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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne


Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 22 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 11 h 35 pour étudier les aspects juridiques clés ayant une incidence sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés dans une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait ainsi que leur contexte politique particulier.

Le sénateur Shirley Maheu (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bonjour et bienvenue à tous ceux qui sont ici avec nous ce matin ainsi qu'à ceux qui nous écoutent à la radio et à la télévision. Le site Web du comité donne de l'information sur le déroulement de ces audiences afin que les gens partout au pays puissent être informés.

J'aimerais maintenant vous présenter les membres de notre comité. Nous avons avec nous ce matin le sénateur Beaudoin, vice-président suppléant du comité; le sénateur Ferretti Barth, du Québec, le sénateur Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique; et le sénateur Thelma Chalifoux, de la Nation des Métis et de l'Alberta.

En juin, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre cette étude importante sur les aspects juridiques clés ayant une incidence sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés dans une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait. Plus précisément, le comité a reçu le mandat d'examiner les rapports entre les lois fédérales et provinciales touchant le partage des biens immobiliers matrimoniaux et personnels situés sur une réserve et, plus particulièrement, l'exécution des décisions des tribunaux; la pratique d'allocation des terres dans les réserves et plus particulièrement l'attribution des terres selon les coutumes ancestrales; en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait, le statut des conjoints et le partage des biens immobiliers lors de la rupture; et les solutions possibles pour trouver un juste équilibre entre les intérêts individuels et communautaires. C'est là où vous nous serez d'une grande aide.

[Français]

Dans les mois à venir, le comité entendra un certain nombre de témoins de divers groupes représentant les peuples autochtones, y compris les organisations nationales, provinciales et régionales. Juste avant le congé d'été, nous avons entendu le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, l'honorable Robert Nault.

Nous aurons aussi la chance d'entendre des fonctionnaires du ministère. Nous avons déjà eu une séance avec eux, il va sûrement y en avoir d'autres avant la fin de la session.

Je voudrais souligner la présence du sénateur Serge Joyal, sénateur du Québec. J'aimerais aussi rappeler qu'il est possible de soumettre au comité une opinion écrite sur le sujet.

[Traduction]

Notre comité aimerait déposer son rapport d'ici la fin du mois de décembre 2003. Je suppose que ce ne sera pas notre rapport final, mais qu'il nous permettra tout au moins d'aller chercher certaines réponses que nous cherchons. Afin de nous acquitter du mandat qui nous a été confié, notre comité a décidé d'examiner trois questions: les Premières nations et la Loi sur les Indiens; les Premières nations et la Loi sur la gestion des terres des Premières nations; et les Premières nations et l'autonomie gouvernementale.

Aujourd'hui, nous recevons quatre femmes autochtones: Michèle Audette et Diane Soroka de l'Association des femmes autochtones du Québec; Mme Dorothy George, présidente de la Newfoundland Native Association; et Marilyn Sark, de la Aboriginal Women's Association of Prince Edward Island.

Madame Sark, aimeriez-vous commencer?

Mme Marilyn Sark, présidente, Aboriginal Women's Association of Prince Edward Island: Madame la présidente et membres du comité sénatorial, à titre de présidente de la Aboriginal Women's Association of Prince Edward Island, j'aimerais vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de faire cet exposé aujourd'hui. Nous aimerions que notre mémoire soit versé au compte rendu officiel du comité, mais j'aimerais brièvement vous en souligner quelques éléments verbalement.

L'Aboriginal Women's Association a été constituée en personne morale en 1986 et représente plus de 200 femmes autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard. L'Association est régie par un conseil d'administration bénévole, et ses principaux objectifs sont notamment fournir orientation et leadership à toutes les femmes autochtones, et représenter leurs intérêts et leurs préoccupations à tous les niveaux, social, économique et politique, en vue de susciter une réforme; encourager et aider toutes les femmes autochtones à participer activement à toutes les facettes de la vie sociale, économique et politique et dans toutes les décisions qui influencent et régissent leur vie.

Bien que AWAPEI, qui est l'acronyme de l'Aboriginal Women's Association of Prince Edward Island, fournisse de nombreux programmes et services à ses membres, il y a néanmoins un manque chronique de financement. Cette question est la plus grande priorité, étant donné que les questions qui sont visées par le mandat de votre comité ne représentent que quelques-uns des problèmes avec lesquels nos membres sont aux prises quotidiennement.

Nous avons besoin de capacités et de ressources afin de pouvoir produire un changement réel et efficace en vue d'améliorer la situation de toutes les femmes autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard. Un financement de base adéquat pour AWAPEI et des organismes semblables est une question sur laquelle votre comité doit se pencher. Ce qui nous amène à notre première recommandation.

Nous recommandons que des fonds et des ressources suffisants soient accordés à l'AWAPEI et à d'autres organismes autochtones semblables pour pouvoir faire des recherches et tenir les discussions nécessaires pour avoir une voix éclairée sur les questions sur lesquelles se penchent votre comité et d'autres comités à tous les paliers de gouvernement. Nous constatons que notre association et d'autres organisations semblables n'ont pas suffisamment de temps ni de ressources pour élaborer une position éclairée sur ces questions. Un échéancier rigide nous a obligés à préparer un mémoire à la hâte, mais nous sommes d'avis qu'il est préférable de présenter certaines observations sur la question plutôt que sur rien du tout.

Nos membres n'ont pas été vraiment suffisamment consultées sur ces questions ou leur impact, tant du point de vue individuel que communautaire. Cela m'amène à notre deuxième recommandation. Nous recommandons que le comité s'assure que toutes les membres de l'AWAPEI soient consultées de façon appropriée et significative tout au long du processus suivi par le gouvernement et le comité.

Conformément au mandat du comité qui consiste à trouver un juste équilibre entre les intérêts collectifs et individuels des Premières nations sur les questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves, nous disons qu'il y a deux questions clés. Elles sont soulignées dans le rapport de Mme Cornet, intitulé «Document de travail: Les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves, 2002». À la page 7, elle fait l'observation suivante:

La principale question est celle de savoir quelles mesures d'ordre politique et juridique doivent être prises pour répondre aux besoins et composer avec les droits des personnes qui résident dans les réserves dans les relations conjugales entre personnes de sexe opposé.

À la page 2, elle dit:

Une question centrale est celle de savoir comment la réforme du droit des biens immobiliers matrimoniaux devrait tenir compte des valeurs culturelles des Premières nations.

L'examen des questions relatives aux biens matrimoniaux doit mettre l'accent sur les besoins et les droits de toutes les personnes qui résident dans les réserves. Il doit par ailleurs tenir compte des circonstances propres aux femmes et aux enfants autochtones dans un contexte des Premières nations.

Nous comprenons la complexité d'un certain nombre de questions qui jouent un rôle dans un dialogue éclairé sur les biens immobiliers matrimoniaux. Pour bon nombre de femmes autochtones, la complexité de cette situation ne peut être résolue par une approche uniformisée.

La pratique du gouvernement qui consiste à imposer une solution de l'extérieur est bien documentée. Cette approche crée souvent davantage de problèmes aux dépens de l'unité familiale qui est à la base des sociétés autochtones. Il suffit de regarder les tragédies des enfants autochtones qui ont été envoyés dans des pensionnats pour comprendre que l'imposition d'une solution de l'extérieur n'est pas toujours la réponse. À part la violence dont ces enfants ont été victimes dans les écoles résidentielles, l'autre tragédie réelle qui est sortie de tout cela a été la rupture de l'unité familiale.

Quoi qu'il en soit, il est possible de tirer des leçons du passé. Ce n'est que grâce à une approche qui répond aux circonstances uniques des différentes sociétés autochtones qu'on pourra en arriver à un équilibre qui respecte les droits individuels des femmes autochtones et les droits collectifs d'une Première nation.

Nous vous présentons cet exposé au nom des femmes autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard, dont la majorité sont micmaques. Si on traduit le mot micmac, il signifie «ma famille» ou «mon parent». Le peuple micmac s'est toujours identifié par rapport à son lien avec l'unité familiale. En micmac, il n'y a pas de mot pour exprimer ce qui est masculin ou féminin. Cependant, l'AWAPEI n'a pas l'intention de sous-évaluer la légitimité de la problématique hommes- femmes. Nous aimerions plutôt souligner sa pertinence du point de vue de la culture micmaque. Nous ne voulons pas non plus sous-entendre que nos collectivités ne connaissent pas de problématique hommes-femmes. Nous nous rendons compte que des changements sont nécessaires. Cependant, ce qui est important, c'est la façon dont ces changements se feront.

Quand on mine la capacité des collectivités autochtones à exercer leur choix, on fait fi des processus internes de résolution des différends entre les membres. Le processus des Micmacs en ce qui a trait à la résolution des différends relatifs à des questions internes ou territoriales, bien qu'il ne soit pas parfait, tente de trouver l'équilibre entre les intérêts individuels, familiaux et collectifs. Les pratiques existantes ont cours en dépit de la Loi sur les Indiens et des politiques connexes. La coutume micmaque, qui recherche l'équilibre entre le rôle de chacun au sein de la famille et de la collectivité, a forcé les Micmacs de l'Île-du-Prince-Édouard à régler leurs problèmes de droit familial à leur façon.

Cela a donné lieu à l'élaboration de plusieurs politiques qui ont favorisé l'établissement de relations communautaires positives relativement à des questions telles que le divorce, la séparation et le décès de membres de la collectivité. Cette politique ne constitue pas la solution miracle à tous les problèmes. Les conseils de bande ont fait des efforts pour régler les cas de violence familiale en prenant une décision en fonction de chaque cas et en tenant compte des intérêts des enfants.

Par ailleurs, la bande de Lennox Island a entrepris de faire reconnaître et respecter les ordonnances familiales rendues en vertu de la Loi sur le droit de la famille et de la Loi sur le divorce. La façon dont les Premières nations de l'Île-du-Prince-Édouard ont tenté de faire face aux problèmes de rupture des familles constitue des progrès pour elles. Toutefois, ces initiatives ne suffisent pas à assurer la reconnaissance de tous les intérêts et de tous les droits des femmes autochtones.

L'AWAPEI estime que pour progresser dans cet important dossier, il est essentiel que les collectivités autochtones s'approprient toute nouvelle politique ou loi. Il est extrêmement important que votre comité reconnaisse que l'on puisse tirer des leçons du passé et qu'il faut que le gouvernement agisse dorénavant de façon honorable dans ses relations avec les peuples autochtones.

Dans le dossier sur lequel se penche votre comité, le gouvernement fédéral dispose de plusieurs options qui vont de l'élaboration de politiques gouvernementales concernant, par exemple, le logement dans les réserves, alors que d'autres relèvent de la reconnaissance des pouvoirs conférés aux Premières nations par la Constitution, la Loi sur les Indiens et la jurisprudence.

Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones comporte une analyse de la compétence à l'égard du mariage et du droit de propriété relativement aux terres des Premières nations, compétence qui fait partie des compétences inhérentes des Premières nations pouvant être exercées sans négociations, accords ou autres formes de reconnaissances de la part des gouvernements provinciaux ou fédéral. Un énoncé de politique sur les droits inhérents est sans conséquence si le gouvernement fédéral refuse de reconnaître concrètement ces droits.

Nous formulons donc la recommandation numéro trois. L'AWAPEI recommande que votre comité demande l'élaboration d'un énoncé de politique favorisant la prise de mesures intérimaires visant la reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale de chaque Première nation en matière de droit de la famille.

Notre quatrième recommandation est la suivante: Que votre comité demande explicitement au Cabinet de reconnaître le droit inhérent des Premières nations en matière de droit de la famille dans le cadre des négociations sur l'autonomie gouvernementale.

Mesdames et messieurs les membres du comité, il faut adopter une nouvelle approche avec les Premières nations, une approche qui se fonde sur la reconnaissance et le respect réels des droits, cultures, valeurs et traditions autochtones.

La présidente: Merci.

[Français]

Mme Michèle Audette, Association des femmes autochtones du Québec: Je tiens à remercier le comité de prendre le temps de nous entendre.

Qui sommes-nous? Nous sommes l'Association des femmes autochtones du Québec. Une belle organisation qui existe depuis plus de 30 ans. L'année prochaine, nous allons officiellement célébrer 30 ans de victoires, de luttes. J'espère vous voir à Montréal.

Je suis mère de deux beaux garçons que j'admire beaucoup. Pourquoi me suis-je impliquée dans l'Association? Parce que j'ai réalisé, très rapidement, que mon fils avait plus de droits que moi en vertu de la Loi sur les Indiens.

Ce sont des luttes que les femmes canadiennes ont poussées et que, malheureusement encore, nos fils ont encore aujourd'hui plus de droits que nous en vertu de la Loi sur les Indiens. Du fond du coeur, je vous remercie de prendre le temps de nous écouter. C'est beau de voir des hommes nous écouter.

La présidente: Nous avons la crème!

Mme Audette: Je suis contente que le Comité des droits de la personne ait entrepris l'étude sur la question des droits matrimoniaux relatifs aux biens immobiliers dans les réserves indiennes. Cela fait longtemps que cette question pose des problèmes très importants à nos filles, nos mères et nos grands-mères des Premières nations.

L'Association des femmes autochtones du Québec a souvent demandé au gouvernement du Canada de prendre des mesures à ce sujet. C'est juste le visage qui change, mais nos revendications sont les mêmes. Les difficultés auxquelles font face les femmes des Premières nations à l'égard des biens matrimoniaux dans les réserves indiennes sont, en réalité, le symptôme d'un problème beaucoup plus important.

Ce problème découle du fait que le gouvernement du Canada continue ouvertement et sciemment à exercer de la discrimination envers nous, les femmes des Premières nations, et donne un mauvais exemple aux gouvernements autochtones. Il encourage malheureusement les gouvernements des Premières nations à faire de même. J'en suis la preuve vivante, comme bien de mes consoeurs ici.

Depuis 1974 l'Association des femmes autochtones du Québec dénonce, avec force et énergie, les injustices causées par la Loi sur les Indiens. Depuis 1984, nous avons déposé plusieurs mémoires et je tiens à vous les citer: en 1984, fut présenté le premier mémoire au Comité permanent des Affaires indiennes sur le projet de loi C-47; en 1985, nous avons présenté un mémoire au sous-comité parlementaire sur les droits à l'égalité; en mars 1986, un mémoire fut présenté au Comité permanent des Affaires indiennes; en 1988, le rapport sur la mise en application du projet de loi C-31 fut présenté au Comité permanent de la Chambre des communes; en 1992, un mémoire fut présenté au Cercle des Premières nations sur la Constitution; en 1993, un mémoire fut déposé à la Commission royale sur les peuples autochtones intitulé: «Prendre la place qui nous revient». Ensuite, en l'an 2000, un mémoire sur la Loi sur les Indiens adressé au ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien, le mémoire sur la gouvernance, qui est tout frais encore. Cela fait longtemps que nous donnons le message que le Canada est en train de discriminer contre les femmes des Premières nations et leurs enfants.

Vous savez comme moi que le Canada fait partie de plusieurs conventions internationales garantissant l'égalité aux hommes et aux femmes et interdisant toutes formes de discrimination. Il fait également partie d'une convention protégeant spécifiquement les droits de l'enfant. Il est assujetti à la compétence d'institutions internationales mises sur pied pour veiller au respect des engagements pris par les pays qui, comme le Canada, deviennent librement et volontairement parties aux instruments juridiques et internationaux de protection des droits de la personne. Ce qui est désolant à dire et force est de constater que le Canada ne protège pas adéquatement les femmes des Premières nations et leurs enfants contre la discrimination dont sont victimes un trop grand nombre d'entre eux. Je pourrais même dire les femmes autochtones en général.

L'inégalité des droits patrimoniaux des conjoints ainsi que les conséquences négatives de cette situation en cas de divorce sont incompatibles avec les engagements internationaux du Canada. Cela fait longtemps que la communauté internationale le dit. Le Canada s'est fait dire à maintes reprises, depuis plus de dix ans, qu'il contrevient non seulement à la Constitution du Canada, mais aussi à ses obligations internationales. Pourtant, il refuse d'agir pour mettre fin à toutes formes de discrimination.

Au sujet des biens matrimoniaux dans les réserves, la Cour suprême a jugé que les lois provinciales relatives au partage des biens lors d'un divorce ne pouvaient s'appliquer aux biens immobiliers situés dans les réserves indiennes. La Loi sur les Indiens est silencieuse sur cette question. Historiquement, les terrains et les maisons étaient, en général, donnés aux hommes, au conjoint de sexe masculin par le ministère des Affaires indiennes. Ce qui veut dire que cela laisse trop souvent les femmes sans pouvoirs économiques et, en cas de divorce, elles et leurs enfants se retrouvent souvent sans abri ou tout simplement dans la rue.

Comme le soulignait le rapport de la Commission d'enquête sur la justice du Manitoba outre la question de l'égalité, le manque de protection et l'absence de traitements équitables des femmes favorisent d'autres formes de discrimination à leur égard, tant de la part du ministère des Affaires indiennes que de celle des Conseils de bande.

Je tiens à citer un article contenu dans ce rapport:

Il n'y a pas de partage équitable des biens en cas de divorce dans la Loi sur les Indiens, il faut y remédier. Bien que nous admettions que la modification de la Loi sur les Indiens ne soit pas une priorité pour le gouvernement fédéral ni pour les leaders autochtones du Canada, nous croyons que cette question mérite une attention immédiate. Non seulement le traitement inéquitable et injuste des femmes autochtones dans la loi est-il vraisemblablement inconstitutionnel, mais il semble aussi encourager la discrimination administrative dans l'octroi de logements et autres services aux femmes autochtones par le ministère des Affaires indiennes et les gouvernements locaux.

La commission a expressément recommandé que la Loi sur les Indiens soit modifiée de façon à prévoir le partage équitable des biens en cas de divorce. En ne tenant pas compte de ces recommandations, encore une fois, le Canada viole ses obligations internationales comme le rappellent certains comités, le Comité des droits de l'homme, de mars 2000 et le Comité sur l'élimination de la discrimination raciale.

Nous ne sommes pas les seules à dire ces chose. Je tiens aussi à énumérer les pactes et conventions où le Canada ne respecte pas ses obligations: le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes; la Convention internationale sur l'élimination de toute forme de discrimination raciale, et, évidemment, la Convention relative aux droits de l'enfant.

Vous avez peut être entendu certains de nos leaders et certaines de nos consoeurs dire qu'il est important retourner aux sources, ou de retourner aux traditions. Les femmes des Premières nations ont, de tout temps, joué un rôle très important sur le plan économique dans leur société. Il est vrai que nous avions nos propres lois, nos propres systèmes sur les plans de la justice et de l'éducation, et cetera. Il est vrai que les femmes et les hommes avaient des rôles bien définis. On ne pouvait vivre l'un sans l'autre; c'était impossible. Je pense que c'est encore le cas aujourd'hui. On a malheureusement perdu cet équilibre. Pourquoi? Les valeurs européennes sont arrivées ici où on mettait l'homme au pouvoir ou celui qui contrôlait l'accès aux biens et aux services y compris les terres et le logement. Cela a vraiment bouleversé nos façons de faire et nos familles autochtones évidemment. Il est certain que l'équilibre doit être réétabli. Je n'en doute pas. Il ne peut cependant pas l'être par un simple retour aux traditions comme l'ont suggéré certains. Cette idée simpliste ne peut qu'engendrer des souffrance accrues. Je tiens à vous les expliquer.

Pas plus que le reste du monde entier, je ne pense pas que les autres sociétés d'aujourd'hui voudraient retourner 600 ans en arrière. Les sociétés des Premières nations ne peuvent suivre cette suggestion naïve et retourner 600 ans en arrière: le faire serait courir à la catastrophe. Il y a 600 ans, les gens qui vivaient dans nos sociétés vivaient de la chasse, de la cueillette ou de l'agriculture et possédaient beaucoup moins de biens matériels. Mais l'accès aux territoires et aux ressources y était beaucoup plus facile et équitable qu'il ne l'est actuellement. Le Canada a souvent refusé de prendre des mesures destinées à éliminer la discrimination envers les femmes des Premières nations sous prétexte qu'il ne désire pas s'immiscer dans les affaires internes des Premières nations. Personnellement, j'ai déjà entendu le ministre des Affaires indiennes dire que ce qui nous arrivait appartenait aux communautés. Je ne le crois pas. Le Canada doit admettre qu'il est responsable de la situation actuelle et doit prendre des mesure destinées à la corriger.

Toutefois, le gouvernement du Canada est lié par la Constitution et par ses obligations internationales. Il ne peut, sous aucun prétexte, créer, à l'intérieur de ces frontières, des enclaves dans lesquelles il permet des violations routinières des droits de la personne. Au contraire, il a le devoir d'agir pour protéger les droits de toutes les personnes à l'intérieur de ces frontières. Cela inclus les femmes autochtones. On demande que la Loi sur les Indiens soit modifiée afin de garantir le droit à l'égalité et les droits concernant les biens matrimoniaux pour prévoir un partage égal des biens en cas de divorce, et garantir que le parent ayant la garde des enfants, quel qu'il soit, homme ou femme, puisse continuer à habiter dans le domicile familial. Nous sommes clair à ce sujet. À ce jour, le refus du gouvernement du Canada de garantir les droits fondamentaux de la personne aux femmes des Premières nations et à leurs enfants n'a pu qu'encourager les gouvernements des Premières nations à exercer de la discrimination envers elles.

Les questions liées aux biens fonciers, matrimoniaux ne peuvent être envisagées hors de ce contexte. Nous nous attendons à ce que le gouvernement canadien prenne l'initiative de modifier la Loi sur les Indiens pour éliminer toutes les dispositions discriminatoires et d'abolir toutes les politiques discriminatoires au sein du ministère des Affaires indiennes.

Nous avons répéter maintes fois — et nous le faisons encore aujourd'hui — qu'il devrait respecter les recommandations ou regarder attentivement et sincèrement les différents rapports qui ont été soumis depuis plusieurs années. Le comité permanent, en 1981, a conclu que la Loi sur les Indiens continuait à être discriminatoire à l'égard des femmes. Il y aurait une analyse à faire, une lecture à faire et examiner les recommandations. Ensuite, dans les années 1990, le ministre des Affaires indiennes a admis que les femmes continuaient d'être victimes de discrimination. Aujourd'hui, en 2003, c'est encore la même chose. Il serait très important de lire le rapport de la Commission d'enquête sur la justice du Manitoba et évidemment, les recommandations du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, qui lui aussi a conclu, en 1999, que la Loi sur les Indiens était discriminatoire à l'égard des femmes.

En conséquence de ce qui précède, les femmes autochtones du Québec déposent les recommandations suivantes: que la Loi sur les Indiens soit modifiée de façon à en éliminer toute forme de discrimination à l'égard des femmes. À cette fin, que soit réinscrite, en tant qu'indienne, non seulement les femmes qui ont perdu ce statut en raison de la discrimination dont elles ont historiquement fait l'objet, mais aussi leurs enfants et leurs petits-enfants; que la Loi sur les Indiens soit modifiée pour garantir l'égalité entre les hommes et les femmes à l'égard des biens matrimoniaux et pour garantir l'équité du partage des biens lors d'une rupture des liens matrimoniaux; que la Loi sur les Indiens soit aussi modifiée pour garantir que les parents ayant la garde des enfants puissent continuer à habiter dans le domicile familial en cas de rupture des liens matrimoniaux et, que la Loi sur les Indiens soit modifiée pour garantir qu'une femme dont l'appartenance à une Première nation a subi un changement en raison d'un mariage à un homme appartenant à une autre Premières nations autre que la sienne, ait automatiquement le droit de se réinscrire et d'inscrire ses enfants en tant que membres dans sa Première nation d'origine, si elle le désire.

Nos visages sont nouveaux, mais notre message ne l'est pas. En tant qu'être humain, mère et femme Innu, j'espère voir un jour le Canada respecter ses conventions, ses pactes et la Constitution et faire en sorte que mon fils ait les mêmes droits que moi.

Le sénateur Lapierre: Ou que vous ayez les mêmes droits que votre fils.

Mme Audette: Oui.

[Traduction]

Mme Dorothy George, présidente, Newfoundland Native Women's Association: C'est un plaisir d'être ici ce matin pour discuter des droits de la personne et de ses conséquences sur les femmes et les enfants, et ce, en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves lors de la rupture d'un mariage.

Je ne vis pas dans une réserve; je n'ai donc pas de connaissances directes sur le sujet mais j'ai eu de nombreuses discussions avec des femmes qui en savent beaucoup sur cette question et qui ont été touchées par la répartition des biens immobiliers dans une réserve. Pour vous dire la vérité, c'est avec stupéfaction que j'ai entendu des femmes me raconter comment leur vie et la vie de leurs enfants ont été touchées par la rupture d'avec leur conjoint vivant dans une réserve.

J'ai eu l'occasion de lire les délibérations du 18 juin 2003, lorsque le ministre Nault s'est adressé au comité sénatorial permanent sur cette question. Le ministre Nault a émis des commentaires très astucieux sur cette question. «La plupart des droits et des recours juridiques énoncés dans les lois canadiennes et applicables hors des réserves ne s'adressent pas aux résidents d'une réserve. En outre, la Loi sur les Indiens n'aborde pas la question, et les provinces [...] n'ont pas le pouvoir d'adopter des lois portant sur les terres qui relèvent de la compétence fédérale. [...] Les tribunaux ne sont pas autorisés à déterminer de quelle façon protéger de tels biens [...].»

Ces déclarations semblent indiquer qu'au Canada il n'existe pas de protection fédérale, provinciale ou juridique pour les femmes vivant dans les réserves en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux lors de la rupture d'un mariage.

La communauté autochtone pourrait alléguer que le Canada n'a pas le droit de dire à une autre nation comment gouverner ses membres.

Ce matin, j'aimerais vous donner à penser, mesdames et messieurs les sénateurs, que si le Canada avait un tel droit, ce comité n'aurait pas été mis sur pied pour consulter les femmes autochtones du Canada en ce qui concerne cette question.

Est-ce qu'une nation peut éviter aujourd'hui le regard scrutateur des autres nations qui pensent qu'une injustice est commise contre ses citoyens? Les droits de la personne sont une priorité non seulement pour le Canada, mais aussi pour de nombreuses nations et il est prioritaire de trouver une solution à ces violations.

En tant que femme autochtone, sans tenir compte du fait que je ne vis pas dans une réserve, je ne peux pas laisser passer cette occasion qui m'est offerte de dire franchement ce que je pense.

Avant 1860, notre société était une société matriarcale dans laquelle les femmes prenaient les décisions, s'occupaient des enfants et prenaient à leur compte la survie des tribus. La famille primait. Les expressions «famille immédiate», «famille reconstituée» ou «famille élargie» n'avaient pas cours dans les collectivités autochtones. Tous faisaient partie de la famille et tous les membres de la famille prenaient soin les uns des autres et se protégeaient les uns les autres. C'est la famille qui est au coeur de toute collectivité autochtone.

Pourquoi la façon dont nous traitons les femmes a-t-elle changé si radicalement? Pourquoi nous, les femmes, avons- nous accepté qu'on nous manque de respect ainsi? Qu'avons-nous fait de la sagesse et de la force de nos aïeuls? Sont- elles disparues? Non, cette force est présente ici aujourd'hui. Sinon, toutes ces femmes autochtones ne seraient pas ici aujourd'hui pour discuter de ce sujet si important.

Est-ce que nous, les Autochtones, tenterons de blâmer les autres nations ou est-ce que nous chercherons en nous- mêmes la cause d'un tel revirement? Les conséquences de la rupture d'un mariage ou d'une union de fait ne se font pas sentir seulement au sein du foyer familial, mais aussi dans la façon dont nous traitons les enfants et les femmes, et ces conséquences sont lourdes à porter.

Pourquoi perdre un temps précieux à tenter de déterminer où nous avons erré? Regardons-nous d'un oeil honnête — même s'il est difficile de se regarder dans le miroir — et avouons à nous-mêmes et au monde que nous n'avons pas su répondre aux besoins des femmes et des enfants. Ensuite, nous, les Autochtones, pourrons enfin régler ce problème.

Nous ne devons pas et ne pouvons pas permettre à nos grands-mères, mères, tantes, soeurs et nièces de subir à l'avenir les erreurs des 140 dernières années.

Le gros bon sens et un simple calcul nous montrent les réalisations de la communauté autochtone d'avant 1860. Faudra-t-il encore manquer de respect pendant 140 ans envers nos femmes avant que nous comprenions tous que nous nous auto-détruisons? Avant 1860, nous avions peut-être moins de bien matériels et notre niveau de vie était peut-être inférieur, mais en dernière analyse, tout ce qui compte dans la vie, c'est la famille et les souvenirs que nous laissons. Les biens matériels n'ont pas de souvenirs. C'est parce que nous sommes humains que nous avons des souvenirs, et que nous connaissons la joie et la tristesse.

Nos femmes ont lutté pendant toutes ces années mais elles n'ont pas lâché prise; nos femmes n'abandonneront pas la partie tant et aussi longtemps que le manque de respect et l'abus d'aujourd'hui leur sont imposés. La vie ne s'arrête pas ici. C'est l'esprit de nos grands-mères, de nos mères, de nos tantes et de nos soeurs qui nous forcera à poursuivre la lutte pour nous assurer que les femmes de demain ne subiront pas les erreurs des 140 dernières années.

Je crois que les Premières nations doivent remédier à l'injustice infligée aux femmes en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux. Nous n'avons pas besoin des autres pour nous dire que nous avons un problème. Nous ne pouvons pas prétendre que tout va bien. Nous ne serions pas ici aujourd'hui si tel était le cas.

Nous ne pouvons pas nous laisser intimider par la honte et nous ne pouvons pas nous permettre de jouer à l'autruche. Si nous succombons à de telles faiblesses, non seulement le Canada, mais tous les autres pays nous pointeront du doigt et nous demanderont pourquoi nous traitons nos femmes différemment. Nous, qui sommes plus avisés et qui avons vécu une vie d'égalité exemplaire pendant des centaines d'années, devons encore une fois retourner à nos traditions ancestrales. Nous devons revenir vers la sagesse des grands-pères et des grands-mères de nos communautés. Il faut écouter. Il faut apprendre et nous aurons la réponse.

La prochaine question sera: «Aurons-nous le courage de trouver une solution à ce problème et de la trouver rapidement?» Il s'agit d'une question complexe et je me rends compte que nous ne pouvons pas trouver la solution du jour au lendemain. Cependant, j'ai espoir que nous ne prenions pas cette complexité comme une excuse pour retarder la prise de mesures immédiates servant à trouver une solution.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a commencé à se préoccuper des biens immobiliers matrimoniaux en 2000. Ça fait à peine trois ans et même si cette période écoulée n'est pas très longue, combien de femmes et d'enfants ont été touchés durant ce laps de temps par une rupture conjugale vécue dans une réserve. Combien de personnes parmi ces femmes et ces enfants ont dû avoir recours à des solutions de rechange en ce qui a trait à leurs conditions de logement? Combien parmi elles ont été forcées de quitter la réserve où elles habitaient? Nous ne semblons pas connaître leur nombre exact ou même approximatif. Il doit bien y avoir une façon de trouver ce nombre si les femmes touchées par ce fléau peuvent arriver à se faire connaître; ainsi, nous pourrions comprendre l'ampleur de la situation.

Avant 1985, les femmes n'avaient aucun choix concernant leur appartenance à une bande. Elles devaient faire une demande pour devenir membre de la bande de la réserve où leur mari habitait et s'il survenait une rupture conjugale, cette situation les privait de vivre dans un endroit considéré comme leur chez-soi. Cependant, de nos jours, les femmes ont le choix d'appartenir à une bande ou non. Par contre, ce choix ne leur garantit pas le droit de même qu'à leurs enfants d'habiter dans un endroit sécuritaire.

Il semblerait qu'une femme peut retourner dans sa réserve à la suite d'une rupture conjugale. Est-ce que c'est vrai. Est-ce qu'une femme et ses enfants peuvent simplement retourner dans leur réserve et est-ce que ce retour représente la solution à leur problème?

Je crois que l'un des droits fondamentaux dont nous bénéficions, ou dont nous devrions pouvoir bénéficier, est le droit de vivre dans un endroit, une communauté ou une structure que nous appelons le «chez-soi» Ce chez-soi est l'endroit où nous sommes en sécurité et où nous sommes protégés par notre famille et nos amis. Il s'agit de notre domaine privé, d'un endroit où nous oublions les soucis du monde extérieur et où nous nous retrouvons en famille. C'est également l'endroit où, en tant que couple, lorsque nous planifions de fonder une famille, nous assurerons la sécurité, la protection et l'amour aux membres de celle-ci. En tant que couple qui vise à établir une structure, et avec les contributions personnelles de l'un et de l'autre, nous faisons de cet endroit un univers intime. Nous ouvrons notre univers intime à la famille et aux amis, les accueillant avec chaleur lorsqu'ils nous rendent visite. Cependant, il ne faut pas se méprendre, cet endroit est bien notre univers intime.

Imaginez le stress qu'une femme peut subir quand elle sait que si ses rapports affectifs prennent fin, son univers s'écroulera. Imaginez le stress qui persiste lorsque cette femme a des enfants et qu'elle sait que non seulement elle mais aussi ses enfants devront bientôt quitter l'endroit qu'ils considèrent comme leur chez-soi. Dans certains cas, ils devront même quitter la communauté.

Il ne s'agit pas d'un choix facile quand il s'agit de prendre une décision concernant un mariage qui ne marche pas et que cette union doit prendre fin. Normalement, malgré un certain climat d'hostilité qui s'installe, la plupart des couples savent qu'ils doivent conclure une entente convenue entre les parties sur la disposition des biens, incluant la maison.

Il semblerait que ce ne soit pas le cas des femmes vivant dans les réserves car elles ne détiennent aucun intérêt dans la maison familiale. Aucun choix n'est donné en ce qui concerne la personne qui doit quitter le logement. C'est la femme qui doit partir, et dans la plupart des cas, c'est la femme et ses enfants. Quel choix! Se retrouver itinérante ou vivre un mariage malheureux, peut-être même recevoir des mauvais traitements. Est-ce que les femmes autochtones méritent cela? Non. Est-ce humain de leur faire subir une telle situation? Certainement pas.

Qu'en est-il des enfants touchés par la rupture d'un mariage? Est-ce que ces enfants ont peur, sont-ils stressés? Comme dans toute rupture conjugale, il y a toujours des décisions difficiles à prendre en ce qui concerne les enfants. Qu'est-ce qui arrive aux enfants qui doivent quitter la maison familiale et, dans certains cas, la seule communauté qu'ils connaissent? Est-ce que les enfants sont conscients des conséquences que subira leur vie à la suite de la rupture conjugale de leurs parents? Je crois que les enfants d'aujourd'hui sont beaucoup plus malins et beaucoup plus conscients des circonstances de la vie et des conséquences de certaines situations qui les touchent personnellement. Certains enfants sont extrêmement intelligents et sensibles à un très bas âge, mais il est clair que dès l'âge de 5 ans, la plupart des enfants sont conscients de ce qui se passe dans leur environnement et des conséquences possibles que cela entraîne dans leur vie.

Les enfants comprennent le bouleversement qui survient à l'intérieur de la maison. Ils connaissent les situations effrayantes comme les disputes et la violence physique. Les enfants sont assez observateurs pour remarquer que certains amis partent. Ils sont en mesure de comprendre qu'avant le départ de ces enfants, il y avait déjà de l'agitation, des bagarres et de l'abus qui survenaient dans la maison de leurs camarades. Ils se lèvent un bon matin pour aller jouer avec leurs amis et ceux-ci sont tout simplement partis.

Est-ce que les enfants comprennent le caractère complexe de la situation? Non, ils ne comprennent peut-être pas toutes les complexités de la vie; cependant, ils savent que si les bagarres, la violence physique, etc., existent, il se peut qu'un bon matin, quand l'enfant se présente chez un ami, celui-ci n'habite plus le domicile où hier encore il s'y trouvait.

Des femmes et des enfants devront quitter leur maison à contre-coeur. Je ne crois pas que cela devrait être le cas. Doit-il y avoir une solution à ce problème? Oui. Est-ce que les femmes et les enfants devraient attendre 20 ou 30 ans avant d'avoir la solution à ce problème? Non. Je crois qu'une résolution prise par les Premières nations devrait être une priorité.

Existe-t-il 0,5 p. 100, 1 p. 100, ou 50 p. 100 des femmes et des enfants vivant dans les réserves et qui entrent dans la catégorie de celles qui doivent déménager à la suite d'une rupture conjugale, et ce, en vertu de la Loi sur la répartition des biens matrimoniaux? Il faut se rappeler que les pourcentages ne sont que des chiffres et c'est vrai qu'ils peuvent nous donner une idée du nombre de personnes touchées par ce problème, mais le véritable problème ici n'est pas le pourcentage, mais bien les femmes et les enfants qui en font partie. Il faut résoudre ce problème le plus tôt possible.

En lisant les commentaires du ministre Nault qui datent du 18 juin 2003, je constate que ce ministre assume ses responsabilités envers les Premières nations de façon très sérieuse. Dans ses remarques sur la répartition des biens matrimoniaux et des conséquences sur les femmes vivant dans les réserves, le ministre Nault déclare:

«Cette situation inacceptable, je l'ai toujours eue à coeur, tout comme vous d'ailleurs».

Qui peut être en désaccord avec cette déclaration? Dans son allocution du 18 juin 2003, le ministre Nault fait des observations sur le nombre de projets de recherche entrepris par AINC. Un document s'intitule: «Document de travail: Les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves» et un autre a pour titre «Après la rupture du mariage: Information sur le foyer matrimonial dans la réserve» et d'autres projets de recherche sont en cours. Dans ses remarques, le ministre semble préoccupé par les périodes interminables de temps qui s'écoulent entre les projets de recherche et les mesures auxquelles donnent lieu ces projets.

Le ministre Nault reconnaît les implications économiques pour tous les intéressés en ce qui concerne les changements à la répartition des biens matrimoniaux dans la réserve. Toutefois, des changements doivent être apportés et je crois que le fait qu'il s'agisse d'une question complexe, comportant de sérieuses ramifications économiques, ne devrait pas servir de prétexte à un retard ou à de l'inaction dans le dossier.

Dans sa déclaration, le ministre Nault a dit:

L'État actuel du droit, sous le régime de la Loi sur les Indiens, ne tient pas compte des intérêts des deux ix pi des enfants dans le domicile conjugal.

Il semble y avoir un certain degré d'entente par les deux conjoints habitant dans la réserve concernant la répartition des biens personnels, comme les espèces, les voitures ou les pensions, mais non en ce qui concerne le domicile familial. Toutefois, pour moi, le domicile familial devrait être prioritaire en ce qui concerne la répartition des biens puisque la maison est l'endroit où les enfants doivent se sentir en sûreté, aimés et protégés.

Je sais combien les gens sont attachés à la terre familiale. La terre qui a été mise en valeur et transmise aux générations successives est vivante. Ce n'est pas seulement un bout de terrain ou un endroit où habiter. La terre familiale est précieuse. Il faut la protéger et la transmettre aux membres de la famille le plus longtemps possible. La possession de la terre familiale par quelqu'un d'autre qu'un membre immédiat de la famille est une atteinte à la terre. Céder une partie du terrain à quelqu'un d'autre qu'un membre de la famille constitue une trahison extrême. La nécessité de protéger et de conserver la terre familiale dans la famille peut être si forte, si ferme, qu'elle peut causer des scissions irréparables entre les membres de la famille; des scissions fortes au point que même la mort n'est pas garante du pardon.

J'ignore quel est le pourcentage d'enfants qui quittent la maison matrimoniale et se retrouvent sans domicile, mais je suis convaincue que l'intérêt supérieur de l'enfant devrait être prépondérant en cas de rupture du mariage. Où est le droit des enfants de vivre sur la terre familiale si, en raison de leur âge, ils doivent partir en compagnie de la mère? Dans sa déclaration, le ministre Nault a dit ceci:

La loi semble évidente pour certains, mais il est aussi évident que le gouvernement ne l'a pas appliqué [...] L'incertitude nuit aux hommes, aux femmes et aux enfants et il faut que cela cesse [...] Je rendrai visite, cet été, à ma 51e collectivité des Premières nations, où 60 p. 100 de la population a moins de 25 ans, et 40 p. 100, moins de 15 ans.

Il est certain que les jeunes ne toléreront pas que l'on continue de traiter injustement les femmes et les enfants. Faut- il attendre encore 10, 20 ou 30 ans avant que nos jeunes élèvent la voix et apportent les changements nécessaires?

Je suis une épouse, une mère et une grand-mère. J'ai vu des changements, certains majeurs d'autres mineurs dans la façon dont nous élevons nos enfants. À l'époque de ma grand-mère, ce qui comptait c'était de tenir maison pour le mari et les enfants. Pour ma grand-mère, tenir maison cela voulait dire planter un potager, nourrir les bêtes, cueillir des fruits et des légumes. Elle préparait trois repas par jour, faisait son pain tous les jours et raccommodait les vêtements de sa famille.

Mon grand-père, lui, pêchait été comme hiver, ce qui voulait dire tailler des trous dans la glace pour tendre ses filets, ce qu'il devait faire chaque jour. Il coupait du bois et le vendait aux compagnies forestières et il approvisionnait la famille en bois coupé que des hommes apportaient à la maison. Il plantait des légumes, coupait le gazon, séchait et mettait en meule l'herbe pour nourrir ses animaux. Il chassait diverses bêtes que consommait la famille. Aussi bien les hommes que les femmes devaient travailler et le travail se faisait.

S'il y avait insuffisamment de gens d'un sexe pour faire le travail, celui ou celle qui était là le faisait. Mes grands- parents ont eu quatre fils et ont adopté une fille. Mes parents ont eu 11 enfants, dont neuf vivent toujours. Mon père était l'unique soutien de la famille jusqu'à la naissance du plus jeune. Puis ma mère a décidé d'aller travailler, ce qu'elle a fait pendant une courte période. Quand elle a décidé de démissionner, elle l'a fait.

Dans ma famille, la division des tâches n'était pas aussi nette étant donné que quatre filles sont d'abord nées, suivies par sept garçons. Rentrer le bois, nourrir les bêtes, faire la vaisselle, ça ne relevait pas d'un sexe en particulier. Celui ou celle qui était là s'en chargeait. Mon père gagnait sa vie en travaillant à l'extérieur de la communauté; c'est donc ma mère qui s'est chargée du plus gros de l'éducation des enfants. C'est peut-être la raison pour laquelle on n'accorde pas beaucoup d'importance au fait que l'on soit homme ou femme et à se demander si un travail devrait être fait par un homme ou par une femme.

Mon mari et moi avons élevé nos deux enfants pas en fonction de leur sexe, mais dans le but de s'assurer les deux pourraient s'occuper d'eux-mêmes et de leur partenaire et de leurs enfants, au mieux de leurs capacités. Les deux ont été traités de la même façon. Ni l'un ni l'autre n'a obtenu plus en raison de son sexe.

Suis-je la seule à élever mes enfants de cette façon? Non. Pour avoir parlé avec d'autres mères et grands-mères, je sais que nos enfants ne sont pas élevés en fonction de leur sexe. Je sais quand même que l'égalité des femmes n'est pas encore acquise. Peu importe où vous habitez, que vous soyez Autochtone ou non, l'égalité pleine et entière n'est pas encore une réalité. Elle a commencé et elle progresse de plus en plus dans certains secteurs, mais il reste encore de grandes améliorations à apporter.

La question reliée à la propriété des biens matrimoniaux ne peut plus rester entre les mains des hommes. L'égalité doit s'appliquer en ce qui concerne la propriété de ces biens. Les femmes ne doivent plus être laissées de côté quand il s'agit de cette question importante. La propriété des biens ne doit pas être accordée à une personne en raison de son sexe.

Il faut résoudre le problème de la répartition des biens matrimoniaux entre les conjoints vivant dans une réserve, et ce, d'une manière satisfaisante pour les parties intéressées. Est-ce que cela sera facile? Peut-être que non, mais il faut y arriver. Au fil des années, les femmes et leurs enfants ont subi de grandes injustices. Ce fait est indéniable sinon nous n'aurions pas ces recours judiciaires autour de la répartition des biens matrimoniaux. Nous ne serions pas ici non plus aujourd'hui si des femmes fortes et déterminées n'étaient pas mécontentes de la situation.

J'irai jusqu'à dire que non seulement les femmes mais aussi les hommes réclament et même exigent du changement. Pourquoi n'y en a-t-il pas? Qui est responsable de cette inaction? J'ai deux questions. Sont-elles simples? Non. Est-ce réalisable? Tout à fait.

Premièrement, le gouvernement fédéral peut-il ou veut-il réaliser ce changement pour les femmes qui vivent dans les réserves des Premières nations?

Deuxièmement, les Premières nations peuvent-elles ou veulent-elles résoudre le problème de la répartition des biens matrimoniaux?

Je ne connais pas la réponse. Je sais par contre qu'il faut les trouver. Depuis 140 ans, les femmes ne sont pas muettes. Elles ne vont pas se taire après aujourd'hui.

Avant 1860, nous étions une société matriarcale et nous savons que l'histoire se répète. J'espère que quand l'histoire se répétera, les femmes et les enfants jouiront de la douceur, de l'attention, de l'amour et de la protection dont ils ont besoin.

Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir écoutée aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je suis un peu scandalisé lorsque j'entends, cinq fois sur six, que la Loi sur les Indiens est inadéquate. On ne parle que des amendements à la Loi sur les Indiens. Si cette loi a tant de défauts, pourquoi ne pas tout simplement reprendre cette loi? Il y a ici une question de traité. On sait fort bien qu'on ne légifère pas pour donner suite à des traités. La loi du pays ne change pas, il faut donc la modifier.

Si la Loi sur les Indiens ne respecte aucun des principes d'égalité entre hommes et femmes, il faut reprendre la loi d'un bout à l'autre. S'il y a un avocat parmi vous, j'aimerais bien avoir son opinion. À mon avis, on est rendu à l'étape suivante qui consiste à rédiger une nouvelle loi pour enrayer ce mal scandaleux.

Mme Audette: Mme Soroka est avocate, c'est une Canadienne en bonne et due forme qui donne de son temps à l'Association des femmes autochtones du Québec. Elle pourrait répondre à cette question, mais j'y répondrai au nom de l'Association.

Selon l'Association des femmes autochtones du Québec, la Loi sur les Indiens est désuète et paternaliste. L'Association croit que les différents peuples autochtones ont le droit de s'autogouverner et de décider ce qui est bon ou pas pour eux.

Par contre, il ne faut pas oublier que depuis plus de 300 ans, nos sociétés ont reçu un lavage de cerveau. On a tendance à mettre tout le monde dans le même panier, mais il existe des convergences et des divergences entre la nations innu et déné.

Lorsqu'on a rédigé la loi, on l'a fait mur à mur, espérant que les différentes nations cadreraient dans cette loi. Pour le moment, il y a la Loi sur les Indiens et cette loi devrait tranquillement disparaître car nous croyons qu'elle contient très peu d'acquis. Il faut modifier la loi de façon transitoire pour arriver à une éventuelle autonomie gouvernementale de nation à nation. En ce moment, si on accordait l'autonomie à nos nations, les femmes ne feraient pas partie de cette autonomie. Mes consoeurs et moi-même en sommes la preuve.

Le sénateur Beaudoin: Vous avez utilisé le mot «tranquillement». Je crois qu'au contraire, il faut modifier la loi tout de suite parce qu'une très grande partie de cette loi ne respecte pas les obligations qui ont été acceptées par traité. Au point de vue pratique, c'est ce qu'on appelle une loi inconstitutionnelle. Il faut prendre le taureau par les cornes, faire une nouvelle Loi sur les Indiens et se conformer aux obligations qui ont été acceptées par traité.

J'ignore combien d'articles cette loi comporte, mais si un article sur deux est inconstitutionnel et ne répond pas aux traités signés, il est temps de refaire la loi d'un bout à l'autre. J'entends souvent dire que cette loi est vétuste et inadéquate. Vous aurez donc plus de succès en prônant une nouvelle loi qu'en prônant un amendement.

Mme Audette: J'ai mentionné «tranquillement» dans le cas où il y a l'option de l'autonomie gouvernementale. Mais si s'est pour changer la Loi sur les Indiens, je suis d'accord à refaire la loi tout de suite car mon corps, mon cœur et mon âme n'en peuvent plus de cette loi inacceptable.

Si c'est pour enrayer tous les aspects discriminatoires de la loi dans le but de vivre en harmonie et de sentir qu'on fait partie d'une société dans laquelle on peut parler de démocratie, je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Beaudoin.

Le sénateur Beaudoin: Je résumerai cela en deux mots: trop c'est trop.

[Traduction]

Le sénateur LaPierre: Je me sens impuissant. J'en ai assez de m'en prendre à vous. J'en ai assez d'être le bouc émissaire de tout ce qui ne va pas, de tout ce qui cloche dans la société autochtone canadienne. Depuis 40 ans, je demande l'abrogation de cette loi, l'abolition de ce ministère et l'autonomie gouvernementale pour les Autochtones. Depuis toujours, je me bats pour que soit créé un troisième ordre de gouvernement et j'ai les cicatrices pour vous le prouver.

Aujourd'hui, il y a un ministre qui essaie de changer les choses et qui essaie de m'amener à ce que je ne m'en prenne plus à vous. Vos dirigeants — des hommes — l'ont combattu et injurié. Ils ont tout désavoué ce qu'il a fait, retardé tout changement à la Loi sur les Indiens pour une génération au moins, à cause de leur stupidité colossale. Ce n'est pas moi qui suis responsable si vous êtes maltraités.

[Français]

Vous dites que vous êtes maltraités dans vos réserves et que vos droits ne sont pas respectés. Nous avons la Charte des droits de l'homme, nous avons une Charte des droits humains. La semaine dernière on nous a dit que la Charte des droits de l'homme, si c'est nécessaire, mais pas nécessairement la Charte des droits humains parce qu'il faut qu'on tienne compte des traditions et des droits que vous nous avez enlevées.

Je ne veux rien vous enlever, je veux tout vous remettre, faites ce que vous avez à faire.

[Traduction]

Vous devez commencer par vous débarrasser de ces hommes qui vous gouvernent et qui n'ont pas fait grand-chose, comme on nous l'a dit la semaine dernière, pour changer les conditions même dans le contexte de la loi. Aidez-moi ici. Demanderez-vous à notre comité de proposer que cette loi soit révoquée, que les pouvoirs soient retournés ou donnés aux communautés autochtones selon trois principes fondamentaux? Je veux parler de la reddition de comptes, de la démocratie et de la Charte des droits de la personne. Si on faisait cela, le problème serait réglé une fois pour toute.

Je connais beaucoup d'Autochtones. J'ai vécu en Colombie-Britannique. Le sénateur Chalifoux le sait. En fait, je reviens tout juste de la Colombie-Britannique. Je suis allé dans l'est de Vancouver et j'ai vu de jeunes Autochtones, hommes et femmes, se prostituer pour une pièce de cinq sous. J'ai vu le grand artiste Morrisseau vendre ses tableaux pour une bouteille de gin. Je suis allé à la télévision pour tenter de stopper cela, mais je n'ai pas réussi. Je veux que prenne fin ce martyr, cette injustice massive, mais je ne peux pas y mettre fin tout seul. Vous devez me dire ce que je dois faire. Personne n'a tenté de faire quoi que ce soit.

Vous avez cité le ministre avec beaucoup de respect je vous admire pour cela. Vous êtes l'une des rares personnes qui l'ait fait. C'est un grand homme qui fait de vaillants efforts, mais vous devriez voir les cicatrices qu'il a sur le dos. Aidez-moi.

À nos témoins aujourd'hui de l'Île-du-Prince-Édouard, du Québec et de Terre-Neuve, je propose que vous disiez à la présidente de notre comité: «Éliminez cette loi et dites-nous ce que nous devons faire nous-mêmes.» Merci.

[Français]

Mme Audette: Je ne suis peut-être pas aussi passionnée que le sénateur LaPierre, mais je suis convaincue. Cela fait 40 ans, dites-vous, que cette loi devrait disparaître! Cependant, si jamais elle disparaissait et que nos nations recevaient pleine autonomie dès demain matin, énormément de femmes et d'enfants ne sont plus inscrits sur la liste de bande à cause des provisions discriminatoires. Il faut réparer cette injustice en réinscrivant ces femmes et ces petits-enfants. C'est très important.

N'oublions pas que depuis 1985, ces femmes peuvent se réinscrire au ministère des Affaires indiennes, toutefois, la communauté a maintenant le droit de refuser d'acquiescer à cette réinscription. Ce fut le cas dans une communauté de Montréal et dans une autre de l'Alberta. Neuf personnes sur dix ne sont pas encore réinscrites au sein de leur communauté. Comment ces personnes pourront-elles voter en faveur d'un changement de leadership? De plus, c'est dur de demander à une femme de se lancer en politique alors que la violence conjugale est présente dans une proportion de 80 p. 100 dans nos communautés et que le pourcentage des agressions sexuelles faites aux femmes et aux enfants s'élève à 50 p. 100. Il ne faut pas négliger la santé mentale, physique, émotionnelle et spirituelle de toutes les personnes.

Il faut une vision holistique pour changer le leadership. Ce n'est pas juste une question de division des biens matériels. Je ne rejette par tout cela sur vos épaules, mais si vous croyez au Canada et puisque vous êtes sénateurs, nous pouvons travailler ensemble.

[Traduction]

Mme Sark: Il est nécessaire d'apporter des changements. En même temps, nous devons faire preuve de prudence lorsque nous apportons des changements de façon à ne pas risquer l'échec. Nos collectivités doivent être prêtes à faire face à de tels changements. Je vis dans une réserve et notre chef est une femme. Notre conseil se compose de deux femmes et d'un homme. L'une des conseillères représente les membres qui vivent à l'extérieur de la réserve. Nous sommes assez progressistes à cet égard. Nous sommes également assez progressistes en ce sens que nous avons en place des politiques visant l'aliénation de la maison familiale lors de la rupture du mariage.

Cela dit, nos solutions ne sont pas parfaites. Nous rencontrons des problèmes, mais nous travaillons très fort pour les corriger. Nous pensons que nous devons continuer de travailler en ce sens. Nous avons beaucoup de choses à faire, mais il faut avoir la capacité de faire toutes ces choses. Il est facile de dire que lorsqu'il y a rupture du mariage, la maison familiale doit être partagée. Dans notre communauté, le conjoint qui a la garde des enfants reste dans la maison familiale. L'autre personne doit trouver un logement. Cependant, certaines collectivités n'ont pas de logements disponibles. Cela cause de nombreux problèmes difficiles à résoudre.

Parfois, la femme ne veut pas rester dans la collectivité. S'il y a eu violence familiale, elle a peut-être accès à la maison familiale, mais elle ne s'y sent pas à l'aise. Il y a eu des cas de rupture du mariage où les deux conjoints sont restés dans la collectivité et où cela créé toute une autre série de problèmes. Bon nombre de facteurs doivent être pris en compte.

La Loi sur les Indiens n'est pas parfaite. Il faut y apporter de nombreuses modifications, mais nous devons le faire prudemment. Si nous sommes trop pressés et si nous apportons ces changements trop rapidement, nous nous retrouverons peut-être avec encore plus de problèmes qu'aujourd'hui.

Mme George: Je pense qu'une bonne majorité de gens seraient d'accord avec l'honorable sénateur lorsqu'il dit que la Loi sur les Indiens doit être modifiée.

Je ne vis pas dans la réserve, mais je connais certainement la peur et l'intimidation. Peu importe où l'on vit. La vie dans la réserve est peut-être encore plus difficile si ce que j'ai entendu dire par certaines femmes est vrai, et je crois que c'est effectivement le cas. On peut être intimidé par le fait que l'on n'a pas de maison, d'argent, de nourriture ou d'amis. Malheureusement, toutes les femmes ne sont pas en mesure de prendre la parole et de se défendre car elles sont trop opprimées.

Je suis d'accord pour dire que la majeure partie de nos problèmes sont causés par les hommes. Pourquoi continuons- nous alors de leur donner le pouvoir? Nous devons sans doute encourager nos femmes à s'éduquer davantage. Nous sommes plus nombreuses que les hommes, et pourtant on nous dit constamment ce que nous devons faire et comment le faire.

L'Île-du-Prince-Édouard est un merveilleux exemple d'un endroit où les femmes sont de plus en plus actives. Certaines réserves sont responsables, et je suis fermement convaincue que c'est grâce à l'influence des femmes qui vivent dans ces réserves. Cependant, dans d'autres réserves, c'est un véritable cauchemar. Je ne connais pas la solution. Il faut faire quelque chose.

Il doit y avoir un juste milieu entre faire les choses à la hâte et reporter les choses à plus tard. On ne peut pas tout reporter encore pendant dix ans, et on ne peut pas non plus tout faire demain. Il doit y avoir un juste milieu, et je suis sûre que nous sommes en mesure de le trouver.

Mme Sark: Au fait, je voudrais mentionner que nos politiques actuelles en matière de logement ont été mises en place alors que nous avions un homme comme chef. Certains hommes sont sensibles aux besoins des femmes. Nous ne pouvons pas dire qu'ils sont tous pareils.

Le sénateur LaPierre: Oui.

La présidente: Exactement.

[Français]

Le sénateur Joyal: Je vous remercie, madame Audette, d'avoir soulevé la question des droits de l'enfant de façon aussi éloquente et évidente. Lorsque je vous écoutais parler, ainsi que Mme Sark, j'avais devant moi la disposition constitutionnelle de l'article 35, qui prévoit que les femmes et les hommes autochtones sont en droit de bénéficier des droits issus des traités ou des droits ancestraux. J'essayais de voir comment les enfants autochtones pouvaient avoir des droits garantis en vertu de cette disposition, car en pratique, si on comprend le concept contemporain d'enfant, celui-ci est aussi un sujet de droit, comme la femme autochtone est un sujet de droit sur une base égale à celle de l'homme. Si les enfants sont de sexes différents, il doivent aussi avoir leurs droits garantis par la même disposition de l'article 35.

Il n'en demeure pas moins que sur le plan de la solution sur laquelle nous devons travailler en commun, il faut arriver à concevoir le statut de l'enfant autochtone dans le contexte du règlement des différends matrimoniaux. Nous n'avons pas, jusqu'à présent, été éclairés sur le statut des droits de l'enfant autochtone.

[Traduction]

Mme George a par ailleurs mentionné dans son témoignage qu'auparavant de nombreux peuples autochtones vivaient dans une société matriarcale. On doit en déduire que les enfants étaient alors la responsabilité des femmes. Cependant, dans le contexte de la reconnaissance de la Convention internationale sur les droits de l'enfant, l'enfant a ses propres droits comme tels.

Il serait utile et important pour notre étude d'entendre votre point de vue sur le statut de l'enfant. Lorsque nous ferons nos recommandations, nous voudrons certainement qu'une attention toute spéciale soit accordée au statut de l'enfant dans le contexte de l'entente matrimoniale.

[Français]

À partir de votre expérience dans les communautés, pouvez-vous nous éclairer sur la liste des conventions internationales auxquelles vous faites appel pour protéger le statut des femmes autochtones, et plus spécifiquement eu égard aux enfants?

Mme Audette: Le cœur, l'expérience, et l'expertise va se poursuivre. J'ai souvent vu des femmes ayant épousé des non autochtones dans différentes communautés au Québec, qui ont reçu une lettre disant qu'elles n'avaient plu le droit d'habiter dans cette communauté puisque qu'il s'agissait d'un mariage mixte. Nous avons à cet égard une grande préoccupation, car nous avons réalisé qu'était aussi enlevé le droit aux enfants de ces femmes de décider s'ils allaient s'investir dans la communauté autochtone. Ce droit leur était enlevé seulement parce qu'ils avaient un père ou une mère non autochtone.

Depuis, nous avons donc décidé d'inclure aussi les jeunes et c'est important. Nous pensons que la même situation existe un peu partout au Canada ou dans les communautés où la Loi sur les Indiens est appliquée à la dure.

Je laisserai maintenant Mme Soroka continuer plus avant au niveau local ou juridique. Il est clair, néanmoins, que l'enfant fait partie de la cellule familiale, et que lui aussi devrait avoir le droit de vivre et de bénéficier des programmes et services, ainsi que de la culture et des traditions de la communauté.

[Traduction]

Mme Diane Soroka, avocate, Hutchins, Soroka, Dionne: Je ne sais pas si j'ai grand-chose à ajouter. Lorsque le projet de loi C-31 a été présenté, ce sont les femmes autochtones du Québec qui ont dû insister sur le droit des enfants mineurs de pouvoir vivre avec leurs parents. En fait, elles ne voulaient pas que ce droit se limite aux enfants mineurs, et elles voulaient que les femmes qui avaient retrouvé leur statut aient le droit que leurs enfants vivent avec elles, que ces enfants soient considérés comme étant membres de la bande ou non. Nous avons dû nous battre pour cela. Nous en sommes arrivées à un compromis selon lequel les enfants mineurs auraient la permission de vivre avec un membre de la famille qui était un membre de cette bande mais, en raison de la loi qui avait été proposée, en fait les enfants n'avaient absolument pas le droit de vivre avec leur mère s'ils n'avaient pas d'abord été acceptés comme membres de la bande. En fait, ce sont les femmes autochtones du Québec qui se sont battues pour obtenir cet amendement, et elles l'ont obtenu.

L'impact de tout cela — la division de la famille, la destruction des mariages et le fait qu'on dit aux femmes qu'elles ne peuvent retourner dans leur réserve que si leur mari décède ou si elles obtiennent le divorce, a été terrible. Comme le disait un conseiller: «Soit que la femme divorce, soit qu'elle tue son mari, ensuite elle peut revenir.» Toute cette question de savoir si les enfants auront la permission de vivre avec leurs parents et la question des droits de résidence est absolument épouvantable. Les conséquences de ces actes peuvent être terribles. Je pourrais vous en faire toute une liste. Elles vont certainement à l'encontre des obligations internationales. Elles violent les conventions internationales qui disent que la famille est la pierre angulaire, l'unité de base de la société. Elles vont par ailleurs à l'encontre de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui garantit à l'enfant le droit à son identité, car cela l'empêche de pouvoir avoir l'identité qu'il souhaite peut-être avoir.

Ce sont là d'excellentes questions, sénateur Joyal, au sujet de l'impact sur les enfants. Les conséquences ont vraiment été terribles. Même dans les cas où les femmes retournent avec leurs enfants mineurs, ces enfants sont souvent harcelés et exclus. Il existe une communauté où ces enfants qui ne sont pas acceptés n'ont pas la permission de nager dans la piscine locale. Des choses comme faire la distinction entre les Indiens inscrits et non inscrits — à qui on est marié et à qui on n'est pas marié; qui est votre enfant, qui est le père de cet enfant, et si vous êtes prête à dire qui est le père de cet enfant — selon le paragraphe de la loi qui s'applique à vous, ont eu des conséquences terriblement destructives.

Le sénateur Joyal: Madame la présidente, votre attaché de recherche pourrait examiner la Convention sur les droits des enfants, compte tenu de ce témoignage. Cela devrait faire partie de notre examen et de notre futur rapport.

Des voix: Oui.

Le sénateur Joyal: Nous entendons des représentants des Indiens inscrits et des Premières nations, des témoignages d'adultes, et il semble que la question soit de savoir qui obtiendra quoi — les biens, le terrain, la maison, la voiture, etc. Néanmoins, la situation touche des enfants et ces enfants ont des droits. Les approches antérieures n'ont pas suffisamment tenu compte du fait qu'il faut respecter autant les droits des enfants que l'égalité entre les hommes et les femmes. De par la loi, les droits des enfants doivent être respectés, et nous devons donc reconnaître et protéger cette approche en matière de droits de la personne.

Ma prochaine question porte sur l'observation faite par le sénateur Beaudoin et le sénateur LaPierre quant à la responsabilité générale du gouvernement du Canada à l'égard des peuples autochtones — les Premières nations, les Inuits et les Métis.

J'ai toujours estimé, et j'en suis toujours convaincu, qu'il existe une erreur fondamentale quant aux fonctions qu'assume le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les Indiens, qui établit la politique des réserves. Il négocie les revendications territoriales avec les représentants des Indiens au Canada. Depuis vendredi dernier, on sait qu'il participera également à des négociations importantes avec le peuple des Métis pour appliquer la définition du terme «Indiens» au Canada. Lorsque le gouvernement agit de cette façon, conformément aux responsabilités que lui confère l'article 91 de la Constitution, il se trouve en conflit d'intérêts quant à sa fonction de porte-parole de l'ensemble du Canada — c'est-à-dire de la majorité non autochtone.

Son autre responsabilité constitutionnelle se trouve dans la Proclamation royale et consiste, pour reprendre les termes du XVIIIe siècle, à défendre l'honneur de la Couronne. Cela signifie que la Couronne — du fait de la souveraineté du Canada — connaît depuis des temps immémoriaux qu'elle doit, dans tous ses actes, protéger les Indiens puisqu'ils n'ont jamais été conquis. On a reconnu leur existence et leur coexistence avec nos ancêtres européens. Aujourd'hui, le gouvernement canadien a usé de son pouvoir pour promouvoir les intérêts du Canada dans son ensemble, mais il n'a pas défendu le statut, le mode de vie et l'autonomie gouvernementale des Indiens.

Nous essayons toujours d'une part de résoudre les problèmes suscités par la Loi sur les Indiens et, d'autre part, de défendre la responsabilité fiduciaire de l'État.

La décision qui a été prise vendredi dernier au sujet des Métis constitue un renversement historique incroyable. Le ministère de la Justice du Canada s'opposait au peuple métis. Qui a défendu le peuple métis? Il s'est défendu lui-même. Il n'y avait personne pour protéger l'honneur de la Couronne, c'est-à-dire pour défendre les Indiens. Je dois avouer que j'ai été atterré à la lecture des plaidoyers présentés par le procureur général du Canada qui, en fait, était le porte-parole de la population canadienne non autochtone. Et il n'y avait personne du côté du gouvernement — ni ombudsman, ni fonctionnaire de l'État, ni conseiller privé — pour défendre l'honneur de la Couronne, conformément au principe selon lequel nous avons le devoir de respecter et de défendre les droits des peuples autochtones qui nous ont accueillis.

Quand nous vous écoutons et que nous essayons de trouver une solution, quand nous réagissons comme mes collègues l'ont fait ici ce matin, nous nous retrouvons coincés dans le même genre de dynamique. Comme Mme Sark l'a dit dans son mémoire, nous souhaitons que la solution soit appliquée et surveillée par les Premières nations elles- mêmes. Cela fait partie de leurs fonctions dans le contexte d'une bonne autonomie gouvernementale. Mais parallèlement, comme l'ont dit Mme Audette et Mme George, nous voulons corriger les cas immédiats de violation des droits de la personne — les viols, la violence, l'expulsion des réserves, etc. — qui sont totalement inacceptables du point de vue des normes en matière de droits de la personne. Nous devons composer avec tout cela.

Si nous voulons réaliser des progrès, nous devons fonder notre approche des peuples autochtones sur des principes. Grâce à la décision qu'a rendue la Cour suprême vendredi dernier, nous pourrons prendre des mesures pour rendre au peuple métis ses droits et sa dignité. Nous avions essayé de prendre des mesures dans ce sens il y a 20 ans, mais il a fallu 20 ans avant que soient reconnus leurs droits fondamentaux de chasse et de pêche. Les Métis ne réclamaient pas la moitié de Winnipeg, il s'agissait simplement de leur donner le moyen de survivre.

Nous essayons de corriger un problème fondamental de notre histoire. Chaque fois que nous sommes confrontés à des problèmes humains, nous nous demandons tous, comme les sénateurs Beaudoin et LaPierre, comment il se fait que le Canada s'est acquis une telle réputation pour ce qui est de protéger la dignité de ses Autochtones et de ses citoyens. Les problèmes de droits de la personne touchent tous les être humains, Autochtones ou non-Autochtones. Un problème de droits de la personne au Canada touche tous les citoyens.

La question la plus difficile, pour moi, c'est de voir comment on pourra réconcilier tout cela avec la gouvernance générale du Canada. L'aide des peuples autochtones à cet égard est d'une importance primordiale, car comme l'ont dit le sénateur Lapierre et Mme George, les ministres de l'État n'agissent pas de façon mal intentionnée, mais plutôt dans l'optique du gouvernement canadien dans son ensemble. Ils ont toujours été confrontés à la difficulté de respecter le statut des peuples autochtones tout en essayant parallèlement de résoudre au quotidien les problèmes de gouvernance au Canada. La question la plus difficile à laquelle nous devons répondre, c'est de voir comment on peut équilibrer ces deux choses au quotidien et voir à ce qu'il y ait des progrès. Cela s'applique également aux questions de droits matrimoniaux des femmes autochtones et, plus spécialement bien sûr, de droits des femmes.

La présidente: Merci, sénateur. Le temps passe, et deux sénateurs souhaitent encore poser des questions. Si vous le permettez, nous allons retarder un peu le déjeuner et demander au sénateur Ferretti Barth de poser ses questions.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Je suis profondément attristée de cette situation. Comment est-ce possible que vous en soyez encore à régler tous ces problèmes sociaux, ces problèmes humains aujourd'hui?

Je suis d'accord avec les sénateurs Beaudoin et LaPierre lorsqu'ils disent qu'il faut changer la Loi sur les Indiens. Vous avez dit qu'il faut y aller tranquillement pour régler certaines situations. Non, madame! Vous allez attendre encore des années. Le changement doit être radical et tout de suite. Vous connaissez les problèmes que les femmes autochtones vivent et la nouvelle loi vous permettra de les régler. Votre situation me tient à cœur et j'aimerais que ce comité puisse provoquer des changements et vous donner toute l'aide possible.

Le gouvernement a été un témoin silencieux de tout ce qui arrive dans les réserves. Comme si vous étiez invisibles. C'étaient des problèmes cachés dont personne ne voulait parler jusqu'à aujourd'hui.

Mme Audette: Lorsque j'ai dit qu'il fallait apporter des changements doucement, graduellement, c'est sur le plan de l'autonomie gouvernementale. Pour ce qui est des changements dans la Loi sur les Indiens, c'est il y a 100 ans qu'il aurait fallu les faire. Je veux être bien comprise avant d'aller dormir avec ma famille et leur dire: «Enfin, j'ai rencontré des gens qui vont changer notre sorts.» Je veux que cela soit clair, c'est au niveau de la Loi sur les Indiens qu'il faut que cela change. Ne nous donnez pas une loi qui dira «voici l'autonomie gouvernementale» quand nos nations souffrent. Bien que peu nombreuses, certaines personnes sauvent des vies dans nos communautés. J'y crois, je veux le voir, mais on n'est pas encore rendu là. La Loi sur les Indiens doit être changée.

J'ai souvent entendu dire que le ministre des Affaires indiennes était arrogant. Lorsque je l'ai vu vouloir changer la Loi sur les Indiens avec le C-7, Loi sur la gouvernance, je me suis dit que c'était le ministre qu'il nous fallait. Un ministre qui n'a pas peur. Les femmes autochtones du Québec n'ont pas participé au processus du projet de loi C-7 à cause de la façon dont on a imposé des choses à l'organisme. On veut de la transparence — savoir ce qui se passe dans nos communautés —, de la démocratie, de la protection, le droit de s'exprimer— ce qui n'est pas nécessairement le cas partout.

J'ai dit au ministre que s'il travaillait sur le membership, sur la division des biens matrimoniaux, sur la reconnaissance, sur les droits des enfants, sur ce que les femmes autochtones revendiquent depuis des décennies, j'allais me tenir à ses côtés la tête haute même si certains chefs ne veulent pas. Pourquoi? Parce qu'en 1867 le gouvernement a mis en œuvre la Loi sur les Indiens; c'est encore le gouvernement du Canada qui gère cette loi; il a une responsabilité foncière et fiduciaire envers les Premières nations; c'est à lui de réparer la loi. Nous avons des solutions, vous avez le pouvoir de la changer.

Le sénateur Chaput: J'aimerais vous dire à quel point vos présentations m'ont impressionnée, en dépit du fait que vous avez vécu depuis toujours cette discrimination. Vous êtes bien informées. Vous nous avez donné des présentations avec des faits, des exemples concrets. Vous avez ma profonde admiration et mon appui.

La présidente: Merci à tous les témoins. Toutes vos interventions étaient fort impressionnantes. Vous pouvez être certaines que nous réagirons en conséquence.

[Traduction]

Nous accueillons cet après-midi Mme JoAnne Ahenakew, Mme Teressa Nahanee, Mme Elizabeth Fleming et Mme Dorris Peters.

Bienvenue à notre réunion. J'espère que vous avez pu écouter les témoignages de ce matin. Je vais demander à l'une d'entre vous de commencer.

Mme Teressa Nahanee, British Columbia Native Women's Society: J'ai écouté la lecture de votre ordre de renvoi et j'ai présenté un mémoire sur le sujet que vous étudiez. Dans mon mémoire, j'analyse la décision rendue en 1986 par la Cour suprême du Canada dans les affaires Paul et Derrickson. Je parlerai brièvement de la poursuite intentée par la B.C. Native Women's Society devant la Cour fédérale en 1997. Je crois savoir que vous avez invité notre avocate, Barbara Findlay, à venir faire le point sur cette affaire.

J'aborderai brièvement une étude qui a été réalisée par Mavis Erickson, représentante spéciale du ministère des Affaires indiennes. J'avais également prévu faire des observations sur l'étude réalisée par Wendy Cornet. Cette étude a également été commandée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et ses résultats ont été largement diffusés.

Je sais que votre comité examine la relation entre les lois des provinces et celles du gouvernement fédéral, et j'ai aussi des observations à faire à ce sujet. Je vais aussi parler de l'attribution des terres selon la coutume et de la façon dont cette attribution est liée aux biens matrimoniaux. Vous examinez en outre les questions du mariage, du divorce et de la répartition des biens. Vous examinez aussi, je crois, l'union de fait et la façon dont ce genre d'union peut être touché par les modifications apportées aux lois.

Enfin, je ferai une recommandation qui vise à combler une lacune du droit fédéral en matière de biens matrimoniaux. En outre, je vais parler de l'équilibre entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif.

Je ne vais pas lire tout mon mémoire, mais j'aimerais faire quelques observations et discuter de certaines des recommandations qui ont été présentées par la B.C. Native Women's Society.

Je suis membre de la B.C. Native Women's Society. Son conseil s'est réuni, et on m'a demandé de venir présenter les vues de notre organisation à vos audiences. Nous représentons les femmes d'ascendance autochtone de la Colombie- Britannique. Il y a beaucoup de femmes autochtones en Colombie-Britannique, dont certaines ne viennent pas de notre province. Nous ne représentons pas les femmes autochtones qui viennent d'autres provinces que la Colombie- Britannique. Nous représentons les femmes des Premières nations de la Colombie-Britannique, parce qu'il y a environ 11 organismes de femmes autochtones dans notre province.

Ce qu'il faut d'abord comprendre, tant de notre côté que du vôtre, c'est que toutes les terres où se trouvent des Indiens sont régies par la Loi sur les Indiens. Les questions d'intérêt de la communauté et d'attribution des terres selon la coutume n'ont pas d'existence légale. Tout ce qui existe, c'est le régime que le gouvernement du Canada a créé dans les années 1850. Les seules lois qui régissent les réserves indiennes du Canada et le statut de la population indienne sont les Lois sur les Indiens qui ont été adoptées depuis cette période.

Les terres sont possédées conformément au certificat de possession délivré aux termes de l'article 20. La plupart des bandes n'ont pas délivré de certificats de ce genre depuis plus de 20 ans. Il s'agit donc d'un régime foncier qui existe depuis 100 ans et qui a cessé de fonctionner il y a 20 ans. Les seules personnes qui reçoivent aujourd'hui des certificats de possession en Colombie-Britannique sont soit des chefs ou des membres du conseil, soit des personnes qui leur sont apparentées. Dans les réserves, l'Indien moyen qui n'a pas de relations politiques ne peut pas avoir de certificat de possession.

Lorsqu'une femme a un certificat de possession, c'est parce que son mari, son père, son frère ou son oncle est décédé et qu'elle était la seule à pouvoir en hériter.

Il faut également reconnaître que la Loi sur les Indiens est elle-même une mesure législative patriarcale. Seuls les hommes avaient le droit de vote. Seuls les hommes pouvaient obtenir un certificat de possession. Avant 1985, les femmes qui se mariaient à un homme d'une autre bande étaient transférées dans cette autre bande et une femme non indienne qui se mariait à un Indien devenait automatiquement une Indienne.

Le régime actuel de détention des terres est issu de ce régime. Notre avocate vous dira que d'après une étude des dossiers du ministère des Affaires indiennes qu'elle a réalisée pour la Bande indienne Squamish, 80 p. 100 des certificats de possession sont détenus par des hommes. Les seules femmes qui en ont sont, comme je l'ai mentionné, celles dont le mari, le frère, le père ou le grand-père sont décédés. Dans la répartition des biens immobiliers matrimoniaux, voilà le genre de terres qu'il faut répartir. Il s'agit d'un intérêt qu'un homme possède dans une terre et à qui cette terre sera attribuée par la suite.

Dans les réserves, on ne s'attend généralement pas à ce qu'une femme d'une autre réserve puisse hériter de la terre. S'il s'agit d'une femme non autochtone, les gens ne voudront pas qu'elle possède la terre, même si elle devenue indienne avant 1985. Même une femme qui a vécu en union de fait avec son mari depuis 25 ans se verra refuser la terre. Cela fait partie des problèmes que nous avons dans la répartition des biens matrimoniaux.

Depuis 1986, la Cour suprême du Canada a décidé, dans les affaires Paul c. Paul et Derrickson c. Derrickson, que les lois provinciales en matière de relations familiales ne s'appliquent pas aux terres des Indiens, puisque ces terres sont régies par la Loi sur les Indiens, qui est de compétence fédérale. Et lorsqu'il y a conflit entre les dispositions d'une loi provinciale en matière de relations familiales et celles de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Indiens a préséance.

Les ministres des Affaires indiennes savent depuis 1986 que dans les réserves indiennes, les conjointes n'ont aucun droit lorsque les biens matrimoniaux sont partagés. En 2003, le ministre n'a pris aucune mesure pour harmoniser la Loi sur les Indiens avec la Charte des droits et libertés, des mesures qui auraient permis aux épouses vivant dans des réserves indiennes d'avoir des droits égaux à celles qui vivent hors des réserves — c'est-à-dire des autres Canadiennes — en matière de biens matrimoniaux. Il existe une loi pour les Canadiens, mais aucune pour les femmes mariées à des Indiens dans les réserves. Le gouvernement du Canada est au fait de cette situation depuis 1986.

La B.C. Native Women's Society a entrepris des démarches judiciaires en 1987. Ces démarches portaient sur la discrimination que provoque la Loi sur les Indiens dans le domaine des droits liés aux biens matrimoniaux. Cette discrimination est le résultat d'une omission. Le gouvernement a tout simplement omis d'adopter des lois sur les droits liés aux biens matrimoniaux. Comme je l'ai dit, notre avocate, Barbara Findley, viendra vous parler de cette affaire.

Le ministre a retenu les services de Mavis Erickson, une avocate de Prince George, en Colombie-Britannique, pour examiner cette question. Elle a reçu pour cela un budget de 96 000 $, ce qui n'est pas suffisant pour faire une analyse complète. Elle a pu se rendre en avion à différents endroits du Canada. Elle a rencontré quelques personnes et elle a rédigé le rapport qu'elle pouvait à partir de ce budget. Vous voudrez peut-être examiner les cas dont elle parle. Certaines de ses recommandations méritent également qu'on y jette un coup d'oeil, même si son analyse était extrêmement limitée.

Mavis Erickson a produit une recommandation sur la possession provisoire des biens matrimoniaux, mais elle a recommandé que les bandes reçoivent le pouvoir de prendre des règlements administratifs en matière de possession provisoire. À notre avis, ce serait une grave erreur. Les conseils de bande sont des gouvernements dont les pouvoirs sont délégués par le ministère des Affaires indiennes. Ils ne sont pas, et de loin, les gouvernements autonomes qu'ils souhaiteraient être. Le ministre leur délègue leurs pouvoirs et, ce faisant, il délègue également aux conseils de bande cette forme de discrimination. La recommandation de Mavis Erickson de permettre aux chefs et aux conseils de bande de prendre des règlements administratifs en matière de biens matrimoniaux ne serait pas une solution de rechange acceptable.

Il y a une question que je n'ai pas mentionnée dans cette partie de mon mémoire mais dont je parle plus loin, et c'est qu'aujourd'hui, les chefs usent de leur pouvoir de faire adopter des résolutions par le conseil de bande pour expulser des femmes des réserves. Si un chef veut se séparer de sa femme, s'il ne veut plus être marié avec elle et s'il veut en marier une autre, il peut faire adopter une résolution par le conseil de bande pour que sa femme soit expulsée de la réserve et spoliée de tous ses biens. C'est ce qu'ils font actuellement. Par conséquent, si on donne aux chefs et aux conseils le pouvoir de régler les questions de biens matrimoniaux, non seulement délèguera-t-on la discrimination, mais en plus, on leur donnera un pouvoir sans limite d'adopter toutes les lois qui leur plaisent. Comme je l'ai dit, ils le font déjà actuellement. Je ne doute pas que le ministre ait les ressources nécessaires pour examiner ce phénomène qu'on constate aujourd'hui dans les réserves.

Mme Erickson a également recommandé la création d'un bureau de défense des droits pour traiter des questions de biens matrimoniaux dans les réserves. Nous recommandons qu'au lieu de créer un tel bureau, les tribunaux provinciaux puissent aider les conjointes dans les réserves à régler les questions de possession provisoire et de droits liés aux biens matrimoniaux.

C'est une question importante, car je lutte depuis plus de cinq ans devant les tribunaux fédéraux contre la discrimination au Canada. Les 2 000 avocats du ministère de la Justice disposent de ressources énormes pour faire en sorte que votre affaire ne soit pas entendue. Les épouses ordinaires vivant dans les réserves peuvent, aux termes des lois sur les relations familiales, demander aux tribunaux de rendre une ordonnance leur conférant la possession provisoire de leur maison. Il peut s'agir d'un recours d'urgence ou d'un recours qui peut prendre des mois. Si vous présentez une telle demande à un tribunal fédéral, l'ordonnance sera peut-être rendue 18 ou 24 mois plus tard. La procédure est trop lourde dans les tribunaux fédéraux et cela ne donnera rien de présenter une demande semblable dans un bureau de défense des droits au niveau de la bande. Ce serait un peu comme créer un bureau de défense des droits à Ottawa à l'intention des femmes qui sont mariées ici dans cette ville pour qu'elles puissent consulter un avocat au sujet de leurs droits.

Je ne sais pas si vous pouvez imaginer ce genre de régime. Nous avons 663 bandes indiennes au Canada. Il y a bien des bandes au Canada qui ont leur propre gouvernement et leurs propres chefs et conseils. On ne peut pas confier les droits de propriété matrimoniale des habitants d'une ville à une autre, disons la ville de Vanier, la ville d'Ottawa, la ville de Vancouver ou la ville de Merritt. Pourquoi alors donner ce pouvoir à un conseil de bande?

Certaines réserves peuvent compter une centaine d'habitants, dont 60 de la même famille. Il s'agit de très petits groupes de personnes. C'est pourquoi si on délègue ce pouvoir à un agent quelconque qui se trouve dans une réserve de 150 habitants avec lesquels il n'a pas de liens familiaux, ou si c'est un non-Indien et qu'il essaie de parler à la bande de droits de propriété matrimoniale, il n'aura pas de fortes chances d'être entendu.

Au sujet de la possession provisoire, notre recommandation est que l'on permette aux gens au niveau local de recourir aux tribunaux provinciaux.

En ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux dans les réserves, nous demandons que la législation provinciale en matière de relations familiales soit intégrée par renvoi à l'article 88 de la Loi sur les Indiens, ou que le comité recommande que l'on apporte des modifications à la Loi sur les Indiens relativement aux droits de propriété matrimoniale ou aux relations familiales qui comprendraient la possession provisoire, et que l'on puisse avoir recours aux tribunaux provinciaux pour obtenir une ordonnance, mais que les conseils de bande soient aussi obligés à se conformer aux ordonnances des tribunaux.

Les conseils de bande ont jusqu'ici très bien réussi à ne pas se conformer aux ordonnances des tribunaux pour ce qui est de la pension alimentaire, par exemple. Ainsi, si une mère non autochtone de trois enfants se sépare de son mari indien qui vit dans une réserve obtient une ordonnance alimentaire et qu'elle s'adresse au conseil de bande pour lequel son mari travaille, le conseil de bande congédie parfois ce dernier puis le réembauche à contrat pour ne pas l'obliger à payer l'ordonnance alimentaire. L'application de l'ordonnance n'est plus du ressort du conseil, puisqu'il s'agit d'un contrat privé. Il faudra imposer certaines restrictions à l'application des ordonnances des tribunaux.

J'ai dit à ma bonne amie Wendy qui a réalisé une étude pour le ministère des Affaires indiennes que j'avais des critiques à l'endroit de cette étude. J'en parle dans mon mémoire. Il y a beaucoup de faux-fuyants dans cette étude. Ce qui nous inquiète, c'est que cette étude a été circulée à grande échelle dans les collectivités indiennes. Cette étude exige que les épouses vivant dans les réserves soient traitées différemment du reste de la population canadienne. Or, nous sommes là pour vous dire que lorsque vous ferez vos recommandations, vous devrez faire très attention de ne pas perpétuer la discrimination qui existe depuis plus d'un siècle.

Un des faux-fuyants est qu'il y a pénurie de logements dans les réserves indiennes. Cela n'a rien à voir avec les droits de propriété matrimoniale. En effet, il y a bien des sans-abri partout au Canada, et cela n'a pas d'incidence sur les droits de propriété matrimoniale des gens qui sont mariés. L'itinérance est un grave problème chez nous. Or, on peut s'attaquer au problème de l'itinérance, mais on ne peut pas le faire en dehors du contexte de la législation relative aux biens matrimoniaux. Il n'est question que des conjoints mariés qui ont des biens. Nous ne parlons pas des gens mariés qui n'ont pas de biens.

Quelque 75 p. 100 de notre population dépend de l'aide sociale. Ceux qui vivent dans des logements sociaux ne sont pas propriétaires. Ce n'est pas de ces gens-là qu'il s'agit. Il s'agit plutôt des propriétaires fonciers.

À la page 10 de notre mémoire, nous vous recommandons d'examiner les récentes modifications à la réglementation foncière indienne. Le mot «conjoint» a été supprimé de la réglementation, puis remplacé par le mot «survivant». Pour ce qui est de la propriété indienne, si vous êtes en relation conjugale depuis une année, vous êtes alors considéré comme un survivant ayant droit à la propriété du conjoint.

Pour ce qui est des conjoints de fait qui sont en relation depuis un certain temps, la période donnant droit aux biens matrimoniaux a été établie à une année par la réglementation concernant les biens matrimoniaux indiens. Par conséquent, notre question est la suivante: pourquoi une survivante aurait-elle plus de droits qu'une épouse qui a divorcé? Pour les couples mariés, la question a déjà été clairement définie. Pour les conjoints de fait, nous vous demandons de revoir la réglementation sur les biens matrimoniaux des Indiens.

En ce qui concerne le point 6, la relation entre la législation provinciale et la Loi sur les Indiens, nous recommandons que les couples vivant dans les réserves qui divorcent ou qui se séparent et qui sont propriétaires d'un foyer conjugal aient recours aux tribunaux provinciaux. Nous ne voulons pas avoir à nous adresser à des tribunaux fédéraux pour quelque chose comme la possession provisoire ou une ordonnance de possession.

S'agissant du point 7, l'attribution des terres selon la coutume n'existe pas dans la loi. S'il y a attribution de terres selon la coutume, la loi n'en reconnaît pas l'existence. Si la loi en reconnaît l'existence, c'est qu'il ne s'agit pas d'attribution selon la coutume. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. C'est soit le régime juridique occidental, soit la coutume.

La Loi sur les Indiens est une loi occidentale. C'est la vôtre, celle du Canada. Cela ne veut pas dire pour autant que chez les Autochtones, il n'existe pas en théorie d'attribution des terres selon la coutume. Je vais vous dire ce qu'il en est de ces terres. Si un chef ou un conseil veut attribuer des terres selon le régime coutumier, le conseil de bande n'a qu'à adopter une résolution l'autorisant à le faire. De même, si le chef veut vous confisquer une terre attribuée selon la coutume, il n'a qu'à la décrire puis faire adopter une résolution par le conseil de bande, ensuite l'enregistrer auprès du ministre, lequel reconnaît le titre de propriété. Il y a des Autochtones qui contestent la décision de leurs propres chefs et conseil de leur retirer des terres attribuées selon la coutume. Étant donné que le chef et le conseil constituent un gouvernement délégué, ils savent que l'attribution de terres selon la coutume ne signifie rien pour les tribunaux. Si ces terres ne valent rien pour les tribunaux, elles ne valent rien nulle part ailleurs.

Il est faux de dire que l'attribution des terres selon la coutume empiétera sur les droits de propriété matrimoniale.

Nous devons nous doter d'une loi qui traite la question des droits de propriété matrimoniale. Voilà qui termine ce que j'avais à dire sur ce sujet.

Je crois avoir couvert l'essentiel de ce que j'avais à dire. Quoi qu'il en soit, vous avez notre mémoire écrit.

Mme Dorris Peters, British Columbia Native Women's Society: Honorables sénateurs, je suis salish du littoral et je suis une ancienne à la British Columbia Native Women's Society. Bien des choses que j'ai entendues ce matin m'ont affectée de bien des façons. Je me suis mariée quand j'étais très jeune, ce qui m'a coûté mon statut. Mon frère, lui, qui est marié à une personne qui n'a pas de statut n'a rien perdu. Je suis divorcée et je ne peux pas retourner vivre dans ma réserve.

Ma réserve est l'une des plus petites réserves de la Colombie-Britannique. Elle compte moins de 100 habitants. Elle couvre une superficie marécageuse d'à peine 300 acres.

Il y a eu tellement de discrimination. Je me souviens de la Commission royale. Il y a toutes ces femmes qui ont été expulsées avec leurs enfants de leurs maisons dans les réserves, qui devaient loger dans des hôtels et des motels dans des quartiers mal famés, et exposées aux dangers. Apparemment, la police était là pour les protéger. Ce fut toute une expérience pour moi. Tous les torts causés aux femmes à cause de la discrimination doivent être corrigés.

Je voudrais aussi dire quelques mots au sujet de la Loi sur les Indiens. J'ai acheté ma propre maison quand j'ai eu 59 ans, et je travaille toujours. Une des choses dont je voulais vous prévenir, c'est que quelqu'un a mentionné qu'on devrait se débarrasser de la Loi sur les Indiens sans plus tarder. Je pense que nous devons y aller tout doucement. Bien des choses sont faites à la hâte.

Aujourd'hui, nous n'avons pas le temps faire un exposé en bonne et due forme. J'aimerais lire, puisque nous parlons de discrimination, une prière inaugurale ce matin. C'est la recommandation que je vous fais en tant qu'Autochtone. Cette discussion nous concerne. Il est très important de s'en rappeler. Nous devons nous rappeler que nous sommes des êtres humains. Ce sujet nous affecte tous.

J'ai beaucoup aimé les exposés faits par les autres dames qui m'ont précédée ce matin. C'est agréable de voir mon amie Mme Nahanee ici aujourd'hui. Je mets les gens en garde de ne pas se débarrasser hâtivement de la Loi sur les Indiens.

En ce qui concerne les cas de partage des biens matrimoniaux, j'ai beaucoup d'amies qui se sont retrouvées dans des situations matrimoniales difficiles. J'étais moi-même adolescente quand je me suis mariée, et tout s'est fait dans les règles. Nous tombions sous le coup du projet de loi C-31 à l'époque. Mes enfants sont des Indiens inscrits, mais mes petits-enfants ne le sont pas. C'est très malheureux à dire. Ma fille aînée est avocate, et mes enfants réussissent très bien dans la vie. Il est important d'avoir de l'aide. Nous avons le droit inhérent à l'instruction, et il faut que ce droit soit maintenu pour nos petits-enfants, puisqu'ils sont notre avenir.

Nous pensons à tout cela en prenant la parole devant vous aujourd'hui. Je ne voudrais pas qu'on n'agisse trop vite et qu'on change les choses trop rapidement. Nous serions perdants. Je ne peux pas vraiment parler de la Loi sur les Indiens, parce que je suis prise à gauche et à droite et que je n'ai pas eu tellement le temps de l'examiner.

Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Merci beaucoup de m'avoir écoutée.

Mme Elizabeth Fleming, présidente sortante, Provincial Council of Women of Manitoba: Honorables sénateurs, mon amie Toni Lightning et moi sommes heureuses de témoigner devant vous cet après-midi. Le Conseil provincial des femmes du Manitoba s'est réjoui d'apprendre que le ministère des Affaires indiennes et du Nord avait demandé à votre comité sénatorial permanent de se pencher sur cette question importante et d'en faire rapport.

Dans le contexte des droits de la personne, les droits de propriété des femmes vivant dans les réserves relativement aux biens matrimoniaux semblent inexistants. Beaucoup de femmes se sont battues pour faire reconnaître ces droits dans d'autres régions du pays, il n'y a pas tellement longtemps de cela, beaucoup de femmes continuent à se battre dans d'autres régions du monde, et nos soeurs autochtones doivent de nouveau se battre pour les obtenir au Canada. Nous ne sommes pas là pour parler au nom des Premières nations, mais pour présenter les enjeux tels que nous les voyons et pour demander à ce que les voix des Premières nations soient entendues.

On s'entend généralement sur les constatations relatives aux injustices dont les femmes des Premières nations ont été victimes. C'est un état de fait qui a été dénoncé par bien des spécialistes en la matière, tant autochtones que non- autochtones. La colonisation, les querelles de compétence, le cadre législatif, la Loi sur les Indiens et le projet de loi C- 31, les facteurs qui ont conduit à la situation déplorable dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui sont légion.

Même l'ONU, dans son récent rapport concernant la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a reproché au Canada le traitement réservé aux femmes des Premières nations.

Nous avons rédigé un mémoire. Comme d'autres, nous n'avons pas eu beaucoup de temps, mais nous en avons tout de même fait des photocopies, et j'ose espérer qu'on vous les a distribuées. Au lieu de lire tout le document, je vous invite à vous reporter à la partie où nous donnons des renseignements généraux sur le Conseil provincial des femmes et où nous expliquons comment nous en sommes venues à nous occuper du dossier des femmes autochtones.

C'est que nous avons depuis toujours à coeur de jeter des ponts, et nous avons organisé des programmes en fonction de cet objectif. Ces derniers temps, nous recevons des appels de femmes autochtones qui nous demandent de les aider. Ce n'est pas parce que nous sommes tellement en mesure de les aider, mais plutôt parce qu'elles sont tellement désespérées et qu'elles n'ont personne d'autre à qui s'adresser.

Aussi notre conseil a décidé de venir en aide à ces femmes, compte tenu de nos moyens limités, pour tout ce qui touche aux droits de la personne, à la démocratie et à la sécurité physique, autant de sources de préoccupations profondes que nous signalent les femmes. Ces dernières années, nous avons ainsi fait la connaissance de femmes de différentes réserves du Manitoba, et dans certains cas de l'Ontario, avec qui nous entretenons des rapports d'amitié.

Dans la partie suivante du mémoire, nous présentons un bref historique de la campagne des femmes en faveur de l'égalité des sexes dans les lois sur la famille au Manitoba. C'est là quelque chose pour lequel les femmes se sont battues dans toutes les provinces. Notre lutte à nous remonte à 1970, et le souvenir de cette lutte est toujours bien vivant. La dame qui a rédigé cette partie du mémoire était du nombre de celles qui ont mené cette bataille. Leurs efforts pour faire modifier les lois manitobaines sur le partage des biens matrimoniaux ont été documentés dans un ouvrage. La lutte se poursuit toujours aujourd'hui.

Dans la partie suivante, nous décrivons la situation actuelle au Manitoba. L'information que nous y présentons vient des témoignages que nous avons entendus et de ce que nous avons appris des recherches que nous avons faites dans les documents du ministère des Affaires indiennes et du Nord.

Il y a 62 bandes au Manitoba. La population d'Indiens inscrits au Manitoba, en date du 31 décembre 2002, se chiffrait à 112 430, dont environ 64 p. 100 (72 000) vivaient dans les réserves, une proportion plus élevée que la moyenne canadienne de 57 p. 100. Il y a une grande diversité entre les bandes du Manitoba, par exemple, différentes cultures, différentes langues et différentes histoires. La taille des populations dans les réserves varie de 4 000 à Cross Lake à moins de 100 dans chacune des trois Premières nations du Manitoba. La démographie est un facteur.

Nous avons quelques statistiques sur la pauvreté parmi les Autochtones au Manitoba. Les sénateurs pourront les regarder. C'est un grave problème. Les plus pauvres parmi les pauvres sont les femmes, souvent des mères célibataires, qui viennent des réserves et tirent le diable par la queue en ville ou essaient de s'en sortir toutes seules dans les réserves.

Tout semble toujours ramener à la Loi sur les Indiens. L'article 6 de cette loi est la définition de l'inscription des Indiens. C'est un problème énorme, comme les sénateurs l'ont entendu de la bouche de gens qui sont beaucoup plus capables que moi, la flagrante inégalité des sexes en ce qui concerne les règles d'appartenance et une inégalité qui est inscrite dans la Loi sur les Indiens et cela doit changer.

Les articles 20 à 29 de la loi portent sur la possession des terres dans les réserves. Nous avons regardé les données du ministère des Affaires indiennes. Il n'y a que 1 256 certificats de possession dans les 62 Premières nations du Manitoba. Là-dessus, deux bandes seulement en détiennent la grande majorité, alors qu'il n'en reste qu'une poignée pour environ huit autres réserves. La majorité n'en ont aucun. Il n'y a pas de certificat d'occupation. Comme on l'a dit éloquemment, les attributions selon la coutume ne signifient rien au sens juridique.

Il n'y a pas de système fiable permettant de retracer les biens immobiliers dans les réserves. Les alinéas 81.1i) et p.2) de la Loi sur les Indiens portent sur les pouvoirs du conseil de bande. Ceci nous amène au problème épineux de la politique dans les bandes. Nous convenons, comme certains l'ont dit, que certaines bandes s'en tirent bien en matière de gouvernance et font de leur mieux en ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes. Ils incluent leurs membres dans les décisions, comme on l'entend, et comme cela se faisait par le passé. D'autre part, il y a des similitudes avec nos systèmes démocratiques en Occident. C'est comme cela dans quelques réserves mais, évidemment, pour les femmes qui s'adressent à nous, cela n'existe pas.

Nous constatons que dans plusieurs réserves, c'est le chef et le conseil qui déterminent l'attribution des logements. La politique du logement qui devrait guider cette attribution et les critères régissant les baux ne sont pas toujours consignés par écrit ou approuvés par l'ensemble de la bande ou même communiqués aux membres de la bande. Une élection locale peut entraîner le choix d'un nouveau chef et d'un nouveau conseil, et la mise en place d'une nouvelle politique en matière de logement du jour au lendemain. Il n'y a donc aucune règle en matière de politique du logement lorsqu'il n'y a pas de gouvernance. Cela devient arbitraire et politique.

Les articles 88 et 90 de la Loi sur les Indiens portent sur les droits découlant de la loi. Des avocats nous ont parlé de l'application des lois provinciales sur la famille dans les réserves. Évidemment, à propos de l'immobilier dans les réserves, il n'y a pas de loi.

Aux termes de l'article 88 de la Loi sur les Indiens et de la jurisprudence décrite dans le document de travail, les lois provinciales sur les biens matrimoniaux peuvent s'appliquer dans les réserves. Toutefois, l'accès des femmes à la protection découlant des lois varie énormément. Cela s'applique aux biens meubles et non aux biens immobiliers.

Du nord au sud du Manitoba et encore à Winnipeg, cela varie énormément. Les distances et les caractéristiques géographiques font en sorte que les recours judiciaires sont inabordables pour les femmes autochtones dans de nombreuses réserves du nord de la province. Je prends l'exemple de Island Lakes. Nous avons reçu une lettre d'un avocat autochtone qui s'est spécialisé dans le droit de la famille pendant quatre ans dans le nord et il sait donc de quoi il parle. Lisez ce qu'il dit. En raison de l'administration des tribunaux au Manitoba, il est très difficile pour une femme vivant dans une réserve d'obtenir des recours judiciaires. Les avocats dans le nord de la province ont beaucoup de difficulté à respecter les échéances serrées fixées pour le dépôt des requêtes. L'aide juridique peut être en mesure d'aider une femme dans les causes se rapportant aux pensions alimentaires pour enfants et aux pensions alimentaires versées à un conjoint; toutefois, si le litige vise des biens, l'aide juridique n'intervient pas, car on estime qu'il s'agit d'actifs qui peuvent permettre à la clientèle de défrayer son avocat. La majorité des femmes autochtones ne peuvent tout simplement pas se payer les services d'un avocat.

Des mesures législatives non exécutoires n'aident aucunement les femmes dans les réserves et on peut même avancer qu'elles leur nuisent. On leur dit que le partage des biens immobiliers matrimoniaux est une question qui relève de la bande. Certains des quelques certificats de possession sont au nom des Premières nations, certains au nom de l'homme et certains au nom de la femme ou des deux. En fait, on nous a dit que l'on ne s'occupe des biens que si un conjoint meurt. J'ai dit à l'homme qui me répondait au téléphone que je trouvais cela final. Il m'a répondu que c'était comme ça. Après la rupture d'un mariage ou d'une union de fait, il n'y a pas de recours non plus.

On a abordé la question de la violence familiale. Les cas dont nous entendons parler sont des incidents horribles de violence familiale. C'est un problème particulier dans une résidence familiale quand il y a peu d'autres solutions et peu de protection pour les femmes. Je vous demanderais de lire le chapitre sur le logement et l'éducation et au sujet du logement dans les réserves. Les avocats chargés d'intervenir, au nom d'hommes et de femmes autochtones, sur des questions ayant trait aux biens immobiliers dans les réserves nous ont dit que leurs clients ont souvent l'impression que leur maison leur appartient. Ils ne savent pas toujours que leur maison leur a été allouée par le chef et le conseil de bande, et qu'elle ne leur appartient pas parce qu'il n'y a pas de système de propriété officiel en place. De plus, ils ne sont pas au fait des politiques et règlements du conseil de bande.

Je voudrais dire un mot de l'analyse de l'égalité des sexes parce que nous en avons eu une expérience récente. Il existe, heureusement, une politique au ministère des Affaires indiennes, et une analyse de l'égalité des sexes a été faite à propos du projet de loi C-7 qui s'intitulera Loi sur la gouvernance des Premières nations. Toutefois, en tant que conseil provincial, nous avons constaté que nous ne pouvions obtenir l'analyse complète. Nous avons dû aller devant la Commission d'accès à l'information pour essayer de découvrir ce qu'elle contient. Nous trouvons cela particulièrement déplorable et nous avons écrit aux ministres concernés. Sur notre site Internet, que nous avons cité dans le mémoire, vous trouverez les lettres aux ministres Nault et Augustine au sujet de la condition féminine au Canada.

À quoi sert d'effectuer une analyse de l'égalité des sexes des projets de loi et lois si nous ne pouvons pas voir ce qu'elles contiennent et si nous ne pouvons pas savoir en quoi les projets de loi auront une incidence à la fois sur les hommes et les femmes. Ce n'est pas simplement pour les hommes; c'est également pour les femmes. Nous espérons que cela intéressera ce comité.

À propos des mariages et unions de fait, il est intéressant de constater que, l'année dernière, le gouvernement du Manitoba a adopté un certain nombre de textes législatifs portant à modifier diverses lois du Manitoba, notamment la Loi sur les biens matrimoniaux et la Loi sur l'obligation alimentaire. Ces modifications attribuent au conjoint de fait les mêmes droits et obligations en matière de propriété que les époux, afin que les conjoints de fait, à la rupture de leurs relations, ou au décès d'un des conjoints, puissent obtenir leur part des biens accumulés durant la relation.

Nous avons inclus une étude de cas qui touche l'une de nos amies. Il s'agit de quelqu'un qui vit dans une petite réserve en difficulté au Manitoba. Certains disent que cette réserve connaît tellement de problèmes qu'elle n'est pas typique. Toutefois, d'après ce que nous savons, elle n'est pas la seule dans cette situation. Cela arrive fréquemment dans les réserves mais tout le monde n'a pas le courage d'en parler. D'ailleurs, quatre de ces femmes et un homme se sont présentés au comité permanent de l'Assemblée législative du Manitoba pour témoigner au sujet d'un projet de loi visant à développer des services de police autochtone dans les réserves. Deux jours plus tard, la police autochtone de la réserve les a mis en prison pour une nuit. Les accusations n'ont toujours abouti à rien. Il est difficile de semer l'alarme. Les femmes qui viennent nous voir pour que nous essayions de les défendre sont braves. Nous n'hésitons pas à nous faire leur porte-parole et nous espérons que nous ne serons pas en prison dans un jour ou deux.

Nous passerons directement aux recommandations sur les orientations futures. Nous avons une politique sur les droits de la personne pour les Autochtones du Canada. Nous estimons que quoi qu'il arrive au projet de loi C-7, l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être éliminé, parce que c'est, en tout état de cause, comme on l'a dit ce matin, une question universelle de droits de la personne. Nous estimons qu'il devrait sauter.

Nous recommanderions aussi que le comité envisage d'inclure dans les motifs de distinction illicite les convictions politiques. Nous avons constaté que dans bien des cas, il s'agit de politique et que cela devrait être inclus dans les motifs de distinction illicite. Ça l'est dans de nombreux pays et dans beaucoup de provinces canadiennes.

Pour ce qui est de l'appartenance, il y a de nombreuses questions qu'il faudra résoudre en tenant compte du contexte dans lequel vivent les Premières nations et des droits des femmes des Premières nations, telles les injustices manifestes du projet de loi C-31. La séparation de l'appartenance à la bande et de l'inscription et la nouvelle catégorie établie au paragraphe 6.(2) du projet de loi C-31 en sont des exemples.

Pour les registres des terres, la Loi sur les Indiens et la Loi sur la gestion des terres des Premières nations comportent toutes les deux des dispositions visant les registres des terres de réserve. Il existe toutefois un vide juridique dans 60 des 62 bandes au Manitoba. Si le système d'attribution des logements selon la coutume n'établit pas de droits aux biens matrimoniaux, un système de registre des terres dans les réserves est essentiel pour commencer à aider les femmes.

À propos de la politique au sein de la bande, toute solution devra inclure des codes de bande assurant la certitude et l'équité concernant l'attribution des logements, les politiques du logement, les baux, et cetera, et devra prévoir la répartition des biens matrimoniaux à la rupture du mariage. Il faut que les femmes autochtones participent de plein droit à l'élaboration des codes de bande et que ces codes et leur administration fassent l'objet d'une analyse comparative entre les sexes qui soit le fruit d'un processus ouvert et conjoint. Je signalerais que, pour participer, les femmes autochtones ont besoin d'argent. Il leur est très difficile de se déplacer et de se préparer sans ressources.

Au sujet de la violence familiale, il faudrait plus de logements et de refuges dans les réserves pour accueillir les familles après une rupture et pour atténuer la pression subie par les femmes qui tentent désespérément de se sortir d'une relation violente. Il devrait y avoir un code sur les biens matrimoniaux qui protège le foyer et la sécurité de telles femmes, ainsi que la sécurité de leurs enfants. Des logements destinés à accueillir les époux violents est une autre possibilité, pourvu que prime la sécurité des victimes.

Je passe maintenant à l'éducation communautaire et au développement des capacités dans les réserves. Nous avons félicité les Affaires indiennes pour leur livret d'information. Il serait peut-être nécessaire de donner des renseignements moins techniques, mais tout est utile. Les gens doivent savoir quels sont leurs droits et qui est propriétaire de la maison et où ils peuvent aller.

Quant aux services d'aide juridique, les femmes des Premières nations ont besoin d'un accès uniforme aux services d'information et d'aide juridique, particulièrement lorsqu'elles cherchent à obtenir un partage égal des intérêts immobiliers des époux ou la possession exclusive de la résidence familiale. Il faut que les gouvernements provincial et fédéral examinent et améliorent le système de représentation juridique au Manitoba, en s'appuyant sur une analyse comparative entre les sexes, en vue d'assurer que ces systèmes répondent aux besoins des femmes des Premières nations vivant dans les réserves.

Il faudrait envisager l'élaboration et le financement d'un programme visant spécifiquement à offrir des services d'information et de représentation juridiques aux membres des Premières nations vivant dans les réserves, ainsi que des initiatives éducatives.

Je laisserai au comité le soin de lire nos conclusions.

Mme Toni Lightning, Conseil provincial des femmes au Manitoba: Je vis dans une réserve à Buffalo Point, à la frontière entre le Manitoba et le Minnesota au bord de Lake of the Woods. Mme Fleming a eu l'amabilité de m'inviter à l'accompagner à cette réunion.

Après avoir lu tous les documents et écouté les différents témoins, je pense qu'une révision majeure de la Loi sur les Indiens s'impose ou qu'elle devrait être totalement abrogée. Tout d'abord, toutefois, nous devons ne pas oublier que nous resterons une population lésée de ses droits si l'on ne nous garantit pas les droits garantis par la Charte des droits et libertés. Ils doivent s'appliquer à tout le monde.

Ma réserve est probablement un bon exemple de ce qui peut arriver quand ça va mal. Nous avons un chef qui s'est nommé chef à vie en 1997, sans avoir été élu. Il a nommé son père au conseil, et nous avons un autre conseiller. En conséquence, le chef et son père sont toujours majoritaires au conseil. Nous n'avons pas un mot à dire dans la façon dont on fait les choses, ni dans l'orientation que prend la réserve.

Nous avons signé un bail principal, et 250 terrains ont été loués pour la construction de chalets. On devait ainsi générer des capitaux qui nous permettraient de bâtir des logements et de créer des emplois. C'est un lieu de villégiature que nous avons chez nous, mais le fait est que les logements y sont très rares. On a englouti des millions de dollars pour aménager un terrain de golf, mais il y a des anciens chez nous qui n'ont pas de maison. Certains d'entre eux sont en train de mourir; certains doivent rentrer chez eux parce qu'ils sont malades. Je connais un homme qui vit sur une île, et il doit se rapprocher pour recevoir des soins médicaux.

Dans notre bande aussi, le chef et son conseil contrôlent les adhésions. En conséquence, ce sont eux qui décident qui a le droit de vote et qui ne l'a pas. J'ai de la chance parce que je ne suis pas une enfant du projet de loi C-31. Je suis membre de la bande du fait de ma lignée paternelle, je suis donc membre à part entière avec droit de vote. Cependant, il y a d'autres femmes de mon âge qui sont des enfants du paragraphe 6(2). Leurs enfants sont membres de la bande, mais leurs petits-enfants n'auront pas ce droit. Ce n'est pas mon cas. Je suis bénéficiaire du système paternel.

Je répète que nous devons réviser la Loi sur les Indiens afin qu'elle soit conforme à la Charte des droits et libertés. Merci.

Mme JoAnne Ahenakew, Alberta Aboriginal Women's Society: Je dois vous dire d'emblée que je voyage depuis une semaine. Je suis arrivée par avion hier soir. Quelqu'un a mon porte-documents, je vous remettrai donc des copies de mon rapport, j'espère, d'ici demain matin. En attendant, j'ai pris la matinée pour écrire ce dont je pouvais me souvenir.

Bonjour, membres du comité permanent du Sénat. Je représente l'Aboriginal Women's Society of Alberta. Je suis la vice-présidente du chapitre d'Edmonton.

Je suis une jeune chef. Notre groupe travaille à la base. Je veux dire par là que nous nous attaquons à nos problèmes au niveau communautaire. Le principal objet de nos efforts en ce moment est une maison de transition pour femmes maltraitées, ce qui est lié à ce problème plus fondamental.

Je suis une Indienne assujettie à un traité. Je suis une Dénée-Crie de la région du Traité numéro 10. Je suis fière de dire que je suis membre de la Première nation d'English River. Je suis du nord, et je maintiens des liens étroits avec le nord, ma communauté et ma famille. C'est dans cette perspective que je vais parler.

Il est très encourageant de voir que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a décidé de se pencher sur la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves indiennes. Il faut remédier à ce problème parce qu'il touche non seulement les femmes autochtones mais aussi nos enfants. Je vais donc parler au nom de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre.

L'Alberta Aboriginal Women's Society est d'accord avec l'Association des femmes autochtones du Québec en ce qui concerne la discrimination dont les femmes sont victimes. Le Canada est signataire de plusieurs traités internationaux qui garantissent l'égalité entre les hommes et les femmes et interdisent toute forme de discrimination. Le Canada est également signataire de la convention qui protège expressément les droits des enfants. En outre, il reconnaît la compétence de plusieurs institutions internationales qui ont été créées pour s'assurer que les États qui, comme le Canada, ratifient librement les textes juridiques internationaux, respectent leurs obligations.

La discrimination dont sont victimes les enfants et les petits-enfants des femmes des Premières nations qui ont regagné leur statut en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens et l'inégalité entre les droits des conjoints qui favorise les hommes, avec les conséquences néfastes que cela peut avoir en cas de divorce, sont des réalités incompatibles avec les obligations internationales du Canada.

L'idée qu'une personne ou des personnes possèdent une terre au sens qu'on lui donne aujourd'hui était inconnue de notre société traditionnelle. Les diverses bandes avaient leurs territoires à elles, et il arrivait que des guerres éclatent au sujet des territoires, mais le partage des ressources était également très répandu. La notion de titre de possession a été imposée à la société autochtone, et nous avons encore du mal à admettre cette idée.

La Cour suprême du Canada a statué que les lois provinciales régissant le partage des biens en cas de divorce ne s'appliquent pas aux biens immobiliers dans les réserves indiennes. La Loi sur les Indiens ne traite pas de cette question. Historiquement, les terres et les maisons étaient habituellement enregistrées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au nom de l'époux. En cas de rupture du mariage, la femme, et normalement ses enfants aussi, se retrouvent donc sans toit. Si elle n'est pas de la réserve, elle ne se sent généralement plus la bienvenue.

Ces facteurs contribuent en partie à la migration des familles autochtones vers les grands centres urbains étant donné qu'elles n'ont plus beaucoup de choix. Ces femmes et leur famille se retrouvent sans abri, et l'on dispose de peu de moyens pour aider ces femmes en transition, en ce qui concerne le counselling et la recherche d'emploi.

Notre société a fait une étude sur les femmes qui demandaient un appartement — il s'agissait de femmes monoparentales qui avaient quitté leur réserve pour ces mêmes raisons. Nous avons pris une femme non autochtone et une femme autochtone, et nous avons fait un test. Les deux cherchaient un appartement, et la femme autochtone se faisait dire non plus souvent que l'autre femme.

Voici un exemple. Je connais une femme — je ne mentionnerai pas de nom pour ne pas compromettre qui que ce soit — qui a épousé un homme d'une autre réserve. Lorsqu'ils se sont mariés, elle a été automatiquement inscrite sur la liste des membres de la bande de son mari. Elle a divorcé 10 ans plus tard — vous savez que les lois ont changé — et elle a demandé à sa bande d'origine de la reprendre. Sa bande d'origine a voté unanimement en faveur de son retour. Elle a demandé à la bande de son mari d'approuver le changement, et on lui a dit non. Elle a resoumis la demande, et on lui a dit que la bande entamerait des procédures dès qu'elle en aurait la chance. C'était il y a cinq ans. Cet exemple n'est pas rare. Elle n'a pas accès aux ressources de la bande de son ex-mari, et elle n'a pas accès non plus aux ressources de sa bande d'origine, elle se retrouve donc assise entre deux chaises.

En cas de divorce, les enfants souffrent aussi. La qualité de leur vie n'est plus la même, et c'est généralement pour le pire. De nombreuses femmes monoparentales élèvent seules leurs enfants au seuil ou sous le seuil de la pauvreté dans nos communautés. Lorsqu'il y a eu violence conjugale et d'autres formes de mauvais traitements avant la rupture du mariage, ces femmes et ces enfants ont rarement accès à de l'aide.

Ce ne sont pas toutes les femmes autochtones mariées dans les réserves qui ont du travail. Elles sont ménagères et mères de famille. Leur rôle dans le mariage est tout aussi important que celui de leur conjoint, et il faut le reconnaître. Traditionnellement, dans la société autochtone, les hommes et les femmes avaient chacun leur rôle, et les deux étaient nécessaires pour survivre. C'est à ce titre qu'ils étaient valorisés. La réalité d'aujourd'hui n'est pas vraiment différente. Une famille ne peut pas s'épanouir sans la contribution des deux conjoints. Cependant, le retour à nos anciennes habitudes ou à notre mode de vie traditionnel n'est pas possible, ni même réaliste.

Nous recommandons que l'on modifie la Loi sur les Indiens afin d'éliminer toute forme de discrimination contre les femmes. Il faudrait pour cela restaurer le statut d'Indienne et de membre d'une bande non seulement des femmes qui ont perdu leur statut du fait de la discrimination historique dont elles ont souffert, mais aussi de leurs enfants et petits- enfants.

Il faut modifier la Loi sur les Indiens pour assurer l'égalité des hommes et des femmes au titre des biens matrimoniaux, et pour s'assurer qu'il y a égalité dans le partage des biens en cas de divorce.

Il faut modifier la Loi sur les Indiens pour s'assurer que le parent qui a la garde des enfants puisse conserver le domicile familial en cas de rupture du mariage.

Il faut modifier la Loi sur les Indiens pour faire en sorte qu'une femme dont l'appartenance à une Première nation a été modifiée du fait de son mariage avec un homme d'une autre Première nation ait automatiquement le droit de se réinscrire comme membre de sa Première nation d'origine, avec ses enfants.

Notre dernière recommandation porte sur la mise en oeuvre de programmes d'aide à l'intention de ces femmes autochtones et de leur famille qui vivent cette transition, étant donné que c'est difficile.

Le sénateur Beaudoin: Il doit être très difficile en pratique de savoir exactement quelle loi s'applique étant donné qu'elle varie d'une province à l'autre. La loi varie également au sein de la province, et il y a un grand nombre de réserves. Il n'y a rien dans la Loi sur les Indiens à ce sujet, si je ne m'abuse. Comment savez-vous quelle loi s'applique? Ça doit être très difficile.

Au Québec, nous avons le Code civil. Les autres provinces sont sous le régime de la common law. Avec toutes les variations que vous avez décrites, comment savez-vous quelle loi s'applique?

Mme Nahanee: Il n'y a pas de loi dans les réserves.

Le sénateur Beaudoin: Pas de loi générale?

Mme Nahanee: Il n'existe pas de loi générale dans les réserves. Ce fait est reconnu depuis 1986. Les lois provinciales, même si elles sont différentes l'une de l'autre, ne s'appliquent dans les réserves indiennes en ce qui concerne les biens matrimoniaux. Il n'existe aucune loi.

Le sénateur Beaudoin: Comment réglez-vous vos conflits dans la pratique?

Mme Nahanee: Les gens sont chassés de la réserve. On leur dit tout simplement de partir.

Le sénateur Joyal: C'est ce qui est arrivé à Mme Peters.

Mme Ahenakew: Nous sommes à la merci du conseil de la bande en place à ce moment-là et nous devons obéir à ses décisions. Comme on l'a dit plus tôt, un nouveau conseil est élu tous les deux ans, et cette élection est toujours suivie de grands changements.

Le sénateur Beaudoin: S'il n'est pas d'accord, est-ce que vous vous adressez aux tribunaux? Que faites-vous? Y a-t-il une instance auprès de laquelle vous pouvez en appeler?

Mme Nahanee: Non.

Le sénateur Joyal: C'est le conseil de bande.

Le sénateur Beaudoin: Ainsi, d'une certaine façon, chaque bande a sa propre constitution.

Mme Ahenakew: Il n'y a rien d'écrit non plus. Si vous demandez à une bande sur quel texte elle se base en cas de divorce et de partage des biens, elle ne pourra probablement pas produire le moindre texte parce que les décisions sont prises à la tête du client.

Le sénateur Beaudoin: Mais disons que vous n'êtes pas d'accord avec une autre personne? Qui règle le problème?

Mme Ahenakew: Il n'y a pas de médiateur. Il n'y a pas d'intermédiaire.

Le sénateur LaPierre: Mais n'avez-vous pas un cercle où l'on règle ces problèmes?

Le sénateur Beaudoin: Il doit bien exister un système quelque part.

La présidente: Non, il n'y a rien.

Le sénateur Beaudoin: On part à zéro?

Le sénateur Jaffer: Oui.

Le sénateur Joyal: On part de la Constitution.

Le sénateur Beaudoin: Bien sûr! Loin de moi l'idée de dire que la Constitution n'existe pas. Elle existe. L'article 35 existe aussi. Le fait est que chaque réserve a sa propre constitution d'une certaine façon, ou absence de constitution. C'est la première fois de ma vie que j'entends une chose pareille.

Le sénateur Joyal: Je suis heureux de voir Mme Peters. Il y avait longtemps qu'on ne s'était pas vus. Je tiens également à souhaiter la bienvenue à Mme Nahanee.

Dans votre mémoire, à la page 20, vous mentionnez un élément important dont nous devrons tenir compte dans nos recommandations, à savoir le point 11. Vous n'avez pas eu le temps de nous donner de plus amples explications sur cette question. La question est celle-ci:

Est-il nécessaire de soupeser les intérêts des collectivités et des individus dans le partage des biens matrimoniaux lors du divorce de couples dont un membre, ou les deux, peut avoir des propriétés dans la réserve?

C'est une question tellement fondamentale. Nous devons décider comment nous allons équilibrer les intérêts collectifs et individuels. Si j'en crois les témoignages que nous avons entendus depuis ce matin, il faut intervenir immédiatement parce que ce sont les droits de la personne qui sont en cause.

La question des droits de la personne se pose avec acuité parce que, comme vous et d'autres témoins l'avez dit, des femmes sont chassées des réserves et leurs enfants perdent leurs droits et leur identité. Ils perdent leurs droits identitaires. Des personnes sont victimes de violence. Au bout du compte, c'est la dignité que l'on perd — c'est la dignité humaine et autochtone que l'on perd.

Vous avez soulevé une question qui nous interpelle, nous le comité et nous l'institution — le Sénat aussi bien que les sénateurs à titre individuel — et c'est la question de savoir comment nous pouvons atteindre et réconcilier ces deux objectifs fondamentaux qui sont la mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale pour les Premières nations tout en réglant le problème immédiat que pose la discrimination. C'est ma première observation.

Madame Fleming, vous avez également mentionné une chose importante dans votre exposé, et c'est la question du code matrimonial. J'y vois pour ma part un élément important dans la mesure où l'on pourrait en faire une initiative qui compléterait les modifications à la Loi sur les Indiens.

Si nous devons recommander au Parlement, par l'entremise du ministre, des modifications à la Loi sur les Indiens, votre témoignage ne donne pas à croire qu'elles suffiront à porter remède aux divers aspects de l'ensemble de la situation, par exemple, la nécessité de créer des refuges et des moyens de soutien de rechange. Lorsqu'il y a divorce et que la violence entre en jeu, le conjoint, comme c'est le cas dans notre société non autochtone, doit recevoir un soutien psychologique ainsi que des conseils, parce que la situation est grave.

Le divorce ébranle vivement la vie familiale. Il faut prendre toute une série d'initiatives pour assurer l'éducation des enfants et donner à l'épouse une chance raisonnable de se ressaisir et de refaire sa vie.

Partant de votre expérience à vous, auriez-vous l'obligeance de nous dire ce que vous comprenez exactement par l'expression «code matrimonial», qui est bien celle que vous avez employée dans votre exposé?

Mme Nahanee: Je ne sais pas si le ministre vous a demandé de concilier l'intérêt collectif et individuel, mais si le ministre vous a demandé d'examiner cette question, je vous répondrai que, en ce qui concerne les couples mariés, l'intérêt communal n'existe pas. Si vous êtes marié ici dans la ville d'Ottawa ou dans la ville de Montréal, vous n'êtes pas marié à la ville d'Ottawa ni à la ville de Montréal. Personne dans la ville d'Ottawa n'a d'intérêt dans les biens matrimoniaux que vous possédez. Ils sont à vous; ce sont vos biens immobiliers à vous. Ce sont des biens immobiliers qui appartiennent à votre conjoint et à vous.

Cependant, dans une réserve indienne, environ 80 p. 100 de la population vit de l'aide sociale: le mari, la femme et les enfants; ou alors ce sont la femme et les enfants parce que le mari ou le père ou l'homme est parti. Certaines communautés mettent à leur disposition des logements sociaux dans le cadre du système d'aide sociale. Mais ces personnes ne sont pas propriétaires. Il y a 40 condominiums dans ma réserve, et ce sont des assistés sociaux qui vivent dans ces condominiums, mais si un couple marié divorce, les conjoints ne se partagent pas le logement social. Cela devient un problème qui est réglé au niveau de la communauté.

Les modifications dont nous parlons n'ont rien à voir avec le logement social, les assistés sociaux ou les personnes qui ne possèdent pas de maison, même si elles sont mariées.

Les terres attribuées selon la coutume ne sont pas des entités légales reconnues en droit fédéral ou provincial. Les logements communaux et les biens matrimoniaux sont deux choses différentes. Il n'y a pas de modifications à la Loi sur les Indiens qui pourraient modifier cet état de chose.

Mais il y a une autre catégorie de biens immobiliers qui ne sont pas des logements sociaux, et il s'agit des terres communales ou des biens immobiliers de la bande. Par exemple, ma bande à moi, les Squamish, possède le terrain où se trouve le Park Royal Shopping Mall. Il s'agit d'un bien commun dont nous tirons des revenus communs. C'est un bien immobilier de la bande. Cependant, les modifications à la Loi sur les Indiens toucheront les familles qui ont un certificat de possession, qui est habituellement au nom du mari. Nous disons que la loi doit être la même pour les personnes qui sont mariées et qui vivent dans la réserve ou hors de la réserve. Nous ne nous préoccupons que des personnes mariées qui possèdent des biens en commun. Nous ne parlons pas de ces 80 p. 100 de gens qui vivent de l'aide sociale.

Nous n'exigeons pas de grand chamboulement législatif. Si le ministre modifiait la loi dans le sens que nous voulons, le monde ne s'écroulerait pas. La situation ne changerait que pour les conjoints qui détiennent des biens. Comme on l'a dit plus tôt, dans la province du Manitoba, il n'y a peut-être que 1 000 personnes qui ont un certificat de possession. Je crois que nous avons dit combien d'Indiens il y a dans la province du Manitoba. C'est de cela dont il s'agit. L'équilibre entre l'intérêt collectif et individuel ne sera nullement compromis si nous réglons seulement le cas des personnes mariées détenant des biens. Les logements sociaux et les biens communaux ne seront pas touchés. Les terres attribuées selon la coutume ne seront pas touchées non plus étant donné qu'elles n'ont aucune existence légale.

Mme Peters: J'aimerais dire un mot à propos de ce que Mme Nahanee vient de dire. J'ai un emploi. J'ai acheté une maison à l'âge de 59 ans. J'ai eu beaucoup de mal à obtenir un prêt parce que je suis une Autochtone et une personne âgée, mais j'ai une solution pour cela. Il y a beaucoup de terres domaniales en Colombie-Britannique qui sont bonnes pour la construction. Je pense que le gouvernement devrait prendre une partie de ces terres pour y bâtir des maisons pour les personnes qui ont été obligées de quitter leurs réserves et qui aimeraient posséder leur propre maison. Je crois que certaines réserves de la Colombie-Britannique ont reçu de l'argent pour acheter des terres afin d'agrandir le territoire de leurs réserves, mais cet argent a servi à autre chose. Je ne sais pas ce qu'on a acheté, mais je sais ce qui est arrivé. Il faut nous donner la possibilité d'être propriétaires de nos propres maisons. Je paie des impôts comme tout le monde, et c'est ce que j'ai fait toute ma vie.

Le sénateur Joyal: J'aimerais entendre Mme Fleming.

Mme Fleming: Je n'étais pas bien sûre de comprendre ce que le sénateur Joyal voulait dire lorsqu'il a dit «code matrimonial».

Le sénateur Joyal: C'est l'expression que j'ai notée.

Mme Fleming: Je me suis peut-être trompée.

Le sénateur Joyal: Vous parliez de l'analyse du projet de loi C-7 fondée sur les sexes: la violence familiale; les problèmes de logement dans les réserves; et la nécessité d'ouvrir des refuges. Vous avez mentionné en passant le code matrimonial. Je voulais savoir ce que vous vouliez dire par code matrimonial, partant de votre expérience. Comment pouvons-nous régler ce problème ou trouver le genre de «solution» qui nous permettra de régler certains problèmes dont les témoins ont fait état aujourd'hui?

Mme Fleming: C'est peut-être par erreur que j'ai parlé de code matrimonial. Je ne suis pas sûre de ce que c'est.

Nous voulons que les femmes autochtones aient les mêmes recours que les femmes non autochtones, et que les femmes du nord et du sud du Manitoba et de Winnipeg aient accès aux mêmes services d'aide juridique pour cela. Nous demeurons indignées du fait que les terres ne sont pas enregistrées, et que tout ce que nous faisons dans le cadre de la loi provinciale est fondé sur notre système d'enregistrement des terres. Nous n'avons aucun recours parce que les certificats de possession ne comptent tout simplement pas. C'est le ministère des Affaires indiennes qui les a et c'est lui qui administre la succession des familles lorsque le mari est décédé; mais il n'y a rien pour la femme en cas de rupture du mariage. Nous voulons avoir ce recours et les mêmes droits pour les femmes.

Ce que vous avez dit plus tôt ce matin, et vous avez longuement parlé du bien-être des enfants en cas de dissolution du mariage, ce sont des choses que les femmes autochtones et leur famille n'ont jamais eues. Pourtant, c'est très important. Ces protections existent en droit provincial, mais pas pour les femmes autochtones. L'accès à l'aide juridique est une question d'argent, ou plutôt de manque d'argent. De même, dans notre province, l'administration des services d'aide juridique ne relève pas de votre responsabilité, et vous avez de la chance, et c'est peut-être une question à propos de laquelle vous voudriez peut-être faire des recommandations.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Joyal: Oui, mais j'ai encore du mal à définir ce que serait un «code matrimonial». Je réfléchis simplement à voix haute.

La question de l'aide juridique est fondamentale. Il y a aussi la question de l'arbitrage, qui a été soulevée par Mme Nahanee, lorsqu'il y a conflit entre une femme autochtone et la bande qui est seule capable de transférer le certificat, et ainsi de suite. Nous avons besoin d'un arbitre dans ce genre de cas; autrement, nous allons simplement maintenir ce système de discrimination contre les femmes.

Il y a la question des refuges, qui est importante à mon avis, parce que nous savons d'expérience — et il s'agit aussi bien des Autochtones que des non-Autochtones — que la situation est difficile lorsqu'il y a rupture du mariage et qu'il y a des enfants. Il s'agit de savoir ici quel genre d'aide nous allons donner aux conjoints qui se retrouvent avec toute la responsabilité, et de la capacité d'obtenir un soutien minimal pour faire vivre les enfants, même si, comme l'a dit Mme Nahanee, la vaste majorité des Autochtones sont prestataires de l'aide sociale. Et puis il y a, comme vous l'avez dit, la question des droits des enfants.

C'est une question très importante. Si nous voulons véritablement examiner toutes les conséquences de la dissolution d'un mariage, nous devons nous pencher sur le statut des enfants. Mme Audette l'a soulevé ce matin, comme d'autres témoins; c'est un aspect auquel nous devons nous intéresser.

Si nous voulons étudier la question du code matrimonial de façon productive, il faut éviter de penser, comme l'a notamment indiqué Mme Nahanee, que la résolution d'un seul problème est suffisante. Nous serions alors peut-être satisfaits de notre travail, mais nous n'aurions pas beaucoup contribué à la diminution de l'écart qui existe entre les femmes autochtones et les autres.

Je me demande quelles recommandations globales, outre les modifications qui pourraient être apportées à la Loi sur les Indiens, nous pourrions faire au ministre et au Parlement afin d'améliorer la situation.

Mme Fleming: Dans la Loi sur les Indiens, il est question de l'enregistrement de terres dans d'autres contextes, mais c'est chaque bande, individuellement, qui décide si elle veut tirer parti de ces dispositions. Dans notre cas, seules deux bandes s'y intéressent. Par conséquent, il faut mettre en place des mesures plus robustes. La Loi sur la gestion des terres des Premières nations semble être prometteuse, par exemple. Je ne sais pas si on y traite de possibilités et d'obligations, mais il faudrait que ce soit des obligations dans l'accord-cadre. Il faut que le code comprenne des dispositions sur la répartition des biens immobiliers matrimoniaux lors de la dissolution d'un mariage ou d'une union de fait.

Ça, c'est le point de départ. Ensuite, il faut que les dispositions soient appliquées. Les textes de loi ne suffisent pas, il faut aider les femmes et les bandes à atteindre ces objectifs. Seules quatre des centaines de bandes y ont réussi. Il y a d'ailleurs une bande qui a élaboré un code de droits liés aux biens immobiliers matrimoniaux qui semble bien. Il serait donc intéressant de suivre l'évolution de cette affaire pour voir si le code est effectivement efficace. C'est un premier pas.

Le sénateur Jaffer: Si j'ai bien compris, le certificat de possession est donné aux hommes, n'est-ce pas? Il faut donc déterminer si la possession de l'habitation devrait être exclusive et comment il faudrait partager ce certificat. Est-ce à ça que vous vouliez en venir?

Mme Nahanee: Je disais que la plupart des bandes, comme vous pourrez d'ailleurs le constater au Manitoba, n'utilisaient plus les certificats de possession. En Colombie-Britannique, on ne s'en sert plus du tout. Je pense que c'est parce que le chef et le conseil de bande veulent que toutes les terres soient communales. Il est interdit d'être propriétaire de terres; seules la jouissance et la possession sont permises. Le certificat de possession n'accordait d'ailleurs que cette jouissance et possession, mais les bandes ont trouvé que c'était déjà trop et refusent d'émettre des certificats de possession. Les certificats qui sont toujours en circulation ont été délivrés dans les cent dernières années et ont été transmis d'une génération à l'autre.

La modification qui nous intéresse est nouvelle et ne viserait que les détenteurs de biens immobiliers. Toute personne qui n'est pas actuellement détentrice de terres ne serait pas touchée par les modifications apportées à la loi. Comme il n'y a pas beaucoup de certificats, c'est le détenteur des terres qui en obtient la possession exclusive. La possession intérimaire ne visera que les familles où l'un ou l'autre ou les deux sont détenteurs de terres. Ce ne sont pas tous les couples indiens qui seraient visés.

Le sénateur Jaffer: Lorsque vous expliquiez la situation au sénateur Joyal, vous parliez de couples mariés. D'après ce que j'ai pu comprendre, il y a une majorité d'unions de fait dans les réserves. Ai-je bien compris? Parliez-vous spécifiquement de couples mariés? En Colombie-Britannique, comme vous le savez, les droits à la propriété ne s'appliquent pas dans le cas des unions de fait. Qu'en pensez-vous?

Mme Nahanee: C'est vrai. Dans ce cas, on ne voudrait pas que la norme provinciale s'applique. On ne veut pas de la norme provinciale si on la trouve inappropriée.

Pour ce qui est des unions de fait, j'ai dit qu'il faudrait modifier les dispositions relatives à la succession. Comme l'a mentionné mon amie du Manitoba, on ne bénéficie d'un droit que s'il y a décès. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Même les conjoints de fait qui vivent dans les réserves ont des droits si leur conjoint décède; il suffit pour cela que leur relation ait duré au moins un an.

Lors de votre étude des modifications, inspirez-vous de ce qui a été fait dans le cadre des règlements sur la succession des Indiens; il faut penser aux personnes vivantes, pas seulement aux morts. Il faut qu'il y ait un équilibre entre les droits des conjoints de fait qui forment un couple depuis un an lors du décès d'un des conjoints et les droits en matière de partage des biens immobiliers matrimoniaux d'un couple ayant vécu ensemble pendant un an. Il est important de préciser qu'en Colombie-Britannique les conjoints de fait vivant à l'extérieur des réserves n'ont aucun droit.

J'aimerais maintenant aborder l'aide juridique. Les sommes d'argent qui y sont réservées ont diminué. Mais de toute façon, cette source ne peut pas financer la résolution de problèmes de biens matrimoniaux. On peut avoir recours à l'aide juridique dans des cas de violence ou des affaires de garde s'il y a des victimes de violence, mais on ne peut pas faire appel à l'aide juridique pour faire valoir ses droits à sa moitié d'un bien immobilier donné. La Société d'aide juridique n'est pas responsable des questions de biens immobiliers matrimoniaux. Il faudra donc étudier cet aspect pour faire avancer les choses.

Pour ce qui est de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, je vous encourage à prendre contact avec Barbara Findley parce que nous avons traduit le ministre en justice en raison de cette loi. C'est grâce à cette affaire que les biens immobiliers matrimoniaux figurent dans ce texte de loi.

Le sénateur Chalifoux: Que pensez-vous de l'évolution de la Loi sur la gestion des terres des premières nations? Quand elle a été adoptée, on considérait que c'était une bonne tentative de définition des biens immobiliers matrimoniaux ainsi que de leur partage. Que pensez-vous de cette loi globalement?

Mme Nahanee: Comme vous le savez, au début, le projet de loi n'avait aucune disposition sur les biens immobiliers matrimoniaux. C'est par suite de l'affaire BCNWS que le ministre a exigé que les bandes traitent de la question.

Prenons l'exemple de l'environnement. Le ministre a décidé que les Premières nations — il n'y en a que 14 — seraient tenues de respecter une norme. Elles ne peuvent pas adopter n'importe quelle loi environnementale. Pour les biens immobiliers matrimoniaux, nous avons recommandé qu'une norme soit établie. Alors, la répartition des biens immobiliers serait de compétence provinciale. Ce serait toujours mieux que ce qui existe actuellement, à savoir rien du tout.

Le sénateur Chalifoux: Il y a aussi l'Accord Nisga'a. Lors de la signature de cet accord, les questions de biens immobiliers matrimoniaux et de l'inclusion des femmes et des enfants ont beaucoup été débattues. D'après ce texte législatif, les lois provinciales auraient préséance sur tout autre texte, et ce, à partir de son adoption. Ainsi, les femmes ont maintenant le droit d'invoquer les dispositions de la Human Rights Act en Colombie-Britannique pour régler diverses questions, notamment la répartition des biens immobiliers. Êtes-vous au courant? Dans l'affirmative, qu'en pensez-vous?

Mme Nahanee: Non, je ne suis pas vraiment au courant de cet accord.

Le sénateur Chalifoux: Il est possible d'avoir recours aux dispositions relatives aux droits de la personne.

Mme Nahanee: C'est bien. Par contre, si la loi régissant les relations familiales en Colombie-Britannique ne peut pas être imposée par le biais de l'Accord Nisga'a, alors elles se retrouvent dans la même situation que nous.

Le sénateur Chalifoux: Voudriez-vous répondre à notre comité en ce qui concerne l'Accord Nisga'a et la Loi sur la gestion des terres des premières nations? Selon vous, est-ce un début, voudriez-vous que nous y réfléchissions de nouveau ou que nous fassions des recommandations?

Mme Nahanee: Nous voulons que vous fassiez des recommandations à propos de la Loi sur la gestion des terres des premières nations puisque cette loi est déjà en vigueur. Elle concerne 14 bandes. S'il y en a encore 50 qui veulent être concernées, votre comité pourrait peut-être s'informer sur cette loi pour veiller à ce que la norme concernant les droits sur les biens matrimoniaux soit analogue à celle des provinces.

Le sénateur Chalifoux: J'aimerais remercier Mme Peters d'être venue et d'avoir suggéré une petite prière. Quand il s'agit de nos enfants et de nos petits-enfants, il importe dans nos débats et nos délibérations d'invoquer notre Créateur.

Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à notre représentante de l'Alberta. Jeune fille, vous êtes notre avenir. Nous, les anciens, vous accueillons à bras ouverts pour poursuivre le combat pour nos droits. Merci beaucoup.

Le sénateur LaPierre: Vous avez dit que vous avez un terrain de golf?

Mme Lightning: Oui.

Le sénateur LaPierre: Est-ce qu'il est à vous?

Mme Lightning: Il est à la société.

Le sénateur LaPierre: Dont vous êtes actionnaire.

Mme Lightning: Le chef et le conseil.

Le sénateur LaPierre: Est-ce que cela vous rapporte quelque chose?

Mme Lightning: Rien du tout.

Le sénateur LaPierre: Pourquoi est-ce qu'ils vous volent?

Mme Lightning: C'est exactement la question que je pose.

Le sénateur LaPierre: Ces voleurs devraient être arrêtés.

Même si nous continuons à faire des recommandations jusqu'au jugement dernier, nous n'arriverons pas à modifier avant longtemps la Loi sur les Indiens car la majorité des bandes — dirigées par des hommes, comme les femmes le savent bien — s'y opposeront. Ils se draperont dans le manteau des coutumes, de la nation et du «encore une fois le Canada impose sa volonté». Tous ceux qui servent d'excuses aux canailles. Ce n'est pas demain qu'on en verra la fin.

Pouvons-nous recommander qu'un préambule à la Loi sur les Indiens en déclare la nécessité? Entre-temps, on pourrait ordonner aux bandes, dans les délais les plus courts, de modifier toutes les coutumes ou traditions en faveur de la Charte des droits et libertés et des droits pleins et entiers des femmes? C'est mon premier point.

Deuxièmement, j'ai du mal à croire que si vous détenez cette terre en communauté que cette chose que vous appelez un certificat de possession n'accorde pas un droit inaliénable à toute personne qui appartient à cette famille tribale dès sa naissance. Est-ce un argument valable ou est-ce que je rêve en couleur?

Mme Lightning: Vous rêvez probablement en couleur.

Le sénateur LaPierre: Ce n'est pas la première fois.

Mme Lightning: Je n'avais jamais entendu parler de certificat de possession jusqu'à ce que Elizabeth Fleming commence à rédiger son document et qu'elle m'en ait donné la première ébauche. Je me suis dit: «Il faut que j'en apprenne plus sur ces certificats de possession». Je vis dans une maison appartenant à la bande dans laquelle un employé vivait avant moi. C'était le gardien du terrain de golf. Quand je me suis installée dans cette maison, je vivais jusqu'alors dans ma voiture. Je n'avais pas de domicile. Quelqu'un m'a dit: «Cette maison est libre. Je sais qu'elle appartient à la bande. Nous allons vous y installer». C'est comme cela que je me suis installée dans cette maison. J'avais fait une demande par écrit et en personne au chef dès 1997. Je n'ai eu cette maison que lorsque je me suis aperçue qu'elle était libre et que je m'y suis installée de mon propre chef.

Le sénateur LaPierre: Vous avez pris possession de votre bien. J'adore. Merci beaucoup, madame la présidente.

Le sénateur Jaffer: Je tiens à vous remercier toutes d'être ici. Le problème c'est que d'une manière générale, nous entendons deux opinions différentes. La première est de laisser aux bandes le soin de régler la question. Ce matin, nous avons commencé en proposant de laisser régler cette question par chaque bande individuellement. C'est à elles d'en décider sur la base de leur sensibilité culturelle. Il est évident, que nous voulons respecter ces sensibilités culturelles mais il faut aussi faire quelque chose.

Mme Peters ou Mme Nahanee peuvent peut-être m'expliquer quelque chose. Comment régler cette question? Certains témoins nous disent: «Respectez les sensibilités culturelles et laissez les bandes décider». Puis nous avons des témoignages éloquents comme celui de Mme Lightning sur les problèmes auxquels elle est confrontée. C'est difficile. Quoi que nous fassions, nous serons critiqués. J'accepte. La critique est une bonne chose. À nous de relever le défi. Nous voulons respecter les sensibilités culturelles, mais en même temps nous voulons que toutes les femmes au Canada soient égales. À nous de relever ce défi.

Mme Nahanee: Un petit conseil. À propos des sensibilités culturelles, il faut accepter que nous vivons dans votre monde. Nous ne sommes pas seulement membres des Premières nations. Tous les immigrants au Canada y vivent selon la loi canadienne. Ils bénéficient de la Charte des droits et libertés. Ils bénéficient de la législation sur les droits de la personne du pays. Ils bénéficient de toutes les conventions internationales que le Canada a signées avec les Nations Unies. Nous voulons la même chose.

Nous ne voulons pas d'un rejet total de la culture des Premières nations.

Le sénateur LaPierre: C'est peut-être inévitable.

Mme Nahanee: N'oubliez pas que nous vivons sous vos lois depuis le début et que cela ne changera pas demain.

Le sénateur LaPierre: Cette loi n'impose pas le joug de ce terrorisme sous lequel vous vivez.

Mme Nahanee: C'est la loi, mais nous aimerions que vous l'amélioriez.

Le sénateur LaPierre: Est-ce que cela changerait profondément vos coutumes tribales? Je m'excuse, mais en gros, on nous dit que ces coutumes ont la préséance sur la loi canadienne. C'est le Canada et c'est vous. En conséquence, nous avons les mains liées. Je ne vois pas comment réparer, sauf par la Loi sur les Indiens, l'abus quotidien de vos droits humains.

La Loi sur les Indiens n'est qu'une composante de cet abus. Il y a un autre élément d'abus qui, si j'ai bien compris, est inhérent à vos traditions autochtones, inhérent à cette société patriarcale, dominée par les hommes à laquelle vous appartenez. Qu'est-ce que je peux y faire?

La présidente: Ce sont les hommes qui nous ont demandé de ne pas retoucher aux coutumes indiennes.

Le sénateur LaPierre: Nous y voilà. Me demandez-vous de vous débarrasser de ces deux éléments?

Mme Nahanee: Non. J'ai parlé tout à l'heure à la présidente de la B.C. Native Women Association et elle m'a dit que pour elle, selon leurs traditions autochtones, la maison matrimoniale doit aller à la femme. Les enfants et la maison sont à la femme. Conformément à notre coutume, vous pourriez modifier la loi et tout donner à la femme. Cependant, si vous voulez un compromis, nous pouvons diviser en deux avec les hommes.

Le sénateur LaPierre: Je ne veux pas de compromis. En matière de droits humains il n'y a pas de compromis — ni la religion, ni la souveraineté ni la coutume ne peuvent avoir priorité sur les droits de la personne.

La présidente: Sur cette note, chers collègues, nous allons devoir mettre fin à cette partie de notre audience. Merci beaucoup. Je souhaiterais que nous ayons encore deux heures à vous accorder. Malheureusement, nous avons encore un autre groupe qui attend de comparaître.

Mme Lightning: Pourrions-nous terminer par une prière puisque nous n'avons pas commencé par une prière?

Mme Peters: Elle sera très courte. Je viens de prendre ma retraite de poste d'aînée de la Fondation autochtone de guérison.

[Prière]

La présidente: Nous entendrons maintenant Mme Gina Dolphus de la Native Women's Association des Territoires du Nord-Ouest. Madame Dolphus, je vous en prie.

Mme Gina Dolphus, présidente, Native Women's Association des Territoires du Nord-Ouest: Je suis la présidente de la Native Women's Association des Territoires du Nord-Ouest. J'ai donné des exemplaires de mon exposé à la greffière du comité.

La Native Women's Association des Territoires du Nord-Ouest représente les femmes autochtones des régions est et ouest de l'Arctique. Les six régions des Territoires du Nord-Ouest incluent 33 collectivités pour un total de 41 389 personnes. Les huit langues officielles des Territoires du Nord-Ouest sont: le cri, le chippewyan, l'inuvialuit, le dogrib, le slave, le gwch'in, l'anglais et le français. Les Premières nations, les Inuits et les Métis représentent 51 p. 100 de la population territoriale. Je suis de North Slavey dans la région de Sahtu. Les Premières nations, les Inuits et les Métis représentent 51 p. 100 de la population du territoire.

Bien que nous n'ayons qu'une réserve, Hay River, plus de 90 p. 100 de la population à l'extérieur de la capitale Yellowknife est autochtone. La chasse, la pêche, le piégeage, le tambourinage, le perlage et la broderie sont des pratiques traditionnelles quotidiennes dans la majorité de nos communautés. À cause du fort pourcentage de représentation autochtone dans les Territoires du Nord-Ouest, les dirigeants et les décideurs du territoire incluent 17 députés territoriaux, 29 chefs dénés et un député fédéral.

Au milieu des années 70, la situation des Territoires du Nord-Ouest a changé avec la promesse de pipelines, de routes et de rôle gouvernemental accru. Les communautés croissent rapidement et les gouvernements locaux prenaient de la puissance. À l'époque, les femmes autochtones des Territoires du Nord-Ouest se sont clairement rendu compte que les questions sociales et culturelles n'intéressaient ni l'industrie ni les gouvernements. Cette perspective et l'impact des changements ont encouragé les femmes autochtones à s'organiser et à travailler ensemble pour faire entendre leurs voix. En 1976, les femmes autochtones ont commencé à créer une organisation qui leur donnerait une voix collective. Deux ans plus tard, le 15 mars 1978, la Native Women's Association des Territoires du Nord-Ouest a été enregistrée comme organisation territoriale à but non lucratif, conformément à la Loi sur les sociétés des Territoires du Nord- Ouest.

Au cours des 25 dernières années, la vie des femmes autochtones des Territoires a changé. Certains changements ont été positifs. Ce sont des femmes autochtones qui dirigent nos écoles, qui enseignent à nos enfants, qui soignent nos malades, qui conseillent nos populations et qui servent nos collectivités de bien d'autres façons. D'autres changements n'ont pas été positifs dans les Territoires du Nord-Ouest. Le taux de femmes autochtones victimes d'abus, de violence, de pauvreté et de mauvaise santé est incroyablement élevé. Capitaliser le positif et lutter contre le négatif dans la vie quotidienne des femmes autochtones et de leur famille continue à être la mission que s'est fixée la Native Women's Association des Territoires du Nord-Ouest.

Cet exposé est un bref résumé de notre position sur l'importance de combler positivement pour les femmes autochtones la lacune de la loi qui régit le partage des biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves. Dans cet exposé, nos références historiques et législatives se fondent sur l'étude du document de travail intitulé «Les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves» et nos recommandations s'appuient sur les besoins et les réalités des familles autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest.

Je commencerai par un récapitulatif historique et législatif. Lorsque j'ai demandé à un homme de Slavey de la région de Sahtu ce qu'il pensait des biens immobiliers matrimoniaux et des conséquences en cas de dissolution d'un mariage, il m'a répondu: «Vous savez comment ça se passait autrefois, traditionnellement? La femme prenait les affaires de son conjoint et les mettait dehors à l'extérieur du tipi. Ainsi, tout le monde savait qu'entre eux deux, c'était fini».

Quand on considère les origines de la Loi sur les Indiens, il est évident que l'objectif, au mieux, c'était l'assimilation des peuples des Premières nations. Il n'était absolument pas question de respect de gouvernance ou de pratiques traditionnelles des Premières nations. C'est le principe de propriété foncière des colons européens qui a dicté l'utilisation des terres et le droit aux terres. Aux quatre coins du Canada, les gens qui vivaient hors réserve voulaient pour eux-mêmes ces terres et c'est ainsi que sont nées les lois sur les biens immobiliers matrimoniaux.

En 1876, les Canadiennes n'étaient pas encore émancipées, et conformément à la Loi sur les Indiens de la même année, un Indien n'était même pas un Canadien. Quand les hommes des Premières nations étaient considérés comme des citoyens de deuxième classe, les femmes et les enfants des Premières nations n'existaient même pas. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que la Loi sur les Indiens ne parle même pas de questions familiales comme les biens immobiliers matrimoniaux.

La Loi sur les Indiens ne reconnaît aucun pouvoir de législation aux Premières nations en matière de biens immobiliers matrimoniaux, pas plus qu'elle ne leur reconnaît de pouvoirs en matière de violence familiale. C'est un précédent qui a été créé à la fois par les dirigeants autochtones et non autochtones.

La gestion des terres des Autochtones des Territoires du Nord-Ouest est régie par la Loi sur les Indiens, la Loi sur la gestion des terres des premières nations et les accords d'autonomie gouvernementale. Les législations communautaires varient d'une région à l'autre et sont fondées sur des accords de traité et des accords entre la Couronne et les Premières nations. En gros, la Loi sur la gestion des terres des premières nations et les accords d'autonomie politique sont des dérivés de la Loi sur les Indiens.

Passons aux propositions et aux recommandations. La sixième session de la quatorzième législature des Territoires du Nord-Ouest examine actuellement le projet de loi 21, Loi sur les mesures de protection contre la violence familiale. Selon ce projet de loi, une simple procédure suffira pour demander à ce qu'un officier de justice soit désigné pour protéger une victime de violence familiale.

Le projet de loi, en matière de biens immobiliers matrimoniaux, stipule au paragraphe 4(3) ce qui suit:

L'ordonnance de protection d'urgence peut contenir l'une ou l'autre ou la totalité des dispositions qui:

b) accordent au requérant la possession exclusive de la résidence;

c) ordonnent à un agent de la paix de faire sortir, immédiatement ou au cours d'une période déterminée, l'intimé de la résidence;

d) ordonnent à un agent de la paix d'accompagner, au cours d'une période déterminée, le requérant, l'intimé ou la personne désignée, à la résidence ou à tout autre endroit pour surveiller l'enlèvement des effets personnels;

e) accordent au requérant ou à l'intimé la possession temporaire et la jouissance exclusive des biens meubles déterminés;

f) empêchent l'intimé de prendre, de transformer ou d'endommager un bien dans lequel le requérant détient un intérêt ou d'agir de toute autre façon à l'égard de ce bien.

Ce projet de loi ne touche pas à la propriété du bien. L'article 13 stipule:

Une ordonnance de protection d'urgence ou une ordonnance de protection n'a aucune incidence sur le titre ou le droit de propriété dans un bien meuble ou immeuble détenu conjointement par le requérant et l'intimé ou par l'un d'eux uniquement.

La violence familiale dans les Territoires du Nord-Ouest est cinq fois supérieure à la moyenne nationale. La consommation d'alcool est deux fois supérieure à la moyenne nationale. Nos communautés doivent faire face à des taux de suicide élevés, à des problèmes de grossesse chez les adolescentes, à des problèmes d'analphabétisme, toutes des choses qui ont des conséquences néfastes sur la famille et sur la stabilité des foyers matrimoniaux. La tradition coloniale et l'isolement législatif ont donné naissance à un mélange unique de fierté traditionnelle et de politiques de la Couronne dans les Territoires du Nord-Ouest. Alors que nos nations sont en train de négocier des accords de gestion des terres des Premières nations et d'autonomie politique, il faut trouver un remède aux séquelles de la Loi sur les Indiens. Pour ces raisons, la Native Women's Association des Territoires du Nord-Ouest fait les cinq recommandations suivantes:

1) L'éducation: Que les femmes autochtones soient éduquées sur leurs droits et leurs responsabilités lorsqu'elles entrent dans une relation matrimoniale, tout particulièrement sur leurs droits en matière de biens immobiliers matrimoniaux — certificat de possession ou autres actes de ce genre.

2) Violence familiale: Que la Loi sur les mesures de protection contre la violence familiale soit appliquée lorsqu'il y a violence familiale.

3) Droits sur les biens matrimoniaux dans la Loi sur les Indiens: Que la Loi sur les Indiens soit modifiée de façon à ce que les droits des femmes autochtones vivant dans des réserves soient protégés et que l'égalité soit garantie dans les questions familiales telles que les biens immobiliers matrimoniaux.

4) Droits sur les biens matrimoniaux en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations: Que la Loi de la gestion des terres des Premières nations soit modifiée de telle façon que les conseils de bande protègent les droits sur les biens matrimoniaux des membres des Premières nations comme le font les lois provinciales régissant les biens matrimoniaux.

5) Les droits sur les biens matrimoniaux en vertu des accords d'autonomie gouvernementale: Que les accords d'autonomie gouvernementale garantissent l'égalité des sexes comme la garantit la Charte canadienne des droits et libertés, tout particulièrement au niveau des biens matrimoniaux.

J'espère et je souhaite que vous avez toutes et tous écouté ce que j'avais à dire aujourd'hui, non seulement pour maintenant mais pour l'avenir. J'aimerais remercier votre présidente et le Sénat. Je suis une Dénée et je bénéficie des droits issus des traités. J'ai des droits inhérents en tant qu'Autochtone des Territoires du Nord-Ouest. Merci.

La présidente: Nous avons maintenant Mme Pierre. Je vous en prie.

Mme Marlene Pierre, membre du conseil, Ontario Native Women's Association: J'ai aussi occupé plusieurs postes à l'Association des femmes autochtones du Canada. J'ai été plusieurs fois présidente de cet organisme. J'ai aussi été présidente de l'Ontario Native Women's Association. Je suis une «autodidacte». C'est moi qui ai créé dans ma communauté le premier groupe de femmes et c'est moi qui suis responsable de la création des groupes de femmes de ma région, tout comme de l'établissement du premier abri-foyer autochtone en Ontario à Thunder Bay.

J'ai subi beaucoup de critiques et de reproches parce que j'ai décrit honnêtement et clairement les conditions dans lesquelles vivent les femmes et les enfants autochtones et toutes les familles, surtout à l'occasion d'un réveil très controversé lancé par mon association lorsque nous avons rendu public le rapport intitulé «Breaking Free», sur la violence familiale en Ontario.

La Ontario Native Women's Association a été établie en 1971 pour représenter les femmes autochtones — Métis, Premières nations et Inuits — de la province de l'Ontario. Nous travaillons à améliorer les moyens de subsistance et les conditions de vie des femmes et de leur famille, c'est-à-dire leur bien-être économique, social et politique dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Nous avons utilisé l'expression «dans les réserves et à l'extérieur des réserves» depuis le début de notre association parce que les femmes autochtones de plein droit ont dû quitter la réserve pour un certain nombre de raisons, surtout pas des raisons économiques et pour leur protection.

En tant que femmes dirigeantes depuis plus d'une trentaine d'années, nous nous sommes débattues afin de trouver des solutions qui tiendraient compte de nos relations politiques uniques au sein de nos collectivités et aussi dans le contexte plus général de la société canadienne. Parallèlement, nous avons dû composer avec le désarroi et le caractère dysfonctionnel de nos familles dans la société générale. Nous avons été obligées de nous taire tant que nous avons habité dans nos collectivités. Nous avons été obligées de nous taire parce qu'autrement nous aurions été battues. Nos enfants ont souvent fait aussi l'objet de mauvais traitements causés par l'aliénation provoquée entre autres par des séjours dans des pensionnats. Nous sommes bien au courant du dysfonctionnement que cela a entraîné.

Aujourd'hui, nous sommes encore aux prises avec ce que l'on appelle désormais la «violence dysfonctionnelle latérale» à notre égard — de la part non seulement de nos propres familles et parents mais aussi d'autres membres de la collectivité. Nous devons aussi composer avec la discrimination et le racisme et la violence systémique.

J'ai parlé plus tôt du rapport intitulé «Breaking Free». Lorsque nous avons rendu public ce rapport d'un bout à l'autre du Canada, les gens ont été sidérés d'apprendre que huit femmes sur dix — même si un grand nombre d'entre nous estiment que ces cas sont beaucoup plus fréquents, c'est-à-dire dix femmes sur dix — faisaient face à des situations de violence chaque jour. Le rapport a aussi révélé qu'environ quatre enfants sur dix faisaient l'objet de mauvais traitements. Comment cette statistique de quatre sur dix peut-elle être logique lorsque votre mère, votre grand-mère et vos tantes — huit sur dix de ces femmes — ont aussi fait l'objet de violence et que par conséquent les enfants aussi. Bien des femmes d'un bout à l'autre du pays conviennent avec nous que la violence est une réalité pour plus de huit femmes sur dix. Chacune d'entre nous a été touchée d'une façon ou d'une autre par la violence. Nos femmes — particulièrement nos jeunes femmes — ont été battues, violées et ont subi toutes sortes de violences physiques.

Nous avons communiqué ces constatations au gouvernement de l'Ontario et il va sans dire qu'elles ont été accueillies avec stupéfaction. Il va sans dire qu'ils ont baissé la tête de honte lorsque nous leur avons décrit de façon détaillée les conditions qui existent dans nos collectivités. Ils ont immédiatement rassemblé des représentants de quatre ministères. Malheureusement pour nous, ils ont aussi inclus les sept autres organisations politiques de l'Ontario.

Cependant, nous étions heureuses de constater que ce gouvernement se soit engagé à consacrer 49 millions de dollars la première année pour donner suite au problème de la violence dans nos familles. Chaque année depuis 1992, des millions de dollars ont été engloutis dans nos collectivités en Ontario afin d'y construire des pavillons de ressourcement et de mettre sur pied toutes sortes de programmes constructifs et positifs pour lutter contre la violence familiale.

Nous sommes en train d'entamer des discussions afin de déterminer si tout cet argent fourni à nos collectivités a permis effectivement de réduire la violence. Nous ne le croyons pas. Nous croyons que seulement 3 p. 100 de la totalité des fonds que l'Ontario a destinés à ses programmes y ont été affectés. Le reste a été remis aux centres d'amitié et aux organisations d'Indiens inscrits, qui sont dominés par des hommes, les chefs.

Lorsque nous réclamons notre juste part de cet argent, pour lequel nous avons souffert, nous en sommes privées parce que nous ne représentons qu'une voix sur huit. C'est donc un aspect qui laisse à désirer et dont nous avons l'intention de faire un enjeu politique.

Tout cet argent n'a pas donné les résultats voulus à cause de l'absence de lois qui s'attaquent aux problèmes dont nous parlons aujourd'hui. Les femmes ne sont pas en sécurité dans leur collectivité. J'ai visité des collectivités éloignées au cours des 30 dernières années. J'ai parlé à des femmes qui ont des histoires incroyables à raconter sur la façon dont elles sont obligées de vivre. Elles ont peur. Elles ne peuvent pas se battre contre le système parce que tous ceux qui contrôlent les activités du conseil de bande sont plus ou moins liés aux auteurs de violence. Les personnes qui exercent le contrôle sont celles qui font du mal aux femmes.

Je ne mâcherai pas mes mots aujourd'hui devant le comité sénatorial et je suis prête à défendre mes propos car ils ont un prolongement de la réalité présentée par écrit.

En prévision de cet exposé, j'ai lu de nombreux documents. Nous nous sommes occupées de la question des biens matrimoniaux dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Nous n'avons cessé de soulever la question de l'égalité depuis que je n'étais que simple membre de ce mouvement. J'ai lu de nombreux documents. J'ai lu le document de travail sur les biens matrimoniaux immobiliers dans les réserves, préparé par Cornet Consulting & Mediation, et le rapport final de 2001 issu de la consultation sur la justice applicable aux femmes autochtones. J'ai pris connaissance des témoignages de votre séance du 15 septembre 2003 et de la présentation de l'Association des femmes autochtones du Canada, notre organisation mère.

J'ai réfléchi longuement à la démarche que j'adopterais ici parce tous ces documents sont effectivement éloquents. Ils ont abordé des aspects légaux dont la rédaction m'aurait pris des mois. Les personnes qui ont comparu avant moi, et celles qui comparaîtront après moi, décrivent de façon efficace les mesures qu'il faudrait prendre, les mesures qui peuvent être prises et la façon dont nous envisageons de remédier à ce problème particulier de situation matrimoniale dans les réserves.

Le rapport qui m'a le plus frappée est celui du chef Mavis Erickson intitulé «Where are the Women» (Où sont les femmes?). J'ai eu de la difficulté à mettre la main sur ce rapport. Je crois que le ministère vérifie qui reçoit le rapport. Il renferme 144 recommandations. Chacune de ces recommandations traite de façon holistique et réaliste de chaque aspect des facteurs responsables de l'absence de protection matrimoniale. Nous espérons que vous examinerez chacune de ces recommandations et que vous les appuierez, comme nous l'avons fait.

Comme il y aura des élections fédérales bientôt, il y aura des représentants à la Chambre. Il y aura peut-être un nouveau ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord. Il est frappant que le ministre ait ce rapport entre les mains depuis un certain temps. Aucune annonce publique n'a été faite concernant la façon dont le ministère a l'intention de donner suite à ces recommandations. Si nous examinions ces recommandations de près, nous constaterions qu'il y a des mesures qui pourraient être prises immédiatement. Il y a des mesures qui peuvent prendre plus de temps, surtout les situations qui nécessitent un changement législatif.

Nous tenons à ce que vous vous assuriez que ce rapport n'est pas mis sur les tablettes. J'ai participé à de nombreuses réunions où nous avons fait valoir nos arguments de notre mieux. En tant que femmes autochtones, nous n'avons peu d'occasions de faire valoir nos arguments devant des comités comme le vôtre. Lorsque nous nous adressons à vous, nous tenons à nous assurer que nos propos sont entendus et qu'on y donnera suite.

Nous espérons que le ministère fera un effort honnête pour donner suite aux recommandations formulées dans ce rapport et que l'intégrité du rapport sera préservée. Il a été commandé par le MAINC et c'est une entreprise qui a été coûteuse. Ils ont l'obligation envers le public canadien de donner suite à ces recommandations.

Il est nécessaire que le Canada prouve qu'il est sincère dans les efforts qu'il déploie pour conserver sa place officielle en tant que premier pays au monde. J'ai rappelé à notre député dans l'avion lorsque nous étions en route pour Ottawa que le Canada a perdu sa place comme premier pays à cause de la façon dont il traite les Autochtones. Bien entendu, cette observation n'a suscité aucune réaction.

Je dois déclarer que les femmes autochtones sont les dernières des dernières lorsqu'il s'agit des collectivités autochtones et de nos moyens d'existence. Nous faisons souvent le bilan de la situation des femmes autochtones. Il y a 15 ans, 50 p. 100 des femmes autochtones étaient chefs de famille monoparentale. J'ai dû me demander pourquoi. Pourquoi élevons-nous nos enfants seules lorsqu'il a des conjoints qui ont l'obligation de s'occuper de leurs enfants et qui ne sont pas là?

Il y a bien des années de cela, notre revenu annuel était de l'ordre de 8 000 $ par an; 68 p. 100 d'entre nous recevaient une forme quelconque d'aide sociale. C'est incroyable. C'est inacceptable.

Nous avons vérifié pour voir où en sont maintenant les femmes autochtones, et nous avons malheureusement constaté, encore une fois, une toute petite amélioration de 1 p. 100 seulement. Ce n'est plus une famille de cinq, mais une famille de quatre, que nous tentons de nourrir, 10 ans plus tard, avec un revenu de 12 000 $ par an. C'est inacceptable.

Quel est le terme qu'on utilise pour désigner ceux qui sont au haut de l'échelle? Peu importe le terme, le fait est que ces gens-là vivent très bien, alors qu'il y a toujours tant de pauvreté chez les familles des femmes indiennes. Il ne devrait pas en être ainsi.

Une fois que vous aurez terminé vos travaux, on me demandera ce qui va arriver du rapport. Nous voulons des certitudes. Nous voulons participer à l'élaboration de toute mesure législative qui pourrait découler de vos travaux. Nous voulons qu'un processus soit mis en place pour ce faire. Nous avons vu ce qui est arrivé au projet de loi C-31 une fois qu'il a été adopté par le Parlement. Beaucoup d'entre nous estiment que c'est le Livre blanc de 1969 qui resurgit. Beaucoup d'entre nous sont d'avis, à cause de la façon dont la loi a été mise en oeuvre, qu'il n'y aura plus d'Indiens — du moins dans le sens où nous l'entendons aujourd'hui. Nous considérons la Loi sur la gestion des terres des Premières nations comme un autre document de la même espèce. Ces documents et ces lois nous inquiètent énormément, parce que nous n'en connaissons pas les répercussions futures. Beaucoup d'entre nous pensent qu'ils vont détruire notre identité en tant que nation.

Quand vous aurez terminé votre étude, je suppose que d'autres mesures seront prises. Nous aimerions qu'il y ait un beau texte où l'on préciserait: «Les femmes autochtones doivent avoir telle chose et elles doivent avoir telle autre chose». Il est essentiel d'après nous qu'il y ait une certaine coordination pour faire en sorte que les femmes aient un rôle à jouer tout comme les ministères compétents, entre autres le ministère de la Justice.

Beaucoup d'entre nous ont déjà pensé à ce que nous aimerions comme forme de protection. Le mieux est parfois l'ennemi du bien, mais nous attendons maintenant depuis bien trop longtemps. Nous nous sommes dit qu'il pourrait être utile de nous tourner vers les lois provinciales, qui pourraient servir de guide dans l'élaboration d'une loi destinée à protéger les femmes autochtones des réserves.

En 1980, j'ai eu la chance de participer aux discussions constitutionnelles canadiennes. À une conférence importante, les femmes autochtones de l'Ontario ont dit: En tant que femmes autochtones, nous devrions nous battre pour avoir un troisième ordre de gouvernement, et nous devrions nous battre pour avoir une charte des droits autochtones. C'est une idée que nous avons soulevée lors des discussions constitutionnelles. L'idée n'a toutefois pas eu l'attention qu'elle méritait. Nous avons cependant eu plus de succès dans nos démarches auprès des gouvernements provinciaux et des organisations autochtones pour ce qui est d'obtenir l'inclusion du droit à l'égalité dans la Constitution canadienne. Cela n'a pas été difficile. L'idée allait de soi; tout le monde savait qu'il fallait garantir le droit à l'égalité. Nous n'avons pas eu à nous battre. Tout s'est très bien passé parce que tout le monde était d'accord.

Nous sommes également arrivées à la conclusion qu'il faudrait convoquer une conférence des premiers ministres ayant pour but l'adoption d'une charte autochtone, et il faudrait que les dirigeants autochtones du Canada en fassent aussi leur priorité. À notre avis, l'adoption d'une charte autochtone est l'étape suivante dans les efforts pour mieux protéger les droits de nos familles, où qu'elles vivent, qu'il s'agisse des Premières nations, des Métis ou des Inuits.

Quand on légifère, il faut faire preuve de beaucoup de circonspection. Un des problèmes qui a été soulevé concerne les droits successoraux et les terres. Les terres doivent être léguées aux membres de la bande, pas à qui que ce soit d'autre, notamment dans les cas où les terres ont été louées à des non-Indiens qui ne sont pas membres de la bande. C'est là une tendance très marquée aux États-Unis, où j'ai pu remarquer que les réserves finissent par devenir des assemblages de propriétés fort disparates, les terres indiennes étant intercalées entre les terres louées à des non- Autochtones. J'ai demandé lors d'une de mes visites: «Pourquoi cette maison-là est-elle si belle?» On m'a répondu: «C'est parce que ce sont des non-Autochtones qui y vivent.» Elle est en briques. Juste à côté, il y a ce qu'on appelle une «maison indienne». Elle n'est pas en briques; elle est délabrée. J'ai demandé pourquoi les deux se trouvaient si près l'une de l'autre. On m'a expliqué ce phénomène des terres louées. On retrouve également le phénomène à Kettle Point, au Canada, où les terrains riverains ont été loués à des non-Autochtones, qui continuent à les transmettre d'une génération à l'autre dans le cadre d'un accord de location-bail avec la bande.

Il y a d'autres facteurs qui viennent compliquer la situation, mais l'idée, finalement, c'est que les terres indiennes sont des terres indiennes. Elles doivent rester dans les familles indiennes et ne pas être cédées à d'autres.

C'est en tant que femmes autochtones de l'Ontario que nous présentons ainsi nos vues à votre comité sénatorial. Au nom des générations futures, je vous remercie pour vos efforts en vue de protéger nos droits en tant que femmes et pour protéger les droits des enfants de la génération actuelle et des générations futures.

Enfin, nous aimerions obtenir des réponses à certaines des questions que nous avons posées dans notre exposé.

La présidente: Merci, madame Pierre.

Le sénateur Beaudoin: J'ai une question pour Mme Dolphus.

À la quatrième recommandation, vous dites: «Que la Loi sur la gestion des terres des Premières nations soit modifiée de façon à ce que les conseils de bande protègent les droits des membres des Premières nations relativement aux biens matrimoniaux tout comme le font les lois provinciales sur les biens matrimoniaux.» Vous soulevez là un excellent point. Nous avons des régimes provinciaux, mais le régime va s'appliquer à tous les habitants de la province en question. C'est ce qui existe dans une large mesure à l'heure actuelle.

Il est vrai que nous avons le Code civil au Québec, mais les autres provinces ont la common law. Les lois peuvent également varier un petit peu d'une province à l'autre. Il n'y a toutefois pas de mal à cela. À tout le moins, nous aurons un régime qui ne changera pas d'une réserve à l'autre. Je suis entièrement d'accord avec vous.

Madame Pierre, vous avez parfaitement raison de dire qu'il ne faut pas oublier les enfants. Nous nous sommes penchés sur les droits des enfants avec le sénateur Pearson au Comité des affaires juridiques. Les droits des enfants sont d'une importance capitale, et ils n'étaient pas protégés par notre système juridique. Il me semble qu'il nous faudrait aller plus loin encore et faire en sorte de garantir dans la loi le respect des droits des enfants dans les provinces où c'est possible de le faire. Nous ne l'avons pas fait encore et c'est une grave erreur.

Il y a un certain nombre de mois de cela, nous avons adopté l'Accord de Kyoto, mais à ma connaissance, nous n'avons fait que le ratifier; les droits inscrits n'ont pas encore été mis en oeuvre. Si nous faisons cela pour les enfants, et si nous faisons cela pour les Autochtones, nous devrions également légiférer afin d'assurer le respect des droits des Autochtones et les droits des enfants au Canada. Je trouve que c'est une excellente idée

Mme Pierre: Je suis d'accord pour dire qu'il faut légiférer afin de protéger les femmes et les enfants. Je tiens toutefois à ce qu'on agisse avec circonspection à cet égard, car il faut respecter la souveraineté de nos nations, et il faut éviter de pêcher par excès de zèle. Il faut donc agir avec circonspection pour assurer aux femmes et aux enfants la protection dont ils ont besoin, tout en veillant à respecter toutes les garanties contenues dans l'article 35 de la Constitution canadienne.

J'essaie de m'imaginer ce qui arriverait si le gouvernement fédéral devait mettre sur pied un processus. J'aimerais, par exemple, que, en Ontario et dans les autres provinces, des discussions aient lieu avec les organismes gouvernementaux compétents au niveau provincial — et notamment le procureur général, les représentants du système judiciaire, le Secrétariat des affaires autochtones et les groupes de femmes intéressés — où les représentants des organisations d'Indiens inscrits auraient leur mot à dire. Je voudrais toutefois que, cette fois, on tienne compte de nos besoins à nous et que les mesures législatives viennent de nous, qu'il ne s'agisse pas de quelque chose qui a été fait à la va-vite ou qui vise à plaire aux chefs ou au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux. Les femmes veulent avoir leur mot à dire quant aux règles qui s'appliqueront au partage des biens matrimoniaux en cas de rupture, etc.

Le sénateur Beaudoin: Les femmes auront cela un jour ou l'autre car, comme je l'ai dit, l'article 28 de la Charte est bien fait, tellement parfait. Il n'y a rien d'aussi parfait dans aucune autre constitution, car la Charte dit: «Indépendamment des autres dispositions de la présente loi», c'est-à-dire la Charte, «les lois s'appliquent également aux hommes et aux femmes.» On ne peut pas avoir mieux comme principe, et un jour ce principe s'appliquera partout.

En ce qui a trait aux enfants, je ne suis pas entièrement satisfait de ce que nous avons fait dans le projet de loi C-7. Comme l'a laissé entendre le sénateur Joyal il y a déjà un certain temps, et il y a eu une cause à la Cour d'appel du Québec à ce sujet, un des articles du projet de loi C-7 a été déclaré inconstitutionnel. Le projet de loi C-7 est bien fait, mais il n'est pas parfait. Il faudrait assurer le respect des droits des enfants.

Les droits des femmes seront protégés, puisqu'il s'agit là d'un principe inscrit au coeur même de la Constitution, mais le texte n'est pas parfait pour ce qui est des droits des enfants.

Le sénateur LaPierre: Tout ce que j'ai entendu aujourd'hui me désole. Je n'arrive pas à croire que ces choses se produisent dans mon pays. J'ai le coeur serré d'entendre parler de telles injustices dans ce beau et glorieux pays.

J'ai applaudi à la Charte des droits et libertés car je crois en cette charte. Nous avons une charte des droits et libertés qui est magnifique. Il devrait toutefois y avoir dans la Loi sur les Indiens un préambule qui reconnaisse ces droits — y compris les droits des Autochtones en tant que personnes —, les droits des femmes autochtones et les droits des enfants autochtones, qui prévoirait tous les instruments nécessaires pour en assurer le respect.

Ces droits sont inaliénables à mon avis. Ce sont des droits à la fois collectifs et individuels. Par conséquent, on les conserve où qu'on aille. Je voudrais donc qu'il en soit ainsi — et j'ai bien l'intention de faire une recommandation en ce sens à mes collègues le moment venu.

Nous pouvons faire tout cela. Nous pouvons avoir encore de magnifiques ministres des Affaires indiennes — je trouve cette appellation horrible, soit dit en passant — nous pourrions avoir les meilleures lois et les meilleures garanties possible. Je demanderais toutefois à Mme Dolphus et à Mme Pierre de bien vouloir me permettre l'observation suivante: il me semble que c'est aussi une question de mentalité — la mentalité des hommes de votre société — et de la façon dont sont interprétées les coutumes de votre société.

Je ne veux pas faire le procès de votre société. Je suis moi-même Canadien français, né dans la religion catholique romaine, et j'estime qu'il y a eu dans cette société d'abominables abus — ma mère, mes tantes, les enfants et les autres membres de cette société dans laquelle j'ai grandi. Les choses ont beaucoup changé depuis. Aussi, je ne suis pas là pour juger, mais je dis simplement qu'il faut qu'il y ait un changement de mentalité.

Comment faire, madame Pierre et madame Dolphus, pour changer cette mentalité qui anime les hommes de votre société, comme vous nous l'avez si bien démontré?

Mme Pierre: Il est très difficile de répondre à cette question. La seule mentalité qu'une personne peut changer est la sienne. Bien souvent, ce changement ne s'opère que quand on se trouve dans des situations absolument surprenantes ou d'une importance critique. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas pu constater de véritables changements dans la mentalité de nos homologues masculins. J'ai 30 ans d'expérience, et pendant ces 30 années, il m'a été donné de rencontrer d'assez bons dirigeants, qui étaient prêts à faire un peu plus que les autres, mais ils ne sont guère nombreux.

Nous avons besoin d'un changement important. Je suis sûre que ma mère et mes grands-parents ont dit la même chose. Il faudra peut-être 30 ans encore avant que le changement ne se réalise. Je ne serai peut-être même pas là quand on verra les changements importants qui s'opéreront grâce aux mesures législatives qui découleront de vos travaux ici. Je ne sais pas quoi vous répondre à part cela. C'est le mieux que je puisse faire.

Mme Dolphus: Dans les Territoires du Nord-Ouest, la culture traditionnelle est toujours très forte. Les hommes sont ici et les femmes sont là. Les choses changent. Je dois tout de même reconnaître qu'elles changent un petit peu. Nous travaillons avec eux et nous voulons pouvoir prendre des décisions. Nous ne sommes toujours pas contentes de beaucoup des politiques et des lois qui existent au niveau territorial. Nous devons toutefois travailler avec eux parce qu'il y a quand même des changements qui s'effectuent. Beaucoup de femmes assument maintenant un rôle de chefs de file. Elles tentent de travailler avec le conseil de bande, avec le chef et son conseil, avec l'organisation métisse et les gouvernements municipaux. Les choses changent, mais très lentement. Cela va prendre du temps.

Nous devons collaborer parce que nous sommes différents. Chaque communauté est différente. Nous devons travailler au sein de nos communautés. Il faut partager, afin de s'entraider et faire de notre communauté un espace où il fait bon vivre pour nos enfants et les générations futures.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons huit langues. Je parle la langue de la région North Slave. Nous devons tenir compte de toutes ces langues. Nous manquons toujours d'argent.

Je suis vraiment ravie que vous ayez invité les Territoires du Nord-Ouest à comparaître. Nous venons rarement à ce genre de comité. Certains organismes le font peut-être, je ne sais pas. C'est la deuxième fois que je viens à un comité et je m'en réjouis.

J'aimerais inviter le comité du Sénat aux Territoires du Nord-Ouest. Souvent, les gouvernants adoptent des solutions ou des lois en notre nom, sans jamais nous avoir vus. Ils n'ont pas entendu parler de nous. Vous devez voir où je vis, ce que je mange, ce que je fais, comment je prépare le pain bannock et comment je fais sécher le poisson et la viande. Vous devez voir nos communautés. Vous devez nous aider. Nous devons travailler ensemble.

Le sénateur Chalifoux: Le sénateur Sibbeston a invité nombre d'entre nous là-bas. Je ne puis y aller, pour des raisons de santé. J'ai toutefois des relations là-bas. Ils étaient là, cet été.

Le sénateur Jaffer: Je veux vous remercier tous de votre présence. Madame Pierre, merci de nous avoir fait part de vos préoccupations et de vos problèmes.

J'ai une question pour Mme Dolphus, au sujet de sa deuxième recommandation, selon laquelle: «La Loi sur la protection contre la violence familiale doit être reconnue dans les cas de violence familiale». Parlez-vous d'une reconnaissance nationale? Est-ce déjà reconnu dans les Territoires du Nord-Ouest?

Mme Dolphus: Oui, nous y travaillons. C'est une bonne chose d'en parler au gouvernement fédéral.

Le sénateur Jaffer: Dites-vous qu'il faudrait en faire une loi nationale?

Mme Dolphus: Oui, s'il vous plaît.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Comme mon collègue le sénateur LaPierre, je suis très attristée de cette situation. Cela semble la partie d'une scène qui se déroule sur une estrade qui n'appartient pas au Canada. Une chose épouvantable. Je ne sais pas comment vous dire mon émoi.

Je vous souhaite de pouvoir arriver à vos buts dans le futur. C'est important de persister. Il ne faut pas ralentir votre course même si vous avez quelques victoires. Il faut continuer avec la volonté d'arriver à vos buts. Je suis vraiment très émue.

J'aimerais connaître les 144 recommandations qui sont dans le rapport Erickson. Est-ce possible d'avoir ce rapport? Je pense que dans ces 144 recommandations, il y a toutes vos préoccupations.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Je suis content de vous voir aujourd'hui. Je me souviens très bien de notre discussion sur la charte des peuples autochtones, il y a une vingtaine d'années. Je me souviens très bien de cette proposition. À l'époque, le principal argument, c'était que les droits de la personne sont des droits de la personne, peu importe l'origine de la personne; la dignité humaine et l'égalité sont les mêmes.

L'égalité des races est la même pour toutes les races. L'égalité des sexes est la même, peu importe l'origine. À l'époque, on avait laissé une ouverture parce que la question de l'autonomie gouvernementale était encore une chose nébuleuse pour bien des gens. De nos jours, on en parle davantage. Mais il y a 20 ans, ça n'était même pas un concept abstrait. C'était un concept inconnu.

Maintenant, après 20 ans de négociations et de dures représentations, nous en sommes venus à des accords qui reconnaissent l'importance capitale des droits de la personne. À ce sujet, le sénateur Chalifoux a parlé du Traité nisga'a. Comme vous et comme mes collègues, je suis convaincu qu'il ne peut y avoir d'autonomie gouvernementale sans qu'on reconnaisse d'abord les droits de la personne. Pour ce qui est des femmes autochtones, c'est une obligation très marquée, probablement plus, encore, que dans la société canadienne non autochtone.

Vous nous avez présenté tout le contexte et je n'ai pas à répéter. Il faut s'assurer que les lois que nous rédigeons sont fondées sur des principes solides. Si les principes sont bien établis, l'institution peut fonctionner comme il se doit, si les protections nécessaires sont accordées. Je suis comme vous découragé qu'après 20 ans, personne n'ait donné suffisamment d'importance au paragraphe 35(4) qui confirme que sont garantis les droits des femmes autochtones, des ancestraux et issus de traités. Mais je me réjouis aussi parce qu'après 20 ans de lutte des Métis contre leur propre gouvernement, qui est censé les protéger, nous commençons à voir la lumière au bout du tunnel.

J'ai lu dans le journal d'aujourd'hui que M. Powley, à la tête de cette affaire, a déclaré: «J'ai accompli quelque chose, enfin. D'autres générations viendront, pour qui ce sera un point de départ». Parfois, ce genre de choses prend du temps.

Je suis un homme et je fais donc partie du groupe «dominant». C'est en 1929 qu'on a reconnu que les femmes pouvaient siéger au Sénat. Cela fait près de 75 ans. Ce n'est qu'il y a 10 ans qu'enfin, un premier ministre s'est rendu compte qu'aujourd'hui, au Parlement, il fallait un juste équilibre des sexes. Nous faisons du progrès. Nous n'en avons pas encore fait suffisamment puisqu'à mon avis, nous devrions avoir un équilibre réel, à la Chambre.

Il reste que lorsque les principes sont bons, on peut continuer à faire des représentations. Quand on est minoritaires, il faut se fier au sens de l'équité de la majorité, et à la protection dûment donnée par l'institution. Autrement, on ne fait toujours que du rattrapage et on est à la merci de la majorité.

Si nous voulons trouver la bonne solution, il faut réaffirmer les principes fondamentaux. On peut au moins croire que l'institution est bonne et efficace et qu'elle dispose des pouvoirs nécessaires pour l'être, efficace, et pour que des correctifs soient apportés. Vous pourrez croire qu'il y a un avenir pour les femmes autochtones dans la dignité et le respect de l'identité culturelle et autochtone. Entre-temps, vous ne serez pas obligées de quitter les réserves autochtones et de vous mêler à la société canadienne en général pour affirmer votre statut de femme autochtone canadienne qui élève ses enfants et qui contribue à la vie de la réserve.

C'est la réflexion essentielle qui nous vient à vous écouter. Il peut nous arriver de désespérer, mais, comme je le disais au sénateur Chalifoux, après 20 ans, on fait enfin du progrès.

Le rêve canadien existe toujours. Il s'agit essentiellement de garantir la même dignité humaine à toutes les personnes qui vivent au Canada. Au Canada, la vie n'a pas de prix. Nous nous battons pour cela, nous y croyons. C'est enchâssé dans la Charte.

Au lieu de céder au désespoir, de croire qu'on en a fait assez et de se retirer, il faut croire qu'on verra bientôt la fin de tout cela. Il s'agit peut-être du dernier petit effort qui mettra en branle la machine et fera rouler les choses.

Si je peux me permettre d'exprimer le point de vue de mes collègues, nous tenons tous à ce que justice soit rendue. Quand nous réclamons justice, nous devons nous assurer que ce que nous instaurons durera après notre mort. C'est le défi que nous relevons ici.

Les principes que vous et vos collègues des autres provinces avez énoncés ici aujourd'hui pourraient servir à la création d'une solution permanente qui vous garantira la part de dignité à laquelle vous pouvez vous attendre dans un pays aussi bon que le Canada, comme vous le disiez dans vos remarques au début.

Vous devez rester vigilantes. Nous vous avons entendues. Nous devons continuer de respecter honnêtement votre effort et veiller à modifier la loi en temps voulu. Les gouvernements peuvent changer, mais ce qui est bon au sujet du Sénat, c'est qu'il dure.

Vous étiez là il y a 20 ans, et je suis encore là. Mes collègues les sénateurs Jaffer et Ferretti Barth, et nous tous autour de la table avons duré jusqu'ici. Il nous incombe peut-être de continuer de faire pression sur le système, afin que les recommandations que nous formulerons soient vraiment mises en oeuvre.

C'est le message que vous pouvez emporter en nous quittant. J'espère que vous continuerez de croire que ce pays peut bien vous servir, comme tout autre Canadien.

Mme Dolphus: Merci. Vous me donnez espoir.

La présidente: Je remercie les témoins d'aujourd'hui pour leurs déclarations.

Mme Peters: Je tiens à remercier tous les sénateurs, particulièrement le sénateur Chalifoux. Elle m'a tirée d'un mauvais pas: j'étais perdue et je ne savais pas où aller. C'était ma première visite ici. J'apprécie aussi ce que ce jeune homme a dit au sujet des enfants.

La présidente: Il est spécial.

Mme Peters: Ces commentaires sont importants parce que les enfants sont l'avenir. S'ils sont élevés et bien guidés au plan physique, spirituel et mental, nous pourrons faire beaucoup de bien dans le monde et au Canada. Nous avons un bel avenir. Je travaille dans le monde de la guérison. Il y a neuf personnes, ici: six femmes et trois hommes. C'est vraiment un honneur pour moi d'être ici, madame la présidente. Merci beaucoup.

Je suis ici parce qu'en tant qu'aînée, je dois toujours soutenir la personne à qui il arrive quelque chose. Mon amie était seule, de même que mon autre amie, là. Il est important de les soutenir. Merci beaucoup.

Mme Dolphus: Je tiens à remercier tout le monde ici. J'ai oublié mes collègues qui étaient ici de 11 h 30 à 13 h 30. Je les appuie aussi. Nous travaillons tous ensemble. Merci.

La séance est levée.


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