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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 4 - Témoignages du 24 mars 2004


OTTAWA, le mercredi 24 mars 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 16 h 30 pour étudier le projet de loi C-16, Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence; le projet de loi S-15, Loi modifiant la Loi constituant en corporation le Queen's Theological College, et le projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse).

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Aujourd'hui nous allons étudier trois projets de lois.

[Traduction]

Pour commencer, nous allons poursuivre nos travaux sur le projet de loi C-16, concernant le registre des délinquants sexuels. Nous passerons ensuite à l'étude du projet de loi S-15, projet de loi d'initiative parlementaire parrainé par le sénateur Murray et concernant le Queen's Theological College. La partie publique de la séance prendra fin avec l'audition d'un témoin sur le projet de loi C-250, tendant à modifier la disposition du Code criminel sur la propagande haineuse. Je demanderais aux sénateurs de rester à la fin de la séance pour discuter à huis clos des travaux futurs.

Avant d'entendre les témoins, je voudrais aborder une question soulevée par le sénateur Tkachuk à une séance précédente au sujet du projet de loi C-250. Cette préoccupation découle du fait que M. Svend Robinson, dans son témoignage sur le projet de loi C-250, a dit qu'il n'y avait à sa connaissance aucun dirigeant religieux important au Canada qui se soit prononcé contre le projet de loi. Le sénateur Tkachuk s'est inscrit en faux contre ce témoignage et a signalé l'affaire à notre attention, en invoquant le Règlement ou l'atteinte au privilège personnel, disant qu'il ne savait pas trop dans quelle catégorie ranger son intervention.

Honorables sénateurs, je dirais qu'elle n'appartient à aucune des deux catégories. Il n'y a pas eu violation des règles du Sénat et par conséquent il ne peut pas y avoir rappel au Règlement. On n'a pas non plus porté atteinte aux droits dont jouissent les parlementaires ni à leurs privilèges. S'il y avait eu atteinte aux privilèges, je dirais que ce serait au Sénat lui-même et non pas au comité de trancher la question, de toute manière.

Je suis d'avis qu'il s'agissait simplement d'une différence d'opinion. Nous devons supposer que le témoignage de M. Robinson a été donné de bonne foi, même si certaines inexactitudes peuvent avoir été mises au jour ultérieurement. En outre, dans son témoignage, M. Robinson avait pris soin de dire «à ma connaissance». Il n'y avait aucune opposition de la part d'une grande religion. Son témoignage était l'expression de sa conviction personnelle, laquelle ne peut faire l'objet ni d'un rappel au Règlement ni d'une question de privilège. Je crois que cela tire l'affaire au clair et je propose de passer maintenant à l'audition des témoins en conformité de l'ordre du jour. Les membres du comité sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Au sujet du projet de loi C-16, Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, nous accueillons aujourd'hui le professeur Allan Manson et Mme Tamra Thomson, de l'Association du Barreau canadien. Je rappelle aux témoins qu'ils ont cinq minutes pour faire un exposé, lequel sera suivi d'une période de questions posées par les sénateurs.

Mme Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien: Merci, honorables sénateurs. L'Association du Barreau canadien est heureuse d'avoir aujourd'hui l'occasion de faire connaître son point de vue sur cet important projet de loi.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale comprenant environ 38 000 membres, des juristes de tous les coins du Canada. Le mémoire que vous avez sous les yeux a été rédigé par les membres de la section du droit pénal et en particulier par les membres du Comité sur l'emprisonnement et la libération. Je signale que cette section compte parmi ses membres à la fois des procureurs et des avocats de la défense et que son analyse du projet de loi reflète cette optique.

Je vais commencer par dire que le peu de temps dont nous avons disposé après avoir reçu la demande de comparaître devant votre comité ne nous a pas permis de mettre à jour le mémoire pour tenir compte de la nouvelle numérotation des articles du projet de loi par rapport à la dernière session. Le mémoire écrit que vous avez sous les yeux reflète le projet de loi tel qu'il vous a été présenté lors de la dernière session et, plus particulièrement, les numéros d'articles qui figuraient dans le projet de loi C-23. Quand ce sera important pour comprendre nos observations, le professeur précisera les nouveaux numéros d'articles, mais je vais maintenant lui demander de vous parler de la teneur du projet de loi.

M. Allan Manson, président, Comité sur l'emprisonnement et la libération de la Section nationale de justice pénale, Association du Barreau canadien: Merci, honorables sénateurs. Comme Mme Thomson l'a dit, le mémoire que nous vous avons fait remettre porte le titre du projet de loi C-23 et a été rédigé quand cette question était à l'étude à la Chambre. Je vais m'y reporter à l'occasion et je vais essayer au fur et à mesure de vous donner les bons numéros d'articles.

La position que je vais exposer est la position de consensus à la fois de la section nationale de justice pénale et du Comité sur l'emprisonnement et la libération. Ces groupes comprennent des avocats de la défense, des procureurs et des universitaires, et tous sont d'accord sur un point: ceci est une mauvaise pratique; c'est une mauvaise idée.

Je constate que l'on est déjà allé très loin. La mesure a déjà été adoptée par la Chambre des communes et vous vous demandez peut-être pourquoi nous revenons à la charge, puisque le gouvernement et la Chambre sont manifestement tous les deux déterminés à aller de l'avant. Je pense qu'il est important de bien comprendre pourquoi nous croyons que c'est une mauvaise politique. Cela pave la voie à d'éventuelles difficultés mettant en cause la Charte parce que si l'on suppose qu'à un moment donné, il pourrait y avoir des contestations constitutionnelles, les mêmes facteurs s'appliqueront pour ce qui est de la justification de l'article 1.

Je vais commencer par dire pourquoi nous pensons que c'est une mauvaise idée.

Nous croyons que le programme envisagé, comme d'ailleurs n'importe quel registre des délinquants sexuels, n'accomplira pas grand-chose, coûtera très cher et détournera l'attention des véritables sources de risque pour les enfants et les autres personnes vulnérables. Cela détournera l'attention de l'élaboration de stratégies potentielles pour diminuer ces risques, car tous doivent convenir que tel est bien l'objet de la création d'un tel programme, je veux dire le besoin de protéger les personnes vulnérables au sein de la collectivité, en particulier les enfants.

Je vais vous expliquer pourquoi, à notre avis, les trois résultats susmentionnés découleront d'une mesure législative comme celle-ci.

Premièrement, examinons les meurtres d'enfants dans notre pays. C'est évidemment la plus grave infraction contre laquelle chacun veut se protéger dans toute la mesure du possible. En 2001, sur 554 homicides au Canada, 39 étaient des meurtres d'enfants de moins de 12 ans. Trente ont été tués par leurs parents, six par des amis et des membres de leur parenté, et seulement trois par des étrangers. Nous sommes d'avis, autant pour les crimes de violence que pour les infractions sexuelles, que le plus grand risque pour les enfants réside au sein de la famille et du cercle des amis et des associés de la famille. Le plus grand risque pour les enfants se situe dans le contexte des foyers dysfonctionnels.

Si l'on examine la nature de ce type de registre et si l'on écoute l'argument de la police voulant que cela aidera à mener des enquêtes et à arrêter les gens qui ont perpétré des crimes de cette nature, en particulier des crimes contre des enfants et d'autres personnes vulnérables, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a trois conditions préalables pour que cela puisse se réaliser.

La première est que le véritable perpétrateur doit avoir été reconnu coupable antérieurement; par conséquent, des gens comme Paul Bernardo, par exemple, ne seraient pas inscrits dans votre registre. Deuxièmement, si l'on fait cette supposition, le perpétrateur doit donc être inscrit au registre, avoir respecté les exigences de l'enregistrement, et avoir perpétré ou tenté de commettre une nouvelle infraction dans les parages de l'adresse inscrite au registre. S'il déménage dans le comté voisin, c'est une autre histoire.

Par exemple, au Massachusetts, où l'on a adopté une loi semblable, les auteurs d'une étude faite en 1999 ont examiné le régime pénal et ont trouvé 136 délinquants qui étaient clairement des délinquants sexuels. Ensuite, ils ont fait une analyse de ces dossiers, en reculant dans le temps, pour déterminer si l'existence d'un registre au moment de leur infraction aurait renforcé d'une manière ou d'une autre la capacité de la police de leur mettre le grappin dessus. Ils ont trouvé seulement quatre cas sur 136 où un tel renforcement existait. Dans les quatre cas, ils ont conclu qu'il y avait de bonnes chances que l'enregistrement aurait permis d'éviter la victimisation, mais seulement si l'on avait déployé de grands efforts dans le cadre de l'enquête — quatre cas sur 136.

Je fais la suggestion suivante: nous devrions convoquer une réunion des divers organismes de la collectivité qui s'intéressent au soin, au traitement et à la protection des enfants et des personnes vulnérables, notamment les organismes suivants: les organismes d'aide à l'enfance; les centres de traitement en établissement qui fournissent de l'aide affective, psychologique et psychiatrique aux enfants; les organismes d'éducation spécialisée qui aident les enfants à l'école; et d'autres organismes qui fournissent des traitements aux familles dysfonctionnelles et aux enfants à risque. À cette réunion, nous donnerions aussi un siège à l'agence qui administre le registre des délinquants sexuels. Le sujet de la discussion serait la question de savoir quoi faire avec 4 millions de dollars — car tel est le montant que l'Ontario consacre à son registre — et je suis prêt à parier que si vous étiez les décideurs, cet organisme-là n'obtiendrait pas les 4 millions de dollars. Les autres organismes obtiendraient les 4 millions de dollars, je veux dire ceux qui travaillent sur le terrain et qui déploient des efforts pour aider et protéger les enfants et les personnes vulnérables, non pas ceux qui s'occupent de tenir à jour une liste des délinquants antérieurs.

Il y a aussi la question de la distraction. Appuyer une mesure comme celle-ci nous donne à tous le sentiment que nous agissons. Je ne pense pas que ce soit le cas. Cela coûte à l'Ontario 4 millions de dollars par année, mais il y a aussi le coût de la distraction que cela entraîne chez le législateur, les fonctionnaires et les organisations parce que l'on s'imagine être en train de faire quelque chose. Par conséquent, cela empêche les gens de se poser vraiment des questions et de réfléchir à ce qui pourrait être fait.

Je voudrais énumérer les quatre violations de la Charte qui existent à notre avis dans la mesure législative proposée, et dont certaines sont abordées dans la documentation. Je dois dire que la partie de notre mémoire qui porte sur les défenses a été acceptée et qu'un amendement a été apporté à la Chambre. Il y a maintenant une défense de l'excuse raisonnable et nous en sommes heureux.

Pour ce qui est des violations potentielles à la Charte, premièrement, les ordonnances sont toutes d'une durée obligatoire fondée exclusivement sur la durée de la peine maximale dont l'infraction est passible. On ne tient nullement compte du principe de justice fondamentale énoncé à l'article 7 qui garantit la proportionnalité. Il n'y a aucun lien entre le caractère répréhensible, la dangerosité et le risque et la durée des ordonnances. Les ordonnances sont toutes d'une durée de 10 ans, de 20 ans ou à perpétuité. Elles sont obligatoires et il n'y a aucun lien entre ces périodes et l'affaire en question et le risque que présente cette personne.

Deuxièmement, et ceci est compliqué, il y a la rétrospectivité. La mesure proposée comporte deux aspects à cet égard. Pour ce qui est des ordonnances obligatoires, la disposition pertinente est l'article 490.013, paragraphes (2) à (5). Pour ce qui est de la rétrospectivité, on la relève deux fois: d'abord au paragraphe 490.012(3), qui prévoit des ordonnances applicables à perpétuité dans le cas des personnes qui ont antérieurement été reconnues coupables, y compris celles qui ont été trouvées coupables avant l'entrée en vigueur de la loi. C'est la disposition rétrospective. Ensuite, il y a 490.019 qui permet de signifier un avis à une personne qui a auparavant été reconnue coupable ou dont le nom est inscrit au registre de l'Ontario.

Notre argument est bien simple: le droit constitutionnel au Canada, autant la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, par exemple dans des affaires comme La Reine c. Gamble, qui date de 1988, stipule que les gens ont le droit de se voir infliger une peine qui est en conformité avec la loi qui existe au moment de la perpétration de l'infraction; et l'alinéa 11h) de la Charte stipule que nul ne doit être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été reconnu coupable et pour laquelle il a été puni.

Le fait d'assujettir ces deux groupes de personnes au nouveau régime et, premièrement, de restreindre leur liberté en exigeant qu'ils se présentent et, deuxièmement, de leur infliger potentiellement des peines s'ils ne se présentent pas, à notre humble avis, constitue une aggravation de leur peine originale et une application rétrospective de cette mesure législative, ce qui est constitutionnellement inacceptable.

Notre troisième préoccupation est l'exception prévue au paragraphe 490.012(4), qui stipule que le délinquant peut être exempté de l'application du régime s'il peut établir que son application aurait à son égard, notamment sur sa vie privée, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que représente la protection de la société. À notre avis, il s'agit-là d'une exemption illusoire et ces défenses sont constitutionnellement interdites comme l'explique le juge en chef Dickson dans la décision rendue dans l'affaire Morgenthaler.

Pourquoi est-ce illusoire? On suppose l'existence d'un intérêt public «pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle». J'ai essayé d'expliquer au début que notre position est qu'il n'y a aucun intérêt public. Vous dépensez beaucoup d'argent pour accomplir très peu. Dans notre mémoire, nous considérons comme illusoire cette exemption potentielle. Même si une exception pour des motifs semblables existe dans la loi sur la banque d'empreintes génétiques, celle-ci peut être véritablement utile aux enquêtes. Dans le cas qui nous occupe, ce n'est qu'une liste de noms de personnes.

Le dernier point est que ce ne sont pas seulement les gens qui ont été reconnus coupables d'infractions désignées qui sont assujettis à ce régime, mais aussi tous ceux qui ont été trouvés non criminellement responsables en raison de troubles mentaux. Cela pose également des problèmes constitutionnels, parce que notre Cour suprême a dit que l'on peut traiter le cas de ces personnes dans le cadre du système de justice pénale, y compris la limitation potentielle de leur liberté, dans la mesure où ces personnes représentent un risque et dans la mesure où les répercussions potentielles de leur assujettissement au Code pénal représentent le moindre mal.

Cette position est établie dans la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Winko c. La Colombie-Britannique (Institut de psychiatrie médico-légale). Le fait de les traiter de la même manière que n'importe quelle autre personne condamnée et de les assujettir aux même peines obligatoires sans tenir compte de la nature de l'infraction pose également des problèmes constitutionnels.

Pour toutes ces raisons, en cas de contestation au titre de la Charte, vous devez alors vous reporter à l'article 1, et le gouvernement aura d'énormes difficultés à invoquer l'article 1 pour justifier cela quand il sera difficile de démontrer qu'il y a le moindre avantage à mettre en oeuvre un système de cette nature. Merci beaucoup.

Le sénateur Beaudoin: Je voudrais en savoir un peu plus sur la disproportionnalité dans l'exception. Vous avez fait allusion au juge en chef Dickson. De quelle affaire s'agissait-il exactement?

M. Manson: Dans le jugement rendu dans l'affaire Morgenthaler, le juge en chef Dickson s'est dit préoccupé parce que cette défense statutaire lui apparaissait illusoire. Il a soutenu qu'il ne serait ni pratique ni raisonnable pour quelqu'un d'adopter cette ligne de conduite. Il a ajouté que c'est un principe de justice fondamentale et que le gouvernement doit être réaliste s'il empiète sur la liberté d'une personne tout en prévoyant d'autre part, pour équilibrer les droits, ce qui semble à première vue représenter une défense ou une exception. Le tout doit être fondé sur un principe qui peut être applicable en pratique.

Notre position est que, parce que cette exception exige que l'on mette dans la balance l'incidence sur la personne en cause et d'autre part l'intérêt public, nous croyons que cela ne tient pas car nous soutenons respectueusement qu'il n'y a aucun intérêt public a l'égard d'un tel outil d'enquête.

Le sénateur Beaudoin: C'est justement ce qui m'inquiète. Vous dites que ce que nous avons sous les yeux n'est pas utile ni proportionnel et que cela n'aidera nullement. Cependant, c'est un jugement que vous portez sur le projet de loi lui-même.

Je n'arrive pas à établir le lien entre ce que vous dites et l'article 7 de la Charte, qui traite de la justice fondamentale. Nous devons bien nous fonder sur quelque chose et l'article 7 traite bien sûr du droit à la vie, à la liberté, et cetera, et de la justice fondamentale. Comment pouvez-vous dire que ce n'est pas une question de justice fondamentale? Comment pouvez-vous dire que l'exception est vraiment disproportionnée — probablement parce que vous dites que le projet de loi n'a aucun intérêt, aucune utilité? Est-ce bien ce que vous avez en tête?

M. Manson: Si l'on revient à la décision Morgenthaler, le principe de justice fondamentale limite nécessairement la capacité du gouvernement d'empiéter sur le droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité d'une personne. Le juge en chef Dickson est le seul à s'être penché sur cette question, mais sa décision n'a jamais été contestée.

Si le gouvernement, l'État ou la loi devait offrir une défense ou une exception, sous prétexte de faire preuve d'équité, je soutiens que cette exception est semblable à la défense dont il est question dans l'affaire sus-mentionnée. On dit ici, par exemple, que «le tribunal n'est pas tenu de rendre l'ordonnance s'il est convaincu que l'intéressé a établi».

La défense doit être réelle. Elle ne peut pas être une illusion. Nous soutenons respectueusement que, dès lors que cette disposition prend en compte l'intérêt public qu'il faut mettre dans la balance, l'hypothèse voulant qu'il existe «l'intérêt que présente, pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle, l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels» est fausse. Cet intérêt public n'existe pas.

Le sénateur Beaudoin: Vous dites que l'existence même d'un registre et la façon dont il est établi dans le projet de loi C-16, que cela n'a aucune valeur.

M. Manson: Le meilleur exemple est celui-ci: Si le Parlement créait une infraction — n'importe quelle infraction que l'on puisse imaginer — et disait ensuite que nul ne peut être reconnu coupable si, après avoir pris en compte l'ensemble de la preuve, l'intéressé est capable de léviter jusqu'au plafond, je pense que les tribunaux diraient qu'il s'agit-là d'une défense illusoire. Il faut qu'il y ait une possibilité réaliste pour l'intéressé de se disculper. Voilà notre argument.

Le sénateur Smith: Vous avez mentionné les 39 homicides. Avez-vous des données sur les agressions sexuelles, et les ratios seraient-ils les mêmes? Il doit y en avoir beaucoup plus. Connaissez-vous les chiffres?

M. Manson: Je dois citer de mémoire car je n'ai sous les yeux que les données sur les homicides. C'est de l'ordre de 70 à 80 p. 100. Les membres de la famille, les amis et les associés commettent des infractions contre les enfants. Je possède ces données mais je dois les citer de mémoire et je m'en excuse. C'est une proportion très élevée. Le problème tient en partie au fait que nous avons érigé un mythe voulant que c'est toujours un monstre, un étranger qui commet ces infractions. Cela arrive effectivement, mais ce n'est pas courant. Les enfants sont les plus vulnérables à la maison, dans leur famille et dans des situations sociales.

Le sénateur Smith: Pour les agressions sexuelles, y en a-t-il des centaines ou des milliers?

M. Manson: Le nombre brut d'agressions sexuelles?

Le sénateur Smith: Le nombre de meurtres que vous avez cité était pour les enfants de 12 ans et moins, n'est-ce pas?

M. Manson: Je parlais effectivement des enfants. Il y a un grand nombre d'agressions sexuelles commises contre des enfants. Je ne pourrais pas vous dire le chiffre de mémoire.

Le sénateur Andreychuk: Dans mon cas, vous prêchez à une convertie. Nous ferions mieux de consacrer notre argent à des mesures préventives et des services communautaires, ce serait préférable pour la justice. Vous avez en partie raison.

Le gouvernement a déclaré que le registre est important parce que le public l'exige. C'est pour rassurer les gens. Je comprends cela. Les responsables ont dit par ailleurs que c'était un outil d'enquête pour la police et je comprends cela également. Il y a donc une question. Ce n'est peut-être pas la mesure législative la plus solide sur le plan juridique, mais le grand public la réclame en quelque sorte. Le gouvernement réagit à cette demande.

Ce qui est troublant, c'est que dans son argumentation, le gouvernement dit que le fait d'être inscrit dans un registre ne constitue pas une punition. C'est un outil d'enquête et c'est à l'avantage des gens inscrits au registre tout autant que des gens qui pourraient un jour ou l'autre être victimes d'un prédateur sexuel.

On affirme que les empreintes génétiques ont permis de disculper des criminels reconnus coupables aussi souvent que de confondre des criminels. Croyez-vous que le registre des délinquants sexuels est un élément de punition du crime qui a été commis, ou bien qu'il s'agit purement et simplement d'un outil d'enquête, une condition exigée mais pas nécessairement punissable?

M. Manson: Quelqu'un vient de me remettre copie d'un document qui a été déposé. J'ai dit que c'était de l'ordre de 70 à 80 p. 100. Il semble que le chiffre soit de 79 p. 100. Ma mémoire ne m'a pas trompé.

La création d'un fardeau qui empiète sur la liberté des gens doit être considérée comme un élément de la punition. On punit les gens en les obligeant à se présenter physiquement, mais surtout, ce qui est encore plus important, en assujettissant les gens à des pénalités potentielles s'ils ne se présentent pas.

Quand j'ai comparu devant la Chambre des communes, j'ai témoigné le même jour que l'inspecteur détective Young qui dirige le registre de l'Ontario; il travaille à la Police provinciale de l'Ontario. Il a donné le chiffre de quatre millions de dollars par année pour son budget annuel. Il a dit que le taux de conformité était très élevé. Il a dit que c'est un programme couronné de succès et l'un des députés lui a demandé pourquoi c'était un succès. Il a dit que le taux de conformité était très élevé, à plus de 92 p. 100. Quand on a insisté pour savoir en quoi c'était un succès, il a dit: les services de police ne cessent de nous en féliciter. Il n'a pas pu à ce moment-là — je crois savoir qu'il l'a fait depuis — signaler un seul cas où l'existence du registre a été utile dans le cadre d'une enquête.

J'en reviens au Massachusetts; on parle de 4 cas sur 136. C'est un chiffre très minime. Les responsables vous diront que cela fonctionne, mais ce qu'ils veulent dire, c'est qu'ils ont une liste immense et que la plupart des gens inscrits sur la liste se conforment à la loi. Je pense qu'il est faux de supposer qu'il s'agit d'un outil d'enquête. C'est très improbable; ce n'est pas comme la banque d'empreintes génétiques.

Le sénateur Joyal: J'en reviens à la simple question du mot que vous avez choisi par opposition au mot qu'ont choisi d'autres témoins. Le sénateur Andreychuk a mis le doigt sur le noeud de l'affaire. Le représentant de l'association policière ainsi que le ministre chargé de la sécurité publique nous ont dit qu'il s'agit là essentiellement d'un outil et c'est donc juridiquement neutre. À mon avis, un «outil» n'a aucune conséquence juridique; le mot a une connotation juridique.

À la lecture du projet de loi — et j'ai soulevé souvent cette question pendant notre étude de ce projet de loi —, il est difficile de dissocier ce système de la sentence. En fait, l'ordonnance rendue est plus ou moins longue selon la nature du crime, selon la peine infligée et, bien sûr, selon la possibilité de récidive. C'est la manière dont je vois les choses. Je me suis peut-être trompé, mais c'est dans cette optique que j'ai interrogé les divers témoins que nous avons entendus pour qu'ils nous fassent part de leurs lumières là-dessus.

Expliquez-moi sur quel motif juridique vous vous fondez pour conclure que cela fait partie intégrante de la sentence et, par conséquent, que c'est assujetti à la prescription prévue dans la Charte pour les peines. Si j'ai bien compris, c'est votre raisonnement. Pourriez-vous nous en dire plus long là-dessus? Je comprends votre argument sur la rétroactivité. Cependant, cela demeure à mes yeux l'un des éléments clef de ce projet de loi et comme nous avons entendu des déclarations contradictoires sur la nature de ce que nous proposons en termes de répercussions juridiques au titre de la Charte, je voudrais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.

M. Manson: J'ai énuméré quatre principaux problèmes constitutionnels. Je vais traiter de la rétrospectivité en premier, parce que je crois que cela montre bien pourquoi ce qu'on propose constitue une peine supplémentaire et une aggravation de la peine.

L'alinéa proposé 490.012(3)a) stipule qu'une ordonnance à perpétuité doit être rendue si la personne reconnue coupable aujourd'hui «a, avant ou après l'entrée en vigueur de cette loi, fait l'objet d'une déclaration de culpabilité [...]» Même avant que la loi n'entre en vigueur, quelque chose qui est arrivé hier, la semaine dernière ou il y a dix ans peut maintenant être réactivé et pris en compte et devenir le déclencheur qui va transformer une ordonnance de dix ou vingt ans en une ordonnance à perpétuité. Il nous apparaît qu'il s'agit là d'une application rétrospective. C'est un nouveau fardeau qui découle directement de cette condamnation antérieure.

L'autre disposition que je veux citer est l'article 490.19. Aux termes des dispositions de cet article, le procureur général peut signifier un avis à une personne qui était, à la date d'entrée en vigueur, sous le coup d'une peine. Autrement dit, elle continue de purger sa peine, mais pour un acte qui a été commis avant l'entrée en vigueur de cette mesure.

Notre position est simple. Une personne est trouvée coupable et punie conformément à la loi qui existe au moment de la perpétration de l'infraction. On ne peut pas ajouter à l'avenir de nouveaux fardeaux et de nouvelles peines.

Pourquoi est-ce un fardeau ou une peine? Il y a l'obligation de faire quelque chose qui empiète sur la liberté de quelqu'un, puisqu'une personne est tenue de se présenter physiquement. Ce n'est peut-être pas une obligation très lourde. Cependant, le véritable fardeau, c'est que si la personne ne se présente pas, elle est passible de poursuites. Cette possibilité représente certainement un nouveau fardeau et une punition.

Telle est notre position, sénateur.

Le sénateur Bryden: Il me semblait que la question du sénateur Joyal était plus directe que cela. Il a dit qu'il comprenait les mesures rétroactives. J'ai pensé que sa question portait sur le cas d'une personne qui n'a jamais été reconnue coupable mais qui est condamnée aujourd'hui. On nous a dit que le fait d'être inscrit au registre ne fait pas partie de la peine. Ce n'est pas une punition. Or je vous entends dire que ça l'est effectivement. Sur quoi vous fondez- vous pour dire cela?

M. Manson: C'est le même argument. C'est un nouveau fardeau et une nouvelle peine potentielle dont est passible cette personne en conséquence de sa condamnation. C'est ce qu'on entend par une punition.

En droit canadien, une punition, c'est un fardeau imposé par l'État et qui est potentiellement pénible et coûteux. De la même manière, s'il y avait une loi sur l'imposition des délinquants sexuels, aux termes de laquelle quiconque est trouvé coupable d'une infraction sexuelle doit verser un impôt de 1 000 $ en plus de...

Le sénateur Bryden: Parlons plutôt du monde réel, au lieu de faire des suppositions.

M. Manson: C'est le monde réel. Vous êtes reconnu coupable...

Le sénateur Bryden: Aucune disposition ne stipule qu'une personne trouvée coupable doit payer plus d'impôt. Tenons-nous en à ce qui se passe réellement.

M. Manson: Ce qui se passe réellement, c'est qu'une personne reconnue coupable doit aller au poste de police pour s'inscrire. Elle doit tenir son inscription à jour régulièrement et aviser de tout changement d'adresse. À défaut de le faire, elle est poursuivie et peut aller en prison. Ce sont de nouvelles pénalités, de nouveaux fardeaux.

La Cour suprême du Canada a dit clairement que le défaut de se conformer et le paiement d'une amende constituent une nouvelle pénalité, même si c'est seulement potentiel et hypothétique. C'est la même chose en l'occurrence. Vous êtes assujetti à la nouvelle pénalité. Vous devez faire telle ou telle chose et, si vous ne le faites pas, vous pouvez être jeté en prison.

Le sénateur Joyal: Je suis désolé de m'appesantir là-dessus. J'essaie de comprendre ce qui s'est passé avant, et nous voulons maintenant assujettir le tout au registre. Vous avez de graves objections au fait que nous créons une forme de rétroactivité fondée sur une peine. Nous avons la situation présente. Vous dites qu'il faut mettre de côté tout ce qui touche la rétroactivité et recommencer à neuf, avec ceux qui recevront leur sentence la semaine prochaine.

Si vous êtes d'avis que le registre fait partie intégrante de la sentence, alors quels aspects du projet de loi relativement à la sentence seraient exposés à une contestation au titre de la Charte?

M. Manson: Le premier point est le fait que la durée des ordonnances est obligatoire. Elles ne sont pas proportionnelles au caractère délictuel, au risque ou à la dangerosité. C'est 10 ou 20 ans de votre vie, dépendant de la position que vous occupez sur une liste. La seule relation, c'est la peine maximale que prévoit le Code.

Notre argument est que, parce que cela met en cause des sanctions et des fardeaux qui pèsent sur le droit à la vie d'une personne, lequel est protégé par l'article 7 de la Charte, il faut que ce soit conforme aux principes de justice fondamentale. Un principe de justice fondamentale est que la punition doit être proportionnelle aux objectifs en matière de détermination de la peine. En l'occurrence, il n'y a aucune proportionnalité.

Si l'on met de côté la rétrospectivité, le deuxième argument est celui à propos duquel je n'ai pas réussi à convaincre le sénateur Beaudoin, nommément la défense illusoire.

Le troisième est le fait que l'on associe à ce groupe des gens qui ne sont pas criminellement responsables pour cause de troubles mentaux. Vous pouvez imaginer bon nombre de situations d'injustice flagrante si l'on expose ces gens-là à de nouvelles pénalités et sanctions, surtout en exigeant qu'ils se conforment à un régime, alors que, dans bien des cas, les problèmes qu'éprouvent les gens faisant partie de ce groupe particulier c'est leur incapacité de se conformer à un régime ne serait-ce que simplement médical et thérapeutique. Nous allons prendre des gens qui sont malades et les transformer en criminels, tout au moins potentiellement.

Même en mettant de côté la rétrospectivité, ce sont-là trois très graves préoccupations mettant en cause la Charte.

Dans le projet de loi précédent, ce qui déclenchait l'accès de la police au Code, c'était d'avoir des motifs raisonnables de croire que l'enquête portait sur une infraction sexuelle. On a remplacé cela par le soupçon raisonnable. On est passé de la «conviction» au «soupçon». Il me faudrait réfléchir à la légitimité de ce seuil. Je crois toutefois que c'est un point secondaire.

Les principaux arguments sont la durée obligatoire, les gens qui ne sont pas tenus criminellement responsables pour cause de troubles mentaux, et ce qui constitue à nos yeux une exception illusoire, l'affaire dont le sénateur Beaudoin et moi-même discutions tout à l'heure.

Le sénateur Pearson: Je ne suis pas avocate et je ne traiterai donc pas des aspects juridiques. Je voudrais toutefois inverser l'une des propositions que vous avez formulées, sur le fait que ce sont les personnes de leur connaissance qui font courir les plus grands risques aux enfants. Je suis d'accord avec cela. Ce n'est pas une question.

Je suppose que si l'on a un cas d'agression sexuelle avérée et si la peine a été prononcée contre l'accusé, alors le nom de cette personne, même si c'est l'oncle d'un enfant en particulier, est inscrit sur la liste. Cela ne me convainc pas que ces gens-là ne méritent pas d'être inscrits sur une liste. Au contraire, j'incline à croire que ce serait plutôt salutaire et que cela garantirait que l'on ferait davantage attention quand ces personnes sont en présence de leurs nièces ou neveux.

Cet outil n'est pas destiné seulement aux enfants, bien que ce soit l'une des principales raisons pour laquelle je l'appuie. Il est également destiné à d'autres personnes vulnérables, notamment les femmes et quiconque est agressé. Je n'ai pas trouvé convainquant votre argument voulant qu'il s'agit d'un prolongement d'une sentence. J'y vois plutôt une question administrative. Quiconque conduit une voiture doit l'enregistrer. C'est obligatoire d'enregistrer nos voitures. Nous sommes passibles de pénalité si nous ne le faisons pas.

Je sais que vous avez probablement des réponses de juriste à cela. Cependant, à mon sens, je n'ai aucune objection à cette mesure.

Je suis quelque peu mal à l'aise avec l'aspect rétrospectivité. Je comprends que cela peut poser problème. Ce qui m'inquiète, c'est le cas des handicapés mentaux. Le problème, c'est qu'on sait bien que beaucoup d'agresseurs sexuels graves sont en fait des cas pathologiques. Nous ne devrions pas décider de ne pas les suivre à la trace simplement parce qu'ils sont définis comme malades mentaux, parce qu'on sait que nous avons affaire à des psychopathes dans bien des cas.

On ne m'a pas convaincue que cela fait partie de la sentence qui leur est infligée. J'ignore si vous avez pris connaissance des témoignages que nous avons déjà entendus, mais j'ai bel et bien demandé que l'on fasse très attention aux répercussions de tout cela et au nombre de cas dans lesquels la police utilise cet outil. Après tout, nous sommes saisis de cette question à cause des pressions émanant en partie du grand public, en partie de la police et en partie des provinces. Je ne suis jamais convaincue par l'argument voulant qu'on doive dépenser 4 millions de dollars pour faire quelque chose d'autre simplement parce qu'il faut agir. Je pense qu'il faut parfois faire les deux. De plus, je n'ai jamais constaté, quand on dit qu'on dépense 4 millions de dollars pour X, que l'argent va vraiment à Y.

Voilà ce qui me préoccupe. J'appuie le projet de loi. Nous allons réexaminer la question dans deux ans pour voir si le programme atteint bel et bien les objectifs prévus.

M. Manson: Au moment où nous avons rédigé notre mémoire, aucun examen ni mécanisme de contrôle n'était prévu. Je suis heureux de constater qu'on a maintenant prévu quelque chose. Au sujet de ce que vous avez dit, s'il y a une liste, il faut assurément y inscrire les oncles, les tantes et les neveux. Notre argument est simplement que le simple fait d'avoir une liste ne constitue pas un outil très valable.

Je vous reporte à un rapport du juge Archie Campbell de la Cour supérieure de l'Ontario sur l'affaire Bernardo. On avait créé un groupe de travail formé d'une seule personne pour examiner cette affaire. Il s'occupe maintenant d'une enquête dans l'affaire du SRAS. Il a fait une enquête longue et détaillée sur l'affaire Bernardo, s'interrogeant sur les dérapages de cette enquête et se demandant pourquoi cela a pris tellement de temps, et cetera, et il parle beaucoup d'un nouveau logiciel qu'utilisent bon nombre de services de police. Cela s'appelle VIClass. Il sert à repérer les délinquants violents au moyen des caractéristiques de l'infraction. Je crois savoir que la plupart des services de police les plus perfectionnés au Canada s'en servent maintenant. Ce logiciel est un «outil». Il ne crée aucun fardeau, aucune pénalité. Cela veut dire que quand on fait enquête sur l'affaire X et que l'on intente des poursuites contre un délinquant, on inscrit tous les faits dans une base de données qui est à la disposition de tous les autres services de police. Les policiers de Vancouver, Saskatoon ou Restigouche peuvent se brancher et se dire: «Nous avons chez nous un cas semblable. Ce type là est-il passé dans notre province»? C'est un outil logique. L'ADN est un autre outil logique. Celui-ci n'est pas tellement logique.

Je sais que l'inspecteur détective Young peut maintenant signaler un cas qui a été résolu à l'aide de ce registre. Cependant, après tellement d'années et 4 millions de dollars par année, on n'en obtient pas beaucoup pour notre argent. Le coût d'opportunité est énorme et cela distrait les intervenants. On peut constater cette distraction ici même entre le groupe de gens qui pensent que ce n'est pas une bonne idée et d'autres qui pensent avoir accompli quelque chose. Nous soutenons que nous n'accomplissons pas grand chose.

Le sénateur Di Nino: Je veux revenir aux questions qui ont été soulevées par les sénateurs Smith et Pearson. Si je vous cite correctement, vous avez dit que l'on dépense beaucoup d'argent pour accomplir très peu. Vous avez fondé cette affirmation sur vos statistiques originales sur les meurtres et les homicides de jeunes enfants. On a signalé que cette mesure législative ne vise pas seulement les agresseurs d'enfants, mais aussi tous les autres qui commettent des infractions sexuelles. Par conséquent, je dirais que les statistiques doivent englober beaucoup plus de personnes, y compris, comme le sénateur Pearson l'a dit, des adultes des deux sexes.

Puisque vous faites une telle déclaration, qui revient en fait à assigner un prix à une vie humaine, je voudrais vous demander si vous avez des statistiques qui engloberaient les autres éléments du tableau et si vous voudriez les partager avec nous? Si vous ne les avez pas tout de suite, vous pourriez nous les faire parvenir.

M. Manson: Comme je l'ai dit tout à l'heure, je croyais me rappeler que de 70 à 80 p. 100 des agressions sexuelles étaient commises par des gens qui connaissaient les victimes, des membres de la famille, et cetera. Or l'un des membres du personnel m'a donné copie d'un rapport où l'on précise que le chiffre est de 79 p. 100. On n'a pas besoin d'outils d'enquête pour identifier le perpétrateur quand il s'agit de quelqu'un que la victime connaît. C'est pourquoi les statistiques sur les homicides sont pertinentes, parce que la victime est morte. Quand la victime est vivante, dans quatre cas sur cinq, l'agresseur est connu de sa victime; la police peut avoir de la difficulté à prouver qu'il y a eu agression sexuelle ou à préciser de quel type d'agression sexuelle il s'agissait, mais elle n'a aucune difficulté à identifier la personne.

Le sénateur Di Nino: Vous avez présenté une argumentation convaincante. Vous nous avez transmis des renseignements précieux que nous allons prendre en compte. Je pense que nous convenons tous que les mesures préventives doivent faire partie intégrante de nos efforts dans ce domaine.

Il y a toutefois un point que je veux pas laisser en suspens. Cela coûte environ quatre millions de dollars en Ontario et peut-être qu'une personne a été identifiée, parce que vous utilisiez une définition vraiment étroite. Vous conviendrez avec moi que si nous avions des statistiques englobant tout le monde, si les 70 p. 100 ou les 80 p. 100 représentent des milliers de gens, peut-être que des milliers ne seraient pas visés, mais des milliers se feraient prendre. Je pense que c'est une différence importante qu'il faut bien préciser.

M. Manson: Pour que l'outil d'enquête soit utile pour le groupe d'un cinquième, les 20 p. 100, il faut premièrement que le perpétrateur ait déjà un casier judiciaire; deuxièmement, que le perpétrateur soit inscrit sur la liste; troisièmement, que le perpétrateur se soit conformé à la loi; et quatrièmement, que le perpétrateur ait commis l'infraction non loin de son adresse actuelle, pour que le programme soit d'une valeur quelconque.

Le sénateur Di Nino: Il faut bien commencer quelque part.

M. Manson: Les données du Massachusetts montrent que le potentiel le plus élevé vise seulement quatre cas sur 136.

Le sénateur Bryden: Professeur Manson, vous avez dit que ce n'est pas une bonne politique publique et vous avez donné trois raisons. Le programme accomplit très peu; il coûte cher; et il nuit à l'accomplissement d'autres tâches.

Je veux vous poser une question. Croyez-moi, le président pourra vous le confirmer, je traite toujours chacun avec les égards qui lui sont dus. Je ne veux pas donner l'impression d'être impertinent. Cependant, pourriez-vous me dire quelles qualités vous possédez et vous permettent de prendre des décisions en matière de politiques publiques, de décider ce qui constitue une grosse dépense, ce qui constitue une distraction plutôt qu'une solution de rechange, et en quoi vous êtes qualifié pour évaluer un résultat et dire qu'il s'agit d'un accomplissement considérable ou négligeable?

M. Manson: Voulez-vous vraiment que je réponde à cette question, ou bien voulez-vous que j'énumère mes titres et qualités?

Le sénateur Bryden: Je vous ai posé la question. Je n'ai pas votre biographie. Je suppose que vous avez une certaine connaissance de la loi, mais vous êtes peut-être aussi sociologue ou comptable. Je n'en sais rien.

M. Manson: Pour ce qui est des coûts, je vois ce que coûtent les autres programmes de la justice pénale. Je sais, par exemple que le défenseur des enfants en Ontario, qui traite annuellement 3 000 plaintes d'enfants pris en charge par l'État, a un budget inférieur à quatre millions de dollars. Je préférerais voir ce bureau recevoir les quatre millions de dollars. Peut-être ne voulez-vous pas dire que vous n'êtes pas habilité à faire ce jugement. Quatre millions de dollars est un montant considérable de l'argent des contribuables et 3 000 enfants qui se plaignent de la qualité de leur prise en charge est un nombre considérable d'enfants en Ontario.

Le sénateur Bryden: Les policiers interviennent et font aussi des déclarations sur la politique gouvernementale. Je veux souligner quelque chose. Durant le débat sur le contrôle des armes à feu qui a eu lieu sur la colline — je ne crois pas qu'il soit encore terminé — j'ai avancé l'argument que si nous investissions l'argent qui devrait servir à l'enregistrement des armes d'épaule aux soins de santé, à la prise en charge des enfants, à n'importe quoi d'autre, ce serait un meilleur usage que ces dépenses qui approchent le milliard de dollars. On m'a répondu: si ce que nous faisons peut sauver la vie d'un seul enfant, cela en vaut la peine.

Vous dites que des soit disant étrangers commettent seulement 20 p. 100 des agressions sexuelles. Si cet outil permet d'empêcher que ces 20 p. 100 ne soient encore victimes d'agressions sexuelles, dans le contexte de l'argument utilisé si souvent par rapport au contrôle des armes à feu, par conséquent la vie ou le bien-être de 20 enfants sur 100 ne valent-ils pas la peine?

M. Manson: La réponse est simple: logiquement et philosophiquement, cette position est fallacieuse. Assurément, toute vie est importante et l'on veut faire ce que l'on peut pour la sauver. Cependant, nous disons qu'il est plus important de sauver trois, quatre, cinq vies ou plus. Il est faux de dire que le nombre de milliards de dollars que nous dépensons pour sauver une vie importe peu. Pensez-y une minute, cela justifierait la fermeture de tous les hôpitaux dans une région du pays afin de sauver une vie dans une autre région. Ce n'est pas ainsi que nous raisonnons. Nous faisons des jugements comparatifs. C'est cela l'élaboration des politiques dans un monde qui est loin d'être parfait.

Le sénateur Beaudoin: Vous avez fait référence à la Charte. Je vous demande: si le registre existe, concluez-vous que c'est une violation de la présomption d'innocence et que cela ne peut pas être accepté en vertu de l'article 1 de la Charte? Nous en avons parlé. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Manson: Je vais vous donner mon opinion par une mise en garde. Cela revient à la charge inversée qui existe dans l'exception. Il y a une charge inversée similaire dans les dispositions législatives sur l'ADN. Les contestations de la constitutionnalité des dispositions législatives sur l'ADN ont échoué. On a parlé d'un cas récemment. Je vous prie de m'excuser, je ne l'ai pas lu. Le paragraphe 487.051(2) contient la même charge inversée. Je ne sais pas si cela a été considéré dans les cas sur l'ADN. En supposant que cette charge inversée n'a pas été étudiée — la Cour suprême ne l'a certainement pas traitée —, mon argument ne serait pas la présomption d'innocence, mais pour l'État le fardeau de la preuve n'intervient qu'au moment de la détermination de la peine. Avant l'entrée en vigueur de la Charte, dans l'affaire Gardiner c. la Reine, rapports de la Cour suprême de 1982, la Cour suprême a déclaré, lors de déterminations de peine en litige, le fardeau de la preuve pour le criminel ordinaire intervient. Depuis l'entrée en vigueur de la Charte, dans une affaire de cautionnement en 1987 appelée Pearson. Le juge Lamer a utilisé Gardiner comme principe en vertu de l'article 7 lors de la détermination de la peine. On avait fait valoir que lors de la détermination de la peine, la présomption d'innocence avait disparue; alors, ne discutez pas de la charge. Il a dit que la présomption d'innocence a peut-être disparue, mais l'obligation qu'à l'État à prouver existe encore. C'est l'affaire Pearson de 1987.

En émettant une réserve du fait que je n'ai pas lu le plus récent cas, et les tribunaux l'ont peut-être traité, la charge inversée est aussi un grave problème.

Le sénateur Joyal: Ma première question est: êtes-vous professeur de droit, et dans ce cas, à quelle faculté?

Deuxièmement, l'article 4 du projet de loi traite des obligations imposées aux délinquants sexuels. Le paragraphe 4(4) énonce: «L'intéressé ne peut quitter le Canada avant sa comparution».

Cela m'inquiète. Il y a 24 ans, quand nous rédigions la Charte, je me souviens bien du premier paragraphe de l'article 6 de la Charte qui donne le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir. Je me souviens de la discussion que nous avions eue à l'époque. La liberté de circulation et d'établissement et le fait que l'on puisse venir et partir est un élément fondamental de la liberté de circulation.

Il semble qu'il y ait une restriction sur la liberté de circulation et d'établissement. Interprétez-vous cela à l'égard de l'article 4 de la Charte? Pensez-vous que cet aspect puisse être maintenu par l'article 4 de la Charte par rapport à l'article 6? C'est manifestement contraire à l'article 6.

M. Manson: Je suis gêné de dire que je n'y ai pas pensé. Vous avez raison, à première vue, c'est une violation de la liberté de circulation et d'établissement de l'article 6. Cela signifie que l'État doit justifier, conformément à l'arrêt Oakes, que c'est, d'abord, un objectif urgent et important, puis qu'il est proportionnel. À cause de tous les arguments que j'essayais de présenter concernant son manque d'utilité, il sera difficile à un gouvernement de soutenir cela devant un tribunal.

Vous avez raison, j'aurais dû ajouter cela à ma liste. Je suis gêné de dire que je ne l'avais pas remarqué. Maintenant que je vous ai fait part de mon embarras, je suis professeur de droit depuis 1977 à la faculté de droit de l'Université Queen's d'où viennent également mes collègues assis derrière moi.

Le président: Merci d'être venus ce soir et de nous avoir fait part de vos points de vue.

Le sénateur Joyal: À titre d'information, j'aimerais attirer l'attention de mes collègues sur un article publié dimanche dans les journaux Winnipeg Free Press, Edmonton Journal et La Presse. Les titres de ces articles font référence à un rapport qui a été obtenu du Bureau du solliciteur général en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. L'étude date du 26 octobre 2003. Le titre de l'article est: «La Loi sur les délinquants sexuels ne fonctionne pas dans un cas sur quatre — rapport». Le titre du Edmonton Journal était: «La Loi sur la surveillance de longue durée des délinquants sexuels se heurte à des difficultés». Même si l'étude semble traiter d'un précédent projet de loi — projet de loi C-55 qui abordait ces questions et qui est entré en vigueur en 1997 — elle est directement liée à ce que nous faisons ici. Je crois que cela pourrait intéresser les membres du comité.

Le président: Je vais demander au sénateur Joyal de fournir ces renseignements à la greffière qui la distribuera aux membres du comité.

Nous passons maintenant à l'étude du projet de loi S-15 et nous demandons au sénateur Murray et M. Little de s'approcher.

Nous souhaitons la bienvenue à notre ami et collègue, le sénateur Murray.

Le sénateur Lowell Murray, c.p.: Monsieur le président, chers collègues, merci de nous accueillir. Je crois que vous savez pourquoi nous sommes ici. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit et à ce que le sénateur Day a dit à la deuxième lecture, excepté que, du point de vue du processus, si le comité, dans sa sagesse, estime qu'il est juste de procéder article par article ce soir et si le Sénat, dans sa sagesse, nous donne le droit de passer à la troisième lecture, alors, le président Milliken, qui est le député de Kingston et des Îles, utilisera ses bons offices dans la Chambre des communes pour faciliter l'adoption de cette mesure législative.

Depuis la création du Queen's Theological College par le Parlement en 1912, c'est la première fois que le collège vient au Parlement pour modifier sa loi.

Permettez-moi de vous présenter M. Robert Little, c.r., un avocat qui a un cabinet privé à Kingston et qui représente l'Université Queen's; la révérende Anne MacDermaid, présidente du conseil d'administration du Queen's Theological College; et Mme Jean Stairs, doyenne du Queen's Theological College.

M. Robert A. Little, c.r., conseiller juridique, Queen's Theological College: Monsieur le président et honorables sénateurs, comme le sénateur Murray l'a dit, il y a longtemps que nous n'étions venus. Nous venons seulement quand il y a une question importante concernant notre Charte. Ainsi que le projet de loi l'indique, nous demandons des modifications à deux ou trois choses afin que notre conseil d'administration passe au XXIe siècle.

Une de ces modifications permettrait aux membres de notre faculté de siéger au conseil d'administration. La loi de 1912 ne le permet pas. La deuxième modification est de permettre aux personnes qui ne sont pas membres de l'Église unie du Canada de siéger au conseil. L'établissement dessert une très large communauté dans le pays; il offre un enseignement à des personnes de croyance et de confession différentes et il serait, donc, approprié que les personnes qui ne sont pas membres de l'Église unie du Canada puissent siéger au conseil. Les autorités chargées de la nomination et de la révocation des doyens ou des professeurs ont changé. Les professeurs qui n'enseignent pas la théologie — c'est-à- dire, ceux qui forment des femmes et des hommes au ministère religieux — ne peuvent être nommés que par le conseil. Troisièmement, des membres du collège font partie du sénat de l'Université Queen's du fait de son affiliation à l'université. Cette association est importante et l'a été durant de très longues années. La représentation sera ouverte non seulement aux membres de la faculté et aux doyens de droit mais aussi à l'un des étudiants du collègue dûment élus par les autres étudiants.

Quelques modifications techniques sont nécessaires pour mettre à jour la loi. Elles prévoient l'élimination des références à l'Église presbytérienne au Canada, le remplacement par le nom de l'Église unie du Canada, et aussi une déclaration générale confirmant que le collège continue à être constitué en société.

Ces modifications ont été approuvées par le conseil d'administration de l'Université Queen's et par le conseil de direction du Conseil général de l'Église unie du Canada. Nous avons le soutien de nos associés et de nos partisans et nous demandons respectueusement votre indulgence dans l'examen de cette mesure législative.

La révérende Anne MacDermaid aimerait aussi dire quelques mots.

La révérende Anne MacDermaid, présidente du conseil d'administration du Queen's Theological College: Monsieur le président et honorables sénateurs, je voudrais simplement remercier le sénateur Murray et le sénateur Day d'avoir défendu ce projet de loi et je remercie le comité pour le travail qu'il fera en notre nom. Nous vous remercions de consacrer votre temps pour examiner cette question qui est très importante pour notre avenir.

Le sénateur Buchanan: Je suis à 100 p. 100 en faveur de ce projet de loi. C'est un projet de loi excellent qui est défendu par un Cap-Bretonnais et par un Néo-Brunswickois. Deuxièmement, M. Little a un beau-frère et une soeur à Halifax. La révérende MacDermaid a un parent, un Cap-Bretonnais, qui était président de l'Atlantic School of Theology. Bien sûr, Mme Stairs a de nombreux parents en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. En outre, ma fille, le deuxième de mes enfants, est ministre du culte de l'Église unie, elle est diplômée de l'Atlantic School of Theology, je n'ai, donc, aucun problème avec le projet de loi.

Le sénateur Smith: Je n'ai pas de problème avec le projet de loi. Cependant, je suis curieux. C'était presbytérien à l'origine. Quand cela a-t-il changé? Était-ce en 1925 avec l'unification?

Mme MacDermaid: Oui.

Le sénateur Smith: Quelqu'un parmi vous sait-il où s'est tenue la première réunion de l'Église unie du Canada?

M. Little: Oui. C'était à l'aréna de la Mutual Street au centre-ville de Toronto.

Le sénateur Smith: C'est exact et j'ai obtenu le permis de démolition de cet immeuble.

Le sénateur Andreychuk: J'ai une question. Le fait que vous deviez vous présenter ici pour faire des changements à la structure de votre administration me paraît archaïque. Avez-vous mentionné au gouvernement une façon de changer votre société autrement qu'en vous présentant devant nous qui, assurément, ne sommes pas habilités à juger? Nous pouvons vous demander si vous avez ou non préparer votre dossier et vous m'avez convaincu que vous l'avez préparé. Donc, j'approuve le projet de loi en vous faisant foi, si je peux utiliser ce mot.

N'y a-t-il pas une meilleure façon de faire cela? Évidemment, vous aurez besoin de changements au fil du temps.

M. Little: Honorable sénateur, vous avez raison. Il y a une autre façon. Il pourrait y avoir une formule de modification qui serait locale. Dans la mesure où nous l'avons examinée, le conseil du collège, l'université et l'Église unie ne s'y sont pas autant penché, mais je conviens que ce serait une meilleure façon de le faire.

Le sénateur Joyal: Pour continuer ce que le sénateur Andreychuk a dit, je suis passé par un processus similaire durant une fusion de compagnies d'assurance au nom des caisses populaires au Québec. À cette époque, j'ai vu un rapport du comité — préparé lors de la présidence du sénateur Beaudoin — dans lequel ce comité recommandait que la Loi sur les corporations canadiennes soit modifiée pour permettre à toutes les sociétés privées, incorporées précédemment en vertu d'une loi spéciale du Parlement, d'adapter elles-mêmes leur structure afin d'éviter au Parlement de se trouver dans la position difficile de juger ces questions internes.

Je ne suis pas en mesure de contester une restructuration du conseil avec une majorité de membres de l'Église unie du Canada. C'est une question privée qui n'a pas à être examinée par le gouvernement du Canada.

Le rapport et les recommandations du comité concernent l'intérêt public, pas une demande privée. Notre comité doit le comprendre, car nous ne voulons pas que les gens attendent des mois avant que ne s'engage le processus les concernant. Cela ne sert pas non plus l'intérêt public. Les sociétés qui ont été incorporées en vertu d'une loi spéciale du Parlement, à une autre époque, devraient pouvoir dans le cadre de la Loi des corporations canadiennes s'adapter dans le contexte de la politique générale. Je suggérerais, monsieur le président, que cela soit inclus dans notre rapport. Vous pourriez probablement consulter les archives pour voir quand cette recommandation a été présentée. Elle devrait être renouvelée, car ce serait une bonne politique pour tout le monde.

Le sénateur Andreychuk: C'est exactement ce que je pense. Nous avons eu le même débat la dernière fois, mais le gouvernement ne l'a pas remarqué. Je suggère que les sociétés concernées peuvent peut-être le présenter au gouvernement. Il se peut que leurs discussions avec des représentants du gouvernement aboutissent à une façon plus moderne de s'y prendre.

Le sénateur Beaudoin: Je ne suis pas certain d'être d'accord avec ce que le sénateur Joyal a dit. Je ne m'en souviens pas très bien, il y a de nombreuses années de cela. Je consulte mes documents maintenant. On a pu prendre une décision il y a dix ans. Je vous tiendrais au courant.

Le sénateur Cools: Il serait intéressant de trouver de quelle façon une loi du Parlement pourrait être modifiée pour l'administration générale. Je ne suis pas sûre de quelle façon cela pourrait être fait.

Je ne suis pas tout à fait d'accord. Je suis heureuse de voir ces anciennes organisations se présenter devant le Parlement. Cela nous permet de découvrir le visage des personnes de ces grandes institutions et de rendre hommage à leur antiquité.

Le Parlement risque de ne devenir rien d'autre qu'une machine à voter tous les projets de loi qui arrivent de plus en plus vite et qui sont de plus en plus grands. Lorsqu'une telle occasion se présente à nous, on peut considérer le Parlement comme un organisme qui octroie des pouvoirs plutôt qu'une machine à voter.

Je n'ai pas étudié de manière approfondie la question du divorce. Beaucoup de divorces furent accordés par le Comité des divorces en vertu d'une loi du Parlement. À l'époque, ils pensaient que s'ils passaient le divorce à l'administration générale de la loi, tous les problèmes seraient réglés, et ce serait beaucoup moins cher pour les parties concernées.

C'est devenu plus cher. Une industrie s'est créée.

Je veux vous dire que je suis très heureux de vous voir. Je ne vois aucun inconvénient à ce que nous consacrions notre temps à l'examen de ces quelques projets de loi de temps à autre.

Le président: Merci sénateur Murray, monsieur Little, révérende McDermaid et Mme Stairs. Il est assez inhabituel que nous examinions un projet de loi, article par article, juste après l'audience des témoins, mais ce cas ne soulève aucune controverse. Le sénateur Murray voudrait faire rapport de ce projet de loi le plus vite possible à la Chambre afin que l'on en s'occupe rapidement. Le comité est-il d'accord pour procéder à un vote article par article?

Des voix: D'accord.

Le président: L'étude du titre est-elle réservée?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'étude du préambule est-elle réservée?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Les articles de 1 à 5 sont-ils adoptés?

Des voix D'accord.

Le président: Adoptés.

Les articles 6 à 10 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

Le président: Adoptés.

Le titre abrégé est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Le préambule est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour adopter ce projet de loi sans amendement?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour présenter le projet de loi avec les observations exprimées par le sénateur Joyal et le sénateur Andreychuk?

Des voix: D'accord.

Le président: Quels sont ceux qui sont contre?

Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que le président fasse rapport de ce projet de loi avec les observations au Sénat. D'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci beaucoup.

Bienvenue, monsieur McVety, président du Canada Christian College. M. Vety est ici à titre de témoin pour nos délibérations sur le projet de loi C-250.

M. Charles McVety, président, Canada Christian College: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je veux vous parler du projet de loi C-250 qui préoccupe beaucoup des centaines de milliers, sinon des millions de Canadiens qui sont très effrayés par ce projet de loi. Je suis le président du Canada Christian College, un collège de théologie qui compte plus de 1 100 étudiants. Trois mille cinq cents d'ecclésiastiques, diplômés de notre collège, servent dans le pays et dans le monde. Nous avons, le 7 septembre, demandé un après-midi de prières et plus de 100 000 personnes dans 22 régions du pays ont fait des prières concernant cette question. Dans nos prières, nous avons demandé d'être protégés contre l'attaque lancée par le projet de loi C-250.

Je vous remercie de me donner la parole, aujourd'hui. Nous vous félicitons d'avoir déployé tant d'efforts pour réduire la propagande haineuse. Toute personne civilisée abhorre la propagande haineuse sous toutes ses formes. Nous en avons été témoins la semaine dernière à Toronto lors d'incidents antisémites. L'un des principes fondamentaux du christianisme est de s'aimer les uns les autres, mais le projet de loi C-250, tout en se proposant de lutter contre la propagande haineuse laisse à désirer à bien des égards.

Premièrement, le projet de loi assimile le comportement sexuel à l'origine ethnique et à la religion. Deuxièmement, il ne garantit aucune protection du procureur général en vertu du paragraphe 319(1) du Code pénal. Troisièmement, il n'y a pas de définition de «l'orientation sexuelle». Quatrièmement, le projet de loi atténue la pratique criminelle normale de prouver sans l'ombre d'un doute pour incarcérer et pénaliser en vertu du paragraphe 319(1) et la réduit à une répartition égale que ce soit possible ou non. Cinquièmement, le projet de loi porte atteinte à la confiance accordée par les Canadiens. Sixièmement, il est contradictoire, car il attaque la religion alors qu'il est censé la protéger.

L'adoption du projet de loi C-250 pourrait avoir des résultats catastrophiques pour les Canadiens. Si le projet de loi est adopté, des personnes pourraient être condamnées en vertu de ce projet de loi et envoyées en prison. De telles poursuites pourraient être catastrophiques pour de nombreuses personnes, surtout celles de bonne volonté et de bonne foi qui essaient de construire ce pays au lieu de le détruire.

C'est dans cet esprit que je vous demande de réexaminer les articles du projet de loi et même son objectif essentiel. Il s'agit, ici, du code pénal et non d'une politique, d'une idéologie ou d'une sorte d'argumentation. Il s'agit également du châtiment infligé aux criminels. Nous ne pouvons pas croire qu'une personne qui enseigne que le comportement sexuel est répréhensible et en voie de devenir un criminel de droit commun méritant l'incarcération.

Voir une équivalence morale entre le comportement sexuel de quelqu'un et l'origine ethnique est immoral. Les articles 318, 319 et 320 du code pénal protègent les citoyens contre la propagande haineuse et de ceux qui prétendraient qu'il est répréhensible de pratiquer le judaïsme ou toute autre religion. Les articles protègent les citoyens de ce pays contre les attaques des incitateurs à la haine qui déclarent qu'il est répréhensible d'être Africain, Asiatique ou de toute autre origine ethnique

Le projet de loi C-250 considère que le fait de déclarer que les relations sexuelles sont répréhensibles constitue une infraction criminelle. Cela nous inquiète beaucoup, surtout ceux d'entre nous qui enseignent la Bible, car le projet de loi atténue les protections actuelles. Nous venons d'assister à une flambée d'antisémitisme à Toronto. Les gens ont lutté pendant des générations pour obtenir une protection dans le code pénal contre la propagande haineuse. En ajoutant deux mots — orientation sexuelle — dans le projet de loi, nous l'avons atténué et en avons fait quelque chose qui ne doit pas faire partie du code pénal.

Le projet de loi C-250 mettra certainement fin à l'enseignement qui s'oppose aux relations sexuelles. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire dans ce grand pays qu'est le Canada. Le projet de loi C-250 comporte une dichotomie incroyable puisque, à l'alinéa 319(3)b), il prévoit une exemption pour les personnes qui s'opposent aux relations sexuelles dans leur enseignement dans un contexte religieux ou par l'interprétation d'un texte religieux. J'estime que le paragraphe proposé est foncièrement imparfait, car, non seulement, il a trait à la propagande haineuse fondée sur l'orientation sexuelle, mais aussi à la propagande haineuse fondée sur l'origine ethnique ou religieuse.

C'est un grave problème car nous vivons dans un monde complexe dans lequel notre société est littéralement attaquée par des gens qui croient que notre religion est fausse. Des gens font référence à des textes sacrés pour justifier des attaques contre des gens. Nous l'avons bien vu le 11 septembre à New York et aussi plusieurs fois depuis. En ajoutant ce paragraphe proposé au projet de loi C-250, Ousama ben Laden et d'autres comme lui ne seront pas concernés par le paragraphe 319(2) se rapportant à la propagande haineuse, car ils ont fait référence à des textes sacrés pour justifier leurs actions. C'est une dichotomie, car je connais le but de cet amendement — protéger ceux qui veulent enseigner que l'immoralité sexuelle est répréhensible et que les relations sexuelles hors mariage le sont aussi. Toutefois, ce n'est pas le cas ici. Le paragraphe proposé dépasse de loin ce cadre.

Le paragraphe 319(1) du code pénal n'offre aucune protection du procureur général. Un simple citoyen peut alors porter une accusation qui peut être sans fondement ou politiquement motivée et qui pourrait aboutir à une poursuite judiciaire et une mise en accusation. Une expérience très difficile à vivre.

Le projet de loi ne contient pas de définition de «l'orientation sexuelle». Qu'est-ce que l'orientation sexuelle? J'ai consulté des dictionnaires et plusieurs journaux de psychologie et leurs définitions varient considérablement. Le code pénal contient de nombreuses définitions. Pourquoi ne pas y ajouter une définition de «l'orientation sexuelle»?

Je crois qu'il s'agit là d'une violation de la Charte canadienne des droits et libertés qui nous garantit la liberté de religion. Le livre que j'ai ici enseigne dans presque toutes les pages que les relations sexuelles sont répréhensibles. Si nous n'avons pas le droit d'enseigner la Bible, nous n'avons donc pas de liberté de religion et pas de liberté dans ce pays; notre pays ne serait pas démocratique. Le Canada veut-il criminaliser les personnes qui s'opposent aux relations sexuelles dans leur enseignement? Voulez-vous réellement emprisonner une mère qui enseigne aux Guides du Canada que les relations sexuelles hors mariage sont répréhensibles? Voulez-vous mettre cette femme en prison? Je ne crois pas que vous le voulez.

Donc, je crois que ce grand Sénat qui est chargé de protéger le pays et les citoyens, réagira et fera les changements nécessaires ou même abrogera entièrement le projet de loi C-250. Je vous remercie de m'avoir écouté aujourd'hui.

Le sénateur Beaudoin: Ce que je comprends de cet ajout à une liste de mots, c'est que nous avons simplement ajouté quelque chose. C'est ce que j'ai compris. Dans l'affaire Vriend, le tribunal a déclaré que l'orientation sexuelle devait être incluse et il a décidé qu'elle serait incluse dans la loi albertaine. Dans ce cas, elle est ajoutée. Si je comprends bien, c'est un ajout. Je ne vois pas comment vous arrivez à la conclusion qu'il serait impossible à l'université ou à une église, et cetera, d'enseigner les autres religions, car ce n'est pas directement relié.

M. McVety: Malheureusement, c'est relié puisque c'est dans le même article du code pénal dans lequel vous essayez de mettre cela. Vous le reliez à l'origine ethnique et à la religion.

Le sénateur Beaudoin: C'est ce que vous comprenez.

M. McVety: Non. C'est dans le code pénal. Vous ajoutez cela à l'origine ethnique et à la religion. Il y a aussi la race et la couleur, mais cela est aussi une origine ethnique. Puis-je enseigner qu'être noir est répréhensible? Puis-je enseigner qu'être juif est répréhensible? Non, je ne le peux pas. Pour moi, ce serait haineux de le faire.

Maintenant, vous me dites que je ne peux plus enseigner que les relations hors mariage sont répréhensibles. Vous l'incorporez dans le même code pénal. Vous l'ajoutez à une série de groupes identifiables: la race, la couleur, la croyance, la religion, l'origine ethnique et puis l'orientation sexuelle — c'est-à-dire, les relations sexuelles. J'aime ce que disait Pierre-Elliott Trudeau, c'est-à-dire que le gouvernement n'avait rien à faire dans les chambres à coucher de la nation. De même, les chambres à coucher de la nation n'ont rien à faire dans le gouvernement. Ce que nous voulons faire dans nos chambres à coucher nous regarde. Cependant, nous ne pouvons pas le rendre public et le comparer à l'origine ethnique et à la religion — c'est-à-dire à des choses qui sont identifiables clairement à l'extérieur et des choses qui sont identifiables clairement dans la vie de quelqu'un. Nous disons aujourd'hui qu'il est répréhensible de dire du mal de l'origine ethnique de quelqu'un et de dire du mal de la pratique sexuelle de quelqu'un. Je pense qu'il y a une lacune fondamentale dans le projet de loi C-250 et je vous demande, en tant que Sénat du Canada, de corriger l'erreur. Je crois que cela a été précipité par le Parlement durant une période très difficile et je ne crois pas qu'il y a eu suffisamment de débats à ce sujet.

Le sénateur Jaffer: Pensez-vous réellement que les bombardements de New York visaient à tuer des chrétiens?

M. McVety: Si vous lisez les déclarations de ceux qui ont commis les bombardements à New York, ils l'ont fait en se fondant sur leurs propres croyances religieuses. Je ne dis pas que c'était pour tuer des chrétiens. Ils ont fait des déclarations et ils ont cité des textes religieux.

Le sénateur Jaffer: Vous venez de nous dire que c'était pour tuer des chrétiens.

M. McVety: Ai-je dit cela?

Le sénateur Jaffer: Oui.

M. McVety: Je ne me souviens pas l'avoir dit. Si je l'ai dit, c'était une erreur. Ce n'était pas pour tuer des chrétiens; c'était pour tuer des gens. Ils ont cité des textes religieux. Cela est courant. Si vous regardez les nouvelles et si vous les écoutez, le texte religieux est cité. J'attaque un peu ma propre logique; c'est cela la dichotomie. D'une part, le projet de loi C-250 me protège, en tant qu'ecclésiastique, afin que je puisse enseigner à des jeunes adolescentes que les relations sexuelles hors mariage sont répréhensibles. Cependant, vous écrivez dans le code pénal et c'est un problème grave — que quelqu'un peut inciter à la haine et déclarer par la suite: «Je cite un texte sacré, et donc on ne peut pas me poursuivre en justice». Je dis que cela n'est pas juste.

Le sénateur Jaffer: Vous ne voyez pas d'inconvénient à protéger les gens de couleur. N'est-ce pas?

M. McVety: Absolument aucun inconvénient.

Le sénateur Jaffer: Les groupes ethniques?

M. McVety: Non. Je me battrais pour eux.

Le sénateur Jaffer: Vous n'avez donc pas de problème à protéger les gens de religion ou d'origine ethnique?

M. McVety: Non.

Le sénateur Jaffer: Cependant, vous avez des problèmes pour protéger les gens qui ont une certaine orientation sexuelle?

M. McVety: Non. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que les gens soient protégés; c'est la façon dont ils sont protégés dans le projet de loi C-250. Qu'est-ce que l'orientation sexuelle? Je ne sais même pas ce que c'est. Je ne peux plus enseigner que les relations sexuelles hors mariage sont répréhensibles.

Le sénateur Jaffer: Tel est le problème.

M. McVety: Voilà ce qui m'inquiète.

Le sénateur Jaffer: Où est-ce que la loi dit que vous ne pouvez pas enseigner que les relations hors mariage sont répréhensibles?

M. McVety: Si vous regardez à la pratique de ce problème, c'est répréhensible et c'est la haine. Vous devez définir la «haine». Il est haineux d'enseigner que d'être Africain est répréhensible. Il est haineux d'enseigner qu'être juif est répréhensible. Par conséquent, il est haineux d'enseigner qu'il est répréhensible d'enseigner une certaine orientation sexuelle. Ce que c'est, je ne sais pas, car ce n'est pas défini dans la loi. Il faut être logique. Si c'est de la haine ici et de la haine là, vous avez une série de groupes identifiables différents — c'est-à-dire des gens qui ont une certaine orientation sexuelle. Si c'est répréhensible ici, là et là, alors c'est haineux dans tous les cas.

Le sénateur Jaffer: Conviendrez-vous que, dans ce merveilleux pays, tout le monde doit être protégé?

M. McVety: Absolument. Je suis entièrement d'accord. Toutefois, je crois que le projet de loi C-250 ne fait pas cela. Je crois qu'il musèle les gens religieux qui enseignent que les relations sexuelles hors mariage sont répréhensibles — c'est-à-dire que l'adultère, la fornication, l'homosexualité, le lesbianisme et toutes sortes de relations sexuelles hors mariage sont répréhensibles. Je ne crois pas que vous, en tant que gouvernement, avez le pouvoir ou l'autorité de dire à la population du pays et qu'elle ne peut pas donner un enseignement à leurs enfants. Je crois que chacun d'entre vous a enseigné à des enfants — que ce soit les vôtres ou non — que les relations sexuelles hors mariage sont répréhensibles. Maintenant, vous allez nous criminaliser pour ce que vous avez déjà fait.

Le président: Je suis sûr que vous conviendrez, quand même, qu'il serait mal de promouvoir la violence ou la haine contre ceux qui ont des relations sexuelles hors mariage, n'est-ce pas?

M. McVety: Je suis tout à fait d'accord. Mais je dis que le projet de loi C-250 ne prévoit pas cela. Il est mal rédigé.

Le sénateur Smith: J'ai, quelquefois, le sentiment que la communauté évangélique — que je connais bien puisque j'en viens — voit des conspirations là où il n'y en a pas vraiment. Je ne crois pas que quelqu'un ici considère comme un problème le fait qu'une église déclare que les relations sexuelles hors mariage soient un péché et qu'elles sont répréhensibles selon vos critères. Ce projet de loi ne vous interdit pas de faire cela.

Aller aussi loin jusqu'à inciter ce qui semble de la violence faite aux gays ou quelque chose de ce genre, c'est une limite à ne pas franchir. On établit une limite à ne pas franchir s'il s'agit de brûler des croix sur les pelouses de personnes noires comme cela se faisait, il y a longtemps, dans le Sud.

M. McVety: Certainement, je suis d'accord. Cependant, je ne crois pas que ce soit le cas ici. Le projet de loi C-250 ne le traite pas explicitement. C'est simplement un ajout à quelque chose qui existe déjà. C'est un ajout à cette série de groupes identifiables.

Voyons-nous des complots partout? Non. Ce sera une loi en vertu de laquelle des juges décideront si quelqu'un s'oppose à une certaine orientation sexuelle dans son enseignement. Dans ce cas, la sentence est prononcée et peut aller jusqu'à deux ans de prison. On parle là d'une infraction au Code pénal.

Le sénateur Smith: J'ai fait mon droit et j'ai vu beaucoup de procès criminels. Ce n'est pas de cette façon que j'interprète le projet de loi. Je m'interroge parfois sur l'idée que se font certaines personnes de la séparation de l'Église et de l'État. Nous vivons dans une société pluraliste, multiculturelle. Un geste ne devient pas une infraction criminelle simplement parce que certains y voient un péché. Défendriez-vous l'idée que l'homosexualité devrait retourner dans le Code criminel?

M. McVety: Non, pas du tout. En fait, j'ai dit le contraire. J'ai cité Pierre Elliott Trudeau qui disait que l'État n'a rien à faire dans la chambre à coucher des gens.

Le sénateur Smith: Que dire des gens de la communauté gaie qui croient sincèrement qu'il y a des fanatiques à l'esprit étroit — peu importe comment vous les décrivez? Certains évangélistes viennent ici d'Oklahoma pour littéralement inciter les gens à faire Dieu sait quoi sur la rue Church à Toronto.

M. McVety: Je suis d'accord pour dire que c'est mal et qu'il faut se pencher sur ce problème. Toutefois, le projet de loi C-250 n'a pas traité le problème de manière appropriée. Il s'agit d'une sorte de cataplasme qui assimile l'orientation sexuelle à quelque chose qui n'est pas comparable. Le projet de loi doit être formulé autrement. J'ai signalé certains problèmes techniques. Il n'y a pas de protection assurée par le procureur général.

Le sénateur Smith: Pourquoi croyez-vous que les gens de la communauté gaie et différents groupes représentant les gens de cette orientation accordent un appui aussi fort à ce projet de loi? Ils doivent penser que le projet de loi répond à certaines de leurs préoccupations. Pourquoi ont-ils tort?

M. McVety: Ce projet de loi ne permet à personnes au pays d'enseigner que le sexe en dehors du mariage est mal. Si vous rédigez un article dans le Code criminel pour dire que l'on ne peut pas enseigner cela, nous aurons alors un grave problème dans ce pays.

Le sénateur Smith: Vous croyez sincèrement que si ce projet de loi est adopté, n'importe qui qui prêche contre la fornication ou l'adultère — oubliez le sexe de la personne — court le risque d'être accusé à cet égard?

M. McVety: Je le crois sincèrement, surtout parce qu'en vertu du paragraphe 319(1), le procureur général n'intervient pas. N'importe qui peut faire porter des accusations criminelles contre quelqu'un, même si la démarche est frivole ou motivée politiquement, et cette personne devra se défendre. Laissez-moi vous poser une question. Est-ce que le Sénat peut me garantir que je ne serai pas poursuivi pour avoir prêché et enseigné que le sexe en dehors du mariage est mal? Peut-on me garantir que je ne serai pas poursuivi?

Le sénateur Smith: Nous ne vivons pas dans une société où nous pouvons garantir quoi que ce soit.

M. McVety: Pourtant, vous allez garantir qu'un tel enseignement constitue un acte criminel. J'espère qu'il y a certaines garanties de liberté. C'est pourquoi je dis qu'il y a une dichotomie ici.

Le président: Si vous le permettez, je pense que le sénateur Smith veut faire valoir le point que si votre enseignement n'incite pas directement les gens à la haine ou à la violence, alors il n'y a pas vraiment de problème. Je ne pense pas que vous voyez cela dans le projet de loi, n'est-ce pas?

M. McVety: L'article 319 fait allusion à une déclaration en un endroit public qui est «susceptible» d'entraîner une violation de la paix. On dit seulement «susceptible». Il n'y a pas de relation de cause à effet. Elle ne dit pas «a entraîné» une violation de la paix. Elle dit «susceptible de» — susceptible à 51 p. 100 peut-être. Quel genre d'expression est-ce là: «susceptible d'entraîner une violation de la paix [...]». Si ma déclaration est susceptible d'entraîner une violation de la paix, on peut porter des accusations. Il n'y a pas de protection assurée par le procureur général dans ce cas; en vertu de ce Code criminel, une personne quelconque peut faire des accusations, je peux subir un procès au criminel et être passible de deux ans de prison. Cela me fait très peur. Je vous demande, à vous, membres du Sénat, de résoudre ce problème. Il y a des milliers et de milliers de Canadiens qui partagent la même peur que moi.

Le sénateur Smith: Il s'agit d'une question de rhétorique. Vous n'avez pas besoin de répondre. Que diriez-vous si je vous posais la question suivante: croyez-vous que ce qui est arrivé à Sodome et Gomorrhe était la volonté de Dieu et que la volonté de Dieu qui s'est manifestée dans ces lieux devrait aussi se manifester sur la rue Church ou dans d'autres petites collectivités comme celle-là au pays? Je ne vous poserai pas cette question, parce que je suis beaucoup trop gentil. J'espère que le message porte.

M. McVety: Je ne le crois pas. Et je ne crois pas que ce soit pour aujourd'hui.

Le sénateur Joyal: Je crois que vous êtes de l'Ontario, sauf erreur.

M. McVety: Oui, je suis de Toronto.

Le sénateur Joyal: Lorsque vous dites que le sexe en dehors du mariage est mal, vous ne faites pas allusion à la définition du mariage qui a été reconnue par la Cour d'appel de l'Ontario. Vous faites allusion au mariage selon votre doctrine?

M. McVety: Je fais allusion à l'enseignement des Écritures, à l'enseignement dérivé des données sociologiques et à l'enseignement dérivé des données médicales montrant que le sexe en dehors du mariage est mal. J'ai la liberté fondamentale d'enseigner cela dans ce pays. Et j'espère que ce droit demeurera même après les délibérations d'aujourd'hui.

Le sénateur Joyal: Je suis perplexe parce que le mariage en Ontario est quelque chose qui se passe entre deux adultes consentants. C'est de cette façon que la Cour d'appel de l'Ontario a tranché. Lorsque vous me dites, ou que vous nous dites, ou que vous dites au public en général, que le sexe en dehors du mariage est mal, dois-je comprendre que vous acceptez que le sexe entre deux adultes consentants dans les liens du mariage — selon la loi ontarienne — est quelque chose avec laquelle vous êtes d'accord?

M. McVety: J'irai plus loin. C'est mon opinion; c'est mon enseignement que le sexe en dehors du mariage est mal. Quelqu'un d'autre peut enseigner que le sexe à l'extérieur du mariage est bien. Nous sommes tous les deux libres de déclarer ces choses. J'aimerais que cette liberté reste.

Je lis dans ce projet de loi qu'il sera contraire au Code criminel de dire que c'est mal d'être Noir, que c'est mal d'être juif, que c'est mal d'avoir une certaine orientation sexuelle.

Le sénateur Joyal: Il ne dit pas cela.

M. McVety: C'est le prolongement logique du projet de loi C-250.

Le sénateur Joyal: Revenons alors au problème allégué concernant l'expression «orientation sexuelle». Vous demandez ce que cela veut dire. Allons à l'article 718.2 du Code criminel, dont le titre est «Principes de détermination de la peine».

Le sénateur Cools: Monsieur le président, en toute justice, si nous voulons avoir cette discussion, peut-être pourrions-nous offrir un exemplaire du Code criminel au témoin. Ensuite, le sénateur Joyal sera en mesure de parler au témoin.

Le sénateur Joyal: Ne vous inquiétez pas. Vous allez obtenir une copie. Nous avons un conseiller très compétent qui s'occupe du Code ici.

Le président: Le témoin a maintenant l'article en question en main.

Le sénateur Joyal: L'article 718.2, intitulé «Principes de détermination de la peine», se trouve dans le chapitre du Code criminel qui traite de l'objectif et des principes du prononcé de la sentence. On peut lire:

Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants:

a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant:

(i) que l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle,

La notion d'orientation sexuelle, dont vous qualifiez d'imprécise, figure déjà dans le Code criminel. Lorsqu'il prononce la sentence, le tribunal doit déterminer si l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondée sur l'orientation sexuelle. Si j'étais juge dans une cour criminelle demain et que je me trouvais devant un accusé qui a été trouvé coupable d'une infraction, je devrais me demander, lorsque je prononce la sentence, si le motif qui a amené cette personne à commettre le crime était les préjugés ou la haine fondée sur l'orientation sexuelle.

M. McVety: Il n'y a toujours pas de définition.

Le sénateur Joyal: Les tribunaux devront le définir.

Le sénateur Cools: Les juges le savent par inspiration divine.

M. McVety: Quelle est-elle? J'aimerais la connaître.

Le sénateur Joyal: Puis-je, s'il vous plaît? La notion d'orientation sexuelle se retrouve dans toutes les chartes provinciales des droits de la personne et même lorsqu'elle n'y était pas, les tribunaux faisaient comme si elle y était. Le sénateur Beaudoin a fait état de l'affaire Vriend. Ce n'est pas une notion que nous avons inventée pour les besoins de ce projet de loi.

M. McVety: Ce n'est pas ce que je dis.

Le sénateur Joyal: L'article 15 de la Charte, que nous chérissons tous en tant que Canadiens, a été interprété à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada comme incluant l'orientation sexuelle. En d'autres mots, ce n'est pas un autre concept vague. C'est un concept qui trouve sa réalité dans d'autres lois qui traitent des droits de la personne. Je pense que je pourrais vous citer des conventions internationales et ainsi de suite.

M. McVety: Alors, ayez l'obligeance de nous dire de quoi il s'agit.

Le sénateur Joyal: Je suis certain que lorsqu'un tribunal interprétera l'expression «orientation sexuelle» dans le cadre de l'article 718.1, il se reportera à ces définitions. Il n'inventera pas une définition.

M. McVety: Veuillez nous la donner, s'il vous plaît, parce que je préfère ne pas l'entendre de la bouche du juge lorsqu'il prononcera ma sentence. J'aimerais l'entendre maintenant pour que je le sache. J'ai lu tellement de définitions différentes de l'expression «orientation sexuelle». Je vous dirais, à vous du Sénat, que l'expression «origine ethnique» se comprend très bien. C'est une expression claire. Que veut dire «orientation sexuelle»? Je vous demande de définir le sens de cette expression et de l'inclure dans les définitions. Le Code criminel comporte une page complète de définitions.

Le sénateur Joyal: Combien de pages?

M. McVety: Je vous demande de l'ajouter.

Le sénateur Joyal: Avez-vous eu les mêmes préoccupations lorsque l'article 718.2 a été modifié il y a quelques années pour inclure l'orientation sexuelle?

M. McVety: Non.

Le sénateur Joyal: C'est déjà fait dans le cas du Code. Elle y est déjà.

M. McVety: Le segment de phrase est dans le Code, mais nous ne savons toujours pas ce qu'il signifie, et je vous demande respectueusement de bien vouloir le préciser, parce que c'est une question très sérieuse. On parle d'aller en prison. Il s'agit du Code criminel.

Le sénateur Joyal: Nous prenons ce projet de loi très au sérieux.

M. McVety: Je le sais et c'est pourquoi je vous respecte. Je sais que le Sénat est là pour jouer un rôle d'équilibre et pour protéger ce grand pays qu'est le Canada. Je vous remercie d'étudier cette question.

Le président: J'aimerais remercier M. McVety d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce soir pour partager ses vues.

Je crois savoir que le sénateur Cools voulait faire un rappel au Règlement.

Le sénateur Cools: J'ai dit que je voulais faire un rappel au Règlement plus tard, mais que j'avais quelques questions.

Le président: Veuillez m'excuser de ce malentendu. Avant que vous quittiez, monsieur McVety, le sénateur Cools aimerait vous poser une question.

Le sénateur Cools: Je vous remercie d'avoir comparu. Vous n'êtes pas seul. Un grand nombre de personnes sont profondément inquiètes. Moi aussi j'ai des préoccupations du fait que «l'orientation sexuelle» est traitée comme un «génocide» — l'article 318 est l'article du Code criminel qui traite de génocide. Malgré toutes les meilleures assurances, je ne considère pas l'orientation sexuelle comme étant un facteur de «génocide», comme la race et l'origine ethnique.

C'est très intéressant. Il y a quelques jours, M. Robinson a dit que religion pouvait être changée elle aussi. Je pense que c'est une déclaration incomplète, parce qu'au moment où ces dispositions ont été créées dans le Code, il y a 30 ans, et que ces questions étaient à l'étape de la conceptualisation, la religion était intimement liée à la race. Ne vous trompez pas. La plupart des Juifs sont de religion juive. La plupart des Arabes sont de religion musulmane. Maintenant, avec la globalisation et tout le reste, peut-être pouvez-vous dire que les gens changent de religion comme ils changent de chemise. Cependant, au moment où ces notions ont été conceptualisées, c'était de cette façon que l'on pensait.

Je ne partage pas les points de vue naïfs qui sont exprimés. Je crois qu'une fois que la possibilité de poursuite est prévue dans le Code criminel, il y aura des poursuites, parce que c'est dans la nature des gens et dans la nature de l'exercice du pouvoir.

La question réelle que je veux vous poser porte sur toute cette question. Sénateurs, j'aimerais vous dire qu'au moment où le projet de loi C-33, qui modifiait la Loi canadienne sur les droits de la personne, a été étudié, un groupe d'entre nous a plaidé auprès de M. Rock, qui était alors ministre de la Justice, de ne pas utiliser l'expression «orientation sexuelle»; nous voulions plutôt que la loi dise ce qu'elle signifie et qu'elle signifie ce qu'elle dit. Il y avait un choix entre «préférence» et «orientation» sexuelle. Il y avait plusieurs expressions dans l'air à ce moment-là. Je croyais fermement que si l'objectif était de protéger les personnes homosexuelles de la discrimination, la loi devait alors dire «personnes homosexuelles». En d'autres mots, soyez précis. J'ai été élevé en croyant que la législation criminelle devait être aussi claire et aussi concise que possible.

Ma question est la suivante: vous avez des préoccupations et chaque fois que le droit de parole est criminalisé, les citoyens devraient être préoccupés. Ma préoccupation particulière, c'est que s'ils deviennent loi, ces articles seront utilisés contre certaines personnes pour des raisons politiques et pour marquer des points et faire des déclarations du point de vue politique. Pouvez-vous commenter?

Tant M. Robinson que M. David Jones, qui était membre de l'Association de police de Colombie-Britannique, ont témoigné que ce projet de loi n'était pas nécessaire. Je crois que M. Robinson a dit que ce projet de loi était symbolique, ou largement symbolique ou quelque chose du genre. J'ai sa déclaration ici. Lorsque je lui ai demandé directement s'il utiliserait cet article pour intenter des poursuites, M. Jones a répondu non, que ce projet de loi avait pour but la reconnaissance sociale.

Les plus grands défenseurs du projet de loi disent que le Code criminel est déjà suffisamment outillé pour faire face aux crimes qui existent. Je dois donc me demander pourquoi ce nouveau pouvoir criminel est-il créé. Je sais que c'est un peu détourné, mais avez-vous des opinions quelconques sur l'utilisation du Code criminel à des fins de reconnaissance sociale ou à des fins symboliques? Je vois trop de mauvaises poursuites. Je vois trop de mauvaises choses qui surviennent quotidiennement.

M. McVety: Pendant des années, nous avons eu un débat dans notre société sur la question de savoir si les gens peuvent ou non dire que le sexe en dehors du mariage est mal. Nous avons eu un peu de ce débat ici. Les gens civilisés dans une démocratie disent que oui, vous pouvez en débattre. Vous pouvez affirmer et vous pouvez avoir une opinion et je peux avoir une opinion. Nous pouvons tous être libres.

Maintenant, le projet de loi C-250 a été rédigé et mis de l'avant pour un changement social de manière que je ne puisse plus dire ce que j'ai à dire. Je ne peux plus dire que le sexe en dehors du mariage est mal. J'ai un fils de 14 ans; j'ai une fille de six ans. De la façon dont j'interprète ce projet de loi, je ne peux plus dire publiquement que le sexe en dehors du mariage est mal.

C'est intentionnellement que je ne dis pas que cela concerne uniquement l'homosexualité. Le projet de loi parle d'orientation sexuelle, ce qui va bien au-delà de l'homosexualité. Nous avons ici un débat qui fait rage et alors, une main venant d'en haut tranche le débat et le projet de loi est adoptée par la législature d'une main preste. On avait promis de faire des amendements pour assurer la protection religieuse dans les trois domaines du Code. Ils se sont présentés, ont fermé la porte, ont dénoncé les amendements, voté contre ces derniers et ont fait en sorte qu'un seul amendement reste.

Nous avons maintenant une situation dans laquelle l'article 318 est exposé, mais au moins il est protégé, grâce à un certain bon sens, du fait que seul le procureur général peut porter des accusations. Le paragraphe 319(1) ne comporte aucune protection. Je vous demande, à titre de membres du Sénat, d'assurer une protection dans le cas du paragraphe 319(1), à tout le moins, et de faire en sorte que ce soit le procureur général qui porte les accusations — et non pas n'importe qui.

J'ai participé à une ligne ouverte à la radio avec Svend Robinson. Il défendait le mariage entre conjoints de même sexe alors que moi je défendais l'opinion contraire. Nous vivons dans un pays libre. Maintenant il ne veut pas que je puisse défendre l'opinion contraire. Ce sera un crime et cela me bouleverse tout comme cela bouleverse des milliers, voire des millions de Canadiens. Je pense personnellement que le projet de loi en entier est fondamentalement vicié, mais accordez au moins la protection de l'intervention du procureur général.

Je ne crois pas non plus que la protection religieuse s'applique uniquement à l'orientation sexuelle. Évidemment, cela s'applique également maintenant à l'origine ethnique et à la religion. Je pense que ceux qui ont combattu et versé leur sang pour gagner la liberté dans ce pays contre la discrimination — dans le collège où je suis, 80 p. 100 des étudiants appartiennent à des minorités visibles et tous les jours, ils doivent livrer une bataille —, la propagande haineuse et la haine. Je suis d'avis que ce texte religieux ne protège pas les gens d'origine ethnique.

Je pense que toute cette affaire est fondamentalement viciée et je vous demande à vous, membres du Sénat, de corriger les choses. C'est la raison pour laquelle vous êtes ici.

Le sénateur Cools: Vous avez confiné vos observations à des situations comme le sexe en dehors du mariage. Cependant, cette situation va beaucoup plus loin que cela. Il y a beaucoup de personnes grossières et blessantes et des gens qui disent des choses cruelles et qui manquent de sensibilité. Cependant, cela ne veut pas dire que nous devons les jeter en prison. De fait, nous pourrions constater que nous jetons beaucoup de gens en prison.

Ma préoccupation, en plus de ce que vous avez dit, c'est que d'autres personnes, par exemple, des médecins qui parlent des préoccupations de santé publique liées aux activités sexuelles pourraient faire l'objet de poursuites. Des personnes non religieuses qui expriment des opinions morales au sujet de certaines formes d'activités sexuelles pourraient être poursuivies parce que ce dont nous parlons, c'est des mots — de l'usage de la parole.

Dans une cause définie, Keegstra, qui a été entendue par la Cour suprême, la juge McLachlin a donné un jugement dissident et a dit que la haine était un élément subjectif et que l'évaluation de la haine était subjective. Elle a poursuivi avec une série d'énoncés très instructifs sur la question de la haine et du droit de parole et des hésitations et des réserves que nous devrions toujours avoir lorsque nous voulons criminaliser la parole. Je dis cela à l'intention de M. Robinson, parce qu'il a cité le jugement majoritaire. Je lui ai demandé de citer le jugement minoritaire, parce que je pensais que cela établirait un équilibre.

Le président: Sénateur Cools, allez-vous poser votre question rapidement? Vous avez eu un temps considérable pour votre première question et j'ai été très tolérant. M. McVety a eu la bonté de se présenter ici et de nous accorder du temps.

Le sénateur Cools: Je me demandais si M. McVety avait connaissance du nombre de personnes religieuses, ou de personnes qui sont préoccupées par la moralité entourant la sexualité, qui ont été menacées ou qui ont fait l'objet de poursuites par le biais des droits de la personne? Je parle à beaucoup de gens tous les jours. Je peux vous dire qu'il s'agrisse de Scott Brockie à Toronto ou de quel qu'un d'autre, l'heure de la persécution et des poursuites n'est pas loin.

M. McVety: Je dis qu'il y a ici une dichotomie. D'un côté, les articles 318, 319 et 320 visent à protéger les gens de religion; d'un autre côté, on s'en sert pour réduire les gens au silence. Cet ouvrage — presque à chaque page — parle contre un type quelconque de pratique sexuelle. Tout à coup, même le Code criminel pour lequel on a combattu pendant des années pour protéger les gens qui veulent prêcher et enseigner les valeurs religieuses est maintenant utilisé pour bâillonner, menacer et même emprisonner. C'est une question très sérieuse et très inquiétante et les gens ont peur de ce droit partout au pays.

Je ne suis pas sûr d'avoir parfaitement compris la question; est-ce que j'ai vu des données statistiques...

Le sénateur Cools: J'ai rencontré un groupe il n'y a pas si longtemps et ces gens ont été en mesure de citer des cas de personnes dans leur groupe qui étaient des enseignants ou des infirmières — qui ont des occupations différentes — et ces gens ressentent nettement un frisson à l'idée d'exprimer leur opinion.

M. McVety: J'ai eu affaire hier à une de nos diplômées qui enseigne dans le réseau d'écoles publiques et on lui a transmis un document il y a deux semaines affirmant catégoriquement qu'en moyenne, 10 p. 100 de sa classe est homosexuelle, ce qui est un point très discutable. Elle devait donner son enseignement de telle manière que ces élèves se sentent à l'aise dans leur homosexualité en classe. Cela va à l'encontre de son enseignement religieux. Cela va à l'encontre de ce qu'elle envisage pour l'humanité. Avoir du sexe pour n'importe quelle occasion — l'adultère, des partenaires multiples ou quoi que ce soit d'autre — est nuisible, et maintenant, on lui a remis un document affirmant qu'elle doit enseigner cela, et cela pèse sur les Canadiens.

Ce n'est pas une question de liberté. Si Svend Robinson veut enseigner que l'homosexualité est une bonne chose, qu'il le fasse. Je ne demande pas qu'on rédige un article dans le Code criminel pour empêcher cela. Cependant, il demande un article dans le Code criminel pour que je ne puisse plus enseigner que le sexe en dehors du mariage est mal et pour qu'un enseignant, un chef scout ou un leader d'un club de jeunes filles ne puisse plus enseigner cela. C'est pourquoi ce projet de loi est fondamentalement vicié.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, la soi-disant éducation sexuelle que l'on donne partout dans les systèmes scolaires a été largement absente du dialogue et du débat que nous avons ici. Je pense que ces décisions doivent être prises dans le contexte des réalités sociales d'aujourd'hui.

J'aimerais dire, en ce qui concerne un autre dossier sur lequel j'ai travaillé, que chaque jour je vois une mauvaise utilisation du système judiciaire criminel. J'ai vu les processus judiciaires, au civil comme au criminel, être mal utilisés fréquemment, alors j'ai perdu cette innocence. Il y a eu un temps où je pensais qu'il y avait une justice et que tout irait bien, que le système est intègre et que tout avocat est un avocat honnête et que tout juge est un juge compétent, et cetera.

Le président: Sénateur Cools, je vais vous interrompre. M. McVety est ici pour partager ses vues et ses opinions. Si vous voulez partager vos points de vue avec lui, peut-être pourriez-vous le faire après la réunion. Si vous avez une question à lui poser, veuillez le faire pour que l'on puisse continuer notre réunion. Avez-vous une question?

Le sénateur Cools: Je ne pensais pas que je faisais obstacle à la réunion.

Le sénateur Bryden: Cela fait plus de deux heures et demie que nous discutons de cela. Un certain nombre d'entre nous avons d'autres rendez-vous à 19 heures et nous devons nous y rendre, et il est maintenant presque 18 h 45.

Le président: Sénateur Cools, avez-vous une question?

Le sénateur Cools: Je n'avais pas réalisé qu'il y avait une limite de temps à cette réunion. Peut-être, monsieur le président, qu'au début de la réunion nous pourrions essayer de déterminer, pour que tous le sachent, quelle est la limite de temps, parce qu'il y a des fois...

Le président: Le point que je veux faire valoir, ce n'est pas que nous ayons une limite de temps, mais que si vous voulez partager vos points de vue avec le témoin, ce n'est pas ici la tribune pour le faire. Le témoin a donné de son temps généreusement pour être ici et il a participé à un débat rigoureux avec un certain nombre de sénateurs. Pour ce qui est de l'expression de vos vues, nous pouvons faire cela à un autre moment.

Le sénateur Cools: Je pense, monsieur le président, que vous avez constaté que le témoin est très à l'aise avec les questions que je veux poser, et que je n'exprimais aucune hostilité à l'égard de son opinion. Je pense que le témoin est assez à l'aise avec moi.

Mais de toute façon, si les membres du comité désirent mettre fin à la réunion, je ne m'en plaindrai pas.

Le président: Merci, monsieur McVety, pour avoir pris le temps de venir ici.

M. McVety: Je vous remercie de m'avoir permis d'être ici. Nous remettons cette question entre vos mains compétentes et nous avons confiance que vous ferez ce qui est bon pour ce pays. J'aime ce pays et je sais que vous ferez ce qui est bien.

Le président: Sénateur Cools, vous aviez un rappel au Règlement.

Le sénateur Cools: Je croyais que nous allions parler du rappel au Règlement du sénateur Tkachuk. J'ai quelques points que j'aimerais soulever à titre de rappel au Règlement.

Ce rappel au Règlement provient du fait qu'il y a quelques jours, j'ai regardé la diffusion du témoignage que M. Robinson a donné devant nous le 10 mars 2004, Dans ce témoignage, je lui pose la question suivante. Je vais citer en partie la déclaration que j'ai faite:

Je comprends vos inquiétudes, mais l'autre partie du Code traite de la couleur de la peau, de l'origine ethnique, de la race, et cetera. L'orientation sexuelle, d'après ce que j'en sais, n'est pas une caractéristique immuable. Honorables sénateurs, j'ai la peau noire, c'est immuable.

Je poursuis en disant qu'il n'existe aucune preuve qui montre que l'orientation sexuelle est une caractéristique immuable.

Dans sa réponse, M. Robinson dit, et je cite:

D'abord, vous avez dit que votre race était une «caractéristique immuable? — je pense que ce sont vos mots — et que l'orientation sexuelle n'était pas nécessairement une caractéristique immuable, puisque vous pouvez avoir, dans votre vie, des relations avec une femme aussi bien qu'avec un homme, par exemple. Selon vous, c'est fluide.

À ce moment-là, j'ai répondu: «Pas moi, mais certains le peuvent». Cependant, cette réponse n'a pas figuré dans le document diffusé, ce qui m'a amenée à examiner le compte rendu très attentivement.

Je voulais juste dire que je trouve ces remarques inappropriées et déplaisantes. Je voulais simplement soulever cette question comme rappel au Règlement. Je ne sais pas ce que j'ai dit que M. Robinson aurait pu répéter, pour qu'il puisse dire cela.

Le président: Pour que cela puisse constituer un rappel au Règlement, il faut qu'il y ait un manquement au Règlement.

Le sénateur Cools: Il y a des manquements au règlement selon lequel il ne doit pas y avoir de déclarations personnelles insultantes. C'est une règle très courante et bien connue et des excuses seraient faciles, et ce serait bien. Que je sache, dans les échanges qu'il y a entre nous, il ne doit pas y avoir de propos vifs, offensants ou accusateurs; et cela, à mon avis, fait un petit peu — peut-être n'avez-vous pas bien entendu.

Je vais lire encore une fois. Il a dit:

[...] vous avez dit [...] je pense que ce sont vos mots — et que l'orientation sexuelle n'était pas nécessairement une caractéristique immuable, puisque vous pouvez avoir, dans votre vie, des relations avec une femme aussi bien qu'avec un homme, par exemple. Selon vous, c'est fluide.

Je n'ai jamais rien dit de tel. Je trouve que c'est extrêmement déplaisant et inutile.

Je pense que ces propos sont déplacés et inappropriés. Je ne ferais jamais une déclaration comme celle-là. Je peux soulever cette question une autre fois si vous le voulez, si le temps est important.

Le président: Si vous le désirez, sénateur Cools, je vais examiner le compte rendu. Si vous voulez que j'en parle à M. Robinson, et si c'est approprié, je vais faire rapport au comité et ce dernier m'indiquera si on doit, oui ou non, exiger des excuses de M. Robinson. Est-ce que le comité est d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Je n'ai jamais rien dit de tel et j'ai du mal à accepter cela. Si j'avais dit quoi que ce soit qui ressemble à cela à M. Robinson, il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'il serait monté aux barricades.

Et j'ai une autre histoire. Une annonce a été publiée dans les journaux il y a quelques jours, parrainée par le mouvement REAL Women, et la publicité a paru dans le National Post du 17 mars 2004. C'était une publicité contre le projet de loi C-250. J'ai reçu le vendredi 19 mars un appel téléphonique d'une journaliste du Ottawa Citizen, Janice Tibbetts, disant que Svend Robinson lui avait dit que c'est moi qui avais payé cette publicité et elle me demandait de confirmer. J'ai été choquée et surprise. Je lui ai dit: «Évidemment non. Je n'ai jamais payé une telle publicité». Je voulais soulever cette question.

Le président: Est-ce une question qui intéresse le comité?

Le sénateur Joyal: Cela ne regarde pas le comité.

Le sénateur Cools: Il s'agit du projet de loi C-250.

Le sénateur Joyal: Je n'ai pas d'objection pour ce qui est de s'assurer que la transcription des délibérations du comité soit corrigée pour refléter clairement les paroles que le sénateur Cools a prononcées, dans toute sa dignité de sénateur, de manière que le compte rendu indique le fait qu'elle n'a pas dit cela. Cela survient durant les délibérations des comités.

Cependant, à mon avis, ce qui survient entre un sénateur et une tierce partie à l'extérieur d'une réunion du comité ne regarde pas ce dernier.

Le sénateur Cools: Cela regarde le comité. Ce n'est pas une question de privilège. Cela porte sur une question que nous étudions en ce moment. Cela relève parfaitement bien de la compétence du comité.

Et j'en ai une troisième chose qui concerne définitivement le comité.

Le président: Traitons d'abord de la deuxième. Je suis d'avis que le fait que le numéro du projet de loi ait été mentionné n'a rien à voir avec votre second point concernant les délibérations ou les audiences du comité.

Le sénateur Cools: La publicité concernait le comité du Sénat et invitait les gens à se présenter devant le Sénat.

Le président: La question que vous soulevez est quelque chose qui a été dit en ce qui concerne le fait que vous ayez payé ou non la publicité.

Le sénateur Cools: On m'a posé la question pour vérifier, parce que M. Robinson aurait apparemment dit à la journaliste que c'était le cas.

Le troisième point que je veux soulever est une déclaration tirée d'un site Web, le 16 mars 2004. La page s'appelle The Dominion Daily Weblog, et on y titrait: «L'obstruction pratiquée par le Sénat menace la législation concernant les crimes motivés par la haine?» et cela vient de Svend Robinson. Je cite le troisième paragraphe:

Le projet de loi qui inclut «l'orientation sexuelle» dans les articles sur la propagande haineuse du Code criminel est en danger de disparaître à cause d'une obstruction pratiquée par des sénateurs non élus dirigés par la libérale Anne Cools.

Honorables sénateurs, le présent comité ne fait pas du tout d'obstruction dans le cas de ce projet de loi. Il n'y pas d'obstruction au sein de ce comité. Je peux vous assurer que je ne suis pas à la tête d'un mouvement visant à faire de l'obstruction dans le présent comité.

L'article indique que le projet de loi est bloqué au Sénat, et cetera. Je voulais dire cela et le rendre public. Vous pouvez décider comme vous le voulez. Cela n'a pas d'importance pour moi. Je ne pense pas qu'il y ait d'obstruction qui se déroule en ce moment et je ne dirige pas un mouvement d'obstruction dans le présent comité.

Le président: Encore une fois, sénateur Cools, ce n'est pas une question qui concerne les délibérations ou quoi que ce soit qui est survenu ici au cours des audiences du comité. C'est une question que vous pouvez soulever en Chambre si vous désirez ou une question que vous pouvez soulever devant les médias.

Le sénateur Cools: C'est une lettre de Svend Robinson.

Le président: Elle n'est pas adressée au comité ou elle n'est pas lue pour les fins du compte rendu.

Le sénateur Cools: Cela n'a pas d'importance. Il s'agit du projet de loi C-250 que le comité étudie à l'heure actuelle. Vous dites de soulever la question devant la Chambre. Il n'est pas possible de le faire à titre de rappel au Règlement devant la Chambre parce que le projet de loi est ici. Une caractéristique du cheminement des projets de loi, c'est que le projet de loi chemine comme une entité physique. Le projet de loi est ici maintenant de sorte qu'il n'y a aucune possibilité de soulever la question devant la Chambre.

Le président: Puis-je avoir l'aide de mes collègues ici? Est-ce que quelqu'un estime qu'il s'agit d'un rappel au Règlement? Suis-je le seul à penser que ce n'est pas le cas?

Le sénateur Andreychuk: Il s'agit d'une poursuite judiciaire si quelqu'un a fait l'objet d'une diffamation. J'espère certainement que M. Robinson réagira à un moment donné, s'il a dit que nous faisions de l'obstruction ici. La seule chose qui me pose des difficultés, c'est de m'occuper de tous les projets de loi qui viennent ici et dans d'autres comités. Il n'y a pas suffisamment de sénateurs de l'opposition. Je n'ai pas suivi ce projet de loi d'aussi près que certains autres, parce que je suis le porte-parole officiel de l'opposition dans le cas d'autres projets de loi. S'il a fait ces déclarations, elles sont inappropriées. Toutefois, s'il les a portées de manière particulière contre les sénateurs, alors, il est question de diffamation.

Le sénateur Joyal: À l'heure actuelle, la déclaration alléguée que M. Robinson a publiée n'est pas quelque chose qui a été dit dans le cadre des travaux de ce comité, durant le témoignage de M. Robinson. C'est quelque chose qu'il a publié à l'extérieur. Eh bien, n'importe quelle tierce partie peut publier quelque chose au sujet de ce que nous faisons, ou de ce que nous pensons individuellement.

Cependant, si nous estimons que nos droits à titre de sénateurs sont violés, il y a d'autres recours, outre celui que le comité peut s'offrir, comme nous le faisons en ce moment. C'est mon humble avis.

J'ai vu dans le passé des cas où des témoins ont eu la conviction, une fois que le projet de loi a été adopté, que leur point de vue n'avait pas été pris en compte; ces personnes ont dit des choses sur la façon dont elles avaient été traitées, et cetera. Cela arrive tout le temps; il s'agit d'un débat public. Si la réputation de quelqu'un est attaquée directement et si on empêche un sénateur de faire son travail à cause de cela, alors évidemment, il y a un lien direct avec le statut de l'institution. Pour ce qui est des divergences d'opinion concernant le travail du Sénat, nous en entendons parler et nous en lisons tous les jours dans les journaux.

Le sénateur Beaudoin: À mon avis, il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement. Je suis généralement d'accord avec le fait qu'il pourrait y avoir quelque chose de diffamatoire ou quelque chose du genre. Cependant, ce n'est pas lié directement à un rappel au Règlement. Pour les raisons exprimées par le sénateur Joyal et le sénateur Andreychuk, je suis d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.

Le président: Chers collègues, pouvons-nous, s'il vous plaît, continuer à huis clos pendant quelques minutes?

La séance se poursuit à huis clos.


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