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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie:

Aperçu des politiques et des programmes au Canada

Rapport 1


PARTIE 2

Prévalence et conséquences de la maladie mentale et de la toxicomanie

CHAPITRE 4:
Concepts ET DÉfinitions

INTRODUCTION

La terminologie et les notions relatives à la santé mentale, à la maladie mentale et à la toxicomanie ne sont pas faciles à définir. La terminologie varie selon les pays et, dans un même pays, les groupes, organisations et associations de professionnels et de profanes emploient souvent des expressions différentes pour définir des concepts clés en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie. Une même notion peut donc être désignée par divers termes, et certains termes peuvent avoir un sens différent d’un groupe à l’autre. Même au Canada, quelques expressions ont plusieurs sens et sont appliquées sans uniformité, ce qui est fréquemment sources de confusion.

Le présent chapitre définit divers concepts (qui seront repris au fil de ce rapport) en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie. Il comprend neuf sections portant sur les thèmes suivants : santé mentale et maladie mentale (section 4.1); principaux troubles mentaux (4.2); usage de substances et toxicomanie (4.3); comorbidité, troubles concomitants et diagnostic mixte (4.4); comportement suicidaire (4.5); services et moyens de soutien (4.6); gestion des maladies chroniques (4.7); promotion, prévention et surveillance (4.8); personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie et rétablissement (4.9).

4.1        SANTÉ MENTALE ET MALADIE MENTALE

Les maladies mentales minent la santé mentale, mais la santé mentale ne se réduit pas à l’absence de maladies mentales. Il s’agit plutôt de la ressource essentielle de tous les êtres humains et d’une composante fondamentale de la santé vue sous tous ses angles.

[Tom Lips, Santé Canada (11:7)]

La santé mentale est définie comme la capacité de chaque personne de ressentir les choses, de réfléchir et d’agir de manière à mieux jouir de la vie, à mieux faire face aux défis.[184] Autrement dit, elle désigne diverses capacités, notamment celles de se comprendre et de comprendre sa vie; d’être en relation avec les autres et de réagir à son environnement; d’éprouver du plaisir et de jouir de la vie; de surmonter le stress et des états de malaise; d’évaluer les défis et les problèmes; de poursuivre des buts et des intérêts; d’évaluer des choix et de prendre des décisions.

Une bonne santé mentale est associée à l’estime de soi, au bonheur, à l’envie de vivre, à la satisfaction au travail, à la maîtrise et à la cohérence. Il est bien connu qu’une bonne santé mentale permet aux gens de réaliser leur plein potentiel et de contribuer utilement à la société.[185]

Les problèmes de santé mentale sont, au contraire, synonymes de capacités réduites – cognitives, émotives, attentionnelles, interpersonnelles, motivationnelles ou comportementales – qui empêchent de jouir de la vie ou nuisent aux interactions de celui ou celle qui en souffre avec la société ou l’entourage. La faible estime de soi, la frustration ou l’irritabilité fréquente, l’épuisement professionnel, le stress et l’inquiétude excessive sont autant d’exemples de problèmes courants de santé mentale.[186] Tout le monde, à un moment donné de sa vie, éprouve des problèmes de santé mentale de ce genre. Ce sont habituellement des réactions normales à court terme face à des situations difficiles (comme les pressions scolaires, le stress professionnel, les conflits conjugaux, le chagrin, une modification de l’état matrimonial) qu’on surmonte de diverses façons en s’appuyant sur ses forces intérieures, sur sa famille ou sa communauté, par exemple.

Les problèmes de santé mentale qui se règlent rapidement, ne se reproduisent plus et n’entraînent pas d’incapacité importante, ne répondent pas aux critères de la maladie mentale. En revanche, on qualifie habituellement de troubles mentaux ou maladie mentale les comportements ou les réactions émotionnelles d’une sévérité marquée, auxquels sont associés un certain niveau de détresse, de souffrance (le mal, la mort) ou d’incapacité fonctionnelle (par exemple, à l’école, au travail, dans un contexte social ou familial).[187]

Il existe de nombreux types de troubles mentaux qui varient grandement en fonction de l’évolution et du profil de la maladie, du type et de la gravité des symptômes, ainsi que de la gravité de l’incapacité qui en découle. On peut recenser un seul épisode de maladie ou plusieurs épisodes répétés, espacés de longues périodes de bien-être. Si certains troubles mentaux sont de nature épisodique ou cyclique, d’autres sont plus persistants et comportent de longs ou fréquents épisodes récurrents. Ceux qui souffrent d’une maladie persistante reçoivent habituellement des traitements et bénéficient de moyens de soutien à long terme.

4.2       PRINCIPAUX TROUBLES MENTAUX

Au Canada, la classification des maladies mentales suit, soit le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) publié par l’American Psychiatric Association, soit la section sur la santé mentale de la Classification internationale des maladies (CIM), publiée par l’Organisation mondiale de la santé.[188] Chacun de ces deux systèmes de classification dresse la liste de plus de 300 troubles mentaux pouvant être diagnostiqués. Dans la plupart des cas, ces troubles sont regroupés en fonction de la similitude des symptômes ou du profil de la maladie.

La liste complète des diagnostics de troubles mentaux figure dans les manuels du DSM et dans la CIM. Certains des grands regroupements comprennent : les troubles de l’humeur (dépression et trouble bipolaire), les troubles anxieux (trouble d’anxiété généralisée, phobies, trouble panique, trouble obsessivo-compulsif et syndrome de stress post-traumatique), les troubles psychotiques (schizophrénie et trouble schizoaffectif), les troubles de l’alimentation (anorexie et boulimie), les troubles de la personnalité, les troubles du développement profonds (autisme et syndrome d’Asperger), le trouble déficitaire de l’attention et les troubles de comportement perturbateur, et les troubles cognitifs (démence et délire provoqué par diverses causes).[189] Les troubles liés à une substance psychoactive figurent également dans la classification des troubles mentaux. Dans le présent rapport, ils sont examinés dans une section distincte afin de mettre en évidence leur importance et leur rapport avec la toxicomanie.

Les troubles de l’humeur comprennent le trouble dépressif majeur et le trouble bipolaire. Le trouble dépressif majeur (également appelé dépression unipolaire) se caractérise par un ou plusieurs épisodes dépressifs d’une durée d’au moins deux semaines. Le principal symptôme est des baisses d’humeur soutenues (différentes des sentiments normaux de tristesse) et/ou une diminution marquée du plaisir tiré des activités habituelles ou de l’intérêt pour ces activités. À cela s’ajoutent au moins quatre autres symptômes caractéristiques de la dépression comme la perturbation, la fatigue ou la perte d’énergie, la perte d’appétit, des fluctuations de poids, la diminution de la concentration, la difficulté de penser et de prendre des décisions, ainsi que des pensées morbides récurrentes. Les dépressions majeures sont deux fois plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes. Le trouble bipolaire, également appelé psychose maniaco-dépressive, est une maladie mentale caractérisée par des sautes d’humeur spectaculaires, allant de la manie à la dépression. La manie, un état reconnu depuis l’Antiquité, se caractérise par au moins une semaine d’humeur altérée d’euphorie, de volubilité ou d’irritabilité. Comme la dépression, elle est associée à quelques autres symptômes connexes, souvent le contraire de ceux de la dépression, y compris une hausse marquée de l’énergie, une baisse du besoin de sommeil, une estime de soi accrue et une propension à se lancer dans des activités risquées. En général, le trouble bipolaire apparaît au début de la vie adulte, c’est-à-dire de 18 à 24 ans, cependant certains cas se déclarent dès l’enfance ou très tard dans la quarantaine ou la cinquantaine. Les hommes et les femmes sont affectés également.[190]

Les troubles anxieux peuvent prendre diverses formes. Ils comprennent le trouble d’anxiété généralisée, des phobies spécifiques, le trouble panique (avec ou sans agoraphobie), le trouble obsessivo-compulsif et le syndrome de stress post-traumatique. Le trouble d’anxiété généralisée se caractérise par une période prolongée (c.-à-d. de plus de six mois) d’anxiété et d’inquiétude accompagnée d’autres symptômes comme une tension musculaire, la fatigue, une mauvaise concentration, l’insomnie et l’irritabilité. Les phobies sont une crainte excessive de certains objets, actes, situations ou idées (animaux, insectes, hauteurs, ascenseurs, société, etc.). L’exposition à l’objet de la phobie, imaginaire, virtuel ou réel, suscite invariablement une anxiété intense, qui peut comprendre une attaque de panique. On parle de trouble panique dans le cas d’une personne ayant vécu plusieurs crises de panique inattendues –périodes caractérisées par le déclenchement soudain d’une peur ou d’un malaise intense souvent accompagnés de palpitations, de sensations de souffle court et de la peur d’une catastrophe imminente – conjuguées à la crainte de nouvelles crises. Le trouble obsessivo-compulsif comporte des obsessions ou des compulsions (ou les deux à la fois) que le malade reconnaît être excessives ou déraisonnables. Les obsessions comprennent des pensées, des idées, des impulsions ou des images persistantes, envahissantes et inappropriées qui sont cause d’une détresse prononcée. Les compulsions désignent des comportements répétitifs (comme le fait de se laver sans cesse les mains) ou des actes mentaux (comme compter) qui revêtent un caractère ritualiste ou qui s’inscrivent en réaction à une obsession. Le syndrome de stress post-traumatique consiste à revivre un événement traumatisant dans ses rêves ou ses souvenirs, à éviter les stimuli qui rappellent l’événement, à se désensibiliser affectivement et à se sentir plus alerte; il se produit après un événement traumatisant dans lequel la personne a été menacée ou blessée physiquement par un agent stressant (comme un viol, une agression sexuelle contre un enfant, une guerre ou un combat, ou une catastrophe naturelle). Pris globalement, les troubles anxieux atteignent tout autant les hommes que les femmes; ils apparaissent généralement tôt dans la vie (pendant l’enfance ou l’adolescence) et persistent souvent de nombreuses années.[191]

La schizophrénie est une maladie mentale qui apparaît habituellement à la fin de l’adolescence et au début de l’âge adulte. Elle est typiquement considérée comme un trouble chronique, grave et incapacitant à long terme. Les efforts systématiques entrepris au cours de la dernière décennie en vue de dépister la maladie plus tôt et d’intervenir globalement au niveau biopsychosocial permettent d’espérer que l’on parviendra à infléchir le caractère implacable de cette maladie qui est souvent de longue durée. Des décennies de recherches portant notamment sur la génétique et l’imagerie cérébrale vont dans le sens d’un modèle biologique de la schizophrénie, encore que ses causes restent inconnues. Cette maladie influe sur la pensée et provoque des hallucinations (comme entendre des voix), des délires (convictions obsessives non fondées, comme la crainte d’être suivi par des inconnus ou être convaincu que des inconnus vous veulent du mal), une perte de contact avec la réalité et une perturbation des interactions professionnelles et sociales. Elle apparaît souvent lentement et, une fois bien établie, elle se caractérise en général par des cycles de rémissions et de rechutes. Les hommes et les femmes sont affectés également par la schizophrénie.[192]

Les troubles de l’alimentation se caractérisent par une grave perturbation des comportements alimentaires. Certains de ces troubles se règlent spontanément par eux-mêmes ou à l’aide de traitements durant l’adolescence, mais d’autres peuvent devenir chroniques. Selon des études de suivi à long terme, jusqu’à 18 p. 100 des personnes touchées peuvent mourir de cet état. Les troubles de l’alimentation les plus courants sont l’anorexie, la boulimie et l’alimentation compulsive. L’anorexie se caractérise par un faible poids (moins de 85 p. 100 du poids normal), par une crainte intense de grossir en dépit d’une perte de poids considérable, par une perception erronée de son poids ou de son apparence corporelle, par la négation de sa maigreur et par la grande importance accordée au poids dans la façon dont on s’évalue. La boulimie nerveuse, en revanche, frappe le plus souvent des personnes de poids normal. Elle se caractérise par des épisodes récurrents de frénésie alimentaire, suivies d’activités compensatoires visant à éliminer les calories ingérées (comme les vomissements volontaires, l’abus de laxatifs ou de diurétiques, l’exercice intense, etc.). Elle a cependant en commun avec l’anorexie de nombreuses préoccupations psychologiques de base relatives au poids et à l’apparence corporelle. L’alimentation compulsive est un trouble reconnu depuis peu caractérisé par des périodes d’ingestion incontrôlées d’aliments, sans les activités compensatoires de la boulimie nerveuse. Les troubles de l’alimentation (ou hyperphagie boulimique)  apparaissent habituellement à l’adolescence et frappent surtout les femmes.[193]

Les troubles de la personnalité comprennent un certain nombre de troubles dont les caractéristiques et les profils de comportement varient grandement.[194] Ils partagent cependant tous les caractéristiques suivantes : modes durables d’expérience et de comportement qui sont contraires aux attentes de la société, et modes de comportement profonds, inflexibles et stables dans le temps et qui conduisent à la détresse ou à une déficience.[195] Certaines formes de ces troubles entraînent des souffrances surtout chez le malade (p. ex., le trouble de la personnalité évitante, caractérisé par les sentiments de malaise extrême et d’autocritique intense dans des situations sociales, qui mène à une solitude et à un isolement profonds malgré l’intense désir d’avoir des contacts sociaux). D’autres formes de troubles de la personnalité peuvent non seulement entraîner une grande détresse chez le malade, mais aussi avoir des conséquences néfastes profondes sur les autres et occasionner des coûts importants pour la société (p. ex., le trouble de la personnalité antisociale, qui se caractérise par l’irrespect et la violation des droits d’autrui, donne souvent lieu à une activité criminelle répétitive, à un comportement violent impulsif, à la duplicité et à l’absence de remord.) Bien que les troubles de la personnalité apparaissent habituellement à l’adolescence ou au début de la vie adulte, ils peuvent aussi se manifester au milieu de la vie adulte. Contrairement aux maladies mentales décrites jusqu’ici, les troubles de la personnalité sont reliés plus intimement au tempérament et au caractère des personnes qui en souffrent.[196]

L’autisme est un trouble mental qui apparaît dans l’enfance et qui, chez certaines personnes touchées, peut devenir une maladie incapacitante durant toute la vie. En règle générale, les autistes présentent les caractéristiques suivantes : difficulté à avoir des interactions sociales; problèmes de communication et comportements particuliers (p. ex., préoccupation, résistance au changement, attachement à des rituels sans fonction et comportements stéréotypés et répétitifs). Des retards ou anomalies de développement concernant l’interaction, la langue et le jeu sont évidents avant l’âge de 3 ans. L’autisme peut s’accompagner d’autres états incapacitants comme des crises ou d’importants retards cognitifs (intellectuels).[197] Les symptômes et déficits liés à l’autisme peuvent cependant varier. Par exemple, certains autistes fonctionnent à un niveau relativement élevé, le langage et l’intelligence étant intacts, tandis que d’autres, dont le développement est retardé, ne parlent pas ou ont de graves problèmes de langue.[198] L’autisme a tendance à être de trois à quatre fois plus fréquent chez les hommes que chez les femmes.

Le trouble déficitaire de l’attention (TDA) et l’hyperactivité avec déficit de l’attention (HDA) sont des termes employés pour décrire des structures de comportement qui se présentent généralement chez les enfants d’âge scolaire. Ils nuisent au processus d’apprentissage, car ils réduisent la capacité de l’enfant à être attentif. Les enfants présentant ces troubles sont inattentifs, excessivement impulsifs et, dans le cas de l’HDA, hyperactifs. Ils ont de la difficulté à se tenir tranquilles, à se concentrer sur une tâche particulière pour une longue période et peuvent sembler hyperactifs. Le TDA et l’HDA sont diagnostiqués dix fois plus souvent chez les garçons que chez les filles.[199] Les déficits de l’attention associés à ces troubles peuvent persister au-delà de l’enfance et de l’adolescence, tandis que les symptômes de hyperactivité et de l’impulsivité ont tendance à diminuer avec l’âge. Bien que de nombreux enfants souffrant de TDA et d’HDA finissent par s’ajuster, une proportion plus élevée que dans la population de personnes non touchées est susceptible d’abandonner l’école et d’avoir une carrière moins brillante plus tard. À mesure qu’ils vieillissent, certains adolescents souffrant d’HDA profonde depuis le milieu de leur enfance vivent des périodes d’anxiété ou de dépression. Ils peuvent également être plus enclins à abuser de substances et à afficher des comportements antisociaux.[200]

La maladie d’Alzheimer est un trouble cérébral organique qui entraîne la perte de fonctions mentales et physiques. À l’instar d’autres maladies, dont la maladie de Parkinson et la maladie de Huntington, elle est classifiée comme une maladie dégénérative du système nerveux central. La maladie d’Alzheimer est la principale cause de démence. Plusieurs changements se produisent dans le cerveau, notamment une perte progressive de neurones du cortex cérébral et d’autres régions. Cela étant, une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer possède moins de tissu cérébral qu’un sujet sain; la diminution continue avec le temps et affecte le fonctionnement du cerveau.[201] La perte de mémoire est le principal symptôme précoce de la maladie, souvent suivi par une lente détérioration des fonctions cognitives, des caractéristiques de la personnalité et de la capacité physique. Certains malades ont des hallucinations, des délires, des crises et un comportement agressif. La maladie d’Alzheimer frappe les hommes et les femmes également.[202]

Bien qu’ils ne soient pas considérés comme des troubles mentaux, le syndrome d’alcoolisation fœtale et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF/EAF) constituent d’importantes déficiences congénitales qui perturbent la fonction cérébrale. Les dommages au cerveau du fœtus, qui occasionnent un retard de développement, découlent des effets de la consommation d’alcool par la mère durant la grossesse. Les nourrissons atteints du SAF ou souffrant des EAF présentent divers dysfonctionnements : irritabilité, agitation, tremblements, réflexe de succion défaillant, problèmes de sommeil et d’alimentation, retard de croissance, piètre motricité et défauts d’habituation. Il n’est pas rare d’observer ensuite chez l’enfant d’âge préscolaire des problèmes d’hyperactivité, des difficultés d’attention, des problèmes de perception et de langage ainsi que des troubles de motricité. À l’adolescence et à l’âge adulte, on constate principalement des troubles de la mémoire, des problèmes de jugement et des difficultés à raisonner dans l’abstrait ainsi qu’un mauvais comportement adaptatif. Parmi les incapacités secondaires les plus fréquemment observées chez les adolescents et les adultes atteints du SAF ou souffrant des EAF, mentionnons la victimisation que subissent fréquemment ces personnes, la difficulté à focaliser leur intérêt et une facilité à être distraits, la difficulté à faire un budget, des difficultés à tirer des leçons de leur expérience, des difficultés à comprendre les conséquences et à percevoir les indices sociaux, une faible tolérance à la frustration, un comportement sexuel inapproprié, la toxicomanie, des troubles mentaux ainsi que des démêlés avec la justice.[203]


4.3       USAGE DE SUBSTANCES ET TOXICOMANIE

Il est important de faire la distinction entre la consommation et l’abus de drogues ainsi que la dépendance à celles-ci. La consommation de substances psychoactives est très courante. L’abus l’est moins et la dépendance ne touche qu’une minorité de gens qui consomment de telles substances. L’ampleur des conséquences est plus grande dans le cas de l’abus et encore plus importante dans celui de la dépendance.

[Dr David Marsh, Centre de toxicomanie et de santé mentale (16:44)]

 

D’après Santé Canada, l’usage de substances comprend la consommation de toute substance psychotrope – autrement dit, des substances qui ont un effet sur l’état mental – dont le tabac, l’alcool, les médicaments en vente libre ou sur ordonnance, les drogues illicites, les solvants et les produits pour inhalation. Le rythme de consommation va de l’abstinence à l’abus de substances en passant par une consommation occasionnelle ou régulière et une consommation fréquente et excessive.[204]

Les troubles liés à une substance psychoactive, qui sont considérés comme des troubles mentaux dans le DSM et dans la CIM, désignent la consommation habituelle d’alcool ou de drogues qui entraîne des problèmes importants sur les plans du travail, des relations personnelles, de la santé physique et financière et des autres aspects de la vie personnelle. Ils comprennent l’abus d’une substance et la dépendance à une substance.[205] L’abus d’une substance désigne un mode d’utilisation inadéquat même si la personne est conscience des conséquences négatives de cette consommation. La dépendance à une substance se caractérise par la perte de contrôle, la préoccupation concernant l’utilisation continue de substances malgré ses conséquences négatives.[206]

La dépendance peut être physique, psychologique ou les deux. La dépendance physique implique la tolérance (besoin de consommer davantage de la substance pour obtenir le même effet). On parle de dépendance psychologique dans le cas d’un sujet qui éprouve le besoin intense de consommer la substance afin de fonctionner efficacement ou dans des situations particulières. Les degrés de dépendance vont de léger à grave, la dépendance grave étant qualifiée de toxicomanie.[207]

La toxicomanie implique la consommation incontrôlable d’une ou de plusieurs substances et il y a apparition de malaises ou d’un sentiment de détresse lorsque cette consommation est interrompue ou grandement réduite. La toxicomanie peut également décrire certains autres problèmes de comportement, comme le jeu compulsif ou pathologique qui peut être considéré comme un processus plutôt qu’une toxicomanie. Les recherches effectuées jusqu’ici semblent en effet indiquer que le jeu pathologique s’installe progressivement, comme l’alcoolisme.[208]

Dans le présent rapport, nous employons fréquemment le mot « toxicomanie » pour désigner le vaste domaine de l’abus de substances. Le terme système de traitement de la toxicomanie comprend les traitements, les services et les moyens de soutien offerts aux personnes souffrant de toxicomanie et de troubles liés à la consommation de substances psychoactives.

4.4       COMORBIDITÉ, TROUBLES CONCOMITANTS ET DIAGNOSTIC MIXTE

La comorbidité signifie que deux maladies au moins sont présentes chez une même personne, qu’il s’agisse de deux troubles mentaux différents, de deux maladies physiques ou d’un trouble mental et d’une maladie physique. Dans le présent rapport, la notion de comorbidité désigne la présence d’une maladie mentale et d’une maladie physique. Par exemple, les données épidémiologiques ont révélé que 25 p. 100 des patients qui souffrent d’arthrite souffrent également de dépression ou d’anxiété comorbide; que la comorbidité est élevée en présence de cancer, de diabète, de troubles respiratoires, d’hypertension ou de migraine et de certaines maladies mentales. Les interactions entre la maladie physique et la maladie mentale sont cependant très complexes.[209]

L’expression troubles concomitants s’applique le plus souvent à des personnes atteintes simultanément d’une maladie mentale et d’un trouble lié à l’usage de substances psychoactives. Les liens entre la maladie mentale et la consommation de substances ne sont pas simples. D’une part, les problèmes de santé mentale et les maladies mentales peuvent constituer des facteurs de risque pour une consommation accrue de substances (p. ex., l’anxiété accrue peut mener à une consommation accrue d’alcool) et, d’autre part, l’abus de substances peut constituer un facteur de risque pour un accroissement des problèmes de santé mentale ou des maladies mentales (p. ex., une consommation excessive d’alcool peut constituer un facteur de risque de dépression). Dans d’autres situations, une cause commune peut expliquer le fait que les deux troubles sont favorisés par un troisième facteur, tel que la prédisposition génétique ou le milieu familial. Les recherches indiquent cependant que la maladie mentale et le trouble lié à l’usage de substances sont parfois indépendants l’un de l’autre.[210]

Dans le présent rapport, diagnostic mixte s’applique aux personnes qui ont un problème de santé mentale ou une maladie mentale et une déficience développementale (ce qu’on appelait autrefois « arriération mentale »). Parce qu’il est difficile de diagnostiquer la maladie mentale chez une personne présentant une déficience développementale, il arrive souvent que le diagnostic mixte ne soit pas posé et donc que le problème ne soit pas traité. Les personnes dans cette situation ont des besoins complexes et délicats et comptent certainement parmi les membres les plus vulnérables de la population canadienne. Elles risquent plus que les autres Canadiens de vivre une agression (plus particulièrement une agression sexuelle), de connaître la négligence et l’exploitation. Elles passent souvent entre les mailles du filet.[211]

4.5       COMPORTEMENT SUICIDAIRE

L’expression comportement suicidaire englobe aussi bien le suicide réussi (décès par suicide) que les tentatives de suicide (y compris l’automutilation) et l’idéation suicidaire (pensées suicidaires). Le comportement suicidaire est souvent la conséquence de l’interaction de plusieurs facteurs comme des facteurs de stress aigus et des événements négatifs (p. ex., deuil, perte d’un emploi, séparation, maladie), de symptômes liés à un épisode grave de maladie mentale ou de trouble lié à l’usage de substances psychoactives (p. ex., psychose, dépression, intoxication), de traits de personnalité ou de circonstances sociales et/ou économiques.

Bien que le comportement suicidaire ne constitue pas, en soi, un trouble mental, la corrélation avec la maladie mentale et la toxicomanie est étroite. Les études indiquent que plus de 90 p. 100 des victimes de suicide ont une maladie mentale ou un trouble lié à l’usage de substances diagnosticable.[212] Le suicide est la cause la plus fréquente de décès chez les schizophrènes. Il représente également de 15 à 25 p. 100 des décès chez les personnes souffrant de graves troubles de l’humeur.[213] La toxicomanie prédispose souvent au comportement suicidaire en intensifiant les sautes d’humeur suicidaires et en réduisant la maîtrise de soi.[214]

4.6       SERVICES ET MOYENS DE SOUTIEN

Par le passé, les soins de santé mentale dans le système de santé classique comprenaient les soins primaires, secondaires et tertiaires. Les soins primaires, c.-à-d. les soins de première ligne, comprenaient habituellement les procédures de diagnostic simples, les traitements de base et l’aiguillage vers des services spécialisés, au besoin. On a accordé beaucoup d’attention à l’amélioration de la capacité des soins de santé mentale primaires, étant donné qu’il est désormais reconnu qu’un fort pourcentage de la population devrait recevoir des services reliés à des problèmes de santé mentale dans ce secteur du système de santé. Les soins secondaires sont des soins spécialisés qui comportent des procédures de traitement plus complètes et plus compliquées. Ils peuvent être offerts dans les hôpitaux, les cliniques ou les cabinets à des clients hospitalisés ou non. Les soins tertiaires désignent généralement les interventions spécialisées que conduisent des professionnels, ayant reçu une formation poussée, auprès de personnes qui ont des problèmes particulièrement complexes et qui sont réfractaires aux soins primaires et secondaires. Dans le système de soins de santé mentale, les soins tertiaires désignent également les soins de longue durée que l’on dispensait jadis dans les grands hôpitaux psychiatriques à des personnes souffrant de troubles mentaux persistants. La recherche et l’enseignement sont également des activités menées dans les établissements de soins tertiaires.

Dans le présent rapport, nous reconnaissons que ceux et celles qui souffrent de maladies mentales et de troubles liés à la consommation de substances psychoactives ont besoin de services et de moyens de soutien nombreux et variés. Ces services et ces moyens sont offerts par de nombreux fournisseurs de services et organismes professionnels ou non professionnels. Ils ne se limitent pas à ce qui est offert dans le système classique de soins de santé mentale. Un examen des meilleures pratiques canadiennes semble révéler un besoin pour les services et moyens de soutien de base qui suivent dans les domaines de la santé mentale et de la toxicomanie[215] :

·        Gestion de cas : désigne le soutien constant et permanent offert aux personnes atteintes de maladie mentale ou de troubles liés à l’usage de substances afin de les aider à obtenir les services dont elles ont besoin. Le gestionnaire de cas évalue les besoins, détermine les compétences qui font défaut et dirige le client vers les fournisseurs de services pertinents. La gestion de cas vise à aider les patients/clients à acquérir des compétences utiles dans la vie quotidienne, à favoriser leur intégration dans la société et à prévenir leur hospitalisation. Le traitement communautaire dynamique est reconnu comme le modèle de gestion de cas le mieux adapté pour offrir des services à ceux et celles qui souffrent de maladies mentales persistantes et de troubles concomitants. Dans le modèle du traitement communautaire dynamique, la gestion de cas est assurée par une équipe multidisciplinaire au sein même de la collectivité où vit le patient/client plutôt que dans une clinique ou un établissement. Ces équipes soignantes sont notamment composées de psychiatres, de médecins de famille, de travailleurs sociaux, d’infirmières et d’ergothérapeutes, et elles offrent leurs services aux patients/clients 24 heures sur 24 jour, et sept jours sur sept.

·        Il faut disposer d’un vaste éventail de services internes et externes, y compris dans les domaines suivants : counselling; psychothérapie; thérapie individuelle et collective; hospitalisation partielle (programmes de traitement de jour); traitements actifs à domicile (au lieu de l’hospitalisation); services spécialisés dans les établissements ou services communautaires et psychiatriques; psychiatrie médico-légale; et soins partagés. Les soins de santé mentale partagés[216] sont particulièrement intéressants. Ils désignent un vaste éventail d’activités concertées entre les fournisseurs de soins primaires et les psychiatres ou d’autres fournisseurs de soins de santé mentale primaires. Certains sont surtout cliniques et intègrent les services de santé mentale dans les services de santé mentale primaires, tandis que d’autres offrent des programmes éducatifs novateurs aux fournisseurs de soins de santé primaires par l’intermédiaire d’établissements d’enseignement participants.

·        Les services communautaires, y compris les services de logement, de formation professionnelle, d’aide aux études et d’aide à l’emploi constituent des éléments importants de toute la gamme des services dont ont besoin les personnes souffrant de troubles mentaux. Il a été démontré que ces types de soutien communautaires peuvent améliorer grandement les résultats. Il est reconnu que les personnes atteintes de maladie mentale peuvent travailler et que les programmes d’emploi devraient être encouragés même pour les plus handicapées d’entre elles. De même, les programmes d’aide aux études permettent de retourner aux études à plein temps. Il semble également que les programmes communautaires d’aide au logement peuvent remplacer avec succès les soins hospitaliers à long terme. Il faudrait donc offrir diverses possibilités de logement (p. ex. foyers supervisés ou autres cadres résidentiels).

·        Les services d’urgence offrent un vaste éventail de services applicables à des manifestations très variées de graves problèmes de santé mentale ou d’usage de substances. Les services d’urgence comportent cinq volets essentiels : lignes d’écoute téléphonique, services d’urgence mobiles, services de stabilisation de crise sans rendez-vous, services d’urgence internes (non hospitaliers) et services psychiatriques d’urgence dans les hôpitaux.

·        D’abord et avant tout, il faudrait insister fortement sur les initiatives des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie et de leur famille. La participation de personnes qui ont elles-mêmes éprouvé des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie à la planification, à l’exécution, à la gestion, à l’évaluation et à la réforme des soins de santé mentale a permis de mettre en place un vaste éventail d’initiatives axées sur le consommateur et la famille, initiatives qui offrent des services d’information, d’éducation, de formation, d’auto-assistance, d’aide mutuelle et d’entraide. Plus encore : d’importants progrès ont été récemment accomplis dans ce domaine grâce à la création d’entreprises par des consommateurs qui souhaitent promouvoir l’épanouissement personnel et réduire la dépendance envers les services sociaux.

Dans le présent rapport, le système de soins de santé mentale désigne le vaste éventail de services et de moyens de soutien mis à la disposition des personnes atteintes de maladie mentale. De même, le système de traitement de la toxicomanie désigne toute la gamme des services visant à prévenir ou à réduire et à traiter l’abus de substances, les troubles liés à une substance psychoactive et le jeu compulsif.

4.7       GESTION ET AUTOGESTION DES MALADIES CHRONIQUES

La gestion des maladies chroniques est une approche relativement nouvelle qui s’est révélée très efficace dans le traitement à long terme des maladies. Elle se fonde un modèle appelé « Chronic Care Model » appliqué dans le cadre d’un programme national américain appelé Improving Chronic Illness Care (ICIC) et établi à la Group Health Cooperative of Puget Sound du MacColl Institute for Healthcare Innovation, à Seattle, dans l’État de Washington.[217]

La gestion des maladies chroniques repose sur des lignes directrices et des protocoles fondés sur des données cliniques et elle fait appel à de nombreux professionnels et administrateurs de la santé, dans tous les secteurs du système de santé, qui ont une vision commune et collaborent à plusieurs initiatives parallèles. Elle contraste avec le modèle qui traite un épisode comme un événement unique, comme une visite chez un fournisseur de soins de santé. Au Canada et aux États-Unis, la gestion des maladies chroniques a donné d’excellents résultats dans le cas de nombreuses maladies chroniques comme le diabète, l’arthrite, voire l’asthme, et on envisage maintenant de l’appliquer aux maladies mentales et à la toxicomanie. La gestion des maladies chroniques insiste sur les soins communautaires et vise à encourager l’autonomie et l’épanouissement personnel.[218]

Un élément important de la gestion des maladies chroniques est la participation active des patients/clients à la gestion de leur maladie au quotidien. Cette participation est habituellement appelée l’autogestion. L’autogestion ne signifie pas que les malades s’occupent eux-mêmes de leur maladie ou de leur trouble. Il s’agit plutôt d’un processus qui permet au patient/client d’acquérir les connaissances, les attitudes et les compétences nécessaires pour gérer soi-même sa maladie ou son trouble et de mieux utiliser les services et de moyens de soutien existants afin d’obtenir de l’aide au besoin.[219]

4.8       PROMOTION, PRÉVENTION ET SURVEILLANCE

La promotion de la santé mentale a pour but de renseigner la population afin de mieux faire connaître et comprendre les questions relatives à la santé mentale, à réduire la stigmatisation et à promouvoir une santé mentale positive. La promotion de la santé mentale comprend également l’éducation et la formation de ressources humaines dans le système officiel de santé mentale et de désintoxication.

Le concept de connaissance de la santé mentale est souvent utilisé dans le contexte de la promotion de la santé mentale. La connaissance de la santé mentale désigne les connaissances, opinions et aptitudes qui permettent de reconnaître, de gérer ou de prévenir les maladies mentales ou les troubles liés à une substance psychoactive. Un niveau élevé de connaissance de la santé mentale permet de reconnaître rapidement les maladies mentales et les troubles liés à une substance psychoactive et d’accroître la probabilité d’une intervention efficace. C’est également un moyen efficace de réduire la stigmatisation.[220]

La prévention comprend la prévention primaire, qui vise à éviter un éventuel problème de santé mentale ou de consommation de substances; la prévention secondaire, qui vise le dépistage précoce et comprend une intervention pertinente pour prévenir, retarder ou atténuer un problème de santé mentale; et la prévention tertiaire qui vise à atténuer le handicap ou à éviter une rechute chez un patient/client stable ou qui a été traité avec succès.

La surveillance désigne habituellement la collecte, l’analyse et l’interprétation permanentes et systématiques de données relatives à la santé utilisées pour déterminer la présence de maladies, évaluer les besoins pertinents et mesurer l’efficacité des politiques et programmes. À l’heure actuelle, le Canada n’a pas de système de surveillance national pour suivre les maladies mentales et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives.[221]

4.9       PERSONNES ATTEINTES DE MALADIE MENTALE OU DE TOXICOMANIE ET RÉTABLISSEMENT

Comme nous l’avons vu  au début de ce chapitre, il n’existe pas de terminologie commune pour décrire tous les concepts et problèmes dans le domaine de la maladie mentale et de la toxicomanie. On ne s’entend pas vraiment sur les termes les plus respectueux et convenables pour désigner les personnes qui ont vécu une maladie mentale ou un trouble lié à l’usage de substances. Certaines personnes ont des opinions très arrêtées sur la terminologie employée, étant donné la stigmatisation sociale des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie et les étiquettes péjoratives employées beaucoup trop souvent à leur égard.

D’habitude, on appelle patients les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie qui sont soignées par des médecins. Les autres professionnels de la santé les appellent souvent clients ou bénéficiaires. Les personnes en cause emploient parfois d’autres termes, comme consommateurs ou réchappés. Les consommateurs sont habituellement les personnes ayant vécu directement d’importants problèmes de santé mentale ou maladies mentales et qui ont fait appel aux ressources offertes par le système de santé mentale. Certains ont choisi de se qualifier de réchappés, terme qui, à leur avis, traduit leur capacité de faire face à la maladie mentale ou à la toxicomanie, ou aux deux. Dans le présent rapport, le Comité emploie les expressions personne atteinte ou souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie et patient/client.

Les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie parlent souvent de rétablissement. Le rétablissement n’est pas synonyme de guérison. Pour bien des gens, c’est une façon de mener une vie satisfaisante, prometteuse et productive, malgré les limites imposées par la maladie; pour d’autres, le rétablissement veut dire la réduction ou la rémission complète des symptômes de la maladie mentale.

Dans la perspective de la santé mentale, le rétablissement est un processus personnel qui consiste à surmonter l’incidence négative de la maladie mentale malgré sa présence continue. Dans l’optique de la toxicomanie, le rétablissement désigne une approche fondée sur l’abstinence face aux troubles liés à une substance psychoactive, notamment la démarche des Alcooliques anonymes et de Narcotiques anonymes. La notion de rétablissement suppose qu’avec les traitements et les moyens de soutien nécessaires en place, les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie peuvent prendre leur vie en main, se fixer de nouveaux buts, avoir de nouvelles aspirations et contribuer de manière productive à la société.[222]


CHAPITRE 5:
PrÉvalence ET CoÛTS

Les troubles mentaux ne sont pas le lot d’un groupe particulier : ils sont universels. Ils s’observent dans toutes les régions, tous les pays et toutes les sociétés..

[OMS (2001), p. 23.]

INTRODUCTION

La maladie mentale et la toxicomanie ne sont pas rares, puisqu’un Canadien sur cinq en souffre à un moment ou à un autre durant sa vie. Ces maux affectent les personnes de tous âges, femmes et hommes, dans toutes les cultures et toutes les tranches de revenu. Ils sont aussi présents à la campagne qu’à la ville. Ils ont des répercussions économiques énormes, pas seulement sur ceux et celles qui en souffrent et sur leurs familles, mais aussi sur le système de soins de santé, sur le système social au sens large du terme et sur le milieu de travail et la société.

Afin de planifier et d’organiser comme il se doit la prestation des services et des moyens de soutien nécessaires et afin d’élaborer de bonnes politiques publiques en matière de santé mentale, il convient de bien évaluer la prévalence ainsi que le fardeau économique que représentent la maladie mentale et la toxicomanie. Le présent chapitre examine l’ensemble des renseignements dont nous disposons sur la prévalence et les répercussions économiques de la maladie mentale, de la toxicomanie, du jeu pathologique et du suicide au Canada. Le lecteur y trouvera également des comparaisons internationales chaque fois que de telles données existent.

La section 5.1 donne des renseignements sur la prévalence des maladies mentales, des troubles liés à la consommation de substances psychoactives et du jeu pathologique. La section 5.2 examine la prévalence des comportements suicidaires. La section 5.3 traite de la prévalence des maladies mentales et des toxicomanies dans certains groupes de la population, notamment chez les Autochtones, les sans-abri et les détenus. La section 5.4 fournit des données sur le fardeau économique que représente la maladie mentale et la toxicomanie au Canada. Enfin, le Comité fait part de certaines observations et de ses conclusions à la section 5.5.


5.1        PRÉVALENCE DES MALADIES MENTALES, DES TROUBLES LIÉS À DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES ET AU JEU PATHOLOGIQUE

Au Canada, on ne compile pas de façon systématique les données nationales sur l’état de santé mentale des Canadiens ou sur l’ampleur d’une maladie mentale en particulier.

[Phil Upshall, président, Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Comité, 18 juillet 2003, p. 6.]

La prévalence est la proportion de personnes qui, dans une population donnée, sont atteint d’une maladie ou d’un trouble. Les taux de prévalence diffèrent selon qu’il s’agit de personnes qui ont une maladie à un certain moment (prévalence ponctuelle), pendant une certaine période (prévalence périodique) ou tout long d’une vie (prévalence sur la vie).

Il n’existe actuellement au Canada aucune base de données nationale susceptible de fournir des données précises sur la prévalence de tous les troubles mentaux, pour toutes les tranches d’âges. Le plus souvent, les meilleures estimations sont tirées d’études épidémiologiques publiées dans la documentation spécialisée. Toutefois, l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes de 2002 (ESCC) – santé mentale et bien-être, cycle 1.2 – réalisée par Statistique Canada, nous a indiqué pour la toute première fois les taux de prévalence pour certaines maladies mentales, pour certains troubles liés à la consommation de substances psychoactives et pour le jeu pathologique. Ces prévalences sont commentées à la section suivante.

 

 

 

5.1.1     Les Canadiens de 15 ans et plus

Selon l’ESCC (voir tableau 5.1), au cours de la dernière année, un Canadien sur 10 âgé de 15 ans et plus – soit environ 2,6 millions de personnes – a fait état de symptômes correspondant à des maladies mentales ou à des troubles liés à la consommation de substances psychoactives. La prévalence générale est à peu près la même chez les hommes et chez les femmes : 1,4 million de femmes environ (ou 11 p. 100 du total) ayant ressenti les symptômes caractéristiques de maladie mentale ou des troubles liés à l’usage de substances psychoactives, contre 1,2 million (10 p. 100) d’hommes.

Il existe, cependant, d’importantes différences entre les deux sexes, par type de trouble. Ainsi, les troubles de l’humeur et les troubles anxieux sont plus répandus chez les femmes (6 p. 100) que chez les hommes (4 p. 100), tandis que les troubles liés à la consommation de substances psychoactives sont plus répandus chez les hommes (4 p. 100) que chez les femmes (2 p. 100).

TABLEAU 5.1

PRÉVALENCE DES TROUBLES MENTAUX SUR UNE ANNÉE
CHEZ DES CANADIENS ÂGÉS DE 15 ANS ET PLUS, 2002

 

Total

Hommes

Femmes

 

Nombre (milliers)

Taux (%)

Nombre (milliers)

Taux (%)

Nombre (milliers)

Taux (%)

Dépression unipolaire

1 120

4,5

420

3,4

700

5,5

Dépression bipolaire

190

0,8

90

0,7

100

0,8

Toute forme d’humeur

1 210

4,9

460

3,8

750

5,9

             

Trouble panique

400

1,6

130

1,1

270

2,1

Agoraphobie

180

0,7

40

0,4

140

1,1

Phobie sociale

750

3,0

310

2,6

430

3,4

Toutes formes d’anxiété

1 180

4,7

440

3,6

740

5,8

             

Dépendance à l’alcool

640

2,6

470

3,8

170

1,3

Dépendances aux drogues illicites

170

0,7

120

1,0

50

0,4

Tous problèmes de dependence à une substance

740

3,0

540

4,4

200

1,6

Tous troubles confondus

2 600

10,4

1 190

9,7

1 410

11,1

Statistique Canada, « Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes : Santé mentale et bien-être », Le Quotidien, 3 septembre 2003.

D’après les données de l’ESCC, les adolescents et les jeunes adultes de 15 à 24 ans sont plus susceptibles que n’importe quel autre groupe d’âge de souffrir de maladies mentales ou de troubles liés à la consommation de substances psychoactives. Dans ce groupe d’âge, en effet, 18 p. 100 ont fait état de symptômes caractéristiques d’une maladie mentale ou de troubles liés à l’usage de substances psychoactives, contre 12 p. 100 chez les 25 à 44 ans, 8 p. 100 chez les 45 à 64 ans et 3 p. 100 chez les 65 ans et plus.

L’ESCC était limitée quant à la gamme des troubles mentaux observés dans la population canadienne, contrairement à la National Survey of Mental Health and Well-Being réalisée en Australie en 1997. L’enquête australienne a porté sur un éventail plus important de troubles anxieux et de troubles affectifs de l’humeur. Elle établit également une différence entre la consommation dangereuse d’alcool et de drogue et la dépendance à ces deux types de substances. Le gouvernement australien envisage aussi de réaliser une étude sur des troubles psychotiques à faible prévalence, comme la schizophrénie.[223]

Il est malheureux que l’ESCC n’ait pas recoupé ni rapproché certaines données afin d’évaluer les taux de prévalence de troubles concurrents (présence d’une maladie mentale et d’un trouble lié à l’usage de substances psychoactives) chez les Canadiens de 15 ans et plus. Ce manque d’information sur la prévalence des troubles concurrents nous empêche de mieux les comprendre et de planifier et d’instaurer efficacement des services et des moyens de soutien appropriés pour ceux et celles qui en souffrent. L’enquête nationale australienne sur la santé mentale et le bien-être des adultes a, quant à elle, été prévue pour permettre d’évaluer les troubles concurrents et la co-morbidité (définie par la présence de troubles mentaux et d’affection physique).

Cependant, contrairement à l’enquête australienne, l’ESCC a permis de recueillir des données sur le jeu excessif et le jeu pathologique.[224] En 2002, on estimait que quelque 1,2 million de Canadiens (soit 5 p. 100 de la population adulte) étaient des joueurs excessifs ou risquaient de le devenir (voir le graphique 5.1) : 700 000 courraient un faible risque (2,8 p. 100), 370 000 environ courraient un risque modéré (1,5 p. 100) et 120 000 étaient déjà des joueurs excessifs (0,5 p. 100). Les hommes (8 p. 100) étaient nettement plus susceptibles que les femmes (5 p. 100) d’être à risque ou de devenir des joueurs excessifs. Les joueurs à risque et les joueurs excessifs étaient, en moyenne, plus jeunes que les joueurs non excessifs (40 ans pour les premiers et 45 pour les seconds) et moins instruits (8 p. 100 par rapport à 5 p. 100).

 


Il est intéressant de noter que l’enquête en question fait ressortir l’existence d’un lien entre le jeu pathologique, la maladie mentale et la consommation de drogues. Ainsi, 42 p. 100 des joueurs excessifs disent avoir connu des niveaux de stress élevés ou extrêmes durant leur vie, 25 p. 100 d’entre eux ont déclaré avoir eu une dépression clinique majeure et 15 p. 100 se sont dit dépendants à l’alcool. Le sondage a aussi permis de constater que 18 p. 100 des joueurs excessifs ont envisagé de se suicider dans les 12 mois précédents.

Les taux de prévalence sur une vie, dans le cas des maladies mentales et des troubles liés à la consommation de substances psychoactives au Canada, sont fondés sur des études épidémiologiques. Selon les données recueillies par Paula Stewart et ses collègues (octobre 2002), près d’un Canadien adulte sur cinq (21 p. 100, soit 4,5 millions de personnes) souffrira de maladie mentale à un moment ou un autre de sa vie.[225] Le graphique 5.2, qui illustre la prévalence sur une vie des maladies mentales au sein de la population canadienne adulte, est dérivée d’étudies épidémiologiques.

Comme on peut le voir, les troubles anxieux et les troubles de l’humeur sont les maladies mentales les plus répandues parmi la population canadienne adulte, puisqu’elles concernent respectivement 12 p. 100 et 9 p. 100 de cette population. La schizophrénie touche 1 p. 100 environ de la population canadienne. La démence associée à la maladie d’Alzheimer et les troubles organiques du cerveau, résultats de pathologies ou de lésions cervicales (comme l’encéphalopathie au VIH-1, la démence complexe et la démence vasculaire), touchent aussi 1 p. 100 environ des adultes canadiens. Au cours de leur vie, entre 6 p. 100 et 9 p. 100 des adultes canadiens souffriront de troubles de la personnalité.

On retrouve des taux de prévalence semblables ailleurs dans le monde. Pour ce qui est de la prévalence ponctuelle, dans son rapport de 2001, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) signale que les troubles mentaux et la toxicomanie touchent environ 10 p. 100 des adultes à un moment donné ou à un autre de leur vie, soit quelque 450 millions de personnes sur la planète.[226] Pour ce qui est de la prévalence sur une vie, l’OMS indique que plus de 25 p. 100 de la population mondiale vient à souffrir un jour ou l’autre d’au moins une maladie mentale.[227] L’OMS estime aussi que, dans une famille sur quatre dans le monde, une personne au moins est atteinte d’une maladie mentale ou souffre de toxicomanie.[228]

S’agissant des taux de prévalence sur une année, le World Mental Health Survey Consortium de l’OMS a révélé que les troubles mentaux sont fortement prévalents dans les pays développés et les pays en développement, bien qu’il existe d’importants écarts d’un pays à l’autre, cette prévalence étant particulièrement faible en Asie. Les troubles de l’anxiété constituent les maladies mentales les plus courantes devant les troubles de l’humeur. La plupart de ces troubles sont qualifiés de « légers » selon un classement par degré de gravité, ceux considérés comme « graves » ou « modérés » étant moins nombreux, bien qu’ils soient souvent associés à un empêchement majeur à effectuer des activités routinières.[229]

5.1.2     Les enfants et les adolescents (de 0 à 19 ans)

S’appuyant sur différentes études épidémiologiques, Charlotte Waddell et Cody Shepherd (octobre 2002) ont estimé les taux de prévalence généraux et les taux propres à certains troubles mentaux chez les enfants et les adolescents en Colombie-Britannique. Le tableau 5.2 présente ces taux qui permettent de se faire une idée du nombre d’enfants et d’adolescents canadiens qui pourraient souffrir de troubles mentaux.

La prévalence ponctuelle des maladies mentales chez les enfants et les adolescents canadiens est d’environ 15 p. 100. Autrement dit, 1,2 million d’enfants et d’adolescents environ souffrent de maladie mentale ou sont atteints de toxicomanie à un degré de gravité suffisant pour occasionner chez eux une détresse importante et les empêcher de fonctionner. Les affections les plus courantes sont l’anxiété (6,5 p. 100), les troubles des conduites (3,3 p. 100), les déficit de l’attention (3,3 p. 100), la dépression (2,1 p. 100) et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives (0,8 p. 100).

TABLEAU 5.2

PRÉVALENCE DES TROUBLES MENTAUX CHEZ LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS(a)

TROUBLES

MENTAUX

TAUX DE PRÉVALENCE (%)

NOMBRE APPROXIMATIF

Trouble d’anxiété

Trouble des conduites

THADA

Trouble dépressif

Consommation de substances psychoactives

Trouble envahissant du développement

Trouble obsessif/compulsif

Schizophrénie

Syndrome de La Tourette

Trouble de l’alimentation

Trouble bipolaire

6,5

3,3

3,3

2,1

0,8

0,3

0,2

0,1

0,1

0,1

Moins de 0,1

513 780

260 842

260 842

165 990

63 234

23 713

15 809

7 904

7 904

7 904

Moins de 7 904

TOUT TROUBLE CONFONDU

15

1 185 645

(a)    Données fondées sur une évaluation de Statistique Canada, réalisée en juillet 2002, fixant à 7 904 300 le nombre d’enfants et d’adolescents de 0 à 19 ans.

Prevalence of Mental Disorders in Children and Youth, Mental Health Evaluation and Community Consultation Unit, Department of Psychiatry, Université de la Colombie-Britannique, octobre 2002.

Le tableau ci-dessus ne rend pas compte d’un fait important, soit la co-occurrence de deux troubles mentaux ou plus. Une enquête sur la santé des enfants en Ontario a, par exemple, permis de constater que les deux tiers (68 p. 100) des enfants et des adolescents atteint d’une maladie mentale souffrent simultanément de deux troubles mentaux ou plus. Plus récemment, une étude conduite sur des jeunes souffrant de troubles liés à la consommation de substances psychoactives a révélé que plus des trois quarts (76 p. 100) d’entre eux étaient atteints de troubles concurrents de l’anxiété, de l’humeur ou du comportement.[230]

Dans son mémoire, le Dr Joseph H. Beitchman, psychiatre en chef à l’Hôpital pour enfants de Toronto, insiste sur le fait que la plupart des troubles mentaux constatés chez les adultes puisent leurs racines dans l’enfance ou l’adolescence et qu’il s’agit donc de maladies graves dont on peut être atteint durant toute une vie.[231] Cela souligne la nécessité de détecter et d’intervenir très tôt. Cela nous rappelle aussi que les meilleures possibilités de prévention et de réduction des nouveaux cas se situent dans l’enfance et l’adolescence. Comme l’a souligné Charlotte Waddell et al. (2002) : « Il est essentiel de disposer de données épidémiologiques de qualité pour élaborer des politiques publiques valables afin d’améliorer la santé mentale des enfants ».[232] Il est intéressant de remarquer que, dans la stratégie nationale australienne sur la santé mentale adoptée par le Commonwealth, les gouvernements des États et des territoires réclament la tenue d’un sondage auprès des enfants et des adolescents en plus du sondage national sur la santé mentale et le bien-être des adultes. Une telle étude n’a jamais été réalisée au Canada.

5.1.3     Les personnes âgées (65 ans et plus)

Comme nous l’avons vu, l’ESCC a révélé qu’au cours de l’année dernière, quelque 3 p. 100 des Canadiens de 65 ans et plus (soit environ 107 283 personnes âgées) ont fait état de symptômes associés aux cinq troubles mentaux et aux deux types de dépendance à des substances visés par l’enquête. Le taux de prévalence sur un an était de 1,8 p. 100 dans le cas des troubles unipolaires, de 0,2 p. 100 dans celui des troubles de panique, de 0,9 p. 100 pour les phobies sociales et de 0,4 p. 100 pour l’agoraphobie. Les maladies mentales et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives étaient davantage prévalents chez les femmes (3,2 p. 100) que chez les hommes (2,5 p. 100). L’enquête a également révélé que 2 p. 100 environ des personnes âgées au Canada ont eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois.

D’autres renseignements sur la prévalence des troubles mentaux chez les personnes âgées au Canada ont été communiqués au Comité :

·        L’incidence de la dépression chez les personnes âgées pensionnaires de centres de soins de longue durée est de trois à quatre fois supérieure à celle de la population en général. La prévalence des troubles mentaux parmi les résidents de foyers pour personnes âgées est extraordinairement élevée, puisqu’ils se situent entre 80 et 90 p. 100. La prévalence des psychoses varie de 12 à 21 p. 100 en fonction des moyens utilisés pour mesurer les symptômes.[233]

·        L’Alzheimer et les types de démence qui y sont associés touchent actuellement plus de 360 000 Canadiens (incluant une personne sur 13 de plus de 65 ans et une sur 3 de plus de 85 ans); les femmes sont plus concernées par cette maladie que les hommes.[234]

·        Selon certaines estimations, 25 à 50 p. 100 des personnes âgées souffrant de problèmes d’alcoolisme à divers degrés sont également atteintes de troubles mentaux.[235]

·        L’incidence du suicide chez les hommes de 80 ans et plus est le plus élevé de tous les groupes d’âge (31 par 100 000 habitants).[236]

5.1.4     Les Forces canadiennes[237]

Les membres des FC, représentant une communauté de plus de 83 000 (Force régulière et Réserve), sont doublement concernés par les maladies mentales ayant à subir, à la fois, les difficultés d’une vie « normale » et celles d’une carrière à haut risque.

[Défense nationale, Enquête de Statistique Canada sur la santé mentale dans les FC : Une « étape clé », 2003.]

L’ESCC comporte un volet distinct sur la santé mentale au sein des Forces canadiennes (FC). Celui-ci nous apprend que le taux de prévalence des dépressions unipolaires dans les rangs des membres de la force régulière est de 7,6 p. 100 sur une période d’un an et de 16,2 p. 100 au cours d’une vie. Les taux de prévalence comparables pour les réservistes sont respectivement de 4,1 p. 100 et de 9,7 p. 100. Au sein des forces régulières, le taux de prévalence des phobies sociales s’établit à 3,6 p. 100 sur un an et à 8,7 p. 100 sur une vie, et ils sont de 2,3 p. 100 et de 7,1 p. 100 respectivement pour les réservistes. Les prévalences sur un an et sur une vie dans le cas des troubles de stress post-traumatique sont de 2,8 p. 100 et de 7,2 p. 100 pour les membres des forces régulières et de 1,2 p. 100 et de 4,7 p. 100 pour les réservistes. Les taux de prévalence des troubles de l’anxiété généralisée sont de 1,8 p. 100 et de 4,6 p. 100 dans le cas des membres de la force régulière et de 1 p. 100 et de 2,9 p. 100 dans celui des réservistes. Les taux de prévalence équivalents dans le cas des troubles de panique sont de 2,2 p. 100 et de 5 p. 100 dans la force régulière et de 1,4 p. 100 et de 3,3 p. 100 chez les réservistes. Le taux de prévalence de l’alcoolisme sur un an est de 4,2 p. 100 et le taux sur une vie est de 8,5 p. 100 pour les forces régulières; ces taux sont respectivement de 6,2 p. 100 et de 8,8 p. 100 pour les réservistes.

5.1.5     EAF/SAF et diagnostics mixtes

La prévalence du syndrome d’alcoolisation fœtale et des effets de l’alcool sur le fœtus (SAF/EAF) au Canada n’est pas parfaitement connue. Partant des taux de prévalence mondiaux, Santé Canada a estimé que quelque 341 901 personnes étaient atteintes du SAF/EAF au Canada en 2001. Les taux de prévalence de SAF/EAF dans certains groupes de la société, surtout chez les Autochtones, sont supérieurs à la moyenne nationale.[238]

Comme nous l’avons vu au chapitre 4, on parle de diagnostic mixte dans le cas des personnes souffrant à la fois de maladies ou de troubles mentaux et de déficience développementale (qui a remplacé la « débilité mentale »). À cause de la difficulté que pose l’établissement d’un diagnostic de santé mentale chez les personnes souffrant de déficience développementale, il n’est pas rare que la faculté ne pose pas de diagnostics mixtes et que ces troubles concurrents ne soient pas traités. D’après les données disponibles, 1 à 3 p. 100 des Canadiens souffriraient de déficience mentale modérée à grave. Selon une estimation prudente, 30 p. 100 de ces personnes souffriraient aussi de maladie mentale; certains chercheurs estiment même que la prévalence pourrait être aussi élevée que 50 à 60 p. 100.[239]

5.2       PRÉVALENCE DES COMPORTEMENTS SUICIDAIRES

Un Canadien sur 25 commettra un tentative de suicide au cours de sa vie. [Mental Health Evaluation and Community Consultation Unit, Department of Psychiatry, Université de la Colombie-Britannique, At-a-Glance Suicide Facts]

Comme nous l’avons vu au chapitre 4, la notion de comportement suicidaire est assez large, puisqu’elle englobe le suicide réussi (décès par suicide), les tentatives de suicide (y compris les automutilations) et l’idée de suicide (pensées suicidaires). Le présent chapitre présente les données récentes sur la prévalence des comportements suicidaires au Canada et fournit quelques comparaisons internationales.

 

 

5.2.1     Les suicides réussis

Le graphique 5.3 révèle que le taux de suicide au Canada a progressé rapidement de 1950 au début des années 80, pour atteindre un sommet en 1983. Puis, le taux est demeuré relativement stable, enregistrant une légère baisse entre 1995 et 1998 (la dernière année pour laquelle des données existent).

GRAPHIQUE 5.3 :

TAUX DE SUICIDE PAR SEXE, CANADA, 1950-1998

En 1998, 3 699 Canadiens se sont ôté la vie, ce qui représente une moyenne de 10 suicides par jour. Le tableau 5.3 donne une répartition par groupe d’âge. Dans l’ensemble, les suicides réussis ont représenté 2 p. 100 de tous les décès au Canada en 1998.


TABLEAU 5.3

NOMBRE DE SUICIDES ET TAUX DE SUICIDE PAR GROUPE D’ÂGE ET PAR SEXE, CANADA, 1998

GROUPE D’ÂGE

NOMBRE DE Suicides

TAUX DE SUICIDE
(PAR 100 000 HABITANTS)

Total

HOMMES

FEMMES

Total

HOMMES

FEMMES

5-14

15-24

25-34

35-44

45-54

55-64

65-74

75+

46

562

701

895

672

366

260

197

30

457

568

713

513

296

201

147

16

105

133

182

159

70

59

50

1,2

13,5

13,7

19,0

19,2

15,5

14,9

16,5

1,5

21,6

22,1

30,3

29,0

25,9

26,7

31,6

0,8

5,1

5,2

7,7

9,2

5,8

6,0

6,9

Total

3 699

2925

774

12,2

19,5

5,1

* Par 100 000 habitants.

Source : Organisation mondiale de la santé, Suicide Prevention – Country Reports and Charts, Genève, 2003.

Dans chaque groupe d’âge, le taux de suicide chez les hommes était environ quatre fois supérieur à celui enregistré chez les femmes (voir le graphique 5.4).

Selon Langlois et Morrison (2002), le suicide a été la principale cause de décès chez les hommes de 25 à 29 ans et de 40 à 44 ans ainsi que chez les femmes de 30 à 34 ans. Pour les trois groupes d’âge de 10 à 14, 15 à 19 et 20 à 24, il s’agissait de la seconde cause de décès chez les deux sexes, derrière les accidents de la route.[240]

 

 

 Langlois et Morrison (2002) ont également fait ressortir l’existence d’importants écarts d’une province à l’autre en matière de taux de suicide. Ainsi, en 1998, c’est le Québec qui a connu le plus important taux de suicide chez les 10 ans et plus (21,3 morts par suicide par 100 000 habitants),[241] soit nettement plus que la moyenne nationale de 14 décès par suicide pour 100 000 habitants. Le Nouveau-Brunswick et l’Alberta dépassent également la moyenne nationale avec respectivement 16,6 et 16,2 morts par suicide par 100 000 habitants. Terre-Neuve, l’Île-du-Prince-Édouard, l’Ontario et la Colombie-Britannique présentent des taux de suicide nettement inférieurs à la moyenne nationale (voir le tableau 5.5).

Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le taux de suicide au Canada (population en général) se situait au 9e rang parmi ceux de 12 pays industrialisés (voir le graphique 5.6). Les taux comparatif de suicide (en fonction de l’âge) vont d’un faible 7,5 par 100 000 habitants au Royaume-Uni à un énorme 22,5 par 100 000 habitants en Finlande. Le taux de suicide au Canada (12,2 par 100 000 habitants) est plus élevé que celui aux États‑Unis (10,7 par 100 000 habitants). Il faut noter que les comparaisons internationales doivent être interprétées avec prudence car les méthodes d’attestation de décès varient d’un pays à l’autre.

 


Selon les estimations de l’OMS, le suicide est la principale cause de morts violentes dans le monde, loin devant les homicides et les faits de guerre (voir graphique 5.7).

 

5.2.2    Les tentatives de suicides

Nous savons que le nombre de tentatives de suicide dépasse celui de suicides réussis, mais il est difficile d’en déterminer le nombre exact. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’il y a environ 20 tentatives pour chaque suicide réussi. Au Canada, le taux d’hospitalisation sert à calculer le nombre de tentatives de suicide.

En 1998-1999, on a recensé 23 225 hospitalisations de Canadiens âgés de 10 ans et plus reliées à des tentatives de suicide et à d’autres blessures infligées volontairement. Le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les femmes était constamment supérieur à celui des hommes, sauf pour le groupe des 75 ans et plus (voir tableau 5.4). Le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les femmes atteignait un sommet chez les 15 à 19 ans. Le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide chez les hommes atteignait un sommet chez les 20 à 29 ans et chez les 30 à 44 ans. Les hospitalisations pour tentative de suicide étaient moins fréquentes dans les groupes d’âge plus vieux.


TABLEAU 5.4

HOSPITALISATIONS APRÈS UNE TENTATIVE DE SUICIDE,
PAR GROUPE D’ÂGE ET PAR SEXE, CANADA, 1998-1999

(par 100 000 habitants)

GROUPE D’ÂGE

TOTAL

HOMMES

FEMMES

10 - 14

15 - 19

20 - 29

30 - 44

45 - 59

60 - 74

75 et plus

40,8

152,2

117,9

118,3

68,3

25,0

21,0

15,5

87,3

98,0

97,6

55,1

24,7

27,6

67,5

220,8

138,4

139,3

81,3

25,2

17,2

Source : Stéphanie Langlois et Peter Morrison. « Suicides et tentatives de suicide », Rapports sur la santé, Statistique Canada, n° 82-003 au catalogue, vol. 13, no 2, janvier 2002.

5.2.3    Les idées suicidaires

Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (cycle 1.2) de Statistique Canada, environ 3,7 p. 100 des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont eu des idées suicidaires pendant l’année écoulée (voir le tableau 5.5). Les femmes y songeaient 5 p. 100 plus que les hommes (3,8 p. 100 contre 3,6 p. 100). Les idées suicidaires étaient trois fois plus fréquentes chez les Canadiens de 15 à 24 ans que chez ceux de 65 ans et plus (6,0 p. 100 contre 1,7 p. 100).

TABLEAU 5.5

POURCENTAGE DE REPONDANTS AYANT EU DES IDEES SUICIDAIRES AU COURS DES DOUZE DERNIERS MOIS, 2002

GROUPE D’ÂGE

IDÉES SUICIDAIRES (%)

Total, 15 ans et plus

            Hommes

            Femmes

3,7

3,6

3,8

15-24 ans

Hommes

Femmes

6,0

4,7

7,3

25-64 ans

Hommes

Femmes

3,6

3,7

3,4

65 ans et plus

            Hommes

            Femmes

1,7

1,3

n.d.

n.d. : Données non disponibles en raison de la grande variabilité d’échantillonnage.

Source : Division de l’économie, Service d’information et de recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, mars 2004. À partir des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, cycle 1.2, santé mentale et bien-être, 2002.

5.3       GROUPES PARTICULIERS DE LA POPULATION : AUTOCHTONES, SANS-ABRI ET DÉTENUS

Bien que les troubles mentaux touchent les personnes de tous les sexes, de tous les âges et de toutes les cultures, dans tous les corps de métier, de tout niveau d’instruction et de revenu, il semble que leur prévalence est plus élevée dans certains segments de la population que dans d’autres. La présente section fournit des renseignements sur la prévalence des maladies mentales chez les peuples autochtones, les sans-abri et les détenus.

5.3.1     La population autochtone

Nous manquons beaucoup de renseignements sur l’éventail des problèmes de santé mentale (au sein de la population autochtone). À ce jour, aucune étude n’a vraiment utilisé des méthodes épidémiologiques psychiatriques récentes pour évaluer le taux des troubles mentaux dans les collectivités autochtones. Il y a, plutôt, des enquêtes sur la santé concernant la façon dont les gens comprennent leurs problèmes, leur expérience et ce qu’ils estiment être leurs problèmes essentiels. [Dr Laurence J. Kirmayer, département de psychiatrie, Université McGill, témoignages (9:41)]

Bien que les données sur la prévalence des troubles psychiatriques parmi les peuples autochtones soient particulièrement limitées, la documentation affirme en général que les collectivités autochtones connaissent des taux de maladies mentales, de toxicomanies et de comportements suicidaires nettement plus élevés que ceux de la population en général. Voici un résumé des principales études de cas et des constats pertinents en la matière.

·        Dans son rapport daté de 2003 et intitulé Profils de la santé mentale d’un échantillon d’Autochtones de la Colombie-Britannique survivants du régime canadien des pensionnats, la Fondation autochtone de guérison fait état de maladies mentales chez 125 des 127 personnes étudiées. Les troubles mentaux les plus répandus étaient le syndrome de stress post-traumatique (64,2 p. 100), les troubles liés à la consommation de substances psychoactives (26,3 p. 100) et les épisodes dépressif majeur (21,1 p. 100). La moitié des personnes chez qui l’on avait diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique présentaient aussi une co-morbidité avec d’autres troubles mentaux, y compris les troubles liés à la consommation de substances psychoactives (34,8 p. 100), la dépression majeure (30,4 p. 100) et le trouble dysthymique (26,1 p. 100).[242]

·        Le rapport 2002 de Statistique Canada qui porte sur la santé des Autochtones vivant hors réserve révèle que cette population est 1,5 fois plus susceptible que la population non autochtone de subir un épisode dépressif majeur. Ainsi, 13 p. 100 environ des Autochtones résidant hors réserve ont vécu un épisode dépressif majeur dans les 12 mois ayant précédé la tenue de l’enquête, contre 7 p. 100 pour la population non autochtone, ce qui donne à penser que ceux et celles qui résident dans les régions urbaines peuvent se sentir aliénés, isolés, marginalisés et coupés de leur culture.[243]

·        Le projet Flower of the Two Soils (1993) a consisté à étudier le lien existant entre rendement scolaire, les variables psycho‑sociales et la santé mentale chez les enfants autochtones (âgés de 11 à 18 ans) habitant dans divers endroits dans l’ensemble des États-Unis et du Canada. Au Canada, ce sont certains coins du Manitoba et de la Colombie-Britannique qui ont été retenus. Les diagnostics les plus fréquents chez les répondants autochtones étaient les troubles de comportement perturbateur de l’ordre (22 p. 100) et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives (18,4 p. 100), les troubles anxieux (17,4 p. 100), les troubles affectifs, notamment la dépression (9,3 p. 100), et le syndrome de stress post-traumatique (5 p. 100). Près de la moitié des enfants présentant des troubles du comportement et des troubles affectifs ont aussi déclaré avoir des troubles liés à la consommation de substances psychoactives.

·        Les auteurs du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 ont constaté que le taux de suicide chez les Autochtones est à peu près trois fois plus élevé que celui de la population canadienne générale. Chez les jeunes autochtones, le suicide était de cinq à six fois plus fréquent que chez les jeunes non autochtones. La Commission a indiqué que le suicide était la principale cause de décès chez les hommes de 10 à 49 ans.[244]

·        Une étude signée Chandler et Lalonde (1998) – réalisée auprès de 196 communautés autochtones en Colombie-Britannique sur une période de cinq ans – a révélé des écarts considérables d’une communauté à l’autre quant à la prévalence des comportements suicidaires. Celles qui disposaient d’une certaine mesure d’autonomie gouvernementale présentaient les taux de suicide les plus faibles. Les chercheurs ont constaté que les revendications foncières et le niveau d’instruction étaient respectivement le deuxième et le troisième facteurs en importance pour prédire les taux de suicide faibles dans les collectivités autochtones.[245]

Selon les spécialistes du domaine, si une grande partie des cas de maladie mentale, de toxicomanie et de comportement suicidaire dans les collectivités autochtones et non autochtones se ressemblent, il existe en plus dans les collectivités autochtones des facteurs culturels qui influent sur la prise de décision individuelle et sur les idées suicidaires. Parmi ces facteurs culturels, mentionnons les anciennes politiques gouvernementales, la création du système de réserves, le passage d’un mode de vie actif à un mode de vie sédentaire, les répercussions des pensionnats, le racisme, la marginalisation et la projection d’une image de soi détériorée.[246]

5.3.2    Les sans-abri

Il est particulièrement difficile de mesurer la prévalence chez les sans-abri, ainsi que leurs caractéristiques personnelles et leur état de santé. Grâce à son projet Pathways to Homelessness, la ville de Toronto a cependant cherché à évaluer la prévalence des maladies mentales et de la toxicomanie dans ce groupe sur une période de 18 mois. Voici les principaux constats établis quant aux taux de prévalence sur une vie :

·        Près de 66 p. 100 des sans-abri présentaient des diagnostics de maladie mentale pour la vie. Ce taux est deux à trois fois plus élevé que celui de la population en général.

·        Près de 66 p. 100 des sans-abri présentaient des diagnostics de troubles liés à la consommation de substances psychoactives pour la vie (alcool, marijuana et cocaïne en particulier), taux qui sont quatre à cinq fois plus élevés que ceux de la population en général.

·        Quelque 86 p. 100 des sans-abri présentaient, soit un diagnostic à vie de maladie mentale ou de consommation abusive de substances (ce qui est deux à trois fois plus que pour la population en général). Autrement dit, 14 p. 100 seulement des sans-abri ne présentaient aucun symptôme de maladie mentale ou de troubles liés à la consommation de substances psychoactives.

·        Quelque 75 p. 100 des sans-abri dans chaque catégorie de diagnostic de maladie mentale présentaient aussi des troubles liés à la consommation abusive de substances.

·        Le taux de prévalence sur une vie des maladies mentales graves (troubles psychotiques, y compris la schizo­phrénie) était de 5,7 p. 100 et celui des troubles de l’humeur de 38 p. 100.

·        Quelque 22 p. 100 des sans-abri ont indiqué souffrir d’une maladie mentale (4 p. 100) ou de troubles liés à la consommation de substances psychoactives (18 p. 100), raisons pour lesquelles ils s’étaient retrouvés dans la rue.

·        Dans l’année qui a précédé immédiatement leur basculement au statut de sans-abri, 6 p. 100 des personnes concernées avaient fréquenté un établissement psychiatrique, 20 p. 100 avaient été traités pour troubles liés à la consommation de substances psychoactives, 25 p. 100 avaient reçu des services psychiatriques externes et 30 p. 100 avaient fréquenté les postes de police ou avaient été emprisonnés.[247]

Il demeure difficile d’établir un lien de cause à effet entre le statut de sans-abri et la maladie mentale ou la toxicomanie parce que les troubles mentaux peuvent conduire à l’itinérance, mais qu’ils peuvent aussi être provoqués par cette dernière à cause des répercussions traumatiques associées au fait de se retrouver dans la misère et de vivre dans la rue.

5.3.3    La population carcérale

Les recherches confirment que les personnes souffrant de troubles graves de santé mentale sont « trans-institutionnalisées » : les prisons canadiennes ont remplacé les ex-services ou hôpitaux psychiatriques.

[Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Comité, juin 2003, p. 21.]

La population carcérale est un autre groupe où les maladies mentales et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives sont plus répandus que dans la population en général. Une étude réalisée par Boe et Vuong (2002) montre qu’entre 1997 et 2001 le pourcentage de primo-délinquants présentant un diagnostic de maladie mentale à leur admission dans un pénitencier fédéral est passé de 6 p. 100 à 8,5 p. 100, soit 40 p. 100 de plus. Durant la même période, le nombre de primo-délinquants à qui l’on a prescrit des médicaments en vue de traiter des troubles mentaux à leur admission a augmenté de 80 p. 100, pour passer de 10 p. 100 à 18 p. 100.[248]

Les données recueillies par Moloughney (2004) suggèrent qu’au moment de leur admission, une forte proportion de détenus présentent plus fréquemment des troubles liés à la consommation de substances psychoactives que des problèmes d’abus d’alcool (voir le tableau 5.6). Son étude fait ressortir qu’on diagnostique des troubles mentaux chez 3 p. 100 des détenus en moyenne au moment de leur arrivée, la proportion étant plus élevée chez les femmes (de 2,5 à 8,6 p. 100) que chez les hommes (de 1,4 à 3,3 p. 100). À l’occasion d’évaluations psychologiques, on a constaté qu’une moyenne de 7 p. 100 de tous les détenus exigeaient une attention immédiate. Quelque 31 p. 100 des détenues et 15 p. 100 des détenus ont fait état de troubles émotionnels ou de problèmes de santé mentale au moment de leur incarcération et 14 p. 100 de l’ensemble de la population carcérale ont reçu un traitement psychiatrique ou psychologique avant leur incarcération. Des proportions élevées de détenus (21 p. 100 de femmes et 14 p. 100 d’hommes) ont tenté de se suicider dans les cinq années ayant précédé leur incarcération.

Nous ne disposons d’aucune donnée provenant d’études nationales récentes sur les taux de prévalence de certains troubles mentaux chez les détenus des institutions fédérales. Les dernières données disponibles remontent à 1988 dans le cas des hommes et à 1989 dans celui des femmes (voir le tableau 5.7). Ces dernières présentaient une prévalence légèrement plus élevée pour l’ensemble des troubles mentaux que les hommes, à l’exception des troubles de personnalité antisociale.

TABLEAU 5.6

PROPORTION DE DÉTENUS PRÉSENTANTS DES PROBLÈMES DE SANTÉ MENTALE AU MOMENT DE LEUR INCARCÉRATION, 2002

 

HOMMES

FEMMES

Min.

Moyen

Max.

Min.

Moyen

Max.

Abus d’alcool

34,3

45,8

42,1

29,3

49,4

69,6

Abus de drogues

36,4

51,2

51,4

40,1

67,5

78,3

Troubles mentaux

1,4

2,9

3,3

2,5

4,4

8,6

Troubles mentaux/émotionnels exigeant une attention immédiate

4,4

7,3

7,6

6,8

15,4

17,1

Déclaration de troubles mentaux ou émotionnels

11,4

15,7

13,6

17,08

40,4

37,1

Intervention ou hospitalisation récente relative à des troubles mentaux

10,6

14,5

15,3

12,2

24,7

19,6

Signs de depression apparents

9,0

9,7

9,4

8,8

16,2

2,2

Tentative(s) de suicide passée(s)

9,5

14,5

16,4

10,9

23,4

41,3

État suicidaire possible

3,4

5,2

5,5

2,7

5,8

6,5

Remarque : « Min. », « Moyen » et « Max. » représentent le degré de sécurité carcérale (minimum, moyen et maximum).

Source : Brent Moloughney, « A Health Care Needs Assessment of Federal Inmates in Canada », Revue canadienne de santé publique, vol. 95, supplément 1, mars-avril 2004, p. S37.


TABLEAU 5.7

PRÉVALENCE SUR UNE VIE (%) DES TROUBLES MENTAUX
PARMI LES DÉTENUS FÉDÉRAUX, CANADA

TROUBLES

HOMMES (1988)

FEMMES (1989)

Dépression majeure

Anxiété générale

Troubles de dysfonctionnement psychologique

Troubles de personnalité antisociale

Consommation/dependence d’alcool

Consommation/dependence de drogue

13,6

31,9

19,6

57,2

47,4

41,6

32,9

19,7

34,2

36,8

63,2

50,0

Source : Service correctionnel du Canada, mémoire au Comité, avril 2004, p. 9.

Aucune étude n’a été entreprise en vue de déterminer si le taux de prévalence des maladies mentales et des troubles liés à la consommation de substances psychoactives chez les détenus fédéraux a évolué dans le temps. Des responsables du Service correctionnel du Canada estiment toutefois que, d’après les tendances actuelles, le pourcentage de détenus fédéraux souffrant de problèmes et de troubles de santé mentale est en augmentation, même si le nombre d’incarcérations et les effectifs de la population carcérale sont en baisse.[249]

5.4       FARDEAU ÉCONOMIQUE DES MALADIES MENTALES, DE LA TOXICOMANIE ET DU SUICIDE

5.4.1     Le coût des maladies mentales

Stephens et Joubert (2001) ont évalué à 14,4 milliards de dollars le fardeau économique des maladies mentales au Canada en 1998 (les troubles liés à la consommation de substances psychoactives étaient exclus de leur étude); les coûts directs en soins de santé étaient de 6,3 milliards de dollars et les coûts indirects reliés à la perte de productivité et à des décès prématurés atteignaient 8,1 milliards de dollars.[250] Le tableau 5.8 présente l’importance relative des principaux éléments de coût. Les soins en milieu hospitalier sont, de loin, les coûts indirects les plus importants, avec 3,9 milliards de dollars, soit 26,9 p. 100 du fardeau que représentent les maladies mentales.

TABLEAU 5.8

FARDEAU ÉCONOMIQUE DES MALADIES MENTALES AU CANADA, 1998

Élément de coût

En million
de dollars

Pourcentage
du total

Coûts directs (soins de santé) (1):

  • Médicaments
  • Médecins
  • Hôpitaux
  • Autres établissements de soins de santé

6 257

  642

  854

3 874

  887

43,5

  4,5

  5,9

26,9

  6,2

Coûts indirects (productivité faible):

  • Invalidité à court terme(2)
  • Invalidité à long terme
  • Mort prématurée

8 132

6 024

1 708

   400

56,5

40,6

11,9

  2,7 

Total

14 389

100,0

(1)     Cette catégorie comprend aussi les coûts de 278 millions de dollars en services professionnels (travailleurs sociaux et psychologues) occasionnés par les dépressions ou les cas de détresse.

(2)     Attribuable uniquement à la dépression et à la détresse.

Source : Thomas Stephens et Natacha Joubert, « Le fardeau économique des problèmes de santé mentale », Les maladies chroniques au Canada, vol. 22, no 1, 2001.

Le principal élément de coûts indirects est l’invalidité à court terme que les auteurs chiffrent à 6 milliards de dollars, soit quelque 40,6 p. 100 du fardeau économique total. Ils précisent que les résultats de leur étude sous-estiment l’ampleur de la situation à cause des limites que comportent leurs données (seules la dépression et la détresse ont été incluses dans cette enquête).

En 1998, les maladies mentales représentaient 4,9 p. 100 des coûts d’ensemble (directs et indirects) de la maladie au Canada. Ils se classaient ainsi au septième rang de toutes les maladies, derrière les maladies cardiovasculaires (11,6 p. 100), les maladies de l’appareil musculo-squellettique (10,3 p. 100), les cancers (8,9 p. 100), les blessures (8 p. 100), les maladies respiratoires (5,4 p. 100) et les maladies du système nerveux (5,2 p. 100).[251] La même année, les maladies mentales sont arrivées au second rang derrière les maladies cardiovasculaires sur le plan des coûts directs de soins de santé.[252] Pour ce qui est des coûts indirects, elles étaient au quatrième rang des principales causes d’invalidité à long terme, derrière les maladies de l’appareil musculo-squellettique, les maladies du système nerveux et les maladies cardiovasculaires.[253]

Une étude conjointe réalisée par l’Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale et l’Université Harvard – La charge mondiale de morbidité – a estimé que la maladie mentale, suicide y compris, représentait 10,5 p. 100 du fardeau économique total des maladies dans le monde. Selon les chercheurs, cette proportion pourrait atteindre près de 15 p. 100 en 2020.[254] Les chercheurs ont élaboré un indice unique pour permettre la comparaison du fardeau que représente la maladie pour différentes morbidités. Cet indice, connu sous le nom de Années de vie corrigées de l’incapacité (AVCI), désigne le nombre d’années passées sans incapacité et avant un décès prématuré. L’étude a révélé que la dépression majeure unipolaire arrive tout de suite derrière les cardiopathies ischémiques en termes d’AVCI dans les économies de marché établies. Les maladies cardiovasculaires et l’alcoolisme se classent respectivement en troisième et quatrième place en tant que principales causes d’AVCI. La schizophrénie, les troubles affectifs bipolaires, les troubles obsessifs-compulsifs, les troubles de panique et les troubles de stress post-traumatique contribuent aussi énormément au fardeau total de la maladie exprimée en AVCI.[255]

Dans son rapport de 2001, l’OMS souligne que le fardeau économique de la maladie mentale a des répercussions importantes, durables et marquées, répercussions qui demeurent tout de même largement sous-estimées. Le fardeau pour les familles de personnes souffrant d’une maladie mentale est à la fois important et varié : aux difficultés financières s’ajoutent la charge émotionnelle de la maladie, le stress dû au comportement perturbé du malade, le dérèglement de la vie de famille au quotidien et les entraves à la vie sociale.[256]

5.4.2    Le coût de la consummation abusive de substances

En 1992, on estimait à 7,5 milliards de dollars au Canada les coûts totaux (directs et indirects) de l’abus d’alcool, tandis que ceux associés à la consommation de drogues illicites atteignaient quelque 1,2 milliard de dollars (voir le tableau 5.9). Les coûts économiques les plus importants associés à l’abus d’alcool se répartissaient ainsi : 4,1 milliards de dollars au titre de la perte de productivité due aux maladies et aux décès prématurés, 1,4 milliard de dollars pour l’application des lois et 1,3 milliard de dollars en coûts indirects de soins de santé. Dans la même veine, les coûts les plus importants associés à l’abus de drogues illicites étaient la perte de productivité due à la maladie et au décès prématuré (823 millions de dollars), devant l’application des lois (400 millions de dollars) et les coûts directs en soins de santé (88 millions de dollars).


TABLEAU 5.9

LE COÛT DE L’ABUS D’ALCOOL ET DE DROGUES ILLICITES AU CANADA, 1992

 

ALCOOL

DROGUES ILLICITES

Total

Millions de dollars

Coûts directs:

Soins de santé

Milieu de travail (ex. : PAE)

Programmes sociaux

Prévention et recherche

Application des lois

Autres coûts

3 385,6

1 300,6

     14,2

     52,3

   141,4

1 359,1

   518,0

547,9

  88,0

    5,5

    1,5

   41,9

 400,3

   10,7

3 933,5

1 388,6

     19,7

     53,8

   183,3

1 759,4

   528,7

Coûts indirects (perte de productivité due à)::

La mobidité

La mortalité

4 136,5

1 397,7

2 738,8

823,1

275,7

547,4

4 959,6

1 673,4

3 286 2

TOTAL

7 522,1

1 371,0

8 893,1

Source : Eric Shingle, Linda Robson, Xiaodi Xie, Jurgen Rehm et. al., Les coûts de l’abus de substances au Canada, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, 1996 (http://www.ccsa.ca/).

5.4.3    Les coûts du suicide

Jusqu’à présent, nous ne disposons d’aucune donnée sur les coûts économiques que représentent les morts par suicide, bien qu’une étude réalisée en 1996 au Nouveau-Brunswick ait évalué à quelque 850 000 $ les coûts moyens de chaque mort par suicide (coûts directs et indirects).[257]

5.5       OBSERVATIONS DU COMITÉ

On ne dispose actuellement pas de données récentes sur la prévalence et l’incidence de la maladie mentale au Canada qui permettraient de mesurer l’état de santé mentale des Canadiens et de contribuer à l’évaluation des politiques, des programmes et des services dans les domaines de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie. Cette situation constitue un sérieux obstacle pour qui veut établir le besoin et la prestation de traitements et de services appropriés. La publication récente par Statistique Canada de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) a contribué à régler en partie cette situation en fournissant, pour la première fois, un ensemble de données sur certaines maladies mentales, sur les troubles de consommation de substances psychoactives et sur le jeu. Le Comité estime cependant qu’il conviendrait de répéter cette enquête prochainement et d’en élargir la portée à davantage de troubles. Nous estimons, par ailleurs, qu’il conviendrait de réaliser une étude nationale, un peu comme celle prévue en Australie, pour évaluer les taux de prévalence des troubles mentaux chez les enfants et les adolescents.

Le fardeau économique de la maladie mentale, de la toxicomanie et du comportement suicidaire est énorme. De toute évidence, les gouvernements devront prendre les mesures nécessaires pour contenir ou réduire ce genre de fardeau. Le Comité rejoint la Société canadienne de psychologie pour affirmer que la santé mentale est tout aussi fondamentale à une société saine que la santé physique. Nous croyons que le temps est venu d’adopter des politiques et des programmes en santé mentale et en toxicomanie qui traduisent le fardeau social et financier que représentent ces affections pour la société canadienne.

Les coûts indirects attribuables à la maladie mentale et à la toxicomanie – absentéisme et perte de productivité – sont loin d’être négligeables et ils exercent d’importantes pressions sur le milieu de travail. Par rapport aux autres maladies, les coûts indirects des troubles mentaux semblent être plus élevés que les coûts directs en soins de santé qui y sont associés. Dans le chapitre suivant, nous examinerons la prévalence et les conséquences de la maladie mentale et de la toxicomanie en milieu de travail.



CHAPITRE 6:
MALADIE MENTALE, TOXICOMANIE ET TRAVAIL

Les effets de la santé mentale ne sont pas seulement mentaux. […] Ce qui est bon pour la santé mentale d’une personne est bon pour le rendement de l’entreprise.

[Professeur E. Kevin Kelloway, Université Saint Mary’s, Halifax][258]

INTRODUCTION

Le lien entre la santé mentale, la toxicomanie et le travail ne peut pas être qualifié de bidirectionnel. D’une part, la maladie mentale et la toxicomanie sont une grande cause d’absentéisme au travail, de mauvais rendement, de roulement du personnel et de baisse de la productivité. De l’autre, le milieu de travail peut être une grande cause de stress, qui influe sur la santé mentale et le rendement au travail. Certaines formes de stress professionnel peuvent même déclencher des maladies mentales ou des troubles liés à l’usage de substances psychoactives ou les deux.

Quel que soit le sens de la causalité entre la maladie mentale et le travail, les témoins qui ont comparu devant le Comité s’entendent généralement pour dire que le milieu de travail constitue un environnement crucial pour la promotion de la santé mentale, le dépistage précoce de la maladie mentale et de la toxicomanie, ainsi que les mesures d’adaptation et l’intégration des employés souffrant d’un trouble mental. Ces caractéristiques d’un milieu de travail en santé profiteront non seulement aux employés et aux employeurs mais aussi à la société dans son ensemble en augmentant la productivité du Canada et en réduisant le fardeau économique de la maladie mentale.

Le présent chapitre contient neuf sections. La section 6.1 décrit brièvement les avantages de l’emploi et les conséquences du chômage pour les personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie. La section 6.2 résume l’information existante sur la prévalence de la maladie mentale et de la toxicomanie en milieu de travail. La section 6.3 présente quelques données sur le coût de la maladie mentale et de la toxicomanie dans le milieu de travail. La section 6.4 examine la question de l’invalidité attribuable à la maladie mentale et à la toxicomanie. La section 6.5 décrit le rôle des employeurs en ce qui concerne les programmes d’aide aux employés et les mesures d’adaptation en faveur des travailleurs atteints d’une maladie mentale. La section 6.6 résume les témoignages entendus par le Comité au sujet du rôle joué par les gouvernements pour réduire le coût économique de la maladie mentale et de la toxicomanie dans le milieu de travail. La section 6.7 fournit quelques renseignements sur les entreprises créées et dirigées par des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie. La section 6.8 analyse le besoin d’un programme de recherche sur la maladie mentale, la toxicomanie et le travail. La section 6.9 présente les commentaires du Comité.

6.1        LES AVANTAGES DE L’EMPLOI

Récemment, Mme Heather Stuart, professeure au Département de santé communautaire et d’épidémiologie à l’Université Queen’s, a indiqué éloquemment :

… aucune activité ne donne davantage le sentiment d’identité que le travail. Le travail influe sur le mode de vie et le lieu où l’on vit, favorise les contacts sociaux et le soutien social et procure un rang et une identité sociale.[259]

Pour les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie, l’emploi constitue un important facteur de rétablissement. Il peut contribuer au rétablissement et réduire la fréquence et la gravité des épisodes de maladie aiguë en donnant une structure, la possibilité d’interactions sociales et une vie mieux remplie. Par une rémunération régulière, l’emploi peut mettre fin à la dépendance envers l’aide sociale ou réduire cette dépendance et diminuer le besoin de services et moyens de soutien en santé mentale.

En revanche, la perte ou l’absence d’un emploi à cause d’une maladie mentale peut nuire au rétablissement. Le revenu et le niveau de vie diminuent, ce qui crée une dépendance économique et affaiblit l’estime de soi. Il y a également une disparition des contacts personnels avec les collègues de travail, une marginalisation sociale et une modification des rapports avec la famille et les amis.

De nombreuses personnes atteintes de maladie mentale réussissent dans leur travail sans aucune aide particulière. Les progrès récents des traitements et de la pharmacothérapie les rendent davantage en mesure de s’intégrer dans la société et de mener une vie indépendante. Celles qui travaillent contribuent à la productivité et à la compétitivité du Canada. D’autres ont cependant besoin d’aide pour trouver et garder un emploi. Dans ce contexte, la question de la maladie mentale, de la toxicomanie et du travail peut être explorée à partir de trois points de vue différents. Le premier examine les moyens de rendre l’emploi accessible à ceux qui n’ont jamais travaillé. Le deuxième insiste sur la maladie mentale et la toxicomanie qui peuvent frapper des personnes occupant déjà un emploi. Le troisième porte sur ceux qui ont perdu leur emploi à cause d’une maladie mentale ou de la toxicomanie et qui souhaitent réintégrer le marché du travail.

Comme nous l’avons vu au chapitre 4, les troubles mentaux ont tendance à se déclencher à la fin de l’adolescence ou au début de la vie adulte, à un moment où les études et la formation ne sont pas encore terminées. Le processus de préparation à l’emploi est interrompu et, bien souvent, il ne redémarre jamais. Les jeunes touchés sont très désavantagés; l’absence de compétences et de qualifications constitue un important obstacle à leur emploi futur.

Pour ceux qui trouvent du travail, les périodes de retrait de la population active à cause de leur maladie mentale, malgré leur capacité de fonctionner correctement, les empêche souvent de réintégrer le marché du travail. Trois grands obstacles s’appliquent dans ce cas. Premièrement, les personnes visées peuvent faire l’objet de discrimination de la part de leur employeur ou de leurs collègues, ou des deux. Deuxièmement, elles peuvent avoir besoin d’un assouplissement de leurs conditions de travail que les employeurs hésitent à accorder ou ne savent pas comment accorder. Troisièmement, ceux qui se sont retrouvés hors du marché du travail pendant de longues périodes ne possèdent probablement pas le type de compétences, de qualifications et d’expérience de travail qui les rendrait intéressants pour les employeurs.

Le Comité a appris que les taux de chômage chez les personnes atteintes de maladie mentale sont inacceptables. Les études internationales semblent indiquer que le taux de chômage des personnes atteintes de maladie mentale grave et persistante se situe aux alentours de 90 p. 100. Il contraste avec le taux de chômage d’environ 50 p. 100 chez les personnes qui ont un handicap physique ou sensoriel. Autrement dit, seulement 10 p. 100 des personnes ayant un trouble mental grave et souhaitant travailler son jugées capables de le faire et travaillent effectivement.[260]

Au Canada, une brochure de l’Association des psychiatres du Canada révèle que les personnes atteintes d’une maladie mentale courent plus de risque de se retrouver au chômage à long terme, d’être sous-employé ou de recourir à l’aide sociale. L’Association croit que, parmi toutes les personnes atteintes d’une incapacité, les victimes de maladies mentales sont celles qui se heurtent le plus à la stigmatisation et aux obstacles dans leur carrière.[261] Le chômage pose un grand problème : plus on est sans emploi pendant longtemps, moins on a de chances de mener à nouveau une vie professionnelle productive. Les statistiques montrent qu’après six mois de congé pour invalidité, on a 50 p. 100 de chance de retourner sur le marché du travail; ces probabilités ne sont plus que de 20 p. 100 après un an et de 10 p. 100 après deux ans[262].

Deux principaux facteurs rendent la maladie mentale particulièrement problématique en milieu de travail. Premièrement, la maladie mentale frappe habituellement les jeunes travailleurs. Deuxièmement, de nombreuses maladies mentales sont à la fois chroniques et cycliques et exigent donc des traitements périodiques pendant de nombreuses années. Les employeurs et le gouvernement ont un rôle vital à jouer pour résoudre les problèmes de maladie mentale et de toxicomanie en milieu de travail, notamment par des mesures d’adaptation, des programmes de retour au travail et la gestion de l’invalidité.

Loin de l’idée des membres du Comité de sous-entendre qu’il s’agit là d’une tâche aisée ou peu coûteuse pour les employeurs du secteur privé ou pour les gouvernements.

6.2       PRÉVALENCE DE LA MALADIE MENTALE ET DE LA TOXICOMANIE DANS LE MILIEU DE TRAVAIL

Il n’y a actuellement pas au Canada de source unique de renseignements complets et exacts sur la prévalence de la maladie mentale et de la toxicomanie en milieu de travail. Mais l’analyse de la documentation existante donne une idée de l’ampleur du problème :

·        La toxicomanie (alcoolisme et abus de substances) préoccupe gravement dans le secteur manufacturier canadien. Le taux de toxicomanie chez les employés de ce secteur est évalué à presque le double de la moyenne nationale; il pourrait être fortement sous-évalué puisqu’il arrive souvent que la toxicomanie en milieu de travail ne soit pas signalée. Les niveaux d’anxiété et de colère ont nettement augmenté parmi les employés du secteur de la fabrication au cours des trois dernières années. Une enquête a révélé que les troubles de l’anxiété dans le secteur de la fabrication sont plus fréquents dans les populations majoritairement masculines au sein desquelles les problèmes de toxicomanie sont également présents.[263]

·        Par rapport à la moyenne nationale, les taux de dépression et d’anxiété sont élevés dans le secteur des technologies de l’information. Les taux de dépression varient grandement d’une année à l’autre, ce qui témoigne de l’instabilité du secteur de la technologie.[264]

·        Certains groupes de la population active semblent plus vulnérables à la maladie mentale et à la toxicomanie, soit les hommes et les femmes dans la force de l’âge (entre la 10e et la 14e année de service chez le même employeur) et les nouveaux venus sur le marché du travail.[265]

·        Une enquête récente indique que le personnel hospitalier accède de plus en plus aux programmes d’aide aux employés. Le personnel hospitalier est exposé progressivement à un niveau de stress plus élevé que dans les autres secteurs. Cela pourrait s’expliquer en partie par la restructuration des hôpitaux, les réductions d’effectifs et les pénuries de ressources humaines. Traiter le stress dans le secteur hospitalier est peut-être plus important que dans d’autres secteurs car, dans les soins aux malades, les erreurs liées au stress peuvent avoir des conséquences très négatives sur les patients.[266]

·        De même, un sondage mené par l’Association médicale canadienne en 2003 a établi que le stress et l’insatisfaction sont à la hausse chez les médecins. Plus précisément, le sondage a révélé que 45,7 p. 100 des médecins sont en état d’épuisement avancé. De plus, les femmes médecins semblent plus exposées au suicide que la population en général.[267]

·        Par rapport aux autres secteurs, les travailleurs des secteurs du commerce de détail et de l’hôtellerie sont confrontés à des facteurs de stress particuliers dans leur environnement de travail, notamment l’incidence et les risques de vol à main armée. L’incidence de la violence familiale dans le secteur du commerce de détail serait plus du double de la moyenne nationale. Les symptômes de stress et de dépression déclarés par le personnel des secteurs du commerce de détail et de l’hôtellerie sont plus importants que chez les employés de la plupart des autres secteurs. Le personnel du secteur de l’hôtellerie fait un plus grand usage de substances, y compris l’alcool et le tabac, que le personnel d’autres secteurs, et l’incidence du stress et de l’anxiété est plus élevée.[268]

·        L’Association du Barreau canadien a signalé des taux alarmants et croissants de dépression et de toxicomanie chez les avocats. Le taux d’alcoolisme est trois fois plus élevé que dans la population en général. Il semblerait que les heures de travail excessives, la concurrence effrénée et les pressions insistantes des cabinets en vue d’accroître les heures facturables contribuent grandement à ces problèmes.[269]

·        Dans l’ensemble de la population active canadienne, environ 3,5 p. 100 des femmes et 3,0 p. 100 des hommes signalent une détresse psychologique (définie comme la dépression et l’anxiété). La détresse psychologique a tendance à être plus grande chez les travailleurs dont les emplois sont très exigeants mais qui ont peu de latitude pour prendre des décisions. Environ 40 p. 100 des travailleurs dans ces types d’emplois ont affiché des niveaux de détresse psychologique plus élevés (voir le tableau 6.1 ci-dessous).[270]

TABLEAU 6.1

POURCENTAGE DE TRAVAILLEURS CANADIENS SIGNALANT UNE DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE ÉLEVÉE,
EN FONCTION DE LA LATITUDE DANS LES DÉCISIONS PROFESSIONNELLES ET LES EXIGENCES DU TRAVAIL

EXIGENCES DU TRAVAIL

LATITUDE DANS LES DÉCISIONS PROFESSIONNELLES

Grande

Moyenne

Faible

Très faible

Élevées

Modérées

Faibles

Très faibles

27

24

19

16

33

26

20

18

33

30

21

22

40

35

30

20

Source : Kathryn Wilkins et Marie P. Beaudet, « Le stress au travail et la santé » Rapports sur la santé, Statistique Canada, n° au catalogue 82-003, hiver 1998, vol. 10, n° 3, p. 52.

·        Au Québec, une étude menée en 2001 par Renée Bourbonnais et ses collègues a révélé que les personnes qui subissent un stress professionnel risquent deux fois plus que les autres d’avoir une maladie mentale (23 p. 100 au lieu de 11 p. 100 chez les hommes et 30 p. 100 au lieu de 15 p. 100 chez les femmes).[271]

·        Le stress professionnel ainsi que les conflits liés au travail et le harcèlement comptent parmi les huit principales raisons pour lesquelles les employés canadiens demandent de l’aide dans le cadre des programmes d’aide aux employés (PAE). Le stress lié à des problèmes professionnels représente environ 40 p. 100 de tous les dossiers des PAE. Le pourcentage d’employés qui demandent de l’aide à cause de conflits liés au travail est passé de 23 p. 100 en 1999 à près de 30 p. 100 en 2001. Le nombre d’employés qui demandent de l’aide à cause de harcèlement a presque triplé de 1999 à 2001.[272]

·        Aux États-Unis, 40 p. 100 des dossiers des PAE dans plusieurs entreprises de pointe se rapportent à des symptômes de dépression.[273]

6.3       COÛTS ET CONSÉQUENCES DE LA MALADIE MENTALE ET DE LA TOXICOMANIE EN MILIEU DE TRAVAIL

Sur le marché du travail, la productivité peut être reliée à la notion d’invalidité. Plus précisément, moins le travailleur est invalide, plus il est productif et vice versa. La productivité dépend du présentéisme (jours pendant lesquels le travailleur est présent au travail, mais ne donne pas son rendement maximal) et de l’absentéisme (jours pendant lesquels l’employé ne se présente pas au travail).

La maladie mentale et la toxicomanie comptent parmi les plus importantes causes d’absentéisme et de présentéisme dans le monde : l’Organisation mondiale de la santé affirmait dans son rapport de 1998 le nombre de journées de travail perdues à cause de troubles mentaux dépassent désormais celui des journées perdues à cause de maladies physiques.[274] Au Canada, 20 p. 100 des heures normales de travail des employés qui souffrent d’une maladie mentale ou d’une toxicomanie non dépistée ne sont pas productives parce qu’elles ne sont pas travaillées. Ce taux est quatre fois plus élevé que chez leurs collègues de travail.[275]

Comparativement à toutes les autres maladies (comme le cancer et les maladies du cœur), les maladies mentales et la toxicomanie arrivent au premier et au deuxième rang des causes d’invalidité au Canada, aux États-Unis et en Europe de l’Ouest (voir le graphique 6.1). [276] Parmi les dix principales causes d’invalidité dans le monde, cinq sont des troubles mentaux : dépression unipolaire, alcoolisme, trouble bipolaire, schizophrénie et trouble obsessif-compulsif. [277]

Comme nous l’avons indiqué au chapitre 5, la productivité perdue au Canada uniquement à cause des maladies mentales a été évaluée à quelque 8,1 milliards de dollars en 1998.[278] On a évalué récemment que, lorsque l’abus de substances est également pris en considération, l’économie canadienne perd quelque 33 milliards de dollars par année sous forme de productivité perdue à cause de la maladie mentale et de la toxicomanie.[279] Ce montant correspond à 19 p. 100 des bénéfices combinés de toutes les entreprises canadiennes et à 4 p. 100 de la dette nationale.[280] Autrement dit, les entreprises paient les deux tiers de tous les coûts liés à la maladie mentale et à la toxicomanie sous forme de pertes de productivité, d’absentéisme, d’invalidité, de coûts de remplacement des salaires, de primes d’assurance-maladie collective et de médicaments d’ordonnance.[281]

GRAPHIQUE 6.1

CAUSES D’INVALIDITÉ

Canada, États-Unis ET EUROPE DE L’OUEST

Remarque : Causes d’invalidité pour tous les groupes d’âge. Les mesures de l’invalidité se fondent sur le nombre d’années « en santé » perdues à cause d’une santé sub-optimale (soit API, années perdues à cause d’une invalidité).

Source : President’s New Freedom Commission on Mental Health, Interim Report, États-Unis, 29 octobre 2002.Source : President’s New Freedom Commission on Mental Health, Interim Report, États-Unis, 29 octobre 2002.

Dans l’ensemble, les conséquences de la maladie mentale, de la toxicomanie et du stress professionnel en milieu de travail sont nombreuses (voir le tableau 6.2). Le Comité a entendu à maintes reprises que ni les personnes affectées, ni les employeurs, ni la société n’ont intérêt à ignorer l’existence de la maladie mentale, de la toxicomanie et du stress professionnel en milieu de travail et la marginalisation de citoyens qui pourraient être productifs. Étant donné les coûts économiques et sociaux de ces troubles, il est essentiel que les secteurs public et privé s’attaquent de toute urgence au problème.

Tout comme il l’a fait à la section 6.1, le Comité tient à préciser qu’il ne sera certainement pas facile de s’attaquer à ce genre de problèmes, mais c’est pourtant ce qu’il faudra faire au nom des règles économiques et de la compassion.


TABLEAU 6.2

CONSÉQUENCES DE LA MALADIE MENTALE, DE LA TOXICOMANIE ET DU STRESS PROFESSIONNEL EN MILIEU DE TRAVAIL

Absentéisme

·        augmentation des absences pour cause de maladie, en particulier de la fréquence des courtes périodes d’absence

·        mauvaise santé (dépression, stress, épuisement)

·        troubles physiques (hypertension, maladies du cœur, ulcères, troubles du sommeil, éruptions cutanées, maux de tête, mal de cou et lombalgie, faible résistance aux infections)

Présentéisme

·        baisse de la productivité et de la production

·        hausse des taux d’erreur

·        nombre accru d’accidents

·        mauvaises décisions

·        détérioration de la planification et du contrôle du travail

Attitude et comportement du personnel

·        perte de motivation et d’engagement

·        épuisement

·        heures de travail de plus en plus longues pour obtenir des résultats de plus en plus faibles

·        difficulté à remplir les heures de travail

·        roulement de la main-d’œuvre (particulièrement coûteux pour les entreprises aux niveaux élevés de gestion)

Relations de travail

·        tension et conflits entre collègues

·        mauvaises relations avec les clients

·        hausse des problèmes disciplinaires

Source : Gaston Harnois et Phyllis Gabriel, Mental Health and Work: Impact, Issues and Good Practices, publication conjointe de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation mondiale du travail, Genève, 2000, p. 8-9.

6.4       MALADIE MENTALE, TOXICOMANIE ET INVALIDITÉ

Des prestations d’invalidité en cas de troubles psychiatriques devraient être accordées comme elles le sont lorsque l’invalidité découle d’une maladie médicale ou chirurgicale.

[Association des psychiatres du Canada][282]

La nature imprévisible et épisodique de l’invalidité découlant d’une maladie mentale est importante et diffère un peu par rapport à de nombreux autres types d’invalidité. Les personnes atteintes de maladie mentale ont tendance à alterner entre des périodes de maladie et de bien-être. Quand elles n’ont pas de symptômes, elles sont généralement capables de travailler et d’exécuter les tâches courantes de la vie. Durant les épisodes de maladie psychiatrique cependant, elles peuvent être incapables de fonctionner à un niveau leur permettant d’occuper un emploi régulier.

Le Comité a été informé que les prestations d’invalidité attribuables à des maladies mentales dépassent maintenant les prestations relatives aux maladies cardiovasculaires, à titre de catégorie de coûts d’invalidité qui augmente le plus rapidement Canada.[283] À l’heure actuelle, les maladies mentales et la toxicomanie représentent de 60 à 65 p. 100 de toutes les demandes de prestations d’invalidité chez quelques employeurs canadiens et américains.[284] Il est prévu que les demandes de prestations d’invalidité relatives à des problèmes de santé mentale et des maladies mentales pourraient monter à plus de 50 p. 100 du nombre total de prestations administrées par les régimes collectifs d’assurance-maladie au cours des cinq prochaines années.[285]

Les sections qui suivent présentent de l’information sur les prestations d’invalidité liées à la maladie mentale et à la toxicomanie accordées par les régimes d’assurance-invalidité des employeurs, les commissions des accidents du travail, le programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC-I) et l’assurance-emploi (AE).

6.4.1     Les régimes d’assurance-invalidité des employeurs[286]

Il existe deux types de régimes d’assurance-revenu en cas d’invalidité offerts par les employeurs, soit : les régimes d’assurance-invalidité de courte durée (ICD) et les régimes d’assurance-invalidité de longue durée (ILD). Les régimes ICD remplacent un pourcentage (70 p. 100 par exemple) du revenu d’emploi pré-invalidité pour des périodes inférieures à un an (p. ex., six mois). Ils s’harmonisent généralement aux congés de maladie, à d’autres avantages sociaux et aux prestations d’AE, ce qui permet une continuité du revenu en cas de maladie ou de blessure invalidante.

Les régimes ILD portent sur des périodes d’invalidité prolongées. Ils commencent habituellement à verser les prestations après une longue absence, par exemple six mois, et ils remplacent un pourcentage du revenu d’emploi pré-invalidité (par exemple 70 p. 100). Les prestations ILD sont habituellement versées pendant une période maximale de deux ans lorsque la personne est incapable d’exécuter les tâches de sa propre profession, ou plus longtemps, soit jusqu’à un âge maximal de 65 ans ou au début des prestations de retraite, si la personne est incapable d’occuper un emploi raisonnablement comparable. Les prestations ILD versées par le régime de l’employeur peuvent être réduites d’un montant équivalent à celui que le prestataire reçoit du RPC-I.

Les régimes ICD et ILD partagent un important objectif : ils encouragent les prestataires à reprendre le travail, de préférence leurs propres activités professionnelles ou, lorsque cela n’est pas possible, à occuper un autre type d’emploi. Ainsi, pour motiver les prestataires à retourner travailler, ils sont conçus de façon à ce que le revenu de remplacement n’excède pas le revenu pré-invalidité.[287]

Aucune enquête canadienne exhaustive n’a été menée pour obtenir de l’information sur le coût total des prestations ICD et ILD versées par les employeurs relativement à la maladie mentale et à la toxicomanie. L’information fournie au Comité à ce sujet se résume comme suit :

·        Depuis 1994, les troubles dépressifs à eux seuls ont doublé en pourcentage des prestations ICD et ILD et ont augmenté de 55 p. 100 pour toutes les catégories d’absence du travail reliées à une invalidité.[288]

·        De même, une enquête menée en 2002-2003 par Watson Wyatt Worldwide a évalué que la maladie mentale et la toxicomanie constituent la principale cause des prestations ICD, et 73 p. 100 des répondants ont confirmé que ces troubles étaient également la principale cause des prestations ILD.[289]

·        Une analyse de la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health évalue que de 640 000 à 1 075 000 employés à plein temps au Canada sont actuellement en congé d’invalidité à cause d’une maladie mentale faisant l’objet d’un diagnostic primaire ou secondaire. Cela représente une perte de 35 millions de journées de travail pour l’économie canadienne. Autrement dit, la maladie mentale et la toxicomanie représentent 46 p. 100 de toutes les prestations d’invalidité de courte et de longue durée.[290]

Trois questions précises ont été soulevées au sujet des régimes d’assurance-invalidité des employeurs. Premièrement, Watson Wyatt Worldwide, expert-conseil mondial spécialisé dans les ressources humaines et les régimes d’avantages sociaux et d’assurance-maladie collectifs, a souligné que toutes les entreprises devraient examiner leurs prestations ICD et ILD afin d’évaluer correctement l’incidence de la maladie mentale et de la toxicomanie dans leurs milieux de travail. Les résultats de cet examen permettraient de déterminer le type d’intervention nécessaire.[291]

Deuxièmement, il serait important de comprendre l’influence qu’exercent le type et la portée des prestations d’invalidité sur la durée des prestations afin de déterminer les conditions nécessaires pour optimiser les situations individuelles. L’assurance-invalidité ne devrait pas décourager de travailler. Dans ce contexte, l’Association des psychiatres du Canada a expliqué :

Pour de nombreuses maladies, l’assurance-invalidité exige une définition précise de la maladie. Il est important que les patients psychiatriques invalides touchent un revenu suffisant pour se protéger contre de graves ennuis financiers pendant qu’ils ne peuvent pas travailler, mais il est tout aussi important de reconnaître que les prestations d’invalidité constituent un gain secondaire important qui empêche le progrès du patient et retarde son rétablissement. Il y a deux facteurs à prendre en considération : a) l’idée fausse répandue que le travail est nécessairement stressant et risque d’aggraver un trouble psychiatrique diagnostiqué; et b) la reconnaissance du fait que certains patients qui ont subi un trouble psychiatrique grave peuvent souhaiter éviter de s’exposer à ce qu’ils présument être des facteurs stressants au travail, parce qu’ils manquent de confiance malgré une amélioration clinique de leur état. Il faudrait reconnaître que retourner au travail le plus rapidement possible renforcera probablement l’estime de soi du patient, le ramènera dans un réseau social familier et contribuera à son rétablissement. Il a été démontré que la privation du travail peut être une cause de trouble psychiatrique.[292]

Troisièmement, et peut-être surtout, les employeurs, les gestionnaires et les assureurs doivent apprendre à mieux connaître la maladie mentale et la toxicomanie afin de mieux gérer leurs prestations d’invalidité. Dans une allocution récente, Bill Wilkerson, cofondateur et directeur général de Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, déclarait :

Un arrêt de la Cour suprême du Canada qui a fait jurisprudence a porté sur une femme de la Saskatchewan, handicapée par un trouble mental. En congé de maladie, elle recevait des prestations d’invalidité et a dû être hospitalisée. Pendant son hospitalisation, les prestations d’invalidité ont continué à être versées. Après avoir reçu son congé de l’hôpital, les prestations ont été interrompues parce que, aussi difficile à croire que cela puisse l’être, l’hospitalisation établissait les critères de l’admissibilité continue. La Cour suprême a tranché que cette pratique était discriminatoire, parce que les personnes handicapées physiquement restaient admissibles aux prestations lorsqu’elles quittaient l’hôpital et se rétablissaient à la maison.

Les pratiques de l’assureur étaient-elles simplement désuètes ou malveillantes? D’une façon ou de l’autre, l’assureur a été atteint lui aussi par un trouble de perception puisqu’il s’est fait une mauvaise idée ce de que la maladie mentale est ou n’est pas en réalité. On peut supposer qu’il a été déconcerté par la nature des troubles mentaux, par le processus de traitement et par le rôle crucial, voire supérieur, des soins externes et du soutien de la communauté et de la famille dans le rétablissement durable de la patiente.

Je raconte cette histoire non pas pour rabaisser ou critiquer l’industrie de l’assurance en général. Je fais partie de cette collectivité et il y a certainement des exemples de situations où l’industrie de l’assurance-vie et de l’assurance-santé a fait preuve de leadership pour promouvoir la santé mentale. Mon propos a une portée plus large. Cette industrie doit définir son point de vue à partir d’une connaissance des problèmes de santé mentale. Comme les entreprises en général, le secteur de l’assurance a besoin d’être sensibilisé à la santé mentale.

C’est tout particulièrement vrai, par exemple, pour les aspects de la comorbidité de maladies mentales et de maladies physiques chroniques touchant à l’origine et à la durée de l’invalidité; à la complexité, à la durée et aux risques du traitement et du rétablissement; et au rythme et à la date du retour au travail.

Au niveau de la gestion des prestations, l’industrie de l’assurance doit mieux connaître la science médicale de la santé mentale. (…). L’industrie doit acquérir des connaissances sur l’univers grandissant des neurosciences et l’éclairage qu’elles peuvent apporter sur les origines du comportement.[293]

6.4.2    Les commissions des accidents du travail

Dans toutes les provinces et tous les territoires, les commissions des accidents du travail reçoivent un nombre grandissant de demandes de prestations reliées à la santé mentale (« stress professionnel ») et, dans un nombre grandissant de cas, les commissions ont accordé des prestations reliées à une maladie mentale. Un examen des demandes de prestations pour stress professionnel présentées aux commissions a été effectué par l’Association des Commissions des accidents du travail du Canada, afin de découvrir combien de types de demandes étaient déposées tous les ans, si les demandes étaient épisodiques ou chroniques et quel était le montant des prestations versées dans chaque cas. Cet examen s’est avéré très difficile. Dans bien des cas, les commissions ne collectent pas ce type de données ou, si elles le font, les données ne sont pas comparables parce que les définitions employées par les diverses commissions peuvent différer (voir le tableau 6.3). Par conséquent, l’examen n’a pas pu brosser un tableau national du nombre de demandes de prestations découlant du stress professionnel ni des coûts des prestations connexes.[294]

TABLEAU 6.3

COMMISION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL AU CANADA :
COMPARAISON INTERPROVINCIALES DES PRESTATIONS
POUR STRESS PROFESSIONNEL

Alberta

Les prestations pour stress professionnel sont accordées lorsque :

·         il y a un diagnostic confirmé conformément au Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders de l’American Psychiatric Association;

·         les événements ou agents stressants reliés au travail constituent la cause principale de la maladie;

·         les événements reliés au travail sont excessifs ou inhabituels par rapport aux pressions normales que subit un travailleur moyen dans un poste semblable;

·         il y a une confirmation objective des événements.

Colombie-Britannique

Les formes de stress indemnisables comprennent :

·         le stress est causé par un événement traumatique soudain et inattendu;

·         le stress qui découle d’un accident indemnisable, comme une grave anxiété après l’amputation d’une jambe.

Le stress provoqué par les pressions subies dans la vie personnelle et professionnelle quotidienne n’est pas indemnisable.

Manitoba

La définition des accidents et des maladies professionnelles exclut le stress sauf lorsqu’il s’agit d’une réaction aiguë à une situation traumatique.

Nouveau-Brunswick

La définition des accidents et des maladies professionnelles exclut le stress sauf lorsqu’il s’agit d’une réaction aiguë à une situation traumatique.

Terre-Neuve et Labrador

La définition d’un accident au sens de la loi ne couvre le stress que lorsque ce dernier découle d’une réaction aiguë à un événement traumatique soudain et inattendu et exclut le stress découlant des problèmes de relations de travail.

T.N.-O. et

Nunavut

Les demandes de prestations pour stress professionnel sont examinées au cas par cas.

Nouvelle-Écosse

La définition des accidents et des maladies professionnelles exclut le stress sauf lorsqu’il s’agit d’une réaction aiguë à une situation traumatique.

Ontario

Le stress mental est indemnisable lorsqu’il y a une réaction aiguë à un événement traumatique soudain et inattendu découlant de l’emploi et en cours d’emploi.

Le stress mental découlant des décisions d’emploi de l’employeur ne donne pas droit aux prestations.

Île-du-Prince Edouard

La définition des accidents et des maladies professionnelles exclut le stress sauf lorsqu’il s’agit d’une réaction aiguë à une situation traumatique.

Québec

Le stress est indemnisable si le travailleur peut démontrer un lien entre la maladie et le travail ou un risque au travail.

Saskatchewan

Les prestations pour stress professionnel sont prévues expressément lorsqu’il est démontré clairement et de manière convaincante que le stress était excessif et inhabituel; les mesures courantes de relations de travail prises par l’employeur sont considérés normales et non inhabituelles.

Yukon

Le stress post-traumatique est admissible en vertu de la loi; la pratique actuelle consiste à évaluer au cas par cas tous les autres types de demandes de prestations reliées au stress.

Source : Paul Kishchuk, Expansion of the Meaning of Disability, étude commandée par la Yukon Workers’ Compensation Board, mars 2003, p. 12.

Un important problème que soulèvent les prestations des commissions des accidents du travail est le fait qu’il est plus difficile de prouver la genèse d’un trouble mental que d’une maladie physique. Il y a donc une certaine controverse quant à savoir si et comment les troubles mentaux devraient être couverts dans un régime d’indemnisation des accidents du travail. Dans un modèle de maladie professionnelle, l’indemnisation en cas d’invalidité dépend du fait que l’invalidité découle d’une exposition continue à des conditions dangereuses en cours d’emploi. Or, la plupart des modèles étiologiques avancés des troubles mentaux incluent les divers facteurs dont il a été question au chapitre 4, tels que la vulnérabilité génétique, les circonstances du développement et des facteurs neurobiologiques, en plus d’événements de la vie comme un cadre de travail stressant. La pondération relative de chacun de ces aspects n’est pas encore bien comprise pas plus que les liens qui existent entre eux. Certaines commissions des accidents du travail hésitent donc davantage que d’autres à verser des prestations d’indemnité liées à la santé mentale. Elles sont encore à se demander dans quelle mesure des prestations d’invalidité reliées à des troubles mentaux devraient être versées par les régimes d’indemnisation des accidents du travail plutôt que par les régimes d’assurance-maladie.[295]

6.4.3    Les programmes fédéraux de sécurité du revenu

Le programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC-I) est le plus important programme de prestations d’invalidité au Canada. Il est généralement le plus gros payeur de prestations d’invalidité comparativement à d’autres entités comme les commissions provinciales des accidents du travail et les assureurs privés.

Les prestations de RPC-I sont versées aux participants de moins de 65 ans qui souffrent d’une invalidité physique ou mentale « grave et prolongée » (durant au moins un an et empêchant d’occuper un emploi régulier) et qui répondent à certaines exigences particulières au sujet du niveau des revenus et des années de cotisation (des cotisations doivent avoir été versées pendant quatre des six dernières années).

Au cours des deux dernières décennies, on a constaté une forte hausse du nombre de bénéficiaires du RPC-I dont l’invalidité est reliée à une maladie mentale. De 1980 à 2000, la proportion de bénéficiaires recevant des prestations du RPC-I attribuables à des troubles mentaux est passée de 11 p. 100 à 23 p. 100. Les maladies mentales arrivaient au deuxième rang, derrière les maladies du système musculo-squelettique, et touchaient plus fortement les femmes que les hommes. En 2000, les troubles mentaux représentaient également la plus importante cause de prestations d’invalidité RPC-I chez les jeunes bénéficiaires.[296]

Pendant de nombreuses années, les personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie et leurs représentants ont reproché au RPC-I de ne pas correctement tenir compte du problème de la maladie mentale et de l’invalidité. Les préoccupations exprimées sont les suivantes :

·        De nombreuses personnes atteintes de maladie mentale ont une expérience limitée sur le marché du travail. Parce que la maladie mentale frappe souvent au début de l’âge adulte, à un moment où les études ne sont pas achevées, les compétences professionnelles encore limitées et les carrières encore jeunes, un grand nombre de ces personnes ne sont pas admissibles au RPC-I parce qu’elles n’ont pas travaillé un nombre suffisant d’années. Par nécessité, beaucoup d’entre elles demandent l’aide des programmes provinciaux d’assistance sociale.

·        Pour avoir droit aux prestations d’invalidité du RPC-I, le bénéficiaire doit accepter d’être désigné « inapte au travail de façon permanente », se déclarant ainsi tout à fait incapable d’occuper un emploi régulier. En raison de la nature cyclique et imprévisible des troubles mentaux, les personnes souffrant de maladie mentale peuvent travailler, mais souvent seulement à temps partiel; elles ne sont pas nécessairement capables d’assurer leur indépendance financière. Les personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie ont recommandé que le RPC-I verse des prestations partielles ou réduites au lieu de prestations intégrales, afin de leur permettre de travailler à temps partiel et de continuer de toucher une partie des prestations.

·        Étant donné que l’invalidité est actuellement synonyme d’inaptitude permanente au travail, les bénéficiaires du RPC-I hésitent à chercher ou à accepter un emploi, par crainte de perdre leurs prestations. Les personnes touchées sont pénalisées lorsqu’elles cherchent à améliorer leur situation, même si elles ne sont pas capables de retourner travailler dans un emploi régulier à plein temps.

·        Environ 66 p. 100 des premières demandes au RPC-I sont rejetées pour cause d’inadmissibilité et près des deux tiers des personnes dont la première demande est rejetée ne demandent pas un réexamen du dossier. Il se pourrait que la proportion de demandes rejetées soit beaucoup plus élevée dans le cas des personnes souffrant d’une maladie mentale. Certains experts soutiennent que le système est conçu de manière à décourager les gens à demander des prestations auxquelles ils ont droit. C’est particulièrement le cas des personnes atteintes de troubles mentaux qui, en raison de leur maladie, ne sont peut-être pas en mesure de se battre contre le système.[297]

Dans son rapport de 2003, le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes reconnaissait que le RPC-I ne répond pas correctement au problème de la maladie mentale et de l’invalidité. Le Comité a fait quelques recommandations afin que le RPC-I tienne compte de la nature cyclique et imprévisible des maladies mentales. Il recommandait en outre que le gouvernement fédéral élabore, en consultation avec les parties intéressées et les professionnels de la santé, des outils d’évaluation spécifiques à l’égard de ces troubles particuliers, afin de déterminer l’admissibilité au RPC-I.[298]

Dans sa réponse au rapport du Comité de la Chambre des communes, le gouvernement fédéral indiquait que les lignes directrices relatives au RPC-I reconnaissent déjà les invalidités récurrentes et épisodiques, dont les troubles mentaux, et que de nombreuses personnes atteintes de troubles mentaux reçoivent actuellement des prestations du RPC-I. Il ajoutait :

Le gouvernement ne croit donc pas qu’il est nécessaire de modifier les règlements et les directives pour tenir compte des besoins des personnes atteintes de maladies épisodiques ou récurrentes. Puisque la détermination de l’invalidité aux fins du RPC se fonde sur les limitations fonctionnelles qui empêchent une personne de travailler et non seulement sur un diagnostic ou un pronostic médical, le processus d’évaluation peut prendre en compte les répercussions à court et à long termes des maladies récurrentes ou épisodiques sur l’habileté du client à fonctionner en milieu de travail.[299]

Les personnes atteintes de maladie mentale peuvent aussi avoir droit à des prestations d’AE comme source de revenu temporaire de remplacement. Elles ont cependant soulevé quelques préoccupations au sujet de l’AE :

·        En ce qui concerne l’admissibilité à l’AE, les employés qui sont renvoyés pour « mauvaise conduite » ou qui démissionnent de leur emploi « sans motif valable » ne sont pas admissibles aux prestations d’AE. À cause de la stigmatisation, les personnes atteintes d’une maladie mentale cachent souvent leur maladie dans leur milieu de travail. Quand elles éprouvent des difficultés au travail, elles peuvent être renvoyées ou démissionner sous l’influence de leur maladie, mais elles ne pourraient pas demander de prestations d’AE parce qu’elles n’auraient pas signalé leur maladie auparavant.

·        Quand une personne demande des prestations de maladie de l’AE, elle doit obtenir un certificat médical indiquant combien de temps la maladie pourrait durer. La nature imprévisible de la maladie mentale permet difficilement de fournir ce genre de renseignements médicaux.

·        Les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie sont d’avis que l’AE ne devrait pas obliger les personnes atteintes de maladies ou invalidités récurrentes à travailler le nombre supplémentaire d’heures assurables exigé de ceux qui sont considérés comme des nouveaux venus sur le marché du travail. À leur avis, sans cette exonération, les personnes atteintes d’une maladie mentale sont désavantagées injustement. Peu sont en mesure de satisfaire les critères d’admissibilité relatifs au nombre total d’heures assurables exigées des nouveaux travailleurs.

Dans son mémoire au Comité, le Dr Sunil V. Patel, président de l’Association médicale canadienne, a recommandé que le gouvernement fédéral examine RPC-I et les autres politiques fédérales de soutien du revenu afin de s’assurer que la maladie mentale se trouve sur le même pied que d’autres maladies et incapacités chroniques pour ce qui est des prestations.[300]

6.5       RÔLE DES EMPLOYEURS

Les employeurs ont tout à fait intérêt à s’attaquer à la maladie mentale et à la toxicomanie en milieu de travail. Dans l’économie planétaire, l’information et l’innovation sont devenues les clés de la réussite concurrentielle. Or, l’utilisation de ces clés exige des travailleurs qualifiés, motivés et fiables. Le capital humain – la motivation, le savoir, les points de vue, le jugement, la capacité de communiquer,  d’échanger des idées et d’entretenir des liens – est le moteur de l’économie planétaire. Bref, c’est le rendement mental qui fait tourner l’économie mondiale.[301] D’après Bill Wilkerson, cofondateur et directeur général de la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health :

… il incombe aux entreprises de protéger leurs investissements stratégiques dans leurs ressources humaines – leur actif vital – et donc, vu la définition du rendement mental de l’économie dans laquelle nous devons rivaliser, dans la santé émotive et mentale des employés.[302]

Le Comité a entendu à maintes reprises que, vu le fardeau qu’imposent la maladie mentale et la toxicomanie sur la société et les travailleurs et vu le coût croissant de l’invalidité professionnelle, les employeurs doivent mieux faire connaître les maladies mentales et la toxicomanie dans leurs organisations; ils doivent également accorder plus d’attention à l’amélioration de l’accès aux services de traitement et de rétablissement des travailleurs, par l’entremise de leurs PAE. Les employeurs doivent également insister davantage sur la souplesse du travail et sur les mesures d’adaptation à l’intention des personnes qui souffrent d’une maladie mentale.

Certes, le Comité n’a cessé de répéter que les employeurs se doivent d’accomplir tout ce qui est énuméré au paragraphe précédent, mais aucun témoin ne nous a donné une idée de la difficulté de la tâche ni de son coût. Le Comité ne peut donc qu’espérer qu’à la faveur des consultations publiques nationales qui devraient suivre le dépôt de son document sur les enjeux et les options, en novembre 2004, il recueillera des avis sur la façon dont les employeurs pourront effectivement mettre en œuvre les changements suggérés aux paragraphes précédents et sur les coûts à envisager. Tout comme ce fut le cas pour ses rapports antérieurs qui ont recommandé la réforme du système de soins de santé ACTIFS, le Comité est déterminé à ce que son rapport final sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie, qui sera publié en novembre 2005, renfermera des recommandations qui seront à la fois pragmatiques et applicables, plutôt qu’un simple énoncé de pieuses intentions.

6.5.1     Les programmes d’aide aux employés

Les PAE sont des programmes d’employeur visant à atténuer et à contribuer à éliminer divers problèmes en milieu de travail. La source de ces problèmes peut être personnelle (problèmes juridiques, financiers, conjugaux ou familiaux, problèmes de santé mentale et maladies, y compris la toxicomanie) ou professionnelle (conflit au travail, harcèlement, violence, stress, etc.).

Habituellement, les PAE offrent des services de counselling, de diagnostic, d’aiguillage et de traitement. Le personnel de ces programmes possède habituellement un diplôme dans une discipline reliée à la santé mentale ou aux services sociaux (travail social, psychologie, psychiatrie, counselling et/ou thérapie de couple ou familiale). Certains services peuvent aussi être sous-traités à des personnes possédant d’autres titres de compétence et qualifications.

Les services des PAE sont offerts dans des organisations privées et publiques et habituellement administrés en totale indépendance des autres programmes de l’organisation. La confidentialité est la pierre angulaire d’un PAE efficace. L’anonymat des clients, la confidentialité des entrevues, la tenue, le transfert et la destruction des dossiers sont assujettis aux lois fédérales et provinciales applicables, qui régissent la conduite des conseillers. En règle générale, l’information ne peut être divulguée par un conseiller de PAE uniquement lorsque le client a donné par écrit un consentement informé stipulant quelle information sera communiquée et à qui.

Le Comité a appris que de 60 à 80 p. 100 des Canadiens qui travaillent dans une moyenne ou une grande entreprise (plus de 500 employés) ont accès à une forme quelconque de PAE. D’après Rod Phillips, président et directeur général de Les Consultants Warren Shepell, les PAE sont très efficaces; ils sont devenus la principale porte qui donne un premier accès des travailleurs canadiens à des soins en santé mentale et des services de traitement de la toxicomanie :

Dans de nombreux cas, d’après notre expérience, environ 85 p. 100 des gens que nous voyons au cours d’une année reçoivent un traitement suffisant dans le cadre des programmes d’aide aux employés et ne nécessitent aucun autre traitement. Environ 15 p. 100 des gens sont ensuite aiguillés vers des programmes communautaires ou vers le régime de soins de santé public.[303]

Les PAE insistent aussi fortement sur la prévention. Une grande partie du travail effectué avec les employeurs porte sur le mieux-être et d’autres programmes qui appuient un cadre de travail sain favorisant une bonne santé mentale.

Watson Wyatt Worldwide a recommandé que les employeurs sans PAE envisagent de mettre en place de tels programmes pour combattre la maladie mentale et toxicomanie, ainsi que divers autres problèmes. Ces experts-conseils ont fait remarquer que certains assureurs offrent des réductions des primes d’assurance-invalidité aux petits employeurs qui établissent un PAE, habituellement par l’entremise d’un fournisseur recommandé.[304]

Pour les organisations qui ont déjà mis en place un PAE, Watson Wyatt Worldwide recommandait que leurs programmes soient examinés et révisés au besoin afin de mieux répondre aux besoins des employés souffrant d’une maladie mentale et/ou de toxicomanie. Les éléments particuliers à examiner devraient comprendre la nécessité de rapports utiles, les normes de rendement et la rétroaction des utilisateurs. Des examens internes visant à comparer le recours au PAE et les données sur l’absentéisme devraient être effectués par les services d’exploitation afin de déterminer les « pratiques exemplaires » internes qui peuvent être répandues dans l’ensemble de l’organisation. Enfin, Watson Wyatt Worldwide recommandait que les services offerts par le PAE de l’organisation soient communiqués régulièrement aux employés.[305]

Ash Bender et ses collègues (2002) ont prévenu que les PAE ne sont efficaces que lorsque les milieux de travail dans lesquels ils sont implantés encouragent activement des milieux de travail en santé. Autrement dit, il est très important que les employeurs soient bien informés des maladies mentales et de la toxicomanie, afin de lutter efficacement contre la stigmatisation et la discrimination dans leur organisation et d’établir des milieux de travail sains.[306]

Une autre préoccupation soulevée par Bender et al. portait sur le nombre de séances de traitement thérapeutique offertes aux clients des PAE. D’après des données non scientifiques, ces séances auraient diminué considérablement et seraient passées de sept à moins de trois par personne au cours des dix dernières années. Les auteurs concluaient que la probabilité est faible de résoudre efficacement des problèmes graves d’usage de substance ou de maladie mentale par des traitements thérapeutiques.[307] Cette préoccupation exige une attention particulière.

6.5.2    Les mesures d’adaptation

La solution va nécessairement passer par l’implication des milieux de travail. Nous ne pouvons pas considérer les milieux de travail comme une école, comme un hôpital. C’est une entité en soi, c’est une famille en soi avec ses règles et son art d’agir et nous ne pourrons pas le faire sans eux.

[Jean-Yves Savoie, président, Conseil consultatif, Institut de la santé publique et des populations, IRSC (18:6)]

Les mesures d’adaptation désignent « une ou plusieurs modifications du milieu de travail ou des procédures du milieu de travail qui permettent à une personne ayant des besoins spéciaux d’effectuer une tâche[308] ». Alors que les personnes ayant une incapacité physique ont peut-être besoin d’une aide physique ou de changements structuraux du lieu de travail, les personnes ayant un trouble mental ont le plus souvent besoin de mesures d’adaptation sociale et organisationnelle. Ces modifications sont généralement des changements dans la façon dont les choses sont traditionnellement effectuées dans un lieu de travail particulier. Permettre par exemple à quelqu’un ayant une maladie mentale de travailler à des heures flexibles lui permet d’accéder à l’emploi, de la même façon qu’une rampe d’accès permet à une personne handicapée de se déplacer en fauteuil roulant. Ces mesures ne sont pas un traitement préférentiel. Elles signifient simplement un traitement équitable des personnes handicapées.[309]

D’après l’Association des psychiatres du Canada, les mesures d’adaptation devraient être axées sur des mécanismes positifs qui favorisent l’égalité d’emploi. Elles comprendraient les mesures suivantes :

·        Créer un environnement où les mesures d’adaptation sont établies en fonction des besoins individuels de chaque employé.

·        Respecter le désir de confidentialité de l’employé et déterminer précisément la nature et l’ampleur de la confidentialité.

·        Être disposé à se concerter pour résoudre les problèmes.

·        Rendre toutes les mesures volontaires pour l’employé et être prêt à examiner les plans périodiquement pour s’adapter à l’évolution des besoins.

·        Appliquer les politiques classiques avec souplesse.

·        Définir concrètement et précisément les mesures d’adaptation à prendre. Ce serait une bonne idée de les mettre par écrit.[310]

Une étude semble indiquer que le coût des mesures d’adaptation relatives à un employé souffrant de maladie mentale est assez bas – la plupart coûtent bien moins de 500 $. Pour les employés qui reçoivent un traitement efficace, l’employeur économisera de 5 000 $ à 10 000 $ par employé par année en coûts de médicaments sur ordonnance, de congés de maladie et de remplacement du salaire moyen. Les employés diagnostiqués dépressifs qui prennent les médicaments pertinents feront épargner à leur employeur les coûts d’une moyenne de 11 jours par année d’absentéisme.[311]

Une autre étude a révélé que, sur une période de dix ans, 240 personnes ayant une maladie mentale grave ont pu garder un emploi rémunérateur en grande partie grâce à des programmes de réintégration du travail. Ces personnes ont touché 5 millions de dollars de revenus, versé 1,3 million de dollars d’impôts et fait épargner au gouvernement un montant estimatif de 700 000 $ en frais d’aide sociale. Le résultat net a été une hausse de 2 millions de dollars de la richesse collective.[312]

Pour sa part, la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health croit que les employeurs doivent offrir un environnement qui favorise la promotion d’une bonne santé mentale, la sensibilisation à la maladie mentale et à la toxicomanie, le dépistage précoce de la maladie mentale et de la toxicomanie, et l’intégration des employés souffrant d’un trouble mental ainsi que les mesures d’adaptation connexes. À cet égard, la table ronde a publié un plan d’action en 12 étapes pour lutter contre la maladie mentale et la toxicomanie, résumé au tableau 6.3.


TABLEAU 6.3

PLAN D’ACTION EN 12 ÉTAPES POUR LUTTER CONTRE LA MALADIE MENTALE ET LA TOXICOMANIE EN MILIEU DE TRAVAIL

1re étape :   Séance d’information pour renseigner le chef de la direction sur la maladie mentale et la toxicomanie

2e étape :    Dépistage précoce de la maladie mentale et de la toxicomanie

3e étape :    Réforme des PAE et des régimes d’assurance collective

4e étape :    Création d’un milieu de travail qui favorise la santé mentale

5e étape :    Réduction de la surabondance de courriels et de messages téléphoniques

6e étape :    Élaboration de politiques souples de retour au travail

7e étape :    Éducation des gestionnaires et des superviseurs sur les liens entre la maladie mentale et la maladie physique

8e étape :    Réduction des dangers émotifs en milieu de travail

9e étape :    Promotion de politiques de conciliation du travail et de la vie personnelle

10e étape :  Incitation des employés à demander l’aide professionnelle nécessaire

11e étape :  Surveillance de l’état de santé de l’organisation au moyen d’objectifs spécifiques

12e étape :  Élimination des 10 principales sources de stress en milieu de travail.

Source : Adapté de Bill Wilkerson, Mental Health – The Ultimate Productivity Weapon, résumé de l’allocution prononcée au congrès de l’Association pour la prévention des accidents industriels, Toronto, 22 avril 2002, p. 10-14.

La table ronde a rédigé récemment sa carte routière sur la gestion de l’incapacité mentale, qui regroupe la santé physique et la santé mentale dans un même système de santé et de sécurité environnementale. Cette carte routière établit également des normes régissant la politique de retour au travail. Plus précisément :

·        Les employeurs n’ont pas besoin de connaître la nature du diagnostic de la maladie invalidante en cause dans une situation particulière. Cette information est privée et confidentielle.

·        Les employeurs doivent comprendre, appuyer et mettre en place des régimes de retour au travail qui comprendront inévitablement des ajustements personnalisés de la nature du travail ou des heures de travail afin de permettre une transition en douceur.

·        Les employeurs doivent savoir que, même si l’employé revient au travail, il n’est pas rétabli à 100 p. 100 et un retour graduel au travail s’impose pour aider l’employé à se remettre dans le bain, prendre de la vitesse et acquérir de la tolérance et de l’endurance.[313]

La carte routière insiste sur le fait que la responsabilité de faciliter le retour au travail d’un employé incombe également aux syndicats. Ainsi, les syndicats ont le devoir de très bien représenter leurs membres dans les dossiers relatifs à un employé handicapé. C’est particulièrement vrai dans le cas des employés handicapés mentalement et qu’il est question de cessation d’emploi.[314]

Encore une fois, le Comité tient à rappeler à quel point il sera déterminant de tranformer les objectifs principaux et secondaires de la section 6.1 en recommandations réalisables. Cependant, il ne pourra y parvenir que si les travailleurs et les employeurs lui font des suggestions et si on lui donne une idée de ce que pourrait coûter la mise en œuvre des propositions en question.

6.6       RÔLE DES GOUVERNEMENTS

Le Comité a appris que les gouvernements doivent partager le fardeau économique de la maladie mentale et de la toxicomanie en milieu de travail. D’après Rod Phillips, ce partage des coûts devrait s’effectuer au moyen d’encouragements fiscaux :

Les employeurs progressistes subventionnent les lacunes du système public de soins de santé mentale du Canada. Leur investissement dans des programmes de santé mentale à l’intention des employés et des membres de leur famille devrait être encouragé par des encouragements et des allégements fiscaux, le partage des coûts et une prestation conjointe des services. […] L’absence de services de santé mentale publics accessibles au Canada constitue une grande lacune de notre système de santé. Étant donné qu’un fort pourcentage des coûts croissants de la maladie mentale est assumé par les employeurs, il conviendrait grandement que les coûts d’une réduction de ces frais soient partagés entre les employeurs et le gouvernement. À notre avis, la possibilité d’un partage des coûts est mal exploitée et sous-utilisée. J’encourage le Comité à envisager des solutions novatrices.[315]

Pour sa part, l’Association canadienne pour la santé mentale (Division de l’Ontario) a grandement reproché aux gouvernements leur inertie au sujet de la maladie mentale et de la toxicomanie :

On nous a longtemps parlé des prévisions de l’Organisation mondiale de la santé à l’effet que la maladie mentale deviendra d’ici 2020 la principale cause d’absentéisme pour cause d’invalidité. On ne nous a cependant rien dit de l’engagement que prennent habituellement les gouvernements lorsque confrontés à un problème croissant dans le domaine de la santé, en particulier lorsqu’un tel problème touche non seulement l’individu, mais toute la société et même l’économie. On doit considérer [les projections] de l’OMS comme un défi et une provocation et non comme un résultat inévitable.

(…)

Les gouvernements doivent prêcher par l’exemple. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient s’engager à collaborer tout en aidant les entreprises à réaliser leurs objectifs précis de réduction des journées d’invalidité attribuables à la maladie mentale. Cependant, on ne peut y parvenir que si tous les intervenants acceptent de s’attaquer aux conditions qui rendent les gens plus vulnérables à la maladie mentale et qui rendent plus ardu leur rétablissement ou leur rémission.[316]

Lors de ses audiences sur le document concernant les enjeux et les options, le Comité cherchera à recueillir des avis sur la façon dont les gouvernements devraient s’y prendre pour aller dans le sens des responsabilités qu’on veut leur confier, soit de prendre les rênes en main. Les Canadiennes et les Canadiens devront nous indiquer ce que cela veut dire en pratique.

6.7       ENTREPRISES DIRIGÉES PAR DES PERSONNES SOUFFRANT DE MALADIE MENTALE OU DE TOXICOMANIE

Durant ses travaux, le Comité a entendu parler de l’Ontario Council of Alternative Business (OCAB). Cette organisation provinciale appuie la création de débouchés économiques pour les personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie. Elle chapeaute 11 entreprises contrôlées par des personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie qui emploient quelque 600 travailleurs dans des initiatives variées de plusieurs régions de la province.[317]

L’évaluation des entreprises dirigées par des personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie démontre que les personnes souffrant de troubles mentaux, voire de maladies graves et persistantes, peuvent réussir et être concurrentielles dans leur secteur d’activité.[318] Le Comité encourage fortement le développement de ces initiatives.

6.8       PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA SANTÉ MENTALE, LA TOXICOMANIE ET LE TRAVAIL

Les enjeux reliés à la maladie mentale, à la toxicomanie et au travail sont complexes et multiples. Nous sommes confrontés à un problème dont l’ampleur grandit rapidement, qui a d’énormes conséquences financières et qui touche une multitude de parties intéressées. Il n’y a cependant actuellement aucune stratégie coordonnée et exhaustive de recherche, de diffusion de l’information, de mise en œuvre et d’évaluation des résultats. En plus de porter sur la recherche sur la maladie, le traitement et la thérapie, une telle stratégie devrait également examiner le rôle du milieu de travail sur la santé mentale, comment les thérapies et les traitements peuvent être exécutés dans le milieu de travail et à la maison, comment les employeurs et les employés et leur famille peuvent prendre les choses en mains.

La nécessité de multiplier les recherches dans le domaine de la maladie mentale, de la toxicomanie et du travail est ressortie clairement d’un récent atelier organisé conjointement par l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies et l’Institut de la santé publique et des populations des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Cet atelier a permis aux chercheurs de mesurer la nature et la gravité de la maladie mentale et de la toxicomanie en milieu de travail, d’examiner l’état de la recherche au Canada dans ce domaine et d’élaborer un plan de recherche.

Les participants à l’atelier ont identifié de nombreux domaines qui exigent des recherches plus poussées. Ainsi, les recherches viseraient notamment à comprendre les tendances des troubles mentaux chez divers groupes professionnels et secteurs industriels; comprendre le lien entre les régimes d’employeurs et la prévalence et le profil de l’invalidité liée à la maladie mentale; examiner le lien entre le stress au travail et l’apparence d’invalidité; comprendre les effets sur la santé mentale de grandes tendances des pratiques organisationnelles en milieu de travail; déterminer des méthodes efficaces pour améliorer les diagnostics de maladie mentale et les traitements connexes chez les personnes qui travaillent; analyser les politiques et les lignes directrices relatives à l’incapacité professionnelle; et déterminer la portée et la nature de la stigmatisation en milieu de travail.

Le Comité se réjouit de cette initiative des IRSC. Nous espérons que l’atelier permettra d’élaborer un programme qui aidera à mieux comprendre les troubles mentaux et les incapacités qu’ils causent et à définir des pratiques novatrices qui aideraient les employés souffrant de troubles mentaux.

Le Comité a aussi entendu parler d’un plan de recherche appelé « Research and Return on Investment Initiative », initiative conjointe de la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, du Centre de toxicomanie et de maladie mentale et de l’Institute for Work and Health, financée par la CIBC, la Banque TD, la Banque Scotia, RBC, BMO et la Great-West Compagnie d’assurance-vie. Ces recherches ont pour but d’interroger des entreprises canadiennes et américaines et de collecter et échanger de l’information sur les tentatives fructueuses de gérer l’incapacité mentale et le retour au travail de personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie.[319] Le Comité encourage fortement la table ronde et les dirigeants du milieu des affaires à échanger les pratiques exemplaires concernant la gestion de l’incapacité mentale en milieu de travail et l’élaboration de stratégies efficaces de retour au travail.

On se demande encore jusqu’à quel point un employeur devrait être informé de la maladie mentale d’un employé ou est justifié de vouloir se renseigner à ce sujet. Le Comité estime que, dans toute législation moderne, l’invalidité ne devrait pas constituer un motif suffisant pour refuser un emploi à moins que la personne soit clairement incapable de faire le travail. Il a été démontré que la garantie d’un accès rapide et facile aux services de santé mentale et aux moyens de soutien pertinents influe très positivement sur la volonté des employeurs d’offrir un emploi à des personnes souffrant de maladie mentale. De l’avis du Comité, l’incapacité liée à une maladie mentale et à la toxicomanie ne peut plus servir d’excuse pour refuser un emploi à ceux qui veulent et peuvent travailler.

L’incidence de la maladie mentale et de la toxicomanie sur la productivité perdue dont les employeurs doivent payer le prix est incontestablement très grande. La présence de maladies mentales et de la toxicomanie en milieu de travail soulève immédiatement la question suivante : dans quelle mesure ces troubles sont-ils importés par les employés dans leur milieu de travail et dans quelle mesure sont-ils provoqués par le milieu de travail? Il va de soi que la réponse a des conséquences profondes sur les stratégies visant à prévenir et à gérer la maladie mentale et la toxicomanie en milieu de travail; elle pourrait également avoir une grande incidence sur la façon dont devraient être gérées les demandes de prestations d’invalidité liées aux troubles mentaux.

Le Comité croit qu’il faudrait entreprendre d’autres recherches dans le domaine de la maladie mentale, de la toxicomanie et du travail. Par exemple, nous pensons qu’il est important de comprendre l’influence qu’exercent les types et l’ampleur des prestations d’invalidité sur la durée des prestations et de définir les conditions optimales. Il est important de comprendre l’influence qu’exercent des milieux de travail sains et malsains sur l’incidence des demandes de prestations d’invalidité liées à une maladie mentale. Il est également important d’évaluer l’incidence des PAE.

Le Comité est fermement convaincu qu’il est impératif d’offrir des programmes d’éducation et de sensibilisation afin d’informer tous les échelons de l’organisation sur les causes, les symptômes et le traitement de la maladie mentale et de la toxicomanie. Cela permettrait de dissiper la stigmatisation liée aux troubles mentaux. Même si la mise en œuvre de tels programmes ne peut pas garantir que tous les employés chercheront à obtenir un traitement rapide ou que la stigmatisation disparaîtra, elle contribuerait certainement à réduire le stress que subissent ceux qui souffrent de maladie mentale ou de toxicomanie.

Nous convenons également avec les experts que les politiques de retour au travail doivent être examinées et révisées en conséquence. Les troubles mentaux ne s’intègrent pas dans le modèle habituel de l’invalidité; de nombreux employeurs envisagent encore l’invalidité en fonction d’une incapacité physique. Par conséquent, les besoins des employés qui retournent au travail après une absence liée à un problème de santé mentale peuvent être très différents de ceux des employés qui reviennent au travail après avoir subi une chirurgie. Les mécanismes actuels de retour au travail devraient être examinés et modifiés pour tenir compte de ces situations différentes.

De plus, le Comité croit que la culture interne d’une organisation peut faire une énorme différence dans la façon d’aborder la maladie mentale et la toxicomanie en milieu de travail. Les employeurs devraient examiner avec soin tous les problèmes en milieu de travail (harcèlement, relations conflictuelles entre la direction et les employés, etc.) qui provoquent un stress et une hostilité inutiles. Ces situations ont des conséquences négatives sur tous les employés, mais surtout sur ceux qui souffrent d’une maladie mentale ou de toxicomanie. Les employeurs devraient prendre des mesures pour remédier aux problèmes qui ressortent de ces examens.

Enfin, il faut donner suite à la préoccupation exprimée par beaucoup, soit la nécessité de revoir le RPC-I et l’AE afin de tenir compte de la nature cyclique et imprévisible des troubles mentaux. Le gouvernement fédéral devrait également chercher une façon de partager plus équitablement avec les employeurs les coûts de la maladie mentale et de la toxicomanie.

[184]   Santé Canada, Unité de la promotion de la santé mentale, Promouvoir la santé mentale, c’est promouvoir le meilleur de nous-mêmes – Foire aux questions. (http://www.hc-sc.gc.ca/hppb/sante-mentale/psm/questions.html).


[185]   Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, Appel à l’action – Dégager un consensus à l’égard d’un plan d’action national sur la maladie mentale et la santé mentale, 2000, document de discussion, p. 7. (http://www.camimh.ca/cfa/francais/FrenchCAMIMH2003.pdf)

[186]   Thomas Stephens et al., « Mental Health of the Canadian Population: A Comprehensive Analysis », Chronic Diseases in Canada, vol. 20, n° 3, 1999.

[187]   Association des psychiatres du Canada, La jeunesse et les maladies mentales http://www.cpa-apc.org/MIAW/pamphlets/Youth_fr.asp, sans date.

[188]   Le système de classification du DSM ne porte que sur les troubles psychiatriques et exclut toute autre catégorie de maladie. Le DSM d’usage courant actuellement au Canada est une révision de la quatrième édition (DSM-IV-TR). La cinquième édition (DSM-V) devrait paraître bientôt. La CIM-10, la dixième édition du système CIM, qui porte sur toutes les maladies et conditions de santé, est adoptée actuellement dans l’ensemble du Canada. Elle remplace la CIM-9 qui, jusqu’à récemment, constituait le système standard de diagnostic dans les hôpitaux et les organisations de santé du Canada. Les systèmes de classification DSM et CIM sont tous les deux mis à jour périodiquement par des experts, afin de préciser l’exactitude des diagnostics et d’intégrer les nouvelles données scientifiques.

[189]   Association canadienne pour la santé mentale, Les maladies mentales, pamphlet, sans date.

[190]   D’après des renseignements affichés sur le site Internet de la Société pour les troubles de l’humeur du Canada (http://www.mooddisorderscanada.ca/).

[191]   D’après des renseignements affichés sur le site Internet de l’Association canadienne des troubles anxieux (http://www.anxietycanada.ca/).

[192]   British Columbia Schizophrenia Society, Basic Facts About Schizophrenia, avril 2002.

[193]   United States Surgeon General, Mental Health: A Report of the Surgeon General, 1999, p. 167.

[194]   Les troubles de la personnalité comprennent les troubles de la personnalité limites, antisociale, histrionique, narcissique, évitante, dépendante, schizoïde, obsessio-compulsive et schizotypique.

[195]   Paula Stewart, Rapport sur les maladies mentales au Canada, http://www.hc-sc.gc.ca/pphb-dgspsp/publicat/miic-mmac/pdf/men_ill_f.pdf, Santé Canada, octobre 2002, p. 70.

[196]   Paula Stewart (2002), p. 72-73.

[197]   Association canadienne pour l’obtention de services aux personnes autistiques, What is Autism?.

[198]   National Institute of Mental Health, Briefing Notes on the Mental Health of Children and Adolescents, United States, sans date. (www.nimh.nih.gov).

[199]   Association canadienne pour la santé mentale, Les enfants et les troubles déficitaires de l’attention, http://www.cmha.ca/french/info_centre/mh_pamphlets/mh_pamphlet_17.htm, Série de dépliants, sans date.

[200]   US Surgeon General Report (1999), p. 144.

[201]   Centre canadien de ressources sur la maladie d’Alzheimer, 

      http://www.alzheimercentre.ca/francais/default.htm.

[202]   Sonya Norris, La maladie d’Alzheimer, PRB 02-39F, Bibliothèque du Parlement, 2 octobre 2002.

[203]   Fred J. Boland et al., Syndrome d’alcoolisme fœtal : répercussions pour le service correctionnel, http://www.csc-scc.gc.ca/text/rsrch/reports/r71/r71e_f.shtml , Services correctionnels Canada, juillet 1998.

[204]   Colleen Hood, Colin Mangham, Don McGuire et Gillian Leigh, Explorer les liens la santé mentale et l’usage de substances, Section I (« Document de travail » et Section II, (« Table ronde ») Santé Canada, 1996, p. 44. (http://www.hc-sc.gc.ca/hecs-sesc/sca/pdf/discus_f.pdf)

[205]   Santé Canada, Meilleures pratiques – Troubles concomitants de santé mentale et d’alcoolisme et de toxicomanie , http://www.hc-sc.gc.ca/hecs-sesc/sca/pdf/concomitantsmeilleurespratiques.pdf, 2002, p. 8.

[206]   Ibid., p. 102-103.

[207]   BC Partners for Mental Health and Addictions Information, “What is Addiction?”, The Primer – Fact Sheets on Mental Health and Addiction Issues, (http://mentalhealthaddictions.bc.ca/).

[208]   Santé Canada (1996), p. 33.

[209]   Paula Stewart (2002), p. 22.

[210]   Santé Canada, , Meilleures pratiques – Troubles concomitants de santé mentale et d’alcoolisme et de toxicomanie , http://www.hc-sc.gc.ca/hecs-sesc/sca/pdf/concomitantsmeilleurespratiques.pdf, 2002.

[211]   Association canadienne pour la santé mentale – Division de l’Ontario, Dual Diagnosis: People with Developmental Disability and Mental Illness – Falling Through the Cracks, fiche documentaire, 1998.

[212]   BC Partners for Mental Health and Addictions Information, “Suicide: Follow the Warning Signs”, The Primer – Fact Sheets on Mental Health and Addictions Issues.

[213]   D’après les données de l’Association canadienne pour la santé mentale – Ontario Division (http://www.ontario.cmha.ca/).

[214]   The Merck Manual on Diagnosis and Therapy, “Suicidal Behaviour”, Section 15, Chapter 190.

[215]    Santé Canada, Examen des meilleures pratiques de la réforme des soins de la santé mentale, http://www.hc-sc.gc.ca/hppb/sante-mentale/pubs/bp_review/f_index.html, préparé pour le Réseau de consultation sur la santé mentale fédéral, provincial et territorial, 1997.

[216]   Collège des médecins de famille du Canada et Association des psychiatres du Canada, Shared Mental Health Care in Canada – A Compendium of Current Projects, printemps 2002.

[217]   Pour de plus amples renseignements, voir le site Internet d’ICIC

      (http://www.improvingchroniccare.org./).

[218]   Mental Health and Addictions, Ministry of Health Services, gouvernement de la Colombie-Britannique, mémoire au Comité, 9 septembre 2003, p. 7.

[219]   BC Partners for Mental Health and Addictions Information, « Mental Health and Addictions Information Plan for Mental Health Literacy », The Primer - Fact Sheets on Mental Health and Addictions Issues, Colombie-Britannique.

[220]   Ibid.

[221]   Paula Stewart, The Development of a Canadian Mental Illnesses and Mental Health Surveillance System: A Discussion Paper, préparé pour l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, 1999 (inédit).

[222]   Forum provincial des présidents de groupes d’étude sur la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale, The Time is Now: Themes and Recommendations for Mental Health Reform in Ontario, décembre 2002, p. 21.

[223]   L’enquête nationale australienne sur la santé mentale et le bien-être a porté sur les troubles anxieux suivants : trouble panique, agoraphobie, phobie sociale, trouble de l’anxiété généralisée, trouble obsessif-compulsif et syndrome de stress post-traumatique. Elle a aussi porté sur les troubles affectifs suivants : dépression, dysthymie, manie, hypomanie et trouble bipolaire. De plus, cette enquête s’est penchée sur les troubles de consommation d’alcool et sur ceux liés à la consommation de drogues, tant pour ce qui est de la nocivité que de la dépendance. Pour plus d’informations à ce sujet, consulter le site Internet du Bureau australien de la statistique, à l’adresse :

      (http://www.abs.gov.au/Ausstats/abs@.nsf/0/3F8A5DFCBECAD9C0CA2568A900139380?Open).

[224]   Les données sur les jeux de hasard sont analysées en détail par Katherine Marshall et Harold Wynne dans « Contre vents et marées », L’emploi et le revenu en perspective, Statistique Canada, no 75-001-XIE au catalogue, vol. 4, no 12, décembre 2003, p. 5-13 (http://www.statcan.ca/).

[225]   Paula Stewart et al., Rapport sur les maladies mentales au Canada, publié par Santé Canada, octobre 2002.

[226]   Organisation mondiale de la santé, La santé mentale : Nouvelle conception, nouveaux espoirs, 2001, p. 23.

[227]   Ibid.

[228]   OMS (2001), p. 24.

[229]   OMS, World Mental Health Survey Consortium, « Prevalence, Severity, and Unmet Need for Treatment of Mental Disorders in the World Health Organization World Mental Health Surveys », Journal of the American Medical Association, vol. 291, no 21, 2 juin 2004, p. 2581-2590.

[230]   Données citées par Charlotte Waddell et. al., in Child and Youth Mental Health: Population Health and Clinical Services Considerations, Mental Health Evaluation and Community Consultation Unit, Department of Psychiatry, Université de la Colombie-Britannique, avril 2002, p. 15.

[231]   Dr Joseph H. Beitchman, psychiatre en chef, Hôpital pour enfants de Toronto, mémoire au Comité, 30 avril 2003, p. 7.

[232]   Charlotte Waddell et al., « Child Psychiatric Epidemiology and Canadian Public Policy-Making: The State of the Science and the Art of the Possible », Canadian Journal of Psychiatry, vol. 47, n° 9, novembre 2002, p. 825-832.

[233]   Dr David Conn, coprésident, Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées, mémoire au Comité, 4 juin 2003, p. 4-6.

[234]   Société Alzheimer du Canada, mémoire au Comité, 4 juin 2003, p. 3.

[235]   Margaret Gibson, Department of Psychology, University of Western Ontario, mémoire au Comité, 4 juin 2003, p. 2.

[236]   Dr David Conn (4 juin 2003), p. 5.

[237]   Défense nationale, Enquête de Statistique Canada sur la santé mentale dans les FC : Une « étape clé », 2003.

[238]   Santé Canada, Fetal Alcohol Spectrum Disorder, Mémoire au Comité, 30 avril 2003.

[239]   Association canadienne pour la santé mentale – Division de l’Ontario, Dual Diagnosis: People with Developmental Disability and Mental Illness – Falling Through the Cracks, feuillet d’information, 1998.

[240]   Stéphanie Langlois et Peter Morrison, « Suicides et tentatives de suicide », rapports sur la santé, Statistique Canada, n° 82-003 au catalogue, vol. 13, no 2, janvier 2002.

[241]   À l’exception des territoires.

[242]   Fondation autochtone de guérison, Profils de la santé mentale d’un échantillon d’Autochtones de la Colombie-Britannique survivants du régime canadien des pensionnats, collection recherche, Ottawa, 2003.

[243]   Statistique Canada, « La santé des Autochtones vivant hors réserve », Le Quotidien, 27 août 2002.

[244]   Commission royale sur les peuples autochtones, Choisir la vie : Un rapport spécial sur le suicide chez les Autochtones, 1995.

[245]   J.J. Chandler et C. Lalonde, « Cultural Continuity as an Hedge Against Suicide in Canada’s Fisrt Nations », Transcultural Psychiatry, vol. 35, no 2, 1998, p. 191-219.

[246]   Laurence J. Kirmayer, Gregory M. Brass et Caroline L. Tait, « The Mental Health of Aboriginal Peoples: Transformations of Identity and Community », La Revue canadienne de psychiatrie, vol. 45, septembre 2000, p. 607-616.

[247]   Mental Health Policy Research Group, Mental Illness and Pathways into Homelessness: Proceedings and Recommendations, Toronto, 1998. Des constats semblables ont été dressés par Stephen W. Hwang, « Homelessness and Health », dans Journal de l’Association médicale canadienne, vol. 164, no 2, p. 229-233, 23 janvier 2001.

[248]   Roger Boe et Ben Vuong, « Les tendances en matière de santé mentale parmi les détenus sous responsabilité fédérale », FORUM, recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 14, no 2, mai 2002.

[249]   Service correctionnel du Canada, mémoire au Comité, avril 2004, p. 13.

[250]   Thomas Stephens et Natacha Joubert, « Le fardeau économique des problèmes de santé mentale », Les maladies chroniques au Canada, vol. 22, no 1, 2001.

[251]   Santé Canada, Le fardeau économique de la maladie au Canada, 1998, gouvernement du Canada, 2002.

[252]   Ibid.

[253]   Ibid.

[254]   Le National Institute of Mental Health a fort bien synthétisé les informations existantes sur le fardeau de la maladie dans le monde, dans The Impact of Mental Illness on Society, janvier 2001. Ce feuillet d’information est accessible à l’adresse www.nimh.nih.gov.

[255]   Ibid.

[256]   OMS (2001), p. 24-25.

[257]   Dale Clayton et Alberto Barceló, « Coût de la mortalité par suicide au Nouveau-Brunswick, 1996 », Maladies chroniques au Canada, vol. 20, no 2, 1999, p. 89-93.

[258]   E. Kevin Kelloway, Ph.D., professeur de gestion et psychologie, Université Saint Mary’s (Halifax, Nouvelle-Écosse), mémoire au Comité, 2004.

[259]   Heather Stuart, Stigma and Work, document de travail commandé pour l’atelier appuyé par l’Institut de la santé publique et des populations et l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des Instituts de recherche en santé du Canada, avril 2004, p. 80.

[260]   Gaston Harnois et Phyllis Gabriel (2000), Mental Health and Work: Impact, Issues and Good Practices, publication conjointe de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation internationale du travail, Genève, 2000, p. 19.

[261]   Association des psychiatres du Canada, La maladie mentale et le travail, http://www.cpa-apc.org/MIAW/pamphlets/Work_fr.asp, brochure affichée sur Internet (consultée le 15 juin 2004).

[262]   Ontario Medical Association, Mental Illness and Workplace Absenteeism: Exploring Risk Factors and Effective Return to Work Strategies, avril 2002.

[263]   D’après un échantillon de 136 entreprises comptant 54 050 employés. Données tirées de Les Consultants Warren Shepell, Analyse du secteur : Les tendances en matière de santé organisationnelle et de mieux-être dans le secteur de la fabrication, mars 2003 (affiché sur www.warrenshepell.com). http://www.warrenshepell.com/francais/recherche/recherche.asp#

[264]   D’après un échantillon de 153 organisations comptant 86 000 employés au Canada. Données tirées de Les Consultants Warren Shepell, Analyse du secteur : Les tendances en matière de santé organisationnelle et de mieux-être dans le secteur de la technologie, février 2003 (affiché sur www.warrenshepell.com). http://www.warrenshepell.com/francais/recherche/recherche.asp#

[265]   Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, Roundtable Roadmap to Mental Disability Management in 2004-2005, 25 juin 2004, p. 4.

[266]   Les Consultants Warren Shepell, Analyse du secteur : Les tendances en matière de santé organisationnelle et de mieux-être dans le secteur hospitalier, hiver 2004 (affiché sur www.warrenshepell.com). http://www.warrenshepell.com/research/latest.asp#

[267]   Dr Sunil V. Patel, président, Association médicale canadienne, mémoire au Comité, 31 mars 2004, p. 4.

[268]   Les Consultants Warren Shepell, Analyse du secteur : Les tendances en matière de santé organisationnelle et de mieux-être dans les secteurs du commerce de détail et de l’hôtellerie, hiver 2004 (affiché sur  http://www.warrenshepell.com/research/latest.asp#).

[269]   Bill Wilkerson, Since September 11th – The Business State of Mind: Mental Health in the Knowledge Economy, allocution à la conférence « Beyond Awareness » (A Campaign to Reduce the Stigma of Mental Illness), 6 février 2002, p. 7.

[270]   Kathryn Wilkins et Marie P. Beaudet, « Le stress au travail et la santé » Rapports sur la santé, Statistique Canada, n° au catalogue 82-003, hiver 1998, vol. 10, n°. 3, p. 52-53.

[271]   Renée Bourbonnais, Brigitte Larocque, Chantal Brisson et Michel Vézina, « Contraintes psychosociales du travail », dans Portrait Social du Québec, Institut de la Statistique du Québec, 2001, p. 267-277.

[272]   Les Consultants Warren Shepell, Workplace Trends Linked to Mental Health Crisis in Canada, communiqué, 15 novembre 2002.

[273]   Bill Wilkerson, A Business Charter for Mental Health an Addiction in the Knowledge Economy, allocution devant l’Ontario Public Service Commission and Management Board, 25 septembre 2002, Toronto, p. 9.

[274]   Organisation mondiale de la santé, La vie au 21e siècle : Une perspective pour tous, Genève, 1998. http://www.who.int/whr2001/2001/archives/1998/index_fr.htm

[275]   Bill Wilkerson, Text of Speech, Warren Shepell Consultants Business Forum, 16 octobre 2002, p. 14.

[276]   President’s New Freedom Commission on Mental Health, Interim Report, États-Unis, 29 octobre 2002.

[277]   Ibid.

[278]   D’après des calculs effectués par Thomas Stephens et Natacha Joubert, « Le fardeau économique des problèmes de santé mentale au Canada », Maladies chroniques au Canada, vol. 22, n° 1, 2001. http://www.hc-sc.gc.ca/pphb-dgspsp/publicat/cdic-mcc/22-1/index_f.html

[279]   Martin Shain et. al., Mental Health and Substance Use at Work: Perspective from Research and Implications for Leaders, document de travail préparé pour la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, 14 novembre 2002 (inédit).

[280]   Évaluations de la Division de l’économie, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement.

[281]    Bill Wilkerson (6 février 2002), p. 8.

[282]   Association des psychiatres du Canada, Insurability of the Psychiatrically Ill or Those With a Past History of Psychiatric Disorder, énoncé de position, 1988.

[283]   Mental Health Works, Mental Health in the Workplace: Facts and Figures, Association canadienne pour la santé mentale – division de l’Ontario, 2003.

[284]   Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health (25 juin 2004), p. 14.

[285]   Bill Wilkerson, Mental Health – The Ultimate Productivity Weapon, résumé de l’allocution prononcée au congrès de l’Association pour la prévention des accidents industriels, Toronto, 22 avril 2002, p. 5.

[286]   Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section se fondent sur le document suivant : Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes Inc., Le rôle des régimes d’assurance invalidité dans le système canadien de protection du revenu en cas d’invalidité, mémoire au Sous-comité de la Chambre des communes sur la condition des personnes handicapées, mai 2003. http://www.clhia.ca/fr/submissions_fr/2003/Chambre%20des%20communes.pdf

[287]   Les régimes d’assurance-revenu en cas d’invalidité font souvent partie d’un régime collectif d’avantages sociaux comportant des garanties d’assurance-maladie complémentaire (qui peuvent couvrir les médicaments sur ordonnance, les soins infirmiers spéciaux et des services spéciaux qui ne sont pas couverts par les régimes d’État comme les services de psychologues agréés, de chiropraticiens, de massothérapeutes, etc.).

[288]   Bill Wilkerson (6 février 2002), p. 7.

[289]   Watson Wyatt Worldwide, Addressing Mental Health in the Workplace, juin 2003.

[290]   Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, “Full-Time Employees in Canada Losing 35 Million Days of Work a Year Due to Mental Disorders; Half of All Days Lost to Illness and Disability”, communiqué, 14 juillet 2004.

[291]   Watson Wyatt Worldwide, Addressing Mental Health in the Workplace, juin 2003.

[292]   Association des psychiatres du Canada (1988), op. cit.

[293]   Bill Wilkerson, Notes for Remarks, 55e Assemblée annuelle de l’Association canadienne des directeurs médicaux en assurance-vie, 17 mai 2004, p. 9.

[294]   Association des Commissions des accidents du travail du Canada, Occupational Disease and Occupational Stress Legislation and Policies, 1998.

[295]   Carolyn S. Dewa, Alain Lesage, Paula Goering et Michèle Caveen, The Nature and Amplitude of Mental Illness in the Workplace, document de travail commandé par l’atelier appuyé par l’Institut de la santé publique et des populations et l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des Instituts de recherche sur la santé du Canada, avril 2004, p. 2-19.

[296]   Bureau de l’actuaire en chef, Régime de pensions du Canada – Étude d’expérience des bénéficiaires des prestations d’invalidité, Étude actuarielle n° 1, novembre 2002. http://www.osfi-bsif.gc.ca/fra/bureau/actuaires/docs/CPP_Disability_Paper_f.pdf

[297]   Wendy Steinberg, Exposé de principe sur les programmes fédéraux de sécurité du revenu, document préparé pour l’Association canadienne pour la santé mentale, décembre 2001.

      http://www.cmha.ca/french/politiquedefensededroits/images/f_fed_income.pdf

[298]   Sous-comité de la condition des personnes handicapées (Dr Carolyn Bennett, présidente), À l’écoute des Canadiens : Une première vision de l’avenir du Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, juin 2003. /Infocomdoc/37/2/sper/studies/reports/humarp05-f.htm

[299]   Développement des ressources humaines Canada, Réponse du gouvernement du Canada au rapport intitulé « À l’écoute des Canadiens : une première vision de l’avenir du Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada », novembre 2003, p. 24.

      http://www.dsc.gc.ca/fr/psr/pub/rpc/invalidite/5erapport/5ereport.pdf

[300]   Dr Sunil V. Patel, président, AMC, mémoire au Comité, 31 mars 2004, p. 3.

[301]   Bill Wilkerson (6 février 2002), p. 6.

[302]   Bill Wilkerson (6 février 2002), p. 8.

[303]   Rod Phillips (18:9).

[304]   Watson Wyatt Worldwide, Addressing Mental Health in the Workplace, juin 2003.

[305]   Ibid.

[306]   Ash Bender et al., Mental Health and Substance Use at Work : Perspectives from Research and Implications for Leaders, document de travail préparé pour la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, 14 novembre 2002.

[307]   Ibid.

[308]   Lana M. Frado, La diversité ça marche : l’accommodation en milieu de travail pour les personnes ayant une maladie mentale, Association canadienne pour la santé mentale, 1993, p. 7.

      http://www.cmha.ca/english/routes/images/diversity_works_french.pdf

[309]   Lana M. Frado (1993), p. 9.

[310]   Association des psychiatres du Canada, op. cit.

[311]   Mental Health Works (2003), op. cit.

[312]   Gaston Harnois et Phyllis Gabriel (2000), op. cit., p. 47.

[313]   Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health (25 juin 2004), p. 11.

[314]   Ibid., p. 23.

[315]   Warren Shepell, “Warren Shepell Calls for Tax Incentives to Support Employer Mental Health Programs”, Communiqué, 12 juin 2003.

[316]   Association canadienne pour la santé mentale (Division de l’Ontario), mémoire au Comité, 12 juin 2003, p. 7-8.

[317]   Des renseignements supplémentaires sont affichés à http://www.icomm.ca/ocab/.

[318]   Heather Stuart (avril 2004), p. 84.

[319]   Honorable Michael Wilson, Text of Remarks, Atelier des CIHR-IRSC, 28 avril 2004.


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