et les priorités est le meilleur outil pour ce faire, puisqu'il décrit toutes les activités du ministère. De même, il comprend un rapport sur le rendement ministériel faisant état des résultats du ministère à la lumière des normes de rendement qui s'y appliquent.
C'est une toute autre histoire que d'engager les parlementaires dans le mécanisme d'approbation de chacun des frais d'utilisation. L'imputabilité que confèrent les lois habilitantes et les politiques aux ministres convient parfaitement dans ce contexte.
Le sénateur Ringuette: On demande au public canadien de payer des frais supplémentaires pour certains services. Le Conseil du Trésor a indiqué récemment qu'il avait les moyens techniques de revoir périodiquement les frais, au besoin.
Je trouve très important que les parlementaires aient leur mot à dire sur le projet de loi et la révision des frais d'utilisation, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans le contexte politique actuel, qui est surtout bureaucratique.
Monsieur le président, j'aimerais exprimer mon appui au projet de loi C-212 dès maintenant.
Le sénateur Comeau: Monsieur Morgan, vous avez dit dans votre exposé avoir d'autres inquiétudes, dont vous pourriez faire part au comité.
Auriez-vous l'obligeance d'envoyer ces informations aux membres du comité?
M. Morgan: Je vais le faire avec plaisir.
Le sénateur Comeau: Vous avez dit qu'actuellement, on fait rapport au Parlement, entre autres, dans les comptes publics et les rapports sur les plans et les priorités.
Le projet de loi prévoit-il ces mêmes mécanismes, ou est-ce que les choses vont changer après son adoption?
M. Morgan: Si le projet de loi était adopté, il nous faudrait examiner notre politique pour nous assurer qu'elle respecte bien la nouvelle loi. Il faudrait examiner la question de plus près pour déterminer si les deux sont compatibles.
Le sénateur Comeau: Vous préconisez de faire rapport à la Chambre des communes. Est-ce que nous perdrions le privilège de surveillance que nous avons en tant que partie constituante du Parlement? Est-ce que le Sénat serait écarté de l'équation?
M. Morgan: Les documents comme les rapports sur les plans et les priorités, les comptes publics et les rapports ministériels sur le rendement sont renvoyés au Sénat pour examen. Je ne sais pas, cependant, quel rôle le Sénat jouerait si le projet de loi était adopté.
Le sénateur Comeau: Il n'a pas de rôle. C'est ce que prévoit le projet de loi. C'est renvoyé directement à la Chambre des communes, point final. Il n'est plus question du Parlement.
Vous pourriez vérifier si nous aurions accès, comme le veut la politique actuelle, à la question de l'établissement des frais, et le reste. Serions-nous complètement écartés du processus?
M. Morgan: Vous auriez toujours accès aux informations et aux rapports dont j'ai parlé.
Le sénateur Comeau: Comme vous le savez, contrairement à la Chambre des communes, le Sénat doit recevoir un ordre de renvoi précis pour effectuer un examen. Nous avons besoin d'un ordre de renvoi clair, et nous ne l'aurions plus.
M. Morgan: Monsieur, je suis désolé de ne pas pouvoir vous en dire davantage là-dessus.
Le sénateur Comeau: Vous avez parlé de l'imputabilité des ministres à la page 4 et de la responsabilité ministérielle à la page 5.
La semaine dernière, un témoin de la Commission canadienne de sûreté nucléaire nous a dit qu'il n'y avait pas de responsabilité ministérielle. La Commission fait rapport au ministre, mais il n'a rien à dire sur la façon dont le travail est fait. En fait, la Commission n'a pas de compte à rendre directement au Parlement.
M. Morgan: C'est exact, monsieur. La Commission a des comptes à rendre au Parlement par l'entremise d'un ministre. Le Parlement a défini les pouvoirs de la Commission. Elle a un certain degré d'autonomie dans ses activités quotidiennes.
Le sénateur Comeau: Elle a plus qu'un certain degré d'autonomie, elle est autonome.
Cela m'incite à me demander si le projet de loi n'est pas une bonne chose. S'il y a des ministères qui jouissent de cette autonomie, le projet de loi ne les rendrait-il pas imputables?
Ne les rendrait-il pas imputables là où ils ne le sont pas actuellement?
M. Morgan: Ces organisations doivent de toute façon rendre des comptes au Parlement dans leurs rapports sur les plans et les priorités et leurs rapports ministériels sur le rendement. L'information serait fournie aux parlementaires. Les comités peuvent convoquer les ministères n'importe quand pour leur poser des questions sur leurs plans.
Le sénateur Comeau: Vous avez parlé du coût du processus de règlement des différends. Je présume que le projet de loi va entraîner une hausse des coûts.
Avez-vous déjà fait des calculs?
M. Morgan: Non, nous n'en avons pas fait. Cependant, nous nous attendons à ce qu'il y ait des coûts supplémentaires associés au projet de loi.
Le sénateur Comeau: Depuis ce qui s'est passé avec le registre des armes à feu, qui devait au départ coûter deux millions de dollars et qui va finir par en coûter un million et plus, beaucoup de Canadiens remettent sérieusement en cause la capacité du gouvernement de planifier depuis quelques années. Il est naturel que nous nous posions maintenant des questions sur les mesures qui peuvent entraîner l'établissement de nouvelles administrations. Je crois que c'est le cas ici.
Je remarque, dans le projet de loi, qu'il va falloir comparer nos frais d'utilisation, nos coûts avec d'autres pays, peu importe lesquels. Je présume qu'il s'agit des États-Unis et de plusieurs autres pays, même si ce n'est pas indiqué dans le projet de loi. Toute une série de coûts vont s'ajouter si le projet de loi est adopté. Ne serait-ce pas le rôle du Conseil du Trésor de faire des calculs et de nous donner une idée des coûts?
M. Morgan: Il serait sûrement très difficile, à ce moment-ci, d'examiner de façon détaillée l'incidence du projet de loi sur les coûts. Il faudrait presque examiner les frais d'utilisation dans un cas précis pour en comprendre la nature et en déterminer l'impact.
Notre politique exige que les ministères connaissent l'ensemble de leurs coûts, qu'ils effectuent une évaluation environnementale et tiennent compte des divers facteurs, y compris ceux concernant les partenaires commerciaux.
On ne sait pas ce qui serait présenté à la Chambre, ni avec quelle rigueur étant donné que, selon le projet de loi, ce serait assujetti à la loi et à la contestation judiciaire.
Le sénateur Comeau: N'avez-vous pas fait de calcul parce qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire? S'il avait été présenté par la présidente du Conseil du Trésor, auriez-vous fait des calculs?
Nous allons évidemment refiler les coûts aux contribuables et, si nous établissons une nouvelle administration, quelqu'un devra en assumer les coûts quelque part. Est-ce parce qu'il n'a pas été présenté par un ministre?
M. Morgan: C'est une raison. La politique est plus exigeante que la politique précédente, qui prévoyait des consultations et une évaluation environnementale dans l'établissement de frais d'utilisation. La nouvelle politique est plus détaillée, surtout pour ce qui est des rapports et de la transparence de l'information. Si la loi exigeait de soumettre ces informations à l'examen de la Chambre, il faudrait plus de rigueur et d'analyse.
Le sénateur Comeau: Mme Bouzigon a parlé des coûts sur le plan juridique. Il y aura bien sûr des répercussions sur le plan juridique. Ce serait utile que notre comité ait une idée de ce que cela va coûter en bout de ligne aux contribuables canadiens, parce que quelqu'un devra payer tous les avocats et les responsables chargés de comparer nos frais d'utilisation à ceux d'autres pays. Il y a des coûts en cause, et le comité ne les connaît pas vraiment.
M. Morgan: Monsieur le président, le projet de loi n'est pas assez clair, il faudrait obtenir plus de précisions sur ses intentions. De plus, étant donné qu'il est question de frais d'utilisation externe, nous voudrions que les ministères connaissent tous leurs coûts et envisagent, pour ce qui est de l'évaluation des frais à établir, les rajustements qui pourraient être nécessaires. Est-ce que ce sont les utilisateurs des services qui devraient assumer les coûts, ou est-ce que ce sont les contribuables qui devraient les absorber?
Le sénateur Comeau: Les contribuables vont payer de toute façon, même si les coûts sont assumés par l'utilisateur ou l'organisme. En bout de ligne, c'est le consommateur qui va payer.
M. Morgan: À un moment donné, le consommateur va payer.
[English]
Le sénateur Gauthier: Je suis fondamentalement un vieux parlementaire qui demeure préoccupé par les frais demandés par les agences ou les ministères pour des services. Je crois que ce sont des taxes indirectes et régressives puisque tout le monde paie le même montant, peu importe leur revenu.
S'il s'agit d'une taxe, il faut qu'il y ait un examen parlementaire. Les règlements donnent toute la latitude possible aux fonctionnaires pour imposer des règlements. Il y a des taxes et des frais. Quant à moi, c'est la même chose.
Le Comité mixte d'examen de la réglementation a présenté le 28 octobre 2003 un rapport qui touche à la radiodiffusion et au CRTC en particulier. Il abonde un peu dans le même sens. Ce rapport stipule que s'il est établi que les frais sont effectivement une taxe, il faut qu'il y ait une délégation expresse du pouvoir de taxation par le Parlement.
Cela a été établi par la Cour suprême, il y a longtemps. Si les frais sont exigés par la loi, c'est une taxe. Si les frais sont imposés par une autorité de la législation, c'est une taxe. Nous voici donc avec un projet de loi.
J'ai lu votre témoignage et je suis en grande partie d'accord avec vous. Il y a quatre milliards de revenus par année. Ces frais rapportent donc des fonds au gouvernement. Recevez-vous comme fonctionnaire du Conseil du Trésor ces frais pour les mettre dans des fonds consolidés?
Je fais une parenthèse, monsieur le président, pour dire que j'aimerais qu'on invite le président du CRTC pour qu'il nous explique son rapport et pour que le Comité sénatorial permanent des finances nationales puisse l'examiner. C'est un bon rapport. Il est explicite et clair.
Comme fonctionnaire responsable du Conseil du Trésor, vous êtes chargé, en principe, d'examiner, de revoir et de faire rapport sur cet examen. Faites-vous les inspections des frais chargés par les organismes et agences gouvernementales de façon efficace et régulière? Y a-t-il des manques dans le système? Avez-vous toutes les ressources humaines nécessaires? Avez-vous toutes les ressources financières à votre disposition pour faire un bon travail parce c'est fondamental.
[Translation]
M. Morgan: Quand un ministère propose de modifier ses frais, ce qui nécessite l'approbation du Conseil du Trésor, la présentation faite au Conseil du Trésor à ce sujet est examinée en détail par le centre des politiques du Secrétariat, pour assurer le respect de la politique. Nous nous attendons à ce que les futures propositions soient assujetties à un examen semblable et expliquent même de façon plus détaillée quels seront les frais, quelles consultations ont été effectuées et quels sont les normes et les rendements prévus.
Cela dit, une fois que le Conseil du Trésor approuve les nouveaux frais proposés, ils sont soumis à l'examen d'un comité spécial du Conseil; dans un certain nombre de cas, les frais lui sont renvoyés directement quand les ministres ont le pouvoir, en vertu de la loi habilitante, de proposer eux-mêmes des frais. La publication dans la Gazette du Canada est un autre mécanisme d'examen, tout comme leur renvoi au Comité mixte d'examen de la réglementation; il y a donc tout un processus d'examen qui existe depuis de nombreuses années.
Notre politique va exiger que les rapports sur les plans et les priorités et les rapports ministériels sur le rendement contiennent beaucoup plus de renseignements. Je crois qu'ainsi l'information sera plus transparente. Les ministres ou les sous-ministres responsables des organisations qui jouissent d'une certaine autonomie pourront alors être tenus responsables du rendement dans son ensemble.
[English]
Le sénateur Gauthier: Votre système est établi. Avez-vous toutes les ressources nécessaires pour suivre ce système avec efficacité? Vous dites que vous les avez et je ne comprends pas.
[Translation]
M. Morgan: Je crois que nous disposons des ressources nécessaires pour mettre en oeuvre la politique qui nécessite non seulement de fournir des conseils aux ministres et aux ministères, mais aussi d'assurer qu'il existe un bon réseau de communications entre les ministères pour leur permettre de partager leurs meilleures pratiques.
[English]
Le sénateur Gauthier: Vérifiez-vous chacune des nouvelles demandes pour une augmentation de frais?
[Translation]
M. Morgan: Non, le Secrétariat du Conseil du trésor ne s'occupe que des frais qui nécessitent son approbation. Dans certains cas, la loi habilitante d'un ministère délègue au ministre le pouvoir d'établir les frais d'utilisation. C'est un processus distinct; ces frais ne sont pas nécessairement soumis au Conseil.
[English]
Le sénateur Gauthier: Environ quel pourcentage?
[Translation]
M. Morgan: Je suis désolé, mais je ne connais pas cette information.
[English]
Le sénateur Gauthier: Pourriez-vous m'envoyer un document à ce sujet? Combien de frais avez-vous examinés? Quelle est le montant total, le pourcentage?
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M. Morgan: Oui, nous allons vous fournir ces informations.
Le vice-président: Monsieur Morgan, vous avez dit que le ministère pouvait imposer des frais et n'avait pas à communiquer avec vous pour le faire si sa loi habilitante lui avait délégué ce pouvoir.
Est-il possible qu'un ministère décide d'imposer des frais d'utilisation sans être autorisé à le faire par la loi et, si c'est le cas, dans quelles circonstances?
M. Morgan: Non, un ministère doit avoir le pouvoir d'établir des frais, en vertu soit de sa loi habilitante, soit de la Loi sur la gestion des finances publiques. S'il le fait en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, l'examen et l'approbation des ministres du Conseil du Trésor sont requis. Notre politique oblige les ministères à consulter le Secrétariat du Conseil du Trésor, même s'ils ne sont pas tenus de demander notre approbation officielle, et nous espérons que les ministères le font.
Le sénateur Oliver: Monsieur Morgan, vous avez dit qu'il y avait d'autres questions sur lesquelles vous vouliez attirer l'attention du comité plus tard. Le sénateur Comeau vous a demandé de nous envoyer ces informations, mais j'aimerais savoir quelle est la nature de ces questions.
Sans entrer dans les détails, pourriez-vous nous indiquer de quoi il s'agit?
M. Morgan: Il y a la question de l'équité entre l'intérêt public et les utilisateurs payeurs. Il faudrait aussi examiner chaque élément du projet de loi et de la politique pour déterminer ce que les processus de gestion et de consultation supposent. Nous examinerions chaque aspect de la politique et du projet de loi pour les comparer.
Le sénateur Oliver: Le président a parlé de NAV Canada. J'ai reçu des appels à mon bureau de représentants de NAV Canada inquiets au sujet du projet de loi.
Le président a fait circuler une lettre signée par le vice-président et avocat général Neil Wilson, dans laquelle il propose un amendement.
J'aimerais vous lire un extrait de cette lettre et vous demander votre opinion.
Comme nous en avons discuté, NAV CANADA croit qu'il existe une solution simple au problème complexe causé par l'application possible de la loi au secteur privé.
Autrement dit, on veut que le projet de loi s'adresse seulement au secteur public, et pas au secteur privé, ou aux sociétés fonctionnant en dehors de ce contexte.
Nous croyons que le Comité sénatorial permanent des finances nationales devrait ajouter les mots «du gouvernement du Canada» après les mots «ou tout autre organisme», dans la définition d'organisme de réglementation, à l'article 2 sur les définitions. Cette solution précise l'intention du parrain du projet de loi et prévient tout préjudice important qui pourrait être causé aux entreprises du secteur privé qui ne sont pas visées par le projet de loi.
Que pensez-vous de l'amendement proposé?
M. Morgan: Le projet de loi est assez imprécis quant à la portée de son application, ce qui est inquiétant.
Le sénateur Oliver: C'est un moyen d'en définir et d'en limiter la portée, pourtant.
M. Morgan: Oui. Si le projet de loi était ainsi amendé, on ne saurait toujours pas s'il vise les entités du gouvernement du Canada auxquelles il ne devait pas s'appliquer?
Par exemple, s'appliquerait-il à toutes les sociétés d'État commerciales qui ont le pouvoir d'établir leurs propres frais?
Seraient-elles obligées de soumettre leurs propositions à l'examen de la Chambre et d'expliquer pourquoi elles veulent exiger ces frais et quel est le processus de consultation qu'elles ont suivi?
C'est une question à laquelle il faudra répondre. On a proposé de supprimer les mots «société d'État» du projet de loi, mais on ne sait toujours pas si la définition actuelle d'organisme de réglementation comprend les sociétés d'État ou non. Cela pourrait avoir des conséquences importantes pour les organismes qui fonctionnent de façon assez autonome par rapport au gouvernement.
Le sénateur Oliver: Madame Bouzigon, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Bouzigon: L'inquiétude exprimée par NAV Canada correspond à la nôtre.
Dans les notes que nous vous avons fournies, nous expliquons que la définition d'«organisme de réglementation», que nous trouvons extrêmement vaste, comprend probablement NAV Canada, exactement pour la même raison que lui.
Le projet de loi n'indique nulle part que les organismes qu'il vise doivent suivre les directives du gouvernement ou être financés par lui, ce qui était peut-être l'objectif. Rajouter seulement les mots «du gouvernement du Canada» ne réglerait pas le problème. Cela exclurait peut-être NAV Canada, mais pas les sociétés d'État. La Cour fédérale du Canada ne serait pas exclue, ni d'autres organismes comme le CRTC. Cela reste encore très général et très difficile à préciser.
Le sénateur Oliver: Si on n'ajoute pas les mots «du gouvernement du Canada», que proposeriez-vous comme libellé?
Mme Bouzigon: Je voudrais d'abord savoir quelle est l'intention du projet de loi et quelle est son application. Quel est l'objectif du projet de loi? Ensuite, je ferais peut-être des recommandations. Actuellement, je ne me sens pas en mesure de faire de proposition parce qu'on examine la situation au cas par cas et que je ne connais pas le principe général que les intéressés à la Chambre ou au Sénat veulent faire valoir. Quand j'en saurai plus long à ce sujet, je serai heureuse de faire des suggestions.
Le vice-président: Le Conseil du Trésor a annoncé une nouvelle politique sur les frais d'utilisation externe, qui est entrée en vigueur il n'y a pas très longtemps, je pense. Est-ce exact?
M. Morgan: Oui, elle est entrée en vigueur en août.
Le vice-président: Était-elle à l'étude depuis un certain temps? Je crois comprendre que l'autre politique était en vigueur depuis 1997. La révision était-elle en cours, ou a-t-elle été provoquée par le projet de loi?
M. Morgan: Dans la politique de 1997, le gouvernement avait promis d'entreprendre une révision dans un délai de trois ans. Depuis deux ou trois ans, nous avions engagé de vastes consultations avec les partenaires de l'extérieur et les ministères pour améliorer la politique. Nous avions fait des comparaisons entre le Canada et d'autres pays dans le cadre de cette révision des frais d'utilisation externe. Durant la préparation du projet de loi, nous avons discuté avec M. Cullen et les intervenants de l'extérieur pour essayer d'améliorer la politique, en tenant compte des propositions que le projet de loi envisageait. C'est la raison pour laquelle vous allez trouver un certain nombre de similitudes entre le projet de loi et la politique.
Le vice-président: Je pense que la politique est entrée en vigueur le 12 août 2003. Comment entre-t-elle en vigueur? Est-ce que le ministre déclare simplement qu'il y a une nouvelle politique et en dépose un exemplaire?
M. Morgan: La politique entrera en vigueur une fois que la présidente du Conseil du Trésor l'aura approuvée. Cette politique a été annoncée quelques semaines plus tard. Beaucoup de nos ministères savaient que la politique était en voie d'élaboration et qu'elle était à l'étude au Conseil du Trésor. Nous avons aussi indiqué que la politique serait assortie d'un plan de mise en œuvre pour que les ministères ne soient pas immédiatement tenus d'appliquer des normes de rendement pour tous leurs programmes. Ils ont un délai de deux ans pour appliquer ces normes. La création de nouveaux droits d'utilisation et la modification de droits existants exigeraient l'élaboration de normes de rendement.
Le vice-président: La présidente du Conseil du Trésor, Mme Robillard, témoigne devant ce comité au moins une fois par année. Je présume que Mme Robillard serait disposée à répondre à des questions sur ce sujet puisqu'il relève de son champ de compétence. Est-ce exact?
M. Morgan: C'est exact.
Le vice-président: J'aimerais que ce soit bien clair pour le comité; la politique est rédigée de telle manière qu'elle n'a pas à nous être soumise avant d'entrer en vigueur; toutefois, nous aurons l'occasion de l'examiner par la suite, tandis que nous étudions les projets de loi avant qu'ils soient adoptés. Je réponds à une question qui été posée plus tôt.
[English]
Le sénateur Gauthier: Nous avons reçu, ce matin, un volumineux document sur toute la politique du Conseil du Trésor. On nous demande d'en faire la lecture en quelques secondes pour ensuite poser des questions pertinentes au projet de loi C-212. Je crains que cela ne soit possible. Il aurait été préférable d'obtenir le document plus tôt. Ainsi nous aurions été en mesure de préparer une série de questions pertinentes et d'obtenir des réponses utiles. Je ne garderai pas un bon souvenir de cette visite.
[Translation]
Le vice-président: Dans ce cas, nous pourrions vous demander de revenir pour répondre à d'autres questions. Il est difficile pour nous d'examiner rapidement ce projet de loi.
Le sénateur Ringuette: Je viens du Nouveau-Brunswick et je suis une personne simple. Je considère que les frais d'utilisation correspondent à des services. Par exemple, j'ai récemment annulé ma carte de crédit American Express parce que les frais d'utilisation étaient excessifs. Comme consommateur, je peux annuler mes cartes de crédit, mais les usagers touchés par les frais d'utilisation que nous examinons n'ont pas cette possibilité. C'est pour cette raison que les parlementaires doivent examiner ces questions. Peut-être que, dans quelques années, nous examinerons les divers ministères, leurs frais d'utilisation et leurs justificatifs. Nous pourrions découvrir que les usagers seraient mieux servis par un organisme privé que par un organisme ministériel. Pour que l'usager soit entièrement satisfait des droits exigés pour la prestation d'un service, nous devons examiner le système à la loupe. Il y aura peut-être d'autres possibilités dans l'avenir.
Vous avez dit que le projet de loi ne contient aucune disposition de réduction des frais d'utilisation. À votre connaissance, quels sont les ministères et organismes qui ont réduit leurs frais d'utilisation depuis dix ans?
M. Morgan: Le ministre des Finances vient de réduire le Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Quant aux autres ministères, nous devons nous souvenir qu'il ne s'agit pas de recouvrement intégral des coûts, ce qui constitue le plafond relativement aux services et à l'accès aux installations. Dans la plupart des cas, ces droits sont inférieurs au coût intégral. Ils sont régulièrement réévalués en collaboration avec les intervenants et les ministères, en tenant compte de la conjoncture et de la capacité des intervenants de payer ces droits. Par conséquent, les ministères les modifient de temps à autre. Je n'ai pas de données particulières sur des réductions qui auraient été accordées par des ministères ou des organismes.
Le sénateur Ringuette: Pourriez-vous nous obtenir ces données? Ce serait utile d'avoir une liste de ministères et d'organismes qui ont réduit leurs droits d'utilisation depuis dix ans.
La politique précédente stipulait qu'un avantage privé devait être conféré pour qu'on puisse imposer des droits d'utilisation. Votre organisme considère-t-il cela comme une condition fondamentale à l'imposition de frais d'utilisation, par opposition à une simple taxe? Pourquoi avez-vous supprimé cette condition de la version finale de la politique révisée?
M. Morgan: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais inviter Mme Shirreff à répondre à cette question.
Mme Suzanne Shirreff, directrice principale, Division de la politique du recouvrement des coûts, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: La politique de 1997 comparait quantitativement les notions de «public» et de «privé». C'est un concept extrêmement frustrant pour les intervenants et les ministères, parce que peu importe la manière de l'appliquer, il exige une forme d'évaluation et personne ne peut dire ce qui est adéquat ou non.
Quand nous avons effectué une étude comparative d'autres pays, nous avons constaté qu'ils reconnaissaient le concept de l'«avantage» dans un sens beaucoup plus vaste. Ainsi, ils reconnaissent qu'il y a des avantages pour les intervenants à être réglementés. La réglementation peut réduire la responsabilité et susciter la confiance du consommateur envers le produit.
Le concept adopté par d'autres groupes étrangers que nous avons examinés est bon, bien que nous n'ayons pas quantifié ce qui est inclus et ce qui ne l'est pas.
Le concept général de l'avantage de la réglementation est intégré à la nouvelle politique révisée. Nous avons aussi inclus le coût initial intégral, et établi ce que le barème de droit devrait être. Quel sera le coût final, par exemple?
Nous avons formulé quelques directives générales pour permettre aux ministères d'étudier les questions relatives aux objectifs en matière de politique publique dont il faut tenir compte, ainsi que la capacité de payer. En fait, quand nous disons que le concept a été éliminé, il ne l'a pas vraiment été; il a plutôt été transformé en une pratique plus acceptable du point de vue du processus d'établissement des coûts.
Le sénateur Ringuette: L'étude comparative des droits d'utilisation d'autres pays a-t-elle été déposée à la Chambre des communes et au Sénat pour que les parlementaires puissent l'examiner à fond?
Le vice-président: Vous devriez demander au groupe d'experts s'il nous a fourni cette documentation.
M. Morgan: Si vous parlez de l'étude comparative elle-même, je crois que nous l'avons déposée à l'occasion d'une comparution du Comité permanent des finances à la Chambre. Nous serions heureux d'en déposer un exemplaire ici aussi.
Le vice-président: Nous feriez-vous parvenir un exemplaire?
M. Morgan: Certainement.
Le sénateur Comeau: La loi exige un processus indépendant de règlement des différends. D'après ce que je comprends, la loi proposée ne fait allusion à aucun des principaux éléments du processus. Si la loi proposée était adoptée, pourriez-vous nous indiquer quels sont les éléments d'un processus indépendant de règlement des différends?
Mme Bouzigon: Le seul élément certain est que ce processus doit être indépendant. Normalement, dans ce contexte, l'attribut d'indépendance implique l'existence d'un conseil composé de trois personnes: une personne nommée par le ministère ou le ministre, une personne nommée par celui ou celle qui veut établir ce conseil, et une troisième personne nommée par les deux parties.
Quant à savoir si les décisions seraient exécutoires, comment le processus fonctionnerait et qui paierait le coût, c'est incertain, car la loi ne confère aucun pouvoir de réglementation.
Le sénateur Comeau: Ce pouvoir n'existe pas?
Mme Bouzigon: C'est là une partie du problème en ce qui a trait à ce projet de loi. Il ne comporte aucun pouvoir de réglementation. Il doit y en avoir un pour que l'administration puisse formuler des règlements.
Le sénateur Comeau: Cette loi ne permettrait pas de rendre des décisions exécutoires?
Mme Bouzigon: Non.
Le sénateur Comeau: Le conseil indépendant de règlement des différends n'aurait aucun pouvoir véritable.
Mme Bouzigon: Quand un ministre ou un ministère établit un processus, il peut décider que ce processus sera exécutoire, mais le projet de loi ne contient aucune indication à ce sujet. En fin de compte, il incomberait aux tribunaux de déterminer — peut-être à la demande d'une partie intéressée — ce que la loi signifie.
Le sénateur Comeau: En vertu du processus indépendant de règlement des différends, croyez-vous que la loi proposée, dans sa version actuelle, ne s'appliquerait plus seulement aux intervenants directs, mais aussi aux usagers finaux, c'est-à-dire le public canadien? Le public y aurait-il accès, ou le libellé est-il trop vague?
Mme Bouzigon: Cela fait partie des éléments pour lesquels je n'ai pas de réponse. Nous ne pouvons pas trouver la réponse en lisant le projet de loi.
Le sénateur Comeau: C'est un autre des éléments dont nous ne savons rien.
Mme Bouzigon: La notion de «clients» n'est pas définie. Elle est employée de manière erratique dans le projet de loi.
Le sénateur Comeau: Si ce projet de loi était adopté, on pourrait défendre l'idée que le consommateur devrait avoir accès au processus de règlement des différends?
Mme Bouzigon: Si c'est avantageux, oui.
Le vice-président: Au nom des honorables sénateurs, je remercie les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor qui ont témoigné devant nous aujourd'hui, M. Morgan, Mme Shirreff et Mme Bouzigon.
Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.
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Nous allons étudier vos documents. J'espère que vous nous ferez parvenir les autres documents que nous vous avons demandés.
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Nous allons maintenant passer à notre groupe d'experts suivants. Je comprendrai si certains de mes collègues souhaitent assister au service commémorant la guerre de Corée, qui aura lieu au Sénat dans environ 15 minutes.
M. Jay Myers, coprésident, (Manufacturiers et exportateurs du Canada), Coalition des entreprises sur le recouvrement des coûts: Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner devant vous. Je m'appelle Jayson Myers et je suis vice- président principal et économiste en chef des Manufacturiers et exportateurs du Canada. Je suis également coprésident de la Coalition des entreprises sur le recouvrement des coûts, la CERC.
Je vais commencer par faire un survol de ce qui est malheureusement devenu de l'histoire ancienne. La CERC a commencé à travailler au dossier du recouvrement des coûts en 1998, lorsqu'un groupe d'associations de gens d'affaires s'est formé pour régler certains problèmes particuliers — que nous espérions alors être simples — entourant la politique fédérale de recouvrement des coûts.
Nos membres comprennent les Manufacturiers et exportateurs du Canada, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Institut canadien de la santé animale, Rx & D, l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, des entreprises canadiennes de technologie des dispositifs médicaux et une vingtaine d'autres associations professionnelles. Nous générons environ 330 milliards de dollars par année en activité économique et nous employons plus de 2 millions de Canadiens.
Dès le début, nous avons compris et reconnu la nécessité de payer des droits raisonnables pour les services du gouvernement fédéral. Toutefois, nous nous attendons à ce que ces droits soient justes, définis de manière raisonnable et transparente, et qu'ils soient liés à des services ou à des avantages précis pour ceux qui doivent les acquitter.
Si la première politique de recouvrement des coûts du gouvernement reconnaissait une grande partie de ces principes, ils ont rarement été appliqués dans la conception ou dans l'administration des programmes ministériels de recouvrement des coûts. Malheureusement, la politique révisée de recouvrement des coûts du gouvernement fédéral écarte une bonne partie de ces principes dont nous avons toujours maintenu l'importance. Cette politique ne propose rien pour garantir que les droits d'utilisation seront appliqués de manière justifiable et en regard de services particuliers.
Honorables sénateurs, le problème réside non pas dans la politique elle-même, mais dans le fait que les ministères ne l'appliquent pas.
Nous avons témoigné souvent devant les comités du Parlement depuis quelques années, et nous avons décrit nos préoccupations constantes à l'égard du recouvrement des coûts. Nous nous soucions principalement du fait que les ministères ne respectent pas les engagements qu'ils ont pris en regard des droits imposés. Plus particulièrement, ils négligent souvent de respecter les normes de rendement envers lesquelles ils s'étaient engagés. Mme Szkotnicki vous donnera quelques exemples.
Mme Jean Szkotnicki, coprésidente, (Institut canadien de la santé animale), Coalition des entreprises sur le recouvrement des coûts: Il faut en moyenne 672 jours à Santé Canada pour homologuer un nouveau médicament d'ordonnance à usage humain, soit presque le double de la norme de 365 jours, et 10 mois de plus que le délai moyen d'homologation aux États-Unis.
En ce qui concerne les nouvelles substances biologiques actives dont le traitement est défini comme prioritaire, c'est- à-dire qu'elles pourraient servir à prévenir certaines maladies débilitantes ou mortelles, le délai moyen d'homologation était de 825 jours en 2000, comparativement à la moyenne de 212 jours aux États-Unis pour la même catégorie de produits.
La situation est encore pire pour les nouveaux médicaments vétérinaires, domaine que je connais très bien. Il faut en moyenne 818 jours pour les examiner, soit le double de la moyenne aux États-unis, et un délai 5 fois plus long que la norme de rendement de 180 jours fixée par la Direction des médicaments vétérinaires.
Dans la plupart des cas, ce n'est pas la complexité accrue des méthodes d'homologation qui prolonge le délai, mais plutôt le fait que les demandes attendent longtemps avant d'être examinées. Même si les normes de rendement établies ne sont pas respectées, on perçoit les frais de service au complet.
Réagissant à nos préoccupations et à la pression exercée par le Parlement, le Conseil du Trésor a élaboré et mis en œuvre une politique révisée de recouvrement des coûts. Il soutient que sa politique révisée tient compte des nombreuses réserves de la Coalition et d'autres intervenants, notamment le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, le Comité mixte d'examen de la réglementation et le Vérificateur général. Nous aimerions que ce soit vrai, mais ce n'est malheureusement pas le cas.
M. Myers: La politique révisée que le Conseil du Trésor décrivait plus tôt ce matin est déficiente dans trois grands domaines.
Premièrement, la politique révisée n'établit pas de lien entre le rendement et les droits perçus. Il est vrai que le Conseil du Trésor exige que les programmes de recouvrement des coûts fixent une norme, mais personne n'a le pouvoir d'appliquer cette norme. Nous avons constaté que les normes de rendement inapplicables sont, dans la pratique, vaines.
Le principal avantage que les entreprises devraient retirer des droits qu'elles paient est que le rendement dans la prestation des services qu'elles reçoivent — rendement auquel les ministères se sont engagés — devrait être prévisible. Si les ministères ne livrent pas les services quand et comme ils l'ont promis, nous estimons que les frais devraient être réduits, et si aucun service n'est rendu, les droits ne devraient pas être payés. Autrement, pourquoi les ministères se sentiraient-ils obligés de respecter les normes de service ou de faire mieux?
D'autres administrations ont réussi à établir un lien entre les droits et les normes de rendement. La Prescription Drug User Fee Act des États-Unis en est un exemple. En Australie, la Therapeutic Goods Act de 1989 énonce les sanctions prévues par la loi dans le cas où les normes de rendement visant l'examen des médicaments à usage humain ne sont pas atteintes. L'autorité australienne en matière de produits antiparasitaires et de médicaments vétérinaires doit également respecter des normes de rendement prévues par la loi et, soit dit en passant, son taux de respect des délais se situe entre 97 et 98 p. 100. Lorsque la norme de rendement n'est pas respectée, les entreprises peuvent réclamer une réduction des droits devant un tribunal spécial.
Nous estimons que le fait d'associer les droits à des normes de service contribuerait à assurer que les services offerts par le gouvernement sont améliorés et que les normes sont vraiment respectées. S'il était adopté, le projet de loi garantirait cela. L'expérience d'autres administrations indique qu'il est possible d'apporter de telles améliorations sans réduire les recettes générées par les frais et sans entamer des poursuites juridiques.
Deuxièmement, nous croyons que la politique a besoin d'un mécanisme indépendant de règlement des différends. Quand des différends surviennent, le Conseil du Trésor nous dit de régler la question avec le ministère qui perçoit les frais, de telle sorte que le litige remonte jusqu'au ministre, si jamais il se rend là. Sur le plan juridique, le défendeur est juge et partie.
Le Conseil du Trésor souligne qu'un comité spécial du Cabinet doit approuver les nouveaux frais. Malheureusement, puisque le Conseil canadien des normes examine seulement les propositions d'établissement de nouveaux droits ou d'augmentation des anciens et qu'il ne surveille pas la mise en œuvre des droits, il n'est pas en mesure d'intervenir quand des ministères ou des organismes négligent systématiquement de respecter leurs normes. Puisque le processus du Conseil canadien des normes est secret, les entreprises ne peuvent pas examiner ni commenter les propositions relatives aux droits, comme l'examen parlementaire le permettrait.
Troisièmement, la politique révisée représente un immense recul, à notre avis, car elle ne tient pas compte du principe selon lequel les droits doivent être associés à un service précis qui confère un avantage privé à celui qui paie. Nous estimons que c'est inacceptable. Sans l'obligation de démontrer un avantage privé, la justification des droits n'existe plus, ce qui signifie que les droits ne sont rien d'autre qu'une taxe. Pire encore, en supprimant cette exigence, le gouvernement permet en réalité aux organismes d'imposer de nouveaux droits sans garantie que le service sera vraiment rendu. Encore une fois, c'est inacceptable.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Environnement Canada a récemment instauré le recouvrement des coûts pour son programme de déclaration de substances nouvelles. En vertu du programme, les entreprises doivent acquitter des droits pour inscrire de nouvelles substances sur la Liste intérieure des substances, mais une fois que la substance est inscrite, n'importe qui peut l'importer ou la distribuer au Canada. Dans ce cas, il n'y a pas d'avantage privé associé aux droits. En fait, cela signifie que celui qui doit acquitter les droits subventionne des concurrents éventuels. Malgré cela, Environnement Canada a instauré ce droit, avec la bénédiction du Conseil du Trésor.
Contrairement à la politique révisée du Conseil du Trésor, le projet de loi proposé tient compte de ces préoccupations en présentant exactement les genres de principes de base, de pouvoir d'exécution et de normes d'équité que nous réclamons depuis 1998. Ce sont également les principes et les normes que les membres du Comité permanent des finances de la Chambre des communes et le vérificateur général ont réclamés à maintes reprises. De fait, pas plus tard que la semaine dernière, vos collègues du Comité mixte d'examen de la réglementation ont rappelé la nécessité d'améliorer le recouvrement des coûts.
Le Conseil du Trésor a eu la chance d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique révisée tenant compte des préoccupations de l'industrie, des payeurs et du Parlement, mais il a décidé de s'en abstenir.
Mme Szkotnicki: En janvier dernier, j'ai envoyé au Conseil du Trésor une lettre indiquant exactement ce que, selon le BCCR, il fallait inclure dans la politique pour qu'elle fonctionne. Je remets cette lettre au comité aujourd'hui. Malheureusement, nous n'avons jamais eu de réponse, ni même d'accusé de réception, et nos points de vue n'ont nettement eu aucune influence sur la réflexion du conseil lorsqu'il a établi sa politique révisée.
Au bout du compte, je pense que le comité a un choix très clair. Selon moi, il est clair: Soit qu'il se prononce en faveur du projet de loi proposé, qui tient vraiment compte des nombreux problèmes que nous avons connus avec la mise en oeuvre du recouvrement des coûts, ou encore, il peut décider de conserver la politique révisée du Conseil du Trésor, qui perpétue les pratiques les plus flagrantes et les plus injustes de l'ancienne politique.
D'après nous, le bon choix est aussi très clair: La loi proposée améliorera le recouvrement des coûts; la politique révisée récente du Conseil du Trésor ne le fera pas. Le Parlement devrait adopter et mettre en oeuvre ka loi proposée. Nous espérons que vous nous aiderez à faire en sorte que cela se produise.
M. John Stewart, directeur général et premier vice-président, Purdue Pharma, Coalition des entreprises sur le recouvrement des coûts: Monsieur le président et membres du comité, nous vous remercions de permettre à Canada's Research-Based Pharmaceutical Companies, connues sous l'acronyme Rx & D, d'exposer nos points de vue sur le recouvrement des coûts. Je suis John Stewart, président de Purdue Pharma, l'une des compagnies membres de Rx & D. Je suis également l'actuel président du conseil d'administration de Rx & D.
Notre association nationale, Rx & D, représente les quelque 23 000 Canadiens et Canadiennes employés par plus d'une soixantaine de compagnies de recherche pharmaceutique d'ici, au Canada. Nous avons de grandes et de petites compagnies, dont plusieurs sociétés biopharmaceutiques. Cependant, toutes ont un principal objectif, celui de découvrir et de développer des médicaments novateurs qui amélioreront la qualité de vie et notre système de santé.
Permettez-moi de dire tout d'abord que Rx&D respecte le principe du recouvrement des coûts et appuie la loi proposée parce qu'elle améliorera l'application des normes de rendement. De fait, notre organisation s'est montrée favorable au paiement de frais appropriés pour l'évaluation des présentations de drogues depuis que le gouvernement a soulevé la question en mai 1986. Notre déception vient du fait que l'industrie pharmaceutique a appuyé le recouvrement des coûts sur la promesse d'un meilleur rendement, une promesse qui n'a pas a été tenue. En conséquence, les patients du Canada ont dû attendre nettement plus longtemps pour des nouvelles pharmacothérapies que les patients de nombreux autres pays, et le Canada n'a pas pu profiter d'investissements en recherche et en fabrication dont il aurait pu tirer parti autrement.
J'aimerais faire un bref survol de l'expérience de l'industrie novatrice en matière de recouvrement des coûts.
En 1994, dans le cadre de l'examen des programmes qu'a fait le gouvernement fédéral, le Programme des produits thérapeutiques, qui est maintenant la Direction des produits thérapeutiques, ou DPT, a entrepris un processus de consultation qui a abouti à la perception de frais annuels pour le renouvellement des numéros d'identification des drogues et les licences d'établissements manufacturiers, et de droits pour l'évaluation des présentations de drogues. L'un des éléments qui faisaient partie intégrante de cette initiative, conformément à la politique du Conseil du Trésor, était l'introduction de normes de rendement pour l'examen des présentations de nouvelles drogues. La DPT s'est engagée à appliquer des normes de rendement concurrentes à celles de grands organismes de réglementation comme la Food and Drug Administration des États-Unis et la Medicine Control Agency du Royaume-Uni.
En plus de constituer une source de revenus pour le gouvernement, le recouvrement des coûts était censé accroître le rendement au sein de la DPT, ce qui devait permettre aux patients d'avoir plus rapidement accès aux nouvelles thérapies. En même temps, les compagnies pharmaceutiques novatrices tireraient avantage de l'approbation plus rapide des produits, laquelle présenterait un potentiel général de revenu accru qui serait favorable à la recherche.
Bien qu'il y ait eu une certaine dose de scepticisme dans nos compagnies, la majorité a donné son appui à l'imposition de frais, puisque la DPT avait affirmé à maintes reprises que cette mesure augmenterait son rendement au titre de la rapidité des examens et de l'approbation.
La DPT s'est fixé des objectifs très valables, comme l'achèvement de l'examen d'une présentation de nouveau médicament en 365 jours. La ministre de la Santé de l'heure, Diane Marleau, avait même dit que le barème des droits exigibles serait établi de telle manière que les droits seraient réduits pour les présentations dont la DPT n'aurait pas fait l'examen dans les délais fixés. À l'époque, le gouvernement semblait ferment déterminé à tenir sa promesse de meilleur rendement.
Aujourd'hui, la triste réalité est que le rendement de la DPT n'a pas atteint ses objectifs; le rapport entre le rendement et les frais versés n'a jamais été établi dans le règlement et, dans la même période, les organismes de réglementation des drogues dans les pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suède ont largement amélioré leur rendement, laissant le Canada et les Canadiens bien loin derrière.
L'établissement d'un rapport entre les frais et le rendement s'est fait avec succès dans d'autres pays. Vous avez entendu parler de la FDA, et de l'Australie, qui en a fait autant. Une des principales raisons à cela, selon les fonctionnaires de la FDA, c'est que la clause d'extinction en cinq ans et la surveillance continue par le Congrès ont maintenu la pression sur la FDA pour qu'elle améliore ses cibles de rendement.
Selon nous, le rapport entre les frais et le rendement est l'un des éléments clés du projet de loi qui est proposé. La politique du Conseil du Trésor n'établit aucun lien entre les frais et le rendement; les personnes qui ont payé des frais sans que l'objectif de rendement soit atteint se font tout simplement dire de retourner voir le ministère percepteur de ces droits et n'affiche pas les normes de rendement voulues. Cette approche n'a pas été efficace dans le passé. Nous pensons que ce qu'il faut, c'est faire le lien entre le rendement et les frais perçus. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ça marché aux États-Unis, en Australie et ailleurs.
D'après l'avis annuel de conformité de Rx & D, ou le sondage de rendement de la DPT, le délai moyen d'approbation des nouvelles drogues, en 2002, a été de 672 jours. C'est nettement plus long que le temps que prennent la FDA et d'autres organismes de réglementation des drogues du reste du monde. Ce qui est particulièrement frustrant, c'est que nous reconnaissons que les présentations passent une bonne partie de cette période à attendre le début du processus de révision. Autrement dit, c'est du temps passé à des stades non productifs entre les aspects de l'examen. J'ai trois diapositives pour décrire le processus.
Cette première diapositive illustre le nombre moyen de jours passés à attendre l'approbation d'une présentation de nouvelles drogues au Canada depuis 1995 jusqu'en 2002. Vous remarquerez au bas du graphique l'indication de 350 jours, l'objectif actuellement fixé. D'après ce que nous avons constaté depuis sept ans, le plus près que nous soyons parvenus de cet objectif a été 550 jours, et c'était en 1997; depuis plusieurs années, on a constaté une baisse du rendement, ou une prolongation du délai moyen d'examen.
Maintenant, pour faire rapidement une comparaison internationale, ce que vous voyez ici, c'est le délai moyen d'approbation des nouvelles drogues sur trois ans, de 1999 à 2001. Conscients que n'importe quel pays peut avoir une mauvaise année, nous avons porté notre étude sur une période de trois ans pour voir ce que le Canada avait pu réaliser comparativement aux États-Unis et à d'autres pays. Je pense que vous pouvez constater que le Canada se distingue par la longueur de ses délais, ou par la lenteur de son examen et de l'approbation des présentations de drogues.
Je tiens à préciser que ce sont, grosso modo, les mêmes drogues et les mêmes présentations de drogues qui ont été présentées à la DPT du Canada, à la FDA des États-Unis, et cetera.
Ma dernière diapositive peut vous sembler un peu chargée, mais chacune de ces lignes dit la même chose. La ligne rouge qui va jusqu'en haut - 3TC est un médicament antiviral - indique le nombre de jours écoulés entre la présentation du médicament à la DPT et l'ouverture du dossier pour l'examen. La ligne bleu foncé est le délai qu'il a fallu pour l'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité, pour déterminer si cette drogue était sûre et efficace et, enfin, une autre période suit.
Dans la plupart des cas, il s'écoule pas mal de temps avant le début de l'examen. En général, on a constaté que le délai moyen pour l'examen de l'innocuité et de l'efficacité n'était que de 196 jours. Cela signifie qu'il n'a fallu pour l'examen, pour déterminer que le médicament est sûr et efficace, que 96 jours. Pourtant, d'autres lacunes du système ont fait que le délai total de l'examen et de l'approbation a été de plus de 600 jours.
Monsieur le président, Rx&D demande respectueusement à ce comité d'approuver le projet de loi proposé. Il pourra changer quelque chose à la période que prendront les médicaments pour parvenir aux patients canadiens, et il incitera les compagnies pharmaceutiques novatrices à plus investir dans le pays.
Je vous remercie de votre attention, et je répondrai avec plaisir à vos questions.
[English]
Le sénateur Gauthier: À la page 4 de votre texte de présentation, vous indiquez que la politique révisée du Conseil du Trésor est un gigantesque pas en arrière, ne tenant pas compte du principe selon lequel les droits doivent être liés à un service précis qui fournit un avantage privé pour celui qui paie. Vous poursuivez en indiquant que cela est complètement inacceptable parce qu'il n'est pas obligatoire de démontrer un avantage privé; la justification d'imposer des droits n'existe plus, ce qui signifie que les droits ne sont rien d'autre qu'une taxe.
Je crois que vous avez entièrement raison. S'il n'existe pas un avantage privé et qu'il y a bénéfice pour le gouvernement, il s'agit alors d'une taxe.
Dans votre témoignage, vous nous comparez aux pays qui sont nos meilleurs clients commerciaux. Nos échanges commerciaux avec les États-Unis représentent 84 p. 100 de notre commerce. Vous utilisez l'argument que les États- Unis font preuve d'une plus grande efficacité, entre autres, dans le domaine des médicaments et je le reconnais. Quel est le rapport entre les frais d'un autre pays et ceux du Canada? Votre argument s'applique au domaine des médicaments. Toutefois, quel est le rapport entre ces deux frais applicables?
[Translation]
M. Myers: Je pense qu'une partie du problème, quand on essaie de comprendre le recouvrement des coûts au Canada, c'est qu'on manque d'information sur les frais qui sont perçus, mais encore plus sur des comparaisons avec les frais et les normes d'autres pays.
Des analyses ont certainement été faites des normes qui ont été établies dans d'autres pays, et le Conseil du Trésor a dit qu'il ferait part de leurs conclusions au comité. Cependant, même le chiffre de 4 milliards de dollars par année est fondé sur une estimation que le Conseil du Trésor a faite en 1999. Il n'y a pas eu de reddition des comptes sur ces droits depuis 1999. Le problème vient en partie du manque de transparence de tout ce processus.
Peut-être M. Stewart ou Mme Szkotnicki peuvent-ils répondre en rapport avec leur secteur spécifique.
Mme Szkotnicki: Je pense qu'il y a des liens dans les aspects programme par programme. Par exemple, nous savons ce à quoi le gouvernement réserve ces recettes, mais si je regarde les États-Unis, pour un rendement meilleur que celui du Canada, aucun droit n'est perçu.
Nous avons un programme de recouvrement des coûts depuis sept ans, pour lequel les États-Unis ont un processus similaire d'évaluation des risques, sans percevoir de droits.
Le lien est très ténu, si toutefois il y en a un. Je peux donner cet exemple, qui s'applique aussi aux produits biologiques à usage vétérinaire.
M. Stewart: En ce qui concerne les frais versés pour les évaluations de drogues, nous pouvons certainement présenter les chiffres réels des droits perçus aux États-Unis et au Canada. Ils tendent à être légèrement plus élevés aux États-Unis qu'ici. La grande différence, cependant, c'est ce qui est fait de ces recettes. La FDA les réserve à l'embauche d'autres évaluateurs scientifiques pour qu'ils puissent prendre les présentations et en commencer l'évaluation assez rapidement.
Lorsque le Canada a commencé à percevoir les droits pour l'évaluation des présentations de drogue, il a tout simplement soustrait un montant équivalent aux crédits parlementaires versés à Santé Canada. Il restait très peu d'argent pour embaucher les évaluateurs scientifiques pour accroître le rendement.
M. Myers: Cette comparaison des droits et des normes d'autres partenaires commerciaux devrait être intégrée à l'évaluation environnementale dans le cadre de la politique actuelle du Conseil du Trésor. Ces renseignements sont rarement recueillis et transmis aux personnes qui paient ces frais, qui sont en pleine démarche de consultation et de préparation des droits. Tout cela dépend du service fourni pour les droits versés. Dans certains cas, des droits sont versés sans qu'aucun service ne soit fourni. Par exemple, il y a des compagnies qui doivent payer des services de déglaçage sur le lac Supérieur alors que les brise-glace du gouvernement fédéral ne sont même pas utilisés. Aucun service n'est fourni mais ces compagnies doivent payer les frais.
Le sénateur Comeau: Vous avez exposé des préoccupations extrêmement graves, que je partage, en ce qui concerne le processus de perception de frais d'utilisation, et j'appuie vos objectifs.
Est-ce que cette loi qui est proposée est le véhicule approprié pour parvenir à ces objectifs?
Est-ce qu'elle donne les moyens d'y parvenir?
Des fonctionnaires ont soulevé plusieurs problèmes, comme l'ambiguïté du processus réglementaire, comment il fonctionnera, et le mécanisme proposé de règlement des différends. Aucune estimation n'a été faite des coûts, alors, de toute évidence, plusieurs organismes devront être créés pour mettre le processus en oeuvre, compiler les coûts de nos principaux partenaires commerciaux, et cetera.
Il faudra identifier le client. Il y a la question de savoir quels ministères et organismes seront assujettis au projet de loi proposé et les «principaux partenaires commerciaux» ne sont pas désignés. Je suppose qu'il sera laissé aux soins de la fonction publique de déterminer qui seront les partenaires commerciaux.
Toutes ces observations donnent à penser que le projet de loi proposé ne devrait pas être touché et devrait être transmis sans aucun changement. Est-ce que c'est ce que vous recommandez?
M. Myers: Monsieur le sénateur, peut-être devrais-je préciser qu'il n'existe pas, dans la loi proposée, de processus d'approbation obligatoire. Cette loi permet, plutôt, aux comités de la Chambre de décider de procéder à un examen, puis de faire rapport de ses conclusions à la Chambre. On suppose que l'examen ne soit effectué que s'il y a des problèmes avec le programme de recouvrement des coûts qui est en place, ce qui, à mon avis, est un bon mécanisme.
Plusieurs problèmes ont été mentionnés au sujet de la complexité et du manque de précision. La politique actuelle du Conseil du Trésor affiche déjà cette complexité en grande partie, précisément en ce qui concerne la nécessité de procéder à des évaluations qui tiennent compte de ce que font les autres partenaires commerciaux. En principe, si les ministères faisaient leur travail, c'est eux qui devraient en assumer les coûts.
La nature complexe du processus est attribuable au Conseil du Trésor et le projet de loi proposé permet tout simplement aux comités parlementaires d'examiner les programmes de recouvrement des coûts.
Le sénateur Comeau: Ce devrait être «les comités de la Chambre des communes», si je peux me permettre de vous corriger.
M. Myers: C'est bien vrai. Il n'y a rien, dans le projet de loi proposé, pour empêcher que l'information soit fournie aux comités du Sénat. Je m'inquiéterais que la réaction du Conseil du Trésor à la loi proposée soit de modifier sa propre politique de manière à ne pas fournir au Sénat l'information nécessaire pour cerner ces problèmes.
Le sénateur Comeau: Partez-vous du principe que la politique restera telle après que le projet de loi proposé sera devenu loi? Est-ce que cela ne relèverait pas des dispositions du projet de loi proposé plutôt que de la politique?
M. Myers: Oui, mais je pense qu'il y a bien des cas où la politique, comme l'affirme le Conseil du Trésor, devrait être harmonisée au projet de loi proposé, qui reflète en grande partie la politique du Conseil du Trésor. Elle ne fait que constituer un véhicule pour permettre aux comités de la Chambre des communes d'examiner des domaines où il pourrait y avoir des problèmes.
Vous avez parlé du coût possible d'un processus de règlement des différends. Bien des politiques de recouvrement des coûts ont été défendues depuis cinq, six ou sept ans, sans que rien ne soit réglé. Elles n'ont fait que susciter beaucoup d'incertitude et prendre beaucoup de temps, tant pour les ministères que pour les contribuables.
Il me semble qu'une espèce de processus qui permettrait aux ministères de décider d'une forme d'examen objectif, ou une tierce partie objective, pour aider les ministères à régler les problèmes, serait un progrès phénoménal. Je suggérerais que ce soit fait de toute façon.
Le sénateur Comeau: Vous n'avez pas à me convaincre. J'ai dit dès le début que je ne suis pas satisfait du processus tel qu'il est. Toutefois, devrions-nous penser que le projet de loi proposé est assez bon pour être adopté immédiatement, sans aucun changement?
M. Myers: Je crois que c'est un bon projet de loi et il n'a pas été préparé trop à la hâte. Il a plutôt été conçu sur cinq années, en réaction à bien des problèmes que nous avons vu survenir avec la mise en oeuvre du recouvrement des coûts. C'est un excellent projet de loi qui créerait le mécanisme régulateur dont nous avons besoin pour mettre en oeuvre la politique actuelle.
[English]
Le sénateur Gauthier: Lorsque le parrain du projet de loi C-212 est venu, je lui ai posé 40 questions et je lui ai donné un avis à ces questions. Avons-nous reçu les réponses à mes questions?
Le vice-président: Pas encore. Elles seront distribuées.
Le sénateur Gauthier: Cela serait utile que nous les ayons le plus tôt possible.
[Translation]
Le vice-président: Monsieur Myers, avez-vous un commentaire à faire?
M. Myers: Oui. Nous serons heureux de venir devant le comité répondre à toute autre question que vous pourriez avoir au sujet du projet de loi qui est proposé.
Une grande part des objections soulevées par les opposants au projet de loi semblent être fondées sur la théorie voulant que les ministères soient incapables de respecter les normes qu'ils doivent établir en vertu de la politique actuelle du Conseil du Trésor. Si c'est le cas et que ces normes ne sont pas respectées par les ministères, ou sont ignorées par eux, alors, cela confirme qu'il nous faut une espèce de mécanisme pour nous assurer que la politique soit réellement appliquée. Si la politique n'est pas pertinente, alors sur quelle norme le gouvernement peut-il s'appuyer pour déterminer les frais?
Le vice-président: Merci beaucoup. Vous avez soulevé des éléments tout à fait intéressants et révélateurs.
Le sénateur Ringuette: Monsieur le président, je propose, avec l'appui du sénateur Finnerty, que vous déposiez ce projet de loi à la Chambre sans modification, aujourd'hui même.
Le sénateur Comeau: Un instant, je vous prie.
Le vice-président: C'est une motion.
Le sénateur Comeau: Monsieur le président, il y a une tendance croissante, au sein de votre caucus, à exercer des pressions sur les membres de l'opposition. La semaine dernière, le Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement a fixé une réunion hors de l'horaire normal, en même temps qu'avait lieu la réunion ordinaire du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Les membres des deux comités ont dû manquer la réunion du comité du Règlement. Le président du Comité du Règlement a tenu une réunion sans les membres de l'opposition et a déposé un rapport à la Chambre.
Ce matin, nous voyons encore un projet de loi se faire pistonner, imposer et pousser sans qu'il ait subi l'examen des membres de l'opposition. Nous devons procéder à une étude article par article, comme le propose le sénateur Ringuette, ce qui me fait encore une fois déborder de mon horaire normal, puisque cette réunion est censée se terminer en ce moment même.
Est-ce un mode d'intimidation que votre parti compte commencer à pratiquer à l'égard des membres de l'opposition parce que vous êtes plus nombreux du parti libéral? Nos rangs s'amenuisent, ce n'est pas un secret. Nous savons que le premier ministre désigne ses supporters, ce qui réduit nos rangs. Nous assistons à ces pratiques insensées d'intimidation de plus en plus souvent.
Ce n'est pas ainsi que nous avons toujours fonctionné au Sénat. Nous n'avons jamais eu recours à ces tactiques auparavant, même aux pires moments.
Si vous commencez à appliquer cette approche maintenant, le climat de compatibilité, de coopération et de consensus sera perdu. Si ce genre de pratique persiste, rien n'ira plus.
Le vice-président: Merci, sénateur Comeau.
Le sénateur Finnerty: Puis-je intervenir?
Le vice-président: Sur cette question?
Le sénateur Finnerty: Oui. Ce n'était pas un geste prémédité. Nous pensons seulement qu'il n'y a pas beaucoup de temps pour faire des changements.
Le sénateur Comeau: Oui, nous avons tout le temps qu'il faut. Nous avons jusqu'en juin. S'il doit y avoir changement de gouvernement, cela ne signifie pas que le Sénat doive suspendre ses travaux. Certains veulent un calendrier différent en prorogeant ou en ajournant à la fin de la semaine. Nous ne fonctionnons pas, ici, avec le concept de la prorogation et de l'ajournement.
Nous avons une tâche dont il faut nous acquitter pour les contribuables canadiens et le public canadien. Nous ne fonctionnons pas en termes de prorogation et d'ajournement. Nous avons le temps. Nous serons ici, pas la semaine prochaine, puisque c'est le 11 novembre, mais nous avons le temps, tout le temps qu'il faut.
Le sénateur Ringuette: Monsieur le président, une motion vous a été présentée.
Le vice-président: J'ai reçu une motion. Je ne la mettrai pas aux voix pour deux raisons. Tout d'abord, nous n'avons pas, en tant que comité, donné un préavis pour annoncer que l'étude article par article se ferait aujourd'hui. Par conséquent, nous ne pouvons aller plus loin.
Deuxièmement, j'ai permis à plusieurs de nos membres d'aller assister aujourd'hui à une cérémonie commémorative. Il serait tout à fait malvenu de ma part, en tant que vice-président, de les excuser, puis d'adopter une motion en leur absence.
Je ne mettrai pas la motion aux voix maintenant. Votre comité de direction décidera si nous devons la mettre aux voix immédiatement après notre retour.
Il nous reste six autres personnes à entendre sur la question. Comme l'a dit le sénateur Gauthier, nous avons une quarantaine de questions pour lesquelles nous n'avons pas reçu de réponse. Votre comité de direction réglera ces questions en suspens et la motion ne sera pas mise aux voix avant la prochaine réunion.
La séance est levée.