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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 9 - Témoignages du 12 mai 2004


OTTAWA, le me^rcredi 12 mai 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 15 h 41 pour étudier le projet de loi C-15, Loi de mise en oeuvre des traités ou des ententes administratives sur le transfèrement international des personnes reconnues coupables d'infractions criminelles.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, après notre étude du projet de loi C-15, la réunion se continuera brièvement à huis clos pour discuter des travaux futurs du comité.

Veuillez vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à nos témoins aujourd'hui, Mme Mary Campbell et M. Normand Payette, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, et M. Michel Laprade, du ministère de la Justice.

Je crois savoir que les témoins ont un exposé. Ce dernier sera suivi des questions des sénateurs. Madame Campbell, veuillez commencer.

Mme Mary Campbell, directrice générale intérimaire, Affaires correctionnelles et de la justice pénale, Sécurité de la population et partenariats, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile: C'est un plaisir de comparaître une nouvelle fois devant le comité. Je vais parler de deux questions et je vais ensuite passer le micro à M. Payette.

Je demande l'indulgence du président pour souligner le décès de mon prédécesseur, M. Richard Zubrycki, décédé le 5 mai 2004. M. Zubrycki a travaillé sur le projet de loi C-15 et sur le projet de loi sur le registre des délinquants sexuels. Il se considérait privilégié et honoré d'avoir comparu devant le présent comité à de nombreuses reprises au cours des vingt dernières années. Lorsque le sénateur Kelleher a été nommé solliciteur général du Canada, il a comparu devant le Sénat, siégeant à titre de comité plénier, dans les toutes premières heures de sa nomination, et M. Zubrycki a été honoré et enchanté de comparaître comme témoin sur le parquet du Sénat pour apporter son aide dans l'étude de ce projet de loi.

Il s'agissait d'un fonctionnaire dévoué, honorable et merveilleux, et le système de justice criminelle le regrettera profondément.

Le président: Avant que vous ne commenciez, au nom du comité, j'aimerais offrir nos plus sincères condoléances aux collègues et à la famille. Merci d'avoir porté cette information à notre attention.

Mme Campbell: Sa famille est très touchée par les témoignages de sympathie qu'elle a reçus.

La Loi sur le transfèrement des délinquants a été adoptée en 1978 et n'a pas fait l'objet de beaucoup de modifications depuis. Il s'agit d'une loi importante et, en résumé, elle a grand besoin d'être mise à jour pour la rendre conforme aux réalités modernes et pour s'assurer qu'elle répond aux besoins du Canada et des autres pays au cours du nouveau siècle.

L'objet de la loi est essentiellement humanitaire. Elle permet à des Canadiens détenus à l'étranger de purger leur peine au Canada et, inversement, à des ressortissants étrangers de retourner dans leur pays d'origine.

Bien que l'objet soit humanitaire, le but ultime est la sécurité du public. Tous les pays reconnaissent qu'il est de loin préférable de retourner les citoyens dans leur propre pays alors qu'ils doivent toujours purger leur sentence et qu'ils font encore l'objet d'une supervision, plutôt que de les voir être libérés et déportés à la fin de leur peine sans faire l'objet d'un contrôle quelconque.

Les propositions concernant le projet de loi se répartissent dans trois catégories. Premièrement, il y a les propositions qui reflètent les principes de traité traditionnels. Au cours des 20 dernières années, les traités ont pris de l'avance sur la loi et nous avons besoin de mettre la loi à jour. Deuxièmement, il y a des propositions qui visent à combler les lacunes cernées dans la loi et qui assurent l'uniformité avec d'autres dispositions législatives. Troisièmement, il y a des propositions qui visent à accroître l'efficience de l'administration du régime de transfèrement.

Ceci dit, monsieur le président, je vais passer le micro à M. Normand Payette pour qu'il fasse quelques observations et ensuite, nous serons heureux de répondre aux questions du comité.

M. Normand Payette, directeur intérimaire, Division des politiques correctionnelles, Affaires correctionnelles et de justice pénale, Sécurité de la population et partenariats, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile: Je vais donner une brève description des principaux éléments des propositions appartenant à chacune des catégories.

En ce qui concerne les propositions qui reflètent les principes de traité traditionnels, la loi comprendrait ou refléterait les principes comme la double incrimination, l'obligation de ne pas aggraver le peine, le maintien de l'application des peines imposées et, également, l'adaptation. Ces principes sont reconnus et appliqués dans les traités et seront reflétés dans les dispositions législatives.

Le projet de loi contient également des dispositions qui ajouteront un énoncé d'objet à la loi pour s'assurer que sont précisés l'objectif humanitaire de la loi et son objet lié à la protection du public.

Il y a également une exigence en matière de communication de renseignements précisant qu'une personne désignée par le ministre ou un responsable de l'administration des prisons est tenu d'informer un délinquant étranger de l'existence et du contenu d'un traité entre le Canada et le pays d'origine du délinquant.

Il y a également un certain nombre de dispositions qui encadrent le consentement du délinquant. Par exemple, un délinquant de nationalité étrangère au Canada pourrait revenir sur son consentement tant que le transfèrement n'a pas effectivement eu lieu.

En ce qui concerne les propositions qui visent à combler les lacunes cernées et à assurer l'uniformité avec d'autres dispositions législatives, il y a, en premier lieu, des dispositions prévoyant le transfèrement au Canada d'adolescents en probation, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, ainsi que d'enfants âgés de moins de 12 ans et de personnes atteintes de troubles mentaux. La loi indiquerait clairement que le consentement explicite des provinces est nécessaire au transfèrement de délinquants qui sont en libération conditionnelles de ressort provincial, qui bénéficient d'une permission de sortir de ressort provincial, qui bénéficient d'une condamnation avec sursis, qui sont en probation ou qui font l'objet d'une peine discontinue.

La loi comprendrait également des dispositions pour éclaircir les règles de calcul des peines et aligneraient la loi sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Vous avez également des dispositions qui veilleraient à ce que le Canada agisse comme il se doit lorsqu'un État étranger l'informe qu'il a pris des mesures d'ordre humanitaire relativement à la condamnation ou à la peine d'un délinquant. Par exemple, si un État étranger décidait d'annuler la condamnation ou d'accorder un pardon, les autorités canadiennes seraient alors tenues de respecter la décision de l'autorité étrangère et de libérer le délinquant.

Enfin, il y a des propositions visant à améliorer l'efficience. Il s'agit probablement là d'un des éléments les plus importants du projet de loi. Ces dispositions permettent au Canada de conclure des ententes administratives avec des États avec lesquels le Canada n'a pas de traité en vigueur. Parfois, la négociation des traités est un processus long qui s'échelonne sur plusieurs années. Grâce à cette disposition, le Canada sera en mesure de négocier une entente administrative sur le transfèrement d'un délinquant s'il y a des raisons importantes de le faire.

Les dispositions permettront également au Canada de négocier une entente avec des pays ou des régions qui ne sont pas reconnus comme des États, comme Hong Kong, Macao ou Taïwan. Encore une fois, il s'agit de réaliser l'objectif humanitaire de la loi. Elle permettrait au Canada de négocier le transfèrement des délinquants au Canada.

Le président: Ma première préoccupation concerne le fait que les victimes n'ont pas un mot à dire en ce qui a trait au transfèrement. Comme vous le savez, la déclaration de la victime peut être prise en considération dans le prononcé de la sentence. Je ne vois aucune application de ce principe en ce qui concerne le transfèrement. Ma seconde préoccupation, c'est qu'arrive-t-il dans les cas de double citoyenneté.

M. Payette: Pour ce qui est du premier point, celui qui concerne la déclaration des victimes, en moyenne, 85 Canadiens sont ramenés au Canada chaque année et environ deux délinquants étrangers sont retournés dans leur pays d'origine chaque année. En ce qui concerne les délinquants canadiens à l'étranger, lorsqu'on parle du droit d'intervention des victimes, ce sont les lois locales qui déterminent dans quelle mesure les victimes ont un mot à dire. Peut-être qu'elles ont effectivement un mot à dire.

En ce qui concerne les délinquants étrangers ici au Canada, comme je l'ai souligné, les victimes peuvent faire une déclaration devant la cour et elles peuvent également le faire si le délinquant doit comparaître devant la Commission nationale des libérations conditionnelles. Outre ces cas, comme je l'ai dit, il n'y a rien dans la loi qui permette aux victimes d'avoir un mot à dire.

Actuellement au Canada, les victimes n'ont rien à dire dans le transfèrement d'un délinquant d'une région à l'autre ou d'un pays à l'autre. Cela n'est pas prévu dans les politiques. Il ne s'agit pas d'un droit. Cependant, en vertu de l'article 26 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, nous essayons de fournir autant de renseignements que nous pouvons le faire aux victimes.

Le président: Cela pourrait être plus important dans le cas d'un transfèrement à l'extérieur du pays, plutôt qu'inversement, vers le Canada.

M. Payette: Comme je l'ai dit, au départ, le nombre est si petit, deux par année. De plus, un bon nombre de victimes ne veulent plus être contactées une fois que le processus est terminé. Il s'agit d'une situation des plus délicates; alors, les victimes doivent manifester ou exprimer un intérêt pour obtenir de l'information sur le délinquant.

D'un point de vue administratif, en vertu de l'article 26 de la loi, nous les prévenons si un transfèrement a lieu et nous leur donnons l'emplacement du pénitencier. Nous pouvons faire cela.

En ce qui concerne la déclaration des victimes, si ces dernières veulent prendre la parole devant la cour ou dans des audiences de la Commission des délibérations conditionnelles, les autorités peuvent prendre cette déclaration en considération, mais en ce qui concerne le transfèrement comme tel, rien n'est prévu dans la législation.

Le président: À la lecture du présent projet de loi, ce qui arrive lorsqu'une personne possède la double citoyenneté ne me semble pas très clair.

M. Payette: Prenons l'exemple d'un Canadien qui possède la double citoyenneté américaine et canadienne et qui est incarcéré aux États-Unis. Il possède effectivement un droit inhérent à revenir au Canada en vertu de la Charte; alors, il n'a pas besoin de faire une demande de transfèrement. Peut-être que M. Laprade a rencontré un exemple concret.

M. Michel Laprade, avocat-conseil, Services juridiques du Service correctionnel du Canada, ministère de la Justice: Le Canada reconnaît la citoyenneté des personnes qui ont plus d'une citoyenneté. Certains pays ne le font pas. Cela peut, dans certains pays étrangers, créer certaines difficultés. Cependant, une personne qui est incarcérée aux États-Unis et qui possède la double citoyenneté canadienne et américaine pourrait faire l'objet d'un transfèrement au Canada.

Cependant, vous devez prendre en considération que le projet de loi précise certains facteurs dont le ministre peut tenir compte lorsqu'un délinquant canadien demande à être transféré au Canada. Un de ces facteurs, c'est de savoir si oui ou non le délinquant a quitté le pays avec l'intention de ne plus jamais revenir. Il y a des cas où un délinquant qui a quitté le Canada il y a 30 ou 40 ans, à l'âge de deux ans, demande un transfèrement au Canada. Cette demande aurait été traitée au Canada, mais nous aurions à présenter au ministre de l'information sur les liens que cette personne a gardés avec le Canada, comme ses liens familiaux et sociaux, et à déterminer si elle a quitté le Canada avec l'intention de ne plus revenir. Le temps que la personne a passé à l'extérieur du Canada est un facteur pertinent dont le ministre peut tenir compte pour déterminer si le délinquant a quitté le Canada avec l'intention de ne plus revenir.

Dans les cas où une personne possédant la double citoyenneté a quitté le Canada pendant de nombreuses années, le ministre doit tenir compte de ce facteur.

[Français]

Le sénateur Nolin: Ma question concerne les victimes. Vous êtes familier avec les mesures du Code criminel qui, régulièrement, sont amendées pour s'assurer que l'on protège et maintien ces droits. Lorsque, dans vos remarques introductives, vous parlez d'un pardon étranger et que le Canada se rendrait à cette décision extraterritoriale, que faisons-nous alors des victimes canadiennes face à un criminel qui a commis son infraction au Canada et que l'autorité canadienne reconnaît une décision étrangère sur le pardon? Qu'est-ce qu'on dit à la victime canadienne?

M. Payette: Si le délinquant est condamné au Canada et que la peine est prononcée par le tribunal canadien, c'est alors au Canada de décider si oui ou non il veut accorder une réhabilitation ou un pardon.

Par contre, ce à quoi vous faites allusion, si c'est un Canadien condamné à l'étranger, mettons dans l'État de New York ...

Le sénateur Nolin: Ma question vise vraiment la victime canadienne, un étranger qui commet une infraction au Canada, où la victime est canadienne et qu'il y a une demande de transfèrement. On transfère le prisonnier, qui a commis l'infraction, et tout le processus est terminé au Canada, la personne purge sa sentence.

Si je comprends bien, la personne va pouvoir continuer sa sentence dans son pays d'origine, n'est-ce pas?

M. Payette: Oui.

Le sénateur Nolin: Est-ce que son pays d'origine peut pardonner la personne?

M. Payette: Non, pas à l'égard de la peine.

Le sénateur Nolin: J'ai alors mal compris vos remarques. J'avais l'impression que le Canada allait reconnaître un pardon accordé par le pays d'origine.

M. Payette: Lorsqu'une peine étrangère est purgée au Canada, un des principes de base est que nous essayons de respecter, dans la mesure du possible, la peine et l'intention derrière la peine qui a été imposée à l'étranger. Le Canada ne peut pas accorder un pardon à une peine étrangère, qui est purgée ici et inversement.

Le sénateur Nolin: Excusez-moi, j'ai mal compris.

Le sénateur Rivest: Combien y a-t-il de Canadiens qui purgent des peines à l'étranger?

M. Payette: Environ 3 000 Canadiens.

Le sénateur Rivest: Vous avez dit que dans la dernière année, c'était 85 personnes?

M. Payette: En moyenne, oui.

Le sénateur Rivest: J'imagine que la plupart des Canadiens voudraient bien continuer de purger leur peine au Canada?

M. Payette: Pas nécessairement.

Le sénateur Rivest: Je sais qu'il peut y avoir plusieurs raisons pour faire une demande. Avez-vous beaucoup de demandes de la part des détenus?

M. Payette: Je n'ai pas les chiffres comme tels.

Le sénateur Rivest: Je ne veux pas un ordre de grandeur.

M. Payette: Environ 3 000 à l'étranger, dont 2 700 sont admissibles à un transfèrement, c'est-à-dire qu'ils se trouvent dans un pays dans lequel nous avons soit un traité bilatéral ou une convention de pays signataire.

Le sénateur Rivest: Je sais qu'il y a des dispositions pour les jeunes dans le projet de loi selon l'âge. J'imagine que le gouvernement porte une attention particulière aux jeunes détenus à l'étranger?

M. Payette: J'ai demandé à l'unité responsable de transfèrement et ils ont fait des demandes auprès du ministère des Affaires extérieures. À l'heure actuelle, 17 jeunes contrevenants sont incarcérés à l'étranger, dont neuf ont toujours entre 12 et 18 ans et huit, qui ont maintenant plus de 18 ans. À l'époque, les 17, lorsqu'ils ont été condamnés, avaient entre 12 et 18 ans.

Le sénateur Rivest: Et un jeune qui a été condamné à 12 ans à l'étranger, en vertu des lois du pays, lorsqu'il revient au Canada, il bénéficie, j'imagine, des lois canadiennes qui peuvent être beaucoup plus libérales et humanitaires à l'égard d'un jeune contrevenant?

M. Payette: Oui, en vertu du système de justice pénale pour les adolescents.

Le sénateur Rivest: Comment se fait-il que l'on voie, de temps à autres, dans les journaux, des familles qui sont obligées de faire des campagnes de publicité et d'alerter les médias lorsqu'un membre de leur famille est incarcéré? Est- ce à dire que les familles en cause — évidemment, cela est très complexe au point de vue administratif — comment se fait-il que cela paraît dans les journaux?

M. Payette: Il y a plusieurs raisons. Au départ, il faut que trois parties y consentent, soit l'État expéditeur, le Canada et le délinquant. Lorsque je parlais de souveraineté tantôt, concernant le respect des peines imposées par les pays étrangers, parfois il y a des États qui veulent dicter les conditions si le délinquant est transféré au Canada. Ils veulent avoir leur mot à dire.

L'État étranger veut avoir son mot à dire au niveau de la sécurité du pénitencier dans lequel le délinquant est incarcéré. Ils veulent avoir leur mot à dire quant à la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. C'est la loi qui prévaut, mais ils veulent quand même avoir leur mot à dire.

Le sénateur Rivest: Cela dépend des pays?

M. Payette: Oui.

Le sénateur Rivest: Pour ce qui est des États-Unis, le Canada est-il satisfait?

M. Payette: Cela dépend de l'État. Il y a plusieurs États qui commencent à se ranger à notre approche. Il y a quelques États qui ne l'acceptent pas, alors nous essayons de leur expliquer: «Écoutez, si vraiment vous voulez mettre l'accent sur la rétribution, si vous le transférez, on peut administrer la peine jusqu'à l'expiration». Normalement, l'individu sera libéré, au deux tiers de sa peine, il sera déporté, et il va nous arriver sans plus. Alors, on essaie de leur expliquer que l'individu va purger toute sa peine et, sous notre surveillance, s'ils sont d'accord. Des fois, ils se rangent à notre argument.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Je vois différents problèmes dans les diverses étapes du processus, que je vais tenter d'expliquer. Lorsqu'un Canadien est incarcéré dans un pays étranger, il n'abandonne pas ses droits vis-à-vis le Canada. Dans un sens, le Canada demeure responsable d'assurer la dignité et l'intégrité physique de cette personne.

À l'heure actuelle, le secteur des droits de la personne est en pleine évolution. Les décisions de la Cour suprême concernant la situation des Canadiens à l'étranger — l'extraterritorialité des droits des Canadiens lorsqu'ils sont à l'étranger — évoluent. Le Canada a signé des conventions internationales touchant différentes questions, mais la ligne qui démarque l'exercice de la souveraineté canadienne reste à être définie par l'opinion.

Lorsqu'un citoyen canadien est incarcéré dans un pays étranger, il communique avec un représentant canadien et demande un transfèrement au Canada. Le gouvernement canadien a la responsabilité de s'assurer que les droits de cette personne en vertu des articles 8 et 12 de la Charte sont respectés. Les causes entendues par la Cour suprême ont reconnu ce fait. C'est un domaine en évolution. Il n'est pas encore clair et bien défini, mais il existe néanmoins.

Vous avez laissé entendre qu'il peut y avoir un conflit de souveraineté parce que le pays qui détient un citoyen canadien pour un délit veut s'assurer que le Canada applique une sentence ou une peine de prison en respectant certaines conditions. Il se pourrait que le pays étranger a imposé certaines conditions que nous ne reconnaissons pas. Certaines conditions d'emprisonnement que l'on retrouve à l'étranger pourraient être jugées cruelles au Canada. Cela a soulevé des questions au sujet du rôle du gouvernement canadien concernant ses citoyens et l'applicabilité de peines à l'étranger qui seraient inacceptables au Canada. Un citoyen canadien qui pourrait faire l'objet d'une telle négociation pourrait se tourner vers la Charte canadienne des droits et libertés. C'est mon premier point.

Mme Campbell: Et c'est un point extrêmement important. Je veux clarifier la situation d'un Canadien incarcéré à l'étranger; comme l'a mentionné M. Payette, le ministre examinerait la nature des contacts ou des liens permanents de cette personne avec le Canada. La situation qui est envisagée supposerait un jeu de circonstances rares et extraordinaires. Ce serait le genre de cas où une personne a quitté le Canada en très bas âge, n'a pas eu de contacts continus avec le Canada et, à l'âge de 30 ou 40 ans, se retrouve incarcérée à l'étranger. Même lorsque le lien de la personne avec le pays de première citoyenneté est aussi mince, on examinerait certainement les autres facteurs, y compris les conditions d'incarcération à l'étranger. Je ne veux pas laisser l'impression que, parce qu'il y a une disposition exceptionnelle, la citoyenneté canadienne de la personne aurait moins de valeur. Il ne s'agirait que d'un facteur parmi d'autres.

Les responsables essaient de négocier les traités à l'avance, avant qu'il y ait un cas fortement médiatisé. Vous vous souvenez peut-être d'un cas difficile il y quelques années, Spencer et Lamont. Il est devenu difficile de négocier un traité au beau milieu d'une affaire qui soulevait la controverse et les passions dans un autre pays. Ainsi, nous tentons constamment de chercher des occasions pour négocier des traités avant que nous ayons à traiter en même temps d'autres questions politiques.

M. Payette: Sur la question des États étrangers qui essaient parfois d'imposer des conditions ou qui essaient de s'assurer qu'ils ont leur mot à dire sur la façon dont la peine est purgée ou sur le type d'emprisonnement, nous essayons, dans de nombreux cas, d'expliquer les conditions dans lesquelles la peine sera purgée, pour essayer de convaincre. Je sais que les responsables consulaires des affaires étrangères font l'impossible pour rencontrer les autorités des services correctionnels étrangers pour expliquer exactement comment la sentence sera administrée, comment les dates d'admissibilité seront appliquées, que l'admissibilité n'est pas une garantie de libération automatique ainsi que toutes les mesures de sécurité qui sont en place.

Ils essaient de faire valoir l'argument sur la période de temps pendant laquelle la personne fera l'objet d'une supervision, s'il devait y avoir transfèrement, par opposition au fait de déporter la personne après qu'elle a fini de purger sa peine, ce qui, dans de nombreux cas, est inévitable. Nous reconnaissons l'importance de ce que vous dites en ce qui concerne les conditions d'incarcération souvent dures et difficiles à l'étranger, par rapport à l'application d'un certain nombre des droits prévus par la Charte.

L'inverse est également vraie. Il y a une disposition générale voulant que les délinquants aient droit aux conditions d'incarcération les moins restrictives, un principe qui s'appliquerait à la population générale. Un délinquant peut revenir au Canada et se faire dire qu'il sera détenu dans une prison à sécurité maximale, même si son profil correspond à celui d'un délinquant qui doit être détenu dans une prison à sécurité minimale ou moyenne. Cependant, il se peut que l'une des conditions du transfèrement du pays où le délit a été commis soit que le délinquant soit incarcéré dans un établissement de sécurité plus faible. Cependant, nous ne pouvons pas faire cela maintenant. Le délinquant aurait probablement alors une justification pour invoquer la Charte.

Nous tentons constamment d'équilibrer ces questions. Nos diplomates font beaucoup de travail avec les responsables des services correctionnels étrangers à cet égard.

M. Laprade: Je dois ajouter qu'il ne s'agit pas d'une négociation de l'administration de la sentence au Canada. Lorsqu'un pays impose une sentence à un Canadien, si une demande de transfèrement est présentée, nous devons d'abord déterminer si la conduite de la personne constituerait un délit en vertu de la Loi canadienne et le type de peine qu'elle entraînerait. C'est tout ce que nous pouvons administrer au Canada. Un pays ne pourrait pas imposer une sentence qui dépasse la sentence maximale imposée pour ce même délit au Canada. Dans le traité que nous avons à l'heure actuelle, et ce que nous proposons fondamentalement de codifier dans le projet de loi, c'est l'adaptation de la sentence à nos lois. Le projet de loi le fait dans le cas des jeunes criminels, et nous le faisons également avec les peines applicables aux adultes.

Il n'est pas question de négocier la manière dont nous allons administrer la peine. En fait, c'est plutôt une question d'éducation, d'essayer d'expliquer comment nous administrons une peine, en conservant la personne sous garde et sous surveillance jusqu'à la date d'expiration de la peine. Si une adaptation est nécessaire, nous devons aviser le pays à l'avance et les autorités de ce pays doivent décider si elles acceptent notre manière d'administrer une peine qui est différente de la leur.

On peut en dire autant des délinquants étrangers qui sont transférés dans d'autres pays. Certains pays ont un processus de conversion des peines. Ils n'utilisent pas le processus canadien d'application continue. Ils retournent devant un tribunal et convertissent la peine en conformité avec leurs propres lois. En conséquence de cette conversion, la peine imposée par les autorités canadiennes pourrait être différente au bout du compte dans le pays étranger. Nous n'exerçons pas de pression sur les autorités du pays étranger pour qu'il change ou s'adapte à nos propres normes.

[Français]

Le sénateur Nolin: Dans le sommaire du projet de loi, vous nous dites qu'il s'agit de remplacer la loi de 1978. Pouvez- vous m'expliquer ce qu'il n'y avait pas dans cette loi et qu'il y aura dans la nouvelle qui vous permettra d'agir avec plus de latitude?

M. Payette: Aux termes de la loi actuelle, l'élément clé, c'est vraiment la possibilité de négocier une entente administrative pour le rapatriement des délinquants qui sont incarcérés dans des entités.

Le sénateur Nolin: Pour mon bénéfice, qu'est-ce que vous entendez par une entente administrative? Est-ce une entente à l'écart?

M. Payette: L'entente administrative aurait essentiellement les mêmes éléments qu'un traité sauf que cela ne serait pas une entente permanente. La grande différence entre un traité et l'entente administrative, c'est vraiment quelque chose que l'on peut négocier.

Le sénateur Nolin: Ponctuellement?

M. Payette: Exactement. Les Affaires extérieures nous ont fait savoir que le Canada, essentiellement, ne négocie pas des ententes de nature contractuelle à long terme avec des entités qui ne sont pas reconnues comme étant des États. Par exemple, il y a la Chine. Pour ce qui est de Taiwan, bien que nous ayons des relations culturelles et des échanges commerciaux, ce n'est pas une entité avec laquelle ils accepteraient de conclure un traité. Cependant, nous pourrions quand même passer une entente administrative ponctuelle.

Le sénateur Nolin: Le traité de 1978 nous permet de faire cela?

M. Payette: Non. C'est seulement les traités et les conventions multilatérales.

Le sénateur Nolin: À ce moment, une entente administrative, est-ce que c'est un peu en marge du traité qu'on a signé?

M. Payette: C'est vraiment une entente qui renfermerait les clauses d'un traité sauf que ce n'est pas vraiment une entente qui aurait besoin d'un décret, qui ne serait pas entérinée par le gouvernement, par voie de décret. C'est vraiment quelque chose qui pourrait être négociée avec un représentant autorisé, par exemple de Hong Kong. Hong Kong est une région administrative spéciale et la personne qui est habilitée à signer une entente, selon le terme anglais c'est, je pense, «legal advisor». Cette personne est habilitée à négocier une entente avec nous pour le transfèrement de délinquants. Nous pourrions passer en revue les dispositions et ensuite signer l'entente du transfèrement du nombre de délinquants qui se trouvent actuellement dans leurs établissements.

Le sénateur Nolin: Vous nous expliquez une situation fort pratique, mais est-ce qu'on ne met pas en place une procédure qui permet au Canada de passer à côté du traité et de dire que cela va aller mieux, que ce sera beaucoup plus efficace si je fonctionne par entente administrative.

M. Payette: Tout à fait possible. Parfois, il y a des États qui ne veulent pas de traité avec le Canada ou qui ne veulent pas devenir signataires d'une convention multilatérale. Je peux vous donner un exemple. Il y a des pays qui n'ont pas la capacité d'accueillir les leurs qui sont à l'étranger. Ils n'ont pas les moyens, d'où la raison pour laquelle ils ne peuvent pas ou ne veulent pas. On choisit le verbe qu'on veut. Sait-on jamais, on peut passer des années à négocier avec un autre pays, puis comme je l'ai dit, ils peuvent avoir des raisons pressantes pour vouloir rapatrier les nôtres. Nous pouvons recourir à une entente.

M. Laprade: Une entente administrative ne pourrait pas s'appliquer à un pays avec lequel on a déjà un traité à moins que ce soit à des fins spécifiques qu'on a prévu au projet, c'est-à-dire les cas de personnes qui ont été déclarées non coupables ou inaptes à subir leur procès. Cette catégorie va pouvoir être couverte par des ententes ad hoc pour des individus particuliers. Lorsque le traité ne couvre pas des cas de transfèrement de cette nature, le Canada pourrait avoir une entente administrative avec un autre État, même avec lequel on a déjà un traité mais qui ne couvre pas cet aspect.

M. Payette: Pour ce qui est des personnes qui ont été déclarées non coupables pour raison de désordre mental, ces personnes n'ont pas été condamnées et les inaptes également.

Le sénateur Nolin: Je vais attendre au deuxième tour pour revenir sur la notion de consentement.

Le sénateur Joyal: Dans le cas des États-Unis, il y a un seul traité qui couvre tous les États américains, qui lie les États américains individuellement ou si d'un État à l'autre, il y a une diversité, je dirais de refus ou de conditions par rapport au transfèrement.

M. Laprade: Avec les États-Unis, le Canada a un traité bilatéral. Je n'entrerai pas dans le détail des conventions multilatérales parce que ce n'est pas vraiment pertinent. Le traité bilatéral qu'on a avec les États-Unis, c'est avec le pays. Aux États-Unis, chaque État a la capacité de se joindre au traité américain bilatéral sur le transfèrement. Il y a eu 48 ou 50 États qui ont ratifié le traité.

M. Payette: Ils ont mis en place des procédures pour mettre en œuvre le traité. C'est une façon pour eux de reconnaître l'existence et de le ratifier en adoptant une loi qui permet la mise en œuvre.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: C'est une question fort intéressante. Le projet de loi soulève un certain nombre de questions qui me frappent comme étant tout aussi importantes qu'une mesure d'ordre pratique. Je voudrais obtenir certaines précisions parce que, à la lecture du projet de loi, je ne trouve pas réponse à mes questions.

Quel est le déclencheur du processus? Dans le cas d'un Canadien emprisonné en France, est-ce le prisonnier qui déclenche le processus, ou bien l'État?

M. Payette: Il y a plusieurs possibilités. Comme vous l'avez dit, sénateur, l'État peut enclencher le processus. Normalement, c'est le contrevenant qui présente une demande à son agent de gestion des cas. M. Laprade donne des avis juridiques.

M. Laprade: Dès qu'une personne est emprisonnée, les relations consulaires sont avisées. C'est là que tout commence. Dès que nous savons qu'une personne est en prison, le processus se met en branle. Notre mission dans le pays étranger communique alors avec la personne en cause. S'il y a déjà un traité, la personne est informée de l'existence de ce traité. Les traités imposent aux signataires, aux deux États, l'obligation d'aviser les contrevenants étrangers sous garde dans leur pays de l'existence du traité. Si ce n'est pas fait, nos représentants consulaires peuvent s'en charger. C'est là que tout commence.

Après cela, dépendant du type de traité régissant le transfèrement, la demande est présentée par le détenu directement à l'État étranger ou bien au Canada. Dans certains traités multilatéraux, l'un ou l'autre des États peut formuler la demande.

Dans tous les cas, et je comprends que vous voulez discuter de cette question, pour qu'un transfèrement ait lieu, il doit y avoir consentement du pays où la peine a été prononcée, du pays de destination et du contrevenant lui-même.

Le sénateur Pearson: Merci pour cette réponse. Il n'y a pas de liste d'infractions qui ne sont pas visées par ces dispositions.

M. Laprade: Non.

Le sénateur Pearson: Je fais beaucoup de travail dans le domaine de l'exploitation sexuelle des enfants. Je crois savoir qu'il y a environ 60 cas de Canadiens qui ont été accusés à l'étranger. J'ignore s'ils ont tous été reconnus coupables, mais un bon nombre d'entre eux ont été condamnés à l'étranger. Ce serait intéressant de voir sur quoi débouche une condamnation pour un tel crime dans ce processus particulier, et de savoir s'il est déjà arrivé qu'une personne reconnue coupable de cette infraction soit rapatriée.

M. Payette: Là-dessus, hier, j'ai demandé à l'unité des transfèrements internationaux de dresser la liste des 162 derniers contrevenants qui ont été transférés au Canada. Ils ont reculé dans le temps à partir de juin 2002. De ces 162 cas, 95 p. 100 avaient été reconnus coupables d'infractions non violentes et les 5 p. 100 restants avaient été trouvés coupables d'infractions avec violence. Environ 90 p. 100 étaient des infractions pour des affaires de drogues, en particulier des cas de possessions avec l'intention d'en faire le trafic. D'après ce que nous pouvons en dire, ce sont surtout les passeurs, les enfants, ceux qui sont au bout de leur rouleau et à qui on demande de faire passer des drogues.

On n'a trouvé dans la base de données aucun cas d'infraction sexuelle.

Le sénateur Pearson: C'est intéressant parce que cela veut dire que ces gens-là ne demandent pas un transfèrement.

M. Payette: En moyenne, 70 p. 100 des contrevenants fédéraux, ceux reconnus coupables au Canada et qui purgent leur peine dans des pénitenciers, purgent des peines pour des infractions avec violence. Comme je l'ai dit, 5 p. 100 des 162 cas ont été trouvés coupables d'infractions avec violence. J'ai demandé aux chercheurs d'inclure dans cette catégorie la possession d'une arme. Non pas que le contrevenant ait utilisé l'arme, mais je leur ai demandé de classer ces infractions dans la catégorie avec violence.

Le sénateur Mercer: Dans le cas d'une personne transférée ici ou d'une personne transférée du Canada à l'étranger, si cette personne présente une demande de libération conditionnelle dans le cadre du processus normal, comment cette libération est-elle administrée et cela implique-t-il des considérations financières? Si nous administrons le dossier d'une personne qui a commis un crime à l'étranger et que nous nous occupons de tout le processus de libération conditionnelle, comment appliquons-nous cela?

M. Payette: C'est un problème. Oui, c'est l'un des principes de l'application continue. Ça devient compliqué. Je vais demander à M. Michel Laprade de m'aider à répondre.

Normalement, une fois que nous avons établi la double criminalité, les autorités correctionnelles expliquent au contrevenant la manière dont la peine sera administrée. Les mêmes règles qui s'appliquent à une peine canadienne sont appliquées à une peine étrangère, dans toute la mesure du possible. Autrement dit, la personne sera admissible à une absence temporaire après avoir purgé un sixième de sa peine, à la semi-liberté après six mois ou six mois avant d'avoir droit à la libération conditionnelle intégrale et aura droit à la libération conditionnelle après un tiers et à la libération d'office après les deux tiers de sa peine. Mais ce n'est pas toujours aussi clair et net.

M. Laprade: Je ne peux pas parler de manière générale des contrevenants étrangers qui sont transférés dans un autre pays parce que chaque pays a sa propre méthode de calcul.

M. Payette: Mais j'évoquais la situation d'une personne après son arrivée au Canada.

Le sénateur Mercer: Il est important de savoir ce qui se passe si quelqu'un a été trouvé coupable ici et qu'il relève de notre responsabilité et que nous transférons cette personne ailleurs. Nous avons une certaine responsabilité quant à ce qui lui arrive, tout au moins j'estime que nous avons une certaine responsabilité si nous transférons une personne dans un pays où elle n'aura peut-être pas droit à la libération conditionnelle aux termes de ce que l'on pourrait appeler le régime très libéral que nous avons au Canada. Il importe davantage, aux fins de ma question, de connaître la situation des gens qui arrivent chez nous.

M. Laprade: Vous devez comprendre que ce que nous proposons dans le projet de loi, non pas que cela change bien des choses, précise la situation et la rend un peu plus claire et nette pour les autorités canadiennes dans le cas d'une personne qui a été transférée au Canada.

Quand une personne est condamnée dans un pays étranger, parfois, les autorités de ce pays ont une manière différente de déterminer la date du début de la peine ou les crédits accordés. Quand la personne arrive au Canada, le Canada reconnaît le crédit qui a été accordé par le pays étranger, de n'importe quelle sorte, je veux dire le temps purgé avant le transfèrement et d'autres formes de crédits que le pays étranger accorde, par exemple pour bon comportement.

Cela est pris en compte dans le calcul pour déterminer le temps qu'il reste à purger. Pour déterminer l'admissibilité à la libération conditionnelle, comme mon collègue l'a dit, nous utilisons les mêmes règles: un tiers de la peine et le calcul est fait à partir du début de la peine.

Cela a parfois pour effet de créer des délinquants qui arrivent au Canada avec une date d'admissibilité à la libération conditionnelle qui précède la date du transfèrement. La loi stipule qu'en pareil cas, la date du transfèrement est réputée être la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Ensuite, les dispositions de la loi stipulent que les autorités canadiennes ont une période de six mois pour préparer le dossier, pour étudier le dossier en vue de la libération conditionnelle. Les autorités correctionnelles et la Commission des libérations conditionnelles ont besoin de temps pour évaluer le risque que la personne pose pour la société. Il lui faut un certain temps pour établir ce que la personne a fait et quel a été son comportement. Ce projet de loi créera une disposition permettant d'assimiler la date d'admissibilité à la date du transfèrement.

Nous avons une autre manière de calculer la date de libération d'office en se fondant sur le temps qu'il reste à purger de la peine.

Le sénateur Mercer: Je suppose que si un État a des lois beaucoup plus sévères que les nôtres et une durée de peine minimale plus longue, il ne prendrait pas la peine de conclure une entente avec nous.

Mme Campbell: Les autorités n'accepteraient pas le transfèrement, et cela arrive effectivement.

Le sénateur Mercer: Est-ce négociable? Si quelqu'un veut revenir au Canada et que le pays où il est détenu dit qu'il serait d'accord pourvu que le prisonnier purge une certaine période qui est beaucoup plus longue que la norme dans le régime canadien, accepterions-nous cela?

M. Payette: Nous ne pourrions pas faire cela, sénateur, bien que vous soulevez une question intéressante. Comme je l'ai dit tout à l'heure, 90 p. 100 des contrevenants purgent des peines pour infraction en matière de drogues. Comme M. Laprade le confirmera, un certain nombre d'infractions en matière de drogues sont passibles de la prison à vie. En fait, un délinquant transféré ici en provenance de la Thaïlande purgeait une peine de 40 ans pour trafic de drogues. Aux termes de la loi canadienne, c'était une peine de prison à vie et nous pouvons donc appliquer et administrer cette peine. Si la peine imposée par un État étranger dépasse les normes canadiennes, alors nous devons recourir à l'adaptation.

Le sénateur Mercer: Ce que je crains, c'est que nous acceptions cette adaptation avant le transfèrement. Aux termes de la Charte, je m'attends à ce que ces détenus aient les mêmes droits que les autres Canadiens, peu importe qu'ils aient commis leur crime ici ou à l'étranger. Je craindrais que nous puissions conclure une entente.

M. Payette: Nous ne le pourrions pas.

Le sénateur Joyal: Je veux revenir à l'article 10 du projet de loi. La lecture du projet de loi et des débats à l'autre endroit m'a rendu perplexe. Un amendement a été apporté à la version originale du projet de loi. Le précurseur était le projet de loi C-33.

M. Payette: Oui

Le sénateur Joyal: Je lis les amendements qui ont été apportés à l'autre endroit à l'article 10, remplaçant les lignes 4 et 5 à la page 5:

c) le délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada;

d) l'entité étrangère ou son système carcéral constitue une menace sérieuse pour la sécurité du délinquant ou ses droits de la personne.

Cela m'a rendu perplexe.

M. Payette: Nous aussi.

Le sénateur Joyal: Je suis content de savoir que je ne suis pas le seul. Si le Canada devait signer un traité avec un pays étranger, ce serait pour s'assurer que ses citoyens soient avantagés. Dès que le traité est signé, le citoyen canadien est protégé par les dispositions du traité. Le Canada a des obligations et c'est pourquoi le Canada a signé le traité.

Quand j'ai lu les paragraphes 10(1) et 10(2), j'ai vu que l'on accorde beaucoup de pouvoir discrétionnaire au ministre, lui permettant d'évaluer les divers faits ou éléments pris en compte pour sa décision. Le paragraphe 10(1) stipule:

10(1) Le ministre tient compte des facteurs ci-après pour décider s'il consent au transfèrement du délinquant canadien:

Quel processus contradictoire garantit que les droits du détenu canadien sont pris en compte par le ministre quand il évalue les facteurs en question? Autrement dit, respecte-t-on le critère du principe de la justice fondamentale tel qu'énoncé dans la Charte?

M. Payette: Sénateur Joyal, ces considérations, à l'exception de l'alinéa 19(1)d) et de celui qui traite du crime organisé et du terrorisme, sont actuellement énoncées dans le règlement qui a été adopté au début des années 80. Ce sont des mesures législatives subordonnées qui sont appliquées. Je dois dire que sur les quelque 1 000 Canadiens qui ont été transférés, il y en a peut-être eu un ou deux dont le transfèrement a été rejeté.

Nous avons tenté de protéger leurs intérêts. Le ministre a l'obligation de donner les raisons pour lesquelles il refuse le consentement. Quant aux facteurs à prendre en compte, ce ne sont justement que des facteurs à prendre en compte.

[Français]

Nous avons tenté de baliser l'exercice de la discrétion.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Cela serait le pire scénario, de laisser le pouvoir discrétionnaire à une seule personne. J'ai été ministre et c'est la pire situation dans laquelle on puisse être, je veux dire confronté à une loi et à certains critères, d'être tout seul un dimanche soir en train de lire le dossier et de se demander si l'on doit donner ou non son accord. Il faut alors sonder son âme et sa conscience. Le projet de loi sur l'extradition, qui a été étudié par notre comité sous la présidence d'un autre sénateur, confiait ce pouvoir discrétionnaire à une seule personne, relativement à une importante décision d'extradition mettant en cause la vie et la liberté de Canadiens. Vous vous rappellerez que nous avons eu un différend avec le ministère au sujet du projet de loi C-44.

Je suis inquiet au sujet de la manière dont le ministre a pris sa décision dans le contexte de s'assurer que la preuve est compatible avec un système qui protège les droits du contrevenant. Comme vous l'avez dit, même si vous avez rejeté seulement deux cas sur 1 000, ces deux personnes auraient peut-être le droit d'être emprisonnées dans le régime carcéral canadien et de bénéficier du processus de réinsertion, et cetera.

Quelle garantie donne-t-on dans ce projet de loi que le principe de la justice fondamentale sera respecté par le ministre qui appliquera ces critères?

M. Payette: Les fonctionnaires préparent le dossier en vue de l'examen par le ministre. Ils font tout leur possible pour s'assurer que les renseignements consignés au dossier soient exacts, complets et conformes aux normes juridiques pertinentes. Tous les dossiers sont examinés par les services juridiques. Nous devons supposer que tout est fait professionnellement et avec intégrité, sénateur. Mes collègues ont-ils quelque chose à ajouter?

Mme Campbell: Les dispositions du projet de loi doivent être lus à la lumière de l'objet du projet de loi, qui est très clair. L'alinéa 10(1)d) a effectivement suscité certaines inquiétudes parce que, bien qu'il soit fondé sur de bonnes intentions, si les conditions dans le pays étranger étaient particulièrement pénibles, cela pourrait peser lourdement sur la décision, dans le cas d'une personne qui souffre de son incarcération à l'étranger. On craignait toutefois que l'inverse pourrait ne pas être vrai. Une personne incarcérée dans un autre pays dont les conditions sont comparables à celles du Canada. L'objet du projet de loi est de protéger la société et d'assurer la réinsertion du contrevenant, objectif qui peut le mieux être atteint dans le pays d'origine et dans le régime qui y prévaut. Il est important de ne pas perdre cela de vue. Pour revenir aux dispositions qui énoncent l'objet du projet de loi, il faut les lire de concert avec l'alinéa 10(1)d).

Au sein du ministère, comme M. Payette l'a dit, il y a un certain nombre de processus internes comportant divers mécanismes de freins et contrepoids. Bien que les Services correctionnels canadiens s'occupent de préparer les dossiers de transfèrement, il arrive souvent que le sous-ministre du ministère où M. Payette et moi-même travaillons se fasse demander de fournir des conseils supplémentaires pour s'assurer que rien n'a été négligé. Il y a un certain nombre de mécanismes internes qui nous aident.

Le sénateur Joyal: Y a-t-il un processus d'appel de la décision du ministre?

M. Payette: À l'heure actuelle, cette décision peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire, mais en termes de processus interne, le contrevenant, si sa demande est rejetée, peut en présenter une nouvelle. Il a la possibilité de présenter une nouvelle demande ou d'essayer de faire changer la décision.

[Français]

Il s'agit de corriger toutes les inexactitudes que peuvent renfermer les dossiers.

[Traduction]

M. Laprade: C'est pourquoi le projet de loi exige que le ministre donne ses motifs par écrit. Le contrevenant les reçoit. Il peut présenter une nouvelle demande, produire une réfutation ou présenter d'autres renseignements. Comme M. Payette l'a dit, il peut aussi reformuler sa demande après avoir franchi la première étape qui consiste à tenter de convaincre le ministre que certains motifs invoqués ne sont pas exacts ou quoi que ce soit. À ce moment-là, il peut formuler une nouvelle demande.

Le sénateur Joyal: Ai-je raison de dire qu'il n'y a aucun mécanisme officiel d'appel, sauf la protection générale que quelqu'un peut invoquer aux termes de l'article de la Charte?

M. Bélisle: Non, sénateur, il n'y a aucun processus d'appel officiel.

Le sénateur Joyal: Je lis l'alinéa d) et je lis l'article 6 de la Charte et vous trouverez probablement que je suis obnubilé par tout cela, mais j'essaie de comprendre comment la Charte va s'appliquer. Elle dit que tout citoyen canadien a le droit d'entrer au Canada, d'y demeurer et d'en sortir.

Le Canada signe un traité avec un pays étranger pour rendre plus facile à ses citoyens de venir chez nous. Il y a une responsabilité que le contrevenant a assumé lui-même ou elle-même parce qu'il ou elle a commis une infraction, mais néanmoins, il ou elle est protégé aux termes des articles 6, 7 et 12 de la Charte.

J'ai beau être d'accord avec l'objet du projet de loi, nous devons veiller à ce que le système fonctionne de telle manière que l'on respecte les critères énoncés dans la Charte pour la prise d'une décision qui touche les conditions de vie et l'intégrité physique de la personne. C'est là à mon avis la question cruciale à cet égard. L'alinéa d) évoque explicitement les droits de la personne. Cela déclenche toutes les conventions internationales dont le Canada est signataire quand on utilise l'expression «la sécurité du délinquant ou ses droits de la personne». C'est très vaste. Cela touche absolument tout. Pas seulement la Charte, mais aussi la Loi canadienne sur les droits de la personne, les conventions internationales, la protection des jeunes à laquelle travaille le sénateur Pearson, les traités internationaux, et cetera.

Je suis sûr que vous avez travaillé sur ces questions. Un jour, un citoyen canadien à l'étranger pourrait être affligé que le processus ne soit pas suffisamment ouvert ou suffisamment convaincant, que la décision semble être trop arbitraire, à son avis, et qu'il s'en prenne au système. Si nous devons adopter le projet de loi sous sa forme actuelle, et je n'ai pas d'objection, car je pense que c'est une amélioration, nous devons être sûrs qu'il passe le test de la Charte.

M. Laprade: Si vous me le permettez, le processus que nous avons depuis 1978 est exactement le même que celui du projet de loi C-15 pour ce qui est des prises de décision. C'est le ministre qui décide ou non du transfèrement de la personne hors du pays ou vers le Canada, ce qui est le cas depuis 1978. Rien ne change à ce niveau, sauf que le ministre est tenu d'informer par écrit sa décision de refuser la demande. Si le ministre envisage de ne pas donner de consentement au transfèrement, sans que cela soit formulé par une loi, le délinquant sera informé de la recommandation de ne pas accepter ce transfert et il pourra présenter des observations au ministre.

Vous vous demandez pourquoi il n'y a pas d'appel. On ne peut pas en appeler au ministre contre une décision qu'il a prise lui-même. À ce stade, le contrôle judiciaire est le seul autre recours que peut utiliser le délinquant, s'il croit que le ministre a utilisé, de manière inappropriée, son pouvoir discrétionnaire pour refuser le transfèrement.

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas prendre trop de temps, mais l'alinéa 2a) mentionne que la personne, selon l'avis du ministre, pourrait commettre une infraction de terrorisme au sens du Code criminel. C'est un motif englobant dans le projet de loi. Je suis entièrement d'accord avec vous.

Après la décision du ministre, quel est le niveau de recours? C'est, sans aucun doute, un juge de la Cour fédérale. Nous avons la Loi sur la citoyenneté et mes collègues se souviendront du projet de loi C-11 quand nous nous sommes interrogés sur une décision administrative qui ne faisait l'objet d'aucun appel. De nombreux groupes ont comparu pour débattre de la question du pouvoir discrétionnaire d'un ministre, surtout sur la question du terrorisme, et nous savons tous que c'est un mot à la mode, aujourd'hui. Les droits de la personne sont protégés par un processus d'examen garanti. Ce pouvoir discrétionnaire est examiné afin de garantir l'impartialité de la décision.

[Français]

Le sénateur Nolin: J'aimerais revenir sur la question de consentement. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous en êtes venu à la rédaction du paragraphe 5 de l'article 8, lorsqu'il est question des tuteurs et curateurs. Je comprends le sens de l'article mais la facture du texte m'apparaît très complexe. Je n'ai pas de difficulté avec la définition prévue dans la Loi sur les jeunes. Comment fonctionne-t-elle? Si ces personnes entrent dans cette définition, elles sont libérées sous conditions ou doivent être transférées? J'ai de la difficulté à comprendre comment fonctionne ce paragraphe.

M. Payette: Vous avez dit que c'est le paragraphe 5?

Le sénateur Nolin: Le paragraphe 5 de l'article 8.

Le sénateur Rivest: Le transfèrement est un mot bizarre en français.

Le sénateur Nolin: Concentrons-nous sur le consentement. Après nous pourrons nous occuper du nom du traité. Quand vous dites après la virgule: «est libérée». Ce n'est pas clair, même en anglais. Je comprends ce que vous voulez dire. Je ne suis pas certain que le texte est tout à fait français.

M. Laprade: Le terme «est libérée sous condition» fait référence à «la province où la personne est détenue» ou de la province, où elle «est libérée sous condition» et le dernier, «ou doit être transférée», désigne une personne qui est à l'étranger.

Le sénateur Nolin: Si elle est libérée sous condition, en quoi son consentement est-il nécessaire?

M. Payette: Ici on parle de jeunes délinquants. Il y a quand même certains actes ou certaines conditions où ils ne sont pas en âge de donner leur consentement. Cela dépend de la province. Par exemple, une province peut exiger que la personne ait 14 ans ou plus ou 15 ans ou plus.

On voulait essayer de mettre autant de souplesse dans la loi que possible. En ce qui concerne les jeunes contrevenants, les enfants et les personnes qui souffrent de désordres mentaux. Ce sont des questions régies par le gouvernement provincial.

Le sénateur Nolin: C'est pour cette raison que vous exigez le consentement de l'autorité provinciale?

M. Payette: Surtout oui. Lorsque la personne tombe sous l'égide de l'autorité provinciale dans le cas, par exemple, de personnes déclarées non coupables à cause de troubles mentaux.

Le sénateur Nolin: Le consentement de l'autorité provinciale est toujours nécessaire. Le paragraphe 1, de l'article 9, le dit clairement

M. Laprade: C'est vrai.

Le sénateur Nolin: Cela fait partie de l'autorité canadienne. Il y a deux autorités gouvernementales: d'une part, le ministre fédéral, qui a la responsabilité en vertu de la loi et, d'autre part, une autorité provinciale, de toute évidence, ministérielle?

M. Laprade: Ce qui est visé par le paragraphe 5, lorsqu'on parle de l'autorité en vertu des droits de la province, c'est que les provinces, qui sont responsables du droit civil, ont toutes des exigences similaires mais pas nécessairement les mêmes lorsqu'il s'agit de gardiens, de personnes aptes à donner un consentement à la place d'un adolescent ou d'un enfant, par exemple. C'est ce qu'on vise par autorité provinciale. On ne parle pas seulement de l'autorité provinciale correctionnelle.

Le sénateur Nolin: L'autorité qui a juridiction en droit civil.

M. Laprade: Oui.

Le sénateur Nolin: Je veux simplement m'assurer que le paragraphe 5 soit compréhensible. L'interprétation est assez large pour s'assurer que les responsables provinciaux y trouveront amplement de pouvoir pour être capable d'exercer leur consentement. C'est ce que vous avez essayé de faire?

M. Payette: Oui.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: J'ai été impressionné de lire que, quand le ministre et l'autorité provinciale compétente consentent au transfèrement du délinquant, ils tiennent compte de l'intérêt de l'adolescent. C'est la considération primordiale lorsqu'on a affaire à un enfant. J'ai été très heureux de constater cela.

[Français]

Le sénateur Nolin: J'aurais une dernière question concernant l'étendue de la couverture protégeant les individus. Est- ce le traité qui vous empêche d'étendre cette protection à tous les individus qui résident au Canada et non pas seulement aux citoyens canadiens? Autrement dit, l'immigrant qui a décidé de choisir le Canada comme terre d'accueil n'est pas protégé tant qu'il n'est pas citoyen canadien? Il est donc préférable pour ces individus de ne pas voyager.

M. Payette: La loi s'applique uniquement aux citoyens canadiens.

Le sénateur Nolin: Est-ce le traité qui limite cette couverture à nos «nationaux», expression que je trouve bizarre?

M. Laprade: Aux termes de la Loi sur l'immigration, ces résidents permanents deviendraient des personnes non éligibles à demeurer au Canada à partir du moment où ils seraient condamnés à des infractions criminelles. De ce fait, ils seraient déportés.

Le sénateur Joyal: Même après avoir purgé leur sentence à l'étranger?

Le sénateur Nolin: Ils ne pourraient plus être de futurs citoyens canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Christensen: J'ai quatre questions pour obtenir des précisions. Ces questions ont été soulevées lors de la deuxième lecture.

Combien d'enfants âgés de moins de 12 ans nous ont-ils envoyé des demandes ou y a-t-il eu des transfèrements d'enfants vers le Canada?

M. Palette: Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai demandé aux affaires étrangères de contacter leurs missions, l'unité de transfèrement internationale, et d'après la réponse que nous avons reçue hier, il n'y en a jamais eu.

Le sénateur Christensen: Il n'y en a jamais eu à votre connaissance. Cela était inscrit pour parer à toute éventualité et je suppose que le comité des 91 organismes, qui a revu le projet de loi, a fait cette recommandation.

Le processus est, bien sûr, déclenché par une personne détenue dans un pays étranger ou au Canada qui demande à être transférée, puis les deux pays concernés doivent s'entendre sur ce transfèrement. Il y a la question de la personne transférée qui a le même statut, pour ainsi dire, dans le processus d'entente que les deux pays reconnus ou les deux entités non reconnues comme État. Y a-t-il un problème juridique lorsqu'une personne est sur le même pied que deux États pour conclure une entente?

M. Payette: Sénateur, dans un traité bilatéral, il n'y a que deux parties égales, le pays qui transfère et le pays qui accueille, le Canada et l'État étranger. Le délinquant doit consentir au transfèrement.

Le sénateur Christensen: Vous dites que les trois parties doivent être d'accord. Il n'y en a vraiment que deux.

M. Payette: Exactement.

Le sénateur Christensen: La personne doit donner son consentement. Il ou elle doit vouloir partir, est-ce exact?

M. Payette: C'est exact. M. Laprade est mieux placé que moi pour répondre aux questions juridiques, mais les délinquants sont toujours libres d'intenter des poursuites s'ils estiment avoir été traités injustement. Ils peuvent demander un contrôle judiciaire s'ils estiment avoir été traités injustement, transférés contre leur volonté ou si une condition n'a pas été respectée. Mais, du point de vue du statut, il n'y a que deux parties, le Canada et l'État étranger.

M. Laprade: À propos du consentement, il s'agit du consentement au transfèrement. Le consentement au transfèrement en vertu de la loi est un consentement à un processus de transfèrement en cours. Il ne s'agit pas d'un consentement concernant les négociations des traités. Nous devons faire la distinction entre ces éléments. Le consentement au transfèrement est un consentement à un transfèrement qui a lieu, plutôt qu'un consentement aux ententes conclues entre deux pays.

Le sénateur Christensen: Lorsque nous n'avons pas de traité ni de convention et que nous concluons une entente avec une entité non reconnue comme État, quel est le statut du pays, où se trouve cette entité non reconnue comme État, s'il n'est pas d'accord? Par exemple, si c'était Hong Kong ou Taiwan, la Chine. Est-ce qu'elle pourrait dire: «Non, nous ne consentons pas à ce que vous concluez cette entente?»

M. Payette: Cela arrive souvent. Les missions consulaires proposeront que des traités et des ententes soient signés pour une entraide juridique dans les affaires criminelles, les accords et les traités d'extradition pour le transfèrement des délinquants; ils sont libres d'accepter ou de refuser.

Le sénateur Christensen: Ces ententes dépendent des pays.

M. Payette: Toujours.

Le sénateur Christensen: Le ministre examine et prend la décision finale. Quel est le ministre qui en est chargé?

M. Payette: Pour l'instant, jusqu'à ce que la loi change, c'est le Solliciteur général du Canada. Cependant, nous cherchons actuellement à modifier la loi afin que ce soit la ministre de notre nouveau ministère, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Le sénateur Christensen: Vous aurez besoin d'une autre loi.

M. Payette: Oui. Légalement, c'est le Solliciteur général du Canada.

Le sénateur Joyal: Pour revenir à l'alinéa 10(1)d), comment l'interprétez-vous?

M. Payette: Étant donné que l'objectif essentiel de la loi est d'ordre humanitaire, il est certainement aligné à l'un des objets fondamentaux de la loi.

Des conditions difficiles au niveau de l'incarcération et du traitement du délinquant constitueraient une raison impérieuse. Cette modification s'aligne sur l'objectif primaire du projet de loi.

Mme Campbell: Le délinquant informera l'autorité compétente s'il y a des atteintes graves aux droits de la personne. Nous nous attendons à voir cela dans l'application du projet de loi. En outre, les renseignements proviendraient de nos missions consulaires à l'étranger sur les conditions particulières qui peuvent exister. Le personnel des missions connaît les conditions qui existent dans certains pays.

Ces renseignements serviront à quelque chose. J'ajouterai que même en l'absence de mauvaises conditions, le projet de loi reste encore pertinent dans une telle situation.

Le sénateur Joyal: Ce serait dans le contexte du rapport d'Amnistie internationale, par exemple, sur la condition des prisonniers dans divers pays avec lesquels le Canada pourrait avoir un traité ou une entente. Il y en a combien?

M. Payette: Un mélange. Nous avons plus de 11 ou 12 traités bilatéraux. Le Canada est signataire de conventions multilatérales auxquelles ont adhéré plus de 45 pays. Au total, il y en a plus de 45.

Mme Campbell: Nos fonctions nous demandent de lire, d'étudier et de rester en contact régulier avec de nombreuses organisations dans le monde qui surveillent les conditions d'emprisonnement. En tant que conseillers, c'est une partie de notre base d'information.

Le sénateur Joyal: Pour les prochaines ententes, envisagez-vous de consulter le rapport international qui énumère les pays où les conditions d'emprisonnement sont épouvantables et les systèmes juridiques horribles? À mon avis, les droits de la personne doivent aussi inclure le système juridique et pas seulement les conditions d'emprisonnement. Nous savons que le système juridique de certains pays n'est pas fiable pour de nombreuses raisons. Je peux songer à de nombreux pays avec lesquels le Canada pourrait avoir des traités de ce genre pour le plus grand bien de ses citoyens. Nous savons que les systèmes de nombreux pays ne répondent pas aux critères que nous jugeons appropriés dans le monde d'aujourd'hui. Je n'ai pas besoin de les nommer. Est-ce que votre politique envisage la conclusion d'ententes avec ces pays et de le faire en priorité?

M. Payette: Nous rencontrons régulièrement des fonctionnaires des Affaires étrangères et nous choisissons diverses régions du monde. Ils ont des plans relatifs aux traités et négociations en cours et qui ont le plus de chances d'aboutir. C'est quelque chose que nous faisons régulièrement.

Mme Campbell: Nous examinons les conditions, le nombre des délinquants et des Canadiens dans les pays étrangers. Notre approche est de signer des traités avant d'en avoir besoin. Évidemment, la priorité sera accordée aux pays où il y a le plus de problèmes.

Le sénateur Joyal: Nous connaissons les pays qui font partie du trafic de la drogue. Le sénateur Nolin en sait probablement plus que moi à ce sujet. Les drogues constituent la majorité des infractions, surtout dans certaines régions du monde où nous savons qu'il y a un trafic. Le comité du sénateur Nolin a fait une étude approfondie sur cette question, il pourrait probablement témoigner sur cette question.

Il semble que ce serait une bonne politique pour le Canada, à l'égard de ses citoyens, de cibler en priorité les pays dans lesquels nous savons qu'il y a le plus grand nombre d'infractions, commises surtout par des adolescents.

Le président: Monsieur Laprade, monsieur Payette et madame Campbell, merci d'être venus nous faire part de votre expertise et de vos antécédents concernant le projet de loi C-15. Vous avez fait preuve, dans vos réponses aux sénateurs, de franchise et de cordialité.

Madame Campbell, au nom des sénateurs et au mien, je vous présente mes plus sincères condoléances aux collègues, aux amis et à la famille de M. Richard Zubrycki.

Mme Campbell: Merci. Je leur en ferai part.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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