Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 1 - Témoignages du 24 février 2004
OTTAWA, le mardi 24 février 2004
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 18 h 04, en vue d'étudier et de faire rapport des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, ce soir nous allons poursuivre nos audiences sur les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, et entre le Canada et le Mexique. Nous sommes enchantés de constater que nos témoins ont été si patients à l'égard de notre échéancier. Nous pouvons ainsi bénéficier de leur sagesse relativement à ce sujet important afin de nous préparer pour notre visite au Mexique, où nous tiendrons deux jours d'audiences sur cette question. Notre premier témoin ce soir sera M. Carlos Piñera Gonzalez, du Bureau mexicain de l'ALENA au Canada. Nous entendrons également M. Robert Armstrong, de l'Association canadienne des importateurs et exportateurs, ainsi que M. David Winfield, du Conseil canadien pour les Amériques.
M. Carlos Piñera Gonzalez, représentant principal, Bureau mexicain de l'ALENA au Canada: Honorables sénateurs, je veux vous remercier de cette occasion de comparaître devant vous. Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui afin de vous faire part de mon point de vue sur les répercussions de l'ALENA au Mexique et sur l'avenir de nos relations commerciales en Amérique du Nord. Je parlerai volontiers des intérêts économiques de nos deux pays. Cette année, nous soulignons 60 années de relations diplomatiques entre le Canada et le Mexique, et nous commémorons le dixième anniversaire de l'ALENA.
Comme vous le savez, honorables sénateurs, l'ALENA a été un moteur de croissance économique essentiel en Amérique du Nord. J'aimerais profiter de l'occasion pour souligner certains des plus importants résultats du processus de libéralisation du commerce au Mexique. Je mettrai l'accent sur la relation entre le Canada et le Mexique. J'insisterai aussi sur une partie des possibilités et des défis qui nous attendent, nous qui sommes membres de la communauté de l'ALENA, dans le contexte de l'intégration nord-américaine.
J'aimerais commencer par mettre en relief la profonde transformation du Mexique au cours de la dernière décennie. Mon pays a connu une transition spectaculaire, passant d'un marché plutôt fermé à l'une des économies les plus ouvertes au monde.
Depuis que le Mexique a adhéré à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le GATT, en 1986, l'expansion du commerce international a été l'un des éléments clés de la stratégie du Mexique pour une croissance économique durable. En plus de mettre en oeuvre une série de mesures de déréglementation des activités commerciales et de stimulation de l'investissement, mon pays a souscrit à des accords de libre-échange en vue de promouvoir la compétitivité du secteur industriel et la création d'emplois. De fait, le Mexique est au cœur du plus vaste réseau d'accords de libre-échange au monde, réseau qui comprend 32 pays sur trois continents.
Il y a dix ans, peu de gens auraient pu prévoir que le Mexique allait devenir l'une des plus importantes nations commerçantes au monde, et la première en Amérique latine. Le Mexique est actuellement le huitième plus grand exportateur et le septième plus grand importateur au monde. Nos importations et nos exportations ont bondi d'environ 300 p. 100 entre 1990 et 2003.
L'Accord de libre-échange nord-américain a été la pierre angulaire de notre processus de libéralisation du commerce. Lorsque l'ALENA est entré en vigueur en 1994, le Mexique, le Canada et les États-Unis ont créé l'accord de libre-échange le plus exhaustif au monde. Il s'agissait du premier accord de ce genre à inclure des domaines tels l'investissement, les services, les marchés publics et les droits de propriété intellectuelle. Depuis, l'ALENA est devenu un modèle pour plusieurs autres accords de libre-échange.
Dix ans plus tard, nos réalisations découlant de l'ALENA ont dépassé toutes les attentes. Non seulement l'Amérique du Nord est l'un des plus vastes espaces de libre-échange au monde, grâce à un marché cumulé de 360 millions de consommateurs, mais encore, elle constitue l'un des blocs de commerce les plus intégrés et les plus prospères.
Les échanges trilatéraux quotidiens entre les pays de l'ALENA s'élèvent à près de 2 milliards de dollars américains, et représentent un tiers du total des échanges dans la région.
L'ALENA a aussi attiré de l'investissement étranger direct, ce qui a rendu l'Amérique du Nord plus compétitive, et a suscité un boom régional dans des secteurs comme celui de l'industrie automobile, de l'électronique et du textile.
Le Mexique est aujourd'hui la troisième destination de l'investissement étranger direct parmi les économies émergentes. Depuis 1994, le Mexique a reçu près de 140 milliards de dollars en investissements étrangers. Cet afflux de capitaux se chiffre en moyenne à près de 14 milliards de dollars américains par année, soit plus de trois fois les sommes reçues au cours des sept années précédant la mise en oeuvre de l'ALENA.
Non seulement le volume des afflux de capitaux a augmenté, mais, la qualité des investissements a aussi connu une amélioration. Les entreprises internationales choisissent d'investir au Mexique afin de bénéficier de son vaste réseau de libre-échange et de son emplacement géographique idéal.
En outre, l'investissement étranger au Mexique a favorisé le transfert de connaissances et de technologie à grande échelle, permettant ainsi aux entreprises de moderniser leurs processus de production et d'actualiser les compétences des travailleurs.
Je vais maintenant parler de la contribution du libre-échange à la croissance économique du Mexique.
Les exportations ont été l'un des moteurs de la croissance de l'économie et de l'emploi au Mexique. Par exemple, le pourcentage du P.I.B. attribuable aux exportations est passé de 15 p. 100 en 1993 à 23 p. 100 en 2003. En même temps, nos résultats économiques dynamiques à ce chapitre ont produit près de la moitié de la croissance économique du Mexique.
De même, plus de la moitié des nouveaux emplois créés dans le secteur de la fabrication au cours des 10 dernières années sont liés aux exportations. En outre, ces emplois sont plus rémunérateurs que les emplois des autres secteurs de l'industrie, avec une différence de 40 p. 100.
L'ALENA a joué un rôle important dans notre développement économique de plusieurs autres façons. Les contributions à la diversification régionale et sectorielle, de même que le nombre croissant de petites et moyennes entreprises d'exportation constituent les meilleurs exemples de cet apport.
Ainsi, à l'échelle régionale, les activités d'exportation étaient auparavant concentrées dans les principales villes et le long de la frontière nord. Récemment, ces activités se sont répandues dans tout le pays, ce qui a permis à plus d'entreprises et de gens de profiter des avantages de la libéralisation du commerce.
Au niveau sectoriel, durant les années 90, nous avons diversifié et renforcé notre base d'exportation et nos marchés d'exportation. Au début des années 1980, les produits pétroliers représentaient la grande majorité des exportations du Mexique. Aujourd'hui, 85 p. 100 de nos ventes à l'étranger sont constituées d'un vaste éventail de produits manufacturés. Cela nous a permis de faire face au déclin marqué des prix internationaux du pétrole, ce qui aurait été pratiquement impossible il y a 10 ans.
Parallèlement, en ce qui concerne les entreprises, les politiques de libéralisation du commerce et de l'économie du Mexique ont encouragé un nombre croissant d'entreprises mexicaines à participer à des activités axées vers l'exportation, ce qui a contribué à la création d'emplois et au renforcement des marchés intérieurs.
Aujourd'hui, le Mexique compte plus de 8 000 entreprises exportatrices, petites et moyennes pour la plupart. Cela représente une augmentation de 60 p. 100 depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA. Il s'agit d'un chiffre important car il montre que nos entrepreneurs sont capables de soutenir la concurrence internationale.
Cela étant dit, nous ne pouvons nous satisfaire des progrès économiques que nous avons réalisés jusqu'à maintenant. Certains secteurs de notre économie, comme l'agriculture, sont confrontés à des pressions socio- économiques croissantes qui résultent de déficiences structurelles de longue date. À cela s'ajoutent les subventions accordées par certains pays en voie de développement à leur secteur agricole, ce qui crée une concurrence injuste pour nos producteurs. Le gouvernement Mexicain collabore avec les secteurs défavorisés en vue de créer un programme pour rehausser leur compétitivité et éliminer les déficiences structurelles.
Permettez-moi de décrire brièvement la relation entre le Canada et le Mexique en ce qui concerne le commerce et l'investissement.
Relativement au commerce, il ne fait aucun doute que la consolidation des liens entre nos deux pays résulte directement de l'ALENA. Le Mexique est aujourd'hui le premier partenaire commercial du Canada en Amérique latine. De plus, le Mexique occupe le quatrième rang parmi tous les partenaires commerciaux du Canada, après les États-Unis, la Chine et le Japon. L'augmentation du commerce bilatéral a été remarquable. En 2003, nos échanges commerciaux représentaient 15 milliards de dollars américains, ce qui équivaut à trois fois le niveau d'avant l'ALENA.
Le Mexique est devenu l'une des plus importantes destinations de produits canadiens. De fait, en 2003, le Mexique a été le troisième plus grand marché d'exportation du Canada, derrière les États-Unis et le Japon.
L'année dernière, les exportations canadiennes vers le Mexique se sont élevées à 4 milliards de dollars américains, ce qui représente une augmentation de 250 p. 100 par rapport au niveau de 1993. La majorité des exportations canadiennes vers le Mexique entre dans la catégorie des produits qui connaissent une évolution, tels que les automobiles et les camions, les graines de colza, les pièces de véhicules automobiles, le blé, les barres en acier et les tiges d'acier ainsi que le bœuf.
Inversement, les exportations du Mexique vers le Canada ont triplé au cours des dix ans qui ont suivi la mise en oeuvre de l'ALENA, pour s'établir à près de neuf milliards de dollars américains en 2003. Les principaux produits mexicains exportés vers le Canada comprennent les automobiles et les camions, les pièces des véhicules automobiles, les téléviseurs, les ordinateurs, le pétrole, les téléphones et la bière.
En ce qui concerne l'investissement étranger, les investissements canadiens au Mexique se sont chiffrés en moyenne à 450 millions de dollars américains par année depuis 1994, ce qui place le Canada au quatrième rang parmi les investisseurs étrangers au Mexique.
De plus, en juin 2003, 1 324 entreprises ayant des capitaux canadiens étaient enregistrées au Mexique, surtout dans les secteurs des services, de la fabrication, du détail et des mines. Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, l'investissement est une autre composante importante de notre relation bilatérale.
Je vais maintenant vous communiquer dans les grandes lignes mon point de vue sur l'intégration croissante de l'Amérique du Nord et sur les efforts récents déployés par nos gouvernements à cet égard.
Comme vous le savez, honorables sénateurs, les gouvernements de l'Amérique du Nord ont récemment réaffirmé leur engagement en faveur d'une coopération continue lors de la réunion de la Commission du libre-échange de l'ALENA qui a eu lieu à Montréal en octobre dernier. Les ministres du commerce de chacun des pays sont convenus d'explorer de nouvelles façons d'approfondir l'intégration régionale en Amérique du Nord.
La récente mise sur pied du Comité nord-américain du commerce de l'acier est un parfait exemple de cette volonté. Les objectifs du comité sur le commerce de l'acier sont la promotion d'une consultation et d'une coopération continues sur des questions de politique internationale de la sidérurgie, de même que la réduction des distorsions qui demeurent dans le marché nord-américain de l'acier.
Lors de cette même réunion, les ministres ont discuté de l'adoption d'une stratégie commune en vue de se préparer à la libéralisation imminente du commerce international du textile et du vêtement. L'intégration du secteur nord- américain du textile entraînera une réduction des coûts pour nos producteurs, et un renforcement de notre compétitivité par rapport à d'autres pays et d'autres régions.
De même, la commission de l'ALENA a demandé au groupe de travail pour le commerce de faire une étude afin de déterminer si l'harmonisation des tarifs de la nation la plus favorisée pourrait entraîner une réduction des coûts de transaction reliés à l'exportation.
Afin d'ajouter aux gains réalisés grâce à l'ALENA, nous avons travaillé sur des façons additionnelles de renforcer la coopération entre nos pays, afin de créer une région plus intégrée et plus compétitive. Dans ce but, le Mexique et les États-Unis ont lancé le partenariat pour la prospérité. Cette initiative vise à canaliser les ressources privées afin de favoriser la création d'emplois et le développement dans les régions du Mexique qui accusent le retard le plus important. Actuellement, le Canada participe à ce projet à titre d'observateur.
De plus, il existe d'autres mécanismes de coopération entre le Canada et les États-Unis, comme la Déclaration sur la frontière intelligente et le programme d'expéditions rapides et sécuritaires, ou EXPRESS, de même qu'une alliance pour la frontière entre le Mexique et les États-Unis, qui ont des répercussions directes sur le commerce. Ces accords sont fondés sur les principes de respect de nos souverainetés respectives, de responsabilité partagée et de confiance mutuelle. Grâce à ces accords, nos pays travaillent à l'échelle bilatérale afin d'assurer la sécurité de nos frontières communes.
Honorables sénateurs, je vais conclure ces brèves remarques en vous parlant de certains des principaux défis que, selon moi, nous devrons relever.
Après dix ans, les objectifs principaux de l'ALENA ont été atteints en grande partie. La plupart des marchandises échangées en Amérique du Nord sont aujourd'hui exemptes de tarifs douaniers. De plus, il existe un cadre réglementaire qui apporte de la certitude dans le domaine des transactions commerciales et des investissements, et qui est bien implanté.
L'Accord de libre-échange nord-américain continuera d'être un mécanisme efficace de promotion de l'intégration économique entre le Canada, le Mexique et les États-Unis, par l'entremise d'un accroissement du commerce et de l'investissement.
Néanmoins, notre volonté de coopérer demeure forte, et nous devons continuer à oeuvrer pour perfectionner les conditions propices à une Amérique du Nord plus compétitive.
Alors que nous envisageons l'avenir des relations nord-américaines, nous ne devons pas oublier les nouvelles priorités de nos communautés respectives. Ainsi, le Mexique est convaincu qu'il est nécessaire d'établir un équilibre entre les efforts visant à assurer la sécurité et, parallèlement, les efforts visant à permettre une circulation sans entrave des biens et des personnes dans toute la région.
Au plan intérieur, nous devons diversifier notre base d'exportation et faire en sorte que les bénéfices du libre- échange atteignent davantage de secteurs ainsi que les régions les plus pauvres de notre pays. Le Mexique jouit de plusieurs avantages comparatifs qui nous aideront à améliorer notre situation économique. Parmi ces avantages figurent l'emplacement géographique qui fait du Mexique une plaque tournante naturelle du commerce, notre vaste réseau d'accords de libre-échange de même que notre main-d'oeuvre jeune et compétente.
À mon avis, le Mexique est maintenant engagé dans un processus irréversible d'intégration économique et technologique à l'échelle mondiale, et notamment avec nos partenaires de l'ALENA. Les décisions qui se prennent aujourd'hui auront des répercussions directes sur le bien-être de nos nations de demain.
Le sénateur Graham: Nous suivons la question avec beaucoup d'intérêt. Il y a énormément de questions à poser. Monsieur le président, peut-être pourrais-je en poser une sur la concurrence des fournisseurs à bas prix comme la Chine, car j'aimerais savoir dans quelle mesure cela contribue à maintenir les salaires mexicains à un niveau comparativement bas. Dans quelle mesure l'importation de denrées en provenance de Chine contribue-t-elle à maintenir les salaires mexicains à un niveau relativement bas?
M. Piñera: Comme vous le savez, la Chine est l'un de nos grands concurrents car elle fabrique les mêmes produits que ceux que le Mexique exporte mondialement. Cela nous pénalise donc sur les marchés mondiaux. À titre d'exemple, nous avons réduit notre participation sur des marchés comme celui des États-Unis et du Canada. Face à cette concurrence, nous essayons de profiter des possibilités qui s'offrent à nous.
Nous travaillons à promouvoir nos accords sectoriels avec des voisins pour obtenir un accès préférentiel aux grands marchés. Nous nous attachons aussi à développer notre infrastructure car nous pensons que le Mexique pourrait avoir un important apport logistique. Nous sommes biens conscients de la concurrence de la Chine sur les marchés internationaux. C'est une des premières choses que je voudrais souligner à cet égard.
Le sénateur Graham: Est-ce que le relèvement du salaire minimum serait une solution efficace au problème de ces salaires relativement faibles au Mexique? A-t-on envisagé de relever le salaire minimum? Quelles seraient les répercussions d'une telle initiative sur la compétitivité internationale du Mexique?
M. Piñera: Comme je vous l'ai dit, la Chine profite de son avantage sur le plan des salaires. Nos salaires minimums sont aussi un facteur de notre compétitivité. Bien que ce soit un facteur important pour nous, nous travaillons à développer d'autres avantages. Nous ne voulons pas être compétitifs simplement sur le plan des salaires, nous voulons aller au-delà. Nous envisageons de créer, comme je vous le disais, une meilleure infrastructure et de développer d'autres facteurs pour accroître notre compétitivité. Nous ne nous en tenons pas simplement aux salaires.
Le sénateur Graham: Parlez-nous un peu de votre législation du travail et de la représentation des syndicats au Mexique. Dans quelle mesure la relative faiblesse de cette législation du travail et peut-être aussi la faiblesse de la représentation syndicale contribuent-elles à empêcher les salaires de monter?
M. Piñera: Les syndicats au Mexique sont un important facteur de défense des intérêts des travailleurs. Naturellement, ils aident les travailleurs à essayer de relever le niveau des salaires. C'est un important aspect des négociations salariales au Mexique.
Je ne suis pas un expert du marché du travail, mais je dirais que les syndicats ont beaucoup contribué à ouvrir la voie à des augmentations de salaire pour les travailleurs.
Je crois qu'il est aussi important de souligner que mon gouvernement examine actuellement certaines modifications à notre législation du travail. Nous pensons que ces mécanismes nous empêchent dans certains cas de développer la compétitivité du Mexique.
Le sénateur Graham: Vous pensez que les syndicats ont un effet positif dans votre pays?
M. Piñera: Je pourrais dire que c'est le cas en effet, puisqu'ils défendent les intérêts des travailleurs. Nous devons cependant trouver un équilibre face à ces syndicats qui militent pour défendre les travailleurs. Il ne faut pas que ces actions menacent les intérêts réels du pays. Autrement dit, nous aimerions avoir une loi cadre nous permettant d'améliorer notre compétitivité sur le marché.
Le président: Je dois rappeler à tous les participants que je dois être sélectif car nous avons d'autres témoins là-bas.
Le sénateur Di Nino: Pour continuer dans la veine des remarques du sénateur Graham à propos des produits importation chinois sans doute fabriqués par une main-d'oeuvre probablement moins payée, certains députés de votre Parlement ni ont parlé de ce qui semble être un très grand problème, l'importation illégale de denrées en provenance de pays comme la Chine, qui a des répercussions profondes sur l'économie du Mexique. Qu'en pensez-vous?
M. Piñera: Oui, dans le cas qui nous occupe, lorsque la Chine a négocié son adhésion à l'OMC, nous avons négocié avec eux avec fermeté, car l'une de nos principales préoccupations était justement ce genre de compétitivité et le prix de certains de leurs produits. À cet égard, nous disposons à l'OMC des outils nécessaires pour nous défendre lorsque certains produits pénètrent le marché à des prix de dumping.
Lorsque de tels problèmes surviennent au Mexique, nous invoquons désormais ces instruments pour défendre nos intérêts et les intérêts des producteurs mexicains.
Nous réclamons des droits compensateurs à l'égard de plusieurs produits car nous considérons que ces produits pénètrent le marché mexicain à des prix de dumping.
Le président: Soyons clairs. Vous parlez de produits vendus par la Chine au Mexique, et, selon les autorités mexicaines, il arrive que ces produits soient vendus à un coût inférieur au coût de production.
Le sénateur Di Nino: À cause des difficultés inhérentes à la surveillance policière des frontières, beaucoup de marchandises entrent au Mexique. Certains de vos députés en font état, et je compte fouiller cette question lorsque nous irons au Mexique. Beaucoup de marchandises arrivent en conteneurs et échappent à tous droits de douane. Il y a un énorme afflux de produits illégaux qui pénètrent le marché mexicain, ce qui a des répercussions considérables. Je ne veux pas une longue réponse, car j'ai quelques questions supplémentaires. Je voulais seulement avoir vos observations à ce sujet.
M. Piñera: Parlez-vous de contrebande?
Le sénateur Di Nino: C'est le mot juste.
Le président: D'où proviennent ces marchandises de contrebande?
M. Piñera: Nous travaillons avec les autorités puisqu'un grand nombre de producteurs mexicains affirment avoir décelé de telles pratiques. Les autorités compétentes travaillent à prévenir ces pratiques qui causent du tort à nos producteurs nationaux.
Le sénateur Di Nino: Quelle est l'ampleur du problème?
M. Piñera: Je n'ai pas d'estimation de l'ampleur du problème mais je sais qu'il est plus fréquent à l'heure actuelle qu'il ne l'était auparavant.
Le président: Pouvez-vous nous dire, afin que nous comprenions tous de quoi il s'agit, si ces marchandises arrivent par la frontière avec les États-Unis, par la frontière avec le Guatemala ou si elles sont débarquées dans certains ports?
M. Piñera: C'est là un des problèmes. Si les marchandises entrent au Mexique en contrebande, il est difficile de déterminer quelle frontière ou quel point d'entrée a été utilisé.
Le sénateur Di Nino: J'aimerais changer de sujet pour l'instant. Je crois que vous avez utilisé le mot «transformation» pour décrire votre économie. Nous avons appris au cours des derniers mois que cette transformation a entraîné des effets secondaires abominables. Nous avons entendu parler de la situation terrible dans les maquiladoras. Dans les maquiladoras, des centaines de femmes ont disparu et des dizaines ont été tuées. Il s'agit surtout de jeunes femmes qui viennent des régions très pauvres du sud du Mexique. Toutefois, certaines d'entre elles viennent d'autres régions de l'Amérique centrale — elles viennent pour travailler là —, et c'est devenu un énorme problème depuis deux ou trois ans. Pourriez-vous nous faire part de vos observations là-dessus?
Pourquoi les entreprises manufacturières qui bénéficient de la main-d'oeuvre bon marché que représentent ces pauvres gens, des travailleurs qui viennent dans ces zones pour gagner de l'argent et en envoyer une partie à leur famille, ne fournissent-elles pas des services adéquats de maintien de l'ordre et de transport? Pourquoi cela ne ferait-il pas partie de leur mandat? Autrement dit, si vous venez installer votre entreprise dans ces zones, on s'attend à ce que vous assuriez la sécurité de nos travailleurs.
M. Piñera: Dans notre premier point, vous évoquez l'un des principaux problèmes auquel nous avons été confrontés ces dernières années, c'est-à-dire qu'une part de l'investissement dans le secteur des maquiladoras a quitté le pays. Les maquiladoras ont migré vers d'autres pays, la Chine surtout. Toutefois, notre préoccupation relativement à cette situation en est une de compétitivité internationale, le Mexique étant perdant à cet égard. Les faibles salaires en Chine constituent l'un des facteurs principaux. Nous avons travaillé et nous travaillons sur ce volet spécifique avec les maquiladoras afin de maintenir la compétitivité de ce secteur. À l'heure actuelle, nous concevons des programmes en vue de fournir davantage d'infrastructure et de programmes sociaux afin de rétablir la compétitivité. Cela permettra à ces travailleurs de récupérer leur emploi. Les maquiladoras constituent l'un des éléments les plus importants de nos exportations et nous déployons des efforts en vue d'accroître la compétitivité de ce secteur.
Quelle était la deuxième partie de votre question?
Le sénateur Di Nino: J'ai parlé de toutes les jeunes femmes qui ont été assassinées dans ces zones et je me demandais si on tentait d'y maintenir l'ordre. Je crois comprendre que la plupart d'entre elles ont été enlevées alors qu'elles se rendaient au travail ou en revenaient. Pourquoi ne pourrait-on pas offrir des services de transport? C'est un effet aberrant de la transformation de l'économie qui influencera la perception de l'ALENA qu'ont les Nord-Américains, les Mexicains et la communauté internationale.
M. Piñera: Oui, il s'agit d'un problème sur lequel les autorités mexicaines travaillent actuellement. Le président Fox a même créé une commission chargée de mener une enquête et de trouver une solution à de tels problèmes, avec comme objectif de mettre sur pied une infrastructure de transport et d'assurer la sécurité de la main-d'oeuvre qui travaille dans ces zones. Cela ternit l'image du pays, et une image positive est nécessaire si on veut attirer des investisseurs. Nous travaillons à régler le problème par l'entremise de cette commission. Nous nous efforçons également de ramener la confiance des investisseurs à son niveau antérieur afin que ces investissements ne quittent pas notre pays.
Le sénateur Grafstein: Je vais me concentrer sur l'ALENA pendant un moment. Nous avons un déficit commercial de 4 milliards de dollars avec le Mexique. Quelle est votre balance commerciale avec les États-Unis? Est-ce qu'elle se solde par un déficit ou par un excédent?
M. Piñera: Nous avons un excédent commercial avec les États-Unis. Mes collègues peuvent m'aider avec les chiffres. Lors des premières années de l'ALENA, nous étions en déficit commercial par rapport aux États-Unis, et maintenant nous avons un excédent commercial.
Le sénateur Grafstein: Un excédent commercial. Pourrions-nous avoir ces chiffres? Cela m'amène au cœur de ma question. Je vais tenter d'être clair. Aux États-Unis, l'ALENA suscite de plus en plus la critique. Les candidats à la présidence se plaignent tous des pertes d'emplois qui résultent de l'ALENA. Au moins un, voire même deux candidats à la présidence ont affirmé qu'une fois élus, ils renégocieraient l'ALENA à cause des pressions de l'opinion publique eu égard à la disparition d'emplois dans le secteur industriel au profit de régions où les coûts sont moins élevés, ce qui, j'imagine, inclut le Canada et le Mexique.
Est-ce qu'on parle aussi au Mexique de se retirer de l'ALENA à cause d'inquiétudes relatives à son fonctionnement?
M. Piñera: Ce n'est pas la première fois que l'ALENA est remise en question lors de campagnes politiques. La réponse est assez facile, car comme l'ALENA a fait la preuve de ses effets positifs, si les trois pays le renégocient, nous pourrions ouvrir une boîte de Pandore.
L'accord revêt une signification différente selon les priorités de chaque pays. Le Canada a ses propres intérêts, le Mexique a ses propres intérêts, les États-Unis ont leurs intérêts à eux. Si nous commençons à renégocier l'ALENA, le résultat de ces négociations ne sera peut-être pas exactement celui que nous recherchons.
Autrement dit, l'ALENA a fait la preuve de son importance. Il ne s'agit pas d'un mécanisme parfait. On peut le bonifier, mais nous avons les outils dans l'ALENA pour apporter des correctifs. Lorsqu'on envisage la renégociation, peut-être qu'il y a des procédures politiques ou d'autres possibilités qui seraient plus opportunes que la façon dont l'accord fonctionne jusqu'à maintenant.
Le sénateur Grafstein: Au Canada, on dénonce l'inefficacité des mécanismes de règlement des différends prévus par l'ALENA. Nous suivons ce dossier. Critique-t-on aussi au Mexique l'inefficacité de ces mécanismes?
M. Piñera: Oui. Comme vous le savez, nos principaux différends nous opposent aux États-Unis, comme vous. Je dirais que nous avons à ce sujet une opinion partagée. À certains égards, le mécanisme de règlement des différends a très bien fonctionné. À d'autres, il n'a pas permis de résoudre le problème comme nous l'aurions souhaité. C'est l'un des éléments qui font partie des priorités sur la scène internationale, surtout l'OMC, car notre mécanisme de règlement des différends s'inspire de ces types de mécanismes. Nous proposons des changements aux échéanciers, car il faut parfois beaucoup de temps avant qu'une décision ne soit exécutée. Nous recherchons des améliorations à cet égard pour que les décisions de ces groupes spéciaux puissent prendre effet dans un délai plus court.
Le président: Je vais m'abstenir de demander si le Mexique porte de plus en plus de causes devant l'OMC, comme le fait le Canada. J'aimerais rappeler aux membres que ceux d'entre nous qui prennent des notes préparent en fait notre rapport. Si nous n'avons pas ces éléments en preuve, il est difficile pour nous de rédiger un bon rapport.
Le sénateur Sparrow: J'aimerais revenir à la question du sénateur Graham au sujet du droit du travail au Mexique. Nous avions deux raisons de signer cet accord. D'abord, nous voulions accroître les échanges, mais nous espérions aussi aider le Mexique à hausser le niveau de vie de ses citoyens. Nous en avons discuté.
La question qui se pose, dans ces circonstances, est la suivante. Est-ce le gouvernement qui fixe les règles juridiques relatives au travail au Mexique? Existe-t-il essentiellement un salaire minimum et un salaire maximum dont nous ignorons tout au Canada? Le gouvernement mexicain contrôle-t-il les syndicats afin de déterminer ces salaires? Une entreprise canadienne s'installant au Mexique pourrait dire: «Nous devons verser un salaire de 3 $ de l'heure» — peu importe le chiffre —, alors que le salaire au Canada pourrait être de 10 $ ou 12 $ ou 15 $ l'heure, mais nous ne pouvons augmenter le niveau de vie de ces travailleurs à cause de la législation en vigueur.
M. Piñera: Je dois dire que je ne suis pas un expert en droit du travail, mais la commission qui fixe les salaires au Mexique est une commission gouvernementale. Elle fixe le salaire minimum chaque année, selon la région. Nous avons des salaires différents selon la région. La commission tient compte de plusieurs éléments. Les syndicats participent aux négociations, et la commission tient compte également du taux d'inflation et du pouvoir d'achat des travailleurs. Je pourrais peut-être obtenir de plus amples renseignements sur ce système. J'enverrai volontiers un document qui explique, de façon générale, notre mode de fonctionnement de ce domaine.
Le sénateur Sparrow: Connaissez-vous le salaire moyen dans le secteur industriel au Mexique? Avez-vous un chiffre que vous pouvez nous fournir aujourd'hui?
M. Piñera: Malheureusement, je n'ai pas ce chiffre sous la main, mais je pourrais vous envoyer ces renseignements.
Le président: Si vous les envoyez au président, je vais m'assurer que les membres du comité les reçoivent.
Le sénateur Sparrow: Est-ce que des entreprises canadiennes vous présentent leurs doléances lorsqu'elles rencontrent des difficultés au Mexique? Si c'est le cas, pouvez-vous nous donner une idée de la nature de ces problèmes? Nous avons d'autres témoins ce soir à qui nous poserons ces mêmes questions, et ils auront peut-être leurs opinions sur ce sujet, mais je suppose qu'il y a des entreprises qui vous font part de leurs préoccupations. Quelles sont-elles?
M. Piñera: Nous avons reçu plusieurs demandes à notre bureau de la part de personnes qui souhaitent faire des affaires au Mexique. Les questions les plus courantes portent sur le fonctionnement de notre système juridique en général. On nous demande parfois quel est le niveau des salaires, quel est le cadre juridique qui s'applique dans certains États en particulier, quels sont les incitatifs accordés par le Mexique pour certains secteurs. Je dois dire que le Mexique n'accorde aucun avantage ou aucune subvention et ce, dans aucun secteur. C'est notre politique. On nous demande des renseignements généraux, qui portent surtout sur notre cadre juridique, sur notre régime d'investissement et sur certaines procédures administratives. On nous demande parfois des renseignements sur les prix dans certains marchés, et nous avons ce genre de renseignements. Nous leur envoyons l'information désirée, sinon nous mettons les gens en rapport avec les bureaux compétents au Mexique.
Le sénateur Sparrow: Je parlais des entreprises qui sont déjà au Mexique. Vous parlez de celles qui vous interrogent sur le programme car elles prévoient s'établir dans votre pays. Ma question concerne les entreprises qui sont déjà là et leurs expériences négatives. Je voulais savoir si vous en avez entendu parler.
M. Piñera: La semaine dernière, avec le ministre du Commerce international, M. Peterson, j'ai participé au Mexique à une table ronde regroupant de grands entrepreneurs canadiens qui ont des investissements au Mexique. Ils nous ont rapporté à cette occasion que les choses fonctionnent bien maintenant au Mexique. Franchement, je n'ai entendu aucune plainte à ce sujet. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, il y a au Mexique plus de 1 300 entreprises financées par des investissements canadiens, ce qui reflète notre immense potentiel dans le secteur des affaires. Je n'ai pas entendu parler de difficultés entourant les salaires ou d'autres problèmes du genre.
Le président: Je remercie notre témoin. Je sais que le sénateur Mahovlich aurait bien voulu poser une question, mais nous risquons d'être vraiment en retard si nous ne mettons pas fin à cette partie de la séance maintenant car il y aurait énormément de questions à poser. Je remercie le témoin en votre noM. Je tiens aussi à vous rappeler, tant que vous êtes encore là, qu'à 16 h demain, nous aurons une téléconférence avec le Carnegie Foundation Endowment et la Banque mondiale. Cela nous donnera l'occasion d'obtenir des réponses aux questions que souhaitent poser le sénateur Sparrow, le sénateur Grafstein et d'autres.
M. Piñera: Merci beaucoup de m'avoir invité.
Le président: Merci.
Sénateurs, nous allons maintenant entendre M. Armstrong, suivi de M. Winfield.
M. Robert Armstrong, président et chef de la direction, Association canadienne des importateurs et exportateurs: C'est pour moi un honneur de venir m'adresser ce soir à votre comité. Je suis enchanté de voir que vous êtes sur le point de partir au Mexique. J'y serai la semaine prochaine pour participer à la réunion de notre chambre Canada-Mexique. Nous allons fêter le 10e anniversaire de l'ALENA avec le président Fox. Je répéterai probablement là-bas l'essentiel de ce que je vais vous dire aujourd'hui, mais je veux simplement dire que le Mexique compte beaucoup pour nous dans notre association, en tant que partie de l'ALENA. Je suis aussi président de l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada, et nous avons des activités profondément intégrées de fabrication d'automobiles, d'assemblage, etc., dans nos trois pays. M. Winfield est mon président. Je suis aussi président du Conseil canadien pour les Amériques et nous sommes très axés sur le Mexique.
Je passe beaucoup de temps au Mexique. Il y a une dizaine d'années, à l'époque des négociations de l'ALENA, je suis allé incognito au Mexique en camion et j'ai fait part de mes constatations au président de l'époque, le président Salinas. La frontière du Mexique était alors considérée comme un trou noir, et c'était assez intéressant. Aujourd'hui, dix ans après, ce n'est plus le cas. Nos relations avec le Mexique, du point de vue du commerce et du mouvement des marchandises, se sont améliorées de 120 p. 100 par rapport à il y a dix ans. En fait, aujourd'hui, nous avons d'excellents chemins de fer. Le CP et le CN ont d'excellents réseaux ferroviaires et le transport nord-sud de marchandises entre le Canada, les États-Unis et le Mexique par chemin de fer fonctionne mieux que dans notre propre pays. Nous avons aussi d'excellentes routes pour les camions. Quand vous regardez le tableau d'ensemble, il faut voir le Mexique comme élément de l'ALENA. Comparativement, les 1,3 milliard de dollars que représentent nos échanges commerciaux quotidiens avec les États-Unis sont colossaux. Je suis ici pour vous adresser simplement quelques messages qui vous apporteront, je l'espère, matière à réflexion.
Évidemment, dans le cas du Mexique, nous achetons beaucoup plus de marchandises que nous n'en vendons. Les statistiques commerciales sont toujours déformées par les données sur les expéditions directes, les transbordements, etc., mais il est probable que nous achetons quatre à cinq fois plus de denrées au Mexique que nous ne lui en vendons, c'est-à-dire que nous ne faisons pas notre travail aussi bien que nous devrions le faire en matière d'exportation vers le Mexique. Au sein de notre association, nous rencontrons de nombreuses délégations du Mexique, des gouverneurs des divers États qui viennent accompagnés de leurs gens d'affaires. Ils nous invitent toujours à venir visiter leurs usines, leurs entrepôts et leurs centres de distribution pour nous persuader de faire des affaires avec eux. Je leur réponds: «Que diriez-vous de venir faire une petite visite au Canada pour voir ce que nous pouvons faire pour vous aussi»? Nous devons intensifier notre effort sur ce plan.
Nous devons ouvrir les yeux sur le marché excellent que peut représenter le Mexique pour nous. Encore une fois, quand on songe à notre dépendance à l'égard du marché américain, on se dit que la situation actuelle aux États-Unis devrait inciter le Canada à resserrer ses liens économiques et politiques avec le Mexique. Comme le disait tout à l'heure l'un des sénateurs, le protectionnisme fait manifestement une remontée aux États-Unis. C'est une année électorale. Le Canada et le Mexique ont tous deux intérêt à préserver la sécurité de leur accès au marché des États-Unis, mais nous devons néanmoins travailler ensemble à faire respecter l'engagement des Amériques à garder les frontières ouvertes aux marchandises de chacun de nos pays.
Le plus important objectif commercial du Canada doit être de préserver l'accès au marché américain et, ensuite, à celui du Mexique. Je ne vais pas m'étendre là-dessus car vous en avez déjà entendu parler dans le contexte des élections aux États-Unis. Il est question d'abandonner l'ALENA en regardant les choses en surface, les Américains se disent: L'accord est mauvais car nous avons perdu des emplois au profit du Mexique». En réalité, ils en ont gagné. Ce sont simplement des industries différentes qui ont évolué, comme au Canada. S'ils décidaient d'annuler l'ALENA, bien franchement, le déferlement d'importations en provenance de la Chine entraînerait probablement la faillite de nombreuses usines aux États-Unis comme au Canada. L'ALENA est un bloc commercial très utile, et il doit le rester. Nous devons y veiller. Les États-Unis sont en train de promouvoir divers projets de loi pour lutter contre la concurrence illégale. Si vous regardez la surface des choses, vous constatez que beaucoup de nos entreprises se servent du Mexique pour avoir des intrants à faible coût. Si nous devons concurrencer la Chine à l'avenir, ce dont nous avons le plus besoin en tant que fabricants canadiens, c'est d'avoir les intrants les moins coûteux possible. Si nous ne pouvons pas les trouver chez un fournisseur canadien ou américain, c'est le Mexique qui est le choix logique compte tenu du statut préférentiel accordé dans le cadre de l'ALENA et des avantages logistiques et financiers de faire fabriquer un produit au Mexique. Nous aurons besoin du Mexique à l'avenir pour permettre à nos industriels de rester compétitifs chez nous.
Nous faisons beaucoup d'assemblages partiels dans l'industrie automobile. C'est un secteur très intégré. Quand nous faisions faire des faisceaux de harnais au Mexique, tout le monde disait que nous ne faisions que cela au Mexique. Or, à l'occasion de votre visite, vous allez pouvoir constater qu'il y a des usines très sophistiquées maintenant au Mexique. Il y a énormément de nouvelles technologies là-bas. Vous n'aurez qu'à voir la quantité d'investissements étrangers directs qui s'y déversent, en particulier dans le secteur de l'automobile, pour comprendre à quel point c'est une bonne chose pour notre pays comme pour le leur. Nous nous alimentons mutuellement.
Dans la situation actuelle, nous devons veiller à ce que l'intégration nord-américaine ne soit pas ébranlée. Ce doit être une priorité pour le Canada. Le nouveau premier ministre se repenche sur la sécurité de notre accès aux États- Unis, et nous approuvons ses efforts. Toutefois, il faut aussi appuyer les efforts et le travail de votre comité. Nous sommes heureux que vous ayez décidé de faire une étude de nos relations avec le Mexique car nous pensons que c'est extrêmement important.
Après tout, nous avons signé l'Accord de libre-échange, l'ALENA, et nous sommes fondamentalement des citoyens de l'Amérique du Nord. Le Mexique est une composante importante du marché nord-américain et il constitue pour nous un concurrent au niveau des investissements étrangers directs, mais c'est en général un concurrent très équitable. Il présente des gains de rendement qui contribuent à améliorer la compétitivité de l'industrie dans les trois pays, surtout face à la concurrence de la Chine maintenant.
Tout à l'heure, nous disions à quel point les choses avaient changé depuis dix ans, comme le montrent les constats que m'envoient les membres de notre association au fil des années. Maintenant, le principal problème est de réussir à se faire payer. Il y a cinq ans c'était: Je leur ai vendu quelque chose et je n'ai plus jamais entendu parler d'eux. Il y a plus de cohérence maintenant. C'est un des progrès que nous constatons.
Les Canadiens prennent désormais le temps de cultiver leurs relations. Comme nous le faisons de mieux en mieux, nous constatons que les Mexicains sont de bons partenaires. Cela prend plus de temps, mais notre commerce va aller en s'améliorant. Encore une fois, ils nous ressemblent beaucoup. Ils aiment bien avoir des relations amicales avec nous. Vous le verrez lors de votre voyage. Ceux qui vont là-bas savent qu'ils aiment bien connaître les gens avec qui ils vont faire des affaires. Je suis très bien traité quand je vais au Mexique. Je suis toujours heureux d'y aller. Ils ont beaucoup progressé. J'y suis aussi allé à l'occasion des trois dernières élections en tant qu'observateur pour Élections Canada, aussi bien dans les régions riches que dans les régions pauvres du Mexique, et cela m'a ouvert les yeux sur beaucoup de choses.
Une fois de plus, le Mexique est en train d'établir une série d'ententes commerciales en étoile avec l'Union européenne, avec le Mercosur, avec le Japon et d'autres grands marchés que nous n'avons pas. Le Canada ne participe à aucune des ces ententes. Il s'agit alors de déterminer le degré de réorientation possible de l'échange et des investissements. C'est un aspect que nous devons examiner. Si le Mexique est en train de se placer dans une position favorable avec le reste du monde, cela pourrait avoir des incidences négatives pour nous si nous ne travaillons pas en collaboration avec ce pays.
Si le Canada essayait d'établir des liens plus étroits avec les États-Unis aux dépens de ses relations avec le Mexique, cela pourrait poser des problèmes. Il serait donc préférable de faire preuve de prudence à cet égard. Théoriquement, le Canada pourrait obtenir un avantage concurrentiel sur le Mexique s'il parvenait à établir une relation plus privilégiée avec les États-Unis, mais je crois que cela va à l'encontre du marché intégré que représente l'ALENA; et le Mexique pourrait peut-être faire de même. Vous vous rappellerez que lorsque le président Bush a été élu, la première personne à lui rendre visite a été le président Fox. Les Canadiens se sont immédiatement dit: «Nous venons de perdre notre avantage. Maintenant ils sont copains avec le Mexique et nous sommes évincés». Ce n'est toutefois pas ce qui s'est passé. Je crois que la situation pour le Canada et le Mexique serait pire si les États-Unis les opposaient l'un à l'autre. Je crois que cela ne pourrait jamais être une bonne chose pour nous. Il est préférable que nous soyons tous traités comme des partenaires nord-américains.
La coopération entre le Canada et le Mexique est également nécessaire pour assurer l'intégrité de l'ALENA dans le cadre de nos négociations commerciales hémisphériques. La ZLEA, l'Accord de libre-échange des Amériques, comme certains le savent, connaît de toute évidence des difficultés. Ce qui s'est passé tout récemment, c'est que le Canada, les États-Unis et 13 autres pays semblent vouloir négocier un accord strictement latéral, laissant ainsi le Mercosur continuer sa propre forme d'intégration sud-américaine, puisque cela concerne plutôt les politiques et le développement sociaux.
Il faut que le Canada et le Mexique coopèrent même lorsque les États-Unis cherchent à étendre la libéralisation du commerce dans l'hémisphère, parce que toutes les ententes conclues par les États-Unis sont bilatérales. Nous devons examiner de près cette situation et nous assurer que le Mexique est inclus dans toute initiative visant à élaborer et à harmoniser des règlements en Amérique du Nord. Vous entendrez souvent les Canadiens parler eux aussi de normes d'harmonisation. Cela demeure un problème dans l'industrie automobile. Nous voulons des normes harmonisées avec les États-Unis aussi, mais nous devons accroître l'harmonisation des normes dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Cela profiterait à tous mais il ne fait aucun doute que nous devons relever les normes de réglementation au Mexique. C'est vraiment un aspect où des améliorations s'imposent.
Nous devons améliorer l'application des règlements existants. C'est un autre aspect qui laisse à désirer au Mexique.
La performance économique du Mexique est un exemple des avantages que présente la libéralisation du commerce pour les pays de l'Amérique latine. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, puisque j'en traite dans mon document, mais je tenais à terminer mon exposé sur cette observation. À une époque où on conteste la libéralisation des marchés en Amérique latine, la performance économique du Mexique au sein de l'ALENA devient un cas type et un symbole important au sein de l'hémisphère. Après 10 années, on essaie de toutes parts d'évaluer les répercussions de l'ALENA sur le Mexique et les leçons que l'on peut tirer de son rendement économique au cours de la dernière décennie.
Je vous présenterai, et cela figure dans le document que je vous ai remis, des extraits d'une étude de la Banque mondiale sur les répercussions de la l'ALENA sur le rendement économique du Mexique. C'est probablement l'une des meilleures études dont j'ai pris connaissance jusqu'à présent. La principale conclusion du rapport concernant l'ALENA, c'est que le traité a aidé le Mexique à se rapprocher du niveau de développement de ses partenaires de l'ALENA. L'étude laisse entendre, par exemple, que les exportations mondiales du Mexique auraient été 25 p. 100 inférieures sans l'ALENA, et les investissements directs étrangers auraient été de 40 p. 100 inférieurs. Vous pouvez donc constater une fois de plus que l'ALENA s'est avéré profitable au Mexique.
Par ailleurs, la période de temps dont ont besoin les manufacturiers mexicains pour adopter les innovations technologiques des États-Unis a été réduite de moitié. On peut probablement attribuer jusqu'à un certain point au commerce les modestes diminutions du taux de pauvreté, et les échanges ont sans doute influé de façon positive sur le nombre et la qualité des emplois. Cependant, l'ALENA ne suffit pas à assurer la convergence économique parmi les pays et les régions de l'Amérique du Nord. Cela reflète à la fois les limites de la conception de l'ALENA et, surtout, la nécessité des réformes intérieures à venir. Comme je l'ai déjà dit, je suis sûr que vous aurez l'occasion de le constater par vous-même lors de votre voyage, donc je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Je traite d'ailleurs de cette question dans le document que je vous ai remis.
Après la Stratégie d'innovation du Canada, il est clair que nous faisons face nous aussi à des difficultés en matière de R-D et d'innovation, semblables à celles que connaît le Mexique, mais sans doute moins graves. Cela nous amène à envisager des façons dont le Canada et le Mexique pourraient développer des programmes de collaboration. J'espère que vous aurez l'occasion d'approfondir cette question à l'occasion de votre voyage, parce que je crois que les entreprises et le gouvernement des deux pays doivent travailler de concert. Nous pourrons peut-être collaborer à certains nouveaux programmes.
En conclusion, pour ce qui est de promouvoir une relation plus importante sur le plan stratégique avec le Mexique, cette relation ne serait pas très substantielle si elle se limitait strictement au commerce bilatéral. Si c'était le seul aspect du Mexique qui nous intéressait, alors nos relations ne seraient pas très bonnes, même compte tenu de la possibilité d'une croissance future.
Cependant, les relations du Canada deviennent extrêmement cruciales si on les considère sous l'angle du maintien de l'accès au marché des États-Unis et de la promotion de la libéralisation du commerce dans l'hémisphère dans laquelle nous vivons. Cela est d'autant plus essentiel à une époque marquée par un unilatéralisme accru et la menace du protectionnisme aux États-Unis.
Honorables sénateurs, je tiens à vous dire que nous avons fait beaucoup de chemin en 10 ans en ce qui concerne nos relations avec le Mexique; il en reste toutefois encore beaucoup à faire.
M. David Winfield, président, Conseil canadien pour les Amériques: Honorables sénateurs, je suis très heureux de me joindre à vous ce soir.
Je vous parlerai brièvement de mes antécédents, pour ceux d'entre vous qui ne m'ont pas déjà rencontré ou qui ne me connaissent pas. J'ai travaillé pendant 30 ans au service extérieur du Canada à titre de délégué commercial. J'ai passé près de la moitié de ma carrière au service extérieur à m'occuper de l'Amérique latine et du Mexique.
J'ai d'abord commencé à travailler avec le Mexique en 1976. J'ai eu deux affectations dans ce pays. J'ai eu le privilège de visiter le Mexique à de nombreuses reprises pour affaires. Lorsque j'ai quitté le gouvernement pour travailler pour Nortel, l'un de mes plus importants secteurs de responsabilité était le Mexique. Je suis Canadien, mais le Mexique est un pays qui me tient beaucoup à cœur.
Je comparais aujourd'hui devant vous à titre de président du Conseil canadien pour les Amériques. Il s'agit de l'unique organisation commerciale du Canada qui met l'accent sur la promotion des relations d'affaires entre les entreprises canadiennes et les entreprises des Antilles et de l'Amérique latine. Il s'agit d'une organisation de portée nationale, ayant des succursales de Vancouver à Montréal. Depuis l'année dernière, nous sommes affiliés à l'Association canadienne des importateurs et exportateurs, et mon bon ami, M. Armstrong, est notre très dynamique et compétent président.
Lorsque je réfléchissais à ce que j'allais vous dire aujourd'hui, j'avais dressé une liste d'environ 16 ou 17 choses que je pensais devoir mentionner, mais compte tenu des contraintes de temps, j'aborderai essentiellement trois questions.
Tout d'abord — et c'est d'ailleurs un aspect qui a été mentionné par M. Armstrong et M. Piñera —, les relations avec le Mexique, qui étaient considérées relativement peu importantes dans les années 80, sont devenues aux yeux des deux pays et des deux gouvernements une relation stratégique. Il s'agit d'une relation vaste, complexe, fascinante qui est en train de prendre de l'ampleur et qu'il faut entretenir; il faut développer cette relation, ce qui suppose des efforts non seulement de la part du gouvernement mais aussi du secteur privé, des milieux universitaires et de la société civile au Canada et au Mexique, pour tirer pleinement profit de ce qu'elle peut offrir.
Deuxièmement, nous devons continuer à apprendre à nous connaître et à nous comprendre. Nous avons fait beaucoup de travail avant et pendant la négociation de l'ALENA. Le sénateur Eyton était l'un des chefs de file dans ce domaine, de même que le sénateur Austin. Nous leur sommes reconnaissants du leadership dont ils ont fait preuve pour ce qui est d'aider à jeter des ponts entre les secteurs privé et public, ce qui s'est avéré très important et a entraîné l'expansion que nous connaissons. Je parlerai brièvement de cette relation et de l'orientation qu'elle devrait prendre à mon avis.
Le troisième aspect dont je veux traiter, c'est que l'ALENA n'est que le début. Certains considèrent que la négociation de l'ALENA est maintenant chose faite et qu'il est temps de passer à autre chose. Si l'on veut que l'ALENA soit un outil efficace pour chacun des trois pays, mais particulièrement dans une perspective canadienne, alors nous devons continuer de nous occuper sans relâche de certains des problèmes auxquels nous faisons toujours face.
Il faut que nos négociateurs commerciaux demeurent en contact avec le secteur privé par l'entreprise d'associations comme les nôtres pour comprendre les difficultés auxquelles se heurte le secteur privé dans ses rapports avec le Mexique. Nous devons par exemple examiner les questions comme les règles d'origine. Elles sont complexes et doivent être simplifiées, et ce travail est vraisemblablement toujours en cours. Nous devons examiner non seulement l'harmonisation des normes, mais aussi des tarifs afin d'aboutir à une diminution des frais de transaction et une amélioration de l'accès au marché.
Il existe un dernier problème grave qu'il ne nous appartient probablement pas de résoudre, même si au cours des négociations nous pensions avoir montré la voie à suivre, et c'est l'accès des camions au Mexique. Il s'agit vraiment d'un problème qui concerne les États-Unis et le Mexique, pas vraiment un problème qui concerne le Canada, bien que nous soyons pénalisés parce que les Américains et les Mexicains n'arrivent pas à s'entendre sur cette question.
Pour revenir à mon premier point, lorsque je songe à la situation qui existait lors de ma première affectation au Mexique de 1980 à 1983, nous étions plein d'optimisme et d'enthousiasme. Le président Lopez Portillo était un ami du premier ministre Trudeau — il a visité le Canada — nous avions visité le Mexique, nous avions un plus grand nombre de réunions économiques et d'autres réunions de commissions, mais cela n'est rien par comparaison avec le travail qui s'est fait au cours des négociations de l'ALENA. Il me semble qu'après les négociations, on s'est senti soulagés d'en avoir terminé et de pouvoir se reposer. Comme je l'ai dit, nous ne le pouvons pas.
Bien entendu, la bonne nouvelle c'est que nous ne nous sommes pas reposés sur nos lauriers. Apparemment, les gouvernements du Canada et du Mexique ont négocié plus de 60 ententes bilatérales de coopération bilatérales dans une foule de domaines, entre autres le renforcement des institutions. Par exemple, Élections Canada a participé de très près, ce qui n'a d'ailleurs pas été rendu public, à la réforme électorale au Mexique, et je suis convaincu que sans l'influence et les conseils d'Élections Canada, les élections, certainement celles de 2000 et de 1996, n'auraient pas été, comme on l'a annoncé, les élections les plus démocratiques de l'histoire du Mexique.
Les échanges d'étudiants sont d'une importance primordiale, parce que si nos jeunes arrivent à comprendre en quoi consistent nos deux cultures et nos deux pays, nous pourrons commencer à établir véritablement une relation enrichissante et diversifiée. Il est encourageant de constater que 10 000 étudiants mexicains viennent au Canada chaque année, à la fois pour étudier l'anglais langue seconde et pour faire des études dans nos universités, et ce nombre ne cesse d'augmenter.
J'ignore quels sont les chiffres pour le Canada pour l'instant, mais ils sont loin d'atteindre 10 000. Il suffit de regarder dehors, surtout si vous étiez à Toronto ce matin, et de voir la neige et l'état désastreux des routes, pour se rendre compte que le Mexique est un endroit nettement préférable à certaines époques de l'année, sinon toute l'année.
Les universités canadiennes et mexicaines ont pris beaucoup d'initiatives pour forger ce genre de liens. La Schulich School of Business, par exemple, a établi un programme d'internat avec la Tec de Monterrey, au Mexique, qui fonctionne bien. Je fais partie du Conseil consultatif international de la Schulich School et je suis la situation. Je sais qu'Ivey et Toronto sont eux aussi en train d'établir des liens, comme le font les universités un peu partout au pays. Nous devons multiplier les initiatives de ce genre.
Il faudrait probablement que nous commencions même au niveau de l'école secondaire. Bon nombre d'écoles privées au Canada accueillent des étudiants mexicains. Pourquoi ne pourrions-nous pas envoyer nos enfants au Mexique pendant un an pour y apprendre l'espagnol? C'est une possibilité que nous devons envisager.
Je sais que je me suis écarté de l'aspect commercial, mais l'une des choses qui m'a énormément impressionné lorsque j'étais au Mexique, c'est l'enthousiasme avec lequel ont été accueillies les activités culturelles canadiennes lorsque nous avons par exemple invité différents groupes de ballet et de musiciens, de même que des artistes canadiens là-bas. Nous avons tenu des symposiums d'écrivains, et ainsi de suite.
Le sénateur Mahovlich: Y a-t-il eu des équipes de hockey?
M. Winfield: Malheureusement non, mais ce n'est que durant ma dernière année là-bas qu'ils ont eu de la glace à Mexico, sénateur.
La même chose vaut dans le domaine sportif. Même si la concurrence est acharnée, l'équipe de soccer nationale du Canada est respectée et a bonne réputation au Mexique. Bien entendu, si vous avez 150 000 personnes dans un stade qui regardent un match et que le match est télédiffusé à la télévision, c'est très impressionnant.
Il existe divers moyens d'améliorer la compréhension entre le Canada et le Mexique, par exemple en invitant des équipes sportives mexicaines, des événements et des activités culturelles et artistiques mexicaines au Canada pour rehausser cette connaissance si importante pour l'avenir de cette relation.
En ce qui concerne la presse, nous devrions augmenter le nombre des représentants de la presse canadienne présents au Mexique. Je sais que Paul Knox du Globe and Mail fait un excellent travail, mais il habite ici lorsqu'il n'est pas en Afghanistan ou ailleurs. C'est donc un aspect que nous devons également examiner.
Enfin, en ce qui concerne les échanges politiques entre représentants du gouvernement, je me réjouis immensément de la visite que vous ferez la semaine prochaine. Ces types d'échange entre sénateurs, membres du Congrès et députés sont importants. Nous devons continuer à promouvoir ces formes d'échange parce qu'au bout du compte, les Mexicains nous considèrent comme un pays peut-être plus facile à comprendre et plus accommodant et considèrent nos institutions comme de très bons modèles. Ils ne cadrent peut-être pas avec le régime présidentiel, mais ils aiment la façon dont les Canadiens gèrent leur pays.
Nous avons une excellente base sur laquelle bâtir et un avenir à préparer.
Le sénateur Mahovlich: Les Mexicains ont-ils les mêmes problèmes que nous avons lorsque notre dollar fluctue en fonction du dollar américain? Si la valeur du dollar américain diminue, celle de notre dollar augmente et nos manufacturiers connaissent des difficultés. Avons-nous un problème avec nos échanges avec le Mexique lorsque cela se produit, ou le peso suit-il simplement le dollar américain?
M. Winfield: Le peso suit le dollar américain, mais de toute évidence, lorsque notre dollar fluctue en fonction du dollar américain, il fluctue en fonction du peso.
Le président: Êtes-vous en train de me dire que la valeur du peso mexicain est maintenant fixée à celle du dollar américain?
M. Winfield: Non, elle fluctue.
Le président: S'agit-il d'une triple fluctuation?
M. Winfield: Il s'agit également d'une triple fluctuation, mais la plupart des entreprises mexicaines veulent que le prix de leurs exportations soit établi en dollars américains et ils présenteront leurs prix en dollars américains et non en pesos. La monnaie d'échange est le dollar américain, ce qui cause alors un certain problème puisque nous devons tous deux rajuster nos prix en fonction de cette devise.
Cela nous met donc sur un pied d'égalité, c'est un dénominateur commun, si vous préférez, entre nous. Dans la mesure où l'une ou l'autre de nos monnaies fluctue en fonction du dollar américain, cela aura des incidences.
[Français]
Le sénateur De Bané: Monsieur Winfield, si je comprends bien, le Canada a joué un rôle très important pour amener le Mexique à l'intérieur de l'ALENA. Au début, c'était le Canada et les États-Unis, et d'après ce que je comprends, c'est le Canada qui a convaincu le président Bush de permettre au Mexique de nous joindre. Est-ce exact?
[Traduction]
M. Winfield: C'est une question intéressante, sénateur. En fait, on avait discuté d'un accord de libre-échange entre le Mexique et les États-Unis avant qu'on en discute avec le Canada. C'est au retour de son voyage en Europe au début de 1990 — et j'ai eu le privilège de lui rendre visite — que le président Salinas a dit: «Nous devons songer non seulement à entretenir des négociations avec l'Europe mais aussi avec l'Amérique du Nord». Il a alors rencontré le premier ministre Mulroney le 17 mars 1990 et ils ont longuement discuté de cette question dans le jardin de Los Pinos. Ils en sont arrivés à la conclusion qu'en raison du débat très animé qui s'était déroulé au Canada au sujet l'ALE, si le Mexique souhaitait établir un accord de libre-échange avec les États-Unis, il devrait alors le faire.
C'est ce que le président Salinas a annoncé publiquement environ un mois plus tard, après qu'on ait réfléchi à Ottawa aux incidences d'une telle initiative. Je peux vous dire que l'ambassade du Mexique à Ottawa et l'ambassade du Canada à Mexico ont travaillé d'arrache-pied pour s'assurer que le Canada participe aux négociations.
Le président Salinas était convaincu qu'un accord de libre-échange lui donnerait accès à ce très important marché.
Le sénateur De Bané: Est-il vrai que le Canada a ouvert la voie au Mexique en intervenant auprès du président Bush?
M. Winfield: Non.
Le sénateur De Bané: Parlez-moi de la façon dont ces trois pays considèrent l'ALENA. Selon moi, le Mexique considère l'ALENA comme une façon de régler son problème d'immigration. Les États-Unis considèrent l'ALENA comme une façon de satisfaire leurs besoins en matière de sécurité et d'énergie. Le Canada considère l'ALENA comme un moyen d'avoir un marché sûr pour ses exportations aux États-Unis. Chacun considère l'ALENA sous un angle différent. De toute évidence, en ce qui concerne l'immigration, qui revêt tellement d'importance pour le Mexique et les États-Unis, nous sommes trop loin. Cela ne nous pose pas problème.
Envisagez-vous vraiment qu'un jour ces trois pays seront au même diapason quant aux mesures à prendre, ou l'intérêt de chacun d'entre eux diffère-t-il au point que l'on entendra — comme le disait le sénateur Grafstein — des candidats à la présidence des États-Unis promettre de déchirer cet accord»? De notre côté nous disons: «Nous voulons bien de cet accord, mais pourquoi le Mexique ne permet-il pas à nos compagnies pétrolières d'exercer leurs activités dans ce pays»? Chaque pays exerce des pressions. J'aimerais beaucoup connaître votre point de vue car vous connaissez très bien ce pays.
M. Winfield: Je crois, sénateur, que l'important pour le Mexique à l'heure actuelle, et pardonnez-moi de prendre la parole au nom du Mexique, c'est d'avoir accès aux États-Unis pour vendre ses biens et services. Dans un premier temps, cela est important parce que, comme vous pouvez le constater d'après les chiffres qui ont été cités par M. Armstrong et M. Piñera, les exportations du Mexique vers les États-Unis ont connu une croissance énorme et les possibilités d'une croissance plus poussée sont immenses, ce qui permettra de créer des emplois au Mexique.
Dans un deuxième temps, les dispositions générales de l'ALENA permettent effectivement de protéger les investissements et les Mexicains tiennent à continuer à attirer les investissements américains au Mexique. Depuis les dix années d'existence de l'accord, le Mexique a attiré environ 12 milliards de dollars d'investissements en moyenne de la part des États-Unis. Cela est énorme si l'on considère que cela dépasse de loin la somme des investissements faits en Inde, par exemple. La Chine est le seul pays ayant bénéficié d'investissements plus élevés. Pour les Mexicains, c'est un deuxième objectif — continuer à attirer des investissements. Ils doivent faire autre chose, et nous pourrons en parler si nous avons le temps.
Pour les États-Unis — et je suis d'accord avec votre argument concernant l'énergie —, les trois pays sont déjà en train de parler des relations dans le secteur énergétique, d'examiner l'approvisionnement énergétique, de chercher des moyens de mieux coordonner les réseaux électriques. Avec le temps, ce type d'accord de coopération prendra de l'expansion à condition que chacun de ces pays s'y intéresse. Il pourrait y avoir des accords bilatéraux, et comme vous le savez vous-même, sénateur, le Canada et les États-Unis sont en train de discuter de sécurité, et le Mexique et les États-Unis font de même. C'est ainsi que nous voulons continuer à procéder pour l'instant. Je crois comprendre que des discussions ont cours entre le Canada et le Mexique sur des questions de sécurité, mais les véritables enjeux concernent nos frontières respectives.
Vous avez tous été en politique, ou vous connaissez beaucoup mieux les milieux politiques que moi, et vous savez que parfois les politiciens peuvent manquer de retenue quand ils se prononcent sur certains dossiers. J'ai beaucoup de mal à croire, compte tenu de la réalité d'aujourd'hui, que si l'un des candidats actuels à l'investiture démocratique devenait président, il déchirerait l'ALENA. Cela me paraît tout simplement ni raisonnable, ni logique. Cependant, j'ai un parti pris.
Le sénateur Andreychuk: Je suis heureux que vous nous ayez situé le contexte parce que vous avez une plus longue expérience que moi. Certes, nous avons eu de longues discussions sur l'opportunité de signer un accord avec le Mexique, mais nous sommes arrivés à la conclusion qu'il est préférable de travailler de l'intérieur que de rester à l'écart à observer le développement d'une relation qui inévitablement nous nuirait.
À l'époque, nous avions dit que l'important était l'ALENA et que les activités culturelles relèveraient des accords bilatéraux, etc., et nous devons surmonter cela pour tâcher de resserrer nos liens avec le Mexique.
Dix ans plus tard, vous me dites que nous avons réalisé des progrès mais qu'il nous reste encore du chemin à faire. Devons-nous simplement continuer à procéder de la même façon ou pouvons-nous, dix ans plus tard, agir différemment? Il faut d'abord dire que le Mexique n'a pas opté pour l'immobilisme. Les démarches qu'il a faites auprès de l'Europe, entre autres, ont été nettement déterminantes de même que le temps qu'il a consacré au Canada. Que pouvons-nous faire d'autre? Y a-t-il d'autres incitatifs, d'autres arrangements ou débouchés commerciaux auxquels nous devrions nous intéresser, surtout que le Comité des affaires étrangères sera peut-être appelé à conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre?
M. Winfield: Premièrement, je crois que les arguments présentés parfois dans la presse et par certains commentateurs éminents, selon lesquels nous devrions consacrer tous nos efforts à notre relation avec les États- Unis, sont des faux arguments. Il est vrai que nos relations avec les États-Unis sont importantes pour nous, mais je songe au dicton de ma grand-mère selon lequel il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, et comme j'ai été délégué commercial au service extérieur une bonne partie de ma vie, je peux reconnaître la nécessité pour nous de diversifier les marchés vers lesquels nous exportons et avec lesquels nous faisons des échanges.
Ce serait une énorme erreur de cesser de promouvoir les exportations canadiennes vers d'autres pays que les États- Unis. Le Conseil canadien pour les Amériques est en train de préparer un mémoire que nous présenterons au ministre du Commerce international afin d'encourager le ministère à entamer des négociations avec le Mercosur, particulièrement avec le Brésil, parce que c'est le dernier grand marché de cet hémisphère dont nous ne nous sommes pas beaucoup occupés, sauf pour nous y opposer. Mais nous ne sommes pas ici pour parler du Brésil.
En ce qui concerne notre relation avec le Mexique, au bout du compte, il faut y consacrer du temps et des efforts. Rien ne peut se faire rapidement, comme nous l'avons constaté dans le cas de l'Union européenne. Il a fallu aux Européens de nombreuses années pour mettre au point les divers instruments dont ils disposent; et je ne veux pas laisser entendre que nous devrions nous orienter dans cette voie-là. Pour établir le genre de relation dont nous parlons, c'est-à-dire une relation riche, saine et complexe, il faut de la sensibilisation, du temps, des efforts et des investissements; et il faut que tous les membres des divers milieux, universitaires et culturels, les membres d'organisations politiques et les gouvernements entament un dialogue et échangent leurs points de vue sur le renforcement des institutions. Comme cela ne peut pas se faire rapidement, il faut effectivement poursuivre nos efforts passés.
J'aurais préféré que l'on prévoie de nouvelles ressources dans d'autres régions du monde, plutôt que d'ouvrir un grand nombre de nouveaux consulats aux États-Unis. C'est une décision que le gouvernement a prise. Les activités de l'ambassade du Canada à Mexico et des consulats sont diversifiées. Il y aura environ deux activités par jour, entre autres des visites ministérielles, la visite des membres de votre comité, des missions commerciales, etc. Je ne suis pas sûr qu'ils soient en mesure d'en faire beaucoup plus, mais il faut persévérer. Il s'agit, comme on le dit en japonais, d'«arroser les racines», d'entretenir et de nourrir la plante que représente cette relation.
Le sénateur Eyton: Je suppose que ma question s'adresse à la fois à M. Armstrong et à M. Winfield. Pourriez-vous quantifier les relations entre le Canada et le Mexique? Je voudrais que nous nous reportions à 1990, à l'époque où pour la plupart des Canadiens, le Mexique était un endroit à visiter pour le soleil et les plages. À cette époque, il y avait très peu de grandes entreprises qui faisaient des affaires avec le Mexique et les affaires se faisaient dans les deux sens. Nous avons de nombreuses façons de quantifier les relations commerciales en dollars, mais j'aimerais que vous nous parliez de l'ampleur des échanges commerciaux et de l'investissement à l'heure actuelle. Il y a des années lorsque vous étiez ambassadeur, monsieur Piñera, je me rappelle que vous m'aviez parlé du nombre de visites commerciales que vous aviez eues au cours d'une année et de leur hausse marquée en quelques années à peine, même pendant les négociations de l'ALENA; et je suis certain que cette tendance s'est maintenue. Les plus petites entreprises sont-elles au courant des possibilités commerciales dans les deux sens entre le Mexique et le Canada?
M. Armstrong: Les petites entreprises ont mis un certain temps avant de se joindre au mouvement, mais les provinces, leurs relations commerciales et leurs missions commerciales et les nôtres, en font davantage avec les petites entreprises — et nos grandes entreprises sont présentes. Comme dans d'autres régions du monde, je mesure toujours le succès par rapport aux PME, car je pense qu'il est plus important pour un pays comme le Canada de se vanter du nombre de petites entreprises qui font des affaires. Au sein de mon association, probablement les trois quarts des membres sont des PME dont bon nombre font des affaires avec le Mexique et ont beaucoup de succès. Il constatent qu'ils se rendent au Mexique plus souvent pour prendre des vacances, et même prendre leur retraite là-bas. Je crois que selon les dernières statistiques, 55 000 Canadiens auraient pris leur retraite quelque part au Mexique.
Certains de mes membres ont trouvé des occasions d'affaires dans l'industrie du tourisme. Les Canadiens ne vont plus seulement à Acapulco, mais aussi de plus en plus à Cancun et à Puerto Vallarta, de sorte que bon nombre de nos exportateurs sont de petites entreprises qui vendent les mêmes services qu'ici au Canada, par exemple aux hôtels Fairmont. Cela est intéressant.
Lorsque je me déplace au Canada pour prononcer des allocutions, je tente de faire comprendre aux Canadiens qu'ils ont toute une variété de besoins. Quelle est la population du Mexique? Je pense que c'est 100 000 habitants, dont au moins 35 à 40 millions ont de l'argent à dépenser. Par ailleurs, le Mexique est une importante destination touristique, non pas uniquement pour le Canada mais pour le monde entier. L'industrie du tourisme est l'une des principales occasions d'affaires pour les Canadiens. Il suffit de penser à toutes les choses que l'on peut vendre à l'industrie du tourisme; c'est considérable.
Le sénateur Eyton: Sur un sujet légèrement différent, lorsqu'on a négocié l'ALENA, il y avait une grande différence entre les milieux des affaires canadiens et mexicains et entre les négociateurs de diverses sources. Les négociateurs mexicains et canadiens ont constaté qu'en travaillant ensemble à une cause commune, ils pouvaient marquer des points face à leur imposant voisin américain, ce qu'ils ne pouvaient pas faire chacun de leur côté.
Y a-t-il des possibilités à l'heure actuelle de faire front commun avec les Mexicains dans de grands dossiers, comme l'élargissement de l'ALENA, surtout que le Mexique a été beaucoup plus énergique pour signer des accords de libre- échange? Le Mexique est peut-être une plus grande plaque tournante que ne l'est le Canada aujourd'hui. Y a-t-il pour nous possibilité de travailler avec le Mexique à différents niveaux, face aux États-Unis, afin d'améliorer l'ALENA et sa portée?
M. Winfield: Pour vous donner une réponse courte, je le crois. M. Armstrong est sans doute mieux à même que moi pour vous donner plus de détails. Je reviendrai à l'un des débats que nous avons eu au Mexique au cours de mes visites là-bas pour parler du Canada et de l'ALENA. Bon nombre de Mexicains étaient d'avis que les Canadiens et les Mexicains devraient travailler ensemble pour essayer de trouver des solutions simples aux problèmes de l'ALENA, le cas échéant, et «forcer ces maudits Américains à céder». Non pour des raisons de politique, mais aussi de simple bon sens, j'ai tenté de dissuader les Mexicains d'agir ainsi à propos des grands enjeux, et certainement des négociations, à moins, naturellement, qu'il y ait une cause commune qui puisse être défendue.
Je pense qu'il y a peut-être des possibilités pour ce qui est des sociétés entre elles, mais cela est différent. Lorsque les gens d'affaires peuvent se rencontrer pour parler des choses qui les préoccupent et déterminer comment ils peuvent s'y prendre pour résoudre les problèmes, on peut déterminer comment on peut s'y prendre.
Au niveau des relations entre les gouvernements, je soupçonne que nous le faisons déjà dans un certain nombre de domaines. Quoi qu'il en soit, par le passé, plus particulièrement au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le fait est que les relations avec les États-Unis ont été fragiles pour toutes sortes de raisons. Les choses ont changé le 11 septembre. On a mis l'accent sur les moyens de traiter de façon bilatérale avec les Américains et de garder la frontière ouverte pour assurer la circulation des marchandises. Nos représentants n'ont eu ni le temps ni l'énergie d'examiner vraiment comment nous pourrions travailler avec les Mexicains, en cas de besoin. Chose certaine, si j'étais au Mexique en ce moment, j'examinerais cette question. Nous travaillons ensemble sur des questions de politique étrangère aux Nations Unies, de sorte que les voies de communication sont clairement établies.
M. Armstrong: En novembre, nous avons eu une rencontre à Montréal avec les trois ministres du Commerce. J'ai eu l'occasion de leur parler de la question de la simplification des règles d'origine et des documents exigés des petites entreprises dans les trois pays. Cela a retenu l'attention du ministre mexicain et du représentant commercial américain. Ils m'ont en fait relancé pour me poser des questions à ce sujet. Depuis, je leur ai envoyé des renseignements supplémentaires sur des entreprises présentes dans les trois pays.
Voici un exemple d'une question qu'ils sont en train d'examiner de nouveau. Il y a de nombreuses entreprises qui ne profitent pas de l'ALENA en raison de la documentation nécessaire pour respecter les règles d'origine, etc. Elles ne se donnent pas la peine de remplir ces documents. Cela a surtout une incidence sur les petites entreprises implantées dans les trois pays, de sorte qu'il nous incombe de continuer de travailler sur ce dossier.
Si les milieux d'affaires n'insistent pas pour que le gouvernement s'engage et continue de travailler avec les entreprises, cela ne se fera jamais. Il faut continuer de collaborer ensemble afin de s'assurer qu'ils y a un suivi et que les hauts fonctionnaires font en sorte que cela soit possible.
Le président: Notre comité a examiné en détail l'Accord de libre-échange et nous avons publié un rapport sur le chapitre 1, les taux de change. Nous avons entendu des gens dire qu'ils allaient déchirer l'ALE. Eh bien, le tarif douanier a pris fin en 1996 ou en 1997, alors que vont-ils faire? Vont-ils le remettre en place? C'est ce qui arriverait. Est- ce ce qu'ils envisagent? Le mécanisme de règlement des différends a pratiquement été éliminé parce qu'il a eu si peu de succès que nous devons aller devant l'OMC.
Dans le cas du Mexique, et étant donné les déclarations de certains candidats américains qui veulent déchirer l'ALENA, qu'est-ce qu'ils déchireraient? Le tarif douanier entre le Mexique, les États-Unis et le Canada a-t-il pris fin? Cela voudrait dire qu'il faudrait le remettre en place, je présume. Est-ce ce qu'ils envisagent de faire?
M. Armstrong: Tout d'abord, ils ont des tarifs élevés.
Le président: En réalité, il n'y a rien à déchirer. Tout a pris fin. L'affaire est conclue; tout est terminé depuis déjà un certain temps, alors n'en parlons plus, puisqu'il n'y a rien à déchirer. Il faudrait faire une intervention active en augmentant les tarifs en prenant d'autres mesures de ce genre.
Deuxièmement nous n'avons pas parlé des revenus au Mexique. J'ai passé de nombreuses années dans les pays d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale et au Mexique. On me dit que le revenu annuel moyen est de 33 000 $ au Canada. Quel est le revenu annuel moyen au Mexique?
M. Winfield: Le revenu moyen par habitant au Canada est d'environ 29 000 $ à 30 000 $, et au Mexique il est d'environ 4 000 $ américains.
Le président: Quel est le pouvoir d'achat des Mexicains avec un revenu de 4 000 $?
M. Winfield: Il n'est pas très élevé. C'est une moyenne.
Le président: Est-ce là une raison qui explique l'instabilité du système bancaire, le fait qu'il n'y ait pas suffisamment de dépôts?
M. Winfield: Non. L'un des défis que doit relever le Mexique, c'est l'énorme disparité des revenus. Si environ 50 p. 100 des habitants vivent au seuil ou sous le seuil de la pauvreté et environ 50 p. 100 d'entre eux vivent dans une grande pauvreté, alors...
Le président: Quoi qu'il en soit, le revenu moyen est d'environ 4 000 $ américains par an.
M. Winfield: Réparti sur une population de 100 millions d'habitants.
Le président: Merci.
Le sénateur Di Nino: À titre d'éclaircissement, j'ai entendu dire qu'environ 35 millions de Mexicains sur 100 millions sont considérés comme faisant partie de la classe moyenne et gagnent considérablement plus que 4 000 $. Vous dites que le Mexique a sans doute un marché beaucoup plus grand que le Canada pour certains des produits que nous produisons en raison de la population.
M. Winfield: C'est tout à fait exact.
Le président: Le revenu annuel moyen est de 4 000 $ américains, et j'imagine qu'on peut voir comment ce revenu est réparti en consultant les statistiques du Mexique. Je pense que c'est un chiffre très important. Nous pouvons tous dire qu'il y a différentes sortes de classe moyenne. Qu'est-ce que la classe moyenne?
Je ne suis jamais allé à Acapulco, à Cancun ou dans un de ces endroits de villégiature, mais j'ai certainement beaucoup voyagé au Mexique et j'ai vu de nombreuses personnes qui considéraient faire partie de la classe moyenne, selon les normes mexicaines, mais qui ne feraient pas partie de la classe moyenne selon les normes canadiennes. C'est tout simplement ce que j'ai constaté moi-même.
Le sénateur Grafstein: J'aimerais aborder la question de l'approfondissement de nos relations avec le Mexique. L'un des dangers qui menace le Canada est son manque de diversification. Le pourcentage de nos échanges commerciaux avec le Mexique est minimal. Notre principal partenaire commercial est les États-Unis, comme nous le reconnaissons tous. Nos échanges commerciaux avec ce pays représentent entre 85 et 87 p. 100 du total de nos échanges commerciaux, de sorte que nous sommes devenus un pays qui n'a qu'un seul client. La bonne nouvelle, c'est que notre excédent commercial est bon, mais il est en train de se détériorer. Cela est dangereux; nous avons dépassé la zone orange pour entrer dans la zone rouge.
Pour être manifestement contre-intuitif, je dirais que nous devons approfondir nos relations avec le Mexique afin de générer davantage d'activités, mais comme notre président le souligne, nous n'allons pas très loin ni très vite parce que le marché de consommation là-bas n'est ni très profond ni très solide.
Où aller; que faire. Vous avez tous deux abordé la question d'une façon différente. Franchement, nous sommes exclus de Mercosur. Il ne s'agit pas de travailler avec les Mexicains et les Brésiliens; nous sommes exclus du Mexique. C'est un fait. Nous sommes exclus de Mercosur, qui est dirigé par les Brésiliens. C'est un bloc, et le Mexique ne nous aide pas à cet égard, bien qu'ils aient une relation avec cette entité. Je me fais ici l'avocat du diable.
Je veux bien aider l'économie mexicaine à se développer, mais je veux également aider les petits salariés au Canada.
L'autre grand marché est l'Union européenne. Mais vous savez quoi? Nous sommes exclus encore une fois, par M. Pascal — un homme qui a dit qu'il n'allait pas traiter avec nous mais qui a conclu des arrangements avec le Mexique.
Quelle aide pouvons-nous obtenir des Mexicains? Nous les aidons considérablement et nous n'obtenons pas tellement d'aide en retour pour notre principal problème qui est celui de la diversification commerciale en Amérique du Sud et en Europe.
Je ne suis pas tellement intéressé à préserver le marché américain. Nous avons le marché américain. Comment pouvons-nous aller au-delà de l'ALENA? Comment pouvons-nous persuader les Mexicains de nous aider?
M. Armstrong: Je pense que l'occasion pour nous au Mexique est dans le domaine du pétrole et du gaz. Nous avons d'excellents débouchés là-bas. Nous devons trouver une façon de faire en sorte que le président Fox et les Mexicains nous voient comme un meilleur marché, un meilleur client et un meilleur fournisseur pour eux que les États-Unis. Par ailleurs, si nous pouvons trouver une façon de les impressionner, ils pourraient être nos alliés en ce qui concerne Mercosur. Quoi qu'il en soit, je crois savoir que les Brésiliens nous ont annoncé par voie diplomatique qu'ils souhaiteraient négocier maintenant. Il sera intéressant de voir ce que cela va donner.
Je pense qu'il y a toujours des possibilités; que nous ne leur avons pas suffisamment parlé de leurs besoins actuels et futurs. Ils ont des problèmes au niveau des échanges commerciaux avec les États-Unis à l'heure actuelle. Je pense que nous pouvons intervenir et être un meilleur partenaire.
Le sénateur Grafstein: Vous ne répondez pas à ma question. Je connais leurs besoins. Nous avons répondu à un très grand nombre de leurs besoins, et je pense qu'il est formidable d'avoir aidé un pays en voie de développement à passer à un niveau supérieur. C'est excellent pour la stabilité du monde. Je veux savoir quel est l'intérêt du Canada ici. Comment pouvons-nous utiliser l'ALENA et nos relations avec le Mexique pour améliorer nos relations avec Mercosur, avec lequel les Mexicains ont une connexion, et aussi avec l'Union européenne?
M. Armstrong: En montrant à Mercosur et à l'Union européenne que nous avons fait d'excellentes affaires avec les deux partenaires que nous avions pendant l'ALENA. Cela a été un succès pour les trois parties. Le Mexique vend au Canada quatre ou cinq fois plus qu'il achète. Si j'étais le Brésil et certains de ces autres pays, je serais intéressé au commerce que le Mexique a développé avec le Canada. Je me demanderais comment faire la même chose.
Le sénateur Grafstein: Ce n'était pas ma question.
M. Armstrong: Je sais ce que vous voulez dire.
Le sénateur Grafstein: Veuillez répondre à ma question, si vous le pouvez.
Le sénateur Winfield: Tout d'abord, sénateur, je ne sais pas si nous avons déjà demandé aux Mexicains de nous aider. Ensuite, après avoir posé la question, nous devrions voir s'il serait vraiment dans notre intérêt que les Mexicains nous aident.
Pour ce qui est de nos relations avec le Brésil, ces dernières années, nous avons accumulé les gaffes. Nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes. Si je devais recommander au ministre des Affaires étrangères une façon d'aborder les Brésiliens, je dirais que nous devrions les aborder nous-mêmes. Ce n'est pas que nous n'ayons pas besoin des Mexicains, et ce n'est pas qu'ils ne sont peut-être pas prêts à nous aider, mais à quel prix? C'est une chose.
Je connais moins l'Europe. Je vais à une conférence à Monk Centre qui portera sur cette question, mais je dirais que c'est la même situation. Je pense que nous devrions voir si nous voulons en payer le prix si nous demandons au Mexique de nous aider auprès de l'Union européenne. Et si nous sommes incapables de le faire nous-mêmes, pourquoi en sommes-nous incapables? Quelles sont les lacunes de notre politique étrangère ou de notre approche à l'égard des Européens?
Le sénateur Corbin: Ma question concerne le lobbying. Existe-t-il un lobbying législatif, un lobbying du gouvernement au Mexique? Est-ce structuré? Comment ce lobbying se compare-t-il aux importantes pressions politiques à Washington et au lobbying rampant autour d'Ottawa, par exemple? Qui sont ces groupes?
M. Winfield: Avec l'ouverture du système politique mexicain, et par là je veux parler de la liberté de la presse, et avec un Congrès qui est mal équilibré pour ce qui est de la représentation vis-à-vis la présidence — la présidence est actuellement détenue par le PAM, le Congrès et le Sénat sont dominés par le PRI — les possibilités de lobbying viennent en fait tout juste de se développer. Il s'agit d'une profession assez nouvelle au Mexique. Cela a sans doute commencé à l'époque où j'étais là-bas, de 1989 à 1995. Il y a des lobbyistes compétents au Mexique, notamment d'anciens hauts fonctionnaires du gouvernement, des gens d'affaires et des professeurs d'université. Étant donné que le Mexique a un régime présidentiel, je pense que le lobbying qui s'y développera sera semblable à celui que l'on retrouve aux États-Unis.
M. Armstrong: Pour donner un bon exemple concernant les courtiers en douane mexicains lorsque j'ai fait cette tournée, pour chaque déclaration en douane à l'arrivée au Mexique, un montant de 5 $ va dans un fonds qu'ils utilisent à Mexico. Une chose que nous n'avons jamais réussi à changer, c'est le processus à la frontière, et nous avons fait nous- mêmes des pressions auprès des présidents du Mexique en vue de l'éliminer. Les trois présidents précédents nous ont dit que leur plus gros problème était les groupes de pression des douanes mexicaines à Mexico.
Il y a donc du lobbying qui se fait là-bas. Ils appellent peut-être cela autrement, mais ils ont des fonds qu'ils peuvent utiliser parce que nous n'avons jamais pu faire changer cette règle.
M. Winfield: Lorsque j'étais à Nortel, j'étais responsable des relations avec le gouvernement dans son ensemble. J'ai aussi eu la chance d'être invité à me joindre au conseil d'administration d'une banque mexicaine bien connue. Certaines des choses qu'en tant que société, nous tenions pour acquis au Canada et aux États-Unis étaient entièrement nouvelles pour la banque mexicaine. Entre autres, si l'on a un problème avec les lois mexicaines sur les banques, ne devrait-on pas s'adresser au comité des banques de la Chambre et du Sénat? À cette question, on nous répondait: «Pourquoi voudrions-nous faire cela»? Parce que, à titre de grande banque mexicaine, vous avez un point de vue à exprimer, vous avez des compétences dans ce domaine et peut-être que ce serait une bonne idée d'en parler avec les êtres. Tout ce que vous voulez, c'est éduquer les gens. Ils ont commencé à faire cela, mais c'était quelque chose de nouveau en 1996 et en 1997.
Le sénateur Di Nino: Certaines expériences plutôt gênantes m'ont appris qu'il faut faire bien attention de ne pas généraliser à propos de choses que nous ne connaissons pas vraiment. Il y a sans doute davantage de gens qui font partie de la classe moyenne au Mexique — et nous devrions certainement développer cela —, qui peuvent acheter des produits. Il existe un énorme marché composé de gens qui ont beaucoup d'argent, et lors d'entretiens avec certains de mes collègues mexicains, on m'a fait savoir très rapidement que c'était le cas. Si je veux que ce soit consigné au compte rendu, c'est qu'à mon avis, nous devrions aborder la question dans notre rapport.
Mon collègue, le sénateur Grafstein, a mis le doigt sur l'autre problème. Ce dernier tient en grande partie au fait que nous n'avons pas vraiment investi les ressources voulues dans certaines de ces régions — ressources humaines, ressources financières, et autres — et il ne serait peut-être pas aussi difficile de pénétrer ces marchés que nous le pensons. Encore une fois, je veux que cela figure au compte rendu car je souhaite que nous en parlions davantage.
L'un des obstacles par le passé, si j'ai bien compris — et vous, messieurs, êtes tous les deux bien qualifiés pour y répondre —, a été le manque de soutien institutionnel pour les sociétés ou les entreprises qui vont là-bas et qui ont des problèmes avec le système judiciaire, les organismes de réglementation, etc. De quelle façon la situation a-t-elle évolué au cours des dix dernières années ou depuis l'ALENA? La situation s'est-elle améliorée ou est-ce que cela pose toujours un problème important?
M. Winfield: Pendant tout le temps que j'ai passé au Mexique, cela était un problème grave car là-bas le système judiciaire est différent. En d'autres termes, leur cadre juridique, comme vous le savez bien, est différent du nôtre. Une partie du problème était qu'on ne comprenait pas très bien comment il fonctionnait. Ensuite, franchement, le système judiciaire n'est pas toujours aussi ouvert et transparent qu'il l'est au Canada. C'était donc un problème et, en fait, la réforme judiciaire continue d'être un dossier épineux pour le gouvernement mexicain.
Pour ce qui est des progrès accomplis, M. Armstrong est peut-être au fait de l'expérience de certains de nos membres.
M. Armstrong: C'est sans doute l'un des domaines où il y a eu le plus d'amélioration là-bas. Bon nombre des cabinets d'avocats canadiens ont des cabinets partenaires, et Heenan Blaikie, qui a organisé un événement ici au Canada, a amené son partenaire; la semaine prochaine, leur partenaire nous recevra au colloque de la Chambre canado-mexicaine à Mexico. Ce n'est là qu'un des cabinets d'avocats. Notre expérience avec bon nombre de membres, c'est qu'on nous pose moins de questions à ce sujet maintenant.
Au cours des dix premières années, comme nous le disions précédemment, il s'agissait toujours de questions juridiques. La réponse n'était pas comprise, ou elle portait tellement à confusion qu'ils ne voulaient pas aller là-bas. Il y avait des contrats de 18 000 pages. C'est là un des obstacles qui ont été surmontés. Je ne dis pas que le système est parfait, mais il y a maintenant au Mexique d'assez bons cabinets d'avocats. Il reste toujours beaucoup de règles que nous aimerions éliminer, mais il semble qu'ils se font maintenant mieux comprendre, et que leurs réponses sont plus claires de sorte que les contrats semblent être meilleurs. Autrefois, nous ne pouvions jamais conclure une affaire car notre avocat ici nous conseillait de ne pas signer.
À première vue, c'est sans doute là une grande amélioration.
Le président: N'ont-ils pas des notaires?
Le sénateur Di Nino: Ont-ils des organismes de réglementation en plus des organismes judiciaires?
Le président: Je voulais tout simplement dire cela aux fins du compte rendu. Je croyais qu'ils avaient des notaires, que c'est un aspect encore très important et assez différent de notre système. Je voulais tout simplement le souligner.
Le sénateur Di Nino: Je voulais tout simplement évoquer rapidement le régime de réglementation en vigueur au Mexique, qui pourrait poser toutes sortes d'obstacles pour les entreprises privées étrangères qui veulent faire des affaires là-bas. La situation s'est-elle améliorée au cours des dix dernières années?
M. Winfield: Oui, et on peut remercier l'ALENA qui a fait des pressions afin que de tels changements soient apportés.
Le président: Vous avez tous merveilleusement répondu à nos questions, et nous vous remercions.
La séance est levée.