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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne


Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 6 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 11 h 35 pour étudier les aspects juridiques clés ayant une incidence sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés sur une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait, ainsi que leur contexte politique particulier.

Le sénateur Shirley Maheu (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je suis très heureuse de vous accueillir aujourd'hui. Vous vous êtes déplacées pour nous faire profiter de vos connaissances et de votre expérience intéressante sur le sujet qui nous occupe. Je souhaite également la bienvenue aux gens qui nous écoutent à la radio ou qui nous regardent à la télévision, ainsi qu'à ceux qui liront le compte rendu de la séance d'aujourd'hui sur notre site Web.

Je vous présente le sénateur Beaudoin, qui est membre de notre comité et qui a été doyen de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. La question des droits de la personne est un des principaux sujets d'intérêt du sénateur Beaudoin, après le droit, évidemment.

Le Sénat a autorisé notre comité en juin à entreprendre cette importante étude. Je voudrais aussi vous présenter le sénateur Joyal, un ancien ministre, qui fait partie non seulement de notre comité, mais aussi du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous avons reçu le mandat d'examiner les liens entre les lois fédérales et les lois provinciales en nous penchant sur la répartition des biens immobiliers et des biens personnels des conjoints vivant dans les réserves, et en particulier sur l'application des décisions des tribunaux en cette matière; nous devons également étudier les pratiques d'affectation des terres dans les réserves et plus particulièrement les pratiques traditionnelles à cet égard, de même que le statut des conjoints et la division de leurs biens immobiliers lorsque leur relation se termine, qu'il s'agisse d'un mariage ou d'une union de fait, et enfin, les solutions possibles qui permettraient de concilier les intérêts individuels et les intérêts collectifs.

Madame Jacobs, vous pouvez commencer.

Mme Bev Jacobs, co-auteure de l'ouvrage intitulé: Les biens matrimoniaux dans les réserves: Je suis une Mohawk traditionnelle des Six Nations, et je suis aussi avocate. Je vais vous parler en particulier de la culture hodinohso:ni et de ses rapports avec le Canada.

Pour commencer, je voudrais situer ma présentation dans son contexte. Je vais vous parler de notre peuple avant la période de la colonisation. Dans notre langue, c'est ce que nous appelons l'O:gwe ho wen hya, ce qui signifie «notre mode de vie» ou «notre façon de faire.»

Je vais ensuite vous parler de nos rapports avec le Canada et du Traité du wampum à deux rangs. Je vais également vous expliquer comment les interventions du gouvernement du Canada, en particulier la Loi sur les Indiens et le ministère des Affaires indiennes, contreviennent à ce traité. Je vais ensuite examiner avec vous un concept appelé «diffusionnisme eurocentriste.»

Le premier élément, celui de l'O:gwe ho wen hya, se rattache aux rôles traditionnels des femmes dans notre communauté, ainsi qu'aux rôles des autres membres de cette communauté. Notre société est une société matriarcale, ce qui veut dire que ce sont nos femmes qui déterminent notre identité, par l'appartenance à nos clans et à nos nations. Je suis une Mohawk du clan de l'Ours, par ma mère, ma grand-mère et ainsi de suite. Et ma fille et ma petite-fille appartiennent maintenant au clan de l'Ours de la nation mohawk.

Pour ce qui est de nos relations et de nos responsabilités, nous sommes notamment les gardiennes du foyer, et nous sommes aussi responsables de nourrir et d'éduquer les membres de la communauté, ainsi que d'établir et de créer des liens entre eux. Nous sommes responsables, envers nos enfants, de comprendre leurs rôles dans la communauté et de leur apprendre ces rôles.

La langue est également importante pour nous parce qu'elle établit notre identité comme peuple. Nos cérémonies nous permettent de créer des liens avec le créateur et avec notre environnement, visible et invisible.

Toutes ces choses composent notre mode de vie. En langage eurocentriste, c'est ce qu'on appellerait l'«autodétermination.»

Je voudrais maintenant vous parler de la signature du Traité du wampum à deux rangs. Ce sont mes ancêtres qui ont conclu ce traité avec les Français, les Britanniques et les Américains, et c'est le Canada qui en est responsable dans le cadre des responsabilités qui lui viennent de la Grande-Bretagne. Ce traité a créé deux nations distinctes.

La responsabilité et les principes qui sous-tendent ce traité, c'est que nous vivons ensemble sur un même territoire. Nous devons cohabiter et respecter notre mode de vie mutuel, tout en demeurant des nations distinctes.

Le wampum à deux rangs se compose de perles de wampum. Il compte deux rangs de perles violettes, qui représentent les rapports entre les deux nations. La Gus wen tah représente la rivière de la vie; donc, quand ce traité a été signé avec les nations colonisatrices, nos responsabilités mutuelles consistaient à nouer des liens d'amitié, et à apprendre à nous respecter et à nous faire confiance. Et les deux nations ont accepté cette relation.

Sur un côté de la ceinture, on trouve une ligne qui représente l'O:gwe ho wen hya. Elle symbolise notre mode de vie et notre façon de faire, notre façon de mener notre canoë dans la rivière de la vie.

L'autre côté de la ceinture représente les valeurs eurocentristes des colonisateurs, leurs croyances, leurs traditions et leur langue, les choses qu'ils avaient dans leur navire. C'est l'idée qui sous-tend la ceinture wampum à deux rangs et la création de cette relation entre nos deux nations.

Le Canada a violé le Traité du wampum à deux rangs. Cette violation a été imposée aux peuples autochtones de notre pays par l'application d'une Constitution à laquelle ils n'ont pas participé.

La Loi sur les Indiens est une des lois en cause. C'est une des lois les plus racistes au Canada, et elle a engendré des actes véritablement génocidaires contre les peuples autochtones du pays. Elle a changé notre mode de vie. Elle a eu des effets sur notre autodétermination. Elle a changé l'O:gwe ho wen hya. Elle a donné naissance à un langage et à des termes qui ne décrivent pas notre mode de vie, par exemple les notions de «droits» et d'«autonomie gouvernementale.» Ce ne sont pas des mots de notre langue. Ce sont des mots français qui ont été créés pour décrire la vie des peuples autochtones et qui ont été appliqués à notre mode de vie. Le langage ainsi créé est différent pour les Hodinohso:nis, parce que nous préférons parler de «responsabilités.» Ce sont des responsabilités plus que des droits, des responsabilités que les femmes exercent par leurs rôles au sein de la communauté, en tant que mères et dirigeantes.

Il y a aussi une dichotomie entre l'individuel et le collectif, qui n'a jamais fait partie de notre mode de vie. Les mots «individuel»et «collectif» sont une création des gouvernements eurocentristes.

C'est ce qui a donné naissance à l'expression «diffusionnisme eurocentriste.» Je voudrais vous lire une citation à ce sujet-là. Elle vient du document que Mme Eberts et moi avons soumis au Sénat. C'est une citation de Robert Williams. Le diffusionnisme eurocentriste est un produit de la colonisation, que Robert Williams décrit comme suit:

La colonisation du Nouveau Monde par les Européens supposait le remplacement d'un groupe culturel par un autre cherchant à exercer son droit à l'autonomie gouvernementale sur le même territoire et au titre des mêmes ressources. Les objectifs d'exploitation de la colonisation européenne renvoyaient donc à une forme de discrimination raciale qui déniait des droits égaux aux peuples colonisés.

Voilà ce dont je veux parler quand je dis que le Traité du wampum à deux rangs n'a pas été respecté. Ces droits nous appartenaient à l'origine; nous avions déjà un système juridique, un système social, diverses choses qui nous définissaient comme peuple.

Le juge Berger a décrit lui aussi ce que j'appelle le diffusionnisme eurocentriste. Il a dit en 1979:

L'homme a imprimé sa marque distincte sur le monde qui l'entoure. Ses valeurs, ses idées, sa langue et ses institutions traduisent la façon dont il se perçoit et perçoit le monde. C'est ce qui constitue sa culture. Tous les peuples s'efforcent de transmettre ces choses d'une génération à l'autre et de garantir la pérennité de leur savoir et de leurs croyances. Nous avons cherché à effacer la mémoire des Autochtones (leur histoire, leur langue, leur religion, leur philosophie) et à la remplacer par la nôtre.

Et voici une autre description du diffusionnisme eurocentriste:

S'appuyant sur des modèles de sociétés de consommation, d'économie de marché et d'organisation sociale moderne (occidentale) à la supposée valeur intrinsèque, ils ont tendance à établir la supériorité mythique indiscutable de la culture (et notamment de la culture politique) du paradigme judéo-chrétien du monde dit libre et à asseoir comme notion conventionnelle l'idée que d'autres conceptions à cet égard sont rétrogrades, périmées et, pour cette raison même, inférieures, sinon négligeables.

Le diffusionnisme eurocentriste a eu des répercussions sur l'O:gwe ho wen hya. Notre mode de vie n'a pas été accepté comme un mode de vie authentique et valable. Quand nous regardons ces définitions et que nous examinons les résultats de la colonisation, nous constatons la violence dont les femmes autochtones sont victimes depuis la colonisation. Et nous voyons aussi les valeurs patriarcales qui existent depuis l'adoption de la Loi sur les Indiens.

Notre Hodinohso:ni avait un gouvernement autonome traditionnel, exercé par ses chefs et ses mères de clans. En 1924, la Loi sur les Indiens a été imposée par la force aux chefs traditionnels et aux mères de clans; elle les a chassés de leur propre édifice.

En raison des pratiques qui ont cours dans la communauté, nous devons maintenant faire face à une oppression interne. Ce qui se passe dans nos communautés, c'est que nous avons très bien appris ce que les oppresseurs ont fait à nos gens, et nous faisons maintenant la même chose entre nous.

Nous avons aujourd'hui un problème interne de violence contre les femmes. Nous devons donc déterminer ce qu'il faut faire de cette loi. C'est le système qui a engendré ces violations contre bien des générations de femmes autochtones. Mon associée, Mme Eberts, va continuer.

Mme Mary Eberts, co-auteure de l'ouvrage intitulé: Les biens matrimoniaux dans les réserves: Je vous remercie non seulement de nous avoir invitées à venir vous parler, mais aussi d'avoir accepté cette tâche importante.

En 1999, l'Association des femmes autochtones du Canada a intenté contre Sa Majesté la Reine une poursuite en vertu de la Charte des droits et libertés en invoquant un certain nombre de conventions internationales sur les droits de la personne.

Cette poursuite visait à obtenir une décision judiciaire selon laquelle il était contraire à la Charte des droits qu'un groupe de femmes du Canada, défini principalement selon un critère racial, soit en marge de la loi. Cette affaire, dans laquelle Mme Jacobs et moi représentons conjointement l'Association des femmes autochtones, dure depuis 1999.

Quand la poursuite a commencé, il n'y avait aucune activité politique sur cette question au niveau du gouvernement fédéral. Il y avait eu certains documents dont les auteurs critiquaient le manque de protection et d'accès à la loi pour les femmes vivant dans les réserves, et la communauté internationale s'intéressait beaucoup au problème.

Nous sommes heureuses de souligner que la situation a changé. Le gouvernement fédéral a commencé à réfléchir à une politique à cet égard, et les comités comme celui-ci mettent en lumière notre déplorable situation. Nous croyons que votre comité peut servir à la fois de chien de garde et de source d'inspiration pour les activités du gouvernement fédéral en vue d'apporter une solution à ce qu'on peut qualifier de scandale.

C'est effectivement un scandale que les femmes les plus vulnérables de notre pays soient justement celles auxquelles la règle de droit ne s'applique pas. C'est un fait, que confirment les données de Statistique Canada et que reconnaît le plus haut tribunal du pays.

Permettez-moi maintenant de vous faire quelques commentaires de nature plus théorique et juridique. Les décisions rendues en 1986, dans les affaires Derrickson c. Derrickson et Paul c. Paul, indiquaient clairement que les lois provinciales sur la propriété familiale ne s'appliquent pas dans les réserves. Ces décisions privaient les femmes autochtones vivant dans des réserves de trois types de protection. L'élément mentionné le plus souvent dans la description des travaux comme les vôtres et les analyses de politique au gouvernement fédéral, c'est la division des biens immobiliers matrimoniaux en cas de rupture du mariage. Il y a cependant d'autres mesures provisoires très importantes qui sont également hors de portée des femmes autochtones vivant dans les réserves: les ordonnances d'occupation ou de possession du foyer matrimonial en sont une, de même que les ordonnances de protection et les ordonnances d'interdiction de molester afin de garder un conjoint violent loin de la maison.

Depuis 1986, les provinces ont adopté une foule de lois visant à fournir des mécanismes pour protéger les femmes et les enfants contre la violence dans leur foyer. Toutes ces lois sont actuellement inaccessibles pour les femmes qui vivent dans des réserves, à cause d'un problème constitutionnel.

Quand vous ferez vos recommandations, il ne faudrait surtout pas négliger l'importance des mesures de redressement provisoire. Les ordonnances concernant l'occupation du foyer matrimonial et l'interdiction de molester sont essentielles à la stabilité des enfants en cas de rupture du mariage, et elles permettent de protéger à la fois les femmes et les enfants avant même que la question de la division des biens soit abordée.

Nous vous demandons très respectueusement de vous rappeler que les femmes des réserves vivent depuis 17 ans sans la protection dont bénéficient les autres Canadiennes et que le temps a eu un effet sur ces femmes.

Les femmes de toute une génération ont appris à n'espérer absolument aucune protection en cas de rupture du mariage; elles sont donc prêtes à se contenter de moins — ou plus susceptibles d'y être forcées — dans un règlement négocié globalement, surtout quand ce règlement est établi entièrement sur une base communautaire.

Deuxièmement, des femmes qui pourraient maintenant être des leaders et des anciennes de leur communauté sont déjà parties parce qu'elles n'ont bénéficié d'aucune protection quand leur mariage s'est terminé. Souvent, elles ne sont pas allées seulement au coin de la rue ou quelques maisons plus loin; elles sont rendues à Winnipeg, à Vancouver, à Toronto ou dans d'autres grands centres urbains où elles se retrouvent en dehors du cadre de leadership et où elles ont perdu la capacité d'exercer leur leadership dans leur communauté.

Nous demandons donc au Sénat, quand il formulera ses recommandations, d'inclure le droit des femmes autochtones à participer pleinement au processus visant à en arriver à un règlement satisfaisant dans la communauté. L'idée qu'il y a deux ensembles de droits — un pour les particuliers et un autre pour la collectivité — et qu'ils sont nécessairement en conflit mérite d'être examinée de plus près. C'est une fausse dichotomie parce que l'absence de femmes fortes nuit à la communauté. Tout régime qui pousse les femmes à s'exiler à la suite de conflits matrimoniaux, parce que les mécanismes nécessaires pour qu'elles restent dans la communauté n'existent pas, ne nuit pas seulement aux femmes elles-mêmes, mais à toute la communauté. Cette pensée dichotomique, qui met la personne d'un côté et la communauté de l'autre, n'a pas sa raison d'être.

Il serait très utile d'envisager des solutions à moyen et à long terme. Nous savons que le gouvernement du Canada a annoncé qu'il était prêt à négocier des traités, des accords d'autonomie gouvernementale ou des accords de gestion du territoire avec des communautés autochtones. Pourtant, comme nous le faisons remarquer dans notre document, cette entreprise se déroule à un rythme extrêmement lent, et les conditions que le gouvernement fédéral impose aux communautés autochtones, simplement pour amorcer les négociations, sont parfois trop exigeantes. Si nous comptons sur ce long processus de négociations pour en arriver à une solution et si ce processus demeure incomplet ou irrésolu, que ce soit au niveau national ou pour une communauté donnée, les femmes de cette communauté vont continuer de vivre sans la protection de la loi.

Sans vouloir nier l'autonomie et l'intégrité des communautés autochtones, il serait bon d'envisager une solution provisoire, que ce soit en ajoutant des mécanismes dans la Loi sur les Indiens elle-même ou en adoptant tout simplement en attendant, par exemple, des lois provinciales sur la propriété. Cependant, cette solution provisoire, quelle qu'elle soit, devrait être d'une durée déterminée afin de ne pas avoir pour effet de relever le gouvernement fédéral de son obligation de négocier.

J'aimerais vous parler d'une dernière chose, à savoir l'héritage que nous a laissé la Loi sur les Indiens et ce qu'il signifie pour la solution qui sera élaborée afin de remédier au vide actuel.

À mes yeux, les règles actuelles de la Loi sur les Indiens au sujet du mode d'occupation des terres font partie d'un projet colonialiste conçu pour forcer les peuples autochtones à s'assimiler et mettre leurs terres à la disposition des colons blancs. La commission Bagot, en 1844, recommandait d'encourager les Indiens à adopter un mode d'occupation selon lequel des particuliers pourraient posséder des parcelles de terres et les échanger entre eux, et de tenir un registre foncier distinct pour les Indiens. Cela revenait ni plus ni moins à une école de formation pour inciter les Autochtones à adopter l'attitude européenne à l'égard des terres. Cette école de formation a été adoptée et intégrée à la Loi sur les Indiens. Elle fait partie du régime d'occupation prévu par la Loi sur les Indiens, un régime semi-individualisé et semi- privatisé.

La Loi sur les Indiens prévoyait une émancipation obligatoire et une émancipation volontaire. Quand des hommes étaient émancipés de force parce qu'ils avaient osé faire des études supérieures, ou pour d'autres raisons, on leur donnait des terres; mais quand les femmes étaient émancipées de force, elles n'en obtenaient pas. Une fois que ces terres se retrouvaient en possession d'un particulier européanisé, elles ne faisaient plus partie des terres collectives.

La Loi sur les Indiens, depuis son adoption, est pleine de mécanismes dont l'État s'est servi pour priver les communautés de leurs terres et pour mettre ces terres à la disposition des Européens qui voulaient les exploiter.

Cette forme semi-individualisée d'occupation des terres, représentée aujourd'hui par les certificats de possession, est venue se greffer à une forme d'occupation communale créée par la Loi sur les Indiens. La Couronne détenait les titres de propriété, et elle traitait uniquement avec la bande en entier pour les décisions majeures, par exemple les cessions. Ce type de processus décisionnel, qui a commencé avec la Proclamation royale de 1673, visait au départ à protéger les terres autochtones de l'afflux des colons qui souhaitaient exploiter ces terres. Cependant, il a rapidement évolué jusqu'à ce que le gouvernement du Canada ne soit plus qu'un intermédiaire monopolistique pour les superficies décroissantes des terres autochtones. La Loi sur les Indiens a fait en sorte que seule la Couronne pouvait s'occuper des terres autochtones. Il est possible aujourd'hui de retracer comment la Couronne, par ses dispositions législatives, a permis aux exploitants blancs de s'approprier des terres de plus en plus facilement.

Cependant, l'exigence relative au consentement collectif pour le transfert de terres a été intégrée à la loi, et c'est un des éléments du régime d'occupation communale prévu par la Loi sur les Indiens. Cette loi a créé un titre communal de propriété foncière, qui n'a rien à voir avec l'occupation communale des terres avant les premiers contacts. Par conséquent, dans votre recherche d'une solution aux problèmes créés par la Loi, je vous demande instamment de ne pas retenir, à long terme, une solution qui serait exprimée dans les termes de cette loi et selon les idées sur lesquelles elle repose, ce qui a déjà entraîné énormément de problèmes. La Loi a été le mécanisme utilisé par la Couronne pour la médiation de ses rapports avec les Autochtones au sujet de leurs terres, dont la superficie était de plus en plus réduite.

Depuis le tout début, la Loi sur les Indiens a privé les femmes de leur rôle dans les bandes et les réserves. En 1869, les Indiennes qui épousaient des non-Indiens perdaient leur statut en vertu de la Loi. Cette situation a duré 135 ans, et la solution — le projet de loi C-31 — apportée en 1985 est imparfaite et a laissé une grande dévastation dans son sillage.

Le projet de loi C-31 a été contesté en vertu de la Charte au nom de la famille Perron, une famille mohawk de Tyendinaga qui conteste le fait que ses dispositions ne s'appliquent pas à la deuxième génération.

Nous avons maintenant une population de femmes qui ont été exclues de la gouvernance et de la prise de décisions. Le régime d'occupation des terres créé en 1869 les a même empêchées de posséder des terres.

Ce n'est que tout récemment que des femmes des réserves ont commencé à reprendre la position qu'elles occupaient auparavant dans leur communauté, grâce aux modifications apportées à la Loi sur les Indiens. Ce sont ces femmes qui prennent les décisions matrimoniales concernant la propriété matrimoniale.

Selon les communautés, les autorités ne sont pas toujours sensibles aux intérêts et aux besoins de ces femmes. Beaucoup de femmes visées par le projet de loi C-31 vivent dans des communautés qui ne sont pas leur communauté d'origine, tandis que d'autres se sont battues pour retourner chez elles, mais pourraient avoir à repartir à cause de ces règles. Nous exposons dans notre document, aux pages 20 et suivantes, quelques-unes des subtilités des règles actuelles à cet égard.

La présidente: Merci beaucoup. J'ai bien envie de vous demander où est passée la société matriarcale.

Le sénateur Beaudoin: Madame Eberts, je suis content de vous revoir. Votre connaissance du sujet m'impressionne.

Mme Eberts: Même si je ne suis pas toujours d'accord avec vous. C'est très gentil à vous.

Le sénateur Beaudoin: Les juristes ne s'entendent pas toujours sur tout.

Mais vous avez raison de dire que la situation est scandaleuse.

Il y a une chose que je ne comprends vraiment pas, par suite de la modification constitutionnelle de 1983. À ce moment-là, le premier ministre Trudeau a fait des efforts considérables pour établir l'égalité entre les hommes et les femmes autochtones. Je ne comprends pas pourquoi le droit applicable dans les réserves n'est pas conforme à cette modification constitutionnelle. C'est scandaleux, et la situation des femmes des réserves est effectivement désastreuse. La Loi sur les Indiens sera peut-être corrigée, mais il faudrait lui apporter tellement de modifications que je me demande si nous ne devrions pas adopter tout simplement une nouvelle loi.

Vous avez écrit diverses choses sur les biens matrimoniaux dans les réserves. C'est très intéressant. Qu'est-ce que vous proposez de faire? Est-il possible de sauver la Loi sur les Indiens simplement en la modifiant, ou faut-il faire autre chose sur le plan législatif?

Mme Eberts: J'imagine que vous voulez parler de l'article 35 de la Loi constitutionnelle, et plus particulièrement du paragraphe (4). C'est une des dispositions sur lesquelles se fonde l'Association des femmes autochtones dans le litige qui l'oppose à la Couronne fédérale. On nous a signifié une motion selon laquelle il n'existe pas de droits ancestraux soutenant l'accès à une juste détermination des biens matrimoniaux ou à une protection particulière dans les réserves. Cette motion nous a déjà été signifiée et elle doit faire l'objet d'une audience de la Cour fédérale le 21 octobre. La position officielle de la Couronne, c'est que l'article 35 ne nous aide pas. La Cour suprême du Canada l'interprète de façon beaucoup trop restrictive. Elle se fonde uniquement sur des activités et ne tient pas compte du point de vue holistique et de l'approche intégrée de la communauté dont vous a parlé Mme Jacobs.

Pour ce qui est des injustices très profondes et persistantes dont souffrent les femmes des réserves, le problème réside certainement en partie dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et dans le fait que la Loi sur les Indiens a été soustraite pendant si longtemps à l'application de cette loi. Cette situation a créé une zone de non-application des droits de la personne pour les Autochtones de notre pays.

De façon plus générale, nous nous disions justement ce matin que nous allions écrire un livre au sujet de la Loi sur les Indiens parce qu'elle présente de très nombreuses lacunes.

Personnellement, en tant que Blanche, je dirais que je ne suis pas la mieux placée pour exprimer mes vues sur cette question. Une partie du problème, dans notre pays, c'est que les Européens blancs dictent depuis trop longtemps ce qu'il devrait advenir des Autochtones. Je me sens obligée de vous parler de ce qu'il serait possible de faire pour alléger, dans le cadre existant, le fardeau que nous avons imposé aux Autochtones, mais il me semble aussi que nous devons respecter les voeux des Autochtones au sujet de ce cadre. Je vais laisser à ma collègue le soin de répondre au reste de votre question.

Mme Jacobs: La Loi sur les Indiens est une des lois les plus racistes au Canada, et elle ne devrait pas exister.

Le sénateur Beaudoin: Toute la Loi? Votre réponse me réjouit; continuez.

Mme Jacobs: Oui, toute la Loi. Mais il serait possible de résoudre le problème en veillant à ce que les nations du Canada soient dûment consultées sur ce qui devrait se faire dans les communautés autochtones. Les peuples autochtones du Canada ne sont pas tous pareils. Par conséquent, si vous essayez d'adopter une loi pour remplacer la Loi sur les Indiens, il faudra peut-être quelque chose de différent pour chaque nation. Il se pourrait que certaines nations souhaitent conserver des éléments de la Loi sur les Indiens; il serait donc possible d'incorporer certaines de ses dispositions dans la nouvelle loi. Un des objectifs à long terme, c'est de tenir compte des besoins de chacune des nations. Nous devons nous demander ce que chacune souhaite pour résoudre les problèmes créés par la Loi sur les Indiens.

Le système de réserves n'existe que depuis la mise en application de la Loi sur les Indiens. Les terres et les territoires traditionnels de chacune des nations autochtones ont été établis par des traités. Nous essayons depuis trop longtemps de nous conformer au paradigme eurocentriste.

Pourquoi ne pas adopter une approche autochtone pour essayer de voir comment les choses devraient se faire et ce qu'il faut changer pour nous permettre de conserver notre mode de vie?

Le sénateur Beaudoin: Je trouve la Loi sur les Indiens paternaliste. L'esprit de cette loi semble remonter à un autre siècle, et il ne convient pas aux problèmes que nous avons à résoudre aujourd'hui. En ce sens, la Loi est désuète. J'aurais tendance à dire qu'il faut adopter une nouvelle loi inspirée par les nations autochtones. Je sais que c'est une grosse entreprise, mais c'est important.

Nous devons respecter l'article 35 de la Constitution, et en particulier le paragraphe 35(4). J'ai l'impression que les Autochtones vivent dans une ère juridique qui n'est même pas conforme à la Constitution. Ce sont des égaux, et toutes les lois devraient le refléter.

L'article 28 de la Charte des droits et libertés ne nous donne pas le choix, et nous avons modifié de nombreuses lois fédérales. Nous devons faire de même avec les lois sur les Autochtones par suite des modifications de 1983. Nous n'avons pas le choix. Si nous ne le faisons pas, c'est inconstitutionnel.

Vous connaissez la Loi sur les Indiens beaucoup mieux que moi, mais j'en sais assez pour conclure qu'elle ne convient pas à l'époque à laquelle nous vivons. Nous devrions peut-être demander aux Indiens ce qu'ils veulent et créer une autre loi à leur intention.

Mme Jacobs: Nous avons ce qu'on appelle la Loi sur la gouvernance des Premières nations, qui est censée être une nouvelle loi; mais elle a été créée unilatéralement par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce que le gouvernement fédéral a consulté les peuples autochtones?

Mme Jacobs: Il soutient qu'il les a consultés, mais il a appliqué ses propres mécanismes pour décider qui devait participer aux rencontres et qui était susceptibles d'approuver la Loi sur la gouvernance des Premières nations. S'il doit y avoir une nouvelle loi, il faut de véritables consultations.

Je viens d'une famille traditionnelle de la Confédération hodinohso:ni. S'il y avait eu de véritables consultations, nos chefs et nos mères de clans auraient été consultés, ce qui n'est pas le cas.

Le sénateur Beaudoin: Nous sommes obligés de les consulter. Nous avons une obligation fiduciaire envers les Autochtones, et cela commence par la consultation.

Mme Jacobs: En effet.

Le sénateur Beaudoin: Je ne veux pas prendre trop de temps, mais je trouve cette situation scandaleuse.

Mme Eberts: Quand l'apartheid a pris fin en Afrique du Sud, ce n'est pas grâce à un acte unilatéral d'un gouvernement blanc qui continuait à considérer la population noire d'Afrique du Sud comme ses enfants. La fin de l'apartheid en Afrique du Sud a été une décision vraiment nationale, prise par toutes les communautés du pays. Les leaders blancs ont dirigé ce qu'ils pouvaient diriger, lorsque c'était approprié, et les leaders noirs ont fait la même chose de leur côté. C'était une priorité nationale, que tout le pays a contribué à mettre en place, et non une décision d'une assemblée législative qui aurait adopté une nouvelle loi pour dire aux Noirs quelle était leur nouvelle place dans la société.

Il y a eu beaucoup d'études et beaucoup de consultations, à petite et à grande échelle, et elles ont été plus ou moins satisfaisantes. La grande campagne de consultations la plus récente est celle de la Commission royale sur les peuples autochtones. Comme vous le savez tous, son rapport s'intitulait «Vers un ressourcement», mais il semble plutôt se diriger «vers l'oubli.»

Il n'y a pas de volonté législative ou de volonté politique au niveau du gouvernement fédéral, qui n'est pas prêt à admettre qu'il ne fait pas les choses comme il faut depuis plus de cent ans. Il faut travailler avec les Autochtones, dans un véritable partenariat, dans l'esprit des traités originaux.

Nous n'avons pas besoin d'une autre loi fédérale. Je le dis en tant que Blanche, dont la famille est arrivée ici en 1803 et a volé les terres des gens qui forment ce qu'on appelle aujourd'hui la Première nation de Walpole Island, dans ce qu'on appelle aujourd'hui le comté d'Essex. Il faut regarder en arrière pour voir où nous, les nouveaux venus, nous avons pris le mauvais virage et il faut renégocier une nouvelle entente nationale. Ce processus débordera largement l'adoption d'une nouvelle loi.

Entre temps, pour que les communautés qui vont s'asseoir à la table de négociations puissent être aussi fortes que possible et avoir autant de leadership féminin que possible, je vous implore de corriger en priorité les aspects de la Loi sur les Indiens qui portent sur les biens matrimoniaux.

Tout est en place pour des consultations plus vastes. Mais nous n'avons tout simplement pas la volonté politique, au Canada, pour faire ce que nous avons à faire.

La présidente: Merci, madame Eberts.

Le sénateur Joyal: Nous semblons tous d'accord pour dire qu'il faudrait commencer par le paragraphe 35(4), qui consacre l'égalité des droits des hommes et des femmes autochtones. Nous semblons également nous entendre sur la responsabilité fiduciaire de la Couronne, dont le sénateur Beaudoin a parlé brièvement.

Vous dites que l'article 35 est trop orienté vers une définition fondée sur les activités. J'aimerais que vous nous en disiez plus long là-dessus. La Cour suprême a offert une interprétation de l'article 35 dans son dernier arrêt. Je vais vous lire le paragraphe 45 de la décision qu'elle a rendue le 19 septembre, il y a quelques semaines à peine, dans l'affaire Powley.

Bien que l'article 35 protège les droits «existants,» il ne constitue pas une simple codification de la common law. Cette disposition exprime une nouvelle promesse: en l'occurrence un engagement constitutionnel à protéger les pratiques qui, historiquement, étaient des caractéristiques importantes du mode de vie des communautés autochtones concernées.

Cette affirmation me paraît, comme vous dites, «holistique.» Elle semble considérer les communautés autochtones comme un tout, comme une société, et pas seulement en fonction des titres de propriété, comme vous l'avez dit. Cela semble être l'interprétation de la Cour suprême, du moins dans l'arrêt Powley, qui concerne les Métis. La cour semble avoir reconnu que les Métis forment une nation autochtone au même titre que les autres nations autochtones. On dirait bien qu'elle souhaite donner à l'article 35 une application beaucoup plus générale. Autrement dit, la cour reconnaît dans l'article 35 les caractéristiques des sociétés autochtones avant les premiers contacts.

C'est à mon avis une étape très importante dans la définition des positions de négociations futures parce que nous pourrions vouloir réécrire la Loi sur les Indiens, comme l'a dit le sénateur Beaudoin, Je pense qu'il y a un certain consensus là-dessus, comme l'a laissé entendre la commission Dussault-Erasmus.

Cependant, nous devons commencer par un point commun, et l'interprétation que la Cour suprême fait de l'article 35 donne à penser que ce point commun pourrait être la situation des sociétés autochtones avant l'arrivée des Européens.

À votre avis, est-ce que c'est suffisant en termes de paramètres pour aider à définir une approche qui pourrait mener à des résolutions positives?

Mme Eberts: Je vais commencer par vous faire quelques observations spécifiques au sujet de la jurisprudence concernant l'article 35, après quoi je vais laisser ma collègue vous faire ses commentaires.

La jurisprudence sur l'article 35 s'est développée au cas par cas. Depuis son adoption, l'article 35 a été invoqué le plus souvent en défense dans des poursuites ou dans d'autres affaires qui portaient sur des activités précises, par exemple la pêche ou la récolte des produits de la mer, la chasse, l'exploitation forestière et le transport transfrontalier de marchandises, et qui ne concernaient qu'une seule communauté.

Toutes ces causes se rattachaient à une revendication précise d'une communauté au sujet de ses pratiques historiques; l'affaire Powley portait sur le droit de chasser l'orignal dans une région donnée, tandis que d'autres affaires portaient par exemple sur le droit d'importer des marchandises de l'actuelle ville de New York dans ce qui est aujourd'hui le Canada, ou encore sur le droit de pêcher certaines espèces de poisson ou autre chose. Par conséquent, la doctrine s'est développée autour de ces activités, et la doctrine de la Cour suprême du Canada est orientée vers des activités ou des pratiques précises; l'affaire Powley ne fait pas exception puisqu'elle portait sur la chasse à l'orignal.

Toutes ces causes ont donné lieu à des batailles épiques entre historiens et anthropologues afin de déterminer si une méthode particulière pour ramasser les oeufs sur le varech, par exemple, constituait une pratique historique de la nation concernée. C'est ce qui a défini l'article 35.

Dans l'affaire Perron, Mme Jacobs et moi soutenions que l'article 35 confirme le droit, pour tous les Autochtones, d'appartenir à une nation. Cela s'apparente davantage à une façon d'être, ou à une façon d'être dans le monde, plutôt qu'à une activité donnée qui se pratiquait avant les premiers contacts avec les Européens.

Dans la cause qui oppose les femmes autochtones au Canada, le Canada prétend que l'article 35 ne protège pas les droits des femmes autochtones. Nous allons alléguer de notre côté que ces femmes ont le droit, en cas d'éclatement de la famille, d'être honorées, d'être respectées et d'avoir des moyens de subsistance. Il ne s'agit pas d'un droit spécifique inhérent à une nation donnée, à un moment et à un endroit donnés; cela se rattache au fait même d'être Autochtone.

Tout ce que nous avons obtenu dans l'affaire Perron, en invoquant l'article 35 pour soutenir que tout le monde a le droit d'appartenir à une nation, c'est le droit de pousser plus loin cet argument, de passer à l'étape suivante de notre argumentation. Et je soupçonne que, si nous avons gain de cause, tout ce que nous tirerons de notre motion sur les biens matrimoniaux, ce sera le droit de pousser plus loin cet argument-là aussi.

Tant que l'article 35 restera fondé sur des activités, tant qu'il sera limité à une nation et à un moment dans l'histoire, il ne remplira pas la promesse que vous avez évoquée et que bien des gens de l'ère Trudeau ont aussi évoquée, tout comme ceux qui ont participé aux négociations.

Un autre aspect très difficile de la jurisprudence actuelle de la Cour suprême, c'est que, même si la cour affirme que l'autonomie gouvernementale peut être une activité comme les autres, elle a dit aussi qu'elle ne reconnaîtrait rien, en vertu de l'article 35, qui ferait interférence avec la souveraineté canadienne. Seuls les éléments conformes à la souveraineté canadienne peuvent être inclus dans les droits garantis aux Autochtones conformément à l'article 35. Je vais citer l'affaire Mitchell, sur l'importation de certaines marchandises provenant des États-Unis, pour illustrer cet argument.

Mme Jacobs: Le fondement de l'article 35, en ce qui concerne la notion d'égalité, c'est que les nations sont censées être égales au départ. Cependant, les nations autochtones ne sont pas égales aux autres au départ, dans la réalité canadienne actuelle, et cela se rattache à la notion de souveraineté canadienne. Nous avons une souveraineté autochtone et une souveraineté canadienne, mais elles ne sont pas égales. Selon le Canada, les Autochtones sont des sujets de la Couronne. Ce qui veut dire qu'ils ne forment pas un peuple souverain. Donc, le problème dès le départ, c'est qu'il n'y a pas d'égalité parce que la souveraineté autochtone n'est pas reconnue.

L'autre problème que pose l'article 35, de même que la notion des droits existants et de la protection des pratiques représentant des caractéristiques importantes des communautés autochtones, c'est l'existence de ces droits et de ces pratiques avant les premiers contacts. S'ils existaient avant, cela implique la souveraineté et l'autodétermination. Cela signifie que les peuples autochtones devraient être souverains et se gouverner eux-mêmes.

Il existe des gouvernements traditionnels depuis les premiers contacts. Donc, ils sont ultérieurs à la naissance du Canada, puisqu'on remonte toujours à cette idée de ce qui existait avant les premiers contacts et de ce qui n'existe plus depuis que le Canada est devenu le Canada. Qu'est-il advenu des nations qui ont continué d'exister?

L'affaire Mitchell concernait la communauté mohawk. La souveraineté du peuple mohawk a été réduite par l'imposition de ces limites à la communauté et à la nation. L'article 35 crée des définitions, dans le régime juridique, que les communautés autochtones ont déjà adoptées selon leur langue et leur identité. Tout ce qui se passe à cause de cela crée cette inégalité qui existe depuis le début.

Le sénateur Joyal: Comment définiriez-vous l'obligation de fiduciaire de la Couronne de manière à ce que le droit à l'autodétermination de la nation autochtone soit dûment pris en compte dans l'exercice de cette obligation par la Couronne, en particulier en ce qui a trait à la question des biens matrimoniaux?

Mme Eberts: Selon une décision récente de la Cour suprême du Canada, la notion d'obligation de fiduciaire de la Couronne ne s'applique pas aux activités législatives du Canada. Le juge Binnie a rendu cette décision dans une cause concernant deux nations de la Colombie-Britannique. Je veux parler de l'arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada. L'arrêt Wewaykum affirme que l'obligation de fiduciaire de la Couronne est une notion que la Cour suprême accepte d'appliquer uniquement aux actions du gouvernement et non pas à ses activités législatives.

Nous nous sommes heurtés à cette notion dans l'arrêt Perron, étant donné que nous avions argué dans notre exposé justificatif que l'obligation de fiduciaire de la Couronne entraînerait l'adoption d'une législation pertinente qui redonnerait aux femmes et aux autres personnes qui avaient perdu leur statut en vertu de l'ancienne loi, la place qui leur revient dans leurs communautés, plutôt que de procéder génération par génération.

La Couronne fédérale a présenté et le tribunal a accepté sur la base de l'arrêt Wewaykum, la proposition selon laquelle l'obligation de fiduciaire s'applique seulement aux actes de la Couronne fédérale et, en particulier, le concept très étroit établissant un lien entre son obligation de fiduciaire et sa responsabilité en matière de gestion des terres.

Il est clair qu'un tribunal s'efforcera d'établir un lien entre le principe de fiduciaire et la gestion des terres si cela est possible, mais ce n'est pas toujours le cas. Dans le contexte matrimonial, il n'est pas question des actes de la Couronne en matière de gestion des terres, mais plutôt d'un régime législatif et constitutionnel hostile à la protection de ces intérêts.

Compte tenu de l'interprétation altérée que la Cour suprême fait de l'obligation de fiduciaire et de l'article 35, toute argumentation raisonnée fondée sur l'obligation de fiduciaire se heurte au mur que constitue l'arrêt Wewaykum.

Si l'on considère essentiellement que le gouvernement fédéral a un rôle de fiduciaire, on peut poursuivre le raisonnement un peu plus loin et commencer à s'interroger sur la perspective de la responsabilité du gouvernement fédéral en tant que signataire de tous les traités. Il s'agit là d'un lien très ancien que le gouvernement fédéral a en grande partie négligé.

Si l'on se heurte à la jurisprudence étroite de la Cour suprême dans son interprétation de la Loi sur les Indiens, il faut revenir à la proclamation de 1763. C'est là qu'est définie la véritable relation de fiducie.

Mme Jacobs: En vertu de l'obligation de fiduciaire, le gouvernement fédéral est tenu de rendre des comptes aux peuples autochtones. Or, il ne s'est jamais soumis à cette obligation de rendre compte. Le gouvernement fédéral n'a jamais été tenu de justifier ce qu'il avait fait de l'argent et des terres qu'il avait vendues. Nous tentons, au sein des Six- Nations, de retracer l'argent qui a été confié aux Affaires indiennes.

Si le gouvernement a une responsabilité ou une obligation de fiduciaire, il faut remettre en question cette responsabilité et cette obligation. Il faudrait définir cette responsabilité lorsqu'elle s'applique à la souveraineté et aux enjeux qui concernent les communautés autochtones. Il faudrait définir le lien avec le Canada lorsque s'applique cette obligation de fiduciaire. Pendant un certain temps, les Autochtones ont été privés de cette souveraineté. Les Autochtones n'ont jamais reçu aucun compte rendu de l'utilisation de leur argent et leurs terres ont été volées. Tout cet argent devrait revenir à la communauté autochtone. Il leur appartenait depuis le début. Mais pour commencer, il faut définir la responsabilité.

Le sénateur Joyal: Je reconnais que le gouvernement fédéral n'a pas assumé sa responsabilité. En vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle, le gouvernement fédéral a une responsabilité envers les peuples autochtones. Le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les Indiens. Cette loi est soumise à la Charte et à la Constitution. Elle est assujettie à l'article 28 de la Charte qui établit un principe d'égalité des droits pour les hommes et les femmes dans notre Constitution ou, si la Charte ne s'applique pas, on peut alors invoquer l'article 35 puisque le gouvernement du Canada l'a confirmée en adoptant l'article 35. Le gouvernement s'est volontairement assujetti au paragraphe 35(4) de la Constitution.

En clair, cela signifie que le gouvernement doit respecter le principe d'égalité des hommes et des femmes autochtones, puisqu'il a légiféré sur les peuples autochtones de manière générale, notamment les Indiens, les Inuits et les Métis. Une situation comme celle que vous avez décrite est contraire au principe de la Constitution.

C'est, d'après moi, afin d'éluder sa responsabilité immédiate que le gouvernement du Canada repousse la discussion ou la négociation de cette question dans un contexte plus large. La Constitution impose une responsabilité au gouvernement du Canada qui s'est lui-même engagé à respecter l'égalité. Quoi de plus normal que de respecter ces dispositions dans nos activités législatives?

Mme Eberts: Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur, et vous avez utilisé l'expression «responsabilité immédiate» qui est une notion importante. Les documents constitutionnels précisent cette responsabilité à plusieurs reprises. Le paragraphe 15(1) de la Constitution se lit comme suit:

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Dès lors que certaines femmes identifiées par leur race et par leur lieu de résidence déterminé en fonction de leur race ne bénéficient pas de la protection en vertu de loi en raison de la rupture de leur mariage, on peut dire que ces femmes ne sont pas égales devant la loi. Elles n'ont pas droit à la même protection et au même bénéfice de la loi. Si le gouvernement fédéral est tenu de leur offrir cette protection parce qu'il dispose de l'autorité législative en vertu du paragraphe 91(24), il ne peut invoquer la compétence du gouvernement provincial en matière de droits de propriété et de droit de la personne.

Le gouvernement fédéral est tenu par la loi d'offrir la même protection et le même bénéfice. La Cour suprême a hésité à contraindre les gouvernements à adopter des lois, mais il n'est pas nécessaire d'attendre un jugement de la Cour suprême. La Charte canadienne des droits et libertés se suffit à elle-même. Les gouvernements sont censés l'appliquer à eux-mêmes. Par conséquent, le précepte constitutionnel est très clair, tel qu'énoncé à l'article 15. On peut également le compléter par l'article 28. Les paragraphes 35(1) et 35(4) confèrent le même type de protection. Le gouvernement fédéral doit respecter ces deux préceptes constitutionnels capitaux qui prescrivent une mesure immédiate, quelle que soit l'action prévue à long terme. Le gouvernement doit maintenant combler cette lacune.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le principe énoncé dans la Constitution est très clair.

Mme Jacobs: Puisqu'on parle de la Constitution et de la relation entre le gouvernement et les peuples autochtones, je crois qu'il faut souligner que cette loi a été adoptée sans consultation des peuples autochtones. La conversation ou le débat repose sur un texte de loi qui a été créé unilatéralement et qui s'applique comme par magie aux Indiens.

On m'a dit que ce lien initial a été dénaturé dès le départ. Par conséquent, lorsqu'on parle de l'obligation de fiduciaire du gouvernement, de l'égalité et des mesures qu'il faudrait prendre pour appliquer la Constitution, je pense au lien qui avait été établi avant même la création de la Constitution et à la reconnaissance des différentes nations comme des peuples souverains. Le lien entre les nations n'a jamais été reconnu et les traités ne l'ont pas été non plus. À mon avis, les articles auxquels vous faites référence ont été créés de manière à exprimer une définition distincte de la notion de «peuples autochtones.»

Selon ma conception, les solutions existantes transcendent la Constitution et la Charte.

Le sénateur Joyal: Je reconnais avec vous que dans deux ou trois secteurs, nous sommes loin de la «normalisation» des relations entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada, en raison d'une longue histoire de tromperies. Je reconnais qu'en 1867, les peuples autochtones ne comptaient pas parmi les pères de la Confédération. Il suffit de regarder le tableau peint par Robert Harris pour se rendre compte qu'aucun chef autochtone n'était présent à la table.

Nous arrivons actuellement à un croisement important dans l'évolution de la relation. C'est ainsi que nous nous trouvons devant les tribunaux parce que c'est parfois la seule tribune sympathique à la cause autochtone; et pourtant, ce n'est pas une tribune autochtone, comme vous pourriez sans doute le faire remarquer.

Cependant, cette tribune a parfois, comme vous l'avez signalé en citant l'arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada et la description du Traité du wampum à deux rangs, une interprétation étroite de ce qui nous paraîtrait être une mesure réparatrice en vue de rétablir ce respect.

Je suis presque tenté de suggérer de prendre les meilleurs principes de la Constitution, même s'il ne s'agit pas d'un document autochtone. En 1982-1983, certains chefs autochtones ont pris part pour la première fois à des débats. Nous avons tout au moins ouvert une petite porte. Cette porte n'est peut-être pas assez large pour accueillir toutes nos aspirations et en particulier les vôtres qui sont plus globales. Nous faisons le minimum en ce moment en vue de restaurer la dignité humaine des femmes autochtones. Parallèlement, nous regrettons la pauvreté des moyens dont nous disposons, mais nous devons utiliser ces moyens de la meilleure manière possible afin de ne pas gâcher le tableau général que nous voulons restaurer pour l'avenir et dans lequel nous souhaitons voir évoluer le Canada.

C'est de cette façon imparfaite que j'aborde le problème. Ce n'est peut-être pas l'idéal, mais si nous voulons que notre comité propose une solution immédiate dont nous recommanderons l'adoption, c'est la seule option que nous pouvons préconiser pour aller de l'avant.

Je ne cherche pas à excuser ni à justifier quoi que ce soit; je tente tout simplement d'être réaliste quant à ce que nous devons faire pour permettre aux Autochtones de continuer à exposer leurs objectifs. Nous voulons continuer à collaborer avec les personnes de bonne foi comme Mme Eberts qui s'est efforcée de mettre ses aptitudes et ses talents au service des Autochtones afin de favoriser leur progrès. C'est une des seules solutions que je puisse proposer, à moins que vous en ayez une meilleure.

Mme Jacobs: Voilà des questions auxquelles je n'aurais jamais pensé pouvoir répondre. Au Canada, la justice, le régime social et l'éducation sont des institutions qui se fondent sur des valeurs eurocentriques. On nous a imposé ce système qui s'appuie sur des valeurs différentes des nôtres. Nous avons des croyances différentes et c'est la raison pour laquelle j'ai cité le Traité du wampum à deux rangs.

Le système de valeurs autochtone n'a jamais été reconnu. Les Européens, les Blancs ne sont jamais intéressés à notre système. Vous êtes en train de me dire que les choses doivent toujours aller dans votre sens.

Le sénateur Joyal: Je n'ai pas voulu être aussi négatif que vous le dites.

Mme Jacobs: C'est comme cela que je l'ai compris. Voilà ce qu'on nous a imposé de tout temps. Nous avons été contraints de suivre un processus que nous n'avions pas contribué à créer. C'est en permettant aux peuples autochtones de mener le débat que l'on parviendra à la solution.

Mme Eberts: Si l'on voulait résumer en termes scientifiques l'approche que vous avez décrite, on pourrait dire qu'utiliser la Charte des droits et l'article 35 de la Constitution pour exiger l'amendement de la Loi sur les Indiens dans ce domaine est une condition nécessaire mais pas suffisante. C'est nécessaire pour tenter de maintenir le lien de confiance à court terme avec les peuples autochtones. À long terme, je crois que seul un changement de paradigme sera suffisant, mais nous ne pouvons pas le changer.

Peut-être que votre comité, tout en recommandant une solution nécessaire à court terme pourrait aussi réfléchir à la problématique à long terme et proposer une solution suffisante préconisant un changement de paradigme; le maintien du lien de confiance en activant les recommandations de la Commission royale; et l'octroi d'une plus grande priorité par l'État canadien à l'émergence d'une nouvelle relation avec ses partenaires autochtones pour remplacer la relation qui les lie depuis deux siècles et plus.

Votre comité ferait une contribution très importante en recommandant clairement que ce type de changement doit intervenir à de nombreux niveaux et de manière sérieuse, tout en procédant aux «réparations courantes» comme disent les marins.

La présidente: Je remercie les témoins. Je comprends tout à fait le point de vue de Mme Jacobs.

Nous devons continuer à nous intéresser à une solution à court terme, tout en sachant que ce n'est probablement pas celle que vous recherchez, ni probablement la solution que nous devrions préconiser.

Nous allons maintenant entendre Mme Panasse-Mayer. La parole est à vous.

Mme Panasse-Mayer, ancien chef de la Première nation Nipissing, témoignage à titre personnel: Merci de m'avoir invitée à venir témoigner sur les biens fonciers matrimoniaux. Je témoigne aujourd'hui à titre individuel parce que je suis intéressée par la question. En tant que chef de Première nation, j'ai également participé à de nombreuses réunions avec divers groupes et organismes des Premières nations réunissant des hommes et des femmes.

J'appartiens à la Première nation nipissing qui se situe à Sturgeon Falls, dans le Nord de l'Ontario, près de North Bay. Notre Première nation est implantée entre ces deux villes. Je suis mariée et j'ai trois garçons et je viens d'une famille de dix enfants. Pendant neuf ans, j'ai occupé le poste de chef de ma Première nation et auparavant, j'ai été conseillère pendant huit ans.

La Première nation Nipissing est une des 14 Premières nations qui ont choisi d'adopter le régime de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Nous l'avons fait dans le but de créer nos propres codes de gestion des terres en dehors des règlements de la Loi sur les Indiens. Les résultats ont démontré que, moyennant les ressources économiques nécessaires, la façon la plus efficace d'obtenir des résultats positifs consistait à confier le pouvoir de décision aux Premières nations.

Notre Première nation estimait que nous étions capables de gérer nos terres et de prendre à leur sujet les décisions qui nous concernaient spécifiquement. Notre Première nation rédigera très bientôt la loi sur les propriétés matrimoniales qui s'appliquera à ses membres et s'appuiera sur le cadre de gestion des terres.

Les travaux préparatoires à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations ont révélé la complexité des questions se rapportant aux biens fonciers matrimoniaux et nous ont donné une idée du temps et de l'attention que les Premières nations devraient consacrer véritablement aux questions relatives aux propriétés matrimoniales. Nous avons mis au point un modèle de biens fonciers matrimoniaux que je recommande d'utiliser comme instrument pour ce genre de travail.

Le développement de la propriété matrimoniale est une question importante que l'on ne peut éluder. Je suis convaincue également que la question doit être débattue par les Autochtones eux-mêmes et pas par une autre entité. Les Premières nations doivent exercer un rôle de premier plan dans l'élaboration de ces lois auxquelles elles seront soumises par la suite. Les Premières nations ont des identités culturelles et politiques différentes, comme vous avez pu vous en rendre compte d'après les témoignages que vous avez entendus, notamment ceux de la nation mohawk.

Il faut, pour plusieurs raisons, consacrer plus de temps à cette question et les Autochtones doivent comprendre quelles en seront les conséquences pour eux. Par exemple, ce n'est pas au gouvernement, mais aux Premières nations d'entreprendre plus de recherches. De cette manière, je crois que nous serons en mesure de brosser un tableau juste des souhaits et des besoins des Premières nations. Il faut également intensifier les efforts de sensibilisation du public sur la question des biens fonciers matrimoniaux et sur les droits juridiques dans les réserves. Ce sont là également des aspects qu'il ne faut pas négliger.

J'ai lu les exposés des témoins que vous avez entendus et je reconnais qu'il est urgent dans certaines régions et collectivités de régler ces questions. Le meilleur moyen de progresser dans le domaine consiste pour le gouvernement fédéral à collaborer avec les Premières nations afin de sensibiliser la population à cette question et d'accorder le soutien financier nécessaire aux Premières nations pour qu'elles puissent entamer les discussions avec leurs membres.

Le Canada est une démocratie. Et pourtant, beaucoup de citoyens canadiens demeurent indifférents ou insensibles aux problèmes des Premières nations et aux abus et aux souffrances qu'elles ont subis en raison de l'application des politiques découlant de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens viole carrément nos droits humains fondamentaux et révèle clairement la domination d'une race sur l'autre. La Loi sur les Indiens donne le pouvoir au ministre des Affaires indiennes et du Nord et aux autres fonctionnaires du gouvernement.

La Loi sur les Indiens consacre la discrimination et les attitudes patriarcales et place les Premières nations sous la coupe des gens au pouvoir. Par exemple, la Loi sur les Indiens ne prévoit actuellement aucune disposition relativement au partage des biens fonciers matrimoniaux dans une réserve en cas de séparation, ce qui a de graves conséquences la plupart du temps pour les femmes et les enfants.

En bout de ligne, ce sont les enfants qui ont souffert le plus de l'ingérence des politiques gouvernementales. La communauté des Premières nations est directement concernée par la question des biens fonciers matrimoniaux, une question qui a des répercussions sur la famille et l'ensemble de la communauté.

Bien entendu, il y a un aspect politique qui embrouille le travail à accomplir et il est certain que nous devons changer d'attitude.

Il faudrait examiner de manière plus approfondie les dispositions concernant les bien matrimoniaux que l'on trouve dans la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et s'en servir comme modèle pour toutes les Premières nations du pays. En conclusion, tous les Autochtones concernés doivent prendre part au processus. Il faut éviter les expédients et un seul modèle ne peut pas s'appliquer à toutes les nations.

Ici s'achève ce bref exposé. Je me suis efforcée d'être aussi précise que possible et de présenter le point de vue d'une femme des Premières nations. Je ne m'exprime pas au nom d'une Première nation ni au nom de ma collectivité Je suis venue témoigner uniquement parce que la question m'intéresse et parce que je pense qu'il y a d'autres façons de collaborer avec le Canada.

Au fil de ma carrière politique, j'ai souvent entendu dire que le moment était venu de changer. Les gens en parlent, mais il ne se passe rien. Voilà où je me situe lorsque je dis qu'il est temps pour les Premières nations de commencer à se pencher elles-mêmes sur leurs problèmes plutôt que d'adopter les idées des autres et de les appliquer dans leurs collectivités.

Le sénateur Beaudoin: Les premiers témoins que nous avons entendus ont fait la distinction entre «possession» et «propriété.» De fait, la propriété appartient à la Couronne aux droits du Canada. Les terres des réserves ne sont que des possessions. Or, vous utilisez le mot «propriété.»

Est-ce que ce terme provient de la Constitution d'une des nations ou est-ce que vous l'utilisez dans son sens général?

Nous devons changer le système, mais il y a une chose que l'on ne peut pas changer immédiatement, c'est la propriété confiée à la Reine aux droits du Canada.

Qu'avez-vous en tête? La propriété, la possession ou autre chose?

Mme Panasse-Mayer: J'ai travaillé avec 14 nations qui ont adopté des lois pour gérer leurs terres. Cela nous a pris 14 ans pour faire adopter les lois. Il nous a fallu 14 ans aussi pour convaincre le Canada et les parlementaires que nous étions capables de nous occuper de nos propres terres. Les Premières nations doivent s'occuper elles-mêmes de leur propre développement, en tenant compte de ce qui est bon pour leurs collectivités.

La Loi sur les Indiens n'a pas été faite pour les Premières nations, mais pour protéger Sa Majesté la reine. Elle n'a rien fait pour nous. Nous devons adopter une approche globale ce qui signifie intensifier le dialogue entre les Premières nations et le gouvernement du Canada. Le gouvernement doit commencer à comprendre l'importance que revêt pour nous la terre. La Première nation nipissing ne considère pas la terre de la même manière que les Mohawks qui habitent plus au sud. Nos croyances culturelles concernant la terre sont différentes.

Je sais que c'est un sujet complexe et que la tâche paraît impossible, mais nous pouvons y parvenir. Les Premières nations doivent retrouver leur autorité afin d'élaborer des idées en vue de la rédaction de lois sur les terres et les biens fonciers matrimoniaux. Dans les collectivités des Premières nations, la mère, le père, la grand-mère, les petits-enfants, tous les membres participent au bien-être de la population.

Lorsque nous examinons des questions relatives à la terre et à d'autres sujets, nous privilégions l'égalité des chances pour tous. Nous ne faisons pas de distinction entre les hommes et les femmes. Un membre est un membre et chacun a les mêmes droits que les autres. Voilà comment se considère notre Première nation.

Le sénateur Beaudoin: Je peux comprendre que la structure des différentes nations peut varier.

J'aimerais savoir ce que vous faites, une fois que vous vous êtes entendus sur un texte, sur une loi, pour le mettre en application.

Mme Panasse-Mayer: Aux termes de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, le gouvernement nous a conféré le pouvoir de le faire. À mon avis, cela se passerait de cette manière avec la nouvelle loi.

Il faut donner leur chance aux Premières nations. Beaucoup d'Autochtones ne sont absolument pas sensibles à toute cette question. Ce n'est pas leur priorité. Ils sont préoccupés par le logement, l'infrastructure de leurs collectivités, le souci de nourrir leurs enfants et d'autres sujets importants.

Je me suis renseignée au ministère au sujet de la traduction en ojibwa des documents présentés au comité, parce que beaucoup d'Autochtones du nord de l'Ontario n'utilisent que leur première langue. Pour bien comprendre les enjeux, il faudrait qu'ils puissent disposer d'une traduction de tous ces documents.

Il y a beaucoup d'autres choses qui doivent changer dans les collectivités. Si elles se prennent en main, les collectivités pourront parler leur propre langage à leur population et discuter de cette question.

Le sénateur Joyal: Quelle est la population de la bande de la Première nation nipissing?

Mme Panasse-Mayer: Nous sommes 2 000.

Le sénateur Joyal: La semaine dernière, on nous a dit qu'il existait deux ou trois codes matrimoniaux pour régler le partage des biens en cas de séparation.

Est-ce que vous avez ce genre de règlement?

Mme Panasse-Mayer: La Première nation nipissing vient tout juste d'adopter son code de gestion des terres. Dans le cadre de la loi, nous avons convenu que dans les 12 mois qui suivront l'entrée en vigueur du code relatif aux terres, nous allions élaborer un code concernant les biens matrimoniaux. Le code est en cours d'élaboration, mais il n'est pas terminé. Il y aura des consultations auprès des membres de la collectivité et des membres vivant à l'extérieur de la réserve. Nous appliquerons tous les processus nécessaires.

Je crois que les autres Premières nations ont examiné tous les domaines qui doivent être analysés en fonction de leurs besoins.

Je crois qu'il serait utile que le comité se penche sur les documents et invite des représentants de ces collectivités à venir parler de l'élaboration des codes concernant les biens matrimoniaux en réponse aux besoins propres de leurs collectivités, ce qui est précisément du ressort de la gestion des terres. Nous l'avons fait par nécessité. Toutefois, lorsque nous avons commencé à étudier la gestion des terres, les biens matrimoniaux ne faisaient pas partie du scénario. Après avoir été contraints par une décision judiciaire de prendre en compte les biens fonciers matrimoniaux dans la loi, nous avons modifié notre perspective, même si nous savons que cela représente un travail colossal.

Nous avons dû relever le défi de terminer le travail relatif à la gestion des terres et cela nous a pris très longtemps. Parfois, les consultations ne sont pas aussi faciles qu'on le pense et, comme nous ne voulons pas forcer les gens, nous voulons disposer de suffisamment de temps pour donner des explications et organiser autant de débats qu'il le faut. Nous allons y consacrer tout le reste de notre vie. Pourquoi se presser?

Nous allons y consacrer tout le reste de notre vie. Nous devons y consacrer du temps, bien débattre de la question, s'assurer que toutes les personnes concernées comprennent bien le sujet et passer ensuite au vote. Les membres de la Première nation nipissing se sont entendus sur la façon de gérer leurs terres et ont voté la loi relative à l'élaboration du code.

Le sénateur Joyal: Que faites-vous quand il s'agit de prendre une décision concernant la transmission de la propriété, et de savoir si la femme doit rester et garder les enfants, ainsi que pour la répartition des actifs et de tout ce qu'il faut partager lorsque prend fin un mariage ou une union de fait?

Mme Panasse-Mayer: En période de crise, je suppose qu'à Nipissing c'est la personne qui reste avec les enfants, celle qui a la garde des enfants, qui demeure dans la maison, jusqu'à ce que les discussions entre les familles permettent d'aboutir à une solution différente. Généralement, un parent des personnes concernées, qui a des rapports plus étroits avec les conjoints, les aide à régler certains litiges. Voilà comment ça se passe normalement à Nipissing. Généralement, il n'y a pas de procédure judiciaire. On fait appel, comme je l'ai dit, à la famille et à la collectivité.

Je compte 75 parents dans mon environnement immédiat. Si je devais divorcer de mon mari, quelqu'un se proposerait de veiller au bien-être des enfants. Nous procédons de cette manière essentiellement parce que les enfants n'ont pas leur mot à dire dans une telle situation. Si le père et la mère sont en conflit, les enfants ne peuvent pas intervenir. Par conséquent, ce sont des membres de la famille qui le font à leur place.

Le sénateur Joyal: Une fois que l'on a réglé la question principale, celle du sort des enfants, quelle est la prochaine étape? Qui occupera la résidence et au nom de qui sera-t-elle transférée? Quelles sont les procédures d'arbitrage ou de médiation que vous suivez?

Mme Panasse-Mayer: Nous ne suivons aucune procédure précise, mais nous avons certaines façons de régler les choses. Par exemple, si cela arrivait à ma meilleure amie, c'est son frère aîné, dont elle est très proche, qui essaierait de régler le différend entre son mari et elle. Il n'y a aucune procédure permanente pour le règlement des différends. Chaque famille a sa propre manière d'intervenir dans de telles situations pour s'assurer que les enfants soient pris en charge.

Le sénateur Joyal: Je comprends bien ce qui se passe dans le cas des enfants, mais comment réglez-vous la question de la maison, de la résidence? Dans votre tradition, comment faites-vous pour partager cette propriété? Autrement dit, quel est le conjoint qui sera autorisé à rester au domicile et à élever les enfants? Comment abordez-vous cette médiation? Est-ce que c'est le mari qui doit quitter le domicile ou est-ce que son épouse doit partir si c'est le père qui garde les enfants? J'essaie de comprendre votre approche.

Mme Panasse-Mayer: C'est simple, parce que j'ai été témoin de telles situations. Je n'ai pas vécu de telles situations, Dieu merci, mais j'ai vu des familles s'asseoir afin de régler la situation et de décider des mesures à prendre pour s'occuper des enfants. Dans certains cas, c'est le mari qui quitte la maison pour que les enfants ne soient pas obligés de déménager. Parfois, c'est la femme qui s'en va. Toutes les situations sont différentes.

Si la femme le souhaite, pour certaines autres raisons, elle a le droit de quitter le domicile et elle prend parfois les enfants avec elle. Même si une telle situation n'est pas souhaitable, la femme a le droit de dire: «Si je m'en vais, les enfants viennent avec moi.» Mais le mari peut aussi avoir la garde des enfants. Dans une telle situation, le couple doit se présenter devant un tribunal familial, mais le mari demeure propriétaire de la maison. Parfois, cela ne se passe pas de cette manière. Toutes les situations sont différentes. Pour le moment, nous ne suivons aucun processus précis. Les membres de la famille se réunissent en présence d'une autre personne qui tente de jouer un rôle de médiateur afin de les aider à parvenir à un genre d'entente.

Le sénateur Joyal: Vous n'avez donc pas de précédent qui pourrait vous servir de modèle pour procéder au règlement des diverses situations qui se présentent? Que feriez-vous pour empêcher un mari violent de revenir au domicile familial? Que faites-vous pour atténuer les conséquences négatives d'une séparation?

Mme Panasse-Mayer: Nous avons la chance d'avoir un service de police qui peut nous prêter main forte dans de telles situations. En revanche, je sais qu'il n'y en a pas dans toutes les collectivités et je ne sais pas comment nous pourrions intervenir dans une telle situation. Voilà un aspect sur lequel nous devrions nous pencher dans le cadre d'un processus à plus long terme.

J'aimerais suggérer au Sénat que ce processus soit continu et fasse appel aux Premières nations elles-mêmes. Nous devons trouver une façon de donner la parole aux gens depuis leurs collectivités et par l'intermédiaire de leurs collectivités.

Le sénateur Joyal: J'ai écouté attentivement votre bref exposé. Jusqu'à présent, seulement 14 Premières nations ont opté pour la gestion des terres pour exercer cette responsabilité.

On nous a dit qu'il y avait 632 Premières nations. Si nous devons attendre qu'une majorité de Premières nations optent pour la Loi de gestion des terres, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'être prêts à aborder cette situation de manière satisfaisante.

Qu'est-ce que vous nous proposeriez en attendant?

Est-ce que nous devrions adopter des mesures intérimaires qui seraient remplacées par les règlements des Premières nations une fois qu'elles auraient opté pour la loi et terminé leur processus de consultation?

Comme vous l'avez dit, cela risque d'être long, mais au moins, nous savons qu'il sera possible à un moment donné de nous pencher sur la situation. Actuellement, cette question concerne la vaste majorité des Autochtones et les femmes en particulier. Face à ce problème, quelle est votre recommandation?

Mme Panasse-Mayer: À mon avis, nous n'avons pas assez de statistiques concrètes pour pouvoir dire que la moitié des femmes des Premières nations sont traitées de manière injuste. Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Pour moi, il y a toujours deux sons de cloche et avant de prendre ce type de décision, je dois connaître tous les faits.

Ce qu'on pourrait peut-être faire dès à présent, c'est demander au gouvernement de travailler en collaboration avec les Premières nations de manière à ce que toute la population, des gens comme ma tante et ma petite sœur, comprennent les enjeux. On commence tout juste à parler des biens matrimoniaux.

Dans certaines autres collectivités, il n'est absolument pas question des biens fonciers matrimoniaux. Ça, je peux vous l'assurer. Parfois, les mots pour le dire n'existent même pas, alors comment voulez-vous que les gens soient capables d'en parler et de comprendre ce que cela signifie? La population constate tout simplement que le gouvernement va encore une fois entreprendre quelque chose en son nom et Dieu seul sait ce que cela donnera. Une fois de plus, on ne demandera pas leur avis aux gens concernés. Voilà ce que je pense.

Je ne pense pas qu'il y ait de solution intérimaire. Les gens doivent comprendre ce qui se passe et il faut les laisser se prononcer.

Le sénateur Joyal: C'est votre suggestion et l'approche que vous recommandez?

Mme Panasse-Mayer: Je recommande de faire participer immédiatement les Premières nations. Cela nous a pris 14 ans. Si nous travaillons ensemble, nous devrions aller plus vite. C'est cette partie-là qui nous a pris 14 ans. En fait, nous étions prêts au bout de quatre ans, mais il nous a fallu tout le reste du temps pour convaincre les gens que nous étions capables de nous prendre en main. Nous sommes capables de jouer notre rôle.

La présidente: En vous écoutant expliquer le déroulement de vos consultations, j'ai pensé aux anciens conseils de famille québécois, une façon de faire qui existe encore dans beaucoup de familles québécoises. Est-ce que c'était une des prémisses de votre travail de recherche et de consultation? Cela ressemble à un conseil de famille.

Mme Panasse-Mayer: Nos collectivités autochtones sont très différentes et notre façon d'administrer n'est pas la même que dans les villes. Une circonscription peut regrouper 15 000 personnes. Vous ne pouvez pas connaître tous les habitants par leur nom. Dans ma collectivité, nous sommes 2 000 et la plupart des gens font partie de ma famille. On pense différemment quand on doit vivre avec ces gens chaque jour de notre vie. Notre façon de gouverner est différente. Les gens protestent, font des manifestations mais ils finissent par disparaître, comme les «squeegees» à Toronto. Ces gens que vous ne connaissez pas ne vous touchent pas autant que les gens de nos collectivités.

Le débat sur les biens matrimoniaux doit avoir lieu dans la collectivité puisqu'il est directement relié à notre rapport à la terre et à notre collectivité. Nous habitons dans une réserve. C'est tout ce que nous avons. Nous devons nous battre pour le reste. Mais ça, ce sera pour un autre jour.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Votre tribu compte 2 000 membres. De ce nombre, combien de femmes comptez-vous sur votre réserve?

[Traduction]

Mme Panasse-Mayer: Parmi les 2 000 membres, environ 51 p. 100 sont des femmes. Les femmes se débrouillent bien à Nipissing.

[Français]

Le sénateur Ferreti Barth: Les femmes ont donc un pouvoir décisionnel dans les réserves. Les femmes sont-elles forcées de quitter la réserve après un divorce?

[Traduction]

Mme Panasse-Mayer: Non, elles ne sont pas forcées de le faire. Comme je l'ai dit un peu plus tôt au sujet du processus de résolution, notre tradition veut qu'un membre de la famille aide le couple qui se sépare à prendre une décision.

[Français]

Le sénateur Ferreti Barth: Les femmes de votre tribu peuvent devenir propriétaire?

[Traduction]

Mme Panasse-Mayer: Oui. Dans la mesure où vous êtes membre de la Première nation nipissing, que vous soyez un homme ou une femme, vous pouvez faire une demande en vue d'obtenir un terrain. On ne fait aucune distinction entre les hommes et les femmes. Si vous êtes de la Première nation, vous avez les mêmes droits que les autres membres de la collectivité.

[Français]

Le sénateur Ferreti Barth: Dans votre présentation, vous recommandez un changement à la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Vous suggérez au gouvernement de consulter les différentes tribus afin qu'il trouve un dénominateur commun, ce qui lui permettra d'adopter une loi qui répondra à tous les besoins des membres des Premières nations.

[Traduction]

Mme Panasse-Mayer: Oui, c'est exact. J'aimerais que le gouvernement fédéral collabore avec les Premières nations plutôt que de leur dicter la marche à suivre. Voilà comment les choses devraient se passer. Ce n'est pas une tâche impossible. Tous nos membres sont bien éduqués. Ils sont intelligents. Ils pourraient étudier la question, décider de la date et du lieu d'un vote et prendre les décisions appropriées. Nous savons que nous avons dix fois plus de comptes à rendre que n'importe qui d'autre et que nous devons bien nous assurer que ces types de changements sont appuyés par tous nos membres. Lorsque nous faisons une consultation, elle s'applique aux membres vivant dans la réserve et à l'extérieur. Les gens qui ne prévoient pas s'installer dans la réserve dans un avenir immédiat pourraient décider plus tard de revenir vivre dans la collectivité. Ainsi, ils pourront se prononcer sur le contenu de la loi.

[Français]

Le sénateur Ferreti Barth: Dans votre présentation, vous mentionnez qu'il faut que votre communauté soit bien organisée, que vous communiquiez bien entre vous. Partagez-vous vos connaissances avec les autres communautés qui sont moins organisées que vous?

[Traduction]

Mme Panasse-Mayer: Oui, nous procédons de cette manière dans notre propre groupe territorial. Nous proposons d'examiner certaines questions telles que la gestion des terres et les raisons qui amènent notre collectivité à exercer cette responsabilité en matière de gestion des terres. À Nipissing, nous avons attendu longtemps avant de voir l'aboutissement de nos efforts. Entre le moment où nous avons commencé à en parler et le moment où nous avons adopté la loi, 14 ans plus tard, certaines personnes avaient presque oublié ce que nous faisions. Les gens commençaient à se demander pourquoi cela prenait tant de temps.

Si des gens remettent en doute notre capacité à gérer nos propres terres, nous devons interpeller à nouveau le gouvernement pour affirmer notre capacité à exercer cette tâche.

Toutes les collectivités ont des capacités différentes, aussi je ne peux pas dire qu'un de mes voisins a de meilleures capacités qu'un autre. Nous faisons beaucoup d'échanges entre collectivités, y compris au niveau des politiques de logement et autres que nous avons élaborées au fil des ans avec d'autres Premières nations.

[Français]

Le sénateur Ferreti Barth: Vous dites que dans votre réserve vous avez beaucoup de membres qui sont bien éduqués. Pensez-vous que le niveau d'éducation permet à votre réserve de faire face aux problèmes avec plus de souplesse et d'égalité?

[Traduction]

Mme Panasse-Mayer: Oui, j'en suis convaincue, et beaucoup d'Autochtones ont une bonne instruction. Nous engageons des personnes pour nous aider à préparer le travail qui doit être fait. Dans notre collectivité, nous avons entamé d'autres processus, mais nous avons engagé des gens des Premières nations pour y travailler, parce qu'ils comprennent notre rapport à la terre, qui est très important dans notre collectivité. Nous préférons engager des personnes qui comprennent notre attitude vis-à-vis de la terre, plutôt que d'enseigner notre vision à d'autres personnes qui ont une perspective différente.

La présidente: Merci, madame Panasse-Mayer, pour votre exposé. Il nous sera très utile lors de nos délibérations futures.

Le comité poursuit ses délibérations à huis clos.


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