Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 6 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 5 mai, 2003
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 05 pour étudier, afin d'en faire rapport, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi, ainsi que les rapports de la Commissaire aux langues officielles, de la présidente du Conseil du Trésor et de la ministre du Patrimoine Canadien.
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Nous recevons aujourd'hui l'honorable Lucienne Robillard, présidente du Conseil du Trésor. On me dit qu'un vote se tient présentement à la Chambre des communes. Mme Robillard se joindra à nous d'ici 10 à 15 minutes. Nous devrons donc attendre qu'elle se joigne à nous avant de débuter.
Le sénateur Gauthier: Puisque le temps nous le permet, ne pourrions-nous pas passer au rapport dont on se proposait de faire l'étude aujourd'hui?
La présidente: Vous parlez du rapport sur l'état des lieux?
Le sénateur Gauthier: J'aimerais que nous étudiions le rapport sur l'état des lieux rédigé par notre recherchiste, Mme Marie-Ève Hudon. Le rapport est devant nous. J'ai apporté quelques propositions d'amendements que j'aimerais discuter. Ainsi, si le temps nous le permet, en attendant l'arrivée de la présidente du Conseil du Trésor, on pourrait en faire l'étude.
La présidente: Permettez-moi de rappeler aux membres qu'il s'agit d'un rapport dont l'étude doit se faire à huis clos. Si nous décidons de commencer l'étude de ce rapport, il faudra libérer la salle de toute personne afin que l'étude de ce rapport se fasse à huis clos. Il est très important que ce rapport soit discuté à huis clos. Il s'agit d'un rapport devant être déposé au Sénat, et vous savez qu'il est préférable que ce rapport ait été étudié avant que celui-ci ne devienne public.
Chers membres, je suis à votre disposition. Désirez-vous que l'on prenne 15 minutes à huis clos maintenant et que l'on retarde la réunion?
Le sénateur Gauthier: Ce rapport n'est pas compliqué. Il a deux ou trois pages, et vous les avez sans doute lues. On pourrait tout de même en discuter. Si vous préférez que cela se fasse à huis clos, je n'ai pas d'objection.
La présidente: Est-ce qu'un des témoins de Mme Robillard aimerait commenter?
M. James Lahey, secrétaire délégué, Réforme des ressources humaines: Nous sommes prêts à attendre.
Le sénateur Beaudoin: Peut-être aimeriez-vous nous faire part de choses préliminaires avant l'arrivée de Mme Robillard.
La présidente: Avez-vous une présentation?
M. Lahey: Nous préférons attendre Mme la ministre.
Le sénateur Léger: Plutôt que de suspendre la séance pour 15 minutes, je suggère que nous profitions de ce temps afin de mieux nous préparer pour nos invités.
La présidente: Je suggère que nous fassions une deuxième lecture de ce rapport très confidentiel. Ainsi, lorsque nous en ferons l'étude à huis clos, nous serons sans doute, comme vient de le suggérer le sénateur Léger, mieux préparés. Je suggère également que nous examinions, par la même occasion, les documents préparés par Marie-Ève Hudon.
Je suspens la séance jusqu'à l'arrivée de l'honorable Mme Robillard.
La séance est suspendue.
(La séance reprend)
La présidente: Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre, au Comité sénatorial permanent des langues officielles.
L'honorable Lucienne Robillard, c.p., députée, Présidente du Conseil du Trésor: Madame la présidente, je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui. L'intérêt soutenu des membres de votre comité pour l'avancement du dossier des langues officielles dans notre pays s'avère un incitatif fort important pour la fonction publique du Canada. L'année 2003 sera une année marquante pour la fonction publique, d'abord, parce que nous modernisons toute la gestion des ressources humaines, mais aussi parce que nous relançons le programme des langues officielles dans la fonction publique.
Le 12 mars dernier, le premier ministre du Canada a dévoilé le plan d'action en question, et l'un des volets vise une fonction publique exemplaire. Certains demanderont ce que l'on entend par «fonction publique exemplaire». Pour moi, une fonction publique vraiment exemplaire serait en mesure d'offrir des services de la plus haute qualité aux Canadiens et aux Canadiennes dans la langue officielle de leur choix. Cette fonction publique permettrait aux employés de travailler dans la langue officielle de leur choix dans les régions désignées bilingues tout en en favorisant le développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire.
Bien entendu, nous avons fait des progrès considérables depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles, il y a une trentaine d'année. Je dois vous dire qu'il reste encore beaucoup à faire avant que la fonction publique ne soit exemplaire en matière de langues officielles.
En 2002, nous avons consulté les employés à l'échelle du pays afin de déterminer qu'elle est leur perception et leur attitude face à l'utilisation des deux langues officielles dans la fonction publique. L'étude, qui était une première dans l'histoire de notre institution, a révélé que les fonctionnaires appuient les principes fondamentaux des politiques relatives aux langues officielles. Et ce soutient est tout particulièrement élevé en matière de services au public puisque 92 p. 100 des répondants ont indiqué qu'il était important pour eux de servir le public dans les deux langues officielles.
[Traduction]
On peut donc voir que la bonne volonté des employés est là et qu'elle est vigoureuse. Mais cela ne veut pas dire pour autant que tout est parfait. De fait, les conclusions de cette enquête montrent qu'il existe un manque de connaissances à la base et cette lacune entraîne des réactions diverses chez les fonctionnaires
L'étude démontre aussi qu'il existe un rapport étroit entre l'exposition à la dualité linguistique et l'adhésion à la politique sur les langues officielles. Il est donc primordial que nous rectifions le tir afin de véhiculer une vision claire et homogène en ce qui a trait au bilinguisme dans les institutions fédérales.
L'atteinte de cet objectif nécessitera l'apport de tous. Notre démarche s'appuiera sur une transformation profonde de la culture au sein de la fonction publique. Nous nous appliquerons aussi à renforcer la capacité linguistique de nos institutions tout en veillant à ce qu'elles aient les ressources nécessaires afin de pouvoir s'acquitter de leurs obligations linguistiques.
Il est évident qu'un changement de culture est de mise pour arriver à des résultats durables. Une approche qui met l'accent sur les règles et sur le respect des dispositions de la loi a certes ses qualités, mais aussi ses limites. Il faut plutôt viser l'excellence en matière de bilinguisme. Nous avons besoin de moderniser notre approche pour adopter une démarche qui prend racine dans les valeurs qui sont chères aux Canadiens et aux Canadiennes, des valeurs d'inclusion et de respect d'autrui. En effet, servir la population dans la langue officielle de son choix témoigne de notre respect envers les communautés de langues officielles du Canada.
La stratégie que nous avons l'intention de mettre en oeuvre s'appuiera sur une campagne de sensibilisation à l'échelle de la fonction publique. Elle visera entre autres à transformer les attitudes et les comportements des fonctionnaires de manière à créer un climat plus propice à l'utilisation des deux langues officielles.
La haute direction de la fonction publique aura un rôle primordial à jouer à cet égard, car l'exemple doit venir d'en haut. Nous encouragerons les gestionnaires à faire preuve d'un leadership soutenu et à travailler avec leurs employés afin d'ancrer davantage le bilinguisme dans leur milieu de travail respectif. D'ailleurs, des mesures concrètes ont été prises à cet effet.
[Français]
Le gouvernement a introduit, en 1998, une politique concernant les exigences linguistiques des cadres supérieurs de la fonction publique et selon laquelle ses gestionnaires doivent avoir un haut niveau de bilinguisme afin de pouvoir encourager leurs employés à utiliser la langue de leur choix dans le cadre de leur travail. La plupart de ces cadres devaient acquérir les compétences linguistiques au plus tard le 31 mars 2003.
Au début du mois d'avril dernier, j'ai annoncé que 2 107 personnes possédaient le bilinguisme requis. Je profite de cette occasion pour annoncer aujourd'hui que ce nombre maintenant est de 2 137, donc 30 personnes de plus. Au-delà de 90 p. 100 de personnes satisfont aux exigences. Ce sont certainement des résultats encourageants, mais les efforts doivent continuer. Je tiens également à souligner que ceux qui n'ont pas pu rencontrer l'échéancier ne peuvent pas rester dans leur fonction. Nous devons tous veiller au respect de nos engagements.
La dualité linguistique est une richesse, un avantage qui permet plus de possibilités et élargit les horizons, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel. En fait, le fait d'avoir deux langues officielles est un atout important pour la fonction publique et les Canadiens. Dans une économie mondiale, la population canadienne a besoin d'une fonction publique moderne, qui est en mesure de la servir dans les deux langues officielles et qui est représentative des différentes collectivités composant notre société. Le bilinguisme constitue certainement un élément de compétitivité qui ne peut que profiter à notre organisation.
Il devient évident qu'une nouvelle approche ne peut se concrétiser si elle n'est pas soutenue par des politiques qui vont dans le même sens. Le moment est donc venu de revoir nos politiques afin de nous assurer qu'elles véhiculent une vision claire et renouvelée. C'est aussi l'occasion de nous interroger sur le bien-fondé de certaines pratiques et de déterminer si elles sont toujours valables à la lumière des objectifs que nous nous sommes fixés.
[Traduction]
En regard de la politique sur la dotation, j'ai indiqué à quelques reprises que nous considérions l'élimination progressive de la dotation non impérative en commençant par les niveaux supérieurs et en allant vers le bas. On privilégierait le recrutement de candidats déjà bilingues pour la dotation de postes bilingues. Ainsi, le bilinguisme deviendrait un critère parmi plusieurs autres pour accéder aux postes bilingues de la fonction publique.
Il faut souligner que présentement la dotation de l'ensemble des postes bilingues se rapproche dans les faits d'une dotation impérative. La proportion des titulaires de postes bilingues qui satisfont aux exigences linguistiques lors de la nomination s'élève à 96,6 p. 100.
Nous étudions également les propositions de la commissaire aux langues officielles par rapport à la dotation des postes bilingues. La commissaire a proposé l'élimination de la dotation non impérative en commençant d'abord par le recrutement à l'interne pour les postes de cadres à partir d'avril 2004 et pour les autres postes bilingues à compter d'avril 2006. Pour ce qui est de l'embauche externe, il a été suggéré qu'on maintienne encore pour une certaine période (sans la préciser) la possibilité de recruter des personnes ne répondant pas aux exigences de bilinguisme.
Bien entendu, le gouvernement ne souhaite pas se priver d'employés ni de cadres compétents. C'est pourquoi nous devons continuer d'aider les fonctionnaires qui ne possèdent pas les compétences requises dans l'autre langue officielle. Aussi, au lieu d'opter pour une démarche radicale d'élimination de la dotation non impérative, nous envisageons une approche progressive combinée à un meilleur accès à la formation linguistique pour les employés au début de leur carrière.
Dans le cadre du plan d'action, les sommes allouées à la formation linguistique vont non seulement nous permettre de réduire les délais d'attente pour la formation, mais aussi d'informatiser le matériel pédagogique et de diversifier les méthodes d'apprentissage afin de les adapter aux besoins des employés.
[Français]
De plus, le Secrétariat du Conseil du Trésor s'est engagé à aider les ministères et les organismes à développer de nouvelles méthodes de prestations de services au public et à intégrer la dualité linguistique dans leurs pratiques et leurs valeurs de base. Ainsi, deux nouveaux fonds seront bientôt créés. Le Fonds pour les partenariats régionaux sera mis à la disposition des conseils fédéraux-régionaux pour les aider à financer des projets visant à améliorer le service au public. Quant au Fonds d'innovation en matière de langues officielles, il fournira des ressources de contrepartie aux divers ministères et organismes pour qu'ils mettent sur pied des projets novateurs visant à améliorer le service au public, la langue de travail dans les régions désignées bilingues ou encore l'accès à l'emploi et la promotion à l'endroit des deux collectivités de langues officielles.
Grâce au financement supplémentaire prévu dans le plan d'action, nous pourrons renforcer les mesures de suivi auprès des ministères et organismes fédéraux, et faire en sorte que la direction des langues officielles du Secrétariat du Conseil du Trésor devienne un centre d'excellence. Ce centre serait le point de repère vers lequel les ministères et organismes assujettis à la Loi sur les langues officielles se tourneraient pour obtenir appui, conseil et information afin qu'ils puissent viser et atteindre l'excellence en matière de bilinguisme.
En outre, il se consacrera à l'orientation des politiques, à l'évaluation des ministères et à la communication des résultats. Le secrétariat du Conseil du Trésor a déjà en place des mécanismes qui lui permettent d'évaluer les activités des ministères, des organismes et des sociétés d'État, notamment dans le cadre de la préparation du rapport annuel. Pour rendre cet exercice encore plus efficace, nous avons l'intention d'élaborer de nouveaux indicateurs de rendement ainsi que des outils d'évaluation et d'auto-évaluation que les institutions pourront utiliser pour mesurer leur capacité dans la prestation des services bilingues.
[Traduction]
Comme vous pouvez le constater, le dossier des langues officielles est en pleine effervescence. Plusieurs projets sont menés sur différents fronts afin de changer la culture au sein de la fonction publique et dans le but ultime de rendre notre institution plus efficace, plus efficiente et surtout plus proche de la population qu'elle sert. L'étude qui a été menée auprès des employés de la fonction publique au sujet du bilinguisme nous confirme la pertinence de cette orientation.
[Français]
La démarche du secrétariat à l'égard du bilinguisme va au-delà des règles de base. Elle vise rien de moins que l'excellence. L'approche adoptée s'inspire des valeurs fondamentales qui caractérisent la culture canadienne. Elle s'inscrit dans un esprit de respect pour les citoyens et pour les employés de la fonction publique au service de notre pays.
Nous sommes arrivés à un tournant. Le virage que nous entamons sera décisif pour l'avenir de notre institution car il jettera les bases d'une fonction publique exemplaire. Le changement est amorcé, mais je peux vous dire que c'est un privilège pour moi d'être au premier rang de ce grand projet.
Je suis accompagnée aujourd'hui, madame la présidente, par le secrétaire délégué au secrétariat du Conseil du Trésor, M. James Lahey, et par la secrétaire adjointe responsable des langues officielles, Mme Diana Monnet. Nous serons très heureux de répondre à vos questions, mais aussi d'entendre vos commentaires et vos idées pour nous aider à améliorer ce programme des langues officielles dans la fonction publique du Canada.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, madame la ministre, pour votre présentation. Afin de profiter pleinement de votre présence, nous allons tout de suite passer à la période de questions.
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais tout d'abord vous féliciter. Une fonction publique est une chose vaste et importante dans une démocratie. Rendre une fonction publique de plus en plus bilingue est quelque chose de beau et une très belle réussite.
Je n'ai qu'une question à vous poser.
À la page 3 du document, on dit que nous devons continuer à aider les fonctionnaires qui ne possèdent pas les compétences requises dans l'autre langue officielle, et au lieu d'opter pour une démarche radicale d'élimination, nous envisageons une approche progressive combinée à un meilleur accès à la formation linguistique.
En pratique, de quelle façon réussissez-vous une telle formation? Cette option est certes préférable à se débarrasser d'une partie des troupes. En ce sens, l'idée est très bonne. Connaissez-vous tout de même un succès raisonnable pour aller vers cette égalité du bilinguisme?
Mme Robillard: J'ose espérer qu'au cours de cette année, je serai en mesure de revenir vous voir avec une nouvelle politique concernant toute cette dimension de la dotation impérative/non-impérative et de la formation linguistique. À l'heure actuelle, seuls les postes de sous-ministre adjoint doivent être dotés au point de départ de personnes bilingues atteignant un niveau assez élevé de bilinguisme. On parle des postes désignés dans notre jargon bureaucratique EX4 et EX5, c'est-à-dire les postes de sous-ministre adjoint.
Les autres cadres supérieurs, les EX1, EX2 et EX3, peuvent être nommés à un poste sans avoir à être bilingue au moment où ils sont nommés. Ces personnes auront deux ans pour se conformer et devenir bilingue. Après deux ans, elles devront atteindre une norme assez élevée. De façon particulière, c'est le cas pour tous nos postes de cadre se trouvant en région bilingue au Canada.
À l'échelle de la fonction publique, 80 p. 100 de nos postes de cadre supérieur sont bilingues, et 75 p. 100 sont en poste dans des régions bilingues. La norme est donc plus élevée. Il y a également les employés offrant les services qui occupent des postes bilingues.
Voici ce que nous aimerions faire et ce sur quoi nous travaillons. Il s'agit d'éliminer progressivement la dotation non-impérative. Cela signifie éliminer la possibilité de nommer une personne dans un poste bilingue alors qu'elle ne l'est pas. Ceci doit se faire de façon graduelle. Cette politique est présentement appliquée aux sous-ministres adjoints. Il s'agit de l'appliquer de façon progressive d'un échelon à l'autre, descendant la hiérarchie jusqu'à l'élimination complète de la dotation non-impérative. Il faut en même temps favoriser la formation linguistique beaucoup plus tôt dans la carrière — ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Souvent, une personne va attendre d'avoir une promotion, d'être nommée dans un poste bilingue avant de commencer sa formation linguistique. Le message que nous aimerions envoyer à nos jeunes fonctionnaires qui entrent dans la fonction publique est le suivant: il serait préférable que vous intégriez cette politique à votre plan de formation à long terme, car un jour, lorsque vous viserez une promotion, vous devrez être bilingue pour occuper le poste.
Le sénateur Beaudoin: En d'autres mots, vous avez une politique graduelle?
Mme Robillard: En effet.
Le sénateur Beaudoin: Au lieu de mettre de côté des gens qui ne sont pas au niveau désiré, vous les aidez à atteindre ce niveau. Cela est beaucoup plus transparent que de nommer quelqu'un qui n'a pas de bilinguisme et qui obtient le poste. J'aime bien cette philosophie de le faire graduellement. Il est possible de le faire également pour les langues officielles.
Notre comité parle beaucoup de la Charte de droits et libertés, des articles 16 à 20, et cela est graduel. Même la vision finale de l'égalité entre les deux langues est graduelle — on le constate dans nos textes constitutionnels. Je trouve cela très bien et vous en félicite.
Le sénateur Gauthier: Je vous félicite également. Vous avez du caractère. Depuis nombres d'années que je suis au Sénat, j'ai toujours été impressionné par les gens déterminés. Peu croyaient en votre date butoir du 31 mars — ce qui n'est pas mon cas. Mais vous avez tenu parole.
Il n'en demeure pas moins que 10 p. 100 des cadres supérieurs ne rencontrent toujours pas les exigences. Ce pourcentage reflète-t-il les exemptions pour raisons humanitaires? On se souvient de certaines propositions qui, par le passé, visaient à exclure les gens à cause de leur âge ou pour un handicap quelconque. Ce pourcentage de 10 p. 100 englobe-t-il cette catégorie?
Mme Robillard: Les gens exclus pour raisons humanitaires sont inclus dans ce 10 p. 100. On parle d'ailleurs maintenant de moins de 10 p. 100. Les raisons humanitaires vont toujours exister. Nos exigences demeurent flexibles lorsque nous sommes capables de documenter les raisons pour lesquelles une personne ne peut atteindre un certain niveau de bilinguisme. La fonction publique en fera alors l'évaluation et accordera une exemption s'il y a lieu de le faire.
Les autres personnes qui ne sont pas exclues pour raisons humanitaires ne peuvent plus désormais occuper les fonctions qu'elles occupaient. Dans le but d'atteindre nos objectifs, nous avons permis aux employés de travailler dans la langue de leur choix dans les régions désignées bilingues. Ainsi, ces cadres seront mutés à d'autres fonctions ou ils retourneront à une formation, cette fois à plein temps.
Un certain pourcentage de ces cadres prendra la retraite cette année. Il faut donc être réaliste. Nous allons donc établir des mesures de transition afin que le personnel soit supervisé dans la langue de son choix.
Nous attendons le rapport de chacun des ministères pour connaître le plan concernant chacune de ces personnes qui n'atteignent pas la norme CBC — exception faites aux personnes exclues pour raison humanitaire.
Le sénateur Gauthier: Vous connaissez ma position sur la prime au bilinguisme. Vous avez soulevé la question d'un changement de culture. Nous sommes en accord sur ce point également. Cela fait 30 ans que je me prononce sur la prime au bilinguisme, et les commissaires aux langues officielles m'ont appuyé sur ce point. Pourquoi ne pas rendre la prime au bilinguisme plus conforme à la réalité. Une charge additionnelle existe dans le cadre de fonctions qui exigent le bilinguisme institutionnel. Une charge additionnelle et des compétences nécessaires doivent être rénumérées. On doit les rendre négociables et leur donner juste valeur. Avez-vous l'intention de changer la prime au bilinguisme?
Mme Robillard: Cette prime existe depuis nombre d'années. Examinons de façon concrète les résultats obtenus à l'heure actuelle. Nous en sommes à un moment important pour la remettre en question.
Par ailleurs, je tiens à vous dire, honorables sénateurs, qu'en tant que représentante de l'employeur, je ne peux remettre en question cette prime de façon unilatérale. Il s'agit d'un élément négocié avec nos syndicats de la fonction publique. Je peux toutefois vous dire que nous avons ouvert le dialogue avec les syndicats. Le secrétaire associé a ouvert ce dialogue avec les syndicats dans le but d'examiner comment il serait possible ensemble de mieux rencontrer l'objectif fixé en matière de langues officielles; et comment, après 30 ou 35 ans, il est approprié de remettre en question cet outil. Je ne vous cacherai pas le défi d'un tel exercice avec l'ensemble de nos syndicats.
Le sénateur Gauthier: Je ne vous cacherai pas non plus mon impatience, après plusieurs années d'attente. Je crois, toutefois, tel qu'indiqué plus tôt, que vous possédez le caractère pour accomplir cette tâche d'envergure.
Je ne suis pas sans savoir la position des syndicats. J'ai argumenté à maintes reprises et en campagne électorale que cette prime est non-indexée au coût de la vie, qu'elle est au même 800 $ accordé il y a maintenant presque 25 ans. Il serait de loin préférable pour l'employé ayant comme charge additionnelle le bilinguisme de recevoir une compensation salariale indexée et négociée par les syndicats. Comment peut-on accepter qu'une personne qui ne rencontre pas les exigences de son poste en matière de bilinguisme puisse obtenir les 800 $ annuels supplémentaires?
Mme Robillard: Je ne sais pas si cela fait très longtemps que l'on en avait discuté avec les syndicats. Je vais commencer ma quatrième année au Conseil du Trésor et dans les rondes de négociation collective que j'ai vécues, ce sujet n'a jamais été mis sur la table par les syndicats.
Comme représentant de l'employeur, ce qui nous amène à le mettre sur la table cette année est de se savoir si, en faisant la relance du programme des langues officielles dans la fonction publique, nous avons le bon outil pour encourager et faire la promotion des langues officielles. Nous pensons que cela demanderait des réaménagements. Nous devons le faire avec nos partenaires syndicaux et j'ai bon espoir que nous pourrons avancer.
Le sénateur Gauthier: Vous avez parlé de la Commission de la fonction publique, qui est chargée de certains programmes au mérite. L'exclusion, par exemple, c'est la commission qui en décide.
Il y a eu des rumeurs à savoir que le projet de loi C-25 modifierait toute cette organisation de la Commission de la fonction publique. Il était même question de transférer cela au centre de gestion sur la rue Sussex. On m'informe que ce n'est plus le cas. La Commission de la fonction publique continuera à être responsable du principe du mérite et de son application.
Mme Robillard: Il y a deux choses, le sénateur. Il est clair que le projet de loi C-25 change les rôles et les responsabilités de la Commission de la fonction publique. Au fil des ans, nous avons confié de plus en plus de rôles que je vais qualifier d'opérationnels à la Commission de la fonction publique, au-delà de son mandat de base. Ce que nous avons tenté de faire au moyen du projet de loi C-25, c'est vraiment de recentrer la mission de la Commission de la fonction publique sur la protection du mérite. C'est une agence qui se rapporte au Parlement, et dont le mandat principal est de protéger la notion du mérite dans la fonction publique. Je pourrais élaborer davantage, mais je pense que je vais avoir le plaisir de revenir au Sénat bientôt avec ce projet de loi et je pourrai élaborer à ce moment-là.
Je vais conclure en disant que toutes les dimensions opérationnelles qui sont à la Commission de la fonction publique seront transférées dans d'autres institutions et qu'au Secrétariat du Conseil du Trésor, nous allons rapatrier certaines de ces responsabilités. Il est clair pour moi que la formation linguistique doit être retirée de la Commission de la fonction publique. La commissaire aux langues officielles, lorsqu'elle a comparu pour le projet de loi C-25, a mis sur la table deux options: une sur la création d'un institut des langues officielles et l'autre sur le fait que nous allons créer maintenant une école de la fonction publique.
Nous allons fusionner le Centre canadien de gestion avec Formation et Développement Canada qui est à la Commission de la fonction publique. Cela pourrait être une alternative à ce que la formation linguistique relève de cette nouvelle école. Nous sommes en train d'étudier ce sujet à l'heure actuelle.
Le sénateur Gauthier: Quand cela va-t-il arriver? À la suite du projet de loi C-27? Il n'est pas question de cela dans le projet de loi C-25.
Mme Robillard: Non, il n'est pas question de cela dans le projet de loi C-25. Ce concept de la nouvelle école de la fonction publique, il faut que cela soit adopté dans le projet de loi. Je vais voir comment le projet va cheminer tant à la Chambre des communes qu'au Sénat. De fait, je dois vous dire, sénateur, qu'au-delà de la gouvernance et de la structure de la formation linguistique et de qui doit en être responsable, dans le plan d'action des langues officielles, on a un montant d'argent qui a été mis de côté pour permettre de regarder comment on fait la formation linguistique et quels outils on utilise.
On pense que l'on se devrait de moderniser la façon dont on fait la formation linguistique. C'est une chose que d'enseigner une langue seconde à quelqu'un et c'est une tout autre chose que de l'aider à maintenir ses acquis au fil des ans.
Deuxièmement, de plus en plus, notre fonction publique est représentative de la population canadienne. Ceci veut dire qu'un bon pourcentage de personnes dans la fonction publique n'ont ni l'anglais ni le français comme langue maternelle. Lorsque l'on enseigne le français ou l'anglais à une personne qui n'a comme langue maternelle ni l'une ni l'autre langue, les outils pédagogiques doivent être adaptés en conséquence. Nous n'avons pas été habitués à le faire et nous devrons adapter les outils pédagogiques pour mieux enseigner les deux langues officielles.
Le sénateur Gauthier: Récemment, Statistique Canada a publié d'autres chiffres sur la population, les chiffres démo- linguistiques. À tous les dix ans, le Secrétariat du Conseil du Trésor doit revoir l'application de la loi dans la langue de travail.
Je me demande si vous pouvez me dire, suite à vos exercices de révision de cette application du Règlement sur les langues officielles, à la communication avec le public et à la prestation de services, où en sont rendues les négociations, les démarches du Conseil du Trésor en ce qui a trait à cet exercice de révision? Quels sont les coûts réels de cet exercice? La révision aura-t-elle une incidence quelconque sur la langue de travail dans les régions désignées bilingues?
Mme Robillard: Je vais commencer par la dernière question et je vais demander à Mme Diana Monnet de compléter ma réponse. Est-ce que cela va changer la langue de travail dans les régions bilingues? Non, les régions bilingues sont désignées dans la loi actuelle, comme vous le savez. Ce n'est pas parce que le recensement va nous donner des données quantitatives différentes que nous allons nécessairement réviser les régions bilingues qui sont désignées dans la loi. Ce n'est absolument pas l'intention du gouvernement de changer les régions bilingues, et donc, la notion de langue de travail ne changera pas. Quant aux autres dimensions, je me demande si Mme Monnet a eu l'occasion de venir ici expliquer notre démarche.
Mme Diana Monnet, secrétaire adjointe, Direction des langues officielles, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: Pas encore, non.
Mme Robillard: Je vais demander à Mme Monnet de vous en parler. On a toute une démarche en cours présentement avec les communautés de langues officielles et avec le Commissariat aux langues officielles pour donner suite à cette étude de recensement.
Mme Monnet: Ce que je peux ajouter à cela, c'est qu'il y a un comité qui revoit avec nous les procédures et comment nous allons revoir le respect du Règlement face aux statistiques du recensement de 2001. Il y a également le Conseil privé, la Justice, le Quebec Community Groups Network (QCGN) et aussi des représentants de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada. Ce comité chemine avec nous dans l'application des nouvelles données et du Règlement.
On revoit en ce moment les heures de service avec les ministères. Cela peut avoir changé en dix ans et l'on vérifie avec eux les heures de service pour chaque bureau. Avec la nouvelle démographie qui a été établie dans le recensement de 2001, on applique des systèmes informatisés qui nous aident à voir quelles sont les obligations des différents bureaux. Nous sommes en train de finaliser cette étape en ce moment et cela devrait être terminé au début de l'été si tout va bien.
Mme Robillard: Si vous permettez, madame la présidente, j'y vais de mémoire et je vais demander à mes collaborateurs de m'aider. J'ai écrit une lettre officielle lors de la formation de votre comité, vous offrant la possibilité d'avoir une session de travail spécifiquement sur la révision du Règlement. C'est un exercice complexe.
Cela mériterait, si vos membres le désirent, d'avoir une session de travail pour vous montrer un peu quels sont les facteurs dont on doit tenir compte lorsqu'on révise ce règlement des langues officielles et pour lequel le Parlement a un rôle à jouer. Si vous le désirez, je crois que Mme Monnet et son équipe seraient disponibles pour vous rencontrer.
La présidente: Nous avons reçu la lettre et j'attendais votre présentation. Il serait important d'avoir un comité de travail et de regarder la procédure à suivre ainsi que ce que vous avez fait dans ce domaine, madame Monnet.
Le sénateur Maheu: Madame la ministre, je suis heureuse de voir votre position sur les langues officielles. S'il y a quelqu'un qui est capable de faire bouger les choses, c'est bien vous.
Je reviens à un sujet dont nous avons discuté, les fameuses normes pour le bilinguisme. J'ai tenté, en tant qu'anglophone du Québec, d'embaucher une personne qui était vraiment bilingue. Il y a des gens qui ont passé les fameux examens de la Commission de la fonction publique qui les classaient comme bilingues. Je ne connais pas les normes, mais c'était censé être acceptable au niveau du bilinguisme.
Quand nous les rencontrons dans nos bureaux, ces gens sont loin d'être bilingues. Le vrai bilinguisme est presque inexistant dans nos bureaux. Je le retrouve plus facilement chez les Acadiens. Ils ont un contrôle des deux langues suffisant pour dire qu'ils sont bilingues. Ils peuvent écrire en anglais et en français.
La frustration que je ressens se situe au niveau de la prime du bilinguisme, cette fameuse prime de 800 $. Parmi la nouvelle génération de jeunes que nous avons devant nous, aujourd'hui, le vrai bilinguisme existe, il est là. Nous n'avons pas à leur donner 800 $. Cela existe et cela continuera d'exister. Ce n'est pas pour rien qu'on entend que les Canadiens qui travaillent à la fonction publique n'ont ni l'anglais ni le français comme langue maternelle. De plus en plus, on va trouver nos vrais bilingues parmi ces gens. La somme de 800 $ me laisse perplexe. Il serait important de discuter plus souvent de ce sujet lorsque que vous rencontrez les syndicats, ceci jusqu'à ce que vous soyez en mesure de prendre une décision quant à l'abolition de cette prime.
D'après votre bureau, les normes déjà existantes rencontrent-elles le besoin du bilinguisme? Dans vos bureaux autant que dans les nôtres, que ce soit un poste politique ou un poste de fonction publique, cela revient au même: le bilinguisme est essentiel tant au Québec qu'ailleurs au Canada.
Mme Robillard: Je dirais que le niveau de bilinguisme exigé varie selon le poste. Est-ce que c'est une personne qui doit donner un service en direct à la population? On regarde quels sont les attributs du poste et, par la suite, le niveau de bilinguisme est fixé. Le niveau de bilinguisme, à ce moment-là, est vérifié par des tests linguistiques qui sont sous la responsabilité de la Commission de la fonction publique. Il faut que ce soit complètement indépendant. Vous savez, à l'échelle de la fonction publique, à l'heure actuelle, 37 p. 100 des postes sont considérés comme bilingues, à tous les niveaux. Le niveau de bilinguisme va varier selon le poste. On atteste le niveau de bilinguisme par un test qui est administré par la Commission de la fonction publique. Je n'ai nullement l'impression que la Commission de la fonction publique n'est pas suffisamment exigeante quand elle administre ces tests. À l'inverse, il y a des gens qui trouvent cela très difficile de subir les tests. C'est certain que lorsque c'est un poste de cadre supérieur, ils doivent atteindre le niveau qu'on appelle «CBC»: Le «A», c'est le minimum, le «C», c'est le critère le plus élevé pour la compréhension de l'écrit, l'écriture dans l'autre langue et l'interaction orale. Les tests sont donc différents selon le niveau de bilinguisme requis. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, chez les fonctionnaires avec lesquels je travaille dans mon organisation, je considère que le niveau de bilinguisme est d'un très bon niveau. D'ailleurs, je suis accompagnée aujourd'hui par deux personnes qui sont bilingues et dont la langue maternelle est l'anglais. Chez nous, on travaille dans les deux langues continuellement.
Diana peut-elle ajouter quelque chose à ce que j'ai dit?
Mme Monnet: Comme Mme Robillard, je pense que l'on doit regarder à quel niveau les postes en question ont été évalués, car c'est peut-être là le problème. Cela souligne, pour nous, non seulement l'importance de la formation mais aussi du maintien de l'acquis, parce que quelqu'un qui a atteint un certain niveau peut oublier ce qu'il a appris s'il n'applique pas ses connaissances.
Mme Robillard: Étant donné que vous revenez sur la question de la prime au bilinguisme, je pourrais demander à M. Lahey — la personne qui est en contact avec les représentants syndicaux sur cette question — d'élaborer un peu.
M. James Lahey, secrétaire délégué, Réforme des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: Ce ne serait peut-être pas une bonne idée de vouloir représenter la position des syndicats. Selon ce que j'ai compris lors de nos discussions, cela est plus ou moins acquis pour plusieurs employés. Il y a environ 54 000 employés qui reçoivent cette somme de 800 $, et même si, comme on l'a déjà expliqué, la valeur réelle diminue d'une année à l'autre à cause de l'inflation, c'est toujours un acquis.
Dans un contexte plus large, dont Mme la présidente vient de parler, où il y aura un système qui encourage l'apprentissage plus tôt dans la carrière, et où l'embauche impérative sera plus répandue dans le système de dotation, on peut supposer qu'il aura peut-être, dans un contexte comme cela, un plus grand intérêt. Pour être très franc avec vous, selon les opinions qui ont été exprimées, je n'ai pas beaucoup d'espoir. Mais on espère toujours quand même.
La présidente: Je voudrais ajouter une question supplémentaire: vous avez parlé, madame la ministre, des niveaux de bilinguisme et de compétence. Un problème fréquemment soulevé dans les journaux — et je me souviens d'un commentaire de Michel Vastel, dans Le Droit, en janvier dernier,— a trait à la piètre qualité du français en communication. Dans vos programmes de réforme, le Conseil du Trésor peut-il faire quelque chose pour améliorer cette qualité? Cela ne concerne peut-être pas votre ministère, madame la ministre, mais le plan Dion parlait des industries linguistiques, des sites Web et des communications.
Y a-t-il une solution à ce problème? S'il y a un problème, il y a une solution.
Mme Robillard: Exactement. Vous abordez un problème très réel. C'est une chose que de vouloir tous nos documents dans les deux langues officielles et c'est une tout autre chose que d'avoir la qualité de la langue autant en anglais qu'en français. Si vous naviguez régulièrement sur les sites Internet du gouvernement du Canada, vous verrez que tout le matériel est dans les deux langues officielles, mais vous serez peut-être un peu déçu de la qualité de la langue que vous découvrirez dans certains documents. Je dois parfois aller voir la version anglaise pour comprendre ce qu'on m'explique en français.
C'est un problème dont nous sommes fort conscients. Est-ce que cela doit faire parti du plan d'action? Oui, autant au niveau des mécanismes d'évaluation et mécanismes d'autoévaluation des ministères qu'au niveau des industries de la langue. Peut-être que Mme Monnet voudrait élaborer là-dessus.
La personne chargée de l'opération des gouvernements en ligne doit rendre l'information et les transactions disponibles aux citoyens du Canada. Elle est très préoccupée par toute l'information virtuelle que nous fournissons en ligne et aussi par la qualité de la langue.
Au-delà de l'Internet, il y a aussi la qualité des documents traduits. Une traduction demeurera toujours une traduction. Quand on parle de dualité linguistique, il faut aller au-delà de parler ou d'écrire dans les deux langues pour s'ouvrir à la culture de l'autre. C'est pour cela qu'il faut autant de francophones que d'anglophones dans différents milieux. Écrire et penser en français et écrire et penser en anglais, ce sont deux approches différentes. Pour comprendre la culture et la façon de faire de l'autre, il faut des gens des deux cultures et des deux langues dans les différentes cas. Madame Monnet, pourriez-vous élaborer un peu plus sur la question?
Mme Monnet: Il arrive souvent que les horreurs dont on nous fait part dans les médias sont le résultat d'une traduction automatique. Il faut souligner qu'on est loin d'une solution technologique à 100 p. 100. Une intervention humaine est nécessaire pour relire et corriger le texte afin qu'il soit conforme à l'autre langue. On développe présentement des outils d'autoévaluation pour permettre aux ministères et aux institutions d'évaluer leurs propres sites. Avec la quantité d'information qui circule, le Conseil du Trésor n'est pas en mesure de revoir tous les sites et le matériel. Il vaut mieux leur donner les outils nécessaires pour les aider à évaluer leur travail eux-mêmes.
Il y a déjà des autocorrecteurs qui peuvent aider, et même si ces outils sont de plus en plus perfectionnés, c'est insuffisant et imparfait. On travaille au niveau des industries de la langue pour voir s'il y a d'autres outils pour améliorer la situation.
La présidente: C'est aussi dans le programme de formation que ce sera important.
Le sénateur Léger: C'est agréable d'entendre que l'acte deux vise l'excellence. C'est différent. On a fini l'acte un, cela fait 30 ans, et on passe à l'autre. Ma question concerne la ligne de la formation. Une fois qu'on a tous les éléments, c'est l'entretien de tous les jours. Par exemple, on a des gymnases pour rester en forme. Si on veut jouer du piano, on joue nos gammes tous les jours. Si on veut patiner, c'est le même principe. Vous avez besoin d'une méthodologie et de nouvelles façon de procéder. La Commission de la fonction publique a la charge de cela, si j'ai bien compris.
J'ai de la difficulté à croire que les 10 p. 100 restant ne veulent pas apprendre l'autre langue. Ils le veulent, mais la méthode ne va pas. C'est clair. Ce n'est pas nécessairement une méthode livresque. Dans l'acte deux, les moyens de formation sont cruciaux. Une personne de 50 ans n'a pas besoin de prendre quatre ans pour apprendre quelque chose. Je ne sais pas combien cela coûte pour former et donner l'enseignement à une personne. Les méthodes doivent être différentes.
Aussi, je ne pense pas qu'il y aura un immigrant ou une immigrante qui refusera de venir au pays parce qu'ils doivent apprendre l'anglais et le français. C'est le contraire, ils veulent apprendre. Il ne s'agit pas d'un handicap mais d'un enrichissement. Vous parlez de régions bilingues et on est dans l'acte deux. Par exemple, à Calgary, on peut avoir besoin d'un juge francophone. Tous les juges n'ont pas à être bilingues, je le sais.
Il y a 30 ans, on faisait une indigestion parce que la boîte de céréale était bilingue, mais depuis, les estomacs se sont ajustés. Je comprends qu'il fallait faire un pas à la fois. On est présentement à l'acte deux. Il y aura certainement un acte trois et un acte quatre.
Mme Robillard: Je vais d'abord clarifier la question des régions bilingues. Dans les régions bilingues, l'employé de la fonction publique peut travailler dans la langue de son choix s'il ne dispense pas de service au public. On a des bureaux en Colombie-Britannique où une portion de la population est francophone. C'est la même chose à Calgary ou dans le Nord, surtout au nord d'Edmonton. Le service au public doit être donné dans tous les bureaux désignés comme étant «bilingues» à l'échelle du pays. On en a partout et on doit donner un service bilingue.
Travailler dans votre langue signifie écrire un texte en tant qu'employé et fonctionner quotidiennement dans les réunions. Cela s'applique aux régions bilingues et, à l'époque, ces régions fuent délimitées par la loi. La région de la capitale nationale comprend le Nord et l'Est de l'Ontario.
On arrive au Québec; c'est l'Ouest du Québec, le grand Montréal, une partie des Cantons-de-l'Est, une partie de la Gaspésie et tout le Nouveau-Brunswick. Donc, c'est spécifiquement pour la langue de travail.
Cela dit, vous soulevez un excellent point sur la méthodologie et comment la formation linguistique est faite. Vous avez raison, il faut remettre cela en question et aider nos gens à maintenir les acquis. C'est valable pour chacun d'entre nous qui parlons les deux langues officielles. Dans la fonction publique, lors d'une réunion comme celle-ci, on devrait utiliser continuellement les deux langues pour que tous utilisent l'autre langue apprise. Aussi, il faudrait davantage se servir de technologies de l'information pour permettre aux gens de maintenir les acquis. Nous avons tous des ordinateurs sur nos bureaux. Nous pourrions très bien avoir les outils nécessaires pour maintenir les acquis, parler haut et fort, et s'entendre.
Le sénateur Léger: Je comprends lorsqu'on parle du service en français. Par exemple, en 1997, on m'a invité à devenir la marraine d'un navire canadien, Sa Majesté Moncton. Naturellement, je me suis dit que cela serait bilingue. Ils ont dit oui. Sur les 12 navires, seulement deux étaient bilingues. J'étais la marraine du Moncton et Mme Chrétien était la marraine du Shawinigan, mais pour tous les autres de région non francophone, c'était seulement en anglais. Tout ce qui est officiel, des hautes instances du gouvernement, à l'extérieur, devrait être bilingue. Est-ce pour l'Acte III ou l'Acte II?
Le sénateur Chaput: Madame la ministre, Je n'ai que des félicitations à vous offrir. Vous avez mon plus grand respect lorsque je regarde la tâche monumentale que vous vous êtes donnée. Je suis francophone du Manitoba et lorsqu'on parle de changements, de transformation de la culture des ministères, de résultats durables, d'évaluation, cela nous donne encore une fois une lueur d'espoir. Cela nous ajoute des forces. Ce ne sont pas seulement de belles paroles, mais une volonté politique, un plan d'action avec une application visant des résultats durables. Il y a même des évaluations.
J'ai participé au caucus de l'Ouest du Canada. C'est vraiment très anglais. À part M. Simard et moi-même, qui venions du Manitoba, je ne crois pas qu'il y avait d'autres francophones. Les gens posaient beaucoup de questions concernant votre plan d'action. Vous avez offert de répondre aux questions et vous l'avez fait de façon ferme mais diplomatique en montrant que vous saviez, que vous connaissiez le dossier à la perfection. Cela a tellement été bien accepté que personne n'a rien eu à redire. C'est une plume à votre chapeau.
En ce qui concerne l'étude du recensement, cela touche les aires de service par d'exemple. Les aires de service existent au Manitoba — des régions désignées et des bureaux désignés qui permettent d'obtenir des services en français dans certaines parties de la province. Lorsque vous procéderez à cette étude ou ce recensement, utiliserez-vous des questions semblables à celles qu'utilise Statistique Canada? Le nombre a diminué au Manitoba. Nous sommes dans une impasse. On parle de 60 p. 100 de nos jeunes qui vivent dans une famille exogame, c'est-à-dire que l'un des deux parents ne parle pas français. La question posée par Statistique Canada qui parle de l'usage du français au foyer est bonne, mais elle nous a fait reculer en termes de nombre. Nous avons fait un genre de petit recensement dans notre famille lors de la parution des statistiques. Dans ma famille immédiate, 75 personnes — mes enfants, mes petits-enfants, mes frères et sœurs — ont répondu qu'ils ne parlaient pas français au foyer, ce qui est vrai, soit parce que le conjoint ne connaît pas le français ou qu'il est en train de l'apprendre. Le français est utilisé, les enfants vont à l'école française, mais 75 membres de ma famille ne figurent pas au nombre de ceux qui parlent le français au foyer. Alors comment allez-vous procéder au recensement chez nous pour assurer que le nombre justifie vraiment notre réalité francophone au Manitoba?
Mme Monnet: Le règlement nous oblige à utiliser les statistiques qui ont trait à la première langue parlée. Maintenant, il y a une question additionnelle qui a été posée par Statistique Canada pour le recensement 2001 sur la langue régulièrement parlée à la maison. Toutefois, le règlement est formulé de sorte que, pour cette fois-ci, c'est la première langue parlée qu'on utilise. Il existe à présent un comité qui examine l'impact de l'utilisation de l'autre question. Est-ce significatif? Y a-t-il des suggestions sur le règlement? On étudie donc comment on utilise les données du recensement de 2001 pour les fins de cet exercice-ci. À la lumière de cette application, le comité aura-t-il des recommandations à formuler à Mme la présidente puisqu'elle s'est dite ouverte aux suggestions dès le départ?
Le sénateur Comeau: Ma question concerne les démarches sur la formation linguistique des fonctionnaires. Vous voulez réduire le délai d'attente, informatiser le matériel pédagogique et diversifier les méthodes d'apprentissage. Ces démarches seront-elles faites à l'intérieur ou à l'extérieur des agences gouvernementales?
Mme Robillard: À l'heure actuelle, la formation linguistique est fournie par la Commission de la fonction publique, mais un ministère peut toujours décider d'envoyer ses gens en formation à l'extérieur. Cela existe déjà. Mais quand on parlait des délais d'attente, il s'agissait des délais d'attente à la Commission de la fonction publique. De fait, dans le plan d'action déposé par le premier ministre, la somme de 36,1 millions de dollars sur une période de trois ans a été réservée pour éliminer les délais d'attente de la formation à la Commission de la fonction publique. Certains ministères envoient leur gens à l'extérieur. Dans notre étude de structure de gouvernance, nous devrons regarder ce qui se passe de ce côté.
Le sénateur Comeau: C'est la raison pour laquelle je soulève cela. Comme vous le savez, c'est un domaine très spécialisé. Il y a des écoles qui sont à l'avant-garde dans ce domaine, parce que cela fait plusieurs années qu'ils travaillent dans ce domaine très spécialisé. Étant donné qu'ils font la formation des gens de l'industrie, des jeunes du secondaire, des jeunes universitaires et des gens de tous les secteurs de la société, pourquoi le gouvernement fédéral ferait-il cela à l'interne plutôt qu'à l'externe et aller voir toutes ces écoles très spécialisées? Cela pourrait donner un coup de main aux gens qui sont impliqués dans la formation des fonctionnaires fédéraux.
Mme Robillard: Vous soulevez un très bon point. En effet, il y a beaucoup d'expertise dans différentes écoles et dans différentes universités. Certaines d'entre elles se sont même spécialisées dans la formation des nouveaux immigrants. Tout le développement des méthodologies utilisées pour enseigner nos langues officielles existe déjà, et ce dans plusieurs écoles au pays. L'idée que vous avancez est sûrement une idée que nous allons étudier. On pense qu'il serait peut-être intéressant de réunir plusieurs de ces écoles. J'en parlais cette semaine avec la commissaire aux langues officielles qui me disait qu'il serait intéressant d'avoir un forum regroupant ces différentes écoles et de voir comment le gouvernement canadien pourrait profiter des cette expertise qui existe déjà chez nous.
Le sénateur Comeau: On y reviendra, car j'aime bien votre commentaire. Revenons sur la question de Mme Chaput. La question du recensement est très importante et elle l'a très bien articulée. J'aimerais soulever un deuxième point concernant le recensement, même si je sais que ce n'est pas dans votre domaine. Toutefois, cela peut peut-être impliquer ou influencer la réponse des gens.
Sur le dernier recensement, il y avait une liste de nationalités. Sur cette liste figuraient les Vietnamiens, les Chiliens, les Japonais, les Chinois, je pense qu'il y en avait une vingtaine; et il y avait les Canadiens français aussi. Mais sur toute cette liste, il n'y avait aucune mention d'un groupe très important au Canada: les Acadiens. Très souvent, les Acadiens ne se nommeront pas des Canadiens français.
Mme Robillard: Ma grand-mère est acadienne, je le sais.
Le sénateur Comeau: Peut-être que cela aurait pu avoir une influence. Je sais que cela ne relève pas de vos compétences, mais peut-être que vous pourriez exercer une influence auprès des gens qui s'occupent du recensement. L'année prochaine, ce sera le 400e anniversaire de l'arrivée des premiers Européens dans ce grand pays. Peut-être qu'au prochain recensement, vous pourriez nous aider à faire ajouter la nationalité «Acadien» sur la liste du recensement.
Mme Robillard: On prend note de votre commentaire, mais rien n'empêche votre comité d'écrire ou de faire venir le statisticien en chef responsable de Statistique Canada pour en discuter avec lui. Maintenant, pour la question du recensement et de l'impact sur les communautés en situation minoritaire, je pense qu'au point de départ, avant que les résultats soient connus, il y avait beaucoup d'inquiétude. Je me souviens même de certaines remarques publiques des francophones de la Nouvelle-Écosse qui avaient peur que le lendemain matin, on ferme des bureaux bilingues.
Le sénateur Comeau: C'était à l'Île-du-Prince-Édouard.
Mme Robillard: Oui, vous avez raison. Cela ne s'est pas produit, mais nous devons suivre cette situation de très près. C'est pourquoi ce comité est en place. Si vous invitez Mme Monnet à revenir pour discuter de cette question, j'apprécierais recevoir vos idées et commentaires suite à l'exposé que vous aurez en la matière.
Le sénateur Comeau: Nous poursuivrons certainement ce débat.
La présidente: Mme la ministre, je peux vous dire que le comité a comme mandat de faire une étude approfondie de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Cette question de recensement et de statistique fera certainement partie de cette étude parce que cela influence les communautés en situation minoritaire.
Le sénateur Gauthier: Vous faites de la vérification et vous faites aussi de l'évaluation au Conseil du Trésor. Dans le rapport intitulé: «Un nouvel élan pour la dualité linguistique canadienne», communément appelé le plan Dion, on promet d'investir quelque 64,6 millions de dollars pour rendre la fonction publique canadienne exemplaire. Parmi les problèmes mentionnés dans le rapport de M. Dion, il y a la question de l'utilisation de la langue; 14 p. 100 des anglophones dans des régions bilingues utilisent le français; 44 p. 100 des francophones dans des régions bilingues utilisent l'anglais. On a une sous-représentation dans certaines régions. Au Québec, par exemple, il y a beaucoup moins d'anglophones actuellement en poste comme fonctionnaires qu'il devrait y en avoir, compte tenu de la population. La même chose est vraie dans l'Ouest, dans les provinces comme la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan.
Est-ce que vous pourriez envoyer au greffier du comité les chiffres sur les régions indiquant le nombre de fonctionnaires dans chaque région désignée bilingue, ainsi que les représentations de la communauté minoritaire parmi ce groupe, à l'exclusion évidemment de la capitale nationale qui est dans une situation particulière. J'aimerais que l'on obtienne ces données pour toutes les provinces et les territoires.
Je reviens à ma question. Vous allez avoir 64 millions de dollars pour faire de la vérification et de l'évaluation. Est-ce que vous pourriez nous informer davantage, à savoir comment vous allez dépenser ces 64 millions de dollars? Il s'agit d'une somme importante.
Mme Robillard: J'aimerais bien que les 64 millions de dollars soient investis au Secrétariat du Conseil du Trésor pour améliorer nos services, mais tel n'est pas le cas. Sur les 64 millions de dollars, 38,6 millions de dollars iront à la Commission de la fonction publique. De ces 38,6 millions de dollars, 36,1 millions de dollars qui seront octroyés pour la formation linguistique, afin d'éliminer tout le délai de formation linguistique et l'autre 2 millions de dollars servira à nous aider à faire les études de gouvernance et de méthodologie dont je vous ai parlé.
Il y a une somme de 14 millions de dollars pour les deux fonds dont je vous ai parlé dans mes notes d'allocution du début: le Fonds de partenariats régionaux et le Fonds d'innovation. Ces 14 millions de dollars seront envoyés dans différents ministères pour les aider à stimuler l'innovation dans le domaine des langues officielles. Cette somme non plus n'est pas destinée au Conseil du Trésor. Sur un montant de 64,6 millions de dollars, 12 millions de dollars sur cinq ans seront alloués au Secrétariat du Conseil du Trésor pour augmenter la capacité du Secrétariat à faire les évaluations, les vérifications et à aider les ministères. C'est exactement le montant prévu dans le plan d'action. Nous en sommes très heureux, car c'est une augmentation par rapport à notre budget actuel, qui avait beaucoup souffert de coupures au cours des dernières années.
Concernant votre deuxième point, il me fera plaisir de vous transmettre de l'information. Vous voulez connaître le nombre de nos postes bilingues dans chacune des provinces. Par exemple, j'ai devant moi un tableau qui indique qu'en Colombie-Britannique, 3,3 p. 100 de nos postes de la fonction publique sont bilingues, en Alberta 4,4 p. 100, en Saskatchewan 3,8 p. 100, Manitoba 7,7 p. 100, et cetera. L'ensemble des provinces y compris les territoires sont inclus dans ce tableau. On pourrait vous fournir ces chiffres.
Le sénateur Gauthier: La fonction que vous devez accomplir est d'informer le Parlement à l'occasion des soi-disant rapports sur les langues officielles que vous recevez des institutions fédérales.
Mme Robillard: Oui.
Le sénateur Gauthier: Vous en avez reçu un d'Air Canada. Je ne l'ai jamais vu mais je sais que vous l'avez. L'année dernière, nous avons demandé à Air Canada de nous donner un plan d'action pour les langues officielles. Ils ont dit qu'ils le feraient. On sait qu'ils ont des difficultés financières mais le plan est là, on le sait. Pouvez-vous nous en envoyer une copie?
Mme Robillard: Je me demande s'il n'a pas été déposé au Comité des langues officielles de la Chambre des communes. Diana, est-ce qu'il a été déposé?
Mme Monnet: Je ne sais pas mais le bilan d'Air Canada a été déposé. Nous allons vérifier. C'est un plan de formation surtout qui nous a été présenté. Oui, il me semble que cela a été envoyé mais je me trompe peut-être. De toute façon, on vérifie et on vous l'envoie. On avait déjà demandé la permission à Air Canada de pouvoir le partager.
Le sénateur Gauthier: Est-ce que tous les plans d'action que vous recevez des ministères sont évalués par le Conseil du Trésor?
Mme Robillard: Ils se doivent d'être évalués.
Sénateur Gauthier: Évalués ou mis sur la tablette? Il y a deux agences centrales. Il y a la vôtre et celle du Patrimoine canadien. Le Patrimoine canadien reçoit les rapports des 29 institutions fédérales et je n'ai pas pu comprendre quelle sorte d'évaluation on accorde à ces rapports. Tout ce que je sais, c'est qu'ils sont mis sur la tablette. Est-ce que chez vous c'est la même chose ou est-ce que les rapports ont un suivi? Que faites-vous pour affirmer votre responsabilité ou votre autorité en matière de langues officielles, par exemple?
Mme Robillard: Je pense que c'est une très bonne question. Sénateur, loin de moi l'idée de vous dire que tout est parfait au Secrétariat du Conseil du Trésor. Étant donné les moyens limités que nous avions, je ne pense pas que ces dernières années nous avons fait une vérification en profondeur de tous ces rapports. Dans le plan d'action gouvernemental, il y a eu une augmentation des ressources au niveau du Conseil du Trésor et c'est pour faire un meilleur travail, un meilleur suivi. Ce n'est pas mis sur la tablette. Chaque année le Secrétariat du Conseil du Trésor décide des points de vérification sur lesquels il va accorder davantage de priorité. Souvent, il va le faire en complémentarité avec le Commissariat aux langues officielles, afin de ne pas vérifier les mêmes données. Par exemple, une vérification spécifique a été faite dans les aéroports à l'échelle du pays par le Secrétariat du Conseil du Trésor pour voir ce qui se passait dans chacun des aéroports et si cela était conforme à la Loi des langues officielles.
Nous allons choisir des sujets d'études plus pointus pour nous permettre de faire une vérification, mais il y a certainement beaucoup d'améliorations à apporter de notre part. On entend bien être capable d'apporter ces améliorations à partir du montant qui nous est alloué dans le plan d'action.
La présidente: Dans le rapport Dion, on parle beaucoup d'imputabilité. On parle de l'évaluation des programmes des langues officielles. D'un côté, le Conseil du Trésor donne de l'argent et ensuite, les institutions fournissent des programmes. Qui va être responsable de ce principe d'imputabilité? Qui va évaluer les programmes? Les deux?
Mme Robillard: Le principe général dans le fonctionnement du gouvernement, c'est que le Secrétariat du Conseil du Trésor émet des politiques et des directives aux ministères, et chacun des ministères est imputable des gestes qu'il pose.
Donc, le sous-ministre, le ministre du ministère X est imputable de ce qui se passe à l'intérieur de son propre ministère. Il se doit de respecter la Loi sur les langues officielles. C'est une loi quasi constitutionnelle qui a préséance sur l'ensemble de nos lois. Il doit rendre compte lui-même de ce qui se passe dans sa propre boîte. Le sous-ministre en titre et le ministre se doivent de répondre de la conformité au niveau de la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Gauthier: Qui est responsable de l'évaluation ou de la vérification, est-ce vous, le Secrétariat du Conseil du Trésor ou le ministère en question?
Mme Robillard: Le ministère doit toujours évaluer ses programmes et doit en rendre compte mais le Secrétariat du Conseil du Trésor a une responsabilité supplémentaire d'aller vérifier ce qui se passe. C'est ce mandat que nous devons assumer davantage, et le plan d'action va nous permettre d'améliorer nos pratiques en la matière. À l'heure actuelle, le secrétariat travaille beaucoup en collaboration avec les ministères.
À l'heure actuelle, dans chacun des ministères, on a un champion des langues officielles. C'est un cadre supérieur qui porte le chapeau «Champion des langues officielles» et qui se doit d'être le promoteur dans son ministère au niveau des langues officielles. Nous travaillons beaucoup avec ce réseau de champions à l'échelle de la fonction publique. Diana, vous pouvez peut-être ajouter des exemples concrets.
Mme Monnet: Lorsqu'il y a des présentations au Conseil du Trésor pour des fonds, nous sommes chargés de les revoir pour nous assurer que nous avons pensé aux langues officielles et que cette question importante reliée aux présentations soit formulée. Il faut s'assurer que cela a été couvert.
Mme Robillard: Elle a raison de vous le mentionner car cela fait partie du cadre d'imputabilité présenté par le ministre Dion. C'est un outil efficace. Lorsqu'il se présenter au Conseil du Trésor pour demander de l'argent, concrètement, le ministère place une soumission sur la table pour avoir accès à un montant d'argent. Nous sommes en position d'évaluer l'impact au niveau des langues officielles s'il y a impact.
La direction des langues officielles regarde chacune de ces soumissions et certaines sont retournées dans les ministères d'origine pour apporter quelques correctifs avant que la soumission soit acceptée par le Conseil du Trésor. C'est vraiment un rôle essentiel comme agence centrale. Je peux vous dire que c'est très efficace.
De plus, nous avons adopté l'an dernier la nouvelle politique sur la diversification des modes de prestations de services dans laquelle il y a des obligations très claires pour les ministères. Nous venons d'avoir un ou deux exemples de présentation au Conseil du Trésor, ce qui nous a permis de vérifier justement que les obligations avaient été rencontrées. C'est une de nos responsabilités.
La présidente: Merci beaucoup. Je rappelle aux sénateurs et membres du comité que Mme la ministre doit partir à 18 heures.
Le sénateur Chaput: Ma question porte sur les plans d'action prévus par les ministères fédéraux. Il est très important qu'il y ait un ministère ou une personne responsable de l'imputabilité de ces plans.
J'aimerais partager avec vous l'expérience vécue au Manitoba dans les années 1995. Il y avait, à cette époque, au sein de chaque ministère visé, des personnes responsables de l'article 41 et 42. Ma responsabilité fut de visiter tous les ministères fédéraux et bureaux régionaux au Manitoba et en Saskatchewan. J'ai rencontré les hauts fonctionnaires de chaque ministère qui ont accepté de me rencontrer. Certains hauts fonctionnaires ont refusé de me rencontrer, car ils prétendaient que l'article 41 et 42 ne s'appliquait pas dans leur cas. Je travaillais alors pour Patrimoine canadien et la Société franco-manitobaine dans le but d'en savoir plus long sur l'état des choses. Je me suis alors retrouvée en discussion avec des fonctionnaires responsables de l'article 41 et 42 qui n'avaient pas participé à l'élaboration du plan d'action de ce ministère. Ce plan leur avait été parachuté. Lorsque ces responsables tentaient de faire avancer la cause francophone pour nous au Manitoba et en Saskatchewan, ils n'avaient pas suffisamment d'autorité pour changer les choses.
J'ai fait ce travail pendant deux ans et cela a été vraiment décourageant. J'ai malgré tout remis le rapport à Patrimoine canadien, à la Société franco-manitobaine ainsi qu'à l'association en Saskatchewan, car telle était la réalité qu'on a vécue durant ces années.
Mme Robillard: Nous avons vécu ici une réalité semblable. C'est pourquoi un plan d'action a été lancé par mon collègue le ministre Dion pour lequel existe un cadre d'imputabilité.
Pour notre part, Patrimoine canadien a également, selon la loi, la responsabilité de l'article 41 et 42. Les agences centrales ont certes un rôle important à jouer. Depuis quelques années, une entente avec Patrimoine canadien avait été conclue afin que nous puissions les supporter dans cette responsabilité. Étant donné que nous nous trouvons au cœur de toutes les dépenses gouvernementales, nous pouvons parfois utiliser des incitatifs, dirais-je, pour aider les ministères à se conformer à cette politique.
Je ne prétends toutefois pas que tout est parfait en ce qui nous concerne. Rien ne me plairait d'avantage que de voir une amélioration qui nous amènerait à être plus proactifs au niveau des ministères et qui réduirait le nombre de plaintes ou de dossiers référés à la Commissaire aux langues officielles. J'adore travailler avec la Commissaire aux langues officielles. Toutefois, si on était plus proactif dans les dossiers à faire avancer au niveau des langues officielles, on retrouverait sans doute moins de questions nécessitant l'intervention de la part de la Commissaire aux langues officielles. C'est une question de prévention et de responsabilité. Il ne faut pas attendre d'en arriver au stage où un problème se rende jusqu'à la Commissaire aux langues officielles.
C'est pourquoi il faut un leadership renouvelé dans le dossier des langues officielles au sein du gouvernement, tout en respectant le travail qui peut être fait par la commissaire. On se doit d'assumer davantage de responsabilités, tant dans les agences centrales que dans chacun des ministères.
Le sénateur Corbin: Je regrette, madame la ministre, de n'avoir pu assister à votre présentation. Vous parlez d'imputabilité. Cet élément est certes fondamental.
La question des langues officielles semble vous tenir à cœur — étant donné votre ascendance acadienne, nul doute — et vous êtes très active sur ce plan. Malheureusement, vous ne serez pas toujours là. Existe-t-il des garanties que votre successeur(e) conservera après votre départ le même engagement ou devra-t-on traverser une période creuse avant de revenir un jour à une période de haute sensibilisation? Existe-t-il dans le mandat du Conseil du Trésor des garanties de permanence d'intérêt et de proactivité?
Mme Robillard: J'aimerais tout d'abord vous rassurer que je ne suis pas près de quitter.
Le sénateur Corbin: En politique tout le monde quitte éventuellement.
Mme Robillard: Vous avez raison. Nous ne savons jamais ce que nous réserve l'avenir comme ministre. Mais blague à part, le président du Conseil du Trésor, quel qu'il soit, a des responsabilités spécifiques en vertu de la Loi sur les langues officielles. Le président du Conseil du Trésor est l'un des ministres visés par la Loi sur les langues officielles. Il a des responsabilités très précises par rapport à certaines parties de la loi. Quiconque occupe ce poste est imputable et ne peut passer outre à ses obligations législatives.
Maintenant, comme je l'ai indiqué aujourd'hui, on veut aller au-delà des obligations législatives dans la fonction publique du Canada, au-delà du respect de la loi de base et de ses règlements. Je crois que cela doit se faire au niveau de l'approche. Il ne faut pas auprès des fonctionnaires s'en tenir strictement au fait qu'ils se doivent de respecter la loi et les règlements, mais ils doivent ancrer la dualité linguistique dans leur vie de tous les jours et en faire l'une des valeurs de la fonction publique. Cette question de dualité linguistique, en devenant intégrée davantage dans la culture de la fonction publique, favorise davantage sa continuité à long terme que de strictement dire qu'on respecte une loi et ses règlements, aussi puissants soient-ils. Lorsqu'on parle de valeurs de base, c'est qu'on y croit. Il N'est pas facile de changer les valeurs quand on y croit vraiment, car elles deviennent un élément fondamental.
C'est toute cette approche de la culture sur laquelle nous allons travailler. Pour la première fois, nous avons une étude à l'échelle de la fonction publique du Canada pour tenter de cerner les attitudes et les perceptions des fonctionnaires. Bien qu'il s'agisse d'éléments plutôt intangibles, les perceptions et les attitudes sont des composantes de l'être humain.
En tentant de cerner ces éléments, nous nous sommes aperçus que nous soutenions les principes de base de la loi, mais nous avons également constaté des choses incroyables. Nous avons constaté un manque de connaissance plutôt flagrant au sein des fonctionnaires. Nous avons également constaté des disparités régionales fort importantes. Nous sommes habitués de dire «la fonction publique du Canada», mais «la fonction publique» ressemble à notre population.
Prenons l'exemple d'un fonctionnaire francophone vivant au Saguenay Lac-Saint-Jean qui n'est jamais exposé à autre culture, et un autre fonctionnaire anglophone dans le nord de la Colombie Britannique qui n'est jamais exposé à la culture francophone. On retrouve chez ces gens une plus grande réticence.
Cet élément se retrouve à l'échelle de notre population. Voilà pourquoi il faudrait une approche de «marketing social» à l'intérieur de la fonction publique pour intégrer ce phénomène de dualité linguistique à notre culture.
Le plan d'action qui a été déposé n'est pas un plan de la présidente actuelle du Conseil du Trésor. C'est un plan gouvernemental.
Le sénateur Corbin: Qui s'engage pour l'avenir?
Mme Robillard: Oui. Je crois donc qu'il y a de bonnes garanties pour l'avenir.
La présidente: J'ai beaucoup aimé votre terme «marketing social». Je crois que la question de bilinguisme est une question de marketing. Comme je l'ai indiqué au ministre Dion lors de sa visite, il faudrait promouvoir chez nos jeunes la notion non seulement qu'il est utile d'être bilingue pour s'assurer un emploi éventuel, mais un peu le slogan «aujourd'hui, c'est cool d'être bilingue», si on veut. Je souhaite que vous puissiez communiquer votre entrain en ce qui a trait aux langues officielles à tous vos collègues.
Je vous remercie d'être venue et nous vous encourageons à continuer dans cette veine. Nous prendrons une courte pause avant d'entendre la commissaire aux langues officielles.
La séance est suspendue.
(Reprise de la séance)
La présidente: Il me fait plaisir d'accueillir la commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam. Je vous demanderais de bien vouloir présenter les personnes qui vous accompagnent.
Mme Dyane Adam, Commissaire, Commissariat aux langues officielles: Je suis accompagnée de quatre de mes collaborateurs: Mme Louise Guertin, directrice des services administratifs corporatifs, M. Michel Robichaud, directeur général des enquêtes, M. Guy Renaud, directeur général des politiques communications et bureaux régionaux et Me Johanne Tremblay, directrice des services juridiques.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je veux discuter des axes d'intervention du commissariat pour la prochaine année budgétaire tout en donnant un aperçu des dossiers prioritaires. C'est beau de discuter des crédits, mais ils sont là essentiellement pour réaliser les grands objectifs, nos interventions.
Vous avez probablement pris connaissance de notre rapport sur les plans et priorités. Celui-ci présente les trois résultats stratégiques visés par le commissariat: le renforcement du bilinguisme institutionnel, la promotion et l'acceptation sociale de la dualité linguistique comme valeur fondamentale ainsi que l'épanouissement des communautés de langues officielles. Je ne reprendrai pas tous ces éléments puisqu'ils sous-tendent nos actions de tous les jours. Je vais me tourner vers certaines priorités d'avenir.
Parlons de fonds et de nouveaux fonds. Avant d'amorcer ma présentation, je veux reconnaître l'appui de l'ancien comité mixte des langues officielles qui l'an dernier a adopté une motion demandant au gouvernement d'ajouter 4 millions de dollars au budget annuel du commissariat. Certains d'entre vous étaient présents à ce comité mixte. Forte de votre appui, j'ai formellement demandé au gouvernement d'acquiescer à cette requête et je suis heureuse de vous annoncer que le Conseil du Trésor a consenti un fonds additionnel de 3,4 millions de dollars, ce qui augmente notre budget annuel à presque 18,3 millions de dollars pour l'exercice financier 2003-2004. À l'exercice 2004-2005, l'allocation additionnelle passera de 3,4 millions de dollars à 4 millions de dollars. Je tiens encore une fois à vous remercier pour cette intervention en notre faveur et en notre faveur collective, puisque nous travaillons tous pour les mêmes objectifs.
J'aimerais également mentionner que cette allocation ne fait pas partie du plan de relance des langues officielles. C'était une demande indépendante du gouvernement et pour cause, puisque le commissariat est un agent de Parlement et non pas une partie du gouvernement. Alors il est important que nous soyons dissociés des mesures prises par le gouvernement.
Ces fonds étaient nécessaires, d'autant plus que les activités et les axes d'intervention du commissariat ne se sont pas multipliées depuis mon entrée en fonction. Que ferons-nous de ces nouvelles ressources au courant de la prochaine année? D'abord, des investissements, améliorer la liaison, consolider la vérification et accroître la recherche.
En premier lieu, nous allons tendre la main au public, aux fonctionnaires et aux parlementaires canadiens. Nous avons donc embauché des agents de liaison régionaux pour assurer une présence du commissariat en Colombie- Britannique et en Saskatchewan. C'est nouveau. Nous avons également embauché un agent pour notre bureau au Québec et, dans peu de temps, quelqu'un entrera en poste en Atlantique. Nous allons aussi créer un poste d'agent de liaison pour l'Ontario. Nous pourrons ainsi nous rapprocher des régions et des communautés pour mieux prendre le pouls de la population canadienne. Nous prévoyons — et c'est le deuxième enrichissement de notre capacité — consolider notre rôle de vérification au sein de l'appareil fédéral afin d'endiguer des problèmes systémiques avant qu'ils prennent trop d'ampleur. De plus les ressources accrues affectées à la liaison parlementaire nous permettent bien sûr, non seulement d'être à l'affût et à l'écoute du travail législatif, mais de vous appuyer. Cela semble d'autant plus approprié, compte tenu des actions que vous entreprenez pour répondre aux grands enjeux des langues officielles.
Je pense surtout à votre vigilance et à votre engagement lors de l'adoption de la loi favorisant l'activité physique et le sport pour que la loi tienne davantage compte de la dualité linguistique. Par ailleurs, le commissariat compte bâtir ses interventions sur des assises solides. Nous allons poursuivre nos efforts et même accroître nos capacités de recherche. Nous avons déjà publié au cours de la dernière année des études sur le réseau des guichets uniques, sur les exigences linguistiques des postes au sein de la haute fonction publique, sur l'immigration et le développement des communautés, sur l'utilisation de la presse minoritaire par les ministères et organismes fédéraux et sur le bilinguisme des sites Internet des missions diplomatiques.
Au cours de la prochaine année, nos axes de recherche continueront et porteront entre autres sur la langue de travail dans la fonction publique fédérale, sur un suivi des langues officielles dans le système sportif canadien et sur la dualité linguistique dans les activités internationales du Canada.
Nous avons commencé par nous pencher sur la question des baux, des édifices de la Commission de la capitale nationale et de ceux administrés par Travaux publics et les services gouvernementaux dans la région de la capitale nationale pour ensuite produire un rapport en la matière qui devrait paraître probablement tôt à l'automne. Le commissariat maintient son engagement pour favoriser le bilinguisme dans la capitale.
Regardons maintenant quelques priorités pour l'année à venir. D'abord, concernant le plan d'action, au cours des prochains mois, je suivrai de très près la mise en œuvre du plan d'action pour les langues officielles dans lequel le gouvernement a concrétisé et renouvelé ses engagements en matière de langues officielles.
Je tiens à féliciter le premier ministre, Jean Chrétien, et les ministres Dion, Robillard, Copps et leurs collègues du Cabinet pour leur leadership dans l'élaboration de ce plan. Il s'agit d'un excellent exemple de concertation et de travail d'équipe. Les membres de votre comité ont aussi poussé le gouvernement à agir et je vous en félicite. L'investissement d'un peu plus de 750 millions de dollars réparti sur cinq ans permettra de relancer le programme des langues officielles.
Au cours des prochains mois, nous examinerons de très près les différentes mesures mises de l'avant dans le plan. Mon appréciation globale figurera dans le prochain rapport annuel du commissariat qui devra être déposé au Parlement en septembre. Pour l'instant, je peux néanmoins dire que j'accueille favorablement ce plan qui cible des objectifs clairs répondant aux besoins exprimés par les communautés. Il comprend un cadre d'imputabilité qui définit les responsabilités de chaque institution et met en place des mécanismes de concertation horizontale, mais ce sera seulement à la lumière des résultats concrets que nous pourrons réellement mesurer l'impact de ce plan.
Je suis persuadée qu'il s'agit de l'amorce d'un changement majeur qui permettra de replacer la dualité linguistique au centre ou au coeur des priorités gouvernementales. Soyez assurés que je veillerai attentivement à la mise en oeuvre du plan, particulièrement l'intégration des trois objectifs fondamentaux de la Loi sur les langues officielles dans le processus décisionnel sur les politiques et programmes du gouvernement et aussi à ce que doit assurer le cadre d'imputabilité de coordination.
Il faut le rappeler, ce plan n'est qu'un point de départ, comme l'a répété tout à l'heure Mme Robillard, — et j'ai été ravi de cela — c'est un plan qui engage le gouvernement, peu importent les joueurs qui pourraient changer dans un avenir peut-être assez rapproché. Il faut pas non plus confondre ce plan à une panacée, car il ne traite pas de l'ensemble des questions liées aux langues officielles. Bien d'autres dossiers devront retenir l'attention du gouvernement et votre attention aussi.
[Traduction]
Permettez-moi d'insister sur trois améliorations à considérer dans le plan d'action pour les langues officielles. J'ai certaines réserves à l'égard du plan. Trois éléments, qui brillent par leur absence, auraient pu améliorer le plan.
D'abord, il y manque un mécanisme de reddition des comptes. Le cadre d'imputabilité ne fait que définir le rôle des institutions, ce qui est déjà bien. Cependant, il n'établit pas de système de mesure du rendement et de reddition des comptes adéquats pour veiller à ce que le plan d'action et, de façon plus générale, le programme des langues officielles, soient mis en oeuvre par les institutions fédérales. Le gouvernement doit formuler des critères et des indicateurs précis à cet égard.
Deuxièmement, la réussite du plan dépend grandement de la participation essentielle des provinces et des territoires. Pourtant, le gouvernement n'a pas inclus un cadre de collaboration avec les provinces et territoires qui sont appelés à contribuer de façon importante à la réalisation des objectifs du plan, notamment ceux qui portent sur le secteur de la santé.
Troisièmement, après avoir sillonné le Canada pendant plus de trois ans, je me rends compte à quel point l'effort de promotion de la dualité linguistique dans la société canadienne est un travail collectif et continuel. J'en ai fait un axe d'intervention prioritaire.
Vous vous souviendrez que l'ancien comité mixte des langues officielles avait adopté l'an dernier une motion concernant le besoin d'entreprendre une campagne de sensibilisation et de promotion. Je conviens qu'il est fondamental que les Canadiens et Canadiennes comprennent, adhèrent et participent pleinement à notre dualité linguistique.
Les données du dernier recensement nous rappellent que le Canada est en pleine mutation et qu'il est devenu une société de plus en plus diversifiée à tous points de vue. Cette diversité vient ajouter un fleuron à notre identité canadienne qui s'articule toujours autour de la dualité linguistique. La diversité canadienne doit s'exprimer pleinement dans les deux langues officielles.
La mise en oeuvre et la réussite du plan d'action pour les langues officielles requièrent l'effort concerté de nombreux acteurs, notamment les gouvernements, les enseignants, les intervenants communautaires, les administrateurs scolaires, les fonctionnaires, les étudiants et leurs parents. Quant aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, elles sont déjà parties prenantes. Par contre, je suis d'avis que le gouvernement devra développer une stratégie de sensibilisation et de marketing auprès des collectivités pour mobiliser les décideurs et les acteurs clés au sein de la majorité canadienne d'expression anglaise, si nous voulons réellement atteindre les objectifs du plan d'action.
Je pense notamment à l'objectif de doubler d'ici 10 ans le nombre de jeunes ayant une connaissance de nos deux langues officielles. Je suis certainement prête à appuyer le gouvernement dans cette démarche.
Je vais maintenant vous donner un bref aperçu de la modernisation de la fonction publique et de la langue de travail.
La modernisation de la fonction publique fédérale est certes un sujet d'actualité et j'en ai même fait une priorité depuis le début de mon mandat.
À ce sujet, je tiens à souligner le progrès accompli par le gouvernement cette année et à féliciter la ministre Robillard d'avoir fait preuve de leadership en respectant la date limite imposée aux cadres pour atteindre le niveau CBC. Les cadres ont très bien répondu à l'appel puisque plus de 90 p. 100 de ceux qui occupent des postes bilingues respectent maintenant les exigences linguistiques.
Cependant, il reste beaucoup à faire dans le domaine de la langue de travail. Le gouvernement doit annoncer le plus rapidement possible les mesures qu'il entend prendre pour que la fonction publique soit un lieu où les deux langues puissent s'épanouir.
Mme Robillard a mentionné qu'elle présentera bientôt une politique à ce sujet. Il sera intéressant de voir quelle sera sa proposition.
Il y a environ un mois, j'ai comparu devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires pour proposer trois amendements au projet de loi sur la modernisation de la fonction publique. Je serai heureuse d'en discuter davantage si vous avez des questions à ce sujet.
Je ne saurais me présenter ici sans parler bien sûr d'Air Canada. Avec toutes les incertitudes entourant Air Canada, je peux vous assurer que nous allons rester aux aguets. Nous allons également veiller à ce que les droits linguistiques du public voyageur n'écopent pas de la restructuration éventuelle du transporteur aérien.
J'ai même écrit au ministre Collenette à ce sujet. Je vous demande de suivre l'évolution du dossier et d'agir sans équivoque une fois le temps venu. Si les transformations d'Air Canada devaient compromettre les droits linguistiques acquis, nous devrons agir résolument et rapidement. Cette crise appréhendée nous forcera peut-être à revoir les obligations linguistiques des autres transporteurs aériens et à proposer des solutions globales.
[Français]
Un mot sur l'accès à la justice et l'entente avec l'Ontario et le projet de règlement et surtout la mise en oeuvre du jugement Blais concernant la Loi sur les contraventions. Le ministère de la Justice a conclu une entente avec le gouvernement de l'Ontario. Cette entente permettra aux citoyens et aux citoyennes qui contestent une contravention ou un règlement fédéral d'avoir leur procès en français, partout en Ontario, en plus de recevoir les services judiciaires en français là où il existe une demande importante.
Je suis heureuse de constater que l'entente signée avec la province de l'Ontario est conforme au jugement et que le gouvernement du Canada a investi les sommes nécessaires qui permettront d'assurer l'accès du contrevenant au service du personnel judiciaire dans les deux langues officielles. Le ministère de la Justice a également entrepris de revoir son règlement sur l'application de certaines lois provinciales. J'ai récemment écrit au ministre Cauchon à ce sujet.
Je suis d'avis que le projet de règlement ne respecte pas entièrement le jugement Blais, compte tenu qu'il n'impose pas au juge de paix ou au juge de la Cour provinciale — je vois que le sénateur Beaudoin acquiesce de la tête — l'obligation d'informer tout contrevenant de ses droits linguistiques, comme le prévoit le Code criminel.
Il s'agit d'une lacune importante en raison de l'impact de l'offre active sur l'exercice des droits linguistiques. En effet, tant les études effectuées par mon bureau que l'étude toute récente commandée par Justice Canada, «L'État des lieux sur l'accès à la justice», confirment que les citoyens hésitent à exercer leurs droits linguistiques lorsque l'offre active est absente. J'ai d'ailleurs proposé au ministre Cauchon d'amender le Règlement pour inclure le libellé qui est devant vous et qui touche l'article 4 (1.1):
Le juge de paix ou le juge de la cour provinciale devant qui le défendeur comparaît pour la première fois avise le défendeur, s'il n'est pas représenté par le procureur, de son droit de demander que son procès se déroule dans l'une ou l'autre des langues officielles.
Je crois qu'il serait important d'apporter des modifications au projet du règlement et je vais suivre cela de très près au cours des prochaines semaines. La santé, on le sait, est une priorité non seulement pour tous les Canadiens, mais bien sûr pour les communautés vivant en situation minoritaire. Ce dossier a retenu mon attention au cours de la dernière année. Je constate que l'accord des Premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé adopté le 5 février 2003 ne prend aucunement en compte la dualité linguistique, et ceci en dépit des recommandations des rapports de la commission Romanow de novembre 2002 — et du comité Kirby de décembre 2002.
Je suis tout de même rassurée de savoir que Santé Canada, dans le cadre du Plan d'action sur les langues officielles, investira la somme de 119 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour le réseautage, la formation, le recrutement et la rétention de la main-d'œuvre. Il s'agit d'un bon point de départ.
J'attends maintenant la réaction des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur les mesures particulières qu'ils prendront pour assurer aux communautés de langue officielle en situation minoritaire l'accès aux services publics de santé dans leur langue.
Je suis d'avis que les ententes fédérale-provinciales, qui seront renégociées au cours de la prochaine année, doivent inclure des dispositions précises relatives aux services de santé offerts dans la langue de la minorité. Chaque entente devra être adaptée aux besoins particuliers de chaque province ou territoire.
En terminant, j'aimerais réitérer mon engagement à faire du Commissariat un agent de la progression vers l'égalité du français et de l'anglais dans la société canadienne en commençant par les dossiers dont je vous ai parlé aujourd'hui. Cette mission est exigeante. Elle nous amène à faire preuve de leadership; à montrer notre courage, parfois pour intervenir en amont dans les dossiers chauds; à privilégier la concertation sur des questions horizontales et à encourager des actions concrètes pour stimuler le changement.
Tout le travail que je veux entreprendre doit s'accomplir dans le respect mutuel et le renforcement de votre travail parlementaire. Je sais que je peux compter sur votre appui pour promouvoir et défendre nos deux langues officielles. C'est maintenant à mon tour de vous entendre.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, madame la commissaire, pour votre présentation. Concernant le rapport sur les plans et priorités de votre budget, je vous inviterais à nous faire part de vos suggestions au cours de la discussion qui suivra entre vous et les sénateurs.
Mme Adam: J'avais l'intention surtout de répondre à des questions ou des commentaires concernant le budget. Les ressources financières, comme on le sait fort bien, se traduisent beaucoup plus par nos activités. Est-ce que le Commissariat dispose à l'heure actuelle des ressources nécessaires pour exercer son mandat? Je vous répondrai qu'il est certain que nous pourrions toujours nécessiter davantage de ressources, personne ne peut dire le contraire.
Toutefois, le Commissariat a réussi à obtenir 4 millions de dollars additionnels; nous avons de nouveaux axes stratégiques et nous allons améliorer d'autres axes existants. À mon avis, c'est une progression saine d'intervention pour le Commissariat. À trop vouloir embrasser, parfois c'est mal étreindre.
Alors pour ce qui est de nos ressources financières, sauf en ce qui a trait à la campagne de promotion et de marketing social — je pourrais aborder ce sujet si vous le souhaitez —, nous pouvons intervenir comme agent de changement et intervenir dans plusieurs dossiers de façon efficace.
Le sénateur Gauthier: Allez-vous intervenir dans la cause des Franco-Ténois, oui ou non? Ce n'est pas très compliqué.
Mme Adam: Vous savez que c'est très compliqué de répondre oui ou non à une question. Mais puisque c'est ni oui, ni non en ce moment, je n'exclus pas du tout la possibilité de demander d'intervenir dans cette affaire. Toutefois, à l'heure actuelle, nous intervenons toujours au niveau du processus de révision législatif qui se poursuit. Lorsque le projet de loi sera déposé avec, on l'espère, les amendements que nous avons suggérés, si nous jugeons encore que le projet de loi ne réussit pas vraiment à respecter la Loi sur les langues officielles ou, à tout le moins, l'esprit et la lettre, nous prendrons à ce moment la décision de demander à intervenir ou non.
Le sénateur Gauthier: Vous avez des précédents assez puissants. Vous êtes intervenue au Québec dans la question des fusions municipales. Vous êtes intervenue en Ontario avec l'Hôpital Montfort. Vous intervenez souvent. J'ai reçu une copie aujourd'hui d'une lettre des Franco-Ténois envoyée au premier ministre, dans laquelle ils font un plaidoyer en faveur d'une intervention du gouvernement fédéral. Étant un officier du Parlement, je vous pose demande si vous allez oui ou non agir? C'est à vous de décider. J'ai d'autres questions à vous poser.
Mme Adam: Ma réponse, c'est que je n'ai pas encore décidé. Bien sûr, lorsque nous décidons d'intervenir ou non, cette décision doit aussi tenir compte du temps opportun pour décider d'intervenir. Cela n'a pas changé encore.
Le sénateur Gauthier: D'accord. Votre nombre d'employés à temps plein a augmenté dans votre budget de cette année; il est passé de 145 à 162. Pourriez-vous me dire où ces nouvelles personnes seront placées dans votre système?
Mme Adam: Ces individus vont apparaître sur une période d'environ deux ou trois ans puisque dans l'augmentation de 2003-2004, des sommes s'ajouteront jusqu'en 2004 et 2005.
La répartition des individus par fonction est la suivante. Nous aurons environ 17 nouvelles personnes, équivalents temps plein: trois dans les relations parlementaires, deux au niveau de la recherche, trois agents de liaison, quatre personnes dans les vérifications, et au niveau du Cabinet, zéro pour moi. En ce qui concerne les services administratifs et corporatifs, il y aura quatre personne; dans le domaine de la recherche qui comprend l'analyse juridique, il y aura une personne. Tout cela pour un total de 17 personnes environ. C'est pour 2003 et 2004.
Le sénateur Gauthier: Quelle proportion de votre budget sert à l'octroi de contrats externes? Je sais que vous faites beaucoup de recherche et que vous commandez des documents à l'occasion.
Mme Adam: La répartition de nos budgets n'est pas basée sur ce genre d'information. L'information dont nous disposons est approximative. Pour ce qui est des contrats, un montant de 1,9 millions de dollars est donné à l'externe autant pour la gestion moderne, comme par exemple, l'évaluation de l'infrastructure technologique, que pour des études qui seraient commandées par la directrice des service juridiques concernant des avis sur des questions pointues comme les droit constitutionnels. Ce pourrait également être une étude bien particulière sur l'immigration. À peine 20 p. 100 de notre budget sert pour des services externes.
Le sénateur Gauthier: La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, je vous ai parlé d'un plan absolument essentiel pour réussir à convaincre les Canadiens et les Canadiennes du bien-fondé de la dualité linguistique. Il s'agit du plan de sensibilisation nationale aux langues officielles. Le 12 mars dernier, M. Dion a déposé un rapport important que je prends au sérieux. Il a fixé des cibles. J'ai lu vos critiques et je les approuve. Une des critiques qui m'a un peu intrigué concerne ce qu'il faut faire pour convaincre les Canadiens et les Canadiennes que deux langues officielles, c'est bon, même payant parfois, mais que c'est surtout enrichissant sur le plan personnel. On veut augmenter la proportion des diplômés bilingues au niveau secondaire à 50 p. 100. Cette proportion est actuellement de 24 p. 100. Dans 10 ans, on doit doubler le nombre des diplômés.
Ayant passé 12 ans de ma vie dans le milieu scolaire, je peux vous dire que si vous n'allez pas chercher les parents, vous n'irez pas chercher les enfants non plus, et vice versa. S'il n'y a pas instauration d'un programme de sensibilisation d'ici peu auprès de la population, les beaux objectifs du plan Dion ne se réaliseront pas.
Vous avez déjà dit que vous n'aviez pas d'argent et vous avez même évalué que cela coûterait à peu près 20 millions de dollars pour élaborer un programme. Je vous pose encore la question: est-il possible d'établir un genre de collaboration entre les différents ministères pour que ce ne soit pas seulement le Commissariat aux langues officielles qui dépense 20 millions de dollars, mais que ce soit le gouvernement, avec tous ses agences et ministères, qui fait un pas en avant, qui coopère et qui produit une carte routière, un plan d'ensemble. Est-ce que c'est possible de penser comme cela ou si je me trompe?
Mme Adam: Vous partagez l'une de mes grandes préoccupations. J'insiste beaucoup sur la mise en oeuvre du plan. Il faut que la population nous appuie si nous voulons obtenir le comportement désiré, par exemple, que les jeunes s'inscrivent en plus grand nombre aux cours de langue seconde. Pour ce faire, il faut créer les conditions favorables à ce changement de comportement. Le plan et l'engagement du gouvernement fédéral représente l'une des conditions requises.
Pour atteindre cet objectif, nous devons mobiliser plusieurs décideurs et acteurs clés dans les prochains cinq ans — et même plus, car c'est un travail continue — sinon cela n'arrivera pas. Si le gouvernement fédéral est prêt à investir 750 millions de dollars pour relancer les langues officielles, il doit sérieusement songer à investir une somme importante et se faire conseiller par des experts dans le domaine pour s'assurer que tous les partenaires clés s'assoient à la même table et qu'ils s'entendent sur un plan de mise en oeuvre de cet objectif.
Autrement, je ne crois pas qu'on atteigne l'objectif. J'ai dit cela à M. Dion et je l'ai répété à d'autres ministres qui veulent m'entendre. Je vais insister sur cela parce que sinon, ce sera comme si on avait fait un beau soufflé mais qu'on avait oublié de le mettre au four. C'est une partie du chaînon qui manque.
Le sénateur Gauthier: Vous parlez à un converti. C'est comme aller à l'église et dire de ne pas faire de péchés. J'ai essayé avec les baux dans la région de la capitale nationale de convaincre les ministres responsables, dont Travaux publics Canada, d'insister sur le respect des clauses linguistiques des baux, parce qu'on dit que dans un espace loué, on doit afficher et servir le public dans les deux langues officielles. Cela a énervé beaucoup de gens. Aujourd'hui, et je suis fier de le dire, dorénavant, la Commission de la capitale nationale va s'assurer que tous les baux soient respectés. Travaux publics Canada aussi.
Il y a moyen de faire quelque chose. Samedi dernier, le maire de Moncton, Brian Murphy, est venu parler aux membres de l'ACFO régionale. Il a utilisé le même langage que vous: il faut convaincre la majorité anglophone du bien-fondé des deux langues officielles, autrement c'est peine perdue. Avez-vous pris connaissance de son document?
Mme Adam: Un de mes représentants a participé à cette rencontre. Je déplore toujours que, parfois, quand on lui parle de la mise en oeuvre de la loi et du respect tant de la lettre que de l'esprit de la loi, il arrive que le gouvernement fédéral ne se concentre que sur un objectif, par exemple, les communautés minoritaires, ensuite, la fonction publique, et cetera. La promotion des langues officielles au pays auprès de l'ensemble de la population représente un travail continue. Il est possible de mener plusieurs dossiers en même temps.
De nos jours, il est beaucoup question de tâches multiples. Le gouvernement fédéral doit apprendre à investir beaucoup plus dans la promotion. La question des baux, des services gouvernementaux et de Travaux publics est un exemple de promotion. Malgré son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral n'utilise pas cet outil de promotion à l'appui des deux langues officielles au pays.
Il y aurait des façons, sans même ajouter d'autres fonds, de promouvoir le français et l'anglais dans la société. Les idées ne manquent pas. Aussi, le gouvernement doit prendre des mesures concrètes de façon répétée et concertée en ce qui concerne la promotion.
Le sénateur Gauthier: Vous connaissez ma position quant aux contraventions. Une des choses qui m'a frappé dans l'entente, c'est l'impossibilité d'obliger le juge, lorsque le justiciable est devant lui, à lui dire qu'il a le droit de se défendre en français ou en anglais. J'ai trouvé cela l'année passée dans le rapport «L'état des lieux». Je suis content que vous en parliez aujourd'hui parce qu'on va présenter un rapport prochainement. Cela me donne l'occasion de renforcer ma proposition à l'effet que le gouvernement devrait obliger non seulement les juges mais tous ceux qui passent en première instance. C'est fini le temps de nommer des mandataires du ministère de la Justice qui ne parlent pas français dans une cause où l'accusé est francophone. Même le juge, le mandataire du ministère de la Justice dit: «Je m'excuse, but I do not speak French. Il faut tout faire en anglais. L'affaire Beaulac a démontré clairement que ce n'était pas correct.
Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet? Je commence à m'emporter. Je trouve qu'il est important de faire suite à la demande de l'état des lieux de ce rapport, de mettre en place des structures et des gens qui peuvent communiquer, et d'obliger les juges à le faire. Sinon, ils ne le font pas.
Mme Adam: Cela est important pour deux raisons. Premièrement, l'accès à la justice dans les deux langues officielles et deuxièmement, le lien qu'il y a entre l'autre objectif qui dit: «Qu'est-ce qui va inciter des jeunes à devenir bilingues?» C'est intéressant d'avoir les deux langues et c'est un enrichissement personnel. Mais si les jeunes Canadiens et Canadiennes constatent qu'il y a effectivement des tribunaux, des endroits partout dans la société où l'on veut ce genre de compétence, c'est un des incitatifs les plus puissants pour amener justement l'appui de la majorité. Il faut favoriser des espaces de travail ou de vie où les deux langues cohabitent et vivent. Il y a un lien très étroit entre ces deux objectifs.
La présidente: Lorsque nous avons adopté l'ordre du jour, nous avons décidé de nous en tenir aux discussions sur les dépenses, les plans et les priorités de la commissaire aux langues officielles. Il est certain que nous avons beaucoup de questions à vous poser sur tout le travail. Nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque nous ferons en profondeur notre étude sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Beaudoin: J'ai trois questions précises à vous poser. La première à trait aux procès criminels en français. Il n'y a aucune raison au monde pour que l'on n'ait pas ce droit à travers tout le Canada, nonobstant les coûts.
Non seulement ce droit fait partie de la Charte des droits à l'article 16, mais il est aussi inclus dans l'arrêt Beaulac de la Cour suprême du Canada et dans plusieurs autres arrêts. Tout accusé a le droit d'avoir son procès dans la langue officielle de son choix.
Si cela coûte plus cher, cela coûtera plus cher. La Constitution ne fait pas de compromis. La Constitution, c'est fondamental. Pour moi, un procès au criminel qui est bilingue, c'est fondamental. Je félicite la Cour suprême. Elle est devenue beaucoup plus bilingue que n'importe quelle autre Cour suprême que j'ai connue dans ma vie. Les gens plaident en français et les jugements sont en anglais et en français. Cela coûte plus cher, mais c'est cela le Canada. Je pense qu'il ne doit y avoir aucun compromis.
Pour ce qui est des activités internationales du Canada, j'ai quelque chose à vous suggérer. Sur la scène internationale, le premier ministre, les ministres et nos parlementaires utilisent souvent la langue française et je les félicite tous. Mais quand il y a des événements sportifs internationaux, cela fait pitié à mon humble avis. Tout le monde regarde les sports, tout le monde — sur le plan international aussi. Comment se fait-il que nos parlementaires utilisent si bien la langue française et anglaise sur le plan international et lorsque nous avons des activités sportives ailleurs qu'au Canada sur la scène internationale, ce n'est pas aussi bon?
Il y a sûrement quelque chose à faire dans ce domaine. Je pense que vous avez juridiction à l'extérieur du Canada si ce sont des Canadiens qui parlent. Sans cela, on interpréterait la Constitution de façon très — comment dire — restreinte.
Mon troisième point a trait à la capitale nationale. Je n'en démords pas. Une fédération bilingue doit avoir une capitale nationale bilingue. Il y a deux façons d'y arriver: convaincre le ministre de l'Ontario de collaborer ou faire intervenir le gouvernement fédéral. On a un nouveau leadership en Ontario sur le plan provincial et j'aimerais savoir si, selon vous, cela va mieux, s'ils sont plus ouverts à cette question de la capitale nationale.
J'ai organisé un colloque Canada-Belgique et des ministres belges nous disaient qu'en Belgique, tout doit se faire dans les deux ou trois langues officielles. Si la Belgique réussit — et c'est un État fédéral comme le nôtre — je ne vois pas pourquoi on ne réussirait pas à le faire au Canada.
On doit mettre les bouchées doubles. La capitale du Canada, c'est Ottawa. Il faut que la capitale du Canada soit bilingue.
J'attire votre attention sur ces trois points et je pense bien que vous êtes tous d'accord. Le problème c'est de trouver les meilleurs moyens pour y arriver. Quant aux procès, on a fait des progrès énormes. La Cour suprême est d'un bilinguisme impeccable mais ce n'est pas le cas partout.
Des juges bilingues, cela existe! S'il n'y en a pas à certains endroits, il faudra en trouver, c'est aussi simple que cela. Lorsque nos équipes sont à la télévision, ici ou ailleurs, nous devons faire les reportages bilingues.
Troisièmement, il faudra tôt ou tard trouver un moyen pour rendre notre capitale bilingue. Les gens posent toujours la question à savoir comment il se fait que ce n'est pas bilingue ici alors que c'est bilingue en Europe ou ailleurs dans le monde. S'il y a un pays qui peut réussir dans le bilinguisme, c'est bien le nôtre.
J'aimerais avoir vos commentaires. Nous sommes tous d'accord mais qu'allons-nous faire?
Mme Adam: Premièrement, en ce qui a trait aux procès, il faut comprendre que nous avons des lois et même des droits constitutionnels mais cela ne suffira pas si nous ne prenons pas les moyens pour les respecter. Je pense qu'il y a eu un développement qui mérite d'être signalé. C'est la question de l'état des lieux, l'étude qui a été commandée par Justice Canada suite aux quelques études faites par le Commissariat, qui décelaient plusieurs problèmes en ce qui a trait à l'accès à la justice au Canada dans les deux langues officielles. Puisque que l'accès à la justice relève également des provinces, il existe un groupe de travail qui réunit presque toutes les provinces (7 sur 10) et deux territoires. Ce groupe de travail est en train d'établir des moyens concrets qui pourraient varier d'une province à l'autre comme, par exemple, une cour itinérante.
Des sommes d'argent seront investies par Justice Canada dans le cadre du plan d'action Dion pour mettre certaines choses en place. C'est un progrès et c'est un dossier à suivre. Pour ce qui est des sports, je suis bien intéressée à la réalité du sport à l'échelle internationale, et, sauf tout le respect que je vous dois, sénateur, je dirais que cela commence chez nous.
Il faut créer un milieu où les deux langues officielles sont présentes dans notre système de sport canadien. Une étude menée il y a quelques années démontrait que le taux de participation des francophones était sous représenté et que beaucoup d'améliorations étaient nécessaires pour tout ce qui touche l'athlète.
Il faut s'assurer que les entraîneurs, les médecins, les psychologues et les physiothérapeutes aient accès à des études dans la langue de choix de l'athlète. Il existe un problème réel dans les centres d'entraînement et il est certain que le problème va se refléter à l'extérieur. Si tout se passe en anglais au Canada, il y a peu de chances que cela devienne bilingue sur le plan international.
En juin, nous publierons le suivi de cette étude qui comprend 12 recommandations. Je ne peux pas vous révéler tous les détails de ce suivi, mais je dirais que l'étude démontre que les progrès se font à petit pas.
J'aurai la chance de vous donner plus de détails en juin et je peux vous dire que votre préoccupation est partagée, même ici au Canada, au-delà de l'échelle internationale. Pour ce qui est de la capitale, vous avez parlé d'un changement de leadership en Ontario. Je ne sais pas s'il s'agit d'un lapsus. Vouliez-vous parler du Québec?
Le sénateur Beaudoin: Non, je parlais aussi de l'Ontario. Au Québec c'était prévisible mais en Ontario, il y a eu changement de leadership il y a quelques mois.
Mme Adam: Oui, mais c'est toujours le même gouvernement et le dossier de la capitale bilingue est toujours actif. L'un des rôles du Commissariat des langues officielles est de démontrer, au moyen d'études, la valeur ajoutée d'une capitale bilingue.
Qu'est-ce que le fait d'avoir une capitale dans une province comme l'Ontario apporte? Il faut trouver un nouvel argument pour convaincre les leaders et c'est le rôle de la commissaire de le faire. Elle a un rôle de persuasion, d'influence et d'intervention, tout cela dans le but de favoriser un changement d'attitude et de comportement du leadership ontarien.
Le sénateur Comeau: Vous dites que vous disposez de fonds pour rehausser la présence du Commissariat dans les différentes régions du Canada et vous avez fait mention de l'Atlantique. Avez-vous choisi le site où cette présence aura lieu?
Mme Adam: Nous avons choisi d'ajouter cette ressource additionnelle à Moncton. Nous avons réellement tergiversé au moment de prendre la décision et ce qui a amené l'équipe à opter pour Moncton, c'est qu'on trouvait qu'il était important d'avoir une masse critique à un endroit, mais cette personne aura certes la responsabilité de s'occuper de d'autres provinces.
Le sénateur Comeau: On se rend compte que les services sont de plus en plus disponibles au Nouveau-Brunswick, là où il y a la masse critique. C'est une province bilingue où il y a une ouverture envers les minorités linguistiques et cela donne l'impression que les autres provinces maritimes — Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard — sont finies.
J'ai déjà entendu des gens du Nouveau-Brunswick dire que les Acadiens étaient finis. J'ai entendu la même chose de la part des Acadiens et des francophones du Nouveau-Brunswick. Je ne dis pas que j'accepte le commentaire, je dis simplement qu'il est fait.
À mon avis, les postes devraient être examinés en fonction des endroits où il n'y a pas de demandes de services. Puisqu'il y a moins de demandes de la part de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve ou de l'Île-du-Prince-Édouard, le silence est plus lourd dans ces régions.
Je constate de plus en plus cette réalité et c'est peut-être la raison pour laquelle les Acadiens des autres provinces s'éloignent peu à peu du Nouveau-Brunswick. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle on entend de moins en moins les Acadiens des autres provinces. Si tel est le cas, je crois que nous faisons une erreur monumentale et que dans les provinces autres que le Nouveau-Brunswick, on perdra un trésor irremplaçable. À l'Île-du-Prince-Édouard, il se perd déjà.
Mme Adam: Quand j'ai parlé de masse critique, je voulais dire qu'il fallait créer un bureau suffisamment grand pour créer un dynamisme. Tous les bureaux régionaux disent que pour avoir un impact réel dans une région, il faut un certain nombre d'employés, autrement ils sont isolés.
Cela dit, je partage entièrement votre point de vue. C'est pourquoi on a ajouté une personne en Colombie- Britannique parce qu'à ma connaissance, il n'y en a jamais eu. Cette personne est rattachée au bureau d'Edmonton pour qu'il y ait une représentation régionale et on a ajouté une personne en Saskatchewan exactement pour la raison que vous avez soulevée. On devrait encourager les communautés les plus vulnérables à exercer leurs droits et c'est le rôle du Commissariat des langues officielles de le faire.
Cette personne relève du bureau du Manitoba. En Atlantique, il y a quatre provinces et je pense qu'au moment où on a pris la décision, d'autres impératifs ont dominé. Est-il trop tard pour reconsidérer notre décision? Je sais que le poste est affiché et beaucoup de candidats se sont présentés, et si on change le lieu de travail, cela va drôlement déranger.
C'est le deuxième concours que l'on affiche. Le premier n'a pas été productif, c'est-à-dire qu'on n'a pas réussi à retenir un candidat qui avait les compétences requises pour le poste. Je prends bonne note de votre commentaire et je veux vous dire que je vous ai bien entendu.
Le sénateur Comeau: Je ne vais pas continuer à fouetter ce vieux cheval, mais je reviendrai plus tard sur cette question qui me préoccupe de plus en plus. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de progrès qui se fait dans ces régions. Il y a du progrès mais il y a aussi du recul.
Dans ces communautés, si on fait deux pas en arrière, on ne revient pas en en faisant trois en avant.
Vous avez soulevé le point de l'accès à la justice. Les trois provinces qui ne participent pas avec le gouvernement fédéral sont celles où il n'y aura pas de représentation de la commissaire.
Je vous invite à venir faire une tournée dans notre région. Regardez les pancartes des nouvelles entreprises dans les régions acadiennes pour voir si elles sont en français ou même bilingues. Dans les régions acadiennes, on voit de plus en plus de pancartes unilingues en anglais. Je vous invite à écouter les radios communautaires. Comparez-les à celles du Nouveau-Brunswick à celles de la Nouvelle-Écosse. Vous verrez la différence. Allez dans les hôpitaux où beaucoup d'infirmières et de médecins sont francophones, mais où il n'y a aucune manière de les identifier. Cela ne coûterait rien s'il y avait une collaboration du gouvernement fédéral avec les provinces. Le gouvernement fédéral dit qu'il n'a pas besoin d'avoir ces trois provinces avec lui lors des discussions. Il faut que le gouvernement fédéral et le Commissariat deviennent proactifs. Je reviendrai sur ces questions dans le futur.
Mme Adam: Rien n'est coulé dans le béton. Les personnes arrivent et partent. On a des enquêteurs en région. Je prends note de vos commentaires et l'équipe examinera la question de représentation et d'activités dans la région Atlantique. Peut-être bien qu'on devrait aller sur le terrain, spécifiquement les trois provinces autres que le Nouveau- Brunswick, et vérifier cette question pour préparer l'avenir.
Le sénateur Comeau: Il y a environ huit mois, j'ai écrit à Radio-Canada pour connaître le budget pour la Nouvelle- Écosse comparativement à d'autres provinces. Ils n'ont jamais voulu me répondre. Je voulais simplement comparer les dépenses d'une province à l'autre. Ils ont catégoriquement refusé de me répondre. Une agence ou une institution telle que Radio-Canada a-t-elle le droit de refuser de répondre à cette question aux parlementaires? On n'a pas la capacité d'examiner ces chiffres et de les comprendre dans le contexte présenté. On a la capacité de voter le budget chaque année, mais on n'a pas la capacité de comprendre les budgets tels qu'ils sont divisés. Il faudrait peut-être regarder cela dans le futur.
Le sénateur Corbin: Je veux appuyer le sénateur Comeau. Je connais bien la Nouvelle-Écosse et j'y ai vécu brièvement. J'ai beaucoup voyagé en tant que touriste avec ma famille et je connais les problèmes locaux. J'ai rencontré des gens là-bas qui sont venus nous voir, nous les parlementaires. Même dans la «république» du Madawaska, on a tendance à se plaindre que tout est centré à Moncton. Il y a des limites. Le gros de l'université se trouve à Moncton. Enfin, tout se fait à Moncton. C'est rendu le nombril de l'Acadie. Je ne sais pas où le sénateur Comeau aimerait que soit situé le bureau de cette personne, à Halifax ou ailleurs, mais on pourrait en discuter.
Madame la commissaire, vous avez parlé d'Air Canada. Vous avez dit:
Cette crise appréhendée nous forcera peut-être à revoir les obligations linguistiques des autres transporteurs aériens et de proposer des solutions globales.
Que voulez-vous dire par cela?
Mme Adam: Dans le projet de restructuration, Air Canada a avancé toutes sortes de scénarios. Cette société prévoit peut-être un démantèlement de l'empire Air Canada ainsi que la loi telle qu'élaborée en ce moment, et nous avons travaillé fort lors de cette loi sur la participation du capital Air Canada. Il y a deux ans environ, on a clarifié l'obligation de toutes les filiales d'Air Canada d'être assujetties pleinement à la loi.
Le sénateur Corbin: Il y en a de moins en moins.
Mme Adam: Il y a Air Canada Jazz, ensuite différents groupes d'Air Canada, comme le programme Aéroplan. Tout se subdivise. Pour qu'il soit assujetti à la loi actuelle telle qu'elle est, il faut qu'il soit propriétaire d'au moins 51 p. 100 de la compagnie. Dans le réaménagement de l'entreprise Air Canada, si on se trouve à morceler des parties et qu'il se retrouve propriétaire de 15 ou 25 p. 100 de ceci ou cela, voyez-vous ce qui arrivera? Avec le transport aérien sous la gouverne du gouvernement fédéral, on se retrouve avec une pointe de l'iceberg assujettie à la loi et le reste se passera dans une seule langue ou à peu près, selon les circonstances. Vous allez prendre votre bagage dans la région de l'Atlantique et vous serez servi en anglais ou peut-être dans les deux langues si vous êtes à Moncton. Ensuite, vous serez servi en anglais à Toronto et en arrivant ici, vous aurez un service bilingue. On devrait uniformiser l'ensemble des services aériens ou des transports dans le pays, peu importe le transporteur, comme on fait dans le domaine de la sécurité.
Pour le passager, pour le citoyen, ce serait drôlement plus simple de voyager à travers le Canada. Nous avons quand même deux langues officielles. C'est à cela que je fais allusion.
Le sénateur Léger: Je suis contente que vous avez parlé des avions. J'habite Moncton et je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Comeau. Là où il y a la force, on oublie les autres. On passe par-dessus comme si on était les seuls Acadiens. C'est la nature humaine. Les Acadiens ont tellement l'esprit de clocher comme tout le monde dans le monde. Autrefois, en musique, c'était 1755 qui menait tout. Aujourd'hui, il y a presque plus rien au Nouveau-Brunswick. C'est le grand dérangement. Cela va par vague et imaginez-vous l'année prochaine avec le congrès mondial acadien à Port- Royal. Il faut l'entendre.
Je n'entends jamais parler— ni de la part du commissaire ni de Mme Robillard — du français chez les Autochtones. Pourquoi? Est-ce qu'on a peur? Est-ce qu'on devrait commencer à le dire tout haut?
Mme Adam: Vous mettez le doigt sur une question fort importante. D'ailleurs, il y a quelques mois, j'ai fait une présentation au comité de haute gestion des ministères des Affaires étrangères et des Affaires indiennes et du Nord. Le ministère reconnaît son obligation envers les Premières nations. Par contre, la question de son obligation vis-à-vis des communautés francophones du Nord, qui sont parfois métisses et francophones, mais aussi francophones d'autres souches — cette composante du ministère n'est pas vraiment reconnue et n'est pas considérée comme étant une priorité.
Nous avons demandé, ainsi que d'autres commissaires avant moi, que le ministère des Affaires indiennes et du Nord soit désigné comme ayant une obligation d'Élaborer un plan basé sur l'article 41 et 42. En partie, il faut amener le ministère responsable des affaires autochtones à embrasser et à relier la dualité linguistique et les affaires indiennes et autochtones. Ce n'est pas fait à l'heure actuelle. Nous avons du travail à faire sur le plan des attitudes pour amener le ministère à agir à ce sujet, ainsi que l'ensemble du gouvernement.
Le sénateur Léger: Vous venez de parler de l'ensemble du gouvernement. Si j'ai bien compris, le problème concerne la responsabilité. Je sais qu'il y a de gros problèmes. Il y a tellement de choses essentielles dans la vie qu'il faut considérer. Cela ne regarde pas seulement le ministère des Affaires indiennes et du Nord. On utilise l'expression «les immigrants qui nous arrivent à pleine porte». Il y a 200 nationalités au pays, mais on dit cela. Il faudrait peut-être commencer par cela.
Mme Adam: J'aimerais ajouter une dynamique particulière aux autochtones. Je me suis présentée devant un comité parlementaire aux Territoires du Nord-Ouest pour d'abord faire part de nos commentaires sur leur loi et même pour leur donner certains avis. Une des priorités pour les peuples autochtones, c'est leur propre langue, et comme vous le savez, même l'enseignement dans leurs écoles n'est pas nécessairement en langue autochtone.
Il y a un besoin pour les peuples des Premières nations de se réapproprier leur langue et leur culture. C'est un élément très important. Quand on parle de dualité linguistique, il y a eu une perte et une acculturation, ainsi que l'assimilation des Premières nations, surtout par rapport à la langue anglaise, mais aussi en général. C'est une dynamique assez complexe.
Le sénateur Chaput: Ma question est en rapport avec votre objectif d'encourager les divers ordres de gouvernement à prendre des mesures pour l'épanouissement des communautés. Vous avez mentionné que dans le plan Dion, on n'a pas inclus un cadre de collaboration avec les provinces et territoires.
Maintenant, ma question est la suivante: avez-vous l'autorité d'aller au-delà de l'encouragement à développer un cadre? Pouvez-vous suggérer des éléments qui devraient faire partie du cadre? Ou devez-vous attendre maintenant que cela ne fonctionne pas et qu'on ait à loger des plaintes?
Quelle autorité avez-vous en fonction de cela?
Mme Adam: J'ai une stratégie que je privilégie toujours et c'est d'être proactive. Mme Robillard a mentionné tantôt qu'elle aime bien travailler avec mon bureau, mais à quelque part, elle préférerait que son ministère et son propre gouvernement agissent de façon proactive. C'est la meilleure solution. Les personnes responsables de la mise en œuvre de la loi ou du plan — et vous parlez des ententes entre le gouvernement fédéral et ses différentes provinces —, doivent développer le bon réflexe. On est là pour le leur rappeler. On est là pour les conseiller sur la façon de développer ce réflexe, mais comme tout comportement, il faut qu'il soit convaincu et engagé. Bien sûr, un réflexe ou une réponse se développe seulement si on en fait une habitude. Les affaires ponctuelles, habituellement, n'ont pas d'impact.
Ce dont on a vraiment besoin, c'est de mettre sur pied un ensemble de mesures — et particulièrement dans les ministères qui travaillent avec les provinces — pour que ce réflexe de collaboration et de travail et d'imputabilité avec les provinces soit tellement bien orienté qu'il devienne une première nature. Et nous n'en sommes pas là encore.
La présidente: Jugez-vous que le cadre d'imputabilité, comme celui du plan Dion, est satisfaisant?
Mme Adam: Non, il est insuffisant. C'est un bon début, mais il est insuffisant et on va proposer des améliorations un peu dans la ligne qu'a mentionnée le sénateur Chaput. Mais il faudra le bonifier.
Le sénateur Maheu: J'ai le fou rire quand j'entends parler de la «capitale du Canada» et non pas la «région de la capitale». Le sénateur Corbin a fait une allusion au manque de parole des régions.
Le sénateur Corbin: Non, je parlais de la Commission de la capitale nationale du Québec.
Le sénateur Maheu: Je parle des Autochtones par rapport aux langues officielles. Quand on parle du Québec, on fait attention. Quand on parle de la langue de la capitale, par exemple, on parle de la langue utilisée par les fonctionnaires. Il y a combien de milliers de fonctionnaires qui travaillent de l'autre côté du pont, donc dans la province de Québec? Et quand on parle du Québec, c'est un peu la même chose. On marche sur des œufs, on fait attention.
J'espère que nous aurons le courage d'aller voir ce qui se passe sur le plan des services et de l'enjeu que votre bureau donne au niveau du plan d'action dans les deux langues officielles au Québec.
Avez-vous l'intention d'entamer des démarches pour assurer la réalisation de votre projet? Voyez-vous cela à long terme ou à court terme, et est-ce que les ministères responsables pour la province de Québec — et cela veut dire chaque ministre — ont démontré qu'ils étaient intéressés à la réalisation d'augmenter le nombre de fonctionnaires travaillant au Québec? Le nombre d'anglophones qui travaillent au Québec doit-il être proportionnel à la population?
Mme Adam: Il faut souligner que le Québec représente un cas assez unique, et pas seulement du fait qu'il est majoritairement francophone. Au niveau du service au public, c'est la province qui, de loin, donne un service de très bonne qualité dans les deux langues officielles.
Je pense que c'est un modèle. Relativement à la langue de travail, il y a des problèmes pour la majorité quand elle transige avec les sièges sociaux, et l'étude de Mme Robillard l'a démontré. Au Québec, 22 p. 100 des documents de travail sont en anglais.
La représentation des anglophones au sein de la fonction publique fédérale québécoise est sous-représentée. C'est là que doit être la priorité. On a fait ce diagnostic depuis plusieurs années déjà. Le développement le plus prometteur, c'est que le conseil des hauts fonctionnaires du Québec, c'est-à-dire ceux qui embauchent au Québec, en ont fait une priorité. Ils ont décidé de se doter d'un comité dont la responsabilité est d'élaborer un plan de travail.
J'ai lu récemment le plan de travail du gouvernement du Québec pour augmenter la représentation des anglophones. Ils ont traité les anglophones comme une cible, un groupe à part. Chaque ministère québécois doit rendre des comptes. On n'a pas pu faire cela au niveau du conseil des hauts fonctionnaires du Québec, mais c'est peut-être une mesure qui devra être considérée. C'est le cas chez nous. Au Commissariat, on a une sous-représentation. C'est peut-être normal que le Commissariat ait un pourcentage plus élevé de plaintes venant des francophones. Nous voulons augmenter notre représentation. J'en ai fait un groupe cible au même titre que les Autochtones, les minorités au sein du Commissariat, pour amener les cadres supérieurs et toutes les personnes responsables d'embaucher à tenir compte de cet élément. On fait aussi une étude, en ce moment, sur la question des institutions fédérales au Québec, étude qui est réalisée par l'Institut Missisquoi.
La présidente: Nous remercions les témoins pour leur disponibilité.
[Traduction]
La prochaine partie de notre réunion est à huis clos. Nous ferons une pause de deux minutes pour laisser le temps aux gens de quitter la salle. Les sénateurs qui sont accompagnés de membres de leur personnel devront demander la permission des membres du comité pour que leurs employés restent dans la salle.
La séance se poursuit à huis clos.