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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 15 - Témoignages du 9 mai 2005 - Séance de l'après-midi


HALIFAX, le lundi 9 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 13 h 20, pour examiner des questions relatives à la santé mentale et à la maladie mentale.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, les premiers témoins de cet après-midi sont Mme Nancy Beck, M. George Tomie et Mme Carole Tooton.

Je demanderais à chacun de vous de présenter votre témoignage, et, ensuite, nous poserons des questions.

Mme Nancy Beck, directrice, Connections Clubhouse : Merci.

Je m'adresse à vous aujourd'hui partagée entre des émotions très différentes. Je suis honorée d'avoir été invitée à parler et à vous faire part de mon expérience, je suis nerveuse parce que j'ai sur mes épaules l'énorme responsabilité de vous raconter les histoires personnelles que je suis sur le point de vous exposer, et je suis triste de voir que, aujourd'hui, le 9 mai 2005, un Canadien sur cinq souffre d'une maladie mentale que nous pourrions soigner grâce à nos connaissances.

Ce serait très facile pour moi de m'asseoir ici et de vous présenter un exposé sur ce que nous devons faire pour améliorer cette situation. Nous avons les connaissances nécessaires. Au cours des 20 dernières années, j'ai participé à la création d'un plus grand nombre de documents de travail que je voudrais l'admettre. Lorsque je les ai comptés hier soir, j'ai découvert que j'avais contribué à la création de 37 documents. Ces rapports dorment sur les tablettes de ma bibliothèque. Les mesures qu'on a prises à la suite de la publication de ces rapports sont insignifiantes.

Je suis convaincue, après avoir lu votre rapport, que vous comprenez parfaitement le contexte et les enjeux dont il est question, et j'estime que vous avez le pouvoir d'agir. Aujourd'hui, j'ai l'intention de vous exhorter à agir en vous donnant un aperçu de la vie des gens avec qui je travaille chaque jour. Je raconte leurs histoires très personnelles dans mes rapports. C'est par l'entremise de leurs histoires que je vais présenter les défis auxquels sont confrontés de nombreux Canadiens qui vivent avec une maladie mentale et/ou une dépendance, leur famille et ceux d'entre nous qui essayons de changer le cours des choses.

Lisa est une jeune femme âgée de 22 ans, qui vit avec un conjoint de fait et deux enfants. Actuellement, elle est au service médico-légal parce que, après avoir essayé à maintes reprises d'être admise en soins actifs, en vain, elle a commis un crime de sang-froid afin d'obtenir de l'aide et ne pas faire de mal à ses enfants. C'est son histoire; son avenir est compromis.

Joan, à 27 ans, est une jeune femme tranquille; ses deux parents sont morts il y a dix ans. Elle vit dans un établissement de soins de longue durée, à 1 300 $ par jour, parce qu'il n'y a pas de logements abordables ni de soutiens communautaires. Elle n'est pas près d'obtenir son congé. Faites le calcul.

Tom est parti du Cap-Breton pour venir s'installer ici et aller à l'université. Après plusieurs séjours en soins actifs, il vit maintenant dans un établissement de soins pour bénéficiaires internes avec 20 autres personnes. Tom a 26 ans. L'âge moyen des résidents de l'établissement est de 52 ans. Il a perdu tout espoir.

Scott, âgé de 36 ans, veut aller au cégep. Il a trois agents de gestion des cas, un du programme de santé mentale, un de l'aide au revenu, et l'autre du logement supervisé, mais aucun d'entre eux n'écoute ce que Tom veut faire de sa vie. Ils sont très occupés à remplir leur mandat et à veiller sur lui comme client en santé mentale dans un environnement sans risque. Ces agents de gestion des cas considèrent que l'école serait trop stressante pour lui.

Janet, âgée de 44 ans, rêve de renouer avec sa famille. On a diagnostiqué dans son cas un trouble bipolaire. Elle souffre d'une dépendance. Lorsque ses deux maladies sont en phase active, Janet ne peut pas obtenir d'aide. Le système lui répète sempiternellement « vous devez faire traiter d'abord l'autre maladie ». Lorsqu'elle ne prend pas d'héroïne, Janet consacre ses journées à essayer de convaincre quelqu'un de l'aider à s'affranchir de sa dépendance et à traiter son trouble.

Kim, qui a 44 ans, était enseignante. Son médecin lui dit qu'elle ne peut retourner travailler. Elle souffre d'une maladie mentale grave et persistante, bien qu'elle s'occupe de sa famille et de son foyer, qu'elle fasse du bénévolat et qu'elle soit profondément convaincue qu'elle est prête à retourner au travail. Cependant, elle a besoin de la lettre d'un médecin pour retourner au travail, et cette lettre ne vient pas. Donc, elle reste chez elle à attendre.

Michael, qui a 39 ans, survit grâce aux prestations du Régime de pensions du Canada. Grand, mince, doté d'un sens de l'humour mordant, il vit dans la rue. Il gagne 10 $ de plus que ne le permet l'aide au revenu, ce qui fait qu'il ne peut pas recevoir de carte d'assurance-médicaments pour payer sa médication. Il est sans abri, il est psychotique et il souffre du diabète de type 2.

Jane est âgée de 40 ans. Elle faisait ce qu'elle avait toujours voulu faire dans la vie; elle a travaillé pendant dix ans à temps partiel comme commis dans une banque. Récemment, on a remplacé son médicament par une version générique parce qu'elle coûtait quelques dollars de moins. Par conséquent, elle est instable, elle est incapable de travailler, et elle touche des prestations d'invalidité. Elle attend que le gouvernement approuve le tout nouvel anti-psychotique atypique. Elle souhaite reprendre son emploi rémunérateur et ne pas dépendre des prestations d'invalidité.

Patty est infirmière autorisée et militante d'action communautaire. Elle est marquée par le stigmate de la maladie mentale et de la toxicomanie. Ça lui a pris dix ans pour convaincre un employeur de lui donner une chance. Partout, elle est victime de discrimination, même dans notre système de santé mentale.

Joel, Carrie et Aaron sont tous âgés de moins de 24 ans. Ils sont jeunes, talentueux, mais ils souffrent d'une maladie mentale. Leur avenir n'est pas brillant. Ces jeunes gens ont besoin de soutien pour retourner travailler, et ils sont en concurrence avec des personnes qui n'ont pas de maladie mentale, dans un environnement où les personnes qui souffrent d'une maladie mentale sont victimes de discrimination. Selon vous, qui l'employeur choisira-t-il?

Jacob est un artiste dont les œuvres ont été exposées au Musée des beaux-arts du Canada. Il est déprimé, et il veut être suivi par son médecin de famille. Ce dernier dit ne pas avoir l'expertise ni le temps nécessaire pour lui prodiguer des soins psychiatriques. Jacob refuse de fréquenter une clinique psychiatrique, où le médecin résident change aux quatre mois.

Atteinte de psychose, Marie, 19 ans, a besoin de soins actifs. Nous ne sommes pas vraiment certains de l'endroit où cette brillante étudiante de première année au collège devrait recevoir ses soins, et, au moment où on se parle, les professionnels se rencontrent pour essayer de trouver où elle devrait aller. Elle n'est visée ni par les services à l'enfance, ni par les services à l'adolescence, et pas non plus par les services aux adultes. Lorsque les professionnels renvoient une personne au système des adultes, il y a déjà 500 noms sur la liste d'attente.

Marianna est une belle Autochtone âgée de 47 ans, libre d'esprit, qui, lorsqu'elle va bien, gagne sa croûte en faisant du ménage dans des maisons. Elle est aux prises avec des difficultés mentales, souffre de schizophrénie, et se saoule de temps à autre. Marianna a été ballottée d'un agent de gestion des cas à l'autre. Maintenant, nous lui apportons de la nourriture et des médicaments dans la rue.

Clyde est un ancien combattant âgé de 72 ans qui souffre de schizophrénie. Il a besoin de quelques heures de soins personnels par semaine, et d'une personne qui vient l'aider à préparer ses repas. En tant que bénéficiaire de soins de santé mentale, il ne peut pas bénéficier de soins à domicile, et on a recommandé, à son grand dam, de lui dispenser des soins de longue durée. Nous estimons qu'il ne coûterait que 400 $ par mois pour exaucer le souhait de Clyde et l'aider à rester dans l'appartement qu'il occupe depuis quinze ans.

Je pourrais vous raconter des centaines d'autres histoires, mais je suis certaine que vous connaissez la chanson, car vous avez parcouru notre beau pays.

Il s'agit de Canadiens authentiques et de certaines des personnes les plus braves que je connaisse. Ils souffrent en majeure partie de maladies que l'on peut traiter dans un pays reconnu pour sa qualité de vie.

Chacun de ces exemples fait ressortir les défis quotidiens auxquels sont confrontés les gens qui vivent avec une maladie mentale et une dépendance et celles qui travaillent dans ce que nous appelons « le système ».

Essentiellement, notre système est un non-système. Il est à court d'argent, et il a besoin d'une transformation majeure. Les services de médecine légale sont devenus beaucoup trop connus de personnes comme moi et d'autres gens. Ils constituent maintenant un endroit de choix pour obtenir des traitements. Les tribunaux peuvent ordonner le traitement au moment où on y entre, et ils peuvent l'ordonner au moment du congé. Il n'y a pas de services qui tiennent compte de l'âge et de la culture; nous offrons à peine des services génériques.

L'accessibilité des services est un indicateur de la bonnesanté du système. À l'échelle locale, à moins d'être en danger de mort, vous atterrissez sur la liste d'attente dont j'ai parlé,et 500 personnes attendent avant vous.

Les possibilités de logements, d'emplois et de soutien à l'éducation sont trop rares. La coordination et la collaboration entre les ministères gouvernementaux et les ONG sont quasi inexistantes. Le « jeu de blâmes » auquel on s'adonne lorsqu'on se passe la patate chaude est le lot quotidien des intervenants de ce système, et les organismes communautaires se disputent férocement chaque dollar.

Les politiques en matière d'assurance-médicaments sont à courte vue, et elles empêchent les gens d'accéder d'office à des traitements à la fine pointe de la science. Le budget de la santé mentale fond comme neige au soleil. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour surmonter les défis qui nous attendent, qu'ils soient liés au service ou à l'infrastructure.

Le gouvernement a négligé d'exercer son pouvoir pour apporter certains changements nécessaires. La culture existante n'a pas reconnu les preuves dont on dispose concernant la santé mentale.

Comment pouvons-nous cesser de penser et d'agir comme si nous étions à l'ère industrielle pour penser et agir conformément à une économie du savoir, en utilisant l'information qui se trouve au bout de nos doigts tout en élaborant de nouvelles connaissances?

Qu'est-ce que je peux dire d'autre? J'ai le privilège de travailler dans un milieu qui, selon le Réseau de consultation sur la santé mentale fédéral, provincial et territorial, constituait la meilleure pratique en 1998. Le programme dans lequel je travaille vise à donner aux gens espoir et possibilités d'avenir. Pour ce faire, nous mettons l'accent sur ce qui importe pour tous les Canadiens. Il s'agit de la citoyenneté et des droits et responsabilités qui l'accompagnent : l'accès à la santé et à la santé mentale, un emploi rémunérateur, l'éducation, des relations constructives, l'inclusion, la participation à la collectivité et les possibilités de redonner à la société.

J'ai appris, il y a bien des années, que les gens qui souffrent d'une maladie mentale grave ne sont pas différents de vous et moi. Leurs besoins sont exactement les mêmes. Ils veulent une vie intéressante et productive, et ils y ont droit.

Nous sommes au XXIe siècle. Cependant, pendant que je vous raconte cette histoire, on pourrait penser qu'elle a été vécue à une autre époque. Ça me déroute complètement.

En terminant, je voudrais dire que je suis également la mère de trois adolescents qui en sont à cette étape très précaire de leur vie. De plus, il y a eu de graves dépressions dans notre famille. Si l'un de mes fils souffre de l'une de ces graves maladies, je voudrais que le système réagisse sur-le-champ, sans attendre, et de façon à respecter leur âge et la culture des jeunes.

J'aimerais que le système mette l'accent sur le rétablissement et offre des solutions de rechange. Mais si les patients ont besoin de pharmacothérapie, les toutes dernières et les meilleures versions pharmacologiques devraient constituer la première option, et non pas la deuxième ou la troisième, lorsque les enfants perdent du temps. Et j'aimerais que ces services soient dispensés dans le cabinet d'un médecin qui offre des soins primaires, et qui a suivi une formation spécialisée en santé mentale.

Je mets au défi chacun d'entre vous de respecter les conclusions de votre Comité permanent et de prendre des mesures pour y donner suite, et de faire en sorte que votre rapport exhorte les gens à agir et débouche sur un plan d'action national. Je veux aussi vous dire ce qu'il devrait comprendre.

Le plan devrait mettre l'accent sur un modèle de santé de la population qui tient compte de la prévention, de la promotion, des soins communautaires, des soins cliniques, de l'éducation, de la recherche et de la défense des intérêts. Le site Web de Santé Canada est une mine de renseignements sur la santé de la population. Le Ministère effectue des recherches dans ce domaine depuis des décennies, mais je n'en ai pas encore vu les résultats en application.

J'aimerais aussi qu'on regroupe les services de santé mentale et de traitement des toxicomanies. J'aimerais qu'on soutienne un programme de soins primaires/de soins partagés. J'aimerais qu'on injecte plus d'argent dans le budget des services de santé mentale et qu'on protège cette enveloppe, en appliquant des mécanismes de financement qui ne visent pas uniquement les programmes gouvernementaux.

Nous devons davantage respecter la diversité de la population canadienne. Nous devons offrir un éventail de mesures de soutien et d'accès aux traitements à la fine pointe de la science, et je crois que nous devons également comprendre notre responsabilité sociale et la responsabilité des sociétés. Nous aurons besoin du concours de nombreux intervenants pour réussir notre nouveau programme.

Je viens tout juste d'apprendre l'existence de Lilly Canada, qui a récemment mis sur pied une fondation dont 1,5 million de dollars cibleront des solutions de mieux-être, cette année, et cinq millions de dollars pour l'an prochain. Cet argent sera acheminé à des programmes communautaires d'un bout à l'autre du pays, et qui assurent la promotion de solutions de mieux-être.

Mais comment encourageons-nous d'autres intervenants de l'industrie à suivre cet exemple?

Le plan devrait également prévoir des incitatifs provinciaux qui soutiennent la transformation de notre système désuet en un système qui respecte les enjeux contemporains relatifs à la santé mentale et qui consacre de l'argent aux priorités et résultats provinciaux négociés avec le gouvernement fédéral. Mais, le plus important, c'est qu'on doit mettre en place un cadre qui a du poids et qui tient les provinces responsables de respecter ce qu'elles ont négocié c'est- à-dire aucun changement, aucun résultat, aucune somme d'argent.

Aujourd'hui, je sais que j'en demande beaucoup, et j'ajouterais aussi que c'est ce que je veux immédiatement. Madame Tooton, êtes-vous d'accord avec cela?

Mme Carole Tooton, directrice exécutive, Association canadienne pour la santé mentale, chapitre de laNouvelle-Écosse : Parfaitement.

Mme Beck : Je sais que nous en avons le pouvoir, c'est certain.

En terminant, je voudrais conclure par une citation qu'a portée à mon attention un collègue que j'apprécie beaucoup, Stan Kutcher, et qui nous vient de l'Organisation mondiale de la santé. Ça va comme suit :

...nous avons les moyens et les connaissances scientifiques requis pour aider les gens qui souffrent de troubles mentaux et cérébraux. Malheureusement, tant les gouvernements que la communauté de la santé publique ont fait preuve de négligence. Par accident ou par dessein, nous sommes tous responsables de cette situation.

Et ça continue comme suit :

(Nous n'avons) pas le choix : il (nous) appartient de veiller à ce que notre génération soit la dernière à laisser la honte et la stigmatisation prendre le pas sur la science et la raison.

Le président : Merci de votre magnifique exposé. Avez-vous une brochure sur votre organisation outre votre exposé? Si oui, pourriez-vous nous en envoyer un exemplaire?

M. George Tomie, animateur du SOS Support Group et membre de la famille d'un bénéficiaire de soins de santé mentale, à titre personnel : Monsieur le président, honorables membres du Comité, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à parler au nom du chapitre de Halifax de Survivors of Suicide.

Feu Jerry Geisler et son épouse, Mary, ont formé ce groupe de soutien en 1999 lorsqu'ils ont constaté qu'il fallait former un groupe de soutien pour aider d'autres personnes après que leur fille s'est suicidée à la suite de plusieurs tentatives manquées.Les Geisler sont partis de New York pour aller s'établir en Nouvelle-Écosse, afin d'être proches de leurs petits-enfants. Arrivés là-bas, ils ont décidé d'aider d'autres personnes à vivre la perte d'un proche qui s'est suicidé. Grâce à leur grande détermination et à leur travail acharné, ils ont fondé le Halifax SOS Group, qui existe toujours aujourd'hui.

Nous devons beaucoup à Jerry et à Mary, qui ont travaillé d'arrache-pied et ont tout donné pour leur cause. Jusqu'ici, il s'agit du seul groupe de soutien des survivants du suicide de la Nouvelle-Écosse. À une époque, il s'agissait du seul groupe de soutien à l'est de Montréal.

Non seulement suis-je animateur du groupe, mais je suis également un survivant. Les bénévoles qui sont venus un jour nous demander de l'aide sont restés avec nous et aident aujourd'hui d'autres personnes à trouver la paix après une perte.

Nous insistons pour dire que nous ne sommes pas des professionnels; nous sommes des personnes qui ont perdu un être cher qui s'est suicidé. Par notre propre histoire, nous aidons d'autres personnes à partager leur douleur et à trouver le chemin de la guérison. Le groupe offre également d'aller au devant des personnes qui ne peuvent pas assister à nos réunions en raison de la distance ou d'autres circonstances. Les nouveaux membres communiquent avec nous, et nous leur expliquons le fonctionnement du groupe de soutien, et nous leur disons à quel endroit nous nous réunissons, et à quelle fréquence. Nous les encourageons aussi à se faire accompagner s'ils le souhaitent. Bien des gens hésitent à venir aux réunions. Ils ne sont pas à l'aise en groupe. En pareil cas, Mary ou moi leur parlons au téléphone tant et aussi longtemps qu'ils veulent parler, ou nous nous arrangeons pour les rencontrer à l'endroit de leur choix.

Le groupe d'aide tient à jour une liste de coordonnées contenant le nom, le numéro de téléphone et l'adresse électronique des membres. Nous les encourageons à garder contact entre les réunions. Nous essayons de leur faire comprendre qu'ils ne sont pas seuls dans toute cette aventure; ils peuvent compter sur l'amour et le soutien de toutes les personnes qui participent aux réunions, qui peuvent les aider à vivre leur douleur. J'ai vu des gens venir pour la première fois à une réunion et être tellement anéantis qu'ils ne pouvaient pas parler, et, des mois plus tard, j'ai vu ces mêmes personnes rire pour la première fois sans craindre de se sentir coupables ou d'avoir honte.

Nous fournissons également le nom de professionnels ou d'organisations qui peuvent les aider. Le groupe a pour principal objectif d'assurer la guérison par le partage et le soutien. On dit aux survivants que le groupe ne constitue pas une solution« rapide » à leur situation et que la guérison prendra du temps. Mais cela dépend de la personne. Certaines guérissent rapidement, d'autres prennent plus de temps à se rétablir, et d'autres encore ne s'en remettent jamais.

Les personnes qui ne s'en remettent jamais ne peuvent s'empêcher de se demander « pourquoi » et ne peuvent jamais tourner la page. Elles se sentent blessées, abandonnées par le système et les professionnels qui sont là pour les aider, et viennent aux réunions du groupe SOS non seulement pour exprimer leurs frustrations, mais aussi pour trouver le soutien et la compréhension dont elles ont besoin pour survivre.

Souvent, les gens nous demandent pourquoi nous nous qualifions de « survivants » si ce n'est pas nous qui avons essayé de nous suicider mais qui ont survécu. La réponse est simple. Dans le dictionnaire, on définit le mot « survivre » ainsi : qui continue à vivre, qui n'est pas perdu. Pour ceux qui restent, c'est ce que nous faisons chaque jour. Nous continuons de nous demander pourquoi la personne s'est suicidée et de composer avec la douleur et la perte auxquelles nous devons faire face.

Pour comprendre ce qu'est le suicide, il faut lever le voile qui couvre cet acte. Comment nous y prenons-nous? Tout d'abord, nous devons comprendre ce qui pousse quelqu'un à vouloir se suicider, et, ensuite, nous devons comprendre que le suicide est une action causée par une maladie. La société doit apprendre que les gens qui se suicident voient souvent cet acte comme la seule solution à un problème insurmontable. Ce n'est que lorsqu'elle aura compris cela que l'on pourra lever le voile et éliminer les stigmates et les mythes qui entourent cet acte.

Les Canadiens devraient hériter de la santé et d'une longue vie. Comment peut-on y arriver? Nous avons besoin de nouvelles procédures de déclaration pour les familles, de nouvelles lois sur l'intimidation à l'école, et de meilleures publicités sur la dépression et la violence. Nous devons mettre en place dans les écoles publiques davantage de programmes qui portent sur la dépression, par l'entremise de cours sur l'épanouissement personnel et les relations interpersonnelles, de programmes d'éducation visant à aider les parents à mieux comprendre la dépression et ses liens avec le suicide. Nous voulons éliminer les stigmates associés au suicide. Nous devons dresser un répertoire de services d'aide et élaborer un protocole approprié pour les premiers intervenants. Enfin, nous devons adopter une loi sur la couverture médiatique des suicides.

Je voudrais terminer par cette citation, que j'ai vue il n'y a pas si longtemps : « L'action la plus violente dans la société, aujourd'hui, c'est l'ignorance. »

Le président : Merci, monsieur Tomie.

Mme Tooton : Monsieur le président, j'ai préparé un exposé que vous devriez tous avoir devant vous, mais après avoir entendu les commentaires de bénéficiaires et de membres de la famille puis de mes collègues, je vais passer mon tour.

J'aimerais dire que, dans le paquet que je vous ai donné, j'ai inclus le cadre de soutien de l'Association canadienne pour la santé mentale. Le modèle de base des ressources communautaires remonte à 1984. À cette époque, on voulait que les bénéficiaires soient bel et bien inclus dans la collectivité. On l'a élaboré à l'époque de la désinstitutionnalisation, et nous avions besoin d'un mécanisme, d'un cadre pour que les gens réintègrent la collectivité. Depuis, on l'a intégré au modèle de base de ressources du savoir et au modèle de base de ressources personnelles, et nous désignons aujourd'hui le tout comme les « trois piliers de la guérison ». Ça nous donne une indication que les mentalités ont changé, que la terminologie a changé, et nous parlons aujourd'hui de guérison, une nouvelle réalité, mais à laquelle il faut porter plus attention.

J'ai également inclus un document de travail que l'ACSM, chapitre de la Nouvelle-Écosse, a élaboré avec des alliés communautaires. Ce document porte sur la Loi sur la santé mentale, loi dont on discute actuellement et qui, j'en suis certaine, deviendra une réalité, ici, en Nouvelle-Écosse, avant que ce soit terminé.

J'ai également inclus l'article nécrologique et une lettre d'une famille dont la fille s'est suicidée il y a quelque temps. La douleur de la famille était trop vive pour qu'elle vienne ici présenter son témoignage. Cependant, elle voulait que je vous raconte son histoire, et c'est pourquoi je l'ai aussi incluse.

Par ailleurs, comme je ne regarde pas mes notes, si c'est trop long, arrêtez-moi. Ce matin, j'ai été renversée par le nombre de fois où on a fait allusion à l'éducation et au besoin d'éducation. Dans mon document, je crois que j'appelle ça « mental health literacy », soit « connaissances en santé mentale ».

Le chapitre de la Nouvelle-Écosse de l'ACSM célébrera son centenaire en 2008. Nous avons été créés dix ans avant notre organisation nationale. En fait, avant que les cliniques de santé mentale fassent partie du Régime d'assurance médicale de la province, c'était les chapitres de l'ACSM qui les finançaient et les soutenaient, et, oui, comme je le dis dans mon document, payaient les salaires des psychiatres. Donc, nous avons une histoire, ici, dans la province.

L'ACSM est connue entre autres pour ses programmes de prévention et de promotion de la santé et de l'éducation du public. Pendant que j'écoutais les gens parler de la nécessité d'éduquer davantage les gens, j'ai pensé : « Oh mon Dieu, nous sommes arrivés. » Nous avons du matériel fantastique. Notre organisation nationale a toujours réussi à obtenir des fonds pour faire de la recherche et soutenir le matériel. Au cours des dernières années, nous avons élaboré un manuel pour les centres de la petite enfance, et, plus récemment, un manuel à l'intention des écoles secondaires portant sur la santé mentale et la façon de reconnaître les signes et symptômes de la dépression. Nous avons un guide pour les étudiants à l'université. Nous avons un manuel que les employeurs peuvent utiliser pour parler des problèmes de santé mentale en milieu de travail, et dans lequel on donne des exemples concrets de la façon dont on peut s'adapter à un problème de santé mentale en milieu de travail.

Tout le monde en Nouvelle-Écosse devrait être au courant de toutes ces choses, parce qu'elles sont toutes présentes. Mais devinez quoi? Ce n'est pas le cas. La raison, c'est que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour diffuser le matériel. J'ai été embarrassée lorsque j'ai entendu dire que nos brochures ne sont pas dans nos cliniques de santé mentale. Nous en avons beaucoup dans notre bureau, mais nous n'avons pas les fonds nécessaires pour les distribuer. Deux personnes travaillent dans notre bureau.

Je ne veux pas me plaindre, mais je veux vous faire comprendre que ce qui ne va pas dans notre système, c'est que nous ne reconnaissons pas les personnes qui font le mieux leur travail et ne leur permettons pas de le faire.

Lorsque les services de santé mentale de l'hôpital de la Nouvelle-Écosse ont été établis dans la collectivité, on ne savait pas vraiment ce qui se passait déjà dans la collectivité. Nous sommes en concurrence avec le personnel infirmier en psychiatrie et les travailleurs sociaux, qui assurent la promotion de la santé et l'éducation du public. Ils nous envoient chaque semaine leurs avis, et ils nous demandent de les afficher sur nos babillards, et de les annoncer pour que le public participe aux programmes. En même temps, on parle des listes d'attente. Est-ce qu'on ne devrait pas faire quelque chose différemment? Ne pourrions-nous pas réharmoniser nos ressources? Ne pourrions-nous pas collaborer dans le cadre d'un partenariat pour fournir de l'information?

Dans le rapport Kirby, on a fait allusion aux ONG et au nombre de ces organismes qui sont dans la collectivité. Comment pouvons-nous encourager ces organisations à travailler davantage en collaboration?

Il y a dix ans, lorsque j'ai commencé à travailler avec l'ACSM, j'ai appris que la seule façon dont nous pouvions faire passer notre message, c'était de travailler en collaboration et en partenariat avec d'autres organisations. J'ai travaillé avec des organisations qui s'occupent de personnes souffrant de handicaps associés. C'est ahurissant de voir que, lorsqu'on discute avec les responsables de nombreuses organisations qui se consacrent à des troubles physiques, il faut leur rappeler, comme on l'a déjà dit plus tôt aujourd'hui, le genre de mesures d'adaptation et de stratégies de travail qu'il faut mettre en place pour aider les gens aux prises avec un problème de santé mentale.

Je crois que les diverses composantes du système, et par cela, j'entends le système officiel et le système officieux, doivent se réunir et régler leurs propres problèmes avant que nous puissions prendre des mesures pour améliorer la qualité des soins offerts aux personnes qui accèdent à ces services.

Avant de parler de la loi, je veux aborder la question de la discrimination. Ce n'est pas si facile de définir le mot « stigmate » mais nous pouvons nous reporter à la signification du mot« discrimination » et comprendre que ce n'est pas bien. Nous ne faisons pas seulement qu'examiner la discrimination parce qu'elle affecte les gens; nous examinons la façon dont elle nuit au système.

Pourquoi est-ce que ici, en Nouvelle-Écosse, moins de4 p. 100 du budget des soins de santé sont réservés à la prestation de services de santé mentale? Je ne peux m'empêcher de penser qu'une certaine discrimination est associée à ce pourcentage.

Il y a deux ans, le Ministre était très heureux d'annoncer que le système fondamental de soins de santé recevrait une augmentation de deux millions de dollars chaque année, pendant les deux années suivantes. Ça peut sembler beaucoup d'argent. Le lendemain, je lisais les journaux et j'ai vu la merveilleuse nouvelle machine d'IRM de l'hôpital général de Victoria, qui avait coûté 3,4 millions de dollars. Lorsqu'on met tout ça en perspective, on en vient à douter de l'importance qu'on accorde à la santé mentale et à la maladie mentale.

Je veux parler de la prévention du suicide. Je crois que, d'un bout à l'autre du pays, on a tendance à mettre le suicide dans la catégorie de la « prévention des blessures ». Ce qui m'inquiète, c'est que, une fois qu'il se trouve dans cette catégorie, le système l'oublie.

Nous avons lancé une campagne, dans laquelle nous avons installé de grands panneaux publicitaires et diffusé des publicités à la télévision au sujet de la prévention des accidents de travail. Le panneau publicitaire sur la rue Barrington indique qu'il y a chaque année en Nouvelle-Écosse 70 000 accidents de travail. Si nous croyons les statistiques, la maladie mentale touchera plus de 250 000 personnes dans notre province. Nous n'avons pas de campagne d'information sur ce problème, qui est quatre fois pire que les accidents de travail.

Nous avons été la dernière province au Canada à adopter une loi sur la santé mentale, même si le processus a été enclenché il y a longtemps. Au cours de la session d'automne de la législature, nous avons déposé le projet de loi 109. Notre bureau de chapitre et deux ou trois organismes communautaires et une poignée de personnes dévouées qui défendent cette cause depuis plus longtemps que moi espéraient vraiment que le gouvernement aurait misé sur ce qui s'était passé dans le pays, aurait profité du moment et aurait déposé une loi sur la santé mentale vraiment progressiste.

Le nom lui-même évoque les grandes lignes de ce qui devrait se trouver dans cette loi. Ça ne devrait pas être une loi qui porte uniquement sur le traitement non volontaire des clients en santé mentale. On doit inclure dans la loi les concepts de promotion de la santé, de prévention et de l'élimination de la discrimination. Nous devons y préciser que les gens ont besoin de mesures de soutien après le traitement, non seulement par des médicaments, mais également sur le plan de l'emploi, du logement convenable et du revenu adéquat.

Mais ce n'est pas la première fois que vous entendez cela; si la loi ne précise pas la façon dont on structurera les services et le soutien, il n'y en aura pas.

Je crois qu'on en est réduit à penser que n'importe quelle loi sur la santé mentale, c'est mieux que pas de loi du tout. Donc, on va prendre ce qu'on nous offre pour l'instant. Nous considérons que c'est un autre défi que nous devons relever dans notre lutte continuelle, parce que cela aura un énorme impact sur les personnes qui accèdent aux services.

Plus tôt aujourd'hui, quelqu'un a mentionné la recherche. Dans un monde où toutes nos décisions sont censées se fonder sur des pratiques exemplaires, il faut effectuer des recherches. Notre bureau de chapitre consulte encore des recherches effectuées au milieu des années 80, à une époque où on avait de l'argent pour faire des recherches. Les chercheurs ont demandé à des bénéficiaires de soins de santé mentale ce dont ils avaient besoin pour bien se porter dans les collectivités, et non pas ce dont ils avaient besoin lorsqu'ils étaient malades. En gros, ils ont répondu : « Un toit, un foyer, un ami ». Nous devons tenir compte du point de vue des bénéficiaires.

Certains organismes subventionnaires des recherches insistent pour dire qu'on doit adopter une approche de collaboration à l'égard de la recherche. Ce ne peut pas être simplement les scientifiques ou les médecins qui dirigent les recherches. Ils doivent collaborer avec les partenaires communautaires et des bénéficiaires. Les bailleurs de fonds commandent la recherche, et nous recevons, après-coup, beaucoup de demandes de lettres ou de soutien pour vérifier qu'il y a au moins un certain lien avec les collectivités. Nous devons participer au processus dès le tout début. Nous devons nous rassembler pour discuter du genre de possibilités de recherche qui sont importantes pour les collectivités, parce que, selon moi, on a vraiment besoin d'un plus grand soutien communautaire et de davantage de recherches dirigées par les bénéficiaires.

Vous ne savez probablement pas depuis combien de temps certains d'entre nous attendent cette occasion ni pourquoi je me suis tellement battue pour écrire ce que je voulais dire parce qu'il y a tant à dire.

J'ai travaillé à l'échelle locale avec des personnes âgées qui reçoivent des soins de santé mentale, et je m'identifie à leurs besoins. Depuis que je travaille à votre bureau de chapitre, j'ai vu un tout nouveau groupe de personnes qui est pratiquement oublié par notre système et dont on s'occupe rarement. Ces personnes essaient désespérément de se soigner elles-mêmes, et elles ont juste besoin d'un peu de soutien.

Un jeune homme m'a téléphoné pour me dire que, même s'il ne peut travailler dans son domaine d'intérêt à cause du stress que cela suppose, il a un travail qui consiste à peinturer les maisons. Cet homme détient une maîtrise en éducation, mais il gagne bien sa vie à peinturer l'extérieur de maisons en été, et l'intérieur en hiver. Il me demandait si nous pouvions l'aider à payer ses médicaments contre le stress, qui coûtent plus de 500 $ par mois. Voyez-vous, son employeur n'offre pas d'assurance collective, et le coût mensuel de ces médicaments ronge une bonne partie de son salaire.

J'aurais bien aimé pouvoir lui dire : « Vous avez téléphoné au bon endroit parce que, oui, c'est ici que vous devez vous adresser pour obtenir ce type d'aide. » Cependant, ce n'est pas le cas, ici, en Nouvelle-Écosse. Je crois que ce que nous avons fait, c'est dispenser trop de services à certaines personnes, et ne pas en avoir offert suffisamment à d'autres. Nous devons corriger cette situation, parce que les gens se perdent dans les failles du système.

J'aimerais terminer par trois mots : résilience, espoir et rétablissement. Je crois que c'est grâce à leur capacité de résilience que les gens ont pu survivre et avancer malgré le système. Il y a de l'espoir, et si nous n'y croyions pas, nous ne serions pas ici. Le rétablissement est possible. Par exemple, j'ai travaillé avec Roy lorsqu'il traversait une mauvaise période, et je sais à quel point ce qu'il a fait ce matin est important. C'est une situation où tout le monde gagne. Les gens apprennent et les gens se remettent parce qu'ils ont la possibilité de faire part de leur expérience.

Le président : Merci à chacun d'entre vous. Vous avez abordé certains des enjeux qui nous préoccupent. Madame Tooton, vous avez parlé de deux problèmes auxquels Mme Beck a fait allusion indirectement. Vous avez dit qu'il était important que les organisations « règlent d'abord leurs propres problèmes », étant donné qu'elles sont nombreuses.

Ce qui nous freine, entre autres, c'est que nous essayons de déterminer ce que nous pouvons faire à partir de là. Ce matin, vous avez entendu des témoins parler de la difficulté qu'on a à se retrouver dans le dédale du système. L'une des raisons pour lesquelles il est si complexe, c'est qu'il y a beaucoup d'organisations.

Comment pouvons-nous faire pour composer avec le fait que toutes les organisations sont autonomes et ont leurs propres mandats?

Il est toujours difficile de regrouper des organisations sous un même toit afin qu'elles travaillent ensemble. Nous sommes pris avec un problème : ce que nous avons aujourd'hui, c'est unanti-système. Mme Beck a donné l'exemple d'une femme qui avait trois agents de gestion des cas, lesquels avaient tous des intérêts différents.

En fin de compte, comment nous y prenons-nous, par la persuasion ou par la force, pour transformer un système qui n'en est pas un en un véritable système, en incitant ou en forçant les intervenants à coopérer?

On doit le faire à l'échelle de la collectivité. On doit le faire là où vous travaillez.

Mme Tooton : Je crois qu'on le fait à l'échelle de la collectivité, et que, lorsqu'on se bute à des obstacles, c'est que nous essayons de nous connecter avec les divers systèmes. Je vous ai donné l'exemple d'une merveilleuse initiative à laquelle je participe depuis 2002. Comme ils ont la possibilité de vivre dans un logement adapté, les bénéficiaires peuvent se bâtir un actif, et économiser de l'argent pendant qu'ils vivent dans ce logement. Ce programme a été rendu possible grâce à la collaboration d'organisations communautaires et du secteur privé. Nous avons fait appel à des experts-conseils et à des architectes pour nous aider à le mettre sur pied. Depuis la création de cette initiative, nous avons obtenu du financement du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial, et aujourd'hui, on a un peu d'argent pour inciter la collectivité à nous soutenir. Je ne pense pas que nous pouvons attendre que les systèmes nous aident. Je crois que nous devons nous regrouper et agir, et prouver, par l'exemple, qu'on peut le faire.

Le président : Vous pouvez peut-être compter sur un groupe de personnes en particulier qui peut accomplir cet objectif, mais, en général, ce genre de collaboration exige un leadership extraordinaire, et c'est souvent très difficile à trouver. Nous aimerions mettre en place un système dont les actions ne dépendraient pas entièrement de la chance d'avoir les bonnes personnes au bon endroit.

Mme Tooton : Eh bien, je vais vous présenter la question d'un angle légèrement différent.

Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'organisations qui peuvent soutenir les gens, mais je crois que nous devons disposer de diverses ressources pour permettre aux gens de choisir ce dont ils ont besoin pour s'engager dans le chemin de la guérison. Je ne pense pas que nous pouvons nous attendre à ce qu'il y ait une solution pour tout le monde.

Le président : Je suis d'accord avec vous, et cela me ramène à ce que disait Mme Beck. Nous abordons maintenant le problème de la navigation dans le système dont certaines personnes ont parlé ce matin. Il me semble, et j'ai peut-être tort, que ce dont vous avez besoin, c'est d'un seul agent de gestion des cas. Je veux dire, pour être juste envers les personnes qui souffrent d'une maladie mentale, il faut que quelqu'un puisse les aider à se retrouver dans le système. Je comprends parfaitement votre argument, mais l'autre côté de la médaille, c'est que ce serait préférable que quelqu'un puisse les aider à se frayer un chemin dans le système.

Pour l'instant, elles se perdent dans un système qui compte tellement d'intervenants qu'elles n'ont aucun moyen de s'y retrouver.

Mme Tooton : Je crois que la Société pour la lutte contre le cancer a répondu à cette question, ici, en Nouvelle- Écosse. En fait, elle compte des guides qui aident les gens à se retrouver dans le système. Je ne sais pas vraiment où elle entre en contact avec les bénéficiaires, peut-être lorsqu'ils sont identifiés par leur médecin, ou lorsqu'ils sont à l'hôpital, mais elle a vraiment des gens,peut-être des bénévoles, qui jouent ce rôle. Lorsque Roy Muise a parlé du soutien par les pairs ce matin, je considère qu'il s'agit du domaine par excellence où l'on pourrait mettre en place des mécanismes de soutien par les pairs.

Mme Beck : C'est une situation compliquée, et je ne pense pas qu'il y ait une solution facile. Je crois que les petits organismes communautaires se livrent une concurrence féroce, et ils se disputent chaque dollar offert. La conjoncture politique ne leur permet pas de travailler en étroite collaboration parce qu'ils n'ont tout simplement pas suffisamment de fonds pour le faire. Je pourrais ramasser les fonds que M. Tomie n'obtiendra pas, et cela crée une dynamique politique dans laquelle il pourrait devenir impossible pour nous de travailler ensemble.

Je crois que le plus gros défi qui se présente à nous, c'est que les membres du système officiel ont une mentalité qui est aux antipodes de celle des membres du système communautaire, et que cela influe sur leurs pensées, leurs actes et leurs perceptions dans le domaine de la santé mentale.

J'œuvre dans le secteur du développement communautaire. Je fais affaire avec un système qui met l'accent sur les soins actifs, l'invalidité, les préjudices et le contrôle, sans mettre en valeur la promotion de la santé et la philosophie du rétablissement. Les gens qui font partie du système doivent entendre parler de promotion de la santé et de rétablissement. Lorsque ces secteurs essaient de travailler avec le système officiel, ils se butent à des obstacles.

En ce qui concerne ce concept de collaboration, nous avons récemment terminé un vaste processus de planificationstratégique ici, dans le district de la capitale, qui comprend plus de 500 intervenants de tous les secteurs, y compris du secteur privé. L'une des initiatives pour lesquelles nous espérons obtenir du financement du gouvernement provincial est la formation d'un guide, une personne qui vit avec la maladie et qui peut guider une autre personne dans le système. Ainsi, non seulement cela règle le problème, mais ça crée également des emplois pour une foule de personnes que nous savons être employables, mais qui sont actuellement sans emploi.

M. Tomie : Eh bien, notre groupe est davantage un groupe de soutien bénévole, et c'est pourquoi nous ne voulons pas de financement. Ce que nous voulons, c'est qu'on apporte des changements au système de façon que les gens sachent que nous sommes là. Mme Bech et Mme Tooton ont raison lorsqu'elles disent que beaucoup d'organisations essaient d'offrir le même service.

Dans notre groupe, Mary Geisler et moi-même sommes les guides. C'est nous qui disons à un bénéficiaire que le groupe peut les aider ou qu'il devrait s'adresser à la Société de schizophrénie, par exemple. Nous guidons les survivants lorsqu'un trouble bipolaire ou une autre forme de maladie mentale a causé un décès.

Le président : Monsieur Tomie, vous appuieriez le concept de guides.

M. Tomie : Oh, oui, nous avons besoin d'un tel service.

Le sénateur Cordy : Je veux remercier chacun d'entre vous d'être venu et de nous aider à élaborer notre rapport parce que nous voulons d'abord et avant tout être utiles et rédiger un rapport qui n'ira pas dormir sur une tablette.

Monsieur Tomie, vous avez parlé de la législation qui porte sur la couverture médiatique du suicide.

Qu'est-ce que les médias peuvent faire pour essayer de réduire la stigmatisation ou la discrimination dont sont vraisemblablement victimes les personnes qui souffrent d'une maladie mentale?

M. Tomie : Je ne peux parler que d'après mon opinion personnelle et ma situation. Les médias adorent le sensationnalisme.

Lorsque nous demandons aux médias de ne pas donner dans le sensationnalisme, ils nous disent d'aller au diable parce que ce n'est pas ça qui fait vendre des journaux. C'est ce que le président de la SRC m'a dit. J'ai téléphoné à la SRC parce que, au cours d'une émission télévisée concernant le suicide, on a utilisé la photo de mon fils et celle d'un autre garçon qui était mort le mois précédent, sans ma permission, et qu'on avait laissé entendre qu'il y avait un lien entre les deux décès parce que les deux garçons étaient de très bons amis. Je crois qu'ils doivent obtenir la permission des parents ou des êtres chers pour diffuser ces photos à la télévision.

De plus, ils devraient faire très attention à ce qu'ils impriment, parce que cela a une énorme influence sur les lecteurs. Si des adolescents oscillent entre la vie et la mort, cela pourrait avoir un impact sur ce qu'ils choisissent de faire.

Je sais que Mme Beck et Mme Tooton seront d'accord avec moi pour dire que la terminologie entourant le suicide est tellement dépassée que ce n'est même plus drôle. Les gens continuent de dire, en anglais, « committed suicide », comme si on pouvait commettre un suicide. On ne peut pas commettre un suicide. On peut commettre un vol, on peut commettre une agression, mais on ne peut pas commettre un suicide. Mais on peut dire qu'on se suicide.

Nous devons sensibiliser davantage le public, et je crois que cette tâche revient aux journaux et aux médias en général. Ils devraient présenter l'histoire, mais sous un jour positif plutôt que destructeur.

Le sénateur Cordy : Comment pouvons-nous légiférer dans ce domaine? Il semble que nous ne devrions pas avoir à adopter une loi à ce sujet, mais je comprends exactement ce que vous dites, parce que vous regardez certaines photos dans les journaux, et vous vous dites : « si j'étais un membre de la famille, commentest-ce que je réagirais? »

M. Tomie : J'imagine qu'il va falloir rencontrer les médias et fixer des règles. Le mot « loi » n'est peut-être pas le bon, mais ils devraient aussi suivre des règles et des lignes directrices. Je ne crois pas qu'il soit acceptable de montrer la photo de quelqu'un au bulletin de nouvelles de 17 heures, surtout pour les parents.

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord avec vous.

M. Tomie : Je sais ce que ça a fait à l'autre père qui a aussi perdu son fils. Le pauvre homme est resté sur son sofa pendant un mois. Maintenant, que pensez-vous que ça va lui faire de voir la photo de son fils à la télévision?

Je ne pense pas qu'ils jouent franc jeu. Disons-le franchement : ils sont là pour vendre des journaux, et c'est tout ce qui les intéresse. Ils ne recollent pas les pots cassés, et je crois que c'est ce qu'il faut faire.

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord avec vous.

Mme Tooton : L'an dernier, nous avons participé à un projet de recherche intéressant. Nous avons fait une loterie pendant six mois, et nous avons encouragé les Néo-Écossais à nous envoyer des articles, des histoires, ou même des publicités qu'ils avaient entendues à la radio ou à la télévision et qui, selon eux, manquaient de respect à l'égard de la santé mentale, des problèmes de santé mentale ou du suicide. Eh bien, les trois premières semaines ont été terribles parce que les médias ne réagissent pas bien à la critique. Nous avons eu des appels de personnes de toutes les régions du Canada, et même d'aussi loin que l'Ohio, qui s'intéressaient à cette initiative. Au terme des six mois, nous avons procédé à un tirage, les gens ont gagné des prix, et nous en sommes actuellement à organiser des rencontres avec les comités de rédaction pour discuter de ces problèmes et obtenir la collaboration de la presse pour ce qui est de l'élaboration de lignes directrices.

Je veux dire, nous avons maintenant des lignes directrices médiatiques. Ce n'est pas la première fois que nous faisons tout cela, mais nous espérons que, si nous mobilisons la presse et lui demandons ses commentaires et sa collaboration, nous l'amènerons plus facilement à adopter nos idées.

L'une des choses que nous avons apprises au cours de l'initiative, c'est que le journaliste peut vouloir donner un bon compte rendu, mais ce n'est pas lui qui trouve le titre, et donc, souvent, c'est le titre qui donne dans le sensationnalisme.

Le sénateur Cordy : Votre initiative a suscité des commentaires aussi bien positifs que négatifs. Estimez-vous avoir recueilli de l'information précieuse en faisant cette loterie?

Mme Tooton : Oui, et nous allons continuer de surveiller les médias parce que, même s'ils se sont bien tenus pendant ces six mois, on constate qu'il y a eu depuis quelques dérapages.

Le sénateur Cordy : Parfois, les commentaires qu'on présente dans les médias, qu'ils soient positifs ou négatifs, permettent au moins de porter l'histoire à l'attention du public.

Ma prochaine question concerne la reddition de comptes. Comme le président l'a dit, nous jonglons entre les provinces et le gouvernement fédéral. Il est difficile de nous assurer que les provinces dépensent judicieusement l'argent du fédéral.

Ma question est la suivante : le financement du gouvernement fédéral devrait-il cibler les domaines de la santé mentale, de la maladie mentale ou du mieux-être?

Mme Tooton : Oui.

Mme Beck : Oui, parfaitement. Vous savez comment fonctionne un système de soins de santé, et il faut beaucoup d'argent pour dispenser des soins actifs. L'argent est versé aux districts qui ont un éventail de programmes, et l'argent neuf est injecté dans les programmes en déficit. Les petits programmes ne se voient pas affecter de budget de millions de dollars.

Nos programmes ne verront pas un sou des quatre millions de dollars que le gouvernement fédéral versera à la Nouvelle-Écosse pendant quatre ans. Nous n'en verrons rien. Pas un sou ne sera versé pour la modification de notre système désuet de soins actifs, qui contribue aux problèmes qui touchent les soins en santé mentale.

J'aimerais qu'on arrête avec la province un cadre redditionnel, et sur lequel elle devrait rendre des comptes. Si elle ne le respecte pas, elle n'obtient pas le financement.

Le sénateur Cordy : Si la municipalité régionale de Halifax ne reçoit pas d'argent, qu'adviendra-t-il de Cap-Breton, de Guysborough et de Yarmouth? Y a-t-il des programmes dans les régions rurales?

Mme Beck : Oui, mais l'argent sera versé au gouvernement provincial, et c'est lui qui le distribuera aux districts, mais sous réserve de certaines conditions. Y a-t-il des membres du gouvernement ici présents, aujourd'hui?

Le sénateur Cordy : Il y en aura un plus tard.

Mme Beck : Grâce à un cadre redditionnel, les districts seraient responsables de respecter les conditions négociées, et donc, on entrera dans un cycle d'amélioration continue de la qualité.

Le sénateur Cochrane : Je voudrais que vous nous en disiez davantage sur le nouveau programme révisé de santé mentale de la Nouvelle-Écosse. Vous avez dit qu'on vient juste de promulguer une nouvelle loi dans le cadre du programme de santé mentale. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, et nous parler des lacunes de cette loi? Pouvez-vous nommer certaines choses qui ne sont pas suffisantes dans cette loi?

Mme Tooton : La loi n'a pas été adoptée par l'assemblée législative. Le processus a été retardé à la deuxième lecture. Nous avons un gouvernement minoritaire, et je crois que nous savons tous comment fonctionnent les gouvernements minoritaires. Comme elle n'a pas obtenu l'appui des deux parties de l'opposition, elle n'a pas pu passer à l'autre étape. Cependant, je pense que, au cours de la présente séance, on la déposera de nouveau, et je crois comprendre que les Libéraux veulent maintenant l'appuyer, et elle passera donc à la modification des lois, et ensuite, à la troisième lecture. J'espère que, d'ici l'automne, nous aurons notre loi sur la santé mentale.

J'ignore si vous voulez vraiment me poser cette question. Comme je l'ai déjà mentionné, nous, en tant qu'organisation, préférerions voir que les gens peuvent accéder au système de santé mentale de façon volontaire plutôt que de constater qu'on les force à subir des traitements non volontaires.

Lorsque vous dites « loi sur la santé mentale », je pense que vous faites allusion au fait qu'elle porte sur la santé mentale, et non pas exclusivement sur la maladie mentale. En fait, c'est ce qui est arrivé ici, et je crois que c'est la même chose pour les autres lois sur la santé mentale qui ont été adoptées au pays. Demain,M. Archie Kaiser s'adressera au Comité. Il en sait long sur la santé mentale, et il pourra vous en parler beaucoup mieux que moi.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Tomie, pourriez-vous nous dire où vous rencontrez les gens qui ne sont pas à l'aise en groupe? N'avez-vous jamais pensé à aller dans les écoles, le soir, lorsqu'il n'y a pas d'étudiants? Est-ce que ce serait un bon point de rencontre pour les gens?

M. Tomie : Lorsque j'ai parlé des gens qui ne voulaient pas venir aux séances de groupe parce que cela les met simplement mal à l'aise, je voulais dire que, habituellement, je vais les rencontrer chez eux. Ils sont plus à l'aise dans un endroit qu'ils connaissent, et ils peuvent parler plus librement. Certains veulent me rencontrer au Tim Horton, où il y a beaucoup de gens, de façon que nous ne soyons pas seuls, face à face. Habituellement, je leur laisse prendre cette décision.

Au Cap-Breton, j'ai élaboré un programme et je l'ai offert dans 60 classes. Du coup, beaucoup d'enfants ont demandé de l'aide, et ensuite je me suis heurté à un mur. C'est la même chose ici, en Nouvelle-Écosse. Je ne peux pas aller dans les écoles et présenter le programme, parce qu'elles ne m'enverront pas d'invitation. Le système d'éducation perpétue l'idée selon laquelle les enfants se suicideront s'ils entendent parler de suicide.

Le groupe n'est toujours pas très connu, même si nous existons depuis 1999. Je sais que c'est dur à croire, mais même si M. et Mme Geisler et moi-même avons communiqué avec presque toutes les organisations de la province, notamment la police, les Services d'aide aux victimes, la GRC, notre meilleure recommandation nous vient encore du bureau du coroner. J'ai même abordé l'Association des entrepreneurs de pompes funèbres de la Nouvelle-Écosse parce que la plupart des salons funéraires emploient un guide qui aide les survivants à faire appel à des groupes de soutien.

Habituellement, lorsque quelqu'un vient dans notre groupe, nous lui demandons comment il nous a trouvés, et souvent, il dit qu'il nous a trouvés sur Internet. Une personne est allée aux États-Unis pour trouver de l'aide, et on lui a recommandé de venir nous voir.

Nous sommes le seul groupe de la province qui tienne une séance chaque mois, quel que soit le nombre de participants. Que nous soyons deux ou 22 dans la pièce, le groupe ne s'arrête jamais, contrairement à certains programmes.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous des groupes seulement dans la région de Halifax, ou il y en a-t-il dans d'autres villes comme Antigonish et Sydney?

M. Tomie : Le groupe est pour tout le monde. Des gens viennent d'aussi loin qu'Antigonish et que New Glasgow pour nous voir. Nous sommes le seul groupe du genre. Il n'y a pas d'autres groupes dans toute la province. Nous sommes le seul groupe, à ma connaissance, qui tient des séances chaque mois, mais je sais qu'un nouveau groupe vient de se former à Quispamsis, au Nouveau-Brunswick.

Mme Tooton : Actuellement, nous hésitons quelque peu à donner des conférences dans les écoles. Nous recevons beaucoup d'appels, surtout de classes de 11e année, dont une partie du programme d'études traite de psychologie. Nous craignons que, après notre exposé, l'école ne mette pas en place de système pour régler les problèmes qui pourraient survenir à l'issue de la conférence. Nous devons savoir que les enseignants et les orienteurs disposent d'une stratégie appropriée pour traiter avec un étudiant qui réalise qu'il pourrait souffrir d'un problème de dépression ou qui a des pensées suicidaires.

Nous sommes hésitants parce que nous savons qu'une stratégie de suivi appropriée est essentielle à la réussite de notre programme. Si l'école n'a pas de stratégie, elle a du mal à trouver les bons professionnels dans le système.

Le président : Par curiosité, voulez-vous dire que le système scolaire nie l'efficacité de ce programme et que sa solution consiste à éviter principalement de parler des problèmes de santé mentale?

C'est merveilleusement progressiste. Désolé.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous parlé aux directeurs au sein des comités?

Mme Tooton : Je ne sais pas. Il semblerait que ce soit chaque enseignant, individuellement, qui nous invite à venir parler à sa classe. Nous avons essayé de participer à la stratégie de la journée du perfectionnement professionnel en présentant notre programme et en offrant de rencontrer les enseignants, mais ce n'est pas chose facile, et nous n'avons pas obtenu beaucoup de succès.

Le sénateur Cochrane : Vous pourriez essayer de parler aux directeurs, parce que sont eux qui dirigent tout le reste dans le système scolaire. Vous pourriez essayer cette approche.

Le sénateur Cook : Madame Beck, tout ce que vous souhaitez, je le souhaite aussi. Je crois, monsieur Tomie, que vous changez la vie des gens.

Je ne suis pas avocat, et je dois retourner examiner la loi.

Est-ce possible qu'un règlement provincial soutienne une législation fédérale, et est-ce qu'un tel règlement peut faire en sorte que le système doive rendre des comptes, quel que soit le contenu? Pourrait-on appliquer un tel règlement?

Mme Tooton : Je ne suis pas spécialiste moi non plus, mais je crois que la raison pour laquelle les organisations comme la nôtre et d'autres ont discuté de la possibilité d'élaborer une stratégie nationale pour la santé mentale, c'est que nous nous tournons vers le gouvernement fédéral pour orienter les dépenses dans la province. Si une partie de la stratégie consiste à déterminer une vaste loi sur la santé mentale, j'espère que les provinces essaieront d'adopter une telle loi dans leur propre administration.

Le sénateur Cook : Comment peut-on créer une loi fédérale adéquate avec toutes les composantes et tous les règlements nécessaires, et conserver suffisamment de souplesse ou de marge de manœuvre pour qu'elle s'applique aux législateurs des administrations provinciales?

Je veux dire, les règlements sont assujettis à une loi. Je me demande s'il est possible de réaliser cet objectif.

Mme Tooton : Eh bien, je dirais que ça vaut la peine d'essayer.

Le sénateur Pépin : J'ai autre chose à dire concernant l'éducation des enseignants en ce qui concerne la santé mentale. Je crois que l'éducation des enseignants est une priorité.

Vous avez dit que les gens pensent que, si vous parlez de la maladie mentale et du suicide, cela encouragera les enfants à faire part de leurs préoccupations, ou, en fait, à se suicider.

Je viens d'un petit village, et je pense que la réaction que vous obtenez est tributaire de la peur et que c'est pour cette raison que vous ne recevez pas beaucoup d'invitations à parler aux étudiants. Ils ont peur, et ils ignorent où tout cela va s'arrêter.

Mme Beck : Je crois que vous avez raison, sénateur. Ce matin, mon époux m'a demandé s'il allait y avoir quelqu'un pour représenter les enseignants, parce que la santé mentale constitue un problème de taille dans le système scolaire.

Le président : Le sénateur Cordy, avant d'être nommée au Sénat, a enseigné pendant de nombreuses années.

M. Tomie : Je veux aborder ce point, parce que ce n'est pas parce qu'on en parle que ça les incite à passer à l'acte. Je vais reprendre l'exemple de l'éducation sexuelle dans les écoles. Est-ce qu'on a peur que les enfants aient des relations sexuelles? Eh bien, c'est sûr qu'ils en ont, et les enfants apprennent les conséquences de leurs actes s'ils ne se protègent pas.

Comment pouvons-nous apprendre à un enfant à éviter la dépression et ce qu'il doit faire pour y arriver si nous ne parlons pas du problème? Nous ne sommes pas au Moyen Âge. Le problème, avec le suicide, c'est que, pendant des années, nous avons balayé le problème sous le tapis. Nous devons nous demander combien des prétendus accidents de travail et accidents d'automobile impliquant un seul véhicule étaient vraiment des suicides. Nous ne connaîtrons jamais la réponse à bon nombre de ces questions.

Le sénateur Cordy : La sexualité est un nouveau concept dans le système scolaire. On peut peut-être espérer que, bientôt, nous pourrons parler de la santé mentale.

M. Tomie : Eh bien, nous devons commencer quelque part. On ne fait pas qu'éduquer les enfants; il faut commencer par les enseignants, afin qu'ils sachent ce qu'ils doivent surveiller dans leur comportement.

Je dis toujours aux enseignants de ne pas avoir peur de poser des questions. Je leur dis que, s'ils pensent qu'un enfant écrit quelque chose ou dit quelque chose qui leur semble bizarre, ils doivent lui demander s'il envisage d'attenter à ses jours. De deux choses l'une : il peut penser que vous êtes fou, ou il y pensait, et vous avez pris le temps de lui demander s'il avait besoin d'aide. Si nous ne le demandons pas, nous ne le saurons jamais, et si nous n'essayons pas, nous ne réussirons pas.

Le président : Madame Tooton, en ce qui a trait à votre commentaire sur la stigmatisation et la discrimination, la nouvelle façon « politiquement correcte » de dire « discrimination » est de parler de « stigmatisation », parce que c'est exactement de cela qu'on parle.

Merci à tous d'être venus. Nous apprécions le fait que vous ayez pris le temps d'être avec nous.

M. Doug Crossman, gestionnaire, Services de santé mentale, South Shore DHA : Merci de me donner cette possibilité, et bienvenue à Halifax.

Je représente un groupe d'intervenants qui travaille en collaboration à créer une stratégie intégrée de prévention des maladies chroniques. Nous espérons que certains des propos que nous adresserons au Comité sénatorial déclencheront une discussion et un débat.

Vous savez probablement tous que les problèmes de santé mentale figurent parmi les principales causes de décès prématuré et d'invalidité partout dans le monde. Nous croyons que la maladie mentale coûte à la Nouvelle-Écosse environ 250 millions de dollars par année, et nous ne parlons là que des coûts directs; ce chiffre n'inclut pas le coût indirect de la perte de productivité.

Il est intéressant de constater que, en 2003, certaines de nos recherches ont révélé que seulement 40 p. 100, environ, des gens qui souffrent d'un problème de santé mentale ont demandé à se faire traiter. Il ne fait aucun doute que la stigmatisation de la maladie et du suicide constitue toujours un problème important en ce qui a trait à la santé mentale et à la maladie mentale.

Malgré les recherches que nous avons menées sur le fardeau que doit supporter notre population du fait des décès, des handicaps et de la perte de productivité liés à la santé mentale et à la maladie mentale, en Nouvelle-Écosse, la part de ressources en santé mentale qui revient au public n'a pas cessé de rétrécir. Nous en sommes aujourd'hui probablement à environ 3,5 p. 100 du budget total de la santé, et comme Mme Tooton l'a dit plus tôt, cette tendance ne semble pas vouloir se renverser.

Cependant, lorsque nous avons examiné certaines tendances qui se dégagent dans le domaine de la maladie mentale, nous avons tout de suite compris que nous ne sommes pas très bons pour cerner le lien entre les problèmes de santé physique et les problèmes de santé mentale, et que nous avons tendance à nous concentrer sur l'offre de services de santé à la population plutôt qu'à connaître la demande. Nous devons nous demander pourquoi les gens s'adressent en premier lieu à nos services de santé.

J'administre un programme de santé mentale dans les comtés de Lunenburg et de Queens, et je participe à un éventail d'autres activités dans notre système de prestation de services. Souvent, nous distinguons la maladie mentale du reste du système de santé.

Notre groupe se compose de diverses personnes qui viennent de l'Université Dalhousie, du ministère de la Santé communautaire et de l'Épidémiologie, de l'initiative pour la santé rurale et de l'unité de recherche sur la santé de la population, de l'ACSM, de bénéficiaires, de membres de l'Alliance pour la prévention des maladies chroniques au Canada, et ainsi de suite. Nous sommes convaincus qu'il faut modifier profondément notre façon de voir la prestation de services en ce qui a trait à la santé mentale. Nous croyons que ce changement de mentalité s'assortit d'importantes répercussions sur le plan de la politique et des programmes.

La Nouvelle-Écosse affiche l'un des plus hauts taux de maladies chroniques et d'invalidité au pays. De plus, elle présente des facteurs de risque comme le tabagisme, l'obésité, l'inactivité, la dépression et l'angoisse sociale. C'est dans cette province qu'on trouve l'espérance de vie sans incapacité la plus courte du pays. Étant donné nos taux élevés de maladies chroniques, nous affichons également des taux élevés de maladies médicales et psychiatriques chroniques concomitantes, qui gâtent les résultats globaux en matière de santé.

Que nous parlions d'une seule maladie ou que nous parlions de nombreuses maladies, nous savons tous que, au bout du compte, les facteurs de risque sont semblables. L'inactivité, l'obésité, le tabagisme et les modes de vie malsains sont sans contredit des facteurs de risque, mais il y a aussi d'importantes conditions sociales qui influent sur la maladie mentale, comme la pauvreté, les logements insalubres, la faible scolarité et la consommation de drogues et d'alcool, qui sont évidents.

En Nouvelle-Écosse, une étude récente révèle que lesNéo-Écossais souffrant de troubles psychiatriques affichent un taux de mortalité de 2,5 p. 100 supérieur à celui de l'ensemble de la population. On trouve aussi dans cette province une population rurale plus importante que dans le reste du pays. Ailleurs dans le Canada, le rapport de région urbaine pour les régions rurales est d'environ 78 p. 100 pour 22 p. 100; en Nouvelle-Écosse, il est de 64 p. 100 de régions urbaines pour 36 p. 100 de régions rurales. Lorsqu'on se penche sur le problème des maladies chroniques, on constate que notre population rurale est moins scolarisée, plus âgée, plus pauvre, plus isolée socialement et moins en santé que notre population urbaine. La Nouvelle-Écosse affiche l'un des plus importants écarts de revenu entre les régions urbaines et les régions rurales du pays.

Nous portons ces données à votre attention parce que nous estimons que c'est un point crucial dans vos délibérations. Nous ne pensons pas qu'on a adopté une politique ou une pratique de financement acceptable quand on observe un tel écart entre les besoins d'une population et le pourcentage de financement que la population reçoit du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Nous devons non seulement nous faire un point d'honneur d'accroître et d'améliorer la prestation de services, mais aussi examiner la demande. Nous nous sommes demandé pourquoi la demande en service est si élevée dans une si petite province, et nous avons réalisé que, pour répondre à cette question, il faut connaître la demande.

Quels sont les facteurs qui incitent les gens à accéder à notre service? Présentement, nous nous préoccupons de l'offre. Non seulement nous nous intéressons à un pourcentage relativement petit du budget global, mais certaines études récentes relatives aux services de base offerts dans la province révèlent qu'il y a un écart de 17 millions de dollars entre les services de base requis et l'accessibilité de ces services dans les neuf districts de la province.

Notre province affiche un taux de croissance annuel et un budget de la santé d'environ 9 p. 100. Son taux de croissance économique est relativement lent, et il ne se rapproche même pas de ces 9 p. 100 au chapitre de la croissance globale. Si l'on combine à cela les taux élevés de maladie et d'invalidité et l'impatience croissante du public à l'égard du manque de services, vous avez votre réponse.

J'ai entendu votre discussion sur les groupes et la couverture médiatique. Eh bien, les listes d'attente font les manchettes, tout comme les pénuries de professionnels de la santé.

Étant donné ces facteurs, il est très difficile de croire que nous allons combler l'écart de 17 millions de dollars du jour au lendemain, au cours du prochain exercice, ou au cours de l'exercice suivant, simplement à cause de la croissance des salaires, et ainsi de suite.

Même si une augmentation de la part du budget, si je peux m'exprimer ainsi, serait la bienvenue, je ne pense pas qu'on devrait déployer ces efforts au détriment de l'élaboration d'une approche intégrée fondée sur la population quant à l'amélioration de la santé mentale et du mieux-être des Néo-Écossais.

Si nous présumons que le rôle des gouvernements consiste à améliorer la santé générale et la prospérité de la population, j'imagine que votre comité doit demander qu'on établisse un ensemble de politiques et de programmes en santé mentale qui trouvent le juste équilibre entre les problèmes relatifs aux services et la capacité accrue des provinces d'aborder les facteurs déterminants fondés sur les données de la santé et du bien-être d'une population.

Avec la création de la nouvelle Agence de santé publique du Canada, il y a eu beaucoup de débats sur la nouvelle idée que nous nous faisons de la santé publique au Canada. Eh bien, ce n'est pas vraiment une nouvelle idée. Ceux d'entre nous qui sont là depuis toujours savent qu'il faut mettre l'accent sur la promotion de la santé et la prévention en amont, et ne pas accorder trop d'attention aux interventions en aval. Voici la définition de la santé publique que l'on propose : la science et l'art de la promotion de la santé, de la prévention de la maladie, de la prolongation de la vie, et de l'amélioration de la qualité de vie grâce aux efforts structurés de la société.

Nous croyons que les efforts structurés appliqués à la législation et aux institutions publiques permettront d'apporter les changements nécessaires. Nous devons parler de la façon dont nous acheminerons les ressources aux provinces et districts pauvres, comme le mien, et comment nous allons relier les ressources aux idées et objectifs globaux en santé que le gouvernement fédéral, les provinces et les collectivités locales peuvent embrasser.

Le groupe avec qui je travaille élabore une stratégie sur la prévention intégrée des maladies chroniques. Nous estimons que cette stratégie se compose de volets fondamentaux. Nous pensons que la capacité ou l'intégration des services repose entre les mains des gens qui travaillent sur le terrain. Il s'agit de la capacité des districts et des collectivités locales d'offrir le genre de programme qui fait la promotion de la santé et qui intègre la santé mentale pour améliorer le mieux-être affectif de la population.

Nous avons besoin de meilleurs systèmes d'information et de meilleurs systèmes de surveillance de la population pour surveiller ce que nous faisons et offrir une orientation relativement aux résultats. Souvent, nous ne parlons pas de résultats. Nous parlons d'utilisation du service, ce qui signifie que la demande de notre service a augmenté et, donc, que nous aurons besoin de plus d'argent l'an prochain pour offrir plus de services. Nous devrions nous concentrer sur ce que nous faisons pour améliorer la santé globale de la population plutôt que d'élargir l'industrie des services.

La collaboration intersectorielle, avec tous les obstacles qu'elle suppose, constitue l'autre enjeu relatif à la capacité. Je crois que nous devons nous concentrer sur les issues de la santé de la population pour aplanir certains de ces obstacles. Il faut apporter certains changements fondamentaux à la façon dont nous nous organisons et finançons nos programmes publics, et nous devons relier la collaboration au financement.

Souvent, lorsqu'on parle de politique de santé, on en parle comme s'il s'agissait d'une politique universelle, mais nous savons que les déterminants de la santé dans une population rurale sont très différents de ceux dans la population urbaine. La seule région de la Nouvelle-Écosse où il y a croissance démographique, c'est ici, à Halifax. Je ne fais pas allusion au casino à proprement parler, mais vous savez ce que je veux dire — même si ça pourrait être vrai, étant donné les problèmes de dépendance au jeu.

Notre population rurale est dans son déclin, au même titre que sa part du budget. Donc, même si bon nombre de nos problèmes en matière de santé sont centrés dans les régions, on affecte plus de ressources publiques par habitant dans les régions urbaines, afin d'accroître ce qu'une universitaire de notre Comité appelle le « capital social ». Selon elle, le capital social se détériore dans les collectivités rurales.

Je suis certain que M. Galipeault et d'autres personnes qui sont ici aujourd'hui parleront de la capacité sociale et des ressources dont nous avons besoin pour créer des infrastructures et offrir des mesures de soutien dans nos collectivités.

En ce qui a trait à la prévention, notre politique sur les autobus scolaires constitue un excellent exemple de mesures qui transcendent les sphères de compétence. Lorsqu'on ferme une école et que les enfants doivent faire une heure d'autobus pour se rendre à l'école, ils n'ont plus l'impression d'avoir une connexion sociale avec leur collectivité et leur école. Une étude menée en Colombie-Britannique a révélé que ce concept de connexion sociale et scolaire est directement lié au rendement scolaire et à l'apparition de problèmes sociaux tout au long de la vie de l'enfant.

Incidemment, nous sommes en train d'élaborer un document de travail, que nous remettrons au comité d'ici la fin de mai.

Le président : Est-ce que ce document de travail est le document cadre?

M. Crossman : Oui, ce sera le document cadre.

Mme Tooton parle du fait qu'aucun pourcentage du budget n'est affecté à la promotion de la santé mentale ni à la prévention de la maladie mentale. Je pense que M. Galipeault sera d'accord avec ça. Je veux dire, il y a des miettes ici et là, mais ce que nous faisons dans les districts, c'est emprunter auprès des services cliniques afin de nous consacrer, à temps perdu, à l'élaboration de programmes de prévention. Nous déshabillons Saint-Pierre pour habiller Saint-Paul. Nous avons des programmes en milieu de travail, des programmes scolaires et des programmes de prévention du suicide intéressants, mais on doit pour ça utiliser des ressources réservées à d'autres fins. Pour l'instant, nous n'avons pas de définition de la capacité en ce qui a trait au financement accordé pour la promotion de la santé mentale et la prévention de la maladie.

Le concept de soins de santé primaires est crucial. Il ne fait aucun doute que la plupart des Néo-Écossais consultent leur omnipraticien concernant des problèmes liés à la santé mentale. Le Dr Stokes a peut-être de meilleures données que moi, mais je vous dirais que de 40 à 50 p. 100 des dossiers des omnipraticiens ont trait directement à des problèmes de santé mentale, et que seulement 40 p. 100 des personnes qui sont aux prises avec de tels problèmes obtiennent de l'aide.

Nous devons examiner différents modèles qui fonctionnent dans les collectivités rurales. Bon nombre de modèles de soins partagés et de soins de santé primaires en santé mentale sont destinés aux régions urbaines, et c'est pourquoi nous devons étudier des façons d'élaborer des modèles dans les collectivités rurales et d'intégrer la santé mentale dans la prestation de soins primaires afin d'obtenir de meilleurs résultats.

En ce qui concerne l'amélioration des pratiques de prise en charge des personnes qui souffrent d'une maladie mentale chronique, on doit tenir compte de nombreux facteurs.De 60 à 80 p. 100 des jeunes avec qui nous travaillons fument, et la grande majorité sont inactifs et sont obèses. Nous devons prendre en considération la comorbidité, la pauvreté, le diabète et les maladies coronariennes, ainsi que les facteurs de risque déjà mentionnés lorsqu'on veut traiter nos citoyens qui souffrent de troubles psychiatriques. Si on ne fait que s'intéresser à la schizophrénie ou à la dépression, on finira par obtenir des résultats douteux. Le mandat pour lequel on finance le programme est de traiter les troubles psychiatriques. Par conséquent, nous devons trouver une façon de transcender les frontières en ce qui concerne les problèmes de santé publique et de santé mentale.

M. Galipeault vous en dira beaucoup plus sur la participation des bénéficiaires. Je vais donc lui laisser ce sujet. Nous faisons tout en notre pouvoir pour inciter les bénéficiaires à nous dire ce qu'ils pensent de ce que nous faisons. Nous fournissons des ressources aux bénéficiaires afin qu'ils élaborent des programmes; cependant, nous devons en faire beaucoup plus pour ce qui est de la perception du rétablissement. C'est un sujet que M. Galipeault abordera également.

Nous devons profondément modifier nos institutionspour maintenir cette stratégie intégrée. La province a le mandat de dispenser des services de santé; je ne pense pas que lesNéo-Écossais croient que le gouvernement fédéral leur fournit des services de santé. Vous le savez peut-être mieux que moi, mais il semble n'y avoir aucun obstacle de droit qui empêche le gouvernement fédéral de s'immiscer dans les affaires provinciales, surtout dans le domaine de la promotion de la santé et de la prestation de soins de santé. Nous ne pensons pas qu'il est entravé en ce sens.

Les responsables des structures institutionnelles fédérales devraient trouver une façon d'intégrer les débats sur la santé mentale à leurs modèles. L'un de ces modèles est l'ancienne Initiative canadienne en santé cardiovasculaire, financée dans le cadre de l'ex-Programme national de recherche et de développement en matière de santé. L'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire a révélé que la cardiopathie chronique était très répandue au pays. Ils ont affecté leurs ressources à la lutte contre cette maladie, et cela leur a permis d'élaborer des programmes. Je crois qu'on peut dire que l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire a vraiment donné le coup d'envoi à la prévention de la maladie chronique au Canada. Aujourd'hui, ce programme a été aboli, mais d'autres initiatives ont été créées, comme l'Initiative canadienne du diabète, et ainsi de suite, mais la plupart des activités se fondent sur les efforts déployés dans le cadre de l'initiative canadienne en santé cardiovasculaire.

Il existe des façons de réserver ou de bloquer l'argent du gouvernement fédéral, ou l'argent non transférable. Les autres secteurs ne peuvent puiser dans nos budgets non transférables. Parfois, ça fonctionne; d'autres fois, ça ne fonctionne pas, selon l'organisme.

Actuellement, aucun budget fédéral n'est réservé pour les services de santé mentale, et aucune structure organisationnelle cohérente n'a été établie pour ce qui est de la santé mentale au sein de ce secteur institutionnel. Lorsqu'on examine le financement et le maintien d'un cadre intégré de santé mentale, on constate que la province en a plein les bras avec les listes d'attente et lesdéficits massifs. Par rapport aux budgets globaux, nous consacrons de 40 à 45 p. 100 de notre budget aux soins de santé en Nouvelle- Écosse. Du côté de l'offre de l'équation, il y a des problèmes économiques très fondamentaux. Lorsqu'on n'intègre pas la mise au point et la prestation des services, on se retrouve avec des problèmes cruciaux.

Nous recommandons la formation d'une équipe nationale d'intervention pour nous assurer que, lorsque vous aurez terminé vos collaborations, un groupe d'intervenants se réunira pour discuter de la question, surtout de la question de l'intégration et de la promotion de la santé mentale. Je crois qu'on doit s'adonner davantage au marketing social.

Dans le cadre de son mandat, l'Agence de santé publique du Canada intègre une stratégie nationale de prévention de la maladie chronique. Bien sûr, l'Agence a d'autres chats à fouetter, mais elle doit aussi tenir compte des programmes de prévention de la maladie chronique.

Je vous laisse sur ces pensées, et nous pourrons amorcer la période de questions plus tard.

Le président : Merci. N'oubliez pas de nous envoyer votre document cadre dès qu'il sera terminé.

J'aimerais vous présenter le sénateur Jim Cowan, le tout dernier sénateur de la Nouvelle-Écosse. Nous sommes ravis qu'il soit avec nous cet après-midi.

M. Jean-Pierre Galipeault, propriétaire, The Empowerment Connection : Je voudrais vous parler surtout de santé mentale et de maladie mentale. Comme M. Crossman l'a mentionné, on accorde peu d'attention à la promotion et à la prévention de la maladie mentale, et à la guérison, même si la guérison est un sujet chaud par les temps qui courent.

Comme je le mentionne dans mon mémoire, en 1977, mon médecin m'a appris que je souffrais d'un trouble bipolaire. Même si j'ai été stabilisé pendant de nombreuses années, ça m'a incité à chercher des façons d'éviter les rechutes et de prendre soin de moi. Non seulement c'est important pour ma vie personnelle, mais en plus, j'ai bâti ma propre entreprise autour de cette maladie, et aujourd'hui, je suis expert-conseil en promotion, prévention et guérison.

En novembre 2001, j'ai ouvert mon entreprise, qui est dirigée et exploitée par des bénéficiaires. Mes collègues et moi- même sommes tous des bénéficiaires de soins de santé mentale. L'une des plus grandes réussites de l'entreprise, c'est d'avoir élaboré une méthode pour aider les gens dans leur quête de la guérison. The Recovery Toolkit : A Pathway to Empowerment, à ma connaissance, est la seule méthode du genre au pays. Ce coffre à outils mise sur les forces et les capacités des gens, et sur les méthodes de perfectionnement personnel, et il aide les gens à élaborer des plans pour prendre soin d'eux, éviter les rechutes et se rétablir de la maladie.

J'ai appris le diagnostic il y a quelques années. On peut dire que bien des Canadiens souffrant d'une maladie mentale traitent cette maladie par des médicaments. J'ai passé presque douze ans à essayer de trouver le bon médicament. Peut- être que je n'apprends pas vite, mais lorsque j'ai trouvé un groupe d'entraide, le déclic s'est fait.

J'ai aidé à former un groupe dans le comté de Pictou, où j'ai appris plus de mes pairs que je n'en avais appris au cours des douze années précédentes au sein de ce que j'appelle le « système officiel de santé mentale ». J'ai appris en écoutant d'autres personnes dire comment elles prenaient soin d'elles et ce qu'elles faisaient pour maintenir une bonne santé mentale. J'ai essayé certaines de leurs méthodes, et quelques-unes ont fonctionné. Cette expérience en groupe m'a amené à élaborer un plan de guérison personnel, et, en 1996, j'ai cessé de prendre mes médicaments psychiatriques. En général, je ne le recommande pas, mais j'ai décidé de le faire parce que les effets secondaires à long terme m'inquiétaient. Je n'ai pas pris de médicaments depuis, et je n'ai reçu aucun traitement officiel de santé mentale depuis 2000.

Je veux vous parler un peu de la promotion de la santé mentale. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, et c'est pourquoi je vais essayer d'être bref.

Le Centre for Health Promotion, à Toronto, encourage les particuliers et les collectivités à se prendre en main. De plus, il s'intéresse à l'équité, à la justice sociale, à la dignité humaine ainsi qu'à un milieu de soutien et à la résilience individuelle. Lorsqu'on fait de la promotion en santé mentale, il faut dire aux gens, entre autres, qu'ils doivent garder une attitude positive, s'amuser, bien manger, faire de l'exercice et bien dormir. Ces facteurs de base, combinés à la connaissance de la maladie, peuvent faire beaucoup pour promouvoir votre bonne santé mentale.

L'an dernier, j'ai eu la chance de travailler avec Doug Crossman dans l'élaboration d'une stratégie de promotion de la santé mentale. Nous avons amélioré le site Web existant en y affichant des renseignements de base, mais utiles, concernant la promotion de la santé mentale.

Le coffre à outils vise à faire la promotion de la santé mentale. Nous posons à nos clients un certain nombre de questions comme : « Comment savez-vous que vous vous aidez en prenant les mesures pour avoir une bonne santé mentale? » « Que signifie pour vous la promotion de la santé mentale? » « Qui, dans votre vie, vous aide le plus à promouvoir votre santé mentale? »« Quelles ressources existe-t-il dans votre collectivité pour vous aider à promouvoir votre santé mentale? » « Dans votre collectivité, quels obstacles vous empêchent de promouvoir votre santé mentale? » « Parmi les intervenants suivants, lesquels, selon vous, vous aident le plus à promouvoir votre santé mentale : vous- même, des membres de votre famille, des amis, d'autres bénéficiaires, les services sociaux et leur personnel, des thérapeutes parallèles ou complémentaires? »

Nous sommes sur la bonne voie, mais il faut travailler davantage et mener d'autres recherches sur le sujet.

En ce qui concerne la prévention de la maladie mentale, il nous reste beaucoup à faire, mais si nous examinons certains déterminants de la santé, on a une bonne idée de ce qu'on peut faire maintenant.

Il existe différentes définitions de la guérison. Mon entreprise, The Empowerment Connection, définit ce mot comme suit :

Lorsque le diagnostic psychiatrique ou le traumatisme affectif et psychologique d'une personne n'est plus le centre d'intérêt dans sa vie, mais devient simplement une partie de la personne.

Nous ne devons pas oublier que les gens sont confrontés à un défi de taille : se rétablir des effets de la stigmatisation extérieure et intériorisée, de l'incapacité apprise, de l'institutionnalisation, de la pauvreté, de l'itinérance et des blessures d'une âme brisée.

Depuis la fin des années 80, on a mené beaucoup d'études sur la guérison. Je suis heureux de dire qu'un grand nombre d'entre elles ont été effectuées par les bénéficiaires eux-mêmes. Les conclusions révèlent qu'environ 50 p. 100 des personnes n'affichent aucun symptôme ou se sont beaucoup améliorées aux suivis de 20, de 30 et de 40 ans.

Une forte alliance thérapeutique doit unir le bénéficiaire et le professionnel qui s'occupe de lui. N'oubliez pas que la guérison ne signifie pas habituellement « absence de symptômes », et que les gens peuvent continuer d'avoir des symptômes, mais fonctionner très bien dans leur vie de tous les jours.

L'espoir est un facteur fondamental du processus de guérison. Il est très important de communiquer avec d'autres personnes.

Ces facteurs sont intimement liés à la prévention de la maladie chronique. La méthode de groupe constitue un exemple d'activités qui perdurera.

Mais comment devons-nous nous y prendre pour accorder plus d'attention à la promotion de la santé mentale, à la prévention de la maladie mentale et à la guérison?

Je suggère trois approches : la participation du bénéficiaire, le soutien par des pairs et la déstigmatisation. Au Canada, la participation du bénéficiaire est une tendance qui gagne en popularité dans le domaine de l'élaboration des politiques. Cette méthode comprend des initiatives de soutien par les pairs, la planification et la conception d'un système de santé mentale, la prestation de services dans le cadre du système de guérison mentale, l'élaboration de politiques et l'évaluation du système.

D'autres personnes comme moi, qui oeuvrent dans le domaine depuis de nombreuses années, vantent les mérites de cette approche. D'une certaine façon, je suis heureux de dire que cette méthode est appliquée ici, en Nouvelle-Écosse, assurément, et dans d'autres provinces et territoires du pays. Cependant, on a troqué une bonne partie de la participation des bénévoles contre la consultation. Par conséquent, on a encore du pain sur la planche dans ce domaine. Il faut donner aux bénéficiaires une voix et un rôle véritables au sein et à l'extérieur du système officiel de santé mentale.

Des études récentes révèlent que le soutien par les pairs est non seulement essentiel pour la transformation de la santé mentale et la guérison, mais qu'il est également important pour la connaissance et la promotion de la santé mentale. Nous avons quelques excellents exemples d'initiatives fructueuses qui sont dirigées par des bénéficiaires, dont bon nombre sont en Ontario.

Deux choses m'ont aidé et m'ont toujours guidé jusqu'à aujourd'hui. La première, c'est que je garde espoir que j'irai mieux, que je peux maintenir ma santé mentale, et la deuxième, c'est le soutien de mes pairs. C'est grâce à ces deux facteurs que j'ai pu survivre, que j'ai pu me rétablir et que j'ai pu maintenir une bonne santé mentale.

La stigmatisation est un autre aspect du problème. Tous les efforts déployés dans l'élaboration d'une politique de santé mentale, pour la réforme du système et pour la participation du bénéficiaire et des membres de la famille seront vains si on ne fait pas d'efforts pour aborder les problèmes de la stigmatisation et de la discrimination.

Des bénéficiaires que je connais m'ont dit que nous devons élaborer une campagne nationale et provinciale de lutte contre la stigmatisation tout en éduquant les médias, le système judiciaire, les enseignants, les étudiants, les politiciens et les décideurs.

Je recommande l'élaboration d'une stratégie nationale de santé mentale qui s'appuie sur des structures et mécanismes existants; je ne vois pas la nécessité de créer d'autres procédures bureaucratiques. Il est important d'intégrer cette stratégie à une approche de prévention de la maladie chronique.

Je recommande d'investir davantage dans la promotion de la santé mentale, la prévention de la maladie mentale et la guérison. Nous devons nous assurer que les bénéficiaires participeront concrètement à l'élaboration de toute stratégie ou politique nationale de santé mentale. On devrait investir dans des projets de collaboration comme celui présenté par M. Crossman, et appliquer les recommandations de telles initiatives. Nous devons élaborer une campagne nationale de lutte contre la stigmatisation/discrimination au cours de laquelle on fournira continuellement au public de l'information sur les enjeux.

M. Stephen Ayr, directeur de la Recherche, Capital District Health Authority : Moi aussi, je suis traité en santé mentale. Vous pouvez lire une partie de mon histoire dans mon rapport.

Ce dont je voudrais vous parler précisément, c'est du fait que, depuis le 11 janvier dernier, je participe au processus de planification stratégique dans le cadre du programme de santé mentale de Capital District. Je suis très enthousiasmé par ce processus, et j'ai rencontré des bénéficiaires de soins de santé, des membres de la famille, des fournisseurs de service et des universitaires merveilleux et particulièrement doués. Je crois que c'est précisément parce que j'ai participé à la planification stratégique que Louise Bradley, directrice des Services de santé mentale et de médecine légale à Capital Health, m'a demandé de venir vous parler en son nom aujourd'hui. Je remercie Louise de m'avoir donné cette possibilité, et j'espère que je serai à la hauteur de sa demande.

C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui et de parler avec Aidan Stokes, chef intérimaire du département de psychiatrie de l'Université Dalhousie.

Je vais aborder six questions en réaction à votre troisième rapport intitulé Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Problèmes et options pour le Canada. À la page 10, vous posez la question suivante :

Le gouvernement fédéral et chacun des gouvernements provinciaux et territoriaux devraient-ils former un comité consultatif sur la santé mentale et la toxicomanie, qui serait représentatif d'un large éventail d'individus ayant une maladie mentale ou une toxicomanie pour faciliter la conception d'un système centré sur le patient?

À cette question, je réponds haut et fort « oui », et j'insiste pour dire qu'un tel comité consultatif doit avoir le pouvoir d'appliquer des recommandations. De plus, pour que le système soit centré sur le patient et sur la guérison, on doit prescrire, dans la loi, que le comité consultatif compte un nombre substantiel de personnes qui comprennent parfaitement les problèmes et qui vivent directement avec les résultats, c'est-à-dire les bénéficiaires de services de santé mentale.

Dans le cadre du processus de planification stratégique du programme de santé mentale de Capital District, on a proposé l'établissement d'un nouveau conseil de formulation de politiques, Koinonia. Selon la proposition, Koinonia aurait pour fonction, entre autres, d'approuver le budget de fonctionnement de Capital District Mental Health. On propose que cinq bénéficiaires siègent au conseil, qui serait composé de 15 à 19 membres, ce qui représente une participation de 26 à 33 p. 100 des bénéficiaires. La question à laquelle on n'a toujours pas répondu est la suivante : à quand une organisation de santé mentale de type Koinonia pour tous les Néo-Écossais, et, dans le cas qui nous occupe, tout le pays?

La deuxième question porte sur le financement des services de santé mentale. M. Crossman en a parlé, et j'appuie son initiative.

Je voudrais formuler quelques recommandations en réaction à ce que M. Crossman et son groupe de collaborateurs, moi y compris, ont élaboré. Je recommande la formation d'une équipe nationale d'intervention dans le but, premièrement, d'organiser à Ottawa une conférence réunissant des intervenants/décideurs clés qui feraient valoir les recommandations de la commission. Je recommande la création d'une campagne nationale de marketing social sur la santé mentale, afin d'attirer l'attention du public sur ces questions relatives à la santé mentale pendant au moins un an.

Je recommande que l'Agence de santé publique du Canada, le nouveau Conseil de la santé et Santé Canada se concentrent sur le renouvellement des soins de santé primaires et fassent de la santé mentale un volet obligatoire des nouveaux mandats.

Je recommande la mise au point d'une initiative canadienne de développement de la santé mentale fondée sur les recherches afin de financer des projets pilotes au niveau de la régie locale de la santé.

En réponse à la question relative à la réserve d'une part des transferts, je répondrai pour Louise Bradley et dirai « oui », il faut bel et bien réserver des fonds pour les services de santé mentale en Nouvelle-Écosse, c'est-à-dire des budgets non transférables. De plus, au cours des 30 dernières années, les dépenses publiques consacrées à la santé ont augmenté considérablement, mais la croissance du budget de santé mentale de la Nouvelle-Écosse a été beaucoup plus lente, et l'écart est de plus en plus grand. La question que l'on doit se poser, c'est : « quelle est la juste part de la santé mentale dans le budget de santé de la Nouvelle-Écosse? »

Je sais qu'il est très difficile de maintenir un financement réservé, et le problème, c'est que, si un budget réservé est mince dès le départ, il le restera. Toutefois, malgré les lacunes et compte tenu des failles d'un tel système, nous devrions réserver du financement pour les services de santé mentale au Canada.

Vous comprendrez très bien si je vous dis seulement que, si on ne règle pas la question du logement, il est fort probable que toute réforme provinciale de la santé mentale ne changera rien au problème.

La quatrième question a trait à la séparation artificielle des services de santé mentale offerts aux jeunes et de ceux dispensés aux adultes. À la page 11 de votre troisième rapport, vous mentionnez :

Les services et les moyens de soutien en santé mentale pour ce groupe (les enfants et les adolescents) ont été qualifiés de « parent pauvre du parent pauvre » du système de santé...

En Nouvelle-Écosse, le système de services de santé mentale pour les adultes reçoit, par habitant, trois fois plus de financement que le système destiné aux enfants et aux adolescents. J'aimerais qu'on cesse de séparer artificiellement les services de santé mentale aux jeunes des services aux adultes dans cette province.

La question numéro 5 porte sur la rémunération des bénéficiaires qui participent aux travaux. Je réponds ainsi à la question que vous posez à la page 6 de votre rapport.

Quels incitatifs sont envisageables et comment parvenir à les introduire dans le système pour provoquer les changements qui favoriseront un recentrage sur le patient/client?

Oui, le système devrait instaurer dans le système des mesures qui favoriseraient la participation des bénéficiaires. En conséquence directe du processus de planification stratégique, nous avons cerné un certain nombre de priorités et avons entrepris de mettre sur pied une coopérative que nous avons baptisée Citizens for Mental Health Cooperative. Ce sont des bénéficiaires de services de santé mentale qui exploitent cette nouvelle coopérative. Vous trouverez dans mon rapport un certain nombre de priorités cernées par des personnes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des troubles cérébraux.

La sixième et dernière question que j'aimerais aborder, c'est que, si on veut vraiment réformer le système de santé mentale, il faut un changement de culture. Lesley Southwick-Trask a produit un document intitulé Healthy Minds Blueprint, que je peux vous fournir si vous le désirez. Elle dit qu'il y a un manque total de communication entre les ministères de la Nouvelle-Écosse : le ministère de la Santé, le ministère des Services communautaires et le Bureau de la promotion de la santé, ainsi que divers organismes non gouvernementaux et groupes communautaires. Ce manque de communication a entravé considérablement la mise en œuvre de recommandations qui permettraient d'améliorer le mieux-être de gens qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale ou une maladie mentale. Nous devons nous attaquer à ces problèmes. Pour ce faire, je suggère d'établir une organisation qui peut arrêter une orientation stratégique et affecter des ressources en ce qui a trait à la santé mentale en Nouvelle-Écosse, comme l'organisation Koinonia, dont on a discuté précédemment.

J'aimerais remercier le Comité de m'avoir donné l'occasion d'exprimer mes opinions aujourd'hui, et je suis vraiment impatient de lire le rapport final du Comité et de voir qu'on a appliqué ses recommandations.

Le Dr Aidan Stokes, chef par intérim, département de psychiatrie, Université Dalhousie : Monsieur le président, je vais essayer d'être bref. J'ai des notes, mais je vais vous les envoyer plus tard. Je ne les lirai pas en détail.

Je suis d'accord avec M. Ayr lorsqu'il dit que les bénéficiaires ont transformé le processus de planification stratégique. En général, nous voyons les bénéficiaires comme des gens qu'on peut consulter, mais nous nous sommes vite rendu compte qu'ils estimaient avoir un rôle clé à jouer dans tout processus de planification, et ils sont aujourd'hui extrêmement actifs dans le processus proprement dit. Les bénéficiaires siégeaient aux comités, présidaient les comités et avaient des débats enflammés sur la façon dont leur contribution pourrait aider et avoir un impact. Je dois dire que les bénéficiaires semblaient avoir une vision beaucoup plus large de leurs besoins que nous, les professionnels. Je pense que les professionnels, les ONG, les administrateurs, les universitaires, et ainsi de suite, avaient tous leur opinion sur diverses approches, mais ce sont les bénéficiaires qui avaient la vision la plus vaste des problèmes en question.

Dans votre rapport, vous avez signalé que nous devrions envisager de mettre en place un système axé sur la guérison et centré sur le bénéficiaire. Si nous admettons que les bénéficiaires constituent la meilleure source d'information au sujet de leurs besoins et de leurs intérêts, cette prise de conscience aura des répercussions non seulement sur la prestation des soins mais aussi sur la recherche et l'éducation. Les bénéficiaires souhaitent manifestement jouer un rôle actif dans la prise en charge de leur santé. Que peut-on faire pour améliorer la prévention? Quels sont les avantages d'activités de traitement non médicamenteux, comme la bonne alimentation, l'exercice et des traitements parallèles, comme l'acupuncture et les herbes médicinales? Si ces traitements ne fonctionnent pas, peut-être alors pourront-ils opter pour des agents pharmacothérapeutiques.

Cela a des conséquences sur notre pratique, en tant que professionnels, parce que nous croyons nous intéresser à l'approche du mode de vie sain, surtout pour la prise en charge de la dépression et de l'angoisse, mais nous en savons très peu sur les traitements parallèles. Par exemple, nous connaissons un peu le millepertuis et ses utilisations, et nous savons que des données scientifiques appuient l'utilisation de l'acupuncture dans le traitement de la dépression, mais en général, nous ne savons pas grand-chose des traitements parallèles visant les problèmes de santé mentale.

Avons-nous l'obligation de faire des études sur les traitements parallèles? Je crois que la réponse est « oui ».

Comment pouvons-nous inciter les bénéficiaires à sensibiliser davantage les gens aux problèmes de santé mentale? Lorsque nos patients parleront à nos étudiants, il y aura probablement certaines préoccupations gravitant autour de la stigmatisation et du déséquilibre des pouvoirs. Assurément, au premier cycle, lorsqu'un bénéficiaire va parler à des étudiants du trouble ou de la malade dont il souffre, cela a un impact énorme. Mais, souvent, on craint d'exploiter ces personnes, et cela limite la participation.

Bien sûr, l'éducation du public est un autre problème. Selon moi, le meilleur instrument de lutte contre la stigmatisation est une association de bénéficiaires active et crédible. S'ils sortent et vont parler aux gens, ça fera vraiment une différence.

Pour ce qui est de favoriser la participation des bénéficiaires, nous devons reconnaître la valeur de leurs commentaires. Nous devons écouter des bénéficiaires et des soignants de différentes cultures. Jusqu'ici, nous n'avons pas vraiment fait appel à la population immigrante.

Nous devons aussi reconnaître que les représentants des bénéficiaires pourraient avoir besoin de formation, d'éducation et de soutien pour bien faire leur travail. Il doit y avoir des ressources pour soutenir la participation. On doit délimiter clairement les responsabilités des bénéficiaires, et on doit évaluer l'efficacité de leur participation. Ils doivent être rémunérés. Je suis favorable à la participation des bénéficiaires.

En ce qui a trait à vos recommandations, je vous exhorte à documenter tous les changements que vous apporterez. Le Comité doit s'appuyer sur le principe d'équité, et cela signifie que, si nous voulons nous assurer de bien financer nos services, l'accès et les soins doivent être les mêmes pour tout le monde.

Nous devrions intégrer nos services au système de soins de santé et à la collectivité, et permettre un accès facile à toutes les autres formes de soutien, de services sociaux, d'éducation, de logement et d'aide juridique dont nos bénéficiaires ont besoin.

Le problème, avec le financement distinct réservé, c'est qu'on commence avec peu de fonds, mais qu'on reste à ce niveau. Nous n'avons pas reçu le pourcentage nécessaire de fonds. Je pense que, si on laisse entendre qu'on augmentera le financement consenti spécifiquement pour la santé mentale, je pense que ce serait bien, mais cette enveloppe devrait sans contredit rester dans le budget de la santé. Si, en fait, le gouvernement fédéral offre une aide financière en ce qui a trait à la santé mentale et qu'elle est bel et bien liée à la santé mentale, ce serait optimal, mais j'ai certaines réserves quant à l'idée d'établir un budget distinct, parce que, parfois, on impose un plafond à ce type de budget, alors que les autres parties du budget ont tendance à augmenter.

Le président : J'aimerais réagir à quelques arguments que deux ou trois d'entre vous avez avancés. Le premier concerne la notion de financement réservé. Je comprends que vous ayez peur qu'on mette en place un financement réservé ou distinct, et je conviens que ce n'est pas la bonne solution. Ce n'est peut-être pas la bonne solution, mais elle pourrait être nécessaire si l'on veut amorcer le processus. C'est le risque auquel on s'expose lorsqu'on veut changer le statu quo.

Certains d'entre vous ont recommandé la mise sur pied d'une équipe nationale d'intervention. Je comprends par là que vous voulez trouver une façon d'inciter les organisations, les ONG et d'autres entités à exercer des pressions sur les gouvernements pour qu'ils appliquent nos recommandations. Manifestement, nous ne pouvons pas vraiment faire ça. Je veux dire, nous ne pouvons pas former comme nous le voulons notre propre groupe de lobby qui parlerait en notre faveur. C'est en quelque sorte un défi que je lance aux ONG du pays. Ce qu'il adviendra de notre rapport après sa publication dépendra beaucoup de la mesure dans laquelle les ONG pourront s'organiser et mener une campagne nationale de lobbying.

L'un d'entre vous a parlé du rôle des bénéficiaires dans les campagnes de lutte contre la stigmatisation. Nous sommes parfaitement d'accord avec vous. Je suis d'accord avec la proposition selon laquelle on devrait mener des recherches fondées sur les données. La meilleure campagne de lutte contre la stigmatisation à avoir jamais été menée a été instaurée en Australie, où les porte-parole étaient des bénéficiaires. En fait, dans un certain nombre de cas, c'était assez brillant, parce qu'ils ont raconté une histoire dans laquelle on ne mentionnait pas qu'ils recevaient des soins en santé mentale, et ce, jusqu'aux cinq dernières secondes de la publicité. Elle a été très percutante. Vous avez entièrement raison sur ce point.

Monsieur Ayr, vous proposez de supprimer la barrière artificielle entre les services destinés aux jeunes et les services destinés aux adultes. Vendredi, les gens qui travaillent avec des enfants aux prises avec des problèmes de santé mentale ont dit que les pédopsychologues et les pédiatres se ressemblent plus, et ont une plus grande communauté d'intérêts et d'expériences que les pédopsychiatres par rapport aux psychiatres pour adultes. Ils voudraient une ligne de démarcation différente. Ils traceraient la ligne de démarcation entre tous les services destinés aux enfants, services mentaux ou physiques confondus, et tous les services pour adultes, services mentaux et physiques confondus.

J'ai commencé ma carrière comme universitaire, à l'instar d'un certain nombre d'autres membres du Comité, et c'est pourquoi nous comprenons l'importance des pratiques fondées sur les données. Je conviens que c'est là notre objectif, mais je crois que nous devons faire très attention à ne pas commencer dès maintenant. Comme le système n'en est qu'à ses premiers balbutiements, si nous exigeons que tout soit entièrement fondé sur des données probantes, ça ralentira le processus. Si nous devons attendre toutes les données, nous ne ferons jamais rien parce que, comme vous le savez, il y a très peu d'études qui ont été faites à ce sujet. Nous ignorons ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas outre les données empiriques, et ainsi de suite.

Ayant abordé la question des pratiques fondées sur des données probantes et celles de la démarcation des services de santé mentale destinés aux jeunes et des services dispensés aux adultes, j'aimerais entendre vos commentaires, et ensuite, je céderai la parole au sénateur Cook.

Le Dr Stokes : En ce qui concerne la question des pratiques fondées sur les données probantes, si les données n'existent pas, si la pratique ne peut être fondée sur des données probantes, il faudrait pouvoir adopter des pratiques exemplaires si c'est ce que nous avons, et je pense que nous en avons pour la plupart des choses.

Pour ce qui est de la démarcation entre les enfants et les adolescents, la difficulté, bien sûr, c'est que la plupart des maladies graves, comme la schizophrénie, la dépression et le trouble bipolaire, n'attendent pas à l'âge adulte pour se manifester; elles apparaissent pendant l'adolescence, à un moment où leur impact est beaucoup plus grand. Je crois qu'on doit prévoir des mesures de soutien en cette période cruciale du développement de la personne.

Ici, à Halifax, nous nous trouvons dans une situation inhabituelle. Si, à 16 ans, vous tombez et vous vous cassez une jambe, vous allez à Queen Elizabeth II, mais si vous souffrez d'un problème de santé mentale, vous allez à l'hôpital Izaak Walton Killam, IWK. Malheur à vous si ces deux choses vous arrivent en même temps.

Le président : Vous envoyez votre jambe à un endroit et votre cerveau à l'autre.

Le Dr Stokes : Manifestement, on est préoccupé par l'accès aux services des enfants et des adolescents. M. Crossman a mentionné une statistique, 40 p. 100. Eh bien, en ce qui concerne les enfants et les adolescents, bien sûr, ce chiffre baisse à 20 p. 100; moins de un enfant sur cinq qui a besoin de soins en reçoit. Donc, c'est un problème auquel nous devons porter attention.

Le président : Dans au moins deux provinces, dont l'Ontario, si vous avez 16 ans ou moins, vous êtes admissible à la protection de l'enfance et à d'autres choses. Si vous avez 19 ans ou plus, vous pouvez être traité dans le cadre du programme d'aide aux adultes. Si vous avez 17 ou 18 ans, vous n'êtes pas couvert.

Dr Stokes : Oui, et personne ne veut entendre parler de ce problème.

Le président : Mais de tels cas existe-t-il vraiment?Qu'advient-il de la personne qui reçoit des traitements financés par le gouvernement jusqu'à l'âge de 16 ans et qui, à l'âge de 17 et de 18 ans, n'y est plus admissible? Est-ce que ça arrive en Nouvelle-Écosse?

Le Dr Stokes : Non.

Le président : Mais c'est le cas en Alberta et en Ontario.

Le Dr Stokes : Je crois que, selon la loi, elles sont tenues d'assurer des services communautaires jusqu'à l'âge de 19 ans, mais officiellement, elles sont tenues de le faire jusqu'à l'âge de 16 ans, et peuvent le faire par la suite; mais « peuvent », ça veut dire qu'elles ne le font pas du tout.

Le président : Donc, en pratique, c'est la même situation.

Le Dr Stokes : C'est à peu près la même chose.

Le président : De droit et de fait, exactement.

Le Dr Stokes : Oui.

M. Ayr : J'ai quelque chose à dire au sujet des pratiques fondées sur les données probantes par rapport aux « données fondées sur la pratique ». Cette expression signifie que nous agissons, essayons quelque chose, et voyons si ça fonctionne, et ensuite, on obtient des données. On doit débattre davantage de cette dichotomie.

Le Dr Stokes a abordé la question des services de santé mentale dispensés aux adultes et aux jeunes, et Louise Bradley aimerait qu'on élimine cette démarcation artificielle pour un certain nombre de raisons. Mme Bradley estime que les gens se perdent dans les failles du système, et que les services destinés aux jeunes et les services visant les adultes se disputent les mêmes ressources limitées.

J'ai mentionné que les services destinés aux adultes reçoivent, par habitant, trois fois plus de financement que les services aux jeunes. Nous devons examiner ce problème de plus près, et l'une des façons de le faire, c'est d'éliminer la démarcation artificielle.

Je suis moi-même tombé malade pour la première fois lorsque j'avais 13 ans. Je ne le savais pas, et ce n'est qu'à ma troisième année à l'université que je suis tombé gravement malade et que j'ai dû demander des traitements. Si j'avais su avant que j'étais malade, et s'il y avait eu une forme quelconque de services intégrés en place, peut-être que mon cheminement vers le mieux-être aurait été différent.

M. Galipeault : En ce qui concerne la pratique fondée sur les données, je crois que nous devons être prudents lorsque nous parlons de pratiques fondées sur les données probantes et de pratiques exemplaires. Ce que je me demande, c'est qui décide s'il s'agit d'une pratique fondée sur les données probantes ou d'une pratique exemplaire?

Tout ce scénario de pratiques exemplaires a été élaboré dans les années 90 par des universitaires et des professionnels en santé mentale. Je vous dis que nous devons faire attention parce que je veux savoir si les bénéficiaires participent aux recherches et qui les dirige.

L'analyse documentaire constitue l'une des premières étapes de la recherche. Au cours d'une telle analyse, on ne recueille pas les données empiriques que peuvent fournir les bénéficiaires, comme l'histoire qu'ils peuvent raconter. C'est une mise en garde que je vous fais parce que, souvent, on n'écoute pas les bénéficiaires à cause de la méthode employée.

M. Crossman : Je travaille dans un système officiel et dans le secteur de l'assurance de la qualité, et je suis constamment inondé de questions du genre : « Est-ce que c'est fondé sur des données probantes, qu'allez-vous faire? » On s'engage dans ce genre de discussion organisationnelle sur ce qu'on fait. Selon moi, c'est là qu'on en est rendu. Parfois, j'ai peur que la queue ne commande pas la tête. Plus nous cloisonnons les services, plus l'industrie des données prendra de l'expansion, parce que chaque recherche suscitera beaucoup d'intérêt.

À la fin des années 70 ou au début des années 80, l'Association canadienne pour la santé mentale parlait du « cadre de soutien », mais ce dont elle parlait vraiment, c'était des déterminants sociaux. Elle reconnaissait que l'emploi, le logement, le soutien social et l'éducation avaient probablement des répercussions sur la santé mentale des gens.

Beaucoup d'études ont prouvé que ces déterminants ont un impact sur l'ensemble de la population, et de nouvelles recherches révèlent que les bénéficiaires de services de santé mentale meurent parce que leur état de santé général n'est pas bon, et non pas à cause de la maladie mentale proprement dite.

Si nous voulons vraiment utiliser des données,concentrons-nous sur l'organisation des services publics.Est-ce que des données devraient nous inciter à ne pas intégrer une gamme de services ciblant diverses personnes dans la population? Je crois qu'il y en a énormément. La pratique est totalement différente. Je crois que la question des données est complexe, mais elle doit se fonder sur la population et sur ce qui fait que les gens demeurent en santé.

Par ailleurs, pour ne pas me contredire, je dois être d'accord avec le Dr Stokes lorsqu'il dit qu'on ne peut simplement pas faire n'importe quoi pour n'importe qui. On doit rendre des comptes, et il doit y avoir des restrictions.

Revenons à la question des pratiques parallèles. Dans notre clinique, nous organisons bénévolement des groupes où l'on fait de l'acupuncture auriculaire. Il n'y a pas beaucoup de psychologues acupuncteurs dûment formés, mais nous en avons un certain nombre dans notre clinique. Nous savons que nos clients souffrent de troubles du sommeil et d'angoisse, et nous nous sommes tournés vers l'acupuncture pour trouver un remède à ces malaises.

La documentation fournit quelques données à ce sujet, mais nous avons d'abord utilisé des données fondées sur la pratique. Nous avons décidé d'essayer l'acupuncture lorsque nous avons réalisé que cette pratique ne pouvait tuer personne, du moins l'espérions-nous.

Les données fondées sur la pratique ont révélé que les troubles du sommeil et l'angoisse avaient diminué de façon spectaculaire chez les personnes qui recouraient constamment à cette pratique quelques fois par semaine. Il s'agissait de bénéficiaires de services de santé mentale, et non pas de personnes qui étaient préoccupées simplement parce qu'elles ne savaient pas si elles allaient faire laver leur auto cette semaine-là, ou autre chose du genre, mais de gens qui avaient de vrais problèmes. Donc, nous avons l'impression qu'il faut faire des expériences tout en protégeant nos bénéficiaires de façon que nos méthodes ne relèvent pas de la chimère, et qu'il existe des restrictions quant à ce que nous faisons dans le domaine de la santé.

Le président : Nous sommes entièrement d'accord avec vous : le problème, c'est que l'organisation verticale du gouvernement ne concorde pas avec les services horizontaux.

Val Traversy a travaillé avec vous. Nous savons lui et moi que c'est une utopie de vouloir restructurer un gros gouvernement. Donc, commençons par la base.

J'aimerais que vous réfléchissiez à la façon dont on pourrait offrir ces services à la base. Oubliez tout ce qu'il y a au- dessus de vous. Demandez-vous plutôt s'il est possible de créer la structure interdisciplinaire nécessaire.

Il faut changer ce qu'on appelait anciennement « le terrain ». On doit pouvoir le faire sur le terrain. On aura peur d'affronter les gros gars au nez fracturé, mais nous devons savoir si ça fonctionne sur le terrain.

Le sénateur Cook : Monsieur Crossman, vous avez parlé d'une nouvelle politique de santé publique et des données fondées sur la pratique. J'ai trouvé votre exposé très intéressant.

L'aspect de cette étude qui porte sur le mieux-être mental devrait-il faire partie intégrante de la nouvelle politique de santé publique, ou devrait-il constituer en soi une politique sur la santé mentale/la maladie mentale?

Je comprends que la collaboration intersectorielle est nécessaire, et vos observations sur le facteur rural m'ont interpellée, étant donné que je viens de Terre-Neuve. Vous avez parlé de l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire.

Oui, toute stratégie, quelle qu'elle soit, doit venir du bénéficiaire. On s'entend généralement pour dire ça.

Eh bien, c'était le premier emploi que ma fille a décroché à Terre-Neuve lorsqu'elle a obtenu son diplôme de l'université. Elle en a savouré chaque minute, elle a rencontré beaucoup de gens.

Je veux savoir ce que vous ferez après l'initiative. C'était un bon programme, et les résultats ont été probants. Vous avez dit que les provinces qui jugent qu'un tel investissement dans leur régime de santé est nécessaire l'adopteront en premier. On doit l'utiliser, faute de quoi on risque de le perdre. J'imagine que la province pourrait ou non utiliser toutes ces merveilleuses informations sur un mode de vie plus sain, selon la taille du budget.

Voici la question qui tue : quelles sont les répercussions du système judiciaire sur la santé mentale et la maladie mentale? Parfois, j'entends dire que nos prisons sont devenues les institutions psychiatriques que nous avons vidées dans les années 70, et je me demande ce que nous allons faire de ce problème.

Ce sont là mes observations et mes questions. Je m'interroge au sujet de programmes fédéraux qui font miroiter de merveilleuses initiatives et de magnifiques résultats, et je me demande, étant donné qu'ils sont soumis au bon vouloir des provinces, s'ils iront quelque part. Qu'avons-nous appris? Beaucoup de temps, d'argent et d'efforts sont consacrés à ces initiatives.

M. Crossman : Pour ce qui est de la durabilité,l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire a duréde 1989 jusqu'à 2002. On a injecté beaucoup d'argent dans le processus, et on a remporté un vif succès. L'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire présentait une nouvelle façon de faire les choses, une nouvelle façon de voir le monde et une nouvelle façon d'organiser les ressources pour répondre aux besoins de la population.

Quant à savoir pourquoi certaines choses durent et d'autres pas, je laisse le soin aux politiciens de le découvrir, mais ici, en Nouvelle-Écosse, d'autres priorités, comme la réduction des listes d'attente et l'élimination des pénuries de professionnels, qui font l'objet de nombreuses demandes, constituent des questions très importantes.

Je ne veux pas dire que, à la prochaine conférence des premiers ministres, vous devriez dire : « Tous ceux qui sont en faveur de ce programme, levez la main », et que, si deux mains se lèvent, vous devriez aller de l'avant. J'étudie l'idée de recommander des projets pilotes. Le sénateur Kirby a raison lorsqu'il dit que nous devons réorganiser les choses sur le terrain, et je crois que si nous faisons cela, nous devrons espérer que l'argent viendra.

L'Initiative en santé cardiovasculaire a révélé qu'on a profondément tort de cloisonner des sujets comme la santé mentale, la santé publique, la toxicomanie, et ainsi de suite. Ça ne fonctionne pas. Cependant, ça n'empêche pas que nous avons besoin de services spécialisés. Si je faisais une crise cardiaque, et sans vouloir vous offenser, docteur Stokes, je ne voudrais pas que vous veniez à mon secours. Nous avons besoin de services spécialisés dans notre système de santé. Là n'est pas la question. Nous devons simplement mieux équilibrer notre système. Je crois que, si nous voulons régler les grands problèmes de santé, nous devons proposer des structures qui éliminent le cloisonnement.

Le financement distinct n'a pas fonctionné en Nouvelle-Écosse. Nous avons déjà du financement distinct. On nous verse chaque année du financement distinct et non transférable. On n'a pas accru notre affectation de ressources selon le besoin dans la population. Je ne suis pas particulièrement ouvert à l'idée de créer un genre de système cloisonné dans lequel on ne serait pas certain d'obtenir l'argent d'une année à l'autre. Je crois que nous devons d'abord changer la façon dont nous réfléchissons aux problèmes de santé.

Votre question concernant la justice gravite autour de la question relative aux jeunes. Nous finissons par faire beaucoup plus de travail intersectoriel. Nous devons réunir un éventail d'organismes pour déterminer ce qu'on doit faire avec tel ou tel enfant parce que ça concerne le service communautaire, la justice, la santé, et peut-être même les écoles, et ainsi de suite.

Vous avez laissé entendre que nos prisons sont remplies de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Lorsque les gens commettent un crime, ils le font pour diverses raisons. Il est probable que bien des gens dans bien des établissements n'obtiennent pas le soutien et les soins dont ils ont besoin.

Si vous me demandiez si je recommanderais qu'on donne plus d'argent pour les détenus en puisant dans le financement d'un autre programme, il faudrait que j'y réfléchisse. Il ne fait aucun doute que, dans notre système actuel, il faut faire des compromis. Si nous ne donnons pas d'argent pour réduire la liste d'attente de l'un des plus gros hôpitaux de la province, alors on ne peut pas donner d'argent à quelqu'un d'autre. Nous devons restructurer les services et le financement, et je pense que le gouvernement fédéral peut nous appuyer dans cette démarche, parce que si je me retrouve à plaider ma cause auprès du représentant de la justice, je pourrais gagner, il pourrait gagner, mais quelqu'un devra perdre, et c'est fondamentalement comme ça que le système a été conçu.

Le Dr Stokes : En ce qui concerne les prisons, je crois qu'on doit admettre que la plupart des gens en prison ne sont pas vraiment stabilisés, et c'est l'une des raisons pour lesquelles ils sont en prison. Si on regarde cette population, j'imagine que le diagnostic mixte revient à dire qu'ils sont des « handicapés mentaux ». Les troubles concomitants associés à la toxicomanie et à l'alcoolisme constituent un problème majeur, et nos services de santé mentale offerts dans les prisons ne sont pas aussi bons qu'ils devraient l'être, et je conviens qu'il faut y voir. En règle générale, c'est le gouvernement fédéral qui est responsable des pénitenciers.

Le président : Oh, c'est exact.

Le sénateur Cordy : Nous parlions des médias, plus tôt, et l'un d'entre vous a dit que « les listes d'attente font les manchettes ». Donc, si nous cherchons un impact positif dans les médias, les listes d'attente en sont un exemple.

Vous avez également dit que le gouvernement était préoccupé par les listes d'attente, et je dirais que le grand public est lui aussi préoccupé par les listes d'attente. Cependant, lorsque le grand public parle des listes d'attente, il fait allusion à la chirurgie de la cataracte, au remplacement de la hanche ou à une intervention chirurgicale cardiaque, et on entend très rarement les gens parler des listes d'attente pour entrer dans le système de santé mentale. Nous avons entendu dire aujourd'hui que 500 personnes attendent juste pour entrer dans le système, et que ce chiffre n'inclut pas les gens qui y sont déjà, et qui attendent d'obtenir de l'aide.

Lorsqu'on parle des enjeux relatifs à la santé mentale, il faut toujours les rattacher à d'autres choses, parce qu'on ne peut pas faire fi de la sensibilisation du public et de toute la question de la stigmatisation.

Le nombre de personnes qui sont touchées directement ou indirectement, que ce soit par l'entremise d'un membre de leur famille, d'amis ou de collègues de travail, est renversant. Cependant, les collectivités n'implorent pas les autorités pour obtenir de l'argent pour les soins de santé mentale.

Comment pouvons-nous être certains que le public se joindra à nous pour exiger des ressources pour le système de santé mentale?

M. Ayr : Je crois que, entre autres, les consommateurs qui ont déjà eu affaire au système ont besoin de raconter leurs histoires, et le public a besoin de les entendre. Je veux dire, beaucoup de gens qui souffrent d'une maladie mentale ont des histoires vraiment incroyables à raconter sur leur réussite dans les arts, la musique et la littérature, mais nous ne les entendons pas. Je crois que nous devons mettre l'accent sur les histoires positives.

M. Galipeault : Il y a la bonne vieille méthode duporte-à-porte, que je commence à appeler la méthode « un quartier à la fois ». Il y a quelques années, la directriced'un programme de santé mentale du centre-ville de Dartmouth m'a demandé ce que nous pouvions faire pour que les bénéficiaires soient perçus comme des citoyens à part entière. Je crois que, une partie de la réponse, c'est que ceux d'entre nous qui œuvrons dans ce domaine ont la responsabilité de donner un coup de main à cet égard. Je lui ai dit de tracer un rayon de un quartier ou de deux quartiers à partir du centre du programme et de tenir une assemblée publique locale, et de demander aux bénéficiaires d'y assister et de parler aux citoyens de ce secteur. Je lui ai dit de commencer par aller frapper aux portes, distribuer des dépliants, inviter les gens à sortir et leur dire de quelle façon les bénéficiaires contribuent au mieux-être économique de ces quartiers ainsi qu'à la mosaïque culturelle de cette collectivité. On travaille dans ces deux quartiers pendant quelques mois, ou une année, et ensuite, on passe à deux autres quartiers. Je pense que c'est une méthode longue et lente, mais je crois que ça fait partie de la solution.

Le Dr Stokes : Je crois que les choses changent, et je pense que le fait même que le Comité traverse le pays est un aspect de ce changement. Certains changements se reflètent dans le fait que le ministère de la Santé du gouvernement de la Nouvelle-Écosse établit des normes de base en santé mentale, et que la participation des bénéficiaires et le lancement d'une campagne de lutte contre la stigmatisation en témoignent. Je crois qu'il s'agit là de certains des changements qui se sont produits. Ça ne sera pas une chose en particulier qui va changer. Bien des choses vont changer, et je crois que bien des choses sont déjà en train de changer.

Le sénateur Cordy : Je crois que, si les gens pouvaient entendre les histoires personnelles que le Comité a entendues, ce serait un grand pas en vue de favoriser la déstigmatisation dans le pays.

Monsieur Galipeault, on mentionne, dans votre brochure, qu'en plus d'aider les bénéficiaires du secteur de la santé mentale vous servez aussi le secteur privé. Est-ce que des entreprises vous téléphonent?

M. Galipeault : Non, aucune entreprise ne m'a téléphoné.

Le sénateur Cordy : Est-ce que l'un d'entre-vous reçoit des appels de responsables d'entreprises qui vous demandent comment intégrer davantage les gens qui ont bénéficié de soins de santé mentale?

M. Crossman : Pour revenir à votre question générale, je dirais que je suis d'accord avec le Dr Stokes lorsqu'il dit que toute solution à ces problèmes doit comporter plusieurs volets, mais en ce qui concerne les entreprises, je pense qu'un facteur crucial qu'on oublie souvent dans ces scénarios, c'est le coût de la maladie mentale pour les entreprises. Michael Wilson participe à la table ronde économique, vous le savez sûrement, et je pense que, actuellement, il conseille le gouvernement au sujet de certaines de ces questions.

Les problèmes de santé mentale et la maladie mentale coûtent énormément d'argent aux entreprises du pays, c'est un fait incontestable. Ce dont nous devons parler, c'est de la façon de convaincre les employeurs.

Nous avons élaboré une intervention entre trois entreprises du secteur privé, une en foresterie, une dans le secteur des pêches, et l'autre en édition, et notre propre organisation. Nous avons évalué les risques pour la santé de 340 employés de ces entreprises, et chaque employé a reçu un rapport confidentiel de nos conclusions. Les employés ont découvert s'ils étaient obèses, si leur taux de cholestérol était élevé, si leur niveau de stress était normal ou élevé, s'ils étaient déprimés, s'ils étaient angoissés de façon normale ou non, et s'ils s'étaient bien adaptés à leur milieu de travail. Certaines personnes peuvent le jeter aux poubelles, et d'autres peuvent le lire et en tirer une leçon.

La chose la plus importante que nous ayons accomplie, c'est calculer le coût de ces problèmes et les relier directement aux résultats de l'employeur. Les conclusions révèlent que l'absentéisme et les accidents et autres choses du genre coûtent de l'argent à l'employeur. Lorsqu'on fait prendre conscience à une personne de son problème, on commence à voir un certain changement de comportement.

Dans un tout autre ordre d'idées, je pense que nous avons besoin de plus de leadership gouvernemental. Je pense que nous devrions cesser nos tergiversations quant aux endroits où nous injectons de l'argent dans les soins de santé et commencer à parler de la santé de la population. C'est ce que nous faisons en Nouvelle-Écosse, et c'est merveilleux. Le nombre de fumeurs a diminué; le taux d'activité physique augmentera probablement au cours des prochaines années, et ainsi de suite. Cependant, c'est dans la sphère politique que nous devons commencer à changer de discours au sujet du budget de la santé. Nous avons besoin d'un budget de soins de santé qui nous permet de promouvoir la santé de la population, et la participation des employeurs est cruciale dans tout ce scénario.

Le sénateur Pépin : Docteur Stokes, nous discutons de la sensibilisation du public et des enseignants. Qu'en est-il de l'éducation des étudiants en médecine, parce que j'ai l'impression, et j'ai peut-être tort, que les omnipraticiens estiment que la maladie mentale ne fait pas partie de leur pratique. Si nous étions certains de vouloir éduquer les étudiants en médecine, nous les amènerions à comprendre que la maladie mentale est un problème de santé. Nous savons que, trop souvent, le diagnostic arrive trop tard, et nos médecins doivent être informés de ces problèmes et y être sensibilisés.

Le personnel des hôpitaux demande toujours aux patients s'ils souffrent d'allergies et de lui faire part de leurs antécédents médicaux, mais il ne pose jamais de question au sujet de la maladie mentale. Si nous commençons à poser cette question, ça fera partie de la routine, et ce sera plus facile de parler de santé mentale. On n'écartera pas ce sujet, et on ne le considérera pas comme un sujet séparé. Les étudiants en médecine devraient recevoir une formation spéciale sur la maladie mentale, et cela pourrait faciliter tout le reste, si ça faisait partie du programme d'études général.

Le Dr Stokes : Nous espérons pouvoir faire bon nombre des choses que vous avez mentionnées. En fait, nous sommes en train de réviser le programme d'études des facultés de médecine afin d'offrir plus de cours en psychiatrie, mais on doit les intégrer au programme lorsque les étudiants font des exercices concernant la relation entre le patient et le médecin.

Je crois qu'il est monnaie courante qu'un patient entrant dans l'un de nos hôpitaux d'enseignement réponde à des questions concernant ses antécédents médicaux sur le plan des interventions chirurgicales, de la santé physique, de la santé mentale et de la toxicomanie.

Nos médecins de famille ont besoin de plus de soutien et d'éducation et d'aide pour améliorer leur bagage de compétences parce que plus de 50 p. 100 de leurs patients seront aux prises avec des problèmes de santé mentale, et ce sont souvent les premières et les seules personnes qu'ils vont consulter. On doit reconnaître ce problème.

Une autre question que nous allons devoir aborder est l'éducation interprofessionnelle, c'est-à-dire l'éducation du personnel infirmier, des pharmaciens, des travailleurs sociaux, des psychologues et des médecins.

Le président : S'il n'y pas d'autres questions ni commentaires, je vous remercie tous d'être venus. Vous avez été très utiles, et votre présence a été grandement appréciée.

Honorables sénateurs, nos prochains témoins viennent du ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse. Linda Smith est responsable de la santé mentale des enfants, et John Campbell, de la santé mentale des adultes. Si vous le permettez, je vais dire aux témoins que, vers cinq heures moins quart, le sénateur Cook va prendre la relève de la présidence, parce que j'ai un certain nombre d'entrevues à faire un peu après cinq heures, et l'heure est fixe parce qu'il s'agit d'entrevues dans les médias électroniques.

Mme Linda Smith, directrice exécutive par intérim, Services de santé mentale des enfants et traitement de la toxicomanie, Direction générale des services de santé mentale, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse : Merci de m'avoir invitée à venir vous parler aujourd'hui.

Vous avez été ici toute la journée, et, pour ne pas vous retenir trop longtemps, je vous dirais que vous pourrez lire les diapositives que nous voulions présenter. Je vais vous présenter quelques points saillants, et ensuite, nous pourrons peut-être en discuter.

Dans notre province, nous offrons des services de santé mentale du berceau au tombeau, c'est-à-dire aux enfants, aux jeunes, puis aux adultes. Cette méthode est légèrement différente de celle de certaines provinces, qui répartissent les enfants dans plusieurs services.

Nous avons plus de 50 cliniques de santé mentale dans la collectivité et unités dans les hôpitaux dans huit de nos neuf régies de santé de district ainsi qu'au centre de santé IWK. Nous offrons des services d'urgence dans tous les districts.

Nous avons travaillé très dur au cours des trois dernières années; nous avons fait participer plus de 200 intervenants à l'élaboration d'une série de normes fondamentales de programmes de santé mentale et d'indicateurs correspondant à ces normes. En plus d'avoir donné un coup de main et assuré un service de qualité et une certaine équité dans la province, ces activités ont permis aux divers districts d'effectuer uneauto-évaluation annuelle de leur rendement par rapport à la norme. L'écart relatif à cette auto-évaluation est ce qui nous aide dans nos futurs plans d'activité.

L'une de nos principales priorités consiste à améliorer les programmes de soutien communautaire destinés aux personnes souffrant d'une maladie mentale grave et persistante qui ne sont plus en établissement, mais qui vivent pleinement dans la collectivité et ont besoin d'un logement, d'un emploi et de programmes d'activités pour structurer leur vie.

Nous devons améliorer nos services d'intervention en cas d'urgence et intervenir plus rapidement auprès de ces personnes. Il faut améliorer les services de santé mentale offerts aux enfants et aux adultes dans chacun de nos cinq secteurs de programme de base.

Nous avons formé notre comité directeur sur la santé mentale en 2001. Il s'agit d'un comité consultatif de la Direction générale au ministère de la Santé. Il se compose de personnes issues de divers districts, de représentants de l'hôpital IWK, de bénéficiaires et de groupes de défense des intérêts, ainsi que d'un représentant du ministère des Services communautaires. Le comité a élaboré non seulement des normes, mais aussi des programmes visant à surveiller la santé de la nation; c'est-à-dire pour déterminer si nos services de santé mentale font bel et bien une différence.

Ce n'est pas demain la veille qu'on pourra appliquer complètement nos normes. Il faudra attendre de cinq à dix ans pour le faire. Nous avons reçu de l'argent frais, mais ce n'est qu'un début.

Nous croyons qu'il faut élaborer une stratégie nationale sur la santé mentale parce que la collaboration donnera de meilleurs résultats. La responsabilité de créer une stratégie ne devrait pas reposer sur les épaules d'une seule province.

M. John Campbell, directeur des Services de santé mentale aux adultes, Direction générale des services de santé mentale, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse : Mme Smith a parlé de l'approche que nous avons adoptée à l'égard de la réforme de la santé mentale, et je pense que ça constitue un bon modèle pour l'établissement d'une stratégie efficace. Notre stratégie commence par un comité directeur qui établit les normes en matière de prestation de services, de surveillance, d'évaluation et de traitement des bénéficiaires et en ce qui concerne la place qu'ils occupent dans le système de santé mentale. Notre comité s'intéresse aussi bien au système officieux qu'au système officiel, et il aborde des problèmes liés à la stigmatisation ainsi que les questions de la prévention, de la promotion et de la défense des droits.

Je dois féliciter le Comité pour l'excellent document qui a permis de sensibiliser les gens au sein de notre système de santé mentale ainsi que les intervenants avec qui nous travaillons.

À la fin de la dernière discussion, vous avez parlé de la nécessité d'obtenir l'adhésion du public, et je pense que c'est un point important que vous devrez aborder avec votre commission. La synthèse de vos travaux et les recommandations que vous formulez sont très, très importantes, et nous applaudissons ce travail et vous souhaitons de réaliser tous vos objectifs.

Pour ce qui est de ce que nous voulons faire pour mettre en place un système complet et efficace, nous faisons beaucoup de bonnes choses, mais nous pourrions en faire plus. Nous avons besoin d'une plus grande collaboration, parce que la santé mentale, c'est l'affaire de tous. Nous devons collaborer avec d'autres divisions du système de santé, ou, si nous abordons le problème du point de vue de la santé de la population, nous devons travailler avec nos partenaires dans d'autres ministères.

Comme vous l'avez dit dans votre rapport, l'élaboration d'une base de données nationale indépendante est le fondementd'un bon système. L'Enquête sur la santé dans les collectivités de 2000 s'appuyait sur des études épidémiologiquesréalisées dans d'autres pays, et dont nous avons généralisé les résultats. L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 1.2 constituait un bon point de départ, mais elle n'était pas assez approfondie pour que l'on puisse déterminer la prévalence des principaux troubles mentaux auxquels nous devons faire face dans notre société. Elle n'était pas assez vaste pour englober l'éventail d'individus qui souffrent de problèmes de santé mentale. Elle ne contenait pas le genre d'information qu'un échantillon plus grand aurait pu nous donner, du point de vue de la planification. Nous avons besoin de ce genre d'information.

Quoi qu'il en soit, l'Enquête a été efficace. La Nouvelle-Écosse et l'Ontario ont été les deux seules provinces à avoir acheté à Statistique Canada des exemplaires supplémentaires pour analyser cette information et donner quelques lignes directrices à nos régies de santé de district, afin d'évaluer les besoins en santé mentale dans ces districts.

Dans certains cas, la taille de l'échantillon de l'Enquête était plus petit que nous l'avion espéré, mais il a quand même permis de fournir des renseignements précieux. Nous aimerions qu'on mène une enquête plus vaste et élargie qui couvrirait toute la vie d'une personne. Cela nous permettrait d'obtenir de l'information sur laquelle on pourra se fonder pour planifier des services futurs.

Nous devons élaborer un système d'information qui puisse mesurer l'état de santé mentale de nos clients, de nos collectivités et de notre population. Nous devons évaluer nos politiques, nos programmes et nos services. Nous devons élaborer des programmes d'assurance de la qualité. Nous devons examiner l'efficacité de nos services de façon à pouvoir commencer à faire des choix en fonction de leur rentabilité.

Vous avez fait allusion au coffre à outils fédéral-provincial. C'est un bon point de départ, mais c'est très abstrait. Nous aimerions qu'on établisse une deuxième étape, où on donnerait des exemples d'application et des indicateurs utilisés. Nous aimerions que la deuxième étape oriente l'établissement de systèmes à l'échelle provinciale. Nous devons aller au-delà de ce coffre à outils.

La transmission des connaissances doit être efficace; la pratique ne réussit pas à suivre la recherche. Nous consacrons temps et efforts à faciliter ce processus en élaborant des normes fondées sur des pratiques exemplaires et en réunissant des experts en la matière qui doivent miser sur ces normes pour orienter le système de santé mentale. Nous devons faire beaucoup plus que cela.

J'utilise l'exemple du consortium de soins partagés et de ses récents projets d'élaboration de coffres à outils pour la mise en œuvre d'initiatives de soins partagés ou coopératifs auprès de populations spéciales. En fait, il peut orienter diverses administrations et divers secteurs dans l'institution au sujet de ce genre de projets de soins partagés.

Nous avons jeté un coup d'œil à certaines monographies de Santé Canada qui portent sur des pratiques exemplaires dans des choses comme les troubles de l'anxiété, les traitements de la toxicomanie et la réforme de la santé mentale, et nous en avons fait bon usage. Elles sont diffusées à grande échelle, et on y présente de l'information scientifique qu'on a vulgarisée aux fins de la mise en pratique. Elles ont eu un impact, mais elles ne font qu'effleurer le sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire ce que nous devons faire.

Qu'avons-nous fait en Nouvelle-Écosse? Je crois que la réponse à cette question est pertinente pour notre sujet de discussion et pour ce que vous cherchez en rapport avec votre commission. Nous avons élaboré des normes de programme fondamentales sur notre modèle de services. Nous avons examiné certains programmes de spécialité et les normes qui y sont associées. Nous avons créé une stratégie pour que les districts évaluent la conformité avec ces normes élaborées en collaboration. Nous avons également fait l'essai d'une échelle des issues de la santé des nations dans trois de nos régies de santé de district, et nous entreprenons actuellement un projet pilote de un an dans une régie de santé de district. Le National Health Service du Royaume-Uni a adopté notre échelle dans son service de santé mentale. Il s'agit d'un système d'évaluation valide, fiable et relativement facile à utiliser. Il n'exige que de cinq à dix minutes du temps d'un clinicien, et il donne de très bonnes informations sur les issues.

Nous utilisons l'ESCC pour dresser le profil du district de chacune de nos régies de santé de district, afin qu'elles puissent utiliser cette information pour orienter ses priorités au chapitre du système de santé mentale.

Nous avons également commencé à utiliser le logiciel Web Cognos. Je le décrirais comme étant tout ce que les ordinateurs nous ont promis, mais ne nous ont pas donné jusqu'à aujourd'hui. Cognos nous permet d'analyser de grandes bases de données et de croiser des variables d'une façon intéressante pour fournir des renseignements pertinents aux directeurs, gestionnaires et cliniciens en santé mentale.

Nous participons à un programme de formation avec tous nos directeurs en santé mentale. À l'issue de cette formation, nous pourrons verser des renseignements sur les services ambulatoires de santé mentale et des données de l'ICIS sur les patients hospitalisés dans des modules de Cognos. Ainsi, les directeurs en santé mentale pourront manipuler et recouper ces données. Ils pourront consulter des variables telles que des renseignements démographiques, des renseignements sur la résidence et des données sur le diagnostic. Là encore, ce n'est qu'un début, mais c'est un outil très précieux. Les directeurs en santé mentale se donnent à fond dans ce projet et sont très enthousiasmés par les données. Je crois que ça veut tout dire.

Nous avons relié nos enquêtes sur la santé mentale à nos données administratives, et nous avons pu ainsi examiner une enquête sur la santé cardiovasculaire menée en 1995, les symptômes de dépression cernés dans l'enquête, et, par la suite, le recours subséquent à des soins de santé pour le traitement d'une maladie cardiovasculaire. En fait, nous avons participé à la publication de ces études dans les annales de la médecine épidémiologique et physiologique.

Nous avons ici l'unité de recherche sur la santé de la population de l'Université Dalhousie, qui emmagasine nos données administratives, nous permet de relier diverses bases de données et nous aide à dresser le profil de nos besoins provinciaux en santé mentale.

Dans les provinces de l'Atlantique, l'Agence de santé publique du Canada nous a désigné Centre national de collaboration pour les déterminants sociaux de la santé, titre qui évoque quelque chose de très positif sur ce qui se passe ici, en Nouvelle-Écosse. De plus, ici à l'Université Dalhousie, nous pouvons compter sur des épidémiologues en santé mentale reconnus dans le monde entier.

Je vous parle de toutes ces choses parce que la Nouvelle-Écosse serait ravie de participer à tout projet pilote associé à l'élaboration d'une base de données d'information nationale.

Les activités que j'ai mentionnées ne constituent quequelques-unes des choses sur lesquelles nous devons commencer à miser pour atteindre notre objectif, qui est de mettre en place un système complet. La vision de la société doit s'harmoniser avec notre propre vision, et nous devons insister davantage sur la prévention, la promotion et la défense des droits.

Le groupe précédent a parlé de la « santé de la population » et du fait qu'on doit cesser de mettre l'accent uniquement sur la prestation des services de santé en tenant compte de la santé de la population et en éliminant la stigmatisation qui empêche une personne d'accéder aux services.

Un certain nombre de stratégies nationales, notamment l'Entente Canada-Ontario sur le marché du travail visant les personnes handicapées et la Stratégie nationale pour le logement durable, ont un impact direct sur la santé mentale. Ces programmes doivent être coordonnés, non seulement à l'échelle locale, mais aussi à l'échelle nationale.

Mais, ce qui est le plus important, c'est que nous devons agir en collaboration. Nous avons compartimenté nos services, non seulement en santé mentale, mais aussi dans bien des domaines liés à la santé de la population. Nous devons sortir de nos cloisons et infuser aux services la capacité d'aborder certains aspects de la santé mentale. Nous devons intégrer les soins partagés aux soins de santé primaires, et combiner les services de police et d'intervention en cas d'urgence avec les services communautaires. Nous devons examiner les problèmes de santé mentale dont souffrent les délinquants et les personnes âgées qui bénéficient de soins de longue durée ainsi que les comportements problématiques qui y sont associés. Nous devons travailler avec les organisations qui régissent le logement abordable et l'employabilité. Nous devons tourner nos efforts vers des stratégies de prévention des accidents et de la maladie chronique à l'échelle nationale et régionale. Nous devons travailler avec les soignants dans les organisations qui ne sont pas régies et les organismes sociaux qui visent à répondre aux besoins de notre population.

Encore une fois, j'applaudis aux travaux de cette commission. Je crois que nous devons appuyer un vaste plan d'action national pour la santé mentale. Nous devons nous doter de normes fondées sur un cadre de collaboration qui rejoint tous les intervenants; c'est-à-dire non seulement les experts et les décideurs, mais également les bénéficiaires et les fournisseurs de services. On doit éliminer la stigmatisation dans tout le pays. Nous devons créer une base de données nationale, un programme de recherche national, des enveloppes de financement pour soutenir des initiatives stratégiques, et une stratégie nationale de prévention de la maladie chronique et de prévention du suicide.

Le président : Merci de votre exposé. Je vais vous poser une question avant que le sénateur Cook ne prenne la relève. En fait, je n'ai pas besoin d'une réponse immédiatement, mais vous pourrez nous l'envoyer par la poste ou par courrier électronique.

Vous avez fait allusion à une initiative stratégique, à un fonds quelconque. Je pense que le Fonds pour l'adaptation des soins de santé primaires n'est qu'un fonds de transition et n'est pas permanent. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral l'a mis en place pour lécher les bottes aux provinces, les amener à faire quelque chose puis déguerpir.

C'était une stratégie expérimentale qui visait à vous aider à aller du point A au point B, le résultat étant que, lorsque la transition est terminée, on obtient un meilleur système d'exploitation.

Beaucoup de gens nous ont suggéré de donner, dans notre prochain rapport, à peu près 12 exemples de « projets d'innovation » ou de « fonds de transition ». L'une des choses qui a rendu notre premier rapport sur le système de soins physiques actifs si efficace, c'est que nous n'avons pas limité notre examen aux concepts; nous avons également donné des exemples de la façon dont on les met en pratique.

Je n'essaie pas de vous acculer au pied du mur, mais j'aimerais avoir un certain nombre d'exemples évocateurs lorsque je présenterai le concept d'un fonds d'innovation à des personnes dont la réaction immédiate sera de dire : « Pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il injecter de l'argent dans quoi que ce soit? »

Si vous pouviez y réfléchir et nous tenir au courant, ce serait très apprécié.

Le sénateur Joan Cook (présidente suppléante) occupe le fauteuil.

Le sénateur Cordy : M. Ayr a déjà parlé des changements culturels; vous avez formulé un peu la même idée lorsque vous avez dit que nous devons procéder à un changement culturel et travailler au sein des ministères provinciaux, des municipalités et du gouvernement fédéral, parce que tout le monde a des compétences différentes. Au bout du compte, les gens veulent seulement être en bonne santé.

Les ministères de la Santé, des Services communautaires, du Logement, de l'Éducation et de la Justice travaillent-ils en partenariat?

Ce matin, Carole Tooton nous a parlé de l'homme qui peinture des maisons même s'il est titulaire d'une maîtrise en éducation. Il adore son travail, mais son contrat ne prévoit aucune assurance pour les soins de santé et, par conséquent, il est incapable d'obtenir ses médicaments.

Est-ce qu'on jette des cloisons à terre, en Nouvelle-Écosse?

Mme Smith : Je crois que nous faisons des progrès, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous avons le Nova Scotia Child and Youth Action Committee soit le comité d'action pour les enfants et les adolescents de la Nouvelle- Écosse, qui est composé d'un représentant des ministères de la Santé, de l'Éducation, des Services communautaires, de la Justice et du secrétariat pour la jeunesse. Il a examiné ce que j'appellerai les « politiques », le modèle de prestation de services, et a essayé de les coordonner et de trouver une solution pour réunir les divers ministères.

Nous avons également formé un comité sur le continuum de soins, qui est composé de représentants du ministère de la Santé et du ministère des Services communautaires. C'est un comité de haut niveau, car deux sous-ministres et des hauts fonctionnaires en font partie. Le comité examine précisément le genre de situations où nos politiques et nos procédures font en sorte qu'il y a une faille et que le client ne peut accéder aux services dont il a besoin. Je crois que nous avons fait des progrès et des gains dans ce domaine.

Nous avons conclu un plus grand nombre de ce que nous appelons des ententes d'échange de services, et je vais vous en donner quelques exemples. Nous offrons un programmede traitement de longue durée pour les enfants âgés de moins de 12 ans, par l'entremise de l'hôpital IWK. Au début, c'est le ministère des Services communautaires qui le finançait. Aujourd'hui, c'est le ministère de la Santé. Nous avons signé une entente d'échange de services avec le ministère de la Justice afin de dispenser tous les services de santé et de santé mentaleaux enfants, aux jeunes et aux adultes dans la province de la Nouvelle-Écosse.

Nous avons amélioré certaines choses, mais il y a encore de gros obstacles sur notre chemin. Vous avez parlé du régime d'assurance-maladie, et, plus précisément, des médicaments d'ordonnance, et ça demeure une question épineuse pour les gens aux prises avec une maladie mentale et pour les gens qui souffrent d'autres maladies et qui ne souscrivent pas à un régime d'assurance-médicaments. Nous évaluons le revenu de ces personnes, et, grâce au programme d'aide sociale, elles peuvent recevoir de l'argent par l'intermédiaire du ministère des Services communautaires. Dans certains cas, nous avons tendance à fournir les médicaments dans le cadre de services de santé, si elles sont hospitalisées. C'est vraiment ennuyeux pour les petits salariés qui ont droit à certaines prestations d'aide sociale, mais qui ne sont plus couverts lorsqu'ils retournent travailler.

Le sénateur Cordy : C'est vraiment triste d'entendre dire que des gens quittent un emploi peu rémunérateur pour toucher des prestations d'aide sociale.

Mme Smith : C'est sûr. Et tout ce dont ils ont besoin, peut-être, c'est leur médicament, mais nous les forçons quand même à quitter un emploi rémunérateur pour pouvoir se le procurer, ce qui n'est certainement pas bon pour quiconque.

Le sénateur Cordy : Ce n'est pas bon pour la personne, et ce n'est pas bon pour le gouvernement.

M. Campbell : Récemment, notre ministère des Services communautaires a modifié son programme pour permettre de prolonger l'assurance-médicaments de un an.

Je le répète : ça dissuade vraiment les gens d'aller travailler, et nous avions espéré résoudre le problème en mettant en place un régime d'assurance-médicaments ou un programme national d'assurance-médicaments.

Le sénateur Cordy : C'était dans notre autre rapport.

M. Campbell : Dernièrement, nous avons entrepris des travaux qui, au début, étaient menés en Ontario par le Dr Kenneth Leclair dans le cadre d'un programme PIECES : un programme de renforcement des capacités en centre de soins infirmiers visant à corriger les comportements problématiques. Dans le cadre du programme, on forme nos employés à devenir des experts en renforcement de cette capacité dans le secteur des centres de soins infirmiers.

Nous pouvons compter sur la collaboration du secteur des soins de longue durée et du secteur des soins primaires. Les EHS, c'est-à-dire les services de santé d'urgence, la police et notre service d'intervention mobile lancent un projet qui, nous l'espérons, permettra une certaine collaboration à ce niveau également. Au ministère de la Justice, nous avons un comité mixte de médecins légistes qui réunit les diverses administrations qui s'occupent de médecine légale, de santé mentale, l'appareil judiciaire et le ministère des Services communautaires pour combler les lacunes dans nos services. Nous envisageons la possibilité que des professionnels en santé mentale se présentent devant les tribunaux plus tôt que bien des gens qui sont traduits en justice et qui sont déclarés sains d'esprit, mais qui, en même temps, ont commis des crimes mineurs qui sont associés de près à des problèmes de santé mentale.

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord avec vous, et l'aide juridique offre un programme dans le cadre duquel on travaille avec les familles des jeunes délinquants, ce qui suppose très souvent le traitement de la toxicomanie, et ainsi de suite.

J'imagine que c'est parce que j'ai déjà été enseignante au primaire que je ne peux m'empêcher de parler des jeunes enfants et des problèmes auxquels ils font face. Je me souviens de tellement de rencontres avec les parents, l'enseignant, le directeur, le psychologue de l'école et quelqu'un de l'hôpital IWK, et c'est presque devenu une situation « nous » contre « eux »

Dans bien des cas, les parents craignaient de ne pas savoir comment élever leurs enfants, et ils avaient peur d'être responsables d'une façon ou d'une autre des problèmes de leur enfant. Un enfant souffrant d'une maladie mentale met souvent toute la famille en état de crise.

Voilà maintenant cinq ans que je ne fais plus partie du système scolaire. Aujourd'hui, y a-t-il des personnes qui s'occupent des familles des enfants en détresse pour les aider à se retrouver dans tout ce labyrinthe?

Je vous demande cela parce que, il y a quelques semaines, un organisme fédéral a comparu devant notre comité et nous a montré une diapositive sur laquelle on énumérait tous les organismes fédéraux et les ONG, et il y avait une quantité énorme d'informations. Y a-t-il un quelconque système de défense des droits en place?

Mme Smith : Je ne suis pas certaine que ce serait nécessairement un système de « défense des droits ». On a fait des progrès, mais, encore une fois, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche.

Bien souvent, les familles sont en crise parce qu'elles ont de la difficulté à s'occuper d'un enfant, et que certains enfants sont plus difficiles à élever que d'autres.

Ils sont juste nés comme ça. Ils sont plus difficiles à élever. Ce groupe d'enfants figure souvent sur notre liste d'attente parce qu'ils n'ont pas de maladie mentale et ne satisfont pas aux critères pour être déclarés « cas urgent ». Ils ont tendance à rester sur la liste d'attente en santé mentale pendant beaucoup trop longtemps.

Je sais que le personnel de l'IWK travaille avec le Dr Chuck Cunningham, de Hamilton, et que, ensemble, ils essaient de trouver une façon de réduire les délais d'attente et la liste d'attente pour ce genre de famille précisément. Ils examinent les possibilités de former davantage de groupes et de travailler d'une façon différente pour aider ce groupe d'enfants en particulier et leur famille. Ils ont essayé ce que nous appelons l'« aide familiale », projet pilote instauré par le Dr Pat McGrath, de l'Université Dalhousie et mis à l'essai dans trois districts et à l'IWK. Le projet réunit des professionnels de soins primaires, des médecins et des enseignants, qui rencontrent les familles afin de mieux relever les défis auxquels font face les enfants.

Dans le budget du présent exercice, on a consenti des fonds supplémentaires à l'éducation spécialisée dans le cadre du programme du ministère de l'Éducation. Je ne suis pas certaine de ce que ça donnera, mais ce qui est certain, c'est qu'il faut améliorer les services offerts aux psychologues des écoles, et que, pour ce faire, il doit y avoir collaboration entre les ministères de l'Éducation, de la Santé et des Services de santé mentale.

Le sénateur Cordy : Vous avez raison; il faut transcender les frontières parce que le délai d'attente, même pour voir le psychologue de l'école, peut aller jusqu'à six mois.

Mme Smith : Les délais d'attente sont très différents pour les enfants. Ainsi, six mois, dans la vie d'un jeune enfant, c'est très long. Quand ça prend autant de temps, ça ne sert plus à rien.

Selon moi, c'est une priorité urgente à laquelle nous consacrons nos efforts, et nous espérons que nous changeons les choses.

Le sénateur Cordy : Vos commentaires sur le suivi des activités m'intéressent beaucoup. Comment allez-vous vous y prendre? Est-ce une idée tellement fantastique?

Nous faisons constamment des choses et, souvent, personne ne vérifie si ça fonctionne vraiment. Donc, j'ai été ravie de vous entendre parler du suivi des progrès.

M. Campbell : Comme je l'ai dit, nous avons deux bases de données principales dont nous faisons bon usage. Nous avons une base de données ambulatoires, ici, en Nouvelle-Écosse, qui nous appartient, en quelque sorte, et puis nous utilisons la base de données d'extraits de dossiers de personnes qui ont obtenu leur congé de l'ICIS, qui nous donne une foule de variables et d'informations.

Je vais vous donner l'exemple de quelque chose que nous avons commencé récemment. Comme on avait grandement besoin de nos places en hôpital, nous avons formé un comité sur l'utilisation des lits, et nous rassemblons les directeurs de cliniques de santé mentale et les administrateurs de nos installations pour qu'ils rédigent des rapports dans lesquels on présente des comparaisons, d'un district à l'autre.

Il y a dix ans, ou même cinq ans, ça n'aurait pas très bien fonctionné, parce que tout le monde hésitait un peu à l'idée d'avoir à partager de l'information avec quelqu'un d'autre. C'est pourquoi la collaboration par l'établissement de relations et d'un climat de confiance est si importante dans n'importe quel système.

C'est une chose d'avoir de l'information, et c'en est une autre de posséder des données de comparaison. La comparaison des districts fournit des renseignements très, très intéressants. On peut étudier une variable dans tous les districts, et ensuite regarder les cas divergents, puis demander aux gens d'expliquer les écarts.

Ce qui s'est passé, c'est que, lorsqu'on donne aux gens de l'information, de l'information valable que l'on peut comparer, ils réagissent, et ils sont ambivalents quant à la façon de s'en servir.

Nos directeurs en santé mentale et nos psychiatres, et les gens qui sont responsables de nos unités dans les hôpitaux ont pris cette information au sérieux et ont passé leurs pratiques en revue. Ça a eu un impact sur leurs pratiques.

Lorsque nous recueillons de l'information sur les services externes, généralement, nous faisons un décompte. Nous voulons obtenir des groupes de diagnostic pour déterminer qui consulte qui, pendant combien de temps, combien de personnes consultent selon quel genre d'horaire; ce sont là encore des informations que l'on peut comparer, d'un district à l'autre, en fonction de types de repères en particulier et dans le but de faire des comparaisons.

Cependant, nous le faisons avec des informations qui sont raisonnablement exactes, mais pas en nombre suffisant. Comme je l'ai déjà mentionné, nous examinons la possibilité de mesurer les résultats dans l'un de nos districts, celui de Doug Crossman, l'un des témoins précédents. Nous allons appliquer cette méthode pendant un an pour voir de quelle façon elle touche les cliniciens, l'administration et la prestation des services dans cette région.

Il s'agit d'une méthode de mesure que nous avons mise à l'essai dans trois de nos districts, pendant une courte période. On en a évalué la validité, la fiabilité et la sensibilité. Le National Health Service du Royaume-Uni l'utilise dans le cadre de son mandat. Aujourd'hui, lorsqu'on dispose d'une méthode de mesure des résultats en santé mentale, c'est une bonne chose, parce que nous n'en avons pas beaucoup qui sont efficaces.

Le sénateur Pépin : Vous avez dit que nous devons travailler de concert avec d'autres services et éliminer nos cloisons, et vous avez également parlé des soins partagés avec les jeunes et les adultes.

J'ajouterai les personnes âgées à votre liste, parce que je passe beaucoup de temps à leur rendre visite. Une vieille femme m'a dit qu'elle souffrait d'un cancer, et lorsque je lui ai demandé quel genre de cancer, elle a répondu : « Oh, ce n'est pas physique, c'est mental. » Elle a ajouté : « Je me sens tout de seule. Je suis seule. » Cette femme réside dans un centre de soins infirmiers qui accueille beaucoup de personnes âgées.

Avez-vous des renseignements précis sur les personnes âgées? Je ne connais pas exactement le terme, mais je n'ai pas pu résister à la possibilité d'ajouter les personnes âgées à votre liste, et je me demandais si vous aviez de l'information au sujet de ce groupe.

M. Campbell : Encore une fois, cela nous ramène à la question de l'approche fragmentée. Nous avons parlé des soins partagés, et il existe une initiative nationale sur les soins coopératifs. En septembre, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées tiendra sa première conférence sur les pratiques exemplaires liées à l'évaluation et au traitement. Le Dr Kenneth Leclair et David Conn, de l'Université Queens et, je pense, de l'Université McMaster, sont à la tête de ce groupe. Ils examineront les problèmes liés à la maladie mentale qui se présentent chez les gens à mesure qu'ils vieillissent, pas nécessairement quand ils sont vieux, mais quand ils vieillissent.

Lorsque j'ai suivi ma formation à l'Université de laColombie-Britannique, j'ai fait une spécialisation en santé mentale des personnes âgées, et les problèmes n'ont pas changé par rapport à ce qu'ils étaient lorsque j'ai obtenu mon diplôme, en 1977 : polypharmacie et stigmatisation, surtout en ce qui a trait à la santé mentale des personnes âgées.

Les personnes âgées ne recourent pas aux services de santé mentale selon leur proportion dans la population, comparativement à n'importe quel autre groupe d'âge. Ils ne les utilisent pas. Nous pouvons regarder dans le système et voir des enfants et des jeunes et essayer de déterminer quelle proportion d'entre eux utilisent des services de santé mentale, et ensuite, on regarde la proportion des 65 ans et plus, et on constate qu'ils n'accèdent pas aux services de santé mentale. Je félicite la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées; il s'agit d'une initiative nationale qui s'appuie sur des gens qui s'intéressent à ce genre de choses.

De plus, nous avons des initiatives sur les soins coopératifs et le logement abordable, et nous avons une stratégie nationale de prévention des accidents et une stratégie de prévention de la maladie chronique. Tous ces projets contiennent des volets sur la santé mentale, mais ils sont tous distincts, et ils sont indépendants des autres. Je crois que cela montre bien qu'il faut établir une certaine collaboration à l'échelle nationale.

Le sénateur Cordy : J'ai entendu des bons et des mauvais commentaires au sujet du projet de loi 109.

Sommes-nous la seule province à ne pas avoir de loi sur la santé mentale, et que pensez-vous du projet de loi?

Mme Smith : Nous sommes la seule province à ne pas avoir de loi sur la santé mentale distincte. Nos dispositions actuelles sur la santé mentale existent depuis près de 30 ans, et elles sont enchâssées dans la Hospitals Act de la Nouvelle-Écosse. C'est un instrument législatif extrêmement désuet, et il ne correspond à rien d'autre dans le pays. Oui, nous avons besoin d'une nouvelle loi.

Lorsque le projet de loi a été déposé à la Chambre, à la fin du mois de septembre, c'était la fin de sept années de consultation des intervenants. La Commission de réforme du droit avait abattu beaucoup de travail pendant cinq ans, car elle avait rencontré des intervenants un peu partout dans la province et présenté un certain nombre de recommandations qui, selon elle, devraient être prises en compte dans la législation. Nous avions un gros comité dans lequel étaient représentés des fournisseurs, des avocats et des bénéficiaires. Ce comité a fourni un document de consultation. Nous l'avons envoyé, nous avons recueilli les réponses, et nous avons combiné le tout aux recommandations de la Commission de réforme du droit, et le projet de loi 109 était né.

Généralement, on a l'impression que cet instrument législatif se trouve au milieu, si je peux m'exprimer ainsi, des autres lois du pays. La Loi sur la santé mentale vise à assurer des soins aux personnes qui souffrent d'une grave maladie mentale et qui, à cause de cela, ne se rendent pas compte qu'elles ont besoin de traitement. Comme elles ne peuvent reconnaître leur maladie, non seulement elles sont à risque, mais elles en sont au point où elles ne peuvent accéder à un service dont elles ont besoin. Nous avons essayé de créer des freins et contrepoids en ce qui a trait à l'obligation de la province et de l'État d'aider ces personnes et leur famille et pour nous assurer qu'on ne s'immisce pas de façon excessive dans le droit des gens de déterminer eux-mêmes de quels soins ils ont besoin. C'est là qu'en est le projet de loi actuellement. À la fin de février, nous avons organisé une journée d'information qui a réuni quelque 200 personnes des quatre coins de la province, des intervenants clés, et qui leur a permis, encore une fois, de partager de l'information sur ce projet de loi en particulier.

Nous avons reçu de nombreux commentaires d'intervenants et de familles et de nombreux bénéficiaires qui sont maintenant guéris, qui nous ont écrit pour nous dire ce qu'ils pensaient du projet de loi.

Il n'en tient qu'à nos élus de décider comment procéder. Le projet de loi a été déposé, mais on n'en a pas ordonné la deuxième lecture, et donc, pour le moment, il est en suspens.

La présidente suppléante : Nous entendons beaucoup de commentaires positifs au sujet de l'établissement d'une stratégie nationale de santé mentale, et chaque fois que je participe à une réunion comme celle-ci, ils se confirment.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité d'établir une stratégie nationale sur la santé mentale qui serait enchâssée dans la loi. Étant donné la dichotomie entre les provinces et le système fédéral, croyez-vous qu'il sera possible de mettre en place un tel instrument législatif assorti de règlements appropriés, et auquel les provinces pourraient accéder?

Mme Smith : Ce n'est pas une chose à laquelle j'ai beaucoup réfléchi, mais je dirais qu'une telle loi serait très difficile à mettre en œuvre étant donné que la santé est un domaine de compétence provinciale.

Je pense que vous pourriez devoir poser la question à un expert juridique et à quelqu'un qui est plus familier avec les questions constitutionnelles, mais je ne sais pas vraiment comment vous pourriez imposer la législation à une province, parce que la province doit offrir le service. Ce serait difficile, mais on pourrait sûrement élaborer des principes directeurs et une orientation globale.

La présidente suppléante : On parle ici du facteur de la responsabilisation. Je ne suis pas avocate. Je sors des sentiers battus. J'examine cette question du point de vue de la loi cadre. La Loi sur les pêches, par exemple, est une loi très complexe qui est soutenue par de nombreux règlements, selon la situation.

Mme Smith : Il y a la Loi canadienne sur la santé, mais elle ne traite pas de santé mentale. Je crois cependant qu'il serait certainement possible d'adopter une loi fédérale qui s'occuperait de la question ou de modifier à la Loi canadienne sur la santé.

En fait, une telle loi ne serait qu'une loi assurant la protection au même titre que, par exemple, nos lois relatives à la protection de l'enfance, dont le but est de protéger les enfants de mauvais traitements et de négligence. Par contre, il serait très difficile de rédiger et d'adopter des règlements parce que chaque province possède sa propre façon d'appliquer la loi.

La présidente suppléante : Mais, en ce moment, certaines provinces possèdent déjà une loi provinciale sur la santé mentale.

Mme Smith : Oh, toutes les provinces en ont une.

La présidente suppléante : Pas toutes, je crois qu'il y a deux provinces qui n'en ont pas.

Mme Smith : Je sais simplement que notre province ne possède pas de loi distincte, bien que nous ayons certaines dispositions à cet égard.

La présidente suppléante : Je n'ose pas les nommer parce que je pourrais me tromper.

Mme Smith : Je crois que chaque province et chaque territoire possèdent une certaine loi en matière de santé mentale ou du moins quelques dispositions à cet égard. La plupart possèdent une loi distincte. Je crois que seule notre province maintient encore ces dispositions dans la Loi sur les hôpitaux.

Le sénateur Pépin : Si je me souviens bien, le gouvernement fédéral a donné de l'argent pour la santé l'année passée en mentionnant, toutefois, l'obligation de rendre des comptes.

Mais je reconnais qu'il sera difficile de dire aux provinces quoi faire à moins que les fonds ne soient attribués de façon spécifique.

La présidente suppléante : Eh bien, le gouvernement fédéral tient les cordons de la bourse alors je pense qu'il y a place à la négociation, n'est-ce pas?

C'est le gouvernement fédéral qui a l'argent et nous travaillons de façon à faire l'unanimité au sein de la fédération canadienne, notre merveilleux pays. Alors même si on ose sortir des sentiers battus, nous avons accompli un certain progrès.

Au nom de tous et du président absent, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de partager vos idées avec nous aujourd'hui.

La séance est levée.


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