Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 5 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 18 juin 2002
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 9 h 05, pour étudier les aspects juridiques clés ayant une incidence sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés sur une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait ainsi que leur contexte particulier.
Le sénateur Shirley Maheu (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous commençons aujourd'hui nos audiences publiques sur l'importante question du partage des biens immobiliers matrimoniaux situés sur une réserve. Au cours des mois à venir, le comité entendra des témoins du gouvernement et des groupes autochtones. Le comité va examiner les quatre points suivants: l'interaction des lois provinciales et fédérales au sujet du partage des biens matrimoniaux, qu'il s'agisse de biens personnels ou immobiliers sur une réserve, notamment, la mise en application des décisions judiciaires; l'usage en matière d'affectation des terres sur la réserve, notamment dans le contexte de l'affectation selon la coutume des terres en cas de mariage ou d'union de fait; le statut des conjoints et la façon dont les biens immobiliers sont partagés en cas de rupture de l'union; les solutions possibles qui permettraient d'assurer un équilibre entre les intérêts des particuliers et ceux de la collectivité.
[Français]
J'aimerais remercier le ministre des Affaires indiennes et du Nord, l'honorable Robert Nault, d'avoir accepté notre invitation et surtout pour avoir démontré son grand intérêt pour les sujets qui touchent nos peuples autochtones. Monsieur le ministre, vous avez la parole.
[Traduction]
L'honorable Robert D. Nault, c.p., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien: Madame la présidente et membres du comité, je suis accompagné aujourd'hui de Mme Wendy Cornet et de Mme Sandra Ginnish qui participent de près à l'étude de cette importante question.
J'aimerais remercier le comité d'avoir entrepris une étude sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Après ma déclaration liminaire, je dialoguerai avec les honorables sénateurs. Notre travail, en tant que parlementaires, est d'aider à trouver des solutions raisonnables à des problèmes déraisonnables et j'espère que c'est ce que votre comité tente de faire.
La question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves en est un exemple typique. La tâche qui nous attend consiste donc à trouver des solutions raisonnables et pouvant être mises en pratique afin de servir les intérêts de toute personne touchée par cette question; dans le cas présent, on parle de presque tous les résidents des collectivités des Premières nations.
Au coeur du problème se trouve le fait que, comparativement aux personnes vivant hors réserve, les gens des Premières nations qui habitent une réserve possèdent des droits limités en ce qui a trait au foyer conjugal quand un mariage est dissous ou quand une cohabitation prend fin.
En fait, lorsqu'il est question du foyer conjugal, la plupart des droits et des recours juridiques énoncés dans les lois canadiennes et applicables hors des réserves ne s'adressent pas aux résidents d'une réserve. En outre, la Loi sur les Indiens n'aborde pas la question, et les provinces, responsables des dossiers du droit familial et des biens, n'ont pas le pouvoir d'adopter des lois portant sur les terres qui relèvent de la compétence fédérale, comme c'est le cas des terres de réserves. De plus, étant donné qu'aucune loi ne porte, en ce moment, sur la division des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, les tribunaux ne sont pas autorisés à déterminer de quelle façon protéger de tels biens durant un mariage ni comment diviser les biens en cas de rupture d'une relation.
Dans la plupart des provinces, les deux conjoints se prévalent des mêmes droits en matière de possession du foyer conjugal, peu importe le nom qui apparaît sur l'acte formaliste et peu importe qui a versé la plus grande contribution financière. Dans les collectivités des Premières nations, où ce sont les hommes qui, en général, sont propriétaires des terres et du foyer conformément à un certificat de possession, les femmes ont droit à une part très restreinte de ce qui représente souvent l'avoir le plus important du couple.
Il s'agit là d'une question qui pose tout particulièrement problème dans les familles des Premières nations, où des mères, des soeurs, des amies et des voisines se sont retrouvées sans logis et ont dû parfois quitter leur collectivité après s'être séparées de leur conjoint. On devine aisément le désespoir que peuvent éprouver ces femmes, qui ne savent ni que faire ni où aller. En réalité, même dans les cas de violence familiale ou de garde d'enfants, les femmes ne peuvent demander à posséder de façon exclusive et provisoire le foyer conjugal. De plus, ni le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, ni le conseil de bande n'a le pouvoir d'annuler le certificat de possession ou d'autoriser une personne à occuper temporairement le foyer conjugal.
Cette situation inacceptable, je l'ai toujours eue à coeur, tout comme vous d'ailleurs. De toute évidence, nous pouvons et nous devons réaliser des progrès ici, au Canada, pour aider les femmes des Premières nations, leurs enfants, leurs collectivités et tous les Canadiens, qui ne souhaitent rien de moins que de voir ce dossier délicat traité avec justice.
Permettez-moi de maintenant de faire une brève récapitulation de ce qui a été réalisé jusqu'ici. Le ministère que je dirige a entrepris un certain nombre de travaux de recherche dans le but de mieux comprendre les questions qui ont cours en ce qui a trait aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Affaires indiennes et du Nord Canada a demandé à la firme Cornet Consulting Mediation de préparer un document de travail sur les principales questions juridiques se rapportant aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves ainsi que sur le contexte politique dans lequel de telles questions évoluent.
L'ouvrage intitulé «Document de travail: les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves» a été rendu public lors de la conférence sur la recherche en matière de politique autochtone, tenue en novembre 2002. Ce document n'offre pas d'options ni de solutions, mais il aborde le contexte juridique, ce qui sera certainement fort utile aux gens et aux dirigeants des Premières nations.
Le ministère a également publié «Après la rupture du mariage: Information sur le foyer matrimonial dans la réserve.» Ce document, rédigé en langage clair et simple, a pour objectif de sensibiliser les gens des Premières nations à ce sujet. Il permet de donner suite aux préoccupations soulevées par certaines personnes, qui affirmaient que les collectivités n'étaient pas suffisamment sensibilisées à la question. Par conséquent, les représentants du ministère se sont inspirés du contenu de ces documents pour mener des séances d'information d'un bout à l'autre du Canada afin de favoriser le dialogue.
De plus, on est à préparer deux autres travaux de recherche, dont les résultats devraient être diffusés. Ils en sont à l'étape de la traduction, ce qui semble toujours prendre beaucoup de temps, ce que je ne peux pas comprendre. Je me demande pourquoi il faut deux mois pour traduire un document de l'anglais au français ou vice versa.
Je dois parler de deux autres documents également: le premier réalisé en Colombie-Britannique, traite des répercussions socio-économiques de l'éclatement de la famille sur les femmes et les enfants des Premières nations; le deuxième aborde les questions liées aux poursuites devant les tribunaux, au recours à un ombudsman et aux règlements extrajudiciaires des conflits.
À dire vrai, ce dossier préoccupant progresse beaucoup trop lentement et c'est pourquoi je demande au comité d'entreprendre cette étude en faisant preuve, je l'espère, d'empressement.
Je sais qu'il existe bon nombre d'aspects complexes entourant la question des biens immobiliers matrimoniaux: les droits légaux, juridiques, culturels, sociaux et économiques ainsi que la compétence. Toutefois, il nous incombe à nous, gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi qu'aux dirigeants autochtones au Canada, de trouver des solutions justes et raisonnables aux problèmes.
Pour ce faire, la collaboration intergouvernementale est l'une des solutions clés. De fait, bien qu'il soit évident que le gouvernement fédéral doive intervenir dans le dossier, nous devons aussi tenir compte du rôle éventuel d'autres ordres de gouvernement. Par exemple, si l'on apporte des changements à la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, les provinces s'inquiéteront de la possible hausse des coûts de leurs programmes d'aide juridique. Il importe aussi de tenir compte des divers besoins des administrations des Premières nations ainsi que de leurs ressources limitées. Par ailleurs, les régimes de logement, les coutumes adoptées dans ce domaine et les régimes d'attribution des terres varient d'une Première nation à l'autre. Afin de régler le problème, le gouvernement doit donc trouver des solutions suffisamment souples pour s'adapter à des situations multiples.
Ce qui importe encore davantage, c'est que, au moment de choisir l'approche à adopter, nous devons nous assurer que les terres de réserve ne s'écartent pas de leur objectif premier, celui de bénéficier aux Premières nations.
Voici quelques-unes des nombreuses questions de politique dont il faut tenir compte. Cependant, bien que nous devions choisir minutieusement la marche à suivre, la nécessité d'agir demeure tout de même évidente.
Madame la présidente, j'aimerais maintenant parler des tâches qui nous attendent. La recherche qu'a effectuée jusqu'à maintenant le ministère dont je suis à la tête met en évidence un certain nombre de sujets qu'il pourrait être intéressant d'approfondir. À mon avis, le comité possède toutes les compétences nécessaires pour examiner certaines de ces questions.
Par exemple, un nombre important de collectivités des Premières nations attribue des terres selon la coutume. Vous souhaiterez peut-être interroger des témoins et des experts, dont les conclusions contribueront à déterminer s'il existe des principes communs d'attribution des terres selon la coutume.
L'examen des pratiques courantes en ce qui a trait aux biens immobiliers matrimoniaux pourrait aussi se révéler utile. À cet égard, un certain nombre de questions doivent être approfondies.
Par exemple, quel est le rôle des services policiers? De quels outils ces derniers auraient-ils besoin pour veiller à ce que les droits des conjoints soient respectés? Quel est le rôle du conseil de bande?
Les statistiques indiquent que la cohabitation est une pratique de plus en plus courante dans toutes les couches de la société canadienne. Il serait peut-être bon de connaître le nombre de couples vivant en cohabitation dans les réserves, la façon dont les biens immobiliers sont partagés et comment se fait le partage en cas de rupture de l'union.
Autant que je sache, compte tenu du temps que j'ai passé à représenter les collectivités de ma région, on retrouve un pourcentage élevé d'unions de fait au sein des Premières nations. J'irais jusqu'à dire, c'est mon point de vue personnel, qu'il est plus élevé que la moyenne canadienne. Par conséquent, la question qui se pose serait la suivante: comment cela touche-t-il le partage des biens immobiliers et comment ce partage devrait-il se faire?
Bien sûr, je suis impatient de connaître les solutions possibles que vous recommanderez, car je suis convaincu que vos connaissances et votre expérience, alliées à celles des témoins que vous interrogerez, vous permettront de trouver des mesures concrètes pouvant être prises.
Je sais pertinemment que la complexité de la question suppose un équilibre entre les intérêts individuels et ceux de l'ensemble de la collectivité et des exigences relatives à l'application de la loi. Voilà une lourde tâche à laquelle vous devrez vous attaquer en peu de temps.
Il n'en demeure pas moins que, même si la question des biens immobiliers matrimoniaux concerne tous les résidents des collectivités des Premières nations établis dans une réserve, ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus vulnérables. Lorsque les femmes et les enfants sont touchés, toute la collectivité en souffre. En fait, la société canadienne et son aptitude à servir la justice et l'équité s'en trouvent aussi affaiblies.
Pour terminer, je tiens à vous remercier de profiter de l'occasion de jouer un rôle décisif en faisant progresser cette cause et en suggérant des solutions.
Je vous souhaite bonne chance et j'espère avoir l'occasion de vous revoir aussi souvent que vous le souhaiterez. Je serai là pour participer à ce que je crois être une priorité fondamentale de notre gouvernement, de notre société et du ministère.
Dans la lettre que j'ai adressée au comité, j'avais proposé un délai. Je pense qu'il faut le modifier et j'aimerais savoir quand le comité pense pouvoir terminer ses travaux.
Comme vous le savez, la politique est une entreprise difficile. J'essaye, bien sûr, de placer cette initiative majeure dans le contexte du leadership et du gouvernement et je tiens à faire en sorte qu'elle progresse dans le cadre du mandat actuel de ce gouvernement. J'aimerais donc bien savoir quand vous pensez terminer vos travaux.
Je ne cherche pas une solution rapide, puisqu'il s'agit d'un dossier complexe. Je sais que l'été arrive et je tiens à être réaliste, mais en même temps, je veux pouvoir être aussi utile que possible.
C'est ainsi que je termine ma déclaration et je tiens vraiment, tout comme Mme Cornet et Mme Ginnish, qui ont travaillé très fort sur ce dossier, à ce que mon ministère et notre gouvernement considèrent ce dossier comme une priorité importante. Je vous cède de nouveau la parole.
La présidente: Merci, monsieur le ministre. Il n'y a pas une seule personne ici présente qui ne soit pas aussi profondément intéressée par le sujet que vous et qui ne souhaite pas le voir progresser, comme vous. Toutefois, le processus de consultation doit avoir lieu. J'ai demandé de reporter le délai de la présentation d'un rapport au Sénat au 31 décembre au plus tard. Peut-être que le comité pourrait envisager des rapports provisoires si nous avons traité d'un sujet en particulier ou si nous pensons l'avoir fait. Nous vous tiendrons informés de l'avancement des travaux.
Est-ce que Mme Ginnish et Mme Cornet aimeraient intervenir?
Mme Sandra Ginnish, directrice générale, Direction des traités, de la recherche, des relations internationales et de l'égalité entre les sexes, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Je vais faire une mise à jour détaillée de la recherche effectuée jusqu'à présent et j'aimerais vous faire part de quelques données essentielles découlant de cette recherche. Enfin, je passerai en revue certains points reliés à cette question qui exigent un examen plus approfondi.
Tout le processus relatif à la question des biens immobiliers matrimoniaux a commencé en 2000. Cette année-là, le ministre a nommé une représentante spéciale pour la protection des droits des femmes des Premières nations. Ce processus, même s'il n'a pas autant porté fruit que nous l'aurions souhaité, a été très utile, puisqu'il a mis le doigt sur des points où une recherche plus approfondie s'impose. Fait encore plus notable, il a permis aux femmes autochtones qui y ont participé de s'exprimer.
Le rapport publié par suite de ce processus traite des nombreux besoins des femmes des Premières nations, notamment la nécessité de création de capacités et de partage de l'information.
Par suite de ce processus, nous avons fait de la recherche dans trois domaines clés. Tout d'abord, nous avons fait un examen juridique approfondi de la question des biens immobiliers matrimoniaux situés sur une réserve. Le travail effectué par Mme Cornet se retrouve dans le document de travail qui vous a été distribué.
Deuxièmement, nous avons fait des études sur l'impact socio-économique de la rupture des unions sur la réserve et de son effet sur les femmes et les enfants. Nous travaillons sur deux études, la première porte sur les femmes en Colombie-Britannique, la deuxième, sur les femmes au Québec.
Comme l'a indiqué le ministre, l'étude de la Colombie-Britannique en est à l'étape de la traduction et nous devrions pouvoir vous la remettre vers la fin juillet. Celle portant sur les femmes du Québec ne sera probablement pas prête avant la fin septembre.
Troisièmement, nous examinons l'étude relative au mode alternatif de règlement des conflits qui examine la possibilité d'avoir recours à ce processus dans le cadre de cette question.
Nous avons commencé nos travaux de recherche en organisant deux rencontres de groupes de consultation l'année dernière. Les groupes de consultation ont répété l'urgence de régler la question, surtout dans le contexte des situations dramatiques de violence conjugale. Les groupes de consultation ont également discuté de la nécessité de fournir de l'information en langage clair et simple, c'est la raison pour laquelle nous avons préparé le document en langage clair et simple.
Nous ne connaissons pas pour l'instant le nombre de familles dans les réserves touchées par le divorce ou la rupture d'une union, mais nous savons qu'elles ont besoin d'information au sujet de leurs droits tout comme la collectivité a besoin d'information sur les biens matrimoniaux situés sur une réserve.
Dans le contexte de notre recherche, nous faisons un examen général de la politique de logement social du ministère dans les réserves. Nous allons nous pencher sur cette question dans le contexte des biens immobiliers matrimoniaux et essayer de déterminer s'il existe des mécanismes de politique en matière de logement social.
Nous faisons également de la recherche portant sur une étude américaine qui compare les régimes des terres entre réserves américaines. Au cours de l'été, le ministère examinera également les questions relatives à l'application des décisions judiciaires ainsi que les problèmes de violence conjugale. Lorsque ces rapports seront terminés, nous les ferons traduire et vous les enverrons le plus rapidement possible.
Nous avons passé les neuf derniers mois à sensibiliser davantage les gens à cette question. Des présentations et des ateliers ont eu lieu lors de diverses conférences, y compris au moment de la conférence des femmes autochtones sur le leadership et du rassemblement des femmes assujetties aux traités 6, 7 et 8. Des présentations ont également été faites devant des collectivités des Premières nations, des groupes de femmes des Premières nations et des facultés de droit.
Certains fonctionnaires du MIANC ou d'ailleurs ont participé à nos efforts. Nous avons essayé de débattre de la question dans les milieux universitaires et juridiques ainsi qu'aux plans communautaire et local.
Notre recherche témoigne de la complexité de la question et souligne les autres points au sujet desquels il faudrait être mieux informé avant de prendre des décisions quant à des solutions possibles.
Nous avons appris que la question des biens immobiliers matrimoniaux touche tous les aspects de la vie communautaire. Nous avons appris que la façon dont le ministère remplit son rôle, y compris les relations intergouvernementales, a un effet profond sur les collectivités des réserves. Nous avons compris que la question des biens immobiliers matrimoniaux ne peut être réglée de façon isolée. Elle est fortement liée à d'autres questions sociales et juridiques, comme l'attribution des terres selon la coutume. Elle est également liée à la violence conjugale, aux pensions alimentaires et à la garde des enfants. Toutefois, la question des biens immobiliers matrimoniaux est essentiellement reliée de façon plus étroite à la gestion des terres situées sur une réserve et aux droits des particuliers en matière d'occupation ou de possession de ces terres.
L'état actuel du droit, sous le régime de la Loi sur les Indiens, ne tient pas compte des intérêts des deux époux ou des enfants dans le domicile conjugal, pas plus qu'il ne s'intéresse aux répercussions sur les biens matrimoniaux immobiliers situés dans des réserves des régimes de répartition des terres en vertu du système coutumier dont a parlé le ministre.
Les droits de ceux qui habitent dans des logements appartenant à la bande ou dans des logements sociaux sont un autre point important. On est en train d'examiner cette question pour voir de quels mécanismes d'orientation dispose le ministère en matière de logement social.
Une autre source de préoccupation est la situation des époux qui ne sont pas membres de la bande et des familles dont certains membres ont un statut mixte. Il est question ici de personnes qui ne font peut-être pas partie de la bande, qui ne sont peut-être pas des Indiens inscrits, mais qui cohabitent avec des membres de la bande et avec des Indiens inscrits de la réserve.
Le ministre a aussi parlé du règlement de questions ayant trait à l'application de la loi. Il faudra s'intéresser aux programmes et aux services essentiels pour rendre l'exécution efficace.
Trouver des moyens de régler ces questions en adoptant des lois substantielles ne représente que la moitié du problème. En effet, il faut aussi faire en sorte que les mécanismes, les programmes, les services et les institutions sont en place pour faire respecter le droit substantiel.
Un des aspects les plus épineux de l'orientation à intégrer dans tout projet de loi est la façon de tenir compte de la réalité de familles composées du couple et d'autres membres qui ont des droits différents en ce qui concerne leur statut d'Indien. Les différents droits associés à l'inscription comme Indien et à l'appartenance à une bande ont un impact direct sur les recours à la disposition des époux et sur l'exécution de ces recours. La protection des femmes et des enfants et la réalité des familles au statut et à l'appartenance mixtes devront être pris en compte dans toute réforme des lois, qu'il s'agisse de lois des Premières nations ou de lois fédérales.
Avant d'aborder des solutions, il faut comprendre qu'il est essentiel d'élaborer des options à long terme et qu'il faudra du temps pour faire participer les collectivités et voir à ce que l'analyse technique soit complète. Entre-temps, nous poursuivrons les études que nous avons déjà commencées. Dès que les résultats seront connus, nous vous les transmettrons pour vous aider dans votre étude.
Mme Wendy Cornet, conseillère spéciale, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Comme vous l'avez entendu, le droit fédéral, mis à part la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, ne parle pas des biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves.
À la suite des arrêts rendus en 1986 par la Cour suprême du Canada dans les affaires Derrickson et Paul, nous savons que les lois provinciales ne peuvent s'appliquer aux terres des réserves si elles changent l'intérêt sur des biens situés dans la réserve détenu par des membres individuels de la bande.
[Français]
Nous reconnaissons aussi que les lois provinciales sur les biens matrimoniaux ne peuvent modifier les intérêts dans des terres de réserve.
[Traduction]
Depuis 1999, des organismes représentant les femmes des Premières nations livrent bataille devant les tribunaux pour faire reconnaître que ce manque de protection porte atteinte à leurs droits à l'égalité. La juridiction partagée en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves est au coeur du problème. Les lois provinciales et territoriales sur le mariage et les biens s'appliquent en partie dans la plupart des réserves au Canada, une application partielle de régimes légaux qui à l'origine devaient viser tous les biens personnels et les biens immobiliers des époux. Cela signifie que les lois provinciales et territoriales relatives aux droits et aux obligations de l'époux en matière de biens matrimoniaux ne s'appliquent qu'aux biens personnels comme l'argent comptant, l'auto ou la pension. Par contre, ces lois ne peuvent modifier les intérêts immobiliers sur le domicile conjugal. À la rupture du mariage, l'épouse ne peut demander la possession exclusive provisoire du domicile conjugal situé dans la réserve, un recours juridique qui autrement peut être exercé dans chaque province et territoire, à l'extérieur de la réserve. Le défi, sur le plan de l'orientation, est de déterminer la meilleure façon de tenir compte des intérêts culturels et des droits à l'autodétermination des Premières nations tout en n'oubliant pas certains domaines où les lois provinciales et territoriales varient beaucoup les unes par rapport aux autres.
Le rapport qui a été rédigé par Mme Lender et moi-même souligne les points qu'ont en commun les lois provinciales et territoriales dans ce domaine, ainsi que les points importants au sujet desquels il y a beaucoup de diversité. Voilà où résident les plus grands défis. Manifestement, nous savons qu'il existe un écart. Il faut légiférer sous une forme quelconque, mais comment tenir compte de certains choix sur le plan des principes faits un peu partout au pays? Par exemple, les provinces et les territoires ne traitent pas tous les conjoints de fait et les couples homosexuels de la même façon. La mesure dans laquelle les lois provinciales et territoriales concernant les biens matrimoniaux s'appliquent aux testaments et aux successions varie beaucoup également. En effet, certaines provinces et certains territoires incluent les questions testamentaires et la succession dans leur loi matrimoniale et dans leur droit des biens, alors que d'autres n'en font pas mention.
Il faut donc se demander s'il est possible d'établir dans les réserves un régime juridique complet et cohérent qui satisfait aux exigences relatives aux droits à l'égalité tout en faisant une application mixte des lois fédérales, provinciales et des Premières nations. Dans l'affirmative, de quoi pourrait-il avoir l'air? Dans la négative, comment faudrait-il régler les questions de juridiction?
Le ministre Nault et Mme Ginnish ont fait allusion à bon nombre des questions de principe uniques à ce domaine, des questions comme la répartition des terres selon un régime coutumier.
Il y a lieu de se demander comment on fait en sorte que les biens matrimoniaux incluant des terres réparties selon un régime coutumier, par exemple, sont assujettis à un nouveau régime juridique. De plus, comment faut-il régler la question des époux qui ne sont pas membres de la bande, mais qui habitent la réserve?
Enfin, le caractère juridique unique des intérêts, tant collectifs qu'individuels, sur des biens situés dans les réserves des Premières nations posera un défi quand viendra le temps de mettre en place un régime complet de biens matrimoniaux.
Le sénateur Jaffer: Je félicite le ministre d'avoir pris l'initiative et de nous avoir confié ce dossier important.
Monsieur le ministre, j'ai lu le document avec soin. J'avoue qu'à la fin de ma lecture, j'avais l'impression que le document portait plus sur les droits que n'ont pas les Autochtones que sur les droits qu'ils ont.
Le document est-il imprimé dans des langues autochtones ou n'existe-t-il qu'en anglais?
M. Nault: Je ne crois pas qu'il ait été traduit dans des langues autochtones. On peut certes le faire, mais je ne crois pas que nous l'ayons fait, n'est-ce pas, madame Ginnish?
Mme Ginnish: Non, nous ne l'avons pas fait.
Le sénateur Jaffer: Le plus agaçant, c'est cette question de résidence. Vous avez parlé de biens matrimoniaux, mais d'après ce que j'ai lu, il semble que le droit de résidence cause des difficultés aux femmes. Il est souvent difficile de protéger ses droits si on ne peut pas demeurer dans la réserve. Le logement est un autre problème. J'aimerais que vous vous arrêtiez à la question de la résidence, parce que je crois qu'elle va de pair avec la question du logement.
Un autre problème de taille est la protection des femmes et des enfants. Nous savons tous que, bien souvent, les femmes et les enfants de la réserve ne sont pas protégés et qu'ils doivent aller ailleurs pour obtenir les services. Vous avez mentionné que la police est souvent incapable de les aider.
Le gros problème, pour moi, c'est que si la femme ne peut habiter la réserve, comment pourra-t-elle faire respecter ses droits?
M. Nault: Quand vous parlez de résidence, parlez-vous d'une maison qui lui appartient ou d'une maison qui appartient à la bande?
Le sénateur Jaffer: Si une femme venant d'une autre réserve vient habiter dans la réserve, je comprends qu'elle perde ses droits à l'égard de la réserve qu'elle a quittée. Elle vient habiter dans la nouvelle réserve, puis si elle cesse d'y habiter, elle perd parfois ses droits dans la réserve d'adoption. Elle n'a pas de droit de résidence. La résidence, les biens matrimoniaux et la limitation des droits sont tous liés entre eux dans cette étude.
M. Nault: Je viens du nord de l'Ontario. Chez nous, si une Autochtone épouse le membre d'une autre collectivité, ce qui peut arriver et qui arrive effectivement, il y a transfert de l'appartenance à la bande. C'est une solution. La personne devient alors membre de la nouvelle bande et a un droit de résidence.
Il existe divers moyens de régler cette question au sein de chaque collectivité du pays. Parfois, si j'ai bien compris, on n'a pas le droit de résidence et il n'est alors pas facile de devenir un membre de la bande ou de faire transférer son appartenance. Cela soulève des points complexes qu'il faut examiner. Toutefois, il est possible de faire transférer son appartenance d'une bande à une autre et de devenir membre de la nouvelle bande. Beaucoup de gens de ma région le font.
En ce qui concerne la violence à laquelle sont soumis les femmes et les enfants, de toute évidence, il faut leur offrir de la protection par l'intermédiaire de centres de ressources pour la famille. Il en existe plusieurs. Ils ne sont pas suffisamment nombreux, et nous recevons de nombreuses demandes visant à en créer d'autres. Voilà un domaine d'orientation et d'élaboration de programmes dont nous sommes responsables, en tant que ministère. Les femmes qui quittent le foyer peuvent chercher refuge dans ces centres de ressources. Le plus souvent, je l'avoue, elles se présentent à un centre de ressources à l'extérieur de la réserve où elles sont protégées contre la violence conjugale. C'est la façon dont nous réglons le problème. Il nous est impossible d'obtenir des ordonnances permettant aux femmes d'occuper le foyer conjugal. C'est donc ainsi qu'a évolué le système de manière à les protéger contre la violence.
Il existe certains centres de ressources pour la famille dans les réserves. Il y en a deux dans la circonscription que je représente, de sorte que je les connais bien. À nouveau, la situation n'est pas facile en raison de toute la question de l'exécution et de la protection au centre de ressources, de la présence ou pas de services policiers et de la meilleure manière de s'y prendre, particulièrement dans les collectivités isolées, situation qui m'est familière. Quand on parle de protéger les femmes et les enfants contre la violence, c'est ainsi que nous nous y prenons, dans le cadre des programmes actuels.
La question de la résidence est très complexe, et je ne suis pas sûr de pouvoir vous expliquer au juste comment elle s'applique d'un bout à l'autre du pays, sauf pour dire que la personne est obligée de faire transférer son appartenance et qu'elle peut le faire. S'il se trouve que vous n'êtes pas Autochtone et que vous envisagez d'épouser une personne membre d'une autre collectivité, la situation est un peu plus compliquée. C'est un des points qu'il faudra examiner de plus près.
Le plus souvent, on entend parler de personnes qui ne font pas partie de la bande, qui divorcent, qui se séparent. Malheureusement, elles quitteront le foyer conjugal ou seront parfois obligées de le faire. Ces incidents malheureux, entre autres, seront au centre de nos travaux.
Mme Cornet: Certains pouvoirs législatifs sont exercés par les conseils de bande des Premières nations en ce qui a trait au droit de résidence et au droit des époux et des enfants d'habiter avec un membre de la bande. Toutefois, que vous fassiez partie de la Première nation en question, que vous soyez un Indien de fait au sens de la Loi sur les Indiens mais membre d'une autre Première nation ou que vous ne soyez pas Autochtone mais que vous ayez épousé un membre de Première nation, les tribunaux ne sont pas habilités à déclarer que la femme a le droit légal d'occuper le foyer conjugal avec ses enfants et que son époux est obligé de le quitter jusqu'à ce que toute la question soit réglée.
C'est la question centrale. Il n'y a pas de recours juridique pour aider les époux qui sont incapables de s'entendre à l'amiable. La première fonction des tribunaux est de trancher quand les époux n'arrivent pas à s'entendre.
Si la personne n'habite pas la réserve, le tribunal aurait habituellement à faire un choix difficile. Si les deux parties revendiquent la propriété de la maison, il faut choisir. Toutefois, dans ce contexte, les tribunaux ont ce pouvoir, sauf qu'ils doivent respecter ce que prévoit la Loi sur les Indiens concernant le certificat de possession. Le facteur déterminant est celui ou celle au nom duquel a été émis le certificat de possession, s'il y en a un.
M. Nault: Madame la présidente, est-ce que tous les honorables sénateurs savent ce qu'est le certificat de possession?
Je représente 51 Premières nations où il n'y a pas de certificat de possession. Toutefois, je crois savoir que la moitié environ des collectivités du pays en ont. Il me semble que le phénomène est surtout courant dans l'Ouest. Plus je me déplaçais vers l'Ouest, plus cela devenait évident.
Nous vous prions instamment d'examiner la façon dont s'effectue la répartition des terres aux membres de Premières nations. Mme Cornet a parlé de la coutume. Les certificats de possession ont été élaborés aux termes de la Loi sur les Indiens pour créer une forme quelconque de propriété individuelle. C'est donc le processus en place aujourd'hui. Dans bien des lieux, comme chez moi, cependant, la notion même de certificat de possession n'existe pas. La plupart des maisons appartiennent soit à la SCHL, soit à la bande. Vous habitez donc là essentiellement selon le bon plaisir du conseil de bande, et la maison ne vous appartient pas du tout.
Il existe différents régimes en Ontario et dans d'autres provinces, mais dans ma région, les maisons appartiennent à la bande le plus souvent, de sorte que toute la question des biens matrimoniaux est épineuse et de nature très différente.
J'aimerais bien que vous réfléchissiez à des solutions.
Le sénateur Jaffer: Ai-je bien compris que pour être propriétaire d'une maison, il faut que la personne en fasse la demande au ministre de manière à obtenir le certificat de possession?
M. Nault: Je signe les certificats, je suppose, mais je participe très peu au processus.
Le sénateur Jaffer: Il est embarrassant pour tous les Canadiens de constater que la plupart des Canadiennes ont des droits d'occupation de leur domicile conjugal, mais que les femmes qui habitent dans les réserves ne l'ont pas. Quelles sont les questions immédiates que nous pourrions examiner?
Si le couple est légalement marié, pourriez-vous insister pour que le certificat soit émis aux deux noms?
Mme Ginnish: Dans le cadre de l'étude que nous avons menée en Colombie-Britannique, nous avons constaté que 75 p. 100 des 30 femmes qui y ont participé avaient un certificat de possession conjoint avec leurs époux, mais que malgré tout, 75 p. 100 d'entre elles finissaient par quitter la réserve et que leurs époux continuaient d'habiter le foyer conjugal. Bien qu'un certificat conjoint soit utile, puisque les femmes auraient au moins un peu plus voix au chapitre, il semblerait, dans les faits, du moins dans l'étude que nous avons menée en Colombie-Britannique, que la majorité des femmes finissent par quitter la collectivité.
Le sénateur Beaudoin: Je ne m'aventurerai pas plus loin dans cette voie. Je crois que nous devrions nous concentrer sur l'égalité des hommes et des femmes qui habitent dans les réserves et à l'extérieur de celles-ci. Il existe une certaine jurisprudence, mais il faut aussi tenir compte du partage des pouvoirs entre Ottawa et les provinces. Quand il n'y a pas de loi fédérale s'appliquant à la situation, ce sont les lois provinciales qui s'appliquent. J'estime que nous devrions amorcer le débat sur ce point.
Le Québec a le Code civil. Dans les autres provinces, c'est le common law. Il se peut qu'il s'applique jusque dans une certaine mesure aux réserves et à l'extérieur de celles-ci. Le mariage et le divorce sont des questions de compétence fédérale. Ce n'est pas ce qui pose problème. La situation est claire. Nous pouvons faire ce que nous voulons dans le domaine du mariage et du divorce. Cependant, pour ce qui est des biens des époux, c'est une toute autre histoire. Les biens relèvent peut-être de lois provinciales, sauf si le Parlement du Canada adopte des lois visant les Autochtones en la matière.
Il y aura bien d'autres questions qui s'ajouteront, mais nous devrions tenir compte, par exemple, de la modification de 1983 visant l'égalité des hommes et des femmes habitant dans les réserves. C'est un point dont il faudra tenir compte. Je m'étonne que personne n'en ait parlé, mais à mon avis, il s'agit-là d'une question très importante.
Si notre mandat vise les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves et les relations de couples mariés ou d'unions de fait, il faut s'attaquer au problème de la séparation des pouvoirs. J'ignore s'il faudra trois ou six mois pour effectuer l'étude, mais il faudra s'appliquer à bien faire.
Il existe de nombreux ouvrages sur le mariage et le divorce. Ce qu'il nous faudrait, au plus tôt, c'est une étude répertoriant des ouvrages et des procès portant sur le sujet, après quoi nous pourrons choisir les sujets un à un.
L'égalité me préoccupe énormément. Nous avons consacré l'égalité des hommes et des femmes en 1982, mais nous ne l'avons pas prévue pour les Autochtones. Le premier ministre Trudeau était favorable à l'idée s'assujettir les femmes habitant dans les réserves au même régime d'égalité que celles qui habitaient à l'extérieur. Il faudrait peut-être porter une certaine attention à son opinion.
Le mariage et le divorce relèvent du droit fédéral. Il faudrait donc accueillir des experts fédéraux qui nous renseigneront sur le droit dans ces deux domaines.
Dans la mesure où les biens et les dons sont visés, ce pourrait être une toute autre histoire. C'est là un commentaire, non pas une question.
Cependant, s'il y a une question à poser, c'est bien celle-ci: que faudrait-il faire de la question des biens de personnes se trouvant dans la réserve et à l'extérieur de celle-ci? La deuxième question serait: que faire quand il y a rupture de mariage? Voilà l'essentiel. Tout le reste est fort intéressant, mais probablement accessoire. La rupture du mariage comme telle est, quant à elle, cruciale.
Le sénateur Jaffer: Vous parlez de régimes matrimoniaux provinciaux, mais les arrêts Derrickson et Paul disent bien que les tribunaux provinciaux n'ont pas compétence en la matière. C'est la raison d'être de la présente étude.
Le sénateur Beaudoin: Il faut examiner toute la jurisprudence. Toutefois, si nous n'adoptons pas de loi, c'est la loi provinciale qui s'applique. Il faudrait s'approprier le domaine et adopter de meilleures lois au sujet des biens de personnes habitant dans la réserve et à l'extérieur de celle-ci. Selon l'endroit où vous vous trouvez au pays, il existe peut-être des lois qui ne sont pas forcément les mêmes d'une province à l'autre, et n'oubliez pas par ailleurs qu'il y a, d'une part, le Code civil et, d'autre part, le common law. L'arrêt Derrickson dit que si vous vous appropriez le domaine, c'est la loi fédérale qui s'applique. Nous savons que même en l'absence de l'arrêt Derrickson, s'il n'y a pas de loi adéquate, il faut se reporter à la loi provinciale.
M. Nault: Madame la présidente, si vous le permettez, nous allons aborder brièvement cette question. Dans l'ensemble, nous sommes d'accord avec ce que dit le sénateur, mais certains points de divergence demeurent. Mme Cornet vous parlera plus précisément de l'article 91.24 de la loi pour vous montrer que les choses ne sont pas aussi clairement définies qu'on pourrait le penser. Il se peut que cela relève des lois fédérales et provinciales, mais quand s'ajoute la composante liée aux gouvernements autochtones et la question des responsabilités, tout change.
Le sénateur Beaudoin: Ça se peut.
M. Nault: Permettez-moi de vous donner un exemple illustrant la complexité de ce dossier. Je veux parler de toutes les questions d'application générale pour lesquelles il n'y a pas de loi fédérale. Prenez par exemple le droit en matière environnementale. À ce chapitre, il est clairement dit qu'en l'absence de loi fédérale, c'est la loi provinciale qui s'applique. Pourtant, dans toutes les provinces où j'ai travaillé, on m'a dit: «Nous ne sommes pas prêts à décider à la place du gouvernement fédéral. Si vous voulez que nous adhérions à toutes les dispositions en matière environnementale, vous devez adopter une loi car nous n'avons pas l'intention de le faire pour vous.» Je fais actuellement face aux mêmes types de difficultés dans mes tentatives destinées à développer l'économie dans les réserves.
Par exemple, nous avons conclu une entente avec Bowater pour construire une scierie sur le territoire de la Première nation de Fort William, à Thunder Bay. Le plus gros problème auquel nous avons été confrontés avec le ministère de la Justice était de savoir qui devait assumer la responsabilité environnementale. Il n'y avait pas moyen de trouver quelqu'un capable de gérer la structure d'application pour un projet de cette envergure. Cela résulte soit d'une lacune juridique soit d'un vide juridictionnel; tout dépend de l'optique dans laquelle on regarde les choses.
Nous faisons face à ce genre de problème presque quotidiennement pour ce qui est des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux et de la question de la responsabilité en vertu de l'article 91.24 de la loi concernant les Autochtones et leurs communautés.
Mme Cornet va vous donner quelques exemples relatifs aux testaments et aux successions. Ce n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire. J'aimerais bien qu'il en soit autrement, sinon, je ne serais pas ici.
Le sénateur Beaudoin: Je ne dis pas que c'est simple. C'est complexe, mais je dis que l'article 91.24 est prépondérant. C'est ce qu'il y a de plus important. Le pouvoir fédéral prime, mais nous devons occuper le terrain. Si nous ne le faisons pas, l'article 92.13, concernant la propriété et les droits civils, s'appliquera. Quant à l'article 35, sur les droits issus de traités, les droits collectifs fondamentaux, tout est de compétence fédérale dans ce domaine. Cela ne me pose aucun problème.
Il faut tenir compte du fait que comme il s'agit d'une question de propriété et que la propriété et les droits civils relèvent de la compétence provinciale, nous devons porter attention aux lois des provinces. C'est tout ce que j'ai à dire.
Mme Cornet: Il est assez intéressant de comparer les pouvoirs des provinces d'un côté et ceux du gouvernement fédéral de l'autre, comme l'a fait la Cour suprême dans l'affaire Canard, qui portait sur les testaments et les successions. Selon elle, l'article 91.24 de la loi englobe au moins les questions relatives à la propriété et aux droits civils des Indiens.
Les provinces se servent de leurs compétences en matière de propriété et de droits civils pour faire des lois exhaustives respectant les droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux, aux testaments et aux successions ainsi que les droits à la propriété à l'extérieur des réserves.
J'allais jouer le rôle d'une tierce partie neutre dans ce cas-ci, mais je crois que vous pouvez trouver un terrain d'entente sur ce point. L'article 91.24 laisse au gouvernement fédéral la possibilité de s'occuper de questions qui, sauf indication contraire, relèveraient de la compétence des provinces.
Le sénateur Beaudoin: À mon avis, nous ne nous en sommes pas très bien servis, mais c'est une autre histoire. En tout cas, c'est là, et c'est ce qui prime.
Mme Cornet: Grâce à la Loi sur les Indiens, le Parlement fédéral s'occupe des testaments et des successions dans les réserves, domaine qui, autrement, serait de compétence provinciale.
Toute la question est de savoir quelles compétences reviennent à quel gouvernement. Nous devons en débattre et décider ce qu'il y a de mieux à faire. Parfois, la Loi sur les Indiens s'applique aux testaments et successions, mais pas aux biens immobiliers matrimoniaux. Dans certains cas, les biens personnels relèvent de la compétence des provinces, et toute la question des biens réels est problématique car elle se situe entre les deux ordres de gouvernement. Aucun des deux ordres ne fait quoi que ce soit pour adopter des lois en la matière. Le problème est de taille, mais il y a des solutions.
Le sénateur Beaudoin: Je ne me plains pas d'un manque de pouvoir; nous avons énormément de pouvoir. C'est une bonne chose, mais parfois nous ne l'exerçons pas comme nous le devrions.
M. Nault: Madame la présidente, c'est précisément ce que devra décider ce comité, à savoir si nous devons utiliser ce pouvoir.
Comme vous le savez, je participe à une série de débats sur plusieurs autres mesures législatives. Que ce soit le projet de loi C-7, concernant la gouvernance des Premières nations, ou le projet de loi C-19 sur la gestion financière, tout est lié à l'article 91.24 de la loi. On est en train de se demander si le gouvernement du Canada, au nom des peuples autochtones et en coopération ou en partenariat avec eux, devrait exercer ce pouvoir ou bien s'il ne devrait pas plutôt se conformer à ce que les gens revendiquent en vertu de l'article 35. Vos témoins vous le diront. Il y a beaucoup de solutions différentes, et ce sera à vous de trouver la voie qui vous mènera à la conclusion finale.
Dans la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, on s'intéresse déjà à la question des biens immobiliers matrimoniaux. Cette loi, qui est un mécanisme de l'article 91.24, permet aux Premières nations d'inclure les droits relatifs aux biens immobiliers et matrimoniaux dans les codes fonciers qu'elles ont élaborés. Depuis que la loi a été adoptée, en 1999, seulement quatre codes ont été créés, si bien que chaque deux ans, 30 Premières nations pourront se prévaloir de ce droit en vertu de la loi. Il y a environ 100 Premières nations intéressées à appliquer cette loi. Il faut que la portion relative aux biens immobiliers matrimoniaux soit incluse. C'est une solution. Toutefois, au rythme où nous progressons, cela prendra plusieurs années, et il se peut que la structure comporte quelques lacunes. Il y a un domaine dans lequel nous avons essayé d'établir une politique destinée à améliorer notre capacité à aborder les droits individuels d'une manière plus traditionnelle et collective avec les Premières nations concernées. Il serait intéressant que vous invitiez les représentants de ces communautés à vous parler de leurs codes et des solutions qu'ils proposent.
J'aimerais attirer votre attention sur le débat auquel j'ai participé au cours de ces quatre dernières années concernant le manque d'intérêt du Parlement du Canada à se servir de ses pouvoirs pour améliorer le sort des Premières nations. Jusqu'à présent, nous avons hésité à faire quoi que ce soit. Comme vous le savez, j'ai choisi de ne pas accepter cet argument car nous avons laissé cette question entre les mains des tribunaux.
Ce qu'a dit un peu plus tôt Mme Cornet au sujet des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux et de la Loi sur les Indiens m'interpelle. Les droits des femmes autochtones sont débattus devant les tribunaux. Je n'ai pas du tout honte de vous dire que je suis convaincu que les tribunaux ne seront pas tendres à notre égard et au sujet de la Loi sur les Indiens à propos des droits des femmes autochtones.
Je ne veux pas que les tribunaux prennent des décisions à la place des parlementaires. Ce n'est pas la bonne façon de créer des liens avec les Autochtones. Je crois que vous devez organiser une table ronde avec des représentants des Premières nations.
J'attends impatiemment les recommandations du comité car je m'en servirai pour chercher, en partenariat avec les peuples autochtones, des solutions à ces vides juridictionnels.
La loi semble évidente pour certains, mais il est aussi évident que le gouvernement ne l'a pas appliquée. Sénateur, voilà résumées les raisons pour lesquelles je suis d'accord avec vous sur la plupart des points en discussion, et il est important que nous étudiions ces questions difficiles. Pourquoi, par exemple, sommes-nous empêtrés dans un débat aussi houleux à propos du projet de loi C-7?
Le sénateur Beaudoin: Nous devrions légiférer; ainsi, les tribunaux interviendraient moins souvent. Notre devoir est de légiférer.
Le sénateur Chalifoux: Pour commencer, je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui. Les plaintes des femmes autochtones sont demeurées sans écho depuis les années 60. J'avais joint ma voix à la leur. Nous avons discuté; nous avons rédigé des rapports et nous avons émis des recommandations. On fait la sourde oreille à tout ce que nous disons depuis les années 60. Le bon côté de cette situation, c'est qu'aujourd'hui, les femmes autochtones sont mieux formées et elles se font entendre avec de plus en plus de vigueur.
Va-t-on apporter des modifications au projet de loi C-7? Il n'y a rien, dans la Loi sur les Indiens, qui concerne la protection des femmes et des enfants dans les réserves. Le conseil de bande a le contrôle total sur les décisions relatives à l'appartenance. C'est une autre grande question sur laquelle nous devrons nous pencher. Je pourrais vous citer des exemples, même au sein de ma propre famille, illustrant la gravité de ce problème pour les femmes et les enfants.
J'ai parrainé la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et je me suis assurée qu'elle comporte des éléments permettant de régler la question des biens immobiliers matrimoniaux. Il y a effectivement quelque chose, mais c'est insuffisant. Ce n'est pas obligatoire, mais facultatif. Nous devrons revoir cet élément lorsque nous réexaminerons la loi. Comment évaluer l'incidence de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations sur ce très sérieux problème?
Une de mes anciennes attachées de recherche est originaire d'Enoch. Elle venait de la réserve de Kehewin. Elle s'est mariée sur la réserve Enoch et a renoncé à rester membre de la communauté Kehewin pour faire partie de celle d'Enoch. Lorsque son mari est décédé, elle avait quatre enfants. Elle a perdu toutes les terres et la maison. Elle et ses enfants se sont retrouvés à la rue. La terre avait été donnée à un autre homme de la réserve. Il faut éviter que pareille chose se reproduise.
Nous avons parlé des coutumes. Il y a très longtemps, c'était une société matriarcale. Après la Loi sur les Indiens de 1860, la situation s'est lentement dégradée et les femmes ont perdu tous leurs droits. C'est très grave. La protection de la famille doit primer sur tout le reste.
Vous avez parlé des maisons destinées à accueillir les victimes de violence familiale. Nous avons essayé d'avoir ces maisons dans l'ouest et dans le nord du pays.
Les hommes savaient où se trouvent ces refuges. Ils y entraient par effraction et frappaient tout le monde, y compris les superviseurs. Il y a même eu des morts tragiques. Il faut régler ce problème et veiller au maintien de l'ordre.
Comment protéger les femmes et les enfants contre cette violence? Voilà une autre grande question que nous ne pouvons laisser sans réponse.
Mais ce que je voudrais par-dessus tout, c'est que vous me répondiez au sujet du projet de loi C-7 et que vous me disiez comment nous allons inclure tout cela dans cette mesure législative, si tant est que c'est possible.
M. Nault: Sénateur, l'un de mes objectifs est que le Sénat se penche sur la question. Toutefois, permettez-moi de vous dire comment a été élaboré le projet de loi C-7.
Ce projet de loi repose sur les fondements dont j'ai parlé au sénateur Beaudoin il y a quelques minutes concernant les pouvoirs importants conférés en vertu de l'article 91.24 et qui n'ont pas été exercés par le Parlement fédéral dans toute l'histoire moderne de notre pays. Pour des raisons que je ne peux m'expliquer, ou par inaction, il y a encore des communautés autochtones qui vivent dans la pauvreté dans un des pays les plus prospères de la planète. La situation est devenue intenable et je pense qu'il est temps que le Parlement assume son rôle légitime dans cette affaire.
Le projet de loi C-7 a été conçu comme une loi habilitante, ce qui signifie que le Parlement fixe les paramètres du cadre législatif et transmet ce cadre au gouvernement autochtone pour qu'il élabore des codes ou des lois. Le projet de loi C-7 est censé être la structure fondamentale dans laquelle peut s'inscrire un code sur les droits applicables aux biens immobiliers matrimoniaux.
Permettez-moi de vous dire ce que j'entrevois pour l'avenir. J'espère que vous tiendrez compte, parmi les options possibles, de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. On est en train de rédiger des codes sur les droits matrimoniaux en vertu de cette loi. Ils stipulent exactement ce que nous proposons dans le cadre du projet de loi C-7. C'est une disposition d'adhésion.
En vertu du projet de loi C-7, nous demandons aux Premières nations de créer un code électoral, en s'inspirant de leurs traditions et de leurs coutumes, tout en sachant qu'il faut respecter certains principes, des principes qui incluent les droits des femmes autochtones et les droits des individus dans la communauté.
Nous avons également demandé un code d'administration financière. Personne n'a encore été capable de me dire quelle coutume ou tradition fait qu'un code d'administration financière est différent selon qu'il s'agit de ma culture ou de la vôtre. Garder des livres comptables à jour et garantir la transparence n'est pas une question de culture, autant que je sache. Nous devons être responsables. Les dirigeants des Premières nations doivent rendre des comptes, tout comme moi, en tant que député et ministre de la Couronne.
Nous avons également demandé un code d'admission. L'administration est vraiment une affaire de service public. Pour avoir de bons gouvernements, il faut un bon service public. Pour que ces gouvernements voient le jour, il faut développer un service public professionnel au sein des Premières nations. C'est ce que permet une loi habilitante. Nous avons envoyé un amendement à la Chambre demandant la création d'un institut de gouvernance. Et cet institut, qui serait composé d'Autochtones, aiderait les collectivités à élaborer ces codes.
Il sera évidemment nécessaire d'utiliser des codes de gestion dans les langues des Premières nations, ainsi que d'autres codes fondés sur les coutumes et les traditions et traitant des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux, aux testaments et aux successions ainsi que des droits de propriété, pour développer ce genre de structure unique. Cela entrera dans le cadre du projet de loi C-7. Voilà donc une option à considérer, si le projet de loi C-7 est adopté par la Chambre et le Sénat. Mon but est bien sûr que le Parlement s'acquitte de ses obligations morales et légales afin d'améliorer la vie des citoyens autochtones.
En même temps, je veux qu'il soit très clair que nous continuerons de négocier l'autonomie gouvernementale car, en fin de compte, c'est bien ce que nous visons. Mais, nous devons créer les conditions pour y parvenir. Nous devons nous occuper des lois et des institutions qui n'existent pas encore pour faciliter l'autonomie gouvernementale, simplifier les négociations et faire en sorte que les Premières nations se sentent beaucoup plus à l'aise car, en bout de ligne, ce sera à elles de décider.
Sachez que dans la plupart des référendums, nous perdons plus de voix que nous n'en gagnons. Cela tient au fait que les membres des communautés sont méfiants et préoccupés à l'égard de l'orientation que prennent leurs dirigeants dans les négociations avec la Couronne.
Pour répondre à votre question, je vous dirais que l'une des options consiste à élaborer des codes adaptés aux besoins des communautés. Les Autochtones rédigeront leurs propres codes en fonction de certains paramètres. Comme Mmes Cornet et Ginnish l'ont dit, il faut tenir compte des autres ordres de gouvernement.
Je crois dans les droits issus de traités des Autochtones, mais je crois aussi que nous avons besoin d'un troisième ordre de gouvernement dans notre famille constitutionnelle. Il faut agrandir cette famille et faciliter l'intégration avec les autres niveaux de gouvernement car nous vivons ensemble côte à côte. Nous avons des rapports quotidiens. Des non-Autochtones épousent des Autochtones. Certains Autochtones vivent à l'intérieur des réserves et d'autres à l'extérieur. Nous ne pouvons pas avoir un monde complètement séparé car nous vivons ensemble. C'est autour de cette vision que tournent les objectifs du gouvernement.
Nous ne sommes pas endormis aux commandes. L'éducation est l'un des dossiers les plus importants auxquels nous allons nous attaquer cette année. D'ailleurs, nous avons déjà commencé.
Le sénateur Beaudoin aimera certainement ce que je vais dire. L'éducation relève de la compétence provinciale. Au niveau fédéral, nous sommes responsables de l'éducation des Autochtones dans les réserves. Il n'existe pas de structure juridictionnelle, d'un point de vue législatif, en vertu de laquelle nous sommes un partenaire à part entière des provinces pour l'éducation dispensée aux Premières nations.
Si vous regardez les statistiques concernant l'échec scolaire des jeunes, vous verrez que nous serons aux prises avec de sérieuses difficultés si cela continue car la prochaine génération sera aussi touchée. À ce chapitre, je travaille avec plusieurs personnes, dont le ministre Owen. Nous avons pour objectif de créer une sorte de structure, législative ou autre, destinée à éviter l'échec ou le décrochage des enfants autochtones. Si nous voulons une économie prospère et le bien du pays tout entier, nous devons veiller à la réussite de ces enfants.
Voilà le genre de questions que devra étudier le Parlement. C'est l'un des dossiers les plus sensibles qui soit.
J'aimerais faire un dernier commentaire, sénateur, car je tiens à ce que vous sachiez que je partage votre point de vue. Nous devons nous occuper de l'appartenance. J'ai préféré ne pas m'attaquer à cette question du jour au lendemain, même si des groupes de femmes autochtones m'ont demandé de le faire, car c'est un dossier des plus sensibles, difficiles et susceptibles de semer la discorde entre les parlementaires et les dirigeants autochtones. L'appartenance a à voir avec l'identité. C'est une question extrêmement difficile à gérer d'un point de vue ministériel et gouvernemental.
Cette question a aussi des répercussions d'ordre financier. Les organismes centraux n'aiment pas m'entendre parler de l'appartenance à une bande, parce que cela signifie pour eux qu'ils devront traiter avec un plus grand nombre d'Autochtones.
Nous devons laisser de côté la Loi sur les Indiens, qui est archaïque, et le principe selon lequel nous décidons qui fait partie ou non d'une bande. C'est à la collectivité de prendre cette décision.
En effet, c'est à la collectivité, à ses leaders, de régler la question de l'appartenance à une bande et du droit de propriété sur les biens immobiliers matrimoniaux. Nous ne pouvons pas, au moyen de lois, leur dire qu'ils doivent faire telle ou telle chose parce que, si nous faisons cela, nous manquons de respect à leur égard et nous les empêchons de bien comprendre ce que veut dire le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Nous devons toutefois mettre en place les outils législatifs nécessaires qui leur serviront de guide. Le projet de loi C-7 permet aux Autochtones de s'épanouir en vertu de principes auxquels tous les Canadiens, les Autochtones et les non- Autochtones, adhèrent.
Le sénateur Joyal: Je suis ravi que le ministre nous ait fait part de ses intentions. Il faudra garder celles-ci en tête quand nous aborderons ces questions, car la situation n'est pas aussi simple qu'on le pense.
Nous avons les articles 91 et 92, et nous allons maintenant proposer un projet de loi qui va jeter de nouvelles bases. Or, c'est une tout autre histoire pour les Autochtones. Comme l'a indiqué le ministre, les Canadiens doivent accepter le fait que les Autochtones vivent dans une société différente. C'est là le fonds du problème, pas les articles 91 et 92. Les Autochtones vivent dans une société différente, et les tribunaux l'ont clairement indiqué en 2001, quand le juge Sharpe a tranché le dossier des Métis.
Quel est l'objet de l'article 35 de la Constitution? Cet article ne vise pas uniquement les droits issus de traités. La Constitution protège les droits des Autochtones pour deux raisons. D'abord, dans le but de reconnaître que des sociétés autochtones distinctives occupaient l'Amérique du Nord avant la colonisation.
J'insiste sur l'expression «société autochtone distinctive», qui veut dire que, avant notre arrivée, ces sociétés étaient organisées, elles se gouvernaient, elles vivaient dans des collectivités, elles avaient leurs propres règles. Les Autochtones étaient organisés en sociétés avant même qu'un seul colon européen n'arrive au Canada. Ils vivaient paisiblement et réglaient leurs propres problèmes.
Ensuite, comme l'a mentionné le juge Lamer dans l'affaire Van der Peet, l'article 35 de la Constitution permet de reconnaître que les Autochtones vivent sur le territoire en sociétés distinctives, possédant leurs propres coutumes, pratiques et traditions, et ce fait est concilié avec la souveraineté de Sa Majesté.
Le problème de l'inégalité des femmes autochtones et de la violence qu'elles subissent agit sur le concept d'égalité hommes-femmes qui a cours au Canada. Nous n'aimons pas entendre parler de choses pareilles. Le gouvernement ne peut pas tout simplement dire qu'il va régler le problème au nom des femmes autochtones. Nous devons plutôt adopter une loi. Rien n'a été fait depuis 1982.
Bien sûr, nous pourrions engager des discussions avec les représentants autochtones, considérer les dispositions applicables de la Charte, ou encore analyser les décisions rendues par les tribunaux dans les causes portant sur l'égalité. Quoi qu'il en soit, les Autochtones vivent dans une société distinctive et possèdent leurs propres coutumes, pratiques et traditions, leur propre système de gouvernement.
Au Québec, les biens immobiliers matrimoniaux sont partagés entre les deux conjoints en vertu du Code civil. Dès qu'une personne se marie, les biens sont partagés également. Les choses se passent différemment en vertu de la common law. Il faut éviter de dire que les réserves devraient être régies par le Code civil au Québec, et par la common law dans les autres provinces et territoires. Nous pouvons analyser les deux systèmes et essayer de trouver des solutions qui s'appliquent aux Autochtones, mais nous ne pouvons pas leur imposer l'un ou l'autre de ceux-ci.
Cette question est très complexe. Le sénateur Chalifoux, le ministre Nault, Mme Ginnish et Mme Cornet ont dit que les traditions des peuples autochtones varient d'une tribu à l'autre. Il y a de nombreuses sociétés autochtones. Dans certaines collectivités, la terre appartient à tous les membres de la collectivité parce que la terre est considérée comme un bien collectif et non un bien propre. Avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les Indiens, la plupart des Autochtones vivaient au sein d'une société matriarcale où les femmes prenaient les décisions, s'occupaient des enfants, assuraient la survie des tribus. La Loi sur les Indiens a changé tout cela parce qu'elle ne reconnaît pas les différentes structures d'appartenance qui existent. Or, nous essayons maintenant de régler le problème en appliquant une solution unique, sauf que cette formule ne saurait répondre aux besoins de tous les Autochtones. Il n'y a qu'une seule solution qui s'applique à tous, et c'est le droit à l'égalité que prévoit la Constitution et ce, depuis 1983.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous devons essayer d'établir un cadre à l'intérieur duquel nous pourrons régler ce problème. Il s'agit là d'une question complexe puisqu'il existe différentes sociétés autochtones. Nous devons d'abord reconnaître les différentes traditions, structures et valeurs familiales qui existent, et ensuite adopter une approche qui tient compte de celles-ci.
Je suis certain que les Autochtones ne veulent pas que la violence reste impunie. La violence contre les femmes ne fait pas partie des valeurs des Autochtones. Nous devons être en mesure d'établir certains paramètres pour assurer le respect de la dignité humaine. Nous devons mettre sur pied un système qui permet de régler la question du partage des biens, des soins à donner aux enfants, du soutien financier provisoire à accorder aux familles, comme le prévoient la common law et le Code civil. De plus, ce système doit être conçu de manière à répondre aux besoins des différentes sociétés autochtones.
Cette question, de par sa nature, s'ajoute à toutes les autres que vous voulez régler. Si nous arrivons à trouver une formule qui tient compte de la culture et de la société autochtones et qui, en même temps, se fonde sur le respect de la personne, nous aurons franchi un pas dans la bonne direction. Vous avez déjà fait beaucoup en ce sens, et je suis convaincu que vous respecterez les deux objectifs de l'article 35. Il ne faut jamais perdre de vue ces deux objectifs, même si cela complique le processus. Les choses seraient beaucoup plus simples si nous n'avions qu'à considérer la Loi sur les Indiens ou les pratiques qui avaient cours au XIXe siècle. Dans les deux cas, nous n'aurions qu'à intervenir, exercer nos pouvoirs et établir un cadre différent. C'est ce que nous avons essayé de faire dans le domaine de l'éducation, quand nous avons envoyé tous les enfants autochtones dans des écoles résidentielles. Nous savons ce que cela a donné. Nous avons essayé de régler le problème à notre façon, en utilisant les pouvoirs que nous donne la Loi sur les Indiens. Or, nous sommes confrontés aujourd'hui à une immense tragédie humaine.
Nous devons essayer de comprendre tout ce qui se rattache au droit de propriété, les traditions, le rôle précis et fondamental que jouent les femmes dans la société autochtone. Il suffit de lire l'histoire des Jésuites ou du père Sagard, en 1603: ils ont été étonnés de voir à quel point les femmes autochtones avaient plus de pouvoirs et d'initiative que leurs homologues européennes. Or, quatre cents ans plus tard, leur situation a complètement changé. Monsieur le ministre, reconnaître la diversité autochtone et amener la société canadienne à la respecter constitue tout un défi.
Nous constituons une des nations les plus riches au monde. Nous avons un niveau de vie élevé, et nous jouissons aussi d'une très grande liberté. Nous avons eu de nombreuses discussions là-dessus. Nous avons fait des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire.
J'ai du mal à croire que nous arriverons, en toute bonne foi, à trouver une solution au problème. Nous ne pouvons pas le régler du jour au lendemain. Toutefois, nous pourrons, à tout le moins, le ramener à ses véritables dimensions, ce qui est important. Nous devrons aussi convaincre les dirigeants autochtones que nous entendons respecter les deux objectifs de l'article 35, puisqu'ils permettront de créer des sociétés autochtones fières qui possèdent leurs propres coutumes, lignées, traditions, langues, systèmes d'éducation et valeurs.
Nous devons par ailleurs régler la question des niveaux de compétence, puisqu'il en existe un troisième. Comment définir ce niveau de compétence et respecter les valeurs fondamentales que nous partageons avec les Autochtones, voilà le défi qui nous attend.
M. Nault: Le sénateur Joyal défend sa position avec passion. C'est essentiellement la question qui nous tient à coeur depuis un bon moment.
J'ai choisi d'être un peu plus direct que les autres ministres. D'une part, je partage en tout point les vues qui ont été exprimées. D'autre part, j'en ai assez de voir les gens vivre dans la pauvreté. Je rendrai visite, cet été, à ma 51e collectivité de Premières nations, où 60 p. 100 de la population a moins de 25 ans, et 40 p. 100, moins de 15 ans. Les jeunes exigent que nous remplissions notre rôle.
Quand nous faisons allusion à l'article 35, au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, nous parlons des mêmes principes de gouvernance qui s'appliquent aux autres gouvernements dans notre cadre constitutionnel.
À mon avis, l'article 35 ne laisse pas entendre que les Premières nations sont souveraines, qu'elles ne sont pas assujetties à notre cadre constitutionnel et qu'elles peuvent donc adopter leurs propres lois. J'en suis fermement convaincu, car vous ne verrez jamais un ministre de la Couronne avoir pour mandat de négocier la souveraineté. Cela n'arrivera jamais de notre vivant.
Si nous nous retranchons derrière les principes de base qu'appliquent certains politiciens, les collectivités des Premières nations seront laissées à leur sort pendant encore 30 ou 40 ans. Voilà ce qu'il faut comprendre. C'est un problème auquel je m'attaque depuis 15 ans. Nous devrons protéger les Autochtones et les droits issus de traités. Comment le faire à l'intérieur du cadre constitutionnel, voilà la question.
Avons-nous bien fait de leur transférer notre compétence en matière d'éducation? Or, ce que nous avons transféré aux Premières nations dans les années 70, ce n'est pas notre compétence en la matière, mais plutôt les fonds qui étaient consacrés à l'éducation. Personne ne s'est attaqué à ce volet de la problématique.
Par conséquent, les langues autochtones ne bénéficient d'aucune protection. La culture autochtone à l'intérieur du système d'éducation ne bénéficie d'aucune protection. Si nous voulons protéger la langue et la culture autochtones, nous devons créer un cadre institutionnel à l'intérieur duquel elles pourront survivre.
Je veux que les langues autochtones soient transmises à la prochaine génération, celle de mes enfants, sauf qu'au rythme où vont les choses, elles risquent de disparaître. Les gens dans les collectivités affirment qu'il y a de moins en moins de personnes qui parlent les langues autochtones.
Comment pouvons-nous nous occuper des affaires qui touchent les Autochtones en collaboration et en partenariat avec elles, mais en créant un nouvel ordre de gouvernement au sein de la Constitution? À mon avis, rares sont les personnes qui se sont dites prêtes à s'attaquer à cette question.
Je compte commencer avec le projet de loi très simple qui sera déposé à l'automne. Pas le projet de loi C-7, et pas non plus le projet de loi C-19, qui ouvre la voie à l'établissement de relations financières. Aucun gouvernement ne peut survivre, au sein de la famille constitutionnelle, sans pouvoirs fiscaux.
Il faut donner des pouvoirs fiscaux aux Premières nations si nous voulons qu'elles survivent. Le projet de loi C-19 constitue un point de départ. Il a été préparé par les Premières nations, pour les Premières nations, et remis au ministre. Il permettra de régler la question des pouvoirs en matière d'imposition foncière. Il autorisera le versement de cautions, et permettra aux Premières nations d'effectuer des emprunts au même taux que celui dont bénéficient les autres gouvernements.
Cette mesure législative fait l'objet d'un grand débat au sein des collectivités autochtones. Vous savez pourquoi? Parce que certaines soutiennent que l'article 91.24 ne devrait pas exister. Si vous parlez aux dirigeants de la Colombie- Britannique qui appuient le projet de loi C-19, ils vont vous dire qu'ils ont besoin de cet article pour réintégrer le Canada.
Le débat fait rage, et pas seulement dans notre milieu, mais au sein des collectivités elles-mêmes. C'est une bonne chose. J'espère que vous en êtes convaincu. Je suis content que ce débat ait lieu. J'aurais aimé qu'il ait lieu il y a 30 ans. J'ai engagé un débat que j'estime nécessaire. Oui, on me lance des injures, et cela ne me dérange pas, pourvu qu'au bout du compte, on règle le dossier. L'incertitude nuit aux hommes, aux femmes et aux enfants autochtones, et il faut que cela cesse. Ils ne sont pas fiers de se retrouver dans cette situation. Si vous pensez que le statu quo est la voie à suivre, alors cela veut dire que je n'ai pas bien saisi le message. Je ne peux pas accepter que les choses restent telles qu'elles dans une collectivité où, d'ici 10 ans, les Autochtones représenteront plus de la moitié de la population de ma circonscription.
Je veux que les enfants autochtones participent à l'économie. Je veux que mes enfants restent dans la région parce que c'est un endroit où il fait bon vivre.
La question est à la fois très simple et complexe. Je veux que les gens comprennent pourquoi je suis ici.
Nous devons protéger les droits de propriété sur les biens matrimoniaux et renforcer les droits des Autochtones. Toutefois, si nous appuyons la Constitution, si nous croyons que les peuples autochtones font partie de notre famille constitutionnelle, alors il faut voir à ce que certaines exigences soient satisfaites au sein de cette famille. Il faut, entre autres, dissocier les droits collectifs des droits individuels au sein de la collectivité. Dans ce cas-ci, les femmes autochtones accusent un sérieux retard par rapport à la population féminine générale dans notre société.
Je vous ai dit, d'instinct, ce que nous avons fait dans le passé et ce que nous devons faire à l'avenir. Je vous ai dit, très clairement, qu'à mon avis, il existe une façon respectueuse de régler cette question, et c'est au moyen d'une loi habilitante.
Il y a très peu de Canadiens qui savent ce qu'on entend par une loi habilitante. C'est une loi qui permet d'établir des paramètres, de laisser les Premières nations établir leurs propres structures, des structures qui sont fondées sur la culture, la langue, les traditions. C'est ce que nous essayons de faire.
Pour moi, c'est la seule façon de procéder. Il y a des personnes qui disent, et certains dirigeants l'ont répété: «Nous n'avons pas besoin de vos lois. Nous allons adopter nos propres lois.» S'ils partent de ce principe, je ne vois pas comment ils pourront adopter des lois qui sont différentes des nôtres, comment ils pourront fonctionner.
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que cette question nous tient à coeur. Comme je l'ai déjà dit, je suis le seul ministre à avoir exercé des pressions pour occuper ce poste. J'en suis convaincu.
Ce rôle n'a jamais été aussi important. Au cours des 20 dernières années, nous avons passé beaucoup de temps à débattre de la place qu'occupe le Québec dans la Confédération. Nous devrions, au cours des 20 prochaines années, débattre de la place qu'occupent les Autochtones dans notre Confédération.
Vous pouvez contribuer de façon importante à ce processus décisionnel. Nous avons besoin de vos conseils judicieux sur de nombreuses questions, y compris celle de l'appartenance aux bandes, un sujet que la plupart des personnes jugent très important.
Si vous avez suivi les discussions entourant la Loi sur les Indiens, vous savez qu'au cours des 20 prochaines années, il y aura littéralement des milliers de personnes qui ne seront plus considérées comme des Indiens inscrits en vertu des paragraphes 6(1) et (2) de la Loi sur les Indiens. Il s'agit là d'un enjeu majeur. Il y a de nombreuses personnes qui dénoncent les paragraphes 6(1) et (2) de la loi et le fait que leurs enfants ne seront plus considérés comme des Indiens inscrits. Nous devons nous pencher là-dessus sans plus tarder. Je souhaite vivement m'occuper de ce dossier, en raison de l'importance qu'il revêt. Toutefois, je pense que, pour l'instant, nous avons d'autres problèmes à régler.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: On parle de violence familiale, de divorce, de séparation et de départs volontaires. Pouvez-vous me renseigner sur la condition de vie des femmes âgées dans les réserves? Si une femme devient veuve, quel est son droit sur le patrimoine familial? Doit-elle suivre les règles du divorce, de la séparation? Quel sort réserve-t-on à une personne âgée autochtone qui reste veuve?
[Traduction]
Mme Cornet: Concernant les femmes âgées dans les réserves, il est certain que le droit successoral est important. Au sein des groupes de discussion formés sur la question, les femmes autochtones sont continuellement revenues sur le lien entre les biens matrimoniaux, les testaments et les successions. À la mort de son mari ou de son conjoint, la femme peut avoir à rivaliser avec les autres membres de la famille. Il est question des testaments et des successions dans la Loi sur les Indiens, mais pas dans le contexte précis des biens matrimoniaux.
Dans les provinces et les territoires, les modalités adoptées sur la question varient. Dans certaines provinces, les lois sur les biens matrimoniaux abordent des questions testamentaires et successorales alors que, dans d'autres, c'est laissé au droit successoral général et, dans d'autres encore, au moment du décès du conjoint, le conjoint survivant doit choisir entre les droits que lui confèrent les lois sur les biens matrimoniaux et ceux du droit successoral. Il y a une variété de formules. Je pense qu'il sera important de déterminer ce qu'il faut faire concernant les biens matrimoniaux et de réfléchir à la loi habilitante.
Si on décide d'ajouter trois ou cinq mots dans une loi fédérale, on peut ne pas savoir ce que cela comprend. Les gouvernements des Premières nations peuvent ne pas le savoir. Le Parlement a-t-il l'intention d'inclure les questions testamentaires et successorales si elles font seulement référence aux biens immobiliers matrimoniaux? Vise-t-on d'autres domaines connexes? Dans le cas des femmes autochtones âgées et du patrimoine familial, je pense qu'il est crucial d'examiner la question du droit successoral.
Aviez-vous aussi des questions sur la violence familiale?
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: Si une femme a vécu toute sa vie avec son mari et que son mari meurt, quel est son droit de survivante? Où finira cette femme âgée, cette veuve? Existe-t-il des ressources pour ces femmes âgées dans les réserves?
Je me pose la question parce qu'une personne âgée, d'où qu'elle vienne, a droit à la dignité et à une qualité de vie. Avez-vous examiné cet aspect de la situation de la femme autochtone veuve et âgée?
[Traduction]
Mme Ginnish: Sénateur, nous n'avons pas encore examiné précisément la question des femmes âgées. Le sort des femmes âgées qui se retrouvent veuves et qui vivent dans une réserve dépend beaucoup de leur situation personnelle.
Je dirais qu'une veuve qui est membre d'une bande indienne et qui a vécu dans une maison avec son mari dans une réserve va, la plupart du temps, continuer d'y vivre jusqu'à sa mort, ou avec l'aide de sa famille, si c'est possible.
Pour ce qui est des ressources dont elle disposerait, si son mari travaillait et recevait une pension, elle serait fort probablement admissible à des prestations de survivant. Elle continuerait d'avoir le droit à une pension de la sécurité de la vieillesse si elle en touche une. Elle aurait accès aux prestations offertes normalement aux gens âgés au Canada, qu'elle réside ou non dans une réserve.
Si elle n'est pas membre de la bande au sein de laquelle elle vivait avec son mari, dans ce cas, sa situation est souvent laissée à la discrétion du chef et du conseil de bande, ou de la famille. Elle pourrait, dans certains cas, être soumise aux caprices de la famille, ou encore du chef et du conseil. Par conséquent, sa situation dépend beaucoup de si elle est membre de la bande, si elle est inscrite comme Indien, depuis combien de temps elle vit dans la communauté et de ses liens avec la famille et les dirigeants.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: Pouvez-vous nous indiquer le nombre des collectivités autochtones au Canada et le nombre de femmes dans ces collectivités? J'aimerais avoir une idée du nombre de femmes touchées par un divorce ou une séparation. Si nous connaissions le nombre de cas de femmes qui ont souffert du divorce et de la violence conjugale, nous saurions comment réagir.
[Traduction]
M. Nault: Le sénateur pose une question de chiffres. Nous pouvons vous dire que la population des femmes vivant dans des réserves est de 54 p. 100. Je peux vous fournir les chiffres exacts. Ils se comparent beaucoup à la moyenne nationale.
Nous avons du mal à obtenir des chiffres sur les divorces et les séparations, en raison d'un manque de structure, ce qui nous préoccupe aujourd'hui. Ces chiffres ne sont pas facilement disponibles, mais nous essayons de les recueillir. Ceux de l'APN sont différents de ceux du ministère. Je peux vous donner la liste de toutes les communautés du pays, reconnues et non reconnues par le ministère. Certaines sont en cours d'établissement. Nous négocions avec un certain nombre d'entre elles pour créer des réserves. Bigstone comprend deux ou trois communautés considérées comme des établissements pour les fins de la discussion d'aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle les chiffres varient actuellement. Notre chiffre officiel est de 622 et celui de l'APN est plus élevé.
Nous allons essayer de vous fournir tous les chiffres possibles, en fonction de ce que nous savons des femmes autochtones ainsi que des droits relatifs aux biens matrimoniaux, des séparations et des divorces.
Les communautés autochtones ont tendance à discuter de cela de temps à autre. Les unions de même sexe ne sont pas reconnues, même si nous savons qu'elles existent. Ce n'est pas un sujet dont les dirigeants ou les aînés parlent ouvertement. C'est une question que vous devez examiner. C'est une question sociale avec laquelle nous sommes aux prises. Vous voudrez peut-être en tenir compte, même si le nombre est peut-être plus restreint. Nous n'avons pas de chiffres à ce sujet.
Le sénateur Poy: Je ne comprends pas très bien l'appartenance à une bande. Quand une femme se marie ou vit en union de fait avec quelqu'un dans la réserve, ne devient-elle pas membre de la bande à laquelle il appartient? Comment cela fonctionne-t-il? N'a-t-elle pas alors le droit de rester dans la réserve?
Mme Ginnish: Tout dépend quand le mariage a eu lieu. Une femme non autochtone qui a épousé un Indien non inscrit avant 1985 aurait automatiquement obtenu le statut d'Indien inscrit et serait devenue membre de la bande.
En 1985, des changements importants ont été apportés à la Loi sur les Indiens pour permettre aux Premières nations de décider de l'appartenance à la bande. Actuellement, il y a environ 230 Premières nations qui réglementent l'appartenance à la bande et déterminent qui est membre.
Si une femme épouse un membre de la communauté, elle en devient ou non membre selon les règles établies dans ce cas par la bande qui a le pouvoir de décider à ce sujet. Dans l'ensemble, je dirais que la majorité des bandes n'accordent pas nécessairement le statut de membre à la femme.
Tout dépend de la Première nation à laquelle vous appartenez, du moment où le mariage a eu lieu et de ce que les règles sur l'appartenance à la bande prévoient.
Pour les deux tiers des Premières nations, le mariage seul ne permet pas d'acquérir le statut d'Indien ou de membre de la bande. Vous pouvez vivre dans la communauté en tant que conjointe, sans nécessairement être membre de la bande.
Le sénateur Poy: Une femme qui appartient à une bande peut-elle en rester membre si elle va vivre dans une autre réserve et se marie ou vit en union de fait avec un homme venant d'une autre réserve? A-t-elle le choix?
Mme Ginnish: Depuis 1985, oui, on peut choisir. Elle peut décider de rester membre de la bande où elle est née ou, comme le ministre l'a dit, elle peut décider de devenir membre de celle de son mari.
Avant 1985 et les changements à la Loi sur les Indiens, il n'y avait pas de choix possible. Les femmes qui se mariaient devaient devenir membres de la bande de leur mari.
Le sénateur Poy: Est-ce que les aînés et les dirigeants peuvent refuser à une femme qui s'est mariée et a déménagé dans une autre réserve de conserver son statut? Est-ce possible? Peut-elle répondre qu'elle veut le conserver?
Mme Ginnish: Si le mariage a eu lieu après 1985, elle peut décider de rester membre de la bande d'où elle vient.
Le sénateur Poy: Quand une femme va vivre dans une autre réserve, elle ne devient pas nécessairement membre de cette bande.
Mme Ginnish: C'est exact.
Le sénateur Poy: Est-ce à dire qu'elle n'a vraiment aucun droit dans cette réserve? Qu'arrive-t-il si son mari meurt? Peut-on lui dire simplement de partir avec ou sans ses enfants?
M. Nault: On nous a signalé des cas où ceux qui gèrent leurs règles d'appartenance à la bande ont imposé des restrictions ou compliqué les choses aux femmes qui se sont mariées à un membre de la bande. Cela se produit. Encore l'autre jour, une femme d'Edmonton m'a parlé des problèmes que connaissent ses enfants parce qu'ils ne sont pas membres de la bande même si son mari l'est. Ce sont des choses qui arrivent. Sont-elles répandues? Nous ne décidons pas de l'appartenance à la bande de plus de 200 Premières nations. Par conséquent, nous n'avons pas de chiffres là- dessus. C'est une question de gouvernance et d'autonomie gouvernementale dans le sens où il a été décidé que nous allions permettre à chaque bande de décider de l'appartenance à ses effectifs.
Des femmes nous parlent et nous écrivent à ce sujet, mais nous n'avons pas de statistiques qui vous permettraient de savoir quels sont exactement leurs droits. C'est particulier à chacune des bandes, et il faudrait que vous les invitiez à venir témoigner pour leur demander d'expliquer leurs coutumes à propos de l'appartenance à la bande.
Le sénateur Poy: Pour ce qui est des enfants, deviennent-ils membres de la bande à laquelle leur père appartient? Y a- t-il une différence entre les garçons et les filles?
Mme Ginnish: Encore une fois, tout dépend où vous êtes né, quand le mariage a eu lieu et si la Première nation en question contrôle l'appartenance à la bande.
Normalement, mais ce n'est pas toujours aussi simple, si au moins un des parents est membres de la bande, l'enfant devient souvent automatiquement membre de cette bande.
Le sénateur Poy: Y a-t-il une différence entre les garçons et les filles?
M. Nault: Pas à notre connaissance.
Mme Ginnish: Pas depuis 1985, non.
Mme Cornet: L'Assemblée des premières nations a rédigé un rapport de recherche qui explique les différentes catégories de codes d'appartenance et les différentes formules adoptées par les Premières nations à cet égard. Je pourrais essayer d'en trouver un exemplaire et vous l'envoyer. C'est encore un autre sujet complexe, mais des recherches ont été effectuées pour étudier les pratiques des diverses Premières nations à ce sujet.
Le sénateur Poy: Vous voulez dire que chaque Première nation a des règles différentes?
Mme Cornet: Pas nécessairement. La Loi sur les Indiens joue encore un rôle en la matière. Dans certains cas, les codes d'appartenance des Premières nations obéissent aux mêmes règles que celles prévues dans la Loi sur les Indiens concernant le statut d'Indien.
Les Premières nations qui décident de l'appartenance à la bande appliquent différentes formules. Nous pouvons vous remettre des informations et des travaux de recherche là-dessus.
M. Nault: Je vous rappelle qu'il faut faire une distinction entre l'appartenance à une bande et le statut d'Indien. Nous avons une liste de tous les Indiens inscrits qui est différente des membres d'une bande et d'une communauté. Cela ne veut pas dire qu'un Autochtone qui a le statut d'Indien n'a pas les mêmes droits pour ce qui est des programmes et des services offerts par le gouvernement ou par l'entremise des gouvernements autochtones. C'est toute la question de savoir quels sont les avantages associés à l'appartenance à une bande. Il peut y avoir des redevances ou d'autres revenus qui sont distribués. Les membres d'une bande deviennent bénéficiaires.
Il y a des règles différentes dans ce cas; nous allons essayer de trouver les documents qui les précisent. Il faut dire qu'il y a bien des codes différents, mais je ne veux pas donner l'impression qu'il y en a 622, parce que ce n'est pas le cas. Je vous rappelle que ceux qui ne sont pas régis par la coutume indienne le sont par la Loi sur les Indiens; par conséquent, les règles sont à peu de choses près assez universelles dans l'ensemble du pays.
Le sénateur Poy: Est-ce que les droits de propriété sont rattachés à l'appartenance ou au statut, ou autre chose?
M. Nault: Je dirais à l'appartenance. Nous avons un certain nombre de spécialistes qui vont être en mesure de venir vous expliquer la question. Ils ne nous ont pas accompagnés aujourd'hui. Nous voulions d'abord engager une discussion générale, mais je suis sûr que la greffière va envisager de les inviter. Il y a un certain nombre de spécialistes qui connaissent bien les différents aspects de l'appartenance dont nous avons parlé ce matin.
Madame la présidente, vous voulez peut-être examiner ces questions pour que tout le monde soit au même diapason. Vous voudrez peut-être avoir des séances d'information d'ordre plus technique avant d'inviter des témoins. C'est un sujet très complexe.
La présidente: Monsieur le ministre, avez-vous le temps de rester avec nous pour un deuxième tour de table?
M. Nault: Certainement.
Le sénateur Chaput: J'ai une remarque à faire. J'aimerais vous remercier de votre exposé d'aujourd'hui. J'essaie de comprendre. Je lis et j'écoute pour essayer d'assimiler toute l'information. Il est simplement inacceptable que les femmes autochtones du Canada n'aient pas de droits pour elles ou leurs enfants. C'est inadmissible. Notre pays doit faire mieux. En tant que membre du Sénat, je vais faire tout ce que je peux pour formuler des recommandations en vue de changer la situation.
Le sénateur Jaffer: La représentante spéciale a-t-elle terminé son travail? J'ai cru comprendre qu'elle n'avait pu aller à bien des endroits. Monsieur le ministre, vous pourriez peut-être insister pour qu'on mette plus de ressources à sa disposition pour l'aider dans son travail.
M. Nault: Je peux vous donner une idée générale de la situation et Mme Ginnish peut vous fournir des détails. Je tiens à préciser que les ressources ont été suffisantes. Nous avons investi plus d'un million de dollars dans le travail de la représentante spéciale. Il n'y a pas que l'aspect financier, à ce que je vois, c'est un peu plus complexe. C'est une question très délicate. Les femmes semblent hésiter à parler de ces questions. La représentante spéciale s'est heurtée à leurs réticences.
On peut consulter le rapport de la représentante spéciale. Je crois d'ailleurs qu'on vous l'a remis. Nous avons commencé par ce travail pour essayer de mieux connaître les communautés et les femmes. Je ne suis pas sûr que nous ayons réussi à comprendre ce qu'elles veulent. C'est une des raisons pour lesquelles je vous demande de donner suite au travail de la représentante spéciale pour préciser un peu plus les recommandations et les observations que nous voudrions formuler.
Mme Ginnish a participé directement à ce travail en notre nom. Elle peut vous fournir plus de détails sur la façon dont les choses ont fonctionné.
Mme Ginnish: Comme le ministre l'a dit, le travail de la représentante spéciale est essentiellement fini. Elle a rédigé un rapport qui a été remis au ministre et que nous pouvons sûrement vous remettre, si vous ne l'avez pas encore reçu.
Après de longues discussions avec l'équipe de conseillers qui l'entourait, il a été décidé qu'il vaudrait mieux organiser des groupes de discussion dans chaque région du pays. C'est ce qu'on a fait.
Ce que nous avons surtout appris, c'est que les femmes estiment en général ne pas avoir assez d'informations. Pour pouvoir bien discuter du problème, elles voulaient en savoir davantage. Elles voulaient avoir plus de temps pour discuter des problèmes. Elles voulaient obtenir des informations rédigées dans un langage plus clair et plus simple, moins juridique. C'est pourquoi nous avons rédigé une brochure en termes clairs et demander à Mme Cornet de produire un document de travail.
Au cours de ce processus, nous nous sommes également rendu compte que les femmes ne connaissaient absolument pas leurs droits non seulement en matière de propriété conjugale, mais aussi dans d'autres domaines, puisqu'elles n'ont pas la moindre idée de leurs droits en tant qu'individus. C'est un domaine qui doit être approfondi.
Le sénateur Jaffer: Nous avons les recommandations et le rapport. Si j'ai posé la question, c'est parce qu'elle recommande, entre autres, de prolonger son mandat d'une année afin d'aborder les autres points. C'est surtout pour cela que je posais cette question.
Le sénateur Beaudoin: Je suis satisfait des discussions de ce matin et c'est avec plaisir, monsieur le ministre, que je vois que vous allez invoquer l'article 91.24. Je le souhaite depuis toujours, car je crois que nous avons déjà un retard de 30 années à cet égard. Il s'agit d'un pouvoir que nous devrions exercer. Comme l'a indiqué le sénateur Joyal, peut-être devrions-nous être beaucoup plus novateurs que nous ne le sommes dans le domaine des droits des Autochtones, puisqu'ils étaient là 10 000 années avant nous et qu'ils ont leurs propres idées et leur propre culture.
Il serait bon, comme vous le dites, de s'intéresser au domaine de l'éducation, puisque l'éducation est très importante. Nous pouvons parfaitement invoquer l'article 91.24 en ce qui concerne l'éducation des peuples autochtones. Rien ne nous empêche d'être novateurs.
Bien sûr, nous allons utiliser les universités que nous avons, mais je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir plus. Certaines universités canadiennes proposent déjà des programmes aux Autochtones. Peut-être devrions- nous être novateurs dans ce domaine. La question du pouvoir est très claire, nous avons tout le pouvoir voulu.
M. Nault: Madame la présidente, je ne pense pas qu'il y ait quiconque ici qui ne soit pas d'accord avec moi au sujet du rôle du gouvernement — si vous le réduisez à sa plus simple expression — qui consiste à mettre en place le genre de structures pédagogiques permettant aux enfants des générations futures de réussir. Il s'agit en fait du véritable rôle du gouvernement. Je suis fier d'être canadien, parce que je crois que mes enfants ont de meilleures chances que n'importe quel enfant au monde et je tiens à ce que les enfants autochtones aient les mêmes chances, or, ce ne semble pas être le cas aujourd'hui et je propose de renverser la situation.
J'ai demandé aux leaders autochtones s'il s'agissait d'une question d'argent ou de vide en matière de compétence au sein de la structure de l'enseignement? La différence est tellement énorme entre le système d'éducation des provinces et celui des Premières nations que lorsque l'enfant arrive dans le système provincial d'éducation, il a énormément de difficultés. Sans vouloir retirer aux peuples autochtones leur compétence en matière d'éducation, car notre politique vise à la maintenir, nous devons tout faire pour qu'elle porte fruit. Plusieurs projets pilotes sont déjà en cours, ou sont prévus, comme celui de la région du traité 6 où je me trouvais la semaine dernière; ce projet va permettre à cette région d'assumer la responsabilité du système de l'éducation, d'analyser les pouvoirs et de voir comment le système pourrait fonctionner autrement qu'un simple système communautaire. C'est un des points.
Pour ce qui est de la question de l'article 91.24, nous menons actuellement des négociations avec des groupes autochtones dans toute la Colombie-Britannique sur ce que nous appelons un accord sectoriel en matière d'éducation entre les Premières nations et la province de la Colombie-Britannique. Ces négociations progressent très bien et peut- être est-ce une des façons de régler la question. Il me semble que les Premières nations de la Colombie-Britannique sont les plus progressistes du pays, puisqu'elles n'hésitent pas à envisager des façons d'améliorer la vie de leurs collectivités. Je tiens à le dire aux fins du compte rendu. Les leaders de la Colombie-Britannique me font forte impression; ils prennent leur travail très au sérieux et regardent la réalité en face. De toute évidence, ce sont eux qui mènent le débat relatif à l'article 91.24 versus l'article 35. Ils ne laissent pas entendre qu'ils s'opposent à l'article 35, mais qu'ils peuvent examiner les deux en même temps, en attendant d'obtenir l'autonomie gouvernementale et d'avoir des discussions relatives au traité dans un contexte moderne, au lieu d'empêcher tout progrès dans ce sens. Selon moi, c'est une décision sage de leur part et, si je comprends bien, ce débat se poursuit à l'heure actuelle avec les leaders nationaux. Je vais leur laisser le soin d'en parler.
Ce que je veux dire, c'est que l'éducation fait déjà partie de nos grandes priorités; vous allez voir que du travail se fait dans ce sens, car c'est important. Je ne le soulignerai jamais suffisamment, mais la question de la langue nous préoccupe ainsi que le fait que des langues qui n'existent nulle part ailleurs disparaissent peu à peu de notre pays. Nous ne sommes pas satisfaits des résultats. Le système d'éducation doit jouer un rôle important, ce qui ne semble pas être le cas aujourd'hui. C'est l'exemple que je vous donne.
Je ne vais pas approfondir davantage la question de l'article 91.24 et de son application. Je ne pense pas devoir faire la leçon au sénateur Beaudoin à ce sujet, puisqu'il en sait plus que je n'en saurai jamais à cet égard.
À l'heure actuelle, nous ne sommes pas les seuls ici à avoir un tel débat, puisque c'est aussi le débat numéro un des leaders autochtones. Dans les collectivités, dans les cuisines des familles sur les réserves, il n'est question que de gouvernance. S'il y a une chose qui doit me satisfaire, c'est bien le fait que les gens aient ce genre de discussion.
J'espère vous avoir été utile; il ne faut pas non plus oublier que nous ne sommes pas tous des avocats et que, par conséquent, tout ce que nous faisons ne sert à rien si nous ne pouvons pas expliquer en langage clair et simple comment le monde évolue. Je suis frustré lorsque ces discussions se déroulent dans une perspective juridique, si bien que je cherche toujours à les ramener au niveau de la collectivité. Comment assurer la réussite d'une collectivité aujourd'hui?
Comment, par exemple, la collectivité aborde-t-elle la question des droits des femmes autochtones et comment protège-t-elle leur culture, leurs traditions et leur intégrité? À mon avis, c'est un point sur lequel vous allez vous pencher et je suis sûr que chaque fois que vous vous en écarterez, le sénateur Chalifoux vous ramènera sur le droit chemin — et j'espère qu'elle le fera — car c'est certainement ce que nous souhaitons, de ce côté de la table.
La présidente: Monsieur le ministre, madame Ginnish et madame Cornet, merci beaucoup. Nous avons beaucoup de travail à faire, mais je crois qu'avec l'aide du sénateur Chalifoux — puisque c'est probablement le sénateur qui a la plus vaste expérience parmi nous — et celle de nos deux spécialistes en matière de constitution, nous devrions être en mesure de vous remettre un rapport provisoire. J'imagine que vos fonctionnaires suivront de près ce qui se passe au cours des délibérations de notre comité. Si nous avons besoin de vous, pouvons-nous vous inviter de nouveau?
M. Nault: Oui, et merci, madame la présidente. Je tiens à vous remercier d'examiner ce qui, à mon avis, est l'une des questions les plus importantes de notre époque.
J'aimerais aussi souligner que je ne recherche pas une solution rapide, je ne suis pas pressé et je ne m'attends pas nécessairement à des rapports provisoires. J'espère simplement que vous considérez ce travail de comité comme l'un des plus importants du Sénat; c'est ce que je pense, depuis que je suis député, car votre travail est essentiel pour les femmes autochtones et leurs enfants.
J'espère que vous ne ménagerez pas vos efforts pour nous présenter des recommandations susceptibles d'améliorer la vie de ceux que nous représentons. Merci de m'avoir entendu aujourd'hui.
La présidente: Merci beaucoup.
La séance est levée.